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LA CHRONIQUE D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT •PAUL BADURA-SKODA PAR D V,H-I&CNET:TUELATAIÉCASQE&JAZZ & L’ACTUALITÉ CLASSIQUE TOUTE CONCERTS: & HI-FI DVD, CD, N°205 -Septembre 2018

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Document publicitaire, non contractuel, achevé de rédiger le 16/01/2018 et édité par l’Afer AssociationFrançaised’ÉpargneetdeRetraite-Associationrégieparlaloidu1erjuillet1901- 36,ruedeChâteaudun-75009Paris Contratcollectifd’assuranceviemultisupportAfer,souscritparl’Afer,auprèsdeAvivaVieetAviva EpargneRetraite:AvivaVie-SociétéAnonymed’assurancevieetdecapitalisationaucapitalde 1205528532,67euros-EntrepriserégieparleCodedesassurances-Siègesocial:70avenuede l’Europe-92270Bois-Colombes-732020805R.C.S.Nanterre.AvivaÉpargneRetraite-Société Anonymeaucapitalde553879451euros-EntrepriserégieparleCodedesassurances - Siège social : 70 avenue de l’Europe - 92279 Bois-Colombes - 378 741 722 R.C.S. Nanterre. CLASSICA Société éditrice: ÉDITO EMC2 SAS au capital de 600000a 18, rue du Faubourg-du-Temple, 75011 Paris Tél.: 0147004949 RCS 832332399 Paris

Président et directeur 2018 de la publication: Jean-Jacques Augier N°205 Directeur général: Stéphane Chabenat Adjointe: Sophie Guerouazel

Directeur de la rédaction SEPTEMBRE Jérémie Rousseau [email protected] Chef de rubrique disques et hi-fi Philippe Venturini [email protected] Secrétaires de rédaction Valérie Barrès-Jacobs, Du (presque) neuf avec Bénédicte Gaillard,Véronique Matrat [email protected] es bougies viennent mandat », affirme-t-il. Fervent Éditorialistes: Alain Duault, Benoît Duteurtre, Emmanuelle Giuliani, tout juste d’être souf- défenseur de l’opéra d’au- Jean-CharlesHofelé,Éric-EmmanuelSchmitt flées. Et, fringuant jourd’hui, Audi a jadis com- Grand reporter: Olivier Bellamy Directrice artistique septuagénaire, le mandé, à Amsterdam, Vie avec Isabelle Gelbwachs Festival d’Aix-en- un idiot à Alfred Schnittke, [email protected] LProvence s’apprête à enta- accueilli les premières euro- Service photo Cyrille Derouineau mer une nouvelle vie. Car au péennes de Nixon in China et [email protected] moment où Bernard Foc- Doctor Atomic de John Adams, Ont collaboré à ce numéro croulle signait sa dernière édi- mais aussi programmé Raska- Jérémie Bigorie, Louis Bilodeau,Jacques Bonnaure, Fabienne Bouvet,Vincent Borel, tion (voir le compte-rendu tov, Andriessen, Tan Dun, Jérémie Cahen, Damien Colas, Michel Fleury, mitigé de celle-ci, p. 42), son preuves d’un vrai point de vue et Pierre Flinois, Elsa Fottorino, Romaric Gergorin,Aude Giger,Pascal successeur Pierre Audi fixait d’une ouverture sans œillères Gresset,Jean-Pierre Jackson, Denis les nouveaux caps. Un cap financier d’abord, stylistiques,au moment où nos théâtres natio- Jeambar, Melissa Khong,Tristan Labouret, avec comme objectif principal d’augmenter le naux, eux, commandaient l’essentiel des Aurore Leger, Laurent Lellouch, Michel Le Naour, Sarah Léon, Franck Mallet, budget de 23 à 26 millions d’euros en cinq ans, nouveaux opéras à Philippe Fénelon. Jean-François Medelli,Jérôme Medelli, par les accroissements du mécénat et de la Ainsi à Aix, Pierre Audi annonce des ouvrages Antoine Mignon,Yannick Millon,Aurélie Moreau, Clément Serrano, Dominique contribution de l’État et des collectivités. Un d’Adam Maor,Samir Odeh-Tamimiet se dit en Simonnet, Sévag Tachdjian,Victor Tribot cap artistique enfin,qui ressemble à un virage discussions avec George Benjamin,mais aussi Laspière, Marc Vignal, Isabelle Werck radical. Non que Pierre Audi renie les années avec Pascal Dusapin… Diable ! Pascal Publicité Foccroulle; mais ce Franco-Libanais,directeur Dusapin? Tant de renouveau annoncé pour Team Media Pôle musique pendant trente ans de l’Opéra d’Amsterdam, accoucher d’un énième opus du compositeur 10, boulevard de Grenelle, CS 10817, 75738 PARIS Cedex 15 est aussi pragmatique qu’il est peu dogma- français ? Dusapin si commandé et re- Tél.: 0187397518 tique. L’édition 2019, dit-il, se composera commandé, tellement vu, entendu, attendu Présidente Corinne Mrejen « d’œuvres souhaitées par les interprètes » et surtout – avec des résultats à la scène rien Directrice générale n’offrira que de l’inédit à Aix. Comme cela moins que discutables. C’est qu’ilyatant Cécile Colomb Directrice commerciale tombe bien! Les opéras de Puccini, interdits de jeunes compositeurs qu’on aimerait Emmanuelle Astruc jusque-là par un snobisme hors d’âge, feront entendre en découdre maintenant avec le [email protected] leur entrée avec Tosca mis en scène par Chris- genre lyrique! Cette nouvelle vague de créa- Directrice adjointe de la publicité Stéphanie Gaillard tophe Honoré, tandis qu’Esa-Pekka Salonen teurs libres dont Benoît Duteurtre prenait Courriel: [email protected] et Ivo van Hove s’attaqueront à Mahagonny de récemment la défense dans Classica, les Chef de publicité musique vivante Judith Atlan Weill. On n’entendra pas d’opéras de Mozart, Matton, Touchard, Pepin, Cali, Waksman… Courriel: [email protected] mais son Requiem relu par Castellucci. La Pourquoi attendre? MonsieurAudi,encore un Chef de publicité hi-fi/instruments X Clémence Maury création ? Elle sera « au cœur de mon ef ort s’il vous plaît! Jérémie Rousseau Courriel: [email protected] Service abonnements 4, route de Mouchy, 60438 Noailles Cedex Tél.: 0170373154. Courriel: [email protected] Tarif d’abonnement 1 an, 10numéros: 49,90u Ventes au numéro Tél.: 0486778128 Difusion: Presstalis Prépresse Maury Imprimeur Imprimerie: Roularta Printing, 8800 Roeselare Imprimé en Belgique/Printed in Belgium

Dépôt légal à parution N° de commission paritaire : 1120 K 78228 Retrouvez votre magazine Classica sur tablettes et smartphones. L’application Classica est disponible sur App Store. N° ISSN: 1966-7892 Illustrations des portraits de Jérémie Rousseau, Philippe Venturini et des éditorialistes: Dominic Bugatto. Photo de couverture: William Beaucardet Classica est édité par EMC2 SAS. Ce numéro comporte un encart Ballet du Bolchoï et un guide Saison lyrique 2018-2019 sur l’ensemble de la dif usion France. © E C2 CLASSICA / Septembre 2018 Q 3 La sérénité de pouvoir jouer à toute heure

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10 38

82

50 68 Q L’ACTUALITÉ Q LE MAGAZINE 03 Éditorial 50 En couverture 07 Ça cartoon! Philharmonie de Paris : tout sur le phénomène Heureux qui comme Felix 62 Reportage à Tokyo 09 La petite musique Voyage au cœur des musiques traditionnelles japonaises d’Éric-Emmanuel Schmitt 66 Passion musique Beauté du quotidien Gérard Manset 10 Planète musique 68 L’entretien Une ofre musicale élargie à Paris, Le maître du temps, Paul Badura-Skoda Olivier Py, les vingt-cinq ans de Megadisc 74 Compositeur 27 L’humeur d’Alain Duault François Couperin, un grand du Grand-Siècle Vérité et justice 78 L’écoute en aveugle 28 Sortir Tapiola de Jean Sibelius « Le Sacre de Stravinsky » par Mikko 82 L’univers d’un musicien Franck et Bartabas, « L’Apothéose de Le meilleur des mondes de Vanessa Wagner la danse»àLille, Philip Glass à Nantes 35 À voix haute Q La chronique de Benoît Duteurtre LE GUIDE 36 Un air de famille 86 Les CHOCS du mois Le Quatuor Hagen 96 Les disques du mois 38 On a vu 124 Les DVD du mois Wagner, de Bayreuth à Munich 126 Le jazz 49 Les carnets d’Emma 128 Hi-fi: Les lecteurs et platines de l’année La chronique d’Emmanuelle Giuliani 138 Jeux

5 Q CLASSICA / Septembre 2018

ÇA CARTOON ! HEUREUX QUI COMME FELIX QUI COMME HEUREUX

Extrait de L’Histoire de la musique en bandes dessinées de Michael Sadler, Denys Lemery et Bernard Deyries. © Éditions Van de Velde, Paris. Reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions Van de Velde.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 7 operadetours.fr /0247 60 20 OPÉRA DE TOURS VI 2019 AVRIL AS2019 MARS ET 2018 SEPT. É.2018 DÉC. 24 26 01 É.2019 FÉV. A 2019 MAI SAISON LYRIQUE | | | 08 26 27 03 27 12 30 28 OCT. | | | | | | | | 28 28 14 05 31 10 28 02 30 Giordano CHÉNIER ANDREA Weill CAPITAUX PÉCHÉS 7 LES Mozart ENCHANTÉE FLÛTE LA Rossini ALGER À L’ITALIENNE Hervé NITOUCHE MAM’ZELLE Offenbach RHIN DU FÉES LES DIRECTION BENJAMINPIONNIER SAISON SYMPHONIQUE ORCHESTRE ÉINCNR A DELOIRE / VAL TOURS CENTRE RÉGION AV 2019 JANV. AS2019 MARS UN2019 JUIN É.2018 DÉC. C.2018 OCT. A 2019 MAI SAISON SYMPHONIQUE 12 01 06 30 15 04 | | | | | | 13 02 07 16 05 31 Constant Ginastera Fauré DEBUSSY Piazzolla ! TANGO ¡ Penard ! FANTASTIQUE ville la de Lumières Les Ciné-concert CHAPLIN CHARLIE Humperdinck SORCIER L’APPRENTI Mozart CLASSIQUE MOZART Dukas Williams Arriaga | | Debussy | | ˜‘➍ Sarasate Berlioz | | Milhaud ž”“—‡œ | Wagner | |

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Licences 1-1095580/2-1095581/3-1095582 LA PETITE MUSIQUE D’ÉRIC-EMMANUEL SCHMITT

Beauté du quotidien

l est des enchantements que l’élégie, par quelle aberration Mozart l’on éprouve dès le premier Mozart élève préféra-t-il cette laborieuse histoire de jour, mais qu’une vie entière noces ancillaires empêchées? peine à comprendre. Mozart n’a pas besoin du noble: c’est lui Pour moi, Mozart arrive en tout ce qui anoblit. Il élève tout ce qu’il touche. tête de ces envoûtements Ainsi, dès l’ouverture du rideau, il fait Ilents. Si Mozart me séduit, me bou- qu’il touche de la musique avec ce qui en paraît to- leverse, m’influence depuis l’enfance, talement dépourvu: une règle et un sa lumière m’a longtemps aveuglé chapeau – un valet mesure la chambre avant de m’éclairer, car sa clarté ne se montre pas si claire. pour placer les meubles pendant qu’une servante se trouve À quinze ans, j’ai découvert Les Noces de Figaro sur la scène de irrésistible dans le miroir avec son nouveau couvre-chef. l’opéra lyonnais.J’ai raconté dans MavieavecMozartcomment Deux chipies se disputent en caquetant la priorité pour passer un air,un seul,celui de la comtesse,« Dove sono »,avait arraché une porte? Cela devient le duo aussi piquant qu’élégant de à sa déprime morbide l’adolescent que j’étais, un garçon las Suzanne et Marceline. L’ennoblissement du quotidien s’accé- de vivre, ou effrayé, qui avait planifié son suicide. S’emparant lère: la soubrette travestit l’apprenti soldat, le comte frappe au d’une voix de soprano, Mozart avait retenu mon geste fatal; cabinet de toilette en soupçonnant son épouse d’y dissimuler magistralement, en quatre minutes, il m’avait guéri… par la un amant, le jardinier aviné vient se plaindre qu’on piétine beauté! La révélation provoqua aussitôt une révolution: si la ses fleurs, bref le finale de l’acte II donne les ailes de la beauté Terre recelait des splendeurs comme ce chant, il fallait que j’y lyrique et instrumentale aux situations les plus sordides. Cette reste un peu. Simple programme qui demeure le mien, des sublimation culmine à l’acte IV quand une petite fille chante sa décennies plus tard. Ce matin encore, je me suis levé avec un douleur dans la nuit: voici la déchirante cantilène de Barberine, vif appétit: qu’allais-je rencontrer de beau, aujourd’hui? Une laquelle semble exprimer le désarroi universel, la déréliction belle musique, un beau livre, une belle fleur, un beau visage, de Kierkegaard, l’angoisse de Heidegger, l’inquiétude existen- un beau sourire, un beau ciel, une belle phrase, un beau fruit? tielle de Camus. De quoi s’agit-il? Après l’air, on l’apprend: En réécoutant Les Noces de Figaro dimanche dernier,je concep- Barberine a perdu une épingle! tualisai un autre enseignement que Mozart m’apporta dans Pas neuf,allez-vous m’objecter?L’opera buffa,opposé à l’opera cet opéra: la folle beauté du quotidien. seria, prospère depuis La Serva padrona de Pergolèse, et, de Mozart avait choisi un bien étrange livret,une comédie domes- Naples àVeniseen passant par Rome,ce genre n’a pas manqué tique, un vaudeville avec cachettes, déguisements et portes qui de Logroscino,de Galuppi et autre Alessandro Scarlatti durant claquent, une crapuleuse intrigue perverse orga- le XVIIIe siècle. Certes, mais j’attire votre attention nisée autour d’un droit de cuissage. Si la pièce ori- sur une essentielle différence: ces compositeurs ginale de Beaumarchais brillait d’une dimension ÉRIC-EMMANUEL plaquent de la musique sur du trivial, alors que politique et sociale,Da Ponte dans son adaptation SCHMITT Mozart, lui, dévoile la musique du trivial. Il ne italienne l’avait réduite à ses fricotages. Pourquoi est écrivain, dramaturge fabrique pas de la beauté, il la repère. Il ne trans- s’emparer d’une matière si vile, sans ampleur? et réalisateur. forme pas le monde, il le révèle… Mozart décèle Alors que la scène lyrique appelle les grandes fi- Son dernier ouvrage, le lyrisme du quotidien, l’harmonie du banal, la gures historiques ou mythologiques, tandis que la Madame Pylinska et mélodie de l’ordinaire,et nous l’offre afin que nous musique drape aisément les sentiments tragiques, le secret de Chopin, est nous en grisions.Compositeur,Mozart? Pour moi, quand l’orchestre sollicite l’héroïsme et la voix paru chez Albin Michel. d’abord un philosophe et un guide spirituel. X

CLASSICA / Septembre 2018 Q 9 PLANÈTE MUSIQUE I SCÈNES BERTRAND COUDERC BERTRAND Scala, Nuits Oxygene, Mr. Croche PARIS EST TOUJOURS UNE FÊTE NOUVEAUX LIEUX, ARTISTES RARES, RENCONTRES INÉDITES : LA SAISON PARISIENNE SORT DES SENTIERS BATTUS. UNE OFFRE ALLÉCHANTE !

epuis bien des d’octobre à mai. Envie d’écou- bien sûr, les cycles à thème de voit des gens comme Francesco années déjà, la ter une production musicale en l’auditorium du Louvre et les Tristano jouer des Variations capitale ne lien avec une exposition artis- concerts « rising stars » de la Goldberg à la Philharmonie cesse de clamer tiquedumoment? Le musée Fondation Louis Vuitton… et mixer deux jours après de la son amour d’Orsay vous ouvre ses portes Une chose est sûre, le « ventre musique électro dans un club de pour le piano pendant la pause déjeuner. de Paris » a bon appétit. Détroit, on se dit que la création Det la musique de chambre. Envie d’écouter une pépinière « Même si l’offre est dense, musicale a franchi un nouveau Envie d’écouter Fazil Say (2/12) de jeunes talents? Le Centre de multiple et variée, il manque palier, celui d’un art pluridisci- ou le Trio Wanderer (19/5) le musique de chambre de Paris un brin de folie », remarque plinaire, immersif, totalisant. » dimanche matin? Jeanine Roze de Jérôme Pernoo vous Rodolphe Bruneau-Boulmier, Ouvrant ses portes le 11 sep- Production vous convie au accueille du jeudi au samedi à programmateur de la Scala tembre, la Scala Paris se veut théâtre des Champs-Élysées la salle Cortot. Sans oublier, Paris (10e arr.) « Quand on la première salle parisienne

10 Q CLASSICA / Septembre 2018 entièrement dédiée à la créa- tion. On y retrouvera, entre Concerts de monsieur Croche, autres, des artistes aux esthé- c’est, en fin de compte, un retour tiques et sonorités confon- à l’institutionnel, créer une série dues – l’ensemble le Balcon de concerts en qui les gens vont (21/09), Bertrand Chamayou avoir confiance. » Entièrement (22), Jean-Frédéric Neuburger tournée vers le piano, cette pre- (22), l’Ensemble Intercontem- mière saison est aussi le moyen porain (22), Yasmina Reza (du de rendre justice aux « oubliés » 7 au 14/11) et Carole Bouquet de la scène parisienne, que ce (15/11) pour ne citer qu’eux – soitVladimir Feltsman (10/10), servis par une acoustique et des Henri Barda (20/11), Daniel formats de concerts originaux. Wayenberg (23/1), Idil Biret Comptez entre 9 et 49 euros (16/4), Kun-woo Paik (22/5) pour un tarif plein (selon le ou Mahan Esfahani (7/6). C’est concert et la catégorie), ainsi également « la volonté de faire que plusieurs tarifs spéciaux: d’une salle mythique une ode –50 % pour les moins de 26 ans à la libre entreprise culturelle, (4 à 25 euros), –25 % pour les dans laquelle le producteur a adhérents, demandeurs d’em- le pouvoir de dire “je” et où les ploi et intermittents du spec- artistes invités ont une histoire

tacle(6à37euros). SDP à raconter en plus d’une œuvre àjouer» précise Yves Riesel. CURIOSITÉ EXIGÉE pourraient être des personnalités (17 euros) et du tarif sériel Deux abonnements pour huit La rentrée 2018 signera éga- comparables à Nelson Freire ou (pass « Série », 135 euros pour concerts seront disponibles : lement la première saison Radu Lupu, assure Pierre-Yves cinq concerts). 1re catégorie (417 euros) et annuelle des Nuits Oxygene Lascar, ou, du moins, auront à La salle Gaveau (8e arr.) aura 2e catégorie (309 euros). Prix après deux éditions passées en offrir le meilleur de ce que peut aussi le droit à sa révolution. unitaire: entre 29 et 89 euros festival. Son créateur, Pierre- proposer la génération classique Yves Riesel, fondateur du site selon concert et catégorie. X Yves Lascar, explique cette actuelle. »L’autre originalité des Qobuz et du label Abeille Clément Serrano mutation par la nécessité de Nuits Oxygene est la possibi- Musique, lance à la mi-octobre rendre légitime et durable le lité de créer son propre pass « Les Concerts de monsieur Informations et réservations: principe de curiosité:« La seule (pass « Oxygene », 200 euros Croche », pied de nez à ce qu’il £ https://lascala-paris.com critique que je pourrais faire à pour huit concerts) en plus du nomme, non sans humour, £ http://www.artalinna.com l’offre musicale actuelle, c’est tarif unitaire (tarif « Pause », « la vieillesse du monde »: « Ce £ https://concerts de l’incapacité à donner une assez 32 euros), du tarif réduit que j’ai voulu faire avec Les monsieurcroche.com grande idée de la richesse du répertoire. On joue du Chopin, mais on oublie Respighi. Il faut inciter à la découverte, provo- quer chez le spectateur une révé- lation qui chamboulera à tout jamais son paysage sensoriel et suscitera en lui l’amour de la dis- cipline artistique et du partage. » On y entendra ainsi, à l’église luthérienne Saint-Marcel (5e arr.), dans la série « Éva- sion », les Trois Préludes Sym- phoniques de Pizzetti par Mar- cos Madrigal et Alessandro Stella (10/10), les Mythes op.30 de Szymanowski par Stefan et Lora-Evelin Vakova Tarara (9/1) et les Sept Préludes de Gershwin par Vestard Shimkus (10/4). « Une manière de mettre en évidence des artistes qui, selon

moi, dans quinze ou vingt ans, TOURNEBOEUF PATRICK

CLASSICA / Septembre 2018 Q 11 PLANÈTE MUSIQUE I SCÈNES EN Journées du patrimoine BREF CÉCILIA BARTOLI L’ŒIL ÉCOUTERA AIME LES JEUNES Z La mezzo-soprano La Première Guerre mondiale commémorée aux Invalides, italienne lance avec des Negro spirituals au collège des Bernardins... Découvertes. Decca la collection « Mentored by Bartoli », destinée à soutenir de jeunes musiciens. Elle souhaite ainsi aider « des artistes prometteurs à enregistrer dans des conditions professionnelles ». Le ténor Javier Camarena bénéficiera le premier de ce grand coup de projecteur.

POLÉMIQUE AU FESTIVAL PABLO CASALS Z « La musique chasse la haine », airmait Pablo Casals, elle ne s’aranchit

PARIS / MUSÉE DE L’ARMÉE / RMN / GRAND PALAIS / RMN GRAND DE L’ARMÉE / MUSÉE PARIS pas pour autant de la polémique. Un ’un côté la Seine, de l’autre le dôme évoquera certainement l’œuvre homologue communiqué de l’antenne éclatant des Invalides. Cette double de Hyacinthe Rigaud exposée au Louvre. Vous du Parti communiste perspective exceptionnelle, vous pourrez vous essayer au jeu des sept différences des Pyrénées-Orientales Dne l’aurez que depuis le grand entre l’original et la réplique anonyme, trônant relatif au partenariat salon de l’Hôtel, conçu par Libéral Bruant et au milieu des tentures rouges et des lustres tom- franco-israélien du Jules Hardouin-Mansart qui accueillera deux bants de ce lieu central des Invalides.Au Collège festival de musique de concerts à l’occasion des Journées du Patri- des Bernardins, rendez-vous dans l’ancienne chambre nous le rappelle, moine. Deux musiciens de la Grande Guerre sacristie samedi 15 : laissez-vous surprendre la conseillère seront mis à l’honneur : le violoniste et com- par les happenings musicaux des chanteurs du départementale locale positeur Lucien Durosoir mobilisé en 1914 chœur de Saint Edmund Hall de l’université dénonçant « la politique et le pianiste Paul Wittgenstein dont la main d’Oxford. Le programme chants grégoriens de crime commis gauche vous est peut-être plus familière que et negro spirituals mêlant les époques sera à à l’encontre des son patronyme, puisque c’est pour elle que l’image du lieu riche de huit siècles d’histoire, Palestiniens » du Ravel a composé son Concerto en ré majeur. récemment rénové, dont la sacristie demeure la gouvernement israélien Ce retour dans le temps se jouera sous l’œil seule partie de l’église rescapée de la percée des actuel. autoritaire de Louis XIV dont la stature vous grandes rues parisiennes. X Aude Giger HIT-PARADE DES FŒTUS Z Une étude de IL L’A DI l’institut Marquès, centre international de reproduction assistée, nous apprend que « La jolie musique ne m’intéresse pas. » les fœtus réagissent Teodor Currentzis à certaines musiques : Sérénade K. 525 de Entre deux concerts à Salzbourg, le chef d’orchestre grec explique que son rôle Mozart et Bohemian n’est pas de « provoquer », mais pas non plus de laisser le public indiérent, qui oublierait dès le lendemain Rhapsody de Queen sont le concert entendu la veille. Concluant : « Le but d’un musicien est de poser de nouvelles questions. » en tête des préférences.

12 Q CLASSICA / Septembre 2018 LIBERTÉ 2017 ÉGALITÉ 2018 FRATERNITÉ 2019

LE NOZZE DI FIGARO L’OPÉRA DE QUAT’SOUS ORPHÉE AUX ENFERS LA BOHÈME IL MONDO ALLA ROVERSA MAM’ZELLE NITOUCHE LES SALTIMBANQUES SAISON L’ELISIR D’AMORE 2018 19

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PORTRAIT AIMER PROTÉE ET L’OPÉRA SA VOIX ’ouvrage tendant à uteur, acteur, met- cherche à reconstruire le « faire bénéficier teur en scène, direc- monde par sa vision culturelle Ld’une technique à un teur d’institution, propre. Pour nous dévoiler les très grand nombre » est AOlivier Py est un mystères de l’ange/mauvais la rencontre entre un essai Protée, fêté ou décrié. Sa pro- garçon Py, de ses engage- sur l’état de l’art, dans fusion peut dérouter, sa cohé- ments, de son polymorphisme le regard d’un professeur rence se dérober. Timothée écartelé entre catholicisme dont l’enseignement « a Picard, pour qui Py a été fervent et sexualité queer prouvé ses mérites », « le contemporain essentiel », revendiquée, à la recherche et des conseils pointus, livre une analyse sidérante, d’une synthèse toujours autant à l’attention des explorant recoins et ramifica- renouvelée. Pour y dégager le professeurs que des élèves. tions de l’œuvre, réseaux fil de la logique mais aussi de Une grande accessibilité intellectuels ou données bio- la nécessité de création de demeure: ne fumez pas graphiques d’un créateur qui cette apocalypse joyeuse, et ne buvez pas trop sont livrant ainsi un portrait de autant de bonnes l’époque, érotisé toujours, recommandations qui mystique forcément. La part méritent d’être entendues d’analyse littéraire et théâtrale pouvoir de rédemption, sont par une large cible. On est ici majoritaire (c’est elle un chemin, non de croix, mais retient comme fil directeur qui construit Py), mais l’évo- de connaissance. À suivre « aimez-vous, aimez votre cation de ses réalisations impérativement pour ne plus voix », et ça nous plaît! lyriques, depuis sa trilogie du se noyer dans un univers trop Quand le solfège devient diable et un Tristan histo- riche, mais y trouver repères une question de vie ou de rique, montre à quel point il et raisons. Précieux. X mort pour sauver un oiseau, aura façonné aussi sa part du Pierre Flinois l’approche est tout autre. présent de la scène lyrique. C’est le souhait de Nadia Ces « planches de salut » , jolie £ Olivier Py – Planches de salut, Wasiutek, auteur de trois formule pour résumer un Py par Timothée Picard, Actes Sud, petits contes visant à

DAVID RICHARD / PINK / SAIF IMAGES / SAIF RICHARD / PINK DAVID obsédé de l’Art et de son 414 p., 29 € désacraliser le solfège, un CD accompagnant l’enfant dans sa découverte des notes, des intervalles ou des altérations (également publiés par Papiers SAUVÉS PAR LA MUSIQUE ? Musique.) X Aude Giger

’ascension fulgurante du très charismatique Gustavo £ Quand l’oreille voit tout Dudamel a révélé au monde entier El Sistema, cette aven- par Jean-Pierre Blivet, Papiers ture pédagogique singulière, née au Venezuela en 1975. À Musique, 140 p., 22 € Len croire la légende, elle permettrait aux enfants (très) défavorisés, en apprenant la pratique musicale collective, d’éviter de sombrer dans la délinquance et de devenir artiste. Des dizaines de milliers de Vénézuéliens auraient ainsi été sauvés. Au terme de cinq ans d’enquête,Vincent Agrech, l’esprit aussi enthousiaste que lucide, révèle le fonctionnement de cette organisation, sans se pri- ver de poser les questions qui fâchent, ni d’écouter les avis disso- nants. Dans un pays en proie à une terrible crise économique et démocratique, El Sistema serait ainsi (aussi) un instrument de promotion du pouvoir, une hiérarchie inflexible héritée du capi- talisme. Et la musique? N’est-elle qu’un outil de cohésion sociale ou un réel projet de vie? X Philippe Venturini £ Un orchestre pour sauver le monde par Vincent Agrech, Stock, 320 p., 20 €

14 Q CLASSICA / Septembre 2018 L’ALPHABET DE VINCENT BOREL

SURLECD CLASSICA COMME LE MAGAZINE LISZT par Vanessa Wagner 1 • « Invocation », extrait des Harmonies poétiques et religieuses 6’ 54 Extrait du CD La Dolce Volta LDV 46 MOZART par le Quatuor Hagen ÉRUPTION 2 • Quatuor à cordes K.387 « Le Printemps »: Allegro vivace assai 5’59 Extrait du CD Myrios Classics MYR017 E COUPERIN par Sandrine Piau, son Hercules. L’éruption peut Véronique Gens même allumer une révolution et Christophe Rousset 3 • Leçons de ténèbres du Mercredi pour de vrai.Après La Muette Saint:«Troisième Leçon » 11’34 de Portici d’Auber,le supplice Extrait du CD Decca 466 775 2 de Masaniello et la colère LES CHOCS DU MOIS désapprobatrice du Vésuve, SAINT-SAËNS le Bruxelles de 1830 prend la rue par Bertrand Chamayou contre les Hollandais. Le Dernier 4•Étude op. 111 n°4: « Les Cloches de Las Palmas » 4’ 02 Jour de Pompéi, dans les versions Extrait du CD Erato 0190295634261 de Pacini ou de Petrella, SCHUBERT l’Herculanum de Félicien David, par Isabelle 5•Octuor D. 803 aiment aussi le Vésuve péplum. Allegro vivace – Trio 5’ 53 Prêtres et prêtresses brandissent Extrait du CD Harmonica Mundi HMM souvent la torche, comme dans 902263 HALÉVY

RANDO VOLCAN RANDO Les Pêcheurs de perles ou Norma. par Véronique Gens, C’est à la suite de deux Norma Cyrille Dubois vant le cinéma, l’opéra le feu au Capitole dans Rienzi. trop réalistes que le Liceo de et Hervé Niquet était le spectacle total Un rappel du Siège de Corinthe Barcelone en 1861, puis le Teatro 6•La Reine de Chypre: « Arbitre qui faisait frémir toutes de Rossini où l’Acropole, assiégée Petruzzelli de Bari en 1991, de ma vie » (Acte II, finale) 10’ 57 Extrait de l’album Ediciones les classes sociales, par l’Ottoman, flambe ? Les partirent en fumée. Désormais, SingularesES 1032 du parterre au paradis. pyromanes d’opéra sont femmes on peut mettre en scène le BIZET AScènes infernales, catastrophes et sorcières. Dans La Fiamma Stromboli sans courir le risque par Julie Fuchs, naturelles, le genre afectionne de Respighi, Silvana meurt sur de brûler son théâtre. Banalisés Florian Sempey et Alexandre Bloch le cataclysme. Du Phaéton le bûcher,comme l’Azucena par la vidéo, le volcan en majesté 7 • Les Pêcheurs de perles: « Je frémis, de Lully à la Tétralogie, le feu du Trouvère. Un autodafé achève et les flammes restent le clou je chancelle » (Acte III) 8’05 universel tire souvent le rideau. l’Ange de feu de Prokofiev. du spectacle, comme le montre Extrait du coret Pentatone PTC 5186 685 CONNESSON Les Médée de Charpentier et Honegger et Tchaïkovski brûlent le sublime Tristan par Bill Viola, par Florent Héau, Sergey de Cherubini s’achèvent sous leur Pucelle d’Orléans. Haendel à voir et à revoir la saison Malov, Jérôme Pernoo une pluie de feu. Wagner met imagine un méchoui pour occire prochaine. X et Jérôme Ducros 8 • Adams-Variations 3’ 13 Extrait de l’album Sony Classical 19075818792 BACH par Thomas Dunford Suite BWV 995 LATRIBUNEDESCRITIQUESDEDISQUES 9 •GavottesIetII 4’08 10 • Gigue 2’ 16 TOUS LES DIMANCHES, SUR FRANCE MUSIQUE, Extrait du CD Alpha 361 DE 16H À18H, JÉRÉMIE ROUSSEAU PRÉSENTE « LA TRIBUNE DES CRITIQUES DE DISQUES ». LE 2 SEPT.: Le SacreduprintempsdeStravinsky/LE 9 SEPT.: Concerto pour piano n°26 RETROUVEZ CHAQUE MOIS LES CHOCS DE CLASSICA SUR de Mozart / LE 16 SEPT.: Symphonie n°5de Beethoven / LE 23 SEPT.: Mort d’IsoldedeWagner; Trio final du ChevalieràlaRosede R. Strauss / LE 30 SEPT.: Psaume 130 deLili Boulanger Enregistrement en public le jeudi, à 19 heures, au studio 109 de la Maison de la Radio. Renseignements: www.francemusique.fr

CLASSICA / Septembre 2018 Q 15 PLANÈTE MUSIQUE I WEB

Blogs, Facebook, Twitter, Instagram, NOTES ET YouTube, Pinterest… Classica a surfé sur Internet pour y FAUSSES NOTES dénicher des pépites. Par Clément Serrano souvenirSOUVENIR

ouer la 9e Sympho- sieurs extraits, jouant nie de Dmitri Chos- debout et sans pupitres, J takovitch par quelques jours seule- cœur c’est possible ? ment avant le grand JOUER DONNE C’est ce que semble concert donné au Royal DES AILES nous faire croire cette Albert Hall. Histoire vraie LA MUSIQUE vidéo postée sur la page ou coup de pub, cette n pleine tournée Facebook des BBC vidéo nous impressionne. européenne, le NE TIENT QU’À UN FIL Proms. On y voit les À la baguette, Nicholas Evioloniste Nemanja musiciens de l’Aurora Collon. X Radulovic et l’I, Culture onnaissez-vous le line rider? À la base, il s’agit Orchestra répéter plu- £ https://bit.ly/2LZ23p1 Orchestra profitent d’un jeu vidéo sur Internet dans lequel on trace d’avoir tout juste atterri Cune série de lignes et de courbes pour faire à Amsterdam pour jouer avancer un petit bonhomme sur une luge – l’occa- un air traditionnel. sion de lui faire faire aux passages de belles figures Jusque-là rien de bien acrobatiques.Avec le temps et la popularité, de nom- insolite, si ce n’est que breux internautes se sont mis à exprimer leur poten- ce mini-concert se passe… tiel créatif via une utilisation détournée du jeu: le dans l’avion! Vidéo postée line rider track. Il ne s’agit plus uniquement de le faire sur le compte Twitter de virevolter, mais de le faire avancer… en musique! Nemanja Radulovic. X Démonstration en image avec la vidéo Youtube de £ https://bit.ly/2KwpPTA DoodleChaos, synchronisée sur l’air « Dans le Hall » du Roi de la Montagne d’Edvard Grieg. X £ https://bit.ly/2yjtaCW

DANS LA PEAU DE CHOSTAKOVITCH ne vidéo Youtube donne à voir une compila- tion d’archives qui met en scène le composi- Uteur Dmitri Chostakovitch, ses incertitudes, Un médecin ses talents de pianiste, son énergie folle, ses com- s’adressant à son positions meurtries, son regard inquiet, sa vie de patient: « Quel est votre famille, ses prises de parole en public… Un témoi- requiem préféré?» gnage qui nous offre en une poignée de minutes Caricature publiée le portrait authentique de l’une des personnalités sur la page facebook de les plus complexes de l’histoire de la musique. X Classic Music Humor. £ https://www.youtube.com/watch?v=10qp9gmmeGI

16 Q CLASSICA / Septembre 2018 Une saison de convergences et d’échanges

7 productions d’opéra Mam’zelle Nitouche de Hervé, Fantasio d’Offenbach, Tristan et Isolde de Wagner, Don Pasquale de Donizetti, Le Songe d’une nuit d’été de Britten, L’Histoire du soldat de Stravinsky, Simon Boccanegra de Verdi

13 programmes symphoniques dirigés par Michael Schønwandt, George Jackson, Pavel Baleff, Jean-François Verdier, Jaime Martin, Ernest Martinez Izquierdo, Michele Gamba, David Niemann, avec Ronald Brautigam piano, Elsa Dreisig soprano, Dorota Anderszewska violon, Adam Laloum piano, Ewa Plonka mezzo- soprano, Nemanja Radulovic violon, Ksenija Sidorova accordéon, Victor Julien-Laferrière violoncelle et Andrea Fallico clarinette

15 concerts Musique de chambre et Baroque Xavier de Maistre harpe, Marie-Nicole Lemieux contralto, Nathalie Stutzmann contralto, les quatuors Diotima et Arod, David Kadouch piano, Edgar Moreau violoncelle, Philippe Jaroussky contre-ténor, Henri Demarquette violoncelle, Jakub Józef Orliński contre-ténor

Plus de 50 Concerts partage pour vivre le concert Au cœur de l’orchestre, découvrir en famille ou entre amis les Ciné-concerts et l’Escape game Opéra hanté, se passionner pour le chant avec Un air de famille, goûter à d’autres musiques avec le Festival Klang... Réservation 04 67 60 19 99 opera-orchestre-montpellier.fr 6 Concerts de Musiques d’ailleurs  Sodassi, Aynur Doğan, Pedro El Granaino, Jasser Haj Youssef, Piers Faccini, Ablaye Cissoko et l’Ensemble Constantinople

Plus de 30 concerts en région PLANÈTE MUSIQUE I THÉÂTRE EN JEAN-MARC BARR PREMIÈRES À BAYREUTH

CHEZ TOLSTOÏ ix-huit ans après BREF avoir chanté Mots et notes, amour et jalousie : D Siegmund au VERDI, BOURREAU plongée dans La Sonate à Kreutzer. Festival de Bayreuth, Plácido MALGRÉ LUI Domingo s’est retrouvé de Z Pour se venger l’autre côté de l’orchestre, du chien trop bruyant dans « l’abîme mystique », de son voisin, une femme pour diriger à trois reprises slovaque passait La Walkyrie. L’indulgence du en boucle, de 6 heures public n’est jamais acquise : à22heures, un air de en témoignent quelques La Traviata. Sa détention huées à l’issue de la provisoire met enfin première. En 2019, c’est un terme à seize ans Valery Gergiev qui fera de calvaire pour tout ses débuts au Festival dans un village à bout de nerfs. une nouvelle production de Tannhaüser. X L’AQUARIUS DEVIENT UN OPÉRA Z Le navire Aquarius inspire des compositrices LECHIFFRE suisses ! Heike Fiedler et Marie Schwab reprennent DUMOIS des extraits d’articles du Courrier pour transformer l’actualité en œuvre lyrique. Les recettes seront versées à l’ONG 160 SOS Méditerranée. millions DEBUSSY CHEZ ALAIN PASSARD d’euros Z Des magnums corton- charlemagne 2016, C’est le montant des fonds bâtard-montrachet 1999, levés par Deezer. Kingdom romanée-conti 1971… Holding Company, le fonds C’est un aperçu de saoudien, fait une rentrée

la soirée exceptionnelle / LE PARISIEN PHOTOPQR remarquée au capital,s’im- imaginée par le chef Alain pliquant également par le Passard et le label Le e Studio Hébertot de Pozdnychev, rendu fou de biais de sa filiale Rotana, le Palais des dégustateurs, propose une adapta- jalousie par la complicité de plus grand label musical du le 2 septembre, au tion en musique de sa femme avec son professeur Moyen-Orient. « Financer restaurant L’Arpège à LLa Sonate à Kreutzer de musique, et qui confesse l’accélération de son déve- Paris (17 heures), dans de Léon Tolstoï, à compter l’avoir assassinée. L’adapta- loppement » et « renforcer le cadre du centenaire du 25 septembre. Porté par tion, signée Jean-Marc Barr et ses positions dans des ter- de la mort de Debussy. l’acteur révélé ilyatrente Irina Decermic, comédienne ritoires clés »sont les objec- Un programme interprété ans dans Le Grand Bleu,le et pianiste, sera ponctuée tifs poursuivis par l’entre- par Jean-Claude spectacle dans lequel on d’extraits du journal de Sofia prise déjà présente dans Vanden Eynden, Robert pourra entendre Beethoven Tolstoï, et mise en scène par plus de 180 pays, avec une Levin, Boris Berman, ou Schumann a pour ambi- Goran Susljik. X ofre dépassant les 53 mil- Gérard Poulet et Astrid tion d’offrir, en une soirée, Aude Giger lions de titres. En troisième Siranossian. pièce de théâtre et concert de £ Du 25 septembre au 7 octobre position derrière Spotify et £ Réservation: musique classique. Le tout par Renseignements : Apple Music, Deezer pour- [email protected] le truchement du personnage www.studiohebertot.com suit son ascension... X

18 Q CLASSICA / Septembre 2018 SOUS LA PRÉSIDENCE DE S. A . R . LA PRINCESSE DE HANOVRE

ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MONTE-CARLO Directeur Artistique & Musical > KAZUKI YAMADA “Une Librairie Musicale”

YAMADA I VENGEROV KOOPMAN I AVITAL I KOSUGE I REPIN INBAL I ROMBERGER I ELSNER TAKÁCS-NAGY I FERRÁNDES I BAVOUZET OTTENSAMER I BÉRAN I LEFÈVRE ARMING I AADLAND I LORTIE THIBAUDET I SAÏTKOULOV I GELMETTI CHŒUR PHILHARMONIQUE DE TOKYO FAUST I TAMESTIT I MÜHLEMANN LAPOINTE I TRINKS I SHAHAM SOKOLOV I PLETNEV I FEDOSEIEV VOLODOS I SLATKIN I CHO HINDOYAN I FRANG LONG I SPINOSI… SAISON 2018 I 2019 ABONNEZ-VOUS ! Ph.Hurst Photos : Fotolia g o o u e u r t a c

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GUENNADI ROJDESTVENSKY révélant quelques splendeurs comme Écho et Narcisse de Nikolai Tcherepnin (paru chez Chandos). Il enregistra en Rus- LE DERNIER DES GÉANTS sie les premières intégrales des Symphonies de Vaughan Wil- Jeune homme, il stupéfia Prokofiev. Et imposa à la Russie liams ou de l’œuvre sympho- soviétique les plus grands compositeurs de son temps. nique d’Arthur Honegger, l’in- tégrale la plus philologique des l avait pris comme nom Symphonies de Bruckner. Seul de scène le patronyme de son répertoire lyrique n’a été sa mère, célèbre soprano que peu documenté, alors I du Bolchoï, pour mieux même qu’il imposa les opéras s’affirmer face à son père Niko- russes sur toutes les scènes laï Anossov, figure majeure de européennes, faisant triompher la direction d’orchestre des le Tsar Saltan à la Scala ou reli- années 1950 en URSS. Proko- sant drastiquement La Dame fiev, voyant diriger ce jeune de pique à la Bastille. L’homme homme de vingt ans, proclama, était déconcertant, le couple médusé: « un génie », devant la qu’il formait avec Victoria parfaite décontraction de sa Postnikova irrésistible de ten- technique, devenue légendaire. dresse et d’humour, il rechi- Rojdestvensky le lui rendit gnait à parler musique par bien, enregistrant la première pudeur, mais régalait ses inter- intégrale « russe » de ses sym- locuteurs d’interminables

phonies et des versions radi- AKG-IMAGES / MARION KALTER pastiches des travers bureau- cales de ses deux grands ballets cratiques d’une URSS qu’il Roméo et Juliette et Cendrillon. génération souvent au nez et à dépasse les 700 albums peine à n’abandonna pourtant jamais, Esprit persifleur, capable aussi la barbe des censeurs. Alfred être recensée, d’autant que cer- même après la chute du Mur de d’un humour terrible qui lui Schnittke n’aurait pas écrit tains incunables (son Daphnis Berlin : la mort l’aura pris à fut une parfaite carapace pour autant sans sa présence ami- et Chloé par exemple) sur- Moscou le 16 juin dernier, ville traverser les horreurs sovié- cale, tout comme Andrei Vol- gissent soudain. Elle reflète son de sa naissance quatre-vingt- tiques, il imposa tous les grands konsky ou Sofia Gubaidulina. goût pour les œuvres rares que sept ans plus tôt. X compositeurs russes de sa Sa discographie immense qui son œil averti débusquait, Jean-Charles Hofelé

génie, révéler les talents. Elle MARIE-FRANÇOISE BUCQUET sentait, pensait et voyait grand. Marie-Françoise a tout fait EN pour que la musique vive. Au JOUER POUR VIVRE Conservatoire de Paris, en Pédagogue hors pair, exigeante et adorée Toscane, à la Fondation Gul- BREF benkian… Donnant confiance de tous, elle nous a quittés le 15 août à 80 ans. à tous ses élèves. Dissolvant ILS NOUS ONT les névroses inutiles. Et tant QUITTÉS lle avait une devise, dans un torrent de passion et d’autres, qu’elle a présentés à Z Le compositeur et chef empruntée à Pablo d’amour. N’avait-elle pas sacri- Leon Fleisher, à Alfred Bren- d’orchestre britannique Casals : « On ne fié une carrière qui s’annon- del, ou à qui elle parlait de Oliver Knussen, 66 ans, E monte pas sur scène çait brillante chez Piano**** « M. Kempff » qui n’aurait le 8 juillet. Il est notamment pour être jugé, mais pour vivre. » après avoir été l’une des élèves pas admis tel comportement. l’auteur de Max et les Il m’est impossible d’imaginer préférées de Wilhelm Kempff. Il fallait rendre l’esprit et le Maximonstres. l’absence de Marie-Françoise, Déjà jeune, elle voulait que corps libres, pas avachis. Cette Z Le critique musical Sergio car elle était la vie, faite pour son action ait un sens. Jouer esthétique des grands espaces Segalini, 73 ans, le 7 juin ; donner la vie, pour rendre la vie Stockhausen ou Schönberg avait sa morale coupante, exi- directeur du Festival de à tout.Aux partitions, aux sou- alors qu’elle était aussi une geante, cruelle parfois. Elle avait Martina Franca puis de la venirs, aux pianistes endormis, beethovénienne incroyable. Il le cœur pur, comme aurait Fenice de Venise, il fut, entre aux élèves qui hibernent. Elle fallait faire vivre la musique, dit Beethoven, le regard clair, 1979 à 2003, rédacteur réveillait les engourdissements libérer les énergies, servir le l’esprit droit. X Olivier Bellamy en chef d’Opéra Magazine.

20 Q CLASSICA / Septembre 2018

PLANÈTE MUSIQUE I DISQUES LES MEILLEURES MEGADISC CLASSICS VENTES VINGT-CINQANS ET DU 6/08 AU 10/08 TOUJOURS DANS LE COUP Inspiration Sheku Kanneh-Mason 1 (DECCA) Un « Crazy Day musique de chambre et le quatuor à cordes, tout en Camille et Julie Philip Glass » s’aventurant vers d’autres Berthollet et l’intégrale de horizons : Komitas, Charle- 2 Brahms, magne Palestine, Daniel Khatchatourian sept quatuors au Teruggi. En 2015, l’enregistre- (WARNER) menu du label. ment du Livre pour quatuor Le Baroque français de Boulez par le Quatuor 3 William Christie Diotima (CHOC de l’année (ERATO) ’étais venu acheter de Classica) se fait remarquer, La Storia di Orfeo un disque et je suis bientôt suivi par WTC 9/11 et Philippe Jaroussky, reparti avec le Different Trains de Steve Reich joué toutes les heures. Le len- 4 Diego Fasolis « label !» se sou- (CHOC). En cette année des demain, le disque sera en (ERATO) vient Serge Tho- vingt-cinq ans du label, sera vente exclusive chez Gibert massian à la tête organisé, au musée d’Art et Joseph. Sont annoncés Crumb Dolce Duello Jde Megadisc Classics depuis d’Histoire du judaïsme, le en 2019, Takemitsu en 2020, Cecilia Bartoli, 5 Sol Gabetta sept ans. Après avoir révélé au dimanche 21 octobre 2018, un ainsi qu’une série dédiée à la (DECCA) public occidental des compo- « Crazy Day With Philip musique classique armé- siteurs tels que Ustvolskaïa, Glass », à l’occasion de la nienne. Avec toujours « le plus Mansourian, Knaifel ou Sil- parution de l’intégrale de sept beau son du monde » annonce LES vestrov, ce « Contemporary quatuors enregistrée par le fièrement ce fou de hi-fi haut Music Label » oriente désor- Quatuor Tana:de11heuresà de gamme. Quand on est MEILLEURES mais sa production vers la 17 heures un quatuor sera méga… X Philippe Venturini ÉCOUTES

CLASSICA Sophie Christian Francis Drésel Lionel Esparza Marie-Aude Bourdais Merlin (Radio (France Roux Q o DU 6/08 AU 10/08 LES COUPS DE n 204 (Télérama) (Le Figaro) Classique) Musique) (Le Monde) Schubert Perpetual Night/Richardot Correspondances, Daucé RRR RRR RR RRR RR RR Philippe (Harmonia Mundi) 1 Guilhon-Herbert (ARTALINNA) Fauré/L’œuvre pour piano, volume 4, Jean-Claude Pennetier RRR RR RRR RR RR RRR os (Mirare) Sonates n 1, 5 et 10 de Beethoven Orfeo ed Euridice Jaroussky, I Barocchisti, Diego RR RR R RRR RR RR Lorenzo Gatto, Fasolis (Erato) 2 Julien Libeer (ALPHA) Arvo Pärt/The Symphonies Orchestre du NFM de Wroclaw RRR RR R RR — RR Tonu Kaljuste (ECM) Missa virgo prudentissima Bach/Concertos pour violon, Ensemble Gilles Partita n°2, Daniel Lozakovich R RRR RR R — RR (DG) 3 Binchois, Dominique Vellard Bruckner/Symphonie 7, Gewandhaus, Andris Nelsons RR— RR RR RRR (EVIDENCE) (DG) Haydn Bach/Le Clavier bien tempéré Dominique Merlet RRR R RRR RR —— 4 Hiroaki Takenouchi (Le Palais des dégustateurs) (ARTALINNA) Paris-Moscou Christian-Pierre La Marca, R R RR RR RR — Chopin Lise de La Salle (Sony) François Dumont 5 (ARTALINNA) Nous aimons… R Un peu RR Beaucoup RRR Passionnément X Pas du tout — N’a pas écouté

22 Q CLASSICA / Septembre 2018 Licences 2-1093089 / 3-1093090 - CONCEPTION : IMP.GRAPHIVAL - 02 47 73 68 68 - pxhere.com notewoods the Into enRbr a/enLacornerie Lay/Jean Jean-Robert Brecht Bertolt - Weill Kurt quat’sous de L’opéra production Nouvelle Bénézech Sené/Olivier Samuel Lapine James - Sondheim Stephen Ateliers Misuk-Création théâtrale et musicale Confidence Dédale oré eWni Vils Winnie de journée 32 08 58 82 30 20 03 www.laclefdeschants.com ul folle la ou 18 19 Compagnie Edouard Signolet Chants des Clef la avec bus En Libres Voix ans Compagnie 2 dès - sonore Poésie Defacque Gilles lyrico-burlesque Spectacle ’ pr ’ntlece vous chez s’installe L’opéra ei pr bouche opéra Petit voix de Crise Conseil Départemental duPas-de-Calais. Nord, du Départemental Conseil Hauts-de-France, DRAC / Communication la de et Culture la de Ministère Hauts-de-France, Région

Licences : 2-137345 / 3-137346 © Tekhné 47 87 O4 ambronay.org 74 38 74 O4 consonance alessandrini FNAC ’MONAY D’AM l iblsi musica in diabolus lezhneva l CARREFOUR genaux 14.O9-O7.1O FESTIVAL l 22 COR 2018 12-28 OCTOBRE aplamediterranea cappella RÉSERVATIONS l lepoèmeharmonique l hallenberg l GÉANT 39 e ÉDITION l nebejcusmoderne jacques ensemble l MAGASINSU l CONCERTS-AUTOMNE.COM : amrrhse basel kammerorchester l TOURS ocroitaliano concerto 2O18 l ilpomod’oro l INTERMARCHÉ

ARTWORK BEL-STUDIO.FR ---- PHOTO BENOITPELLETIER.PHOTO PLANÈTE MUSIQUE I MÉDIAS

RADIO CLASSIQUE PAUSE-DÉJEUNER MUSICALE Laurence fois que je fais autre chose que traiter l’actualité, confie la Ferrari animera journaliste. C’est un nouveau une émission défi que j’ai hâte de relever, quotidienne pour d’une part parce que je vais sor- tir de ma zone de confort, mais promouvoir de surtout parce que je vais avoir le

jeunes artistes. plaisir de partager ma passion GERALDINE ARESTEANU pour la musique. » Du lundi au vendredi, de midi à 14 heures, quotidien s’inscrit dans la tout cela. Mais l’alchimie ne se écidément, Laurence Ferrari s’effacera programmation de Radio fera qu’à l’antenne, au fil des Radio Classique devant les œuvres et les inter- Classique, même s’il tente de la émissions. » Loin des exigences sait surprendre prètes qui lui tiennent à cœur: renouveler, par le parcours brûlantes de l’actualité – que la ses auditeurs ! « La star de l’émission, c’est la même de sa présentatrice, et les journaliste affronte quotidien- D L’arrivée de musique! Je ne suis pas là pour aspirations de celle-ci: « L’été a nement en fin de journée sur Laurence Ferrari à la rentrée meubler l’antenne, mais au été studieux, sourit Laurence CNews –, cette émission se dans une station qui compte contraire pour donner envie aux Ferrari. Il a fallu réfléchir à veut une « plongée dans un bain déjà dans ses rangs Guillaume auditeurs d’écouter la nouvelle l’équilibre à trouver entre le d’huiles essentielles ». N’hésitez Durand ou encore leur génération d’artistes. La meil- temps de parole et celui consacré pas à vous prélasser dans ce consœur Claire Chazal n’aurait leure façon de faire venir des à la musique, entre la musique bain de midi, relaxant et a priori rien d’étonnant. Si ce jeunes à la musique classique est que j’aime et celle que j’ai envie bienfaisant! X n’est que la nouvelle recrue de leur faire entendre des inter- de diffuser, et entre les exigences sera au micro pour parler de prètes de leur âge!» du fidèle auditeur et ceux du £ « Entrée des artistes » musique, et rien que de Baptisé « Entrée des artistes », néophyte qui allume son poste présenté par L. Ferrari du lundi musique : « C’est la première ce nouveau rendez-vous par hasard. J’ai laissé mariner au vendredi de 12 h à 14 h.

3 SEPTEMBRE À9H30 Rentrée en musique avec le violoniste Renaud Capuçon en direct du collège Jean-Vigo d’Épinay-sur-Seine.

13 SEPTEMBRE À20H30 Les Concert d’ouverture de la saison de l’Orchestre de Paris. Daniel Harding dirige la Symphonie n°5 de Bruckner, le Psaume n°129 de Boulanger et Christus mortuus est de Josquin 3 des Prés en direct de la Philharmonie. 25 SEPTEMBRE temps À PARTIR DE 9 H Radio Classique délocalise ses émissions en direct et en public au palais Garnier pendant toute JEAN-PIERRE DELAGARDE / ONP forts la journée. 24 Q CLASSICA / Septembre 2018 Les grands concerts SUR

FRANCE MUSIQUE France, dir. E. Krivine. En di- LE WEB rect de la Maison de la Radio. 2/09 À20H 16/09 À20H www.culturebox. Le Couronnement de Poppée de Thamos, roi d’Égypte de Mo- francetvinfo.fr Z L’Ange de feu Monteverdi, par S. Yoncheva, zart, par S. Piau, A. Martin, de Prokofiev, S. d’Oustrac, D. Visse, L. De- Accentus, dir. L. Equilbey. En- par A. Stundyte, sandre, Les Arts Florissants, reg. à la Seine Musicale en 2018. S. Hendricks, A. Rehlis, dir. W. Christie. Enreg. à 23/09 À20H A. Popov, Orch. de Salzbourg en 2018. Le Pirate de Bellini, par Paris, dir. K. Ono, ms. M. Trelinski. Enreg. au 9/09 À20H S. Yoncheva, P.Pretti, N.Alaimo, Festival d’Aix en 2018. Parsifal de Wagner, par R. Fassi, Orch. de la Scala, dir. Z Rinaldo de Haendel, par P.-A. Benos, N. Stemme, J. Kaufmann, R.Frizza.Enreg.à Milan en 2018. SDP R.Pape,W.Koch,Orch.de l’Opé- 28/09 À20H E. de Negri, A. Bucher, T. Dolié, L. Richardot, ra de Bavière, dir. K. Petrenko. Don Juan de Strauss, Concerto 30/09 À20H Ens. Le Caravansérail, Enreg. à Munich en 2018. pour piano n°1 de Liszt, Sym- La Périchole d’Offenbach, par dir. B. Cuiller, ms. 13/09 À20H phonie n°1 de Brahms, par A. Extremo (photo), E. Huchet, C. Dancoisne. Enreg. Concerto pour piano n°5 de E. Kissin (piano), Orch. na- P.Talbot,A. Duhamel, Les Mu- à Dunkerque en 2018. Saint-Saëns, Symphonie n°4 tional de France, dir. E. Kri- siciens du Louvre, dir. M. Min- concert.arte.tv/fr de Brahms, par B. Chamayou vine. Enreg. à la Maison de la kowski. Enreg. à Montpellier Z Ariane à Naxos de (piano), Orch. national de Radio en 2018. en 2018. Strauss, par A. Brower, S. Devieilhe, E. Cutler, L. Davidsen, Orch. de Paris, dir. M. Albrecht, ms. K. Mitchell. Enreg. au Festival d’Aix en 2018. Orch. de l’Opéra de Paris, dir. MEZZO Z Les Puritains de À LA TÉLÉVISION Bellini, par R. Bracht, D. Oren, ms. P. Audi. Enreg. à 16/09 À20H A. Durlovski, A. Palka, FRANCE 2 l’Opéra-Bastille en 2014. Egdon Heath de Holst, Dis- R. Barbera, Orch. de 06/09 À00H pelling the Fears de Turnage, l’Opéra de Stuttgart, Catone in Utica de Vinci, par ARTE Spring Symphony de Britten, dir. M. Benzi, F. Fagioli, J. Sancho, M.-E. 2/09 À18H30 par E.Watts,A. Coote, London ms. J. Wieler. Enreg. à Stuttgart en 2018. Cencic, R. Chenez, Il Pomo Symphonie n°7 de Beethoven, Symph. Orch., dir. S. Rattle. En d’Oro, dir. R. Minasi, ms. par le Saito Kinen Orch., dir. direct de Londres. www.operavision J. Peters-Messer. Enreg. à S. Ozawa (photo). Enreg. à 21/09 À20H Z Trouble in Tahiti Versailles en 2015. Matsumoto en 2016. Wiener Philharmoniker Fanfare de Bernstein, par Q. de Lang, W. Giunta, 13/09 À00H 9/09 À18H30 de Strauss, Concerto pour alto C. Southby, Opera Tosca de Puccini,par M.Serafin, Concerto pour piano n°1 de de Walton, Symphonie n°2 de North Orch., M.Alvarez,L.Tézier,W.Smilek, Tchaïkovski, Tableaux d’une Rachmaninov, par A. La Marca dir. T. Ringborg, ms. exposition de Moussorgski, par (alto), Orch. philh. de Liège, B. Pickersgill. Enreg. D. Matsuev (piano), Orch. de dir. C. Arming. En direct de à Leeds en 2018 la Scala, dir. R. Chailly. Enreg. Liège. www.medici.tv à Milan en 2018. 25/09 À19H30 Z Salomé de Strauss, 16/09 À18H30 Symphonie n°40 de Mozart, par A. Grigorian, Concerto pour piano « L’Empe- Symphonie n°9 de Bruckner, J. Daszak, G. Bretz, A.-M. Chiuri, Orch. reur » de Beethoven, par M. Pe- par l’Orch. philh. de Munich, philh. de Vienne, rahia (piano et dir.), Academy dir. V. Gergiev. En direct de dir.F.-W.Möst,ms. St. Martin in the Fields. Enreg. St. Florian. R. Castellucci. Enreg. à Wiesbaden en 2014. 27/09 À20H à Salzbourg en 2018. Z Adrienne Lecouvreur 23/09 À18H30 La Flûte enchantée de Mozart, de Cilea, par T. Serjan, Concerto pour piano n°24 de par S. Karthäuser, S. Devieilhe, T. Agadhanyan, Mozart, par P. Anderszewski E. Lyon, G. Bretz, D. Henschel, E. Semenchuk, (piano), Orch. de la NDR, dir. Orch. de la Monnaie, dir. A. Markov, Orch. du Festival de Verbier, T. Hengelbrock. Enreg. à Ham- A. Manacorda, ms. R. Castel- dir. V. Gergiev. Enreg.

SDP bourg en 2018. luci. En direct de Bruxelles. à Verbier en 2018.

Pages réalisées par Sévag Tachdjian

CLASSICA / Septembre 2018 Q 25 20182019 DIRECTEUR GÉNÉRAL MAURICE XIBERRAS

OPÉRAS CONCERTS DE L’ORCHESTRE SIMON BOCCANEGRA Giuseppe Verdi PHILHARMONIQUE OCT MARDI 2 / VENDREDI 5 DE MARSEILLE DIMANCHE 7 / MARDI 9 DIRECTEUR MUSICAL CANDIDE LAWRENCE FOSTER Leonard Bernstein OCT DIMANCHE 14 DIMANCHE 16 SEPTEMBRE 16H SILO Direction musicale Li BIAO LA DONNA DEL LAGO Violon Gioacchino Rossini Dmitri MAKTHIN NOV SAMEDI 10 / MARDI 13 VENDREDI 16 / DIMANCHE 18 SAMEDI 6 OCTOBRE 20H OPÉRA LA TRAVIATA Avec les lauréats du Concours Voix Nouvelles Giuseppe Verdi DÉC DIMANCHE 23 / MERCREDI 26 VENDREDI 26 OCTOBRE 20H VENDREDI 28 / LUNDI 31 OPÉRA JAN MERCREDI 2 Direction musicale Darrell ANG Piano Andreï KOROBEINIKOV FAUST Charles Gounod DIMANCHE 2 DÉCEMBRE 15H FÉV DIMANCHE 10 / MERCREDI 13 AUDITORIUM DU PHARO SAMEDI 16 / MARDI 19 / JEUDI 21 Direction musicale Lawrence FOSTER Violon Alexandra CONUNOVA LE NOZZE DI FIGARO Wolfgang Amadeus Mozart DIMANCHE 9 DÉCEMBRE 15H AUDITORIUM DU PHARO MARS DIMANCHE 24 / MARDI 26 / Direction musicale Philippe AUGUIN VENDREDI 29 DIMANCHE 31 Violoncelle AVRIL MERCREDI 3 István VÁRDAI TURANDOT DIMANCHE 6 JANVIER 16H ET 20H Giacomo Puccini OPÉRA AVR SAMEDI 27 / MARDI 30 CONCERTS DU NOUVEL AN MAI JEUDI 2 / DIMANCHE 5 Direction musicale Lawrence FOSTER Violon Da Min KIM RIGOLETTO Giuseppe Verdi DIMANCHE 13 JANVIER 16H JUIN SAMEDI 1ER / MARDI 4 OPÉRA JEUDI 6 / DIMANCHE 9 / MARDI 11 Direction musicale Lawrence FOSTER Piano Dana CIOCARLIE

OPÉRETTES DIMANCHE 27 JANVIER 16H SILO Direction musicale Lawrence FOSTER LA BELLE DE CADIX Piano Szymon NEHRING Francis Lopez OCT SAMEDI 27 / DIMANCHE 28 JEUDI 7 MARS 20H SILO LA FILLE DE Direction musicale Lawrence FOSTER MADAME ANGOT Piano Misha DICHTER Violon Alexandre AMEDRO Charles Lecocq Violoncelle NOV SAMEDI 24 / DIMANCHE 25 Xavier CHATILLON UN DE LA CANEBIÈRE VENDREDI 5 AVRIL 20H Vincent Scotto ODÉON DÉC SAMEDI 8 / DIMANCHE 9 BROADWAYSYMPHONIQUE 2 Direction musicale Emmanuel TRENQUE LA VEUVE JOYEUSE Franz Lehár DIMANCHE 14 AVRIL 16H JAN SAMEDI 19 / DIMANCHE 20 AUDITORIUM DU PHARO Direction musicale Adrian PRABAVA L’AUBERGE DU Violon Olivier CHARLIER CHEVALBLANC DIMANCHE 12 MAI 16H Ralph Benatzky AUDITORIUM DU PHARO / FÉV SAMEDI 23 DIMANCHE 24 Direction musicale Thierry FISCHER Violon LE PETIT FAUST Baiba SKRIDE SAISON 2018-2019 Hervé SAMEDI 18 MAI 20H / ODC ODC / / MARS SAMEDI 16 DIMANCHE 17 SILO CINÉ CONCERT ABONNEZ-VOUS ! IRMA LA DOUCE ONE PIECE Marguerite Monnot Direction musicale Alexandra CRAVERO AVR SAMEDI 27 / DIMANCHE 28 ORCHESTRE-CANNES.COM LA GRANDE DUCHESSE OPÉRA DE GÉROLSTEIN opera.marseille.fr 04 93 48 61 10 Jacques Offenbach MAI SAMEDI 25 / DIMANCHE 26 ODÉON odeon.marseille.fr CONCEPTION : ATALANTE-PARIS – PHOTO : © YANNICK PERRIN YANNICK © : PHOTO – ATALANTE-PARIS : CONCEPTION L’HUMEUR D’ALAIN DUAULT

Vérité et justice

maginons une entreprise saine, où chacun est à sa publiquement de tout ce qui pourrait justifier qu’une telle juste place, où tout roule harmonieusement, et qui accusation ait pu être portée à son égard. Il est pourtant s’apprête à entamer une nouvelle année d’activité. licencié séance tenante, sans attendre que la justice parle. Soudain, un des cadres importants de cette entre- Kafka toujours, ou les Soviétiques de la grande époque. prise, dont le travail est régulièrement salué, est C’est arrivé en Hollande cette année. brutalement « remercié » (comme on dit avec Entendons-nous bien: il n’est bien sûr pas question de cau- I« humour »). Pourquoi? On ne le lui dit pas. Il insiste, on tionner des pratiques délictueuses, qu’il s’agisse de harcèle- ne lui répond pas – ou laconiquement: « C’est comme ça ». ment sexuel ou d’appropriation de fonction (on ne peut rien Et non seulement on ne lui dit pas pourquoi, mais on ne lui pointer en ce qui concerne le premier exemple puisque le dit pas non plus qui a pris cette déci- cadre en question ne sait pas ce qui lui sion non motivée. Kafka a brossé un est reproché!). La loi doit passer avec tableau de cette situation dans Le Pro- toute la rigueur requise. Mais la jus- cès. Les Soviétiques l’ont illustrée dans Kafka tice ne doit pas non plus être bafouée. le réel à maintes reprises. C’est arrivé Or, avec ces trois exemples, on se rend en France cette année. compte qu’on peut exécuter quelqu’un Imaginons un pays tout à la joie toujours, sans jugement. Tout justiciable doit d’une victoire dans une compétition avoir droit à un acte d’accusation étayé internationale. Soudain, un fait di- ou les (et pas seulement des rumeurs ou des vers de rien est projeté par les médias condamnations lancées sans preuve pour contrecarrer la houle heureuse ou, pis encore, aucune raison), et il et consensuelle qui enivrait le pays. Soviétiques doit aussi avoir le droit de se défendre. Et comme on est dans une période Sinon, on est bien dans l’univers fic- maigre en sujets d’information, on de la grande tionnel de Kafka ou réel des procès grossit ce fait divers-grenouille pour soviétiques de sinistre mémoire. un faire un bœuf-affaire d’État: la farce Mais qui décide ? Ce peut être une fonctionne. D’autant que beaucoup époque certaine idée qu’une époque se fait ont intérêt à briser l’unanimisme des de la vertu; ce peut être aussi un cer- citoyens dont les vacances avaient trop bien commencé. Car tain pouvoir que d’aucuns aiment à exercer, fût-ce dans le véritable objectif est de briser l’image de celui qui dirige ce l’ombre et le secret de leur cabinet. Dans son célèbre ouvrage, pays. Là encore, Kafka n’eût pas fait mieux, les Soviétiques Le Prince, Machiavel écrit: « De même que certaines vertus non plus. C’est arrivé en France cette année. sont néfastes pour le prince, de même de certains vices peuvent Imaginons un orchestre prestigieux qui s’enorgueillit résulter sa conservation et son bien-être. » La vérité fait-elle d’avoir à sa tête une des meilleures baguettes de sa gé- partie des vertus néfastes pour les princes? Machiavel écrit nération. Soudain, un article de journal rapportant des aussi qu’il vaut mieux pour le prince être craint qu’aimé, mais propos non vérifiés met en cause gravement la réputation il ajoute néanmoins qu’« il ne condamnera pas ses citoyens de ce chef. Celui-ci dément et donne mandat à ses avocats sans motif ». Ces trois exemples d’affaires qui se sont passées d’entreprendre des actions contre une telle campagne dif- cet été confirment que les princes, quels qu’ils soient, réels famatoire. Puis, pour tenter d’éteindre l’incendie, ce chef, ou symboliques, n’ont que peu à faire d’une vertu qui nous sans répondre aux accusations dont il est l’objet, s’excuse concerne, nous, dans la musique : l’harmonie. X

CLASSICA / Septembre 2018 Q 27 SORTIR LES ESSENTIELS Notre sélection du 1er au 30 septembre 2018

LILLE AUDITORIUM DU NOUVEAU SIÈCLE

14 septembre « L’Apothéose de la danse » par l’Orchestre national de Lille

xpression Qui n’a pas frissonné de Wagner de plaisir face E pour désigner aux violons de l’extraordinaire la Symphonie n°40 impression de Mozart? Sans que lui procurait oublier, bien sûr, la Symphonie n°7 l’incroyable énergie de Beethoven, qui se dégage de « L’Apothéose de la la pièce maîtresse danse » s’articule ici de ce concert:

MARCO BORGGREVE autour de pièces bien l’impériale Symphonie connues du grand n°7 de Beethoven. marquée par public et ô combien Amateurs de courses PARIS un expressionnisme afectionnées pour efrénées et de PHILHARMONIE clair-obscur et une leur caractère épique charges fantastiques, euphorie créative. et majestueux. Qui n’attendez plus: 15 et 16 septembre Au violon, l’artiste n’a pas, une fois dans ce programme Andris Nelsons et le Boston lettonne Baiba Skride sa vie, fredonné avec est fait pour vous!Àla Symphony Orchestra – sœur de la pianiste un empressement direction musicale, Lauma Skride extatique le premier chef invité et de la violoniste la chevauchée de l’Orchestre de Lille, raîchement d’amour avec un Linda Skride. spectaculaire Jan Willem de Vriend débarqué grand A, cette œuvre En deuxième partie de Guillaume Tell, (photo). X Fdu Festival colossale vous de concert, une ouverture puissante de Lucerne (du 2 au transportera dans œuvre accouchée de l’opéra de Rossini? £ www.onlille.com. 15/09), le chef letton un univers à dans la détresse (photo) poursuit sa la contemplation et l’acharnement, tournée européenne infinie, bercée par un monument à Paris avec l’une la douce voix de de la musique des œuvres les la mezzo-soprano russe tourmentée: plus ambitieuses américaine la Symphonie n°4 de la musique Susan Graham. de Dmitri du XXe siècle: Le 16 septembre Chostakovitch, la Symphonie n°3 se poursuivra dans prodigieuse mélodie de Mahler. Récit la lumière avec du chaos. X de la vie sur Terre, la Sérénade pour rencontre fusionnelle violon, cordes, harpe entre le corps et et percussions £ www.philharmonie. deparis.fr. l’esprit, déclaration de Bernstein, œuvre DEN BROEK M. VAN

28 Q CLASSICA / Septembre 2018 PARIS THÉÂTRE DES CHAMPS- ÉLYSÉES TOULOUSE HALLE AUX 24 septembre GRAINS Concert Voix Nouvelles 21 septembre Tugan Sokhiev l aura fallu attendre et Denis seize années pour Kozhukhin Iqu’une nouvelle édition du Concours

Voix Nouvelles TRIPTYK utre étoile puisse voir le jour. montante Figures d’exception, BOULOGNE Parmi les Ade la Russie, sorties vainqueurs LA SEINE MUSICALE performeurs/ Denis Kozhukhin d’une large sélection interprètes de cette (photo) interprétera (six cent sept nouvelle production, le Concerto pour candidats au départ Les 21, 22, 23, 25 et 26 septembre nous retrouverons piano n°2 en sol pour douze finalistes « Le Sacre de Stravinsky » par Mikko l’Académie équestre mineur de Prokofiev sur la scène de Franck et Bartabas de Versailles, à la Halle aux Grains, l’Opéra-Comique le Chœur de Radio sous la direction de en février dernier), France dirigé Tugan Sokhiev et de on pourra applaudir attre la mesure «LeSacrede par Lionel Sow l’Orchestre national au rythme des Stravinsky » met et l’Orchestre B sabots, c’est en scène une version philharmonique de possible. En musique… « hippique »duSacre Radio France dirigé c’est encore mieux! du Printemps par Mikko Franck. X Toutdroit sorti de et de la Symphonie l’imagination féconde de Psaumes du £www.laseine. de Bartabas, compositeur russe. musicale.com.

PARIS a saison du théâtre des Champs-Élysées THÉÂTRE sera inaugurée par l’un des pianistes les DES Lplus appréciés de sa génération: Denis M. BORGGREVE J. LOYER CHAMPS- Matsuev (photo). Dans un style mêlant passion ÉLYSÉES sauvage et tendre rêverie, l’artiste vous convie à du Capitole. Deux cette année Hélène un voyage débordant de lyrisme et de nostalgie: œuvres orchestrales Carpentier (soprano, Sonate n°3 op. 2 n°3 et la Sonate n°23 op. 57 rythmeront le reste photo ci-dessus), 17 septembre dite « Appassionata » de Beethoven, La Grande de la soirée, Caroline Jestaedt Récital Sonate op. 37 de Tchaïkovski. X la Symphonie n°1 (soprano) et Anas Denis en ré majeur op. 25 Séguin (baryton). Matsuev £ www.theatrechamps elysees.fr.. de Prokofiev et On entendra les Variations sur également quelques un thème de Haydn lauréats de l’édition op. 56 A de Brahms. X précédente (2002): Nathalie Manfrino, £ www.onct.toulouse.fr Karine Deshayes et Florian Laconi. À la baguette, Jean-Yves Ossonce et l’Orchestre Colonne. X

£ www.theatrechamps. elysees.fr.. KOCSIS

CLASSICA / Septembre 2018 Q 29 SORTIR I LES ESSENTIELS

NANTES THÉÂTRE GRASLIN

22 septembre Concert de Philip Glass

i vous dites (1982) ou The Hours « opéra », (2002) semblent Son pense évidents. Mais qu’en Einstein on est-il de la musique the Beach (1976), de chambre? Akhnaten (1983) Rendez-vous ou The Perfect au théâtre Graslin American (2013). le 22 septembre, Et pour « piano », réunissant sur Études (1994-1995) la même scène ou Metamorphosis Philip Glass, Tim Fain (1988) viennent et Matt Haimovitz,

BRIDGEMAN IMAGES spontanément à autour de quelques l’esprit. Quant aux inédits: Partitas pour PARIS lumière cette tradition « musiques de film », violon et violoncelle, OPÉRA BASTILLE dans laquelle nous d’instinct, l’ouverture pièces pour piano nous ancrons, où le de Koyaanisqatsi solo. X religieux est exploité Les 25, 28 septembre, à des fins politiques. » £ www.angers-nantes-opera.com. 1er,4,7,10,13,16,20et24octobre Parmi les interprètes, Les Huguenots de Meyerbeer citons Lisette Oropesa (Marguerite de Valois), Bryan e metteur en protagonistes est Hymel (Raoul de scène Andreas marquée par le Nangis), Karine LKriegenburg fanatisme », précise Deshayes (Urbain), voit un lien fort le dramaturge. « C’est Ermonela Jaho entre le monde actuel le défi qui nous est (Valentine) et Florian et Les Huguenots de proposé:nepas Sempey (le comte de Meyerbeer: « Quand considérer l’œuvre Nevers), et à la on se confronte uniquement baguette, pour le à l’œuvre, on est d’un point de vue grand retour parisien transporté dans un historique, mais tisser de Meyerbeer, contexte d’extrêmes des liens entre les Michele Mariotti. X tensions entre les fanatismes de cette £ religions, où la vie des époque, et mettre en www.operadeparis.fr. SDP IL EST TEMPS DE RÉSERVER

LE QUATUOR VAN ESA-PEKKA SALONEN SÉMIRAMIS À KUIJK AUX BOUFFES AU TCE AMBRONAY D DU NORD 5 octobre 5 octobre N T U er L L 1 octobre U Un concert 100 % Judith van Wanroij,

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R germanique: extraits Emmanuelle de Negri

L Pour leur premier concert,

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I soirée Schubert.Au de Tristan et Isolde (photo), Mathias Vidal,João E N programme, le Quatuor n°14, de Wagner, la Symphonie Fernandes seront à l’aiche « La Jeune Fille et la Mort » n°7 de Bruckner et La Nuit de la tragédie oubliée d’André et le Quatuor n°15 en sol majeur. transfigurée de Schoenberg. Cardinal Destouches (1718).

30 Q CLASSICA / Septembre 2018 LYON AUDITORIUM

29 septembre Tchaïkovski et compagnie

nvie d’ici (photo), Printemps, et d’ailleurs? suite symphonique ELa grande salle de Claude Debussy de l’auditorium et la Rapsodie vous ouvrira ses espagnole de Ravel. portes le samedi Une halte sera 29 septembre pour prévue en Europe un programme de l’Est avec le franco-espagnol: Concerto pour violon Deux Tangos de Tchaïkovski, par d’Albéniz de Rodion le talentueux

J.B. MILLOT Chtchedrine, D’un Augustin Hadelich. matin de printemps À la direction, Juanjo de Lili Boulanger Mena. X l’émission « Prodiges SAINT-ÉTIENNE £ GRAND THÉÂTRE MASSENET 2017 », Roxane www.auditorium-lyon.com. Macaudière, le baryton Philippe- 29 septembre Nicolas Martin, « Deux Requiem » : Fauré/Duruflé le Chœur lyrique Saint-Étienne Loire dirigé par Laurent es registres foi profonde en Touche, la Maîtrise habituellement la vertu apaisante de de la Loire dirigée par Dgraves et la création. Le Grand Jean-Baptiste solennels, un écrin Théâtre Massenet Bertrand ainsi que de lumière préservé à Saint-Étienne vous l’Orchestre du mauvais sort. propose de revivre symphonique D’un côté, le Requiem ou de redécouvrir Saint-Étienne Loire op. 48 de Gabriel le temps d’un concert dirigé par le premier Fauré. De l’autre, deux œuvres chef invité de le Requiem op. 9 de emblématiques de l’orchestre, David Maurice Duruflé. Tous la musique française. Reiland (photo). X deux semblent être En solistes, nous épris d’une spiritualité applaudirons la £ www.opera.. saint-etienne.fr . bienveillante et d’une soprano lauréate de ROGER-VIOLLET

CA HILARY HAHN C HERVÉ NIQUET AU SIR JOHN ELIOT E D À LA MAISON / THÉÂTRE IMPÉRIAL GARDINER À W DE LA RADIO O DE COMPIÈGNE VERSAILLES M

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14 octobre R 18 octobre 21 octobre R P

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Invitée de Radio France Au programme, le prélude S La Symphonie fantastique,

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pour la saison 2018-2019, T du Te Deum de Charpentier, des extraits des Troyens, .

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la violoniste dédie une L suivi d’un diptyque consacré l’ouverture du Corsaire R

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H soirée entière à la musique C à Haendel: Water Music et et La Mort de Cléopâtre de Bach. Music for the Royal Fireworks. par un maître en la matière.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 31 SORTIR I LES ESSENTIELS

NEW YORK METROPOLITAN OPERA

Les 24 et 28 septembre, 1er,5,9,13,16et20octobre Samson et Dalila de Saint-Saëns

Manhattan au Carmen en 2015. sein du Lincoln En Grand Prêtre de ÀCenter, le Met Dagon, le baryton- lance sa saison basse Laurent Naouri avec une nouvelle et à la baguette, production de le chef britannique Samson et Dalila. et directeur musical Le drame de Saint- du Hallé Orchestra, Saëns sera porté par Mark Elder. La la mezzo-soprano production reviendra SDP lettone Elina Garanca au printemps, et le ténor français défendue alors par DRESDE directeur musical Roberto Alagna, Anita Rachvelishvili SEMPEROPER depuis 2012, souligne duo très remarqué et Aleksandrs l’à propos de cette dans la production de Antonenko. X programmation, Les13,14,17et18octobre considérant que « le £ https://www.metopera.org/. Cycle Schumann fantastique, la poésie et la profondeur des débuts du uatre dates Christian Thielemann. romantisme sont et quatre Ce cycle Schumann particulièrement Qsymphonies succède à deux adaptés à l’orchestre; de Schumann autres projets cette musique présentées par deux, similaires consacrés (faisant) partie de c’est la proposition à Brahms et l’âme de la de la Staatskapelle Bruckner. Le chef, Staatskapelle ». X de Dresde, sous la £ https://www.semperoper.de/. MET conduite de son chef

LONDRES COVENT GARDEN

Du 24 septembre au 2 novembre Le Ring de Wagner

our sa rentrée, le dans la mise en scène Covent Garden de Keith Warner créée Pnous ofre le entre 2004 et 2006. Ring! Profitez de la Quatre cycles se rentrée pour écouter succèdent en cinq les premières de l’Or semaines: idéal pour du Rhin, La Walkyrie, rentrer de Londres Siegfried et Le avec un petit arrière- Crépuscule des dieux goût de Bayreuth. X sous la direction £ http://www.roh.org.uk/. d’Antonio Pappano, ROP/C. BARDA

32 Q CLASSICA / Septembre 2018 18

Saison anniversaire Opéra19 | Orchestre

Aida, Verdi G. Carella — S. V. Holm

La Belle Hélène, Offenbach L. Campellone — B. Ravella

7 Minuti, Battistelli (Première mondiale) F. Lanzillotta — M. Didym

La Divisione del Mondo, Legrenzi C. Rousset, Les Talens Lyriques — J. Mijnssen

Les Hauts de Hurlevent, Herrmann J. Lacombe — O. Phelan

Madama Butterfly, Puccini M. Pitrėnas — E. Bastet 18.19 à l’Opéra, vous serez surpris

Robyn Orlin L’Odyssée Pygmalion Rodelinda Anne Teresa de Keermaeker Alain Platel La Flûte enchantée Trois Contes Coraline Le Concert d’Astrée

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@operalille À VOIX HAUTE PAR BENOÎT DUTEURTRE

1918 : les anniversaires oubliés

n a beaucoup évoqué la mort nouvelle à son œuvre en achevant Le Tom- de Claude Debussy,le 25 mars Une beau de Couperin qui marque l’entrée dans 1918. N’imaginons pas, pour l’ère néoclassique. autant, que la disparition du On pourrait ajouter les noms de Reynaldo compositeur le plus influent profusion Hahn, Florent Schmitt ou Louis Vierne… de son temps ait entraîné un Mais soulignons surtout que, en cette même Oassèchement de la création musicale en France. année où Saint-Saëns et Fauré semblent sur- Au contraire. Non seulement Debussy aura de talents vivre d’un autre monde, une toute nouvelle contribué,en ouvrant la voie d’un art nouveau, génération est à l’œuvre depuis que Satie, à renforcer l’attractivité de Paris à l’aube du XXe siècle. Mais, Cocteau et quelques critiques avisés lui ont prêté l’oreille: surtout, si l’on regarde la liste des compositeurs en activité en c’est notamment Darius Milhaud qui, de retour du Brésil, cette année 1918,on en ressort ébahi par la profusion de talents met à l’honneur les percussions dans L’Homme et son désir; de premier plan et par la superposition de plusieurs généra- d’Arthur Honegger qui donne au Vieux-Colombier sa pre- tions, résumant un siècle d’histoire de la musique française. mière composition importante: Le Dit des jeux du monde; Camille Saint-Saëns qui fut l’un des premiers, sous le Second de Jacques Ibert qui rentre de la guerre et de Francis Poulenc Empire, à tenter d’arracher la vie musicale à ses routines opé- qui, à seulement dix-neuf ans, fait mouche avec son Bestiaire ratiques, est ainsi toujours présent, à quatre-vingt-trois ans, et sur des poèmes d’Apollinaire. La musicologie moderne aura même singulièrement actif en cette année 1918 où il compose tendance à ressasser quelques lieux communs sur la supposée son second quatuor à cordes. De dix ans plus jeune, son ami « régression » de la vie musicale parisienne qui aurait suivi Gabriel Fauré vient d’entamer, avec sa Première Sonate pour l’apogée moderniste d’avant-guerre.La simple liste qu’on vient violoncelle et sa Seconde Sonate pour violon, une série de d’énoncer montre, au contraire, la santé d’une vie musicale compositions personnelles et inclassables qui vont marquer que la France n’aura jamais connue aussi radieuse. C’est d’ail- un sommet de son œuvre, mais aussi de tout le répertoire de leurs en partie pour cette même raison que les compositeurs musique de chambre. Au même moment, Vincent d’Indy et étrangers,si nombreux,choisiront Paris en ces mêmes années, André Messager connaissent un automne radieux: le premier pour y fixer leur séjour temporaire ou permanent: de Stra- va bientôt se renouveler dans le Diptyque médi- vinsky à Martinu et de Prokofiev à Cole Porter. Si terranéen; tandis que le second achève son opé- l’on ajoute que tous ces compositeurs sont joués rette romantique Monsieur Beaucaire… Quant BENOÎT au concert, repris dans les associations sympho- à la génération de Debussy, elle n’est pas moins DUTEURTRE niques,ovationnés ou sifflés par un public fervent, rayonnante avec Érik Satie qui écrit Socrate, un est écrivain. voilà qui renforce encore le côté fascinant de cet de ses chefs-d’œuvre, mais aussi Albert Roussel, Son dernier ouvrage, après-guerre – mais aussi notre regret qu’autant Charles Koechlin, Gabriel Pierné qui compose sa La Mort d’œuvres de premier plan soient devenues si rares Sonate pour violoncelle ou Charles Tournemire. de Fernand Ochsé, à l’affiche, un siècle plus tard, dans un pays où les Et puis, dominant tous ces maîtres de son génie, est paru grandes institutions de concerts semblent avoir Maurice Ravel vient de donner une orientation chez Fayard. oublié jusqu’à leur existence! X

CLASSICA / Septembre 2018 Q 35 UN AIR DE FAMILLE

PÈRES ET FILS, FRÈRES ET SŒURS… LA MUSIQUE SERAIT-ELLE INSCRITE DANS LES GÈNES? EN TOUT CAS, ELLE EST SOUVENT AFFAIRE DE FAMILLE. TOUS LES MOIS, NOUS PRÉSENTONS LE PORTRAIT D’UN CLAN DE MUSICIENS.

Le Quatuor Hagen CORDES ET ÂME PAR ELSA FOTTORINO

Leur père, altiste au Mozarteum de Salzbourg, les initie très tôt à la musique de chambre en famille. Avait-il alors songé que ses enfants entreraient dans la légende du quatuor à cordes? Peut-être avait-il une idée dernière la tête. Car, lorsque Clemens est né, c’est lui qui a suggéré le violoncelle. « Nous avons besoin d’une base », avait dit son père. Ils apprennent la musique comme on apprend à marcher, avec Mozart et Haydn pour guides. « Nous avons reçu une éducation exemplaire, souligne Clemens.Notre père savait com- ment nous motiver. » Trente minutes de quatuor puis, les loisirs, le football, même pour Veronika qui y avait pris goût comme ses frères. Pragmatique,elle ne manque pas de citer les avantages de ce mode de vie: « C’était idéal pour organiser les répétitions. N éti ns dans la même maison! » Et les voilà qui nt leur destin à la force du poignet – on roirait pas si bien dire.

PARTENAIRES DEPUIS QUARANTE-CINQ ANS lemens désigne la première L’aînées’aperçoit que le quatuor devient table qui s’offre à nous sur trop sérieux, trop grave. « Nous travail- la terrasse ombragée. Les lions excessivement dur », se souvient banquettes sont tournées Clemens qui ne manque pas d’évoquer face au lac Léman dont les eurs débuts au festival de Lucerne à la eaux paisibles baignent dans la n des années 1970. À vingt ans,Angelika Cquiétude du mois de juillet. Il vide une grande de d’arrêter pour s’épanouir dans une enveloppe, les clichés passent de mains en main voie: l’ethnologie. C’est là qu’entre dans « Regardez ces visages enfantins! », s’amuse Vero e nouveau second violon, Annette Bik: son aînée de trois ans en redécouvrant ces ext en 1981,date de la fondation « officielle » bum de famille exhumé par son frère.Sur l’un d’entre eux,la fratrie du quatuor Hagen. « En réalité nous jouons ensemble depuis qua- des Hagen est au complet: de gauche à droite, Clemens, le plus rante-cinq ans! », rappelle Clemens. Cette même année 1981, ils jeune, Lukas le premier violon,Angelika, l’aînée quand elle faisait cessent de travailler avec leur père. Le succès est immédiatement encore partie du quatuor, et Veronika, la voix du milieu, l’altiste. au rendez-vous : ils sont les grands vainqueurs du concours Nœuds papillons pour les garçons, robes blanches pour les filles. international de Portsmouth – le seul concours de quatuor qui Les quatre enfants de Salzbourg ont moins de vingt ans, leurs comptait à l’époque – sous les auspices de Yehudi Menuhin. instruments dans les mains et de l’or entre les doigts.Quatre frères « Vous n’imaginez pas la surprise. Nous étions à mille lieues d’ima- et sœurs qui jouent en quatuor depuis l’âge de cinq ans.Voilà qui giner ce succès », raconte Veronika, avec, à l’appui, une photo n’est pas commun.Ce qu’on ignore,c’est qu’avant d’être officielle- prise sur le vif après l’annonce des résultats, leurs visages éclai- ment le quatuor Hagen, ils avaient déjà quinze ans d’ancienneté ! rés par la grâce et l’insouciance. Ce qui me surprend le plus sur

36 Q CLASSICA / Septembre 2018 ce cliché, c’est leur extrême jeu- faculté de se renouve- nesse. Et cette lumière dans leurs ler continuellement, regards. « J’étais comme ivre », de prendre des risques ajoute Veronika. C’est visible sur pour atteindre la grâce son sourire. « À cette époque-là, quitte à laisser, lors de leur jeu était extrêmement pur certaines étapes inter- et fin. C’était l’esthétique vien- médiaires vers les cimes noise dans ce qu’elle avait de plus de l’Olympe, quelques distingué », m’explique Jean- auditeurs sur le bord Michel Molkhou,auteur de l’an- du chemin. C’est ce qui thologie Les Grands Violonistes fait dire à Jean-Michel du XIXe siècle (Buchet-Chastel). Molkhou que « c’est le Les Hagen, il les connaît bien: il les a entendus plus de vingt fois seul quatuor des trente sur scène, avec Annette Bik et, plus tard, Rainer Schmidt. ou quarante dernières années dont le profil est tel qu’on ne les Plusieurs figures ont eu un rôle décisif dans l’évolution du retrouve jamais à l’endroit où on les a laissés. Plus on les entend, quatuor: l’altiste Hatto Beyerle, le compositeur György Kurtág, moins on s’attend à ce qu’on va entendre ». mais surtout le chef d’orchestre autrichien Nikolaus Harnon- Là est peut-être le secret de leur longévité. Depuis l’arrivée court avec qui ils ont travaillé de façon approfondie. « Encore de Rainer Schmidt, ils n’ont connu aucun bouleversement, aujourd’hui, je suis guidée par lui. Il est toujours très présent », ont su maintenir leur succès, élaborer un vaste répertoire – confie Veronika. « Il nous a ouvert les yeux et l’esprit pour com- leurs quarante-cinq disques chez Deutsche Grammophon en prendre la musique différemment. Si Harnoncourt n’avait pas été témoignent –, se forger une personnalité. Leur ancien agent, là, comment Mozart sonnerait aujourd’hui? Il a tout changé. C’est Sonia Simmenauer, raconte dans Se mettre en quatre, les inimi- celui qui nous a le plus influencés, sans hésiter. Il a changé notre tiés profondes qui peuvent émerger dans cette petite formation style. Il nous a insufflé le courage de faire les choses différemment. humaine au terme de plusieurs décennies de compagnonnage. De remettre en question la tradition », ajoute Clemens. Or, chez les Hagen, rien de cette nature ne se profile. Est-ce le socle de la fratrie qui les rend si solides? « Non, dit Clemens. On joue L’AMOUR NE SUFFIT PAS parce qu’on aime jouer, parce qu’on prend du plaisir. » On le sait L’arrivée de Rainer Schmidt au sein du quatuor encourage bien, comme dans une vie de couple – des forces similaires sont cette exploration parfois expérimentale. Il prend la place d’An- souvent en jeu dans un groupe – l’amour ne suffit pas.Veronika nette Bik qui a quitté la formation en 1987. Qu’il s’agisse des précise: « Nous ne mettons jamais nos problèmes privés dans la vie classiques viennois ou de musique contemporaine, les Hagen du quatuor, on ne mélange pas tout. » Pour Clemens, l’harmonie surprennent, interrogent, désarçonnent.Auraient-ils été si loin tient surtout à une décision essentielle prise ilyavingt ans: faire dans cette voie avec Annette Bik? Toujours est-il que Rainer une grande pause de quatre à six semaines plusieurs fois par an. Schmidt, une tête pensante, avec son côté chercheur curieux, Et c’est ainsi que, pour notre plus grand bonheur, cette longue les entraîne vers d’autres voies. « Un quatuor de Mozart peut conversation n’est toujours pas près de s’interrompre. X devenir complètement expérimental, parfois à la limite de la provocation avec un niveau d’exigence et de réalisation rare- ment atteint », observe Jean-Michel Molkhou. D’ailleurs, Actualités quand je demande à Clemens et Veronika de décrire leur son, leur esthétique, ils refusent toute étiquette: « Il n’y a pas “un £ Le Quatuor Hagen se produira à Paris (Fondation Vuitton) son” Hagen. Si vous jouez des pièces depuis cinq ou dix ans de la le 16 novembre à 20 h dans le cadre d’une carte blanche à Maurizio même manière, vous devez arrêter. La chose la plus importante, Pollini, puis à la Scène nationale de La Rochelle, le 18 novembre c’est de travailler et de rechercher perpétuellement de nouvelles à 17 h dans un programme Haydn, Schubert, Schumann. choses », répond Clemens. C’est peut-être cela les Hagen: cette

CLASSICA / Septembre 2018 Q 37 ON A VU

Lohengrin à Bayreuth : EDF ou Cetelem ? ENRICONAWRATH / FESTIVAL DE BAYREUTH / FESTIVAL ENRICONAWRATH Wagner, vous en reprendrez bien un peu ?

DE MUNICH À BAYREUTH, té wagnérien où Nina Stemme atteignait en s’il en fut outre- splendeur un niveau qui n’a DU RING À PARSIFAL EN PASSANT Rhin, à com- qu’un nom: historique. PAR LES MAÎTRES CHANTEURS mencer par un À la suite, à Bayreuth, Phi- Ring munichois lippe Jordan menait plus sage- DE NUREMBERG, L’ÉTÉ FUT éclatant, sous ment – main légère, mais sans WAGNÉRIEN. ALTERNANT APOGÉES Ela baguette géniale de Kirill le renouveau permanent du ET CATASTROPHES. RÉCIT DE Petrenko, conclu par un Sieg- texte – Les Maîtres Chanteurs fried réjouissant, et un Crépus- de Barrie Kosky, premier étran- NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL. cule des dieux anthologique, ger à la famille Wagner à les

38 Q CLASSICA / Septembre 2018 Un Ring munichois éclatant,conclupar mettre en scène sur la Colline besoin du travail de déstruc- verte. Cela ajoutait au pétillant un Siegfried réjouissant, turation habituel du Berli- d’une production éblouis- nois, mais son propos, riche sante de verve, sans le moindre et un Crépuscule des dieux de niveaux de lecture divers, temps mort, qui, sous couvert et démultiplié par une tour- de nous montrer dans le salon anthologique nette qui offre toutes les faces de Wahnfried la smala Wagner d’une maison-goulag réaliste, s’identifiant aux personnages expose la misère morale d’une de la comédie, n’en assène pas Entre pauvreté de la direc- quels récits cependant), Anja micro-société dévastée, grouil- moins un regard aigu sur son tion (les chœurs!) et naïveté Harteros, inégale, montre des lement immonde qui n’a pour antisémitisme, lequel domine du « concept » du rôle de la acidités au II, mais une délica- échappatoire qu’un Oiseau de aussi la bastonnade – sous la femme chez Wagner, on rirait tesse àtomberauIII; le roi de paradis, ou un Viva la muerte forme d’un ballon / tête de si ce n’était consternant. Georg Zeppenfeld est parfait, mexicain. Mais l’émotion que juif caricaturale, écrasant un Compensation, de la fosse comme le héraut d’Egils Silins. Chéreau avait si bien su faire Beckmesser minuscule – avec monte le son plein, coloré, Et si Tomasz Konieczny ne sait naître reste ici la grande ab- installation de l’acte III dans ample d’un Prélude qui dira un plus chanter que forte, Wal- sente, d’autant que la partition le tribunal de Nuremberg, Wagner de tradition, comme traud Meier montre ses restes, est assénée, péremptoire, par pour rappeler une fois encore l’aime Christian Thielemann, et quels restes! Et sait ce que Simone Young et que les so- la responsabilité du peuple et malgré quelques difficultés à jouer veut dire. listes, hors le lumineux Charles des élites. C’est magistral. Et garder ici et là la cohérence avec Retour à Munich, avec pour Workman, ne hantent guère, assumé par une équipe somp- la scène, où les solistes sont lais- intermède, De la maison des Bo Skovhus compris. tueuse avec, dans le rôle de sa sés à eux-mêmes par une direc- morts façon Frank Castorf, qui Effet inverse pour Parsifal. vie, un Michael Volle d’une tion qui croit que les éclairages montre de nouveau ce qu’un On oubliera la production présence folle, un Klaus Flo- en disent plus que les person- grand metteur en scène icono- de Pierre Audi, qui a laissé la rian Vogt toujours impeccable. nages. Piotr Beczala triomphe, claste peut apporter à la repré- place aux images de Georg Tous, jusqu’au moindre petit onctueux, mais prudent (l’hé- sentation. Faite de fragments, Baselitz, un peintre encore : rôle, sont d’autant plus sensa- roïsme n’est pas son fait, mais l’œuvre de Janácek n’a pas quelques sapins noirs gra- tionnels que dirigés de main de phiques, qu’on retrouvera tête maître. Une seule déception, en bas pour l’Enchantement, l’Eva incolore d’Emily Magee. tandis qu’un mur gonflable en- Avec des chœurs ébouriffants, ferme le domaine de Klingsor. Bayreuth à son meilleur. Pas de temple, pas de Graal, Lohengrin montre hélas le pire. pas de mystère: ils sont dans Engagé pour illustrer la pro- l’orchestre de Petrenko, entre duction d’Alvis Hermanis – fluidité vivifiante, textures hal- remercié entre-temps –, le lucinantes, et questionnement peintre néo-surréaliste Neo permanent, et dans une dis- Rauch a eu aussitôt la vision tribution qu’Audi dirige bien d’un pylône électrique noyé dans l’intimité du jeu. Hors de bleu, qui a défini le carac- Christian Gerhaher qui rend tère de la production, caution- Amfortas maniériste dans sa né par un nouveau « génie » passion du mot exacerbé, René de la mise en scène américain, WILFRIED HÖSL Pape envoûtant, Nina Stemme Yuval Sharon, sans le question- qui a maintenant trouvé la maî- ner. Lohengrin vient donc ap- trise du rôle, Jonas Kaufmann porter l’électricité au Brabant à son plus investi, et plus libre en panne d’énergie, vainc de chant qu’en Siegmund, sont Telramund en un combat de avec Petrenko une fête pour coléoptères dans les airs, mais l’oreille. X Pierre Flinois se comporte vis-à -vis d’Elsa en mâle dominateur, la pauvre £ Munich Staatsoper, passant des liens du bûcher à du 20 au 31 juillet ceux du mariage, et n’ayant, £ Bayreuth: 28 et 29 juillet sur les conseils avisés de la bonne Ortrud, que la question interdite pour trouver sa liber- À Munich, de haut en bas té, tandis que réapparaît son et de gauche à droite: frère en bonhomme Cetelem, De la maison des morts, RUTH WALZ mais façon électricité verte… WILFRIED HÖSL Parsifal et L’Or du Rhin.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 39 ON A VU DANSEZ, PAR MAINTENANT DOMINIQUE SIMONNE

PERDUE DANS UNE HUMANITÉ ERRANTE, CETTE VISION DE MÉDÉE DÉNONCE NOTRE AVEUGLEMENT. UNE BELLE ÉNERGIE MALGRÉ QUELQUES MALADRESSES.

édée, certes, n’a pas bonne réputation. Dans notre Mimaginaire, la figure antique incarne l’in- fanticide sanglant et, en effet,

qu’y a-t-il de plus affreux que le DANSES S. RENAUD/VAISON meurtre de ses propres enfants? Depuis Euripide et Sophocle, le théâtre (Sénèque, Corneille, Si elle a tué ses enfants, c’est nous fait la leçon. Gardienne vide de la chorégraphie et la Anouilh), l’opéra (Charpen- pour leur éviter les longues de notre conscience morale, complaisance des projections tier, Cherubini, Milhaud), la souffrances d’une mort inévi- porteuse des idéaux démocra- vidéo. Malgré tout, on se laisse peinture (Delacroix), le cinéma table. Animés par la gestuelle tiques, elle nous interpelle par emporter par la maîtrise des (Pasolini, von Trier), la litté- très contrastée de Greco, dix- la voix multilingue de la comé- mouvements d’ensemble et rature (Mishima) et la danse huit danseurs en combinai- dienne Manuela Mandracchia, l’énergie des jeunes interprètes (Graham, Preljocaj) n’ont cessé sons blanches intemporelles invoque ses petites camarades de cette compagnie méridio- de charger sa barque maudite. parcourent la palette des sen- Iphigénie et Antigone, et dé- nale, fondée par Roland Petit, Emio Greco et Pieter Scholten, sations: arabesques classiques nonce notre aveuglement face que les deux directeurs com- directeurs du Ballet national qui disent la beauté, torsions aux menaces qui pèsent sur mençaient à redynamiser. de Marseille, ont pris le mythe et sauts qui évoquent la liber- l’humanisme européen. Pour Hélas, apprend-on, les tutelles àrevers: dans Non solo Medea, té, ralentis en apnée qui expri- que l’on comprenne bien le politiques (l’État, la ville de ballet créé cet été à Pompéi, ment l’accablement. Portés par message, un jeune Africain Marseille, la Région) cassent également présenté au théâtre Beethoven et les Pink Floyd, portant sac à dos traverse par- une fois de plus leur jouet, dé- antique de Vaison-la-Romaine les corps sont tantôt électrisés, fois la scène, perdu, hésitant, barquent les deux compères et (au festival Vaison-Danses), ils désarticulés, saisis de pulsions petit personnage rejeté hors de envisagent de transformer ce n’hésitent pas à nous montrer saccadées, tantôt anesthésiés, notre espace et de notre temps. Ballet national en centre cho- cette Médée sous un visage ai- chancelants, impuissants. In- Tout cela est dense, parfois pe- régraphique pour enfants, un mable: chassée de toutes parts, carnations du déchirement sant; ambitieux, parfois confus. nouveau signe de l’incohérence la voici réfugiée, errant à la li- constant entre notre insou- On regrettera le flou d’un fil de la politique de la danse en sière de la scène dans son in- ciance et la violence du monde. dramatique trop allusif, on France dont il serait plus que contournable robe rouge sang. Médée, elle, ne danse pas. Elle déplorera certains passages à temps de tirer le bilan. X

40 Q CLASSICA / Septembre 2018 symphonique OPÉRA Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon DE « VIRTUOSE » TCHAÏKOVSKI PROKOFIEV TOULON David Wroe un autre Gautier Capuçon regard SAISON 18 •19 15 SEPTEMBRE sur la « ENTREZ musique Festival DANS LA DANSE » GRIEG–BARTÓK et la KODÁLy danse de Gábor Takács-Nagy Lyrique David Kadouch 19 OCTOBRE VERDI RIGOLETTO « SOIR DE BATAILLE » Royau Du 25 août 5 – 7 – 9 OCTOBRE RAVEL–CRAS au 7 octobre BRIDGE MOZART 2018 Pierre Dumoussaud REQUIEM 23 NOVEMBRE m 9 – 11 NOVEMBRE « INTO THE WOODS » ROSSINI MOZART–IBERT LE BARBIER STRAUSS DE SÉVILLE Benoît Fromanger 28 – 30 – 31 DÉCEMBRE 8 FÉVRIER PUCCINI « LE SONGE

TURANDOT D'UNE NUIT D'ÉTÉ » raphique: Atelier Marge Design 25 – 27 – 29 JANVIER BRAHMS REVERDY MENDELSSOHN LE COSMICOMICHE Maxim Emelyanychev Musique classique Alexandre Kantorow 12 MARS 1ER MARS (XIe au XXe siècle) > le liberté, scène nationale de toulon « HORIZONS CROISÉS » Musiques Création mondiale d’aujourd’hui CHOSTAKOVITCH DONIZETTI BRAHMS Musiques L’éLIXIR D’AMOUR transculturelles Jurjen Hempel E 9001Z - N° de licences 1-127103/2-127104/3-127105 | Design g 22 – 24 – 26 MARS Guy Braunstein Chorégraphie 5 AVRIL MENOTTI LE TéLéPHONE/ « UN AMÉRICAIN AMéLIA VA AU BAL À PARIS » 40 concerts et spectacles 26 – 28 AVRIL BARBER GERSHWIN Abbaye de Royaumont, Val d’Oise TCHAÏKOVSKI Jan Latham-Koenig festival18.royaumont.com EUGÈNE ONÉGUINE Karen Gomyo 24 – 26 – 28 MAI 4 MAI

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Devieilhe n’est en rien Zerbi- cente aux enfers moderne, Naufrages et nette – manque le démonstra- sans fard, qui colle bien à la tif, le plaisir offert – comme luxuriance de la partition, Éric Cutler en Bacchus – que Kazushi Ono avait déjà manque la défonce de l’aigu. magnifiée à Lyon, où Ausrine envolées à Aix Reste, délicat Compositeur, Stundyte avait aussi montré Angela Brower. quelle Renata elle porte en LA REPRISE DE LA FLÛTE ENCHANTÉE, Avec Marc Albrecht peinant à elle, plus engagée encore, un UN ANGE DE FEU CORROSIF ET UNE BELLE faire vivre l’Orchestre de Paris, rien moins percutante. Scott CRÉATION PORTENT LE MILLÉSIME 2018. la déception est majeure. Mais Hendricks, Andrei Popov, n’est rien face au naufrage de Krzysztof Baczyk, sont, eux, Didon et Énée : distribution excellents. Un grand moment. insuffisante, que domine trop Heureuse surprise enfin, avec aisément Lucile Richardot, et la création retardée du Seven l’esclave Rokia Traoré dans un Stones d’Ondrej Adámek: une prologue ajouté, seul moment écriture qui évoque Stimmung de grâce d’une soirée que n’em- de Stockhausen, le chaloupé portent ni la battue de Vaclav du jazz et du tango, le pastiche Luks, éteignant Pygmalion, ni de Haendel, et un sujet disper- le propos de Vincent Huguet, sé, mystérieux, onirique, à la qui sait animer les chœurs à la narration fragmentaire, nous Chéreau, mais pas faire vivre les emmènent du côté du théâtre êtres et les lieux autrement que musical des années 1970, joué de façon anecdotique… Qu’on a capella, et qui captive par le est loin du souvenir de Jessye continuum tout en mobilité Norman, ici plus encore que d’un instrumentarium scé- dans Ariane. nique inventif, du tambour isolé aux chars baroques ré- ANNÉES 1970 inventant l’orgue de percus- Heureusement, L’Ange de feu sions ou la cérémonie tibétaine.

PASCAL VICTOR PASCAL (photo de gauche) sauve plus C’est vivifiant, noir, cela avance, que l’honneur. Il y a du luxe, existe, haut et fort. Contrasté, ix millésime 2018 fait la frénésie de renouvelle- de l’excès même dans la pro- l’anniversaire, mais n’est-ce pas est assurément ment qui frappe un monde duction de Mariusz Trelinski ce qu’on attend d’un festival ? X sublimé par la lyrique toujours plus avide de et Boris Kudlicka, qui déloca- Pierre Flinois magie d’une nouveauté. On ignore combien lise la Renaissance à Cologne reprise de La Flûte de festivaliers de cette année du côté de Détroit, entre £ Aix-en-Provence, A théâtre de l’Archevêché, enchantée, dessinée par Simon avaient vu La Flûte de 2014, néons et design défraîchi, dans McBurney et ses complices mais la (re)voir ainsi fêtée dit une boîte théâtrale comme ils les 11 et 12 juillet. quatre ans auparavant, détail et clairement qu’on pourrait, ou aiment, mouvante, ludique, Grand théâtre de Provence, conception d’une virtuosité de qu’on devrait, la reprendre agissante. Effet garanti. Des- les 13 et 14. Jeu de Paume, le 12. jeu, d’une amabilité d’ap- encore, comme en son temps proche, malgré un ton quasi l’emblématique Don Giovanni shakespearien (la profondeur, de l’ère Dussurget. Un rêve à le doute, la joie) simplement espérer de Pierre Audi, qui sait? électrisant. Atout maître, aug- Succès garanti assurément. Car menté des bénéfices d’une chaque nouvelle production est équipe vocale presque recon- un pari, jamais gagné d’avance. duite, qui l’aura encore mieux On attendait beaucoup investie par la merveille d’un d’Ariane à Naxos (photo de Ensemble Pygmalion (chœur droite) façon Katie Mitchell. et orchestre tout à la fois) aux Las, elle s’y est fourvoyée, ne sonorités irrésistibles sous la trouvant ni le ton, ni le charme, baguette d’un Raphaël Pichon ni même l’essence de l’œuvre. inspiré. Que du bonheur! Mais Pire, elle aura éteint une équipe quoi, en Aix, l’audace d’une vocale qui promettait. Pas Lise reprise, chose devenue si rare, Davidsen, somptueuse Ariane, mais qui affiche son indispen- qui sera une Flagstad demain,

sable évidence, questionnant de si elle est sage. Mais Sabine VICTOR PASCAL

42 Q CLASSICA / Septembre 2018 I

beauvais 13e édition carte blanche à A XANDR T ARAUD 11>14 OCT.2018

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création graphique > © mathieu desailly / www.lejardingraphique.com / prise de vue © nicolas joubard visuel à partir des créations du collectif tout/reste/à/faire / licences 1-1062367 2-1063642 3-1062368 San Francisco SO. Dans la Symphonie « Réformation » de Mendelssohn, le chef français réussit à créer un vrai son d’ensemble à partir d’une addition d’enfants prodiges issus de quatre continents. Au prix d’une énergie phénomé- nale, il parvient même à obte- nir des lignes de force et des nuances de haut vol.

TRANSMISSION À ces qualités s’ajoute la sou- plesse rythmique autour d’une pochade de danses hon- groises. Transmission tou- jours avec l’émouvant concert réunissant le violoniste

NICOLAS BRODARD Eduard Wulfson et ses deux glorieux élèves Kristof Barati et Daniel Lozakovich. Si le second émeut par sa fraîcheur, Verbier, le génie des lieux le premier est impressionnant de maîtrise et de personnalité. En l’absence de Gautier Capu- et le lieu des génies çon, c’est l’indispensable Cle- mens Hagen qui s’est adjoint à POUR SES VINGT- le gala des vingt-cinq ans du l’ondée qui a crevé le ciel du Yuja Wang et Leonidas Kava- CINQ ANS, LE FESTIVAL Festival de Verbier durant plus Valais sans dommage acous- kos, dieux du feu et de la terre, DE VERBIER ACCUEILLE de trois heures. Tant de stars tique grâce au judicieux pour un Trio de Tchaïkovski en une même soirée, on avait double-toit récemment ajouté d’anthologie, tendu, intense et UNE PLUIE DE STARS. dumalàycroire,même si les à la grande salle des Combins. profond. De même on se sou- SUR SCÈNE OU AUTOUR plus grands moments de vraie Le lendemain a permis d’ap- viendra longtemps d’une D’UNE BIÈRE. musique étaient moins des précier le fantastique travail Adriana Lecouvreur de Cilea rencontres inédites que de d’Alain Altinoglu à la tête du avec le Verbier Festival Orches- longs compagnonnages Verbier Festival Junior tra et le Chœur du Mariinski l n’y a pas beaucoup comme celui qui unit Daniil Orchestra dont les jeunes sous la direction de Valery Ger- d’endroits au monde Trifonov et Sergei Babayan. membres ont été entraînés giev. Ce diable d’homme a où l’on peut retrouver Mais il s’agissait de faire la pendant trois semaines par donné du génie à une œuvre côte à côte sur une fête, et elle ne fut gâchée ni par des musiciens de grandes pha- dont on a redécouvert la beauté I scène Daniil Trifonov, l’absence de Martha Argerich langes mondiales comme le dramatique tandis que les stu- Yuja Wang, Evgeny Kissin, ou de Janine Jansen, ni par LSO, l’Orchestre de Paris ou le péfiants Tatiana Serjan (rôle Mikhaïl Pletnev,Andras Schiff titre), Marcelo Puente, ou les et encore moins d’endroits au excellents Ekaterina Semen- monde où on peut les chuk et Alexey Markov don- entendre… chanter l’Ouver- naient à leur personnage toute ture de Guillaume Tell sous la leur vérité. Soutenu par un direction de Valery Gergiev. efficace Comité des Amis, de Ni beaucoup d’orchestres qui fidèles mécènes et servi par comptent dans leurs rangs une équipe exceptionnelle de Ilya Gringolts, Pinchas Zuker- professionnels et de béné- man, Renaud Capuçon, voles, le rêve imaginé par Maxim Vengerov et Gérard Martin Engstroem et porté Caussé, ni beaucoup de par le souffle de la vraie terrasses de restaurants où musique a encore de beaux l’on peut boire une bière à jours devant lui. X côté de Vadim Repin, Leoni- Olivier Bellamy das Kavakos et Lisa Batiashvili.

Ainsi s’est déroulé, le 25 juillet, ALINE PALEY £ Festival de Verbier, le 25 juillet.

44 Q CLASSICA / Septembre 2018 plus de cette Espagne rêvée, aux rythmes débridés. Le lende- main, c’est au tour du « pa- tron » des Siècles, Fran- çois-Xavier Roth, d’offrir des Jeux debussystes chorégraphiés dans leurs moindres détails, ainsi que de vibrionnants Noc- turnes, rehaussés par le Chœur de l’Orchestre de la ville. On oublie les Études de Debussy, d’une blancheur dévitalisée sous les doigts de Pierre- Laurent Aimard. En revanche,

JOSE ALBORNOZ-SALUDA gros succès pour l’Ensemble Aedes de Mathieu Romano dans des Leçons de ténèbres associant magistralement Vic- Debussy vibre à Grenade toria, Poulenc, Falla et Casals, au Monastère San Jeronimo, IBÉRIA ET PRÉLUDE À L’APRÈS-MIDI D’UN FAUNE val débutait sous les étoiles au ainsi que pour le Ballet royal ONT ENIVRÉ LES SOIRÉES ANDALOUSES. Palais Carlos V, à l’Alhambra, des Flandres, au Théâtre du avec l’une des formations invi- Generalife, dans une reprise de onfiée cette année au comparable à celui de Valery tées, Les Siècles, dans Debussy, l’hallucinant Chronicle, ballet chef d’orchestre Pablos Gergiev (!), lui a permis d’offrir sous la baguette du maître des cubiste signé par Martha Gra- CHeras-Casado, la direc- un programme varié avec des lieux. Sur instruments ham en 1938 (dénonçant la tion artistique du vénérable artistes de haut niveau, de Ger- d’époque et avec un chef aussi montée du fascisme en Eu- Festival de Grenade s’honorait giev, justement, avec sa forma- enthousiaste que précis, De- rope), sur une musique d’esprit d’accueillir la France autour de tion saint-pétersbourgeoise, à bussy gagne en profondeur : bartokien de Wallingford l’anniversaire de Debussy. La Patricia Petibon, en passant par son Prélude à l’après-midi d’un Riegger. X Franck Mallet montée en puissance du chef Piotr Beczala et le Ballet Royal faune met en valeur intensité grenadin, dont l’agenda des des Flandres, mais aussi Pierre du coloris et finesse de la ligne, £ 67e Festival de Grenade, concerts est désormais Hantaï, La Reverdie… Le festi- et son Ibéria résonne encore du 22 au 27 juin En demi-teinte

L’IMAGINATION ment chorales, annonciatrices D’ALARCÓN de Caldara. Ces parties sont somptueusement interprétées iré de l’oubli par Leo- par le Chœur de chambre de nardo García Alarcón Namur. Le public a accueilli Tqui en a écrit le dernier avec sympathie une produc- acte, manquant, Il Prometeo tion sauvée in extremis car le est une curiosité de couleur metteur en scène est décédé vénitienne, donnée à Vienne avant terme. Ce malheur fait en 1669, et en langue espa- excuser l’absence de direction gnole, pour un anniversaire d’acteurs qui en affadit les princier. La musique de Dra- intentions de départ, tel le ghi sonne comme du Cavalli cabinet des curiosités chimé- auquel manquerait le pathé- riques où officie le héros. tique. Le chef argentin lui Distribution fervente, dont brouillon. Une modification l’Opéra Bastille. Mais on ajoute des couleurs, notam- Ana Quintans en Minerva ou de place a fait changer d’avis, pourra bientôt rejuger des la splendide Aracne de Lucía preuve de la difficulté à resti- subtilités sonores de la pro- IL PROMETEO Martín-Cartón. Dans la fosse tuer une musique délicate duction, celle-ci ayant fait DE DRAGHI, de l’auditorium, l’ensemble dans une salle inadéquate, l’objet d’une captation par Dijon, Opéra, le 17 juin d’Alarcón parut sonner celle de Dijon étant la copie de Alpha. X Vincent Borel

CLASSICA / Septembre 2018 Q 45 ON A VU Montagne sacrée à La Roque UN FESTIVAL DE PIANO ? CERTES. POURTANT LA VRAIE SURPRISE EST VENUE D’UN ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE MARSEILLE MÉTAMORPHOSÉ.

e n’est pas Arcadi aux pelotes. Non seulement la Volodos qui a phalange phocéenne, long- ouvert le 38e Festi- temps lanterne rouge des valdeLaRoque orchestres français, a remonté Cd’Anthéron. Une la pente de l’excellence comme sciatique aura eu raison de sa on s’élève vers la Bonne Mère, sonorité légendaire. Si le public mais sa sonorité a du caractère, en a été quelque peu déçu, il ne et il en faut pour Beethoven. Le

l’a nullement fait sentir à son chef américano-roumain, qui CHRISTOPHE GREMIOT compatriote Lukas Geniušas, vient aussi d’être nommé à la 28 ans, 2e prix au Concours tête de l’Orchestre national de une vision structurelle avec C’est finalement l’orchestre qui Chopin 2010 (ex aequo avec le Pologne, a su combiner sou- une énergie de tous les diables. a remporté tous les suffrages bien-nommé Ingolf Wunder) plesse, discipline et personna- D’où vient alors cette décep- au célèbre festival de piano. qui a bien voulu le remplacer lité. Il s’est même payé la fan- tion qui nous assaille pour- Dans une Symphonie « Pasto- au pied levé dans le Concerto taisie de se retourner vers le tant ? Un manque de cœur rale » que Lawrence Foster sent pour piano n°3 de Beethoven. public après le mouvement peut-être. C’est dans les cordes « religieuse »bienplusque Et puis à La Roque, c’est moins lent pour lui indiquer qu’il de l’orchestre marseillais descriptive, comme Wagner et la page d’Évangile et le nom du s’agissait là du seul morceau nouées avec amour par Law- Furtwängler l’ont sentie avant prêtre qui comptent que la dans lequel Beethoven a utilisé rence Foster qu’on se souvient lui, les musiciens et le public qualité de la communion. En la harpe. Dans le Concerto en que Beethoven sait aussi chan- n’ont formé plus qu’un avec la début de cérémonie, Lawrence do mineur, Lukas Geniušas ter. Intelligence et perfection nature, en une trilogie sacrée Foster aura fait admirer tout le nous offre une plongée parti- rythmique ne suffisent pas qui porta la musique du Grand progrès parcouru à la tête de culièrement maîtrisée dans les dans cette œuvre. Surtout dans Sourd depuis les bouches du l’Orchestre philharmonique de arcanes du chef-d’œuvre. La un « Largo » dénué d’âme. Au Rhône vers les oreilles du Marseille dans trois extraits des polyphonie est d’une clarté Concours Chopin, Geniušas monde. X Olivier Bellamy Créatures de Prométhée qui ont sidérante, le son du piano avait gagné en outre le prix de envoyé les dernières cigales au minéral, la construction la Polonaise. Jamais il n’aurait £ Parc du château de Florans, lit et les mauvais coucheurs époustouflante. Il combine pu ravir celui de la Mazurka… La Roque d’Anthéron, 20 juillet CHRISTOPHE GREMIOT

46 Q CLASSICA / Septembre 2018 CAROLE PAROD JEAN-PIERRE MAURIN

d’Eleonora Buratto confond Sieglinde et Donna Anna alors Don Giovanni de-ci de-là qu’Antoinette Dennefeld, boostée par une bien visible À GENÈVE, LA MISE EN SCÈNE DE DAVID BÖSCH ENCHANTE, MALGRÉ maternité, est une Elvira déli- UNE DIRECTION CHAOTIQUE. À LYON, DES CONTRESENS L’AFFAIBLISSENT. cate et sensuelle. La star est le fascinant Leporello de l’Amé- éducteur cynique et vieil- Masetto (superbe Michael inouïs comme il l’avait fait ricain Kyle Ketelsen. Acteur lissant, Simon Keenlyside Adams). On ne sait d’ailleurs dans l’Alceste de Gluck. La mise impressionnant pourvu d’un Sa enchanté Genève avec où donner de l’oreille entre en scène de David Marton tord timbre noir, confortable, maî- son incarnation rageuse d’un l’Anna de Patrizia Ciofi, d’une le livret de Da Ponte et trans- trisé, il est l’unique séducteur rôle qu’il maîtrise comme peu. maîtrise incendiaire, l’Elvira forme notre héros en un Wer- d’une production plombée par Sur le théâtre en ruine où se ensorcelante de Myrta Papata- ther schizophrène qui choisira des contresens inutiles. X tient l’épatante mise en scène nasiu ou le luxueux Ottavio de le suicide. Longs silences et Vincent Borel de David Bösch, Don Giovan- Ramón Vargas. L’OSR a porté textes ajoutés brisent la dyna- ni prend ses proies en photo, vaillamment son Mozart, diri- mique. Philippe Sly est le rôle DON GIOVANNI révélateur de leurs désirs plutôt gé de façon hélas chaotique par titre, juvénile, vocalement en DE MOZART, que prédateur sexuel. Cette vi- Stefan Soltesz. Ce n’était pas le retrait; Julien Behr chante un Genève, Opéra des Nations sion habillée 1960 fait la part cas, à Lyon, de Stefano Monta- Ottavio chaleureux, mais aux 15 juin er belle au couple Zerlina- nari qui sait trouver des détails aigus instables. La voix énorme Lyon, Opéra, 1 juillet Fever And Kiss In Colmar e Festival international consacré à Haydn (Sonates de Colmar fête chaque n° 32, 47, 49) etàSchubert Lannée un interprète qui (4 Impromptus op. 142) parti- aura marqué son époque. La cipe d’un véritable envoûte- 30e édition, toujours placée ment, rencontre de l’imagina- sous l’autorité généreuse de tion, de la liberté rythmique et Vladimir Spivakov, a décidé de de la profondeur harmonique. braquer les projecteurs sur Des visions personnelles, Evgeny Kissin qui n’a pas toujours discursives, qui attendu le nombre des années peuvent surprendre les tenants pour s’affirmer comme une de l’orthodoxie sans jamais légende vivante du clavier. Son laisser l’auditoire indemne. Six interprétation engagée et bis savamment distillés

fébrile du Concerto n°2 de BERNARD FRUHINSHOLZ s’achèvent par l’énigmatique Rachmaninov est servie par un Despassurlaneigede Debussy Orchestre national philharmo- George Li, 23ans et médaille vraiment à unifier les varia- où tout semble se dissoudre et nique de Russie chauffé à blanc d’or à Moscou en 2015, aborde tions de la Rhapsodie sur un disparaître dans la chaleur par le maître des lieux. La Sym- le Concerto n°1 de Tchaïkovski thème de Paganini de Rachma- ambiante. X phonie n°2 du même composi- sans frémir et s’empare de ninov. Capable de dénicher Michel Le Naour teur ne manque pas de souffle l’œuvre avec une autorité qui l’inouï, Grigory Sokolov entre- lyrique, mais recherche plus ne se dément pas; toutefois, sa tient avec son instrument une £ Colmar, église Saint-Matthieu, l’efficacité que la subtilité. belle technique ne réussit pas relation fusionnelle. Son récital 12, 13 et 14 juillet

CLASSICA / Septembre 2018 Q 47 AVEC LEKLANGFORUM WIEN STEFAN PRINS & LINEHAN/HIATUS DANIEL SPACE THIRD ’18 NOVEMBRE 25 Mise enscène musicale Direction (1918-1990) BERNSTEIN LEONARD TRAVIATA LA ’18 SEPTEMBRE 29 & 28 27, 0NVMR ’18 NOVEMBRE 20 Mise enscène musicale Direction ieto musicale Direction (1770-1827) BEETHOVEN VAN LUDWIG FIDELIO DÉCEMBRE’18 7 & 5 PLACE QUIET A musicale Direction CARSEN ROBERT & BURTON IAN DE VERSION NOUVELLE UNE DANS PEPUSCH CHRISTOPH JOHANN & GAY JOHN DE OPERA BALLAD OPERA BEGGAR’S THE 2 4&1 OCTOBRE ’18 16 & 14 12, Mise enscène Mise enscène ISPEVRI(1813-1901) VERDI GIUSEPPE Orpha Phelan Robert Wilson Robert Carsen Achim Freyer ae Deseure Karel edrCurrentzis Teodor acMinkowski Marc Christie William WWW.LUXEMBOURGTICKET.LU | TÉL.: +352/47 0895-1 «RAINY DAYS 18’19

| ASL AR DES CADRE LE DANS 2018 – GET GET 2018 – WWW.LESTHEATRES.LU DE LUXEMBOURG E THÉÂTRES LES EL VILLE LA DE REAL» – 8&3 AS’19 MARS 30 & 28 ALEXANDRE DESPLAT &SOLREY SILENCE EN 21 DU OPÉRA UN icon MATA-HARI DERNIERSJOURSDE LES FAÇADE: ’19 MAI 10 & 8 6&2 ÉRE ’19 FÉVRIER 27 & 26 3JI ’19 JUIN 13 Mise enscène musicale Direction musicale Direction ERISMENA JEAN LACORNERIE CLAIRECHEVALLIER / / McFADDEN CLARON (1838-1875) BIZET GEORGES PERLES DE PÊCHEURS LES (1602-1676) CAVALLI FRANCESCO JANVIER ’19 9 & 8 FREDERIK NEYRINCK&SABRYNA PIERRE Mise enscène FC Bergman:StefAerts&MarieVinck Jean Bellorini E ICEDAEIRBILDRAUM, D’ATELIER SIÈCLE ai Reiland David GarcíaAlarcón Leonardo | CRÉATION MONDIALE

FIDELIO © MONIKA RITTERSHAUS LES CARNETS D’EMMA

Allegro Lepanto

l’heure où ces lignes marqué l’histoire tandis qu’un rayon sont écrites, comme Cy Twombly résonne avec l’exposition en cours l’on dit, je rentre tout au Kunsthalle – là encore, quelques juste de Munich pour centaines de mètres seulement à par- une étape estivale dont et l’orchestre courir – autour de la figure de Faust. j’aurais désormais « Du bist Faust », superbement scé- Àpeine à me passer. Même si la qualité wagnérien nographiée, savante mais accessible, des spectacles de l’Opernfestspiele invite à voyager à côté du docteur, peut se révéler variable – Parsifal puis de son mauvais génie et de la mal- Le Ring galvanisés, sublimés par la dirigé par heureuse Marguerite. Littérature, direction de Kirill Petrenko, Orlan- peinture, théâtre, cinéma et, bien do Paladino réjouissant, mais Vêpres entendu, musique y sont largement siciliennes exécrables… – l’atmos- Kirill Petrenko honorés. On s’immerge sans réserve phère de la manifestation est unique. dans la vaste salle baignée d’extraits Jusqu’à ces séances en plein air « Oper für alle » (Opéra pour du Faust de Gounod avant de rejoindre un salon bourgeois tous) offertes au public qui se presse, bretzel et verre à la intime où un choix de lieder témoigne de la fascination des main, pour « savourer » la musique sous les étoiles. compositeurs pour les vers de Goethe. Munich est bien sûr une grande ville et l’on mentirait en Parmi les trésors de Munich, outre ses admirables Pinaco- prétendant que le festival l’investit tout entière. C’est à l’ap- thèques,le musée Brandhorst recèle une exceptionnelle collec- proche du Nationaltheater et, dans une moindre mesure, du tion d’œuvres de Cy Twombly.Le lien entre les toiles du peintre Prinzregententheater,que les affiches au graphisme élégant an- américain et la musique peut paraître plus complexe à nouer. noncent l’ouvrage du jour. Auparavant, on aura pu s’attabler Pourtant l’exaltation ressentie devant la série des gigantesques au café Brenner dont l’une des terrasses – face à la billetterie et exubérantes Roses comme le vertige éprouvé face aux douze du Staatsoper – accueille souvent les artistes avant ou après « chapitres » composant la suite Lepanto s’apparentent à ceux répétitions et représentations. Cette année, on a pu y côtoyer que procure l’orchestre wagnérien sous la baguette de Kirill à plusieurs reprises la mezzo Okka von der Damerau, voix et Petrenko. Même maîtrise et même profondeur, même souffle visage rayonnants, qui fut, entre autres prestations, une noble et même lumière, mêmes couleurs éblouissantes et mêmes Erda puis une bouleversante Waltraute dans Le Ring. ombres inquiétantes. Même plongée ambivalente dans les Non loin de ce QG lyrique, c’est au cinquième étage du mythes les plus violents mais aussi les plus poétiques de notre grand magasin Ludwig Beck que le festin musical se pour- veille Europe. Et, pour le spectateur, même impression de dé- suit. L’immense espace consacré aux disques et DVD clas- couvrir une œuvre nouvelle, à l’encre ou à la peinture encore siques ne devrait-il pas faire rentrer sous terre nos enseignes fraîches, alors qu’il a déjà eu la chance de la contempler ou de françaises ? Animé par une équipe de conseillers l’entendre maintes fois. Cet été, la musicalité de vendeurs sympathiques et compétents, ce para- Cy Twombly m’a semblé encore plus évidente dis du mélomane, à l’ambiance sereine et cha- EMMANUELLE encore quand,abandonnant Munich,j’anticipais leureuse, propose des îlots consacrés au festival GIULIANI pour me consoler ma prochaine étape festivalière, munichois comme aux manifestations voisines est chef à Salzbourg.La copieuse brochure programme de (Bayreuth,Salzbourg).Hommage également aux du service Culture l’édition 2018 est,en effet,abondamment illustrée chanteurs ou chefs qui s’y illustrent ou en ont du journal La Croix d’œuvres de… Cy Twombly. X

CLASSICA / Septembre 2018 Q 49 EN COUVERTURE Philharmonie de Paris RADIOGRAPHIE D’UN PHÉNOMÈNE Plus de 4 millions de visiteurs en trois ans, des salles remplies à plus de 90 %, une acoustique louée par le public et les plus grands chefs: la Philharmonie de Paris a dépassé toutes les espérances de ses fondateurs, en dépit d’une gestation infernale et de nombreux détracteurs. Enquête et plongée dans les coulisses d’une salle qui fait des envieux dans le monde entier.

e 13 juin 2018,Khatia Buniatishvili franchi les portes. Et 42 % d’entre eux sont venus publie un post sur sa page pour assister à un concert. Car la Philharmonie, et Facebook dans lequel elle s’en- c’est certainement l’une des premières raisons de son thousiasme : son concert du succès, n’offre pas uniquement des concerts, mais 23 novembre à la Philharmonie de aussi des expositions, un musée de la musique, des Paris affiche déjà complet, cinq ateliers pédagogiques, des salles de répétitions, des mois à l’avance! La pianiste géor- festivals, des restaurants, etc. gienne n’aura pas mis longtemps Si le concert classique reste au cœur du projet, les Là vendre les 2400 places de la grande salle Pierre portes pour y accéder sont nombreuses et variées. À Boulez. Cette anecdote résume assez bien le succès commencer par ce qui est l’un des piliers de la réus- phénoménal que connaît l’équipement culturel site de la Philharmonie, la programmation. Depuis installé au sein du parc de LaVillette dans le nord-est le XIXe siècle, le modèle dominant des salles de parisien. Les artistes classiques du monde entier concert s’établissait en fonction d’une esthétique veulent tous y jouer,les chefs d’orchestre se sont tous Le bâtiment de musicale spécifique.« En musique, comme au théâtre, rués pour tester l’acoustique, et le public, surtout, la Philharmonie, vu analyse Laurent Bayle, directeur général de la Phil- répond lui aussi présent. Depuis son inauguration des accès extérieurs harmonie de Paris, nous sommes restés sur une offre

en janvier 2015, plus de 4 millions de visiteurs en ont et de la terrasse. spécialisée qui se décompose par périodes de l’histoire WILLIAM BEAUCARDET

50 Q CLASSICA / Septembre 2018 CLASSICA / Septembre 2018 Q 51 EN COUVERTURE WILLIAM BEAUCARDET

de la musique. La spécialisation, c’est très bon pour La grande salle Philharmonie. « Je ne suis pas vraiment porté sur la la médecine! Même s’il faut bien des médecins géné- Pierre Boulez dont musique classique, ou plutôt je n’avais pas la curio- ralistes. Il est grand temps de poser des lieux généra- la capacité d’accueil sité de m’y intéresser. Je connais quelques morceaux, listes, qui essaient de réunir ce qu’au fil du temps la est de 2 400 places quelques compositeurs comme tout le monde, mais je spécialisation a réussi à fragmenter, diviser et isoler en configuration n’avais jamais acheté de places pour aller écouter un les uns des autres. » En d’autres termes, la musique classique. orchestre. » Thomas s’est rendu à la Philharmonie classique ne pourrait garantir à elle toute seule le pour la première fois en février 2016 pour écouter succès d’une salle et le renouvellement de son le jazzman Avishai Cohen dont il est « hyper fan ». public. Lors de la saison 2016-2017, 60 %des Le jeune homme se souvient également d’avoir eu concerts programmés appartenaient au genre très envie d’entrer dans ce bâtiment gris métallisé « classique » (musique symphonique, musique de qu’il aperçoit régulièrement quand il emprunte le chambre, récitals, musiques ancienne et contem- périphérique. « J’ai été époustouflé par la modernité poraine), le reste étant dédié aux musiques de la salle. Les formes abstraites des balcons, la sensa- actuelles, au jazz, aux musiques du monde ou tion de gigantisme tout en se sentant proche des musi- définies comme « offre jeune public ». ciens. Je me suis tout de suite dit: “Ce serait génial C’est cette diversité qui a convaincu, comme tant de revenir écouter un orchestre, sans sonorisation.” » d’autres, Thomas, infirmier de trente-quatre ans C’est ce qu’il fit quelques mois plus tard en prenant résidant à Vincennes, de franchir les portes de la des places pour l’Orchestre de Paris. Il se souvient

LA PHILHARMONIE EN CHIFFRES 340000 32 18 Le nombre d’oiseaux en aluminium C’est la distance maximale, en mètres, Comme le nombre de studios et de salles de sept formes et quatre teintes diférentes qui sépare le spectateur le plus éloigné de répétitions disponibles à la demande qui recouvrent le bâtiment. du chef d’orchestre. pour les musiciens.

52 Q CLASSICA / Septembre 2018 WILLIAM BEAUCARDET BOREL que les musiciens jouaient du Beethoven, mais pas Un foyer et néo-zélandais Marshall Day Acoustics, celle-ci est du nom de l’œuvre, ni du chef. « C’était grisant, un des accès à la présentée comme « exceptionnelle », « fantastique » je n’imaginais pas qu’un groupe de musiciens, sans grande salle. ou « totalement moderne ». Le chef d’orchestre micro, ni rien, puisse faire jaillir un son aussi impres- François-Xavier Roth connaît bien la grande salle sionnant », conclut le jeune homme qui essaie de pour y être artiste associé et se produit régulière- venir de temps en temps, et surtout d’y amener des ment avec son ensemble Les Siècles ou d’autres amis non parisiens de passage dans la capitale. Des orchestres internationaux. « C’est une nouvelle exemples comme celui de Thomas sont loin d’être génération d’acoustique, exceptionnelle et singu- des cas isolés. Selon la première étude sur les publics lière. Le public vient parce qu’il sait qu’il va vivre commandée par la Philharmonie, 30 % du public, une expérience d’un nouveau genre. Cela tient à la en 2016/2017, s’y rendait pour la première fois, conception de la salle avec ses doubles fonds. Il y a c’est-à-dire qu’ils n’avaient jamais fréquenté ni la une profondeur dans les basses que je n’ai jamais Cité de la musique voisine, ni la salle Pleyel. Autre entendue ailleurs. Les médiums et les aigus sont chiffre marquant, ces nouveaux spectateurs ont d’une grande clarté. » Roth loue l’adaptabilité de un âge moyen de 41,1 ans, soit un rajeunissement la salle en fonction des effectifs des ensembles et spectaculaire de douze ans par rapport aux publics du répertoire. « Pour le grand répertoire sympho- des deux anciennes salles. nique, la salle est incroyable. Le L’un des principaux points son des différents instruments forts de la Philharmonie, Avec la nouvelle génération se mélange, les musiciens n’ont et c’est ce qui ressort qua- pas besoin de forcer, on observe siment à chaque fois dans d’acoustique,lepublicsait beaucoup de rondeur et de les témoignages des musi- transparence. » Le maestro se ciens ou du public inter- qu’ilvavivreuneexpérience définit comme un enfant de la rogés, c’est l’acoustique. Philharmonie. « J’ai été formé Réalisée par le cabinet d’un nouveau genre au Conservatoire national

3650 2400 33 Nombre de spectateurs que peut contenir Capacité d’accueil de la grande salle C’est le nombre de plateformes qui constituent la grande salle en configuration « musique en configuration « musique classique ». la scène de la grande salle. Chacune étant amplifiée » avec une scène frontale. indépendante et commandée numériquement.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 53 EN COUVERTURE AVA DU PARC POUR J'ADORE CE QUE VOUS FAITES ! POUR J'ADORE CE QUE VOUS FAITES DU PARC AVA

supérieur de musique de Paris, situé juste en face, et À gauche : atmosphère particulière. » Pour Douglas Boyd, l’un avec Les Siècles, j’ai mené beaucoup de projets avec Concerts dans des points principaux de la réussite tient à sa situa- la Cité de la musique. Je suis un enfant de la Phil- le cadre du dispositif tion géographique. C’était l’un des nombreux défis harmonie issue de l’utopie rêvée par Pierre Boulez. » Démos, à destination que posait le projet de la Philharmonie au moment d’enfants défavorisés. de sa gestation. Pas question de l’implanter dans les SORTIR DU MODÈLE À droite : beaux quartiers, là où le public existe déjà. E Manifestation C’est ce que Laurent Bayle ne cesse de répéter aux XIX SIÈCLE organisée dans nombreuses délégations qui viennent du monde La politique tarifaire se révèle être également un le cadre d’une entier pour s’inspirer de la réalisation parisienne, atout pour l’attractivité du lieu. 52 % des places Nuit blanche. Simon Rattle en tête, déjà venu plusieurs fois à la coûtent 35 euros ou moins : des tarifs en moyenne Philharmonie dans le but de faire aboutir son projet 20 % en dessous de ceux pratiqués à la salle Pleyel d’une philharmonie londonienne qui deviendrait avant l’ouverture. Une baisse des prix mécanique l’écrin du London Symphony Orchestra, dont il puisque la grande salle de la Philharmonie est vient de prendre la direction musicale. Laurent 20 % plus grande que Pleyel. Enfin, chaque concert Bayle insiste sur le fait de « sortir du modèle des salles offre son lot de places à 10 euros pour les moins du XIXe siècle, de ne pas être obnubilé par la supposée de vingt-huit ans. Sans oublier que la plupart noblesse du quartier où va être construit l’équipe- des activités proposées pour les familles le week- ment ». Pour le directeur de la Philharmonie, une end sont à 10 euros pour les enfants et 12 pour salle ne peut pas s’installer n’importe où: « Il faut les adultes. Afin d’éviter que toutes les places ne partent en début de saison, la Philharmonie pro- posera, à partir de septembre, de nouvelles places à vendre chaque premier mardi du mois. Ce renouvellement du public, Douglas Boyd l’a L’un des points principaux bien senti. Le chef d’orchestre écossais est directeur de la réussite tient à sa situation musical de l’Orchestre de chambre de Paris, l’un des ensembles en résidence à la Philharmonie, depuis géographique. Pas question septembre 2015. Presque depuis le début de l’aven- ture. « À chaque concert, je sens une très large diversité de l’implanter dans les beaux parmi le public. Contrairement à d’autres salles dans le monde, il n’y a pas que des riches, et cela donne une quartiers, là où est déjà le public

2,3 12 10 C’est, en secondes, le temps de réverbération Nombre d’heures pour passer de la En tonnes, le poids qu’est capable de soulever dans la grande salle – fourchette très haute configuration « classique » à celle des musiques chacun des deux monte-charges. Une seule par rapport aux salles du monde entier. « amplifiées » (pour 48 à la Cité de la musique). rotation suit pour débarrasser la scène.

54 Q CLASSICA / Septembre 2018 Une acoustique

un contexte. La Philharmonie s’est implantée dans qui fait l’unanimité un entre-deux et pour la ville de Paris, il s’agit de la première démonstration qu’une prise de risques SIR SIMON RATTLE, CHEF D’ORCHESTRE est possible. Et l’on ne peut pas proposer un nou- Philharmonie de Paris est l’une des veau modèle si l’on ne se met en discussion qu’avec eilleures salles de concert du monde. on succès provient assurément de sa un voisinage composé d’un public déjà acquis. » Là L

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encore, les enseignements de l’étude sur les publics A olitique artistique radicale et intelligente,

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confi rment l’intuition de Pierre Boulez, initiateur . t ce depuis la genèse du projet. Ne J de la Philharmonie et de Laurent Bayle, son héritier. erait-ce que le choix audacieux de sa La grande majorité des spectateurs provient du calisation géographique. Les Parisiens XIXe arrondissement ou des arrondissements limi- ent qu’elle est trop loin. À Londres, trophes, c’est-à-dire des quartiers les plus populaires dirait qu’elle est simplement au bout et les plus mixés socialement de Paris. ! La Philharmonie est une grande source t de nouvelle salle londonienne. Je UNE PHILHARMONIE POUR vec des délégations pour les convaincre milaire. Cela permet de voir ce que LES ENFANTS Philharmonie, notamment au niveau e C. DHEROUVILLE François Dagnaud, maire PS du XIX arrondissement, rtain de souhaiter la même confi guration : a de quoi se dire « ravi » que la Philharmonie soit une réverbération légèrement artifi cielle. située sur son territoire. « C’est le plus grand cam- our le public, mais ça peut l’être pour pus musical du monde ! Un gigantesque écosystème, coustique de la Philharmonie me rappelle plein de synergies. La Philharmonie n’aurait pas été erlin, mais en plus chaude. Et croyez-moi, ce qu’elle est si elle avait été construite ailleurs. Le fait » que les habitants du XIXe arrondissement représentent la plus grande proportion des spectateurs est un pari PPE AÏCHE, PREMIER VIOLON SOLO gagnant, bien au-delà de nos espérances », déclare le ORCHESTRE DE PARIS

maire, enthousiaste. Ce qui fait la différence, c’est que I uand l’Orchestre de Paris a dû quitter L L

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la Philharmonie ne s’est pas contentée de s’installer R alle Pleyel, les musiciens étaient

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dans un quartier composé d’habitants a priori éloi- fi ants. Mais dès la première répétition

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gnés de la musique classique, elle a tissé des liens sous D Philharmonie, tous les doutes se sont U T

la forme de conventions signées avec le département S olés. L’acoustique est exceptionnelle ! de la Seine-Saint-Denis, les mairies des arrondis- que instrument est parfaitement défi ni, sements voisins et les associations de quartier : la rès analytique et, en même temps, les Philharmonie mise sur une stratégie à long terme de nts se mélangent parfaitement. Cela construction de nouveaux publics. C’est là qu’entre donne un son très chaud. La salle a également une belle dynamique. en scène Clara Wagner, directrice déléguée aux Je crois que ce qui est le plus réussi, c’est l’impression de proximité relations institutionnelles et internationales, dont le avec le public malgré l’immensité du lieu. Je n’ai jamais entendu rôle, depuis 2008, est de faire comprendre aux élus un musicien manifester le moindre regret. » le projet de l’établissement de La Villette. « L’une des missions de la Philharmonie est de s’inscrire dans son JEAN-RÉMI BAUDONNE, DIRECTEUR TECHNIQUE territoire pour cibler le jeune public », explique-t-elle, DE LA PHILHARMONIE notifi ant bien que la fameuse étude des publics ne « L’acoustique de la Philharmonie est vraiment novatrice. Grâce à porte que sur les plus de quinze ans, alors que son cette réverbération de 2,3 secondes, une durée vraiment importante service cible principalement les enfants. Ce qui par rapport aux autres salles du monde, la grande salle possède signifi e environ 300 000 enfants. « Le but de notre un son très dynamique et très analytique. Sa particularité vient action est de renouveler, rajeunir et développer le public. de son imposant volume d’air, renforcé par les deux espaces créés au Autant sociologiquement que géographiquement. niveau des deux entrées principales. Le son circule derrière les balcons L’implantation de la Philharmonie est très importante, et revient dans la salle. La canopée, qui se situe juste au-dessus nous ne pouvions pas ignorer ce qui se trouve autour de la scène, permet aux musiciens d’avoir un excellent retour. » X de nous », précise-t-elle. La Philharmonie se montre Propos recueillis par Victor Tribot Laspière

30 500 M3 534,7 MILLIONS D’EUROS 1 272 538 C’est la quantité d’air à l’intérieur de la grande Coût de la Philharmonie. Soit une C’est le nombre de personnes accueillies salle, soit 12,7 m3 par spectateur. augmentation de 208 % du coût initial, par la Philharmonie en 2017. estimé à 173,1 millions d’euros.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 55 EN COUVERTURE

avec le lancement prochain de la Philharmonie des enfants au sein du bâtiment, l’idée étant de pouvoir accueillir davantage de petits de trois à sept ans. Ils sont déjà 150 000 à être venus à la Philharmonie en 2016-2017 grâce aux ateliers éducatifs, 7 000 ayant été organisés durant cette période. Problème, ils sont tous pris d’assaut au moment de l’ouverture des réservations. L’idée de cette « Philharmonie des enfants » devrait voir le jour en 2019 ou 2020 dans l’espace de 1 000 mètres carrés qui devait être à l’origine le restaurant d’entreprise au premier étage, abandonné parce que trop coûteux. Le parcours interactif dédié à la musique, conçu sur le modèle muséographique de la Cité des Sciences, où les enfants pourront s’enregistrer et manipuler des ins- truments, pourrait accueillir jusqu’à 250000 jeunes par an. Le projet doit être dupliqué sur le territoire, notamment à Metz dans un premier temps, afin de

JEAN AYISSI poursuivre l’ouverture vers les régions et mutualiser GRÉZAUD PIERRE-XAVIER les coûts. La Philharmonie cherche actuellement à très active envers les élus, afi n de les faire adhérer au Jean Nouvel lever des fonds auprès de mécènes. Cinq millions projet. Un dispositif « découverte » a bénéfi cié à plus devant la maquette d’euros doivent être trouvés. de 3 500 personnes lors de la saison 2017-2018, prin- du projet en avril cipalement des habitants de la Petite Couronne puis, 2007. Huit ans prochainement, des départements plus éloignés. plus tard, MOQUETTE BAS DE GAMME Selon Clara Wagner, le travail commence à porter l’architecte boycotte Pourtant, la Philharmonie revient de loin. Ils ses fruits : « Les habitants, les élus commencent à se l’inauguration, n’étaient pas nombreux à croire en la réussite du rendre compte que la Philharmonie est vraiment pour qu’il juge projet. Localisation jugée trop excentrée et mal des- tout le monde. C’est avec la Seine-Saint-Denis que nous prématurée. servie par les transports en commun. Pierre Boulez montons le plus de projets. Quand les autres élus s’en Il espère toujours d’ailleurs enrageait du fait qu’il n’y ait qu’une seule rendent compte, cela permet d’enlever l’étiquette élitiste pouvoir terminer ligne de métro. D’autres n’ont pas voulu adhérer au qui nous colle à la peau et qui est liée à une certaine son bâtiment. projet de décloisonnement de la musique classique, perception de la musique classique. » estimant qu’il allait se faire au détriment de la qua- Ainsi sont nés les fameux orchestres Démos, inspirés lité de la programmation. Les critiques ne se sont par le programme social d’éducation musicale El Sis- d’ailleurs pas tues une fois l’inauguration passée, tema au Venezuela, projet de pratique collective de les premières venant de l’architecte en personne, la musique à destination d’enfants issus de quartiers Jean Nouvel. Celui-ci n’a même pas souhaité assis- sociaux ou ruraux. Actuellement, ils sont trente-cinq ter à la cérémonie d’ouverture. L’homme estime orchestres installés sur l’ensemble du territoire, avoir été dessaisi de son œuvre et a reproché une mais seront bientôt soixante-dix, suite à l’annonce ouverture « à la va-vite ». Nouvel a saisi le tribunal du doublement de la subvention du gouvern ment de grande instance pour obtenir que soient réalisés par Françoise Nyssen, ministre de la Culture. C’est une trentaine des points de non-conformité qui, un maillage très profond qui se crée et se dév loppe selon lui, auraient dû retarder l’ouverture de la de plus en plus. Cela fait connaître la Philhar onie salle. Le tribunal a débouté sa demande, mais il s’est partout sur le territoire national », explique lara depuis pourvu en appel. Il espère toujours pouvoir Wagner. L’établissement culturel va prochain ment terminer « dignement » son bâtiment. lancer de nouveaux projets en lien avec des crèches Jean Nouvel estime aussi avoir été le bouc émissaire du XIXe arrondissement et de Clichy-sous-Bois. de l’explosion des coûts du chantier, déplorant, L’action de la salle de La Villette en direction des en juin 2015, le fait d’avoir été désigné comme plus jeunes devrait prendre une autre dimension responsable de ce fi asco fi nancier. À l’époque, il

489 6 055 8 392 Concerts programmés en 2018-2019. Nombre de tuyaux du grand orgue Collection d’instruments et d’objets d’art que Lancement le 3 septembre avec le spectacle symphonique de la Philharmonie, possède le Musée de la musique. « Gagaku Impérial ». conçu par Michel Garnier.

56 Q CLASSICA / Septembre 2018 Salon de Sentier Restaurant Grand Grande salle BelvédèreEspaces Bureaux réception du Belvédère panoramique orgue Pierre Boulez éducatifs (étages 1 et 2) Le Balcon (rez-de-parc)

Salles de répétition

Philharmonie Le studio Salle L’atelier-café Salle de Hall d’entrée Bureaux Écran des enfants d’exposition conférence d’information (en construction) déclarait avoir été contraint d’accepter de réaliser le Ci-dessus : par la salle. Des regrets et des critiques qui, il faut programme avec le budget indiqué par l’association la Philharmonie l’avouer, ne font plus le poids face au succès reten- de la Philharmonie de Paris et validé par l’État. sous tous tissant de la salle. « Une maladie française qui consiste à sous-évaluer les angles. les grands projets publics pour les faire passer par UN QUARTIER Bercy », disait-il. De plus, Nouvel a été écarté de la supervision du chantier, remplacé par un bureau EN PLEINE MUTATION d’études, dès 2013, soit deux ans avant la fin des Depuis l’ouverture du bâtiment, le quartier lui travaux. En effet, les finitions de la salle ont pu aussi a changé. Les tenanciers de cafés et restaurants en décevoir plus d’un : moquette bas de gamme, connaissent une hausse de leur fréquentation. Ils rivets et écrous apparents, murs en béton fissurés ont vu de nouvelles têtes s’installer à leur terrasse. ou toiture abîmée. « Avant les concerts surtout », précise cette patronne Si, au fur et à mesure, la Philharmonie a tenté de de bar. « On le sent aussi lorsque les expositions pro- peaufiner les détails, notamment dès l’été 2015 grammées marchent moins bien, on a moins de monde avec deux mois de fermeture pour travaux, la salle en journée. Ils devraient nous consulter pour les pro- laissait un goût d’inachevé au moment de son inau- chaines thématiques », plaisante-t-elle. L’immobilier uration. D’autres se plaignent encore de l’e pace également a évolué. Si le prix du mètre carré moyen vraiment trop petit laissé pour les jambes, et ’une du XIXe arrondissement est toujours le plus bas de inclinaison excessive des fauteuils, une fois assis. Paris, il est en nette évolution depuis l’ouverture Il est vrai que pour ceux qui dépassent la taille de l’établissement, surtout du côté de l’avenue d’1,75 mètre, on a tôt fait de se heurter viole ment Jean- Jaurès. « Il est indéniable que la Philharmonie au dossier inclinable du siège de devant lo sque valorise grandement le quartier et les biens immobi- quelqu’un s’y assoit. Enfin, côté acoustique, les liers », note ce responsable d’agence. « Nous avions places des balcons latéraux n’offrent pas le même déjà beaucoup de clients musiciens qui cherchaient équilibre que celles du parterre et des balcons de à s’installer dans le quartier pour être à proximité face, notamment pour les voix, moins bien servies du Conservatoire. » Les agences immobilières ont

24 1979 5 Nombre de salles dédiées aux ateliers Premier projet d’un programme musical Formations en résidence : Ens. Intercon tem- pédagogiques. au sein du projet d’urbanisme de La Villette porain, Orch. de Paris, Orch. de chambre de oiciellement annoncé par l’État. Paris, Orch. nat. d’IDF, Arts Florissants.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 57 EN COUVERTURE WILLIAM BEAUCARDET désormais de nouveaux types de clients, les mélo- Place de la Fontaine- logements sociaux, des gens en grande difficulté. manes. « Cela reste encore anecdotique, mais nous aux-Lions : à gauche, « C’est notre force d’accueillir tout le monde, de les avons eu plusieurs acheteurs qui ont découvert le quar- la grande Halle de faire se sentir à l’aise. La Philharmonie est un des tier à l’occasion de leur venue à la Philharmonie », La Villette, au fond, outils fédérateurs qui permet de rassembler tout le précise l’agent. Le voisinage direct de la salle de l’est le bâtiment de Jean monde », observe François Dagnaud, qui se dit parisien est d’ailleurs devenu un argument de vente Nouvel et à droite la amoureux de Bach et du bâtiment de Jean Nouvel, que l’on retrouve dans de nombreuses annonces.De Cité de la musique, « un objet architectural très fort suscitant le débat, qui là à craindre une gentrification de cet arrondisse- conçue par Christian est donc une réussite puisqu’il n’y a pas de consensus ment de 187000 habitants? « Non, répond le maire de Portzamparc. àsonsujet». François Dagnaud. Le projet de la Philharmonie est Le chemin déjà parcouru fait espérer un bril- justement de viser d’autres publics que ceux des salles lant avenir pour la Philharmonie de Paris. Elle de concert historiques situées dans les beaux quartiers. devra réussir à franchir les nombreux défis qui Mais je ne nie pas que pour l’instant, ceux qui vont l’attendent : intégration de l’Orchestre de Paris à la Philharmonie le plus facilement sont les habi- (et risque de le voir englouti dans l’immense tants les plus aisés. Nous n’avons aucune volonté de contrecarrer l’aspect populaire du quartier. Il ne faut pas oublier que 35 % du parc immobilier est constitué de logements sociaux. » Denombreuxdéfisàvenir: Si le public s’est renouvelé et rajeuni,il souffre d’une surreprésentation de personnes très diplômées. intégration de l’Orchestre de Paris, 65 % des publics ont déclaré être titulaires d’un succession à la tête des directions diplôme de niveau supérieur à bac + 3,alors qu’ils ne représentent que 21 % de la population francilienne, et 11 % de la population nationale. Un point sur complexe musical), succession déterminante de lequel la Philharmonie doit encore progresser, mais Daniel Harding à la direction musicale, et fin, en qui est « logique » selon Laurent Bayle. « Puisque le 2021, du mandat de Laurent Bayle, avec la problé- projet est un succès, il est d’abord normal d’observer matique de lui trouver un successeur capable de la venue de ceux qui ont déjà l’habitude d’aller aux maîtriser la globalité du projet et ayant les épaules concerts. C’est tout le travail de pédagogie que nous suffisamment solides pour défendre l’institution menons auprès des plus jeunes qui portera ses fruits, Victor Tribot Laspière face aux tutelles (voir Classica n° 200, pages 14-15). et permettra de diversifier les publics », conclut-il. est journaliste à Mais nul doute que ce nouveau modèle de salle de De plus, à l’instar des autres arrondissements pari- la rédaction de France concert proposé par la Philharmonie et le succès siens, la population s’accroît chaque année. Deux Musique. Retrouvez tous qui l’accompagne sauront résister au temps et mouvements se distinguent: d’un côté les jeunes les articles et concerts aux orientations politiques pour continuer à ins- familles CSP +, ceux qu’on qualifie de « bobos », de liés à la Philharmonie sur crire plus que jamais la musique classique dans la l’autre une paupérisation croissante, de nombreux francemusique.fr modernité. X Victor Tribot Laspière

58 Q CLASSICA / Septembre 2018 1979-2015 UNE HISTOIRE CONTRARIÉE

ocaux du Conservatoire de Paris, rue de Madrid, exigus; rêve de Pierre Boulez de voir Paris se doter d’un équipement simi- laire au Lincoln Center de New York: voici ce qui convainc Valéry Giscard d’Estaing, en 1979, d’ajouter une dimension musi- Lcale au grand projet de réhabilitation de La Villette. C’est ainsi que naît l’idée d’une Cité de la mu- sique, dont la construction sera décidée en 1981 par François Mitterrand, sous l’impulsion de Jack Lang. Quatre ans plus tard, l’architecte Christian de Portzamparc est désigné pour réaliser l’édifice. On anticipe la construction d’une grande salle de concert en laissant un espace vacant à proximi- té. En 1993, Jack Lang demande à Christian de

Portzamparc d’imaginer un auditorium. Mais la AFP Cité de la musique ainsi que le nouveau Conser- vatoire de Paris seront inaugurés en 1995, le Mu- en mars, suite à la décision du Président Nicolas C’est François sée de la musique en 1997, sans la grande salle Sarkozy de débloquer les fonds nécessaires. Le Mitterrand de concert initialement prévue. Néanmoins, ce coût est revu à la hausse pour 219 millions d’eu- qui lance le projet nouvel établissement culturel permet d’ouvrir ce ros et l’ouverture reportée à mars 2014. Le Sénat de la construction, quartier de Paris à la musique classique et sym- s’inquiète du suivi budgétaire. En 2012, l’estima- en 1981. Ici, lors phonique, grâce à la petite salle de concert de la tion est de nouveau revue à la hausse: 386,5 mil- de l’inauguration Cité de la Musique d’une capacité de 900 places. lions d’euros. La date d’ouverture est une nouvelle de la Cité de la Mais il faudra attendre 2001 et la nomination de fois reportée à janvier 2015. Pendant ce temps, la musique en 1995. Laurent Bayle à la tête de la Cité de la musique mairie de Paris annonce qu’elle ne paiera pas le pour que l’idée revienne dans les esprits. surcoût des travaux et veut même revoir sa parti- cipation au budget de fonctionnement à la baisse. BATAILLE POLITIQUE Laurent Bayle garde le cap et présente la toute Durant la campagne présidentielle de 2002, première saison en 2014. De son côté,Jean Nouvel deux candidats, Chirac et Jospin, inscrivent à leur estime ne pas avoir pu mener à bien son projet. La programme la construction d’une philharmonie. fin du chantier se termine sans lui et il refuse d’as- Rien ne voit le jour. En 2005, le Premier ministre sister à l’inauguration. Le 14 janvier 2015, la Phil- Dominique de Villepin décide la réouverture d’un harmonie ouvre ociellement ses portes, inaugu- Le chantier projet d’études pour construire un auditorium à La rée par François Hollande. Le coût total est estimé débute en 2009. Villette. Un an plus tard, le projet est ociellement à 534,7 millions d’euros, soit une augmentation de Il ne sera achevé lancé. En novembre 2006, l’association Philhar- 208 % par rapport aux prévisions initiales. X V.T.L. qu’en 2015. monie de Paris voit le jour, présidée par Laurent Bayle. Un concours international d’architecture est lancé dans la foulée, que remporte, le 6 avril 2007,Jean Nouvel. Son projet est chifré à 170 mil- lions d’euros et l’inauguration de la salle est an- noncée pour 2012. Mais dès 2008, les premières inquiétudes sur le coût réel et la date de livraison se font entendre. Alors que le chantier démarre en 2009, l’État annonce qu’il ne garantira pas l’em- prunt de 243 millions d’euros contracté au nom de l’association Philharmonie de Paris. L’arrêt des travaux est envisagé,les ministères de la Culture et du Budget n’arrivant pas à s’entendre sur le mode de financement. En 2010, d’avril à décembre, le chantier est au point mort. Début 2011, Bouygues

est choisi pour mener les travaux qui reprendront PHILHARMONIE DE PARIS

CLASSICA / Septembre 2018 Q 59 EN COUVERTURE I RENCONTRE Laurent Bayle LA FLAMME DU CAPITAINE Il a tenu bon malgré les écueils. Laurent Bayle, soixante-sept ans, est à la tête de la Philharmonie de Paris, un projet qu’il a longtemps porté, parfois seul contre tous. Trois ans après l’ouverture, il envisage l’avenir avec sérénité et évoque les prochains défis.

a Philharmonie a franchi le cap des 4 millions de visiteurs depuis son ouverture en janvier 2015. On ne peut plus parler d’eet de nouveauté ou de curiosité, c’est indéniablement un succès.

Quelles en sont les raisons? MESSINA P. LCela s’explique grâce à trois piliers: le lieu lui-même, le modèle et la dimension sociale. Si l’un des trois son compte. D’une certaine manière, quatre décen- avait manqué,cela n’aurait pas marché.Par exemple, nies après le Centre Pompidou, la Philharmonie malgré le modèle innovant que nous proposons, si propose un complexe similaire. Trois salles de l’acoustique de la salle n’avait pas conquis le public, concert, des salles de répétition, des ateliers pédago- cela n’aurait pas suffi.En 2007-2008,au moment où giques, un espace d’exposition, un musée, un centre le projet de la Philharmonie est né, les détracteurs multimédia où nos ressources numériques sont affirmaient que l’acoustique n’était pas un critère concentrées, des restaurants, etc. Le modèle du pour attirer le public. Ils prétendaient avoir déjà les Centre Pompidou est désormais banalisé, chaque salles adaptées: le théâtre des Champs-Élysées ou musée en France ou à l’étranger fonctionne plus ou la salle Pleyel. Pierre Boulez pensait que Paris devait moins de la même façon. La Philharmonie aura, je se mettre au niveau des grandes villes internatio- l’espère, la même influence. nales. On peut désormais le mesurer, cet argument Enfin, troisième élément, c’est la dimension sociale. de l’acoustique s’avère être un point déterminant Nous devons montrer que nous sommes capables de de l’attraction du lieu. trouver des réponses à la question de l’appropriation La question du modèle du lieu, là aussi, Pierre de la musique classique par certaines catégories so- Boulez l’avait pressentie. Le Centre Pompidou a ciales et par les centres urbains.Concernant le renou- totalement bouleversé les perspectives,en proposant vellement des publics,nous avons opté pour un travail un modèle pluridisciplinaire: collections, espaces de fond, à long terme. C’est ce qui nous a conduits à d’exposition, cinéma, ateliers pour les enfants, bi- créer les orchestres d’enfants, à mettre en chantier la bliothèque,pôle de spectacles,restaurant et librairie. Philharmonie des enfants, à nous inscrire sur tout le Cette multitude d’approches est moins intimidante territoire,et à proposer un modèle de week-ends pour pour les nouveaux publics où chacun peut y trouver les familles qui ne viennent pas la semaine.

60 Q CLASSICA / Septembre 2018 Dans votre réponse, il n’est presque pas profiter de la venue d’un chef avec un orchestre question de concerts. Comment pense- invité et de le garder pour diriger l’Orchestre de Paris t-on une programmation musicale qui tient dans la foulée. compte de toutes ces portes d’entrée? Où en êtes-vous dans la recherche Je me suis toujours beaucoup intéressé au rapport du successeur du directeur musical, entre un concert précis et le projet global de la Daniel Harding? structure. Comment vais-je habiter ce concert, Je cherche avant tout à avoir un dialogue avec les faut-il un récit, quelles thématiques vont le traver- musiciens. Et cela commence par avoir la certitude ser? En construisant le projet de la Philharmonie, que tout le monde s’entend sur ce qu’est le projet de j’ai pu penser la programmation pour un cadre la Philharmonie. Leur vision des choses est primor- plus large : en semaine, une succession de propo- diale pour moi. Concernant le profil du successeur sitions isolées, chacune ayant le potentiel de re- de Daniel Harding, on pourrait s’attendre à ce que cueillir son public propre et de remplir la salle ; le le modèle de la Philharmonie oriente les recherches week-end, je change de stratégie et je thématise l’offre pour dialoguer avec un public qui n’a pas forcément des références musicales profondes, mais qui peut entrer en résonance avec une pro- Mon idée est de faire dialoguer position associant d’autres champs que la musique une colonne vertébrale historique – la bande dessinée, le cinéma, un pays, etc. Mon idée est de faire dialoguer une colonne vertébrale à tendance classique avec une historique à tendance classique avec une culture d’essence plus populaire, comme le rock, la pop, le culture d’essence plus populaire jazz ou les musiques du monde, ayant plus de prise sur le public jeune. Il vous a été confié la mission d’intégrer vers des chefs modernes, et donc que l’on écarte les l’Orchestre de Paris, résident principal chefs plus ancrés dans la tradition. Mais ce sont ces de la Philharmonie, à l’horizon2019. derniers qui peuvent donner de bonnes bases, faire N’y a-t-il pas un risque qu’il se retrouve travailler le grand répertoire, indispensable à tout noyé dans ce navire gigantesque? orchestre de référence. La réponse à cette question À l’origine du projet, l’Orchestre de Paris devait en n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. C’est-à-dire faire partie. Puisque l’idée était de mettre Paris à la qu’il est possible qu’il y ait un directeur musical et hauteur des autres grands lieux musicaux mon- un chef principal invité, l’un plus moderne, l’autre diaux, cela ne pouvait pas se faire sans un orchestre plus traditionnel par exemple.Il ne faut pas que l’on de renommée internationale. L’objectif est de fonce tête baissée. En 2019-2020, nous allons bien permettre à l’Orchestre de Paris de se hisser parmi articuler la saison et gérer les invitations des chefs les orchestres de référence, encore davantage qu’ac- d’orchestre. Et nous ne savons pas encore si un tuellement. À l’image du Philharmonique de Ber- directeur musical sera nommé pour 2020-2021. Les lin, du Concertgebouw d’Amsterdam ou du Lon- observateurs ne manqueront pas en janvier-février don Symphony Orchestra. Si l’Orchestre de Paris £ PRÉCISION 2019 d’essayer de repérer les potentiels directeurs reste sous sa forme actuelle, un statut associatif qui Bruno Hamard, directeur musicaux.Cela fait partie du jeu.La commission qui est autonome dans sa programmation et dans sa général de l’Orchestre représente les musiciens de l’orchestre et moi-même gestion,ilyaunrisquequel’orchestre ne puisse de Paris depuis 2009, sommes d’accord sur les chefs que nous aimerions pas bénéficier totalement de la dynamique que a décidé de quitter son tester. Reste à voir qui sera libre, intéressé ou non. peut générer la Philharmonie. poste suite à l’annonce Votre mandat arrive à échéance en 2021... Mais il pourrait se trouver dans la position de la fusion de l’ensemble La Philharmonie porte des enjeux publics qui contraignante de devoir faire en fonction avec la Philharmonie. engagent l’État et la ville de Paris. La réponse de la programmation, et donc d’autres Opposé depuis le départ appartient aux tutelles. Après cette longue et orchestres invités. N’est-ce pas dangereux à cette restructuration, palpitante aventure,je suis concentré sur de nouvelles pour sa singularité et son identité? il n’a pas su prendre priorités: la démocratisation de la musique qui passe Non, car si nous travaillons avec l’orchestre comme l’ascendant sur Laurent par le déploiement national à venir des orchestres avec le reste des activités de la Philharmonie, nous Bayle, conforté d’enfants Démos et par le projet de création de pourrons anticiper davantage. Et c’est de la pro- par la réussite de plusieurs « Philharmonie des enfants »; celle, en- grammation de l’Orchestre de Paris que découlera la Philharmonie de Paris. thousiasmante, de l’intégration de l’Orchestre de le reste. Il faudra également donner du relief à la En juin dernier, il a été Paris. Nous mettons en place avec les musiciens une saison. Par exemple, jouer trois fois le même remplacé par Anne- dynamique qui favorisera à moyen terme le retour programme s’il est dirigé par un chef de prestige, Sophie Brandalise, de très grands chefs, l’émergence en parallèle d’une changer la disposition de la salle pour un concert auparavant directrice nouvelle génération d’artistes et des partenariats novateur à destination des jeunes, etc. Cette générale adjointe renforcés avec les institutions internationales anticipation nous permettra, par exemple, de de l’Opéra de Bordeaux. majeures. X Propos recueillis par Victor Tribot Laspière

CLASSICA / Septembre 2018 Q 61 EN COUVERTURE I REPORTAGE SDP Découverte L’EMPIRE DES SIGNES L’exploration à Tokyo du Bunraku, du Gagaku, du Buyo est l’occasion de rencontrer d’éminents musiciens qui s’apprêtent à faire découvrir à la Philharmonie de Paris, du 3 septembre 2018 au 10 février 2019, l’art subtil et codifi é des musiques traditionnelles japonaises.

n arrivant à Tokyo, tout de Ci-dessus : théâtre de Tessen-Kai, dans le sud d’Aoyama suite un sentiment de raffine- Bunraku, le théâtre –quartier de la « montagne bleue »–, on donne ment envahit les sens, dans traditionnel un spectacle de l’ancestral nô. En introduction cette société faite d’une mul- de marionnettes. une courte pièce kyogen est jouée, versant co- titude de signes ineffables et Certaines des plus mique du théâtre traditionnel, qui en parodie sa contradictoires. Le gigantisme spectaculaires dimension surnaturelle sur fond de satire de la architectonique ultra- sont des histoires vie quotidienne. Un diable séduit une mère de moderne s’impose, contreba- de samouraïs. famille et se propose de l’aider, pour finalement Elancé par la persistance d’une tradition séculaire, se raviser et décider de manger son enfant, le faite de rites minuscules codifi ant la société. Au trouvant appétissant. Cette réjouissante scène

62 Q CLASSICA / Septembre 2018 burlesque est jouée par des acteurs masqués, ponctuée par les onomatopées de récitants et des percussions arythmiques. La représentation de nô, plus cérémonieuse, scinde gestes, texte et musique, mais génère un intense mouvement circulaire d’une expressivité flirtant avec la mys- tagogie. Les acteurs masqués, aux costumes somptueux, sont au centre de la scène, quatre musiciens au fond, une flûte (fue), un tambour sur hanche (o-tsuzumi), un petit tambour à l’épaule (ko-tsuzumi), et un grand tambour (taiko). Le chœur des récitants se positionne à droite de la scène. L’histoire sinueuse, provenant de chroniques versifiées anciennes, provoque les pantomimes des acteurs et les interjections psal- modiées des récitants. Les percussions aux rythmes non périodiques et la flûte forment une matière hypnotique d’un onirisme envoûtant. Multipliant les apparitions de fantômes, la di- mension surnaturelle du nô apparaît aussi dans l’aspect extatique de sa matière musicale. Avant d’être un théâtre musical, le nô était une fête vouée à divertir les divinités.

CONTEMPORAINS DE BACH Seikin Tomiyama, Trésor national vivant, reçoit

avec générosité en compagnie de son fils, dans sa SDP maison emplie d’un esprit zen suscitant harmo- nie et concentration. Musicien virtuose du koto, Le Jardin japonais, par la compagnie TPO, longue cithare d’environ 1,80 mètre à treize à découvrir à la Philharmonie de Paris, cordes, et du shamisen, luth à trois cordes, il a les 9 et 10 février 2019. été initié à la musique par son père – un grand compositeur qui sut surmonter sa cécité pour valoriser et transmettre le Jiuta, genre musical ne pas appartenir à une famille de musi- anciennement réservé aux aveugles. ciens, nous confiant s’être formé par SDP Tomiyama a lui aussi transmis son savoir à l’écoute intensive, puis en se produisant son fils devenu son élève. Il joue des pièces devant un maître qui l’accepta. Son cas est remontant au XVIe siècle évoquant la nature et rare, car souvent les musiciens traditionnels les sentiments, provenant d’un répertoire collec- japonais descendent de lignées dépositaires té par un moine bouddhiste. Toutes ces musiques d’un savoir immémorial transmis de père en fils. de tradition orale sont en train d’être unifiées par Affable et disert, il explique en riant que le Bunraku écrit afin de préserver leurs existences, mais pour Trésor national le plus prisé raconte des histoires de suicides de lui la transmission orale avait ses vertus, notam- vivant, samouraïs datant de l’époque d’Edo (XVIIe siècle). ment la possibilité de modifier l’interprétation. Seikin Tomiyama, Tomisuke Toyozawa, joueur de shamisen, détaille Ce maître avenant nous joue au koto une pièce joueur de koto. les trois niveaux sonores qu’impliquent les trois contemporaine de l’époque de Bach, et curieuse- cordes de son instrument: la résonance, la com- ment on y retrouve la clarté contrapuntique, la plexité des sons, l’accompagnement de la projec- sérénité souveraine propre au Cantor de Leipzig. tion vocale. Lorsque le spectacle commence, OOO Son fils interprète une pièce de shamisen tout en s’accompagnant à la voix, faisant surgir par son chant une méditation tout intériorisée. En arrivant au Théâtre national, dans les hauteurs Toutes ces musiques excentrées du quartier d’Hayabusacho, la perpé- tuelle impression d’étrangeté de la ville prend la de tradition orale sont en train forme d’une vue dégagée sur le vaste et secret domaine du Palais impérial. À la buvette, Take- d’être unifiées par écrit afin moto Chitosedayu, récitant de Bunraku [type de théâtre utilisant des marionnettes NDLR], avoue de préserver leurs existences

CLASSICA / Septembre 2018 Q 63 EN COUVERTURE I REPORTAGE SDP SDP trois narrateurs et le joueur de shamisen campent Renjishi (Deux lions). visibles en train de les animer. « Le Bunraku ne sur la droite de la scène ; à l’arrière, des décors Danse populaire pratique ni l’occultation ni la manifestation empha- épurés représentent un océan et quelques arbres; du théâtre kabuki, tique de ses ressorts; de la sorte, il débarrasse l’ani- devant agissent les marionnettes qui sont des interprétée mation du comédien de tout relent sacré, et abolit le poupées géantes, chacune mue par trois hommes pour la première fois lien métaphysique que l’Occident ne peut s’empêcher visibles. Le maître marionnettiste au visage décou- en 1872. d’établir entre l’âme et le corps, la cause et l’effet […], vert actionne le haut du buste de la marionnette et si le manipulateur n’est pas caché, pourquoi, son bras droit, ses deux aides, entièrement voilés comment voulez-vous en faire un Dieu?», remarqua de noir, meuvent l’un le bras et la main gauche, judicieusement Roland Barthes. l’autre les jambes. Ainsi s’opère une séparation fascinante des trois écritures mises en scène: les musiciens et les récitants sur le côté, les marion- INCANDESCENCE nettes figurant l’action, leurs manipulateurs En pénétrant dans le parc du Palais impérial, après un contrôle minutieux des autorisations officielles, l’intérieur du centre invisible de Tokyo enfin s’ouvre à nous, présence escamotée d’un vide La complexité rythmique du autour duquel s’organise toute la ville.Au pavillon de musique du Palais, trois musiciens du Gagaku Gagaku, venant d’une tradition impérial jouent une séquence d’introduction. Le sho est un orgue à bouche, dix-sept tubes en chinoise millénaire, fascina Britten, bambou, quinze becs en cire à réchauffer avec des braises, pour accorder et ajuster la tonalité et Messiaen, mais aussi Boulez trouver une harmonisation sur laquelle

64 Q CLASSICA / Septembre 2018 YOSHIHIRO MAEJIMA

s’adjoignent le hichiriki, « hautbois », et le ryuteki Ci-dessus à gauche : par son architecture brutaliste rappelant les utopies « flûte », porteuse de la mélodie principale. Le Fujimusume (jeune esthétiques révolues du béton. Dans la grande salle, directeur musical, Hiroaki Togi, issu d’une pres- fille à la glycine), un spectacle de Buyo est l’occasion pour de nom- tigieuse famille de musiciens de Gagaku, se danse créée en 1826. breuses spectatrices de venir en kimono, et ainsi souvient de la création d’une pièce que À droite : Masakuni honorer cette danse traditionnelle associant mu- Stockhausen écrivit pour le Gagaku impérial en Asami interprète sique et pantomime. Des démons désirant sympa- 1977. La complexité rythmique du Gagaku, tout Aoi No Ue, théâtre thiser avec des hommes qui ne le souhaitent pas à la fois ensemble instrumental et musique de cour nô, d’après introduisent les numéros de danses, en burlesques venant d’une tradition chinoise millénaire, fascina Le Dit du Genji. maîtres de cérémonie. Des hommes travestis en Benjamin Britten, Olivier Messiaen, mais aussi Ci-dessous : geishas, trois joueurs de shamisen et trois chanteurs Pierre Boulez. C’est d’ailleurs en hommage au le Trésor national parachèvent cette surréelle dérive des hommes et créateur du Marteau sans maître qu’Emmanuel vivant, Man Nomura, des dieux, histoire pleine de bruit et de fureur et Hondré, directeur du département concerts et dans la pièce qui ne signifie rien, songe apparaissant sans autre spectacles de la Philharmonie de Paris, a conçu ce kyogen (comique) motif que sa présence, puis disparaissant. X cycle de musique traditionnelle japonaise à La Vil- Futari bakama. Romaric Gergorin, envoyé spécial à Tokyo lette. Dans cette veine moderne, l’Ensemble Rei- gakusha nous fait découvrir des pièces de Gagaku actuel, dont les scansions vocales saccadées évoquent l’incandescence du parlé/chanté de Noces et de Threni de Stravinsky.

HOMMES EN GEISHAS Dans cette volonté de renouvellement des formes, Eitetsu Hayashi se révèle être un modernisateur actif du taiko. Pendant notre rencontre dans le quartier sophistiqué de Ginza, cet énergique mu- sicien nous explique s’astreindre à élargir jusqu’à la modernité la plus tranchante le répertoire de ce tambour venu de Chine et de Corée au VIIe siècle. Il n’hésite pas à glisser une œuvre de Satie dans ses concerts, commande des œuvres nouvelles et en écrit lui-même, s’inspirant d’artistes comme Manet, Foujita, Joseph Cornell. De retour au Théâtre national, nous retrouvons cette irréelle atmosphère hors du temps, infusée SDP

CLASSICA / Septembre 2018 Q 65 PASSION MUSIQUE D’OLIVIERBELLAM

L’invité du mois À L’OCCASION GÉRARD DE SES CINQUANTE ANS DE CARRIÈRE, L’AUTEUR, COMPOSITEUR, MANSET INTERPRÈTE, eethoven est le Ma mère était violoniste, mais L’important, c’est l’harmonie. ÉCRIVAIN, plus grand.Son elle a arrêté quand elle a eu On en revient à Beethoven. Je PHOTOGRAPHE, Concerto pour des enfants. Nous étions très l’admire, mais il ne m’impres- violon, son proches. Elle me soufflait des sionne pas. Je fais comme lui. PEINTRE, GÉRARD Triple Concerto, poèmes à l’oreille. Mon bril- Je mets trois jours à lire quatre MANSET REVIENT son Ouverture lantissime frère aîné écoutait mesures de sa musique,mais je BLéonore III sous étiquette du de la musique classique toute le fais. Un jour, j’irai Là-Haut SUR LES GRANDS Cadre rouge (EMI) ont ber- la journée. J’en récoltais les et on discutera ensemble. Je CLASSIQUES QUI cé mon enfance. Mon érudi- miettes. C’est à lui que je dois le sais. D’ailleurs si Dieu me ONT INFLUENCÉ tion est assez succincte, mais l’essentiel de ce qui m’habite. donnait quatre ou cinq vies SA VIE. EN le peu que j’ai appris, je m’en Je lis Balzac comme s’il était à de suite et que je travaillais, je souviens toujours. Il y a chez côté de moi. Je me sens proche serais Beethoven. Alors que je PREMIER LIEU: Beethoven une dimension,une de lui. Certaines pages me font ne pourrais pas être Brahms BEETHOVEN. épaisseur, une organisation pleurer. La littérature contem- ou Bonnard. Mais Hugo, Bal- mathématique qui m’émer- poraine est illisible pour moi. zac, Beethoven, oui. Nerval, veille. J’aime moins Bach. Je La littérature étrangère aussi, c’est plus difficile. Jamais je ne suis très sensible à Brahms. Je à cause des traductions. C’est pourrais être Maupassant. Il a suis pour les grandes masses, la langue qui m’intéresse. La une fêlure qui ne le rend pas pas les petits dessins dans les place d’une virgule. La forme. rationnel.Je ne dirais pas « mal- coins. Donc Balzac, Zola, et Le fond, on s’en fiche, tout le sain » mais « fêlé », avec une lo- Beethoven. monde pense à peu près de la gique trop intime et qui ne peut Enfant, j’étais un bricoleur ra- même manière. s’imiter. Brahms, c’est pareil. tionnel. Je lisais très peu, ce qui Mon tube Il voyage en solitaire ne m’empêchait pas d’écrire. PLUTÔT CLASSIQUE me définit bien. Je n’ai pas J’ai commencé à lire vers La poésie contemporaine honte du succès, même si j’ai quarante ans.Auparavant deux m’ennuie. Aller à la ligne, tous fait des albums conceptuels Retrouvez poèmes de Victor Hugo lus en ces enfantillages, on s’en fiche. plus poussés comme La Mort OLIVIER classe de cinquième ont suffi Je suis un classique. Du reste, d’Orion. BELLAMY à tout faire exploser en moi, à je suis pour le pair, pas pour On travaille, on écrit, et puis et son invité dans « Passion Classique » tout remettre en question. Pas l’impair. Je ne dis pas qu’un la grâce daigne arriver. On est tous les jours, Arthur Rimbaud, non. Victor peu d’impair, de temps en stupéfait par dix lignes, ras- de 18 h à 19 h Hugo,Leconte de Lisle, oui. J’ai temps,ne donne pas une bouf- suré, car on n’est pas loin de fait comme eux. fée d’air pur, mais c’est tout. Proust. On a pris une beigne,

66 Q CLASSICA / Septembre 2018 car on sent bien au fond de soi qu’une force supérieure a écrit à notre place. Certains s’en contentent. Pour moi, le tra- vail commence en remettant tout le reste à niveau… La Sonate à Kreutzer de Bee- thoven est une montagne. Je peux la chanter par cœur du début à la fin, même si je ne l’ai pas entendue depuis cinquante ans.La déchirure du violon me transperce le cœur. C’est un si grand sommet que la Sonate Clair de lune apparaît presque triviale en comparaison. Tout le monde joue à peu près du piano, mais tout le monde ne peut pas jouer du violon. D’ailleurs je n’entends rien aux nuances entre les différents pianistes. Les violonistes si. Les élus sont plus rares. Je n’écoute plus de musique depuis longtemps. Mes en- ceintes sont tombées en panne, on est passé au numérique, le son est très métallique, tout est très compliqué… Je pourrais m’offrir une nouvelle chaîne et l’écouter sur mon canapé, mais je n’ai pas le temps. VISUEL ETABSTRAIT Gagner du temps est possible

avec la technique.Ce qu’on fai- MARC CHARUEL. sait en un mois et demi avec uneéquipeilyatrente-cinq une mélodie sur son ordina- temps. Ça peut paraître pré- ans, on le fait en dix minutes teur, mais tout le monde n’est tentieux,ça ne l’est pas du tout. Ses seul chez soi grâce à un logiciel. pas Beethoven. Alors que tout Dans le sens où ce n’est pas le Mais, pour quelqu’un comme le monde peut être Bacon. plus doué qui réussit à traver- musiques moi, tout se complique avec Son talent, c’est d’avoir réussi ser le torrent.Quelquefois,c’est la multiplicité des possibilités. à être Bacon le premier, c’est juste un gosse qui trouve les Z Car je reconstruis, je recom- tout. Giacometti pareil. Tout trois bonnes pierres. Valse triste pose,je découpe,je rééquilibre, le monde peut dessiner, mais Je me méfie des correspon- de Jean Sibelius j’affine. C’est sans fin. tout le monde ne peut pas être dances entre les arts.Un peintre Z Ouverture Leonore 3 Il faut une technique pour Ingres. Ce n’est pas de la pro- et un compositeur n’ont rien à de Beethoven créer. Certains jazzmen sa- vocation, c’est ainsi que je vois voir. Le premier est dans le vi- Z Sonate à Kreutzer vaient tout à la naissance, les choses. Si je n’ai qu’un seul suel, l’autre dans l’abstraction. de Beethoven mais c’est rarissime. Tout le talent, c’est qu’on ne me fait Et puis le compositeur répond Z Double concerto monde peut écrire, mais tout pas prendre des vessies pour à une commande. On n’écrit pour violon et violoncelle le monde n’est pas Stendhal. des lanternes. Je pourrais pas une symphonie en se le- de Brahms Tout le monde peut bidouiller l’expliquer, mais je n’ai pas le vant de bon matin. Un qua- tuor pour des amis à la rigueur. Ses Rien à voir avec l’écrivain qui travaille chaque jour et dont madeleines la main commande l’esprit. « Je suis très sensible Quant au cinéma, c’est très en deçà de tout cela. Ce n’est Z Knock On Wood à Brahms. Je suis pour les pas l’œuvre d’un homme, d’Amii Stewart grandes masses, pas les petits mais d’une équipe. Que fe- Z Gimme! Gimme! de Abba rait Orson Welles tout seul ? Z Hot Stu de Donna dessins dans les coins » Il serait Marguerite Duras. X Summer

CLASSICA / Septembre 2018 Q 67 L’ENTRETIEN Paul Badura-Skoda LE MAÎTRE DU TEMPS Viennois, le pianiste a été profondément poubelle.Aujourd’hui, j’estime que l’on peut faire de la musique sur n’importe quel instrument marqué par les années de guerre et pourvu qu’on comprenne ce qui s’exprime en profondeur, l’esprit. Mais il est bon d’avoir été l’efacement de toute culture et civilisation aventureux, car même un clavecin recèle des lors de la Deuxième Guerre mondiale. nuances qui échappent à la sonorité un peu inco- lore du piano moderne. Grâce à ma fréquentation À quatre-vingt-onze ans, il évoque des instruments anciens, j’ai pu réaliser au piano sa longue carrière, conjuguant plus que moderne des nuances, des couleurs (surtout dans le non-legato) et de la clarté dans les graves qui jamais le passé au présent. m’avaient échappé auparavant. Pour ce qui est de la sonorité chantante, le piano moderne demeure incomparable, mais les deux directions se révèlent complémentaires. Si naître en Île-de-France n’incite pas à ous allez bientôt fêter comprendre Debussy, existe-t-il cependant BIOGRAPHIE vos quatre-vingt-onze un esprit viennois que l’on pourrait traduire EXPRESS ans, et vous sourez, par un mélange de fantaisie, de culture, 1927 si je puis le dire, d’enthousiasme, qu’on aurait tort de ne pas Naissance à Vienne d’une grave maladie protéger? 1949 qui ne vous empêche Dans les concours internationaux, on se rend bien Troisième prix au ni de poursuivre votre compte qu’il est, de plus, difficile de distinguer les concours Long-Thibaud. Est engagé carrière, ni de vous Coréens, des Russes, des Italiens. Pour ce qui est comme soliste projeterV dans l’avenir avec un feu renouvelé. des caractères de ma patrie, je suis toujours heu- par Furtwängler Est-il possible que cette maladie vous reux de les transmettre à des personnalités aussi et Karajan rapproche plus encore de compositeurs différentes que Jorge Luis Prats ou Jean-Marc 1957 auxquels vous avez dédié votre vie et qui Luisada, pour ne citer qu’eux, car une partie des Publie L’Art de jouer Mozart au piano ont tant souert eux-mêmes? secrets de la musique s’y trouve. Des secrets de 1967/1968 Je suis tout à fait d’accord avec vous. La maladie poésie qui nous procurent une profonde émotion Enregistre l’intégrale me fait sentir proche de la mort et, même si je suis et que l’on peut retrouver à loisir dans ces films des Sonates de heureux d’être toujours en vie, si je ressens chaque anciens… où l’on fume beaucoup. Quant à la Schubert pour RCA jour comme une joie, je crois que je comprends musique française, j’ai toujours ressenti de grandes 1970 Créé le Deuxième encore mieux la souffrance et l’angoisse qui s’ex- affinités avec cette culture. Du reste, le français est Concerto pour piano priment dans certaines œuvres de Schubert, mais la première langue que j’ai désiré apprendre. Il y a et orchestre aussi la pensée sublime du dernier Beethoven où dans le fameux « Rien qui pèse » de Verlaine un de Frank Martin il dépasse toute la souffrance humaine. Je crois, en mantra pour toute la musique. 2008 effet,quejemesuisrapprochédecela. Il m’a toujours semblé entendre Publication Au cours de votre riche et belle carrière, vous une consonance entre l’esprit autrichien de Être musicien (Hermann). avez autant joué sur instruments modernes et l’esprit français qui passerait à part que sur instruments d’époque. Diriez-vous de l’esprit allemand… une légèreté que ce va-et-vient permanent fut bénéfique qui n’exclurait pas la profondeur… pour votre approche des œuvres? Cette parenté existe déjà dans la langue, car, plus Absolument. C’est la curiosité qui m’a fait m’in- que les Allemands, les Autrichiens possèdent de téresser aux instruments anciens. Enfant, je ne nombreux mots français dont certains sont même connaissais que le piano moderne et je pensais désuets et ont disparu de votre vocabulaire comme que le pianoforte était bon pour le musée ou la « blamage » par exemple. OOO

68 Q CLASSICA / Septembre 2018 JEAN-BAPTISTE MILLOT.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 69 L’ENTRETIEN

Pour reprendre le titre d’un de vos livres, tandis que lui demeure. Mais il avait aussi, dans ses qu’est-ce que « être musicien » pour vous bons jours, une technique éblouissante, à une aujourd’hui? époque où l’on ne pouvait pas tricher. Le disque C’est offrir une partie de sa vie pour comprendre ce aujourd’hui, même soi-disant « live », est une qu’un grand compositeur vivant ou mort a voulu plaisanterie en comparaison. Savez-vous que lors dire par sa musique. Dans l’opéra, on le distingue du fameux concert du retour d’Horowitz à bien, mais dans la musique instrumentale la pro- Carnegie Hall, il avait fait plein de fausses notes messe d’universalité est indissociable d’une ambi- dans la partie (impossible) de la Fantaisie de guïté et d’un mystère qui tiennent à l’abstraction de Schumann et qu’il a passé la nuit suivante à les notre art. Mais je ne pense pas que ce mystère can- corriger? Pour ma part, quand mes doigts tombent tonne la musique à un public de mélomanes,rompus à côté, ça ne me gêne pas si le souffle et le fil à la tradition. Non! De petits enfants peuvent être conducteur sont là. J’ajoute à ce propos que j’ima- émus aux larmes par un mouvement lent de gine un Adagio de Beethoven ou de Schubert Schubert, car c’est un langage de poésie. comme le plan d’un jardin que j’adapte en fonction Quel souvenir gardez-vous de votre maître de ma perception du temps. À cet égard, le plus Edwin Fischer? important et le plus difficile, c’est de maintenir C’était un être doté d’une énorme vitalité qui l’unité dans ce luxe d’informations, en évitant de pouvait perdre ses moyens à cause du trac lui créer une suite de petits bouts comme on en entend imposant une pluie de fausses notes. Quand il se même chez de grands pianistes. laissait emporter par l’esprit de la musique, il Que vous a transmis Wilhelm Furtwängler? pouvait même réaliser le contraire de ce qu’il venait J’ai joué le Concerto pour deux pianos de Mozart d’enseigner à ses élèves ou de ce qu’il avait répété (avec Dagmar Bella qui était une très bonne pia- avec l’orchestre… Charge aux meilleurs des musi- niste) et le Concerto en mi bémol K.482 (je préfère À NOTER ciens et aux plus flexibles d’entre eux de le suivre l’appeler ainsi plutôt que Concerto n°22) sous sa dans cette échappée belle. Avant de le rencontrer, direction. Il avait l’âge d’être mon grand-père, mais Z Difusion intégrale j’ai connu Fischer par son disque de la Sonate il m’a ôté tout trac en me considérant tout de suite de l’interview de Paul « Appassionata » où l’on avait vraiment l’impres- comme un collègue, et même un… copain. C’était Badura-Skoda dans « Passion classique » sion (même physiquement) que c’était Beethoven incroyable. Il m’a demandé quel tempo je voulais, d’Olivier Bellamy qui jouait. Il me reste l’image d’une grande sensi- et tout l’Orchestre philharmonique de Vienne a le vendredi 21 septembre bilité, d’une puissance colossale et d’un grand suivi comme un seul homme. à18h sur Radio Classique amour qui était le cœur de sa nature profonde. La Qui doit avoir le dernier mot, le soliste chose la plus importante qu’il m’ait transmise, c’est ou le chef? que chaque interprétation est un acte d’amour Un concerto, c’est de la musique de chambre en qu’on donne à l’auditeur ; c’est la plus grande nombre un peu plus important. Le soliste est le inspiration de toute ma vie. primus inter pares, mais il faut dialoguer. C’est ainsi On dit parfois que Fischer ne passerait pas que je vois les choses. Karajan pensait que le soliste les éliminatoires d’un concours aujourd’hui. devait suivre le chef, mais c’était Karajan. Cela dit, à Notre religion de l’infaillibilité n’est-elle pas l’écoute sur un disque, je n’aime pas quand le soliste inspirée par le diable? est trop en avant.Il y a cinquante ans,on n’entendait Vous le ressentez aussi ? L’angoisse de jouer une que le piano avec une grosse masse informe au fond. note ratée fait bien des ravages, mais le bon doigt Vous souvenez-vous de vos concertos sur la bonne touche n’inspire en rien la juste de Beethoven avec Hermann Scherchen? sonorité et l’exact sentiment. J’ai retrouvé une C’était pour la firme Westminster qui recherchait lettre d’Edwin Fischer où il écrit qu’il a passé à « the natural balance » dans des prises de son Saint-Pétersbourg le premier et dernier concours extraordinaires. Les disques que j’ai enregistrés de son existence tant il avait mal au cœur d’en- alors m’ont apporté un succès dans le monde tendre des gens jouer beaucoup mieux que lui. Et entier.La première fois que j’ai joué avec Scherchen, il ajoute avec malice qu’au moment où il écrit ces c’était dans le Concerto n°5 de Beethoven. J’avais mots, tous ces pianistes « parfaits » ont disparu vingt-quatre ans et paraissais beaucoup plus jeune.

Pour ma part, quand mes doigts tombent à côté, ça ne me gêne pas si le souffle et le fil conducteur sont là. J’imagine un adagio de Beethoven ou de Schubert comme le plan d’un jardin que j’adapte en fonction de ma perception du temps

70 Q CLASSICA / Septembre 2018 ERICH AUERBACH / HULTON ARCHIVE / GETTY IMAGES ERICH AUERBACH / HULTON

Il m’a regardé avec méfiance, mais dès le début de où Mozart n’a eu le temps d’écrire que la main 16 novembre 1959. la cadence qui ouvre l’œuvre il a été rassuré et m’a droite. Quand j’étais jeune, on disposait d’une Récital considéré avec respect. Jusqu’à la fin de sa vie, il édition complétée par des dilettantes, si bien que, à l’ambassade m’a témoigné de l’amitié, venant m’écouter en fort d’avoir étudié une grande partie de la musique autrichienne récital, par exemple au San Carlo de Naples, et de Mozart, je me suis attelé à la tâche pour rétablir de Londres. prolongeant ce moment par un dîner toujours l’intégrité de la main gauche manquante. Ça m’a agréable et joyeux. Je me souviens qu’il m’avait pris dix ans et je suis assez fier du résultat. demandé, lors d’une répétition, si j’avais fait de la Scott Ross disait qu’il pouvait écrire composition. J’en ai été très flatté. J’ai effective- une ou deux sonates de Scarlatti après ment composé, étudié l’harmonie, le contrepoint, avoir enregistré l’intégrale. et ça m’a servi à exercer mon métier. J’ai même eu Pourquoi pas ! L’important, c’est d’approcher un 2e prix de composition au Concours Long- l’esprit. Quand je joue Bach, je deviens une autre Thibaud avec mon Élégie et une sonate pour flûte personne, mais en restant une personne de mon et piano. Ça m’a surtout servi à terminer certaines époque. C’est pourquoi je n’ai jamais aimé l’idéo- œuvres inachevées de Schubert et de Mozart sans logie « baroqueuse » qui plaide pour une authen- qu’on sache – et c’est là ma fierté – où finissait ticité douteuse en vue de retrouver le son d’antan. Schubert et où commençait Badura-Skoda. Prin- Comme disait mon ami Friedrich Gulda: «Onne cipalement dans le Concerto « du Couronnement » joue pas pour un public du XVIIIe siècle. » OOO

CLASSICA / Septembre 2018 Q 71 L’ENTRETIEN SDP

« Grâce à ma Dans vos enregistrements sur instruments n’avaient pu les détruire. C’est d’ailleurs la vraie fréquentation des anciens, on oublie l’instrument. raison pour laquelle je suis devenu musicien – alors instruments anciens, Ah merci! C’est ce que voulait Fischer aussi. On que je me destinais à une carrière d’ingénieur dans j’ai pu réaliser au doit parfois entendre un violon ou une trompette les sciences naturelles – le jour où j’ai senti que la piano moderne dans le piano. musique possédait le pouvoir de donner un sens des nuances, des Qu’avez-vous ressenti en jouant sur un piano aussi profond à l’existence que la religion, et, couleurs (surtout ayant appartenu à Mozart? puisque je jouais du piano, j’ai pu ainsi trouver ma dans le non-legato) Une émotion indescriptible. J’ai visité la maison vraie vocation. et de la clarté dans de sa naissance et, comme on connaissait mon Avez-vous ressenti cela aussi en jouant avec les graves qui travail, on m’a autorisé à jouer sur son pianoforte. David Oistrakh? m’avaient échappé J’ai été l’un des premiers, c’était en 1965, et songer Ah oui… Il m’avait choisi comme partenaire et non auparavant. » qu’il improvisait sur ce clavier m’a bouleversé. comme accompagnateur,alors qu’il avait l’âge d’être Ensuite Robert Levin a réalisé ses enregistrements. mon père. La première fois, il a exigé une semaine Diriez-vous que les émotions contenues de répétition.Puis,comme tout se passait bien,nous dans la musique permettent non seulement avons remplacé les répétitions par des parties d’oublier la sourance, mais aussi de la d’échecs au cours desquelles il m’écrasait à plates vaincre? coutures. Ça m’émeut d’avoir été son dernier parte- Je l’ai ressenti pendant cette horrible guerre qui a naire de récital en mai 1974. J’ai heureusement pu effacé l’Autriche du monde pendant huit ans, qui retrouver la bande du concert et la faire éditer. a détruit la culture et la civilisation occidentales, et Qu’est-ce qui est le plus important dans qui a persécuté les Juifs. Ma mère était juive, j’ose ce que vous nous laisserez après votre mort? le dire, pourquoi pas, et nous avons réussi à sur- Vos disques, vos livres, vos concerts, vivre, en nous cachant, de sorte que nous subis- vos cours dans le cœur de vos élèves? sions les persécutions nazies et les bombardements Comme dit le poète, l’espérance d’avoir contribué à des Anglo-Américains. J’ai alors compris en restant rendre notre planète la Terre un peu plus belle. X vivant que des valeurs éternelles restaient debout Propos recueillis par Olivier Bellamy, puisque ni la barbarie ni les bombardements le 7 juin 2018, à Fontenay-sous-Bois

72 Q CLASSICA / Septembre 2018 Le Barbier de Séville Jonas Kaufmann Paul Daniel Justin Peck La Walkyrie Renée Fleming Leonidas Kavakos Angelin Preljocaj Manon Sir Bryn Terfel Raphaël Pichon Jan Fabre La Périchole Natalie Dessay Daniel Barenboim Olivier Py Carmina Burana Nadine Sierra Renaud Capuçon Laurent Pelly La Fille mal gardée Julie Fuchs Henri Demarquette Katie Mitchell Notre-Dame de Paris Marc Minkowski Chick Corea Carole Bouquet … Gregory Porter …

Création graphique : Marion Maisonnave d’après un dessin de Lou-Andréa Lassalle - Opéra National de Bordeaux- Nos de licences : 1-1073174 ; DOS201137810 - Juillet 2018 COMPOSITEUR François Couperin FENÊTRE SUR COUR Trois cent cinquante ans après sa naissance, que reste-t-il de Couperin le Grand ? La grâce d’un maître du clavecin, compositeur aussi noble que prolixe, symbole du siècle de Louis XIV et auteur des sublimes et indispensables Leçons de ténèbres.

asard des célébrations : les À RETROUVER d’une âpre audace. Charles succède à Louis. Marié à années 2018, 1668, 1918, SUR LE Marie Guérin, ille d’un barbier de la Grande Écurie voient Couperin et Debussy du roi, il a un fils unique, François. L’année 1668 jouer de concert. Claude de amorce la décennie jupitérienne du règne. Vigarani France révérait Couperin le CD et Lully orchestrent les fêtes du premier Versailles, Grand. Dans sa relation CLASSICA La Fontaine publie ses Fables, Molière joue d’Hippolyte et Aricie (Figaro, Amphitryon et L’Av a r e . 8 mai 1908), Debussy note : H« Pourquoi ne pas regretter cette façon charmante d’écrire la musique que nous avons perdue, aussi bien BIOGRAPHIE BOURGEOIS GENTILHOMME qu’il est impossible de retrouver la trace de Couperin ? François, lui, reçoit des leçons de son père et de Elle évitait toute redondance et avait de l’esprit ; nous EXPRESS Jacques homelin, organiste à Saint-Germain-des- n’osons presque plus avoir de l’esprit, craignant de 1668 Prés, Saint-Jacques-de-la-Boucherie et, par quartier, manquer de grandeur, ce à quoi nous nous essoulons Naissance le 10 novembre à la Chapelle royale. Il a onze ans quand Charles à Paris sans y réussir bien souvent. » Un même esprit français, 1689 disparaît. Déjà très doué au clavier, il est cependant coulant, gracieux, à la mélancolie pudique, court des Titularisé comme organiste trop jeune pour remplacer son père. Les organistes Ordres (1713-1730) aux Préludes (1913). Le mouve- à Saint-Gervais de Paris lui trouvent alors un subterfuge. De La- ment baroque a retrouvé la trace des Couperin. C’est 1690 lande, titulaire de Saint-Paul, le prend sous son aile. une vraie dynastie que ces Franciliens natifs de Parution des deux Il se charge de la régence du poste, en laissant le Messes d’orgue Chaumes-en-Brie, dans le bailliage de Melun. Leur 1714 champ libre au garçon à qui des dons exceptionnels entrée dans l’histoire s’effectue avec trois frères : Leçons de ténèbres ouvrent les salons du Marais. En 1689, Saint-Gervais Charles, Louis et François. Ils sont ils de Charles 1716 titularise François à quatre cents livres l’an. Des l’Ancien, vigneron, musicien et tailleur d’habit, lui- L’Art de toucher le clavecin oreilles averties l’ont entendu élaborer ses Messes même ils de Mathurin Couperin, procureur iscal 1724 d’orgue à l’usage des paroisses et pour les couvents. Les Goûts réunis et sonneur d’instruments. Leur voisin Jacques 1733 Elles paraissent en 1690. Couperin a vingt-deux ans. Champion de Chambonnières, joueur d’épinette de Meurt le 11 septembre Ce sont deux monuments d’intensité et de pudeur, la Chambre du roi, les a entendus et goûtés. Jugés à Paris qui résument un siècle et en décorent déjà un autre. excellents aux claviers comme aux violes, ils prennent Dans une période qui ne manque pas de tempéra- le chemin de Paris. On peut encore les retrouver dans ments organistiques, tel l’orageux Louis Marchand, l’îlot médiéval de la paroisse Saint-Gervais. Le l’écriture saisit et anticipe. L’édition à compte d’au- logement de fonction des Couperin est au 4, rue CONCERTS teur trouve son chemin pour Versailles. En 1693, François-Miron, son jardin visible depuis la grille du Z Pour les 350 ans de Couperin est entendu par le roi et nommé orga- 23, rue des Barres. L’orgue de la dynastie parle sa naissance, le Château niste par quartier de la Chapelle royale. Ses revenus davantage. L’instrument, un seize-pieds en montre, de Versailles propose passent à six cents livres. François en attrape, entamé par hierry et couronné par Cliquot, nous quatre concerts illustrant comme Lully, le complexe du bourgeois gentil- son œuvre d’orgue, parvient intouché du Grand Siècle. Il préserve un jeu de musique de chambre homme. Pour vingt livres, il acquiert le titre de sire de voix humaine de 1643 que Louis Couperin a joué. et son art vocal, de Crouilly et ses armoiries : « porte d’azur à deux Il est le premier des Couperin remarquable. Fauché les 16, 25, 28 novembre tridents d’argent passés en sautoir, accosté de deux à trente-cinq ans, il laisse une œuvre rimbaldienne et 4 décembre. étoiles de même et accompagné en chef d’un soleil OOO et fulgurante. Ses soixante-dix pièces d’orgue sont d’or et en pointe d’une lyre de même ». RMN / CHÂTEAU DE VERSAILLES GÉRARD BLOT

74 Q CLASSICA / Septembre 2018 CLASSICA / Septembre 2018 Q 75 COMPOSITEUR

À la cour, cet homme, que Saint-Simon aurait croqué en courtisan doux, enseigne les princes et princesses royales. Il devient maître de clavecin des enfants de France, le Dauphin, le duc de Bourgogne, Mlle de Nantes, Mlle de Blois et Louis Alexandre de Bourbon, le ils de Mme de Montespan. Il leur destine de nombreuses pièces graduées technique- ment.CouperinproduitaussipourlaChapelledes oices et des motets vocaux, mariage exquis entre les ivresses de Carissimi et la mélopée discursive propre à l’air de cour. Ses Leçons de ténèbres ré- sonnent àlaindurègne,cesontvéritablement les leçons de madame de Maintenon.

SON NOM EST VENDEUR En 1713, Couperin a quarante-cinq ans. Pédagogue hors pair, il produit des œuvres dont la notoriété entraîne des copies frauduleuses, voire des apocryphes. Son nom est vendeur. Alors, geste exceptionnel, il se fait éditeur après avoir acquis un privilège, pour vingt ans, lui donnant le droit d’imprimer et vendre ses œuvres, ainsi que le pou-

voir de faire interdire toute autre publication. Ainsi MARTEAU P. fonctionnait une entreprise sous licence royale, Lully ayant ouvert la voie avec le privilège de L’orgue de Saint- rejoint ici la nomenclature coquine des mouches l’Opéra. Le Premier Livre pour le clavecin paraît. En Gervais, à Paris. de tafetas. L’évolution lexicale des quelque six cents dix-sept ans, Couperin va livrer au public près de pièces pour viole de Marin Marais connaît une deux cent quarante pièces déclinées en vingt-sept pareille mutation. Couperin, avec trente-cinq ans ordres, nouveau nom de la suite de danses. Elles au service du roi, va aussi publier les musiques qu’il sont la quintessence de la musique de salon. Le a créées avec les meilleurs instrumentistes. clavecin, meuble aussi imposant que le lit ou le ACTUALITÉS Les Concerts royaux sortent de presse en 1722 et vaisselier, convient à ces pièces nobles dont il est le Les Goûts réunis deux ans plus tard. Ce sont souvent nécessaire ornement. Il souligne les beaux esprits, Z Olivier Fortin publie des sonades en trio, un mot que Couperin tenait à tout en les distrayant. Couperin se révèle un in L’Art de toucher le clavecin franciser. Le mot parle du mariage franco-italien observateur de son siècle. Le 1er septembre 1715, (Alpha); Bertrand Cuiller, que Couperin noue. S’il n’a pas eu de maître ultra- Couperin l’alchimiste (HM); Louis XIV meurt. Le compositeur-éditeur publie Les Folies françoises, montain comme Charpentier, la parution, entamée son Deuxième Livre deux ans plus tard. Les roués Portraits croisés en 1700, des opus de Corelli, l’a ébloui. Couperin, et le libertinage dénouent une société figée par (NoMadMusic); un non-voyageur comme Bach en ses fonctions, y l’hiver d’un Roi-Soleil épuisé. Les Baccanales du Les Timbres, Concerts suce l’irrésistible sève de l’Italie. Il va rejoindre cette 4e ordre aspirent à ce désordre nouveau. royaux (Flora); querelle des styles où l’orgueil des nations provoque Durant la Régence, François poursuit ses investi- La Simphonie du Marais, l’émulation des arts depuis Marie de Médicis. Fran- Les Nations réunies et gations sonores du clavecin. Il préface ses publica- autres sonades (Musiques çois conte avoir fait jouer sa première, La Pucelle, tions avec science et esprit. Les danses ont disparu, à la Chabotterie); sous un pseudonyme italien. On applaudit fort le les portraits s’aiguisent. Les rondeaux, forme chère Les Ombres, Leçons de faux compositeur. Les Apothéoses de Lully et de à l’auteur de Sœur Monique, peignent L’Insinuante, ténèbres & Motets (Mirare). Corelli, publiées en 1724 et 1725, sont des œuvres La Séduisante, La Rafraîchissante… L’art du portrait rétrospectives du siècle de Louis XIV, mais par où la querelle polie entre les deux nations rebondit. Un antagonisme fertile qui va durer tout le siècle. En 1723, Louis XV a l’âge pour régner. Le souverain Louis XIV meurt. Les roués et montre un appétit mesuré pour l’organiste- claveciniste-enseignant, qui a aussi moins de santé. le libertinage dénouent une société Le roi lui conserve cependant ses charges. Il y est épaulé par deux « couperines », sa cousine figée par l’hiver d’un Roi-Soleil Marguerite-Louise, chanteuse, et sa propre fille e Marguerite-Antoinette. Elle est si douée que épuisé. Les Baccanales du 4 ordre Louis XV lui accordera exceptionnellement la charge après son père. Un auto-éditeur, une femme clavecin aspirent à ce désordre nouveau du roi sont des faits exceptionnels dans la tradition

76 Q CLASSICA / Septembre 2018 masculine des joueurs et sonneurs d’instruments. LEÇONS DE TÉNÈBRES Couperin leur a dédié une pièce fameuse… Les Fastes Sandrine Piau,Véronique Gens de la grande et ancienne ménestrandise. Il s’y portrai- Les talens lyriques, Christophe Rousset ture en musicien. Que de chemin parcouru depuis Decca 1328 et la fondation de la corporation des Ménétriers Voici sans doute la musique la plus de Paris, sous la garde de saint Julien. Les sonneurs immédiatement accessible et sédui- d’instruments bénéiciaient de privilèges intéres- sante de François Couperin. Piau sants, comme la gratuité du bois, de la cire, du linge. et Gens s’enivrent de ces vocalises Ils se sentaient menacés par l’alux de musiciens baroques derrière lesquelles dis- étrangers. Lully eut maille à partir avec eux. Durant paraît la frontière entre la ferveur le règne, de croissantes disparités sociales ont de la prière et la maîtrise du geste perturbé la corporation, conséquences de l’aspiration dramatique, parfaitement ciselé par des meilleurs artistes par la fabrique du pouvoir. Il y ESSENTIELS LES Rousset. a désormais bien de la distance entre les dynasties de Paris, les Couperin, les La Guerre et la « valetaille » LES CONCERTS ROYAUX des musiciens plus modestes. En 1693, la confrérie Le Parlement de Musique, de Saint-Julien des ménétriers intente un procès aux Martin Gester musiciens de « la haute » pour les obliger à payer Accord leurs cotisations. C’est ce contexte de chicane que Royaux, ces concerts le sont par François Couperin, petit ils de musicien rural et l’éclat de leur illustre destinataire briard, devenu auto-entrepreneur de musique, peint et non par leur caractère, intime avec une tendre malice. et volontiers mélancolique. Martin Gester et ses musiciens le rappellent avec une rare justesse. LE SEIZE-PIEDS SAUVÉ En 1730, sa santé se dégrade. Le Quatrième Livre PIÈCES DE VIOLE s’imprime à la vitesse d’un artisanat scrupuleux. Jordi Savall D’autres œuvres attendent dans d’épais cahiers de Alia Vox cuir. Ils ont peut-être séjourné auprès de leur auteur, Enregistré voici plus de trente ans, rue Radziwill. Une plaque indique le dernier domi- ce programme reste une des plus cile de Couperin le Grand, proche de la Galerie dorée grandes réussites de Jordi Savall. Le de la Banque de France. En 1733, l’éditeur disparaît, ranement sonore inouï, la tenue de et avec lui des sonates, des leçons de ténèbres, des la ligne, l’éloquence quasi vocale de airs à chanter, des motets, lesquels ne seront jamais la viole, le poids parfois douloureux imprimés. L’œuvre de Couperin reste une enquête des non-dits: rien ne manque. ouverte. Parfois une œuvre revient au jour, comme la cantate Ariane consolée par Bacchus retrouvée par TIC TOC CHOC Christophe Rousset. Les Couperin ont pourtant Alexandre Tharaud perduré. La dernière branche est issue de François, Harmonia Mundi le troisième des frères de Saint-Gervais. Éclipsée par Clavecin, mais aussi piano… Car celles de Louis et de Charles, sa personnalité joviale l’instrument moderne peut aussi it beaucoup pour leur promotion, à leurs débuts à s’aventurer dans ce répertoire, Paris. Son petit-ils Gervais-François sut préserver lorsque des doigts artistes s’em- l’instrument durant la Révolution, s’ofrant à chanter parent d’un programme aussi intel- les pompes de la République ain que le seize-pieds ligemment conçu. ne soit pas fondu. Les « couperines » achèvent la li- gnée avec Antoinette-Victoire puis l’ultime, L’ŒUVRE POUR CLAVECIN Céleste-hérèse, qui abandonne les claviers en 1860. Olivier Baumont Toutes et tous auront été organistes à Saint-Gervais, 10 CD Warner sans jamais s’être transmis un seul cahier de l’illustre Fidèle compagnon du compositeur, ancêtre. Peut-être disparus avec son fils fin connaisseur de son style, Olivier François-Laurent. Parti à huit ans de la maison, il Baumont a signé une intégrale d’un réapparut à la mort de son père avant de fuir encore. équilibre souverain, généreuse L’héritage Couperin a tout du cold case de la mu- derrière son apparente discrétion. sique… Debussy, Ravel, Dukas devront quant à eux Le claveciniste a bien compris que la résurrection des Ordres de Couperin à Johannes Couperin n’a pas besoin de hausser Brahms et à son éditeur Chrysander qui en la voix pour se faire entendre. L’en- entreprirent l’impression intégrale de 1871 à 1888. X semble est disponible en collection Vincent Borel économique ou en anthologie.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 77 L’ÉCOUTE EN AVEUGLE

AVEC YANNICK MILLON, L’INVITÉ DE LA RÉDACTION MICHEL TABACHNIK*, ET JEAN-CHARLES HOFFELÉ TAPIOLA de Jean Sibelius Commandé en 1926, ce poème symphonique s’inspire du Kalevala, épopée de la mythologie finnoise. Qui essuiera les foudres du dieu Tapio?

ar rapport à Finlandia, la disco- graphie de Tapiola, partition ô combien plus exigeante, demeure relativement restreinte: quarante-trois versions réperto- riées seulement. Certaines peuvent être écartées: Bartholo- mée (Liège, Ricercar, années P1970), Sinaïsky (Moscou, Brilliant, 1991), mono- chromes et orchestres ingrats; Spano (Atlanta, ASO, 2013), Andrew Davis (Stockholm, Finlandia, 1996), amorphes et étales, totalement hors sujet. On est plus étonné du ratage d’Alexander Gibson (National d’Écosse, Chandos, 1977), sibélien honorable qui expédie la pièce en à peine 15’35. Parmi les gravures historiques, on a failli retenir l’enregistrement princeps de Robert Kajanus, qui six ans après la création coniait déjà aux micros uneinterprétationmodèleavecleLondonSym- phony (1932), limpide, cursive, d’une absolue

pureté de lignes et d’un climat nordique ad hoc LEBRECHT/RUE DES ARCHIVES (Naxos). Oublions Serge Koussevitzky (Boston Symphony, Naxos, 1939), trop xixe siècle; Adrian Le compositeur compositeur (BBC Legends) ou celui de l’année Boult (London Philharmonic, SOMM, 1956), finlandais vers 1920. précédente en Finlande (Helsinki Philharmonic, legmatique et brumeux, et Hans Rosbaud (Ber- Ondine), tout en gardant de l’affection pour la liner, DG, 1957), cérébral et sec. version studio de 1946 (Warner), au scalpel et Notre choix se porte sur l’enregistrement mercurienne, mais plus mal enregistrée. amstellodamois d’Eduard van Beinum (Decca Parmi les chefs occidentaux, Karajan laisse quatre Eloquence, 1952), fauve, acéré, ainsi que les ses- enregistrements de Tapiola. Le premier (Philhar- sions studio de 1955 bien connues de Thomas monia, Warner, 1953) apparaît comme un canevas, Beecham (Royal Philharmonic, Warner), exaltant le dernier (Berliner, DG, 1985) comme un ultime les trouvailles d’orchestration, plutôt que le concert avatar hédoniste, grevé par une sortie de route des du 8 décembre pour les quatre-vingt-dixans du cordes dans les trémolos de l’orage. À la célèbre

78 Q CLASSICA / Septembre 2018 Retrouvez « La Tribune des critiques version Berliner-1965 (DG), nous préférons celle les versions Petri Sakari (Islande, Naxos, 2003), de disques » de 1976 (Warner), nettement mieux enregistrée, cristalline et très idiomatique, Sakari Oramo (Bir- aux timbales et cuivres inouïs de profondeur, mingham, Erato, 2003), rapide, grondante et cise- tous les mieux maîtrisée sur le crucial changement de lée, et Lintu (Radio inlandaise, Ondine, 2016), dimanches, tempo à la mesure 462, moins englué, et en dépit bellemobilitéetbalancementparfait,auproitde de 16h à 18h, de la mythique coquille aux violoncelles à 598. la transparence et du geste économe, parcouru de sur France On ne gardera ni la gravure tranchante et élec- zébrures de violence, d’Okko Kamu (Lahti Sym- Musique. trique de Garaguly (RSO Berlin, Berlin Classics, phony, Bis, 2011) et de la temporalité de Leif Se- Voir page 15. 1969), ni la ine lecture analytique sans véritable gerstam, dont on souligne la magie du second atmosphère d’Ansermet (Suisse romande, Decca, enregistrement (Helsinki, Ondine, 1994) plutôt 1963), pourtant préférable aux tentatives d’Orman- que le premier avec la Radio danoise détenant le dy (Philadelphie, Sony, 1955, sorte de bande-son record de durée de cette présélection (21’04). Le pour Fantasia, puis Sony, 1976, privilégiant les geste brassé à pleine pâte de Neeme Järvi (Göte- grands espaces), ou à celles d’Ashkenazy, la pre- borg, Bis, 1985, ou DG 1996, la seconde beaucoup mière (Philharmonia, Decca, 1981), charnue, plus aboutie) ne peut lutter contre les contrastes presque slave, se tenant mieux qu’à Stockholm inouïs et le climat terrible de Vänskä (Lahti, Bis, (Exton, 2007), où le statisme règne en maître. 1997) ou son opposé, le geste consolateur et d’eau Oublions aussi la proposition musclée de Lorin pure, la force tranquille de Blomstedt (San Fran- Maazel (Wiener, Decca, 1968), trop dans l’esthé- cisco, Decca, 1991). tique du Ring de Solti, ou encore le très bel essai de Quant à Paavo Berglund, héraut de la partition Colin Davis (Boston, Decca, 1976), couleurs pendant un demi-siècle, nous préférons le tout estompées et aquatiques, plus inspiré que le surli- premier de ses quatre enregistrements (Radio gnage de 1992 avec le LSO (RCA). finlandaise, Finlandia, 1968), dont le message Reste le cas des versions nordiques. Premier écar- ascétique est asséné avec le plus d’autorité, à la tout té, Saraste (Radio inlandaise, RCA, 1988), mat, aussi excellente version avec Bournemouth (War- sans mystère, grosse déception. Plus satisfaisante, ner, 1972), ou encore aux versions Philharmonia la gravure sauvage de Hannikainen (LSO, Everest, (1982) et Helsinki (Warner, 1987), cette dernière 1959), qui rate de peu la qualii cation, tout comme atteignant une vitesse supersonique (14’54).

fruit d’une commande du New York de la grande arche et caractérisation L’ŒUVRE EN BREF Philharmonic qui la créa en 1926 interne de chaque épisode, mais aussi Q Ultime partition du génie musical sous la direction de Walter Damrosch. un véritable pouvoir évocateur, à travers finlandais, qui devait se murer ensuite Évocation mystérieuse et angoissée la maîtrise d’alliages de timbres dans un silence absolu pendant du domaine sylvestre du dieu Tapio, tournant le dos à la grande tradition les trente dernières années de sa vie, équivalent nordique de Pan, symphonique. Défi conséquent pour Tapiola est à la fois un condensé cet audacieux poème symphonique les interprètes, au point que certains de l’œuvre de Sibelius et l’une de d’un seul tenant, d’une durée moyenne sibéliens émérites (Barbirolli, Bernstein, ses partitions les plus personnelles, de dix-huit minutes, requiert sens Salonen) n’ont pas osé le toucher.

Les huit versions a déception est franche et massive à sur le manque de tension et de mystère de cet l’endroit de Beecham. JCH déplore enregistrement « si peu en place qu’on croirait à un d’emblée « la persistance d’une couleur live » (MT). Et JCH de conclure: «Ladiicultédans nordique sans aucune intériorité qui Tapiola est d’avoir un tempo d’ensemble qui permette *Michel Tabachnik, élimelepropos»,tandis que MT sou- de relier les épisodes entre eux dans la dramaturgie, chef d’orchestre ligne les nombreuses scories d’exécu- ce qui n’est absolument pas le cas ici. » et compositeur, a été Ltion et «l’équilibretrèsmauvais,aveclescordes De nouveau, la médiocre qualité technique des directeur du Brussels Philharmonic entre 2007 beaucoup trop en retrait ». YM entend quant à lui instrumentistes dérange JCH chez van Beinum: et 2015. Son opéra «descouleursfrançaises,cellesduScherzodela « L’intonation des vents, la mise en place des cordes Benjamin, dernière nuit, Reine Mab dans le 12/8 ». Tous s’accordent en outre sont plus que perfectibles, l’orchestre achoppe », OOO a été créé en 2016 à Lyon.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 79 L’ÉCOUTE EN AVEUGLE JUHA TANHUA et d’ajouter : « Lagrandelignen’yestpasnonplus, La version d’Osmo Karajan déroute autant, mais possède un pouvoir mais au moins les épisodes pris individuellement Vänskä l’emporte, à d’attraction nettement supérieur, auquel résiste sont-ilstrèsvariés,avecunparfumdeNocturnes la tête de l’Orchestre pourtant MT: « Le débutestmagniiquemaison de Debussy. » YM aime assez « l’orchestre fruité, les de Lahti, dont il fut s’enlise très vite, les passages à vide se succèdent, et timbres individualisés, un côté primitiviste et directeur pendant c’est souvent trop lent. » Le sentiment d’avoir afaire chorégraphique chez les vents, qui font penser au vingt ans. à une véritable interprétation séduit YM, qui y voit Sacre du printemps, et notamment un basson « une réappropriation radicale, une forêt luxuriante décomplexé ». MT s’ennuie beaucoup, jusqu’à re- qui n’a rien de nordique, où l’on transpire, où l’on gretter le climat de la version précédente, et le fait tisse des lignes ininies, où de sombres puissances que « l’orchestre maîtrise mal le staccato, qui sontàl’œuvre». Après des versions narratives, JCH mériterait d’être calqué sur celui de l’ours dans souligne la modernité de cette approche « expéri- Petrouchka ain de susciter l’intérêt ». mentale, avec des glacis, quelque chose de droit, Vänskä comme un monolithe, une abstraction à la De Staël, voire à la Kupka ». Et d’ajouter: « C’est de la musique UN CRI QUI MONTE réconcilie à regarder, où tout le spectre harmonique se déploie Chez Okko Kamu, YM est le seul à s’enthousiasmer comme un cri qui monte », une vision « sans doute pour « un jeu de volumes allégé, des cordes très ines, les plus proche de La Nuit transigurée que de Sibelius, presqueémaciées,uneimagesonorequirespire,très mais extraordinairement sculptée » (YM). chambriste mais avec quelques éclairs très bien sentis contraires, Tous saluent l’engagement physique et la poigne aux cuivres »,tandisqueMTluitrouveuncôté de Berglund. « On dirait Munch avec l’Orchestre « d’abord trop agité puis besogneux, pataud, même dans un national de France » (MT), « une version jusqu’au- si la situation s’améliore beaucoup vers la in, nette- boutiste,décrivantunenaturedangereuse,dontle ment plus dramatique ». JCH est plus circonspect Tapiola staccato des vents annonce un cataclysme » (YM). encore, et trouve à cet enregistrement « très peu de Une approche « construite par paliers dramatiques, caractère,oudumoinsunseulcaractère,lediscours mystérieux où l’orchestre craque tout du long tant il est poussé est trop peu contrasté, cela manque de drive, d’allant, dans ses retranchements » (JCH). L’âpreté, la d’intensité dans l’expression ». Un aspect très uni- et terrible violence font l’unanimité, mais la rapidité du taire qui fait que, selon lui, « la diversité de l’or- tempoévoqueuneformedepeurduvide.Pour chestre de Sibelius ne se fait plus entendre ». à la fois MT, « le chef manque de coniance en la musique,

80 Q CLASSICA / Septembre 2018 l’émotion est comprimée, c’est d’ailleurs ici le chef OSMOVÄNSKÄ plus que le compositeur ». YM loue au contraire Bis 1 1997 sans réserve « un climat minéral, des ruptures abruptes, une vraie urgence du tempo et des accents À la tête d’un orchestre somptueux, d’une violence terriiante ». aux écarts de dynamiques hallucinants, Vänskä signe une version Blomstedtréconcilietoutlemondeetsehisseàla d’une angoisse insoutenable. troisième marche du podium. JCH loue une vision « extrêmement précise quant au texte, avec beau- LEIFSEGERSTAM coup de sens des atmosphères, une grande densité Ondine dans l’expression. C’est constamment musical, 2 1994 sensible et incarné. On entend tout et pourtant, on Pour la première fois, on sent le sens n’a jamais le sentiment d’une radiographie sonore ». de l’œuvre, comme si derrière MT s’extasie lui aussi devant « uneentréeenmatière la mélancolie, on pénétrait au cœur magnifique, émotionnelle, et enfin un équilibre d’un royaume sacré. parfait entre cordes et vents dans le passage central en staccato », rejoint par YM sur cette version HERBERTBLOMSTEDT « lumineuse et chantante, presque lyrique parfois. Decca 3 1991 Tapioesticibienveillant,lesmotifsauxaltospresque sereins. Le chef prend son temps sans ennuyer, les Le dieu Tapio est bienveillant: voici cordes scintillent, et l’on entend parfaitement les un Sibelius chantant, lumineux, porté par des cordes qui scintillent et harmoniques des cordes ». un magnifique sens des atmosphères.

FRAPPE COMME LA FOUDRE PAAVO BERGLUND Finlandia LE BILAN Sur la deuxième marche, on retrouve Leif Segers- 4 1968 tam. « Pour la première fois, on a le sens de l’œuvre, Quelle poigne, quelle rage! Un Tapiola une musique magique. Il y a de l’angoisse, de la pris à bras-le-corps, dangereux mélancolie, de la tendresse. » (MT) Le sentiment et jusqu’au-boutiste. Hélas le tempo d’évidence stylistique est unanimement salué : rapide ne fait pas l’unanimité. « Enin un orchestre qui peut faire ressortir tout ce queSibeliusaécrit,aucœurd’unegrandearche.» HERBERTVON KARAJAN (JCH) Une dimension sensorielle qui convainc Warner 5 1976 également YM: «Onpénètreicidansunroyaume sacré, on quitte les réflexes de tension-détente Une succession de passages (à vide) habituels pour une pensée plus contemplative, où les ou une lecture trop expérimentale lorgnant sur La Nuit transfigurée? silences sont musique. » JCH souligne en outre « un Karajan exerce une attraction mitigée. chef qui connaît son Sibelius sur le bout des doigts, quifaitentendreiciunecitationdelaQuatrième Symphonie noyée dans les autres versions ». Ou OKKO KAMU comment exclure toute référence à des univers Bis 6 2011 extra-sibéliens. Il manque du caractère à ce Tapiola Au sommet de cette écoute à l’aveugle trône une bien light. Okko Kamu s’agite nouvelle fois Osmo Vänskä, qui avait déjà rempor- mais ne sait pas où mener ses té la confrontation autour de la Valse triste (Classica troupes. Fâcheux. n°169). Une version qui réconcilie les contraires, « à la fois la plus décantée et la plus physique » (YM), EDUARDVAN BEINUM sentiment partagé par JCH, qui loue « la somptuo- Decca 7 1952 sité de l’orchestre, un engagement extraordinaire pour l’esprit comme pour la lettre, un sentiment Des vents alétaoires, des cordes mystérieux et terrible à la fois, une incarnation à la peine, un défaut flagrant de ligne: physique du dieu de la forêt ». MT est totalement van Beinum ennuie tout le monde. conquis: « L’ h a r m o n i e se creuse, les écarts de dyna- mique sont hallucinants. On est dans la transcen- dance. Les accords martelés frappent comme la THOMAS BEECHAM foudre. » Le chef inlandais se démarque par «une Warner 8 1955 noirceur absolue » (JCH), « reflet d’un monde Aucune tension, encore moins post-apocalyptique aux couleurs de cendres, où la de mystère, mais surtout montée vers l’orage inal est d’une angoisse insoute- d’impardonnables scories d’exécution. nable » (YM). X Yannick Millon Beecham rate son Tapiola en beauté.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 81 L’UNIVERS D’UN MUSICIEN Vanessa Wagner LE MEILLEUR DES MONDES Des poules, des chats, un jardin aux portes de Paris: la pianiste aime à se ressourcer dans cet environnement qui lui ressemble, un nid douillet mais ouvert sur le monde, serein et baigné de lumière.

nimals are not fabric » ou encore « Vegan on board ». Ces deux stickers collés sur la porte d’entrée annoncent la couleur. Cette maison – béton ciré, hautes parois, escalier métallique – n’est pas sans rappeler le patrimoine industriel de Montreuil, en région parisienne, qui Ae comptait au XIX siècle une quarantaine d’usines de chimie et d’art du feu. Bienvenue chez Vanessa Wagner, un royaume où la nature et les animaux sont rois et où la spiritualité joue le rôle-titre. Un arbre de vie en bois qui provient d’Haïti grimpe sur le mur d’entrée. « Il signifie pour moi la renaissance perpétuelle, la douceur et la puissance de la vie qui se reconstruit et prend racine au plus profond de la terre. » Des bouddhas veillent à l’harmonie des lieux, mais aussi deux chatons juste nés dont l’un est recroquevillé en pelote sur une chaise. En ce moment, la pianiste accueille ces deux nouveaux locataires en plus de ses quatre chats, son chien et ses trois poules – « Noisette » et « Nuage gris ». Ces dernières, deux spécimens au plumage imposant, se comportent comme des animaux de compagnie. « Mes poules sont très sociables, esquisse Vanessa dans un sourire. Au départ, l’idée d’avoir des poules était que mes en- fants – végétariens à la maison – aient de bons œufs et qu’ils fassent le rapprochement entre l’affection pour leur poule et le poulet qu’ils ont dans leur assiette. Ça n’a pas complètement marché », s’amuse-t-elle. La pianiste est, elle aussi, aux couleurs de la nature : une blouse noire sur la- quelle s’égayent deux oiseaux aux tons exotiques, des souliers aux dorures solaires, un visage diaphane éclairé par des yeux de jade à la clarté irréelle. Elle s’en excuse presque quand il s’agit de

PHOTOS STÉPHANIE LACOMBE POUR CLASSICA la photographier.

82 Q CLASSICA / Septembre 2018 son rapport à la scène: son mari, dans la dédicace qui accompagne cette photo, la compare à une lionne, à la fois forte et fragile. « Pendant de longues années, j’éprouvais parfois une souffrance à monter sur scène. Je considérais que je ne pouvais réussir un concert que si je souffrais avant. Dès que je me sentais un peu trop en confiance ou détendue, je pensais que je n’allais pas bien jouer. Je suis allée très loin psychologiquement. J’avais cette puissance négative en moi qui me rongeait de l’intérieur. Et malgré tout, j’arrivais à faire de beaux concerts. Je combattais comme une vraie lionne! J’ai beaucoup travaillé sur moi psychologiquement. » Pour trouver l’apaisement, elle pratique la médita- « Ma maison est un micro-espace où j’essaie de préser- À RETROUVER tion. « Je sais que ça peut paraître un peu new age de ver un équilibre d’amour, de vie et d’empathie. Un îlot SUR LE dire ça, mais c’est une façon de me reconnecter malgré de sécurité. Une petite utopie. » On retient: empa- une vie très citadine. Aménager des moments de ré- thie.Avec son mari et ses deux enfants, elle héberge flexion intérieure m’est indispensable. Pour mener à la des réfugiés mineurs. « Je ne supportais plus de lire CD fois une vie de femme et de musicienne qui ait un sens. des articles sur la détresse des migrants et rester là à CLASSICA Je ne cours pas après les dates de concert, je ne comble ne rien faire. J’ouvre juste ma maison à un jeune qui pas du vide. J’en donne une soixantaine par an, et sinon dormirait dehors et qui serait en proie à tous j’enregistre mes disques au terme d’une vraie matura- les trafics. » Cette démarche, elle l’a aussi faite pour tion. » Le dernier en date est dédié à Arvo Pärt et à ses fils, âgés de dix et quinze ans. « J’ai adopté des Liszt,un programme à la spiritualité très élevée.«Les animaux, mais je n’avais pas envie qu’ils me disent pièces de Pärt sont portées par un profond mysticisme. une fois adultes : “T’as fait quoi pour les autres?” » Et le cycle comme les Harmonies poétiques, je ne les aurais jamais enregistrés à vingt ans, ni même à trente. LE ROI DES ANIMAUX Cela peut être un tunnel très long si on n’a pas un sens du discours très fort en soi. Il faut porter un bagage SUR LE ROI DES INSTRUMENTS intérieur suffisamment intense et profond pour aller De larges baies vitrées donnent sur le patio baigné au- delà de l’écriture virtuose de Liszt. » OOO de soleil. Il y a une table, deux chaises et quelques bicyclettes protégées par une bâche – on imagine volontiers la petite famille en promenade dominicale sur les circuits ombragés du bois deVincennes voisin. La maison rappelle le patrimoine On le contourne pour atteindre son bureau, préci- sément entre cour et jardin. « La fonction de pianiste industriel de Montreuil, qui n’est pas sacralisée chez moi. » On le voit tout de suite aux dimensions modestes de comptait une quarantaine d’usines la pièce. Au-dessus de son piano, la photo d’un lion de profil semble regarder l’horizon. Un portrait en noir et blanc, une lumière argentée, un port souve- rain, une expression désarmante d’humanité. «Ce regard mélancolique me touche. On ne sait pas s’il regarde l’horizon, une proie. C’est assez mystérieux. » Le roi des animaux surplombe le roi des instruments. Mais le sens est ailleurs. Ce cliché signé Laurent Baheux, photographe animalier engagé dans la préservation de la biodiversité en Afrique, lui a été offert par son mari. « J’ai un rapport très fort à l’animalité. Aujourd’hui, l’ethnocentrisme est mis à mal par les dégâts provoqués sur la terre. Les grandes espèces sauvages sont en train de mourir. Cet animal, malgré sa force, sa majesté, sa beauté, est un être vulnérable, en danger d’extinction », s’indigne Vanessa Wagner qui a vécu, enfant, entourée de chats, chiens, poules, tous récupérés, et qui s’éver- tuait à sauver les petits animaux, « même des mouches ». Mais ce lion, c’était aussi un symbole de

CLASSICA / Septembre 2018 Q 83 L’UNIVERS D’UN MUSICIEN

e âne en cuir élimé par le temps ou ces livres anciens Un jeu de l’oie du XIX siècle, de qui ornent sa bibliothèque. « Pendant longtemps, j’étais très nostalgique. Devenir mère m’a projetée po- vieux meubles de famille, des sitivement dans l’avenir. Mais je ne vivrais pas pour autant dans un univers ultra-contemporain », nous bibelots ou babioles, des bouddhas confie cette fan d’électro qui multiplie les projets avec l’artiste Murcof. L’électro, elle a commencé à en écouter vers l’âge de vingt-deux ans. « À l’époque, Au pied de son piano, elle a aménagé un autel de c’était mal pris par le milieu classique. Il y avait une méditation. Tandis qu’elle détaille les objets qui le incompréhension et même un certain mépris. Au- composent, la chienne, alanguie, somnole au mur- jourd’hui ça a changé. » Vanessa Wagner est une mure de nos conversations. Un petit bloc de cristal femme de son temps, ouverte au monde, à tous les strié de scories provient du Brésil. « Je crois beaucoup styles, passionnée de littérature. « Je suis issue d’une aux forces des pierres. » Il y a aussi de petits bouddhas famille très artiste », – d’ailleurs, les tableaux de son – ils peuplent d’ailleurs sa maison avec des objets beau-père François Rouan, un peintre du mouve- fétiches et autres grigris, attrape-rêves où elle dé- ment Supports/Surfaces, ornent son intérieur. pose quelques angoisses encombrantes – un petit Pour finir,elle nous conduit dans le jardin,un terrain bol à ablutions. La pianiste qui porte un tatouage tout en longueur,bordé par un sentier piéton camou- bouddhiste s’installe là, sur un petit coussin avant flé derrière une nature abondante. Elle souligne à ou après une séance de yoga dont le tapis est roulé nouveau son rapport à la nature,sa fébrilité émotion- dans un coin de la pièce. « Le yoga me fait beaucoup nelle,son désespoir devant la façon dont on maltraite de bien, me permet de respirer mieux. » notre écosystème. « J’essaie de ne plus consommer de plastique, mais c’est quasiment impossible. Cela de- DES HÉRISSONS, BONS mande une démarche très volontariste », assure-t-elle tandis que les poules se promènent insouciantes et POUR LA BIODIVERSITÉ que les abeilles virevoltent dans le chèvrefeuille. Le Dans cette pièce refuge,on trouve accrochées au mur fond du jardin, un peu sauvage s’est transformé en plusieurs gravures de Brigitte Courme,prix de Rome, refuge à hérissons. Vanessa les nourrit et s’implique ACTUALITÉS amie proche de Balthus.« C’était la mère de mon mari auprès du sanctuaire des hérissons pour les mettre Z Le dernier disque que je n’ai pas eu la chance de connaître. Son univers en gardiennage.« C’est un animal très important pour de Vanessa Wagner, à la fois très naïf, fantastique et un peu sombre me la biodiversité. » On l’aura compris, Vanessa Wagner Lizst, Pärt, est paru parle. Les animaux et la nature sont très présents dans est une artiste engagée, indignée, qui s’érige contre chez la Dolce Volta. son travail. C’est une femme qui vivait entourée de toutes les tendances narcissiques de notre époque. Voir page 122. chats qu’elle récupérait dehors. Je me serais attachée à Son rêve? S’installer dans les Cévennes, dans cette Z Elle sera en concert à l’Arsenal de Metz (20/10) elle si j’avais eu la chance de la connaître », dit-elle avec maison qu’elle vient d’acheter, « un endroit reculé, et à Paris, salle Gaveau, une pointe de regret. perché en haut de la montagne ». Avec pour credo cette (24/11) dans le cadre Les objets qui hantent sa maison révèlent cet attache- phrase tirée de Poteaux d’angle de Michaux, « Faute du festival La Dolce Volta. ment au passé. Un jeu de l’oie du XIXe siècle, de vieux de soleil, sache mûrir dans la glace ». X meubles de famille, bibelots ou babioles comme cet Elsa Fottorino

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CD CLASSICA / PLAGES 6 & 7 LA PÊCHE MIRACULEUSE Fromental Halévy, maître du grand opéra et oncle Fromental de Ludovic Halévy, librettiste de Carmen, croise Halévy le Bizet d’avant Carmen. Pour la gloire du chant (1799-1862) La Reine de Chypre français et d’une brillante génération de chanteurs. Véronique Gens (Catarina Cornaro), Cyrille Dubois (Gérard de Coucy), Étienne Dupuis ui oubliera couvertes depuis les années la direction précise et (Jacques de Lusignan), jamais le 1970, c’est aujourd’hui le tour généreuse d’Hervé Niquet. Éric Huchet (Mocénigo), stupéfiant cri des raretés du répertoire fran- Dans les deux rôles princi- Christophoros Stamboglis de fureur çais grâce, en grande partie, à paux, on peut s’étonner d’en- (Cornaro), Chœur de la Radio « Va, félon » la Fondation Bru Zane dont tendre Véronique Gens dans flamande, Orchestre de chambre lancé par on saura gré de s’être lancée un rôle de mezzo – Stoltz fut de Paris, dir. Hervé Niquet Q Caballé dans dans l’aventure. De Fromental la créatrice de la Favorite. S’il Bru Zane / Ediciones Singulares le finale I de Halévy, on ne connaît plus lui manque le mordant qu’un ES 1032 (2 CD). 2017. 2h34 Caterina Cornaro, laissant guère que La Juive, œuvre timbre plus grave aurait l’auditoire médusé? Alors que admirée par Wagner. La Reine apporté,elle donne en échange les raretés italiennes sont redé- de Chypre est un grand opéra cette touche aristocratique qui souci constant de naturel et historique de 1841 que est sa signature. d’élégance. Avec, en prime, la Donizetti adapta en italien Cyrille Dubois offre,en Coucy, souveraine beauté des voix et l’année suivante. Cette pièce une ligne de chant légère et une diction parfaite… oubliée est fascinante pour la élégante dans la meilleure tra- En fait, c’est un peu la quadra- qualité de l’orchestration dition française, même si on a ture du cercle que réalise (chœur « Peuple de Chypre », un peu de mal à s’imaginer l’équipe réunie autour acte IV) et les contrastes – la l’héroïque Duprez en l’écou- d’Alexandre Bloch, et qu’on ne science d’Halévy n’ayant rien tant. Cela dit, cet enregistre- trouve pas tout à fait dans les àenvieràcelledeMeyerbeer–, ment s’impose comme une célèbres versions de Pierre comme pour le charme désuet très agréable découverte et Dervaux (Warner, 1960), des épisodes sentimentaux, une importante contribution Georges Prêtre (Warner, 1977) notamment l’acteII et le duo à la discographie de l’opéra ou Michel Plasson (Warner, final « Malgré la foi suprême ». français du XIXe siècle. 1989). Avec des chanteurs de Georges Le meilleur de la partition se la trempe de Julie Fuchs et révèle dans certains ensembles, SANS BOURSOUFLURE Cyrille Dubois, on atteint une Bizet comme le spectaculaire finaleI Ladite discographie comptait sorte d’idéal des personnages (1838-1875) donné ici sans coupures, ou le déjà plusieurs enregistre- de Leïla et de Nadir. Tousdeux Les Pêcheurs de perles superbe duo « Vousquidela ments des Pêcheurs de perles, forment un couple absolu- Julie Fuchs (Leïla), Cyrille chevalerie » (acte III), modèle mais celui présenté rappelle ment merveilleux de jeunesse, Dubois (Nadir), Florian Sempey qui ne passera pas inaperçu comment la jeune génération de santé vocale et d’ardeur. (Zurga), Luc Bertin-Hugault auprès de Donizetti (Dom s’est réappropriée ce réper- Loin des voix acidulées qu’on (Nourabad), Les Cris de Paris, Sébastien), ni de Verdi (Vêpres toire. Le chant français dans a trop souvent entendues dans Orchestre national de Lille, siciliennes). sa quintessence ! On se dit : le rôle de la prêtresse de dir. Alexandre Bloch Si on regrette la disparition de mais c’est tout simple, voilà Brahma, Julie Fuchs possède Pentatone PTC 5186 685 (2 SACD). tous les ballets (actes I, III et comment la musique de Bizet une superbe plénitude de 2017. 1 h 49 IV), on salue une interpréta- doit sonner, sans affectation, timbre, excellant à la fois dans tion remarquable, portée par ni boursouflure, et avec un les passages éthérés aux aigus

86 Q CLASSICA / Septembre 2018 Au Nouveau Siècle: Alexandre Bloch dirige l’Orchestre national de Lille, dans Les Pêcheurs de perles. UGO PONTE

Redécouverte de raretés du répertoire lyrique français qui, en ce XIXe siècle, rêvait d’ailleurs: Venise et Chypre pour Halévy et Ceylan pour Bizet. Amours contrariées et trahison sont au centre de ces deux drames en apesanteur, les élans Nadir habité par le spleen, ce national de Lille, Alexandre saint », qui se termine de façon passionnés avec Nadir et les qu’accentue une voix relative- Bloch propose une lecture où très convenue, et dans la grands éclats dramatiques du ment fragile. Si Florian la nuance est le maître mot, confrontation Leïla-Zurga du troisième acte. Cyrille Dubois Sempey manque de grave, il refusant tout excès mélo- troisième acte. Plus que ces ne lui cède en rien, grâce à un n’en campe pas moins un dramatique. Il a choisi d’enre- considérations musicolo- art consommé du chant qui Zurga impétueux et au chant gistrer la version que Hugh giques qui lèvent un peu le trouve sa plus belle expression racé, tandis que Luc Bertin- Macdonald a reconstituée en voile sur ce que furent les dans une romance antholo- Hugault est un Nourabad de 2014 et qui, dans l’état actuel représentations au Théâtre- gique (« Je crois entendre grande classe. de nos connaissances, semble Lyrique en 1863, c’est d’abord encore »), d’une sensibilité Les Cris de Paris sont superbes, se rapprocher le plus de l’ori- l’extraordinaire qualité de quasi troublante, où l’utilisa- aussi bien dans l’expression de ginale. Les principales diffé- l’interprétation que l’on salue tion de la voix mixte relève de la joie naïve que de la rage ven- rences se retrouvent à la fin du bien bas. X la perfection. On a ici un geresse. À la tête de l’Orchestre duo « Au fond du temple Damien Colas et Louis Bilodeau

CLASSICA / Septembre 2018 Q 87 LES CHOCS DU MOIS

CD CLASSICA / PLAGE 8 L’IN VITATI O N AU VOYAG E Humour et vitalité sont au rendez-vous des compositions Guillaume peu connues du maître, interprétées avec fougue et passion. Connesson (né en 1970) « Musique de chambre » Techno-Parade. Initials Dances. Double Quatuor. Le Rire de Saraï. Disco-Toccata. Sextuor. Toccata-Nocturne. Jurassic Trip. Les Chants de l’Agartha. Constellations. Les Chants de l’Atlantide. Adams Variations. Quatuor à cordes Éric Le Sage, Frank Braley, Jérôme Ducros (piano), Sergey Malov, Ayako Tanaka (violon), Xavier Phillips, Jérôme Pernoo (violoncelle), Paul Meyer, Philippe Berrod, François Miquel, Florent Héau (clarinette), François Meyer (hautbois), Mathieu Dufour, Virginie Reibel (flûte), Dominique Desjardins (contrebasse), Emmanuel Curt (percussions), Fabrice Coccitto (clavier échantillonneur), Quatuor Parisii Sony Classical 19075818792 (2 CD). 2004-2011. 2 h 04 MARIE-SOPHIE-LETURCQ

n connaît surtout Toccata…), travail rythmique introduisent l’auditeur au toutes les sources musicales, Guillaume Connes- sur les syncopes et les accents. cœur de royaumes mythiques, depuis Debussy (ainsi, l’écri- son pour ses pièces Il faut accepter de se laisser dans une ambiance tantôt ture pianistique du Temple de Osymphoniques aux déborder par ce flot de pure mystérieuse, tantôt frénétique. Poséidon rappelle nettement orchestrations luxuriantes. Ce énergie, de larguer les amarres Non sans humour, Jurassic La Cathédrale engloutie) double CD qui regroupe des et de suivre Connesson et ses Trip reprend la nomenclature jusqu’à John Adams. enregistrements plus anciens, interprètes passionnés dans instrumentale du Carnaval des L’engagement des interprètes parus respectivement en 2005 l’aventure. Au demeurant, des animaux pour brosser cette est total pour défendre cette et 2012 (le second étant resté plages de repos –pièces plus fois des portraits de… dino- musique débordante de confidentiel), est l’occasion de rêveuses et secrètes– viennent saures (on goûtera l’ironie de vitalité, mais aussi en exacer- présenter à l’auditeur un pano- ponctuer le voyage. Petit Carnivore, sous-titré non ber le lyrisme. Rien de brouil- rama quasi exhaustif de ses sans insolence « Hommage à lon dans leur fougue: clarté et œuvres de musique de DE DEBUSSY À JOHN ADAMS Pierre Boulez »). La rêverie transparence s’imposent tout chambre.On y retrouvera,bien Un thème se dégage: la fasci- face à la voûte céleste, ample- du long. Avec ce double entendu, le dynamisme carac- nation pour les mondes loin- ment déployée dans la Trilogie disque, Guillaume Connesson téristique du style de Connes- tains ou perdus. Les Chants de cosmique pour orchestre,se s’affirme une fois de plus son : nombreuses références l’Agartha pour violoncelle et retrouve ici dans les deux comme l’un des maîtres de sa aux musiques populaires piano et Les chants de l’Atlan- Constellations pour alto et génération. X (Techno-Parade, Disco- tide pour violon et piano piano. Connesson puise à Sarah Léon

88 Q CLASSICA / Septembre 2018 CD CLASSICA / PLAGES 9 & 10 BACH TOUT SIMPLEMENT Au spectacle de interprété avec talent par ses deux anciens professeurs, la virtuosité, le jeune Claire Antonini (AS Produc- luthiste a préféré tions) et Hopkinson Smith (Naïve), récompensé d’un l’éloquence naturelle CHOC (Classica n°156). et la spontanéité. En filiation directe avec ces musiciens d’exception,Thomas tout juste trente ans, Dunford aborde l’œuvre de l’ancien baby Bach d’un jeu épuré, simple et luthiste collabore homogène.Avec une aisance et Aavec les ensembles une décontraction absolues, il baroques les plus dynamiques donne une lecture intimiste et et affiche une insolente matu- raffinée des deux Suites, sans rité. Après un « Lachrimae » laisser l’auditeur à distance. Il (2012) consacré à Dowland, et fait preuve d’une virtuosité un « Labirinto d’amore » jamais démonstrative et d’un (2013) traitant du baroque souci de la forme appréciable, italien (CHOC,Classica n°166), notamment dans la Chaconne, Thomas Dunford enregistre dont la longueur et la densité enfin un disque entièrement rendent parfois l’écoute en solo, dans lequel il livre sa indigeste. Mais on est tout vision de Bach. Si cet album, particulièrement frappé par la constitué de pièces originales souplesse de l’articulation et et de transcriptions réalisées l’attention portée aux respira- par ses soins, est une franche tions.Thomas Dunford dévoile réussite, ce n’est pas par un phrasé fluide et spontané, hasard : ce répertoire a été qu’il sublime en laissant vivre le son d’une manière très naturelle. Il laisse beaucoup d’espace aux résonances de son archiluth, d’un timbre rond, plein et lumineux,à mi-chemin entre le luth baroque et la guitare, usant de tempos adaptés à l’acoustique ample de la Salle de musique de La Chaux-de-Fonds. Pour ne rien gâcher, chaque piste se termine par quelques secondes de silence. Johann Sebastian Thomas Dunford se hisse ici au rang des luthistes de pre- Bach mier plan. Enregistré avec (1685-1750) beaucoup de présence et d’in- Suites BWV 995 et 1007. tériorité, ce disque laisse pré- Partita BWV 1004 sager une carrière admirable Thomas Dunford (archiluth) pour ce jeune interprète.Abso- Alpha 361. 2017. 56’ lument incontournable. X Fabienne Bouvet

CLASSICA / Septembre 2018 Q 89 LES CHOCS DU MOIS SORTIE DU PURGATOIRE Admirateur d’Edgar Allan Poe, ce mal aimé est un des grands musiciens anglais du début du XXe siècle. Son œuvre est à découvrir. Josef yant connu la gloire sinistre refrain : «Never- LaBruyère musical – il s’agit avant 1914, ce grand more »). Par cette atmosphère bien de portraits et non de pas- Holbrooke musicien peine à lugubre et pesante, Holbrooke tiches. Delius se perd dans une (1878-1958) Asortir du purgatoire se révèle à vingt-trois ans un très impressionniste rêverie, Auld Lang Syne. où l’ont plongé ses provoca- maître du fantastique en Mahler dans une fête foraine. Concerto pour violon tions et son ironie grinçante: musique, et ces pages intenses, Derrière le masque de héros de « La Sauterelle ». un destin parallèle à celui de noires et suggestives pour- Richard Strauss, Holbrooke Le Corbeau Florent Schmitt dont le rap- raient accompagner un film de pressent le mondain sucré, Judith Ingolfsson (violon), proche un mélange paradoxal Roger Corman. Ce roman- tournoyant en une valse siru- Orchestre d’État de de romantisme flamboyant et tisme fantasque interfère avec peuse dont la crème fouettée Brandebourg, Francfort, d’humour étincelant, ainsi que l’humour et flirte avec l’im- anticipe sur les futures vien- dir. Howard Griffiths son génie de l’orchestre (le pressionnisme dans les varia- noiseries du Chevalier. CPO 777 636-2. 2013-2014. 1 h 07 « Berlioz anglais »selonMitro- tions sur une vieille chanson L’éblouissante virtuosité poulos). Liszt et Wagner ont écossaise, « Auld Lang Syne », orchestrale le place très loin porté sur les fonts baptismaux au titre français bien connu devant ses confrères anglais; et la sophistication harmo- Le Corbeau, l’une des nom- (« Ce n’est qu’un au revoir »). seul Bax saura le rattraper. Il y nique de l’adagio s’élevant breuses œuvres inspirées de Chacune est le portrait d’un ajoute une irrésistible touche jusqu’à Fauré. Les interprètes son idole Edgar Allan Poe. La ami musicien : Bridge, Bax, de music-hall à la Poulenc, assument avec fougue l’ambi- correspondance très précise Scott, Elgar et bien d’autres portée à son comble dans le valence de ce romantisme sar- entre musique et texte renvoie sont croqués dans ces Charak- très brillant concerto, les acro- donique et dérangeant et nous à Strauss (on entend l’oiseau terstücke par lesquels l’auteur baties du soliste l’assimilant à font partager leur enthou- taper à la porte et susurrer son se hausse au niveau d’un une sauterelle, le noble lyrisme siasme. X Michel Fleury COMPLÈTEMENT À L’EST Clarinette, violoncelle et piano au service d’Arvo Pärt,Jan Rääts et Henryk Gorecki, livrent un programme grave et rêveur.

rois compositeurs d’Europe ment entre minimalisme et post- élans:ainsidusecondmouvement, de l’Est, figures de proue du romantisme,ils’agitd’unpremier oùuncalmesolodeclarinette,sur T postmodernisme,sontà enregistrement et d’une heureuse fondd’accordsrépétésdanslegrave l’honneur de ce disque: les Esto- découverte. du clavier, se fait de plus en plus niensArvoPärt(néen1935)etJaan L’œuvre de Pärt consiste en une véhément, avant de retomber au Rääts(néen1932),ainsiquele réécriture de l’Adagio de la Sonate silence.Leclimatàlafoisprofondet « Kaleido- Polonais Henryk Gorecki (1933- pourpianoK.280deMozart.Sil’es- rêveurquis’endégageestenpar- 2010). Pour les servir, trois inter- sentiel du matériau thématique et faite cohésion avec les œuvres de scopic » prètes d’exception. Toutes les harmonique est conservé, les diffé- RäätsetdePärt:onaaffaireàun Rääts: Kaleidoscopic œuvres proposées sont conçues rencesdetimbresetd’agencement programme très habilement Études. pourclarinette,violoncelleetpiano, formel donnent toute sa saveur à construit, où les différentes pièces Pärt: Mozart Adagio. dont on ne peut qu’apprécier les cettepièceélégiaque.Pärtenavait entrent intimement en résonance Gorecki: Lerchenmusik. couleurs chaudes et sombres. composéunepremièreversionpour lesunesaveclesautres.Detoute Récitatifs et Ariosos Plutôt qu’à une série de pièces violon,violoncelleetpiano,avantde évidence, ce postmodernisme, Patrick Messina (clarinette), brèves et virtuoses, le titre de Jaan laréécrirepournostroisinterprètes. renouant délibérément avec l’ex- Henri Demarquette Rääts Kaleidoscopic Études renvoie Les trois mouvements de la pression dessentimentsetdela (violoncelle), àladiversitédesatmosphères Lerchenmusik de Gorecki se pré- subjectivité, s’inscrit dans une filia- Fabrizio Chiovetta (piano) traversées au cours d’une œuvre sentent comme de grandes plages tion romantique assumée. X Aparté AP187. 2018. 1 h d’un seul tenant. Sorte de croise- méditatives entrecoupées de brefs Sarah Léon

90 Q CLASSICA / Septembre 2018 CD CLASSICA / PLAGE 5 PREUVE PAR HUIT Sur instruments d’époque, Isabelle Faust et ses complices ravivent l’Octuor de Schubert.

ien au-delà de ses pleinement tout en unifiant l’en- seules compétences de semble.Là encore,Isabelle Faust violoniste, au demeu- et ses amis font preuve d’une Brant immenses, Isa- science remarquable: chaque belle Faust parvient à dévelop- mouvement livre sa propre et per une approche musicale idoine histoire. Ce qui les unit, historiquement informée, tout c’est la splendeur sonore de ces en étant formidablement instruments d’époque qui pro- moderneetvivante.Elleparten posent une palette de couleurs effet des manuscrits non pour inépuisable, révélant chaque « muséifier », encore moins mesure de cette œuvre gran- pour dépoussiérer,mais simple- diose et très peu jouée. ment pour appréhender L’interprétation définitive l’œuvre à sa source originelle, n’existe pas: néanmoins, l’Oc- débarrassée de toute habitude. tuor de Schubert a assurément Ensuite,elle s’entoure des meil- trouvé en Isabelle Faust et ses leurs,sur instruments d’époque. partenaires de formidables Quelle formidable clarinette, messagers, et pour très long- d’une irrésistible suavité! Quel temps. X Antoine Mignon basson expressif et énergique! Et quel cor phénoménal, d’une époustouflante somptuosité sonore. Enfin, il y a le travail d’ensemble, rigoureux, précis, abouti. Cette manière de travailler un projet explique l’exceptionnelle qualité et sur- tout homogénéité des enregis- trements d’Isabelle Faust. Ce dernier ne fait pas exception. À mi-chemin entre musique de chambre et musique sympho- nique, l’Octuor pose un délicat Franz problème d’équilibre instru- mental. Et pourtant, rien n’y Schubert paraît:l’osmose entre musiciens (1797-1828) est parfaite, la hiérarchisation Octuor D. 803. Menuets des plans sonores se faisant avec D. 89 nos 3et5 beaucoup de naturel, chaque Lorenzo Coppola (clarinette), instrument momentanément Teunis van der Zwart (cor), soliste se détachant avec simpli- Javier Zara (basson), Isabelle cité de l’ensemble, qui lui n’est Faust (violon), Anne Katharina jamais lourd. Schreiber (violon), Danusha Les différents mouvements de Waskiewicz (alto), Kristin von l’œuvre proposent de multiples der Goltz (violoncelle), James esthétiques et écritures (Lied, Munro (contrebasse) Ländler, pré-romantisme, Harmonica Mundi HMM 902263. musique de genre) qu’il n’est 2017. 1 h 10 pas évident de caractériser

CLASSICA / Septembre 2018 Q 91 LES CHOCS DU MOIS AU CŒUR DU CONFLIT FAMILIAL Kent Nagano propose une version remaniée, plus intimiste, du dernier opéra de Leonard Bernstein, avec la complicité d’un superbe plateau vocal. À découvrir.

Quiet Place (1983- par son sérieux, après les Le livret et l’orchestration ont réduite, puisque l’enjeu est ici 1984) constitue le succès retentissants de été remaniés par Garth Edwin de présenter une version de dernier ouvrage scé- Bernstein à Broadway. On lui Sunderland, qui a déjà tra- chambre. L’ensemble de la Anique de Leonard reprochait en outre des fai- vaillé sur Peter Pan et les Anni- réalisation est d’une très Bernstein, conçu comme une blesses de construction. La versaires, dans le but de pro- grande tenue, et la distribu- suite à Trouble in Tahiti (1951), première version en deux actes duire une pièce plus intimiste. tion (Lucas Meachem, Gor- satire jazzy de l’American way n’ayant pas rencontré le succès Les modifications s’exercent don Bintner, Joseph Kasier, of life. Plus grave, cet ultime attendu, Bernstein remania en dès lors dans deux directions. Claudia Boyle) fait honneur opéra met en scène les diffi- 1984 la structure de l’opéra, D’une part, les flash-back de à cette nouvelle version. cultés relationnelles d’un père redécoupant l’action en trois Trouble in Tahiti sont entière- Notons que les francophones et de ses deux enfants après la actes et insérant au cœur du ment supprimés, même si la apprécieront de trouver, joint mort de leur mère, Dinah. deuxième, Trouble in Tahiti structure en trois actes est aux disques, le livret intégral Entre disputes virulentes et sous forme de deux longs conservée. Les rôles des per- de l’opéra, avec sa traduction timides tentatives de rappro- flash-back. sonnages secondaires sont française en vis-à-vis, chement, culpabilités et ran- élagués, les chœurs des actes laquelle, réalisée à Montréal, cœurs sourdes, c’est toute la BELLE DISTRIBUTION II et III disparaissent. Certains nous vaut son lot de délicieux gamme des conflits familiaux Mais la version proposée par airs supprimés dans la version québécismes. Un enregistre- qui est explorée par le libret- Kent Nagano et l’Orchestre de 1984 sont à l’inverse réta- ment qui vient à point tiste Stephen Wadsworth. symphonique de Montréal est blis. D’autre part, l’orchestra- nommé pour le centenaire de L’ouvrage a pu déconcerter substantiellement différente. tion est drastiquement Lenny. X Sarah Léon

Leonard Bernstein (1918-1990) A Quiet Place Claudia Boyle (Dede),Joseph Kaiser (François), Gordon Bintner (Junior), Lucas Meachem (Sam), Rupert Charlesworth (le Directeur funéraire), Daniel Belcher (Bill),Annie Rosen (Susie), Steven Humes (Doc), Maija Skille (MrsDoc),John Tessier (l’Analyste), Chœur de l’Orchestre symphonique de Montréal, dir. Kent Nagano Decca 483 3895 (2 CD). 2017. 1 h 33 ANTOINE SAITO

92 Q CLASSICA / Septembre 2018 RAVEL COMME PROKOFIEV Un rapprochement original et convaincant des deux compositeurs.

ersévérant, aprèsun de clarté et de naturel. contrôlé. Le troisième mouve- très beau premier Avouons-le: cette esthétique ment manque-t-il d’un soup- Nathalia disque en duo avec sa unificatrice, dans Prokofiev, çon de tension,de pyrotechnie? P sœur violoniste (« La déroute… puis fascine. Car si Là encore, c’est le texte qui Milstein Sonate de Vinteuil », Mirare, la pianiste refuse à la Sonate n°4 prime, et non l’ego de l’inter- (piano) 2017), Nathalia Milstein pro- une gravité entêtante dans son prète. Si la Toccata n’est pas Prokofiev: Sonate pour pose, seule, un programme premier mouvement, c’est aussi diabolique et lapidaire que piano n°4. Dix Pièces associant musiques française et qu’elle en célèbre la plastique sous les doigts d’Horowitz ou pour piano. Toccata. russe,en hommage à ses ascen- avec une absolue rectitude et de Samson François, elle par- Ravel : Le Tombeau dances familiales. Pour l’occa- une infinie souplesse.Le travail vient à créer un petit théâtre de de Couperin sion,l’ancienne élève de Nelson sur les nuances et la valorisation voix savamment enchevêtrées. Mirare MIR 350. 2017. 1 h 14 Goerner choisit deux partitions des voix médianes est admi- Cette pièce arbore la fascinante contemporaines: Le Tombeau rable. L’Andante dévoile un perfection de la pierre confiée de Couperin de Ravel et la legato subtil et des graves nour- au meilleur joaillier. Le Ravel entre rigueur et recréation Sonate n°4 de Prokofiev, toutes ris qui rendent les accords du provoque une adhésion simi- (Forlane).LeCHOC attribué à ce deux achevées en 1917. Quels début particulièrement mysté- laire.Plus d’une fois,l’on songe deuxième disque de la très pro- que soient l’œuvre et le compo- rieux. On admire à nouveau la à la grandeYvonne Lefébure en metteuse Nathalia Milstein a siteur,la pianiste dévoile un jeu délicatesse du rubato chez cette entendant ce jeu qui semble valeur de revendication: vite,la évitant toute rudesse, soucieux pianiste au lyrisme toujours rechercher une alchimie idéale suite! X Jérémie Cahen

CLASSICA / Septembre 2018 Q 93 CD CLASSICA / PLAGE 4 MARCO BORGGREVRE SAINT-SAËNS LE ROMANTIQUE Bertrand Chamayou, accompagné de l’Orchestre national de France, déploie une belle énergie et use d’imagination dans les Concertos comme dans les pièces pour piano seul.

nserappelle bonne réputation et on pianiste s’y attache, on comment lui reproche parfois son découvre des merveilles. Les Bertrand prétendu orientalisme et Études, même la virtuose « En OChamayou Le choix de un brio superficiel. Or, forme de valse », révèlent des avait exalté César FRANCIS quoiqu’« égyptien » et, en trésors. On y trouve parfois un Franck, notamment les DRÉSEL dépit d’un thème nubien romantisme frémissant (Alle- Variations sympho- prétendument authen- gro appassionato – surtout la niques (Naïve). Il en va de tique, c’est une œuvre d’un partie centrale, Étude op.52 même ici, dans un style diffé- bonheur sonore constant, à la n°3 « pour l’indépendance des rent. Dans le Deuxième fois classique et très originale, doigts »).Ailleurs, Saint-Saëns Concerto, le principal écueil avec une orchestration plus précède ou même suit des virtuoses est… leur propre consistante que celle du Debussy, qu’il n’aimait pas, virtuosité qui les fait passer à concerto précédent. Emma- pour imaginer de merveilleux Camille côté du charme et même de la nuel Krivine tire le meilleur de miroitements : Étude op.111 profondeur de la musique. l’Orchestre national de France, n° 1 Tierces mineures et Saint-Saëns Dans cet enregistrement, Cha- aussi bien par la qualité du son, majeures, ou op.111 n° 4 Les (1835-1921) mayou ne nous donne pas l’équilibre des masses et sur- Cloches de Las Palmas. Les Concertos pour piano seulement de beaux traits tout la précision dans la mise concertos se hissent en tête de et orchestre nos 2et5 mais, avec une sonorité en lumière de la délicate mar- la discographie. Quant aux « Égyptien ». constamment magnifique, queterie instrumentale. pièces pour piano seul, Études op.52 nos 2et6. rutilante mais charnue, il traite C’est magnifique mais ce n’est Bertrand Chamayou remet les Études op.111 nos 1et4. l’œuvre moins comme une pas tout. Les pages pour piano pendules à l’heure. Il retrou- Mazurka n° 3 op.66. brillante fantaisie que comme seul qui complètent le pro- vera Saint-Saëns (Concerto Allegro appassionato. un triptyque plein d’imagina- gramme sont encore plus n° 5), Emmanuel Krivine et Valse nonchalante tion, parfois presque roman- étonnantes. Dieu sait si depuis l’Orchestre national de France Bertrand Chamayou (piano), tique, parfois drôle et léger et Cortot, l’on a médit de cette à l’Auditorium de Radio Orchestre national de France, animé d’une énergie farouche. littérature, trop légère, salon- France le 13 septembre. Paru- dir. Emmanuel Krivine Le Concerto « Égyptien »,bien narde, mécanique, pas inspi- tion du CD le 7 septembre. X Erato 0190295634261. 2018. 1 h 19 plus tardif, n’a pas toujours rée, etc. Or, quand un grand Jacques Bonnaure

94 Q CLASSICA / Septembre 2018 la dolce volta les liens secrets entre un artiste et une œuvre ont leur label C’ESTD’LABOMBE! Chanteurs idéaux, enjeux moraux, voire le manque d’inventivité mélo- direction convaincue dique et de caractérisation des de John Adams: voix. Néanmoins, on a affaire à une version d’exception qui cette première en exalte le meilleur de l’œuvre. CD va faire du bruit. Oppenheimer est incarné par Gerald Finley, qui avait créé le rôle à San Francisco (2005), et ’il était déjà possible de l’a depuis porté tout autour du se procurer Doctor monde à l’occasion de diverses Atomic en DVD (Renes/ reprises. Sa connaissance du SOpus Arte et Gilbert/ personnage est donc profonde Sony),voici la première version et il sait transmettre avec force CHOPIN // 24 Préludes, Fantaisie-Impromptu, Barcarolle studio. On connaît l’objet du ses peurs et ses hésitations livret de Peter Sellars: les pre- (« Batter my Heart », dernier Joaquín ACHÚCARRO, miers essais nucléaires menés air du premier acte). Julia Bul- La légende vivante du piano espagnol en 1945 dans le désert de Los lock transmet tout le lyrisme Alamos. Le personnage princi- de Kitty – la femme d’Oppen- pal de l’opéra est donc logique- heimer –, tandis qu’Aubrey 05/09 - TOULOUSE, Piano aux Jacobins ment Robert Oppenheimer Allicock relève avec brio le défi (« Oppie »), le directeur du difficile de nous intéresser à projet Manhattan. L’ensemble un personnage médiocre, le de la pièce baigne dans une général Leslie Groves. À ne pas atmosphère d’attente oppres- manquer. X Sarah Léon sante et d’angoisse: les essais vont-ils porter leurs fruits ? Vont-ils être retardés par la tempête électrique qui se déchaîne au cours du deuxième acte? De manière plus générale, c’est toute une série de ques- tions éthiques qui sont soule- vées au cours de l’opéra: les scientifiques doivent-ils expri- mer leur opposition à l’utilisa- LISZT // Harmonies poétiques et religieuses (extraits) tion de l’arme nucléaire, ou PÄRT // Für Alina, Pari Intervallo, Trivium sont-ils condamnés à se taire face au pouvoir militaire ? John Vanessa WAGNER, Faut-il prévenir le Japon, avant De l’art de la musique planante… de larguer une bombe sur Hiro- Adams shima ? La tension monte (né en 1947) jusqu’au compte à rebours final Doctor Atomic 16/10 - BRUXELLES et à la déflagration orchestrale Gerald Finley (Robert 20/10 - METZ, Arsenal qui s’ensuit. Alors que tout Oppenheimer),Julia Bullock 21/10 - PARIS, Philharmonie retombe au silence, on entend (Kitty Oppenheimer), Brindley 26/10 - NANTERRE la voix d’une Japonaise deman- Sherratt (Edward Teller), Samuel dant désespérément de l’eau… Sakker (James Nolan),Andrew 09/11 - LIMOGES L’opéra continue à faire débat: Staples (Robert Wilson),Jennifer 24/11 - PARIS, Salle Gaveau beaucoup le jugent plus faible Johnston (Pasqualita), BBC que Nixon in China et The Singers, Orchestre symphonique Death of Klinghoffer, critiquant de la BBC, dir.John Adams estore.ladolcevolta.com au choix les longueurs du livret Nonesuch 0075597931075 (2 CD). et son écriture sous forme de 2017. 2 h 37 collages, la simplification des

CLASSICA / Septembre 2018 Q 95 JOHANN SEBASTIAN BACH (1685-1750) +++ Variations Goldberg DiegoAres(clavecin) Harmonia Mundi HMM 902283.84 (2 CD).2017.1h29

Ilyadansl’attitudeinterprétativede DiegoAresunevolontédesefaire remarquer aussi manifeste qu’aga- JOHN çante.Celacommenceavantmême CARL PHILIPP que résonne la première note de EMANUEL ADAMS l’Aria : le claveciniste espagnol a en (néen1947) effetcrubond’yadjoindrelePrélude BACH ++++ BWV 968,inspirédel’Adagio de la (1714-1788) Naiveandsentimentalmusic. Sonaten°3pourviolonseul, égale- ++++ Absolute Jest ment en sol majeur. Le contraste Concertos pour violoncelle

DU MOIS Quatuor Doric, Orchestre entreletic-tacobstinédurythme Wq.170 et Wq.172. national royal d’Écosse, pointédusecondetl’énoncérêveur Symphonie Wq.173 dir. Peter Oundjian de la première se révèle plutôt dés- Jean-Guihen Queyras Chandos SACD CHSA 5199. 2018. tabilisant.Maisnesoyonspassur- (violoncelle), Ensemble Resonanz, 1 h11 pris : DiegoAresconsacreunlong dir. Riccardo Minasi paragraphedesontextedeprésen- Harmonia Mundi HMM 902331. LasymphonieNaiveandsentimental tationàl’originalitéde l’œuvre et 2017. 54’ music (1999)etleconcertopour chercheàjoindrelegesteàlaparole. orchestreetquatuoràcordesampli- Il n’empêche que cette abondance Lestroisconcertospourvioloncelle fiéAbsoluteJest(2012)n’avaientété d’ornements,dèsl’Aria,quecescas- de Carl Philipp Emanuel Bach, dont enregistrésqu’uneseulefoisàce cadesdenotesdepassage,queces existent aussi des versions pour jour ; PeterOundjianetl’Orchestre reprises effrontément éloignées du clavecin et pour flûte, comptent national royal d’Écosse reprennent texte d’origine (Variations 5 et 29) parmi ses œuvres les plus enregis- le flambeau pour en livrer une ver- finissent par étouffer la musique trées.Del’Allegroassaiinitialdecelui sion claire et énergique. comme le lierre l’arbre. en la mineur Wq. 170, Jean-Guihen Absolute Jest se veut une sorte de Aussisesurprend-onplusd’unefois Queyrasetl’EnsembleResonanz collage de scherzos de Beethoven, àespérerunsécateurquidébarras- restituent à merveille le côté pourlapluparttirésdesquatuors, serait la musique de ces encom- enflammé et la violence, ce qui quoiqu’onpuisseaussiyreconnaître brantesguirlandes.Onl’espèretout donne le ton pour ce qui suit. Ce des emprunts à d’autres œuvres. enleregrettantcarlaréalisationse concerto et celui en la majeur Les fragments sont répétés à satu- montre parfaitement aboutie, mar- Wq. 172 sont interprétés avec une ration, créant une parfaite osmose quée par des phrasés d’une rare vigueurrythmiquerare,desaccents

DISQUES entrelestyleclassiquedeBeetho- élasticité, un rubato convaincant pointusetuneadmirablemiseen venetleminimalismed’Adams. (Variations 8 et 19), du panache (la valeur des lignes sonores. Et aussi, Naiveandsentimentalmusics’ins- Variation 16,trèsorchestrale),unton danslesmouvementslents,avec pired’unessaideSchiller,quidis- toujoursadéquat(lagiguedela une émotion n’excluant pas la rete- tinguelespoètesnaïfsdespoètes Variation 7 gambille allègrement), nue, une sensibilité à fleur de peau. sentimentaux, ces derniers se uneutilisationhabiledespossibilités Entre ces deux concertos, la Sym- caractérisant par le regard réflexif del’instrument,copied’unTaskin(la phoniepourcordesensolmajeurWq. qu’ils portent sur leur œuvre. Pour Variation 9 surlequatrepieds)etle 173,laplusanciennedesdix-huitdu Adams, la « conscience de soi bien refusdecourirlechronomètre(1h compositeur,justeaprèssoninstal- tropintense»desartistesmodernes 26 et deux CD) pour faire triompher lationàBerlin.Dotéed’unAndante

LES empêchel’existencedetoutartnaïf la seule virtuosité. Beaucoup de en mineur, elle rappelle Graun et ànotreépoque;sasymphonieserait qualités,d’idées,detalent.Etbeau- Hasse.CeCDesttoutcequ’ilyade unetentative,aucontraire,delaisser coup d’ornements. recommandable, mais les mêmes LES NOTES cette naïveté exister (on peut se Philippe Venturini concertosexistentparOphélieGail- DE CLASSICA demander si ces réflexions préa- lard,aveclaSymphonie Wq. 182/5, lablesàlacompositionnesontpas unedesplusremarquables.Ophélie Coup de cœur +++++ « sentimentales »). Orchestre plé- Gaillardaenoutreenregistréailleurs Excellent thorique, inspiration foisonnante, le troisième concerto pour violon- ++++ diversité des climats : comme sou- celle(ensibémol majeurWq.171), et Bon vent,ils’agitd’uneœuvreplusmaxi- sesprestationssontplusamples,les +++ malistequeminimaliste.Sil’onpeut perspectives sonore plus vastes. À Moyen resterfidèleàlaversiond’Esa-Pekka l’amateurdechoisir.Ilpourraaussi ++ Salonen,dédicatairedel’œuvre,et setournerversunCDréunissantles Décevant + de l’Orchestre philharmonique de troisconcertos,commeceluiavec San Francisco (Nonesuch, 2002), en soliste Antonio Meneses Inutile + celle d’Oundjian ne démérite pas. (Panclassics, 1997). Sarah Léon Marc Vignal

96 Q CLASSICA / Septembre 2018 BÉLA LUDWIG VAN BARTÓK BEETHOVEN (1881-1945) (1770-1827) +++++ +++ Concertos pour violon nos 1 et 2 Quatuors à cordes nos 1, 3, 4, 7, Christian Tetzlaff (violon), 12 et 16 Orchestre symphonique Cuarteto Casals de la Radio finlandaise, Harmonia Mundi HMM 902400.02 dir. Hannu Lintu (3 CD). 2015 2017. 3 h 01 OndineODE13172.2017.1h01 Pour fêter, en 2017, son vingtième On ne saurait trouver approche anniversaire,leCuartetoCasalss’est plus dissemblable à celle de LUDWIG VAN lancédansuneintégraleBeethoven. LEONARD Renaud Capuçon et Fran- Leprésentcoffretestlepremierdes çois-Xavier Roth (voir Classica BEETHOVEN trois qui prolongent cette aventure BERNSTEIN n° 201),soignéeaupointdeparaître (1770-1827) audisque.Danslalignéedeleurs (1918-1990) troplisse.C’esteneffetunBartók ++++ enregistrementsconsacrésàHaydn +++++ rhapsode,imprévisibleetrésolu- Sextuorop.71.Duopour et Mozart, les quartettistes espa- Symphonies nos 1 à3. ment fantasque que défend le tan- clarinette et basson WoO 27 gnols mêlent élégance et brio, Prelude, Fugue & Riffs dem ChristianTetzlaffetHannu n° 1. Octuor op. 103. Rondino homogénéitédestimbresetvivacité Nadine Sierra (soprano), Marie- Lintudanscerefusdubeausonet WoO 25. Marche WoO 29 destempos.Onapprécieparticuliè- Nicole Lemieux (mezzo-soprano), cettesouplesseagogique.Unevertu Solistes de l’Orchestre rementlephraséanimédesmouve- Josephine Barstow (narration), inappréciabledansleConcerton° 2, de chambre écossais ments lents, dans lesquels le dis- Alessandro Carbonara lequel se rattache à l’esthétique de Linn CKD 572. 2016. 55’ cours s’épanouit sans pathos (clarinette), Beatrice Rana la variation. Expressionniste, l’Or- excessif (Quatuors nos 1 et 3). On (piano), Chœur et Orchestre chestre symphonique de la Radio LesœuvresdelafinduXVIIIe siècle savoureégalementlacohésiondes de l’Académie nationale Sainte- finlandaise ? Plutôt à l’écoute de la nousrappellentlaplaceimportante menuetsetscherzos,spirituelset Cécile,dir.AntonioPappano moindre inflexion du soliste, afin de qu’occupaient alors les vents. À spectaculaires (nos 4, 12 et 16). Warner Classics 0190295661588 luitendreiciuncontre-chant(lecor Vienne,JosephIIavaitcrééunehar- Assortied’uneréverbérationchaleu- (2 CD). 2018.1h53 et le basson dans l’Allegro non monie de premier ordre. Mozart et reuse, la prise de son englobante troppo), ailleurs le sertir d’une aura Haydnentirèrentparti.Descréa- flatteunjeuparticulièrementsoigné. Aucœurdestroissymphonies,c’est pleine de mystère. La coda de l’An- teurs de la génération suivante SileCuartetoCasalssedistinguepar laquestiondelafoiquiestsoulevée. dantetranquillos’écoulecommeun commeBeethovennedédièrentaux son sens de l’harmonie collective et CommentcroireencoreenunDieu rêve éveillé. Certes, Hannu Lintu ventsquedesœuvresdejeunesse, sa maîtrise du style galant, son àl’époquemoderne,cet«âge de n’hésitepasàfairemoussercer- écritesavantsestrenteans,etnon esthétique toujours raffinée ne l’anxiété»dépeintparAudendans tainseffetsorchestraux,notam- de maturité. Néanmoins, il serait convainc pas totalement. En gom- son poème éponyme ? Comment ment lesglissandosdetrombones. dommagedeboudernotreplaisirà mant systématiquement les accents croire,surtout,pourleJuifqu’est Du moins s’appareille-t-il au jeu l’écoutedecertainesd’entreellestel Bernstein, après les horreurs de la protéiformedusoliste,dontla l’Octuor op. 103,leplusaboutides Shoah ? La Symphonien°1«Jere- paletteexpressiveembrasseune cinq titres réunis sur ce disque. Le miah » (1942) porte la trace des grande variété d’émotions et de classicisme viennois s’y affirme temps troublés durant lesquels elle sensations:ironiedansleprimesaut commeyapparaîtengermel’évolu- a été écrite :onyentendleslamen- des mélodies aux inflexions popu- tion ultérieure du compositeur, tations du prophète devant les laires,âpretédanslestraitsà jouantautantdesdéveloppements, ruines de Jérusalem. « The Age of doubles cordes, suavité mélodique effets de surprise et autres dyna- Anxiety » (1949),autantdepoème lorsqueletonglissesurlapentede miquesquedel’orchestrationoude symphoniquequedeconcertopour la nostalgie. De la nostalgie, le mal laformeavecunmenuetprécurseur piano, suit les errances de quatre aiméConcerton°1enregorge,tribu- devenu scherzo. personnagesperdusdansunmonde tairequ’ilestd’uneesthétiquedont Sil’onpeutoublierlatrèsbrève industrialisédontlesensleur le compositeur cherchera rapide- Marche,leSextuor,leDuo et le échappe. Enfin, la Symphonie n°3 ment à s’affranchir. Une ambiguïté Rondino ne déméritent pas et l’on « Kaddish »,peut-êtrelapluspuis- perceptible dans cette l’interpréta- retiendra, entre autres, du pre- anguleuxdelapartition,enadoucis- sante des trois, met en scène un tion (en public !) avec laquelle il mierlecaractèresombredel’Ada- sant les conflits entre les lignes orantquiserévoltepeuàpeucontre faudra désormais compter. gio,dudeuxièmel’utilisationauda- instrumentales,encultivantl’ex- Dieuetlesommedesejustifier,tan- Jérémie Bigorie cieusedesdeuxcorsoudu pressivité évanescente de ses vio- dis que les chœurs poursuivent la troisième le charme souligné par lons, les musiciens esquissent en liturgie hébraïque. les timbres de la clarinette et du effetunportraittroplissedeBee- Le défi était de taille pour Antonio basson. Cette nouvelle parution thoven.Oùsontpasséeslaséche- Pappano:parmilesversionsrecom- confirme des interprètes la ron- resse des articulations, l’aridité du mandables, on compte en effet les deur,lasensualitéetl’équilibre contrepoint, la violence des enregistrements de Lenny en per- des timbres comme l’homogé- contrastes dynamiques, autant sonne avec Christa Ludwig pour néité et la lisibilité de l’ensemble. d’éléments constitutifs du langage « Jeremiah » et Montserrat Caballe Pascal Gresset du compositeur ?Lesinterpréta- pour«Kaddish».Lechefbritannique tions incisives des Artemis (Virgin, offreuneversionplusdistanciée, 2011)oudesHagen(DGpuisMyrios) plusobjectivepeut-être,maisnéan- ontrévéléd’autresfacettesdu moinsengagée,parmomentsvéhé- maître de Bonn. mente, souvent d’un lyrisme sou- Tristan Labouret tenu. Une réussite. Sarah Léon

CLASSICA / Septembre 2018 Q 97 Les disques du mois

GEORG BÖHM (1661-1733) +++++ Intégrale de l’œuvre d’orgue Hans Davidsson (orgue) Loft LRCD 1133-35 (3 CD). 2013. 3h04

Le SuédoisHansDavidssonsignele premier enregistrement de l’inté- graledel’œuvrepourorguede énergie tourmentée, tantôt impé- HEINRICH IGNAZ Böhm.Etavecquelbrio!Unjeupar- JOHANNES tueuse, tantôt déchirée, et l’élo- FRANZ VON faitement conduit, très rythmique quence dolente et dense de son et énergétique ; un toucher d’une BRAHMS mouvement central. Le Quintette BIBER grandediversité,dépourvudetoute (1833-1897) n° 2, dernière œuvre que Brahms, (1644-1704) dureté, à la fois brillant, souple et +++++ presque mourant, ait entendue en +++ délicat; une ornementation serrée «Intégraledelamusique concert, surnommé «Quintettedu Sonates du Rosaire maistoujourslisibleetparfaitement de chambre » Prater»àcausedesonfolklore Christina Day Martinson (violon), adaptéeàl’instrument;enfinune Les trois Quatuors avec piano* sous-jacent, reflète avec justesse Boston Baroque registration riche, variée. Assuré- Quintettes à cordes l’énergie plutôt optimiste de son Linn CKD 501 (2 CD). 2017. 2 h 01 ment,nousavonsaffaireàunmaître et Sextuors à cordes** premiermouvement,etlaqua- quiaétudié,cherchéetexpérimenté Pierre Fouchenneret, si-dumka de l’Adagio : ces deux Dédiéàl’archevêquedeSalzbourg tout en parvenant à garder cette Shuichi Okada (violon), voletssemblentinfluencéspar MaxGandolf,lecycledesSonatesdu primefraîcheurquiinsuffleàla Lise Berthaud, Adrien l’ami Dvorák. Le Poco allegretto Rosaire s’attache à illustrer chacun musique baroque du nord de l’Alle- Boisseau (alto), François Salque, traduit Brahmsdans ses fragilités, desmystèresliéàlamèreduChrist. magnesavie«fantastique ». Yann Levionnois (violoncelle), ses hésitations ; etc’estavecune Biberydépassesescontemporains Davidsson a choisi un instrument Éric Le Sage (piano) légèreté très directe que le finale dans l’utilisation du violon. S’adjoi- qu’ilconnaîtpourenavoirsupervisé B RecordsLaBelleSaisonLive faitallusionàlaveinetzigane. gnant la compagnie d’un continuo la construction, aux côtés d’Harald LBM011(2CD)*et012(2CD)**. Le Sextuor n° 1 estmenéavecune assezétoffé,FlorenceMalgoirepro- Vogel :legrandorgueEeken-Arvids- 2017 et2018.1h54et1h53 certaine gaîté, pertinente dans posait en 2011 une lecture très son-Yokota(2000)del’égliseÖgryte cetteœuvrequiaétésurnommée baroquedecechef-d’œuvre(Psal- deGöteborg.Ils’agitd’unvéritable Voici les deux premiers volumes Frühlingssextett,le«Sextuordu mus,CHOC)mêmesilaprimede chef-d’œuvre, inspiré des grands d’uneintégraleréaliséeenconcert. printemps». Le son, bien moelleux l’opulencerevientàPatrickBismuth instrumentsdeSchnitgeretque Dans ce défi non négligeable qui et rond dans les graves, ce qui etsonensembleLaTempesta(Zig- BöhmconnutàHambourgàlafindu veut embrasser toute la puissante rend justice à la «voix» même de Zag Territoires). XVIIe siècle. Aucune agressivité dans œuvre de chambre de Brahms, Brahms, entoure un phrasé plein PremierviolonduBostonBaroque, cesjeuxauxattaquessûreset l’intérêtdel’écoutenefaiblit d’esprit, capable de mystère dans ChristinaDayMartinsonafaitsortir vocales, ces fonds d’orchestre de jamais.Lafermetéetl’authenticité lespianissimioudanslespizzicati. desrangstroischefsdepupitre: chapelle ou même les très brillants sont présentes à tout moment, Lescélèbresvariationsdudeu- MartinPearlman(clavecinetorgue), Plenum à l’assise ferme et grasse même si les tempi sont souvent xième mouvement sont bien Michael Unterman (violoncelle) et auxquels le tempérament mésoto- assez vifs (mais sans jamais nuire contrastées sans effets inutiles ; Michael Leopold (théorbe et gui- nique confère ce caractère si parti- au texte, à sa cohérence), adoptés c’estdanslescherzoquel’effet tare).Faut-ilmettreleurdiscrétion culier.LespagesdeBöhmse par une équipe qui, dans son bondissant est particulièrement surlecomptedelamodestieoude révèlent avec une noblesse et une ensemble, est jeune. réussi. Même souci d’une lecture l’intimidation ? Toujours est-il que élégance rare, dramatique et Les quatuors avec piano sont bienéprouvéedansleSextuorn° 2. leurinterprétation,àlafoisavareen orchestrale:lesversetssurleVater menés avec vaillance, conviction, Début frémissant, plein de poésie décibels,endiminutionettropuni- Unser forment alors une véritable soutenus par un piano efficace, où souffle un vent fragile de la voque en expressivité, relègue la cantate, le Praeludium en fa une dontlapartie,quiestpresquecelle nature ; finesse de dentelle dans basse continue totalement à l’ar- ouvertured’opéraetlapartitasurle d’un chef, galvanise l’ensemble – le deuxième mouvement, et rière-plan. Une dévalorisation qui choral AufmeinenliebenGottun lequeln’estjamaisenmanquede fougue dans sa section centrale opère au bénéfice de la soliste, sur motetsoutenuparunconcertde bellessonoritésnidephrasés enclavée ;climatd’attentetrès les épaules de laquelle reposent la violes. Voici sans conteste un enre- vibrants.LefinaleduQuatuor n° 1, intérieurdansl’Adagio,finale teneur narrative du discours et la gistrement de référence. Allazingarese,auraitpuêtreunpeu d’une fluidité électrique. virtuositérequisepourmeneràbien Aurore Leger pluscontrasté,entresesurgences Surlesphotos,aucuninterprète leprocédédelavariation.Silesdif- (réussies)etsesemphasesouses n’affiche un sourire hilare. Sérieux, ficultés d’intonation liées à la scor- élégies qui manquent un peu de ilssesententresponsablesd’une datura occasionnent quelques flot- ressenti. Mais l’Andante mèneavec musique profonde ; et derrière tements, la volubilité des coups grâce à une petite marche bien leursvisagesunpeufermésselit d’archet et les fulgurances mys- rythméequireprésenteunedes la passion. tiques de Christina Day Martinson perlesdel’ouvrage.Lachevauchée Isabelle Werck rendent néanmoins cette interpré- romantique dans le scherzo du tation,dontl’ultimePassacaillepour Quatuor n° 3 est une course à violon seul constitue le point culmi- l’abîme convaincante. nant, attachante. Le second album, aux cordes Jérémie Bigorie seules, reflète la même intelli- gencedansl’engagement.LeQuin- tette n° 1 est bien rendu dans son

98 Q CLASSICA / Septembre 2018 Quelques années

avant J.-C. LEBILLETDE JEANCHARLES HOFFELÉ

WANDA

LANDOWSKA (1879-1959) Polonaise, installée en France, puis exilée aux États-Unis, la claveciniste a remis au jour l’instrument et son répertoire, Bach en particulier.

’Europe va basculer mais, dans ce (Sonate K.490) on entend les tirs de la DCA, il qui est encore le tourbillon de était temps de fuir. Landowska laissa tout, l’entre-deux-guerres, le phono- clavecins, bibliothèque, élèves, Saint-Leu-la- graphe qui tourne toujours à Forêt, son refuge de musique fut déserté en L78tours par minute se penche sur quelques heures; elle serrait juste dans une Bach. Wanda Landowska sort de ses cartons malle quelques partitions, Bach, Scarlatti, une œuvre qui dormait dans les bibliothèques Mozart,sa trilogie.Maillol la recueillit un temps depuis deux siècles, les Variations Goldberg. à Banyuls, mais les États-Unis seront son exil, Elle les joue devant un public choisi qui s’at- où, infatigable, elle recommença son Bach, tendait à un récital de bimbeloteries, puis les donnant les Goldberg à la stupéfaction de tous enregistre.La bataille qu’elle avait menée pour au Town Hall le 7 décembre 1942. Trois ans faire reconnaître le clavecin comme un ins- plus tard, elle les enregistrait de nouveau pour trument à part entière, et non plus une Victrola,savourant les polyphonies,posant un

chimère, trouvait son aboutissement. Arthur SDP modèle pour toute une génération de pianistes Nikisch l’entendant jouer Bach à la Hochschule (dont Rosalyn Tureck) et non de clavecinistes, de Berlin en 1914 avait compris la révolution qu’apportait celle paradoxe! On ne savait presque rien de cet instrument étrange qu’il nommera la « Bacchante de Bach ». Le lourd album parut, le reconstruit à sa demande une nouvelle fois. Elle usa, pour le faire Concerto italien,laFantaisie chromatique et Fugue suivront quelques mieux connaître, du Concert champêtre que Poulenc lui avait écrit années plus tard, encrant ce clavecin dans son temps historique, en 1928, mais les directeurs artistiques de Victrola préférèrent lui alors qu’elle l’avait voulu moderne ; Falla lui écrivant un offrir ce qu’elle n’osait plus espérer: ils disposèrent leurs micros concerto-portrait vif, ardent, solaire comme son jeu et la faisant dans le salon de musique de sa maison de Lakeville pour enregis- paraître dans ses Tréteaux où le petit orchestre se compose autour trer « son » Clavier bien tempéré. À soixante-dix ans,le grand œuvre du clavecin.Vingt-quatre sonates de Scarlatti suivront,prodigieuses se parachevait.Victrola lui offrit également de revenir à son piano, de caractère,dansées,fulgurantes,rappelant queWandaLandowska la laissant libre de graver des sonates de Mozart et de Haydn sur le était une virtuose du piano imposant à son clavecin Pleyel les vertus beau Steinway boisé, cadeau du directeur de la succursale new- de son premier instrument: ses Goldberg chantent,cherchent l’im- yorkaise du célèbre facteur. Soudain, la plénitude des couleurs, le probable legato et plus d’une fois le trouvent,un giocoso irrésistible legato vocal, l’invention divine des ornements et des accents rap- envole littéralement ses Scarlatti lorsque des ombres tragiques ne pelaient quelle musicienne absolument classique était d’abord la les assombrissent pas. La guerre revint ; sur les matrices de 1940 « Bacchante de Bach ». X Les disques mentionnés Z Intégrale des enregistrements européens (1928-1940): Bach, Haendel, Scarlatti, Couperin, Daquin, Rameau, Mozart, Haydn. United Archives UAR018 (8 CD). Z Intégrale des enregistrements Bach réalisés aux États-Unis. RCA 87667891-2 (7 CD) Z « The Complete Piano recordings »: Sonates de Mozart et Haydn. APR 7305 (4 CD) Z Concerto n°22 de Mozart avec Artur Rodzinski et Concert champêtre de Poulenc avec Leopold Stokowski. Z Pour en savoir plus : « Landowska Uncumon Visionnary ». DVD VAI 4246.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 99 Les disques du mois

ANTON AARON BRUCKNER COPLAND (1824-1896) (1900-1990) ++++ ++ Symphonie n° 8 An Outdoor Overture. Orchestre symphonique Symphonie n° 1. Statements. de la Radio bavaroise, Dance Symphony dir. Mariss Jansons Orchestre philharmonique BRKlassik900165.2017.1h20 de la BBC, dir. John Wilson Chandos SACD CHSA 5195. Commetoutartiste,MarissJan- 2018.1h08 sons, chef ô combien célébré dans MAX ces colonnes, connaît des soirs FRÉDÉRIC Il arrive qu’aucun moment ne sai- transcendants,dessoirsdécevants, sissel’auditeuraupointoùl’onse BRUCH et d’autres entre les deux. C’est à la CHOPIN demandesicen’estpasl’œuvredu (1838-1920) dernière catégorie qu’appartient (1810-1849) compositeur qui ne présente qu’un +++ cette captation d’un concert de +++++ intérêt limité. Ainsi en va-t-il pour Fantaisie écossaise. Concerto novembre 2017 au Gasteig, à Préludes op. 28, op. 45 cettesélectiondepiècesdeCopland pourviolonn°1 Munich.NonquecetteHuitièmesoit et op. posth. Fantaisie- qui commence avec Outdoor Over- Academy of St Martin in the indigne, loin de là même, mais elle Impromptu. Nocturnes ture,unpeufade,enjouéemaistrès Fields,JoshuaBell(violonetdir.) nedépassepaslesqualitéshabi- nos 2 et 20. Barcarolle illustrative,sanssurfaceniprofon- Sony Classical SACD 19075842002. tuelles de la battue probe du chef Joaquin Achucarro (piano) deur.DédiéeàNadiaBoulanger,la 2017. 55’ letton,quiaparailleurstoujoursété LaDolceVoltaLDV44.2017.1h15 Symphonie n° 1, dont la version ini- meilleurmahlérienquebrucknérien. tialeincluaitunorgue,débuteparun Avec ce nouvel enregistrement, Rappelons aussi qu’un bon concert Ce grand seigneur du piano aura prélude méditatif aux textures Joshua Bell enrichit sa riche disco- ne fera pas forcément un grand attenduquatre-vingt-cinqanspour proches du jazz, puis se développe graphie (pour Decca et Sony), sou- disque, car il manque ici presque signer son premier disque Chopin. dansunestructurequirappellele ventsaluéeparlacritique.Directeur constamment le degré de finition Joaquin Achucarro considère que styleeuropéendesannées1920, musicaldel’AcademyofStMartinin orchestrale qui ferait la différence : ces courtes pièces représentent aveccommelignedemirelatouche theFieldsdepuis2011,ilseconsacre la coda du finale, bien lancée mais «unehumeurparticulièreetconsti- russe du Stravinsky de Petrouchka, de plus en plus aux activités de chef tue un univers en soi » et voulait sansatteindresaféerie.Statements d’orchestre. Comme à l’accoutu- « les avoir totalement assimilées - déploie une succession d’instanta- mée,sonjeuatteintlaperfectionau au point d’en faire (...) une part de nés, engagés, modernistes, disso- niveau de la justesse et de la préci- [s]on subconscient ». Àn’enpas nants, avec un volontarisme dont sion technique ;s’yajoutentun douter,cerapportintimeetcette témoigne l’indication du composi- charmeindéniabledelasonoritésur maîtrise de la partition dans les teur pour chaque pièce: militant, le superbe Stradivarius « Gibson » moindres détails lui ont permis de cryptique, dogmatique, subjectif, de 1713 et un sens du phrasé immé- proposer cette vision unitaire des jingo, prophétique. Mais on peine à diatementreconnaissable.L’aisance Préludes de Chopin. rhapsodiquedontfaitpreuvele Lejeud’Achucarro,toutentierau soliste est pourtant assombrie par service de la musique, s’accomplit unecertaineaffectation(lesmou- dans une liberté et une manière de vements lents)etpardesenvolées varier le toucher lui permettant sentimentales trop appuyées que d’obtenir tour à tour des sonorités surligne l’accompagnement soudainfreinéeparletempodela mordantes et caressantes. En orchestral (Allegro moderato du dernière page de la partition, occa- témoignentlesaccordsrépétésdes Concerto,finaledelaFantaisie siond’unflottementaudibledansles Préludes nos 7 et 13 et les notes écossaise)quellequesoitlaqualité pupitres de cuivres. répétéesdelafameuse«Goutte des musiciens londoniens en for- On peut aussi imaginer une plus d’eau»duPréluden° 15.Parailleurs, mation Mozart. grandecaractérisationdesventsou commentnepasêtresubjuguépar Durant sa longue existence, Bruch unetenueplusfermed’authentique la transparence des Préludes nos 4 a composé trois concertos pour maître à la barre, la musique avan- et 7 au caractère poétique si violon et des pièces moins connues çant d’une manière non contrainte intense ?Enfin,onapprécieque entendre le « bouquet viril, frais et (Konzertstück,Romance,Sérénade, (Scherzo),avecparfoisunmanque JoaquinAchucarroaitréaliséune doux » loué par Virgil Thomson. Adagio appassionato) qui auraient d’arêtes, de définition dans les voix véritable intégrale des préludes Dance Symphony,adaptationd’un mérité de complémenter ce disque intermédiaires (Trio). L’orchestre composés par Chopin en ajoutant ballet de Copland inspiré du Nosfe- qui n’atteint ni l’intensité virtuose peut ronronner tout son saoul, aux vingt-quatre Préludes, celui de ratu de Murnau s’avère plus stimu- inégalée de Heifetz et Sargent comme en pilotage automatique,. l’Opus45et de l’Opusposthumeen lant, mais ici encore la forme (RCA), le classicisme apollinien Des chefs de Jochum à Böhm, de la bémol majeur.Lesensdel’impro- demeuresansaspérité,loindugénie d’OïstrakhetMatacic(Concerton° 1, FurtwängleràHarnoncourt,deGiu- visationdel’artistesertadmirable- proliférantd’unIves.L’intensitéde EMI) et Horenstein (Fantaisie écos- lini à Karajan, ont imprimé leur ment les harmonies et le bel canto cettepiècesetrouvedanslaversion saise, Decca), ni le lyrisme sensible marque à la discographie. Aussi de Chopin, notamment, dans la deLeonardSlatkin(RCA),plusenga- d’AccardoetMasurauseind’une cette version ne s’imposera pas au Barcarolle.Unevéritableleçonde gés que John Wilson et l’Orchestre intégralepourviolonetorchestreà panthéon de la Huitième. musique. Aurélie Moreau philharmonique de la BBC, bien recommander vivement (Philips). Yannick Millon ternes interprètes d’une œuvre qui Michel Le Naour demande foi et engagement pour susciter l’adhésion. Romaric Gergorin

100 Q CLASSICA /Septembre 2018 LES INDISPENSABLES DU BAROQUE

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AURÉLIEN EDWARD DUMONT ELGAR (néen1980) (1857-1934) ++++ +++++ « Stillness » Falstaff. Mélodies avec Start the dance ! orchestre. Grania et Diarmid Berceuse et des poussières. Roderick Williams (baryton), 7Vallées.Fiocchidisilenzio. Orchestre philharmonique Sérieux gravats de la BBC, dir. Andrew Davis Ensemble Linea, Chandos SACD CHSA 5188. dir. Jean-Philippe Wurtz 2017.1h14 Odradek ODRCD324. 2017. 49’ CLAUDE ANTONÍN Étude symphonique de vastes pro- L’altéritéconstituelemaître-motde portions(trente-cinqminutes),Fals- DEBUSSY la musique d’Aurélien Dumont. DVORÁK taffdresseunportraitdel’antihéros (1862-1918) Celle-ci se trouve nourrie par une (1841-1904) shakespearien au travers de +++++ bellevariétédetimbre,demorpho- ++++ quelques épisodes de Henry IV et Préludeàl’Après-midi logieoudetexturepermettantla Quintettes avec piano Henry V.Elgarajudicieusement d’un faune. Le Martyre confrontation. Elle prend dans Ber- nos 1 et 2. Bagatelles transcendé les aspects bouffons de saint Sébastien. La Mer ceuseetdespoussièresle sens d’al- Maria Milstein (violon), pourfairedeSirJohnlesymbolede Orchestre Philharmonia, tération, l’enjeu de l’œuvre étant de Miguel Da Silva (alto), la douloureuse cruauté de la condi- dir. Pablo Heras-Casado faireprendreconscienceàl’auditeur Trio Busch tion humaine : une approche à Harmonia Mundi HMM 902310. qu’iln’entendquelatraced’unobjet Alpha403.2017.1h20 mettre d’autant plus en parallèle 2018. 57’ dont les qualités se dévoilent par aveclaconceptiondeDonQuichotte altérations successives, jusqu’à la LeTrioBuschpoursuitavecun chez Strauss,quelemaîtreanglais, AprèsMonteverdiouMendelssohn, révélation de l’objet altérant, l’élec- enthousiasme communicatif son alors à son sommet (1913), rivalise lesuccèsestencoreaurendez-vous. tronique. Cet aspect est parfaite- intégraledelamusiquedechambre de brio et de virtuosité orchestrale Netteté de l’articulation, précision ment intégré et restitué par les avecclavierdeDvorák.Brillanceet avec son collègue allemand. La nar- desdynamiques,équilibredel’or- musiciensenvertud’unsérieux légèreté guident cette interpréta- ration est d’un réalisme descriptif chestration:voilàtroiscommande- travailaveclecompositeur: les tion, d’un esprit très chambriste parfait,qu’ils’agissedefarcesrabe- ments de Pablo Heras-Casado timbres bruités renforcent l’idée jusquedanslaprisedesonunpeu laisiennes truculentes (les ronfle- accordés aux exigences debus- d’altération d’un objet dont un osti- sèche.Necherchonspasicidecres- mentsduhérosentraindecuver)ou systes. La Mer apparaît ainsi claire natorévèlelesqualitésrythmiques; cendos orageux, de souffle apoca- de l’évocation nostalgique d’une etchatoyante,notammentdansses lyptiqueoudevibratosoutrageuse- ancienne Angleterre pastorale et deux premiers mouvements : les mentserrés:lesmusiciensaffichent chevaleresque. nombreuxmotifssedétachentdans une volonté de ne pas s’épancher Andrew Davis a longuement mûri uncontrepointadmirablementdes- inutilement.L’intensitédudiscours, cette troisième interprétation. Il siné, magnifiéparl’excellencedela d’unesobriétéredoutablementeffi- assumetotalementlacomplexitédu prisedeson.Lesoucidudétailn’est cace, est pourtant bien présente, volumineux personnage : plastron- paslaseulequalitédel’interpréta- entre fougue et tendresse, exaltée nanteetpompeusevanité,épaisse tion. Le chef montre une attention pardestemposenlevés.Lasonorité flagornerie mais aussi nostalgie, particulièreàlaprogressiondrama- netransportepasl’auditeurdansla tristesseetfragilitéaveclui,lamort tique des œuvres : le dernier mou- grande tradition tchèque mais du héros nous serre autant le cœur vement de La Mer constitue une qu’importe, le dialogue est capti- quedansl’inoubliableversionde véritable apothéose pour un vant. l’autre Sir John (Barbirolli) avec son OrchestrePhilharmoniaformidable Polyphoniquesplusqu’harmo- cher Orchestre Hallé (1961). Les de cohésion et de puissance. niques, les cordes convoquent le mélodiessplendidementdéfendues Le Prélude à l’Après-midi d’un faune les gestes destructeurs sont suffi- pianod’OmriEpstein(quelvelours!) par Roderick Williams s’avèrent un voit se distinguer les bois de la pha- samment affirmés pour constituer dans une dynamique horizontale premier cru, alternant pompe mar- lange londonienne, à commencer unsérieuxindicequantàlanature constanteetfluide,jouantdeseffets tiale,noblelyrismeounostalgiesans par la flûte palpitante de Samuel du processus d’érosion en cours. dejaillissement.Onregrettecepen- illusion,culminantdansl’irrésistible Coles. Ce sont cependant les Frag- L’apparition finale de la trame élec- dant de ne pas entendre le timbre si farce d’une « cantate du fumeur » mentssymphoniquesduMartyrede troniqueperlée,étaleetconsonante particulierdel’harmonium,cetins- (KindlydonotSMOKE)quiauraitfait saint Sébastien quifontleprixdece créeuneffetquasi-hédoniste.Outre trument à clavier domestique rire Falstaff lui-même aux éclats… disque. Depuis l’enregistrement de deuxminiatures,Startthedance!et répandudanslaPraguedelafindu Michel Fleury Charles Dutoit (Decca, 1989), cette FiocchidiSilenzio,quiconfrontedes XIXe siècle,pourlequelDvorákacom- versiondeconcertdumystèreman- objets différemment filtrés ou alté- posé les Bagatelles.Uneversion quaitdedéfenseurs.Ellerevitdésor- rés issus d’un motet de Gabrieli, malgré tout très convaincante, qui mais sous la direction aérienne de l’album inclut 7Vallées, dont l’inter- laisse espérer le dernier volume de Heras-Casado. Les cordes divisées prétationsecaractériseparune cette intégrale avec impatience. resplendissent, les chorals bellealliancedetimbresdistordus, Fabienne Bouvet archaïques respirent dans une tex- percussifs et électroniques, et ture orchestrale allégée, le phrasé Sérieuxgravats,oùdifférentsmodes constamment régénéré attire irré- dejeucréentdeseffetsconfinant sistiblement l’auditeur dans la aux sonorités électroniques. Une (re)-découvertedecetteœuvre excellenteported’entréedansl’uni- d’une étonnante beauté. vers de ce jeune compositeur. Tristan Labouret Laurent Lellouch

102 Q CLASSICA / Septembre 2018 POUR OU CONTRE ? DIVISIONS SUR CHOPIN

POUR +++++

n premier album (les sonates, quelques mazurkas et études) valait pour mani- Ufeste: Andsnes jeune homme entendait son Chopin en classique, conscient de la forme, d’une écriture inspirée par Bach et Mozart.Mal- gré les années,il n’a pas varié d’un iota.La raison domine ce piano sombre, au médium si chan- tant,ignorant le pathos pour mieux surprendre GREGOR HOHENBERG l’émotion, au point que le disque déconcertera qui veut son Chopin romantique, échevelé, CONTRE visionnaire. Ici les ballades ne sont plus ces illu- ++ sions narratives,mais de la musique pure où des idées poétiques ordonnent un discours secret, quarante-huit ans, Leif Ove Andsnes le contraire même d’une musique qui s’offre. réalise un rêve d’adolescent: enregistrer C’est le Chopin le plus silencieux qu’Andsnes Àles quatre ballades de Chopin. Les trois joue sans maquillage,les phrasés creusés ou ailés, premières,il les jouait alors qu’il était encore étu- dévoilant une rigueur métrique qui renonce au diant, mais il n’a la quatrième dans les doigts rubato pour mieux suspendre le temps :les que depuis seulement six ans.Comme toujours, accords interrogatifs de la Première Ballade, son le pianiste norvégien montre un jeu extrême- rêve de valse n’ont jamais été aussi finement ment précis et présente un Chopin impérieux, suggérés (sinon par Robert Lortat?),la décanta- dont l’agogique et le sens du phrasé impres- tion de l’énoncé de la Quatrième,hors du temps, sionnent. Il effectue ainsi un travail par petites ouvre grand les portes de ce monde en soi où touches dans l’introduction de la Ballade n°3 tout divague, musique de la transition infinie et respecte scrupuleusement les nuances dans qu’Andsnes modèle comme un peintre créerait le Nocturne n°4. En revanche, certains épisodes une perspective dans l’appui de son pinceau. se montrent un peu trop prévisibles et stricte- L’Andantino de la Deuxième, pastorale désolée, ment interprétés comme l’introduction de la se pare des teintes scarlatiennes que les orages Ballade n°2 et ses rythmes de siciliennes régu- FRÉDÉRIC viendront à peine brouiller, le chant de la Troi- liers ou le Nocturne n°13, statique. Le chant y sième fait entendre ce rythme de polonaise où est linéaire et, dans la partie centrale en octaves, CHOPIN (1810-1849) s’ordonne une nostalgie magique. Le geste est les mains se contentent de survoler le clavier. La Ballades nos 1à4. tout ici car il renonce au spectaculaire, même musique perd alors sa puissance, ses contrastes Nocturnesn°4op.15n°1, dans l’emportement des codas qui soulignent et son relief. Par ailleurs, Andsnes prend peu de n°13op.48n°1, d’abord la science de l’écriture, la maîtrise du libertés. Il dose le rubato avec parcimonie et la n°17op.62n°1 clavier, montre la partition et non le pianiste. coda pourra sembler un peu sage,sans véritable Leif Ove Andsnes (piano) Et si ces ballades étaient des nocturnes? Trois élan. Toute fièvre romantique est hélas absente Sony Classical 19075822932. grands nocturnes disposés entre elles élargis- de ce Chopin plutôt sur la réserve. Les quatre 2017. 51’ sent encore cet espace,nuit sans lune propice au ballades par François (EMI,1954),Kissin (RCA, pénétrant poème qu’Andsnes distille dans son 1998) ou encore Perahia (Sony, 1994) donnent piano somptueusement classique: son Chopin davantage dans l’inventivité et l’inspiration du n’a pas d’équivalent, comme tout ce qu’il touche moment. Andsnes se montre définitivement d’ailleurs. X trop sage. X Jean-Charles Hofelé Aurélie Moreau

CLASSICA / Septembre 2018 Q 103 Les disques du mois

CHARLES JOSEPH GOUNOD HAYDN (1818-1893) (1732-1809) +++++ +++ Mélodies Symphonies nos 3, 26,30et79 Tassis Christoyannis (baryton), OrchestredechambredeBâle, Jeff Cohen (piano) dir. Giovanni Antonini ApartéAP181.2017.1h20 Alpha678.2017.1h07

Après avoir révélé les mélodies de Sixième épisode de l’intégrale des David, Lalo, Godard, La Tombelle centseptsymphoniesdeHaydnpar et Saint-Saëns, Tassis Christoyan- GiovanniAntonini.Dansceprojetau GEORGE nis etJeffCohencélèbrent,tou- JOSEPH long cours (fin en 2032), le maestro jours sous l’égide du Palazetto Bru milanais reste fidèle à sa logique de GERSHWIN Zane, le bicentenaire de Gounod HAYDN regroupement des œuvres par thé- (1898-1937) avec un recueil de vint-quatre (1732-1809) matiques.Letitredecenouvel + pièces.Onytrouveraquelques +++++ album détonne cependant avec la « Kennedy Meets Gershwin » titresconnus,quiontfaitlajoiedes Sonates pour piano nos 8, 13, bonnehumeurquicaractérisela Nigel Kennedy(violon,piano) salons romantiques (Où vou- 46,57et58 plupart des mouvements ici pré- Warner Classics 0190295642136. lez-vous aller ?, Ô ma belle rebelle, Jean-EfflamBavouzet(piano) sents.Assemblageconfusdetextes 2017. 1h02 Medjé, Venise, Sérénade, Au prin- ChandosCHAN10998.2018.1h12 etdephotographiesd’art,lelivret temps), mais aussi des pages plus brouillelespistesplusqu’ilneclarifie Les amateurs de cross over trouve- raressurdespoèmesenanglaisou L’esprit de Haydn est ravivé dans les intentions interprétatives. On ront peut-être leur compte dans enitalien,rédigéesaucoursdeson cette intégrale signée Jean-Efflam préféreralerésultatsonore:dansla cette rencontre entre le violoniste séjour londonien. Gounod a sou- Bavouzet dont les six premiers lignée des précédents disques, britannique Nigel Kennedy, protégé vent réussi à concilier sens mélo- volumes ont déjà été chaleureuse- Antonini et ses musiciens suivent à ses tout débuts de Yehudi Menu- diqueetjustesseprosodique,etil ment accueillis dans nos colonnes leurpéripleavecenthousiasme, hin,grandcollectionneurdedisques n’yasouventqu’unpasdelamélo- (Vol. 6, CHOC, Classica n° 194). Ce alliant vivacité du trait et clarté de d’or, et George Gershwin, héritier dieàl’aird’opéra(etviceversa).Il septième offre, lui aussi, une abon- l’orchestration. outre-Atlantique du classicisme laisse ainsi parfois deux versions danced’idéesintelligentesetde C’estparadoxalementdanslesmou- européen,géniedumélangedes du même poème de Gautier, La couleurs pétillantes à travers cinq vements lents que l’animation per- genres.Ilestpeuprobable,en Chanson du pêcheur et Ma belle sonatesraremententendues.S’éloi- pétuellemententretenueparlechef revanche, que cet enregistrement amie est morte : la première, de gnantdujeueffervescentquicarac- d’orchestre s’exprime avec le plus séduiselesadmirateursduroide 1841, en mode lyrique deviendra, térise d’autres enregistrements de bonheur : la ligne mélodique suit Broadway,figurecentraledela avec d’autres paroles, l’air final de (EmanuelAx,Sony,2003),Bavouzet undessinampleetininterrompu,la musiqueaméricaine.Aufildecesdix Sapho et la seconde (1872) est plus cherche une puissance de son et douceurdescordesrépondàlacha- titres,ilsn’entendrontqueKennedy d’émotion que nous n’attribuerions leurdesbois,laprisedeson et chercheront désespérément guère aux œuvres de Haydn. Il sou- onctueuse s’accorde avec la délica- Gerswhin. ligneladensitédel’écrituredansces tessedestimbres.Lesmouvements Sesfanssansdouteapplaudiront. sonates dont les dimensions sym- vifssontdirigésavecunepoignequi Lesautressedésoleront.La phoniquesetlacomplexitépolypho- rend justice aux contrastes dyna- musiquebluesdevienticisirupeuse nique impressionnent. miques de la partition mais durcit et l’improvisation s’égare dans un Il leur apporte en effet une richesse parfois excessivement le discours révisionnisme musical certes detimbrepresqueromantiquedans audétrimentduphrasé.Tracésdans assumé, pour autant déroutant. laquelle les nuances sont augmen- destemposempressés,menuetset Ramenéà«quelquechosequidure tées et la main gauche orchestrale trios perdent leurs appuis malgré moinsde2minutes30», la Rhap- étire de ses octaves une résonance desarticulationssoignées.Selonles sodyinBlue,sansglissandodeclari- robuste. Rappelons que l’artiste symphoniesetlesmouvements,on nette,illustrelegoûtdelatransgres- menaituneintégraledessonatesde se tournera plus volontiers vers sion de Kennedy. La virtuosité est là Beethoven parallèlement aux pre- l’imaginationdeDantone(Decca, mais cette mixture musicale vous sobrement expressive et cham- miersdisquesdecettesérie.Dans 2016),lasouplessedeFey(Hänssler, faitvitedescendredutrain.Onsedit briste. Tassis Christoyannis fait les passages sinueux, comme ceux 2013),lepanachedeHogwood(L’Oi- que,surlavoiedujazz,lemeilleurde preuvedesqualitésdéjàappré- du Presto de la Sonate n° 58,des seau-Lyre,1993)oulesoufflede Kennedy reste encore devant lui. ciées dans les précédents tournures de phrases exaltantes et Kuijken (Virgin, 1988). QuedireégalementdesonSummer- volumes : charme du timbre, pré- une ornementation parfois auda- Tristan Labouret time ! Cettemerveilleuseballade cision de la diction, sens de la flui- cieuseatteignentl’élandel’enregis- s’égare ici en fantaisies et figures ditéduphrasé,jeusurlescouleurs trement de Ronald Brautigam au dont on perd vite le fil. Combien de dutimbre.JeffCohenestsurla pianoforte (Bis, 2009). Une beauté fois,pourtant,lejazzs’enestempa- même longueur d’ondes. Gounod poignante enveloppe les mouve- réepourlasublimer,MilesDavis, luiaréservéquelquesconclusions mentslentsoùsedérouleundrame John Coltrane, Charlie Parker ou exquises, auxquelles il donne une digneetprofond,satristessedébor- encore Stéphane Grapelli et Yehudi belle expressivité. Les mélodies de dantdanslebouleversantLarghetto Menuhindansuneemballantehybri- Gounodaurontétébienserviespar de la Sonate n° 57. Ainsi s’ouvre une dation gravée pour EMI en 1988. leurs interprètes, Bruno Laplante nouvelle voie d’interprétation où Denis Jeambar (Analekta),GérardSouzay(Erato nousnoustrouvonsfaceàunHaydn Warner), ou François Le Roux (REM) poétique et puissant. mais ce récital est particulièrement Melissa Khong abouti. Jacques Bonnaure

104 Q CLASSICA / Septembre 2018 Jordi Savall nouvel album

! Chantez & Dansez Parce qu’un évêque du Pérou a eu la bonne idéeème de compilersiècle, nous toutes pouvons les musiques désormais traditionnelles de son diocèse à la in du XVIII ,conçupour comprendre comment les traditions de l’ancien et du nouveau monde se sont mê- un répertoire baroque métis uniquerestitue en son toute genre la verve. lées pour former ,etdontJordi Savall être àlafoischantéetdansé Vous ne résisterez pas ! www.alia-vox.com ZOLTAN KODÁLY (1882-1967) +++++ Sonate pour violoncelle Yo-Yo Ma nous offre son troisième et dernier enregistrement seul. Sonate pour violoncelle des mythiques suites pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach. et piano. Sonatine. Adagio. Un chef d’œuvre. Capriccio István Várdai (violoncelle), Klára Würtz (piano) BrillantsClassics95574.2017.1h11

ALEXANDER Levioloncelleconstitueincontesta- blementl’instrumentdeprédilection KNAIFEL de Kodály. Son timbre riche et (né en 1943) expressifseprêtevolontiersaujeu ++++ parlandorubatopropreàlamusique « Lukomoriye » hongroise.Ilsaitbrillerdanslesalle- OComforter.AMadTea-Party. gros constitutifs des formes rhap- Bliss. This Child. Confession. sodiques directement inspirées du OLordofallmyLife. folklore tzigane. Cette dimension OHeavenlyKing.Lukomoriye semble parfaitement intégrée par OlegMalov(piano),Tatiana István Várdai qui met en valeur la Melentieva (soprano), grande richesse de sa palette Piotr Migunov (basse), Chœur expressivedanslespiècessolistes Lege Artis, dir. Boris Abalian (Sonate, Capriccio): un son plein ECM New Series 4811259. 2018. danslespassagesdéclamés,unjeu 1h03 expressifavecvibratodansles Double album disponible momentslyriquesouplaintifs,une Triple vinyle à paraître CurieusemusiquequecelledeKnai- virtuositéimpressionnantedansles le 14 septembre fel, compositeur de l’avant-garde sectionsplusdynamiques,ducarac- soviétiqueuntempsostraciséparle tère dans les épisodes motoriques régime:avecGoubaïdoulinaetDeni- qui incluent pizzicati et bariolages, sov, il fit partie des « Sept de Khren- letoutétantrenforcéparuneimpor- nikov»dontlesœuvresfurentmises tante amplitude dynamique. àl’indexen1979.Onestloindela Danslespiècesavecpiano(Sona- noirceur d’un Chostakovitch, tout tine, Adagio, Sonate), le jeu de Klára autantquedel’éclectismed’unSch- Würtzvientintelligemmentcomplé- nittke:lamusiquedeKnaifelesttrès terceluiduvioloncelliste,qu’ildyna- lente, ténue, à la limite du silence ; mise dans les moments roman- quand une voix fait son apparition, tiques et colore dans les passages Après un dernier album remarqué elle se cantonne le plus souvent au plus impressionnistes. Les instru- autour des œuvres pour piano chuchotement ; le tempo reste mentistesprennentalternativement de Sibelius, Leif Ove Andsnes immuableaucoursdechaquepièce, le dessus et entrent dans la réso- enregistre pour la première fois et l’on ne sort guère du pianissimo. nancel’undel’autre,créantunéqui- un album dédié intégralement Encesens,Knaifelsesituebiendans libre mouvant, sans cesse renou- à Frédéric Chopin. Au programme, la mouvance du « minimalisme de velé, qui ne se stabilise que dans les les 4 ballades, entrecoupées de l’Est », et peut être rapproché d’un passagesbrillantsetvirtuoses.Leur 4 nocturnes les liants à merveille. Arvo Pärt (on songe à Für Alina). interprétation s’adapte ainsi aux Andsnes apporte indiscutablement Ondécèleunelégèreironiedansce différentes facettes du langage à Chopin une sensibilité et une langagefranchementtonal,àlasim- musical de Kodály, teinté de roman- finesse de jeu incomparable. plicité presque naïve, en même tisme, de modalité populaire ou de tempsqu’unecertainereligiosité– colorations debussystes, et en pour paradoxale que cette alliance constitueainsilameilleuredes puisseparaître.Siledisques’ouvre portes d’entrée. Laurent Lellouch suruneœuvrechorale,OComforter, l’essentielestconsacréàdes œuvrespourpiano,ouvoixetpiano, alternant entre inspiration profane et sacrée. Une œuvre déroutante… mais qui vaut le détour. Sarah Léon

Album disponible le 7 septembre

106 Q CLASSICA / Septembre 2018 L’ÉLÉGANCE D’UN CHEF

surtout celles de Dvorák, fruit d’un travail considérable. Il aura appris à l’Orchestre RAFAEL EN ÉTAT philharmonique de Berlin les cinq pre- mières. Merveille, la Huitième, sur les pointes, vrai arc-en-ciel. Mais pour les poèmes symphoniques, pour les Danses slaves les plus vives depuis celles de Karel DE GRÂCE Sejna, il retrouvera ses chers Munichois. Son intense activité à l’opéra sera moins Est réunie pour la première fois l’intégralité des documentée hélas, Deutsche Grammo- phon lui offrant Lohengrin – avec Janowitz, enregistrements de Kubelík, à la tête de l’Orchestre King,Jones – qu’il poétise comme personne symphonique de la Radiodif usion bavaroise. et lui-même choisissant l’Œdipus d’Orff, avec la Jocaste deVarnay,incarnation rava- geuse, mais surtout Palestrina de Pfitzner, Nicolai Gedda y sublimant son art dans un L’exil cesserait-il jamais ? entourage fastueux. Oberon suivra, avec le Chassé de sa Philharmo- jeune Domingo, la Rezia de Nilsson. Son nie tchèque par les com- Rigoletto de La Scala a-t-il si bien passé munistes, dénigré par l’épreuve du temps hormis le duc ORCHESTRES a critique Claudia Cas- de Bergonzi? Ma Patrie à Boston sidy au point de devoir n’aura pas le parfum d’émotion de renoncer à son poste de direc- celle donnée lors de ses retrou- teur musical de l’Orchestre sym- vailles avec la Philharmonie phonique de Chicago, enfin revenu tchèque, mais leur Concerto en Europe, installé à Londres, pour orchestre de Bartók, tout occupé à redorer le blason enténébré, ne peut s’ou- de Covent Garden, à nouveau blier. Le cycle Beethoven, obligé de renoncer sous les quo- dépareillé d’orchestre, reste libets nationalistes de Thomas aussi excitant que déconcer- Beecham qui voulait qu’on tant,alors fouillez dans les albums rende le temple à un chef plus anciens, écoutez le Concerto de anglais. Finalement le salut Berg avec Szeryng,crépuscule de sons, vint d’Allemagne: en 1961, l’Orchestre de Leonard Bernstein par des interpré- succombez aux charmes désarmants de symphonique de la Radiodiffusion bava- tations fusantes, vives, enveloppées de la Sérénade pour cordes de Dvorák avec l’En- roise choisit Rafael Kubelík (1914-1996), couleurs à l’égal des Klimt qui illustrèrent glish Chamber Orchestra, ou laissez-vous à moins que ce ne fût l’inverse. L’équilibre les pochettes des albums microsillons. emporter par la ferveur d’un Stabat Mater parfait de ce mariage s’entendit dès la pre- Alacrité des rythmes, dédain du pathos: au quatuor immaculé. Ma madeleine de mière saison: l’élégance et l’urbanité du cet orchestre svelte, qui enjambe les Kubelík reste son Songe d’une nuit d’été, chef apportant à la rigueur bonhomme chausse-trapes d’une musique alors répu- capté en concert, miracle de fluidité où les des Bavarois une vitalité supplémentaire, tée injouable, aura produit l’intégrale la Munichois se font elfes. Deutsche Gram- des rythmes plus enlevés, des sonorités plus évidente, culminant avec la triade des mophon a assemblé ce legs si vivant, si plus lumineuses. Il fallait à cette union symphonies instrumentales (nos5, 6 et 7). émouvant surtout,jouant la carte de la nos- magique un éditeur; Deutsche Grammo- Inégalée, elle est devenue un classique du talgie avec les pochettes d’origine, ajoutant phon posa ses micros dans la Herkules- disque. En regard de ce cycle impeccable, deux DVD (la Symphonie n°4 de Bruckner saal, les premiers disques firent sensation, des Gurre-Lieder tristanesques, avec la avec les Wiener Philharmoniker montre pages symphoniques de Wagner, ouver- Tove d’Inge Borkh, sont aussi imparables. comment il savait tenir un orchestre!) et tures de Weber, Sérénade « Haffner » de les deux entretiens consacrés à l’œuvre Mozart, Concerto n°5 de Martinu, Jour- Un legs vivant, très émouvant de Gustav Mahler, précis étourdissant de nal d’un disparu et Messe glagolitique de Les années 1970 seront fastueuses, Kubelík culture, d’intelligence, mieux, de pres- Janácek, mais enfin il fallait un projet, faisant pourtant des infidélités à ses Bava- cience, achevant de rendre cet hommage mieux, un nom. Ce serait Gustav Mahler, rois pour deux cycles, avec l’orchestre de indispensable. X Jean-Charles Hofelé Kubelík prenant de vitesse tous les autres Karajan, qui ne le prêtait guère au disque, £ « Rafael Kubelík, Complete Recordings chefs, du moins en Europe, et répondant mais il admirait Kubelík: les symphonies on Deutsche Grammophon » du tac au tac au geste expressionniste de Schumann, allégées, illuminées, et 479 9959 (64 CD). 1962-1976. CHOC

CLASSICA / Septembre 2018 Q 107 LENNY ETLE CHRISTIAN NATIONAL LINDBERG (néen1958) ++++ Concerto pour alto «Steppenwolf».Talesof SWING À PARIS Galamanta. Peking Twilight Rafael Altino (alto), Orchestre Le concert historique de Leonard symphonique d’Odense, dir. Christian Lindberg Bernstein, en 1975, est enfi n réédité. BisSACD2308.2017.58’

SERGUEÏ « Jen’écrispasdansunstyleparti- En novembre 1976, dans de bonnes conditions culier ! J’écoute seulement ce que Bernstein investit techniques la réédition LIAPOUNOV mon cerveau et mon âme me disent la salle Wagram complète du concert histo- (1859-1924) et je mets simplement sur papier ce ++++ que j’entends. » : modestie désar- ORCHESTRE et enregistre, avec rique du 20 septembre 1975 l’Orchestre national au Théâtre des Champs- Douze Études d’exécution manteouvolontédeseprémunir de France, Berlioz Élysées donné pour le cen- transcendante op. 11 contre toute exégèse abusive ? Etsuko Hirose (piano) ChristianLindberg,aprèsunecar- (Symphonie fantastique et tenaire de la naissance de MirareMIR390.20171h14 rière éclatantedetromboniste, Harold en Italie), Milhaud Ravel, assorti d’une grosse assurantunemultitudedecréations, (La Création du monde, demi-heure de répétition Aujourd’hui encore, la musique de etunereconversionconsomméeen quatre extraits de Sau- oùLenny,dansunfrançais Liapounov reste relativement chef d’orchestre (symphonies d’Al- dadesdoBrasilet Le Bœuf parfait, demande beau- méconnue.Lacompositiondeses lan Pettersson, Bis), n’en est pour- surletoit), Schumann coup sans jamais hausser Douze études d’exécution transcen- tantplusàsoncoupd’essaicomme (Concerto pour violoncelle) le ton. Le programme est dante,inscritesdanslalignéedirecte compositeurbienqu’ilaitattendula deFranzLiszt,s’étendentre1897 quarantaine passée pour se et Bloch (Schelomo) avec certes connu, accessible en et 1905.Leurstitressontenfrançais confronter à la page blanche. Rostropovitch. Si les Ber- vidéosurInternet,mais commecertainespiècesdeLiszt.En Letermen’estd’ailleurspastrès lioz présentent une densité la qualité sonore rend la revanche, le plan tonal choisi par heureuxs’agissantdesonstyle,l’arc orchestraleetunmordant Liapounov diffère légèrement: Lia- du tout dogmatique qui sévit un moindres que les versions pounovdescendlecycledequinte tempsdansl’histoiredelamusique new-yorkaises (1963 et encommençantparfadièsemineur s’étantdétendu:placeàlafantaisie, 1968 pour la Symphonie, quand Liszt les monte en commen- aucaprice,auxrencontresfortuites 1961 pour Harold), ils çantpardomajeur.Lafinalitédeces entrelesmotifs,d’oùl’humourn’est étudesquantàelleestlamême: pasabsent,audéroulécinématogra- restent d’une souplesse transcender le clavier et atteindre phique.Certainesformulesconven- féline et d’une farouche unesorted’Everestmusical.Ils’agit tionnelles s’y font jour avec assez spontanéité. Les Milhaud donc d’un défi tant sur le plan tech- d’évidencepourqu’onseprenneà (Bernstein avait enregistré nique qu’interprétatif. douter d’un métier déjà sûr. On n’en La Création dès 1945 puis, EtsukoHirosesemontreàlahauteur prendrapourexemplequelesinter- de nouveau, en 1951) sont desenjeux.Maîtressedesonclavier, ventionsrutilantesdescuivres,tour absolument irrésistibles de Shéhérazade, avec Marilyn elle vient à bout de ces partitions àtourhispanisantes(Concertopour noirciesparlesnotesetlesrythmes alto)ousortiesd’unkiosque(Tales truculence,d’humouret Horne, encore plus fée- barbares.Malgrélaprécisionetle ofGalamanta).Mêmeleplussérieux d’énergie conquérante. rique. Le Boléro réussit bien raffinementdesondiscours,onpeut Peking Twilight ne tarde pas à sûrsonascensionérotique préférerlasouplessedeVincenzo emprunterdescheminsdetraverse Un Ravel électrisant et La Valse taquinelevide Maltempo (Piano Classics, 2016). qu’agrémente une instrumentation Le chef américain revient avec désinvolture. Le clou qui,aucontraired’Hirose,semblene rythméeetcolorée(sonoritésmouil- à Paris en septembre 1979. de la soirée (du spectacle?) pasavoirconsommél’intégralitéde léesduvibraphone).Interprétations Il laisse un Concerto n°3 de reste le Concerto en sol que sespossibilitéstechniques.Dans au-dessus de tout soupçon. Rachmaninov dévitalisé, Bernstein a joué et dirigé l’Étude n° 9,«Harpeséoliennes», ses Jérémie Bigorie trémolossontfluides.Lasonoritéde Weissenbergs’ennuyantsur à maintes reprises déjà piano est plus ronde, plus envelop- un piano épouvantable. Le (Londres 1946, New York panteetMaltempometencoreplus programme Bernstein (On 1958, Vienne 1971) et qu’il envaleurlesaspectsfolkloriquesde the Waterfront et les Danses rend plus jazzy que jamais, l’Étude n° 3 ensimajeuretdela n° 10 symphoniquesdeWest quitte à semer la panique ensimineur.Cesquelquesréserves Side Story)montrentun dans les rangs de l’orchestre n’enlèvent en rien les qualités de Orchestre national parfois (lefinale,àbrideabattue).X conteuse et l’élégance pianistique d’Etsuko Hirose. àlapeine,manifestement Philippe Venturini Aurélie Moreau peu habitué au swing de £ « Leonard Bernstein, cettemusique.Sitousces An American in Paris » . enregistrements étaient déjà Warner Classics 0190295689544 accessibles, était attendue (7 CD). 1975-1979. 6 h 41. CHOC

108 Q CLASSICA / Septembre 2018 FELIX MENDELS- SOHN (1809-1847) +++ Symphonie n° 2 « Lobgesang » LE GRAND INSTRUMENTARIUM Maria Bengtsson (soprano), MUSÉE DE LA MUSIQUE JohannaWinkel(soprano), PARIS Pavol Breslik (ténor), NDR Chor, Kammerakademie Potsdam, dir. Antonello Manacorda NIKOLAÏ Sony 19075818382. 2017. 1 h 05 MEDTNER Si la Symphonie « Lobgesang » (1880-1951) connutunecréationtriomphale,elle ++++ n’apasbénéficiédumêmeengoue- «Songs» ment discographique que les sym- Ekaterina Siurina (soprano), phonies suivantes. Rares, cela dit, JustinaGringyte(mezzo- sontleschefsàavoirsuréunirenun soprano), Oleksiy Palchykov, toutcohérentlepuzzlemusicalque RobinTritschler(ténors), représente cette fresque hybride, à Rodion Pogossov (baryton), lafoissymphonieetcantate.Surle Nikolay Didenko (basse), principe, Antonello Manacorda ne Iain Burnside (piano) déméritepas.Ilabordel’œuvreavec Delphian DCD34177 (2 CD). sobriétéetsérieux,respectantainsi 20162017.2h23 l’esthétique interprétative prônée par Mendelssohn chef d’orchestre. De la centaine de mélodies de La seconde partie est d’ailleurs plu- Medtner,IainBurnsidearetenuune tôt réussie, orchestre et chœur anthologie répartie sur un premier offrantunelecturevibranteetcha- CDconsacréàlapremièredécennie, leureuse. Les solistes, malgré de1903à1913,etunsecondallant quelques limites techniques, ne jusqu’en 1951. Les critères de choix ménagent pas leurs efforts pour sont,biensûr,laqualitédel’écriture offrirunevéritableincarnationàces pianistique.CommechezRachma- textes sacrés, comme l’émouvant ninov,cesmélodiess’apparententà Pavol Breslik. des concertos miniatures, avec cascadesd’arpègesettraitsvir- tuoses.Fidèleàlapoétiqueroman- tique, l’accompagnement bouillon- nanttraduitletroubleetl’agitation del’âme,quandlesmotsneservent qu’àladéterminer.Lastatueest doncauclavier,lepiédestalàlavoix, n’en déplaise aux chanteurs.Deu- 2 CD

xième critère:letextepoétique.On HMM 902501.02 retrouve Lermontov et Pouchkine mais aussi Goethe, en allemand, le compositeur ayant des racines ger- UNE NOUVELLE COLLECTION maniques. Cepetittrésordemusiqueroman- Lasinfoniaintroductiven’atteintpas D’ENREGISTREMENTS tique fut composé par un musicien lemêmeniveauàcaused’uneatten- fuyantautantl’avant-gardemusicale tion extrême apportée aux détails EN COLLABORATION desannées1920quelerégimerévo- au détriment de la ligne générale. AVEC LE MUSÉE DE LA MUSIQUE lutionnairerusse.Onpourraityvoir Un Maestoso initial trop peu Maes- unconservateur.Onpeutaussicom- tosoprécèdeunAllegrettodépourvu prendre ce répertoire comme une du poco agitato sous-jacent contre-culture du XXe siècle, qu’on (DohnanyietSawallischsontirrem- auraittortdedédaigner.Latristesse plaçables). L’Adagio est mieux de certaines mélodies transperce : cerné,maisunbrinennuyeux.Quoi elle ne connaît pas plus de bornes qu’il en soit, ce disque comblera quel’infinitédelaplainerusse.L’ac- sans doute les adeptes d’une compagnement de Burnside est approche chambriste et minu- magistral. Les voix sont inégales, tieuse.Maispourlefrissonintégral, mais les contributions de Rodio Dohnanyi et le Philharmonique de harmoniamundi.com PogossovetdeNikolayDidenkosont Vienne(Decca)restentprioritaires. bouleversantes. Damien Colas Jérémie Cahen

CLASSICA / Septembre 2018 Q 109 Les disques du mois

GEORG ALLAN MUFFAT PETTERS- (1653-1704) ++++ SON Apparatus (1911-1980) Musico-Organisticus ++++ Cyril Pallaud (orgue) Symphonies nos 5 et 7 Festival Callinet MUFF (2 CD). Orchestre symphonique 2015 2017. 1 h 30 de Norrköping, dir. Christian Lindberg L’instrument, l’interprète, le pro- BisSACD2240.2017.1h22 gramme :touteslesconditions WOLFGANG AMADEUS étaient réunies pour faire de ce GÉRARD Écritesd’unseultenant,lessympho- disqueMuffatunfincaméemusical. nies d’Allan Pettersson se caracté- MOZART Serviesparlesensaigudeladrama- PESSON risent par une richesse polypho- (1756-1791) turgieetlagrandemaîtrisemusicale (néen1958) nique et une tension quasi ++ etmusicologiquedeCyrilPallaud, +++ permanente qui en font un projet La Clémence de Titus les douze toccatas de l’Apparatus « L’instant donné » particulièrementdifficileàdéfendre. Rolando Villazon (Tito), Joyce Musico-Organisticus(1690)sonnent Musiquedechambre.Cantates Christian Lindberg et l’Orchestre DiDonato (Sesto), Marina Rebeka danstouteleurrichesseetsubtilité Marion Tassou (soprano), symphonique de Norrköping (Vitellia), Regula Mühlemann surletrèsbelorguehistorique L’InstantDonné,EnsembleExaudi (Suède) relèvent le défi avec (Servilia),RIASKammerchor, (1773)deSierentz(Alsace).L’instru- NoMadMusic 052 (2 CD). 2016. 2 h 03 panacheetproposentuneinterpré- Orchestre de chambre d’Europe, mentn’estpasmonumental.Maisla tationquiclarifietantlapolyphonie dir. Yannick Nézet-Séguin diversitéetlafinessedesesjeux, « Une musique est derrière toute quelastructuredecesœuvresfoi- Deutsche Grammophon 483 5210 largement exploités, des lointaines musique ».CettecitationdeGérard sonnantes. Ainsi, si les couleurs (2CD).2017.2h20 flûtes au très noble grand jeu en Pessonàproposd’Étant l’arrière-son harmoniques sombres et tendues passant par levolubilejeu detierce, résume àelleseulelaconception sont omniprésentes et l’orchestra- Ce cinquième volume des le mélancolique cromorne et les philosophiqueetmusicaleducom- tionépaisse,latransparenceduson Mozart-Nézet-Séguin venus de doucesfournitures,plongentimmé- positeur. Au contraire d’In nomine, permeticid’ensaisirlesmoindres Baden-Baden interroge. On crai- diatementl’auditeurdansunetrépi- réorchestration d’un cantus firmus détails ; dans les moments de gnaitceTito,quitientsesrécitatifs, dante intrigue sonore qui contraste deJohnTaverneroùlespercussions, détente, les couleurs tonales plus avec quelque chose d’attachant avec tant de ternes interprétations. trémolos de cordes et glissandi de assumées lui confèrent un souffle dans l’investissement émotionnel, Chaque page devient un véritable harpecréentledécalage,lamusique salvateur. maisavecsipeudesensrégalien: drame aux émotions contrastées : s’exerce ici sans citation ni élément Silesdeuxsymphoniess’enchaînent quelle tenue « peuple »pourun véhémence et abattement dignes préexistantmaisàpartird’un d’un seul tenant, Lindberg sait en empereur,quellefaçond’appuyerle de Phèdre dans la virtuose Toccata auto-matériausedécouvrantdelui- faire ressortir les articulations en moindreaffect,deroulerlesrenun même, qui pourrait être plus à hiérarchisant les différents grelotperpétuel.Ilnepeutcacher l’avant-plan d’une interprétation momentsdeparoxysmeafinde nonplusdanslesairsdestenuesdu insistantdavantagesurlecôtésque- dégageruneconduiteàlongterme. sonimprobables,desnotesavalées, lettique, parcellaire, effacé. Les couleurs orchestrales incluant desaigusnégociés,destremolos: LesCinqchansonss’inscrivent quant deseffetsdedistorsiondetimbreet un écorché nasalisé, quasi vériste, àellesdansune«mémoire collec- dejeucollegnosontplacéesaupre- de chant mozartien. C’est d’autre tive » et convoquent l’univers des mierplan.Letempsestarticuléavec part le premier opera seria du chef : « berceuses, cantilènes, romances, précisionparlestrémolosdecordes il n’en réussit guère les équilibres complaintes et rengaines immémo- etlesnotesrépétéesdestrompettes entredesrécitatifstropvalorisés,et riales»qui«finissentparmimerleur etdespercussions,etlesostinati desairsautrementclassiques,qui proprethéâtre». La voix s’y équilibre créentuneangoisseetunsentiment malgréunebattueemportée,etune aumieuxaveclesinstrumentseten d’urgence qui se concrétisent dans chair orchestrale exaltée, loin des véhicule l’aspect populaire sans lescrisdescuivres.Ainsi,Lindberg, excèsd’unCurrentzis,apparaissent pourautantexpliciterl’aspectauto- bien servi par un orchestre au son du coup bien sages malgré leur 5, mélancolie solitaire de la Toccata référentieldécritparlecompositeur. richeetprécisdanslesattaques, splendeur. 9, verve brillante et bavarde de la DanslestroisCantates,lejeuinstru- trouve-t-il l’équilibre idéal entre une Restentlesdames.JoyceDiDonato, Toccata 12. Ces contrastes sont mental est toujours pointilliste, tensionrythmiqueomniprésenteet impérialeelle(ilneluimanquequ’un encorerenforcésparlalargepalette bruitélorsquecelas’impose.L’élec- untissusonorecontrasté,évolutifet riendecettedéfoncefollequepor- dejeudel’interprètedontl’articula- tronique,parcimonieuse,créeselon directionnel. Laurent Lellouch tait Crebassa hier à Salzbourg), tionetl’ornementationrecherchées, lecasdeseffetsquasifiguralistesou Erraught, somptueuse et prenante, toujourstrèsadaptéesauxregistra- un décor sonore. Commentaire en Mühlemann, délicieuse : absolues, tions choisies, introduisent des double de la narration, elle permet ellesfontplusquesauverl’enregis- ambiguïtés toutes baroques sur la au compositeur de franchir un cap trement. Mais Marina Rebaka, naturedesmesures,fontchanterla supplémentaire dans son explora- gravesprofondsmaisdétimbrés,et polyphonieetfrémirl’auditeurdans tion musicale de la notion de trace aigus dardés capables d’emporter la conduite de périlleux passages. –quirejoignaitlafugacitéet haut«Nonpiudifiori»faithélas Undisquepleindeviequinepourra l’évanescence proustiennes dans souvent plus soubrette encore que que faire aimer et l’instrument et le Bruissant divisé –, celle-ci gagnant Suzanna,làoùonattendletond’une compositeur. àêtreexplicitéeafind’apprécier future impératrice : aussi dévasta- Aurore Leger pleinement ce double album. teurqueles insuffisancesdeVil- Laurent Lellouch lazon. Pierre Flinois

110 Q CLASSICA / Septembre 2018 MAURICE RAVEL (1875-1937) +++ Les deux Concertos pour piano +Gershwin: Concerto S I O A S N Denis Kozhukhin (piano), P OrchestredelaSuisseromande, dir. Kazuki Yamada DEPUIS ANS FOR 60 YEARS PentatonePTC5186620.2017.1h15 E X E C C E N Les concertos de Ravel et de L L E FRANCIS Gershwin appartiennent à la même époque, revisitent le concept du POULENC concerto classique ou romantique, (1899-1963) en introduisant des éléments ++++ modernes : la musique populaire Les Biches. Les Animaux américaine, un peu chez Ravel, modèles. Sinfonietta beaucoupchezGershwin,quiadmet Orchestre symphonique national des influences incontestablement de la RTÉ, dir. Jean-Luc Tingaud russes, étrangères à Ravel. Dans le Naxos 8.573739. 2017. 1 h 05 Concerto en sol de Ravel, Denis Kozukhinafficheunetechniquetrès Ces trois œuvres représentent trois maîtriséeetunsoucidepeaufinerle étapesimportantesdel’évolutionde discours,aurisqued’uncertain Poulenc. Les Biches (1924), sont manque de naturel. Samson Fran- l’exemplemêmedustyleGroupedes çois etCluytens(EMI)ouMonique Six : dynamisme, sonorités tour à Haas et Paray (DG) faisaient mieux tourtendresetéclatantes,parfois et plus direct. Cette version, incon- prochesdumusic-hall.LesAnimaux testablementdehautniveau,rejoint modèles (1940-42), sur un argu- d’autres,dudernierquartdesiècle, menttiré des Fables deLaFontaine, Li et Ozawa (DG), Aimard et Boulez nerenoncentpastoutàfaitàcestyle (DG),ZimermanetBoulez(DG)...La Photo © Igor Studio «popu»maisdansl’ensemble,leton directiondeKazukiYamadaest,elle se fait plus grave, l’orchestre plus aussi,particulièrementfouillée,tout denseetPoulencsepermetmême comme la prise de son, qui analyse unpieddenezàl’occupanteninsé- la partition, en privilégiant le détail rantunecitationde«Vous n’aurez parrapportàl’imageglobale. pasl’AlsaceetlaLorraine»! La Sin- 2CD 902375.76

fonietta (1946), assez développée HMM malgré son titre, s’inscrit dans le mouvement néoclassique, avec parfois des alanguissements COUPERIN romantiques et inaugure une périodeoùlestyleducompositeur L’ALCHIMISTE vaévoluerversplusdegravité. Remarquableconnaisseurduréper- toire français, Jean-Luc Tingaud, BERTRAND CUILLER profitant de l’Orchestre de la radio- clavecin télévision irlandaise et de ses pupitres de vents aux sons fruités, ISABELLE SAINTYVES traduitbienladualitédel’esthétique dePoulenc;cetonvifetallantparfois Mais à ce traitement, on perd de vue viole de Gambe ultrarapidecommeunfilmmuetde lefondexpressif,lefinaleduConcerto CharlieChaplin,parfoissuavement en sol est allègre mais placide, et le mélodieux.Cetteversion,serviepar Concerto pour la main gauche er unebelleprisedeson,n’estnulle- manquedetensionetdedéchire- Le 1 volume d’une intégrale de l’œuvre mentinférieureauxréférencesclas- ments. Le Concerto de Gershwin ne pour clavecin de François Couperin (1668-1733) siques,Prêtre(EMI)etDutoit pose pas les mêmes problèmes, le (Decca),etmêmeDésormière(Tes- tissu orchestral étant nettement tament) pour la suite des Biches. moinssubtilquechezRavel.Ici,l’on Jacques Bonnaure saitgréauxinterprètesdefaire preuvederetenueetdenepasoutrer lesrutilancesdelapartitionetd’en donner une belle lecture sobre, sen- sible (sublime trompette dans l’Ada- gio). Un Gershwin on the top. harmoniamundi.com Jacques Bonnaure

CLASSICA / Septembre 2018 Q 111 Les disques du mois

ROBERT JEAN SCHUMANN SIBELIUS (1810-1856) (1865-1957) ++ ++++ Quatuor avec piano EnSaga.Finlandia.LeCygne + Brahms : Quintette pour piano de Tuonela. Les Océanides. et cordes Valsetriste.RoiChristianII Yevgeny Sudbin (piano), Hrachya OrchestrenationaldelaBBC Avanesyan, Boris Brovtsyn du Pays de Galles, (violons), Diemut Poppen (alto), dir. Thomas Søndergård Alexander Chaushian (violoncelle) Linn CKD 566. 2017 2018. 1 h 15 BisSACD2258.2017.1h05 FRANZ XAVER ALEXANDRE Aprèsdeuxvolumesdesymphonies L’auditeur trouvera dans ce disque, (nos 1 et 6 puis nos 2 et 7), Thomas RICHTER à défaut d’une interprétation subs- SCRIABINE Søndergård poursuit son explora- (1709-1789) tantielle,l’occasiondesedemander (1872-1915) tion de la musique orchestrale de +++++ où est YevgenySudbin. L’excellent +++ Sibelius. Toujours à la têtedu remar- Symphonie n° 52. Te Deum pianisterussesembleiciabsent,ou Préludesop.13etop.16. quableOrchestrenationaldelaBBC n° 2. Concerto pour hautbois. du moins rarement concerné, si ce Sonates nos 4 et 5. Poème du Pays de Galles, le chef danois Exsultate Deo n’estparlajoliessedusonqu’ilpro- tragique. Poème satanique. s’affirme à nouveau un technicien Marketa Bohmova (soprano), duit. Dès l’introduction du Quatuor Études op. 42. Vers la flamme horspair,chantred’unSibeliusd’une Pavla Radostova (alto), de Schumann,sansmystère,le Vadym Kholodenko (piano) absolueclarté(Les Océanides), très PiotrOlech,JakobKubin(ténors), pauvreSudbindoitfairefaceàuntrio Harmonia Mundi HMM90255. nuancé, chaque plan instrumental Jiri Miroslav Prohazka (basse), virtuose mais sans âme. « Faire 2017.1h12 parfaitement étagé (Le Cygne de Luise Haugk (hautbois), face »estd’ailleurslaseuleexpres- Tuonela),auxtexturesd’unefinesse Ensemble baroque tchèque, sion appropriée tant l’impression Programme de poète, avec une inouïe, constamment irisées, dir. Roman Valek demeureàtraverschaquemouve- teinte tragique tout du long : Vadym chaque motif soigneusement arti- SupraphonSU42402.2017.50’ ment que les cordes jouent leur Kholodenko herborise son récital culé (les cordes dans En Saga,ces partie sans se soucier de dialoguer pour le discret public du Fazioli violonslégerscommelaplumedans La carrière de Franz Xaver Richter avec le soliste. L’Andante cantabile ConcertHalldeSacilechezleScria- la Ballade finale du Roi Christian II). débute dans sa Moravie natale. Il la résume à lui seul le problème:le bineleplussombre.Les Préludes et Dans leur auditorium de Cardiff, et poursuitàKemptenenSouabe,oùil piano est totalement avalé par l’in- les Études sont merveilleux de devant les micros toujours aussi compose un premier Te Deum,déjà terventionduvioloncelle.Àcestade, détailsmurmurés,decontre-chants épatants de définition de Linn, les enregistré(Carus,1996),puisà il n’y a plus d’échange… à peine de suggérés,avecunegrandeliberté musiciensgalloisoffrentuneantho- Mannheim.Ilpassesesvingtder- l’émotion.Cetteversionatonenous de diction, une aisance dans les logie idiomatique, pas un accord nières années comme maître de faitaimerencored’avantagele apartésquimontrentquelejeune jouémécaniquementnidansl’épais- chapelleàlacathédraledeStras- suprême équilibre obtenu par Peter pianiste a entendu une grande part seur pour l’épaisseur, jusqu’à ce bourg, où il reçoit comme assistant, de cet univers, même lorsque Finlandia aux masses de cuivres et futur successeur, Ignaz Pleyel. celui-ci devient ésotérique ou éro- recentrées, réduites au noyau dur CrééàStrasbourgen1781 lors des tique.PourtantlesPoèmessontplus duson,sansl’enveloppeoccidentale cérémonies marquant le centenaire regardésquejoués,ilnefautpass’y habituelle. Dans Le Cygne,lecor du rattachement de la ville à la souvenir des Vladimir, Sofronitsky anglaisestcaptéauplusprès,dans France, ce second Te Deum,moins et Horowitz. l’essencemêmede sa couleur etde vastequelepremier,estunepre- Àmesurequejeprogressedans sa tessiture, figurant idéalement le mièremondialeaudisque.Cette l’écoute un doute s’instille. Cette chantdel’animalennemidujeune œuvrefestive,avec trompette et dimension qui manque, flamme, Lemminkaïnen.Dutrèsbeautravail, timbales,secomposedecinq élanmystique,nevientpasdupia- et un excellent abord de partitions chœurs encadrant quatre pages nistemaisdesonpiano.Cegrand rendues à leur singularité sonore, poursoliste(s).Onestfrappéparla Fazioli aux registres trop égaux sur le fil, typiquement nordiques, qualitédelamusique(Richterse enterrelesvolutesdeScriabinedans mais où manqueront souvent au montraitunmaîtredustylepolypho- sonclavierpesant,transformela boutducomptelesentimentépique, nique)etdel’exécution.RomanValek Rösel etleQuatuorduGewandhaus poésie en prose, malgré toutes les le parfum de légende, l’arrière-plan a ses interprètes, orchestre, chœur, (Berlin Classics) et l’inventivité attentions qu’y porte le jeune programmatique qui dépasserait la solistes,bienenmain.Sontroisième réjouissante du Festival Quartet homme, et le goût qu’il y déploie : pure délectation sonore. CD consacré à Richter musicien (RCA), vainqueur inattendu d’une écoutez le feu follet de l’Étude n°3. Yannick Millon d’églises’ouvreparuneSymphonie Tribunedescritiquesdedisquessur Avecuntelcercueil,adieul’élanirré- en ré majeur avectrompetteettim- France Musique en avril dernier. pressible de la Sonate n° 5que Kho- balesquiputservird’ouvertureauTe Nousnenousappesantironspassur lodenkodoubleavecVerslaflamme, Deum.LeConcertopourhautboisest leQuintettedeBrahms,guèremieux adieu surtout le Volando fuligineux une intéressante découverte, et l’on réussi : la notion de Poco Adagio du delaSonaten° 4oùSamuelFeinberg terminedenouveaudansl’éclatavec deuxièmemouvementaétébalayée emportait son clavier autrement le bref Exsultate Deo,premierd’un par les interprètes et le scherzo, lit- fusantsurlesailesd’Icare.Uneprise cycledequatremotetspourlaFête- téralement asséné, manque de desonéteintefinitd’aplatirl’instru- Dieu. Une très belle réalisation. mystère.Quantaulyrismetour- ment.SiVadymKholodenkorevient Marc Vignal mentédupremiermouvement,vous à Scriabine, Harmonia Mundi devra letrouverezintactchezSerkinetle luioffrirunbeauSteinwayetune Quatuor Busch, les plus chers à acoustique autrement propice. notre cœur. Jérémie Cahen Jean-Charles Hofelé

112 Q CLASSICA / Septembre 2018 MICHAEL TIPPETT (1905-1998) +++++ Symphonies nos 1 et 2 Orchestre symphonique écossais de la BBC, dir. Martyn Brabbins Hyperion CDA68203. 2017. 1h04

L’œuvreorchestraledeMichaelTip- pett a davantage bénéficié d’inter- prétations discographiques soi- ALEXANDRE gnées mais prudentes que de réappropriations par des artistes TANSMAN recréateurs. Seul Colin Davis, dans (1897-1986) une intégrale des symphonies ++++ essentielle (Philips), était parvenu à Suite concertante pour concilier rigueur et engagement, hautbois. Concertino pour plongeantl’Orchestresymphonique clarinette. Concertino pour deLondresdansununiversâpreet hautbois et clarinette. Adagio conflictuel. Martyn Brabbins opte pour orchestre à cordes pourunetouteautreapproche.L’ex- DiegoDiniCiacci(hautbois), cellent chef britannique semble Fabrizio Meloni (clarinette), vouloir mettre à profit les qualités Orchestre symphonique de Malte, chambristesdel’Orchestresympho- dir. Brian Schembri niqueécossaisdelaBBCpourpro- CPO5555792.2016.1h16 céder à une fascinante étude de timbres. Dans la Symphonie n° 1, Si l’on peut trouver chez Tansman crééeen1945,ladémarcheoffreun desréférencesàStravinskyouà écrin idéal aussi bien à l’écriture Ravel, sa personnalité et l’indépen- contrapuntique dupremiermouve- dancedesonstyles’affirmentdans ment qu’au kaléidoscopique presto. toute leur diversité dans ces trois concertos témoignant de l’appro- fondissement de l’écriture du com- positeuraprèslaguerre.LeConcer- tino pour clarinette (1957), tour à tour dramatique ou jovial, utilise un langagetrèsaccessiblen’excluant pas certaines audaces heureuses commel’associationdusolisteetdu hautbois de l’orchestre. Le Concer- tino pour hautbois et clarinette (1952),lepluslongdestroisavecses sept mouvements de plus de vingt minutes, témoigne d’une parfaite connaissancedestimbresetdeleur Maisreconnaissonsqu’ellepossède association, mais, après l’intensité égalementseslimitesdanscertains de son Ouverture,l’exubérancede compartiments de la Symphonie son Dialogue ou la richesse de ses n° 2 (1958). L’Allegro vigoroso,par rythmesetharmonies,semontre exemple, manque un peu de poids moinsinventifetplusternedansses et de mordant. Dans l’Adagio molto derniers mouvements. etranquillo,ledéfautredevientune Enregistré pour la première fois, la qualité. Abordé en toute transpa- Suite concertante pour hautbois rence,cemondederaffinements (1966), sous-tendue par un instrumentaux envoûtants, par- orchestre de chambre enrichi par semédetensions,n’ajamaissemblé lespercussionsetlepiano,estd’un sisubtilementdiaphane,siinsidieu- langageplusrecherchédanstous sement trouble. Un soupçon de sesaspects,etl’onnepeutquese matière nous manque, et nous réjouir de pouvoir l’entendre. Intro- prive, hélas, du plaisir d’accorder la verti, l’Adagio pour cordes,repris notesuprêmeàcetrèsbeaudisque dans la Symphonie n° 4 et contem- dont le double mérite est celui de porainducélèbreAdagiodeBarber, célébrerungrandcompositeurdis- clôtunprogrammeinterprétéavec paruilyavingtansainsiqu’une conviction. baguetteparmilesplusattrayantes Pascal Gresset de notre époque. Jérémie Cahen

CLASSICA / Septembre 2018 Q 113 Les disques du mois

Northern Flowers propose trois enregistrements conservés dans les archives de Saint-Pétersbourg : unconcertde1961(Sonate pour violonetpiano), un de 1976 (Octuor) et un de 1985 (Sonate pour piano n° 1 et Grand duo pour piano et vio- loncelle). Témoignage précieux de l’èresoviétique:sansêtreinterdite, lamusiqued’Ustvolskaïa,trop moderniste, était jugée suspecte par le régime. À l’écoute, on com- prend bien pourquoi : d’une part, GALINA sesrecherchessonorespouvaient GIUSEPPE ANTONIO en effet encourir le reproche de USTVOL- «formalisme». D’autre part, l’at- VERDI VIVALDI mosphère tourmentée de son (1813- 1901) (1678-1741) SKAÏA œuvres’inscritmaldanslecadre + +++ (1919-2006) défini par l’Union des composi- « Verdi Heroines » Les Quatre Saisons. ++++ teurs,pourqui«letragédismen’est Extraits de Don Carlo, ConcertosRV208,270et 271 Sonate pour piano n° 1. pascequiconvientàl’espritdenotre I due Foscari, Le Trouvère, Rachel Podger (violon), Octuor pour deux hautbois, peuple.Pourcelui-ci,ilfautsusciter, LesVêpressiciliennes, Brecon Baroque quatre violons, timbales avanttout,laconfiancedansl’avenir Aroldo, Attila, Macbeth, Channel Classic SACD CCS SA 40318. et piano. Sonate pour violon des aspirations révolutionnaires… » La Traviata et du Requiem 2017.1h15 et piano. Grand Duo pour (Kabalevskidixit).Defait,pasla Elena Mosuc (soprano), Orchestre piano et violoncelle moindreoncedeséductionsonore philharmonique de Zagreb, Au baromètre discographique, la Alexander Stang, Arkady danscettemusique:OlegMalovl’a dir. Ivo Liapanovic proportion de Quatre Saisons inter- Liskovich, Abram Dukor, Feodor bien compris, qui dans la Sonate SoloMusicaSM279.2018.1h17 prétées par (seulement) huit musi- Saakov, Mikhail Waiman (violon), n° 1martèleetmalmènesonpiano, ciens n’est pas monnaie courante. Oleg Stolpner (violoncelle), Oleg accentuesestimbresmétalliques, Onpeutavoirétél’unedescolora- Enjouantcettecarteminimaliste,le Malov, Maria Karandashova maissaitaussiexprimerladésola- turesdel’époque,alignantdeuxcent Brecon Baroque en gomme de sur- (piano), Alexander Kosoyan, tion la plus totale dans les pas- cinquanteReinesdelanuit,de croît l’esprit concertant, chacun Khanyafi Chinakaev (hautbois), sageslents.Endixminutes,c’est superbes Zerbinetta, d’excellentes semblantplacéaumêmeniveauque Valery Znamensky (timbales) toutelaforceexpressivedela Olympia, avoir chanté les reines la soliste : cela nous vaut en contre- Northern Flowers NF/PMA 99122. musique d’Ustvolskaïa qui se donizettiennes,etuneGildanaturel- partie de savoureux dialogues 1961-1985. 1 h 11 révèle. L’Octuor,scandéparles lementappropriée,sereconvertiren chambristesaveclesecondviolon, timbales, prend des allures de grand soprano verdien à plus de de notables échappées du violon- marche funèbre ou de danse grin- cinquante ans n’est pas gagné celle râpeux d’Alison McGillivray çante, se fait tour à tour élégiaque d’avance.Leprogrammedeceréci- (LargoepianissimoduPrintemps)et ou véhément ; le Grand Duo voit le talvabienau-delàdespossibilités du clavecin solo (Adagio molto de timbre rauque du violoncelle et les d’une voix qui a perdu un aigu par- L’Automne).L’instrumentdeRachel accords puissants du piano s’af- tagédésormaisentrelecri,ladureté Podger est un modèle d’élégance, fronterenundialogueexplosif. etlapertedelaligne,déstabilisée déclinéenunevariétédephraséset AndreasSeideletSteffenSchleier- par un vibrato fort audible. d’ornementsquicollentauplusprès macher,quantàeux,ontchoisi Des restes parfois encore délicats àlalignemélodique. troispiècesquicouvrenttrente- detimbre,demoelleux(lebolérodes D’oùvient,dèslors,qu’unecertaine cinq ans de vie créatrice. La soli- Vêpres fait illusion un moment) ou lassitude finisse par s’installer ? À tude de la Sonate pour violon et d’investissement (Traviata,tant trop vouloir juguler la virtuosité piano (1952), aux notes égrenées qu’ellen’yforcepas)côtoientainsi ébouriffante d’un Biondi (Opus 111) surunrythmeinlassable,reste des hurlements attristants, des ou d’un Radulovic (Decca) comme ++++ perceptible dans la Sonate pour notes prises par en dessous, des les contrastes férocement accusés Sonate pour violon et piano. pianon°5(1986), « calmeblocici- duretés douloureuses. Les person- d’Il Giardino Armonico (Teldec), Sonate pour piano n° 5. bas chu d’un désastre obscur ». nagesextatiquesetnobles(Elisa- notreensembleenvientàoublier Duopourviolonetpiano Accords graves répétés de façon betta,Leonora)sonthorsdepropos, jusqu’aux didascalies de la parti- Andreas Seidel (violon), obsessionnelle, échos de motifs les vengeresses et les violentes tion…etlàn’estpaslemoindrepara- Steffen Schleiermacher (piano) chromatiques, mélodies ténues (Odabella,LadyMacbethavecson doxe de ce disque que de proposer MDG61320552.2017.1h07 (nuancepiano,registreaigu),tout «Trionfai!»originalde1847)comme uniquement des concertos à titre baigneicidansunclimatdetension le«Liberame»,augraveartificielle- quand la moindre allégeance au pit- Oncommenceàpeineàredécou- et de révolte. De pareils éclats de mentgonflé,peuventencorepasser toresque se voit aussitôt opposer vrir l’œuvre de la compositrice désespoir animent le Duopourvio- sil’onaccepteundébraillé,parfaite- unefindenonrecevoir:n’espérez Galina Ustvolskaïa, dont le cata- lon et piano (1964). Une musique ment évitable. C’est sans doute le pas ruisseler de soleil et d’orage loguerestreint(vingtetunepièces, inclassable qui porte l’empreinte seul avenir qu’on puisse entrevoir dans L’Été,devousrecoifferaux lesseulesànepasavoirétéreniées des tragédies du XXe siècle. pourunevoixdontlatechniquese bourrasquesdeL’Hiver,detrembler par leur auteur) resta longtemps Sarah Léon perd. Comme l’orchestre dérape autonnerreduPrintempsetdevous méconnu. Chostakovitch, qui fut dansleridiculeinstrumentalicioulà joindre aux vendanges de L’Au- untempssonprofesseur,luiaurait (l’introductionde«Timordime»du tomne.Untelpartipris,forcément déclaré :«Ce n’est pas toi qui es Trouvère),oncomprendvitequece intentionnel de la part d’artistes influencéeparmoi,aucontraire, c’est récital n’est pas un indispensable. aussi accomplis, laisse songeur. moi qui le suis par toi ». Pierre Flinois Jérémie Bigorie

114 Q CLASSICA / Septembre 2018 CHANT SCULPTURAL HO JO TO HO! La soprano Birgit Nilsson aurait eu cent ans le 17 mai. Deux cofrets imposants, dont l’un reprend l’essentiel de ses rôles italiens, donnent toute la mesure du talent de l’étoile wagnérienne.

a Brunhilde de la seconde ciselés, Lady Macbeth, sans le délié de la où sa voix se libère encore,dont trois Isolde, moitié du xxe siècle, mais son vocalise réservée aux belcantistes,dresse un deux Elektra,qui renseignent sur son art et Isolde aussi: Birgit Nilsson, portrait saisissant où la voix s’expose, se sa carrière des deux côtés de l’Atlantique. nouvel astre septentrional du risque,dévoilant les abîmes du personnage, Les deux documents de jeunesse étonnent : chant wagnérien après Kirsten mais c’est son Aïda héroïque (face à l’Am- sa Judith du Château, en suédois pour Flagstad, aurait eu cent ans le neris ravageuse de Bumbry) qui emporte Fricsay, irradie de lumière comme son L17 mai dernier. Universal saisit l’occasion la palme, voix d’airain qui ne fait qu’une Elsa pour Jochum à Bayreuth en 1954. d’un hommage posthume somptueux, bouchée du Nil dans l’étouffant décor afri- Impossible de choisir entre les Isolde, assorti d’un livre de format italien à cain dressé par Mehta. mais malgré le Tristan deVickers à Orange, l’iconographie choisie. Édition très qu’elle adorait,celle deVienne pour Böhm complète, empruntant à Warner les rares l’emporte,chant sculptural et pourtant ailé escapades chez EMI,hors Freischütz,toutes qui ne fait qu’une bouchée du Tristan de de répertoire italien et à RCA la Turandot Jess Thomas: au II on n’entend qu’elle, méphitique de Leinsdorf. Avantage décisif éperdue, émouvante. Stupéfiante, sa de l’objet, un nouveau mastering, signé Brunhilde de La Walkyrie pour Kara- Angelika Rudloff, qui rétablit l’équilibre jan au Met (Crespin la lui avait laissée, entre chanteurs et orchestre dans bien des reprenant sa Sieglinde), saisissantes enregistrements, donnée précieuse ses Elektra surtout au Met pour Böhm lorsque l’on sait que les ingénieurs face à Madeira, rongée par son baissaient le niveau de captation de cancer, qui feule ses angoisses, et la vaillante soprano. enflammée par Bernstein une Leo- Le premier UnBalloinmascherade nore radicale, rencontre historique. Solti, d’une noire tension,en sort ainsi Au sommet, la Turandot implacable, grandi au sein de la discographie. La portée à incandescence par Stokowski soprano suédoise irradie enfin de ses dans un son capiteux qu’on n’avait jamais aigus impérieux, droits, chantés dans le eu, bénéficie d’une bande originale enfi n masque, mais soutenus par une colonne dévoilée. Immanquable. X d’air légendaire qui se riait de l’effort. Jean-Charles Hof elé Athlétique ce chant? Pas seulement. Brun- hilde est plus bonne fille que guerrière, £ « La Nilsson, The Complete Decca Deutsche surtout chez Solti dans l’étincelle de la jeu- Grammophon Philips Recordings » Decca nesse; pour Böhm, à Bayreuth, elle sera Chez Puccini, Tosca lui résiste, sinon 483 2787 (79 CD et 2 DVD). 1958-1973. CHOC autrement torturée, Isolde autant sorcière l’acte II, étreignant, mais Turandot est par £ « Birgit Nilsson, The Great Live au I qu’amante au II (et Böhm sorcier tout deux fois monumentale, un rien retenue Recordings » Sony Classical 88985392322 du long). Leonore laisse voir les failles que pourtant par le studio.Vraie merveille qu’il (31 CD). 1953-1976. CHOC son héroïsme veut dissimuler,l’Elektra célé- faut réévaluer,sa Minnie emportée par une brissime de Solti sonne loin de toute hys- troupe scaligère parfaite (Matacic la dirige, térie, chant ample qui va sereinement réa- écoutez avec quel art!). Agathe rappelle liser le sacrifice.Hofmannsthal a-t-il jamais qu’elle fut jadis cette soprano claire,capable été si bien compris? Et sa Teinturière tenue, d’allégements quasi mozartiens. Le tout se chantée sans appui pour Böhm à Vienne ! complète des récitals, de l’Elektra filmée en Impossible de détailler le tout, sinon pour 1980 au Metropolitan Opera,du documen- réévaluer l’héritage italien. Amelia est sur- taire sur le Ring de Solti et Culshaw. prenante d’intériorisation face au Riccardo À cet ensemble magistral, Sony ajoute un stylé de Bergonzi qui lui inspire des phrasés coffret groupant des captations publiques

CLASSICA / Septembre 2018 Q 115 Les disques du mois

GIOVANNI ALEXANDER VON ZAMBONI ZEMLINSKY (première moitié du XVIIIe siècle) (1872-1942) +++ ++++ «L’ultimo romano» Une Tragédie florentine Sonate d’intavolatura di leuto Heidi Brunner (Bianca), Simone Vallerotonda (archiluth) Wolfgang Koch (Simone), ArcanaAD101.2016.1h01 Charles Reid (Guido Bardi), Orchestre symphonique de OnsaitpeudechosesdeGiovanni l’ORF-Vienne, dir. Bertrand de Billy Zamboni, excepté qu’il a composé Capriccio C5325. 2010. 52’ deux cycles de madrigaux et publié MIECZYSŁAW unrecueildeonzesonatespour JAN DISMAS Depuisdeuxdécennies,alorsqueles l’archiluth.CoincéesentrelesSuites intégrales lyriques se raréfient, les WEINBERG deBachetlesPartitasdeWeiss,ces ZELENKA opéras sécessionnistes étoffent (1919-1996) Sonate d’intavolatura di leuto (1679-1745) lentement mais sûrement leur dis- +++ peinentàexisterendépitderéelles +++++ cographie. Voici ainsi la sixième Sonatespourviolon qualités d’écriture. Simone Vallero- SixSonatesentrioZWV181 versionauCDd’UneTragédiefloren- et piano nos 1, 2et3 tonda aborde ce répertoire avec un Ensemble Berlin Prag tine après Albrecht (Koch, 1983), Agnès Pyka (violon), soucidel’authenticitéetunengage- Supraphon SU 4239-2 (2 CD). 2017. Chailly (Decca, 1997), Conlon (EMI, Laurent Wagshal (piano) ment appréciables. 1h34 1997), Jordan (Naïve, 2004) et Arion68836.2017.1h04 Le respect scrupuleux des indica- Jurowski(LPO,2014).Lameilleure tionsducompositeur(liés,vibratos, La sonate en trio était, à l’époque propositionresteànotresenscelle Encore largement méconnues du ornements),l’articulationpréciseet baroque, le genre d’élection pour deRiccardoChailly,transcendéepar public, les œuvres du jeune Wein- le traitement rythmique (tempos, montrer son savoir-faire. Souvent, un Orchestre du Concertgebouw berg méritent pourtant l’intérêt. appuis)marquenticilesdifférences lescompositeursenpubliaientun d’Amsterdam impérial, d’étoffe Moins sarcastiques que celles de de caractère entre les danses. Mal- cycle comme premier opus, qu’ils aussiprécieusequecellesdumar- son ami et collègue Chostakovitch, gré le côté intellectuel de la plaçaientsouslesauspicesd’Arcan- chand Simone. elles tranchent néanmoins par leur démarche,leluthistenelaisse gelo Corelli. Il en va autrement avec Rien d’aussi hédoniste dans les virtuositécontrapuntiqueetparleur jamaisl’auditeuràdistanceetdonne Zelenka, qui attendit la quarantaine sonorités de l’Orchestre sympho- stylegraveetsavant.Laprésente uneinterprétationexpressivedeces passée pour se mettre à la tâche. nique de l’ORF-Vienne, excellent interprétationdesestroispremières sonates, teintée de cette couleur L’instrumentationàquatrevoix«con mais dénué des incomparables sonatespourviolonetpianoenres- particulière et chaleureuse du jeu due bassi obligati» s’inscrit dans la moirures néerlandaises, ou dans la tituelatrameavecclartéetlinéarité surboyau,soutenueparuneprise continuitédel’œuvredeFux,notam- directiondeBertranddeBilly,ner- dans la conduite des voix. Mais l’en- de son naturelle. Cependant, sur ment desesquatresonatesquele veuse et dramatique, offrant un semblemanquedereliefetde cordes faiblement tendues, la dic- TchèqueavaitrecopiéesàVienne éclairage opératique plus tradition- contrastes : d’esprit encore très tionmanqueparmomentsdeclarté dans son recueil de compositions nelbienquetrèsprenant.LeSimone romantique,laSonaten° 1mériterait et le discours de vigueur (Giga dalla destinéàl’étude.Maisleurlongueur, deWolfgangKoch,sanségalercelui ainsidavantagedeprofondeuretde Sonata II). leurexigencetechnique(surmesure d’Albert Dohmen, domine sans phrasé dans son interprétation ; la pourlavirtuositéproverbialedel’Or- peineladistribution,excellent tension de son deuxième mouve- chestredeDresde)etexpressiveles diseur, présence constante du ment,etlemotorismedesontroi- situent sur un tout autre plan. timbre et rayonnement particulier sièmepourraientêtreplusaffirmés, «Totalement fou »,n’hésitepasàdire duhautregistre,seulementàl’étroit le violon peinant à se montrer suffi- du « personnage »danslanotice danslegrave.EnamantGuidoBardi, samment incisif. ReinhardGoebel,quiatroquél’ar- CharlesReidfaitsentird’embléepar D’unemanièregénérale,lestempos chetpourlaplumeetasupervisécet son émission un peu serrée, guère ne sont pas assez différenciés, tout enregistrement !C’estdiresiles aristocratique, qu’il sera le perdant comme les caractères des diffé- excellents musiciens berlinois et decetteintrigueaucoupdethéâtre rentespartiesdontlestyleoscille pragois jouent de manière histori- final,faceàlaBiancaépouvantailde pourtantentreintrospectionroman- quementinforméesurinstruments HeidiBrunner,médiumexsangueet tiqueetlimpiditénéoclassique.Cela modernes : ressortent singulière- aigus criards, qui convoquent le est particulièrement marqué dans mentlaclartédel’articulation(lejeu souvenir de Gabriele Schnaut. lesSonatesnos 2et3,oùlesostinatos des clés des vents n’échappant pas Yannick Millon etaccordspulsésmanquentdeten- Au concert comme au disque, la auxmicros)etlesentimentd’unflux sion,lespizzicatietappogiaturesde musique de Zamboni reste confi- rythmiqueininterrompu,toutàfait sens,lepianodepoidsdanslespas- dentielle. Marco Horvat et son dans la veine des Brandebourgeois sagesexpressifs.Lescolorationsde ensemble Faenza (Agogique) en selonGoebel.Labalancehomogène la Sonate n°3 viennent heureuse- livrentunebelleversion,quiassocie fait bien percevoir l’aspect conver- ment renouveler le discours et s’ac- quelquesmadrigauxàcessonates. sationenmusiquequimanquaitàla cordent mieux à une interprétation Mais rares sont ces propositions, et récente version de Vaclav Luks claire,sommetoutepeuétonnante l’albumdeSimoneVallerotonda (Accent).Celledel’EnsembleBerlin delapartd’unduospécialisédans vientcompléteravecpertinenceune Prag rejoint ainsi les réussites du le répertoire français, mais qui ne mincediscographie.Salecturese Pasticcio Baricco (Hérissons) et du rend que partiellement justice au hisseauniveaudecelledeLuciano pionnierHeinzHolligeretsacompa- génie de Weinberg. Contini (Glossa music) et surpasse gnie (ECM). Laurent Lellouch nettement celle de Yavor Genov Jérémie Bigorie (Brilliant Classics). Fabienne Bouvet

116 Q CLASSICA / Septembre 2018 RÉCITALS TITRES BYE-BYE BERLIN ++++ Œuvres de Weill,Schulhoff, Hindemith,Billing, Meyerowitz, Eisler, Hollaender et Berg Marion Rampal (soprano), Raphaël Imbert (saxophone), Quatuor HarmoniaMundi902295.2016.1h03

Quelle belle idée ! Tout est réussite dans ce voyage dans le Berlin musi- caldel’entre-deux-guerresorganisé par Marion Rampal, chanteuse de BACH(S) jazzeticidecabaret,leQuatuor ++++ ManfredetlesaxophonisteRaphaël Œuvres de Johann Christoph Imbert. Leur rencontre illustre à Bach, Wilhelm Friedemann merveilleceBerlininterlopeoùle Bach,JohannChristianBach, meilleurdel’artcôtoielepiredela Carl Philipp Emanuel Bach, politique dans cette effervescence Whilhelm Friedrich Ernst Bach culturelle qui souvent précède les et Johann Sebastian Bach drames. Classique, dodécapho- Olivier Vernet et Cédric Meckler nique,jazzy,populaire,lamusiquey (orgue) est«àlacroiséedeschemins».Les LigiaDigital010433318.2017.1h01 compositeursquel’oncroiseici,de Kurt Weill à Paul Hindemith en pas- C’estaveclesfilsetpetits-filsde santparHannsEisler,FriedrichHol- Bach que le duo Vernet-Meckler a laenderouJanMeyerowitz,onttous souhaité enrichir son impression- naviguédanscemondeentredeux nant répertoire discographique. mondes avant de souvent le quitter DélaissantlesfuguesdeWilhelm pour l’exil. Friedemann et les sonates de Carl Philipp, ils ont choisi comme angle d’attaquelesœuvresàquatremains pourclavieretlerépertoirepour Flötenuhrlaissésparladescendance duCantordeLeipzig.Lerésultatest enthousiasmant,baignéd’unelégè- reté etd’uneélégancepropreàla musiquedesLumièresetréservant de très beaux moments de grâce à l’imagedestroisminiaturespour orgue mécanique de Carl Philipp EmmanuelBachouencoreduDiver- tissementinéditdeWilhelmFrie- drich Ernst. On retrouve cette fragilité dans cet Pour faire sonner ces pages, les enregistrement aux couleurs multi- deux interprètent ont choisi le très ples, cette hésitation permanente germanique orgue Freytag/Trico- entrelacatastrophe,unbesoinfou teaux(2001)del’égliseSt-Vaastde degaietéetuneaspirationàlanou- Béthune, petit bijou d’esthétique veauté,cettelibertéquidansesur baroquecrééenpaysflamanddont unfiletnousemporteaucœurd’une les sonorités tour à tour pleines, époquepiétinéeparlesnazisetleur aériennes et typiques donnent aux sinistre slogan condamnant l’art airs de chasse de Wilhelm Friede- dégénéré.C’estunbonheurderedé- mannetauxduosdeJohannChris- couvrir cette mosaïque harmo- toph et Johann Christian un carac- nieuse d’œuvres si audacieuses en tère bien trempé. L’on pourrait leur temps. Les cordes du Quatuor regretterlaprisedesonunpeutrop Manfrednousemmènentaussibien rapprochée qui, si elle a le mérite danslestréfondsdel’âmejuiveque d’uneabsolueclarté,laisseentendre dansl’évocationd’unevilleoùtout desapproximationsdansletoucher devenaitpermis.LavoixdeMarion des interprètes, notamment dans Rampal est à l’unisson des grandes lestraitsvirtuosesoul’ornementa- chanteuses de cabaret de ce Berlin tion.Maisl’ensembleestsirafraî- où naissait la modernité avant chissant qu’il emporte l’adhésion. qu’elle ne soit écrasée. Aurore Leger Denis Jeambar

CLASSICA / Septembre 2018 Q 117 Les disques du mois

DOUBLE LARMES DE CONCERTOS RÉSUR- ++++ Œuvres de Rihm, Brahms RECTION et Harbison +++++ Mira Wang (violon), Œuvres de Schütz et Schein Jan Vogler (violoncelle), Georges Abdallah (récitant), Orchestre royal national La Tempête, écossais,dir.PeterOundjian dir. Simon-Pierre Bestion Sony190758367521.2017.1h18 Alpha394.2017.1h17

IlesttentantdeprésenterWolfgang Dans un entretien, Simon-Pierre CONVER- Rihm comme un compositeur offi- FRENCH Bestion explique sa démarche tout ciel,unavant-gardisteinstallépassé en aiguisant les armes de ses GENCES par Darmstadt et couvert de prix. MOMENTS contempteurs : imbrication libre +++++ Sonautoritéreposenotammentsur ++++ d’extraits de L’Histoire de la Résur- Œuvres de Bach, Escaich unefiliationàNono,Stockhausenet Roussel : Trio op. 2. rection de Schütz et des Fontaines et Ospital Lachenmannmaisonluitrouveéga- Debussy : Trio n° 1. d’Israël de Schein en une nouvelle Thomas Ospital (orgue) lementunpeudeMahleroude Fauré : Trio op. 120 dramaturgie,instrumentationsubs- Tempéraments Radio France Schoenberg. De plus, il invoque Trio Neave tantiellement étoffée en cornets et TEM316060.2017.1h06 volontiersl’espritallemand:Hölder- Chandos CHAN 10996. 2017. 1 h 10 sacqueboutes, coupures opérées lin,Nietzsche,CelanouencoreHei- danslerécit,réécritured’improvisa- Figure emblématique de la jeune nerMülleravecquiilacollaboré. Les trios pour violon, violoncelle et tionspourlapartiederécitant, générationfrançaise,successeurde C’est beaucoup. Mais halte aux piano de Roussel, Debussy et Fauré rebaptisé chantre byzantin. Nous JeanGuillouàSaint-Eustacheet préjugés:sonConcertocrééen2016 illustrentdetroisfaçonsdifférentes voilàprévenusetlibresdeparticiper concertiste international à seule- suruneidéedeJanVoglervautsim- et peut-être même divergentes la àl’aventureouderetournerauxver- ment vingt-huit ans, le bouillonnant plement le détour. Le violoncelliste situation de cette formation en sions consacrées : Jacobs (HM) ou Thomas Ospital signe sa deuxième et la violoniste Mira Wang rendent France entre 1880et 1920.Debussy Haller(Christophorus)pourSchütz, grande apparition au disque. Il a aussibienlafrénésiequelelyrisme futlepremiermaisiln’avaitquedix- Herreweghe pour Schein (HM). choisilestrèsfinesorguesGrenzing d’une musique où Rhim s’autorise la huit ans lorsqu’il composa son Pre- Mais unefoispasséesquelques del’AuditoriumdeRadioFrancedont mier Trio (iln’yeutjamaisde minutes d’adaptation à l’allemand ilaétéletitulaireenrésidence.L’en- second!). C’estuneœuvrepleinede peu idiomatique du récitant, force sembleestdetrèshautetenue, charme et en un sens personnelle, estdeconstaterquelamagieopère: étudié, maîtrisé et mûri. Le toucher, maisquin’arienàvoiravecson les chœurs des Fontaines placés délicatementperlédanslePrélude esthétiquefuture.LeTrio deRoussel entre les récits évangéliques de la etFugueenlamineuret la Sonate en (1902, révisé en 1927) compte lui Résurrection agissent comme les trio n° 2 de Bach, répond à une aussi parmi ses premières œuvres chorals d’une passion. Quant à la volonté de souligner les subtilités mais l’on sait qu’il était venu tard à prestation du chanteur libanais d’écriture et de proposer une orne- lacomposition.Làencore,onestloin Georges Abdallah, elle envoûte par mentationoriginaleetfoisonnante. d’un Roussel familier et la musique son sens du sacré et de l’ornemen- La registration, résolument histori- portelamarquedel’écoled’indyste tation. Bien qu’inscrites dans la cisante,donneàcespagesunelim- mais avec une certaine inspiration mouvance de la Réforme luthé- pidité dont bénéficient également et de la sensibilité. Chaque mouve- riennes,cespartitionsaccusentune lessixÉtudes-Choralsd’Escaich.Ces mentintègredesépisodescontras- forte influence italienne, ce que brillantesparaphrasessurdesmélo- consonance et l’expressionnisme. tés qui brisent les carcans acadé- Bestionunified’ungesteexacerbé dies luthériennes, sonnent avec la Debonnefacture,leurBrahmsnese miques. Celui de Fauré est le plus parfois,musicaletdramatiquetou- force de l’évidence sur cet instru- justifie pas dans cette compilation tardif(1920-1922)maisc’estlechef- jours dans son alternance des ment aux possibilités infinies. autrementqueparcequ’ils’agitd’un d’œuvre abouti d’un quasi octogé- registresfastueuxetintime,danssa Ospital, virtuose sans gratuité, en double concerto comme ceux de nairequiconnaîtsursesvieuxjours quêted’uneauthenticitéplusproche faitressortirtoutlegéniemusical: Rihm(quiciteplutôtBach)etJohn une renaissance prodigieuse. del’émotionspontanéequedela lerythmehaletant,lesubtilcontre- Harbison. Le prolifique Américain, LeTrioNeave,peuconnuenFrance, rigueur des traités. Et la ferveur pointetlelyrismemélodiquequi né en 1938, dont la notoriété peine mène une brillante carrière interna- communicativedeLaTempêtede plongentimmédiatementl’auditeur à traverser l’Atlantique, ne rechigne tionale.Composéd’uneAméricaine, nous emporter dans son tourbillon dans l’univers caractéristique du pasàécrireenpensantaupublicet d’une Japonaise et d’un Russe, il pour ne plus vous lâcher ! compositeur. Soucieux d’exploiter pourcefairerespectelesgenresen prouvequelacompréhension Jérémie Bigorie toutel’étenduedesontalent,Ospital réinventantlestraditions.Crééen approfondied’unstylen’arienàvoir se présente enfin dans un art où il 2009parVogleretWang,son avec la nationalité des interprètes. excelle:celuidel’improvisation.Bien Concerto fut dédié au mentor de Car ces musiques tellement fran- quecoincéentredeuxmaîtres,ils’en cette dernière, Roman Totenberg çaises,etmêmeparisiennes(et sortadmirablement,optantpourun (1911-2012). Presque dix ans plus mêmedesquartiersdel’ouestpari- langagespectralprochedesÉtudes tard,l’enregistrementducouplemet sien !) sont exaltées par la sonorité, de Ligeti et proposant de sympho- enévidenceunefamiliaritéavecune pleine,chaleureuse,bienhomogène niques commentaires de la signa- œuvrequi,contrairementauDouble destroisNeave.Etlesclimatsaffec- ture musicale du Cantor. Un musi- concerto pour hautbois et clarinette tifs ne sont jamais surlignés. On cien dont nous n’avons pas fini du professeur à Harvard, ne se veut pourrait à leur propos parodier Ver- d’entendre parler. Aurore Leger pas un match de catch... tout en laine :«pasladouleur,rienquela allant dans les cordes. nuance ! » Jacques Bonnaure Jérôme Medelli

118 Q CLASSICA / Septembre 2018 SIRBA THE SECRET ORCHES- MASS ++++ TRA ! Martin : Messe pour double ++++ chœur. Chansons d’Ariel. Sirba Octet, Nicolas Kedroff Martinu : Ctyri písne o marii. (balalaïka), Orchestre Romance z pampelišek philharmonique royal de Liège, Klaudia Kidon (soprano), Emil Likke dir. Christian Arming (ténor), Daniel Åberg (percussion), Deutsche Grammophon 481 6962. Danish National Vocal Ensemble, 2017.1h07 dir. Marcus Creed OUR Recordings SACD 6.220671. ORATORIO Que de standards de la musique THE STARRY 2017. 1h04 +++++ russe, tzigane et klezmer dans ce Airs de Caldara, Bononcini, cinquièmedisqueduSirbaOctet! SKY Ce programme met en regard des Gasparini, Porpora et Et,pourtant,quellemagiedanscette +++++ œuvressacréesetprofanesde Alessandro Scarlatti nouvelle rencontre entre les huit Beethoven : Quatuorop.59n°2. Franck Martin et Bohuslav Martinu, Blandine Staskiewicz musiciens classiques, rassemblés Hersant : Quatuor n°4 néstousdeuxen1890.L’interpréta- (mezzo-soprano), Les Accents, par Richard Schmoucler, violoniste «TheStarry Sky » tiondelacélèbreMessepourdouble dir. Thibault Noally del’OrchestredeParis,etcette Quatuor Girard chœur du premier met l’accent sur Aparté AP178. 2017. 1 h 08 musiquesouventoralevenuedes Paraty 318167. 2018. 58’ lescontrastesetleseffetsd’oppo- peuples d’Europe orientale! Tout y sition;ilssontmisenvaleurpar Concocté sur mesure par Thibault semble recréé sans jamais trahir la À première vue, il peut sembler l’excellente justesse de l’ensemble NoallypourBlandineStaskiewicz,ce libertédecesairspopulairescolpor- déroutant de réunir sur un même et l’intelligibilité de sa prosodie, qui programme, incluant pas moins de tés jadisdefêtesencabarets.Ony disque un quatuor de Beethoven et renforcentleseffetsdetimbreet neuf inédits, est l’occasion d’une retrouvelarythmiqueensorceleuse un quatuor de Philippe Hersant. d’antiphonie.S’ilsconfèrentàl’inter- plongéedansungenrearrivéàpleine de ces musiques imaginées pour Néanmoins, le choix du Quatuor prétation un côté spectaculaire, maturité.Maissi,commeleprécise danser, ces tempos lents ou endia- Girard prend tout son sens lorsque quasithéâtral,ilsnenuisentpasàla l’excellentenoticed’OlivierRouvière, blés épousant con anima aussi bien l’on comprend que le second a pré- clarté du contrepoint, restitué avec « oratorio et opéra sont frères [car] les sentiments mélancoliques ou cisément utilisé l’œuvre du premier panache dans le Sanctus.LesCtyri nés au début du XVIIe siècle », notre commepointdedépart.D’oùletitre písne o marii (Quatre Chants de la fratrie ne se regarde pas en chiens «TheStarry sky »(initialement«Der Vierge Marie)deMartinusontpré- de faïence tant l’engagement dra- gestirnter Himmel ») : d’après sentés dans une version plus calme matiquedelamezzo-sopranoabolit Czerny, l’Adagio du second des et linéaire, qui se rapproche de l’es- les frontières entre sacré et pro- «Razoumovski»seraiteneffet«une pritdestextesplusqu’elleneren- fane… pournepasdireentrel’âme méditation sur l’harmonie des forcel’aspectrythmique.Issuesde et le corps ; le premier oratorio sphères, devant le ciel étoilé dans le La Tempête de Shakespeare, les répertorié est justement l’édifiant silencedelanuit»–unthèmequine Chansons d’Ariel ne manquent pas Rappresentazione di Anima e di peutmanquerderappelerlesdéve- de caractère mais quelque peu de Corpo de Cavalieri. loppementskantienssur«lesétoiles légèreté et d’évanescence. Heureuse idée que de n’avoir pas au-dessusdenostêtesetlaloimorale Ledisques’achèveparunetrèsbelle dépareillélesairsdesrécitatifsintro- en nous ». version de la Romancezpampelišek ductifs :cela permet de théâtraliser Defait,HersantreprendàBeetho- (Romancedespissenlits)deMartinu. le cheminement rhétorique qui ven de nombreuses cellules mélo- Lechœurdéploiecettelonguecom- conduit à l’exacerbation des senti- joyeuxdecetimmenseEsteuropéen diquesetrythmiques,desembryons plaintefaisantéchoàl’invasiondela ments,commedansl’extraordinaire queles inspirationsfantasquesdes de thèmes, des formules d’accom- Bohème-Moravie par les troupes «Ombrecuresospetti»del’Atalia de danseursqu’ellesaccompagnaient. pagnement;etcependant,c’estune allemandes en 1939, renforcé par Gasparini.DanslelamentodeMade- Toutnevientpasdestempsanciens, œuvre entièrement nouvelle qui des interludes chantés sans mots leine « Perilmardelpiantomio» lacélèbre«Katioucha»estnéedans émerge de ce délicat travail de tres- surlesquelsdialoguentlesdeuxvoix selonCaldara,c’estlasobriétéexta- la Russie soviétique en 1930 et fut sage. Les Beethovéniens éprouve- solistesreprésentantlesacteursde tique qui prédomine, tandis qu’une l’équivalent pour les soldats de l’Ar- ront sans nul doute une certaine la tragédie. L’ampleur est réservée véritabledébauchedevirtuositéest mée rouge de « Lili Marleen » pour jouissanceàtraquertouteslesrémi- pour le récit final du soldat disparu, àl’œuvredansl’aria di tempesta les belligérants du front ouest. L’ir- niscences présentes dans le qua- déclamé par le chœur dans une «Fremerdalungeiosento»:quoi résistible«Kalinka»estunechanson tuor;celadit,«TheStarrySky»reste atmosphère de grande intensité. d’étonnant, quand on sait que Por- russe,poétiqueetcoquine,de1860. une pièce parfaitement autonome, Laurent Lellouch pora écrivait pour les plus grands Au cœur de ce merveilleux pro- jouable indépendamment de son castrats du moment. Blandine grammequifaitlebonheurdela modèle,sansenêtredequelque Staskiewiczneleurcèdeenrienpour clarinetteetdesviolonsdel’Octet, façon amoindrie. Mieux : dès les ce qui est de la rondeur du timbre, après un basculement léger avec premières notes, c’est bien le style dugalbedesphrasésetdeladucti- « ZugesMeirNochAmool»,un inimitable d’Hersant qui s’impose. litévocale.Onpeutcomptersurles «Dis-lemoiencore»juifetjazzycréé Pouvoircréeruneœuvreuniqueà biennommésAccentspourcontre- danslesannées1930parlesBarry partir d’une trame préexistante, pointerlasolistedeleurséchappées Sisters,l’émotionsoudainl’emporte sans encourir le risque de redite ou instrumentales. Un récital de haute avec«GayenzayinshvartzeReien», d’imitation:c’est bienlàlesignedes volée. Mieux : quiferadel’usage! bouleversant lamento des ghettos maîtres. Jérémie Bigorie de Bessarabie. Un album pour dan- Sarah Léon ser,rire,s’endiabler,pleurer.Etne rien oublier. Denis Jeambar

CLASSICA / Septembre 2018 Q 119 Les disques du mois

RÉCITALS INTERPRÈTES EDITA GRUBEROVA MARC (soprano) +++ BOUCHKOV Airs de Mozart, Michael Haydn, (violon) Haendel, Donizetti, Bellini, ++++ Rossini et Johann Strauss fils Ysaÿe : Fantaisie. Sonates nos 5 OrchestredelaRadiodeMunich, et 6. Légende norvégienne. dir. Leopold Hager, Mark Elder, «Sivoussaviez».Chausson : Lamberto Gardelli, Pinchas Poème. Bouchkov : Fantaisie. Steinberg et Marcello Viotti Mélodiepourviolonseul BR Klassik 900325. 1983 2000. 1 h 14 Georgiy Dubko (piano) MARK roi Mark en haut d’une falaise, face Harmonia Mundi HMN 916106. auxhoulesdugrandlarge.Depuis Écho de concerts échelonnés sur 2015.1h16 ELDER Barbirolli,nuln’asumieuxtraduire une vingtaine d’années, le présent (chef d’orchestre) les puissantes ondulations de florilège prouve combien la voix Ce premierdisquedeMarcBouch- +++++ l’océanetl’irrésistibleenvolée d’EditaGruberovaabienvieilliaufil kov,néen1991,confirmeletalentde «BritishLandscapes» mélodique qu’elles ont suggérées desansetqu’elleasumenersacar- cesolisteàlacarrièredéjàbienenga- Œuvres de Bax, Vaughan àBax.Elderpossèdedeprofondes rière avec intelligence, privilégiant gée;ilaété,entreautres,invitépar Williams, Finzi et Delius (1) affinitésavecleromantismeardent Mozart,lerépertoireitaliendudébut MarissJansonsàAmsterdam.Fina- de ce dernier, si l’on en croit cette XIXe siècle et sa fameuse Zerbinetta listeduConcoursReineElisabethen +++++ flamboyanteversiondeSpring Fire d’ArianeàNaxos.Sanssurprise,l’ex- 2012, vainqueur du Concours de «BritishSpring» (éblouissant feu d’artifice orches- trait le plus sidérant est ici la scène Montréal en 2013, il vient d’obtenir Œuvres de Bax, tral dédié aux nymphes, à Pan et de la folie de LuciadiLammermoor, cetteannéelePrixduConcoursIvry Delius et Bridge (2) auxamoursfaunesques)quilaisse où Gruberova rappelle à quel point Gitlis. Les Sonates nos 5 et 6pour Orchestre Hallé loin en arrière l’excellent mais trop elle demeure une des très grandes violon seul d’Ysaÿe révèlent la HalleHLL7512(1)etHLL7528(2). sage Vernon Handley (Chandos). belcantistes de notre époque. Plus finessed’unjeucontrôlésurun 2006 2008 (1) et 2011 (2). 1 h 12 (1) Cettegénérositéfaitmerveilledans qu’unedémonstrationdepyrotech- Jean-BaptisteVuillaumede1865.On et 1 h 14 (2) la Marche du Printemps de Delius : nievocale,audemeurantsensation- éprouve le même sentiment dans untantinetpluslentqueBeecham, nelle,ellenousoffreunevéritableet troispiècesraresdumêmecompo- Directeurdel’OrchestreHalléde Groves ou Bo Holten (Danacord), hallucinante incarnation drama- siteur:labluette«Sivoussaviez», la Manchester depuis dix-huit ans, Elder y fait encore mieux ressortir tique. Très à l’aise dans Linda di rhapsodique Légende norvégienne Mark Elder a su rendre à cette for- lespétillantsacrostichesetle Chamounix(Donizetti)etBeatricedi proche de Max Bruch ou la géné- mationfameusetoutsonlustrede bruissement de la nature, condui- Tenda (Bellini), elle ne convainc reuse Fantaisiepourviolonetpiano l’époque du grand Sir John Barbi- sant l’œuvre vers une apothéose guèredans«Unavocepocofa»du (uneréductionenpremièremon- rolli. Son style est très proche de sans égale chez ses devanciers. Barbier de Séville,oùelleminaude diale de la version orchestrale). celui de son illustre prédécesseur : Le célèbre Coucou et les églogues trop et se permet des ornementa- geste large et volontiers théâtral, pastorales de Vaughan Williams et tionspourlemoinsfantaisistes. privilégiant des tempos modérés Finzi lui permettent de cultiver un Unpeuàlapeinedansl’aird’Adele permettant seuls de ciseler le sens aigu de la nuance et de la (« Spiel ich die Unschuld von détail,facultéconfondantedefaire demi-teinte. Enter Spring est le Lande ») de La Chauve-Souris,elle chanterunorchestrecélèbrepar bouquet final couronnant ce feu laisse par ailleurs perplexe dans la lachaleurdesescordes,instinct d’artifice : Elder sait endiguer ce musiquesacrée:onlasentjusqu’à de constructeur-né mettant en torrent sonore dans sa solide et uncertainpointétrangèreàlaspiri- relief l’architecture d’ensemble, vasteformesonate.Apprivoisant tualitéd’Exultate,jubilate,deLaudate sens des transitions capable d’ar- le chœur des oiseaux et contenant Dominum (Mozart) et de la Cantate rondirlesanglesdanslesvirages l’ardeurdesbrisesvernales,ilnous de Noël de Michael Haydn. Enfin, en les plus périlleux… mène de main de maître vers l’im- regard de la qualité globale de la Àl’instardesondevancier,ces mense climax en carillons (sans compilation, on lui pardonnera sa qualitéssontmisesauservicede doute avec celui du Sacre la plus malencontreuse incursion dans la musique anglaise, largement grandiose glorification du prin- Haendel,avecun«Ah!Miocor» Le Poème de Chausson, sous un privilégiée par ses programmes et temps en musique), surclassant d’Alcina beaucoup trop rapide et archet habile, malgré un vibrato un sesenregistrements.S’ilestun ainsi sans effort ses nombreux complètement indifférent au poids peuserréetunecertaineréserve,ne genre spécifique à l’art anglais, rivaux (Britten, Charles Groves, des mots. manque pas de sensibilité et c’est bien celui d’une communion Marriner, James Judd, John Louis Bilodeau témoigned’unecomplicitéévidente mystique avec la nature : aux Carewe, Richard Hickox…). avec le pianiste ukrainien Georgiy extases littéraires pastorales de Michel Fleury Dubko. Ses propres compositions William Wordsworth, Richard Jef- –uneFantaisie variée très virtuose feries ou Henry Williamson fait en hommage aux victimes de la écho, en musique, une veine musi- répressiondelaPlaceMaidanàKiev calepanthéistedontleplusillustre en2014etlaMélodieensouvenirde représentant est Frederick Delius. chansons hébraïques chantées par Cesdeuxprogrammesproposent sonarrière-grand-mère–consti- certains des plus beaux paysages tuentuncomplémentdequalitétout sonores de la littérature musicale àfaitadaptéàcettecartedevisite d’Outre-Manche, certains mari- enregistrée avec soin. times comme le fameux Tintagel Michel Le Naour évocation des ruines du château du

120 Q CLASSICA / Septembre 2018 AIMI

KOBAYASHI www.skarbo.fr (piano) +++ Parution le 21 septembre Chopin : Sonate pour piano n° 2. Liszt : Trois Sonnets de Pétrarque. Après une lecture de Dante. Rêve d’amour n° 3 Warner Classics 0190295704797. 2017.1h05

Unalbumintitulé«Début», aussitôt ELDBJØRG suivi d’un plus ambitieux jumelage Beethoven et Schumann, mar- HEMSING quaient lesdébutsaudisqued’Aimi (violon) Kobayashi, vingt-trois ans désor- ++++ mais.Aveccenouvelenregistre- Borgström : Concerto ment,lajeunefinalisteauConcours pour violon. Chostakovitch : Chopin2015sembles’êtredavan- Concerto pour violon n° 1 tageinvestieartistiquement.Auvrai, Orchestre symphonique sa Sonate n° 2 de Chopin ne la deVienne,dir.OlariElts montre pas à son meilleur. Il y a les BisSACD2366.2015.1h14 notes,certes,maispasl’esprit: celui, démoniaque, du Scherzo,par Pour son premier enregistrement, exemple, où nous manquent les la violoniste norvégienne Eldbjørg différentes accentuations pourtant Hemsing,néeen1990,achoisid’as- précisément notées par Chopin. En socier un chef-d’œuvre incontesté, amputantlepremiermouvementde le Concerto n° 1 de Chostakovitch, à sareprise,AimiKobayashidéséqui- uneœuvrebeaucoupplusconfiden- libre l’architecture de l’ensemble, tielle de son compatriote Hjalmar Borgström(1864-1925).Ceuxqui uatuor - u ntette s’attendent à découvrir avec ce contemporain de Grieg et Nielsen uneœuvreauxaccentsnordiques uatuor S ne uaNon seront contrariés : les premières notesrévèlentlapluspuretradition ean P erre Ferey - piano du romantisme allemand tardif. En souvenir d’un pays dans lequel il séjournapendantplusdedixans, Borströmacomposéeneffetun concertopourviolonquel’onal’im- pression de connaître sans jamais l’avoir entendu. Distribution France : UnaVoltaMusic Quoique sans surprise, lamusique d’autant que le Presto final suggère semontreplaisante,avecundernier plus un prélude qu’un postlude. mouvement enjoué et contrasté, à Resteuntoucherdéliéquis’accom- l’avenant de l’interprétation de la mode sans difficulté d’une pédale solisteetdel’orchestrequil’accom- discrète,etuntrèsbeaupassage pagne. On s’attardera moins sur centraldelaMarchefunèbre. l’interprétation du concerto de Côté Liszt, si l’on ne succombe pas Chostakovitchquisouffredelacom- auxTroisSonnetsdePétrarque joués paraison avec les nombreux enre- sans abandon et aux marteaux gistrementsànotredisposition.Dès omniprésentsquandilfaudraitfaire le premier mouvement, les inter- oublierlamécaniquedel’instru- prètesfontlechoixdenousplonger ment,«AprèsunelecturedeDante» dansunclimatsombreetinquiétant constitue sans conteste le meilleur rendupesantparuntemporésolu- moment du disque. Manifestement r mentretenu.Ilenrésulteune inspirée par La Divine Comédie,la impressiondegravitéunpeumono- pianiste japonaise raconte une his- r toned’oùjamaisn’émergelalumière toireenmêmetempsquesonjeuse même si la violoniste propose un fait plus précis, ses phrasés plus Scherzo habité et captivant. soignés. Le sucré Rêve d’amour sallecortot com Jean-François Medelli paraît à sa suite bien superflu… Jérémie Bigorie skarbo fr fnac com

CLASSICA / Septembre 2018 Q 121 Les disques du mois

NADINE VANESSA SIERRA WAGNER (soprano) (piano) ++ ++++ « There’s aplaceforus» Liszt: Invocation. Bénédiction Airs de Bernstein, Villa-Lobos, de Dieu dans la solitude. Pensée Gordon, Theofanidis, Foster, des morts. Hymne de l’enfant à Golijov et Stravinski son réveil. Funérailles. Andante Royal Philharmonic Orchestra, lagrimoso. Pärt: Trivium. dir. Robert Spano Pari Intervallo. Für Alina Deutsche Grammophon 483 5004. La Dolce Volta LDV46. 2018. 1 h 15 2017. 1 h 07 FAZIL EMMANUEL Vanessa Wagner propose un par- Zerline à Bastille en 2015, Gilda en cours à travers les œuvres de Liszt SAY 2016,etNorinahieràGarnier,la VILLAUME et Pärt guidé par la spiritualité (voir (piano) soprano américaine Nadine Sierra, (chef d’orchestre) L’Universd’unmusicien,pp.82-84). +++++ nativedeFloride,aleventenpoupe: +++++ SixextraitsdesHarmoniespoétiques Debussy : Préludes, Livre I. Amina, Pamina, la Comtesse, Ravel : Ma Mère l’Oye (suite). et religieuses du premier et trois Satie : Six Gnossiennes. Suzanna,Nanetta,demainManonà Debussy : Fantaisie pour piano piècesdusecondtémoignentdeleur Trois Gymnopédies Bordeaux, sans qu’on ait été et orchestre.Bizet: Symphonie quête mystique, de l’influence de Warner Classics 0190295705671. convaincudelajustessedeses Andrew von Oeyen (piano), l’orgueetdelapolyphonie.Dansle 2017.1h05 choix, pour un soprano très léger Orchestre Philharmonia-PKF livret,lapianisteexpliquequ’entre sansvraisupportnistabilité.Mais de Prague «l’écritureprolifiquedeLisztetl’éco- Debussy et Satie ont en commun elle a comme nombre de ses com- Warner Classics 0190295625931. nomiedemoyensdePärt,ilyabien d’avoircultivélemystère.Ainsiles patriotesunsavoir-faireincontes- 2017. 1 h 13 sûr tout un monde ». Cette distinc- indications qui figurent sur les parti- table et un physique de rêve. Son tion n’est pas toujours manifeste tionsdesPréludesdupremieroudes premier CD a l’intelligence d’éviter Peu présent en France, Emmanuel dans certaines pièces du premier, Gnossiennesdusecondlaissent-elles des comparaisons, cruelles sans Villaume mène à l’étranger une fort où Vanessa Wagner, dans sa à l’imagination du pianiste un vaste doute,surunterrainopératique.La estimable carrière. Directeur de recherche d’une sonorité veloutée champlibre:commentcomprendre voilà donc sur le territoire d’outre-At- l’OpéradeDallas,ilestégalement etadoucie,s’éloignedesindications. précisément«cerythmedoitavoirla devenudirecteurdelaPhilharmonie Celavientpeut-êtred’unevolontéde couleursonored’unpaysagetristeet dechambredePrague.Aprèsun créerunlienentrelescompositeurs. glacé »(Despassurlaneige), ou premierCDd’œuvresconcertantes Toutefois, l’emploi généreux de la «estompéetensuivantl’expression» égalementavecAndrewvonOeyen, pédale et un rubato « va-et-vient », (La Sérénade interrompue)?Satie ilachoisiunprogrammefrançais comme dans l’Hymne de l’enfant à estplussibyllinencore(«Très lui- éclectique : les trois œuvres dif- son réveil, cassent la longueur du sant », «Sur la langue », «Du bout de fèrent en tout mais elles requièrent thèmeetallègentcelangagesolen- la pensée »).FazilSayaleméritede la même transparence et la même nel;toutcommedanslesfortissimos nepassurinterprétercesindications, légèreté de touche. contenusdel’époustouflantappelà de s’en tenir fidèlement à celles qui L’objectif est atteint à trois reprises Dieu dans Pensée des morts,oùles neposentpasdeproblèmede et les musiciens tchèques font des piliers d’accords évoquent l’orgue. décryptage et de servir les textes en prodiges de finesse. La Symphonie L’artistesembles’éloignerdelafer- leurapportantunesonoritésensuelle en ut dujeuneBizetestembléma- veurromantiquequimarquaientses ettoujourscontrôlée.Ainsisera-t-on tiquedutravailmenéparlechef.Elle précédents enregistrements. sensible,parexemple,àlatranspa- lantique,melting-potquirappelleses avanceàpaslégers,avecdes En revanche, les Funérailles sont rencearachnéennedupassagemar- origines puertoricano-italo-portu- rythmes souples et bondissants. menées avec une puissance terri- qué « comme un léger glissando » gaises. Idéal pour «Somewhere» ? Commeonpeuts’yattendre,les fiante et grandiose, le rythme du (Voiles),àlanettetédesnotes Pasvraiment:lanasalitétroppré- cordes tchèques sont lisses et début étant marqué par une piquées(Lescollinesd’Anacapri).On sentenuitaucharmedelamélodie. souples, mais les vents ne leur ne noblesse douloureuse. De même, peut envisager les Préludes de LaBacchianasBrasileirasn° 5alors? leur cèdent en rien avec de belles lesœuvresdePärtsontmagnifiées Debussydediversesmanières,dela Le bouche fermé final est artificiel sonoritésfruitées.Cettedélicatesse parlejeuémouvantetdélicatdela rechercheduflou«impressionniste» endiable.Lamélancolievabienà dessonoritésfaitaussilecharmede pianiste:saréalisationdestintinna- àlanettetélaplussèche.FazilSay son médium (« Take Care of This lasuitedeMaMèrel’Oye,délicatesse buli dans Für Alina se montre tout s’entientàunstrictrespectdes House » ou « Glitter and be gay »de toute naturelle et d’ailleurs sans simplement admirable . textesqui,aulieudelacorseter,libère Bernstein),làoùl’aigun’estpastrop nullepréciosité.QuantàlaFantaisie Melissa Khong son imagination. sollicité. Car les cocottes de Cuné- de Debussy, atypique concerto que Chez Satie, on retrouve cette incli- gondesontd’untimbresec,pincé, sonauteuravaittoutfaitpourfaire nation pour le beau son, mais il ne particulièrement peu séduisant. Se oublier,interdisantmêmetouteexé- cède pas à la tentation de certains montrentplusdanssavoix,comme cutiondesonvivant,Emmanuel virtuosesdesurjouerl’expressionet écritespourelle,laprièredeMaiade Villaumeluiévitetoutempâtement, d’interpréter Gnossiennes et Gym- TheCowsofApollode Theofanidis, etAndrewvonOeyenluidonnesou- nopédies commes’ils’agissaitde leGreenMansionsdeVilla-Lobosou plesse, énergie, contraste. Elle sort Nocturnes de Chopin. Donc, le ton LuaDescoloridadeGolijov:médium de leurs mains décapée. estsobre,précismaispassec,avec heureux,aigupeutaxé,etsentimen- Jacques Bonnaure seulementquelquesinfimesfluctua- talismederègle.Etl’AnneduRake’s tionsdetempopourlaisserrespirer Progress conclut heureusement un les notes. album inégal. Elle a trente ans et Jacques Bonnaure pourra faire mieux. Pierre Flinois

122 Q CLASSICA / Septembre 2018 Lachroniqueunpeu

DEPHILIPPE VENTURINI

MUSIQUE SUR ORDONNANCE

e n’est plus une mode, c’est une épidémie. Nous Tinctoris (ca. 1435-1511) ne les énumère dans son Complexus constations récemment (Classica n°203) que les effectuum musices, premier traité exclusivement consacré aux disques ne se satisfont plus du seul nom du compo- effets de la musique. Elle « chasse la tristesse », « adoucit les siteur,mais affichent désormais un titre,transmettent cœurs », « rend l’âme heureuse », « réjouit les hommes » et Cun message,presque une promesse.Hélène Grimaud, même « guérit les malades ». Plus récemment, l’Américain Don dont le prochain enregistrement paraîtra le 28 septembre chez Campbell a connu un immense succès avec L’Effet Mozart, les Deutsche Grammophon, n’en est pas à son coup d’essai. Après bienfaits de la musique sur le corps et l’esprit (Le Jour, 1998). Les « Credo », « Réflexion », « Résonances », « Water » et « Perspec- neurosciences se penchent désormais sur le sujet comme en tives », elle propose ainsi « Memory », une anthologie de pièces atteste Les Bienfaits de la musique sur le cerveau, ouvrage dirigé de Chopin, Debussy, Satie et Silvestrov à caractère contemplatif. par Emmanuel Bigand (Belin, 2018) dont nous présentions des « La musique a un rapport étroit à la nostalgie, à l’évocation du extraits dans notre numéro 202. temps qui passe, à des mondes révolus », explique l’artiste qui cite Tout cela est fort bien,mais on peut toutefois craindre de voir déri- par ailleurs Martin Heidegger et considère le souvenir comme ver les conclusions de telles études. Dans son essai aussi stimulant « guide de [s]on présent et clef de [s]on avenir ». Doucement bercé que malicieux, La musique vous veut du bien (PUF, 2018), David par La plus que lente ou abandonné à la Rêverie de Debussy, Christoffel tire la sonnette d’alarme: « Devant la prolifération des emporté par la tendre mélancolie offres de soin, salons de bien-être d’un nocturne ou d’une mazurka et espaces détente présentés comme de Chopin, l’auditeur aura tôt fait autant de sas de décompression, la d’appréhender ce disque comme musique pourrait se trouver une une de ces innombrables musiques nouvelle raison d’être qui son- de relaxation, dites « zen » qui nerait alors comme une dernière veulent l’aider à se soustraire un chance de sauver le patrimoine temps à la rude réalité de notre de la musique savante occidentale monde contemporain. dans un contexte de consomma- Que la musique ait des vertus tion mondialisée. » Ira-t-on alors apaisantes, voire thérapeutiques, demain acheter ses CD non plus nul n’en doute, certainement pas chez les disquaires,quasi disparus, le lecteur de Classica. Aristote, ou libraires, mais en parapharma- Cicéron, saint Augustin les ont cie, entre les diffuseurs d’huiles

signalées avant que Johannes GETTY essentielles et les tisanes détox? X

CLASSICA / Septembre 2018 Q 123 GAETANO DONIZETTI (1797-1848) + Il borgomastro di Saardam Giorgio Caoduro (le tsar),Juan Francisco Gatell (Pietro Flimann), Andrea Concetti (Wambett, le bourgmestre), Irina Dubrovskaya (Marietta),Aya Wakizono (Carlotta), Pietro Di Bianco (Leforte), Chœurs et Orchestre du Donizetti Opera, Coro Donizetti Opera, dir. Roberto Rizzi Brignoli, mise en scène Davide Ferrario Dynamic37812.2017.1h38 BÉLA WOLFGANG AMADEUS CrééàNaplesen1827,Il Borgomas- BARTÓK tro di Saardam est un melodramma MOZART DU MOIS (1881-1945) giocoso qui, après avoir obtenu (1756-1791) Le Château de Barbe-Bleue un succès très relatif au XIXe,dut +++++ attendre la Donizetti Renaissance, La Clémence de Titus FRANCIS avant de reparaître à l’affiche des Richard Croft (Tito),Anna Stéphany théâtres, en 1973, lorsque l’Opéra (Sesto),Alice Coote (Vitellia), POULENC deZaandam(nomnéerlandaisde Clive Bayley (Publio), Michèle Losier (1899-1963) Saardam) ressuscita l’œuvre avec (Annio),Joëlle Harvey (Servilia), La Voix humaine RenatoCapecchietPhilipLangridge Chœurs de Glyndebourne, Orchestre sous la direction de Jan Schaap. Le de l’Âge des Lumières, dir. Robin John Relyea (le duc Barbe-Bleue), spectacle monté l’an dernier au Ticciati, mise en scèneClaus Guth Ekaterina Gubanova (Judith), Festival deBergamenecontri- Opus Arte OA 1255 D. 2017. 2 h 18 DVD Barbara Hannigan (Elle), bueraguèreàsusciterdel’intérêt Orchestre de l’Opéra de Paris, pour un opus mineur, qui est loin Entre politique et sentiment, le dir. Esa-Pekka Salonen, mise de valoir l’opéra comique Tsar et dilemmeestfréquent,dutempsde en scèneKrzysztof Warlikowski. Charpentier que Lortzing composa Romecommedenosjours.Comme Arthaus109364.2015.2h01 surlemêmesujeten1837.Dansun Peter Sellars à Salzbourg le même décor minimaliste qui réserve une étédernier,ClausGuthàGlynde- Rencontreinattendue,maisosmose place excessive à des projections bourneatransportéMétastasedans parfaite : même décor, même et vidéos souvent incongrues, le notreuniverscontemporain,enpro- ambiance sinistre, même huis clos, metteur en scène échoue à donner posant une lecture psychologique fait de douleur passée, lancinante, dutonusàuneintrigueauxressorts en opposition frontale à celle toute LES Château de Barbe-Bleue et Voix dramatiques bien faibles. Malgré politique de son confrère. Résultat humainese font ici théâtre noir, tous ses efforts, Roberto Rizzi Bri- particulièrement heureux. Par le étrange et fascinant – Garnier en gnoli ne peut métamorphoser un simplejeudel’espacedivisé–une projection le montre, tout comme orchestreetunchœurdesecond prairie de graminées, domaine des lesextraitsdeLaBelleetlaBête ordre. Si Giorgio Caoduro et Juan souvenirs, des émois, des amours de Cocteau – pour plonger dans FranciscoGatelldéfendenthonora- (unfilmmontreTitoetSestojouant les profondeurs psychologiques blementleurrôle,IrinaDubrovskaya gamins dans ce jardin), que domine descouples.Ledivanmodern style laisse dubitatif en Marietta, son un loft moderniste, lieu de la raison installé dans une réinterprétation chant manquant de subtilité et de d’État–c’estleparcoursdel’empe- de la Maison de verre de Pierre souplesse. Quant au bourgmestre reurqueGuthexplicite,lefaisantà Chareau, le dit clairement, comme d’AndreaConcetti,ilestàl’image l’acteIIdescendredanscettenature cesportes/boîtesdeverreexpo- decetteproduction:terneetsans qui sera le creuset de ce pardon santlestranchesdevied’unduc grand relief. Louis Bilodeau inattendu. La distribution investit le visiblement en demande d’amour. propos avec grâce, à commencer LES NOTES Si l’on peut contester à l’admirable parlaformidableAnnaStéphany, DE CLASSICA actricequ’estBarbaraHanniganune Sestodechairtoutémue,faceau voixtropexcessivepourlatradition rocobstinédelaVitelliamûred’Alice Coup de cœur +++++ de Poulenc, son investissement Coote,quiaperduenpuretévocale, Excellent est renversant. Plus traditionnel, le mais rien de l’impact d’une prin- ++++ couple vocalement somptueux de cessesurlesnerfs,nidel’ambitus Bon Bartok, avec une Gubanova géné- du rôle. L’autre voix un rien tendue, +++ reusedechant,etunimposant c’est celle de Richard Croft, mais Moyen Relyea,magnétique.Triompheaussi quel Tito magnétique, déchiré, vrai. ++ pourSalonen:lumièredansl’ombre, RobinTicciatidirigevifetclair,mais Décevant attente dans la rapidité, ampleur sans aller au-delà de la partition en + dansledétail,transparence,tension, émoi et chaleur. Quelques réserves Inutile + dramatisme,onesticiaumeilleurde qui n’enlèvent rien à la réussite de l’Opéra de Paris. Pierre Flinois l’ensemble. P. F.

124 Q CLASSICA / Septembre 2018 ET NICCOLÒ JOYCE AUSSI

JOMMELLI DIDONATO Z (1714-1774) In War & Peace Programme éclectique, +++++ +++++ ô combien typique de Simon Rattle, pour le Joyce DiDonato (mezzo-soprano), Il Vologeso Concert de St-Sylvestre Sebastian Kohlhepp (Lucio Vero), Anna Fusek (flûte), Manuel Palazzo 2017 de l’Orchestre Sophie Marilley (Vologeso), (danseur), Il Pomo d’Oro, philharmonique Ana Durlovski (Berenice), Helene dir. Maxim Emelyanychev de Berlin, brillantissime Schneidermann (Lucilla), Orchestre Erato01902957044889.2017.1h41 dans le Carnaval de national de Stuttgart, dir. Gabriele Dvorák, accompagnant Ferro, mise en scène Jossi Wieler Dévastée par les attentats de Paris, une Joyce DiDonato et Sergio Morabito JoyceDiDonatoatentéd’yrépondre fiévreuse dans Richard Naxos (2 DVD) 2.110395-96. 2015. enartiste,parundisque(CHOCde Strauss, avant un 3h03 Classica n°188) et une tournée. bouquet Bernstein sans En vain avoue-t-elle, puisque le drive américain et une Deuxsièclesetdemiaprèssacréa- vingtième concert, à Barcelone, ici suite de L’Âge d’or de Chostakovitch sans éclat tionàLudwigsburg,Il Vologeso a GIUSEPPE captéenvidéo,lefutaulendemain particulier. À boire et connu en 2015 sa résurrection de l’attentat de Londres. Faut-il à manger donc pour ces àStuttgart,danscettevilleoùle VERDI perdre espoir? Non, « le contraire agapes de réveillon. compositeurfutmaîtredechapelle (1813-1901) de la guerre… c’est la création » et (EuroArts 2067488. 2017. duducdeWurtembergpendant +++++ In War & Peace estnépourappor- 1h27.+++). treizeans.SurunlivretdeZeno Giovanna d’Arco terleréconfortettendreverscette adapté par Verazi, l’intrigue gra- Francesco Meli (Carlo VII), paixquivaetvientdefaçontoujours Z Voici un Cosi fan tutte vite autour de l’empereur Lucio Anna Netrebko (Giovanna), incertaine. Ce pasticcio d’essence venu de Londres. Ses Vero,fiancéàLucilla(filledeMarc Carlos Álvarez (Giacomo), baroque, puisant chez Gesualdo, merveilles? Le chef Aurèle)maisamoureuxtransidesa Chœurs et Orchestre de la Scala de Cavalieri, Purcell, Leo, Haendel et (Bychkov), Daniel Behle, captive Berenice, fidèle épouse du Milan, dir. Riccardo Chailly, Jommelli,enordredispersé,s’im- Ferrando quasi idéal, et Kränzle, bon Alfonso. roipartheVologeso.Sil’argument mise en scène Patrice Caurier et pose autant en beauté qu’en esprit, Les dames sont jeunes, peut paraître convenu, la parti- Moshe Leiser jusqu’à croiser Pärt et Richard sinon expérimentées, tion recèle des trésors, Gabriele Decca 074 3967. 2015. 2 h 16 Straussquiapportelesourireapaisé le baryton ennuie. Cela Ferroetsesmusiciensproposent de son Morgen, après une première passerait si le metteur en une merveilleuse lecture de cette Pas facile de monter Giovanna partie tourmentée des douleurs scène, Jan Philipp Gloger, d’Arco,oùla«vérité » historique de la guerre et de la mort (Jephta, bien surfait (son Vaisseau est viciée par Schiller et Solera Didon, Rinaldo) et une seconde, fantôme de Bayreuth!) (mais Jeanne n’était pas encore célébrant les bonheurs de l’âme et n’exaspérait. Rires gras « canonique » à la création à delanature,éblouie.Récitalcertes, de la salle, au diapason LaScala,en1843).Solution:trans- mais mis en espace, avec costume de son mauvais goût. Si poser.CaurieretLeiserlejustifient etmaquillage.Onpeutseconten- c’est cela Cosi, et son au travers d’une schizophrène qui ter duCD,maispourl’avoirvécuen miroir des sentiments, retrouvez « Un aura s’identifieàlapucelledepuissonlit liveauTCE,onsaitquececoncert amorosa » sur YouTube, de malade, ce qui permet d’éviter entrevapeursetdansen’estpas cela sura. habilement les contorsions du exempt de maniérisme; cependant (Opus Arte OA 1260 D. livret.C’estassurémentmieuxque il emporte l’adhésion bien au-delà 2016. 3 h 04. ++) la tradition lourdement revisitée desesimmensesqualitésmusi- parHerzogaveclemêmeChaillyà cales.DiDonato,fascinantedans Z Une Bohème Bologneen1990(NVCArts).Et la véhémence, ne trône pas seule, d’aujourd’hui, jeans cela laisse toute la place au chant. entreleclavecind’Emelyanychevet et perfectos, marché Démarrage inquiétant cependant les instrumentistes de Pomo d’Oro. de Noël et myriade de pourleténoretlasopranoence Un beau moment d’intensité, à fenêtres de HLM sinistres 23 décembre. Mais rapidement partager, pour croire en un monde et noires. On ne croit FrancescoMelimontresansforcer meilleur. P.F. pas aux personnages façon Alex Ollé, trop musiqued’unegrâceparmoments un chant élégant et stylé, sinon à la surface des êtres. quasi mozartienne. Dans un décor ébouriffant. De même, stabilité Dans la distribution: composédecolonnesdoriquessur incertaine et aigus criés au Pro- Irina Lungu, Giorgio fond de cours modernes, les per- loguefontbientôtplacechezAnna Berrugi, Kelebogile sonnageschangentconstamment Netrebko (« Son guerriera ») à un Besong. Émotion aux decostumes,quitiennentàlafois chant d’une splendeur exaltante. oubliettes, quelques de l’Antiquité, du XVIIIe siècle et de L’aisance technique, le legato, la aigus consternants, notreépoque.Trèsinvestissurle pure beauté du timbre au lait pro- orchestre parfaitement plan dramatique, Sebastian Kohl- fond,lamaîtrisedescolorations, dirigé par Gianandrea hepp,SophieMarilley,AnaDur- toutestd’exception,CarlosAlvarez Noseda comme toujours lovski et Helene Schneidermann est,lui,magnifique.Etlesforcesde excellent à la tête des sesituentàuntrèshautniveau La Scala sont chauffées par un forces de l’Opéra de Turin.Mais c’est bien musical,quandWieleretMorabito Riccardo Chailly défendant admi- insusant néanmoins. conçoivent un spectacle parfaite- rablement cette partition aimée, (C Major 742608. 2016. ment lisible. À découvrir! qu’ilparvientpresqueàrendre 1 h 52. ++) Louis Bilodeau unitaire dans sa profusion disparate. P.F.

CLASSICA / Septembre 2018 Q 125 LE JAZZ DEJEANPIERREJACKSON

L’ATLANTIDE RESURGIT passionnant, les documents compositions et arrangements Les transes incantatoires de Coltrane sonores de cette période étant soignés et originaux ne rappe- et son quartet, le lyrisme de Stan Getz, majoritairement issus du lant aucun des clichés en usage Danemark où il réside alors. dans ce type de formation l’invitation au voyage de Luigi Grasso… La présence parisienne de ce orchestrale. Onze composi- saxophoniste à la sonorité tions originales aux partitions angélique (voyez Round About sophistiquées composent cette our un artiste, il Stan Getz voit lui aussi publié Midnight) déchaîne l’enthou- « invitation au voyage » dont arrive rarement un document exceptionnel siasme du public, conquis par la variété des paysages sonores qu’une œuvre resté inédit capté en janvier son lyrisme, la beauté de son n’est pas la moindre des quali- importante reste 1959 à l’Olympia et dans les timbre, et par l’énergie que tés. Si l’on ajoute que les chan- ignorée pendant studios d’Europe 1. Douze dégage ce quintet hélas unique teuses China Moses et Paola un demi-siècle. standards y figurent interprétés dans sa carrière. D’où la valeur Mazzoni interviennent dans PC’est pourtant le cas de John en compagnie d’un véritable infiniment précieuse de ce deux thèmes, on conviendra Coltrane et de son quartet all-stars comprenant Martial magnifique témoignage. qu’il s’agit ici d’une bienheu- légendaire avec McCoy Tyner Solal au piano (qui joue deux (Stan Getz,Live in Paris 1959,Fré- reuse découverte. au piano, Jimmy Garrison à thèmes en trio), Kenny Clarke meaux 5730, Socadisc. CHOC.) (Luigi Grasso,The Greenwich Ses- la contrebasse et Elvin Jones à à la batterie, Pierre Michelot à La grande formation réu- sion,Invitation au voyage,Camille la batterie. Le 6 mars 1963, ils la contrebasse et Jimmy Gour- nie par Luigi Grasso est Productions MS042018, Soca- enregistrent un album com- ley à la guitare. Ce disque est une véritable révélation aux disc. ++++). plet avec des compositions originales, et qui n’a pas été publié jusqu’à aujourd’hui. En LA DISCOTHÈQUE IDÉALE 91 outre y figurent un One Up, One Down dont c’est l’unique Miles Davis: Bitches Brew version en studio, Impressions, Un disque Columbia paru en 1970. jouée sans piano, le premier enregistrement de Nature Boy, Inspiré par la pop music et le rock, ce disque de la fin et enfin Vilia, tirée de l’opé- des années 1960, doté de l’élégance du grand trompettiste, rette La Veuve Joyeuse de Franz ouvrira de nouvelles voies à d’autres générations. Intemporel. Lehár, interprétée au saxo- Dans les rythmiques itératives obsédantes, dans les rifs phonesoprano.Onyretrouve de guitare tantôt saturés, tantôt incantatoires, dans la sourde l’effervescence rythmique et violence rageuse qui baigne la sombre beauté de cet univers, toujours swinguante d’Elvin se joue un monde musical incontestablement daté qui fleure Jones, les transes incantatoires bon l’été 1969 et le début 1970, période à laquelle il fut élaboré. et les nappes sonores du saxo- Mais la sonorité de Miles y est comme toujours de l’ordre du sublime, son phrasé y possède l’élégance, phone de John Coltrane,explo- l’économie et la nostalgie ardente et mélancolique qu’il a toujours mises en œuvre à toutes les étapes rant avec volubilité les possibi- de son extraordinaire existence musicale. Les musiciens qui l’entourent (Wayne Shorter, Herbie lités modales ouvertes par les Hancock, Chick Corea, Joe Zawinul, Ron Carter, Dave Holland, Jack DeJohnette, John McLaughlin, accords complexes du clavier entre autres) partagent le projet esthétique de Miles et nourrissent avec et autour de lui un de McCoy Tyner. C’est peu passionnant échange, conférant à cette musique l’homogénéité esthétique dans laquelle se concentre dire qu’il s’agit d’un événement la capacité à se jouer des injures du temps comme des aberrations du souvenir. Inspirées en grande exceptionnel, une magnifique partie par la pop music et le rock, de ces sessions fulgurantes, désormais disponibles intégralement Atlantide ressuscitée aux cou- en 4 CD au lieu du double vinyle d’origine, sortiront des groupes légendaires comme Weather leurs d’éternité. (John Coltrane, Report, Return to Forever, Mahavishnu Orchestra, le Tony Williams Lifetime, qui influenceront Both Directions at Once, The Lost en retour la pop music et le rock. Dans cette capacité à ouvrir des chemins, à créer de nouveaux Album,Impulse 00602567639251, moyens d’expression qui ailleurs deviendront des clichés, réside aussi la qualité de cette musique Universal. CHOC.) dont on mesure aujourd’hui l’étrange intemporalité. X

126 Q CLASSICA / Septembre 2018 Les ouvriers DuBo © Pierre Prospero LA HI-FI DE PHILIPPE VENTURINI LE BANC D’ESSAI Les lecteurs et platines de l’année QU’ILS FASSENT TOURNER UN DISQUE VINYLE OU COMPACT OU SE BRANCHENT SUR LE RÉSEAU INTERNET, CES APPAREILS CONSTITUENT LA BASE DE TOUT SYSTÈME HAUTE-FIDÉLITÉ. EN VOICI SEPT, CHOISIS AVEC SOIN, QUI CONNAISSENT LA MUSIQUE.

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PLATINE TOURNE-DISQUE PLATINE tourne-disque et qu’elle addi- Pour: l’enthousiasme, tionne insolemment les CHOC le naturel pour ses modèles Planar 2, Contre: absolument rien Planar 3, Planar 6. La cadette à ce prix ne démérite pas et a mani- festement hérité du talent Timbres: ++++ musical familial. Comme ses Transparence: ++++ sœurs, elle sait en effet entraî- Restitution spatiale: ++++ ner instantanément l’audi- Finition: ++++ teur au cœur de la musique, Rapport qualité/prix: ++++ l’impliquer dans le travail des interprètes. Non pas, bien Les ingénieurs brancher la Planar 1 sur n’im- sûr, en gonflant artificielle- de Rega se sont porte quel amplificateur, voire ment les basses ou en souli- continue et distribués sur une demandé com- sur une enceinte ou paire d’en- gnant les aigus, pour faire des large échelle dynamique. La ment amélio- ceintes actives. Voilà le Plus. effets de manche et assurer le netteté des plans sonores se rer leur pla- Logé sous la base du bras de spectacle, mais en mettant en montre étonnante pour un tine la plus vendue, la rendre lecture RB110, ce bloc électro- valeur les éléments essentiels. modèle de ce prix: d’un disque plus facile d’emploi et plus nique s’y connecte directement Les timbres se révèlent ainsi à l’autre l’univers acoustique accessible. La réponse a été et recueille le signal généré d’une grande justesse (cordes varie, mais l’enthousiasme d’y intégrer un préamplifica- par la cellule à aimant mobile soyeuses, voix voluptueuses, demeure. Voilà assurément teur phono, inspiré du Fono Carbon: on ne peut imaginer piano très articulé), soutenus la platine numéro 1 de sa Mini AD2, de façon à pouvoir liaison plus courte, préservée par une énergie rythmique catégorie. X

128 Q CLASSICA / Septembre 2018 NAD C 538 Prix: 379 u Ce nouveau par sa discrétion. Il ne cherche Dimensions (L x H x P) : modèle Nad pas à mettre artificiellement 43,5x7x24,9cm remplace le 516 les basses ou les aigus en avant, Poids: 3kg BEE. De part à débusquer avec une lumière Finition: grise PRO-JECT et d’autre de aveuglante le moindre détail Origine: Canada l’écran central se distribuent d’arrière-plan. En effet, il Distribution: France CD BOX Marketing LECTEURS DE CD LECTEURS le tiroir pour accueillir le CD préfère restituer les sons dans Le présent duo et six touches pour les com- leur pleine densité comme en Tél.: 01 60 80 95 77 est constitué mandes de lecture de base. La attestent la solidité du grave du d’une mécanique face arrière se montre égale- piano ou la richesse harmo- Pour: la densité sonore, de lecture CD ment d’une austère simplicité: nique de la voix. La soprano des timbres riches Box DS2 T (549 u n’apparaissent en effet qu’une ne se réduit pas à une petite Contre : rien à ce prix ou 649 u selon finition) et d’un sortie analogique et une double tête qui chante haut ; elle a convertisseur Dac Box DS2 Ultra sortie numérique, optique et aussi un corps. Les cordes sont Timbres: ++++ (599 u ou 699 u).Le premier pro- coaxiale. À l’intérieur travaille superbes de moelleux, jamais Transparence: ++++ pose trois sorties numériques un circuit de conversion Wolf- agressives. Et la dynamique Restitution spatiale: ++++ (optique, coaxiale et XLR) et le son 24 bits/192kHz. Cet appa- n’est jamais oubliée: elle com- Finition: +++ second est prêt pour la haute défi- reil accepte les disques codés en porte beaucoup de nuances et Rapport qualité/prix: ++++ nition: 32 bits/768 kHz en PCM et MP3 qui peuvent contenir une de contrastes. X en DSD 256. dizaine d’heures de musique. Écoute Écoute Ces appareils ofrent une qualité Comme son aîné, le C 568 musicale incontestable. En asso- (799 u, CHOC de Classica l’an ciant le CD Box à d’autres conver- passé), le C 538 se remarque… tisseurs, on identifie rapidement son haut pouvoir de résolution. Il travailleenbonneintelligenceavec un convertisseur subtil qui sait CREEK EVOLUTION 50CD détailler la prise de son sans tom- ber dans une course efrénée aux Fidèle à son Écoute détails.Un très bon équilibre tonal, Prix: 1490u histoire, Creek On retrouve avec un immense des basses bien tenues et un aigu Dimensions (L x H x P) : propose un lec- plaisir la musicalité souve- qui ne luit jamais artificiellement, 43x6x28cm teur de CD à raine des produits Creek, une excellente lisibilité polypho- Poids: 5,5 kg la présentation musicalité qui se traduit par nique (netteté des seconds plans, Finition: noire ou grise très simple, à la conception une impression d’évidence, stabilité de l’image stéréopho- Origine: Royaume-Uni dépourvue de tout gadget. On d’absence de toute coloration nique)etunesantéàtouteépreuve Distribution: Conrad remarque que le chargement du électronique, de toute cris- complètent le tableau. X Johnson France CD se fait par une fente de type pation. Des phrasés déliés, Tél. : 02 32 26 01 85 mange-disque.Simple mais pas nourris d’infinies nuances, minimaliste: cet appareil fait une large palette chroma- Prix: 1148u ou 1348 u Pour: une musicalité également office de conver- tique participent ainsi à une Dimensions CD Box souveraine tisseur puisque sa face arrière restitution musicale parti- (LxHxP): Contre : rien dévoile deux entrées numé- culièrement animée, vive, 20,6 x 7,2 x 19,4 cm riques coaxiales et une entrée chaleureuse mais sans épais- Poids: 2,67 kg Timbres: ++++ USB. Les sorties se répartissent seur. La section de lecture Finition: noire ou grise Transparence: ++++ entre deux analogiques, RCA se montre très performante, Origine: Autriche Restitution spatiale: ++++ et XLR, et deux numériques, capable d’extraire le maxi- Distribution: Audio Finition: ++++ optique et coaxiale. La conver- mum d’informations du CD Marketing Services Rapport qualité/prix: ++++ sion incombe à un double pour ensuite les composer en Tél. : 01 55 09 55 50 circuit Wolfson WM 8742 un concert d’une rare justesse à 24 bits/192 kHz. L’appareil de timbres et d’une vitalité Pour: un concept original, fonctionne à partir d’un trans- irrésistible. Une référence l’équilibre global formateur toroïdal de 25 W. dans sa catégorie. X Contre : rien

Timbres: ++++ Transparence: ++++ Restitution spatiale: ++++ Finition: +++ Rapport qualité/prix: ++++

CLASSICA / Septembre 2018 Q 129 LA HI-FI Prix: 2499u PRIMARE Dimensions (L x H x P): CD35 PRISMA 43,5x14,2x41,3cm conçu. Il peut d’ailleurs servir Poids: 18,5 kg Ce lecteur de CD de convertisseur grâce à ses Finition: grise et de réseau pro- entrées numériques, optique Origine: Japon pose également et coaxiale. On regrette alors Distribution: Pioneer-Onkyo la technologie l’absence d’entrée USB, mais Europe Prisma qui per- on remarque la sortie analo- Tél.: 0184884712 met une gestion multiroom. S’y gique XLR. ajoutent le protocole Google Pour: une restitution très Chromecast, le Bluetooth, l’Air- Écoute dynamique, détaillée et PlayetSpotifyConnect.Cetappa- PIONEER On pourrait craindre un ranée reil est disponible sans la techno- PD-70AE pur exercice technique, une Contre: pas d’entrée logie Prisma (2 900 €) et sans machine n’alignant que des numérique USB convertisseur intégré (2000 €). Ce nouveau performances chiffrées. Qu’on lecteur, qui lit se rassure, Pioneer a mis la Timbres: ++++ Écoute les CD et les technologie au service du son Transparence: ++++ LePrimareréussitunbeléquilibre SACD, a été et non de son seul savoir-faire. Restitution spatiale: ++++ entre netteté et fluidité. Il ne laisse salué par le prix On constate en effet très vite Finition: ++++ certes rien dans un brouillard qui EISA (European Imaging le haut degré de raffinement Rapport qualité/prix: ++++ se voudrait impressionniste, mais and Sound Association). d’un lecteur qui sait puiser construit au contraire l’espace D’une qualité de fabrication l’information au creux du avec de solides outils: la disposi- exemplaire, ce lourd appareil disque pour en faire jaillir pas d’une froide radiographie tion des pupitres, l’acoustique de (18,5 kg !), depuis son tiroir une fontaine musicale. Si les du disque: ils en révèlent les lasalleoudustudiod’enregistre- en aluminium jusqu’à ses sup- moindres détails participent à plus subtiles nuances (vibrato ment, les subtilités du jeu des ports anti-vibrations, inspire une restitution d’une impres- du violoniste, toucher et jeu musiciens se perçoivent sans confiance. Pioneer semble ne sionnante précision, en trois de pédale du pianiste) pour peine. Cette analyse ne se pré- rien avoir laissé au hasard et dimensions et d’une rare magnifier l’interprétation sente heureusement pas sous la présente un modèle très bien limpidité, ils ne se satisfont musicale. Superbe. X formed’unefichesignalétiquechif- fréemaisplutôtd’unepartitionlue avec autant de science que de goût. Malgré sa vitalité, jamais la Prix: 900 € ARCAM CDS50 sonorité n’agresse. Malgré sa Dimensions (L xHxP): Un appa- optique et coaxiale, et analo- densité,jamaisellene s’opacifie, ni 43,3x8,7x28,3cm reil vraiment giques, RCA et XLR, ainsi que ne s’épaissit. X Poids: 5,3 kg malin !Letout d’un port USB de type A pour Finition: grise nouveau lecteur recevoir une clef ou un disque Origine: Royaume-Uni Arcam CDS50 dur externe. Distribution: PPL de la gamme HDA, rempla- Tél.: 04 50 17 00 49 çant la FMJ, peut bien sûr lire Écoute des CD mais aussi des SACD On apprécie le bon équilibre Pour: lecture des SACD, dont on ne peut que déplorer entre la clarté de la définition Prix: 3300 u l’équilibre général le faible succès commercial et et la plénitude du son, entre Dimensions (L x H x P): Contre: rien se connecter au réseau, par la richesse des détails et la 43x10,6x38,5cm câble ou par Wi-Fi (antenne tenue de l’ensemble. Jamais Poids: 10,8 kg LECTEURS DE CD ET DE RÉSEAU DE CD ET LECTEURS Timbres: ++++ fournie): il donne accès à des le CDS50 n’oscille d’un côté Finition: noire ou grise Transparence: ++++ services de musique en ligne plutôt que d’un autre: l’écoute Origine: Suède Restitution spatiale: ++++ tels Qobuz, Deezer ou Tidal et ne se montre donc jamais fati- Distribution: Triangle Finition: ++++ aux radios Internet. Il dispose gante à cause d’un éclairage Tél.: 03 23 75 38 20 Rapport qualité/prix: ++++ d’un convertisseur ESS Sabre trop brusque des moindres 9038K2M et est contrôlable recoins du studio ou de la Pour: l’équilibre entre à distance via l’application salle de concert, ni compacte précision et musicalité MusicLife. Cet appareil est à cause d’une coloration du Contre: rien par ailleurs équipé de deux registre central destinée à jeux de sorties numériques, réchauffer la musique. D’un Timbres: ++++ enregistrement à l’autre, l’Ar- Transparence: ++++ cam conserve son oreille fine Restitution spatiale: ++++ et offre au mélomane une Finition: ++++ symphonie de couleurs, de Rapport qualité/prix: ++++ nuances et d’énergie. À la fois stimulant et élégant. X

130 Q CLASSICA / Septembre 2018 46*7&; -" 4"*40/  %&4013"4 #"--&54&5$0/$&354

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Les informations recueillies sur ce formulaire sont enregistrées par Music & Opera pour vous tenir informé de ses actualités et pour la gestion de votre abonnement. Elles sont conservées 3 ans. Conformément aux lois n° 78-17 du 6/01/78 et du 06/08/2004 & RGPD relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de suppression des informations vous concernant. LA HI-FI I NOUVEAUTÉS Euterpe revoit ses gammes ’enceinte Euterpe,à l’ins- câble argent maison HP1132 tar d’autres modèles de et repose sur un support anti- Ll’entreprise Jean-Marie vibration. Le bornier WBT se Reynaud, passe en version fixe sur une plaque en alumi- Jubilé.Si son format reste iden- nium et accepte tout type de tique, les haut-parleurs et le fil- branchement: fourche, fiche trage ont changé. La concep- banane ou câble. L’Euterpe tion interne de la colonne Jubilé sera disponible cou- repose notamment sur l’ab- rant octobre. Compte-rendu sence de parois parallèles d’écoute dans notre numéro internes afin de réduire les de novembre. X ondes stationnaires et, en Casques conséquence,les matériaux iso- lants. Le tweeter, emprunté à la Prix: 2650 u la paire en de luxe Cantabile Jubilé, arbore un aniégré teinté merisier, dôme en soie imprégnée de 2850u en finition laquée, oujours très actif sur le 28 mm de diamètre et loge blanc perle, gris anthracite marché du casque, Denon dans un volume isolé pour le nacré ou noir satiné Tprésente deux nouveaux préserver des vibrations géné- Rendement: 89 dB modèles,ambitieux,leAH-D5200 rées par le haut-parleur de Bicâblage: non et AH-D1200. Le premier se dis- grave. Il s’agit d’un modèle de Dimensions (H x L x P) : tingue par ses larges coques en 17 cm à cône en papier, recou- 92x20x33cm zebrano, bois d’Afrique centrale, vert sur sa face interne par une Poids: 21 kg montées sur un arceau en fonte texture absorbante, équipé Origine: France d’aluminium.Elles enferment des d’un cache noyau en tissu et Distribution: membranes de 5 cm de diamètre maintenu en tension dans le Jean-Marie Reynaud en matériau de synthèse léger et coffre de l’enceinte par une Tél.: 05 45 78 09 38 rigide,susceptibles de reproduire tige filetée. Le filtre utilise le le plus fidèlement possible le son. Le confort n’est pas négligé puisque les écouteurs profitent de coussinets à mémoire de forme recouvert de cuir.Alors qu’on ima- Au fi l de la musique gine ce casque destiné à un usage domestique,leAH-D1200 se veut vec une obstination qui veaux modèles actifs à tous les vaux réalisés sur la dissipation nomade, donc pliable, sans force l’admiration, Sté- niveaux du système musical: des vibrations parasites dont refuser un certain raffinement Aphane Even, fondateur le secteur (P70), la liaison l’efficacité n’est plus à prouver. puisqu’il adopte également le cuir, de Neodio, poursuit sa quête entre les appareils (cordon de Le P70 et la tresse de masse du la fonte d’aluminium et des du son enregistré le plus fidèle modulation I50) et le câble I50 et le HP L20 sont consti- membranes d’égales dimensions. à son origine et développe sa pour enceintes HP L20. Bien tués de vingt brins de diffé- Ces deux références disposent gamme de câbles. Après des évidemment, ces références, rentes sections.Compte-rendu d’un câble détachable, de 3 m réussites mémorables comme qui utilisent un nouveau d’écoute dans nos prochains pour le premier, de 1,3 m pour le le P5 (660 u,CHOC de Classica), conducteur, profi tent des tra- numéros. X second,équipé ou pas d’une télé- conçu pour le raccordement commande avec micro. Le luxe à au secteur électrique, la société la maison ou en extérieur. X bordelaise présente trois nou-

Prix P70: 1100u Prix: 99 u et 189 u Prix I50: 1000 u Impédance: 24 Ohms Prix HP L20 (2 x 3 m) : Poids (sans câble) : 1600 u 385get260g Origine: France Origine: Japon Distribution: Neodio Distribution: Denon France Tél.: 05 56 40 19 50 www.denon.fr

132 Q CLASSICA / Septembre 2018 Depuis Paris Gare TGV au pied de l’hôtel ENTRÉE LIBRE

ART & HIFI SALON HIFI DE LYON 2018 NH HÔTEL - 13 & 14 OCTOBRE 2018 L’émotion musicale Tous les détails du salon sur www.hilink.fr - tél : 04 37 86 33 04

NOUVEAUTÉS APL LES MEILLEURES SOURCES DU MARCHÉ WILSON AUDIO

HIFI LINK «le meilleur de la Hifi »

+ Exposition et ventes de photographies d’artistes lors de leurs Et aussi sur le salon passage historique à Ayon Audio, Audio Research, CEC, Esoteric, Esprit Audio, Mcintosh, Verity Audio, YBA, Lyon : Wilson Audio, Wilson Benesch, Franco Beatles, Rolling Stones Serblin, Modwright, VPI, Mola Mola, Serge Gainsbourg... Karan… LA HI-FI I NOUVEAUTÉS

PRISEDESON Le nouveau DU MOIS FRANZ SCHUBERT soul e d’Éole Octuor D. 803. Menuets D. 89 nos 3et5 our sa quatrième ver- vient rejoindre le quintette. Lorenzo Coppola (clarinette), sion, Éole, le système À la forme cubique du pré- TeunisvanderZwart(cor), P5.1 destiné à l’audio- cédent modèle a été préféré Javier Zara (basson), vidéo de Cabasse, prend une un parallélépipède peu pro- Isabelle Faust (violon), nouvelle configuration. Il fond (15 cm), ce qui permet Anne Katharina Schreiber reste bien sûr organisé autour de placer le Lipari 21 (haut- (violon), Danusha Waskiewicz des cinq enceintes en forme parleur de 21 cm) à proxi- (alto), Kristin von der Goltz de boule équipées de haut- mité d’un mur ou sous un Enceintes (violoncelle), James Munro parleurs coaxiaux : un twee- meuble. Pour percevoir le (contrebasse) teràdômede29mmloge souffl e d’Éole sans le voir. X fantômes Harmonica Mundi HMM 902263 au centre d’un transducteur de médium-grave de 10 cm our faire disparaître les de diamètre. La grille de pro- Prix: 799 u enceintes nécessaires à tection a changé de façon à se Dimensions satellites Pla mise en œuvre d’un faire encore moins entendre (diamètre): 13 cm système audio-vidéo, la meil- et des nouveaux supports Dimensions caisson leure solution reste l’intégra- permettent d’installer les (HxLxP):39 x 39 x 15 cm tion, c’est-à-dire leur installa- satellites soit au mur, soit Finition: noire ou blanche tion dans les murs. À cet effet, sur une étagère et d’en régler Origine: France Elipson a développé la gamme l’orientation grâce à une fixa- Distribution: Cabasse Infinite qui se distingue par tion magnétique. Par ailleurs, Tél. : 02 98 05 88 88 sa faible profondeur: chaque un nouveau caisson de grave modèle peut alors, soit loger dans l’épaisseur du mur, soit y être accroché comme un ’acoustique neutre et tableau. Les modèles Infinite préciseduStudioTeldex 8 et 14 fonctionnent avec un LdeBerlinpermetàchaque tweeter à dôme de 29 mm : projet de prendre une couleur le premier y adjoint un haut- particulière selon la volonté parleur de grave de 17 cm en desartistesetdel’équipede Rohacell, une mousse synthé- production. Tobias Lehmann tique, et fibres de carbone, le n’a manifestement pas voulu second deux. Elipson propose décortiquer la partition et en plus un caisson passif S12 aposésesmicrosàunejuste équipé d’un transducteur de distance des musiciens. 30 cm. Le cinéphile pourra Justedanslesensoùcela ainsi regarder ses films et non permet de capter les plus plus ses enceintes. X ineffables pianissimos de la clarinette de Lorenzo Coppola, les gradations du vibrato Prix Infinite 8: 990 u l’unité d’Isabelle Faust, les envolées Prix Infinite 14 et S12 : ducordeTeunisvander 1690u l’unité Zwart, le balancement Dimensions Infinite 8 de la contrebasse de James ERRATUM (LxHxP):33x44x13,8cm Munro sans dénaturer l’image Le bon prix Dimensions Infinite 14 stéréophonique de l’ensemble (LxHxP):36x95x13,8cm nifaireentendrelamécanique Nous annoncions dans notre dernier numéro, page 132, la mise Dimensions Infinite S12 des instruments. Les timbres, sur le marché d’un nouvel amplificateur Pioneer, l’A-40AE, (LxHxP):45 x 95 x 27,3 cm ladynamiqueetlalisibilité « à prix d’ami ». L'informatique nous a fait mentir, achant sans Origine: France polyphonique sont ainsi vergogne 2450 €. Il faut bien sûr retirer ce 2 indésirable pour Distribution: AV Industry restitués avec une troublante retrouver la réalité: 450 €. Tél.: 0 805 69 63 04 véracité. Comme au concert. Distribution : Pioneer-Onkyo Europe Tél. : 01 84 88 47 12 (voir CHOC page 91). X

134 Q CLASSICA / Septembre 2018 LA HI-FI COMME VOUS NE L’AVEZ JAMAIS ENTENDUE

Après 40 années d’existence dans un contexte qui n’a pas été tendre avec les enseignes high-tech, Cobra fait preuve d’une longévité qui ne trompe pas. Avec un point de vente historique dans le 11ème arrondissement de Paris, un magasin à Boulogne-Billancourt et un nouvel espace ultra design près des Champs-Elysées ; Cobra arbore fièrement son étiquette de spécialiste. Un spécialiste qui ore des conseils de premier ordre et le plus important choix de produits Hi-Fi. De la paire d’enceintes acoustiques aux systèmes audio multiroom, en passant par les casques les plus performants du marché ; amateurs et passionnés peuvent tout tester au sein de nos vé- ritables temples dédiés à la haute-fidélité. Ici, on parle exclusivement de beaux produits capables de faire naître l’émotion en restituant fidèlement le travail de l’artiste et des ingénieurs du son. Focal, Yamaha, Klipsch, Bowers & Wilkins ou encore Sonos font partie de ces marques qui font entièrement confiance à Cobra pour représenter leur produit les plus prestigieux. Comme l’amour, la passion du beau son n’a pas de frontière ! C’est pour cela que nous nous évertuons, depuis 1978, à rendre la Hi-Fi accessible au plus grand nombre !

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Élu meilleur spécialiste Image & Son de France en 2018 par le magazine Capital, Cobra continue d’orir une expérience d’achat incomparable en magasins et sur Internet.

Ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h

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Les « CHOCS de CLASSICA »

BON DE COMMANDE SEPTEMBRE 2018

Cochez les CD que vous commandez dans la liste ci-dessous.

Les CHOCS NOUVEAUTÉS CD Les CHOCS NOUVEAUTÉS DVD

BIZET, GEORGES : SCHUBERT, FRANZ : POULENC, FRANCIS : PÊCHEURS DE OKTETT CHÂTEAU DE BARBE PERLES (LES) p. 91 BLEUE (LE) - BLURAY p. 86 1056897A p. 124 1058035A 28,39 € U 126505AS 41,45 € U 44,95 € U

HALÉVY, BERNSTEIN, FROMENTAL : REINE LEONARD : A QUIET DE CHYPRE (LA) PLACE LES CHOCS, RÉÉDITIONS CD p. 86 p. 92 1057104A 1060149A BERNSTEIN, LEONARD : 45,60 € U 42,59 € U AN AMERICAN IN PARIS p. 108 CONNESSON, MILSTEIN, NATHALIA : 1057344A U GUILLAUME : MUSIQUE PIANO : 43,68 € DE CHAMBRE PROKOFIEV - RAVEL p. 88 p. 93 1045794A 1048983A NILSSON, BIRGIT : 23,63 € U 28,39 € U NILSSON (LA) : THE COMPLETE DECCA… p. 115 BACH, SAINT-SAËNS, 1055370A JEAN-SÉBASTIEN : CAMILLE : 327,60 € U OEUVRES POUR LUTH SAINT-SAËNS : p. 89 CONCERTOS 2 & 5 1061763A p. 94 NILSSON, BIRGIT : 28,18 € U 1071822A BIRGIT NILSSON 27,28 € U p. 115 1070325A HOLBROOKE, FINLEY, GERALD : 145,58 € U JOSEPH : VIOLIN DOCTOR ATOMIC : CONCERTO ‘THE OPERA IN TWO ACTS GRASSHOPPER’ p. 95 KUBELIK, RAFAEL : p. 90 1063205A COMPLETE RECORDINGS 1005206A 29,48 € U ON DEUTSCHE 27,96 € U GRAMMOPHON p. 107 RÄÄTS, JAAN : 1057916A U KALÉIDOSCOPIC 200,84 € p. 90 1061012A 28,39 € U

Q CLASSICA 136 / Septembre 2018 Sous-Total (1) ComPositeurs, Œuvres Références Pages Prix LES CD DE A À Z Tous les titres chroniqués dans ce BACH, CARL PHILIPP EMANUEL : CELLO CONCERTOS 1056898A p. 96 28,39€ U ADAMS, JOHN : NAIVE AND SENTIMENTAL MUSIC ; ABSOLUTE JEST 1058019V p. 96 25,06€ U magazine, même s’ils ne sont pas BACH, JEAN-SÉBASTIEN : GOLDBERG VARIATIONEN BWV 988 1060984A p. 96 30,55€ U BARTOK, BÉLA : VIOLIN CONCERTOS NOS 1 & 2 1054348A p. 97 24,94€ U sur le bon de commande, peuvent BEETHOVEN, LUDWIG VAN : MUSIC FOR WINDS 1048859A p. 97 28,18€ U BEETHOVEN, INVENTIONS : INVENTIONS : THE COMPLETE STRINGS QUARTETS 1 060987A p. 97 39,29€ U être commandés par téléphone BERNSTEIN, LEONARD : 3 SYMPHONIES (LES) 1064531A p. 97 3 1 ,67€ U BÖHM, GEORG : COMPLETE ORGAN WORKS 1056284A p. 98 45,28€ U BRAHMS, JOHANNES : INTÉGRALE MUSIQUE DE CHAMBRE : VOL.2 1062596A p. 98 32,98€ U BIBER, HEINRICH : MYSTERY SONATAS (THE) 1054928A p. 98 49,88 € U SERVICE CLIENT BRAHMS, JOHANNES : QUATUORS POUR PIANO ET CORDES 1055011A p. 98 32,98€ U € U du lundi au vendredi de 10hà17hau01 48 59 07 32 COPLAND, AARON : ORCHESTRAL WORKS : VOL.3 1042521V p. 100 25,06 SAV et COMMANDE : BRUCH, MAX : SCOTTISH FANTASY 1061569A p. 100 29,09€ U [email protected] BRUCKNER, ANTON : SYMPHONY N'8 1075486A p. 100 25,06€ U Site Internet (CB, paypal, chèque ou virement) CHOPIN, FRÉDÉRIC : 24 PRÉLUDES, BARCAROLL, FANTAISIE IMPROMPTU 107 1 59 4 A p. 100 28,39 € U DUMONT, AURÉLIEN : STILLNESS 1049660A p. 102 26,21€ U via le site : www.classicavpc.fr DVORAK, ANTONIN : PIANO QUINTETS, BAGATELLES 10 6 176 5 A p. 102 28,18 € U DEBUSSY, CLAUDE : MER (LA) ; LE MARTYRE DE SAINT SÉBASTIEN 1061386A p. 102 28,39€ U ELGAR, EDWARD : FALSTAFF ORCHESTRAL SONGS 1041643V p. 102 25,06€ U VOTRE COMMANDE DE SEPTEMBRE 2018 HAYDN, JOSEPH : HAYDN2032 : VOL.6 : LAMENTATIONE 1 0 6 176 6 A p. 104 2 8, 1 8 € U GERSHWIN, GEORGE : KENNEDY MEETS GERSHWIN 1056730A p. 104 27,28€ U MONTANT DE VOTRE COMMANDE (1+2) GOUNOD, CHARLES : MÉLODIES 1059939A p. 104 28,39€ U HAYDN, JOSEPH : PIANO SONATAS : VOL. 7 1062883A p. 104 25,06€ U PARTICIPATION AUX FRAIS DE PORT (Voir ci-dessous) KODALY, ZOLTAN : MUSIC FOR CELLO 1039967A p. 106 12,23€ U KNAIFEL, ALEXANDER : LUKOMORIYE 1053618A p. 106 27,28€ U Nb. de réf. commandées : TOTAL À RÉGLER € LIAPOUNOV, SERGUEI : 12 ÉTUDES D'EXÉCUTION TRANSCENDANTE, OP.11 1054675A p. 108 28,39 € U LINDBERG, CHRISTIAN : STEPPENWOLF, CONCERTO POUR ALTO ET ORCHESTRE 1 0 5 6 3 9 4 V p. 108 2 9 , 1 6 € U MEDTNER, NIKOLAI : MEDTNER : MÉLODIES 1049654A p. 109 36,91€ U MENDELSSOHN, FELIX : SINFONIE NR. 2 'LOBGESANG' 1053767A p. 109 29,09€ U MOZART, WOLFGANG AMADEUS : CLEMENZA DI TITO (LA) 1062862A p. 110 42,59€ U Frais de port Montant de votre commande € U MUFFAT, GEORG : APPARATUS MUSICO-ORGANISTICUS 1690 1 0 678 4 8 A p. 110 2 9, 5 1 de de + PESSON, GÉRARD : MUSIQUE DE CHAMBRE, CANTATES 1069972A p. 110 28,39€ U En euros 1à2CD 3à4CD de4CDetcoffret PETTERSSON, ALLAN : SYMPHONIES 5 & 7 1053413V p. 110 29,16€ U € € € POULENC, FRANCIS : BICHES SUITE (LES) 1057035A p. 111 12,25€ U France Métropolitaine : 2,99 4,99 7,99 GERSHWIN, GEORGE : PIANO CONCERTOS 1054503V p. 111 28,18€ U Europe et DOM : Nous consulter SCHUMANN, ROBERT : SCHUMANN, PIANO QUARTET, OP. 47 1041339V p. 112 29,16€ U SCRIABINE, ALEXANDRE : PRÉLUDES, EUDES & SONATAS N° 4 & 5 1061387A p. 112 28,39€ U Autres destinations : Nous consulter SIBELIUS, JEAN : FINLANDIA, SWAN OF TUONELA, OCEANIDES, EN SAGA, … 1062516A p. 112 28,18€ U RICHTER, FRANZ : FRANZ XAVER RICHTER : TE DEUM 1781. HAUGK, VALEK. 1 0 5 1 7 1 8 A p. 112 25,33 € U TANSMAN, ALEXANDRE : ALEXANDRE TANSMAN : CONCERTOS POUR VENTS 1 0 4 7 1 3 7 A p. 113 2 7, 9 6 € U CONDITIONS GENERALES : TIPPETT, MICHAEL : SYMPHONIES 1 & 2 1045890A p. 113 27,96 € U Lors d’un règlement par chèque, la commande est traitée seulement à réception du chèque par notre service clients. Quel que soit le moyen de paiement, aucun envoi ne sera effectué par USTVOLSKAYA, GALINA : CHAMBER MUSIC 1039849A p. 114 2 1 , 4 1 € U nos soins avant que le paiement ne soit totalement validé. Les prix indiqués sont en euros, USTWOLSKAJA, GALINA : VIOLIN & PIANO 1053790A p. 114 26,76€ U toutes taxes comprises et sont valables jusqu’à la fin du mois en cours. Expédition : sous 15 VERDI, GIUSEPPE : VERDI HEROINES 1070676A p. 114 19,66€ U jours, sous réserve de disponibilité chez nos fournisseurs. VIVALDI, ANTONIO : QUATRE SAISONS (LES) 10 5 174 2 V p. 114 22,06€ U ZEMLINSKY, ALEXANDER VON : EINE FLORENTINISCHE TRAGÖDIE 1046495A p. 116 24,94€ U Vos coordonnées ZELENKA, JAN DISMAS : SONATES EN TRIO ZWV 181 1047094A p. 116 33,19€ U WEINBERG, MIECZYSLAW : 3 SONATES POUR VIOLON ET PIANO 1058518A p. 116 29,14€ U Nom : LYNN PATTERSON, RONNIE : MUSIC 74 4 388A p. 116 29,16€ U POUR / CONTRE Prénom : CHOPIN, FRÉDÉRIC : CHOPIN 1070257A p. 103 29,09€ U RÉCITALS TITRES Adresse : VERNET, OLIVIER : BACH(S) 1058521A p. 117 26,29€ U RAMPAL, MARION : BYE BYE BERLIN ! 1044873A p. 117 28,39€ U BACH, JEAN-SÉBASTIEN : BACH-ESCAICH : CONVERGENCES 1046770A p. 118 22,80€ U € BRAHMS, JOHANNES : DOUBLE CONCERTOS 1059655A p. 118 29,09 U Code postal : Ville : NEAVE TRIO : FRENCH MOMENTS 1058686A p. 118 25,06€ U SCHÜTZ, HEINRICH : LARMES DE RÉSURRECTION 10 4 8 981A p. 118 28,18€ U Tél. : Fax : NOALLY, THIBAULT : ORATORIO 1058976A p. 119 28,39€ U QUATUOR GIRARD : STARRY SKY (THE) 1059889A p. 119 25,06€ U SIRBA OCTET : SIRBA ORCHESTRA ! : RUSSIAN, KLEZMER & GYPSY MUSIC 1055192A p. 119 27,28€ U E-mail : MARTIN, FRANK : MARTIN 1052817V p. 119 25,12€ U RÉCITALS INTERPRÈTES BOUCHKOV, MARC : HARMONIA NOVA #2 : SONATES N°5 & 6 ; POÈME 1030924A p. 120 16,56 € U € U WILLIAMS, VAUGHAN : ENGLISH LANDSCAPES 7 8 5 5 4 0 A p. 120 24,94 Mode de paiement choisi ELDER, MARK : ENGLISH SPRING 7 8 5 5 4 1 A p. 120 24,94€ U GRUBEROVA, EDITA : FAMOUS OPERA ARIAS 10 6 14 1 9 A p. 120 25,06€ U Q Chèque Bancaire (France uniquement)àl’ordredeDisquadom BORGSTROM, HJALMAR : VIOLIN CONCERTOS 1053416V p. 121 29,16€ U CHOPIN, FRÉDÉRIC : SOLO PIANO 1063447A p. 121 27,28€ U Q Signature obligatoire pour tout achat par Carte Bancaire DEBUSSY, CLAUDE : DEBUSSY, PRÉLUDE BOOK I 1064532A p. 122 27, 2 8€ U Carte Bancaire (Visa, Mastercard) SIERRA, NADINE : THERE'S A PLACE FOR US 1073656A p. 122 24,64 € U BIZET, GEORGES : RAVEL, DEBUSSY, BIZET 1 07 1 8 1 9 A p. 122 27,28€ U LISZT, FRANZ : LISZT, PÄRT 1071595A p. 122 28,39€ U DVD DIDONATO, JOYCE : IN WAR AND PEACE - DVD 125463AN p. 119 32,10€ U No DIDONATO, JOYCE : IN WAR AND PEACE - BLURAY 125463AS p. 120 39,33 € U expire fin ATTENTION Indiquez IMPÉRATIVEMENT Les prix indiqués dans le listing sont nets les 3 derniers chiffres du Sous-Total (2) cryptogramme au dos de votre CB XXXX EN MODE DÉTENTE

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HORIZONTALEMENT Petrucciani. 15.

I. On y (ap)prend de grands airs. II. En l’absence d’instruments. Dans l’ensemble, elle Louée. Mzab. OAS. OAS. Mzab. 14.

n’a que de bonnes notes. III. Charpente du piano. Il fut l’auteur d’une Danse macabre. Phd. Rodrigo. Ems. Ems. 13. Cn. Cocu. Rainure.

IV. Vieux navigateur. Vainqueur à Trafalgar. Argon au labo. V. Après cela, il faut imaginer 12. Igloo. Mandoline. Mandoline. Igloo. 11.

la suite. Vieilles habitudes. Rompu. VI. Pièce sur l’échiquier. La Roumanie sur le Web. Aa. Vitré. SFR. SFR. 10. Ob. Èze. Tael. 9.

VII. Mettriez à l’écart. Vin de Bordeaux. VIII. Commune de Normandie. Envoyé au tapis. Son. Eh. Algérie. Algérie. 8. Satie. Lied. Vlan.

Prénom féminin. Musique du Maghreb. IX. Chute de cheveux. Fit une entaille. 7. Wu. Sardane. RER. 6.

X. Déodorant naturel. Une manière de sandwich. XI. Corps gras. Chou d’Italie. Dèche. Épreuve. Épreuve. 5. Albéniz. Spat.

XII. Largeur au mur. Champion du volant. Sorti des urnes. XIII. Bout de dent. Augmente 4. Nabucco. Pupitre. Pupitre. Nabucco. 3.

la note. Sans mélange. XIV. Composa Un Américain à Paris. Sur le bec. XV. Ne se gêne Lianes. Su. Oc. At. At. Oc. 2. Go. Carnegiehall.

pas. Bien roulée. Compositeur baroque. 1. VERTICALEMENT

Ose. Eue. Haendel. Eue. Ose. XV.

VERTICALEMENT Anche.

Gershwin. Gershwin. XIV. Pur. Ton. Nt.

1. Une salle de concert mondialement connue. Signal du départ. 2. Ancien français. XIII. Laize. As. Élu. Élu. As. Laize. XII.

Astate au labo. Appris. Plantes de la jungle. 3. Créé par Verdi en 1842. Place du chef. Brocoli. Lipides. Lipides. XI. dog. Hot Alun.

4. Unité d’angle solide. Auteur d’une suite espagnole. 5. Examen de passage. Plaie X. . Pelade. Incisa. Incisa. Pelade. . IX

d’argent. 6. Transport parisien. Musique de Catalogne. C’est du chinois. 7. Bruit de Raï. Éva. Dé. Eu. Eu. VIII. Médoc. Isoleriez.

porte. Mis en musique outre-Rhin. Sa musique lui fut souvent inspirée par l’absinthe. VII. Cavalier. Ro. Ro. Cavalier. VI.

8. Le pays du raï. Exclamation. Phénomène acoustique. 9. Poids d’argent en Chine. Fourbu. Us. Etc. Etc. V. Ar. Nelson. Naute.

Village de Provence. Coule en Sibérie. 10. Opérateur téléphonique. Ville de Bretagne. IV. Barrage. Liszt. Liszt. Barrage. III.

Arrose Saint-Omer. 11. La petite maison sur la banquise. Émince en cuisine ou résonne Gamme. A Cappella. Cappella. A II. Conservatoire.

en musique. 12. Strie. Bipède à cornes. Un peu con sur les bords. 13. Nom d’une I.

dépêche qui causa la guerre de 1870. Il composa pour guitare et orchestre. Doctorat aux HORIZONTALEMENT

USA. 14. Région du Sahara algérien. Des généraux contre le Général. Vantée. SOLUTION 15. Pianiste de petite taille et de grand talent.

138 Q CLASSICA / Septembre 2018 NOUVELLE GAMME HDA

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