N°120 ZIBELINE 14.09.18 JUSQU’AU Mensuel culturel engagé du Sud-Est Les festivals LES EXPOS ET PLEIN D’AUTRES CHOSES

... bientôt HEBDO !

ZIBELINE Collector...

- 120 - F: - RD 3€ L 11439 3,00 Adolph Hitler visite Grevenburg (Detmold) Heinrich Hoffmann sur les marches, 15 janvier 1936 sur les marches, (Detmold) Heinrich Hoffmann Adolph Hitler visite Grevenburg archive) Munich / Picture (Bavarian State Library, © Bayerische Staatsbibliothek, München / Bildarchiv

EXPOSITION DU 27l06 AU 23l09 2018 Espace d’art photographique Esplanade Charles–de-GaulleMontpellier

PHOTOGRAPHIES UN DICTATEURDE HEINRICH HOFFMANN EN IMAGES REGARDS SUR LES EXPOSITION l06 DU 27l0609 2018 GHETTOS AU 16PHOTOGRAPHIESl09 2018 DE PROPAGANDE ALLEMANDE Espace d’artET photographique DES PHOTOGRAPHES JUIFS DES GHETTOS Esplanade Charles–de-Gaulle MontpellierD’EUROPE ORIENTALE (OCTOBRE 1939 – AOÛT 1944) George Kadish “ The body is gone ”. (Le corps a disparu), Ghetto de Kaunas, ca. 1941–1944 The body is gone Kadish “ George © United States Holocaust Memorial Museum - Direction de la Communication - 06/2018 - MN - 06/2018 de la Communication - Direction de Montpellier Ville

montpellier.fr

AP EXPO DICTATEUR 200x280_ZIBELINE_0618_MN.indd 1 13/06/2018 10:23 JUILLET SEPTEMBRE 2018

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CULTURE ET SOCIÉTÉ Mensuel payant paraissant le deuxième samedi du mois Édité à 20 000 exemplaires, imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Rester humain Imprimé par Riccobono Imprim’vert - papier recyclé Pendant que l’équipe de France, composée pour une Crédit couverture : © Alouette sans tête grande part d’Afropéens, accédait à la victoire historique, Conception maquette Tiphaine Dubois plus de 600 migrants fuyant les conflits et la mort se noyaient en Méditerranée. Non par accident, mais parce Directrice de publication & rédactrice en chef Agnès Freschel que les pays européens refusaient qu’ils accostent dans [email protected] 06 09 08 30 34 Rédactrice en chef adjointe nos ports, qui ne sont plus des havres. Dominique Marçon [email protected] 06 23 00 65 42 En quatre semaines, le temps d’une Coupe du Monde qui Secrétaire de rédaction a fait la démonstration que la France a tout à gagner au Anna Zisman [email protected] 06 88 46 25 01 métissage, à l’accueil, à la générosité, 600 migrants sont morts dans notre Méditerranée. La politique européenne, ARTS VISUELS mais aussi les décisions de Macron, le repli nationaliste Claude Lorin [email protected] 06 25 54 42 22 italien, le recul politique de Merkel, en sont directement LIVRES Fred Robert responsables. [email protected] 06 82 84 88 94 Et nous ? Est-ce ce que désirent les peuples MUSIQUE ET DISQUES Jacques Freschel européens ? Cette inhumanité, cette cruauté, [email protected] 06 20 42 40 57 CINÉMA illégale, immorale et si dégradante dans Annie Gava [email protected] 06 86 94 70 44 notre pays aux Lumières éteintes ? Dans 120 Élise Padovani une Europe vieillissante qui a besoin, prag- [email protected]

WRZ-WEB RADIO ZIBELINE matiquement, d’immigration pour financer ÉDITO Marc Voiry [email protected] ses retraites, comment peut-on laisser mourir, faire mourir, ceux qui viennent ici chercher le Polyvolants Chris Bourgue refuge de tolérance, de laïcité et de sécurité auquel [email protected] 06 03 58 65 96 tout être humain, naturellement, aspire ? Gaëlle Cloarec [email protected] 06 72 95 39 64 Les Européens, dans leur majorité, ne veulent ni d’une Maryvonne Colombani [email protected] 06 62 10 15 75 Europe libérale, qui désespère les peuples par son injustice Marie-Jo Dhô sociale et son cynisme, ni d’une Europe nationaliste qui [email protected] Marie Godfrin-Guidicelli nie la valeur commune, égale, des êtres humains. Mais [email protected] 06 64 97 51 56 qui peut nous permettre aujourd’hui de sortir de la crise migratoire et de renouer avec l’utopie européenne ? Maquettiste Philippe Perotti Seule une alliance des forces politiques progressistes [email protected] 06 19 62 03 61 aux élections pourrait tracer une voie enfin généreuse, Commerciale Rachel Lebihan et humaine... [email protected] 07 67 19 15 54 AGNÈS FRESCHEL La régie Jean-Michel Florant [email protected] 06 22 17 07 56

Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, Marion Cordier, Caroline Gerard, Delphine Dieu, Hervé Lucien, Julie Bordenave

Administration Catherine Simon [email protected] Houda Moutaouakil [email protected] 04 91 57 75 11

Chargée des abonnements Marine Jacquens [email protected] 06 46 11 35 65 CHAPELLE DU CENTRE FRAC PROVENCE-ALPES- ‘ DE LA VIEILLE CHARITE COTE^ D’AZUR sommaire

120

Zibeline se métamorphose (P.6-7)

politique culturelle événements Parité, Groupe culture, Politique régionale (P.8-9) Les musicales de la Font de Mai à Aubagne (P.15) La politique culturelle de la Métropole L’été du Mucem (P.16-17) Aix-Marseille Provence (P.10-11) aux Chorégies d’Orange (P.12-13) Bilan des 20 ans de Marsatac (P.14)

Lisa Simone, le 30 juillet aux Musicales de la Font de Mai © Alexandre Lacombe

FESTIVALS (ANNONCES) Arts visuels, musiques, littérature (P.18-31) Marseille, Aix-en-Provence, Vitrolles, Saint-Rémy, Salon-de-Provence, Avignon, Pernes-les-Fontaines, Oppède-le-Vieux, Gréoux-les-Bains,

Domo De Europa - Historio en Ekzilo, Thomas Bellinck-Robin, exposition, Manosque, Toulon, Le Thoronet, La Seyne-sur-Mer, Port-Grimaud, La à voir jusqu’au 30 juillet au Mucem © Stef Stessel Londe-les-Maures, Montpellier, Cannes, Nice

FESTIVALS (CRITIQUES) Festival de Marseille, Massilia Afropéa (P.32-35) Avignon (P.36-46) Aix en Juin (P.48-49) Festival d’Aix (P.50-51) Musiques (P.52-57) Images (P.58-63) Danse (P.64-65)

Festival d’Aix, Ariane à Naxos © Pascal Victo__Artcompress CHAPELLE DU CENTRE FRAC PROVENCE-ALPES- ‘ ^ DE LA VIEILLE CHARITE COTE D’AZUR cinéma [P.66-67] Marseille, Arles, Manosque Arts visuels [P.68-77] Marseille, Aix-en-Provence, Le Puy-Sainte-Réparade, Toulon, Lodève, Montpellier, Sète

LIVRES [P.78-82]

Ai Weiwei au Mucem, exposition Fan Tan - Ai Weiwei Study of Perspective 1995-2011 Eiffel Tower Paris 1999 Image Courtesy Ai Weiwei studio 6 La métamorphose de Zibeline Dès la rentrée, votre mensuel culturel devient hebdomadaire. Après 11 ans d’existence et 120 numéros, la Zibeline se sent à l’étroit dans ses 100 pages men- suelles. Elle a donc décidé de prendre ses aises et de vous livrer Rendez-vous 40 pages chaque semaine. le 14 septembre Cela n’est possible que grâce à votre fidélité, votre intérêt pour notre journal associatif. et tous les Parce que notre passage en 2016 d’un mo- samedis dèle gratuit à un payant « pas cher » vendu en kiosques et sur abonnement est une suivants réussite, a diversifié nos recettes et a per- mis de stabiliser notre modèle économique. Aujourd’hui Zibeline peut opérer le second temps de sa métamorphose, et s’offrir une périodicité qui va nous permettre plus de réactivité critique, tout en conservant sa vaste couverture géographique des 8 dé- Zibeline Hebdo partements du Sud Est. Et des surprises éditoriales... Un Feuilleton littéraire Qu’allez-vous trouver Des Balades Des Jeux et énigmes dans nos pages ? Nos LAD, les Lieux À Défendre Zibeline veut rester un journal culturel, Nos Alternatives annonçant des spectacles et événements à la consommation de masse pour informer ses lecteurs et guider ses choix, proposant un regard critique sur la PhiloKakou, ou la philo pour tous création, et sur les politiques culturelles. Allô Mairie, lettres de Mais nous voulons donner davantage la réclamations satiriques... Parole aux artistes, vous proposer des Portraits, recueillir les réactions du public, dans des Pages ouvertes, susciter la parole critique... Et beaucoup d’autres choses que nous La Rubrique culture va donc s’étoffer tout sommes en train d’inventer, autour de la en s’aérant, mais aussi s’adjoindre des télé, des jeux vidéo, de la critique de site, pages nouvelles, que nous préparons pour bref des autres usages culturels qui sont en vous... train de naître, de s’inventer, de persister... 7 Historique, ou les étapes de la mue

Notre histoire est celle d’une bande de copains mordus de culture, et persuadés de la valeur de celle qui s’inventait ici. Nous étions jour- nalistes ou enseignants, parfois les deux, et Où se nichera nous avons donc décidé de rendre compte de la vitalité artistique de notre territoire, Zibeline ? d’y intéresser le public et de donner la pa- role aux artistes. Nous avons inventé Zibeline, gratuit Vous trouverez Zibeline, comme culturel, dont le premier numéro est aujourd’hui, chez tous les mar- sorti en septembre 2007. chands de journaux du Sud Est, En 2012 nous avons créé notre site, et durant une semaine, à partir consulté aujourd’hui par plus de 30 000 du vendredi dans l’Hérault et le visiteurs mensuels, et agréé par le Ministère Gard, du samedi en région Sud de la culture comme « site de presse ». Provence. Puis, parce que depuis 2007 le monde cultu- Vous pourrez bien sûr vous abon- rel nous soutenait et voulait figurer dans nos ner, ou prolonger votre abonne- pages, parce que le nombre de nos lecteurs ment actuel. Nous n’avons pas n’avait cessé de croître, nous avons fait le pari encore tout à fait fixé les modali- de devenir une publication payante dispo- tés de changement, et vous tien- nible chez les marchands de journaux et sur drons au courant sur notre site... abonnement. Les débuts de la formule payante ont souffert d’un recul de nos recettes publicitaires dû aux difficultés économiques conjointes du secteur culturel et de celui de la presse. Cependant notre association avec La Marseillaise, qui nous distribue à ses abonnés, notre présence chez les marchands de journaux du territoire et l’augmentation régulière de nos ventes et abonnements ont peu à peu convaincu nos an- nonceurs culturels... et nous avons retrouvé un équilibre économique et augmenté, grâce à nos ventes, notre chiffre d’affaire. Ce qui nous a permis d’embaucher, d’élargir notre territoire et de lancer ce nouveau projet. Notre « mensuel culturel engagé » est au- jourd’hui distribué dans 8 départements, re- connu par la Commission Paritaire de la presse, et emploie 10 salariés permanents, dont 6 journalistes, et une quinzaine de chroniqueurs réguliers. Cette équipe sera renforcée dès la rentrée avec le recrutement de 3 journalistes destinés à mieux couvrir le territoire, et à ouvrir notre ligne éditoriale... 8 politique culturelle Parité, égalité, essentialisme

PARITÉ OU ÉGALITÉ DANS LE MONDE DU SPECTACLE ? UN ATELIER DE LA PENSÉE POSAIT LE PROBLÈME POLIMENT, TANDIS QU’AU JARDIN CECCANO OU DEVANT LE PALAIS DES PAPES LES PRISES DE PAROLE SE FAISAIENT PLUS POLÉMIQUES...

a place des femmes dans le spectacle vivant ? les musiques du monde, le jazz, emploient minoritaire. Macha Makeïeff soulignait que On aurait l’impression, depuis le monde du encore moins de femmes que les musiques cette préoccupation lui était venue peu à peu : Lthéâtre, que cela évolue. Et que les attaques classiques. Un seul opéra national les femmes artistes qui ont été contre le Festival d’Avignon sont déplacées et est dirigé par une femme, aucun invisibilisées, il faut les nommer, injustes. D’une part parce qu’il n’y a jamais théâtre national, aucun centre les programmer, les soutenir, eu autant de femmes programmées, d’autre natio- faire des litanies. Dominique part parce que c’est le Festival lui-même qui Bluzet soulignait aussi la diffé- produit le feuilleton théâtral qui le met en rence des moyens de production cause, et centre son questionnement sur donnés aux femmes : « la parité, la question du genre, moyen le plus la véritable égalité, c’est l’égalité radical pour questionner efficacement des moyens ». Si les intervenants le patriarcat (voir p 36 à 38). n’étaient pas tous d’accord pour compter les femmes, tous soulignaient Où sont les femmes ? la nécessité « que la parité un jour ne soit Dans cette édition qui célèbre ou plus un problème, parce que l’égalité sera questionne 68, 60 ans après l’annu- gagnée ». Question de génération au lation du Festival, on peut interro- théâtre ? Irina Brook racontait qu’elle ger la pertinence de cette contes- portait toujours un pantalon pour mettre tation qui vient remettre en cause en scène, parce qu’en jupe on acceptait ceux qui lui ont permis d’émerger : moins son autorité. Sophie Cattani, du Jean Vilar n’avait certes pas compris collectif paritaire Ildi!Eldi ! (voir p.38) disait la volonté de poursuivre la Grève que sur le plateau et au travail, le fait qu’elle Générale. Mais fallait-il pour autant soit une femme, et blonde, ne posait pas de crier « Vilar Salazar » sur la même place du problème. Mais que face aux producteurs et Palais des Papes ? Le Festival d’Avignon n’est aux programmateurs c’était une autre histoire... pas celui où les femmes sont le plus invisibles... Le chemin sera long, tant que le public d’un Même si L’Atelier de la pensée qui réunissait tel Atelier sera composé presque exclusivement le 13 juillet des acteurs culturels de la région nal de création musicale. La parité n’est pas de femmes. Et qu’on ne se demandera pas Sud pour parler de La place des femmes dans atteinte dans les CDN ni les CCN, et des pourquoi les salles de théâtre sont si majori- le spectacle vivant, était intitulé « Faut-il avoir hommes continuent d’être nommés dans les tairement fréquentées par des femmes : que peur du Grand Remplacement », titre malen- établissements les plus grands et les mieux montrons-nous, que regardons-nous, qu’ad- contreux, provocateur mais d’une ironie pas dotés, et des femmes dans les scènes plus mirons-nous au spectacle ? Nos scènes, mais très drôle... fait souligné dès le début par modestes ou spécialisées pour l’enfance. aussi nos écrans, nos programmes scolaires, Laure Kaltenbach qui animait le débat Pas dans la Cour d’Honneur, 1 sur 7 dans notre littérature, notre société montrent des et égrena quelques faits : les femmes, dans Extrapôle... Et ce n’est pas un question de hommes actifs et des femmes passives, et l’es- le spectacle vivant, représentent 35 à 40% temps à attendre, ou de génération : les filles sentialisme attribue encore, inconsciemment des emplois seulement, elles ont des salaires sont très minoritaires, quasi absentes, dans les mais très efficacement, la douceur et l’empathie de 20% inférieurs aux hommes à poste égal. disciplines dites innovantes, les arts numériques, aux unes, le génie et l’appétence au pouvoir Des chiffres que l’on peut détailler ainsi : alors le street art, les musiques actuelles et les arts aux autres... que les filles sont majoritaires dans les écoles contemporains. AGNÈS FRESCHEL de théâtre, de musique, de danse, les femmes artistes restent minoritaires partout, et dans Le théâtre ? Peut mieux faire bien des disciplines cela ne s’arrange pas. Les L’atelier de la pensée reposait sur un point chorégraphes femmes sont de moins en moins de vue restreint au théâtre. Discipline où nombreuses dans les programmes des théâtres ; la programmation de femmes est la moins 9 Construire et veiller LE GROUPE CULTURE PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR (VOIR ZIB’ 119) POURSUIT SON TRAVAIL...

...en vue de faire des propositions concrètes la fin des emplois aidés, CAE, dispositif d’État, les petites structures. À cette mission, elles aux instances de la Région Sud-Pro- mais aussi postes ADAC, dispositif régional. Le préfèrent substituer l’aide aux opérateurs, voire vence-Alpes-Côte d’Azur, comme elle chômage technique puis la fermeture guettent le fait de devenir opérateurs elles-mêmes ; ce aime à présent à se nommer. Le Président un nombre de lieux impressionnant, et les qui leur permet d’être plus visibles, de passer Renaud Muselier, alerté par ce Groupe en mai directeurs de structures portant label national, commande et appel d’offre et d’orienter le sur des dysfonctionnements et des inquiétudes nombreux dans le Groupe, ne cessent de le travail des artistes en leur fixant un cahier des à propos de la politique culturelle régionale, répéter : « Si on néglige la diversité des opérateurs charges. Bref, de maîtriser l’économie, mais s’est montré ouvert au dialogue au point de et le fonctionnement des compagnies, si on ne cesse de aussi les contenus, de la création artistique. l’inviter à élaborer des propositions concrètes réduire les enveloppes destinées aux aides directes à Ce n’est, pour l’heure, pas la politique de la en vue d’Assises de la Culture qui auront lieu la création, nous ne pourrons pas compenser même région Sud. Mais le Groupe Culture veut en octobre. Le Groupe, accueilli au Festival avec des augmentations de budget : nous sommes élargir son action auprès des collectivités, en d’Avignon, a composé des commissions de là pour programmer, coproduire, accompagner la particulier auprès du Département 13, et de travail transversales, du spectacle vivant au création auprès des publics et fonctionner nous- l’État qui a lui aussi réduit ses aides à la création cinéma, qui ont commencé à plancher sur la mêmes. Pas pour financer le fonctionnement des et ses conventionnements aux compagnies création, la diffusion, la formation, la liberté compagnies, que plus personne ne prend en charge ». depuis des années, jusqu’à l’étranglement que et la censure économique, l’action artistique les artistes et les lieux indépendants vivent et culturelle. Financer n’est pas saupoudrer actuellement. Tous veulent cependant continuer à veiller Lors de la conférence de presse déclinant la poli- A. F. et alerter sur les difficultés catastrophiques tique culturelle de la Métropole (voir p 10 et 11), des compagnies, artistes, petits festivals et il était question d’« éviter le saupoudrage ». C’est Pour rejoindre les groupes de travail petits lieux, difficultés dues à des baisses de ainsi que la plupart des collectivités nomment du Groupe Culture Sud, écrire à financement conjointes des collectivités, et à aujourd’hui le fait d’aider au fonctionnement [email protected]

Renaud Muselier aime la Culture LA RÉGION SUD, REFUSANT guides Culturo.fr ou Terre de Festivals, s’attacher à la pro- L’ACRONYME, S’ENGAGE POUR LA duction et la diffusion avec CULTURE. MAIS LAQUELLE ? le dispositif Extrapole (voir Zib’ 118), sauver les Chorégies d’Orange (voir p 12 et 13), a conférence de presse tenue sur la Péniche augmenter de 23% le soutien de la Région Sud à Avignon était para- à 19 théâtres du territoire, Ldoxale. Affichant un soutien véritable et soutenir les grands festivals une estime sincère des acteurs culturels -« la comme Aix ou Avignon est mission culturelle honore les Élus »-, rappelant nécessaire. Vital. Mais pas si leur poids économique et le fait que c’était un cela se fait au détriment des © Franck Pennant investissement rentable -« le Festival d’Avignon compagnies, des artistes, des génère 65 millions de recettes directes »-, affir- politiques d’inclusion dans la cité et de l’aide création vers leur thématique de saison, ou mant, surtout et encore, son inconditionnel à l’emploi culturel. les goûts supposés de leur public. engagement pour la liberté de création des On peut effectivement faire confiance aux Renaud Muselier se veut « le garant de la Liberté artistes, Renaud Muselier se disait ouvert opérateurs culturels, grands théâtres, produc- de création, de production et de diffusion pour les au dialogue et prêt à s’engager, « parce que teurs, festivals, pour financer les réalisateurs, artistes ». Or il sait d’expérience, politiquement, la culture n’est pas un supplément d’âme, c’est les compagnies, les artistes. Vertueux pour où peut mener la concentration des pouvoirs notre ADN ». la plupart, ils le font dans un véritable esprit exécutif et judiciaire par des experts désignés. Sa Cependant les points abordés lors de cette de service public. Mais ils concentrent entre volonté de refonder la Conférence permanente conférence n’étaient pas de nature à rassurer leurs mains l’expertise et la décision, à tous des arts et de la culture en passera sans doute profondément les acteurs culturels en danger de les niveaux du processus créatif : ils jaugent par une réflexion sur ce sujet-là. disparaître : éditer un nouveau site qui référence et jugent, décident des cadres, produisent et A.F. les salles de spectacle (sceneausud.com), ou des programment, quand ils n’orientent pas la 10 politique culturelle Aix-Marseille Provence : quelle politique culturelle ?

MUTUALISER, FÉDÉRER : LES ÉLUS À LA CULTURE DE LA MÉTROPOLE VEULENT « ALLER AU-DELÀ DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES TERRITOIRES »

Petit budget, mais réflexion globale

Petit budget, certes : un million d’euros, « une goutte d’eau, une vaporisation », pour Daniel Gagnon, rapportée au budget global d’Aix-Mar- seille Provence, de 1,9 milliards d’euro. Ce petit million se complète de lignes bien plus importantes destinées à gérer les équipements et les actions culturelles déléguées sur les divers territoires, précise immédiatement l’un de ses collaborateurs. Mais en fonctionnement, pour l’heure, la Métropole dispose de peu de forces propres. Les transferts de compétences, qui devaient se faire avant le 1er janvier 2018 entre les Communes et la Métropole pour certains équipements, comme l’Opéra, ou entre le Département 13 et la Métropole, pour certaines compétences culturelles, n’ont pas été opérés. Répartition des rendez-vous à vocation culturelle et sportive de la Métropole Aix-Marseille-Provence sur son territoire La politique culturelle d’AMP reste donc pour l’heure marginale par rapport à celle des 6 territoires et 92 communes qui la composent, et e 5 juillet dernier, la Métropole Aix-Mar- avec ses deux confrères, le trio formant « une par rapport à celle du Département 13 qui, en seille Provence (AMP) donnait une équipe très agréable et efficace ». Et Philippe dehors du Pays d’Arles, la recoupe exactement. Lconférence de presse pour faire le point Charrin se joignant aux congratulations, en Cet échelon administratif départemental étant sur sa politique culturelle. En introduction, s’adressant à Daniel Gagnon : « Venu d’un (sans doute ?) voué à disparaître, la politique Daniel Gagnon, vice-président délégué à territoire farouchement hostile à la Métropole, je culturelle de la Métropole reste, en raison de la culture et aux équipements culturels, s’est me demandais comment on allait parvenir à se ce flou institutionnel, à inventer, plus de deux réjoui de la présence à ses côtés d’Anne-Marie parler. Tu as réussi, grâce à cette politique culturelle, ans après sa création. d’Estienne d’Orves, pour la Ville de Marseille, seule compétence partagée par tous, qui nous a Elle n’est pas pour autant en panne, et le et de Philippe Charrin, du Pays d’Aix. Deux permis d’échanger ». Et de renchérir : « Tu as « petit million » est employé à expérimenter collectivités aux positions longtemps antago- su le faire avec le petit budget que l’on te donne. des projets fédératifs à l’échelle métropolitaine. nistes, dès qu’il a été question de constituer Tu mérites des fonds supplémentaires : je lance le Il ne s’agit pas de « saupoudrer des subventions », la Métropole1. message à nos financiers ! » répond Philippe Charrin, l’ambition de la Si les frictions perdurent dans d’autres secteurs, collectivité étant de mener une réflexion glo- les élus de la culture ont manifestement plaisir à bale et de construire un avenir. « Faire plus, présenter un front commun, Anne-Marie d’Es- à budget constant : ne pas constituer un guichet tienne d’Orves se déclarant ravie de travailler supplémentaire, mais organiser les choses pour être THÉÂTRE SCÈNE CONVENTIONNÉE ART ET CRÉATION JOLIETTE EXPRESSIONS ET ÉCRITURES LENCHE+MINOTERIE CONTEMPORAINES

SAISON V I 2018-2019

15 septembre 18 > 21 décembre BAL LITTÉRAIRE HEROÏNE(S) #1 La Coopérative d’écriture Les Passeurs

27 & 28 septembre 11 > 19 janvier ENCYCLOPÉDIE DE UBU ROI PHÉNOMÈNES PARANORMAUX Alfred Jarry / Agnès Régolo PIPPO Y RICARDO Rodrigo Garcia 24 & 25 janvier complémentaires, avec les communes, la Région et le Département. » LA SOURCE DES SAINTS Pour celui qui est aussi Maire de Vauvenargues, il est important 04 > 06 octobre J. M. Synge / Noëlle Renaude de rappeler que chaque territoire conserve son budget et choisit L’HOMME HORS DE LUI Michel Cerda ses priorités, la Métropole chapeautant le tout, au-delà de Valère Novarina l’hétérogénéité de ses constituants. « C’est un peu le garant du 30 janvier 11 & 12 octobre JOURNAL DE BORD maintien d’une politique culturelle en période de restriction budgétaire, UNWANTED Alessandro Bosetti qui empêche quiconque de se sentir orphelin. » Là-dessus, on aurait Dorothée Munyaneza apprécié entendre des représentants d’Istres-Ouest Provence, 05 & 06 février ou des Pays d’Aubagne et de l’Étoile, de Salon et de Martigues. 16 octobre THE WAY SHE DIES IU AN MI Tiago Rodrigues / tg STAN Lali Ayguadé S’appuyer sur l’existant 08 & 09 février Concrètement, la Métropole s’associe à des opérations déjà 26 & 27 octobre INFIDÈLES existantes, comme le festival Jazz des cinq continents à Marseille ENTRELACS Ingmar Bergman (voir p 52), le Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence Anima Théâtre tg STAN & de Roovers (voir p 50-51), ou encore le Festival de piano de La Roque 08 > 10 novembre 07 > 09 mars d’Anthéron (voir Zib’ 119), en les incitant à se déployer plus AUTOPSIE - MONOLOGUE POUR L’AMOUR EN [COURTES] PIÈCES largement, pour toucher d’autres populations métropolitaines en UNE COMÉDIENNE SANS TRAVAIL Théâtre Joliette dehors de leurs territoires historiques. Ainsi, cet été et au-delà, Geoffrey Coppini les concerts de ces grands festivals parcourent le territoire, 12 & 13 mars amenant la musique vers les habitants, et les touristes passagers. 08 > 10 novembre « ET SI VOUS Y CROYEZ ASSEZ, AGLAÉ PEUT-ÊTRE IL Y AURA UN Il s’agit aussi, durant l’année, de poursuivre les efforts entre- Jean-Michel Rabeux PONEY. » 2 pris en matière de lecture publique , en s’appuyant sur le Détachement International réseau culturel le plus présent dans chaque commune : celui 15 & 16 novembre du Muerto Coco des médiathèques et bibliothèques municipales. De créer un ET DIEU NE PESAIT PAS LOURD… portail documentaire pour mettre en commun leurs fonds, Dieudonné Niangouna 21 & 22 mars Frédéric Fisbach {RHAPSODIE} donnant accès à d’importantes ressources depuis n’importe Samuel Gallet / Jean-Pierre Baro quelle commune. De lancer « une vitrine culturelle métropolitaine 23 & 24 novembre sur la toile », sous forme là aussi d’un portail dédié. DJ SET (SUR) ÉCOUTE 28 > 30 mars Mais la Métropole envisage aussi de continuer à développer des Mathieu Bauer LAÏKA Projets spécifiques de Territoire comme leFestival de la Font Ascanio Celestini / David Murgia 29 novembre > 1er décembre de Mai dans le Pays d’Aubagne (du 27 au 31 juillet, lire p.18), FACE À LA MÈRE 02 > 05 avril et de maintenir directement une activité d’opérateur culturel Jean-René Lemoine HEROÏNE(S) #2 à l’échelle métropolitaine, en portant d’autres manifestations Alexandra Tobelaim Les Passeurs comme elle le fait avec Lecture par nature. Un projet d’en- vergure qui reviendra du 25 octobre au 18 novembre, après 07 décembre 25 & 26 avril BERMUDAS TUMULTES un franc succès l’an passé. Michele Di Stefano Marion Aubert / Marion Guerrero GAËLLE CLOAREC ET AGNÈS FRESCHEL 12 & 13 décembre 10 > 14 mai UNE TÊTE BRÛLÉE SOUS L’EAU LA FLÈCHE 1 La Métropole Aix-Marseille Provence est la plus Mélissa Zehner Guillaume Mika grande de France. Créée en janvier 2016, elle compte 92 communes et 1,83 millions d’habitants. 18 décembre 21 mai UNDATED L’APPRENTI 2 Le 28 juin dernier, le conseil métropolitain a acté la signature Martine Pisani Daniel Keene / Laurent Crovella avec les services de l’État d’un Contrat Territoire Lecture, impliquant des financements disponibles pour les municipalités qui souhaitent renforcer le service rendu au public 04 91 90 74 28 - www.theatrejoliette.fr

PREFET DE LA REGION PROVENCE-ALPES CÔTE D'AZUR 12 politique culturelle Le « pacte » d’Orange

LES CHORÉGIES D’ORANGE, DANS L’INSTABILITÉ FINANCIÈRE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, ONT SIGNÉ EN AVRIL UN ACCORD AVEC LES COLLECTIVITÉS POUR ASSURER LA PÉRENNITÉ DU FESTIVAL. LA MANIFESTATION EST TENUE D’INNOVER, TROUVER UN NOUVEAU SOUFFLE EN MAÎTRISANT LES COÛTS, ET RENOUER AVEC LE PUBLIC. MEFISTOFELE RELÈVE LE DÉFI

our les représentations de Mefistofele partir de 1875 l’opéra triomphe grâce à ses sur des praticables verticaux, ou enrobant d’Arrigo Boito, production signée par chœurs magistraux, sa verve mélodique, les airs l’orchestre, en projetant sur le mur (vidéo PJean-Louis Grinda, directeur des décapants de Mefistofele, ceux dramatiques Julien Soulier), au climax des crescendos Chorégies, le Théâtre antique est plein et de Marguerite/Elena, leurs dialogues amou- surpuissants, des pluies d’étoiles en bouquet rencontre l’adhésion du public. Ce n’était pas reux avec ... L’opéra perd en originalité de feu d’artifice. C’est sidérant, pharaonique et gagné d’avance ! En effet l’opus sort de la et profondeur, mais gagne en lisibilité. Et le public en redemande. Les scènes de foule, poignée de titres rebattus (Carmen, Traviata, l’on sait gré à la direction des Chorégies comme lors de la fête bigarrée de Pâques, sont Aida...) que l’on affiche avec une alternance d’Orange d’avoir permis au grand public réussies. Le lieu s’y prête, auquel on ajoute métronomique depuis le nouveau siècle dans de le (re)découvrir, dans une réalisation qui de l’antique avec de fausses colonnes : un le plus ancien festival de France (150 ans en a suscité l’enthousiasme général. geste scénographique (Rudy Sabounghi) 2019 !). Le Mefistofele italien de Boito relève qui prend son sens dans la « Nuit de Sabbat des ces ouvrages tombés dans un oubli relatif. Une femme au pupitre ! classique » évoquant Troie, Hélène, les dieux On ne le donne guère, beaucoup moins que De mémoire de festivalier, on n’avait jamais grecs... Pour Grinda, à cet instant, la mort de le Faust en français de Charles Gounod tiré vu ça ! Quoi, ça ? Une femme qui dirige au l’enfant d’Elena et de Faust, qu’il montre en également de Goethe. L’opéra n’avait plus Théâtre antique : une cheffe à la tête de figurant la chute d’Icare en ombre fulgurante été représenté à Orange depuis... 1905 ! l’Orchestre de Radio France et de la projetée sur le mur, symbolise l’échec de foule d’artistes s’exprimant sur le plateau. l’imitation des Anciens, l’impossibilité de Ti ricordi Boito ? En 2018 ! Alors que depuis tant de temps les retrouver un idéal classique. Boito faisait Boito est mort en 1918 et l’on célèbre le cen- écoles musicales du monde entier regorgent figure d’avant-gardiste et cherchait aussi, tenaire de sa disparition. Anecdotique ? En de compositrices, musiciennes, maestras dans son œuvre, un nouveau « tout » idéal... 2018, on affiche en priorité Debussy (mort toutes aussi talentueuses que leurs homo- La scénographie en blanc et noir joue sur en 1918) et Gounod (né en 1818), Boito logues masculins ! Nathalie Stutzmann l’ambivalence du Bien et du Mal, thème central ayant laissé, en tant que compositeur, un est un phénomène qui confine à l’icône : du drame de Goethe, palpable dans le décou- seul opéra achevé : Mefistofele. Avec cette universellement reconnue comme l’une des page symétrique de l’opéra en deux parties partition, il voulait révolutionner la création plus grandes contraltos de sa génération, distinctes. Faust se libère de ses passions et lyrique italienne, repousser les frontières du elle est en passe devenir, à la cinquantaine effectue un parcours initiatique où le Mal a sa romantisme, effacer les « formules » convenues florissante, l’une des plus brillantes cheffes place, nécessaire aiguillon qui lui permet de du genre pour créer une grande « forme » du circuit mondial ; elle a triomphé à Monte- trouver le Salut. Les femmes ici ne sont guère d’art total sur le modèle wagnérien : texte Carlo (Tannhäuser) avant sa venue à Orange, gâtées, séduites et délaissées, meurtrières, et musique écrits de la même main, un livret où elle recueille les plus beaux hommages tombant dans la folie... Le Pacte est masculin, fleuve à la dimension poétique et à la portée grâce à une direction engagée, autoritaire et les femmes sont des jouets que Mephisto- philosophique, un ancrage mythologique, une bienveillante, sans démonstration superflue, fele place sur le chemin de Faust comme musique à l’orchestration large... à l’écoute du plateau et de son souffle, dans des épreuves à surmonter avant la félicité. La création en 1868 de Mefistofele à la Scala une idéale adhésion au répertoire défendu. de Milan est un échec total : le public n’y Le lieu particulier du Théâtre antique, sa jauge Questions acoustiques ? comprend rien. L’opéra est trop long, décousu, en plein air de 8000 places face à un mur On dit qu’à Orange l’acoustique est remar- abstrait, la dimension poético-philosophique immense et une scène XXL imposent des quable. De fait, le Théâtre, avec son immense puisée chez Goethe échappe à l’entendement... contraintes scénographiques et acoustiques. mur qui renvoie l’onde vocale vers les gradins, Boito réécrira, coupera dans le gras du livret Jean-Louis Grinda les connait et ménage est une belle conception pour... le théâtre. Mais pour lui donner un « format » présentable... et des effets monumentaux en plaçant le qua- à l’époque romaine, il n’y avait pas, au pied de par là même moins radical et plus convenu. druple chœur (opéras d’Avignon, Monte- la scène, un orchestre philharmonique de la Une boucherie ? Sans doute (la version Carlo, Nice et les enfants de l’Académie taille de celui de Radio France. Dans une salle originale est perdue)... mais ça marche ! À de Monaco) figé en façade, façon oratorio, d’opéra traditionnelle, l’orchestre est placé 13

Mefistofele, Orange 2018 © Philippe Gromelle

dans une fosse sous la scène. Cela permet de « diable » est un coq fier et séducteur, un Don lumière s’assombrit, en prison, sur ses délires trouver un équilibre acoustique entre la masse Juan satanique, sûr de lui jusqu’à la chute et et son ultime souffle... Le duo d’amour entre orchestrale ainsi « étouffée » et les chanteurs la désillusion finale. Sa présence, son charme Elena et Faust est aussi un beau moment de dont les voix passent plus facilement « par magnétique, son aisance scénique ravissent l’ouvrage, même si l’ancrage délibérément dessus ». À Orange... il n’y a pas de fosse ! le public. Son timbre de basse-baryton bien classico-mythologique des costumes frise le L’orchestre constitue un écran sonore avec équilibré sur son registre, sa déclamation claire, kitch d’une Belle Hélène d’opérette. lequel les chanteurs doivent compter. Aux séduisent et font mouche dans le sarcasme Marie-Ange Todorovitch est truculente et Chorégies il vaut mieux afficher des voix comme dans la noblesse du rôle. drôle dans le rôle de caractère de Marta. Le surdimensionnées. Or, un opéra n’est pas Théâtralement parlant, le Faust de Jean-Fran- ténor Reinaldo Macias se met au service des constitué uniquement de scènes de foules ! çois Borras est un peu « bonhomme ». On ne seconds rôles (Wagner et Nereo) avec réussite Le genre explore volontiers la psychologie sent pas sa capacité délibérée à résister à la et l’intervention, courte mais remarquée, de des personnages, et réserve de nombreux volonté diabolique. Emporté par les épreuves, Valentine Lemercier met en lumière la moments d’intimité. L’ampleur de la scène les passions amoureuses, à aucun moment, profondeur de son mezzo-soprano. d’Orange n’est pas le lieu le plus adapté à même s’il doute aux portes de l’extase, il la mise en œuvre de l’intime, les chanteurs ne cède à prononcer la phrase demandant Un drame évité ! devant porter leur voix dans le lointain, à Mefisto l’arrêt du temps : il y perdrait son Une « anecdote » qui aurait pu tourner au « amplifier » leur gestuelle, leur émotion jusque âme. Cette force là est peu perceptible chez le drame restera dans les annales du festival. vers les derniers rangs du théâtre. Ni Erwin ténor français qui jouit vocalement d’un beau Le 9 juillet, on a renoncé à utiliser la nacelle Schrott (Mefistofele), ni Jean-François timbre, solide, un poil voilé dans le médium, qui devait emporter dans les airs les pactisés Borras (Faust), ni Béatrice Uria-Monzon d’un souffle lyrique qu’on suit volontiers dans Faust et Mefisto. Et pour cause ! Lors de (Margherita/Elena) n’ont aujourd’hui les ses airs et duo, et d’aigus vaillants, sans faille. la première, la nacelle a dangereusement moyens vocaux de Cesare Siepi, Mario del L’ambitus que possède désormais Béatrice basculé, mettant en danger les chanteurs Monaco et Renata Tebaldi, pour ne citer que Uria Monzon impressionne. Sur le modèle suspendus pendant de longues minutes, à ces trois « mythes vocaux » qui ont incarné les de la « Falcon », elle est capable d’émettre plusieurs mètres du sol dans une posture principaux rôles de Mefistofele il y a plus d’un des sons poitrinaires de mezzo (sa tessiture pour le moins inconfortable et périlleuse. On a demi-siècle, et qui passeraient sans souci la originelle) et des aigus larges de soprano ! échappé au pire : Satan ayant peut-être tenté barrière orchestrale d’Orange. Ceci étant dit, Elle interprète les deux rôles des amantes là quelque maléfice de son crû ? les trois acteurs de la production 2018 ont séduites par Faust. Sa technique peut déranger JACQUES FRESCHEL su mettre en œuvre toutes leurs vertus pour avec ses sons tubés dans le bas médium, porter l’ouvrage vers un succès public mérité. des aigus amples, mais au portando et au vibrato souvent débridés... Son charme naturel opère cependant dans son incarnation de la Et quels chanteurs ! Mefistofele de Boito a été représenté En tête, dans le rôle-titre, Erwin Schrott déve- jeune Margherita : naïve dans la scène de les 5 et 9 juillet au Théâtre antique loppe un jeu tout en classe et attraits : son séduction de Faust, elle émeut lorsque la lors des Chorégies d’Orange 14 événements Les 20 ans de Marsatac, bilan d’une mue

En choisissant en 2017 de s’installer au Parc Chanot aux prémices de l’été, Marsatac ne trichait pas sur ses ambitions : grossir. Et donc opérer une mue profonde, créer un électrochoc

ini le nomadisme qui a façonné l’identité de l’événement. Finie aussi La qualité du son a toujours été inégale à Marsatac. Les immenses cette bouffée d’oxygène musicale et festive du dernier week-end halls de Chanot n’ont en rien résolu le problème, bien au contraire. Ce Fde septembre qui permettait d’échapper aux programmations choix d’implantation n’est pas digne d’un grand -et onéreux- festival. clonées de l’été musical. Pour se transformer en poids lourd sur la Autre point noir dont la tendance ne fait qu’empirer : l’attente. Des carte européenne des festivals, Orane, l’association organisatrice queues interminables pour boire et manger. Mais aussi aux toilettes. de Marsatac, devait aller au-delà d’une augmentation de la capacité La queue enfin pour recharger son bracelet « cashless » -opération d’accueil et de l’alignement sur le calendrier des artistes. impossible depuis un ordinateur à domicile- désormais unique mode L’arrivée du groupe nord-américain Live Nation (U2, Madonna, Shakira…) paiement avec l’application qui a beugué tout le week-end. La carte allait faire le reste. Depuis quelques années, le leader mondial dans bleue serait-elle trop ringarde pour le nouveau Marsatac ? L’an dernier l’organisation et la promotion de pourtant, Béatrice Desgranges, spectacles développe une stratégie directrice du festival annonçait : d’implantation en Europe. Mais « Je ne doute pas de notre capacité contrairement à d’autres cas de à pouvoir corriger ces deux pro- figure dont leMain Square festival blèmes (le son et l’attente, NDLR) à Arras est le plus emblématique, il pour l’année prochaine. Faire une ne s’agit pas d’un rachat de l’évé- première édition sur un nouveau nement marseillais, seulement d’un site ce n’est pas évident. Il ne faut partenariat permettant de renforcer pas que le public se décourage ». la programmation avec des têtes Bien sûr ces désagréments n’ont d’affiche, tout en gardant une liberté pas entamé le bonheur des deux dans les choix artistiques. Jusqu’à générations qui se sont retrouvées quand ? en masse devant IAM pour célébrer Au sortir de la 2e édition dans sa les vingt ans de leur album L’École nouvelle configuration,Marsatac se du micro d’argent. Ni même per-

rapproche de l’objectif de devenir © Frame Pictures turbé, aux heures les plus tardives, le festival de référence du Sud-Est lorsque la chimie envoûte le corps de la France. Les 20 ans du festival ont été ceux de tous les records. et l’esprit, les fans absorbés par les sets impeccables de Nina Kravitz, D’affluence, d’abord, avec 35 000 festivaliers sur trois dates. Et la Sam Paganini ou Boris Brejcha. communication d’égrener les chiffres : 31 prestations sur scène, 300 « Marsatac est dans une position emblématique de l’évolution de journalistes, 1500 professionnels accrédités, 350 bénévoles. Un succès nos métiers. Comme beaucoup de festivals, l’aventure a démarré incontestable dû à ce que les organisateurs qualifient d’« ouverture avec une bande de potes. Vingt ans plus tard, on se retrouve à gérer à une programmation encore plus fédératrice ». En d’autres termes, un business aux frontières de l’industrie du spectacle », résume un une orientation plus grand public, dans les deux genres privilégiés du professionnel marseillais. Y a-t-il donc un autre choix possible que de festival, le rap et les musiques électroniques. Si Marsatac conserve se rapprocher d’un géant comme Live Nation qui détient le monopole globalement son concept articulant artistes confirmés et émergents, sur certains gros artistes et, qui plus est, dans un contexte de chute internationaux et régionaux, le virage pris depuis deux ans se démarque des subventions publiques ? de la patte de Dro Kilndjian, programmateur depuis sa création en Quoi de plus naturel et logique pour un festival intermédiaire, resté 1999 et qui, selon quelques observateurs de la vie culturelle marseillaise, longtemps sans lieu adapté aux jauges visées, d’avoir le dessein de aurait pris du recul sur l’événement qu’il a cofondé. se développer ? Mais on peut se demander aussi : jusqu’où et à quelle fin ? Si la réponse ne prend pas en compte l’exigence d’une ligne Nouveautés et constantes artistique basée sur une programmation atypique, le risque de perdre Plusieurs nouveautés importantes ont contribué à ce bond de la sa singularité au profit d’un formatage sans intérêt est clairement posé. fréquentation : des horaires élargis, une troisième scène sur laquelle Pour en juger, rendez-vous les 14, 15 et 16 juin 2019. Ou pas. se sont produits les noms parmi les plus attractifs (IAM, Nekfeu, LUDOVIC TOMAS Petit Biscuit, Paul Kalkbrenner…) et la journée supplémentaire du dimanche à la plage. Marsatac s’est déroulé les 15, 16 et 17 juin au Parc Chanot Il y a enfin des constances qui gâchent un peu, voire beaucoup, la fête. et sur la plage du Petit Roucas, à Marseille 15 « De la musique, partout ! »

Concerts sous les étoiles : les Musicales de la Font de Mai fêtent leurs 5 ans à Aubagne

a Font de Mai, c’est la fontaine de l’abon- dance en provençal, car l’eau n’y manque Lpas, même lors des pires sécheresses. Un beau nom pour ce domaine au pied du massif du Garlaban, auquel on accède sans voitures, par les chemins, avec un écomusée et une buvette situés au départ des randonnées. Le jardinier fait volontiers visiter les lieux, notamment l’aire propice pour battre le foin, et partage avec générosité son goût pour les essences méditerranéennes. Légèrement en contrebas, un vaste pré : c’est là que se tiennent depuis cinq ans les Musicales, festival porté par le Territoire du Pays d’Aubagne et de l’Étoile. La magie du site opère, et la fréquentation s’amplifie d’année en année, malgré des tarifs un peu élevés (30€ la soirée). Il faut dire que la qualité de la programmation incite au déplacement, pour peu que le mistral ne soit pas trop fort (auquel cas un repli est prévu au Centre de Congrès Agora). L’édition 2018 sera « un millésime fruité et coloré », expression affectionnée par Sylvia Barthélémy, prési- dente du Territoire, qui « aime à mettre de la musique partout, parce qu’elle transforme le monde et rend les gens plus heureux ; sous les étoiles, elle prend une dimension qu’elle n’a pas dans une salle de spectacle ». Lisa Simone © Alexandre Lacombe Univers variés Le comité de sélection opère des choix réso- salsa, avec pas moins de trois écoles sur la en entrée libre le 31 juillet. Il ne sera pas lument éclectiques, propices à la découverte. commune ; le bruit court que même le chef nécessaire d’enfiler sa tenue de lumière, mais C’est l’as de la batterie Manu Katché qui de la police municipale serait un amateur on aura le privilège d’entendre dans ce cadre ouvrira la manifestation, le 27 juillet. « Une éclairé ! champêtre trois jeunes chanteurs auréolés de très grosse pointure », selon Régis Guerbois, Le 29 juillet, Catherine Lara et Juan Car- prix internationaux : Charlotte Despaux, président du Festival Marseille Jazz des Cinq mona monteront à leur tour sur scène. La soprano, Laura Stamboulis, mezzo-soprano, Continents, venu amicalement assister à la violoniste et chanteuse au timbre si particulier et Mikhael Piccone, baryton, accompagnés conférence de presse, « batteur mais aussi et le guitariste flamenco rendront peut-être de la pianiste Valérie Florac. Des airs fameux arrangeur, capable de mettre les autres hommage à Léo Ferré, comme ils l’ont fait d’opéras, issus de Carmen, Faust, La Traviata, musiciens en avant ». Il sera accompagné dans l’album Une voix pour Ferré enregistré en Norma, Cosi fan tutte... sont au programme. de Jérôme Regard à la basse, Patrick 2011 ? Lisa Simone, fille de la grande Nina, GAËLLE CLOAREC Manouguian à la guitare, et Elvin Galland leur succédera le 30 juillet, dans un tout autre au piano, avec lesquels il a enregistré son registre. « Une voix, une nature », selon Régis dernier album, The Scope. Le lendemain, le Guerbois qui s’y connaît en interprètes de pré se transformera en piste de danse, pour tempérament, l’artiste, très différente de son une soirée des plus festives, avec le salsero illustre mère, « a su faire son chemin malgré Jean-Paul Tamayo et son groupe de douze son nom, car elle vit la musique et la fait Les Musicales de la Font de Mai percussionnistes, cuivres, choristes... qui vivre à son public ». 27 au 31 juillet remplacent Yuri Buenaventura, initialement Enfin pour conclure cesMusicales , une soirée Domaine de la Font de Mai, Aubagne prévu. En pays d’Aubagne, on est friand de Lyrique sous les étoiles sera offerte à tous 04 42 03 49 98 Musicales-aubagne.fr 16 événements Choisir l’heure d’été Le mois d’août à Marseille est moins riche de propositions culturelles ? Pas de panique : le Mucem a un Plan B

es expositions Ai Weiwei Fan-Tan et Or qui consiste à photographier sa nourriture cirque, avec à l’affiche le spectaculairePelat de sont à découvrir respectivement jusqu’au et à la partager sur les réseaux sociaux. Le Joan Català, qui manipule le lourd mât des L12 novembre et au 10 septembre, dans les 15 août, en clin d’œil à l’exposition, les chefs fêtes catalanes comme personne, Copyleft de espaces temporaires du Musée des civilisations Emmanuel Perrodin et Gérald Passedat Nicanor de Elia, où sept jongleurs en tenue de l’Europe et de la Méditerranée (retrouvez nos tiendront banquet nocturne, à l’occasion du de tennismen s’échauffent en public, ainsi critiques p 70 et sur journalzibeline.fr). Tandis Plan B, temps fort estival du Mucem. que le Baltrap de la Cie Contrebande, six que les espaces semi-permanents proposent acrobates jouant avec une bascule coréenne... encore Connectivités, Ruralités et L’Amour de A Les soirées du Plan B et ce qui les entoure. à Z (retrouvez nos critiques sur journalzibeline.fr) Tout le mois d’août, le musée sera ouvert sept Les 2, 9, 16 et 23 août, se succéderont aux Le Fort Saint Jean accueille quant à lui une jours sur sept, avec une programmation plus platines ou au micro Irène Drésel, accompa- nouvelle exposition, en association avec les fournie que lors des éditions précédentes de gnée de Scratch Massive, puis Blow, Uto Rencontres d’Arles (lire p 60 à 62), du 19 ce fameux Plan B. Il sera rythmé selon les soirs et Holy Two dans la catégorie électro pop, le juillet au 30 septembre : Manger à l’œil. En 2010, de la semaine : le mercredi, des spectacles duo féminin Afrodite venu de Loire Atlantique l’Unesco classait le repas gastronomique des vivants ou des performances ; le jeudi, des avec ses références soul, hip hop et RnB, un français au patrimoine culturel de l’humanité, ce concerts ou lives électro, du cinéma en plein revival eighties porté par Saint DX, Buvette qui a inspiré aux commissaires Pierre Hiver- air le vendredi, et des lectures le samedi. Le (cold wave), et enfin Agar (acid disco). Les nat, Floriane Doury, Nicolas Havette et lancement se fera tout en musique orientale le 3, 10, 17 et 24 août, le fort Saint Jean restera Elisabeth Martin une histoire en photographie 1er août, avec Bachar Mar-Khalifé, Imarhan, en accès libre. Amenez votre pique-nique et de notre rapport au repas. De l’autochrome aux Sarah Maison, et Amar 808 & The Maghreb profitez des séances de cinéma en plein air applications sur smartphone, en passant par United. Soit des artistes évoluant entre raï, qui débuteront à la tombée de la nuit ! Le le Polaroïd... Pour constituer un diaporama de gnawa, et rock touareg, quatre heures de rang ! choix est varié : documentaire (Benda Bilili ! 1900 à nos jours, ils ont rassemblé des œuvres Le 8 août, ce sera La Déclaration, une pièce pour de Renaud Barret et Florent de la Tullaye, de grands précurseurs, tels Nicéphore Niépce, cinq danseurs et autant de musiciens, signée porte sur un groupe de musiciens handicapés ou de simples amateurs, à travers les décen- Sylvain Groud et Naïssam Jalal. Ne ratez à Kinshasa -leur nom signifie « au-delà des nies, jusqu’au foodporn, pratique exponentielle pas, le 22, une très belle soirée consacrée au apparences ») ; comédie musicale hirsute (Hair, de Milos Forman, un monument de la culture Frantisek PEKAR 2 enfants, 1930 © F Pekar DR Ville de Chalon-sur-Saone, France, Musée Nicéphore Niépce hippie) ; délice romantique et culinaire -mais pas mielleux- (The lunchbox, de Ritesh Batra) ; et enfin, classique des classiques, à revoir en famille, Le cirque de Charlie Chaplin. Les samedis, place à la lecture ! On ne sait pas encore qui lira quoi, hormis que le 4 août, ce sera Ariane Ascaride, excusez du peu, et que les textes sélectionnés proviendront des deux rives de la Méditerranée.

En journée aussi ! Mais le Plan B se prévoit aussi en journée : à partir de 10h, moment où le Mucem ouvre ses portes, des visites un peu particulières des différentes expositions sont annoncées, assorties d’ateliers. On pourra par exemple apprendre à faire des images sans appareil photographique, à partir du soleil et de l’eau (si, si ! ça s’appelle un cyanotype), rencon- trer son « objet-âme sœur » -celui qui est fait pour vous et se cache à votre insu dans les immenses collections du musée-, ou encore un autre visiteur, inconnu, pour écrire avec 17

MP2018 s’achève Après avoir répandu L’Amour sur le territoire de la Métropole Aix-Marseille Provence depuis son lancement lui une histoire qui vous est chère sur les murs de la Chapelle aux Trésors, une le 14 février dernier, pour la Saint Valentin, MP2018, installation éphémère conçue par le binôme anglo-irlandais gethan&myles. réplique plus légère de la capitale européenne de la Pas besoin d’attendre la nuit, non plus, pour profiter de la fraîcheur des salles culture en 2013, va s’achever. Sur les chapeaux de obscures. L’auditorium Germaine Tillon saura vous accueillir avec chaque jour roues ? Pas tout à fait : l’ambition de la manifestation un nouveau film, projeté en milieu puis en fin d’après-midi. La sélection, encore semble s’être quelque peu essoufflée au fil des mois. secrète, comprend des œuvres récentes, pour la plupart inédites à Marseille ; le Le week-end de clôture est annoncé juste avant la tarif des séances est moins élevé qu’au cinéma (entre 4 et 6 €). rentrée, du 31 août au 2 septembre. Trois jours festifs dans Le plus agréable -et gratuit- sera peut-être tout simplement d’aller se caler en la cité phocéenne, qui débuteront à l’Estaque, et plus fin d’après-midi sur les coussins de la bibliothèque en plein air, au débouché précisément au cinéma L’Alhambra. Puis, direction le J1, de la passerelle du J4, pour profiter de la douce lumière de la Méditerranée, un où se tiennent les deux rendez-vous d’art contemporain livre à la main. On y piochera des ouvrages pour tous les âges et tous les goûts, de la saison, Art-O-Rama et Paréidolie (lire p 14 et en lien avec les fonds du Mucem. 15). À proximité, des ateliers et des rencontres avec GAËLLE CLOAREC plusieurs artistes seront proposés par le Frac Paca. Enfin MP2018 investira la place de la Joliette, toute Manger à l’œil la journée du 1er septembre, pour une grande fête à la jusqu’au 30 septembre programmation pour l’heure très mystérieuse. G.C. Fort Saint Jean

Plan B er 1 au 31 août Week-end de clôture MP2018 31 août au 2 septembre Mucem, Marseille Divers lieux, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org mp2018.com

DES

MARSEILLE JAZZ CINQ CONTINENTS 18  27 JUILLET 2018 SELAH DE POURQUERY SCOFIELD THOMAS SUE CHICK JOHN KOOL & THEMEDESKI GANG COREA NDOUR SCOTT JOHN

COLLEY YOUSSOU YOSHICHIKA NING LUO TARUE PARISIEN MILE SYLVAIN É RIFFLET MILLS JEFF YOUN SUN NAH AVISHAI COHEN

DHAFER YOUSSEF ERIK TRUFFAZ

HIGH FRED MARTHA WESLEY NKAKÉ JACK DEJOHNETTE SANDRA ONEFOOT

SLAVES SARAH THE VOLUNTEERED CHRISTOPHE QUINTANA PENGUIN CORY

TEXIER YILIAN GOGO HENRY LAMPIDECCHIA SOMI & SAX HENRI CAÑIZARES HARGROVE e AWAKE 19 FESTIVAL ROY conception graphique : Alice Chireux • illustration Ji Dahai ACCOULES www.marseillejazz.com 18 événements Rentrée Arty à Marseille !

EXCEPTIONNELLEMENT Entretien avec Martine Robin et Françoise Aubert de la PRÉSENTS AU J1, DANS team cent pour cent féminine de Paréidolie

UNE CONFIGURATION Zibeline : Avez-vous conçu une édition en Il prolonge le travail présenté chez Patrick résonance avec la saison MP2018 « Quel Raynaud qui fait à 7 Clous un travail remar- INÉDITE, LES SALONS Amour ! » ? quable. C’est une installation qui combine Paréidolie : Au départ on avait envie de faire proposition murale et dessins. Il y aura de écho à cette thématique, ce que l’on a fait nouvelles productions mais pas seulement… ART-O-RAMA ET à Servières. En revanche pour Paréidolie on C’est exactement ce que Paréidolie veut a préféré l’idée du duo, du couple, sans que défendre dans le cadre de « l’artiste invité ». PARÉIDOLIE FONT UN cela soit une condition indispensable pour Dans la même dynamique vous offrez les galeries. On revendique une ouverture deux cartes blanches à deux galeries du FOCUS SUR LA CRÉATION large avec des propositions très diverses, territoire. Quelles sont-elles et vont-elles toutes soumises à la plus grande exigence. opérer un dialogue dans l’espace ? CONTEMPORAINE Paréidolie est constitué d’un comité Il s’agit de la Double V Gallery que l’on a envie artistique1, et d’un comité de pilotage2 de soutenir, d’autant plus que le contexte chargé du choix de l’artiste invité : quel marseillais est difficile pour les galeries privées, À TRAVERS UNE est-il cette année ? et de la galerie Sintitulo à Mougins qui fait C’est Pierre Malphettes car on tient à un travail de longue haleine, de résistance, SÉLECTION DE mettre en avant un artiste qui habite dans la dans une ville peu irriguée par l’offre d’art région. On aimait déjà sa pratique de sculpteur, contemporain. On choisit toujours des galeries GALERIES NATIONALES d’installateur d’objets, et la découverte de son dont on reconnaît l’investissement profes- travail graphique à La Friche pour les 15 ans sionnel au quotidien, avec lesquelles on a des ET INTERNATIONALES. d’Astérides nous a séduites. Au vu de son affinités. On noue avec elles des partenariats parcours, on a pensé qu’il était intéressant au long cours, notamment pendant la Saison de l’accompagner et de confronter son travail du dessin. À Servières, elles dialoguaient, DEUX ÉVÉNEMENTS SUR au regard du monde économique de l’art. cette année la configuration spatiale leur Justement, que nous réserve Pierre permet d’avoir des espaces plus intimistes UN MÊME PLATEAU QUI Malphettes : des œuvres produites pour et donc de développer des propositions plus Paréidolie ou qui s’inscrivent dans un autonomes. FÉDÈRENT ARTISTES, continuum d’œuvres graphiques ? En quoi votre présence au J1, sur le PROFESSIONNELS, La team de Paréidolie. De gauche à droite Françoise Aubert, Martine Robin, Michèle Sylvander, Céline Ghisleri, Lydie Marchi © X-D.R. COLLECTIONNEURS, MÉCÈNES ET AMATEURS, ET FONT DE MARSEILLE LE POINT DE MIRE DE LA RENTRÉE 19

Entretien avec Jérôme Pantalacci, directeur d’Art-O-Rama (AOR), et Véronique Collard Bovy, directrice générale d’ART+, maitres d’œuvre du salon d’art contemporain

même plateau qu’Art-O-Rama, était Zibeline : Quelles raisons ont poussé Art-O- d’un partenariat avec le Centre national des importante, voire indispensable ? Rama à quitter son espace natal, la Cartonnerie arts plastiques (CNAP), des signatures à la Parce que les deux salons font la à la Friche la Belle de Mai, pour le J1 ? librairie, l’annonce des lauréats du Show Room rentrée à Marseille, rejoints fort heu- Jérôme Pantalacci : Plusieurs raisons nous ont et du prix Roger Pailhas. Également, le temps reusement par un salon expérimental amenés au J1. Mais bien entendu, c’est avant fort à retrouver tous les jours du samedi 1er au de la photographie contemporaine. On tout la magie du lieu. Quand on a la possibilité dimanche 9 septembre, les déjeuners pilotés milite pour une complémentarité : il d’occuper un tel espace, on ne peut pas refuser. par Emmanuel Perrodin et les Grandes Tables y a Art-O-Rama qui est généraliste, Ce site est merveilleusement bien situé dans la de la Friche, au restaurant situé au bout du J1, Paréidolie spécialisé dans le dessin et ville, entre le Mucem et le FRAC, entouré par la devant la grande baie vitrée qui donne sur le maintenant Polyptyque3 dans la pho- mer et avec les îles du Frioul en face. Il corres- Frioul. À cette occasion l’accès à Art-O-Rama tographie. C’était également pour être pond tout à fait à l’image de Marseille, urbain et sera gratuit de 12h à 14h. proche de nos partenaires, le Frac et la tourné vers la mer. Mais nous n’aurions V. C. B. : Nous avons également mis Vieille Charité. Ces trois événements jamais pu investir ce lieu sans le en place un parcours de visites densifient les propositions dans une soutien à la fois de la Friche réservé à nos invités au sein unité de temps et de lieu, ils montrent et de l’association MJ1. des lieux les plus presti- la capacité de Marseille à attirer des Véronique Collard gieux du grand sud, avec galeries nationales et internationales. Bovy : En charge plus un passage au sein de Quels sont les enjeux de spécifiquement des notre exposition à la votre implantation sur le plan partenariats et de la Friche la Belle de scénographique ? dimension économique Mai, Communautés L’enjeu était tel que l’on a fait appel du projet, je corrobore Invisibles du duo aux meilleurs, l’architecte Harald Syl- totalement les propos Christophe Berdaguer vander, qui avait refait l’implantation de Jérôme. Le position- et Marie Péjus (lire p 72), à Servières l’an dernier et nous a fait nement du J1 entre mer incluant Luma Arles et

V des propositions parfaitement adaptées et terre, véritable patrimoine é la toute nouvelle Fondation ro ni R. qu D. au nouveau cahier des charges. Le de la cité phocéenne, au croise- e X- Carmignac (lire zib’ 119) avec Co © llar cci d B tala challenge était de garder la spécificité ment du quartier d’affaires, d’une ovy et Jérôme Pan lesquelles nous collaborons toute des deux salons, de marquer notre destination shopping et de partenaires l’année. Les amoureux de l’art contempo- identité tout en conservant l’esprit culturels majeurs, est un atout considérable rain seront à l’honneur avec notre programme 2018. intimiste qui nous caractérise. On reste pour le développement du projet. Entre MP2018 qui s’achève et la perspective une petite foire, exigeante, ouverte à Ce nouvel espace impacte-t-il les fondements de Manifesta en 2020, quels sont selon vous les la diversité du dessin. d’AOR d’un point de vue identitaire, stratégique enjeux et les défis pour Art-O-Rama ? ENTRETIEN RÉALISÉ PAR et collaboratif ? J.P. : MP2018 et Manifesta 2020 sont de magni- MARIE GODFRIN-GUIDICELLI J.P. : Nous avons fait attention, justement, à ne fiques opportunités pour tous les acteurs locaux La team de Paréidolie. De gauche à droite Françoise Aubert, Martine Robin, Michèle Sylvander, Céline Ghisleri, Lydie Marchi © X-D.R. pas changer nos fondamentaux. Ce qui était et pour notre territoire. Nos défis restent les 1 Comité artistique présidé par Chiara une des inquiétudes de nos exposants, qui mêmes, accroitre notre visibilité et notre recon- Parisi : Josée Gensollen (collectionneur), participent à Art-O-Rama, car la proposition naissance à l’étranger, attirer le maximum de Laurent Godin (galeriste), Pascal Neveux (Frac), Marine Pagès, Michèle qui leur est faite est différente de nombreuses collectionneurs et de professionnels nationaux et Sylvander, Gérard Traquandi (artistes). foires et qu’elle centre le projet sur l’artistique. internationaux, proposer aux marseillais et aux Nous avons ainsi décidé de ne pas changer provençaux une grande exposition qui se déploie 2 Comité de pilotage : Françoise notre fonctionnement, ni notre identité. sur 4000 m2 et reçoit 120 artistes qui montrent Aubert, Lydie Marchi, Martine V. C. B. : Nous l’avons orienté sur notre destina- un large panel de la création la plus récente. Robin, Michèle Sylvander. tion inédite J1, intitulant cette douzième édition V. C. B. : Art-O-Rama irradie au-delà de ces 3 Polyptyque (31 août au 2 septembre, By The Sea, accentuant ainsi notre identité frontières physiques, notre évènement est Les Docks village) anticipe méditerranéenne. l’occasion de découvrir la vitalité de la scène l’ouverture le 3 novembre du Centre Quels sont les temps forts de cette édition qui artistique de notre territoire. C’est toujours un photographique Marseille (Ateliers clôt la saison MP2018 « Quel Amour ! » ? Les des objectifs de notre évènement. de l’image / 04 91 90 46 76). avez-vous pensés d’une manière spécifique ? ENTRETIEN RÉALISÉ PAR J.P. : Les temps forts d’Art-O-Rama sont MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Paréidolie, Salon international bien entendu le 31 août avec l’ouverture, mais Art-O-Rama du dessin contemporain également les samedi et dimanche avec la er 31 août au 9 septembre 1 et 2 septembre présentation des sélections de films par Josée J1, Marseille J1, Marseille pareidolie.net Gensollen et Pascale Cassagnau dans le cadre 04 95 04 95 36 art-o-rama.fr 20 festivals Célébrer, démocratiser, s’engager

Organisateur de nombreux festivals dans la région (du récent Dernier Cri à Montpellier aux historiques Électro d’Uzès), Pascal Maurin est un organisateur/ programmateur hyperactif. À travers ses événements d’été, tous très différents dans leurs approches, se devine la démocratisation des musiques électroniques depuis près de vingt ans. Entretien

n e i r B ’ O s Zibeline : Kolorz à Carpentras, les 20 et dans un lieu qui possède une jauge a m o h 21 juillet (voir Zib’ 119), est le plus récent limitée à 3000 personnes. T © n ri des festivals d’été que vous avez créé, Tohu Bohu, en revanche, a accompa- au M al sc quel en est le contexte ? gné la démocratisation des musiques Pa Pascal Maurin : J’habite à Carpentras et il y a électroniques depuis ses débuts, de dix ans les trentenaires ont voulu exprimer une l’underground à un phénomène culturel la région, sur une dominante autre image de la ville, singulièrement ternie accepté. classique. Cette innovation a contribué à avec la montée du FN local. C’est un projet C’est en 2001, au moment où je terminais légitimer cette musique auprès du public et artistique mais aussi un geste politique qui a mon mémoire sur l’institutionnalisation des des décideurs, et démocratiser les musiques eu un écho favorable de la municipalité. Mon musiques électroniques à la faculté, que j’ai électroniques : aujourd’hui toutes les villes de travail est de créer des festivals musicaux et été embauché par le Festival de Radio France possèdent leur propre festival ! Cette c’était ma manière de m’engager. En termes France dirigé par René Koering pour réaliser année nous consacrons trois soirées à trois de programmation, l’idée est d’attirer des têtes une programmation électro. Il est important de villes représentatives de l’effervescence de d’affiche internationales pour faire venir tous dire que Tohu Bohu fait partie intégrante de la culture électro, dont Tbilissi pour soutenir les publics à Carpentras, un défi, qui plus est ce festival qui programme 250 concerts dans la scène techno géorgienne victime d’une

Crossover, 10 ans 100% francophone

casse-tête que représente le fait d’attirer les fameux « headliners » qui déplacent les foules sur les grands rendez-vous et ne peuvent se démultiplier à l’infini : «Il est difficile de réunir des artistes internationaux pour des questions de disponibilité et de tournée ». Ajoutons-y : « et de montant du cachet ». Avec l’arrivée récente dans le business de la scène de grands groupes internationaux (LiveNation, organisateur de Main Square à Lille et de Lollapalooza à Paris ou AEG qui a racheté Rock en Seine), les exclusivités et la surenchère des prix empêchent aujourd’hui les petits et moyens festivals d’intégrer ces têtes d’affiche à leurs « line-up ». Crossover bénéficie toutefois d’un regain d’intérêt du Lomepal © Julie Oona public pour cette scène francophone en pleine i le « croisement » a toujours bien lieu année nous avons choisi de proposer une émergence, que ce soit en pop, chanson, rap entre les genres, le festival Crossover, programmation 100% francophone, avec des ou électro. Squi a reçu au cours de sa récente histoire artistes qui font l’actualité [et] représentent Si Rone, Petit Biscuit et Polo&Pan sym- Metronomy, Bonobo ou 2ManyDJ’s, se limi- la scène musicale française aujourd’hui » bolisent la belle attractivité « dancefloor » du tera lors de cette 10e édition aux frontières assume Roxane Bessous, d’Allover, orga- festival niçois, Angèle en étant la garantie de l’hexagone et de la Belgique. « Cette nisateur du festival. Tout en reconnaissant le « chanson féminine de qualité », Lomepal 21 Mimi, toujours se réinventer

terrible vague de répression actuellement. Avec Résonance, le choix de s’inscrire dans des lieux patrimoniaux d’Avignon est de retour cette année, avec cette notion d’« art des lieux » qui colle vraiment à l’identité des musiques électroniques. La notion de patrimoine était inscrite dans le projet du festival dès le début, avec l’idée de se servir du vecteur des musiques électroniques pour le faire redécouvrir et ça fonctionne très bien : des jeunes nous disent « on ne connaissait pas ce jardin, ce musée… ». En organisant des soirées électro à l’Hôtel de Caumont, nous avons aussi donné envie aux publics de visiter n e i r les expositions de la Collection Lambert. L’édition 2016 a B ’ O s a occasionné quelques nuisances sonores et en 2017 nous avons m o h T fait le choix d’investir des lieux plus classiques, ce qui était © n La Colonie de vacances © Romain Etienne ri au moins original. Avec l’accord de la Mairie, nous avons voulu M al sc Pa revenir dans des lieux chargés d’histoire, comme le Musée vec son déménagement précipité de l’Hôpital Caroline l’an dernier, Calvet, un beau lieu pour les musiques sous toutes leurs formes. le festival marseillais des avant-gardes musicales aura perdu PROPOS RECUEILLIS PAR HERVÉ LUCIEN Aun emplacement prestigieux mais gagné en proximité. L’esprit d’adaptation n’est-il d’ailleurs pas une notion esthétique que le festival Tohu Bohu/Festival de Radio France n’a cessé de défendre depuis sa création (en 1985, quand même), 23 au 25 juillet plébiscitant des artistes peu en vue du grand public mais essentiels Parvis de l’Hôtel de Ville, Montpellier aux défrichages tous azimuts des territoires musicaux ? Relocalisé, facebook.com/Tohu.Bohu.Montpellier/ mais réorienté et remobilisé (une campagne de financement partici- Résonance patif a été lancée en début d’été pour supporter le coût d’un festival 26 au 29 juillet ayant vu ses subventions réduites de 66 000 € sur les deux dernières Divers lieux, Avignon éditions), Mimi a tiré parti de cette péripétie pour se réinventer et offrir festival-resonance.fr un reflet vivant de l’actualité de musiques souvent définies comme « périphériques ». Cinq lieux l’accueilleront cette rentrée pour un tour d’horizon plus-éclectique-tu-meurs. Sur le Toit-terrasse de la Friche le 8 septembre, un petit zoo musical démarre : avec Musiques Chiennes, Sarah-Louise Barbett bricole des vignettes synthétiques, chansons qui sont autant de chroniques ordinaires (La Maison de Billy, son dernier album, raconte sur une tonalité naïve et neurasthénique les aventures d’un probable animal domestique), tandis que l’italo-indienne Petit incarne un renouveau du phénomène rap français qui semble Singe explore tout l’éventail émotionnel de rythmes dubstep urbains extraire le registre de son ghetto social et culturel habituel. et lascifs. On connaît Usé (à L’Embobineuse le 8 septembre) et sa Côté chanson-slam, Eddy de Pretto avait déjà franchi un réputation de performer jusqu’au-boutiste. Dans la lancée d’un premier pas conséquent en traitant avec talent dans ses chansons des Chien d’la Casse, son album Selflic (paru chez Born Bad Records fin questions de genre. Mais le rappeur parisien le fait basculer juin) organise tant bien que mal sa musique, qui demeure par essence dans une nouvelle ère, loin du machisme et des enfumeries bordélique, âpre, violente avec ses motifs répétitifs de synthétiseurs et de du rap caillera-libéral. Sur des musiques « trap » lentes et percussions de bruit et de fureur. Le 14 septembre à La Cité des Arts climatiques, transposition en VF du rappeur US Drake, Lomepal de la Rue (avec Èlg, Tapan et Le Mal des Ardents), Mimi accueille pose un flow clair qui explore l’univers névrosé du rap urbain l’un des grands musiciens de l’ère électronique, Burnt Friedman. en évitant les clichés du gaillard qui assène son vide cérébral Flirtant avec le jazz et l’improvisation (son projet Flanger demeure un sans complexe. La pochette de son album Flip le montre modèle de fusion moderniste), le multi-instrumentiste est accompagné maquillé mais c’est justement sans fard qu’il se présente, pour ce live du percussionniste iranien virtuose Mohammad Reza skateur paumé, rejeton désargenté de la petite bourgeoisie Mortazavi. Parallèlement, La Colonie de Vacances présentera sa culturelle, mélangeant réflexions métaphysiques et quotidien nouvelle création : ce « groupe » constitué de quatre formations (Papier un peu glauque. Pas falot ni pâlot, joueur et lucide, il donne Tigre, Electric, Pneu et Marvin, soit onze musiciens dont quatre au rap d’aujourd’hui de belles couleurs. batteries) s’est fait une spécialité du concert quadriphonique, le public H.L. étant placé au centre de la performance jouée alternativement à deux, trois ou quatre groupes. Atypique et stimulant. H.L.

Crossover Mimi 23 au 25 août 8 au 16 septembre Théâtre de Verdure, Nice Divers lieux, Marseille festival-crossover.com festivalmimi.com 22 au programme musiques bouches-du-rhône

Borderline électro-pop Bien rempli à l’été, l’agenda de l’amphithéâtre en plein air de Maldormé connaît un de ses temps forts musicaux avec des têtes d’affiche Plages Électroniques électro-pop. Kid Francescoli, le régional de Jazz à Saint Rémy l’étape, effectuera une des dernières dates de sa tournée après son album le plus réussi à ce jour, Play Me Again, interprété en duo avec sa complice Julia. Proche de cet univers précieux et cinématographique, Malik Djoudi, entendu récemment au Festival Avec Le Temps complète le line-up avec la pop douce-amère de Camel Power Club. 24 juillet Amelie Lens © Eva Vlonk

Gare aux coups de soleil ! Depuis sa création © Solene Person Renaud Garcia-Fons Trio en 2006, le week-end cannois est devenu une Après Jazz sous les étoiles en juillet, l’as- des plus grandes beach parties d’Europe avec sociation Jazz à Saint-Rémy offre une belle 40 000 m2 de dancefloor et quatre scènes. De programmation de rentrée (13 au 15 septembre) 14h30 à 0h30 (vendredi et samedi), de 17h à à l’Alpilium. C’est Renaud Garcia-Fons, 0h30 (dimanche, afters parties chaque soir à virtuose de la contrebasse à cinq cordes mon- la Rotonde du Palais des Festivals), plus de dialement reconnu, qui ouvre les festivités, quarante artistes se succèdent dont Amelie avec ses dernières compositions consacrées Lens, Giorgia Angiuli, Kölsch, Jamie à sa ville natale, Paris. Avec David Veni- Jones, Klingande, The Blaze ou Joris tucci à l’accordéon et Stephan Caracci au

Delacroix. Malik Djoudi © Christophe Crenel vibraphone et aux percussions, il nous convie Théâtre Silvain, Marseille à une balade dans le temps qui mélange jazz 10 au 12 août borderliner.fr et musette, classique et grooves actuels. En Plage et Palais des Festivals, Cannes première partie le Duo Jöak, contrebasse plages-electroniques.com et percussions, offre un répertoire mêlant A Contra Luz improvisations, classiques du jazz et de la Une soirée rap (avec le Psy 4 de la Rime pop music, et textes de grands auteurs et Jack in The Box Alonzo, Kekra, Panda Dub et Stand High compositeurs français. Le lendemain, David Patrol) et une soirée électro (avec Rone, et Thomas Enhco, respectivement à la Maceo Plex, Ben Klock, Laurent Garnier trompette et au piano, se lanceront dans et Charlotte de Witte) : deux registres bien des improvisations pleines d’audace et de distincts pour deux publics qui ne le seront virtuosité. Enfin, c’est au son du saxophone pas moins, d’un soir à l’autre, pour le festival de Stefano Di Battista que se clôtureront de rentrée à Marseille. ces trois soirées, avec Flavio Boltro à la 7 & 8 septembre trompette, Éric Legnini au piano, Rosa- rio Bonaccorso à la contrebasse et André Ceccarelli à la batterie. Matthew Dear © Reeves

Jack de Marseille, DJ pionnier de la scène Jazz à Saint-Rémy locale, organise son week-end de festival 13 au 15 septembre chaque été à la Friche avec un line up allé- Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 06 83 47 50 65 jazzasaintremy.fr chant : cet été, on remarque notamment la venue de Matthew Dear, valeur sûre de la techno américaine sous le nom d’Audion mais aussi fascinant artiste électro-pop sous sa propre identité, ainsi que Paranoid London avec son électro rétro et suffocante. Charlotte de Witte © Hans Huylebroeck Charlotte de Witte 27 & 28 juillet Esplanade du J4, Marseille Le Cabaret Aléatoire, Marseille acontraluz.fr cabaret-aleatoire.com 23 Nouveau Jardin à Vitrolles

epuis trois ans, le Sun Festival animait les nuits d’été au Domaine « tête de nœuds » douées dans leur registre « groupe de rock à de Fontblanche mais, malgré une soirée de soutien organisée l’anglaise circa 1990’s », et celui de l’alanguissante L’Impératrice, Dcet hiver pour les combler, ses dettes n’ont pu permettre à formation décidément abonnée aux scène régionales cet été. Le l’aventure de continuer. Jardin Sonore reprend donc le 23 juillet se succèderont d’abord sur la petite scène les flambeau pour une édition inaugurale cet été. Pas de chanson-folk-rock de Sammy Decoster et de Theo révolution en vue dans vos oreilles, même si la Lawrence & The Hearts, puis sur la grande programmation se révèle un peu plus pop-rock scène les immarcescibles Négresses Vertes, pour le temps fort vitrollais. C’est Village de retour pour fêter les 30 ans de Mlah, 42, coproducteur des Nuits du Rocher leur emblématique album célébrant les (mais aussi des Escales du Cargo et des mélanges déments d’un Paris qui n’existe Nuits d’Istres et par ailleurs producteur désormais plus, la chanson pop électro du de cinéma) qui porte ce nouveau projet. duo Madame Monsieur (représentants Seule différence : si le principe de gra- de la France à l’Eurovision cette année) tuité de la première soirée est préservé, et enfin le récital du chanteur écorché les places de la seconde subissent une vif, révélé par One Day, Asaf Avidan, nette augmentation (jusqu’à 50 € -sur qui se produit, en acoustique et en solo, place- pour Jardin Sonore, tarif réduit à dans la lignée intimiste de son album The 35 €, en comparaison des 15 € du Sun). Le Study of Falling sorti l’an dernier. 22 juillet les Bootleggers United, duo des HERVÉ LUCIEN deux DJ’s Prosper et Zébra connus pour leur Bo otl egg Lazo expertise en mashups, ces remixes combinant vos ers United © Javier morceaux préférés (vous avez écouté le Bee Gees Vs AC/ Jardin Sonore 22 & 23 juillet DC ?), tenteront de vous faire lever les bras et danser sur les tables Domaine de Fontblanche, Vitrolles après le live du lauréat du Ricard S.A. Live Music MNNQNS, jeunes jardinsonorefestival.com

Sous la plage, le rock (mais pas que…)

entil euphémisme : on le définit comme le chaque jeudi jusqu’au 19 « plus grand hôtel de plein air d’Europe » août) aura droit à sa dose Get c’est vrai que Les Prairies de la Mer d’adrénaline et de signatures n’est pas juste un camping comme les autres. de caractère : stars du rock Depuis 2006, son festival gratuit au milieu underground anglais aux des caravanes et en bord de plage en a fait allures d’épouvantails, une place forte des musiques actuelles l’été The Horrors ressuscitent sur la côte. Il s’agissait d’abord pour David l’héritage new wave-néo-ro- Luftman, son jeune directeur, de « déjouer les mantique avec la force et a priori » sur son activité avec un phénomène la dérision (involontaire ?) transgénérationnel. « Le festival nous a procuré qu’on leur connaît (26 juillet de formidables moment de partage » nous avec Otzeki). Plus dansants, assurait-il il y a quelques années, évoquant les Écossais de Django ont © X-D.R. la pop-rock garage des Hushpuppies ou remis au goût du jour une pop rock follement août). En guise de feu d’artifices pop, le groupe l’avant-rap de Santigold qui ont porté le sable rythmée, surf et psychédélique, dont on avait à dimension variable L’Impératrice et le à l’incandescence lors de précédentes éditions. un peu oublié la chimie dévastatrice depuis fluet chanteur de Hot Chip Alexis Taylor Car loin du registre mainstream que pourrait 22 Pistepirkko ou The Beta Band, le clavier de clôtureront ce joli défilé le 16 août. laisser imaginer sa localisation touristique, Django étant le petit frère d’un des membres H.L . Plage de Rock a toujours prôné la qualité de ce dernier (avec Témé Tan le 2 août). Plus des musiques indépendantes, positionnement actuel avec son mix électro-pop, Confidence iconoclaste au royaume de David Guetta. Man a été la révélation des Transmusicales Plage de Rock Après une entame avec les phénoménaux de Rennes cette année, le duo de it boy/it girl Jusqu’au 16 août américains de Parquet Courts, cette nouvelle dispensant un show bébête mais imparable Les Prairies de la Mer, Port Grimaud édition (avec le traditionnel déroulé-perlé (avec Theo Lawrence & The Hearts le 9 plagederock.com 24 festivals Le jazz s’envoie en l’air au Tremplin d’Avignon

u moment où les rues d’Avignon viennent tout juste de se accompagné des Torunski Brothers (l’un au sax, l’autre à la clarinette). vider des effluves théâtrales de juillet, les premières Trois musiciens de l’école de Cologne accompagnent Anotes de jazz pointent du côté du Cloître des la chanteuse Maïka Küster (Der Weise Panda). Carmes. Deux événements en un proposent de Enfin, Hashima, très prometteuse formation continuer l’été en musique : Avignon Jazz venue des Balkans, puisant son inspiration tant Festival, désormais institution de la ville chez Wayne Shorter qu’auprès de Stravinski papale (27e édition), et son Tremplin ouvert ou Pink Floyd, propose les compositions aux jeunes musiciens européens (les 2 et 3 audacieuses d’Igor Miskovic. août, entrée libre). Les six finalistes de cette La programmation « officielle » recèle de année mettent la barre haute, le concours belles valeurs sûres. Django Charlie promet d’être de très belle tenue. Shift, fait se rencontrer les musiques des deux groupe toulousain, mêle une base jazz à figures tutélaires de la guitare jazz Django des accents rock, hip hop et funk, dans un Reinhardt et Charlie Christian. EYM trio ensemble de cuivre euphorisant. Le quar- ramène de ses tournées mondiales des tet emporté par son pianiste et compositeur accents et rythmes inattendus, dans une Simon Bellow vient de la prestigieuse école de liberté d’interprétation rafraîchissante. Kinga

Cologne. Dexter Goldberg (piano) anime un trio K Glik, habituée des scènes depuis l’âge de 12 ans, est inga ann Glik © innem aguerri, habitué des concours les plus prestigieux. Mike Peter H une des meilleures bassistes blues jazz de sa génération. Roelofs, sur piano Rhodes, déjà lauréat de nombreux concours, est Own your bones revient après avoir remporté l’an dernier le

L’art coule à flot au domaine de Figuière

sensations : le retour du groupe (culte) Les Tétines Noires. On a beau multiplier les qualificatifs (dadaïste, industriel, rock, arty, glamour, alternatif), aucune case ne peut enserrer ces musiciens qui se sont retrouvés sur scène à l’occasion de la réédition de leurs trois albums (Fauvisme et pense-bête, Brouettes, et 12 têtes mortes). Au cours d’une tournée d’une dizaine de dates, le groupe passe à Lalonde-les-Maures, qui lui réserve un accueil à la mesure de sa théâtralité délirante, sur une scène flottante construite pour l’occasion au-dessus des vignes : enivrant ! Les Diaboliques-Remix, Ciné-concert expé- rimental d’Hughes Sanchez, découpe et remonte le filmLes Diaboliques (Clouzot, 1955), ralentit, répète, y adjoint une bande son jouée en direct par Paul Jarret (guitare) et remixe les dialogues (Félix Perdreau). Premier prix Katerina Andreou, A kind of fierce © Emila Milewska du Cannes Art Film 2018, l’expérience, proche ’était parti comme un pari fou d’une À dominante danse et théâtre les premières des montages surréalistes, mène jusqu’à l’in- bande de copains d’enfance, cela se années, le festival s’élargit à plus de musique conscient du film. Entre marabout de ficelle Cconfirme comme une belle réussite et cette année, avec en particulier une ouverture et cadavre exquis, François Gremaud (2b un rendez-vous attendu de l’été provençal, au classique, offerte par la pianiste soliste inter- Company) a conçu une Conférence de choses cœur du domaine viticole de François Combard nationale Vanessa Wagner. La musicienne, (création 2015), chaque fois différente, toujours à Lalonde-les-Maures. Le Figuière-Festival à l’interprétation incarnée et singulière, multi sur le fil, jamais vraiment improvisée, toujours se lance dans sa troisième programmation, récompensée, jouera du Mozart, du Schubert, surprenante, dispensée par Pierre Mifsud et le cru s’annonce aussi fruité et piquant du Satie, avec une incursion vers le minima- (qui a coécrit le spectacle). Ode au savoir et que les précédents. lisme de Philip Glass. Autres rythmes, autres à l’humour, pendant 53 minutes, montre en 25 Écran noir pour Planète verte

Grand Prix du... Tremplin Jazz d’Avi- gnon. Joe Lovano et Dave Douglas clôtureront ces 5 jours jazzy, après le Erik Truffaz Quartet, où le célèbre trompettiste invite le rappeur Nya pour une reprise des deux albums mythiques du groupe (The Dawn et Bending new corners). ANNA ZISMAN

Avignon Jazz Festival er 1 au 5 août Robin McKelle © Laurent Koffel Cloître des Carmes, Avignon tremplinjazzavignon.fr et été, La Métropole fait son cinéma Penn) complètent cette programmation et Les Nuits d’O s’associent pour de grande qualité. Cilluminer les ciels d’août à Montpellier Les Nuits d’O prennent ensuite le relais, et dans les 31 communes de la Métropole. avec 6 soirées complètes : concert sous la Dans les parcs, les arènes, sur les places, pinède, film dans l’amphithéâtre de plein air dans une école ou devant les mairies des (1800 places, qualité de diffusion optimale), villages, dans une piscine ou même une et Bistrot DJ set pour finir en douceur et carrière, un écran géant est installé, et la / ou en transe. Nuit Demoiselles : pour le séance commence... Événement gratuit, film, on a deviné, c’est celui de Demy, et La Métro fait son cinéma met chaque le groupe sera Juniore (Patou en DJ). main, le magnifique comédien nous année un thème à l’honneur ; « Planète Nuit hip hop avec l’emblématique Do the promène dans une ballade encyclo- verte » sera celui de l’édition 2018 (10 right thing (Spike Lee), Dabe Rozer pédique et poétique. films, 1 par soir et par commune). Des et DJ Sax pour le son. Nuit Kinshasa : Danse contemporaine aussi : histoires, des aventures, de l’invention et Kinshasa kids (Marc-Henri Wajnberg), Figuière-Festival invite Katerina du réel pour rêver et prendre conscience Tshegue et DJ Solo. Pour la Nuit Balkans, Andréou pour son solo A kind of fierce de l’importance de notre environnement, la fanfare tsigane Taraf Goulamas et (2016), perle d’énergie où, dit-elle « la à considérer et protéger, plutôt que de l’underground Paul Brisco encadreront liberté, l’autonomie, l’audace, l’action, le traverser sans même le savoir. La Val- le film d’Emir Kusturica Chat noir chat le courage, la détermination, peuvent lée des loups, quête de Jean-Michel blanc. Nuit Soul avec l’explosive Jackie apparaître comme un phénomène Bertrand qui pendant 3 ans approche Brown de Tarantino, et la charismatique au-delà des intentions », et Olivia une meute et réussit à s’en faire accepter. Robin Mc Kelle pour le groove (Ivan Grandville remonte son Cabaret Un face à face bouleversant. Your Name Halen, DJ). Enfin, pour boucler la boucle, Discrépant (2010), sommet de finesse (Makoto Shinkai), manga sensible où Nuit planète verte : l’optimiste Demain et d’ironie, une histoire de la danse, deux adolescents se voient échanger leur (Cyril Dion et Mélanie Laurent), Afro un manifeste pour l’art. existence, entre vie urbaine trépidante beat avec Salim Jah Peter et les sets DJ HS, pilier de Lalonde, food-truck de Taki, et celle de Mitsuha, jeune fille inspirés de CHIC TYPE (festival BAZR). et vins du domaine cimentent les trois campagnarde qui ne rêve que de la A.Z. jours du festival. ville... Captain Fantastic (Matt Ross) : A.Z. un père idéaliste (Viggo Mortensen) élève ses six enfants pour en faire des adultes magnifiques au cœur de la nature, La métropole fait son cinéma jusqu’à ce qu’ils doivent affronter le monde 1er au 31 août « réel ». Amazonia (Thierry Ragobert), dans les 31 communes de la Métropole de Montpellier L’Ascension (Ludovic Bernard), Le chien jaune de Mongolie (Byambasuren Les nuits d’O Figuières-Festival Davaa), L’Odyssée de Pi (Ang Lee), La 25 au 27 juillet 23 août au 1er septembre Domaine Saint-André de Figuière, Tortue rouge (Michael Dudok de Wit), Domaine d’O, Montpellier La Londe-les-Maures et les magnifiquesPrincesse Mononoké figuiere-festival.com (Hayao Miyazaki) et Into the Wild (Sean 0800 200 165 domainedo.fr 26 festivals Cure musicale à Gréoux

’été, loin de se cantonner au thermalisme, le village de Gréoux-les-Bains offre une L programmation musicale riche et diver- sifiée, imaginée et portée par la dynamique association FestiGréoux et l’Office de tourisme Communautaire de Durance Luberon Verdon Agglomération. Suite au succès rencontré l’année dernière lors des Soirées du Château, Gréoux de Janeiro revient pour trois jours de festivi- tés, de musique et d’ambiance made in Rio de Janeiro (26 au 28 juillet). Des batucadas animeront les rues du village tout au long de la manifestation : Gaia’Z Onda et sa Trio Combo Brazil © Thibaut Vergoz dizaine de musiciens marseillais mêle un style ethno-urbain à des rythmes brésiliens, Casa entre Wallace Nagão, David Walters et Loir et Delta Blue Trio, qui ont donné le ton Do Samba et Pulsabatouk accompagnée Pierre Sibille, il revient à Gréoux-les-Bains des premiers jours de juillet, se succèderont par les danseurs de capoeira du Studio C ; le pour la 3e fois avec un concert qui donnera à Robert Piana, accompagné d’un orchestre, groupe de percussions Tambores da Liber- entendre leurs chants et musique aux sonorités pour un concert de jazz (21 juillet) ; Lou Jam, dade, accompagné de danseuses, danseurs et brésiliennes et caribéennes irrésistiblement groupe 100% soul qui « déboite » les grands chanteurs brésiliens, fera danser tout le monde dansantes. standards en reprenant Stevie Wonder, Prince, sur des rythmes qui fusionnent musiques Avec Musiques à Gréoux, place à une pro- Kool & The Gang ou encore Marvin Gaye, ancestrales et d’inspiration moderne ; le Grupo grammation éclectique qui s’installe en fins et adapte à sa sauce fun Ray Charles, Ed Malanga, formation salsa de sept musi- de semaines, jusqu’au 31 août, sur la Placette Motta ou Donnie Hathaway (3 août) ; le duo ciens, revisitera les grands standards latins Pauline (qui accueille des concerts d’avril à Double Impact dans un répertoire disco/rock new-yorkais, cubains, colombiens… ; quant octobre chaque année) et sur le parking des qui vous fera chanter et danser (4 août) ; la au Trio Combo Brazil, né de la rencontre Marronniers. Après Zompa Family, Filipe Cumbia Chicharra qui mêle funk, afrobeat, L’art aux fontaines ivement le mois d’août, de celles qui ont besoin de pour que l’on puisse visibilité et d’expérimenter Vretrouver les rues, places leur processus de création ». et abondantes fontaines de la Commençons par le In. Parmi bien nommée Pernes-les-Fon- nos préférés, Antipodes taines, à l’occasion du festival (Paca) rejouera l’éternel Font’Arts. Du 3 au 5, avant pas de deux : un homme, que Thermidor ne devienne une femme, dabadabada... Fructidor dans cette belle mais sous forme de danse région du Vaucluse, il fera de rue, utilisant le mobilier bon découvrir les artistes urbain pour « déborder sur et compagnies retenues le bitume ». La Cie Délit de par l’équipe du Projecteur, façade (Occitanie) plongera association organisatrice de quant à elle En apnée dans la manifestation. l’adolescence, lors d’une Qui cette année fait la part déambulation théâtrale prête belle aux talents régionaux, Lignes de vie, Cie Lézards bleus © Antoine Le Ménestrel à en découdre avec la vie. Les et même ultra-locaux, puisque sur les 25 font partie du dispositif Fest’ICI. Comme Mobilettes (Auvergne Rhône-Alpes) offriront structures programmées, 6 sont de la com- chez son prestigieux voisin avignonnais, les un Café Frappé, chorégraphié en terrasse, mune ou ses proches environs : le Club des compagnies présentes sont réparties entre le assorti d’un bal tout public. Danse également, Jeunes, Fédo le clown, le Groupe d’In- In et le Off, les premières étant rémunérées mais sur façade (!) avec les Lézards bleus, la tervention Anti Morosité, le Théâtre de par le festival, les secondes « au chapeau », compagnie d’Antoine Le Ménestrel, ouvreur l’Albatros et les Baladins des Fontaines avec défraiement, pour « favoriser l’émergence de voies d’escalades (Paca). On courra aussi dub dans des trouvailles percussives et sonores diablement entraînantes (10 août) ; Siotantka (en Sioux Lakota ça signifie « le bois qui chante »), formé de deux chanteurs/ musiciens amoureux des mots -Jean-Marc Tomaselli et Jean-Marc Szkudlarska- qui fait voyager de Paris à Montréal en passant par la Provence (12 août) ; Nasser Ben Dadoo et son blues vivant qui puise sa source du Mississipi aux clubs de Chicago (17 août) ; Louise & The Po’Boys, formation de six musiciens nourris de culture afro-caribéenne, de blues, de funk et de jazz, mais aussi de chansons françaises d’antan, qui invente au son des orchestres de la Nouvelle-Orléans un style musical festif et dansant (24 août) ; pour clore la saison estivale musicale, Un Nerf De Swing -un violon, deux guitares et une contrebasse- emportera le public sur les routes de son Pascal Colrat L’hospitalité jazz manouche dépaysant (31 août) ! DOMINIQUE MARÇON FESTIVAL DE CHAILLOL Entre Alpes et Provence, Gréoux de Janeiro une itinérance musicale. 26 au 28 juillet du 17 juillet au 12 août 2018 Musiques à Gréoux Hautes-Alpes 21 juillet, 3, 4, 10, 12, 17, 24 & 31 août www.festivaldechaillol.com Divers lieux, Gréoux-les-Bains 04 92 78 01 08 greouxlesbains.com

voir les Cies Marzouk Machine (Auvergne Rhône Alpes) et Microsillon (Occitanie) pour leur humour grinçant, l’une centrée sur le monde du travail, l’autre sur l’absurdité existentielle. Beaucoup de musique, très drôle également, avec notamment les bretons Monty Picon, ou encore les Namaz Pamous venus du Roussillon. Le Off accueillera des artistes fort inventifs. Citons l’original capilliculteur de la Compagnie de Poche, coiffeur-phi- losophe (Auvergne Rhône Alpes) ; l’épopée clownesque de la Cie Dzaar (idem) qui se penche sur le sexe, l’amour et l’histoire des femmes ; ou le Cauchemar de Grimm (Cie Le Thyase, Occitanie) qui dit enfin la vérité sur la face sombre -parfois sanguinolente- des contes traditionnels. 115 spectacles sur l’ensemble de la programmation, de quoi se régaler ! GAËLLE CLOAREC

Font’Arts 3 au 5 août Divers lieux, Pernes-les-Fontaines 04 90 61 31 04 projecteur-pernes.fr 28 festivals Salon en chambre

Le Festival International de musique de chambre de Provence déclinera ses gammes du 25 juillet au 8 août

es meilleurs solistes au monde de l’Empéri, sobre église saint-Michel du XIIIe Natalia Lomeiko, le violoncelliste Clau- se retrouvent à Salon », la phrase siècle, abbaye de Sainte-Croix du XIIe, convertie dio Bohόrquez auquel sera confiée une «Lmise en exergue de la brochure en hôtel-restaurant, cour de la Savonnerie « carte blanche », le claveciniste Leonardo du Festival International de musique Marius Fabre (autre lieu patrimonial de Salon !), Garcia Alarcόn… Aux formations cham- de chambre de Provence pourrait faire Théâtre Armand et sa délicieuse disposition bristes s’ajoutent des voix lyriques, le ténor sourire par son peu de modestie, surtout à à l’italienne et, pour une escapade aixoise, la Julian Prégardien, les sopranos Lydia l’aune des festivals prestigieux qui hantent salle Campra du Conservatoire Darius Milhaud Teuscher et Iris Prégardien, le baryton la région tout l’été. Puis l’on consulte la liste dans laquelle le trio fondateur, comme l’an basse Martin Berner… On partira en voyage des quarante-cinq artistes invités, et l’on est dernier, se consacrera avec d’autres musiciens à Buenos Aires entre Monteverdi et Piazzola, bien obligé de convenir que peu de noms virtuoses à l’enregistrement d’un nouveau le bandonéon de Mariana Flores et le Bey- sont inconnus, et que parmi ceux-ci ne se CD, et offrira un concert sous forme de « mise telmann - Bohόrquez Trio ! Enfin, suite comptent pas les premiers prix nationaux en doigts » au milieu de la session, abordant à un contretemps, à l’Histoire du Soldat de et internationaux… Pluie d’étoiles donc à les œuvres de Korngold, Mahler, Schönberg. Stravinski en version originale se substitue prévoir sur la ville de Salon et même au-delà, On croisera le Quatuor Van Kuijk dont son adaptation par le compositeur lui-même du 25 juillet au 8 août ! Fondé en 1993 par le l’énergie inventive croisera le jeu limpide en une suite pour clarinette violon et piano magnifique trio Éric Le sage (piano), Paul et puissant du pianiste Geoffroy Couteau, (1919) en 5 mouvements. Que de pépites ! Meyer (clarinette), Emmanuel Pahud (flûte), que l’on entendra aussi en concert soliste MARYVONNE COLOMBANI dont on connaît au moins le disque salué par puis aux côtés des clarinettistes Michel la critique, French Connection (chez EMI), Portal et Paul Meyer ; ces deux derniers ce festival singulier s’est affirmé et offre une accompagneront la talentueuse clarinettiste Festival International de musique de chambre de Provence palette d’une remarquable qualité, dans des Romy Bischoff. Parmi les nombreuses « têtes 25 juillet au 8 août lieux qui allient à une superbe acoustique la d’affiche », on retrouvera la finesse du piano Divers lieux, Salon-de-Provence, Aix-en-Provence beauté de leurs architectures : cour du Château d’Adam Laloum, la grande violoncelliste 04 90 56 00 82 festival-salon.fr

Claudio Bohorquez © Gina Gorny 29 Nuits de cordes et d’ivoire

portes aux études et aux concerts des Nuits. En ouverture, l’élégant et virtuose pianiste Dang Thai Son livrera ses interprétations de Schubert, Chopin, Paderewski et Liszt. Jorge Federico Osorio apportera la chaleur de son jeu à un programme éclectique allant de Bach, à Albéniz ; Dominique Merlet, grand maître de l’école française, s’attachera à un ensemble de préludes (Bach, Chopin, Debussy) entre lesquels on s’amusera à déceler des échos… Le jeune et talentueux pianiste Nicolas Bourdoncle offrira les somptueuses sonates n°3 en mi bémol majeur de Beethoven et n°2 en si bémol majeur de Rachmaninov. Aux récitals de piano, clé de voûte du festi- val, s’ajoutent concerts symphonique avec l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon dont on avait apprécié la belle justesse l’an dernier, sous la direction de Valentin Doni, pour trois concertos, pour hautbois (David Walter) en do majeur de Haydn, pour piano (Konstantin Lifschitz) en la mineur de Schumann et la Symphonie concertante pour clarinette (Darko Brlek) et flûte (Massimo Mercelli) de Danzi. Brahms nous attend pour une soirée de musique de chambre avec le quintette rassemblant les violonistes Sophie Kalch, Yaïr Benaïm, l’altiste Laurent Camatte, la violoncelliste Velitchka Yotcheva, la pianiste Carine Zarifian et le clarinettiste Dominique Vidal. Puis, le violon de Yuzuko Horigome et le piano de Jean-Marc Luisada arpenteront les œuvres de Mozart, Schumann, Bach et Franck. Une soirée lyrique s’invite parmi les soirées instrumentales avec la mezzo-soprano Sophie Fournier accompagnée au piano par Yuzuko Horigome © X-D.R. Hélène Lucas, en une invitation au voyage déclinée par Duparc, Debussy, De Falla. M.C . e festival estival Les Nuits pianistiques d’étudiants venus du monde entier. « L’Aca- fête sa 26e édition. Michel Bourdoncle, démie a pour mission essentielle de donner Ldirecteur artistique de cette manifestation le goût aux jeunes musiciens », sourit Michel phare, se plaît à en rappeler les débuts, en Bourdoncle, celui du travail d’orchestre ou de 1993, au Bois de l’Aune, la persévérance des musique de chambre, cultivé lors des classes équipes de bénévoles et le constant soutien diurnes, sous la houlette d’artistes et de profes- de la ville d’Aix-en-Provence. Jeunes talents, seurs à la renommée internationale, et exprimé artistes confirmés de la région et au-delà se aux publics au cours de soirées musicales. partagent l’affiche sur une programmation Piano, violon, violoncelle, contrebasse, orgue, qui privilégie, à quelques exceptions près, le harpe, flûte, saxophone, cor, hautbois, seront répertoire romantique. L’originalité du festival abordés ainsi que le chant, l’art de la lecture à est d’unir étroitement diffusion musicale et vue, celui, si délicat, de l’accompagnement au Les Nuits pianistiques 31 juillet au 11 août pédagogie, associant depuis 2006 l’Académie piano et même la direction d’orchestre, grâce Auditorium Campra, Conservatoire Internationale des Nuits Pianistiques qui à Jean-Philippe Dambreville, directeur du Darius Milhaud, Aix-en-Provence accueille chaque année plus d’une centaine Conservatoire Darius Milhaud, qui ouvre ses 06 23 91 00 29 lesnuitspianistiques.org 30 festivals Un été en chantant

l’aube d’une saison estivale pour le moins pour l’Office des Ténèbres du Samedi Saint chargée en actualités musicales pour d’Alonso Lobo. Comme lors des précédentes Àl’ensemble Les Voix Animées, le tout éditions, une création de Romain Bastard e nouveau 7 cycle Entre pierres et mer se viendra également compléter la soirée. profile à l’horizon, comme un aboutissement, Pour terminer la série, on pourra à nouveau avec une série de 6 concerts à travers la région entendre les 6 chanteurs a cappella sur 3 dates, qui commencera mi-août pour s’achever le 22 septembre à la Villa Tamaris, centre fin septembre. Historiquement cohérent, le d’art, à la Seyne-sur-mer, le 23 septembre une programme de ce nouveau cycle de repré- nouvelle fois à l’Abbaye du Thoronet et sentations se propose de faire voyager ses enfin le 25 septembre au Parvis d’Avignon. auditeurs dans le foisonnement culturel de Le concert intitulé Siècle d’Or mettra à l’hon- l’Espagne du Siècle d’Or, y compris dans la neur la Missa « Mille regretz » de Cristobal « Nouvelle Espagne », sous la période féconde de Moralès sur le thème bien connu de la du règne des Habsbourg. chanson de Josquin des Près ainsi que Le 18 août à la Tour royale à Toulon et le len- les Lamentations de Manuel Cardoso. De demain à l’Abbaye du Thoronet, 7 chanteurs beaux moments de polyphonies a cappella a cappella se réuniront pour le concert Delicia en perspective pour témoigner de la gande Sacrae où l’on pourra entendre la Missa « Vidi cohérence stylistique d’une période prolifique. speciosam » de Tomas Luis de Victoria, un ÉMILIEN MOREAU des sommets de l’art polyphonique issu du Concile de Trente à l’instar de Palestrina, ainsi Les Voix Animées, Abbaye du Thronet EPEM 2018 que les Lamentations extraites d’un livre de © Alexandre-Minard chœur de la cathédrale de Puebla du mexicain chanteurs au nombre de 6 pour le concert 7e Cycle Entre Pierres et Mer d’adoption Juan Gutierrez de Padilla. Lux Aeterna dans un répertoire empreint de 18 & 19 août, 9, 23 & 25 septembre Le 9 septembre, l’Abbaye du Thoronet gravité autour de la Missa « Pro Defunctis » Divers lieux, Var et Vaucluse accueillera cette fois l’ensemble et les de Manuel Cardoso et des Lamentations 06 51 63 51 65 lesvoixanimees.com

Crépuscules en musique

’est, à nouveau, durant les dernières 25. Portés, ici encore, par la soirées d’août et dans le cadre idyllique participation de musiciens Cde la Collégiale Notre-Dame Dalidon, des plus grands orchestres que se déroulera la 2e édition du Festival nationaux, dont Christophe des Concerts au coucher du soleil. Invité Guiot, titulaire de l’ONP et à stationner sur le parking Sainte-Cécile, le ici violon solo, du Chœur public se rendra sur les hauteurs du village du Luberon, et de quatre d’Oppède-le-Vieux par un chemin champêtre. solistes confirmés, la soprane La première partie des concerts se tiendra Viktorija Miškūnaité, la dans les murs de la resplendissante église contralto Camille Merckx, gothique, la seconde sur son parvis, où le le ténor Thomas Bettinger crépuscule sur la vallée et le Mont Ventoux et la basse Jérôme Varnier, accompagnera les pages musicales choisies cette édition confirme l’exi- Cyril Diederich © Martynas Aleksa par Cyril Diederich, fondateur et directeur gence de Cyril Diederich. du festival. le Nisi Dominus de Vivaldi, la Water Music de De quoi égayer considérablement la fin de Au programme, composé en majorité d’ex- Haendel). De l’opéra au répertoire liturgique, l’été luberonnais. traits d’œuvres minutieusement choisis, on c’est encore le même désir de théâtre et de SUZANNE CANESSA retrouvera les compositeurs français qui polyphonie qui anime cette programmation ont fait la renommée du chef (le Faust de vivante et colorée, qui s’étendra sur quatre Les Concerts au coucher du soleil Gounod, la Manon de Massenet, Les Contes dates et trois concerts, « Rencontre du sacré 21, 22, 24 & 25 août d’Hoffmann d’Offenbach), mais également et du profane » les 21 et 22 août, « Prières et Collégiale Notre-Dame Dalidon, Oppède-le-Vieux ces grands classiques baroques dont on ne duos d’amour » le 24 et « Quand les Requiem 07 69 88 34 70 saurait se lasser (le Stabat Mater de Pergolèse, sont opératiques et les opéras extatiques » le lesconcertaucoucherdesoleil.jimdo.com 31 Les femmes de Giono Pour cette 13e édition des Rencontres Giono, l’association Les Amis de Jean Giono s’intéresse aux Héroïnes romanesques dans l’œuvre de l’auteur manosquin

ombreuses sont les femmes dans l’œuvre Spécialement conçu de Giono, mais toutes n’ont pas eu la pour les Rencontres, le Nmême importance. Ainsi, dans les pre- spectacle de Daniel miers romans (écrits dans les années 30 et Hanivel, Julia et jusqu’au début des années 40), elles subissent Madeleine dans la le plus souvent une société patriarcale qui les tourmente, avec Alice cantonne à des rôles peu enthousiasmants. Mora, donnera un éclai- Le plus souvent soumises ou dominées, elles rage particulier sur les sont mères, épouses, amantes, et valorisent personnages féminins du les hommes qu’elles accompagnent. Elles se Grand Troupeau, roman de nomment Angèle dans Un de Baumugnes, guerre de Giono. A li ce M o Arsule dans Regain, Aurélie dans La femme Beaucoup de musique aussi pour ra © Ph du boulanger, Marthe, Joséphine, Aurore et célébrer ces héroïnes, à la Chapelle oto s A mi s Jea Zulma dans Que ma joie demeure… de la Fondation Carzou, à l’église n Giono Ce n’est qu’à partir de 1941 qu’elles vont Notre-Dame-de-Romigier et à l’église s’affranchir des conventions, de l’ordre moral Saint-Sauveur : un florilège d’œuvres de et social qui les étouffe, et revendiquer des Mozart, Beethoven, Schumann, Ibert, Doppler, caractères forts et passionnants : éprises de Chostakovitch avec Sandrine Flavigny au liberté, elles seront amazones, dominatrices, violon, Stéphane Valls à la flûte traversière brigandes, meurtrières ! Elles seront Adelina et Ana Cogan au piano ; des concerts avec White dans Pour saluer Melville, Thérèse la soprano Pauline Courtin, accompagnée et Sylvie Numance dans Les âmes fortes, d’Olivier Lechardeur au piano, sur des œuvres Pauline de Théus dans Le Hussard sur le de Mozart, Massenet, Poulenc et Arditi, Colin toit, Jeanne de Quelte, dans L’Iris de Suze, Heller sur des musiques traditionnelles de magnifique et sublime héroïne du dernier Suède au nyckelharpa (instrument à cordes), roman de Jean Giono. et le trio Laurence Monti (violon), Frédéric Conférences, débats, concerts, lectures théâ- Lagarde (violoncelle) et Olivier Lechardeur trales et projections cinématographiques (piano) sur Schubert. s’emploieront, comme chaque année, à rendre Sans oublier les conférences que donneront compte de ces « stupéfiantes » héroïnes Jean-Yves Laurichesse (La paysanne et romanesques. l’amazone : portraits de femmes en guerre par Le Théâtre Jean Le Bleu accueille de nom- Jean Giono), Jacques Mény (Aline Fenoul breuses lectures : accompagnée d’Olivier ou pourquoi Jablines) et Julie Mallon (Les Lechardeur au piano et Laurence Monti héroïnes gionniennes : stupéfiantes !), les au violon, Marie-Christine Barrault lira des projections de films (dontL’Aventure de extraits de Angelo, Le Hussard sur le toit, Dra- madame Muir de Joseph Mankiewicz, dans goon et L’Iris de Suze ; Geneviève Esménard les jardins du Paraïs, la maison de Jean des extraits de Jean le Bleu, des préfaces de Giono), et le café littéraire avec tous les auteurs Giono à l’Iliade lors d’une conférence d’Agnès invités, et ils sont nombreux !, à la librairie Landes sur Les métamorphoses d’Hélène de Au Poivre d’Âne. Troie, de La Croix (une des nouvelles de Faust DOMINIQUE MARÇON au village) et de textes choisis et présentés par Michèle Ducheny sur le thème Femmes en métamorphoses ; Sophie Brochet quant à elle donnera lecture de textes choisis par Marie-Anne Arnaud-Toulouse, Mireille Rencontres Giono Sacotte Agnès Castiglione , , Agnès Landes, 31 juillet au 4 août Julie Mallon, Sylvie Vignes et Corinne Divers lieux, Manosque Zimmerman sur les héroïnes gionniennes. 04 92 87 73 03 rencontresgiono.fr

communauté de communes 32 critiques festival de Marseille Traductions et littéralité

Le Festival de Marseille a connu une édition exceptionnelle, ouvrant la Ville sur ses confins, sur l’Europe, l’Afrique, le monde, l’histoire... et posant la question de la traduction en danse, en mots, en français, des idées qui l’ont traversée Requiem pour L, Alain Platel © Chris Van der Burght

a langue de l’Europe, c’est la tra- mouvements, est accompagné de mots qu’on farci par d’autres musiques qui lui répondent duction », écrivait Umberto Eco. l’on aimerait comprendre, aussi, au-delà de magnifiquement -et répondre auRequiem de «LEt la langue du monde ? Ambi- la fascination pour cet univers si singulier... Mozart n’est pas une mince affaire. Au-dessus tionnant d’apporter le monde à Marseille, présent aussi dans le solo du chorégraphe, d’eux, en un gros plan presque fixe et contenu, Jan Goossens directeur du Festival de mystérieux, évoquant une mythologie, des une vieille femme meurt, filmée durant ces Marseille a pris le parti de ne pas surtitrer, rituels, dont on aimerait posséder plus de derniers instants, dans un lent adieu à la de laisser entendre, ou de traduire. Parti réussi clefs de compréhension. vie, accompagnée des siens. La musique du dans Guerre et Térébenthine, où le choix Rien de tel dans le Requiem pour L. de Platel « Repose en paix » l’accompagne, triste dans du français nous évite de perdre le jeu en et Cassol, pourtant pas davantage traduit, le Lacrimosa, déchirante et déchirée dans le passant notre temps à lire (voir encadré), mais limpide. Un coup de poing, de génie, qui Dies Irae, mais joyeuse aussi célébrant la vie, plus discutable dans Kirina où l’on perd une réunit deux qualités rares dans les œuvres : la renaissance, l’éternité des âmes et de leur partie du sens (voir encadré), ou dans Balabala une maîtrise -de la dramaturgie, de la musique, mémoire. Des choses sont dites dans des du chorégraphe javanais Eko Supriyanto : de la scénographie et du propos- et dans le langues que l’on ne comprend pas mais les 5 jeunes femmes, fascinantes, exécutent même temps une faculté d’invention et une voix, les corps, sont si expressifs, et le Requiem visiblement une danse rituelle masculine force d’émotion intactes. Sur le plateau 15 si familier, dans son latin mais surtout dans -colonnes droites, démonstrations de force, hommes et 1 femme, des Noirs et quelques ses notes, que tout y est sublimement clair, piétinements- contrastant avec des moments Blancs, des corpulences contrastées, musi- et si émouvant. « féminins » -hanches mobiles, séduction, ciens, chanteurs, lyriques ou pas, danseurs ondulations. Mais ce propos sur le genre, ou pas, réinventent le Requiem de Mozart, étonnamment universel dans ses clichés de réorchestré, mais aussi commenté, débordé, Musée de l’Europe défunte C’est en Espéranto que Domo de Europa vous accueille au Mucem, commentant une carte de l’Europe en 2030 dont la France ne fait plus partie : Domo de Europa est une dystopie, une fausse exposition historique qui raconte le délitement de l’Europe au XXIe siècle. L’effroi nous saisit de découvrir cet avenir possible, parce qu’il est la suite la plus vraisem- blable de notre présent fait de nationalismes et de notre crise de l’accueil des migrants, et de ces désirs de Brexit qui saisissent les peuples en souffrance, abandonnés à la pau- vreté par leurs gouvernements. La forme même de l’exposition, dans les salles peu

Domo De Europa - Historio en Ekzilo, Thomas Bellinck-Robin © Stef Stessel 33 Le Cercle acera Belaza a fait de la répétition du le rythme devient transe. C’est peut-être geste sa griffe de chorégraphe autodi- la seule frustration de la pièce : ne pas voir Ndacte. Avec Le Cercle, elle l’inclut dans avec précision le détail de chaque geste, ni une démarche de réécriture d’une œuvre l’expression des visages. Les cinq danseurs éponyme créée en 2012. Une musique de et danseuses, trois femmes et deux hommes, percussions africaines s’amplifie, sur laquelle sont comme pris de frénésie épileptique. se pose une voix féminine que l’on devine Ils tapent à présent des pieds, sautillent, noire américaine. Des corps commencent à renvoyant à des cérémonies tribales. Le se distinguer malgré l’obscurité permanente. cercle entêtant n’en finit plus de rebondir Dans ce noir assourdissant, leur déplacement et de nous entraîner. LUDOVIC THOMAS. sur la scène semble relever de la magie vaudou. Les mouvements saccadés se font Le Cercle, les 4 & 5 juillet, de plus en plus vifs, au fur et à mesure que Théâtre Joliette-Minoterie Guerre et Térébenthine an Lauwers a empoigné le roman familial de Stefan Hertmans, encourant le risque de l’adaptation théâtrale. Qui plus est en le transposant d’un point de vue féminin, endossé par Viviane De Muynck, son actrice fétiche. Elle porte littéralement ce récit Requiem pour L, Alain Platel © Chris Van der Burght J qui traverse le début du XXe siècle vécu par le grand-père de l’auteur : les années dans la mine, la première guerre mondiale, les amours perdues. Démultipliant les perspectives et les plans, faisant cohabiter narration, danse, peinture, musique et vidéo, Jan Lauwers utilisées du Fort Saint Jean, est ambiguë et renoue avec l’engagement physique des troupes, avec une réussite contrastée : des remarquable : on y chemine seul, à travers moments d’une force inoubliable, d’autres trop longs, quand l’ignominie des tranchées une fiction de musée européen, un récit dynamite le plateau, ou que Viviane de Muynck, monstre sacré d’une exceptionnelle dramatique de notre avenir, qui ressemble présence, s’emberlificote dans un texte omniprésent, dans un Français qu’elle maîtrise à un musée post soviétique, après le désastre. admirablement, mais pas comme une langue maternelle... MARIE GODFRIN-GUIDICELLI Les chaises de plastique orange, les plantes grasses mutilées, tout y est laid, et les faux Guerre et térébenthine, les 28 & 29 juin, Le Gymnase documents, les fausses photos mêlées aux vraies, celles de notre présent et de notre passé proche, renforcent l’impression que nous courons à la catastrophe, à la fin de notre monde. Parce que cette Europe qui depuis 70 ans nous garantit la paix, mais nous enferme dans des frontières égoïstes, est construite sur des bases fragiles et injustes, un accord économique, un idéal libéral, un mépris environnemental, une exploitation des

peuples africains, des travailleurs immigrés Guerre et térébenthine, Jan Lauwers - Needcompagny © Maarten Vanden Abeele maintenus dans l’illégalité et la misère. Une Europe qui tient debout tant bien que mal par un fonctionnement lobbyiste, technocratique, qui garantit nos droits fondamentaux mais non Pour sortir au jour nos aspirations démocratiques, et humaines. e solo d’Olivier Dubois met fondamen- accueille le public en bonimenteur à la verve Thomas Bellinck propose ainsi, avec une talement en question le corps dansant, alerte. Verre de champagne et cigarette en ironie et une analyse historique, politique, Lses mémoires et autres traces laissées main, l’humour se mêle au désir de partager économique, d’une grande finesse, une ode par les œuvres chorégraphiques interprétées un moment d’introspection dans lequel les paradoxale à notre utopie européenne, à ou créées. Des quelques soixante spectacles spectateurs deviennent confesseur, juge, fan. laquelle il veut continuer de croire, malgré qu’il a traversés que reste-t-il ? Comment l’art La forme hybride est très touchante dans les pierres tombales à la fin du chemin. Remar- vivant peut-il conserver trace des œuvres ? son mélange de moments dansés, souvenirs quable, à voir jusqu’au 30 juillet, absolument. Sa pièce fait référence au Livre des morts personnels et mise à nu d’un être mu par un AGNÈS FRESCHEL de l’Égypte ancienne, plaçant le souvenir au désir irrépressible de danse. DELPHINE DIEU centre d’une quête d’éternité. Cette convo- Balabala a été donné du 15 au 17 juin à La Friche, cation aux accents cérémonieux prend une Requiem pour L du 6 au 8 juillet au Silo ; Domo De forme ludique, festive et inscrit les spectateurs Pour sortir au jour, du 22 au 24 juin, Europa se poursuit jusqu’au 30 juillet au Mucem dans le processus de réévocation. Le danseur Klap – Maison pour la danse suite p.34 34 critiques festival de marseille Kirina Lundis du MarsLab n Afrique la parole est sacrée. es jeunes artistes du MarsLab occupent Aussi, dans le « chaos-monde » un espace de découverte et de partage : Equ’est Kirina, bataille fon- Lneuf créations en cours sur trois soirées. datrice de l’Afrique de l’ouest, Les risques pris par les artistes sont partagés quand le maître de la parole crie par les spectateurs, cette fragilité rend ainsi les aux combattants « An Gwena, en expériences précieuses. Chaque performance avant !! », ceux-ci reprennent cou- crée un langage du corps et interroge les rage. Pour mettre en mouvement violences du monde : par l’écoute dansée d’un et en voix ce récit mythique, Serge texte d’Elsa Dorlin, dans Minor stroke porté Aimé Coulibaly a imaginé une par Thomas Birzan ; avec des formes plus fresque épique pour 9 danseurs théâtrales questionnant les zones critiques et 40 amateurs, et Rokia Traoré de notre présent : mémoires collectives de la une mélopée tragique et sensuelle Kirina, Serge Aimé Coulibaly et Rokia Traoré © Philippe Magoni guerre d’Algérie, dans Je suis un homme et pour 4 musiciens et 2 chanteuses. L’équilibre les combats et toutes les migrations. Un propos rien de ce qui est humain ne m’est étranger s’appuie principalement sur une danse de sur l’Afrique rendu plus universel et présent mené par Simon Hardouin, travail flirtant groupe expressive, entre tragédie grecque par un travail sur la vidéo décalé, et la présence avec le théâtre documentaire ; enfin évocation et farandole païenne, la présence discrète des corps très divers des amateurs. On aurait des colonies juives en Palestine dans Ils ne des musiciens et l’intégration habile des aimé, cependant, comprendre les mots et les savaient pas qu’ils étaient dans le monde, chanteuses dans le dispositif dramaturgique. chants qui s’échangent... M. G.-G. projet de Nolwenn Peterschmitt et Maxime Kirina impose son souffle puissant fait de Lévêque. Retenons deux créations abordant complaintes, d’exhortations, de deuils, d’im- avec force l’assujettissement violent du corps précations, de processions, corollaires à tous Kirina, du 29 juin au 2 juillet, La Friche des femmes : Bitches (…) par le Groupe Crisis, et Fatou t’as tout fait de Fatoumata Bagayoko. D.D.

The Sea within Les lundis du MarsLab, 18 & 25 juin, 2 juillet, théâtre des Bernardines ans sa nouvelle création The Sea elles aussi avec la composition musicale within, Lisbeth Gruwez transmet de Maarten Van Cauwenberghe, com- Dà dix danseuses l’art de méditer et de plice de Lisbeth Gruwez et cofondateur de respirer à l’unisson, en quête d’une paix Voetvolk. S’appuyant sur leur singularité, intérieure. Sa chorégraphie est l’exact reflet la chorégraphe construit un opus dont la du regard empathique qu’elle porte sur colonne vertébrale est le jeu des contraires, la communauté de femmes qu’elle s’est entre individualité et collectif, éclatement choisie : légèreté, lenteur, apaisement, et union, lenteur et trépidation. De l’art mouvements décomposés, déplacements de méditer après avoir expurgé sa colère millimétrés, ralentis, poussées et contre intérieure. M. G.-G. poussées composent sa partition. Les danseuses forment un groupe compact, unies jusque dans leur souffle, en osmose The Sea within, les 19 & 20 juin, Merlan

Âge d’or ncommodant pour certains, poignant transmission des émotions, tout simplement pour d’autres. Après deux ans de travail au bonheur ? Puisque l’exclusion, à l’ère Ien atelier avec des enfants marseillais des nouvelles technologies qu’interroge en situation de polyhandicap moteur, le de manière récurrente Castaing, ne semble chorégraphe Minh Cuong Castaing a pas décidée à régresser, cet âge d’or est présenté L’âge d’or, performance suivie d’un salvateur. Et les mines extasiées de ces film. L’artiste va loin dans l’expérimentation, minots désarticulés, portés dans les airs par dans la manipulation des corps d’autrui, leurs pairs professionnels, valent toutes les livrant une œuvre déstabilisante, sur le fil polémiques du monde que le témoignage du rasoir, qui convoque immanquablement cinématographique finit d’apaiser. L.T. un questionnement d’ordre éthique. Mais

en quoi ces jambes qui ne tiennent pas Fatou t’as tout fait, Fatoumata Bagayoko - Lundis du MarsLab debout, ces êtres dont l’expression n’est pas © Pierre Gondard la nôtre ne sont-ils pas aptes à la danse, à la L’âge d’or, le 4 juillet, Frac critiques festival de marseille massilia afropéa 35 Thérapoésie et rap de conscience haque année, depuis ce sombre L’importance C21 février 1995, Soly écrit un poème en hommage à son de la coiffure frère de rap, Ibrahim a profondeur, c’est la peau disait Ali, tombé à 17 ans Paul Valery. C’est aussi le cheveu, sous les balles lâches Ld’après les intervenantes réunies de colleurs d’affiches lors de la table ronde du 23 juin dernier du Front national. Cette à La Friche. Intitulée Les événements année le poème a pris Casey © Benjamin Béchet afropéens comme facteur d’estime de la forme d’une création musicale orchestrée par entre deux morceaux. Mais Casey ne scande soi, elle évoquait la difficulté rencontrée Imhotep, au pied des tours de la Savine, dans pas des tracts ni des appels à la violence. Son par les personnes aux cheveux bouclés, le 15e arr. de Marseille. Aux machines, l’archi- flow révèle une maîtrise de la langue, un esprit frisés ou crépus, à s’accepter et s’intégrer tecte sonore d’IAM a créé une bande originale cultivé, une analyse fine de la société. Si elle dans une société occidentale à dominante accompagnant sobrement les textes récités par excelle lorsqu’elle cible le passé esclavagiste caucasienne, où les canons de beauté Soly. La courte vie d’un adolescent exemplaire, de la France et son héritage post-colonialiste, sont tout autres. Afin de lutter contre la la douleur et le deuil, le vivre-ensemble entaché elle vise tout aussi juste quand elle aborde les négrophobie, Joana Fidalgo, avec le par le racisme et les discriminations, Marseille conditions de vie dans les quartiers populaires Collectif des Rosas à Marseille, explique ville-monde, vigilance et résistance citoyennes, ou les pannes d’ascenseur social. Et n’hésite pas aux jeunes de son quartier l’origine colo- devoir de mémoire et espoir. Les thématiques à flinguer la médiocrité de certains de ses pairs. niale du mot « nègre », et le dénigrement s’enchaînent avec logique. Les mots sont Radicale et révoltée, elle dégage une sagesse des peaux noires comme résultante de dignes. L’envie de communier palpable. Une paradoxale. Et ce n’est pas parce qu’elle se décennies d’esclavage. Alice Tacite, « thérapoésie » comme la définit Soly, maître produit le soir de fête de la musique dans les originaire de Guadeloupe et fondatrice du de cérémonie émouvant et ému, qui accueille quartiers Nord de Marseille, qu’elle ne va pas salon parisien Boucles d’ébènes, précise sur scène plusieurs intervenants de culture se préoccuper d’arrêter son concert à l’heure l’importance de l’image que l’on a de soi : comorienne, dont la chorale de femmes Boras pour ne pas importuner le voisinage. « Nombre de femmes noires ne savent pas ou Hedi Mogne, le neveu qu’Ibrahim Ali n’a LUDOVIC TOMAS comment aborder leur propre chevelure. pas eu le temps de connaître. Après le recueil- Elles ont peur d’abandonner le défrisage, lement, la rage pourra exploser avec l’arrivée de de ne pas parvenir à s’aimer sans ». Une La création en hommage à Ibrahim Ali et Casey. Artiste singulière dans le milieu du rap, difficulté qui se transmet de génération le concert de Casey ont eu lieu à Marseille, la Rouennaise d’ascendance martiniquaise a des à la Savine puis à la Friche, les 21 et 24 en génération, « les mères mal dans leur textes aussi tranchants que son humour peut juin, dans le cadre de Massilia Afropéa, en peau reportant leur mépris d’elles-mêmes être provocateur lorsqu’elle s’adresse au public partenariat avec le Festival de Marseille sur leurs enfants ». La journaliste belge Yvoire de Rosen renchérit : « Les rap- ports de pouvoir sont venus marquer nos corps : les questions d’apparence ne sont He loves and She loves pas superficielles, elles permettent de se réapproprier notre identité ». Pour sa n je ne sais quoi de West Side mère, Cerina de Rosen, à l’origine du Story flottait cet après-midi-là festival Ethno Tendance à Bruxelles, il est Usur les vastes marches de la important de faire défiler des mannequins Place Bargemon. Réunis sous l’impul- non professionnels, recrutés dans la rue, sion du chorégraphe Daniel Larrieu, de toutes les morphologies pour dénoncer une centaine d’amateurs y rejouait la grossophobie, ainsi que des albinos ou les phrases chorégraphiques de deux des transgenres. Lors des échanges avec de ses créations, à l’issue d’ateliers le public, une femme évoque les dégâts menés au Théâtre du Merlan et à He loves and she loves, Dance is in the air © Pierre Gondard de la mondialisation : même en Afrique, la KLAP, Maison pour la danse. Un splendide proposaient ainsi sous un soleil radieux une transmission de ce patrimoine symbolique panorama -Hôtel Dieu et Notre-Dame de la euphorisante entrée en matière à l’événement et esthétique particulièrement riche est Garde surplombant le Vieux-Port- présidait à Dance is in the air... abîmée par la normalisation à l’œuvre... cette performance de 12 min., offrant de belles JULIE BORDENAVE GAËLLE CLOAREC lignes de fuite à ces joyeuses chorégraphies exécutées collectivement : en rond, tirées de la pièce , puis au sol, pour une gracieuse LUX He loves and She loves a été dansé le 30 La table ronde Les événements afropéens danse de bras extraite de Maria Lao. À l’unisson juin sur la Place Bargemon, Marseille, dans comme facteur d’estime de soi a eu lieu de leur marinière, les danseurs amateurs de le cadre du projet Dance is in the air, en le 23 juin, à La Friche, Marseille, dans tous âges, dirigés par cinq artistes complices, partenariat avec le Festival de Marseille le cadre du festival Massilia Afropéa 36 critiques avignon IN Le théâtre du réel Le Festival d’Avignon est comme depuis 72 ans, le témoin avancé des changements du temps, mais surtout de ses rêves

e théâtre, depuis l’antiquité et un peu partout dans le Iphigénie, malgré les symboles de Kreatur et les fictions monde, est fait de fictions tissées entre des personnages saturées mises en scène par Julien Gosselin, c’est L qui retracent des mythes, concentrent fatalement nos le document, le témoignage, l’adresse au public qui, impasses ou rient des travers du temps. Mais le Festival définitivement, dominent. Les acteurs ne sont plus des d’Avignon 2018 restera sans doute celui d’un tournant personnages de fiction, mais des humains, qui témoignent formel historique. Car malgré la tragédie de Thyeste ou de leur expérience, ou incarnent des personnes réelles.

La Reprise. Milo Rau Trans. Didier Ruiz n spectacle de cette trempe nous rappelle la force incomparable du théâtre. Le fait divers est cru : Ihsane Jarfi, jeune homosexuel, a été Usauvagement assassiné à la sortie d’un bar à Liège, en 2002. Que cherche Milo Rau en le transposant sur un plateau ? Son Manifeste de Gand -charte en 10 points publiée en mai 2018- s’inscrit dans l’obsession du metteur en scène à ausculter la transposition du réel sur un plateau. Un long préambule présente d’abord le casting, renvoyant chacun -professionnels et amateurs mélangés- à ses stéréotypes et ses moti- vations à monter sur les planches, vocation ou hasard de la vie. Puis démarre la narration des faits. La vidéo sur grand écran trouve ici une justification, notamment dans les scènes de réalité augmentée rejouées en simultané sur le plateau. Cinq chapitres nous acheminent peu à peu vers la brutale réalité : l’extrême fragilité des parents à l’annonce de la nouvelle ; le déroulé du procès ; la résilience acharnée de l’ex petit ami… les faits, enfin, insoutenables.

Forts du pacte tacite qui nous a été rappelé en première partie, nous Trans, Didier Ruiz © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon sommes armés pour les aborder, au même titre que les comédiens. Humains de part et d’autre du plateau, nous affrontons d’un même l est à nouveau question de théâtre documentaire, joué élan la représentation d’une cruauté humaine et des traumas qui en cette fois par les intéressés eux-mêmes. Sur scène, 4 découlent. Milo Rau se questionne simplement avec nous, avec ténacité, Ifemmes et 3 hommes racontent comment ils ont changé sincérité et générosité. Théâtre documentaire, assorti d’une émotion de genre. Leur prise de conscience, leur cheminement, les sans fard et d’une réflexion en actes sur le rôle du théâtre : la formule réactions de leur familles. Leurs parents, leurs enfants, leur est terriblement efficace, et les questions qu’elle pose -qu’est-ce qui conjoint, leurs patron. Leur lien à leur corps, la joie de se fait théâtre ? Pourquoi ? Avec qui ?- résonnent longtemps après la sentir enfin eux-mêmes, l’émotion quand une mère, un représentation. enfant, une compagne, comprend et accepte leur démarche. JULIE BORDENAVE L’ambiguïté de cette sensation d’être un autre que celui que les autres voient. La violence subie aussi, l’errance, le rejet, les coups. La difficulté ensuite de séduire, de dire ou de cacher, de partager une sexualité. La sensation aussi d’être mutilé, le désir d’être un homme avec des seins, la possibilité d’être un homme sans pénis, la joie après la vaginoplastie. Expériences diverses, opposées, mais toujours livrées avec des mots simples, par des corps qui se sont transformés et qui, malgré ou en raison de leur maladresse sur scène, incarnent d’évidence des personnages forts, déterminés et singuliers : ce sont des êtres, si sûrs de qui ils sont que leurs témoignages, livrés calmement, face au public, dans une demi arène tendue de tissu blanc, suffit à faire théâtre. Parce que quelque chose d’essentiel est dit, sur la liberté absolue de devenir qui on est . La Reprise - Histoire(s) du théâtre © Milo Rau © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon AGNÈS FRESCHEL 37

Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète. Gurshad Shaheman l s’agit, là encore, de témoignages ambiguïté, les récits aussi, l’exil étant recueillis auprès d’exilés Irakiens, vécu comme la seule issue possible, IMarocains ou Syriens. Fuyant les et l’Europe une incroyable terre de combats, la répression, mais surtout liberté, où les yeux enfin peuvent être la violence exercée sur les homo- ouverts. sexuels et les trans. Reste que ces jeunes acteurs, qui ont Ce sont les jeunes acteurs de l’Erac l’âge des personnages qu’ils incarnent, qui incarnent ces voix, assis les yeux n’ont pas la force de témoignage de fermés, avec émotion et talent. Les ceux de Trans, pourtant plus mala- garçons jouent des gays, les filles des droits. Nous voyons aussi, sous leur filles hétéros, ou des trans femmes. peau, les acteurs qu’ils sont. Limite Leurs récits se chevauchent, on du théâtre documentaire ? Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète, Gurshad Shaheman entend d’incroyables douleurs, des © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon A. F. meurtres évités de justesse, des viols, des tortures insupportables : il n’est pas facile (sans doute plus facile d’être lesbienne ou trans d’être gay ou trans femme en pays musulman homme, d’où leur absence). Le titre le dit sans

Le Grand Théâtre d’Oklahama. Madeleine Louarn et Jean-François Auguste vec les acteurs handicapés de la troupe rejettent le désir d’excellence, et le désir de Kreatur, Sasha Waltz Catalyse, on retrouve cette émotion voir sur scène des corps parfaits incarnant a chorégraphe allemande propose Aliée à la présence particulière d’acteurs dans des performances exceptionnelles des comme à son habitude un spectacle différents, qui interrogent la notion même personnages qu’ils ne sont pas. Ltrès maîtrisé, emmené par de très de personnages. Pourtant ce sont bien des Le monde du théâtre, de la culture, a du mal beaux danseurs, magnifiés par des cos- personnages qu’ils incarnent, dans une fiction avec cette inclusion-là : il est de ceux qui tumes sublimes et un travail musical inspirée de divers écrits de Kafka. Personnages emploit le moins de personnel handicapé et, remarquable. Mais si la danse invente qui leur ressemblent, une souris cantatrice malgré un discours constant sur l’attention parfois des mouvements désarticulés dont le chant presque inaudible fascine ; un aux marges, il attend des acteurs, des chan- et très rapides inhabituels, s’inspirant singe devenu homme pour échapper à sa cage, teurs, des danseurs qu’ils soient les meilleurs. d’un hip-hop assimilé, le propos est mais qui se sent à l’étroit dans son identité Madeleine Louarn, ou Pippo Delbono, absent. On assiste à un défilé d’images, humaine ; un homme de pouvoir autoritaire et nous font voir ce que le handicap mental avec une impression de déjà-vu. Une son acolyte ; un performer de la faim... Cette peut nous apprendre de notre humanité. Le danse faible de sens, dans un festival humanité inadaptée, placée dans un décor de public applaudit debout, et le courant qui qui en regorge... cirque qui décale la réalité, remet en cause passe entre les acteurs et le public fait surgir A. F. nos attentes de théâtre. Leur maladresse, leur avec évidence la nécessité de changer de trous de mémoires, leurs incapacités et leur regard, et ce que le théâtre peut accomplir. émotion visible transforment le pacte théâtral, A. F.

Mesdames Messieurs et le reste du monde. David Bobée e feuilleton théâtral de David Bobée est l’événement de ce Lfestival, posant clairement tous les combats d’inclusion, des racisés, des femmes, des LGBT, des handica- pés. Formidable, souvent frontal, dans le combat. 13 épisodes qu’il serait vain de résumer, et qu’il faudra voir et revoir, parce qu’ils sont susceptibles de changer le monde.

Le Grand Théâtre d’Oklahama, Madeleine Louarn et Jean-François Auguste © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon A. F.

suite p.38 38 critiques avignon IN

Romances Inciertos, Ovni(s). Ildi!Eldi! un autre Orlando. François Chaignaud érôme Game a adapté une suite de témoignages recueillis par Ivan Viripaev en vue d’un film. Vraiment ? Le rapport Jà la vérité est au cœur de ce spectacle qui enchaîne des monologues rapportant des expériences de rencontre avec des extraterrestres... Toutes ressemblent plutôt à des hallucinations, mais personne ne juge, ne contredit, ne se moque. Le dispositif scénique, malicieux, très low tech, poursuit les témoins, les éclaire et les accessoirise comme pour les filmer, et les acteurs sont tous formidables dans leur modestie, leur agacement léger et la palette infinie de leur jeu. Un théâtre qui interroge sans cesse sa forme, sa fonction, son rapport au réel, à l’intime, à la fiction, avec une distance ironique constante, mais jamais moqueuse. A. F.

OVNI(S) sera repris au Théâtre d’Arles en mars 2019

Romances Inciertos, un autre Orlando - François Chaignaud, Nino Laisné © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon

’est un petit bijou d’un peu plus d’une heure. Lorsque François Thyeste. Thomas Jolly Chaignaud apparaît sur scène après un prélude musical de ccuper la Cour mythique est, en soi, un exploit. Thomas CPiazzolla, la fascination est immédiate. Il faut dire que le Cloître Jolly l’affronte avec une tragédie antique particulière, des Célestins et ses deux platanes courbés l’un vers l’autre, comme Oqui ne met pas en scène une avancée fatale, mais des s’ils voulaient se toucher, et les 4 musiciens à l’écoute parfaite, monstres, et le crime fondateur de la dynastie maudite des avaient merveilleusement posé une ambiance de recueillement et Atrides. Le metteur en scène n’évite aucun obstacle, tient en d’attente, dans une Espagne des trois cultures recréée : le luth, le haleine malgré la brutalité archaïque du texte, qui ne concède bandonéon, la guitare mauresque, les percussions en peau et les aucun suspense, aucune hésitation, aucun moment de calme violes de gambe évoquent, ensemble , un Al Andalus mythique, et ou de douceur. Le récit du triple meurtre des enfants, le long une musique traditionnelle qui retrouve ses accents populaires et festin où leur père les mange, rien n’est épargné. La musique et profanes. François Chaignaud incarnera, tour à tour, une demoiselle les lumières donnent un petit côté New Age d’un goût parfois guerrière habillée en homme, un San Miguel aux belles cuisses qui douteux, mais Thyeste se tient, spectaculaire, et gagnera sans chante ses tourments d’amour, puis une Tarare androgyne qui roule doute à être joué dans des espaces moins grandiloquents, qui des hanches... Il chante, en baryton, en sopraniste, les romances ne nécessitent pas un jeu outré. populaires. Il danse, aussi, sur échasses, sur pointe, des solis très A. F. difficiles inspirés du flamenco ou de la jota -maquillé, costumé, merveilleux-, il est l’incarnation décalée, ibérique du Orlando au Thyeste, coproduit par Extrapôle, sera repris aux Salins, genre changeant de Virginia Woolf. Fascinant, et triplement virtuose. Martigues, en décembre, à Anthéa, Antibes, au Liberté, Toulon et à La Criée, Marseille, en mars 2019 A. F.

Joueurs, MaoII, Les Noms. Julien Gosselin e marathon du Puis l’on se perd à nouveau, vers la Grèce, Festival. 10 heures dans un théâtre de la litanie qui nous happe. Lde théâtre. Avec Le temps de la réflexion, de l’assimilation les moyens scéno- n’est pas donné, et la violence hypnotise sans graphiques et vidéo possibilité de distance critique. Que nous dit à la mode, des caméras Julien Gosselin, sinon que la société hyper- qui suivent les acteurs moderne nous épuise et génère son propre dont on ne voit pen- dynamitage ? Les romans de Don DeLillo dant 2 heures que sont clairement des dénonciations du chaos, l’image retransmise, mais 2066 et Les particules élémentaires, mis jusqu’à ce que la en scène précédemment par Julien Gosselin, boîte s’ouvre, enfin, laissaient par le dirigisme formel planer la et qu’on découvre même ambiguïté : brûlots politiques contre les espaces dans l’absence de lien mal compensé par du sexe lesquels ils évoluent. Joueurs, Mao II, Les Noms, Julien Gosselin © Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon sans âme, ou apologies nihilistes de la violence C’est indéniablement virtuose, mais on ne très inégaux, hurlent la plupart du temps. qu’elle génère ? sait trop ce que cela raconte sur la violence, Jusqu’à ce que la deuxième partie se centre sur A. F. le terrorisme politique, la société. Les acteurs, l’écrivain Bill Gray et son rapport à la violence. 39 Les voi(es)x de Jeanne Moreau

’accueil est éclatant : derrière un d’approfondir la rencontre avec rideau rouge apparaît Jeanne une diffusion permanente, aérienne LMoreau, sourire aux lèvres. ou ciblée. Près de 150 documents La photo nous invite à pénétrer d’archives, exceptionnels, balisent directement dans sa loge, première la déambulation : photographies, halte symbolique d’un parcours costumes, documents originaux de foisonnant qui rend hommage contrats et programmes, extraits à cette femme de théâtre, cette vidéo et sonores des spectacles amoureuse et passeuse passionnée dans lesquels elle a joué… Tous des mots, de la langue, et des textes les choix audacieux, rigoureux qu’elle a fait siens toute sa vie. qui ont construit sa vie, d’ac- Plus qu’une exposition, c’est une trice et de femme, se mêlent là promenade sensorielle immersive, à l’histoire du théâtre, à celle du ensorcelante, dans l’intimité et Festival d’Avignon. On s’étourdit, l’œuvre de la comédienne et chan- © Christophe Raynaud de Lage d’une chanson, d’un entretien, teuse qui traversa l’histoire du Festival de phrases volées au détour d’une d’Avignon, de 1947 (quand il n’était encore que La Semaine d’Art) à salle, d’un couloir. Sa voix nous guide, oreilles et regard aux aguets, 2011. Laure Adler (journaliste, écrivaine, productrice à Radio France), sensibles aux moindres sons et images. C’est elle et tous ceux qu’elle qui en est la commissaire, a imaginé cette exposition/installation a accompagnés, c’est elle dans une vie faite de choix qui ont pour avec Nathalie Cabrera (directrice déléguée de l’association Jean maîtres mots liberté, textes, incarnation, c’est elle encore par les Vilar) comme un récit sonore dont la voix de Jeanne Moreau est le mots de ceux qui l’ont côtoyée. C’est elle encore qui questionne, fil conducteur. La scénographie de Nathalie Crinière (agence NC) aujourd’hui, la place de l’art dans nos vies. exprime et accompagne cette présence quasi palpable, structure DOMINIQUE MARÇON les époques que l’on traverse -de la jeune fille débutant avec Jean Vilar à l’actrice iconique récitante aux côtés d’Étienne Daho, de la Je suis vous tous qui m’écoutez Jeanne Moreau, une vie de théâtre personne publique à celle qui se livrait plus intimement parfois ; jusqu’au 12 avril le dispositif sonore de Christian Sébille (directeur du Gmem/ Maison Jean Vilar, Avignon SNCM-Marseille) crée une continuité dans les déplacements, permet 04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org

Lacroix met les musées en pièces S’il est un miracle que Mirabilis, la grande exposition des musées d’Avignon, met en scène, c’est celle de l’analogie spirituelle des choses...

hristian Lacroix a scénographié dans musée Lapidaire, les surprenants musée la Chapelle du Palais des Papes une Requien et Palais du Roure. Esprit Calvet Cexposition d’échantillons empruntés aux et Esprit Requien, les deux fondateurs des fonds des musées avignonnais, de sciences, principales collections d’art et de sciences d’art sacré ou profane de tous les siècles, de d’Avignon, semblent avoir présidé à l’amon- folklore. Est-ce parce que la ville est liée à ses cellement de têtes de Papes qui répondent souvenirs d’enfant, ou parce que les Papes à des gargouilles, des taureaux aplatis, des dissidents planent encore dans les lieux ? peintures anonymes, des sculptures antiques L’exposition a un petit air solennel, spirituel privées de bras, des meubles, des blasons, et satirique à la fois, mélange inattendu de des cloches. Le tout en rouge et dorures, pièces oubliées, négligées, qui révèlent une savamment orchestré pour surprendre l’œil. poésie baroque dans leur mise en dialogue. Et les Esprit ! Celle-ci n’a rien de chronologique, de thé- A. F. matique, mais repose sur des analogies de formes, des contrastes de propos, des jeux de matières et de couleur. Chacune d’entre Mirabilis elle invite à prolonger l’exploration dans les jusqu’au 13 janvier divers musées, le merveilleux Petit Palais, Palais des Papes, Avignon le somptueux musée Calvet, les sculptures du 04 32 74 32 74 avignon-tourisme.com © Christian Lacroix 40 critiques les hivernales La danse habite Spectacles, ateliers, rencontres, projections… Avignon la danse bat son plein aux Hivernales

ait du hasard ou non, l’Été des Hivernales se fait l’écho des violences du monde qui Fpercutent les créations chorégraphiques de plein fouet. Ici l’Afrique postcoloniale, l’entraide nécessaire à la survie, là la com- plexité des rapports humains… Doit-on voir un signe ou un symbole de notre sombre histoire contemporaine dans la pénombre qui envahit quasi systématiquement les plateaux ? De fait les corps des danseurs y apparaissent par fragments, dans la découpe de la lumière : effets de style communs aux compagnies La Vouivre et Chriki’Z qui composent leur narration autour d’une succession de tableaux. Un Feu sculptural enveloppe les saynètes élaborées par Bérangère Fournier et Samuel Faccioli qui « convoquent la violence du monde et notre capacité à y résister » : postures figées, figures statiques, images fugaces de couples évanouis, de fuites et d’apparitions, de plongées en avant et de chutes en arrière qui peu à peu débordent du cadre pour envahir progressivement l’avant-scène. Par l’empê- chement physique et la confrontation des regards, Feu questionne les rapports de force, l’individu face au groupe. Toute sa structure repose sur un procédé éculé (dehors-dedans, devant-derrière, répétition-déclinaison) mais techniquement maîtrisé, sur le fil d’une tension permanente qui laissera les interprètes K.O. debout, dans un état de relâchement attendu. Plus légères et poétiques, les petites formes [oups] et [opus] du tandem nous avaient à l’époque comblés, mais c’était il y a plus de dix ans… Mêmes éclipses lumineuses, donc, pour introduire L’IniZio répercutées ici au sol dans un découpage graphique. Seule similitude scénographique, car là où La Vouivre inscrit son écriture dans un geste précis, presque théâtralisé, Chriki’Z revendique « un hip hop qui s’éloigne des stéréotypes ». Sauf que De(s) Personne(s), Julie Coutant et Éric Fessenmeyer © Xavier Bourdereau L’IniZio opère le même modus operandi que les pièces classiques du hip hop avec des d’expressions surjouées, de clichés masculins. pas l’artiste américain James Turrell, le personnalités qui s’échappent du collectif Une lassitude matinée d’exaspération quand danseur mozambicain pose ses tripes sur pour performer leurs figures. Prenant pré- le Miserere de Gregorio Allegri vient saturer le plateau. Vague de mouvements venus de texte de « s’inspirer librement de La Genèse nos oreilles ! l’intérieur, énergie continue, souffle sans fin ; peinte par Michel-Ange », la mise en œuvre Tout aussi sombre mais totalement habité, le tremblements, convulsions, claquements des de la dramaturgie pressentie dès le premier solo Black Belt écrit par Frank Micheletti dents, râles, trépignements, frappes syncopées acte laisse place à un sentiment pesant : la pour Idio Chichava est époustouflant. Là, de tout son corps jusqu’à l’abandon de soi. lassitude gagne à force de regards pesants, dans une épure lumineuse que ne renierait Comme si celui-ci ne lui appartenait plus. GRÉOUX-LES-BAINS

GRÉOUX

Effroi silencieux, bouche ouverte, yeux exorbités, masque de douleur. Sa présence sombre irradie le plateau dans un flux et 8 reflux de mouvements, de sons live, de néons, de rythmes. De point de rupture en point de rupture, Idio Chichava regarde l’Afrique d’aujourd’hui droit dans les yeux en épousant sa ferveur et son indéboulonnable énergie. FESTIVAL De l’ombre à la lumière Sous les heureux auspices de Gershwin et du compositeur contemporain Mauro Lanza, le chorégraphe suisse Thomas Hauert fait se confronter les danseurs de sa compagnie ZOO au Concerto en fa et à Ludus de Morte Regis. Il les plonge CONCERTS DU 19 AU 23 SEPTEMBRE 2018 d’abord dans une noirceur extatique (amas de corps compact CENTRE DE CONGRÈS L’ÉTOILE et informel), puis les extrait lentement (le groupe se disloque, se désagrège) avant de les exposer à la pleine lumière et les THE SHOESHINERS // Mercredi 19 septembre – 20h30 jeter dans une sarabande folle. Électrons libres, volontiers DAVID COSTA COELHO & THE SMOKY JOE COMBO // Jeudi 20 septembre – 20h30 impulsifs, ils se lancent à corps perdus dans une débandade ALFRED AND HIS GANG // Vendredi 21 septembre – 20h30 faussement improvisée par des enchaînements fébriles et des MARC LAFERRIÈRE placements imprécis, un méli-mélo de pieds et de jambes SOPRANISSIMO // Samedi 22 septembre – 20h30 désarticulés, des tâtonnements à l’aveugle. Dans une sorte BIG BAND PERTUIS // Dimanche 23 septembre – 17h30 de dysharmonie parfaitement orchestrée. Formidablement 04.92.78.01.08 // BILLETTERIE dense et détaillée, sa chorégraphie résulte d’une écriture et Plein tarif : 19 € - Tarif réduit* 16 €

RI FS : (*moins de 25 ans, demandeurs d’emploi et groupes).

d’une interprétation en absolue osmose avec les partitions TA Gratuit pour les moins de 12 ans. musicales savamment entremêlées. Inaudible est l’exact Abonnement : J’ Gréoux : 3 spectacles 48 € - 4 spectacles 60 € - 5 spectacles 70 € miroir de son titre : désordonné, flamboyant, léger, hypnotique. Le contre-pied du ballet, traditionnellement audible, sage et raisonnable, qui lui a valu de recevoir le Prix suisse de la danse 2017. On comprend pourquoi ! Avec la même force de conviction et la même puissanceEncart_zibeline.indd 1 11/07/2018 15:48:57 dans l’interprétation, le quintet de danseurs de La Cavale transporte De(s) personne(s) de l’ombre à la lumière, de l’im- mobilisme à la transe. Leur présence aimante notre regard : à quoi pensent-ils ainsi statufiés, sculptés ? Avec une simplicité limpide tout prend sens, comme marcher main dans la main, tenter d’embarquer l’Autre avec soi, hésiter prudemment, ébaucher un geste. Long mouvement ascendant chorégra- phié sans chichi par Julie Coutant et Éric Fessenmeyer, également interprètes, De(s) personne(s) fait l’effet d’une plume qui virevolte, danse, tombe du ciel. Le bruit des pales du ventilateur scande les déplacements, les approches, font sursauter le quintet. Plus que le geste parfait, c’est la résonance des corps dans leurs singularités qui rend la pièce plus que parfaite, fluide, scandée puissamment jusqu’à l’extase par une mise en tension rythmique et corporelle intensive. Pas de portés ni d’enlacements, à peine se frôlent-ils comme par accident, et leurs tentatives de rapprochement avortés nous rappellent, comme une évidence, qu’un groupe est l’addition de(s) personne(s). MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

On (y) danse aussi l’été ! jusqu’au 24 juillet Les Hivernales - CDCN, Avignon 04 90 82 33 12 hivernales-avignon.com 42 critiques avignon off Premiers parfums de Off La première semaine, le flair est aiguisé, prêt à toutes les expériences et découvertes. Retours de fragrances

Et hop, les guérisseurs !

’argument de la nouvelle pièce de Rufus (création 2018) repose sur la rencontre entre un guérisseur plus ou moins psy, Lebeur- Llard (Rufus) et un tueur à gages, Jean Dube, (Richard Martin). Ce dernier vient se faire soigner car il éprouve des difficultés à exercer son métier. Supplications, menaces tentent de convaincre le spécialiste d’exercer son art pour soulager ce patient atypique. Symbole de l’innocence perdue, une femme (Zoé Narcy) hante les personnages, tour à tour invisible à l’un et à l’autre, petite fille qui joue à la marelle, seule à pouvoir tutoyer le ciel, spectatrice muette et mutine, convoquée pour une démonstration quelque peu délirante… Thème du pardon, de l’adéquation avec soi-même, sans doute, en un texte qui parfois tire à la ligne, manque de densité. L’interprétation de Richard Martin rachète l’ensemble, tout en retenue, justesse, un sens précis du décalage, et une impressionnante présence scénique. MARYVONNE COLOMBANI

Et hop, les guérisseurs ! jusqu’au 28 juillet (relâche le 24) Théâtre du Balcon © X DR.

Cabaret Louise

a Cie du Grand Soir, pour- et évocation puissante de Louise suivant la ligne d’un « théâtre Michel durant la Commune : sa Ljoyeux et engagé » propose confrontation avec Thiers qui préféra sa nouvelle création, Cabaret se replier à Versailles et vendre la Louise de (notre collaborateur) France plutôt que de donner voix Régis Vlachos, mise en scène au peuple, Jules Ferry (l’école laïque avec une inventivité déjantée gratuite et obligatoire, ce n’est pas par Marc Pistolesi. Sous l’en- lui, mais Louise Michel !), sa cor- veloppe d’un Cabaret, se mêlent respondance avec Hugo, sa relation en un parcours diachronique avec Théophile Ferré… Un spectacle la Commune, Mai 68 et notre profond, drôle, qui nous donne la époque dans laquelle, en un effet sensation d’être vivants ! de réel jubilatoire, les acteurs M.C. (bouleversante Charlotte Zotto, Régis Vlachos, Johanna Garnier, qui joue son propre

rôle de régisseuse et militante) © Xavier Cantat se livrent à une « comédie de boulevard ». Ce jeu d’échos accorde à la situa- par les vainqueurs ». Les saynètes, denses, Cabaret Louise tion contemporaine un éclairage pertinent à s’enchaînent en un rythme facétieux, alter- jusqu’au 29 juillet (relâche le 24) l’encontre des narrations officielles « écrites nant moments musicaux, courses poursuites, Théâtre des Barriques 43 Les travaux avancent à grands pas

’Amicale de production affectionne les scénographies mini- malistes. Ici, de simples plantes vertes et des cartons blancs, Lchacun barré d’une mention énigmatique - « Apparition ; Le tiret du six… », soit l’étalement au grand jour d’un rhizome de pensées. Et pour cause : le bien nommé Les travaux avancent à grands pas explore les rouages de la création d’un spectacle encore inachevé. Soit sept ébauches « sur le feu », à « faire goûter à un public avignonnais affamé de culture ». À l’issue d’un tirage au sort à base d’avions en papier façonnés avec la feuille de salle, c’était ce 11 juillet Julien Fournet qui nous exposait son travail : un fantasque « surf sur la Mer de la Réalité » pour une tentative d’épuisement de concepts - la proxémie, la cabaliste… Dans un esprit pince-sans- rire mâtiné d’érudition, s’ébauche un métadiscours sur ce qui fait événement, intime ou culturel. L’entre-soi du propos peut parfois agacer, mais de vrais traits d’esprit subsistent, dans une ambiance joyeusement interactive. JULIE BORDENAVE

Les travaux avancent à grands pas jusqu’au 27 juillet (relâche le 25) 11 Gilgamesh Belleville Julien Fournet - AMIS TOKYO © Masahiro Hasunuma

Zibeline encart EPEM 2018.qxp_Mise en page Bienvenue en Corée du Nord

ls sont beaux, ces quatre clowns au dress code très sixties : robes et impers cintrés, CYCLE DE CONCERTS Icouleurs acidulées… Il y a la leadeuse, la « ENTRE PIERRES ET MER » bouc-émissaire, le grand dadais et notre coup MUSIQUE SACRÉE A CAPPELLA de cœur, Laura Deforge, qui campe une DE LA RENAISSANCE furibarde et touchante Brigitte. Mais est-ce parce que la situation de la Corée du Nord est indicible, que le spectacle n’empoigne pas frontalement le sujet ? Le voyage a pourtant eu lieu, dix jours d’immersion dans ce pays aux frontières si étanches. Au retour, le lan- gage du bouffon reste toutefois cantonné au détournement de codes - danse de missile, traduction de chants partisans - sans réel- lement user de son potentiel subversif. La Corée du Nord reste alors une toile de fond, qui permet au quatuor (déjà mis en scène SAM. 18 AOÛT, 21H par Olivier Lopez dans Les Clownesses TOUR ROYALE, TOULON en 2013) de révéler de belles personnalités. On guettera notamment le solo de Marie- DIM. 19 AOÛT, 17H Laure Baudain, mis en scène par Paola DIM. 9 SEPTEMBRE, 17H Rizza, attendu pour la saison 2019/20. DIM. 23 SEPTEMBRE, 17H J.B. ABBAYE DU THORONET

Bienvenue en Corée du Nord SAM. 22 SEPTEMBRE, 20H jusqu’au 29 juillet (relâche le 23) Théâtre des Halles VILLA TAMARIS, LA SEYNE-SUR-MER © Alban Van Wassenhove www.lesvoixanimees.com 44 critiques avignon off Speed LevinG

a pratique Speed Dating, rencontres tour- lisent les traductions nantes de 10 minutes dans des bars, a qui s’affichent, les Linspiré ce montage à Laurent Brethome, scènes s’enchaînent metteur en scène de ce Speed LevinG, rassem- avec furie, en musique blant des éléments de 4 pièces-cabarets de et chansons, sans liens Hanokh Levin, dramaturge israélien devenu entre les différents un classique de la fin du XXe siècle. Il s’agissait moments, sans amour. de faire jouer, ensemble et chacun dans sa Sur le plateau presque langue, cinq élèves-comédiens français de vide aux éclairages l’ERACM (école régionale d’acteurs de Cannes crus, les comédiens et Marseille) et cinq élèves-comédiens israé- sautent et virevoltent, liens de Nissan Nativ Acting Studio de Tel-Aviv, entre absurde et dans le cadre de la très controversée saison scatologie, embarras culturelle France-Israël 2018. Des Palestiniens gastriques et allergie. appelaient d’ailleurs au boycott lors de la Entre deux langues,

création, position ambiguë : si l’État israélien © Olivier Quéro deux mondes, bruit, pratique sans conteste le « culture bashing » en rire et fureur. essayant de redorer son image démocratique, en recherche de l’« autre » et soulignent avec CHRIS BOURGUE ET Hanokh Levin était, justement, un dénoncia- noirceur et humour leur misère sentimentale AGNÈS FRESCHEL teur de l’occupation illégale des territoires... et sexuelle. Tous veulent vivre leur vie par les Le montage repose sur une succession deux bouts, avoir une aventure pour sortir de Speed LevinG très rapide de saynètes, microfictions qui la grisaille, mais leurs confidences sont misé- jusqu’au 26 juillet confrontent une multitude de personnages rables, leurs tentatives avortent. Les acteurs La Manufacture

Tzigane ! Une succession de tableaux vifs, colorés, inspirés de Manet, Picasso, Le Caravage, ou d’auteurs comme Mérimée, Hugo ou Pouchkine laissent la danse devenir langage, exprimant tous les registres avec une fraîcheur et un talent enthousiaste revigorants. Cette énergie virtuose est empreinte d’une délicate poésie que souligne le chant précis jusqu’au quart de ton de Lilia Roos-Dalskaïa. M.C.

© X-D.R.

a nouvelle création de Johanna Boyé, des personnages, hommes jaloux et prompts qui met en scène le travail de Petia à la bagarre, femmes libres, provocatrices et LIourtchenko, chorégraphe et directeur espiègles, oscillant entre Esméralda et Carmen, de la Cie Romano Atmo, revisite le monde et sachant lire l’avenir dans les cartes ou les Tzigane ! tzigane, jouant sur préjugés et clichés, depuis lignes de la main. Un peintre, tzigane lui-même, jusqu’au 29 juillet (relâche le 23) la silhouette de la roulotte jusqu’aux caractères rend compte de la richesse de ce peuple. Théâtre du Roi René 45 L’Ombre de la baleine On prend le ciel

ikaël Chirinian croise, en un poétique seul- et on le coud à la terre en-scène, la trame d’une histoire familiale et Mcelle de Moby Dick, roman offert au personnage ’écrin d’une chapelle, principal alors qu’il était enfant. La grande histoire, ses un bouquet de fleurs génocides, ses guerres, (Arménie, Algérie, Judéité…), Lprintanières tournant continue de marquer les êtres. La folie de la sœur, la légèrement à l’aplomb violence qu’elle exerce sur elle-même et les autres, que d’une voûte, une lumière pourtant elle déclare aimer, semblent en être l’écho. posée sur les choses L’ouvrage de Melville autorise transpositions, échos et comme un pinceau, et paraboles et aide l’enfant à grandir, à exister malgré le présent prend jusque tout, à apprendre à être lui-même. Mikaël Chirinian dans l’infime des allures dialogue avec une marionnette qui lui ressemble, de parabole, chambre dédoublement de la fiction qui nous entraîne dans d’écho où tout a et fait une vertigineuse mise en abyme. L’acteur se glisse sens. Yan Allegret avec fluidité dans tous les personnages, convoque accorde sa voix aux une fresque sensible et bouleversante, donnant corps textes de Christian © Yann Fery aux rêves arcboutés au réel. Tragédie et drôlerie se Bobin, instantanés du fondent en une délicate tendresse. Des origamis à quotidien, scènes captées au détour d’une gare, d’un champ, composées l’éclatante blancheur fleurissent le décor final, image en tableaux emplis d’une magie qui les transcende. Une femme assise d’un paradis enfin trouvé. dans une gare, son enfant étendu sur ses genoux, devient un tableau M.C. de Fra Angelico, solitude saisissante. Grâce qui émane de ces instants où l’« on prend le ciel et on le coud à la terre ». La vie de l’auteur, sa L’ombre de la baleine relation à l’écriture sont abordées avec une sensibilité subtile qui rend jusqu’au 25 juillet la poésie évidente tout autant que nécessaire : respiration en harmonie Théâtre des Carmes avec les accompagnements musicaux de Yann Féry, souffles, notes démultipliées amplifiant le silence ; les dernières paroles résonnent dans l’ombre, humanité lumineuse et enchantée. M.C.

On prend le ciel et on le coud à la terre jusqu’au 29 juillet (relâche le 23) Théâtre des Halles

© WilliamK

encart-Zibeline-JASR-2018.indd 1 09/07/2018 16:26 46 critiques avignon off J’entrerai dans ton silence On aura pas le temps de tout dire e ne suis pas à ma place, un clown n’est jamais à sa place ». Pour inaugurer sa série de trois portraits d’acteurs, L’In- «Jterlude T/O a choisi de mettre en lumière le parcours de Gilles Defacque. Le directeur du Prato, compagnie et théâtre lillois dédié au burlesque, y incarne à la fois le candide Auguste et l’autocritique Monsieur Loyal. Sur la partition de « Théâtre Oratorio », musique et bruitages joués live répondent au jeu du comédien. De ritournelles – « on t’a pas vu à la télé » - en litanies sur la vie de bohème, en passant par une revue clownesque sur le sort des mineurs, le © Gilbert Scotti spectateur recompose par bribes cette biographie, tirée des Journaux u début de la pièce, deux monologues s’affrontent, chacun de l’auteur. L’émotion pointe, quand Gilles, élégante moustache grise dans sa logique. Le fils, égrainant sa fascination pour les objets et cou auréolé d’une fraise, se confronte à un micro trop haut pour Aqui tournent et s’entrelacent, son obsession de redevenir petit lui. Une sourde mélancolie berce le tout, dans ce quotidien baigné pour rejoindre le giron maternel ; la mère, empruntant de son propre par la Baie de Somme et la « mer en pleurs ». aveu une démarche d’ethnologue, pour tenter de communiquer J.B. par mimétisme avec ce « petit prince cannibale », dont le mutisme suscite d’abord respect, puis désarroi. Le témoignage est infiniment précieux, car il émane de deux protagonistes réels : Françoise On aura pas le Lefebvre et son fils autiste Hugo Horiot, campés au plateau par temps de tout dire les charismatiques Camille Carraz et Fabrice Lebert. Narrateur jusqu’au 26 juillet par intermittence, Serge Barbuscia nous ancre rapidement dans le La Manufacture réel : aujourd’hui quadragénaire, Hugo Horiot est devenu écrivain. La sobriété de la mise en scène se concentre sur l’aventure humaine, une réelle épopée servie par l’écriture utilisée pour « savoir et faire savoir », et s’achève sur les mots de Cioran : « un être humain est soit normal, soit vivant ». J.B.

J’entrerai dans ton silence jusqu’au 28 juillet (relâche le 24) Théâtre du Balcon © Frédéric Iovino

Villeneuve en scènes

près un chapiteau en des thèmes variés : appétit pour les collections, forme de phare (Le observation des toits de Paris… Par un joli APhare, 2006), une bulle phrasé et un preste coup de crayon, son univers de plastique (Bull, 2008) et singulier saute d’Einstein à Newton, de la des bâtiments désaffectés déclivité des toits à la cause de finalité de (projet Mouvinsitu, 2014), Spinoza, sans oublier la poésie loufoque de c’est dans un silo aménagé ses « poussières de poches », bribes d’intimité que Boris Gibé (Cie Les que nous trimballons tous dans les recoins choses de rien) convoque de nos vêtements. Métaphores filées, mises son public pour L’Absolu. en abyme qui retombent sur leurs pieds :

Imposant totem, ce somp- Conférence de poche © Bertrand Lenclos plaisir de voir éclore un nouvel orateur de tueux objet scénographique émotions – création, désir, être et paraître. talent pour les arts de la rue. de 9 mètres de diamètre et 12 de haut crée Défiant les hauteurs, l’artiste sait créer de J.B. déjà l’événement par sa seule présence sur très belles images soulignées par une lumière la plaine de Villeneuve. Lové au cœur de son littéralement sculptante. Et si elles s’étirent L’Absolu, jusqu’au 22 juillet, inédit gradin en colimaçon, le spectateur parfois, elles provoquent un indéniable vertige Festival Villeneuve en scènes embarque pour une expérience sensorielle. chez le spectateur. En tournée dans la région en 2019 Il y a du Tarkovski, du Kafka voire du Pascal Autre vertige, celui procuré par la verve du dans les chutes et ascensions insensées du jeune Léon Lenclos (Cie Nokill) et ses Confé- Conférences de poche a été joué du danseur circassien, confronté au tourment rences de poche. Seul face à son paperboard, 10 au 20 juillet à Villeneuve des éléments – eau, air, trou noir… - et des il campe le conférencier loufoque pour délier À voir le 22 juillet au Festival Résurgence, Lodève 200 x 280_Mise en page 1 05/03/2018 16:29 Page1

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marseille.rtl2.fr 48 critiques musiques Aix Academy !

En prélude au Festival d’art lyrique a création est le principal moteur de l’opéra, insistait Bernard Foccroulle d’Aix-en-Provence, les concerts d’Aix en Juin «Ldans ses “Adieux”, il est essentiel ont mêlé travaux de l’Académie du Festival, d’accueillir des artistes en résidence, leur présence au sein des institutions est nécessaire lauréats HSBC et propositions décalées, pour revivifier ces dernières. La question des ensemble teinté de nostalgie en vue du départ publics se pose aussi, ils ne doivent plus être extérieurs aux processus de la création. du directeur Bernard Foccroulle L’opéra se doit d’être au cœur de la cité, par des formes participatives (ainsi avec la grande Parade d’Orfeo et Majnun). C’est pourquoi l’opéra a besoin de nouvelles narrations, afin de parler de notre époque, de l’interroger ; en cette période de globalisation, il faut aussi penser à instaurer réellement une nouvelle ra © Vincent Beaume ra © Vincent équité entre les cultures ». Émilie Delorme, directrice de l’Académie et des concerts du Festival d’Aix, rappelait comment se sont mis en place de nouveaux processus de création : « L’Académie, véritable laboratoire, nous ouvre

Ténébreuse clarté S ō – Trio Ténébreuse à d’autres cultures, d’autres genres. Diversité, inclusion et équité sont la colonne vertébrale de notre travail. Nous repensons le rapport au public, celui entre création et héritage, et cherchons à donner aux jeunes artistes les moyens de s’emparer de l’opéra de demain ». Parallèlement à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée et ENOA, le nouveau réseau MEDINEA (toutes ces structures fondées grâce au Festival et à l’Académie) soutient l’insertion professionnelle des jeunes artistes en Méditerranée. Ce sens éclot déjà lors d’Aix en juin.

Talents prometteurs L’ultime session de la Résidence Mozart de l’Académie, (elle renaîtra sous une autre forme la saison prochaine), se plaçait sous le signe du souvenir et de la mémoire, avec un « mémo- rable » Remember Mozart intelligemment mis en espace par Leah Hausman. Mozart meurt et son fantôme revient sur certains épisodes de sa vie tumultueuse. Les jeunes interprètes, aux parcours déjà prometteurs et internationaux, apportent leur fraîcheur, leur justesse, leur enthousiasme, se glissent dans chaque rôle avec aisance, jouent, dansent, chantent (voix parfaitement placées, larges, sans emphase, précises), endossant des rôles les plus variés, issus d’œuvres mozartiennes telles Der Schauspieldirektor (Le Directeur de théâtre), La Clémence de Titus, Die Zauberflöte (La Flûte enchantée), Cosi fan tutte, Idoménée, mais aussi de Reynaldo Hahn, charmant « Être 49

compagnie de théâtre La Cage, reprenant une expression du librettiste Hugo von Hof- mannsthal, « Cacher la profondeur », mettait en scène sa relation épistolaire avec Richard Strauss, pudeur des sentiments, émotions que seule exprime la musique, par les sopranos Marlène Assayag et Andreea Soare, le piano de Roman Lemberg, au cours de véritables passes d’armes dites par Antoine Sarrazin. Ce n’est que la mort de « [s]on second moi » écrit Strauss, qui lui fait reconnaître l’impor- Remember Mozart © Vincent Beaume tance de celui qui « harnachait son Pégase ». adoré… Paris si tu veux m’adopter », mis dans aux traits du même trio de Haydn leur ron- la bouche du jeune Mozart avide de recon- deur, puis se livrait à une excursion dans Défense et illustration naissance, ou encore quelques passages de l’univers contemporain de Vasco Mendonça, de la mandoline Stravinski et de Tchaïkovski. Phrasés, couleurs, et sa pièce Drives, à la mécanique horlogère Quittant les rives « classiques », le Palomar sens du legato, articulation nette, soutiennent et théâtrale, dans laquelle s’immiscent de Trio, qui doit son nom au personnage d’Italo finement les lignes mélodiques, tandis que les subtiles fissures. Enfin, éclataient la vivacité Calvino, faisait une démonstration magistrale accompagnateurs pianistes savent se couler et les élans d’âme du Trio n°2 op. 66 en do que rien ne peut enfermer ou compartimenter : dans les formes les plus variées, avec une belle mineur de Mendelssohn. Répondant à un ni les genres, ni les instruments. La mandoline intelligence des propos. Attendez-vous à les autre titre programmatique, Au crépuscule, la électrique de Patrick Vaillant arpente les retrouver sur les plus grandes scènes : sopranos soprano Andreea Soare et le pianiste Florian registres, depuis le trémolo caractéristique (Felicia Moore, Natalie Pérez, Agathe Caroubi abordaient un répertoire où musique de l’instrument à un traitement de guitare Peyrat, Emily Pogorelc), mezzo-soprano et poésie se fondent : Invitation au voyage rock, soutenue par le tuba aux étonnantes (Katarzyna Wlodarczyk), ténors (Jonas avec Ravel et ses Cinq mélodies populaires capacités mélodiques de Daniel Malavergne Hacker, James Ley), barytons (Magnus grecques, scènes de genre et tableautins et les percussions (batterie, célestin…) aux Ingemund Kjelstad, Leo Hyunho Kim), expressifs où la mesure classique se teinte de arrangements décalés et inventifs de Frédéric baryton-basse (Tristan Hambleton), et rythmes nouveaux, en une rieuse allégresse ; Cavallin. Déambulation dans la mémoire, pianistes (Bojie Yin, Ewa Danilewska, on goûtait encore une autre tradition, celle du saynètes délicieusement pittoresques, à l’instar Oleksandr Yankevych). chant populaire roumain, par le condisciple du bal de village, comparé par Patrick Vaillant de Ravel, Georges Enesco, mais surtout, à un « condensé de l’histoire de l’humanité ; la Lauriers HSBC rareté, Sept chansons de Clément Marot où musique, ce n’est pas seulement de la musique, Nombre des soirées de juin furent consacrées anachronisme et amour courtois se mêlent c’est du son et des situations ». aux talentueux lauréats HSBC sur les scènes avec élégance… Les poèmes d’Herman Hesse On sourit, on se laisse emporter dans ces aixoises et de la région. Ainsi, le Trio Sōra se trouvent ensuite enclos dans Les Quatre paysages où lyrisme et dessin animé se (Pauline Chenais, piano, Magdalēna Geka, derniers Lieder de Richard Strauss, servis côtoient. Rencontre initiatrice de sens ! violon –un Camillus Camilli de 1737-, Angèle avec clarté par la voix ample et passionnée MARYVONNE COLOMBANI Legasa, violoncelle), déclinait sur un ton de la cantatrice tandis que le piano s’irise et espiègle et complice l’art du trio avec un donne à entendre l’invisible par les impalpables égal bonheur, baptisant ses programmes de trilles de la fin du morceau… Le pianiste titres propices à la rêverie, et aux énigmes Alphonse Cemin partait en solitaire pour poétiques de l’oxymore : une Ténébreuse clarté des Pèlerinages nostalgiques, où les Reflets joutait avec les murmures d’une rivière dans dans l’eau de Debussy précédaient de leur le théâtre en plein air du Vallon de l’escale à « spirale d’or » le diamant ciselé de l’Hommage Saint-Estève Janson, où les bruits de la nature à Rameau et le Mouvement fantasque que semblaient comme approfondis par la pureté le jeu délicatement articulé de l’interprète des notes des trios, avec clavier n° 43 en ut nuance et poétise, avant d’endosser les accents majeur de Haydn « le grand-père de la musique bouleversants et brillants du Tombeau de de chambre », puis avec piano en la mineur Couperin de Ravel. de Ravel, véritable testament musical, (Ravel le composa en tant qu’œuvre posthume, à la Correspondances veille de son départ pour la guerre) ; Fougue En lien avec la Poste, tous les ans, un défi est et transparence, grâce à l’acoustique de la lancé au festival : trouver une correspondance Aix en juin s’est tenu du 9 au 30 juin cour de l’Hôtel Maynier d’Oppède rendait entre artistes, illustrée de leurs œuvres ! La à Aix-en-Provence et sa région 50 critiques musiques Foccroulle, l’ex d’Aix

Pour sa dernière programmation, le directeur du Festival d’Aix en Provence présentait un ensemble de propositions variées. État des lieux contrasté

Le monde entier est harmonie ». Empathie universelle à laquelle participent les fantas- tiques animaux de papier de Roger Titley. L’opéra sonne comme un hymne fédérateur des peuples, sous l’ombre protectrice des ailes fantastiques d’un Pégase. Orfeo et Majnun, nouveau mythe fondateur ?

Première pierre Commande du Festival d’Aix, création mondiale, Seven Stones (dans le cadre de MP2018), premier opéra d’Ondřej Adámek sur un livret de l’écrivain Sjόn raconte en flashback le voyage d’un savant absorbé par la quête de la pierre originelle, destinée à lapider la Femme adultère sauvée par Jésus. Parti sept ans à travers le monde, le minéralogiste collectionneur surprend sa femme dans les bras d’un autre, lui jette la

Orfeo et Majnun © Vincent Beaume pierre et la tue avant de comprendre qu’il n’a pas reconnu son propre fils. Cet « opéra de oment phare du festival, Orfeo & Maj- s’emportaient sous la direction enthousiaste chambre a capella », co-dirigé par Adámek nun, projet européen (dans le cadre de de Bassem Akiki. Orient et Occident dia- et son comparse Léo Warynski, met en MMP2018), conçu et mis en scène par loguent, se mêlent sans s’oublier jamais : à scène (Éric Oberdorff) douze chanteurs dont Airan Berg et Martina Winkel, drama- l’orchestre « classique » répond l’oriental ; les quatre solistes, qui jouent, dansent, effacent turge auteur du livret, conjugue les légendes, solistes, Loay Srouji (Majnun), Nai Tamish les frontières entre son et corps, et s’emparent grecque, d’Orphée et Eurydice (séparés par Barghouti (Layla), Yoann Dubruque (Orfeo), d’un instrumentarium improbable : cordes la mort), et perse de Layla et Majnun (par les Judith Fa (une Eurydice à l’aise jusqu’au hybridées, percussions, piano renversé sur des conventions sociales). Trois compositeurs ont contre fa), éblouissants d’émotion et de agrès circassiens. À l’instar du personnage été sollicités pour élaborer cette œuvre, Dick justesse théâtrale, déploient leur virtuosité qui arpente le monde, la partition se nourrit van der Harst (partie anglaise), Moneim en un lyrisme contemporain nourri de fra- de tous les paysages musicaux, flirte avec le Adwan (partie arabe) et Howard Moody grances traditionnelles. Notes pailletées que baroque, les dissonances, les ostinatos, les (grands ensembles chorals). Après la Parade l’actrice Sachli Gholamalizad rend à leur musiques primitives incantatoires, convoque du 24 juin, la création française accueillait en contexte narratif, avec une spirituelle poésie. tango, mambo, gospel, gagaku et pansori plein air au bas du cours Mirabeau plus de La création du monde précède les histoires coréen, s’attache à un travail vocal où les 3000 personnes assises, sans compter le public d’amours malheureuses. « Le monde est né dentales et les sifflantes deviennent matière… massé contre les barrières. Des écrans géants dans un silence qui contenait tous les sons »… Une discrète ironie approfondit le caractère relayaient le spectacle offrant plans rapprochés Ce sont les mots des deux jeunes femmes tragique souligné par le chœur accentus / axe et surtitrages. Répartis sur scène et dans la aux allures de korês antiques qui semblent 21. Éblouissante polyvalence des solistes qui fosse, les chœurs amateurs (adultes et scolaires) susciter l’apparition de leurs bien-aimés en passent du chant au dit, dansent, évoluent, se de la région suivaient une chorégraphie précise une scénographie qui convoque vidéo, jeux transforment. Landy Andriamboavonjy, et symbolique, tandis que les orchestres issus d’ombres, castelet... Un art poétique se dessine sculpturale femme du Collectionneur et terri- de celui des Jeunes de la Méditerranée, le alors, Orfeo clame « je suis un écho (…) chaque fiante déesse de la vengeance, Anne-Emma- Sinfonietta et l’Ensemble interculturel chose a un son et je répercute leurs échos. nuelle Davy subtile narratrice, Shigeko Hata 51

Seven Stones © Vincent Pontet Ariane à Naxos © Pascal Victo/Artcompress stupéfiante avec son éventail «percussif », genres, opposition de classes... Tout se passe et du très bon Ruprecht, Scott Hendricks, Nicolas Simeha enfin, qui se glisse dans dans un espace réduit, dans une scène scindée dans le rôle principal masculin. Le metteur en tous les registres, incarne l’enfant, l’homme en deux où l’histoire se tisse. Deux tempora- scène polonais Mariusz Treliński, dans le rongé par le remords, jusqu’à faire pleurer lités s’opposent : rythmée, fiévreuse dans le cadre d’un motel des années 60 à la Hopper les pierres. Sa quête devient le récit d’une prologue, dilatée, ductile dans la deuxième ou Hitchcock, choisit de faire déambuler les passion christique, servie par une partition partie. Ariane, somptueuse Lise Davidsen, protagonistes dans un espace saturé, fait de et une interprétation éblouissantes ! tout en volupté, Zerbinetta, légère Sabine galeries, de lumières, de néons, qui entraine Devieilhe, Bacchus, magnifique Éric Cutler le spectateur dans un labyrinthe noueux et Trois histoires de femmes pour ne citer qu’eux, déambulèrent dans cet oppressant, symbole de l’état psychique Ariane, Renata, Didon, trois femmes, trois espace clos où résonna la magnifique musique de Renata. Beau mais chargé, à la limite de destins, même si l’on se doit « d’oublier » celui de Strauss interprétée parfaitement par l’Or- l’indigeste. de la reine de Carthage. Strauss, Prokofiev, chestre de Paris dirigé par Marc Albrecht. Agacé quand le metteur en scène Vincent Purcell, trois regards, trois esthétiques, trois Dérouté par l’Ange de feu de Prokofiev et son Huguet détourne le petit bijou de Purcell, œuvres sublimes avec au centre l’amour et ses personnage central hallucinant, Renata, être Didon et Énée (MP2018), de son objet ini- corollaires obligés, la séparation, l’abandon, freudien illuminé visité par un ange de feu, tial, une belle histoire d’amour qui finit de la folie...Trois opéras, trois mises en scène qui mi ange mi démon ! Complexité de l’his- manière tragique, au profit d’une lecture de interrogent, qui intriguent, qui déroutent qui toire, complexité de la musique de Prokofiev, l’actualité : crise des migrants, condition des parfois même... agacent ! tout en superposition de lignes mélodiques, femmes... Énée devient un vulgaire officier Intrigué par la mise en scène dépouillée rythmes abrupts, harmonies âpres, opposition assassin d’une esclave, Didon une reine de la géniale Katie Mitchell d’un opéra, de timbres et de registres, l’Orchestre de Paris, intransigeante, les sorcières, prisonnières Ariane à Naxos, à l’histoire délirante : un dirigé subtilement par Kazushi Ōno, s’affir- de leurs conditions de sorcières, les héroïnes riche viennois impose, pour des raisons de mant comme un personnage à part entière qui de l’histoire ! Après le beau prologue, écrit timing calé sur l’horaire d’un feu d’artifice, commente, soutient, contrepointe les redou- par Maylis de Kerangal, joliment interprété de jouer simultanément un opéra séria et une tables dessins mélodiques de la partie chantée par Rokia Traoré, les pauvres interprètes, bouffonnerie ! Choc de cultures, mélange des de l’admirable Aušrinè Stundytè, Renata, perdus dans une mise en scène austère et insignifiante, déambulèrent devant un décor de papier pâte, l’ouvrage de Purcell dépossédé de son âme. Pâle copie pour la distribution : Didon, Anaïk Morel, qui prit le rôle au pied levé, assez émouvante dans la scène finale mais pas suffisamment incarnée, Énée, faible Tobias Lee Greenhalgh, Belinda, fluette Sophia Burgos. Mention spéciale pour le chœur Ensemble Pygmalion et ma sorcière bien aimée Lucie Richardot ! MARYVONNE COLOMBANI ET CHRISTOPHE FLOQUET

Ces opéras ont été vus au Festival d’Aix-en-Provence, qui se tient jusqu’au 24 juillet L’Ange de feu © Pascal Victor/Artcompress 52 critiques musiques Retour au Parc

Le Jazz des 5 continents a pris cette année une ampleur assumée, sortant de son territoire et de son genre. Retour sur une création, et rappel du programme de l’intense semaine à venir Eric Truffaz © David Girard 2018

’est la première fois que le Festival produit l’amour, l’élévation, s’appuyant sur des basses cordes classique (mixte), auquel succèdera le un concert, dont la musique est composée continues, cette autre Voix, lunaire, compor- pianiste japonais Yoshichika Tarue en trio Cen résidence à la Fondation Camargo tait trois compositions originales et renouait (masculin), puis Avishaï Cohen en quintet de Cassis, puis répétée et jouée en création avec la tradition des spirituals nés dans les (masculin). mondiale en tournée sur le territoire, grâce églises, mais loin du continent et des rythmes Au Parc Longchamp les soirées se com- au soutien de la métropole (lire P 10-11). américains, cherchant dans le grégorien, et posent d’au moins deux concerts Erik Truffaz a proposé une Voce de la Luna dans le solo free, une autre voie éthérée... 23 juillet : Henri Texier Sand Quintet déconcertante, concertante, spirituelle, dans AGNÈS FRESCHEL puis Youn Sun Nah avec une carte blanche les églises et abbayes de Saint Victor à 24 juillet : le trompettiste Fred Wesley Marseille, Silvacane à La Roque d’Anthéron Au programme puis Kool & the Gang ou Martigues. Accompagné, ou plutôt la plupart Après les premières soirées, gratuite le 18 25 juillet : Youssou NDour puis Somi du temps accompagnant un groupe vocal juillet sur le parvis du stade Vélodrome (non 26 juillet Chick Korea puis The Roy au répertoire médiéval sacré, il puisait dans non, la loi ne nous oblige pas à rajouter le nom Hargrove 5TET différentes religions, juive, indienne, chrétienne, de l’opérateur téléphonique), bondée le 19 et 27 juillet : One foot puis Jeff Mills/ et parmi des chants méditerranéens profanes, complète le 21 au théâtre Silvain (avec 2 Émile Parisien qui jouent Coltrane, puis pour retrouver la liberté d’un plain chant où femmes en chef de groupe), le Marseille Jazz GoGo Penguin, puis Coco Henry & the les sons se cherchent et se fondent, planent, fait une étape au Mucem pour 4 sessions Funk Apostles s’approchent, s’écoutent, pas si loin du principe exclusivement masculines mais néanmoins Là encore, contrairement aux concerts qui élémentaire des groupes de jazz : il s’agit passionnantes. ont tourné en juin et au début juillet, très toujours d’un dialogue musical particulier, L’an dernier la soirée avait été boulever- peu de femmes, sauf au chant. Mais un jazz où les éléments d’un chœur sont chacun sante. Celle-ci (21 juillet) commencera par multiple, lyrique, en dialogue, rajeuni, créatif, des solistes, des voix singulières, des timbres un jeune quintet (masculin) avec un Awake étonnant, pour un festival qui change. personnels, mais au service du chant commun, aux inspirations folk et classique, suivi par vers le chorus enrichi de chaque voix. Le jazz, le saxophone de Sylvain Rifflet en trio Marseille Jazz des 5 continents enfant du chant sacré ? Célébrant la joie, (masculin) accompagné par un quatuor à marseillejazz.com

Saisir le moment au Bon Air

ans notre annonce du Zib’ de mai, on louait DJ’s. Sur des rythmes festifs sans ostentation, moment vaut certainement un concerto bien la proposition de la Friche de livrer ses les artistes accompagnent avec humilité les interprété. Dans cette rare alchimie qui nous Despaces, dont l’immense plateforme en divagations du public, des plus indifférents aux est offerte, le défi sera toujours de décamper plein ciel de 8000 m2 sur son toit, aux gentils plus investis : devant les platines, quelques quand la lumière et la musique coïncident délires de musiciens et DJ’s à l’occasion du jeunes s’adonnent, le sourire aux lèvres, à des assez pour laisser en mémoire le souvenir festival Le Bon Air. Nombre de mélomanes danses breakées acrobatiques. D’aucuns esti- d’un instant qui semble n’en jamais finir. On et fêtards ont répondu à l’invitation d’aller meront que quelques pousse-disques érigés en s’éclipse donc au son du remix ingénieux au bout de la nuit (pour les plus résistants) maîtres de cérémonie sur une terrasse offrent du Marabout de Serge Gainsbourg joué par dans trois salles saturées de son. Mais la une matière artistique bien pauvre au regard L’Amateur, le programmateur du festival. première étape, piste d’envol surplombant des canons esthétiques conventionnels. Un Le moment était parfait. la Belle de Mai, répondait (gratuitement) aux refrain maintes fois entendu : si l’esthétique HERVÉ LUCIEN envies et impulsions d’un très large public électronique est encore récente, les critiques qui a même emmené ses enfants, virevoltant restent immuables. Livrons notre avis : le mix Le Bon Air s’est déroulé du 1er au 3 juin comme des papillons, inattentifs aux mixes des ininterrompu des DJ’s sculptant l’humeur du à la Friche Belle de Mai, Marseille 53 Musique de personne pour tous

a réputation du Charlie Jazz Festival corse A Filetta. Cette formation de Vitrolles n’est plus à faire. Pour la soirée hybride, qui marie des accents Ld’ouverture de la 21e édition du festival, inconciliables, a trouvé voix com- singularité, métissage et originalité furent mune en portant celles du poète les maîtres-mots. Aimé Césaire et du résistant Jean Sur la scène du Moulin à Jazz, le quartet Nicoli. Ensemble, ils inventent une toulousain Pulcinella propose un jazz étrange, musique lente et mélancolique, une bizarrerie musicale, fantasque et intrigante. une ode humaniste qui chante Si la musique a des accents de cirque, de bal l’espoir d’un monde meilleur. musette et de course poursuite de dessin L’alchimie rare et envoutante animé, elle reste très sérieuse, d’une virtuosité Don Moye Quartet © Sophie Le Roux de la rencontre se retrouve dans exceptionnelle et d’une précision chirurgicale. investigateur du mouvement de la « Great Black l’album Danse mémoire, danse. Jean-Claude Au fil des morceaux, le quartet, qui a pour Music ». Entouré du trompettiste Christophe Acquaviva, l’un des six chanteurs de l’A soliste l’excellent saxophoniste Ferdinand Leloil, du guitariste Andrews Sudhibhasilp, Filetta, pour parler de ces échanges artistiques Doumerc, joue entre le groove d’un Miles Davis du tromboniste, organiste et tubiste Simon atypiques et hors du commun, évoque la des années 70, les dissonances d’un Wayne Sieger, Famoudou Don Moye propose aux possibilité d’une musique qui ne ressemble Shorter et les rythmiques furieuses de Yes. spectateurs une leçon d’histoire du jazz qu’il à rien ni à personne et qui dès lors devient la Puis, sur la scène principale du Charlie Jazz, suffit à incarner. Entre reprises et compositions musique de tous. C’est le pari gagnant qu’a le quartet TarTARtar Brass Embassy s’ins- originales, la formation a su rendre hommage une fois de plus fait le Charlie Jazz : inventer talle. Cette formation, créée à l’occasion du à cet ensemble incontournable. un langage à partager. festival, est portée par le mythique batteur et Enfin, pour conclure cette soirée : le spec- MÉLANIE EGGER percussionniste Famoudou Don Moye qui tacle imaginé par le trompettiste sarde Paolo fut l’un des piliers majeurs de l’Art Ensemble Fresu, le bandonéiste italien Daniele di Le Charlie Jazz Festival a eu lieu au Domaine of Chicago, ce collectif des années 60-70 Bonaventura et l’ensemble polyphonique de Fontblanche à Vitrolles du 6 au 8 juillet

20182019DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS OPÉRAS OPÉRETTES SIMON BOCCANEGRA Giuseppe Verdi FrancisLA BELLE Lopez DE CADIX OCT MARDI 2 / VENDREDI 5 / DIMANCHE 7 / MARDI 9 OCT SAMEDI 27 / DIMANCHE 28

CANDIDE Leonard Bernstein CharlesLA FILLE Lecocq DE MADAME ANGOT OCT DIMANCHE 14 NOV SAMEDI 24 / DIMANCHE 25

LA DONNA DEL LAGO Gioacchino Rossini VincentUN DE Scotto LA CANEBIÈRE NOV SAMEDI 10 / MARDI 13 / VENDREDI 16 / DIMANCHE 18 DÉC SAMEDI 8 / DIMANCHE 9

LA TRAVIATA Giuseppe Verdi FranzLA VEUVE Lehár JOYEUSE DÉC DIMANCHE 23 / MERCREDI 26 / VENDREDI 28 / LUNDI 31 JAN SAMEDI 19 / DIMANCHE 20 JAN MERCREDI 2 L’AUBERGE DU CHEVAL BLANC FAUST Ralph Benatzky Charles Gounod FÉV SAMEDI 23 / DIMANCHE 24 FÉV DIMANCHE 10 / MERCREDI 13 / SAMEDI 16 / MARDI 19 / JEUDI 21 LE PETIT FAUST LE NOZZE DI FIGARO Hervé Wolfgang Amadeus Mozart MARS SAMEDI 16 / DIMANCHE 17 MARS DIMANCHE 24 / MARDI 26 / VENDREDI 29 / DIMANCHE 31 AVRIL MERCREDI 3 MargueriteIRMA LA Monnot DOUCE OPÉRA opera.marseille.fr AVR SAMEDI 27 / DIMANCHE 28 GiacomoTURANDOT Puccini AVR SAMEDI 27 / MARDI 30 / MAI JEUDI 2 / DIMANCHE 5 ODÉON odeon.marseille.fr JacquesLA GRANDE Offenbach DUCHESSE DE GÉROLSTEIN MAI SAMEDI 25 / DIMANCHE 26 GiuseppeRIGOLETTO Verdi JUIN SAMEDI 1ER / MARDI 4 / JEUDI 6 / DIMANCHE 9 / MARDI 11 54 critiques musiques Le bel âge

our ses vingt ans, l’Ensemble Poly- happening comique se partageant un marimba chronies ouvrait l’Estival à la Tour à 5 octaves grimés en martiens. La deuxième PRoyale à Toulon. Concocté de longue date partie commençait sur des extraits de L’His- par le directeur artistique Florent Fabre, le toire du Tango d’Astor Piazzolla du plus bel programme était le fruit d’un mélange savam- effet, le velouté du marimba se mariant à la ment dosé entre tradition et modernité, propre perfection au son de la flûte de Jean-Marc à mettre en valeur le talent de chacun des Boissière. Magnifiquement interprété, le interprètes au sein de combinaisons sonores 2ème Concerto pour flûte d’André Jolivet où brillaient inévitablement les percussions. donnait à entendre un langage sonore très En première partie, c’est une interprétation subtil majoritairement axé sur la résonance à 4 claviers qui ouvrait la soirée sur l’Albo- des percussions, parsemé de fulgurances rada del Grazioso de Ravel, sublimée par rythmiques où chaque interprète jouait un rôle l’arrangement harmonique tout en couleurs de singulier, abolissant toute hiérarchie formelle. Franck Pantin. Sur trois des Quatre études L’ensemble clôturait la soirée sur Cinabres chorégraphiques (1,2 et 4) de Maurice Ohana d’Aïko Miyamoto, alternant moments d’éner- on sentait poindre un langage beaucoup plus gie pure, pleins de virtuosité, et passages axé sur la pulsation laissant libre cours à méditatifs, dans une déferlante de sonorités. des formules rythmiques incantatoires, voire Un concert magnifique et généreux à l’image tribales, parsemées de passages plus médi- de cet ensemble salutaire. tatifs (deuxième étude) et soulignés par la © Sébastien Retali ÉMILIEN MOREAU chorégraphie toute en tensions et détentes jusqu’à l’hypnose, avec une dimension spa- de Maud Boissière. Jouant sur la répétition, tiale intéressante jouant sur l’effet d’écho. Laurent Melin Emmanuel Séjourné Escher’s city de rappelait Dans Martian Tribe d’ , Le concert a eu lieu le 4 Juillet à la Tour étrangement les débuts de l’américain Steve quatre percussionnistes virtuoses s’offraient royale à Toulon dans le cadre du Festival de Reich sur de courts motifs mélodiques répétés un petit moment de légèreté autour d’un Musique de Toulon et sa région, l’Estival

La guitare pour arpenter le monde

e 18e Festival International de la Yupanqui à travers anec- Guitare de Lambesc organisé par dotes, pièces, chants où Ll’association AGUIRA de Charles Bal- l’image prend du sens, où le duzzi s’achève alors que « cymbalisent » les quotidien devient épopée, en premières cigales. Condensé sur une semaine une vision lyrique du monde. de voyages et de découvertes, (remarqua- Les bonheurs musicaux blement présentée et documentée dans le se prolongeaient avec les programme rédigé par Annie Balduzzi), instruments des luthiers, ce festival, unique en son genre dans notre en poirier, épicéa, ébène… région, soutenu par une équipe dévouée de © MC et une délicate exposition bénévoles avec des élus des communes et du que des pièces de René Bartoli qui fut son de peintures d’Eva Balduzzi (Vava), qui département, s’attache à présenter la guitare professeur, mais aussi deux de ses propres livre par un traitement subtil des couleurs classique à travers la richesse de son répertoire compositions à l’inventive poésie. La guitare son appréhension sensible et symbolique et de ses créations contemporaines, interprété se prêtait au jeu des duos, parmi lesquels on des êtres. Lectures lumineuses, artistes par la fine fleur des guitaristes venus de la retiendra celui d’Agnès et Gérard Abiton, et précieux se conjuguent en une délicieuse région et du monde entier, grâce à la program- le Duo Thémis, impeccable de souplesse et de convivialité. Que les nuages sombres des mation éclectique et pertinente concoctée par netteté, que l’on retrouvait lors de l’hommage coupes des subventions ne viennent pas Valérie Duchâteau. En ouverture, elle nous à la carrière du grand compositeur argentin obscurcir l’avenir du festival ! accueille avec Jacques Brel, sa Mer du Nord, Raúl Maldonado, auquel l’ensemble des MARYVONNE COLOMBANI ses marins d’Amsterdam, et autres titres bien musiciens du festival offrait l’interprétation de connus délicatement orchestrés. On découvre son Horizontes ainsi qu’une pièce composée la jeune interprète et compositrice Marylise en son honneur par Claudio Camisassa Florid, jeu articulé, art consommé de la nuance, (un vrai tube !). La veille, Raúl Maldonado Le Festival International de Le la Guitare de sur des œuvres qui balaient l’histoire, ainsi évoquait la vie et les œuvres d’Atahualpa Lambesc s’est déroulé du 25 au 30 juin Partenaires Avec le soutien de Partenaires :

Exposition Ai Weiwei Fan-Tan Exposition Or Avec le soutien de Avec la participation exceptionnelle du musée du Louvre Mucem.org Photo © Judith Benhamou-Huet, Ai Weiwei, Marseille, 2017 Photographie : Lingot en forme de disque plat, Élam (actuel Iran), Suse, vers 1500-1200 av. J.-C., Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux Exposition Fan-Tan Ai Weiwei Mucem 20 juin— 12 nov. 2018 Mucem Exposition r O 25 a vr.—10 2018 sept. 56 critiques musiques théâtre de rue Arlésienne en quête d’identité

pectacle original et déroutant pour les dans le duo finalC’est toi, habitués d’Opéra au Village que c’est moi !, porté par les Scette Arlésienne nommée Carmen ! On voix larges et profondes des avait retenu du programme annoncé, Bizet, solistes, Patricia Schnell solistes lyriques, ensemble vocal, orchestre… (mezzo-soprano) et Valentin en oubliant le texte d’Alphonse Daudet, sa Thill (qui la veille recevait pièce, écrite à partir de sa nouvelle parue le prix Gabriel Dussurget, dans le recueil Les Lettres de mon Moulin. en catégorie Jeune espoir). La soirée rassemblait dans une mise en Glissez par-dessus l’air de scène déjantée de Bernard Grimonet l’Arlésienne, la fraîcheur et la artistes professionnels et amateurs, issus vivacité du chœur d’enfants du monde de la musique, du théâtre et de la pour une délicieuse Garde danse. Avec un joli sens du pittoresque, les montante, l’atmosphère © MC histoires de Daudet reprennent vie : passage conviviale des lieux, les bruits des saisons qui rythment la vie paysanne, Côté Jardin, tandis que la partie musicale de la vie qui se mêlent à la représentation, la fête des moissons de la Saint-Éloi, danses était prise en charge par l’Ensemble vocal force de conviction et l’entrain des quelques villageoises traditionnelles par L’Alen, groupe Pertuis-Luberon de Jackie Descamps et 150 participants… L’approche de l’art est ici folklorique de Béatrice Chave, évocation dirigé par Frédéric Carenco, les musiciens l’affaire de tous ! de la Tarasque, et même défilé de chèvres du Conservatoire de la Provence Verte MARYVONNE COLOMBANI (oui, oui, des vraies) ! La pièce remodelée et sous la houlette de Maurice Le Cain, ceux intelligemment réduite pour l’occasion par de l’Harmonie Durance Luberon menés Catherine Metelski et Patricia Fulchiron par Léandre Grau, et le piano d’Isabelle se présente sous la forme d’une narration Terjan. La « femme fatale » qu’est l’invisible Une Arlésienne nommée Carmen a été créé émaillée de saynètes interprétées par les Arlésienne rejoint Carmen au panthéon des le 6 juillet, parvis de la Basilique de Saint- acteurs enthousiastes de la troupe Côté Cour amours maudites et en devient une incarnation, Maximin lors de L’Opéra au village Histoires de rencontres

epuis 9 ans le Citron de s’apercevoir qu’un des spectateurs s’agite, Jaune (Centre national provoque les réactions indignées puis amusées Ddes arts de la rue et de en volant des casquettes ou des lunettes et l’espace public) organise Les les interchangeant. Leandre Ribera est dans Mercredis du Port, en par- la place, l’occupe, et ce n’est qu’un début ! Il tenariat avec la Ville de Port- va bien vite franchir les quelques pas qui le Saint-Louis (la manifestation séparent du décor/maison de son spectacle, étant désormais intégrée aux Rien à dire, et franchir la porte qu’aucun mur Soirées du Port / Côté Docks n’encadre. Quelques meubles fatigués, un qu’organise la ville). Tous tapis disparate de chaussettes jaunes, une les mercredis de juillet, en bouilloire, des tasses… le clown s’ennuie. fin de journée, le Quai de la Bientôt des visiteurs, choisis dans le public, Libération prend des airs de sonneront à sa porte, rompant sa solitude. guinguette et se transforme Ces rencontres sans paroles donneront lieu

en lieu de fête, petits plats à Rien à dire, Leandre Ribéra © Do.M à des échanges de mimiques surréalistes, déguster face au port et spectacles (gratuits) jusqu’à trouver un rythme cadencé. Sans cesser de regards appuyés et ironiques invitant au faisant très bon ménage ! leurs mouvements, redressant la tête, ils vont jeu, à la poésie. Le rire et la surprise sont Le 11 juillet, à 19h30 pétantes, la Cie madrilène danser un amour passionnel fait de heurts, au rendez-vous, ce qui n’est pas si fréquent HURyCAN entamait une danse contact à la de rejets et de retrouvailles. Au fil d’acroba- quand on rencontre un clown. chorégraphie millimétrée autour de la construc- ties maîtrisées, traversées d’un humour très DOMINIQUE MARÇON tion d’un couple, Te Odiero (contraction de visuel, les corps s’essoufflent, les regards se te odio, je te hais, et te quiero, je t’aime). font tendres et apaisent les émotions. La Te Odiero et Rien à dire ont été donnés le 11 juillet La rencontre entre Candelaria Antelo et confrontation prend fin, intense condensé sur le Quai de la Libération à Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans le cadre des Arthur Bernard Bazin se fait pas à pas, d’une histoire amoureuse incandescente que Mercredis du Port. Dernière date le 25 juillet, timidement, leurs têtes imbriquées absentes la danse a magnifiée. avec 3D de la Cie HMG, Después… par la fanfare aux regards, les jambes et pieds se mouvant Un peu plus loin, à 20h, le public patiente. Avant La Belle Image et Amor par la Cie Bilbobasso MUSÉE DE PRÉHISTOIRE Du 20 au 29 juillet 2018 DES GORGES DU VERDON C O N C E R T S G R AT U I T S À QUINSON - ALPES DE HAUTE-PROVENCE

29e ÉDITION

• Myles Sanko Just Being Me • Selim Nini Quartet • Lucky Peterson Tribute to Jimmy Smith • ALF & half • Michele Hendricks Quintet Une histoire de famille • Jean Dionisi Jazz Band • Youn Sun Nah - She Moves On • Jean-Philippe Sempéré Quartet • Philippe Petrucciani, Nathalie Blanc Remember Petrucciani • Jean-Marie Carniel Trio - 05/2018 T 04 94 07 25 ER • Carlos Maza & Familia Septeto 1 FÉVRIER - 30 NOVEMBRE 2018 Agence • Sub Jazz Project • Trilok Gurtu Quartet • The Stanley Clarke Band • Lo Triò

www.jazzatoulon.com - fb.com/jazzatoulon - Infos au 04 94 09 71 00 > Allez-y en bus et en bateaux-bus ! UNE PRODUCTION DU PALAIS DE L’UNIVERS ET DES SCIENCES, UN ÉQUIPEMENT DE LA COMMUNAUTÉ URBAINE DE DUNKERQUE, ET DU CENTRE EUROPÉEN DE RECHERCHES PRÉHISTORIQUES DE TAUTAVEL www.museeprehistoire.com

Retrouvez-nous sur des Alpes de Haute-Provence Conseil départemental C.Gugliero-CD04 Le P.L.U.S, Visuels : Shutterstock,

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Zibeline_SAISON 200x140.indd 1 10/07/2018 16:43 58 critiques cinéma Trois jours au FID

C’est sous les étoiles, au Théâtre Silvain, qu’a démarré la 29e édition du FID Marseille, avec une Huppert en majesté

Summerhouse, de Damir Cucic

e 10 juillet, - soir de la demi-finale du « On agit autant qu’on est agi » dit-elle. « Moi restaurant vidée de ses touristes estivaux. Mondial de football France/Belgique, le tout me va ! » ajoutera-t-elle en évoquant le On le suit dans les longs couloirs déserts Lpublic était bien là pour accueillir l’invitée tournage en jungle de Captive de Mendoza, quand il regagne sa chambre ou va visiter d’honneur, l’actrice Isabelle Huppert, et entre araignées et serpents, où son épuise- celle de ses personnages. Un superbe film voir un des 14 films proposés dansl’Ecran ment bien réel a facilité son jeu. Capacité à qu’on regarde avec les oreilles. D’oreille et parallèle qui lui est consacré : Home, le premier positiver les obstacles, à être entièrement là, de vue, il en est aussi question dans Walked long-métrage d’Ursula Meier, une fable disposée et disponible pour absorber tout ce the Way Home , en compétition française, où elle joue avec Olivier Gourmet. Jouer qui construit un personnage. Foi en la force réalisé par Eric Baudelaire, un habitué du AVEC, écouter l’autre, une des choses les plus de la mise en scène « qui résout souvent tous FID, comme sa monteuse Claire Atherton. importantes pour une actrice. Le lendemain, les problèmes ». Intelligence, culture, font à Mais liées cette fois à la surveillance dont à La Villa Méditerranée, celle que Wikipédia coup sûr - si tant est qu’on puisse en douter-, nous sommes l’objet depuis les attentats des définit comme un « monument du cinéma d’Isabelle Huppert une actrice exceptionnelle. années 80. Le réalisateur, téléphone à l’oreille, français et international », de sa voix posée filme au ralenti, à leur insu, les militaires en et douce, a parlé pendant deux heures de La compétition treillis, arme au poing, et les passants. Au pied son métier d’actrice au cinéma et au théâtre. Parmi les 15 films en compétition internatio- de son atelier parisien, puis à Rome, dans la Un entretien mené par Antoine Thirion et nale, Summerhouse du cinéaste croate Damir verticalité de l’image de son Smartphone, Caroline Champetier autour de quatre axes : Cucic nous emmène dans un voyage sonore l’omniprésence policière et le flux urbain Comment choisit-on un projet ? Comment aux côtés d’un ingénieur du son aveugle qui va et vient, indifférent, semblent vus par prépare-t-on un rôle ? Quelles questions (Vojin Péric, acteur et directeur de théâtre une meurtrière, un œil du serpent, un trou de l’acteur se pose-t-il pendant le tournage ? aveugle), dans un hôtel désert, coupé du serrure, ou devient un miroir qui nous serait Quel regard porte-t-il sur le film fini ? Au fil des monde dont on ne voit, par la porte d’entrée, tendu : l’état qui devrait être d’exception s’est réponses agrémentées d’anecdotes souvent que des arbres couverts de neige. Lieu clos banalisé. Les mêmes images se répètent ; drôles - en particulier sur un Godard qui lui où Péric peut aisément se déplacer, installant le ralenti, et la musique d’Alvin Curran, fait donner des cours de bégaiement et veut son matériel, des sièges pour accueillir les leur confèrent une inquiétante étrangeté. lui enseigner à monter une horloge suisse-, trois personnages dont il va enregistrer une International, multiple, ouvert, le FID propose on apprend que, quelque soit l’économie du parole hésitante. Trois chapitres, une femme comme toujours un programme foisonnant film, la méthode du réalisateur ou du metteur et deux hommes qui ne se rencontrent pas. et unique. (pour plus de retour sur le FID, lire en scène, l’actrice crée, pour chacun de ses Des mots qui révèlent des souvenirs d’enfance journalzibeline.fr) rôles, son propre territoire. S’il sert le projet violents, des traumatismes enfouis. Le film ANNIE GAVA ET ELISE PADOVANI collectif et le rêve d’un autre, il n’en est pas donne aussi à voir le quotidien d’un homme moins un espace de liberté où elle puise force aveugle, autonome, au travail, mais également La 29e édition du FID Marseille s’est et joie et peut créer une distance nécessaire. les pauses repas, dans l’immense salle de tenue du 10 au 16 juillet

60 critiques arts visuels La Semaine d’ouverture de la 49e édition des Rencontres de De la photo la Photographie d’Arles et le OFF passés, il reste du temps et davantage de tranquillité pour encore découvrir la kyrielle d’expositions, jusqu’en septembre. Même si tout et toujours n’est pas si rose.

i on en croit ce premier bilan de la semaine d’ouverture des Rencontres, Stous les indicateurs sont au beau fixe, voire en progrès. Formidable ! De leur côté, les Voies Off, dont le prix éponyme a été attribué à Liza Ambrossio pour son travail The rage of devotion, tentent de maintenir leur cap malgré un budget dangereusement en baisse. Mais loin de la foule des premiers jours, on se sent un peu seul, surtout quand les finances sont en berne. Sous d’autres latitudes, la situation n’est guère plus réjouissante. En témoigne Une colonne de fumée, suggestion faite à onze artistes turcs de présenter ce qu’ils ne peuvent exposer dans leur propre pays. Les propositions sont parfois saisissantes (Ali Taptik, Çaǧdaş Erdoǧan, Nilbar Güres...) et trouvent des échos variés plus loin, dans la programma- tion officielle comme dans celle du Off, chez Taysir Batniji, ou la thématique Hope à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz (John M. Hall, Matthias Olmeta, Patrick Willocq...) et 1968, Quelle histoire ! Au Musée de l’Arles Antique, Paradisiaque ! questionne l’esprit utopique qui habitait les urbanistes et politiques de la fin des années 60. Passionnant car très documenté, donc un poil trop didactique, ce parcours nous permet d’appréhender les promesses d’un des plus grands projets d’aménagement du territoire du siècle dernier : la Camargue (pas si nature que cela) coincée entre les exploitations industrielle à Fos-sur-Mer et touristique à La Grande Motte de l’autre côté du Rhône, sous le regard de photographes : Lucien Clergue, Lewis Baltz, Jacques Windenberger... Nous sommes loin des bébêtes à se fendre la poire de William Wegman (Être humain) ou des images à l’esthétique tout en retenue de Véronique Ellena (série Les Invisibles), instaurant un Véronique Ellena, Le cycliste, série Ceux qui ont la foi, 2003. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. 61 dialogue discret (série des Clairs-Obscurs) avec certaines pièces de la collection du musée Réattu, ou s’intégrant dans l’espace muséal (une rose dans la chapelle, le vitrail La Vigne du Clos mixant techniques anciennes et actuelles, toutes deux des créations récentes pour cette première rétrospective). Quand les figures reconnues ou tutélaires tels Robert Frank, René Burri, Jane Eve- lyn Atwood ou Raymond Depardon se posent en incontournables de l’histoire de la photographie, la jeune création sait à son tour prendre sa part de risques. À la Maison des Peintres (un nom prédestiné !) 14 étudiants de l’École Nationale Supérieure de la Photogra- phie (ENSP) ont investi avec ingéniosité les différents étages multipliant les propositions singulières et les médiums (photographie, installations, objets, projections, mises en Matthieu Ricard, Foule de moines allant accueillir un grand lama, Népal, 1995. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. lumière...) que le visiteur découvre à chaque recoin. Un véritable Work in Progress créatif et jubilatoire à poursuivre avec trois autres de leurs camarades de la promotion 2018 à fabrication et de l’appropriation des images. oublier, doublant cette Contemplation, le coût La Maison des Lices. Prune Phi combine Une réflexion qui innerve toute manifestation carbone de la proposition : trois mille troncs des morceaux d’images du quotidien avec du relative au sujet, comme ici ces Rencontres venus de Colombie, est-ce bien raisonnable ? papier aluminium, du ruban adhésif conférant tant In que Off autour la photographie. CLAUDE LORIN à ses collages muraux une apparence brute Par contre à Montmajour, Collages(s), un comme des premiers jets ou des affiches rapprochement Picasso/Godard, ne décolle lacérées. Avec sa série Ideal Standard, Victor pas vraiment (le cinéaste cite des œuvres Jaget renvoie non sans acidité amusée à du peintre dans certaines de ses séquences, l’entreprise américaine American Standard utilise le collage dans son travail mais les et aux sanitaires, lieu commun mais inhabi- autres liens restent obscurs) et, sur le quai tuel pour une exposition. Rémi Fernandez du Rhône, dans la superbe architecture de propose de réaliser librement des photo- bambou de Simón Vélez (évoquant une Rencontres d’Arles Voies Off copies à partir de photographies originales case commune traditionnelle) conçue pour jusqu’au 23 septembre pour les emporter avec soi, mettant ainsi en abriter les 40 grands tirages du célèbre moine rencontres-arles.com jeu la question esthétique et sociale de la bouddhiste Matthieu Ricard, on ne peut voies-off.com suite p.62

Un homme en colère ichel Butor, René Char, presque tout réalisé (32 ouvrages environ) Lucien Giraudo, Jean à compte d’auteur. Mais l’avenir reste bien MKehayan, Laurence Kučera, précaire et amer. Jean-Marie Magnan, Bernard Deux expositions rendant hommage à ses Noël, Jean-Maurice Rouquette, amis René Char et David Douglas Duncan, Alain Paire, Jean Roudaut, Domi- récemment disparu, et une concernant nique Sampiero, Jean-Charles Oppède-le-Vieux, son village natal, sont à Tacchella... autant de personna- voir à la Maison de la Vie Associative lités qui comptent dans l’œuvre jusqu’au 15 août, en présence du photographe. de Serge Assier. Deux ouvrages viennent de paraître : Oppède- Cet ancien photographe de le-Vieux, Souvenirs d’Enfance 1946-2018 et presse, aujourd’hui auteur-pho- Arles, capitale mondiale de la photographie Serge Assier, photographie extraite de l’ouvrage Arles, capitale mondiale de la tographe, développe depuis photographie et de la littérature. © Serge Assier et de la littérature, avec les contributions de longtemps de nombreuses colla- pour les esprits indépendants (et modestes), ses auteurs préférés, et une exposition prévue borations, avec le monde de la littérature en il souligne les difficultés pour tout créateur pour 2019. Disponibles auprès de l’auteur : particulier. Mais en cette période peu favorable à produire ses projets, sa fierté aussi d’avoir sergeassier.com C.L. 62 critiques arts visuels Sélection à découvrir dans le Off Et l’art pour tous ! S’installant progressivement dans les anciens ateliers SNCF arlésiens, la Fondation Luma étoffe parallèlement son offre culturelle et propose désormais un pass. En tête d’affiche : Gilbert & George

’Art pour tous » tel était le credo du célèbre duo qui vient de mettre fin à ses activités créatrices. Cette (très) grande «L exposition offre un panorama quasi complet de leurs tout débuts à aujourd’hui. Autant Gilbert (né en 1943) & Georges (né en 1942) savent jouer de discrétion, autant l’événement, grâce aux (très) grands formats, en impose, monumental. Cinquante années de production extravagante, d’imagerie kitsch, pop, clinquante, provocatrice, cynique ou potache relevant sans relâche bien des dérives de leur société contemporaine. Cette imagerie bien connue contraste avec les premiers travaux en noir et blanc de facture , Dmitry Markov, , 2016. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Hope Idritsa, Pskov region plus traditionnelle (Nature Photo-Piece, Dark Shadow No.6). La visite s’enrichira à la lecture, dans le (très) gros catalogue, du long Robert Rocchi, Serge Assier, Michel Lacanaud, Jean-Louis Puech entretien avec les commissaires, Hans-Ulrich Obrist et Daniel jusqu’au 15 aôut Birnbaum, qui permet de détricoter l’imbroglio artistique ourdi au Maison de la Vie Associative arlesasso.fr fur et à mesure de ces années de création commune. Effet pervers, l’exposition a tendance à étouffer les autres propositions, Bernard Minier tout aussi intéressantes. Comme cet autre monde merveilleux jusqu’au 30 août lumino-cinétique de Pipilotti Rist, Pixel Forest ; les installations Thierry Valencin vidéo d’Arthur Jafa, Apex, faite de crépitements visuels et sonores, jusqu’au 30 septembre Galerie ISO et d’Amar Kanwar, Such a morning, pleine de poésie inquiète, ou galerieiso.com la galerie de portraits photographiques (Une histoire avec Vincent) sur le mode de l’uchronie de Lily Gavin lors du tournage à Arles Johanna Maria Fritz du film de Julian Schnabel sur Vincent van Gogh At( Eternity’s gate, jusqu’au 31 août sortie prévue en 2019). À côté du Café des Forges, l’installation Anne Clergue Galerie anneclergue.fr participative de Rirkrit Tiravanija, Do we dream under the same sky, vous invite à partager un repas et à faire votre vaisselle ensemble. Laurence Leblanc Avec pas moins de six expositions et installations à découvrir cet jusqu’au 12 septembre été, considérant aussi la programmation à venir, le tout nouveau Flair Galerie #LumaPass18 vient à point nommé pour le visiteur addict. flairgalerie.com C.L . Théo Renaut/Bake jusqu’au 15 septembre Gilbert & Georges, The great Exhibition 1971-2016, jusqu’au 6 janvier 19 Le Corridor Pixel Forest, Apex, Such a morning, Une histoire lecorridor-artcontemporain.com avec Vincent, jusqu’au 4 novembre Do we dream under the same sky, jusqu’au 23 septembre Richard Schroeder Luma-arles.org jusqu’au 9 septembre Olivier Béraud & Philippe Heliot jusqu’au 16 septembre Gérald Muller jusqu’au 23 septembre Collectif du Hérisson collectifduherisson.fr

If Slovenia were... jusqu’au 23 septembre Galerie Voies Off voies-off.com

Make love not war jusqu’au 30 septembre Arles Gallery ArlesGallery.com Gilbert & George, The Great Exhibition (1971-2016), Fondation Luma, Arles 2018, vue partielle © C. Lorin/Zibeline MARSEILLE SUMMER PROVENCE 2018 ------

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8 CONTEMPORARY ART EXHIBITIONS* AI WEI WEI ----- BERDAGUER & PEJUS ------Mucem ------Friche la Belle de Mai ------KORAKRIT ARUNANONDCHAI ----- JONONE ------J1 ------Palais de la Bourse CLAUDE LEVEQUE ----- KOCHE x OPEN MY MED Frac -Vieille Charité ------J1 ------QUEL AMOUR !? ----- WILLIAM KENTRIDGE ------Mac ------Espace culturel Robert de Lamanon ------MP2018.COM

PARTENAIRES INSTITUTIONNELS PARTENAIRES OFFICIELS

PARTENAIRES MEDIA

*En été 2018, l’art contemporain déclare sa flamme au territoire à travers 8 expositions 64 critiques danse Quand la musique danse

Bilan positif pour un Montpellier Danse très fréquenté (35000 spectateurs), avec grands noms internationaux et spectacles plus intimistes. Retour sur deux créations où le mouvement et la note s’interpénètrent dans une forme autant visuelle que sonore

Mitten wir im Leben sind de Anna Teresa de Keersmaeker © Anne Van Aerschot Twenty-seven perspectives de Maud Le Pladec © Laurent Philippe

nne Teresa de Keersmaeker entretient commentent, reproduisent la nature même au compositeur Pete Harden. Boucles, notes un rapport intime avec la musique, une des émotions de la musique de Bach, toujours étirées, silences imposés, la partition initiale Apassion qui naît non d’un emportement spirituelle, c’est à dire justement échappée du est bien là, rehaussée, à peine bousculée, lyrique mais d’une lecture précise de ses corps. Élevée, non sur pointes mais en esprit. vénérée comme il se doit, peu questionnée. structures, et du génie de la traduire en danse. La 6e suite rassemble tous les danseurs autour Sur le plateau nu, sol blanc, les dix danseurs, C’est à dire de construire des analogies entre des figures qu’ils ont chacun tracées dans habillés de tissu imprimés nuageux coupés les dynamiques des corps et l’intensité du l’espace. Et la joie de sa musique, si particulière façon vêtements de sport décalés (Alexandra son, entre les timbres et la qualité du mouve- et si proche des larmes, vous étreint. Bertaut), évoluent en solo, sans jamais se ment, entre les voix musicales et les phrases toucher. Les mouvements sont très synchro- chorégraphiques, entre l’architectonie de la Le Pladec en perspective nisés avec la partition sonore. Suspendus aux partition et la scénographie où se déploie le « C’est le mystère de cette édition », annon- silences. Le premier contact survient en duo mouvement, et que parfois il dessine. çait, à la fois curieux et un peu dubitatif, le après 20 minutes, comme si chaque geste directeur du festival, Jean-Paul Montanari, suivait sa route, un peu autiste, un peu ailleurs. la dernière structuraliste lors de la présentation de la programmation. Et pourtant les regards se croisent, des sourires Bach, forcément, elle y revient, parce qu’il Maud Le Pladec, nouvelle directrice du s’échangent dans un manifeste plaisir de la est le symbole de cela, l’abstraction, la forme. Centre chorégraphique national d’Orléans, danse et du groupe. Mais la symbiose peine La structure. Et pourtant, ses Suites pour a fait du chemin depuis sa formation au à exister : la musique écrase les corps, qui violoncelle, lorsqu’on les écoute avec le sein d’exerce, du temps où Mathilde Mon- au mieux la suivent, plus souvent s’y diluent, recueillement nécessaire, vous emportent nier était à la tête du CCN de Montpellier. désincarnés. Le son ne traverse pas les dan- l’âme. Elles sont faites pour cela... Twenty-seven perspectives est sa troisième seurs : il est diffusé vers le public, cantonnant Jean Guihen Queyras, violoncelliste venu pièce depuis sa nomination à la suite de Josef le plateau à un rôle illustratif. Les danseurs du contemporain, de l’Intercontemporain Nadj, créée à Montpellier et balisée par un restent en dehors de la musique, même s’ils la même, dernier bastion du structuralisme discours aux références multiples. Le titre suivent scrupuleusement, comme s’interdisant musical, y est au centre, assis, tranquille, est inspiré des 27 esquisses perceptives du d’entamer la partie mystérieuse de l’œuvre. tendre dans son rapport à son instrument. peintre architecte Rémy Zaugg : 27 regards, AGNÈS FRESCHEL ET ANNA ZISMAN Il est surtout à l’exacte place musicale d’une perceptions, retranscriptions d’une toile de émotion sans rubato romantique, et sans excès Cézanne (La Maison du pendu). Creuser le de détachement pseudo baroque. Autour de visible jusqu’à débusquer l’invisible. Il y a lui les danseurs, un à un, figurent la musique, aussi la Symphonie No.8 – « inachevée » de dans l’illusion d’une abstraction possible d’un Schubert, dont Maud Le Pladec traque les corps soustrait à sa nature charnelle, épure pistes et les creux, les vides et les mystères Mitten wir im Leben sind a été créé au Festival dégagée de la narration, de la thématique de l’absence, en 27 chemins chorégraphiques Montpellier danse du 4 au 6 juillet, comme et même de la combinatoire. Ils suivent, qui suivent la création musicale commandée Twenty-seven perspectives, les 3 et 4 juillet Antoinette et Nina même combat

ans les fracas d’une pluie d’orage le dos noir et nu d’Antoi- nette Gomis apparait brièvement, par intermittence, percée Dlumineuse dans l’obscurité du plateau. Les mouvements affluent, elliptiques : postures successives, mains fébriles, gestes ébauchés tendus et « arrondis » à la fois. La voix inimitable de Nina Simone écorche le silence pour resurgir dans les muscles de son corps d’ébène. La langue des signes, quelques accents hip hop et break danse, de l’afro danse s’enrichissent mutuellement, qui offrent aux paroles des chansons une épaisseur différente, une aura intemporelle. La star de la danse hip hop n’est pas Nina Simone et ne le sera jamais, ni ne l’illustrera, d’ailleurs telle n’est pas l’intention de son solo Images qui rime avec hommage. Son mix chorégraphique lui permet l’audace d’un mix musical, d’un design sonore sophistiqué, d’un travail d’amplification. Aux beats nerveux propices à une gestuelle de l’affolement et de la frénésie (spasmes violents, secousses,…) succèdent le tempo déchirant de la soul et l’apaisement du corps ; aux arabesques ondoyantes esquissées sur les modulations du jazz succèdent des réminiscences de la danse traditionnelle africaine. Avec un seul objectif : rendre hommage à Nina Simone, porter ses combats, ses engagements pour l’égalité des femmes et le droit à la différence. Antoinette Gomis parvient à maintenir un équilibre tangible entre évocation, résonance, invention en abordant chorégraphiquement et musicalement les questions identitaires, symboliques, politiques, sociales que son illustre ainée avait chantées auparavant. En se les réappropriant au gré de séquences abstraites ou narratives, jamais elle n’aspire à une quelconque réincarnation. Ce qui aurait été un piège infernal. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Images a été donné le 15 juin à Châteauvallon scène nationale © Rabgui 66 au programme cinéma bouches-du-rhône alpes Courts-métrages à Arles

Le Festival Phare tiendra sa 3e du public. édition, des courts-métrages sélec- Pour finir, le4 août, après la pro- tionnés en compétition nationale jection des 3 films primés par les et internationale en 2017, fictions, jurys des cinéastes, des étudiants, animation et documentaires. On et du public, puis de trois films commencera le 2 août à 21h par des très courts de l’école Mopa, les films autour du sport. Une occasion spectateurs auront la chance d’as- de voir entre autres l’étonnant sister à un ciné-concert autour Les Indes galantes de Clément des superbes courts-métrages Cogitore, une performance filmée d’Artavazd Pelechian : Les sur le plateau de l’opéra Bastille, Habitants, Les Saisons et Fin. À où se rencontrent la musique ne pas rater ! de Rameau et des danseurs de Les Indes galantes, C. Cogitore © Les films Pelleas ANNIE GAVA krump, danse née dans les ghettos noirs de Los Amour !, des films autour de la « Rencontre Angeles après les émeutes de 1995. Ou encore amoureuse » parmi lesquels La Nuit je mens de découvrir, dans Aquathlon d’Aleksey d’Aurélia Morali, où une rencontre par site se Shabarov, un adolescent inscrit à un cours de déroule autrement que prévu... Le photographe natation qui va apprendre à se rebeller face à Philippe Praliaud installera son atelier Festival Phare 2, 3 & 4 août un maître-nageur particulièrement exigeant. photographique Embrassez-vous pour fixer Théâtre Antique, Arles Le 3 août en partenariat avec MP18, Quel les plus beaux baisers cinématographiques festival-phare.fr

Do the right thing ! Courts sous les étoiles Samedi 11 août, on fête le court métrage à Manosque ! Organisée par l’association Cinéma de pays, la 6e édition de la Nuit du Court métrage en Haute-Provence se déroulera pour sa première partie dès 14h30 dans la grande salle de Jean le Bleu puis de 19h jusqu’après minuit, en plein air dans le théâtre de verdure du parc de Drouille. Rencontres avec cinéastes, comédiens, techniciens du cinéma et projections sur écran géant de films de toutes nationalités. Les animations auront commencé le matin dès 9h30 avec le Premier Marché aux puces de l’Image pour chiner photos, affiches ou matériel son-image et vers 10h, le tournage d’un film sur le marché. Un rendez-vous festif, gratuit à ne pas rater.

11 août Théâtre Jean le Bleu et Parc de Drouille, Manosque

Do the right Thing © Splendor Films nuitducourt.blogspot.com Comme tous les étés, Ciné Plein air invite les Marseillais à un voyage urbain et cinématographique sous les étoiles. Cette année, la Cité des Arts de la Rue accueille pour la première fois l’un des films de cette manifestation, le 26 juillet, avec le film culte de Spike Lee en version restaurée, Do the right thing (1989). 24 heures dans la vie de Mookie, jeune afro-américain, livreur de pizzas à Brooklyn. Tensions raciales en huis clos, exacerbées par la canicule, galerie de personnages pour une chronique sociale du quartier. Comme le rap de Public Enemy, formation influencée par Malcolm X, qui fait vibrer les tympans dans sa BO, un film très politique, toujours d’actualité, hélas, 30 ans après sa sortie ! D’autres projections continueront d’illuminer les nuits de l’été marseillais.

26 juillet Cité des Arts de la Rue, Marseille 04 91 91 07 99 cinetilt.org Inséparables, de Steve Duchesne

68 rencontres arts visuels Tout va bien pour Claude Lévêque

D’allure bonhomme, le « colosse » Claude Lévêque se prête au jeu de l’interview. Entretien sans langue de bois à Marseille, sa ville préférée, où il présente trois propositions

é en 1953 à Nevers, installé à Montreuil près de Paris, l’artiste ne parle plus d’ins- Ntallations ni d’œuvres in situ, préférant à ces vocables qui l’ennuient celui de dispositifs. Exception faite à Marseille où il a accepté de renouveler l’expérience dans la chapelle du Centre de la Vieille Charité (Life on the Line) et au FRAC (Back to Nature). Sans oublier la présence de deux œuvres dans l’exposition collective Quel Amour !? au Musée d’art contemporain. Claude Lévêque crée aujourd’hui des pièces autonomes qui posent moins la question de l’espace et de l’environnement, telles Sous le plus grand chapiteau du monde dans les fossés du Louvre médiéval et sous la Pyramide, Le bleu de l’œil au musée Soulages à Rodez, Cérémonie à La Maladrerie à Aubervilliers, et ses fameux néons qui ont construit sa légende : Lithium, Aube bleue et Tout va bien. En 2014 à la Cité radieuse, dans cet habitat privé équipé pratiquement comme à l’origine, Claude Lévêque avait créé une œuvre en écho à l’existant ; au cœur de la chapelle de Pierre Puget et de l’architecture futuriste de Kengo Kuma, ce sont des dispositifs élaborés, construits, avec une dimension spectaculaire. Mais avec économie et contre tout superflu. Il souligne la verticalité vertigineuse de l’une et l’horizontalité de l’autre en créant des dispositifs qui « laissent toujours place au vide, à l’espace à investir, à l’imagination ». Des productions inédites qui provoquent un effet physique très sensoriel renforcé par un travail sonore sophistiqué selon le directeur du FRAC Pascal Neveux : « Les propositions de Claude Lévêque effacent les arêtes de l’architecture du Frac, la métamor- phosent, nous font perdre nos repères et nous Claude Lévêque, Life on the Line, Chapelle de la Vieille Charité, juillet 2018 © Nathalie Ammirati permettent de revenir à un état particulier 69 qui est celui de ressentir. À l’étage, la travailler sur la lumière artificielle mais palissade en bois brut dégage toutes ses sur la lumière naturelle : dans un espace odeurs et la lumière l’embrase. On n’est baroque comme celui-ci elle a déjà du pas dans une exposition ni dans une sens. C’est un jeu de reflets anamor- rétrospective, on est dans un dispositif phiques et d’effets cinétiques. J’adore à expérimenter. Quant au vélo d’enfant les lieux religieux, ils me fascinent car ils suspendu entre les étages, avec son produisent des récits, des œuvres et des ombre portée sur le mur, il fait affluer gestes architecturaux. Pourtant je suis les souvenirs d’enfance ». athée. Pour réaliser Life on the Line, j’ai choisi l’inox, un métal non chromé qui joue avec la lumière et avec la hauteur. Zibeline : Quel rapport entrete- Je suis encore stupéfait par la verticalité nez-vous avec Marseille où vous du dôme ! J’ai fait beaucoup de schémas avez présenté Être plus fou que et de simulations car les contraintes du celui d’en face à la Cellule 516 de la lieu m’ont obligé à trouver des solutions. Cité radieuse et Scarface au cinéma Là encore j’ai tâtonné, cherché, essayé, Les Variétés ? découvert avant que cela fonctionne. Je Claude Lévêque : C’est une formi- suis souvent dans l’incertitude. C’est dable opportunité d’être de nouveau une œuvre qui m’évoque la mémoire, à Marseille car c’est la ville que je le temps qui passe. préfère en France. J’ai même envie Peut-on considérer que Back to d’y trouver un pied à terre. C’est une Nature et Life on the Line portent ville qui me stimule depuis toujours, un discours « politique » ? qui n’est pas facile et où je n’ai pas Pas du tout ! Je n’ai pas envie de porter toujours tout réussi. On n’est pas sur un message, ce n’est pas mon rôle même la Côte d’Azur ! Par comparaison, Paris si un artiste a un pouvoir. Surenchérir est une ville d’opérette formatée pour Claude Levêque, Back to nature, FRAC, Marseille 2018 © jcLett sur les messages me paraît malhonnête les touristes, Marseille non. Les gens et même démago. Non, j’ai envie de ici sont abordables, disponibles, même tard détails architecturaux. Sa forme verticale, ses m’amuser. Les messages, finalement, c’est dans la nuit. Je m’y sens très bien. Elle est dimensions imposantes ajoutées à la diffusion la manière dont les gens s’imprègnent de forte socialement mais elle n’est pas violente : sonore infrabasse impactent l’architecture. mes projets. Cela m’intéresse beaucoup de elle ressemble à Los Angeles sur le plan du Je me suis posé beaucoup de questions, lon- connaître les sensations du public car cela multiculturalisme. Le quartier de la Belle de guement, car ce lieu patrimonial est assez fait avancer mon travail. Mais surtout je ne Mai est complètement incroyable ! Même si chargé et je ne voulais pas le surcharger. veux pas être dogmatique. Les pièces ici Marseille doit changer un jour, il faudra encore Et au FRAC ? sont pulsionnelles, dans la pénombre, et le du temps du côté des quartiers populaires. Ce sont d’autres contraintes. La problématique petit vélo bascule dans le vide. Certains vont En travaillant au FRAC, vous avez n’est pas simple non plus car les différents peut-être y voir un message, ou de la poésie, quand même constaté des changements espaces ne sont pas dissociables, la salle du ou un propos onirique. Le principal est d’être urbains ? bas est trapézoïdale et munie de colonnes, liée authentique avec les autres et avec moi-même. La gentrification de La Joliette est une à l’étage supérieur par un puits de lumière. J’ai ENTRETIEN RÉALISÉ PAR catastrophe. On arrivera à une métamor- eu envie de créer une pénombre, de tendre MARIE GODFRIN-GUIDICELLI phose impossible si tous les quartiers sont vers l’infini, et puis il y a aussi ce vide assez massacrés comme celui-là. Mais peut-être vertigineux… C’est l’équipe du FRAC qui *Galerie 7 clous, Patrick Raynaud, qu’économiquement il est rentable ? Par a produit la table à roulettes présentée au Marseille, sur rendez-vous. septclousamarseille.com contre, je trouve les Docks magnifiques, même rez-de-chaussée et c’est une classe du lycée si les commerces franchisés à perte de vue, professionnel Poinso-Chapuis à Marseille c’est une calamité. qui l’a réalisée d’après mon idée. Quand j’ai Vous inscrivez vos dispositifs dans trois souhaité agrandir la table Louis XV, j’avais architectures diamétralement opposées : dans la tête une carcasse de cerf. Je lui ai mis comment les avez-vous appréhendées ? des roulettes pour signifier que l’on pouvait Ont-elles influencé votre production ? la pousser. D’ailleurs je pourrais la retrouver J’interviens effectivement sur trois lieux n’importe où dans l’espace d’exposition, différents, l’un à caractère patrimonial et coincée contre un mur. C’est la première fois jusqu’au 14 octobre religieux, l’autre contemporain et le troisième que je crée un élément mobile que le public privé*. J’ai imaginé un voyage très fluide entre peut déplacer. L’espace est trapézoïdale, c’est Life on the Line Chapelle du centre de la Vieille Charité, Marseille eux. Pour la chapelle de la Vieille Charité, comme une forêt. 04 91 14 58 38 musees.marseille.fr j’ai travaillé sur la verticalité. J’ai conçu un On connait votre fascination pour la « tronc d’arbre », une œuvre pas trop lourde lumière. Elle semble ici avoir évolué et Back to Nature de sens, même si elle pèse 600 kilos, dont les les néons que l’on attendait ont disparu… FRAC, Marseille reflets en miroir peuvent fragmenter tous les À la Chapelle, j’ai pris le parti de ne pas 04 91 91 27 55 fracpaca.org 70 critiques arts visuels La délicatesse de l’iconoclaste Ai Weiwei

udith Benhamou-Huet joue carte sur table : « Ai Weiwei Jest une star internationale du monde de l’art. On a vu beaucoup d’expositions dans le monde mais celle du Mucem est l’une des plus spectaculaires ». Que faut-il donc attendre de cette exposition, pardon, de ce spectacle ? Dès lors Guy Debord nous rattrape avec La société du spectacle écrit en 1967 ! Il faudra dépasser la monu- mentalité ostentatoire de certaines installations pour explorer l’envers du décor : son histoire familiale, sa trajectoire personnelle, sa rage contre l’injustice. « C’est là que se dessine le destin d’Ai Weiwei » rappelle la commissaire d’exposition qui a pénétré l’antre de l’artiste exilé à Berlin depuis 2015, interdit de séjour dans son pays natal, la Chine, où il fut détenu durant 81 jours en 2011 puis assigné à résidence en 2013. Photo Mucem, Scénographie Ai Weiwei Cécile Degos, Juin 2018 © Francois Deladerriere Parcours compliqué entre l’Asie et l’Occident, à l’image de celui de son père, le poète et érudit Ai Qing Déclaration des droits de l’homme et des droits de qui connut l’exil et le camp de rééducation avant sa réhabilitation la femme. La Colored House de 8 tonnes, témoin en 1979. d’une culture ancestrale en voie de disparition, aux Militant de l’avant-garde chinoise dans les années 1993/96, vent debout structures en bois badigeonnées de peinture industrielle contre les autorités après le séisme du Sichuan en 2008, défenseur criarde. Surveillance Camera with Plinth sculptée des migrants réfugiés en Grèce (il a réalisé le filmHuman Flow), dans le marbre qui évoque la mise sous surveillance Ai Weiwei affronte les réalités avec la puissance d’un bulldozer. permanente des populations. Ou encore le Grand lustre Une force matinée de délicatesse contenue dans ses pièces, visible composé de 61 lustres accrochés à un gigantesque au-delà du faste pour qui creuse l’intimité, apprécie l’humour, saisit porte-bouteilles, nouveau clin d’œil à Duchamp dont l’impact du détournement et comprend l’influence de Duchamp et il est l’héritier dans l’esprit et dans la forme. D’autres Warhol dont il découvrit les postures radicales pendant ses études plus modestes s’immiscent dans le parcours, des objets à New York. Car c’est aussi dans le ready-made et la marge qu’il anciens détruits ressuscités en œuvre d’art (« objets a nourri sa réflexion. Plusieurs strates de lectures sont à l’œuvre absurdes »), des objets détournés (la découpe d’un dans ses créations, la première basique et immédiate, les deuxième I-Phone), d’autres issus des collections du Mucem et troisième plus analytiques selon les points de vue chinois et (lanternes magiques, carte-réclame qui évoquent la occidental. Car Ai Weiwei fait la passerelle entre deux mondes filiation historique entre la France et la Chine), un mur qui se méconnaissent : l’art traditionnel chinois et l’art conceptuel de citations personnelles et des archives sur son père occidental. De ces allers-retours est né « un artiste subversif » tout qui découvrit, avant lui, le port de Marseille. C’était autant qu’hyper connecté et ultra créatif comme en témoigne en 1929 à la Joliette. l’exposition Fan-Tan dont le titre espiègle fait référence à un char MARIE GODFRIN-GUIDICELLI d’assaut anglais qui a opéré sur le sol français durant la Première Guerre mondiale et au nom d’un jeu de paris local comparable à la roulette. Une énième pirouette d’Ai Weiwei… Dans la série des objets spectaculaires, pierres angulaires de son Fan-Tan jusqu’au 12 novembre travail, deux savons de Marseille en bronze couleur jade, pesant Mucem, Marseille une tonne chacun, gavés d’huile d’olive et gravés d’articles de la 04 84 35 13 13 mucem.org ABONNEZ-VOUS !

ABONNEZ-VOUS ! 2018 2019 2018 2019

RICHARD BERRY & MATHILDE SEIGNER DANS LA NOUVELLE MARIE-ANNE CHAZEL & PATRICK CHESNAIS RICHARD BERRYDANS & TANT MATHILDE QU’IL SEIGNER Y A DE L’AMOURDANS LA NOUVELLE MARIE-ANNE CHAZEL & PATRICK CHESNAIS JEAN-LUC REICHMANN DANS NUIT D’IVRESSE DANS TANT QU’IL Y A DE L’AMOUR JEAN-LUCVINCENT REICHMANN DEDIENNE DANS & LAURE NUIT D’IVRESSE CALAMY DANSVINCENT LE JEU DEDIENNE DE L’AMOUR & LAURE ET DUCALAMY HASARD LE BANQUETDANS DE MATHILDALE JEU DE L’AMOUR MAY • LESET DU TAMBOURS HASARD DU BRONX LE BANQUETARIELLE DE MATHILDA DOMBASLE, MAY •MAREVA LES TAMBOURS GALANTER, DU BRONX INNA MODJAARIELLE & HELENA DOMBASLE, NOGUERRA MAREVA AVEC GALANTER, LES PARISIENNES INNA MODJASWAN & HELENA LAKE PAR NOGUERRA LE BALLET AVEC DE LES MILAN PARISIENNES SWANPOCKEMON LAKE PAR CREW LE BALLET • YVES DE JAMAITMILAN PIERREPOCKEMON LAPOINTE CREW • CINÉ • YVESCONCERT JAMAIT ONE PIECE PIERRE LAPOINTE • CINÉ CONCERT ONE PIECE

silo-marseille.frsilo-marseille.fr 0909 7070 25 25 22 22 12 12

AVEC LE SOUTIEN ACTIFAVEC DE LE SOUTIEN ACTIF DE Martin Carrese Martin Carrese 72 critiques arts visuels Le plateau des conjurations

haque intervention de Christophe est de plus en tangible s’agissant d’un orga- Berdaguer et Marie Péjus découle nisme vivant qui réagit à ses concepteurs et à Cd’une remise en question des rapports ses habitants. Notre corps et notre subjectivité psychologiques et physiques de l’homme interfèrent sur l’architecture et les œuvres qui avec l’architecture. Quelles répercussions, la composent, et inversement. Pour preuve, quelles coexistences, quelles contagions ? notre intrusion dans la Bulle de confiance qui Quels dysfonctionnements peuvent perturber diffuse de l’ocytocine, hormone qui modifie ses formes ? À la Friche la Belle de Mai, Com- notre comportement en exacerbant artificiel- munautés invisibles est conçue comme lement notre degré de confiance. Pour preuve une architecture « à son tour exposée aux encore, notre immersion dans l’installation virus et devenue elle-même un objet faillible, Kilda (III), constituée d’une suspension en dégradable et malade » écrit la commissaire chaines, invitation à regarder par-dessus d’exposition Sandra Adam-Couralet, qui tête, l’esprit divaguant sur une bande sonore a mis en place depuis 2014 un protocole réalisée avec le GMEM d’après le Catalogue d’échanges avec le duo d’artistes marseillais. des oiseaux d’Olivier Messiaen. Partition On entre de plain-pied dans un labyrinthe rejouée à partir des sons du traquet rieur visuel et organique, confronté physiquement qui niche sur l’archipel Saint-Kilda, au large à l’espace, on traverse une forêt d’éléments en de la Grande-Bretagne. Un archipel naturel, suspension (With Sarah), on scrute deux archi- une migration millénaire, un pépiement dif- tectures miniatures pour percer le mystère de fus : Christophe Berdaguer et Marie Péjus

l’intime (Psychoarchitectures), on s’approche Berdaguer et Péjus, Kilda III, 2018, Chaînes, dispositif sonore, assises inventent un monument pour les hommes d’un Trou d’air odorant pour apercevoir un en caoutchouc © jcLett et une architecture pour les oiseaux, entre détail de l’ensemble de peintures sur papier maléfiques. Montrée démembrée et satellisée ciel et terre. Mémoires de feu réalisées à partir de suie dans l’espace, en mouvement perpétuel, la MARIE GODFRIN-GUIDICELLI récoltée chez A2C Services. Une composition pièce revêt une forme arachnéenne mons- qui transforme un sinistre en couleur, comme trueuse dans laquelle le tandem a inclus à Communautés invisibles la sculpture architecturale With Sarah est la chaque extrémité une balle de Winchester… jusqu’au 21 octobre réminiscence d’un trauma vécu par Sarah Au fur et à mesure de la déambulation, l’impact Friche la Belle de Mai, Marseille Winchester dans sa maison habitée d’esprits des traumas et des histoires sur l’architecture art-plus.org

Des récits, images après images

remière exposition née de la fusion d’As- amoureux réalisée entre La térides et Triangle France, Vos désirs Friche et La Compagnie. Psont les nôtres détourne l’expression Dans un registre incompa- « Vos désirs sont des ordres » par le prisme rable, Ghita Skali scéno- de l’acte artistique et de la pensée philoso- graphie les lieux de pouvoirs phique, invoquant l’affirmation « Le désir est et construit Narrations constructiviste » de Gilles Deleuze. Dès lors machines, Épisode 1 comme l’exposition compose un paysage hétéroclite où la restitution d’une scène les tableaux de cheveux artificiels de Pauline de crime produite durant un Boudry & Renate Lorenz tissent de noir corporate incentive. Tel est et de blanc une narration tactile. Retour à la ce nouveau récit constitué Liv Schulman, L’Obstruction, 2017, vidéo 26 min. Courtesy de l’artiste. matière et à la sensation de carnation qui de « visions interprétatives, évoquent les zones opaques liées au traves- d’un publi-reportage touristique sur Marseille provocatrices, parfois même sarcastiques » en tissement et à la question de genre commune tourné de manière absurde et décalée à Jaffa, réaction aux pouvoirs, à l’autorité, au formatage. aux peintures de Kudzanai-Violet Hwami le filmObstruction de Liv Schulman contraint M.G.-G. figurant des corps noirs non «genrés ». Autre Jean-Charles de Quillacq à rester coincé medium, autre construction narrative : les entre les jambes de David ou les pattes d’un vidéos de Roee Rosen et Liv Schulman taureau à Longchamp. Humour grinçant développent une écriture documentaire à partir et sens du monologue désarticulé qui ont Vos désirs sont les nôtres jusqu’au 21 octobre d’éléments réels et fictionnels. La réalisation convaincu l’artiste à se mettre en jeu lui-même, La Friche la Belle de Mai, Marseille de Roee Rosen et Ruti Sela prend la forme parallèlement à sa performance Transport 04 95 04 96 11 trianglefrance.org 73 La vie n’est pas un conte de fées

ans ma vie, j’ai été la première femme recouvert de perles et invitée à la première Biennale de de crochet), Marcel «DVenise commissariée par une Marcel (deux urinoirs femme, la première femme au Château de crochetés en rose et Versailles, au Guggenheim à Bilbao… Ce blanc en hommage à n’est pas mon choix. Je parle de moi-même, Duchamp). Mais on regardez les titres de mes expositions ! » clame fait également face Joana Vasconcelos, qui espère ouvrir la à des travaux plus voie à d’autres femmes artistes. Et précise : sombres dans leurs « Je suis une chef d’entreprise qui emploie 60 propos, et donc dans personnes à Lisbonne, une équipe mixte et leurs formes. L’un, Pas- égalitaire où des hommes font des travaux a serelle, d’une extrême priori féminins, et inversement ». Les titres ? violence idéologique Passerelle, 2005, faïence, fer métallisé et thermolaqué, moteur, tableau de commande et de protection, Je suis ton miroir à Bilbao, Exagérer pour interrupteur à pédale. Collection d’Art Fondation EDP, Lisbonne © The New Art Gallery of Walsall - et sonore, met en ADAGP, Paris 2018. inventer à Toulon, sortes de manifestes pour action un jeu de massacre l’émancipation de la femme. Sa méthode ? pochettes, cravates, ceinturons, braguettes, le de chiens en céramique suspendus à une Le détournement des traditions portugaises tout enchainé à la verticale. Au-delà de cette chaine de production industrielle. L’autre, (azulejos, dentelles, crochet), la dénonciation pièce maitresse qui structure le parcours, le Glasshouse #1, offre une vision faussement des représentations du modèle matriarcal (la défi était de renouveler notre regard sur une idyllique de l’enfance en reproduisant à maison, la féminité, la cuisine), « la décontex- œuvre qui fait partie du patrimoine mondial de l’échelle une maison de poupée en plastique tualisation et la subversion des objets pré- l’art contemporain. On retrouve, bien sûr, son dans un matériau instable et ultrasensible : existants » selon Jean-François Chougnet abécédaire textile – tissus, plumes, paillettes, le verre de Murano. qui met en relation œuvres anciennes, pièces borderies - dans des sculptures ornementales Sous la douceur de la broderie, il y a la piqûre iconiques et productions in situ. ultra féminines (Lilaea et Madison, statues de l’aiguille… L’effet de surprise est garanti dès l’escalier en ciment avec luminaires et crochet en MARIE GODFRIN-GUIDICELLI d’honneur pour lequel l’artiste a conçu une coton) et des installations combinant tissus 25e Valquíria à rebours des précédentes, It’s et carreaux de céramique, notamment dans Exagérer pour inventer jusqu’au 18 novembre raining men, à partir d’éléments symboles une salle dédiée à l’art du bain : Ishtar Gate Hôtel départemental des arts, Toulon du costume masculin : pantalons, chemises, (douches murales), Dripping Springs (lavabo 04 83 95 18 40 hda.var.fr

Une vie de chien

es photographies humo- racé et éduqué, copie conforme de l’intérieur ristiques des canidés huppé d’une famille de Brighton ; le bâtard à Ld’Elliott Erwitt sont l’aise dans un bar belge ; le chien errant sur à l’image de son autobio- le bitume de Brasilia. Parfois Elliott Erwitt graphie : « Elliott réalise réussit le ton sur ton et crée la confusion que faire des livres est le entre l’animal et son maitre, les choisissant meilleur contrepoison au ébouriffés ou carrément toilettés. Sage ou travail alimentaire (…) sauvage, câlin ou intrépide, farceur ou tendre, Le millénaire prochain, il solitaire ou en meute, le chien est le miroir est décidé à prendre son de l’homme : un double mimétique qui lui temps ». Le documenta- offre une énième occasion de dévoiler son riste, né en 1928, n’a pas regard humaniste plein de malice. son pareil pour traquer les M.G-G. relations de l’homme avec © Elliott Erwitt - Magnum Photos la gent animale, ses travers, ses excès et ses familiarités ; une manière chien ! Focus sur les yeux grands ouverts de habilement détournée de donner un coup de l’animal et les chaussures de sa maitresse, patte au genre humain. Son œil affûté repère sur l’impassibilité d’un spécimen étalé de les situations les plus absurdes ou drolatiques, tout son long sur un trottoir… Peu importe Dog Dogs jusqu’au 1er septembre les plus tendres aussi, se glissant au plus le format, le portrait s’adapte à l’animal, pose Maison de la photographie, Toulon près de ses sujets, voire même à hauteur de royale ou pris à la dérobée : il y a le chien 04 94 93 07 59 74 critiques arts visuels Faunes : attrapez-les tous à Lodève !

uivez son regard : il nous indique la piste à suivre pour rencontrer celui qui Sl’a extrait de la roche. Le Faune de Paul Dardé accueille les visiteurs du Musée de Lodève rénové, et l’ambigüité de son sourire – il rit, certes, mais est-ce pour se moquer, prépare-t-il un mauvais coup, est-il simplement tendrement naïf ? – nous fait tourner les sens et invite à nous diriger vers l’une des trois expositions permanentes du nouveau musée : « Mémoires de pierres », consacrée Paul Dardé (1888-1963) au sculpteur natif du pays Lodévois. Quelle Faune, 1921 H 4 mètres majesté ! Quelle présence ! Il est magnifique- Musée de Lodève, Dépôt du CNAP ment intrigant, en pierre de Lens, issu du geste Photo © Musée de Lodève de taille directe de l’artiste, dans la liberté d’un corps à corps avec ce bloc de calcaire de son inspiration. Le Musée de Lodève a su le Faune (architecte Daniel Meszaros, de 14 tonnes et plus de 4 mètres de haut. Il merveilleusement rassembler et traduire le agence Projectiles), les différents espaces est accroupi sur ses sabots, on devine ses langage de pierre du sculpteur, en particulier évoquent un récit qui court sur 540 millions cornes sous sa chevelure verticale. Paul Dardé, dans la salle « l’âme incarnée », où une série d’années. « Traces du vivant » et « Empreintes autodidacte monté à Paris, l’a conçu dans un de visages nous font face, à observer les yeux de l’homme » proposent des voyages à la atelier prêté par son ami Rodin en 1919. Ce dans les yeux. Certains sont inachevés, ce pointe des connaissances scientifiques à monumental Faune lui a permis d’acquérir, sont peut-être les plus émouvants, où on peut travers des incursions dans une instantanéité à 31 ans, une notoriété internationale, dont saisir l’intention de l’artiste, tenter de deviner poétique et palpable. On suit le déplacement il se détournera en affirmant sa volonté de ce qui reste tapi dans la masse minérale. d’un animal préhistorique grâce à un éclai- développer son art hors des diktats et au L’empreinte, la trace, constituent le fil conduc- rage mouvant qui révèle ses empreintes sur cœur de sa région natale. Au prix d’une vie teur de l’ensemble du musée. Distribués une dalle de 40 m2. On découvre une grotte souvent misérable, il saura préserver la force autour de la « salle du passage » où trône habitée par des ours aux côtés d’un groupe de

Adolphe versus Hitler

de Montpellier. Au yeux aguerris, on découvre un photographe, début on est saisi : se Heinrich Hoffmann. Monomaniaque servile, retrouver face à face l’opérateur a produit (lui et ses associés de avec... Avec qui ? Avec sa florissante agence de presse) 2,5 millions quoi ? Qui est ce per- d’images « officielles » du régime nazi, dont sonnage qui se prête 12114 portraits d’Hitler aujourd’hui réunis à à tous ces scénarios ? la Bayerische Staadtsibliothek de Munich. Une quintessence Ensemble, le modèle et le photographe ont de codifications : la inventé la posture charismatique du chef. moustache, la mèche, Tout est contrôlé, répété (fascinante série la vareuse, les yeux de poses théâtrales devant rideau de scène), qui transpercent, les multiplié, matraqué. Rien n’est vrai, tout est lèvres serrées -toutes fabriqué. On le savait. Grâce à Gilles Mora, qui Dans l’atelier du photographe, Selingstrasse, Munich, août 1927 Photographie de Heinrich Hoffmann © Bayerische Staatsbibliothek, München / Bildarchiv (Bavarian State Library, Munich / Picture archive) ces attitudes qu’on présente pour la première fois une exposition connaît par cœur. de ces clichés, on perçoit l’importance –et la itler en bermuda, Hitler martial, Hitler Alors l’impression première s’estompe réussite- de la mascarade. Et, sous nos yeux, entouré de visages enamourés, Hitler à rapidement, pour laisser place à... À quoi ? Adolphe devient Hitler. Hla montagne, Hitler et sa chienne Blondi, Dégout ? Distance ? Curiosité de rencontrer À l’étage, une autre exposition, contrepoint Hitler en pique-nique, Hitler le bras levé, Hitler cet homme d’un peu plus près ? Il y a un peu salvateur (ne serait-ce pas un excès de didac- le doigt tendu, Hitler à Paris. Hitler, Hitler, Hitler. de tout cela, et aussi, surtout et heureuse- tisme ?) à la première. Regards sur les ghet- Ad nauseam. Un dictateur en images est ment, un intérêt historique et documentaire à tos (présentée dans une forme plus étendue un parcours étrange parmi des centaines de découvrir la fabrication de cette icône. Devant en 2013 au Mémorial de la Shoah) présente portraits du Führer au Pavillon Populaire les poses et l’horreur qu’elles induisent à nos 150 photographies surgies de l’intérieur de 75 14 fois Picasso femmes et d’enfants qui ont laissé les traces de leurs pas lors d’une unique incursion, il y a 9000 ans... Les courtes vidéos d’animation (Les Fées spéciales), loin d’être invasives, accompagnent la découverte. Fossiles et objets, pertinemment présentés comme supports au récit, sont tous issus du territoire lodévois. L’exposition temporaire fait le lien avec l’en- semble : Faune fais-moi peur ! (commissariat Ivonne Papin-Drastik, directrice du musée) rassemble 170 œuvres en écho avec l’hôte du lieu. De l’Antiquité à Picasso, en passant par Chagall, Lalique, van Dyck (40 musées et collectionneurs ont contribué à l’événement, intégré dans le réseau Picasso-Méditerranée), la figure mythologique apparaît sous toutes ses formes, obscène, voyeuse, inquiétante, fascinante ou risible. Le choix thématique permet de confronter les pièces à travers les âges, et là aussi de raconter une histoire au delà des frontières du temps. Pablo Picasso, Grand nu, 1964, huile sur toile, 140 x 195 cm, Kunsthaus Zürich, 1969/2, photo © Kunsthaus Zürich, service presse / musée Fabre © Succession Picasso, 2018 ANNA ZISMAN u’est-ce qu’un moment clé dans la pertinente (Joris Lipsch et Floriane Pic), production d’un artiste ? Un passage, qui déconstruit le linéaire pour offrir un Faune fais-moi peur ! jusqu’au 7 octobre Qune étape, une fulgurance qui fait regard panoptique : les fameuses périodes Musée de Lodève basculer dans un langage différent. Des (bleue, cubiste, archaïque, surréaliste...) se 04 67 88 86 10 museelodeve.fr questions qui se résolvent ou se multiplient. laissent traverser l’une l’autre, mettant en Une invention qui s’impose. Une trouvaille évidence le permanent état de recherche qu’on s’autorise. C’est aussi ce qui aide les de Picasso, qui jamais ne fait table rase d’un historiens de l’art à suivre le chemin de la « moment » à l’autre, mais toujours établit création pour déchiffrer l’œuvre dans une un dialogue autant avec lui-même qu’avec logique rétroactive. L’exposition Picasso. l’histoire de la peinture. Rien n’est vraiment Donner à voir propose d’isoler 14 chapitres séparé, tout s’interpénètre, entre décennies, dans le parcours pléthorique du peintre ou au contraire d’un jour à l’autre. C’est en cinq ghettos. Trois points de vue sur l’horreur. phare du XXe siècle. Longue et riche liste effet très émouvant de saisir en perspective Celui de trois photographes juifs enfermés : déroulée chronologiquement, entre deux le néo-classicisme de La flûte de Pan (1923) émotion. Celui de trois envoyés spéciaux de autoportraits que 77 ans séparent. Celui et l’introduction du vide, de la « réserve », la propagande allemande : effroi. Et celui, plus de 1896 présente un Picasso de 14 ans dans les Femmes d’Alger d’après Delacroix ambigu et extrêmement troublant, de cinq sombre et fier.Le jeune peintre de 1972 (1955), où la toile non peinte accède au photographes amateurs, autorisés de par leur est un enfant dont on hésite à penser s’il langage pictural. Très troublant aussi de fonction dans l’armée ou l’administration à est espiègle ou profondément grave, déjà découvrir que quelques mois seulement « documenter » le ghetto. Qu’avaient-ils en passé de l’autre côté du miroir : les traits séparent le Nu aux bas rouges (1901), aux tête ? Arracher un peu de vérité sous les s’estompent, le regard transperce, le sou- effluves très Toulouse-Lautrec, etFemme clichés ? Dénoncer ? Voir par eux-mêmes ces rire est aussi énigmatique que celui de La repassant (1901), où sourd la période bleue. humains dont on disait qu’ils n’en étaient pas ? Joconde ; la palette et le pinceau, attributs L’œil flotte d’un « incontournable » à l’autre, Ce sont leurs images, où l’on devine autant suprêmes, sont l’armure et l’épée de ce le déroulement est intuitif, et le choix réussit d’empathie que d’aveuglement et de sidéra- fantôme d’enfant chapeauté comme un cet exploit de ne pas submerger, pour au tion, qui surprennent et questionnent le plus. mousquetaire. Picasso a 90 ans et quelque contraire étonner et apprendre. A.Z. 70000 œuvres derrière lui. A.Z. Inséré dans le parcours Picasso-Méditerranée lancé par le Musée national Picasso-Pa- ris, le Musée Fabre (Montpellier) est le seul qui présente un regard global sur Un dictateur en images l’œuvre du peintre. Plus d’une centaine Regards sur les ghettos de productions (issues de grands musées Picasso. Donner à voir. 14 moments clé jusqu’au 23 septembre jusqu’au 23 septembre Pavillon populaire, Montpellier mondiaux et de collections particulières) Musée Fabre, Montpellier 04 67 66 13 46 montpellier.fr sont exposées dans une muséographie très museefabre.montpellier3m.fr 76 au programme arts visuels bouches-du-rhône hérault

Normal Studio Eloi Chafaï et Jean-François Dingjian -alias Normal Studio- pré- senteront une trentaine de leurs créations réalisées ces dix dernières années. Intégrées au lieu de vie conçu par Le Corbusier, parmi ces pièces uniques ou produits de grande série, prototypes et recherches expérimentales, plusieurs pièces seront montrées pour la première fois en France, comme leurs luminaires réalisés au Cirva, à Marseille. C.L.

Normal Studio à l’appartement 50 jusqu’au 15 août Cité Radieuse Le Corbusier, Marseille 06 86 23 73 78 cirva.fr Normal Studio à l’appartement N°50, Marseille © Morgane Le Gall- FLC- ADAGP

Mathias Poisson Depuis La Canebière jusqu’à Mimet et Saint-Savournin, en passant par le massif de l’Étoile, Mathias Poisson a voyagé au ralenti guidé par les rencontres et les paysages. De son périple est née une étude détaillée dessinée à la plume de bécasse, fruit de son exploration d’une zone péri- phérique si loin et si proche… M.G.-G.

La face nord de l’étoile jusqu’au 2 septembre Le Bureau des guides, Marseille

1001 nuits, exposition au 152 La Canebière, Marseille, 2018 © Mathias Poisson

Tous à la plage ! Galerie 1 Cube et Fermé le Lundi conversent par photographies interposées autour des mythes et réalités de la plage. Une injonction plaisante, une invitation amusée, un appel au large lancés par deux galeries qui rassemblent une myriade de regards (30 artistes !) braqués sur « un territoire aux frontières des temps et des éléments ». M.G.-G.

No Limit - Méditerranée Atlantique, 2017-2018, Exposition Fermé le Lundi, Marseille © Éric Bourret jusqu’au 31 août Fermé le lundi-Espèce d’espace photographique et Galerie 1 Cube au Studio Aza, Marseille 06 61 71 08 52 et 06 09 82 59 15

François de Asis Artiste peintre et sérigraphe (La pluie d’été avec Yves Bonnefoy et Palmyre avec Philippe Jaccottet), François de Asis est l’une des voix de la peinture paysagère faite d’immédiateté. Ni figurative, ni abstraite : inclassable. À la galerie Vincent Bercker, il nous rappelle qu’il n’a jamais cessé de se confronter au motif naturel ou architectural. M.G.-G.

La cathédrale Saint-Sauveur jusqu’au 31 août Galerie Vincent Bercker, Aix-en-Provence 04 42 21 46 84

La cathédrale Saint-Sauveur © François de Asis 77

Gallifet Art Center C’est une invite à ressentir le temps et l’espace autrement, grâce au compagnonnage des œuvres de Gaetano Cunsolo, Rebecca Digne, Come di Meglio, Charlie Jouan, Alexandre Korzeniovski, Charles le Hyaric et Théophile Stern, certaines conçues pour l’événement. Le visiteur composera, en plein cœur de la ville, son propre cheminement, hédoniste ou contemplatif. C.L.

Ailleurs, rendre du temps au temps jusqu’au 30 septembre Gallifet Art Center, Aix-en-Provence 09 53 84 37 61 hoteldegallifet.com

Ailleurs, installation de Théophile Stern, vue partielle, 2018. Photo © Romain Menu

Sophie Calle Sophie Calle a parcouru le domaine La Coste en tous sens avant de créer dans les bois Dead End, une sépulture qui est à la fois une installation et un lieu de performance. Cette création pérenne est augmentée d’une exposition temporaire à double visage : un nouveau projet autour de la Collection Série noire et sa pièce maitresse Douleur exquise. M.G.-G.

jusqu’au 15 août Château La Coste, Le Puy Sainte-Réparade 04 42 61 92 92 chateau-la-coste.com

Installation image. Sophie Calle, Dead End exhibition at Château La Coste, France. 2 Jul – 15 Aug 2018 © Stephane Abourdam, Wearecontent(s)

La Panacée L’art prend la parole, critique, revendicatrice, sociétale avec deux artistes activistes emblé- matiques : Pope.L installé à Chicago dont c’est la première exposition en France, et le Britannique Bob and Roberta Smith pour une rétrospective de son œuvre sous forme d’une immense frise déclamative. À amplifier avec le programme duTalk show festival tout l’été (films, performances, événements...). C.L.

Pope.L, One thing after another Bob and Roberta Smith, Activist jusqu’au 26 août La Panacée, Montpellier 04 34 88 79 79 lapanacee.org

Bob and Roberta Smith, There should be no artists Signwriters paint on board, 90 x 80 cm

Mademoiselle Elles composent la nouvelle génération d’artistes femmes. Entre gravité et humour, leurs interrogations résonnent comme des plus actuelles (la fin du titreMademoiselle , #MeToo...). Cette sélection d’une trentaine d’artistes de tous horizons et de pratiques éclectiques rappelle que le féminisme ne saurait revêtir un questionnement ni une forme uniques. C.L.

Mademoiselle 21 juillet au 6 janvier 2019 Centre régional d’art contemporain, Sète 04 67 74 94 37 crac.laregion.fr

Tschabalala Self, Princess, 2017. Courtesy artiste et Pilar Corrias, Londres. Photo © Hugard and Vanoverschelde 78 critiques livres Œuvre au noir

ublié en 1928, le roman de Tanizaki animé par la crainte de cette éventualité, il ni nom ni adresse et disparaît ! Pris au piège Jun’ichirô, Kokubyaku, Noir sur Blanc, avait même tenté de se concocter un alibi de ses propres écrits, l’auteur, protagoniste de Pest enfin traduit du japonais aux éditions en ayant des relations suivies et tarifées son propre récit, s’englue irrémédiablement Picquier. Tanizaki, avec un art subtil de la dans l’agencement implacable et pervers de distanciation, rend son personnage principal, son œuvre. Lui, si paresseux, qui n’écrit que romancier, jouet et créateur des circonstances, sous la contrainte et dans l’urgence, dues à dépassé par la réalité qu’il a fait entrer dans son ses dettes innombrables, se voit au pied du texte. L’écrivain Mizumo, image dégradée de mur. L’écriture, maîtresse des illusions, devient Tanizaki, écrit une intrigue au cours de laquelle instrument de torture, diluant les frontières l’un des personnages, fortement inspiré de entre le vrai et « le manteau magique de la l’une de ses connaissances, meurt assassiné. fiction ». Tanizaki offre ici, outre un panorama Mais, par inadvertance, Mizumo a glissé, au sans concession de la vie quotidienne dans détour d’un paragraphe, le vrai nom de cette le Japon des années 30, une exploration en personne : Kojima. Pour rattraper son erreur, il abyme des méandres de la pensée. Un art décide d’écrire une suite pour la commande poétique construit en une spirale implacable suivante du journal qui l’emploie. Ironie du sort, qui tient le lecteur en haleine de bout en bout. peu de temps après, le réel rejoint la fiction : MARYVONNE COLOMBANI Kojima est abattu dans les circonstances décrites par Mizumo ! Autre détour équivoque, sa publication évoque une « histoire d’un homme obnubilé par la question de savoir s’il (est) possible de commettre un meurtre avec une dame qui pourrait témoigner de Noir sur Blanc Tanizaki Jun’ichirô (…) sans laisser aucune trace » ! Et voilà son innocence au cas où la réalité viendrait Traduction par Ryoko Sekiguchi et Patrick Honnoré notre auteur suspect numéro un ! Auparavant, concrétiser la fiction. Mais la dame ne laisse Éditions Picquier 19.50 €

Freedom fever

vis aux amateurs de récits fertiles en est ruinée. Alors ils mettent cap à l’ouest, en Californie où règne très souvent la loi du rebondissements, de grands espaces, embarquent à New-York un équipage et des plus fort. Mais rien n’arrête Mercator, qui Ad’épopées périlleuses…Séquoias, le candidats au voyage, et vogue le Freedom parviendra à bâtir un empire florissant grâce deuxième roman du journaliste Michel jusqu’à Valparaiso puis San Francisco. Dans aux arbres géants dont il va faire commerce, Moutot, est pour vous. Naviguant de l’île les séquoias, « les cachalots de la terre ferme ». baleinière de Nantucket (Massachusetts) à De facture classique, empli des topoï habituels la Californie, il embarque le lecteur vers les du récit de voyage et d’aventure, ce grand temps farouches et héroïques de la conquête roman séduit par la multiplicité des intrigues de l’Ouest américain et de la fameuse ruée vers et les nombreux personnages qu’il fait vivre. l’or, qui, au mitan du XIXe siècle, enflamma Mercator et ses frères bien sûr, mais aussi le les esprits et vit toutes sortes d’individus professeur Altmaier, dont la passion pour les venus du monde entier se jeter à corps perdu livres fera la fortune, et surtout l’étonnante Sara dans l’aventure, en quête du filon merveil- Magnet… Mais chut ! Laissons au lecteur le leux qui ferait leur fortune. Gold fever. Amère plaisir de découvrir par lui-même une belle déception pour la plupart des chercheurs histoire de conquête et de liberté, dans une d’or. Réussite exceptionnelle pour ceux qui Amérique mythique qui faisait alors rêver le ont compris que ce ne serait pas le métal monde entier. jaune qui leur assurerait la richesse, et ont su FRED ROBERT habilement tirer profit de l’arrivée en masse de tous ces migrants sur le sol californien. Mercator Fleming est de ceux-là. À la mort de son père, il se rend vite compte qu’ils ne pourront plus, ses frères et lui, vivre de la Séquoias, les risques sont partout : sur les chasse à la baleine. Le Freedom, le baleinier océans d’abord, où il faut affronter de multiples Séquoias Michel Moutot paternel, est hypothéqué, l’entreprise familiale tempêtes et surtout le terrible cap Horn, puis éditions du Seuil, 21,50 € 79 Un genre de fille qui nous ressemble

e genre à traîner dans les Monoprix, à tenir grandes forces de ce récit très contemporain. quotidiennes. Nous aussi nous excusons la porte, à parler tout haut aux toilettes, à se On y parle de deuil, de perte, de désespoir… trop, envoyons des mails vengeurs que nous Lplaindre beaucoup, à se croire sans cesse mais pas question d’en faire un drame. C’est regrettons aussitôt, acceptons des invitations atteinte des pires maladies, à aimer repasser, par pure politesse… Il est tellement difficile à ne pas supporter les phrases sur le bonheur, d’oser dire non. Cette fille ressemble à bien Juliette est tout cela, et bien d’autres choses des femmes d’aujourd’hui. Sa vie, à bien des encore. Je suis le genre de fille est le titre du vies. Mais derrière le sourire et la satire de dernier roman de Nathalie Kuperman ; c’est nos existences bien rangées sous la bannière aussi par cette proposition que commencent du bio et du bonheur à tout prix, sourd ce qui trente-deux des trente-trois brefs chapitres fait la profondeur de ce roman faussement qui le composent. Une sorte de chronique léger, très subtil en réalité : la recherche d’une douce-amère que tient cette quadragénaire mère trop tôt disparue, qu’on appelle en vain, « arrangeante » et complexée. L’inventaire dont le fantôme rôde entre les pages, jusqu’au mi-figue mi-raisin d’une existence banale, moment des retrouvailles… Alors le rire se faite de solitude, de ratages en séries (au noie dans les larmes. Des larmes de tendresse, travail, en famille, en amour), d’atermoiements qui font du bien. et de bonnes résolutions jamais tenues. On FRED ROBERT pourrait refermer le livre avec un bâillement d’ennui devant un étalage apparemment Nathalie Kuperman était invitée à Marseille nombriliste. Sauf que ce n’est pas du tout le en mai dernier pour la deuxième édition du festival littéraire Oh les beaux jours ! cas. Bien au contraire. Car à chaque page, on sourit (on pouffe même parfois), tant Nathalie l’élégance de Juliette de se moquer ainsi Kuperman est douée pour le maniement des d’elle-même, et par là, de nous faire rire de nos Je suis le genre de fille Nathalie Kuperman armes de dérision massive. Là réside une des propres défaillances, de nos petites défaites éditions Flammarion 18 €

Naissance d’une conscience collective

e troisième volet de la tétralogie de Pra- mille fois être un individu libre qu’un médecin inhérentes à la composition pluriethnique, moedya Ananta Toer, Buru Quartet, Une du gouvernement » déclare-t-il alors à ses pluriculturelle, pluricultuelle, plurilinguistique, Lempreinte sur la terre, suit l’itinéraire de condisciples, « nous nous reverrons dans le et au système complexe des castes de cette Minke, aux débuts du XXe siècle, au cœur des monde réel ». Ce monde réel, il va l’aborder région du monde, seront un frein à la première Indes Néerlandaises. La vie du personnage association, mais naît un journal dont Minke se rapproche ici de la biographie et s’inspire est le rédacteur en chef, le Medan qui sera lu largement de celle du journaliste Tirto Adhi jusqu’en Europe. Le livre arpente les Indes Soerjo (1880-1915), grande figure de l’éveil Néerlandaises, nous fait prendre conscience national indonésien. Minke arrive à Betawi de leur complexité géographique et ethnolo- (Batavia, actuellement Jakarta), la capitale, gique, resituant ce territoire dans son contexte pour entrer à l’école prestigieuse de médecine, politique, commercial, international. Un roman la Stovia, réservée aux indigènes. Transporté d’une passionnante acuité, dans lequel le par l’enthousiasme de découvrir un monde personnage se construit en même temps nouveau comme le siècle qui débute, il se sent que sa conscience politique et collective. enfin « entièrement libre de corps, de cœur et Le quatrième volet de Buru Quartet sortira d’esprit », « moderne ». Certes, l’école exige en octobre. des élèves de se vêtir de manière tradition- MARYVONNE COLOMBANI nelle et rester pieds nus, mais son statut de Raden Mas (le plus haut titre dans l’aristocratie javanaise) l’autorise à fréquenter notables influents, intellectuels, gouverneur… Peu après la mort de sa deuxième épouse, Mei, Une empreinte sur la terre pour laquelle il a délaissé ses études afin de la par le biais du journalisme, et sa contribution Pramoedya Ananta Toer soigner, il est renvoyé de la Stovia (à la veille à la fondation des premières associations Traduction Dominique Vitalyos de sa dernière année d’études). « Je préfère d’indigènes de l’Indonésie. Les difficultés Éditions Zulma, 24.50€ 80 critiques livres Le Douanier des rêves

près des brillantes études d’art à Paris, pénètre dans l’univers étrange de cet artiste parfaitement le milieu, nous entraîne dans les Hayakawa Orie, éminente spécialiste talentueux mort dans la pauvreté, souvent secrets des négociations des musées, révèle Ad’Henri Rousseau, était retournée au décrié et moqué, mais reconnu par Picasso la rivalité entre les conservateurs, le rôle des Japon, et avait changé complètement de vie banques et de la presse, les rapports de force en choisissant un simple poste de surveillante et la méfiance entre les mondes occidental de musée. En 2000, son passé la rattrape et oriental. Le « voyage » d’un tableau unique quand elle est convoquée chez le directeur : et inestimable est une entreprise périlleuse, elle est réclamée par le MoMA pour participer et d’énormes intérêts financiers sont en aux négociations pour le prêt de la dernière jeu. Le texte est à plusieurs voix, avec une oeuvre de Rousseau exécutée six mois avant typographie différente pour chacune, et se sa mort en 1910, Le Rêve. La voilà brutalement lit à la fois comme une enquête policière et projetée 17 ans en arrière. Commence alors le le récit romancé de la vie de Rousseau et de récit d’une étrange aventure lors de l’été 83. la genèse de son œuvre. Captivant. Tandis qu’elle est chercheuse à Paris, elle est CHRIS BOURGUE sollicitée pour se rendre à Bâle chez un célèbre et mystérieux collectionneur d’art. Elle y ren- contre Tim Brown, assistant du conservateur du MoMA. Tous deux sont mis en concurrence pour décider de l’authenticité d’un tableau qui ressemble au Rêve et s’intitule J’ai rêvé. Ils ont sept jours pour trancher. Sept jours pour et Apollinaire qui l’ont aidé en lui achetant s’observer, se mesurer, s’apprécier… peut-être. des tableaux. L’auteure, Harada Maha, La toile du Paradis Harada Maha Le lecteur assiste à l’avènement de l’art naïf, qui est conservatrice au Japon et connaît Éditions Philippe Picquier, 20 €

Drôle de consul

e Jean-Christophe Rufin, on garde en font d’ailleurs immédiatement transpirer - un la tranquille marina aux eaux turquoise, on a mémoire L’Abyssin (prix Méditerranée tel poste en Guinée n’est ni plus ni moins découvert le corps d’un plaisancier tué par Det Goncourt du premier roman en 1997), qu’une mise au placard, qu’Aurel supporte balle et suspendu au mât de son voilier… Rouge Brésil (prix Goncourt 2001) ou plus Nul doute que le passé de diplomate de Rufin récemment Le tour du monde du roi Zibeline l’a servi dans la construction de l’intrigue (2017), palpitants récits d’aventures qui mêlent comme dans la peinture de l’atmosphère habilement la petite histoire à la grande. Mais très particulière du consulat et du petit cercle si le prolifique académicien s’est également des expatriés. En résulte une histoire somme frotté à l’anticipation (notamment avec Glo- toute assez classique, dont on ne dévoilera balia paru en 2003), jamais encore il n’avait évidemment rien. Le plaisir essentiel tient abordé le genre policier. C’est chose faite au personnage décalé d’Aurel, dont les avec Le suspendu de Conakry, premier volet méthodes très particulières d’investigation d’une trilogie mettant en scène un enquêteur et de déduction ne sont pas sans rappeler atypique fort attachant. Aurel Timescu est celles d’illustres détectives. Alors, simple « l’adjoint calamiteux » du Consul Général de clin d’œil au roman policier traditionnel ? France à Conakry. D’origine roumaine, il a fui Peut-être, mais qu’importe, car on passe un la dictature de Ceausescu, puis a longtemps très agréable moment en compagnie de ce travaillé comme pianiste de bastringue avant consul peu ordinaire. de devenir diplomate. Pour cet homme étrange, FRED ROBERT sans âge, à la sentimentalité exacerbée et à la dégaine improbable – il s’obstine à se vêtir comme s’il vivait en Europe centrale ou à Paris en sirotant du tokay bien frais, en jouant du en hiver, alors qu’on étouffe sous un soleil piano la nuit…et en menant, sans en avoir le Le suspendu de Conakry Jean-Christophe Rufin implacable ; les descriptions de ses tenues moindre droit officiel, son enquête. Car, dans éditions Flammarion 19,50 € 81 La place est publique

oëlle Zask est l’auteure de La démocratie Celles, évidemment, qui n’ont pas encore plus le temps passe, plus les places dispa- aux champs, ouvrage paru en 2016 aux été attaquées par un pouvoir ivre de stan- raissent, souffrant de la « tragédie des biens Jéditions La Découverte, pour lequel elle dardisation, privilégiant la surveillance à la communs » (une expression qu’elle emprunte nous avait accordé un entretien passionnant à l’écologue américain Garrett Hardin). Riche (lire sur journalzibeline.fr). La philosophe publie, de dizaines d’exemples, mis en relief depuis cette fois chez au Bord de l’Eau, son nouveau l’histoire urbaine de multiples civilisations, ou livre : Quand la place devient publique. Un titre piochés dans les évolutions récentes à travers qui invite immédiatement à se questionner : le monde, ce court essai « n’a rien d’un manuel comment la place, ce lieu destiné à accueillir destiné à concevoir des places suivant des les populations, aurait-elle besoin de devenir règles précises, il est en revanche destiné publique ? C’est que le sujet lui-même est à l’usager-architecte qui est en chacun de contre-intuitif : « Souvent béantes, centrées, nous ». Car pour Joëlle Zask, la place démo- aplanies, trop vastes, sans relief, équipées cratique idéale n’existe pas, elle s’élabore d’une armée de caméras, jalonnées de bar- en fonction du contexte environnemental, rières Vauban ou dépourvues d’assises, les historique, et des gens qui la fréquentent. places qui devraient logiquement accueillir Ouverte, souple, vivante et multi-usages, elle les publics, au contraire, les repoussent ». découle de l’auto-gouvernement. Joëlle Zask nous apprend que l’étymologie GAËLLE CLOAREC du mot dérive du platane, en grec, arbre opulent qu’Hippocrate disait favorable à la concentration intellectuelle et à la transmission convivialité, le spectacle politique aux initia- des connaissances. Aujourd’hui encore en tives citoyennes, les espaces rentables à la Méditerranée, les places les plus plaisantes flânerie, la voiture aux déplacements doux. Quand la place devient publique Joëlle Zask bénéficient de son ombrage centenaire. Triste constat de cette fine observatrice : Éditions Le Bord de l’Eau, 18 €

35ème édition des Journées Européennes du Patrimoine les 15 et 16 septembre 2018

Sur le thème de «L’ art du partage», les prochaines journées européennes du patrimoine se tiendront dans le cadre de l’Année européenne du patri- moine culturel 2018. Cette année, le ministère de la Transition Écologique et Solidaire s’associe au ministère de la Culture pour la valorisation des patrimoines naturel et paysager.

• des visites libres et guidées de nombreux sites, monuments, musées, expositions... visites inédites, insolites, simplement exceptionnelles, • des ateliers pour toute la famille autour de thèmes histo- riques, artistiques ou architecturaux, • plus de 1 000 manifestations sur 133 communes de la région, • une carte interactive sur le site national des JEP, • un site internet, celui de la Direction régionale des affaires culturelles : http://www.culturecommunication.gouv.fr/ Regions/Drac-Paca

Direction régionale des affaires culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur 23 boulevard du roi René - 13617 Aix-en-Provence Cedex 1 04 42 16 19 00 - [email protected]

zibeline2018.indd 1 11/07/2018 14:11:05 82 critiques livres Sur les pas de Marie-Madeleine

e sicilien Andrea Camilleri est très connu d’anciens amants de Laura, des déclarations vie, ou tente-t-elle un coup publicitaire pour dans le monde entier pour ses polars. Le de la femme de ménage… Aucune partie lancer sa carrière ? Il apparaît peu à peu que Ldernier roman qui vient d’être traduit en narrative. Peu à peu se dessine un portrait son mari a ignoré volontairement son passé français peut s’inscrire au premier abord et même ses relations depuis le mariage, il dans cette veine d’enquête policière, mais ne connaît même pas sa meilleure amie. Le la dépasse par le style d’écriture adopté et commissaire découvre les recherches qu’a le parcours étrange de la femme qui est au fait Laura sur les fresques de Fra Angelico centre du récit. En effet, tout ressemble à à San Marco ; l’une d’elle s’appelle Noli une enquête car il y a disparition, recherches me tangere, ne me touche pas en latin, qui d’indices, questionnements, mais très vite le donne son titre au roman. Elle fait allusion commissaire a l’intuition que Laura a disparu à la rencontre de Marie-Madeleine et Jésus volontairement. Qui est-elle ? Une jeune femme après sa résurrection dans l’Évangile selon talentueuse de 31 ans, sur le point de publier Saint-Jean. Ce « Noli me tangere » va devenir son premier roman, épouse depuis quatre ans peu à peu le fil conducteur du cheminement d’un écrivain célèbre de 65 ans. Partie pour de Laura à la recherche d’absolu et sur la se reposer dans sa maison de campagne. voie du renoncement, présenté comme un Or son mari comprend qu’elle ne s’y est pas hommage à une amie de l’écrivain. rendue. Inquiet, il a alerté la police, confié des CHRIS BOURGUE documents privés et des lettres appartenant à Laura qui peuvent éclaircir certaines zones d’ombre, mais il refuse de les consulter lui- même. Le récit progresse par flashes, avec des à double visage. Laura est-elle une ardente témoignages, des coupures de journaux, des passionnée d’idéal, ou une calculatrice super- Noli me tangere Andrea Camilleri entretiens téléphoniques, des conversations ficielle ? Veut-elle commencer une nouvelle Métailié, 16 €

Rien n’est secret, tout se sait

i vous cherchez une lecture estivale légère, histoire forte, de résistance, de courage et de de sensations - bravo à Pierre-Emmanuel Tu ne tueras point n’est pas pour vous. retour à la vie. Qu’Edna O’Brien restitue dans Dauzat pour la traduction-, qui convie la STrop plombant. Pourtant cet ouvrage de la son implacable brutalité. Ni pathos, ni faux nature et les objets les plus familiers à suggérer grande romancière irlandaise Edna O’Brien, l’indicible, à rendre palpables les tourments publié en 1998 et tout récemment réédité par de la jeune fille, sa terreur, « pas du tout celle Sabine Wespieser, devrait être lu par tous d’une petite fille, mais d’un animal, d’un ani- ceux, toutes celles auxquels les combats mal ouvrant de grands yeux depuis le nœud pour l’émancipation des femmes importent. coulant d’un piège de fer. » Car si l’action Car, en dépit de toutes les violences qu’il se situe dans une époque pas si lointaine, charrie, ce roman raconte une libération. Le l’Irlande y est encore très rurale, très villageoise. récit s’ouvre sur une scène de viol. Celui L’église et le voisinage pèsent de tout leur de Mary (par son père, alors qu’elle n’a pas poids, protégeant les abuseurs, culpabilisant treize ans). Il se clôt sur une voix qui s’élève les femmes, même lorsque le secret n’en est et qui chante. Celle de Mary. Entre les deux, plus un pour personne. Un récit vibrant. Un des années de violence subie, de mutisme… appel salutaire à l’insoumission de toutes jusqu’aux premiers signes d’une grossesse celles qu’on tente de bâillonner. évidemment non désirée. Alors, à l’inceste FRED ROBERT s’ajoute la pression d’associations catholiques ultra conservatrices, qui entendent bien que l’adolescente garde l’enfant. Pour Mary c’est la double peine. Et la peur, et la honte. Longtemps elle gardera le silence sur l’identité du père. semblants. Les choses sont dites (ou pas, Mais le calvaire prendra fin, après que le pays certaines ellipses sont plus éloquentes que Tu ne tueras point Edna O’Brien tout entier se sera intéressé à l’affaire. Une les mots), dans une langue concrète, à fleur éditions Sabine Wespieser 23 € scène 55 mougins

VOTRE SAI- SON

#DANSE #THÉÂTRE #MUSIQUE #CIRQUE #MARIONNETTE PROGRAMME // BILLETTERIE // ABONNEMENTS SUR SCENE55.FR // 04 92 92 55 67 Domaine de Grammont Montpellier réservation : 04 67 99 25 00 www.13vents.fr