15 Histoires De Football
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OUVRAGES DE CLEMENT BORGAL Romans et contes LES COLONNES D'HERCULE, Les Deux-Rives. LA PETITE OURSE, Julliard. SANG DE NOËL, S.E.P.A.L. CONTES SOUS LA BRUME, L'Ecureuil. CONTES DU CHARDON, L'Ecureuil. CONTES DES PAYS DE LOIRE, Fernand Lanore. LÉGENDES DE LA MYTHOLOGIE, Gautier-Languereau. AVENTURES D'ARCHÉOLOGIE, Gautier-Languereau. AVENTURES SOUS TERRE, Gautier-Languereau. HISTOIRES D'AMOUR, Gautier-Languereau. FEMMES CÉLÈBRES, Gautier-Languereau. LES CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, Fernand Lanore. RÉCITS DE LA PRÉHISTOIRE, Gautier-Languereau. HISTOIRES DE FOOTBALL, Gautier-Languereau. Théâtre CLAIRE ET LE LOUP (trois actes). LE POISSON ROUGE (un acte). LES NOCES DE BLANCHE-NEIGE (un acte). Essais RACINE, Editions universitaires. BEAUMARCHAIS, Editions universitaires. GÉRARD DE NERVAL, Les Deux-Rives. BAUDELAIRE, Editions universitaires. ALAIN-FOURNIER, Editions universitaires. ROGER MARTIN DU GARD, Editions universitaires. RADIGUET, Editions universitaires. COCTEAU, Editions du Centurion (ouvrage couronné par l'Académie française). COCTEAU, POÈTE DE L'AU-DELA, Editions Téqui. SAINT-EXUPÉRY, Editions du Centurion. ANOUILH, Editions du Centurion. JACQUES COPEAU, L'Arche. METTEURS EN SCÈNE : COPEAU, JOUVET, DULLIN, BATY, PITOËFF, Fernand Lanore (ouvrage couronné par l'Académie française). Editions critiques LE MISANTHROPE de Molière, Hachette. LES THIBAULT de Roger Martin du Gard, Larousse. Divers BELLES PAGES DE LA MYTHOLOGIE, Gautier-Languereau (en collabo- ration avec Maurice Rat). DICKENS ET SON TEMPS, Gautier-Languereau (préface à des « Mor- ceaux choisis » de Dickens). TABLEAU DE LA PRÉHISTOIRE EN EURASIE OCCIDENTALE ET PLACE DES ROMAINS PRÉHISTORIQUES de J.-H. Rosny Aîné, Gautier-Languereau, préface à La Guerre du feu de J.-H. Rosny Aîné). 15 HISTOIRES DE FOOTBALL Clément BORGAL Illustrations de Alain d'ORANGE série 15 GAUTIER-LANGUEREAU © Gautier-Languereau, 1979 ISBN 2.217.04076.6 Un sport violent Par définition, un village est toujours petit. Mais L'Argolède est particulièrement petit parmi les petits — au point que l'administration même des P.T.T. ne l'a pas jugé digne d'un bureau de poste autonome. Si vous écrivez à quelqu'un là- bas, vous êtes obligé de mentionner sur votre enveloppe la dépendance de L'Argolède à l'égard du gros bourg voisin de Cadalens. Seulement... c'est un village du Midi. Et, dans le Midi, le sport, la musique, les jeux, l'animation, c'est presque aussi important que le pastis. Voilà pourquoi ce méchant bout d'agglomération possède un club de pétanque, un club de foot et une fanfare muni- cipale. Rien de particulièrement original dans tout cela, d'accord. Seulement... (oui, on n'arrête pas dans le Midi de dire « seulement » ; parce que, vous comprenez, on ne veut pas contrarier les gens ; alors, on commence par dire comme eux et ensuite on amène doucement les restrictions). Seulement, donc, ce qui s'est passé peu de temps avant la guerre au club de foot et à la fanfare municipale ne s'est peut-être pas passé dans beau- coup d'autres endroits. Par grande chance, d'ail- leurs. Pour bien comprendre les événements, il faut d'abord connaître un garçon nommé Pierre Decourt. Un brave gars, costaud, planté sur des jambes et des cuisses énormes — même que les copains, à l'école primaire, ne rataient pas une occasion d'y faire sonner des claques retentis- santes, sous prétexte que la main avait l'impres- sion de rebondir là-dessus comme sur des ressorts. Mais plus brave que ce garçon-là, jamais vous ne l'avez vu de votre vie. Toujours souriant, d'humeur égale, ne sachant qu'inventer pour vous rendre service, ou vous faire, comme on dit là- bas, quelque « bonne manière » en guise de sur- prise. Tout petit, il était si sage, et sa frimousse rebon- die s'encadrait de si magnifiques cheveux bou- clés qu'on le prenait souvent pour une fille. Quand il grandit, cela commença à l'agacer. Ses parents tenaient au village l'unique boutique d'épicerie, et la grâce féminine de son visage était devenue parmi les clients un sujet traditionnel de plaisan- terie — la plus bienveillante du mode, d'ailleurs. Alors, quand il eut dix ans, il vint un jour trouver sa mère. — Je veux avoir les cheveux coupés en brosse, lui dit-il. C'était à cette époque la grande mode parmi les garçons. La mère s'attendait un jour ou l'autre à la formulation de ce souhait. Elle contempla ces boucles merveilleuses à chauds reflets d'acajou, comprima un soupir, se raidit un peu. — Tu as bien réfléchi? lui demanda-t-elle seu- lement. — Oui, maman, lui répondit-il. J'en ai assez d'être considéré comme une fille. Quand je serai grand, je me laisserai aussi pousser la mous- tache. Et, à la rentrée, je m'inscrirai au club de foot. Pas besoin d'en parler à son père. Depuis long- temps, quand le petit n'était pas là pour entendre, ce sujet constituait entre les deux époux à peu près l'unique occasion — non pas de dispute, non — mais disons au moins de discussion. Non sans quelque tristesse, Mme Decourt donna donc son accord ; et, du jour au lendemain, Pierre devint vraiment un grand garçon sportif. Ensuite, il faut connaître Jacques Mourot. Aussi différent du premier, celui-là, qu'un vent d'autan peut l'être d'une brise d'automne. Un menton anguleux, un nez bossu, des cheveux raides comme des baguettes de bambou, une façon brusque de parler, comme s'il voulait réduire au silence un adversaire opiniâtre : aucun risque de prendre ce spécimen pour un représentant de la gent fémi- nine. Différent, il l'était encore par son extraction géographique. Beaucoup de familles à L'Argolède s'appelaient Decourt, les unes en parenté, les autres non — sauf à remonter très loin dans la généalogie. Cela produisait de curieux effets lors- que l'on consultait la liste des victimes de guerre sur le monument aux morts, celle des conseillers municipaux ou des joueurs de l'équipe de foot. La famille Mourot, au contraire, était la seule à porter ce nom. Elle avait débarqué un beau jour, venant des Ardennes, disaient les uns, de la banlieue pari- sienne, affirmaient les autres, par le simple jeu d'une mutation de fonctionnaire, M. Mourot exer- çant le métier de professeur. Bien sûr, il n'y avait pas de lycée dans le village. Mais Toulouse n'était pas loin et, pour plusieurs raisons, il avait préféré s'installer à la campagne, dont le calme et l'air vivifiant lui semblaient valoir tous les inconvé- nients des trajets quotidiens. Parisiens ou non, c'étaient donc des gens du Nord. Jacques avait exactement le même âge que Pierre. Malgré leurs différences — ou peut-être à cause d'elles — ils se sentirent attirés l'un vers l'autre dès le premier jour. Enfin, l'un vers l'autre... Il faut reconnaître que Pierre fut séduit le premier par ce garçon d'aspect un peu rude, mais auquel sa maigreur, presque inquiétante, et son teint diaphane conféraient malgré tout une sorte de gracilité. Jacques, renfermé, ne sembla d'abord manifester que de l'indifférence. Mais, à la sortie de l'école, Pierre l'invita à passer chez lui, le présenta à ses parents, fit un grand bout de chemin pour le reconduire. Lorsqu'ils se sépa- rèrent, sa figure était presque souriante, et l'ami- tié garantie. — Tu as déjà fait du foot? demanda Pierre quelques jours plus tard. — Jamais, répondit Jacques. — Pourquoi? Ça ne te plaît pas? — Peut-être que si. Mais, là où j'étais avant, les garçons n'y jouaient pas comme ici. — Moi, reprit Pierre, je m'inscris au club à la rentrée, dans les minimes. Mais ça n'empêche pas d'aller sur le terrain dès maintenant. Quand les équipes ne s'entraînent pas, on emporte un ballon avec des copains ; et on joue, pour rire. Tu viens avec moi, jeudi? — Jeudi, impossible. Il faut que je travaille ma clarinette. — Ah! bon. Tu fais de la musique? — Oui. Pas toi? — Moi, je chante comme une casserole. — Et alors? Moi aussi. Ça n'empêche pas. De toute façon, c'est mon père qui a tenu absolument à me faire apprendre la clarinette. — C'est de ça qu'il est professeur? — Bien sûr que non. Il enseigne l'histoire et la géographie. La musique, il la fait pour son plaisir. — Et toi, ça te fait plaisir aussi? Pierre avait posé cette dernière question sur un drôle de ton. Jacques l'interpréta comme une sorte de défi, auquel leur amitié interdisait de répondre par l'affirmative. Comme cependant cette affir- mative était la vérité, il s'en tira comme il put, en remplaçant les paroles par de vagues gestes des épaules et des bras, qui pouvaient prêter à toutes les interprétations. Tout au fond de lui-même, Jacques devait s'avouer que le sport n'avait jamais exercé sur lui la moindre attirance. A prendre sa phrase à la lettre, il n'avait pas menti en disant que ses anciens camarades ne jouaient pas au foot comme ceux de L'Argolède. En réalité, certains en fai- saient tout de même. Il y avait des mordus. De leur part il avait été l'objet de sollicitations pres- santes, parfois de quolibets. Il leur trouvait à tous un air, sinon brutal, du moins vulgaire, qui aurait plutôt transformé son indifférence en aversion. Avec Pierre, tout changeait. D'abord parce que Pierre était son ami, et non pas un simple copain de classe. Ensuite parce que son air était tout, sauf vulgaire. Enfin parce que c'était un Méridio- nal, et que les Méridionaux, quand ils veulent vous faire partager une opinion ou un goût, pos- sèdent des talents secrets de persuasion, cachés au sein de leur volubilité.