République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Université Kasdi Merbah Ouargla Faculté des Lettres et des Langues Département des Lettres et Langue Française

École Doctorale Algéro-française de Français Antenne de l’Université Kasdi Merbah Ouargla Réseau EST Thèse de Doctorat ès Sciences pour l’obtention du diplôme de Doctorat de français Option : Didactique

Présentée et soutenue publiquement par M. ABDELOUHAB Fatah Titre :

Les enjeux didactico-pédagogiques entre littérature et interculturalité dans l’enseignement/apprentissage du FLE au moyen algérien

Directeur de thèse : Pr. DAKHIA Abdelouahab

KHENNOUR Salah Professeur Univ. Kasdi Merbah, Ouargla Président DAKHIA Ahdelouahab Professeur Univ. Mohammed Khider, Biskra Rapporteur ABADI Dalila MCA Univ. Kasdi Merbah, Ouargla Examinateur DRIDI Mohammed MCA Univ. Kasdi Merbah, Ouargla Examinateur FAID Salah MCA Univ. Mohammed Boudiaf, Msila Examinateur LANSEUR Sofiane MCA Univ. Abderrahmane Mira, Béjaia Examinateur

Année universitaire 2019/2020

Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement mon directeur de thèse M.DAKHIA Abdelouahab pour ses conseils, soutien et encouragements durant toutes ces années de recherches Mes remerciements s’adressent également aux membres du jury qui me font l’honneur d’examiner ce travail Je tiens à témoigner toute ma gratitude au collègue de français Sofiane L. qui a toujours répondu présent à mes sollicitations.

Dédicaces A ma raison d’être Sylia A mes anges Yani et Ania A mes parents A mes frères et sœurs A Daomar et Sabah SOMMAIRE

Introduction générale ------07

PARTIE I

Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue française en Algérie : un cadre théorique pluriel

Chapitre 1 : L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété ------21

Chapitre 2 : Le texte littéraire vecteur de langues et de cultures en classe de FLE : La perception des méthodologies------58

Chapitre 3 : Représentations et statuts de la « culture » en didactique du FLE ------94

Chapitre 4 : L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen ------117

PARTIE II

Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle ------154

Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une approche interculturelle ------194

Chapitre 7 : L’utilisation de la fable en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle ------232

Chapitre 8 : L’utilisation du texte romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle ………… …. ------257

Chapitre 9 : Propositions didactiques ------290

Conclusion générale ------323 Bibliographie ------332 Tables des matières ------340 Liste des tableaux ------347 Annexes ------349

INTRODUCTION GENERALE

Introduction générale

INTRODUCTION L’enseignement littéraire a-t-il encore une place à prendre dans une société qui sacralise les cultures scientifiques et technologiques, et qui attend de l’école qu’elle « assure un métier » ? La question de la place de la littérature dans l’enseignement du français est une préoccupation qui a toujours intrigué les didacticiens. Faut-il ou non mettre la littérature au service de l’enseignement du français ? Que peut-elle apporter en particulier dans le cadre d’une perspective interculturelle ? Ainsi, on continue à reconnaître que la littérature constitue un excellent moyen, certes pas le seul, pour reproduire des situations de communication proches de celles que risque de rencontrer l’élève-lecteur dans la vie de tous les jours. Ce qui n’est pas le cas des autres documents dits authentiques tels que l’article de presse, le guide touristique, etc. Pourquoi ? Quand l’auteur produit l’œuvre littéraire. L’œuvre littéraire fait le sens, et le sens fait la vie : elle est, au bout du compte, amoncellement de visions du monde, d’états d’âme ou de situations transposées par les auteurs dans leurs créations, qui d’ailleurs permettent aux apprenants de confronter leurs représentations vis-à-vis des différentes cultures apprises et de leur propre culture. En effet, l’écrivain apparaît comme le miroir de l’apprenant qui se sent souvent identifié aux émotions et expériences partagées par la personne qui se cache derrière les lignes ; il ressemble à l’écrivain dans la quête de soi et les sentiments éprouvés au cours de ce voyage intérieur. Par ailleurs, cette confrontation avec l’Autre permet à l’apprenant de naviguer dans un contexte historique et social nouveau. C’est pourquoi, à notre avis, l’apprentissage des notions culturelles et interculturelles se transmet, non pas à travers des textes éphémères comme les documents dits authentiques, mais par des récits de la littérature évoquant l’histoire de quelqu’un, l’histoire d’une communauté et l’Histoire d’une époque. Ainsi, un texte littéraire, par sa polysémie et la pluralité des choses abordées, constitue une aubaine admettant l’intégration de l’interculturel au sein de la classe de FLE et favorisant les échanges entre les apprenants. En outre, c’est cette polysémie qui rend la littérature atemporelle et éternelle. À partir de cette réflexion, notre intérêt est porté sur les compétences nécessaires à un apprenant pour pouvoir pratiquer la langue étrangère qu’il acquiert en classe, particulièrement dans des situations de lecture littéraire. Ce qui amène à s’interroger sur ses caractéristiques, ses apports et ses vertus en tant que support pédagogique.

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Introduction générale

De ce fait, le rôle de la littérature dans l’enseignement d’une langue s’avère incontournable. Qu’en est-il en Algérie ? Quel statut est alloué à la littérature et son corolaire l’interculturalité dans les manuels algériens ? Des extraits littéraires y sont-ils présents et sont-ils lus, interprétés et exploités à la lumière de l’approche anthropologique et interculturelle ? Ces questions nous ont incité à étudier de plus près les manuels algériens et plus particulièrement ceux qui s’adressent aux collégiens. Pour cela, il a fallu d’abord faire une analyse critique des manuels des quatre années au moyen pour mieux déterminer les lacunes et le peu de considération accordée aux dimensions culturelles et interculturelles lors des lecture littéraires. Ensuite nous avons proposé l’analyse des extraits littéraires appartenant aux quatre genres littéraires suivants : extraits autobiographiques, extraits de roman, contes, et fables. Pourquoi ces quatre genres ? Ces genres ont été choisis de par leur degré de présence ainsi que leurs caractéristiques génériques. En effet, ces quatre genres possèdent ainsi plusieurs caractéristiques qui les rendent intéressants : 1/Dans l’autobiographie, l’auteur cherche un témoin à qui raconter ses secrets. Il s’agit donc d’un type de littérature où le lecteur se sent engagé, impliqué. On a ainsi le sentiment de participer à une conversation, qui nous invite à réfléchir pour tirer des leçons qui améliorent notre existence. Le je de l’auteur se fond avec celui de l’apprenant-lecteur, de sorte qu’ils se sentent plus motivés pour continuer à lire, à communiquer avec la personne qui se cache derrière ces lignes. En conséquence, en insérant ces types de textes en cours de FLE, nous nous adapterions aux pédagogies actuelles ; grâce à l’écriture autobiographique, on donnerait aux apprenants l’envie de s’exprimer, d’interagir en cours, de partager leurs sentiments et expériences avec leurs camarades. 2/ Le genre romanesque est caract éris é par sa diversit é, sa capacit é à aborder tous les sujets. Cela dit, le romancier bénéficie donc d’une grande liberté formelle et thématique. L’auteur y peint généralement les mœurs, les caractères, les passions de l’être humain et le fonctionnement de la société. En effet, tout en permettant à l’apprenant-lecteur de s’évader, le roman lui donne un reflet de l’homme et du monde qui peut l’amener à s’interroger sur les préoccupations de son temps, sur le passé ou sur la nature humaine. Le roman peut donc apprendre à l’apprenant-lecteur la tolérance et l’ouverture sur l’autre. Car le roman, en tant que miroir de l’homme et de la société, a une valeur informative et historique. Il peint et instruit l’apprenant-lecteur.

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Introduction générale

3/ Le conte : les contes et la culture sont étroitement liés. J.C Denizot 1 précise dans son ouvrage que « Le conte est une forme d'expression universelle qui traverse l'espace et le temps, donc aussi les cultures ». A l'école, les contes permettent aux élèves l'acquisition d'un patrimoine culturel universel grâce notamment, à la richesse interculturelle. A plusieurs égards, ils offrent en effet, la possibilité aux apprenants de s'instruire, de s'ouvrir au monde, de nourrir leur imaginaire, de découvrir et de comprendre la vie, et bien-sûr de grandir. 4/ La fable : les perspectives à partir desquelles on peut envisager les Fables sont innombrables : perspectives générique, esthétique, socio-historique (voire politique), anthropologique et interculturelle... En somme, le genre textuel « la fable » constitue une œuvre incontournablement riche et foisonnante, susceptible d’étonner les apprenants par sa langue et ses références d’un autre âge. Les fables sont des documents formatifs, parce que donnant la possibilité de réfléchir sur la société d'autrefois, mais aussi sur celle d'aujourd'hui, pour bâtir celle de demain - l'une des finalités majeures de l'Éducation de ce siècle. En effet, les fables constituent des documents motivateurs parce que, souvent, déjà connus en langue maternelle, même si en versions adaptées. Les fables sous forme permettent de travailler la LE à différents niveaux: discursif, linguistique, culturel, entre autres (Canvat, 1999, Albert et Souchon, 2000). Ces mêmes textes qui promeuvent des ponts culturels et, donc, humains, universels et de tous les temps (Zarate, 1994). Finalement, parce que nous même croyons à cette maxime: "La littérature peut servir non seulement à informer sur la vie, mais à transformer la vie." (Giasson, 2000) et les fabulistes, par la qualité de ce qu'ils ont écrit, peuvent y jouer un rôle important. Ces genres apportent, chacun à sa manière, quelque chose qui peut susciter l’intérêt de l’apprenant, le motiver et faciliter l’enseignement/apprentissage du FLE. Le problème de la présence des textes littéraires n’est plus de mise. Notre intérêt dès lors se clarifie et notre recherche traite du texte littéraire comme outil d’enseignement du FLE. La question que nous nous posons est la suivante : comment est-il reçu par les collégiens ? Et quelles sont les approches par lesquelles il est abordé ? Quelles sont ses caractéristiques et ses apports en tant que support pédagogique ? Pour répondre à cette question, nous avons fait le choix d’observer des manuels plutôt que des pratiques effectives, car celles-ci sont toujours individuelles et propres à chaque enseignant, ce qui ne permet pas de généraliser les observations faites, ou ce qui impose une enquête

1 J-C Denizot, Structures de contes et pédagogie , CRDP de Bourgogne, 1995.

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Introduction générale

quantitative menée dans des situations très variées. En outre, le manuel est un outil très répandu, régulièrement utilisé par les apprenants ou/et par les enseignants lors de leurs cours ou de leur préparation. Nous nous sommes donc penché sur l’analyse des extraits présents dans les quatre manuels du moyen, nous avons abouti au résultat d’un choix de banaliser l’usage d’un texte littéraire dans les quatre manuels du moyen. Le texte se trouve toujours accompagné par les mentions minimales nécessaires, le nom de l’auteur ainsi que le titre de l’œuvre dont il est extrait, mais aucune autre indication n’est donnée. Document intégré dans l’ensemble du manuel comme peut l’être un exercice de grammaire, il est le support de plusieurs types de tâches communicatives ou linguistiques où sa dimension littéraire et culturelle ne sont pas exploitées. La didactique a sûrement pour objectif d’être mise en œuvre dans les classes, par des enseignants et pour des apprenants dont le but est d’apprendre le français. Dans ce sens, le choix du support pédagogique est une question qui intéresse tous les enseignants. Le manuel constitue donc un appui indéniable. Cela dit, tous les enseignants ne suivent pas la progression induite par le manuel, mais l’utilisation d’un ouvrage dans la classe peut conditionner la méthodologie appliquée par l’enseignant. Par conséquent, et tout en ayant conscience des limites de cette affirmation, on peut néanmoins dire que le manuel est une manifestation observable des pratiques de classes. Il informe à la fois sur la conception qu’ont ses auteurs de la méthodologie mise en œuvre et sur la pratique des enseignants qui vont l’utiliser. D’autres constats ont aussi contribué à notre détermination pour réaliser cette recherche. Il s’agit des textes littéraires proposés aux collégiens dans leurs manuels scolaires : 1. Les textes littéraires soumis aux collégiens sont répertoriés et classés en « types » : des textes du type narratif, descriptif, explicatif ou argumentatif, mais jamais en « genre », même si ce dernier apparaît déjà dans les manuels avec le conte, la fable et la BD, mais n’est aucunement exploité comme tel. 2. Le principal but de l’insertion d’extraits littéraires dans les manuels est généralement la pratique des compétences orales ; par conséquent, la richesse anthropologique et interculturelle du fragment littéraire n’est pas vraiment prise en compte car son étude est omise.

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3. L’apprenant-lecteur croit qu’il fait de la littérature en répondant à des questions qui accompagnent le texte, alors qu’en vérité, il s’efforce de retrouver l’intention du concepteur du questionnaire. En somme, même si le genre existe, il demeure un outil mis au service d’une dominante typologique. C’est sur la base de ces éléments que nous avons forgé la problématique suivante : Quels enjeux didactiques et pédagogiques favoriseraient l’apprentissage d’une compétence interculturelle par le biais du texte littéraire dans le cadre de l’autobiographie, le conte, la fable et le roman de manière à ce qu’ils accomplissent le rôle de « transmetteur » interculturel au moyen algérien ? Dans cette perspective, plusieurs questions secondaires se posent : quels types de textes littéraires motiveraient mieux les apprenants et faciliteraient le travail didactique en cours ? Quelle place ont l’interculturalité et la littérature dans les méthodes actuelles d’enseignement/apprentissage du FLE au moyen algérien ? Quelle méthodologie faudrait-il suivre pour rendre efficace l’exploitation interculturelle des fragments ? Quelles sont les finalités qu’on peut envisager dans l’enseignement/apprentissage du texte littéraire pour la découverte de l’altérité ?

HYPOTHESE DE RECHERCHE Notre hypothèse de recherche est la suivante : « par l’approche des extraits littéraires proposés dans les quatre manuels du moyen par une approche interculturelle et anthropologique, le collégien pourrait développer un esprit critique lui permettant d’interpréter des systèmes de référence différents du sien et le rendant conscient d’un patrimoine culturel mondial pluriel qui favorise l’ouverture et la tolérance. Cela dit, nous tenons compte des présupposés suivants : - utiliser le texte littéraire dans une perspective interculturelle favoriserait la construction identitaire de l’apprenant et son ouverture sur l’altérité ; - le texte littéraire, obéissant à des préoccupations esthétiques et formelles diverses, a toujours accompli plusieurs fonctions selon les périodes historiques, les courants socioculturels et les idéologies des individus ; - les textes littéraires intégrés dans les manuels scolaires ne sont pas ces objets banals qui s’effacent sans lendemain des mémoires des apprenants. Ils jouent un rôle qui dépasse la simple transmission de connaissances scolaires. Ils sont des acteurs

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importants de la culture, et des témoins exceptionnels des valeurs, des pratiques sociales, dans leurs variations et leurs continuités historiques et géographiques ; - Soit par manque de temps, soit par les exigences des objectifs du programme scolaire, les enseignants se limitent à exploiter les textes littéraires du manuel tel qu’il y est suggéré ; - en l’absence de professeurs-médiateurs interculturels, les chances de promouvoir une didactique interculturelle du texte littéraire s’amenuisent.

OBJECTIFS DE RECHERCHE L’objectif de cette recherche est donc de montrer comment l’exploitation des textes littéraires en classe dans une visée interculturelle, peut amener l’apprenant à acquérir un esprit d’ouverture dans le respect de l’altérité, afin de développer des compétences interculturelles et devenir ce passeur culturel. Ainsi, à la fin de ce travail, nous pourrons déterminer la dimension interculturelle présente dans les extraits appartenant à ces quatre genres. Des extraits qui ont pour principal but bien sûr de motiver le collégien algérien et de permettre une lecture anthropologique et interculturelle des textes littéraires qui faciliteront le passage à une lecture autonome en classe.

METHODOLOGIE Fondements méthodologiques de la recherche Pour répondre à ces différentes questions, nous nous appuyons sur les outils suivants : a/ Les outils théoriques qui englobent les différentes approches suivantes : - Didactique et pédagogie : les apports de la didactique des langues et de la pédagogie en général vont nous permettre de mieux cerner les rapports qu’entretiennent les collégiens algériens avec la langue française. A la lumière de ces théories nous pourrons ainsi analyser les manuels algériens et l’utilisation qu’ils font des textes littéraires. - Générique : cette approche permet de définir les différents genres constitutifs de notre corpus dans le but de comprendre leur fonctionnement et leurs caractéristiques dans une perspective interculturelle. Par la suite, voir l’impact que peut avoir l’introduction de la notion de genre textuel dans le cadre de la lecture littéraire au moyen. - Interculturelle : cette approche associe littérature et interculturel. Elle appréhende le texte littéraire comme « lieu emblématique de l’interculturel » (Abdallah- Pretceille et

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Porcher 1996), capable de provoquer et de tisser le dialogue des langues et des cultures dans la classe de langue. En effet, la lecture littéraire y est envisagée dans la classe de langue, à la fois comme : lieu d’une rencontre interculturelle entre le texte et son lecteur, ou même entre les lecteurs apprenants qui échangent au sein de la classe, et éventuellement lieu de construction de compétences (inter)culturelles. - Anthropologique, ethnographique ou référentielle : cette approche va grandement nous aider à stimuler la participation active de l’élève en cours en observant prioritairement les réalités humaines. En d’autres termes, il s’agit de lire et interpréter l’inscription concrète des hommes dans leur milieu naturel et culturel. b/ Des outils qui permettent de mieux connaître la pratique du texte littéraire en classe de français par le biais de l’analyse d’un élément commun à un grand nombre de situations d’enseignement / apprentissage : le manuel de français du moyen. Afin de disposer d’une représentation de l’exploitation pédagogique du texte littéraire dans les manuels de FLE au cycle moyen, nous avons constitué un corpus de 124 extraits produits par 81 auteurs inscrits dans quatre genres différents. En effet, pour connaître avec précision les différentes modalités d’usage de la littérature dans les quatre manuels du moyen, nous allons tout d’abord considérer le corpus réuni puis nous observerons le choix des genres, des auteurs, des thèmes et des rubriques, leur présentation, les activités qui leur sont associées. En dernier lieu, nous soumettons les textes à une analyse anthropologique et interculturelle qui s’est construite à partir des travaux de L. Porcher, M. Abdallah –Prétceille, Luc Collès, A. Séoud, et autres. S’interroger sur le statut attribué aux documents littéraires dans les manuels du cycle moyen nous a amené à opter, dans un premier temps, pour une analyse des contenus. C’est pourquoi nous avons élaboré une grille de «balayage» des manuels. Nous procédons comme suit: - Inventorier le nombre de textes littéraires insérés dans les quatre manuels du moyen. - répartir l’ensemble des textes selon des critères significatifs (auteur, occurrence, rubrique, thématique, etc. - Répartition des auteurs en fonction de leur origine (français ou francophones). - Classement des textes littéraires en fonction de leur genre.

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- lecture/analyse des textes choisis selon une grille de lecture inspirée des travaux des théoriciens de l’approche anthropologique et interculturelle.

Organisation générale du travail

Pour répondre à notre problématique, notre travail de recherche est organisé comme suit : - Première partie : cette partie, constituée de quatre chapitres, posera le socle théorique de notre réflexion en présentant la problématique et son cadre conceptuel. Elle a pour but d’apporter des réponses aux questions suivantes : quel est le statut du français en Algérie ? quelle est la place et la fonction du texte littéraire à travers les méthodologies successives ? Quels liens sont tissés entre l’enseignement du texte littéraire et les objectifs culturels et interculturels ? Comment sont présentés et utilisés les textes littéraires dans les manuels du moyen ? • Le premier chapitre se donne pour objectif de présenter le paysage sociolinguistique et sociodidactique en Algérie en évoquant brièvement les circonstances historiques de la présence du français dans ce pays. Il traite également l’historique de l’enseignement de la langue française en Algérie avant et après l’indépendance : quelles langues sont parlées en Algérie ? Quel est le statut de chacune d’entre elles ? Et plus précisément quel est le statut du français ? Cela nous permettra de savoir si le français est pratiqué en dehors de l’école mais aussi quel rapport entretient l’apprenant algérien avec cette langue car cela influe sur ses capacités en tant que lecteur. • Le second chapitre propose un retour historique sur la place et la fonction du texte littéraire à travers les méthodologies successives du FLE. Nous nous sommes particulièrement intéressé au rapport existant entre enseignement du texte littéraire et objectifs culturels et interculturels. En effet, le texte littéraire a pendant longtemps été considéré comme l’occasion de découvrir une culture, de sa familiariser avec les manières d’être, de penser, les valeurs et les interrogations propres d’un peuple donné. Enfin, un ensemble de travaux associent le texte littéraire à des objectifs interculturels. • Le troisième chapitre se penche de manière spécifique sur les notions opératoires dans ce champ pour étudier, comme c’est notre objectif, en quoi le texte littéraire est susceptible d’être le médiateur et / ou le déclencheur de

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contacts entre cultures dans la classe de langue. Parmi les multiples notions envisageables, ce sont celles de culture : d’abord, la culture comme savoir ou « culture cultivée » ; ensuite, la culture comme « savoir-faire » ou discours anthropologique, et enfin, la culture comme « savoir-être » ou discours interculturel qui attireront de manière plus spécifique notre attention. Et en dernier lieu, nous mettrons l’accent sur l’association texte littéraire/ interculturalité. • Le quatrième chapitre s’interroger sur le statut attribué aux documents littéraires dans les manuels du cycle moyen. Dans un premier temps, pour une analyse des contenus, nous avons élaboré une grille de «balayage» des manuels. Dans notre relevé, nous procédons comme suit: Inventorier l’ensemble de textes littéraires insérés dans les manuels ; répartir l’ensemble des textes selon des critères significatifs (auteur, récurrence (nombre d’extraits), nationalité, époque…) ; Répartition des auteurs en fonction de leur origine (français ou francophones) ; Classement des textes littéraires en fonction de leur genre. Seconde partie : cette partie sera consacrée à l’exploitation/utilisation des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen, dans le cadre d’une organisation par genre (l’autobiographie, le conte, la fable et le romanesque). Nous commencerons donc par les définir afin de comprendre leur fonctionnement et ce qui fait leur intérêt pour l’apprenant- lecteur. Nous aborderons, ensuite, l’utilisation qui en est faite dans les manuels. Nous traiterons à la suite de cela des extraits que nous avons choisis en classe, empruntés à chacun des quatre genres, et comment l’enseignant les a abordés. Puis, nous proposerons une analyse de quelques textes proposés dans les quatre manuels du moyen, à la lumière de la démarche anthropologique et interculturelle proposée par les théoriciens L. Porcher, M. Abdallah- Pretceille, A. Séoud, L. Collès, De Carlo, et les autres. Les extraits littéraires feront l’objet d’analyse/exploitation afin de décrypter la dimension culturelle et interculturelle ainsi que de vérifier les limites et les insuffisances de la lecture littéraire appliquée dans les classes du moyen . Nous tenterons donc, après une organisation des extraits littéraires présents dans les quatre manuels par genres (l’autobiographique, le conte, la fable et le romanesque), d’exploiter ces textes

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littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen. Nous nous attacherons dans cette deuxième partie à partager les étapes didactiques que nous proposons pour exploiter des extraits autobiographiques, romanesque, des conte et fables en cours dans une perspective anthropologique et interculturelle, de manière à affronter les difficultés que cela peut entraîner. Dans le but d’illustrer ces démarches, des exemples pour travailler autour de quelques extraits littéraires seront présentés. Cette partie se subdivise en quatre chapitres :

• Le cinquième chapitre aborde une réflexion sur les caractéristiques qui font de la littérature – particulièrement l’autobiographie- une source très riche pour enseigner le FLE dans une perspective interculturelle. Ensuite, à partir de l’analyse de plusieurs textes autobiographiques pris des quatre manuels de français du cycle moyen, nous proposerons une méthodologie didactique pour enseigner le FLE à partir de textes autobiographiques, dans une perspective interculturelle et anthropologique. Nous étudierons aussi l’utilisation qui en est faite dans les manuels algériens au moyen. L’objectif est donc de faciliter aux enseignants l’intégration de la littérature en cours de FLE avec des collégiens. • Le sixième chapitre traite les aspects pratiques de l’utilisation du genre textuel « le conte » en classe de français dans une perspective interculturelle. Notre but est centré sur l’objectif majeur de décrire l’itinéraire pédagogique du conte au moyen, selon une perspective interculturelle. Notre but est tout simplement d’inviter les apprenants et les enseignants à aller au contact du conte et par là, à le déchiffrer selon les diverses facettes qu’il recèle, particulièrement celle de l’interculturalité. • Dans le septième chapitre, nous allons voir différents aspects concernant l’utilisation de la fable comme moyen pour améliorer le niveau de lecture et motiver les collégiens sur le plan de l’ouverture sur l’autre et à accepter la différence des cultures. Cela dit, nous tenterons d’analyser les aspects pratiques de l’usage du genre textuel « la fable » en classe de français au moyen, dans une perspective interculturelle. Cette exploitation didactique du genre littéraire « la fable » a pour objectif d’amener les élèves à s’approprier les Fables sous diverses dimensions (son lien avec le reste de la production

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littéraire, tant en amont qu’en aval, ses dimensions stylistiques, esthétique, référentielle et socio-culturelles, mais aussi ce qu’elle convoque chez son lecteur). Elle a aussi pour but de les amener à mieux comprendre certaines notions liées aux caractéristiques génériques ou aux particularités des fables lues, elles sont toujours en partie destinées à permettre à l’élève de mieux comprendre et interpréter ces textes dans une perspective interculturelle. Enfin, nous proposerons une série de suggestions permettant d’utiliser différentes manières dans l’analyse des fables en classe de sorte à ce que cela puisse intéresser l’apprenant et l’amener à devenir un lecteur autonome. • Le huitième chapitre est consacré à l’exploitation des extraits romanesques présents dans manuels du moyen, dans une perspective interculturelle. Nous étudierons ainsi l’utilisation qui en est faite dans les manuels au moyen algérien. Nous reviendrons ensuite aux extraits que nous avons choisis d’approcher selon la démarche proposée par les théoriciens de l’approche interculturelle, à l’exemple de Louis Porcher. Enfin, nous proposerons une série de suggestions permettant de bien traiter un extrait romanesque en classe de telle façon à ce que cela puisse attirer l’attention de l’apprenant-lecteur sur le volet culturel, interculturel et anthropologique du texte littéraire. • Le neuvième chapitre fera l’objet d’une mise en pratique d’une série de propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de lecture/exploitation du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle. Ces propositions didactiques se situent au niveau de l’alliance de lecture littéraire- interculturalité en classe. Elles seront organisées en trois propositions : Proposition d’une séquence didactique sur le conte dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ; Proposition d’une séquence didactique sur la fable dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ; Propositions d’activités pour une exploitation d’un extrait romanesque. À la suite de ces considérations, nous avons élaboré une grille d'analyse que nous voulions détaillée et systémique, c'est-à-dire qui puisse rejoindre toutes les dimensions des relations interculturelles et rendre active la

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lecture littéraire. La grille de lecture comporte cinq catégories que nous proposons sous forme de fiches. Nous conclurons par différentes propositions de choix d’extraits et de propositions et d’approche interculturelle pour analyser le document littéraire, dans le but de motiver les apprenants et de les intéresser à la lecture littéraire en classe.

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PARTIE I Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel

PARTIE I : Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel

Introduction à la première partie

Le collégien algérien est à la fois : un algérien de culture, un adolescent, un apprenant et un lecteur. Tous ces constituants influencent les rapports de l’apprenant algérien avec la lecture littéraire en français. Nous allons donc essayer, dans cette partie, de cerner tous les facteurs qui peuvent influencer l’appréhension qu’a un collégien algérien d’un texte littéraire en français : Dans quel bain linguistique évolue-t-il ? Quelles langues parle-t-il au quotidien ? Parle-t-il en français ? lit-il en français ? Quels genres de textes littéraires lit-il ? Quelle place occupe le texte littéraire dans le programme du moyen ainsi qu’à travers les méthodologies successives ? Comment sont présentés et utilisés les textes littéraires dans les manuels du moyen ? Quels liens sont tissés entre l’enseignement du texte littéraire et les objectifs culturels et interculturels ? Pour répondre à cette série de questions et à bien d’autres, nous avons organisé cette partie en quatre chapitres. Le premier chapitre nous permet de dégager le statut du français en Algérie à travers une étude des différentes langues en contact et leurs statuts autant sur le plan politique que social. L’étude du statut nous semble importante dans la mesure où ce statut influence le rapport des collégiens algériens avec l’apprentissage du français. Dans le second chapitre, nous proposons un aperçu historique sur la place et la fonction du texte littéraire à travers les méthodologies successives du FLE. Nous nous sommes particulièrement intéressé au rapport existant entre enseignement du texte littéraire et objectifs culturels et interculturels. Nous passerons ensuite au troisième chapitre qui sera consacré aux notions opératoires dans ce champ pour étudier, comme c’est notre objectif, en quoi le texte littéraire est susceptible d’être le médiateur et / ou le déclencheur de contacts entre cultures dans la classe de langue. Au niveau du quatrième chapitre, pour les besoins d’une analyse des contenus, nous avons élaboré une grille de «balayage» des manuels. Dans notre relevé, nous procédons comme suit: - Inventorier l’ensemble de textes littéraires insérés dans les manuels ; - répartir l’ensemble des textes selon des critères significatifs (auteur, récurrence (nombre d’extraits), nationalité, époque…) ; - Répartition des auteurs en fonction de leur origine (français ou francophones) ; - Classement des textes littéraires en fonction de leur genre. Tous ces éléments représentent, dans les grandes lignes, les points qui vont être traités tout au long de cette première partie.

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CHAPITRE 1 L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété

Chapitre 1: L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété

INTRODUCTION

Nous consacrons ce chapitre à un état des lieux des langues en présence en Algérie car elles représentent à la fois un enjeu identitaire et un combat politique. Cela dit, la question des langues demeure un des plus importants facteurs déterminant de l’identité de la société algérienne pendant la colonisation et après l’indépendance. Ainsi, tout au long de ce chapitre, nous comptons parler de l’évolution de la situation linguistique en Algérie en la situant dans les différents contextes politiques. Nous allons évoquer l’histoire sociolinguistique de l’Algérie depuis 1830 jusqu’à nos jours, et cela se résume en deux phases: la francisation et puis l’arabisation. En effet, en reprenant les propos de D. Morsly 1, pour qui « la promotion d’une langue et d’une seule aux dépends des autres langues utilisées dans le pays. » Autrement dit, les politiques linguistiques suivies pendant ces deux phases se fixaient pour objectif d’avantager une langue au détriment des autres. Dans cette phase de notre travail, nous tenterons de présenter le paysage sociolinguistique algérien en expliquant la place et la fonction symboliques assignées à chaque langue en présence dans l’environnement des Algériens. Puisque la situation linguistique met en scène quatre langues principales en Algérie : l’arabe, le tamazight, le français et l’anglais. Il y a lieu d’éclaircir le développement de ces langues qui s’est effectué parallèlement aux événements historiques, aux mouvements politiques qui ont marqué l’histoire du pays.

1MORSLY, D. : « Paroles de femmes en textes » in, Expressions, Revue du département des langues, Actes du colloque international : Des femmes et des textes dans l’espace maghrébin, 21-23 Mai, Université Constantine- Mentouri, 2000, p.285.

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Chapitre 1: L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété

1. L’Algérie face à la question de la diversité linguistique De l’avis des linguistes et des didacticiens, la situation sociolinguistique de l’Algérie est scindée en deux moments : la période coloniale et la période postcoloniale. L’arabisation du Moyen-âge et la colonisation française sont deux étapes historiques qui ont radicalement modifié le profil linguistique de l’Algérie. Ainsi, il existe en Algérie quatre langues majoritaires au statut inégal. En premier lieu, il faut mentionner l’arabe classique 2 qui, tout en jouissant du statut de langue nationale et officielle, ne constitue pas un moyen majeur de communication. Étant donné qu’il s’agit avant tout de la langue de l’instruction et de la religion, son emploi est assez restreint et touche essentiellement l’écrit. Le domaine de la communication quotidienne, quant à lui, est largement réservé à d’autres variantes (ou dialectes) de l’arabe algérien ou « derdja », en plus du berbère, sous ses diverses variantes, constitue une autre langue locale. Comme nous le montrerons dans la suite, la coexistence de l’arabe classique et du berbère ne s’est pas toujours faite sans problèmes. Par ailleurs, ces deux langues locales : « l’arabe dialectal» et le berbère sont incontestablement les deux langues maternelles du pays. La spécificité de l’espace linguistique algérien provient de la présence de la langue française, due à son passé colonial. Les statistiques montrent un nombre appréciable de locuteurs francophones ce qui montre bien que la langue de l’ex-colonisateur joue encore aujourd’hui un rôle important dans le pays. Il s’agit notamment du domaine économique et de l’enseignement, car le système éducatif en Algérie se fait partiellement en français et la langue française est aussi une matière enseignée et ayant un statut privilégié parmi les autres langues étrangères. Les langues parlées par les Algériens pendant la colonisation Si nous parlons de l’Algérie comme partie intégrante du Maghreb, nous devons évoquer la berbérité de l’Algérie et de tout le Maghreb. Depuis la conquête arabe du VIIe au IXe siècle, la population berbère est soumise à un double mouvement d’islamisation et d’arabisation. Le peuple berbère était le premier occupant de ce territoire depuis des millénaires. Il y a des variétés du berbère qui sont en usage jusqu’à nos jours : le kabyle en Kabylie, le chaoui dans les Aurès, le tamachek chez les Touaregs, le M’zab à Ghardaia, le Chenoui à Tipaza.

La terre Algérie, de par son fort potentiel géographique stratégique et ses richesses naturelles, a toujours suscité la convoitise des puissances colonialistes, ce qui lui vaut le qualificatif de

2 Sous la plume de certains auteurs, on trouve la notion d’« arabe standard ». Nous employons uniquement le terme « arabe classique » pour désigner la langue officielle de l’Algérie.

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« terre de passage et d’invasions ». Parmi ces agresseurs nous pouvons citer les Phéniciens, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Espagnols, les Ottomans et les derniers en date, c’étaient les Français. Par ailleurs, chaque agresseur laisse derrière lui des séquelles telles que « la langue », entre autres. En effet, les autochtones sont amenés, par la force des choses, à utiliser la langue de l’agresseur/ dominateur. En d’autres termes, de nombreuses civilisations ont occupé le territoire algérien à travers l’histoire. Plusieurs peuples s’y sont succédés afin de coloniser ce pays habité par des populations berbères (Taleb- Ibrahimi, 1995, Morsly, 1988). Le résultat logique de ces conquêtes se traduit par une co- présence sur le territoire algérien de plusieurs langues qui sont l’arabe moderne ou standard, l’arabe algérien, le berbère et le français (Asselah-Rehal, 2001). En ce qui concerne l’occupant français, nous voudrions au préalable essayer de montrer certains aspects de la politique menée par les Français en Algérie. L’Algérie fut la première colonie française sur le continent africain. Colonisée sous Charles X en 1830, elle ne gagna son indépendance qu’en 1962. On peut dire que l’Algérie avait un statut spécifique parmi les colonies maghrébines. A la différence du beylik de l’Algérie ottomane, des Français et des Européens s’enracinent en Algérie: c’est une colonisation de peuplement dont la population atteint, à la fin du XIX ème siècle, presque le quart de la population algérienne 3. En 1848, le pays fut divisé en trois départements : Alger, Oran et Constantine. Cela nous montre bien que les Français visaient à l’administrer comme la France métropolitaine. Les colonisateurs menaient en Algérie la politique d’assimilation qui se traduisait par la soumission directe de la colonie au parlement français et au conseil des financiers dans la colonie. À la tête de l’Algérie fut placé le gouverneur général qui avait sous son autorité les préfets des trois départements. Toutefois, nous tenons à préciser que la pacification du territoire était loin d’être une sinécure, elle s’effectuait par étapes et que jusqu’à la fin du XIX e siècle, l’Algérie connut des séditions sanglantes. Dans ces conditions, les Algériens ont été soumis à un statut spécial. L’administration de leurs affaires a été confiée aux « bureaux arabes » dirigés par les officiers français. Les Algériens n’avaient le droit ni de créer des partis politiques ni de voter. Or, ils n’étaient pas jugés d’après les lois françaises mais par le « codex indigène ». Autrement dit, ils étaient des sous- citoyens. G. Grandguillaume estime à ce sujet que : « L'Algérie a été constituée par la France qui lui a en même temps nié toute identité propre : «L'Algérie, c'est la France», a-t-on

3 Meynier G., L’Algérie et les Algériens sous le système colonial. Approche historico historiographique », Insaniyat n°65-66 juillet- décembre 2014, pp.13-70.

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longtemps répété 4». En toute évidence, la société algérienne est loin d’être monolingue ni monoculturelle. Le paysage linguistique de l'Algérie est donc multilingue. Le brassage culturel et identitaire s’amplifia avec l’occupation ottomane au VIII e siècle. En 1830, le peuple algérien découvre l’occupation française, qui dura 132 ans et qui se révéla d’une agressivité inouïe, et à juste titre, K.T. Ibrahimi écrit : « le français, langue imposée au peuple algérien par le fer et le sang, par une violence rarement égalée dans l’histoire de l’humanité a constitué un des éléments fondamentaux de la France vis-à-vis de l’Algérie. 5 » A juste titre, certains chercheurs estiment que parmi ces langues présentent, dans le paysage linguistique algérien, figurent celles qui ont été imposées par les différents colonisateurs qui se sont succédé en Afrique du Nord, afin de mieux asservir les autochtones et parfaire la colonisation. D’autres, en revanche, renvoient la source de cette opulence linguistique à une multitude de paramètres politiques, géographiques, économiques, etc., Autrement dit, la conséquence logique d’une réalité historique. Notons qu’avant la colonisation française, la seule langue écrite en Algérie était l’arabe classique, diffusée avec l’islam. Mais, lors de la colonisation française (1830-1962), le français a été introduit en tant que langue officielle par le pouvoir colonial français. En effet, avant 1962, le plurilinguisme était une réalité incontestable, puisque plusieurs langues coexistaient à l’instar de : L’arabe classique, moderne ou littéraire, - L’arabe algérien ou dialectal et le berbère. Aperçu historique de la langue française en Algérie D’aucuns estiment que la langue française est introduite dans cette terre algérienne en 1830, c’est-à-dire après le débarquement des troupes de l’armée française. En effet, il est une règle, la langue du dominateur est naturellement imposée. Cette hégémonie linguistique est mise en œuvre par la machine coloniale afin d’asseoir définitivement le pouvoir colonial. La politique coloniale a mené une chasse aux sorcières envers l’islam et la langue arabe. Aversion manifestée notamment par la confiscation des biens habous (fondations pieuses qui finançaient les lieux de prières et d’enseignement du Coran et de la langue arabe). Ces confiscations ont entraîné un analphabétisme en arabe résultant de l’effondrement des structures de l’enseignement de l’islam et de l’arabe. Cette politique s’est poursuivie par la confiscation des grandes mosquées et leur transformation en églises. Cependant,

4 Grandguillaume G., « La francophonie en Algérie », Hermès , n° 40, Paris, 2004, pp.75-78. 5 Taleb Ibrahimi, K. (1995, 2ème édition, 1997). Les Algériens et leurs(s) langue(s), éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne . Alger : Les Editions El Hikma, p.35.

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l’appropriation de la langue française a été considérée comme une nécessité économique et sociale. Dès le début de la colonisation, la France ne s’était pas contentée de la dépossession des Algériens de leur terre, mais elle s’est également assignée, comme objectif, de les priver de leur langue et de leur culture. A ce sujet, M. Benrabah constate que « la dépossession culturelle s’accentue avec l’introduction en terre conquise de la langue et du système éducatif français. Dans les rangs des militaires, administrateurs et civils, très peu doutent de la mission « civilisatrice » de la France. Pour eux, la domination de l’Algérie passe par la propagation du français et de l’école française.» (1997: 47). D’ailleurs, les autorités coloniales, selon les propos de T. Kh. Ibrahimi 6, avaient pris des mesures visant la déculturation et la désarabisation des Algériens avec comme objectif final l’assimilation et la francisation de ce peuple afin de le maintenir dans le giron de la Mère-Patrie. Autrement dit, le pouvoir colonial adoptait une politique de reniement et d’effacement de l’autochtone (le colonisé), sauf qu’une telle manœuvre avait aboutit à la déstabilisation de l’ordre socio- économique et social de la société algérienne. Et comme le note R. K. Bensalah « la politique de négation du colonisé se voit donc renforcée par l’annulation de l’école et de sa langue institutionnelle, l’Arabe qui aboutit à un appauvrissement culturel considérable sinon à la 7 déculturation organisée ». Dès les premières étapes de la colonisation de l’Algérie, les Français bâtissaient partout et très vite des écoles. D’ailleurs, c’est en Algérie, après sa départementalisation en 1848, que l’institution scolaire a pris un caractère particulier, parce qu’elle a été utilisée de façon systématique pour diffuser la doctrine coloniale française, telle qu’elle a été formulée par Jules Ferry « la mission civilisatrice de l’école française ». Car c’est la République française qui incarne la civilisation. Cette idée, très courante à l’époque de l’expansion coloniale, est cristallisée dans le discours de Jules Ferry à la Chambre des députés en 1885: « Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elle. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures . »8 Ainsi, la France définit son pouvoir absolu qui va jusqu’à inventer une responsabilité de porter les Lumières aux peuples indigènes. Au centre de ce « devoir d’humanité» 9, qu’on appellera ensuite « mission civilisatrice» de la France, l’on

6 Taleb Ibrahimi, K. (1995, 2ème édition, 1997). Les Algériens et leurs(s) langue(s), éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne . Alger : Les Editions El Hikma, p.60. 7 R. K. Bensalah cité in Taleb Ibrahimi, K. (1995, 2ème édition, 1997). Les Algériens et leurs(s) langue(s), éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne . Alger : Les Editions El Hikma, p.60. 8 Ferry J., Discours prononcé à la chambre des députés : le 28 juillet 1885, « Les Fondements de la politique coloniale ». 9 Ibid

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retrouve les principes de la République, « Liberté, Égalité, Fraternité», justifiant la colonisation. Ainsi, l’école, devait servir d’institution assimilatrice dans les colonies. En définitive, la démarche coloniale visait une assimilation culturelle en imposant le français contre les langues des colonisés (le berbère et l’arabe). De son côté, Khaoula Taleb Ibrahimi 10 souligne que la machine coloniale a, dès son arrivée en Algérie, entamé un travail de francisation au détriment de la langue arabe : « Dès les premières années de la colonisation, une entreprise de désarabisation et de francisation est menée en vue de parfaire la conquête du pays ». Et pour illustrer cette idée, elle reprend plus loin : " Le Français, en évinçant la langue arabe dans son propre territoire […]a conduit les Algériens à se réfugier dans l’oralité devenue leur mode d’expression dominant, seule forme de résistance à opposer à l’entreprise forcenée de désarabisation et de déscolarisation menée par les colonisateurs et dont la plus dramatique des conséquences a été de plonger ce peuple, héritier d’une culture prestigieuse et séculaire, dans la nuit coloniale de l’analphabétisme et de l’ignorance 11 ». D’ailleurs, un siècle après la conquête, la langue arabe est reléguée au statut de langue étrangère dans son propre territoire. Et même son usage est confiné dans la clandestinité. L’entreprise de désarabisation, selon la même auteure, se manifeste à travers la déformation des patronymes arabes, le remplacement des noms des localités et des villes par des noms français, et enfin, le vaste programme d’instruction des indigènes par l’introduction de l’école française à laquelle est confiée la mission d’asseoir la domination de la France perpétuellement. L’auteure renchérit : « A la désarabsation, va correspondre une entreprise forcenée de francisation, des mesures visant à imposer le français vont être mises en œuvre 12 ». Néanmoins, face à la politique de désarabisation des autorités françaises, la population algérienne a opposé un refus et a manifesté son attachement à ses valeurs et à sa langue. Pour preuve, il n’y a qu’à méditer l’exemple de l’attachement de l’Emir Abdelkader à l’Islam et à la langue arabe, car durant son règne, tous les documents officiels de l’Etat algérien d’alors, étaient rédigés en arabe littéraire, y compris les textes échangés entre l’Emir et les militaires français et ses correspondances avec les responsables étrangers, selon les propos de M. Emerit (cité dans K.T.Ibrahimi, 1997, p.176).

10 Taleb Ibrahimi, K. (1995, 2ème édition, 1997). Les Algériens et leurs(s) langue(s), éléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne . Alger : Les Editions El Hikma, p.36. 11 Ibid., p.35.

12 Ibidem.

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De ce qui précède, le pouvoir colonial semble déterminé à généraliser la langue française par le biais de l’école afin de garantir sa main mise sur le pays. Dans le même ordre d’idées Dahmane 13 (2009 ) écrit : « Les autorités coloniales œuvraient, depuis le début de l’invasion, à l’effacement de la langue arabe au profit de la langue française conformément à l’adage "telle est la langue du roi, telle est celle du pays". Notons qu’avant l’occupation française, les institutions scolaires étaient nombreuses à travers tout le territoire national. Et le niveau d’instruction est comparable à celui des départements français de l’époque même si, l’enseignement algérien fut financé par le dit « habous » (les fonds religieux qui constituaient la source principale des revenus pour les institutions religieuses, y compris les écoles ). En adoptant une politique de « substitution», l’administration coloniale procède par étapes; pour faire disparaître les traces de la langue arabe, elle s’efforce tout d’abord de contrôler les institutions de l’enseignement. Dans une seconde étape, l’on décide de s’attaquer à l’enseignement de la langue arabe qui demeurait hors contrôle. La première mesure radicale vise, en 1843, à spolier les biens communautaires, source principale de financement, des écoles et mosquées. En même moment, les contenus, proposés par l’école coloniale, visent l’ascension exclusive de la langue française. En 1843, lorsque l’État s’appropria des biens habous, on a décrété le déclin du système éducatif algérien. De leur côté, les officiers coloniaux refusèrent de subventionner les écoles et les mosquées et d’assurer les postes pour le nombre suffisant d’enseignants. D’ailleurs, le manque d’enseignants musulmans fut comblé par des Français qui enseignaient dans beaucoup d’écoles - même dans les écoles « madrasa » .14 En outre, les programmes scolaires furent élaborés en langue française, l’arabe ne fut guère enseigné. Plus tard, une minorité indigène, composée particulièrement par des musulmans privilégiés, a été scolarisée. Et pour mieux maîtriser l’amenuisement de la langue arabe, d’autres moyens sont employés pour rétrécir son corollaire, en l’occurrence, l’Islam. Nous pouvons constater, à présent, que ce n’est qu’à la faveur de l’affaiblissement de la résistance et de la dislocation du tissu social algérien que la langue française parvient à pénétrer dans les foyers algériens et à s’imposer de la façon que l’on connait aujourd’hui. À partir de 1930, le français avait déjà envahit tous les secteurs. Bien sûr, l’école n’est pas le seul moyen par lequel la langue a pris place dans la vie des habitants. Cela permet de déduire

13 Dahmane, H. ( 2009). L'aventure de la langue française en Algérie, N° 09 –. 14 Le terme madrasa désigne un établissement d’enseignement secondaire et supérieur soumis au pouvoir religieux, dans les pays de confession musulmane. Le dictionnaire Mediadico. Accessible sur le site : . Consulté le27 décembre 2017.

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qu’il y a deux mouvements qui ont permis l’installation du français en Algérie. D’un côté, les efforts consentis par la machine coloniale qui a décidé de généraliser le français ou un certain français au détriment de l’arabe. Et nous avons, d’un autre côté, l’engouement vers la langue française pour des raisons socio- économiques car bien communiquer en français permettait d’exercer un travail pour gagner sa vie. Sachant que l’Algérien musulman était considéré comme un citoyen français de pacotille – pas même de seconde zone – qui habitait un département français connu et reconnu et qui ne jouissait d’aucune considération et d’aucun droit surtout. Notons tout de même que dès le début de la colonisation, le pouvoir français envisage une sédentarisation de longue durée. Pour ce faire, il comptait entreprendre la francisation du pays. Après une conquête du territoire réalisée dans le sang, l'administration coloniale en place, l'accompagna d'une assimilation culturelle des indigènes qui constitue en soi, le parachèvement de la mission « civilisatrice » du peuple algérien dont on veut irrémédiablement dompter la résistance en faisant promulguer le code de l’Indigénat en 1881, où le peuple, de seconde zone, est totalement exclu de la vie économique et politique, de surcroît . 2. L’Ecole algérienne : De l’algérianisation des contenus à la mise en place du fondamental en passant par l’arabisation vers une école réformée

Au lendemain de sa libération, l’ancienne colonie qu’était l’Algérie, doit faire face à de nombreux dilemmes. En urgence, il fallait tout d’abord remédier à l’anarchie dans laquelle se trouvait la situation économique, héritée du départ massif et précipité des Européens qui représentaient alors la majorité des cadres en poste en Algérie. Il faut trancher les questions concernant la future orientation économique, sociale et culturelle du pays en s’efforçant de se faire une nouvelle virginité et une légitimité en tant qu’un État indépendant. Pour le pouvoir de l’époque, c’est le discours sur la politique linguistique qui représente un vrai symbole de la légitimité. En plus d’une insuffisance drastique en matière de scolarisation à tous les niveaux, le jeune Etat algérien se trouvait face à une pénurie en matière d’enseignants ce qui, d’ailleurs, le contraint à recouvrir à des palliatifs. Déjà pour remplacer les nombreux enseignants, qui dès juillet 1962 avaient quitté l’Algérie, et rendre possible la réouverture des écoles et cela dès octobre de la même année, les autorités ont mis en place une politique de coopération avec la France. Selon les propos de J. Rocherieux « « le 3 juillet 1962, l’Algérie indépendante ferme, dans la joie, la douloureuse « parenthèse » de la colonisation. Tout reste à faire : sortir de l’état colonial, de cette économie extravertie conçue uniquement par

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rapport à la métropole et en fonction du million d’Européens qui y vivent, bâtir un État, ou, pour reprendre l’heureuse expression de Benjamin Stora, « inventer » une Algérie qui, tant 15 géographiquement que culturellement, ne semble s’imposer que dans les esprits. » Le gouvernement est donc confronté à question épineuse liée au statut des langues : quelle langue faut-il privilégier ? Quel statut assigné aux autres langues présentes ? Pour ce faire, les dirigeants algériens proclament l’épuration linguistique d’une Algérie « authentique » fondée sur l’arabe classique et dépouillée de toute évocation identitaire autre que l’arabo-islamité. D’ailleurs, l’arabe classique jouit d’une légitimité sacrée que lui confère le statut d’être « la langue du Coran ». En effet, cette orientation monolingue a fait de la politique d’arabisation le socle commun de tous les systèmes éducatifs issus de l’après- guerre. De toute évidence, le français est neutralisé comme l’ennemi à abattre. Il est non seulement rejeté comme langue héritée de la colonisation de cent trente deux ans, pire encore, l’on renie tout lien référentiel. Cette stratégie politique est considérée comme l’amorce d’un processus de décolonisation. Un processus qui pose parallèlement le principe de la reconquête d’une identité nationale arabe et musulmane offusquée pendant près d’un siècle. Dans aucun pays arabe, la langue arabe – langue officielle– ne suscite et déchaîne autant de passions qu’en Algérie. Elle est constamment sujette à des tensions politiques et à des disputes idéologiques extrêmes. En effet, l’Algérie contemporaine est rangée par les crises idéologiques qui divisent l’élite nationale en deux camps : celui représenté par les tenants de l’arabisme et le conservatisme, et celui des partisans d’une Algérie musulmane mais résolument ouverte sur le monde moderne. Historiquement, le discours officiel du pouvoir, de 1962 à nos jours; d’inspiration nationaliste, a conçu la question linguistique et culturelle dans le prolongement des idées et revendications soulevées depuis les fondateurs du Mouvement nationaliste algérien, à savoir, l’appartenance et l’ancrage irréversible de l’Algérie à la nation (arabo-islamique). En effet, la première constitution a consacré la langue arabe comme seule langue nationale et officielle et l’islam comme unique religion de l’Etat algérien. Cependant, au nom de la cohésion nationale, ce même pouvoir s’est servi de la langue du coran puis de l’islam afin d’asseoir sa stratégie linguistique et culturelle bâtie sur le reniement pure et simple la réalité plurilingue et pluriculturelle de l’Algérie. Ainsi, le pouvoir algérien a décidé d’adopter la règle de

15 Rocherieux Julien. « L'évolution de l'Algérie depuis l'indépendance », Sud/Nord , vol. n o 14, no. 1, 2001, pp. 27-50

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« l’unicité » comme devise-phare de son idéologie : « parti unique (le FLN) », « langue unique (la langue arabe) » et « culture unique (l’arabo-islamisme) ». D’ailleurs, dès les premières années de l’indépendance, le pays s’incruste dans la doctrine « arabo-islamique» 16 , érige la langue arabe et l’islam comme « constantes nationales », désavoue l’identité berbère et la dilue dans le folklore populaire de même pour l’arabe dialectal, et déclasse sur le plan institutionnel la langue française. Ce faisant, le musellement de la diversité et la richesse de tout un peuple, renseigne suffisamment sur la nature despotique et tyrannique du pouvoir en place. En 1976, l’Algérie se dote d’une charte nationale, d’une constitution nationale, sources suprêmes et expressions des grandes orientations du modèle de développement algérien. Les textes de la Charte nationale développent à leur tour, les principes directeurs du système d’organisation à la fois politique social et culturel. Ainsi, ils définissent clairement la nature des rapports entre les deux langues. Il ne s’agit nullement de choisir entre l’arabe et le français. Le problème du choix ne se pose aucunement. Toutefois, il est admis officiellement que le français a en Algérie un statut spécifique : « Le français sera utilisé comme une langue étrangère occupant un statut spécifique en fonction des considérations historiques bien 17 connues ». Guidés par les œillères idéologiques, les tenants du pouvoir de l’Algérie indépendante, s’interdisaient toute allusion à une quelconque diversité linguistique et culturelle car ils jugent cela comme étant une atteinte à l’unité nationale. Ainsi, une politique linguistique fut instaurée selon une vision qui stipulait que seule la langue arabe est « langue nationale et officielle » et aucune autre ne peut bénéficier de ce statut, ni le français, ni même pas les langues maternelles parlées très largement en Algérie (le berbère et l’arabe dialectal). En ce qui concerne l’enseignement du français en Algérie, après l’indépendance, notons qu’il a connu plusieurs moments. Ce faisant, la première étape s’étalant de 1963 à 1976, où l’enseignement constituait un prolongement du système éducatif colonial. Le français était la langue principale d’enseignement pour toutes les matières, l’arabe littéraire était considéré comme langue étrangère et ce jusqu’en 1971. L’objectif des politiques linguistiques menées, en ce moment, était d’algérianiser et d’arabiser les contenus et les programmes déjà existants. Algérianiser, dans l’ambiance dominante à

16 Le Président Ben Bella déclare dans son premier discours en 1962 : « Nous somme Arabes, arabes, arabes ». 17 Discours Présidentiel d’ouverture de la première conférence de la jeunesse, El Moudjahid, 21 mai 1975, p3.

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l’époque, passait chez les décideurs, par l’arabisation alors que cette vision ne faisait pas forcément consensus. Le pouvoir algérien a décidé d’adopter une politique dite d’arabisation. C’est-à-dire que l’arabe devient la seule langue officielle dans le pays. Pourquoi l’arabe ? Non seulement cette langue sert-elle d’un moyen d’une expression légitime, mais elle constitue aussi l’un des éléments essentiels de l’identité nationale. Pour le peuple algérien dont la langue et la culture furent systématiquement bafouées par les régimes coloniaux, le renouveau de l’identité nationale véhiculée par l’arabe était une question de première importance. C’est au cours de cette période que vont être promulgués presque tous les textes régissant la politique d’arabisation de plusieurs secteurs de l’État, de l’administration et de l’école. Ainsi, La formule « arabisation » résume foncièrement l’essentiel de la « politique linguistique et culturelle » adoptée dans Algérie indépendante. De par, la confusion entretenue entre « langue » et « culture », cette politique linguistique a généré une véritable scission conflictuelle au sein de l’intelligentsia algérienne. L’ensemble des politiques d’arabisation s’inscrit dans la démarche de réappropriation identitaire entreprise par les autorités politiques de l’Algérie indépendante. Son premier président, Ahmed ben Bella, a posé dans son discours du 5 juillet 1963, le cadre dans lequel devait se définir l’identité algérienne: « Nous sommes des Arabes, des Arabes, dix millions d’Arabes [...] Il n’y a d’avenir dans ce pays que dans l’arabisme », de même que la constitution de 1962, dans son article 3, déclare que « l’arabe est la langue nationale et officielle». Durant la présidence de Houari Boumediene (1965-1978), l’arabe constitua l’option fondamentale de l’éducation nationale. Comme prévu, l’arabisation prend effet, exactement en 1964, en commençant par la première année primaire, ensuite, la deuxième année à partir de 1967. Au cours des années 1970, l’élite algérienne qui a pris les rênes du pouvoir voue un culte sacralisant pour l’arabe littéraire, au point de lancer une large politique d’arabisation, notamment en 1971 (année de l’arabisation par excellence), où l’arabisation des « troisième » et « quatrième » années du primaire, du tiers des sections ouvertes dans la première année du cycle moyen, du tiers des sections scientifiques au niveau de la première année du cycle secondaire, a été décrétée, les collèges et lycées arabisés ont vu le jour. Le français est considéré dorénavant comme langue étrangère, dont l’objectif d’enseignement est à visée technique et non culturelle. Les années 1980-1990, influencées par les impératifs de l’école fondamentale, l’ordonnance du 16 avril 1976, appliquée à partir de 1980, prônent la nécessité d’un enseignement en langue nationale à tous les niveaux d’éducation et de formation. Ce n’est qu’à la quatrième

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année primaire que le français est enseigné en tant que première langue étrangère, la deuxième langue étrangère (l’anglais) est assurée à partir de la huitième année, c’est-à-dire, la deuxième année de l’enseignement moyen. Sur l’ensemble des douze années constituant l’enseignement fondamental et secondaire, le français est enseigné durant neuf années. L’arabe est enseigné comme objet et moyen d’enseignement. Les années 1990-2004 ont connu de nombreuses réformes et réaménagement des manuels notamment en 1993, 1995 et 1998 qui sont les mêmes pour toutes les séries sur tout le territoire national. Au cycle moyen, il est question, pour l’enseignement du français, d’acquérir « un niveau-seuil linguistique », en introduisant la notion d’unité didactique, et en valorisant l’autonomie nécessaire à l’élève pour la poursuite de ses études secondaires et universitaires. A partir de 1999, les autorités ont marqué leur volonté de réformer le système éducatif, en instaurant des politiques linguistiques favorisant l’enseignement des langues étrangères en tant que support scientifique, technologique se rapportant à la culture mondiale. En 2004, le français est considéré comme première langue étrangère, il devait être enseigné dès la deuxième année primaire, mais, le début de l’enseignement du français a été repoussé d’une année. Actuellement l’enseignement de la langue française débute à la troisième année primaire.

L’arabisation ossature de la politique linguistique de l’Algérie 18 La politique de l’arabisation s’est concrétisée à travers un arsenal juridique sur la planification et l’aménagement linguistique dont le contenu idéologique et culturel fait preuve d’une occultation flagrante des réalités linguistiques et sociolinguistiques du pays. La standardisation de l’arabe classique comme langue, à statut suprême, a basculé une situation sociolinguistique totalement prédisposé au tamazight ou à l’arabe dialectal. Cela a créé les mêmes dysfonctionnements linguistiques et culturels que ceux engendrés par la puissance coloniale lors de l’institutionnalisation de la langue française comme langue officielle pour les indigènes. Ainsi, la planification linguistique en Algérie est édifiée sur un discours identitaire glorifiant le passé et l’histoire de la civilisation arabe ainsi que la dimension sacrée de la langue du Coran. En effet, l’une des mesures symboliques a été l’imposition rapide de la langue arabe comme langue d’enseignement dans le cycle primaire.

18 Nous puisons l’essentiel des faits et événements relatifs à l’arabisation des travaux de K. T. Ibrahimi notamment son ouvrage « Les Algériens et leur(s) langue(s), Eléments pour une approche sociolinguistique de la société algérienne ».

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Plus tard, la généralisation de l’enseignement en langue arabe des disciplines relevant des sciences humaines connaitra une courbe ascendante : d’abord, l’instruction civique et religieuse, l’histoire et la géographie, les lettres et la philosophie, puis les disciplines scientifiques autant dans le cycle primaire que secondaire. L’arabisation de l’enseignement supérieur connaitra aussi la même progression ; les filières dites de sciences humaines sont entièrement arabisées dès 1981 alors que l’arabisation des sciences fondamentales connait des flottements. Parallèlement à l’arabisation du secteur d’enseignement, les programmes sont algérianisés, orientés vers les spécificités culturelles nationales dans une perspective de survalorisation et d’assimilation des valeurs arabo- islamiques. L’arabisation ; définitions et ambitions En paraphrasant la signification proposée par Kh.T. Ibrahimi (1995), il ressort que le terme « arabiser » se traduit littéralement par » rendre arabe ce qui ne l’est pas ». Les Arabes ont pris coutume, depuis leur sortie de la péninsule arabique au premier siècle hégirien, de qualifier les peuples qui sont entrés dans l’Islam de peuples « arabisés ». Donc, les pays du Maghreb appartiennent à cette catégorie. Le même terme dans son acceptation plus large désigne, en fait, la volonté de promouvoir la langue arabe, de la faire revenir aux lumières d’antan. L’arabisation devient alors un moyen d’affirmer l’identité arabe (la langue étant perçue comme l’attribut fondamental de la personnalité arabe, le trait définitoire de l’arabité). En d’autres termes, l’arabisation officielle consiste à exalter l’unité arabe par l’unité de la religion, de l’histoire, de la langue et du devenir. Nous allons reconnaître toutes les substances du concept « arabisation » dans la définition que l’Algérie en donne. Dans l’article (3) de la Constitution, il est noté que « la langue arabe est la langue nationale et officielle du pays » 19 . Cela dit, depuis 1962, l’Algérie inscrit son incorporation et son assimilation à l’aire civilisationnelle et culturelle qui est celle de la Nation Arabe et de la communauté musulmane, à savoir la restauration de la langue arabe et la proclamation de l’Islam comme religion du peuple et de l’Etat. En définitive, l’arabisation devient alors synonyme du parachèvement de l’indépendance, de la confirmation de la souveraineté nationale. En paraphrasant J. Rocherieux 20 , la révolution algérienne entendait réarabiser l’Algérie « dépersonnalisée par le colonialisme ». Dès l’indépendance, cette volonté d’arabisation consiste évidemment à tourner définitivement la page du colonialisme et de fonder une

19 Constitution de la République Algérienne Démocratique et Populaire, 1976 et 1989. 20 Ibid

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culture algérienne renouant avec l’identité authentique de la personnalité algérienne. Dès lors, l’Algérie refuse donc de s’associer au mouvement de la francophonie et engage un combat contre la perpétuation de la langue française. Par conséquent, cette politique d’arabisation durcit les oppositions entre élites arabophones et élites francophones. Ensuite, dans le domaine idéologique, la généralisation de la langue arabe permet d’augmenter l’influence des courants panarabistes et des courants de l’islamisme politique. La politique d’arabisation : Transition vers une école algérienne Dès le recouvrement de l’indépendance, et conformément à la plate forme du congrès de la soummam en 1956 , de la Charte de Tripoli de 1962 le jeune Etat Algérien semble être préoccupé par la volonté de reconquérir la culture nationale en décrétant la langue arabe langue nationale et officielle. Ce rétablissement n’est qu’une suite logique de tous les sacrifices consentis depuis la guerre d’indépendance et constitue le substrat essentiel sur lequel doivent s’instaurer la personnalité algérienne et confirmer son appartenance à la nation arabe. Durant les premières années de l’indépendance, des centaines d’enseignants français, égyptiens, syriens et irakiens ont soutenu l’effort énorme de scolarisation de l’Algérie. En effet, l’arabisation a consisté à introduire dans le système scolaire national la langue arabe comme langue d’enseignement dans les trois cycles (primaire, moyen et secondaire). En 1968, c’est la fonction publique qui prend le chemin d l’arabisation au même titre que l’arabisation de la justice et de l’état civil ; on a procédé aussi à l’ ouverture à la faculté de droit d’une filière en langue arabe en 1967. Par contre en 1971, les enseignements d’histoire et de philosophie dans les filières littéraires au lycée sont complètement arabisés. Le Président Boumediène déclarait en son temps : « L’enseignement, même s’il est d’un haut niveau, ne peut être réel que lorsqu’il est national, la formation fût-elle supérieure, demeure incomplète, si elle n’est pas acquise dans la langue du pays. Il peut même constituer un danger pour l’équilibre de la nation et l’épanouissement de sa personnalité. Il peut également engendrer des déviations qui risquent d’entraver une saine et valable orientation. »21 . Depuis ce moment, la langue arabe entre en concurrence et en conflit sans merci avec la langue française. Cependant, pour réaliser un tel défi, l’enjeu est loin d’être une sinécure car la langue française est profondément enracinée dans la pratique quotidienne des algériens. Ainsi, en plus des traces du passé d’appartenance à la langue française restaient gravées dans la mémoire collective.

21 BENRABAH Mohamed, Langue et pouvoir en Algérie. Histoire d’un traumatisme linguistique , Paris, Séguier, 1999, p.102.

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En 1965, à la suite du coup d’État, Houari Boumédienne prend le pouvoir en Algérie. Sous son règne, l’enseignement informel de berbère à l’université est toléré pendant quelques années. Mais cela ne change pas le statut du berbère, perçu toujours comme une langue de désunion, voire du séparatisme. En fait, Boumédienne ne prête pas l’attention à la question berbère, l’objectif de sa politique linguistique étant d’assurer la domination de la langue arabe. Il atteint cet objectif par l’intermédiaire des principaux textes de loi qu’il promulgue. Parmi ces textes, on peut citer l’ordonnance 68/92 du 26 avril 1968 obligeant les fonctionnaires et assimilés à connaître la langue arabe, ordonnance 73/55 du 1 er octobre 1973, portant l’arabisation des sceaux nationaux et la Constitution 22 de 1976. 23 La nouvelle Constitution déclare que « l’arabe est la langue nationale et officielle » et que « l’État œuvre à généraliser l’utilisation de la langue nationale au plan officiel » . Bien que ces textes soient évidemment destinés à supprimer l’usage de la langue française, ils contribuent en même temps considérablement à nier l’existence légale du berbère. Malgré la reconnaissance de l’origine berbère de la population algérienne, la culture de ce peuple est qualifiée d’être 24 arabe.

L’Ecole Fondamentale algérienne : doctrine et buts L’algérianisation des postes touchait l’enseignement élémentaire en 1977 alors qu’à la rentrée 1981-1982, elle atteignait 92,74% dans l’enseignement moyen. Les enseignants, acteurs de formation , ont aussi bénéficié d’un programme de réforme avec la création des Instituts de Technologie de l’Éducation 1973-1977 ayant pour mission la formation initiale des enseignants . Le système éducatif algérien fondé, dès le début, sur le retour aux sources de la culture originelle et une ouverture aux valeurs d’une éducation socialiste s’est engagé dans la réalisation de trois options fondamentales : scientifique, nationale et révolutionnaire exprimées par la réorientation des programmes d’histoire et de géographie pour la connaissance du milieu local et des valeurs traditionnelles de la civilisation arabo- maghrébine. L’innovation consistait donc à adopter l’algérianisation et l’arabisation décidée à partir de 1972 25 . Une décision pareille exigeant « [ la ] récupération totale de la langue

22 Le texte intégral de la Constitution est accessible sur le site : . Consulté le 22 décembre 2016. 23 Haddadou, Mohand-Akli : L’État algérien face à la revendication berbère : de la répression aux concessions. In : Glottopol. Revue sociolinguistique en ligne, n° 1, janvier 2003, pp. 131-138. 24 Ibid. 25 Le français s’y est vu conférer le statut de langue étrangère ou encore de langue seconde.

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nationale et sa nécessaire adaptation à tous les besoins de la société [n’exclut] pas un ferme encouragement à l’acquisition des langues étrangères »26 . Il convient de signaler que l’enseignement du français a été défini comme « moyen d’ouverture sur le monde [devant] permettre à la fois l’accès à une documentation scientifique d’une part mais aussi le développement des échanges entre les civilisations et la compréhension mutuelle entre les peuple s »27 . Étant basé sur une arabisation intégrale, l’Enseignement Fondamental traduisait l’intérêt politique que portent les plus hautes institutions nationales à l’Enseignement et à l’Éducation. Dans l’Enseignement Fondamental, la scolarisation est obligatoire ; elle s’étend de 6 à 16 ans. Cette durée de neuf années a pour objet : 1. « De donner une culture scientifique et technique à la fois concrète et d’un haut niveau. 2. D’initier aux lois régissant les processus de la production matérielle et les mécanismes qui déterminent les rapports sociaux. 3. D’assurer la liaison entre les connaissances scientifiques et leurs prolongements technologique s et pratiques, entre la théorie et la pratique, la réflexion et l’action. 4. De jeter les bases générales de la motivation professionnelle à travers une éducation qui prépare à la vie active »28 . S’agissant des principes d’ enseignement, il y en a deux : l’obligation et la gratuité que déclarent les Droits de l’Homme dans l’article 26 de sa charte annonçant que « Tout individu a le droit à l’enseignement gratuit au moins dans ses phases élémentaire et fondamentale »29 . 1980-1981: Impulsion de l’arabisation Le Printemps Berbère Cette année va connaître le début des troubles en Kabylie et à Alger (Avril- Mai 1980) plus connu sous le nom de « Printemps Berbère » mouvement pour la reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique du Pays, mouvement qui fut brutalement réprimé par les autorités, ce qui amène le Président Chadi à intervenir, personnellement, sur la question dans son discours au Séminaire Régional de Tizi- Ouzou sur la Planification : « Nous avons parlé de la place de la langue nationale et de la nécessité de lui redonner la place qui lui revient dans un Etat Algérien, arabe et islamique, mais il ne peut être question de s’interroger sur notre identité. Nous sommes des Algériens, notre langue est l’arabe, notre

26 Front de Libération Nationale)., (1976) « Les grands axes de l’édification du socialisme -l’éducation » in Charte Nationale , Le Front, p.66. 27 A. SEDDIKI, « Quelles actions audio-visuelles pour le français précoce en Algérie ? », sur le site http : //www.bibliotheque.refer.org/livre244/l24427.pdf, consulté le 15/02/2016. 28 Ministère de l’Éducation Nationale (1995), Bulletin Officiel , numéro spécial, Alger, p.44. 29 Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement de la République Algérienne (1982), L’Éducation n° 2, Alger, p.12.

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religion est l’Islam. Nous avons un patrimoine culturel populaire qui est un acquis de tout le peuple algérien dans le sens le plus profond, et qui s’est cristallisé grâce à la civilisation arabo-islamique. Les choses doivent être claires en ce qui concerne le patrimoine populaire. Il est un acquis national historique du peuple algérien tout entier et ne se limite pas à une 30 partie ou à un groupe ». L’application des résolutions du 4e Congrès du FLN (1979) provoque des troubles (Tizi- Ouzou et Alger en avril et mai 1980) liés à la revendication berbère sur la reconnaissance officielle de la culture et de la langue amazigh comme éléments constitutifs de l’identité algérienne. La répression du mouvement « Le printemps berbère » oblige le président Chadli à reconnaître l’existence d’un « patrimoine culturel populaire qui est un acquis de tout le peuple algérien ». Parallèlement, la politique d’arabisation connaît une intensification : création d’un Haut-Conseil de la langue nationale sous l’autorité du parti FLN ; arabisation totale des filières sociales dans toutes les structures de l’enseignement supérieur. LA REFORME EDUCATIVE ENGAGEE EN 2003 En évoquant l’enseignement du français en Algérie, il faut au préalable mentionner la réforme globale de l’éducation, mise en place en 2000. Cette année-là, on a établi la Commission nationale de la réforme du système éducatif (CNRSE), plus connue sous le nom de Commission Benzaghou (issu du nom de son président). Cette institution, composée « de pédagogues et de représentants de différents secteurs d’activités ou de la société civile » 31 , était chargée de toutes les activités liées à l’enseignement (organisation des structures éducatives, statut des enseignants etc.). La réforme de l’éducation constitue un grand progrès justement dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères. Les mots du président Bouteflika montrent qu’il est conscient de l’importance de la question de l’apprentissage des langues étrangères, parmi lesquelles le français a un statut privilégié. Il affirme que « la maîtrise des langues étrangères est devenue incontournable » et qu’il faut que les élèves apprennent « une ou deux langues de grande diffusion [...] » 32 . La mise en œuvre de la réforme n’a rien changé sur le statut privilégié du français qui demeurait la première langue étrangère. Depuis la rentrée 2003-2004, l’enseignement du français débutait en deuxième année (il était donc avancé de deux années). La langue

30 Discours du Président Chadli Benchedid prononcé suite aux événements du Printemps Berbère en 1980. 31 Ferhani, Fatiha Fatma : Algérie, l’enseignement du français à la lumière de la réforme . Le Français aujourd’hui 2006/3, n° 154, pp. 11-18. 32 Palais des Nations, Alger, samedi 13 mai 2000. Site Web de la présidence de la République : . Cité par Fatiha Fatma Ferhani.

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française est enseignée trois heures par semaine. L’année scolaire suivante, ce volume a augmenté vers quatre heures par semaine pour atteindre finalement cinq heures hebdomadaires d’apprentissage jusqu’à la fin du collège. L’augmentation des heures destinées à l’apprentissage du français est certes un changement considérable. Nous dirons toutefois avec F. F. Ferhani que « ce n’est pas tant le fait que l’on enseigne plus ou moins d’heures de français que celui de les enseigner plus tôt qui fera la différence. » 33 En fait, il est déjà prouvé que l’apprentissage d’une langue à un âge précoce est un facteur qui contribue largement à sa bonne maîtrise. Le fait que le français soit enseigné dès la deuxième année constitue donc, à notre avis, un véritable avantage pour ceux qui l’apprennent. Un autre facteur qui aide à l’amélioration de la maîtrise de la langue française à l’école est l’introduction des nouvelles applications didactiques et pédagogiques, parmi lesquelles la réhabilitation de l’oral notamment. Pour pallier ces insuffisances, une Commission Nationale de la Réforme du Système éducatif a été installée officiellement le samedi 13 mai 2000 par le président A. Bouteflika (une année après son arrivée à la tête du Pouvoir, le 15 avril 1999). Dans une allocution présentée à l’occasion de l’installation officielle de la CNRSE, le président A. Bouteflika a qualifié la réforme du système éducatif de « nouveau grand chantier de dimension nationale », exhortant la commission à mettre en œuvre une refonte totale du système : « La refonte du système éducatif […] devra être profonde et complète, c’est-à-dire qu’elle concernera tous les paliers et modes d’enseignement et de formation ainsi que la recherche scientifique. […] Elle devra comporter les éléments constitutifs d’une politique éducative totalement rénovée. […] Elle devra concilier le savoir et le savoir-faire. Professionnellement. Scientifiquement. Techniquement. Technologiquement. Le système éducatif est un tout. C’est un processus continu qui s’amorce avec l’éducation de l’enfance, commence dans l’enseignement primaire, se prolonge dans l’enseignement secondaire, se développe dans l’enseignement supérieur et se poursuit tout au long de la vie professionnelle » (Bouteflika, 2000). Les membres qui œuvrent au sein de cette commission – qui a eu le mérite de regrouper dans un même lieu et en une même date l’essentiel des sensibilités politiques du pays et dont les travaux ont duré plus d’une année – sont pour la plupart des compétences avérées, des cadres, des personnalités éminentes du secteur éducatif, des universitaires, des professeurs, des

33 Ibid., p. 13.

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linguistes, des pédagogues, des didacticiens, des praticiens de l’éducation, des inspecteurs de l’éducation, des sociologues et ont été désignés par décret présidentiel, eu égard à leur compétence, leur expérience et l’intérêt qu’ils portent au système éducatif. En synthétisant les propos de Khédidja Mokaddem 34 cette commission concerne le système éducatif en général et se penche plus particulièrement sur l’état des lieux de l’enseignement des langues étrangères et la place à accorder à cet apprentissage. Dans ce grand chantier, l’Algérie essaie de mettre sur pieds un système scolaire de qualité assurant une grande ouverture aux langues étrangères et l’introduction de la langue française en deuxième année primaire. L’école algérienne est désormais contrainte à se ranger sur les normes mondiales en termes de fonctionnement et de rentabilité aussi bien sur la qualité des apprentissages que sur des profils élèves. Dans un monde qui connaît de profondes mutations touchant à l’organisation sociale, à la structure de la connaissance, aux moyens de communication, aux méthodes de travail, aux moyens de production…, une école moderne, résolument tournée vers l’avenir est une école capable de s’adapter au mouvement universel de progrès en intégrant les changements induits par l’avènement de la société de l’information et de la communication et la révolution scientifique et technologique, qui vont modifier les nouvelles conditions de travail et même les relations d’enseignement, et de s’ouvrir sur le monde en termes de rapports culturels et d’échanges humains avec les autres nations . La réforme du système éducatif algérien, mise en place en 2003, grâce à un programme d’appui de l’UNESCO, est à l’origine d’un processus de refonte pédagogique des contenus notionnels et des méthodes pédagogiques, du préscolaire à la terminale de lycée, D’un ancien référentiel inspiré de la Pédagogie Par Objectifs (PPO), nous sommes actuellement en présence de curricula axés sur l’Approche par compétences (APC). Ceci nous amène à nous interroger sur un certain nombre de principes que sous-tend cette réforme. Au plan méthodologique, le référentiel général des programmes met l’accent sur l’approche par compétences. Nous lisons à la page 17 de ce document officiel : « L’approche par compétences traduit le souci de privilégier une logique d’apprentissage centrée sur l’élève, sur ses actions et réactions face à des situations-problèmes, par rapport à une logique d’enseignement basée sur les savoirs et sur les connaissances à faire acquérir. Dans cette approche l’élève est entraîné à agir (chercher l’information, organiser, analyser des situations, élaborer des hypothèses, évaluer des solutions,…) en fonction de situations-

34 K. MOKADDEM, « A propos du « chantier » de la réforme du système éducatif algérien », RESOLANG N° 3, 2009.

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problèmes choisies comme étant des situations de vie susceptibles de se présenter à lui avec une certaine fréquence ». La refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires a engendré à une véritable métamorphose du système en place. Tous les programmes scolaires ainsi que les supports pédagogiques, et notamment les livres de référence ont été changés. La méthodologie qui était au préalable basée sur l’approche par objectifs est abandonnée au profit de l’approche par compétences qui vise, d’après les responsables (MEN 2003), à développer chez l’apprenant les compétences qui lui seront utiles dans la vie quotidienne. C’est une pédagogie, ajoutent- ils, qui favorise des comportements responsables chez l’apprenant par l’acquisition de savoir (maîtrise des structures grammaticales, orthographiques, phonologiques : identifier les mots clés, ordre des mots, trouver une définition….), de savoir-faire (communiquer oralement et par écrit : lire la phrase-clé et le mot-clé ; reconstituer la phrase-clé ; construire oralement des phrases sur le modèle de la phrase-clé et les lire ; -substituer des mots de la phrase-clé ; lire les nouvelles phrases...) et de savoir-être pour résoudre des problèmes de la vie courante ( agir en citoyen responsable , faire preuve d’esprit critique, vivre les valeurs sociales et culturelles, utiliser des stratégies de travail efficace, se montrer responsable, tenir compte de l’avis des autres ; être tolérant ; être coopératif…). De plus, il est prévu l’élaboration d’un programme national de développement de l’utilisation des nouvelles technologies éducatives, de mettre en œuvre un programme de formation au profit de l’ensemble des enseignants à ces technologies et de doter progressivement tous les établissements scolaires d’outils d’informatiques et de connexions aux réseaux Intranet et Internet. 3. Les langues en présence dans le contexte algérien et leurs champs d’utilisation Partout dans le monde, les langues sont officielles et/ou nationales, ou bien dialectales et étrangères. Le panorama linguistique algérien, quant à lui, se caractérise par la coexistence d’une variété langagière découlant de son histoire et de sa géographie. En fait, le plurilinguisme, en contexte algérien, s’organise autour de trois sphères langagières constituées de l’arabe, du berbère et des langues étrangères. En l’état actuel des choses, deux langues sont reconnues comme étant langues nationales et officielles. L’arabe qui se subdivise en deux variétés, standard (AS) et l’arabe dialectal. Le berbère 35 qui se compose de trois géolectes : le Tamazight, parlé et enseignée dans les régions

35 La langue Berbère est proclamée comme deuxième langue nationale à côté de l’arabe, loi 02-03 du 10avril 2002 (Article 1er, il est ajouté un article 3 bis ainsi conçu : « Art. 3 bis : Le tamazight est également langue

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de la basse et haute Kabylie (Tizi Ouzou, Bouira, Bejaia…), le Chaoui, langue employée dans la région des Aurès (Batna, Khenchla, ..), le Mozabit, langue usitée dans le sud du pays (Ghardaia, Metlili, Goléa, etc.) et le Touareg limité aux régions de l’extrême sud du pays (Illizi, Tamanrasset…). Deux autres langues caractérisent le paysage linguistique algérien, le français première langue étrangère et l’anglais deuxième langue étrangère. Dans la pratique de tous les jours, l’arabe dialectal algérien ( ad -dãrija )36 , langue maternelle d’une grande partie d’algériens, demeure la langue la plus répandue parmi les locuteurs algériens. Il s’agit d’un métissage langagier, composé d’une diversité de langues et de dialectes à savoir arabe, berbère, français et anglais, qui sert de moyen de communication. En fait, ce dialecte, de création algérienne, est qualifié d’ « une langue patch-work, ni arabe, ni berbère ni français, devenue celle d’une large frange de jeunes algériens », selon les propos de K. Taleb-Ibrahimi, (1998 : 228). Cette langue véhicule une culture riche et variée. De surcroît, les parlers algériens symbolisent et témoignent d’une résistance face à l’uniformisme que prône le pouvoir en place à leur égard. Dans cette situation sociolinguistique complexe, on assiste dans la pratique à l’utilisation concurrente de quatre langues : • l’Arabe classique (littéral), • l’Arabe dialectal, qui n’est pas éloigné de l’arabe classique mais il n’en est pour le moins pas une langue autonome. Il est, comme son nom l’indique, un dialecte (employé dans une grande partie du pays mais exclu de l’enseignement), • le Berbère dans ses diverses variétés, • le Français.

La diversité linguistique est bien présente dans la société algérienne : « Ceux qui connaissent l'Algérie savent qu'il existe dans cette société une configuration linguistique quadridimensionnelle, se composant fondamentalement de l’arabe algérien, la langue de la majorité, de l'arabe classique ou conventionnel, pour l'usage de l'officialité, de la langue française pour l'enseignement scientifique, le savoir et la rationalité et de la langue amazighe, plus communément connue sous l'appellation de langue berbère, pour l'usage naturel d'une grande partie de la population confinée à une quasi clandestinité (...) les frontières entre ces différentes langues ne sont ni géographiquement ni linguistiquement

nationale. L'État œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national.»

36 La « ad -dãrija » est un terme qui recouvre les dialectes, résultant d’une interférence linguistique entre les langues locales ou voisines. (Wikipédia).

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établies »37 . Toutefois, en termes de dominance, on retrouve l’arabe classique, l’arabe algérien et le Français. La langue du colonisateur est toujours utilisée, et n’est pas considérée comme une langue étrangère mais comme une langue seconde qui trouve sa place même dans le dialecte algérien actuel en s’y interférant, donnant naissance à « un arabe algérien conjugué au Français » 38 . Cependant, le dialecte algérien ne se limite pas à ce mélange avec la langue française. Il s’est imprégné, bien avant la colonisation française, des différentes langues de colonisation (essentiellement l’espagnol, le turc et l’arabe) et celles des rapports commerciaux. Nous pouvons même dire que le dialecte algérien est le meilleur reflet de l’identité algérienne. De ce qui précède, nous estimons que le champ linguistique en Algérie est constitué d’un groupe de langues et dialectes. Selon Asselah-Rahal39 (2000), « dans le contexte algérien, il y a trois langues avec des variétés différentes qui sont en contact à savoir : l’arabe, le berbère et le français. ». Le statut de chacune de ces langues est l’objet de controverses et de polémiques en raison des rapports que ces langues entretiennent avec les domaines socio- politiques en Algérie. Langue arabe classique (littérale), langue officielle La langue arabe fait partie de la famille des langues chamito-sémitiques qui couvrent une partie de l’Afrique et une partie de l’Asie. C'est-à-dire, sur une situation géographique qui s’étend vers le sud « du Maghreb au Nigéria, une partie du Cameroun, l’Ethiopie, l’Erythrée et la Somalie » et vers le Nord Est, c'est-à-dire de « Malte, tout le Proche Orient jusqu’aux frontières de l’Iran », selon les travaux de Al-Samarai 40 (1983). Dans le contexte de l’Algérie indépendante, l’Arabe classique jouit d’un certain prestige du fait qu’elle est la langue de l’Islam, la langue du coran. « C’est cette variété choisie par Allah pour s’adresser à ses fidèles »41 . Elle est détentrice, selon certains religieux, d’une sorte de « légitimité divine ». « La langue arabe est une langue sacrée pour les Algériens puisque c’est la langue du Texte, 42 c’est-à-dire du texte coranique ».

37 SEBAA, Rabeh, « Culture etplurilinguisme en Algérie », In TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 13,2002. http://www.inst.at/trans/13Nr/sebaa13.htm.

38 Idem 39 ASSELAH-RAHAL, S. (2001) : «Le français en Algérie, Mythe ou réalité? », communication proposée lors du IXème sommet de la francophonie, " Ethique et nouvelles technologies: l'appropriation des savoirs en question », 25 et 26 Septembre. Beyrouth. 40 AL-SAMARAI A., (1983), L’évolution de la langue historique, Beyrouth, Maison Andalousie, p. 65-80.

41 K.T.IBRAHIMI, Les algériens et leur(s) langue(s), EL Hikma, Alger, 1995, p.5. 42 BOUDJEDRA.R., Le FIS de la haine, Editions Denoël 1992/1994, pp.28-29

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Considéré comme un pays arabo-musulman, l’Algérie a pour langue officielle l’arabe. Il est essentiellement utilisé dans l’enseignement, dans les administrations et dans les institutions de l’Etat en plus de sa fonction religieuse. C’est la d’abord la langue des lettrés et de la culture et dans des situations de communication formelles. Essentiellement écrite, elle est aussi apprise à l’école, sans qu’elle soit pratiquée par aucune des communautés linguistiques qui composent la société algérienne. A ce sujet, G. Grandguillaume affirme que: « Sans référence culturelle propre, cette langue est aussi sans communauté. Elle n’est la langue parlée de personne dans la réalité de la vie quotidienne (…) derrière cette langue « nationale», il n’y a pas de « communauté nationale » dont elle serait la langue tout court, dont elle serait bien sûr la langue maternelle» 43 . Cette langue n’est utilisée par les Algériens à l’occasion de situations formelles (école, administration, tribunal,…) et elle n’a aucune existence dans la sphère informelle (conversation entre amis, en famille, ans la rue…). La langue Arabe dispose de trois niveaux: l'arabe classique et l'arabe dialectal. " L’arabe classique " était la langue de quelques tribus nomades de la péninsule arabique. Il n’était pas uniquement utilisé comme langue quotidienne des anciens mais aussi comme support dans la littérature sous toutes ses formes. Aujourd’hui la langue arabe (classique ou standard) est la langue officielle de 23 pays. Elle est principalement utilisée par plus de 377 millions de personnes en Afrique et en Asie. Notons que la langue arabe et l’Islam furent imposés aux Algériens, au VII ème siècle, par les Arabes qui ont été conduits par « uqba ’ibn n afa », lorsqu’ils conquirent le Maghreb, progressivement islamisées. Les conquérants musulmans parvinrent jusqu'au sud algérien. Cette invasion arabe modifia profondément la physionomie de l’Algérie du point de vue culturel. Celle-ci fut suivie par celles des tribus arabes orientales, bani hllal et ban i sulaym an au milieu du 9 ème siècle. Ces multiples invasions occasionnèrent la régression des dialectes berbères. D’autres dialectes ne durent que par l’intransigeance de certaines familles installées dans des montagnes inaccessibles. Après l’indépendance du pays, au nom de l’unité nationale, l’Etat algérien adopte l’arabe classique (ou littéraire) comme langue nationale et officielle, une variété de la langue arabe qui n’est utilisée ni maîtrisée par aucun algérien. Le peuple algérien se trouve sous l’impératif d’apprendre et d’utiliser, dans l’urgence, une langue autre que leur langue maternelle. Par un tel acte, les langues maternelles présentes dans le paysage linguistique national, étaient, à juste titre, vouées à la dévalorisation. On dirait que la leçon du maître est bien assimilée, le colonisateur avait imposé la langue française, parlée par très peu

43 G.GRANDGUILLAUME, Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Maisonneuve et Larousse, Paris, 1983, p.11.

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d’Algériens, comme langue officielle. Le jeune Etat indépendant, reproduit le même schéma que celui du maître. Ce faisant, les dirigeants de l’Etat algérien signent la dévalorisation des autres langues présentes dans le paysage linguistique national (le tamazight et l’arabe dialectal). D’ailleurs, la Constitution de 1963, fonde le choix de l'arabe classique comme seule langue nationale et officielle sur sa légitimité historique et religieuse. Dans le même ordre d’idées, Kahlouche (2007) souligne : " L'islam et la langue arabe ont été des forces de résistances efficaces contre la tentative de dépersonnalisation des Algériens menée par la régime colonial. L'Algérie se doit d'affirmer que la langue arabe est la langue nationale et officielle et qu'elle tient sa force spirituelle essentiellement de l'islam ." Langue arabe dialectale « ad- daridja » Pour cette variété d’arabe, nous retrouvons, dans la presse, des désignations du genre «langue maternelle», «langue vernaculaire», «langue parlée», «arabe vulgaire», «dialecte arabe», «al- ᶜāmiyya», «arabe courant», «ad-daridja». D’abord quelle est l’origine de cette variété dite dialectale? Souvent, cette variété est mise au pluriel et on a tendance de parler de «dialectes arabes». "L'arabe dialectal " résulte à la fois de la fragmentation de l'arabe du VII ème siècle ainsi que la fusion des parlers provenant des conquêtes militaires et des brassages de population des langues sud-arabiques, berbères, africaines, etc. Ces variétés dialectales sont, de nos jours, extrêmement nombreuses et persistent dans tout le monde arabe. Le dialectal est la langue parlée par tous les habitants d’un pays donné et peut comporter des variations régionales comme en Algérie. L’arabe dialectal a subi une grande modification morphosyntaxique en se débarrassant de plusieurs règles grammaticales de la langue classique. C'est donc une langue exclusivement parlée dont les variétés sont rarement incompréhensibles entre les arabophones. On distingue principalement l'arabe égyptien, marocain, algérien, irakien, palestinien, jordanien, etc. Mais la réalité linguistique arabe peut apparaître encore plus complexe. Par exemple, l'arabe parlé à Alger, la capitale de l’Algérie, est différent de celui d’Oran, la seconde ville du pays. Il existe donc des variétés dialectales différentes en usage selon les régions. Les dialectes qui varient d’un pays à un autre sont employés au quotidien entre les interlocuteurs. Ils ne sont pas utilisés dans les discours officiels. Après l’expansion de l’Islam (VIIe siècle) vers d’autres régions du monde, les populations conquises entraient en contact avec les Arabes pour différents besoins. Les rapports devenant quotidiens, « naquit une langue de relations que nous devons nous représenter très simple,

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d’après le modèle de la lingua franca, et d’autres langues de secours »44 .C’est cette variété dialectale, variée d’un pays conquis à un autre en raison des différences préexistantes des langues parlées par les autochtones ou en contact, qui forme la base des dialectes arabes actuels. Ces contacts avec des groupes sociolinguistiques étrangers: Persans, Indiens, Turcs, Nubiens, Abyssins, Berbères ou même Latins (en Espagne), etc.ont permis aux Arabes eux - mêmes de réaliser des variations dans leur propre langue. C’est ce qui peut expliquer les différences parfois très marquées entre différents dialectes arabes. L’histoire de l’Algérie nous apprend que cette pluralité traduit bien une évolution de la société algérienne à travers les différentes époques historiques et qui reflète proportionnellement le poids des différentes cultures développées sur ce territoire. En abordant la question de l’arabe dialectal en Algérie, Dabène estime que : « Parmi les questions que soulève la problématique linguistique et identitaire en Algérie, il y a celle qui touche à la dualité inhérente à la langue arabe. Il s’agit précisément de l’arabe dialectal, la langue maternelle d’une grande majorité de la population algérienne qui est arabophone. Le concept de langue maternelle est polysémique car ayant plusieurs interprétations possibles »45 . Il s’agit donc, dans le contexte algérien, du « parler courant » des gens, de la variété employée dans les situations informelles du quotidien, celle que les locuteurs utilisent dans leur vie de tous les jours. Cette variété – l’arabe dialectal, l’arabe algérien – plus communément connue en arabe sous les appellations adarija (langue courante) et amiya (langue populaire), est marquée tant par le sceau de la géographique et socioculturelle que par l’influence d’autres langues avec lesquelles elle a été, à un moment de l’histoire, en contact: le berbère, le turc, mais aussi le français. Rappelons que l’arabe algérien ne pose pas un problème identitaire chez ses usagers au même titre que la langue tamazight chez les berbérophones. D’ailleurs, les arabophones ne remettent pas en cause l’arabe littéral enseigné à l’école. Par ailleurs, comme le souligne F. Cheriguen 46 , il s’agit de «la langue de la majorité silencieuse» qui, paradoxalement, est associée par ses usagers à des vocables la désignant de façon plutôt péjorative.

44 FṺCK, Johann, ᶜArabiyya, Recherches sur l’histoire de la langue et du style arabe, Traduction française de C. Denizeau, Didier, Paris, 1955, p. 43.

45 DABENE, L. 1994. Repères sociolinguistiques pour l’enseignement des langues , Paris, Hachette. 46 CHERIGUEN, F. 1997. Politiques linguistiques en Algérie, Mots, les langages du politique n° 52, septembre, p.130.

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Au plan de la réflexion académique autour de la question de l’arabe dialectal, la polémique continue à propos de la manière de le promouvoir et la question de sa catégorisation comme «langue» ou non. De ce point de vue, le débat linguistique et identitaire sur la question se situe au carrefour d’une réflexion qui traite la question de l’arabe dialectal comme un fait linguistique et une pratique sociale vivante et attestée par une empreinte historique lointaine. Le maghribi dérive de l’évolution du punique, qui est lui-même une langue sémitique proche de l’arménien et de l’hébreu, au contact de la morphosyntaxe de la langue arabe. Pour mettre fin aux hésitations des Maghrébins quant à sa nomination aujourd’hui, A. Elimam lui donne par ce terme une dimension maghrébine 47 . L’arabe dialectal est ainsi reconnu et identifié en tant que langue à part entière, se démarquant de l’arabe littéral et qui, au demeurant, joue un rôle important dans la communication et dans la sauvegarde d’un riche patrimoine culturel qui continue à circuler oralement. On le retrouve dans diverses expressions culturelles (théâtre, poésie d’expression populaire, cinéma, chansons, contes populaires). Son identification et sa catégorisation comme langue distincte repose prioritairement sur des traits linguistiques internes qui le différencient de l’arabe littéral. Même dans les constitutions de l’Algérie indépendante, l’arabe dialectal est confondu avec l’arabe classique. D’ailleurs, les termes utilisés renvoient à un nom englobant 48 . L’arabe maternel est supposé englobé et la différence linguistique entre arabe dialectal et arabe littéral est d’un côté minimisée, voire même occultée, alors que d’un autre côté, l’arabe maternel est considéré comme défectueux, car le travail essentiel, scolaire en particulier, consiste à le corriger et à le ramener vers la langue prestigieuse. La finalité recherchée est d’aboutir à la généralisation de l’utilisation de l’arabe littéral dans la vie courante et, par là, l’unification linguistique de la société, en donnant à l’école une place privilégiée dans ce processus de métamorphose linguistique. De ce point de vue, le refus d’admettre cette variété en tant que langue nationale n’à aucun fondement linguistique mais relève plutôt de considérations historiques, idéologiques et politiques. L’arabe dialectal constitue par son usage quotidien en Algérie, selon les linguistes, la véritable langue de communication en Algérie. Elle est donc une langue véhiculaire. Malgré son statut dans la vie quotidienne des Algériens l’arabe dialectal avec toutes ses variantes n’a

47 ELIMAM, A. 1998. Langues en conflit: repères sociolinguistiques et glottopolitiques , pp. 259-279 in Algérie, années 90: politique du meurtre. Pour une lecture freudienne de la crise algérienne, La Lysimaque, Cahiers de lectures freudiennes n° 24, p.263. 48 CHERIGUEN, F. (dir.). 2007. Les enjeux de la nomination des langues dans l’Algérie contemporaine , Paris, L’Harmattan, p.124.

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aucun statut dans les textes officiels et cette variante n’est pas enseignée dans l’école algérienne pour plusieurs raisons :

• L’arabe dialectal se présente sous plusieurs variantes ; chaque variante est différente d’une région à une autre. • L’arabe dialectal ne dispose pas de règles grammaticales et lexicales décrites. En plus, son aspect essentiellement oral l’empêche de produire un savoir qui peut être reconnu par la communauté scientifique et d’être le support d’une littérature écrite approuvée et validée par les spécialistes. A. Elimam 49 préconise une démarche d’intégration de l’arabe algérien dès l’école primaire. Celle-ci consiste, dans un premier temps, à reconnaître deux langues officielles: l’arabe algérien et le berbère, dont l’enseignement peut être programmé dès le cycle primaire. Quant à l’arabe littéral, celui-ci est envisagé comme première langue seconde à partir de la quatrième année du primaire. Le français ou l’anglais, en fonction du choix de l’élève, sont proposés en tant que deuxième langue seconde à partir de la sixième année, alors que les autres langues étrangères peuvent être introduites à la huitième année de la scolarisation, autrement dit en première année du cycle moyen. Langue Berbère ou Tamazight Les régions de l’Afrique du nord, principalement les pays du Maghreb sont connus pour abriter les langues berbères. Ces dernières sont utilisées en Algérie, en Libye, au Maroc et quelques régions, en Tunisie, au Niger et au Mali. Elles sont parlées par plus de 20 millions de personnes et sont divisées en une trentaine de variétés dialectales. Les plus connues sont le tamazight, le kabyle, le tachelhit, le rif, le tamasheq, le jerba, le chaouï, le judéo berbère etc. Depuis les conquêtes islamiques, les langues berbères ont dû affronter la concurrence de l’arabe. Elles possèdent leur propre système d’écriture, de grammaire et de syntaxe. Ce qui est confirmé par M. Malherbe: « Les langues-berbères comprennent le kabyle, parlé par environ 7 millions de personnes en grande et petite Kabylie à l’est d’Alger, le chaoui parlé dans le massif des Aurès du Sud-Est algérien (300 000 locuteurs environ), les langues berbères du Maroc - rifain et tamazight dans le nord et le centre, le-chleuh ou tashelhet au sud représentent au moins10 millions de locuteurs au total - et le tamasheq, langue des Touareg du Sahara, qui sont peut-être un million répartis entre le Niger, le-Mali, le Burkina-Faso et l’Algérie » M. MALHERBE (1995 :231).

49 ELIMAM, A. 1998. Langues en conflit: repères sociolinguistiques et glottopolitiques , pp. 259-279 in Algérie, années 90: politique du meurtre. Pour une lecture freudienne de la crise algérienne, La Lysimaque, Cahiers de lectures freudiennes n° 24, pp.119-120.

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Historiquement le berbère (ou tamazight en berbère) peut être considéré comme la langue autochtone de l’Afrique du Nord. Il couvrait à l’origine l’ensemble de l’Afrique du Nord et du Sahara. Le berbère est devenu minoritaire – voire pour partie menacé – à la suite d’un lent processus d’arabisation linguistique de l’Afrique du Nord consécutif à la conquête arabe et à l’islamisation (8e siècle), puis à l’arrivée de populations arabes nomades venues du Moyen- Orient (11e siècle). Le berbère appelé aussi tamazight est une des langues nationales en Afrique du Nord et plus particulièrement en Algérie. Le berbère est aussi plus vieux au Maghreb que l’arabe qui est la langue des premiers colonisateurs connus. Le mot berbère vient du mot barbare, barbarus en latin et bárbaros en grec ancien, ce qui signifie étranger. À l’origine, le mot barbaros n’avait aucune nuance péjorative et signifiait tout simplement une personne «non grecque». Du point de vue historique, les Berbères ou les Amazighs sont des populations qui habitaient en Afrique du Nord. Ces populations, vivant dans des zones montagneuses, conservent leur langue malgré les différentes invasions qu’ils ont subies. En effet, la langue berbère appartient à l’une des branches de la grande famille chamito- sémitique appelée aussi afro-Asiatique et compte à elle seule une trentaine de variétés. Contrairement au Mali et Niger où le berbère bénéficie du statut de langue nationale depuis les indépendances, ce n’est qu’en février 1995 que le berbère est reconnu comme langue nationale en Algérie après une pression du Mouvement culturel berbère (MCB). Tamazight ou le Berbère est dispersé en ilots d’importance très variable – de quelques milliers à plusieurs millions d’individus – sur un territoire immense. Les principaux pays concernés sont le Maroc (40 % de la population) et l’Algérie (25 %) qui, à eux seuls, doivent compter 80 % des 23 à 25 millions de berbérophones. En dehors des Touaregs, dispersés sur cinq pays de la zone saharo-sahélienne (Niger, Mali, Algérie, Libye, Burkina-Faso), il existe des groupes berbères en Libye (10 %), en Tunisie (1 %), en Égypte (Siwa) et en Mauritanie. Notons la langue berbère représente la langue maternelle d’une partie de la population algérienne. Cette langue berbère se présente sous plusieurs variétés ; les principaux parlers berbères algériens sont : le Chaouia (Aurès), le Kabyle (Kabylie), le chénui (Tipaza), Tergui (Hoggar) ainsi que le M’zabi (M’zab).

Longtemps occulté, voire ouvertement combattu en Algérie, le berbère ne bénéficiait, jusqu’aux années 1990, d’aucune forme de reconnaissance ou de prise en charge. Récemment, le statut institutionnel et juridique de la langue s’est progressivement amélioré : en Algérie d’abord, où le berbère est depuis 2002 « seconde langue nationale », l’arabe demeurant «

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langue officielle et nationale » ; puis au Maroc depuis juillet 2011 où il a acquis le statut de « seconde langue officielle ». Les effets de ces évolutions statutaires ne sont pas encore très significatifs – dans l’enseignement comme dans la vie publique – et il faudra sans doute encore de longues années de luttes et de progrès pour que le berbère ne soit plus une « langue dominée et marginalisée ». Autrefois confinées dans la ruralité et l’oralité, profondément dévalorisées, la langue et la culture berbères font désormais l’objet d’une forte demande sociale. Dans une région comme la Kabylie où l’éveil identitaire et culturel est ancien et très marqué, la revendication prend même des formes ouvertement politiques. C’est en avril 2002 et après plusieurs décennies d’engagement pour la reconnaissance officielle de cette langue, que le Tamazight a été reconnue officiellement comme étant une langue nationale à côté de l’arabe classique. A partir de 2002, cette langue tente de se tailler une place dans plusieurs domaines tels que l’éducation et les mass-médias. En effet, elle est actuellement enseignée dans plusieurs universités et établissements scolaires. Face au déni identitaire et l’imposition d’une seule société algérienne arabo-musulmane, les kabyles recourent à la lutte et au militantisme à travers les mouvements culturels, puis politique pour la reconnaissance de la langue-culture berbère à travers des marches populaires, grèves répétitives, le boycott de l’école (année blanche 1994/1995), les événements de 2001 (avec un lot d’une centaine de jeunes morts assassinés)… etc. Ces revendications finissent par décrocher quelques concessions du gouvernement, en 1995 l’année qui a vu naître le (HCA) le haut commissariat de l’Amazighité, puis la mise en place d’un enseignement expérimental du berbère en Kabylie, et sa reconnaissance en tant que langue nationale en 2002, et en fin, l’attribution à la langue Amazigh le statut de langue officielle à côté de la langue arabe en 2016. A l’indépendance, la boucle est bouclée, comme prévu les nouveaux dirigeants de l’Algérie optent pour la politique d’arabisation visant à remplacer progressivement le français par l’arabe. Cela dit, la langue berbère va subir le sort du déni, au point de ne faire aucune allusion à cette dernière dans le texte constitutionnel.

Cependant, la politique d’arabisation ne réussit pas à étouffer le mouvement berbère qui ne cesse de produire les ouvrages, chansons et travaux universitaires. À partir des années 1970, le mouvement berbère intègre une dimension politique qui se manifeste par le dessin d’un

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« projet de société laïque et démocratique, pluraliste aux plans linguistique et culturel » .50 Au fur et à mesure, la revendication berbère se radicalise, exigeant que le régime mette fin à la répression contre la langue et la culture berbères. En mars 1980, on interdit une conférence de l’écrivain Mouloud Mammeri à l’université de Tizi-Ouzou, à l’occasion de la parution de son livre Poèmes kabyles anciens . L’interdiction déclenche une série d’événements que l’on désigne d’habitude comme « printemps berbère ». 51 Une grève générale éclate en Kabylie, les voix revendiquant la constitutionnalisation du berbère s’élèvent. Répondant partiellement à la revendication en matière de scolarisation en berbère, on accepte de créer des départements de cultures populaires dans les universités d’Alger et de Tlemcen. La Constitution de 1989 52 n’apporte cependant aucun changement en question berbère, stipulant à l’article 2 que « l’Islam est la religion de l’État » et à l’article 3 que « l’Arabe est la langue nationale et officielle » . De nouveau, on ne trouve aucune mention du berbère dans le texte constitutionnel. Au début des années 1990, les revendications en faveur de la langue berbère sont freinées par la loi promulguée le 16 janvier 1991 dite de généralisation de 53 l’utilisation de la langue arabe . En 1995, à la suite du boycott de l’école en Kabylie, le Haut Commissariat à l’Amazighité (H. C. A.) est créé. Il s’agit d’une instance gouvernementale, chargée de promouvoir le tamazight , « notamment en l’introduisant dans le système scolaire » .54 L’emploi des termes Amazighité ou tamazight peut être perçu comme symbole de l’émancipation du mouvement qui ne cesse de revendiquer le statut de langue nationale pour le berbère. Ces revendications semblent être prises en compte par les autorités algériennes lorsque, après les élections de 1995, une révision constitutionnelle est décidée. Qu’est-ce qui donc apporte la constitution amendée de 1996 ? Au préambule, on peut lire que les valeurs fondamentales de l’identité algérienne sont « l’Islam, l’Arabité et l’Amazighité » . La langue berbère est considérée comme l’une des composantes de la « personnalité algérienne », mais c’est toujours l’arabe qui reste la seule langue nationale et officielle. Le processus de légitimation du berbère se précipite suite à des événements du printemps 2001, avec les revendications proclamées par le mouvement citoyen dans la plate-forme d’ El-

50 Chaker, Salem : La question berbère dans l’Algérie indépendante : la fracture inévitable ? In : Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n° 65, 1992, p. 99. 51 Rocherieux, Julien : L’évolution de l’Algérie depuis l’indépendance . In : Sud/Nord, n° 14, pp. 27-50. 52 Le texte intégral de la Constitution est accessible sur le site : < http://www.conseil- constitutionnel.dz/Constituion89_2.htm>. Consulté le 8 mai 2015. 53 Le texte intégral de la loi est accessible sur le site : . Consulté le 8 mai 2015. 54 Haddadou, Mohand-Akli : L’État algérien face à la revendication berbère : de la répression aux concessions. In : Glottopol. Revue sociolinguistique en ligne, n° 1, janvier 2012, p. 135.

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kseur. Celui-ci exige que le tamazight soit finalement reconnu comme langue nationale et officielle de l’Algérie. Les autorités répondent en ajoutant un amendement à la constitution : l’article 3 bis stipulant que « Tamazigh est également langue nationale » est ajouté à l’article 3 qui accorde le même statut à l’arabe. Le fait que les deux langues nationales ne sont pas mentionnées ensemble dans un article peut créer l’impression que ces langues ne sont pas sur le même niveau. Cette impression est encore renforcée par la formulation disant que le tamazigh est également la langue officielle. Comme on pouvait le prévoir après la reconnaissance de "l’amazighe" comme seconde langue officielle par la constitution marocaine de 2011, l’Algérie vient à son tour d’accorder le statut de "langue nationale et officielle" à tamazight à l’occasion de la révision constitutionnelle adoptée par voie parlementaire le 7 février 2016. Doit- on, cependant, s’en tenir à cette satisfaction et rendre grâce au régime d’avoir été, pour la première fois depuis l’indépendance, à l’initiative de la promotion des langues ancestrales de l’Algérie? Le régime étant ce qu’il est, c’est-à-dire autoritaire et manipulateur, la question se pose: quel serait son but inavoué derrière la décision d’officialisation du "tamazight"? L’interrogation est d’autant plus légitime que cette décision a été prise dans un contexte de reflux quasi complet des mobilisations populaires en Kabylie. La nouvelle opération d’intégration des élites kabyles dans les rouages étatiques permettrait au régime, de surcroît, d’atteindre deux autres objectifs : associer la Kabylie à une unanimité spécieuse sur la nouvelle Constitution et réduire les risques de radicalisation de la jeunesse kabyle autour de la question linguistique, radicalisation qui pourrait fournir de nouveaux contingents au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK). On peut en conclure que l’État algérien, en reconnaissant en 2002 tamazight comme "seconde langue nationale" a fait une concession formelle et symbolique à la contestation berbère kabyle ; mais pour le législateur, l’arabe est demeuré la langue exclusive des espaces institutionnels et publics. Langue française La colonisation française constitue l’alibi de l’émergence et de l’usage de la langue française sur le sol algérien. Les Algériens utilisent cette langue pour leur besoin de communication. En effet, le français est enseigné dans les écoles, et c’est aussi la langue de l’administration et de l’économie. Le statut du français est, en substance, réduit à celui d’une langue étrangère. La langue française constitue un « résidu d’une guerre de peuplement», officiellement consacrée par les autorités algériennes comme la première langue étrangère. En effet, elle

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permet aujourd’hui aux algériens d’accéder aux sciences, à la technologie et aux cultures étrangères. Pourtant, elle ne cesse de provoquer polémiques et débats entre les partisans du bilinguisme et les partisans de l’identité nationale à travers la langue arabe. En d’autres termes, le français est considéré sur le plan constitutionnel comme étant une langue étrangère, sauf qu’elle jouit d’un statut particulier du fait de la longue présence de cette dernière sur le sol algérien dans un contexte de colonisation. Donc, cette langue est perçue principalement comme vecteur de la science et la technique. Cette conception de la langue française traduit la difficulté à lui accorder un statut bien défini et à déterminer la place qu’elle occupe dans la réalité linguistique algérienne. En fait, entre 1962 et 1969, vu qu’il n’y avait pas assez d’enseignants d’arabe et vu que toute l’administration était en français, l’Algérie s’est trouvée obligée de promouvoir la langue française en tant que « langue véhiculaire » . La langue française, a ainsi été amenée à jouer un rôle non négligeable dans l’enseignement à tous les niveaux scolaires. Après l’indépendance de l’Algérie, la langue française bien qu’elle soit d’origine étrangère possède un statut privilégié. Cette langue étrangère a marqué profondément l’inconscient de plusieurs générations d’Algériens parce que sa diffusion a été le prolongement logique de la domination coloniale et des diverses politiques linguistiques et culturelles mises en place à partir de 1830 en substitution à la langue et à la culture arabes. Erigé dès 1962 comme l’ennemi de la langue nationale, en l’occurrence, l’arabe classique, le français est clairement défini sur le plan institutionnel comme une langue étrangère. Mais la diversité des champs d’action de cette langue ainsi que son ancrage semblent être les facteurs stimulants qui lui confèrent une bonne position dans la hiérarchie des valeurs sur le marché linguistique algérien. Selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), l’Algérie reste le deuxième pays francophone du monde avec 16 millions de locuteurs bien que l’Algérie ne soit pas membre de l’OIF. On estime à plusieurs millions (8millions environ) le nombre de locuteurs maîtrisant plus ou moins correctement la langue française. D’ailleurs, l’évaluation du nombre de journaux paraissant en langue française, leur tirage et leur diffusion à travers tout le territoire national, la place de l’édition en langue française, l’importance de cette langue dans l’affichage publicitaire, les enseignes et devantures des commerces, les imprimés et documents, etc.., rend compte de manière effective de l’importance dont jouisse la langue française au sein du peuple algérien. L’Algérie qui avait refusé autrefois de s’associer à ce mouvement, participe aujourd’hui pleinement aux activités officielles des instances de la francophonie telles le Sommet des

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Chefs d’Etats francophone, l’Organisation Internationale de la Francophonie (O.I.F) et l’Agence Universitaire de la Francophonie (A.U.F.). Cette absence est liée à des raisons qui «tiennent aux contentieux historiques», au projet national et aux ambiguïtés de la francophonie. Malgré une politique d’arabisation obstinée, le français détient la part du lion dans l’enseignement surtout universitaire, les médias et le secteur économique. Car aux yeux des algériens, le français est un moyen d’accès à la modernité. G. Granguillaume (1998), écrivait à ce propos : « Le français était omniprésent dans le paysage. Il avait pris la place de l’arabe dans l’écriture, mais il remplissait une fonction que celle-ci n’avait jamais eu en Algérie : d’être une langue d’ouverture, de modernisation, d’introduction des idées nouvelles ». Le français est alternativement qualifié, selon les propos de D. Morsly (1984), de « langue étrangère », « langue étrangère à statut particulier », « langue scientifique et technique », ou « langue fonctionnelle 55 ». En restant domaine de l’enseignement, le français est assimilé à une « langue scientifique et technique » puis comme « langue fonctionnelle ». En effet, la même auteure, interprète ce passage terminologique comme évolution d’une définition étroite à une autre plus large. Le destin de la langue française est lié à celui de l’Algérie. Car, depuis l’avènement de Bouteflika à la présidence en 1999, des bouleversements, dans la vision de la langue française, voient le jour au niveau déjà du discours officiel algérien. Le chef suprême de l’Etat algérien recours à la langue du colonisateur dans des manifestations publiques en Algérie et à l’étranger. En effet, lors de son discours devant l’assemblée nationale le 14 juin 2000, il déclare : « La langue française et la haute culture qu’elle véhicule restent, pour l’Algérie, des acquis importants et précieux que la réhabilitation de l’arabe, notre langue nationale et officielle, ne saurait frapper d’ostracisme. C’est là une richesse à même de féconder notre propre culture et c’est pourquoi le français, à l’instar d’autres langues modernes, et plus encore en raison de ses vertus intrinsèques et de son ancienneté dans notre pays, gardera une place qu’aucun complexe, aucun ressentiment ni aucune conjoncture quelconque ne sauraient lui disputer. » Ce discours inaugure une ère nouvelle pour le rôle du français et son importance sur le marché linguistique algérien. Dans ce sens, ces déclarations à propos de la francophonie illustrent également cette nouvelle attitude face à la question de la gestion des langues : «

55 MORSLY Dalila, « La langue étrangère. Réflexion sur le statut de la langue française en Algérie », in Le Français Dans Le Monde, n°189, Edition Hachette/ Larousse, Nov.- Déc., Paris, 1984, p.22.

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L’Algérie est un pays qui n’appartient pas à la francophonie mais nous n’avons aucune raison d’avoir une attitude figée vis-à-vis de la langue française qui nous a tant appris et qui nous a, en tout cas, ouvert la fenêtre de la culture française. » ( El Watan , 1er août 1999). Les propos de Bouteflika bravent l’interdit et brisent les tabous linguistiques. Pour l’Algérie, le français est selon Derradji une langue « de scolarisation, d’information scientifique, de communication et de fonctionnement de plusieurs institutions de l’Etat» 56 et ce, malgré une politique d’arabisation qui, depuis des décennies, tente de réguler les fonctions des langues présentes sur le marché linguistique algérien. Le Français est obligatoirement enseignée à partir de la deuxième année puis troisième année primaire, une année plus tard. Elle constitue aussi la principale langue étrangère enseignée aussi bien au primaire qu’au secondaire. Bien plus, elle est la langue quasi exclusive des disciplines techniques (architecture, agronomie, …) et scientifiques (pharmacie, médecine, …) à l’université et à un degré moindre dans les centres de formation. Notons encore la présence du français dans des secteurs de l’Etat tels les banques, l’administration des P.T.T, les services des impôts, l’aviation civile… Dans l’ensemble de ces institutions, les opérations de fonctionnement sont effectuées en français, ce qui réduit la place de l’arabe. Enfin nous n’occulterons pas le fait que l’édition et la presse diffusent sans discontinuer de nombreux titres en langue française. En d’autres termes, l’arabisation a, certes, freiné l’utilisation de la langue française, mais elle ne l’a pas fait disparaître de la scène linguistique. À ce propos Asselah-Rahal Méfidène et Zaboot déclarent que « la pratique de la langue française dépasse largement le cadre restreint dans lequel tentent de le confiner les textes officiels algériens. En fait, cette langue vit et évolue avec et dans la société algérienne qui en fait un large usage . » (2007 :11). Afin d’illustrer la bonne santé de la langue française au sein de la société algérienne, il suffit juste d’observer les faits. Dans le secteur bancaire, le français est consacré comme l’unique langue de travail et de négociation avec les différents partenaires. R. Kahlouche précise que « les administrations, les institutions et les entreprises publiques utilisent beaucoup plus le français que l’arabe dans leurs activités. Les entreprises privées, elles, emploient exclusivement le français » (2007 : 106).

56 DERRADJI Yacine, (2002), in Le français en Algérie: lexique et dynamique des langues, Louvain-la-Neuve, De Boeck- Duculot-Aupelf, p.67.

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Le français reste également présent dans le domaine de l'affichage public malgré l'interdiction de son usage par la loi portant sur la généralisation de la langue arabe. Selon l’article 20 de cette loi, les enseignes, panneaux, slogans... doivent être formulés dans la seule langue arabe. Ce faisant, le français est partout présent. Seul ou accompagnant l'arabe ou le berbère ou les deux à la fois. En définitive, cette langue est réduite dans le statut d’une langue étrangère mais jouit, à plusieurs niveaux, d’une place et d’un usage plus important.

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Chapitre 1: L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété

Conclusion

Ce premier chapitre a développé un bref descriptif sur la politique linguistique et culturelle menée en Algérie à travers ses valeurs et ses cultures d’enseignement / apprentissage. Les langues en présence, l’arabe, le berbère et le français ont un rôle à jouer dans la vie scolaire et sociale de l’apprenant. Les rôles et les statuts de ces langues dépendent des textes officiels et de l’usage de ces langues dans un contexte scolaire et extrascolaire. En effet, en politisant la langue arabe, on a érigé le premier obstacle au développement économique, social et culturel du pays. Par ailleurs, il s’avère urgent de recourir à sa dépolitisation et à la réhabilitation du patrimoine linguistique et culturel algérien sous l’égide d’une nouvelle politique linguistique et culturelle. Cela dit, il est urgent de réparer le déchirement identitaire du peuple algérien, car le métissage culturel et la valorisation de la diversité culturelle peuvent contribuer à une réconciliation à l’intérieur du pays, hors de toute idéologie. D’une part, il est nécessaire de reconnaître l’enracinement des constantes berbérophones de l’État-Nation algérien. D’autre part, une réconciliation est plus que nécessaire devant cette bataille acharnée. Le passé colonial est toujours présent avec toutes les composantes historiques langagières et identitaires. À présent, il est impératif de capitaliser les efforts fournis en vue d’intégrer les caractéristiques méditerranéennes de l’Algérie, avec toute sa diversité culturelle et langagière qui sont le creuset d’une identité algérienne multiple. D’une manière générale, les idéologismes réducteurs des divers extrémismes qu’on ne cesse de rabâchait tels que « francophiles - occidentalistes », « arabo-bâathistes », « islamistes wahabistes- salafistes », « berbéristes-ethnicistes »,..etc., ne peuvent qu’être terriblement destructeurs dans leurs confrontations adverses, et que seule l’intercomlémentarité intercompréhensive et interculturelle pacifique et tolérante, au sein d’un cadre officiel pluraliste, démocratique, est à même d’ouvrir, - dans l’intérêt de l’avenir des générations futures- à de riches perspectives de symbiose harmonieuse qu’assure sérieusement la démocratie pluraliste, à condition que celle-ci soit assuré par un gouvernement responsable.

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CHAPITRE 2 Le texte littéraire vecteur de langues et de cultures en classe de FLE : Le discours des méthodologies

Chapitre 2 : Le texte littéraire vecteur de langues et de cultures en classe de FLE : Le discours des méthodologies

Introduction Nous nous intéressons dans ce chapitre à la manière dont on a pu envisager la position et l’utilité du texte littéraire en classe de FLE. Nous nous concentrons, tout particulièrement, sur la perception des méthodologies propres à l’enseignement du FLE, considérée comme une référence didactique chez les enseignants . Pour pouvoir cerner l’évolution des différentes écoles de pensée méthodologique, nous nous référons principalement, dans un premier temps, sur les travaux de C. Germain (1993), H. Besse (1985), C. Puren (1988 et 2002) et I. Gruca (1993 et 1996). Les trois premiers ont relaté une histoire générale des différentes méthodologies qui se sont succédé en didactique des langues et se sont donc penchés, entre autres, à la position occupée par le texte littéraire. I. Gruca a consacré sa thèse et plusieurs articles à la question, plus précise, de la place du texte littéraire dans l’enseignement apprentissage du FLE : elle passe en revue, elle aussi, les courants méthodologiques successifs. D’ailleurs, pour elle, trois grandes périodes caractérisent l’histoire du texte littéraire dans la classe de FLE : la mise sur un piédestal du texte littéraire propre aux méthodologies traditionnelles, un désaveu et une contestation pratiquée par les méthodes audiovisuelles et enfin une réhabilitation et une renaissance au texte littéraire, caractéristiques des approches communicatives. Nous récapitulerons les trois moments de cette évolution, et nous tenterons de mettre en exergue, à chaque période ainsi classées, les interrelations établies entre littérature et culture / civilisation, littérature et interculturalité. En somme, nous tenterons ainsi, de suivre le chemin des travaux de L. Porcher, A. Séoud, et I. Gruca pour examiner la position et le rôle du texte littéraire actuellement, entre éclectisme de l’approche communicative, perspective actionnelle et approche par compétences.

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1. Un tour d’horizon sur la place du texte littéraire dans les courants méthodologiques Retracer l’histoire de l’enseignement des langues étrangères s’avère être un itinéraire inévitable étant donné la portée d’un support pédagogique tel que « le texte littéraire ». Les différents rangs qu’il a occupés au cours du XXe siècle sont le résultat de cette histoire mouvementée et les reproches dont il a fait l’objet sont la plupart du temps dus à sa première place sur le podium qu’il occupait au sein des méthodologies des siècles qui nous ont précédés. Le texte littéraire a brillé par sa présence continue depuis le XIXe siècle. Arrive après, le moment de son déclin, ce dernier, après une période d’éloges, voit son destin basculé et subit les sévères critiques faites à son égard au point d’être écarté par plusieurs méthodologies du XXe siècle pour cause d'inadéquation pédagogique et d'inefficacité communicative. Pourtant, l'approche communicative apparue à la fin du XXe siècle et massivement utilisée aujourd'hui, a redécouvert ce type de texte et l’a réintroduit dans la classe. Que s’est-il passé, alors, pendant un siècle de recherche en didactique ? Il peut paraître étonnant que des enseignants, dont la formation s'appuie souvent sur la philologie, aient soudain rejeté un support qu’ils sont censés bien connaître du fait de cette formation. Il est tout aussi surprenant que le changement ait pu être radical. Les nouvelles méthodologies mettent du temps à s’installer, elles peuvent cohabiter avec leurs prédécesseurs pendant plusieurs années selon les structures, les moyens et la formation des enseignants. D’autres critères ont sans doute présidés à ces évolutions qui apparaissent moins brutales lorsqu’on observe les usages effectifs qui ont cours dans les classes. Afin de répondre à cette question, nous allons nous intéresser dans ce bref historique aux méthodes et aux méthodologies du XXe siècle qui ont pris en compte le texte littéraire pour l’intégrer à leur enseignement ou, au contraire, pour l’en exclure. Nous rappellerons ensuite les choix méthodologiques qui orientent l’approche communicative car la conception et l’usage actuels du texte littéraire dépendent en grande partie des recherches qui lui sont liées. Par ailleurs, la publication récente d’un ouvrage portant sur l’enseignement des langues vivantes par le Conseil de l’Europe a remis en question l’utilisation de cette méthodologie et a suscité un renouvellement qui ne dit pas encore s’il sera un remplacement. C’est ce que nous verrons pour terminer ce premier chapitre.

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Après une longue traversée de désert, le support littéraire est de nos jours réhabilité dans les classes de langue, en tant que document authentique. Visiblement ce retour du texte littéraire est bien accueilli dans les discours théoriques, mais dans la pratique enseignante, de nombreux enseignants écartent ce support pédagogique sous prétexte que le discours littéraire s’avère difficile à comprendre aux yeux des apprenants. En d’autres termes, la littérature n’est pas toujours bien perçue et peut faire l’objet de représentations négatives chez les apprenants. Par ailleurs, le texte littéraire présente de nombreux avantages. D’ailleurs, il suffit juste de motiver les apprenants par la désacralisation de l’exploitation des textes littéraires. De plus, la diversité qualitative et thématique des littératures est un facteur qui permet d’adapter le support d’apprentissage au niveau de l’apprenant ou du groupe-classe. L’ère de gloire du texte littéraire ou la « mise sur un piédestal » : la méthodologie dite traditionnelle La littérature et l'enseignement des langues partagent une histoire d’union de nombreux siècles. Cela a duré jusqu’à la fin du XIXe siècle, une période où la méthode nommée généralement par méthodologie traditionnelle : « méthodologie héritée de l’enseignement des langues anciennes (latin et grec) basée sur la méthode dite grammaire traduction et en usage général dans l’Enseignement secondaire français jusqu’à l’imposition officielle de la méthodologie directe en 1902 1». Cette méthodologie accorde le primat du texte littéraire comme support pédagogique inévitable pour tout acte d’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère. Elle est apparue dès la fin du XVIe siècle, et a concerné dans un premier temps le mode d’enseignement du latin et du grec. ). L’enseignement du latin et du grec se faisait autrefois par l’étude de textes littéraires écrits dans ces langues, parce qu’ils étaient considérés comme des modèles de leur usage antique. En effet, au cours du premier tiers du XVIIe siècle, le latin, supplanté par le français et les autres langues nationales européennes comme langue de communication, est alors devenu «langue morte et simple discipline scolaire 2». L’apprentissage du latin (et du grec) passe, tout d’abord, par une étape linguistique, où on entraîne les élèves à maîtriser les règles grammaticales de la langue grâce, notamment, à la pratique du thème. Puis, l’étape suivante est plus axée sur la culture : sont alors proposés des exercices de version sur des morceaux choisis de grands auteurs. Enfin, l’étape finale de la

1 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé international, p.23. 2 Ibid., p.27.

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formation se déroule dans la classe de rhétorique où les élèves apprennent la poésie et l’éloquence : «Les élèves s’y consacrent à composer des vers et des discours latins comme s’ils étaient eux-mêmes des poètes et des orateurs de la Rome antique 3.» C’est ce mode d’enseignement du latin et du grec, base de l'éducation de cette époque, qui est également appliqué à l'enseignement des langues étrangères. D’ailleurs, la méthode traditionnelle fait de la littérature à la fois le moyen et la fin de l’enseignement des langues. «Consécration» et «aboutissement» 4, elle occupe une place de plus en plus importante au cours de l’apprentissage. En effet, un entraînement à la traduction, de la langue de départ à la langue cible ou vice versa, est jugé comme l’exercice le plus approprié : le thème et la version littéraires sont privilégiés. Ils correspondent à la manière dont on concevait alors la compréhension d’une langue étrangère : « jusqu'à la fin du XIXe siècle, en effet, la didactique des langues-cultures fonctionne en régime de paradigme indirect, c'est-à-dire que l'on y considère que comprendre parfaitement une langue étrangère c'est faire une version mentale instantanée et inconsciente, la parler couramment faire un thème de même type. On pensait donc logiquement – par application du même principe de l'adéquation maximale fins - moyens – que pour enseigner une langue étrangère, il fallait faire traduire intensivement les apprenants jusqu'à ce que leur traduction devienne instantanée et inconsciente .5» Ce type d’exercices mène vers la construction du sens du texte qui prévaut alors et ne laisse nulle place aucunement à des significations plurielles ou à des interprétations personnelles. La bonne traduction, comme le souligne D. Coste, « porte témoignage d’un sens juste, accessible par la langue et susceptible d’être rendu, au plus près, dans une autre langue .6» A juste titre, la langue littéraire reflète en plus de la norme du bien parler (ou, plutôt, du bien écrire), un modèle que les apprenants doivent imiter, c’est un véritable laboratoire de langage. Dans le cadre de cette méthodologie, les rapports entre littérature et culture / civilisation sont extrêmement étroits : la littérature est une partie intégrante de la culture (au sens de culture- cultivée ) et la connaissance de références littéraires est indissociable du bagage culturel de l’élite intellectuelle et sociale : « Appendre des langues autres (anciennes ou modernes) apparaît sous cet angle comme une manière d’accroître un capital culturel de références

3 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.20. 4 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p. 17. 5 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.3. 6 COSTE, D. (1982). “Apprendre la langue par la littérature ?”. In : PEYTARD, J. (éd.). Littérature et classe de langue : français langue étrangère . Paris : Hatier-CREDIF, p. 63.

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littéraires, valeur d’autant plus sûre, distinguée et distinctive qu’elle possède la rareté des devises étrangères de bon aloi .7» Bien sûr, les textes littéraires sont aussi une aubaine en terme d’informations externes 8 ce qui constitue, pour les apprenants-lecteurs, l’occasion d’accès aux réalités de la civilisation française, avec lesquelles ils ont peu d’occasions d’être en contact direct. C. Puren souligne ainsi que la méthodologie traditionnelle correspond «à une époque pré-médiatique , dans laquelle les documents de langue-culture étrangère sont rares, les plus disponibles étant les grands textes littéraires 9». Parmi les multiples réalités de la civilisation française que permet d’aborder la littérature, ce sont ses aspects intellectuels et sociaux (histoire, beaux-arts, littérature, architectures, modes de vie, gastronomie, code vestimentaire), la culture de l’esprit et du corps qui sont évidemment les plus valorisés. Cependant, la prédominance des textes littéraires n’est pas due uniquement à cela. Ils sont intégrés, à priori, dans une perspective humaniste. Ils sont transmetteurs de civilisation, au sens universel du terme. Dans ce sens, comme l'explique Emile Durkheim dans l'une de ses conférences pédagogiques des années 1900, ce que l'on cherche à faire retrouver aux élèves dans les grands textes classiques, ce ne sont pas les particularités de telle ou telle culture, mais au contraire le "fonds commun de toute l'Humanité" que sont supposées constituer ces valeurs universelles. On ne s'intéresse pas aux connaissances culturelles, mais à cette "culture générale" que l'Instruction du 15 juillet 1890 pour l'Enseignement classique présente en ces termes : " La vraie fin que le maître, tout en s'attachant avec passion à sa tâche journalière, devra constamment avoir présente à l'esprit, c'est de donner, par la vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra, une culture qui demeure .10 » Autrement dit, les textes littéraires permettent une formation intellectuelle, esthétique et morale, «celle dite des Humanités , dont le noyau dur idéologique est constitué des trois valeurs étroitement reliées du Vrai, du Beau et du Bien 11 ». En ce sens, elle est dépourvue de toute finalité pratique ou professionnelle : la culture à laquelle elle donne accès est celle de l’honnête homme.

7 Ibid., p.60. 8 PORCHER, L. (1987). Manières de classe . Paris : Didier. 9 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.2. 10 Ibid., p.3. 11 Ibid., p.53.

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Dans le cadre de la méthodologie traditionnelle, l’enseignement de la culture / civilisation se caractérise ainsi par une forte composante transculturelle 12 ; celle-ci permet de retrouver, sous la diversité des manifestations culturelles, ce qu’E.Durkheim appelait le «fonds commun d’humanité», qui sous-tend tout l’humanisme classique. Et c’est le texte littéraire qui est le support privilégié de ces valeurs universelles. Les habiletés privilégiées, selon cette méthodologie, sont donc la lecture et l'écriture ; l'oral est placé au second plan. Le texte littéraire et surtout la culture qu’il véhicule, sont censés rester quand l’élève aura tout oublié : l’oral d’abord, la langue ensuite. L'évaluation, quant à elle, se fait à partir de textes écrits et porte sur la traduction, sur la grammaire et sur des questions de culture. La langue est conçue comme un ensemble de règles et d'exceptions, sa forme prime sur sa signification bien que celle-ci soit tout de même prise en compte. La traduction des textes littéraires est censée apporter, en outre, une initiation à la culture étrangère par le biais de la fréquentation d'œuvres d'art. L’objectif pratique est, en effet, absent de ces classes où l'apprentissage d'une langue étrangère se confond avec l'acquisition d'une culture intellectuelle et morale. Tous ces éléments ont pesé négativement sur le sort de cette méthode très critiquée. Les contestations sont apparues à la fin du XVIIIe siècle, particulièrement lorsque les relations internationales ont augmenté entre les pays européens. Elles sont devenues de plus en plus importantes, à mesure que le XIXe siècle avançait, pour aboutir à une remise en question totale vers 1850, à la veille d’un conflit d’importance en Europe. Comme plusieurs changements méthodologiques, celui-ci intervient à un moment fort de l’histoire où l’importance d’une compétence en langue étrangère se fait sentir. Cette remise en cause est également le début du rejet du texte littéraire, notamment dans les premiers niveaux où il semble être particulièrement inadapté : « vouloir unir prématurément l’étude littéraire à l’étude de la langue, c’est tout compromettre à la fois 13 ». Dans ce mouvement de renouvellement, à partir des années 1860, les instructions officielles vont préconiser la « conversation sur le texte », qui deviendra l’activité principale de la méthode directe.

12 PUREN, C. (2002). “Perspectives actionnelles et perspectives culturelles en didactique des langues cultures : vers une perspective co-actionnelle co-culturelle”. Langues modernes : l’interculturel [en ligne], 3, juillet-août- sept. Paris : APLV, p. 55-71 13 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.77.

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Les méthodes directes et actives : tergiversation entre adhésion et contestation (l’ère de soupçon du texte littéraire) Au sommet de son succès, à la fin du XIXe siècle, de nombreux pédagogues en dénoncent l’inefficacité, d’un côté, pour son manque de pratique, et le fait qu’elle ne permet pas concrètement d’apprendre à parler les langues enseignées. En outre, les remis en cause ciblaient surtout la place privilégiée qui y est dévolue à la littérature et à son rôle. Alors que l’oral est écarté de tout objet d’enseignement. L’intégration à un âge prématuré de la littérature est perçue inappropriée. En France, les Instructions officielles (I.O.) du 13 sept 1890 rappellent que «l’étude de la langue doit précéder l’étude littéraire» et argumente ainsi en ce sens : «Vouloir unir prématurément l’étude littéraire à l’étude de la langue, c’est tout compromettre à la fois, c’est s’exposer à ne jamais lire couramment la langue, à ne jamais la parler surtout, et à ne jamais goûter la littérature dans ce qu’elle a de réellement original, c’est-à-dire dans ce qui en fait le véritable intérêt. S’il fallait sacrifier l’une des deux études à l’autre, il serait encore préférable de s’en tenir modestement à la langue et de réserver la littérature pour un âge où l’esprit a conquis avec sa maturité, sa liberté. 14 » La Méthode directe La méthode directe qui, au tournant du XXe siècle, devient la méthodologie de référence dans de nombreux systèmes scolaires européens. En France, elle est imposée par les instructions officielles de 1901 et 1902 que C. Puren qualifie de «coup d’état pédagogique 15 ». Son utilisation sera de courte durée puisqu’elle n’aura vraiment cours que pendant une vingtaine d'années, mais elle apportera de nombreux sujets de réflexion dont certains sont toujours d’actualité. La désignation « méthode directe » marque d'ailleurs la déchirure entre ces deux méthodes. En effet, elle énonce les fondements du processus d'apprentissage direct qui sont l’acquisition de mots étrangers sans avoir recours à leurs équivalents français, l'utilisation de la langue orale sans l’appui de la langue écrite et l’accès à la grammaire étrangère sans explicitation de ses règles. La priorité est accordée à l'expression orale et à la prononciation, ce qui place les règles au second plan. Les élèves sont également encouragés à concevoir en langue cible, en associant la forme et le sens, pour s’exprimer directement en langue cible.

14 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.52. 15 Ibid., p. 106.

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La méthode directe s’inscrit dans le mouvement de réforme contre la grammaire – traduction et dans l’esprit des approches naturelles. La pratique qui était faite jusqu'à présent du texte littéraire est rejetée, notamment en raison du changement de priorités qui place l’oral au cœur de cette méthode. Elle correspond à une conception plus utilitaire de la langue, qui n’est plus envisagée comme «un instrument de culture littéraire ou de gymnastique intellectuelle 16 », mais comme un instrument de communication. Les objectifs formatifs et culturels de la méthode traditionnelle cèdent le pas à des objectifs plus pratiques. Ce changement de cap correspond de fait à une nouvelle demande sociale. De toutes les manières, H. BESSE (1995) reconnaît à cette méthodologie le fait qu’elle soit « la première méthode qui prenne réellement en charge les langues vivantes dans leur oralité interactive, leur globalisme », en mettant en place un processus de « réutilisation constante de ce qui est appris pour apprendre du nouveau ». Le texte littéraire, pivot de la méthode traditionnelle, est l’un des points sur lesquels les évolutions méthodologiques initiées par les méthodes directes portent tout particulièrement. Les I.O. de 1902. On voit que le texte littéraire, s’il reste présent, voit sa place considérablement revue. La langue étant pensée d’abord comme une réalité orale, les textes et la lecture ne constituent plus le socle de l’apprentissage. La langue de référence est aussi, désormais, une langue usuelle, et non plus littéraire. Le recours à l’idiome maternel dans la classe est prohibé et l’exercice de traduction devient caduc. On privilégie un contact direct avec les textes proposés, sans le truchement de la traduction en langue maternelle. Selon les instructions de 1908, «c’est directement et par lui-même que l’élève découvrira et sentira la beauté des textes 17 . La lecture expliquée supplante la version et apparaît comme l’exercice emblématique des méthodologies, directe, puis active. Elle correspond à une conversation sur le texte, une sorte de maïeutique (où s’exerce la méthode interrogative caractéristique de la méthode directe) : «Avec la méthode directe, la lecture s’affranchit résolument de la traduction. Ce n’est plus par l’intermédiaire de la langue maternelle que l’élève arrive à l’intelligence du texte mais par l’élaboration de ce texte dans la langue enseignée. La traduction cesse d’être une fin en soi, pour n‘être plus qu’un simple procédé de contrôle, qu’un moyen rapide de nous assurer qu’à la rigueur un élève pourrait s’en passer. Et encore n’intervient elle

16 Ibid., p.68. 17 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.121.

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qu’exceptionnellement car si c’est directement par la conversation, que nous amenons l’élève à la compréhension du texte, c’est directement aussi que nous constatons s’il a compris, en lui posant des questions telles que la simple réponse nous renseigne sur l’efficacité de nos explications. Loin donc d’être indispensable, la traduction tend à se supprimer d’elle-même ; et à sa place intervient la conversation dialoguée qui dans la méthode classique n’apparaissait que comme un prolongement, un luxe accessoire ; si bien qu’en dernière analyse, il y a complet renversement des termes qui constituent le travail de la lecture et, à la limite, élimination du second 18 .» Ce passage de la traduction à l’explication de texte implique d’autres évolutions : - la littérature n’est plus modèle à imiter mais un «objet d’étude» ; - la démarche privilégiée est désormais synthétique et non plus analytique : on développe dans un premier temps une approche globale du texte («une recherche du thème du passage et de son plan 19 ». La langue écrite est comprise comme la version scripturale de la langue orale et ne correspond plus, par conséquent, à ce qu’est la langue littéraire. Concrètement, cette méthode va continuer longtemps dans le prolongement des principes de la méthode traditionnelle par le conservatisme de certains enseignants traditionalistes qui n’admettent pas les instructions officielles de 1901 20 et 1902 21 . 1.2.2. Les objectifs culturels / civilisationnels associés aux textes littéraires La méthode directe met l’accent sur la civilisation dans son sens matériel : dans un premier temps, les apprenants ont besoin avant tout d’apprendre à parler la langue cible, de connaître les réalités de la société où elle est présente. La culture littéraire et humaniste, la formation de l’esprit sont reléguées au second plan. Par exemple, les enseignements de langue vivante de la classe de philosophie doivent, selon les I.O. de 1902, avoir pour objectif «une idée générale des différentes manifestations de la vie nationale contemporaine à l’étranger 22 ».

18 Ibid., pp.92-93. 19 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.101. 20 LEYGUES G., 15 novembre 1901 : Circulaire relative à l'enseignement des langues vivantes et instructions annexes, B.A.M.I.P., t. LXX, pp. 895-897, cités par C. PUREN (1988). 21 LEYGUES G., 31 mai 1902 : Arrêté concernant les Programmes d'enseignement des classes secondaires dans les lycées et collèges de garçons. Programmes de l’enseignement des langues vivantes (allemand, anglais, espagnol, italien, russe) , B.A.M.I.P. n°1522, pp. 779-789, cités par C. PUREN (1988). 22 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.118.

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Le concept « Civilisation » s’entend donc dans son sens spécifique (et non plus universel) et la littérature n’est plus, dès lors, la seule fin ni le seul moyen de l’enseigner. Ainsi, les I.O. de seconde et première évoquent bien d’autres aspects de la civilisation étrangère que les cours de langue devront faire découvrir aux élèves. Sont, ainsi mentionnés, en sus de l’histoire littéraire, «les arts industriels, les grandes découvertes, la géographie, les voies de communication, les beaux-arts 23 ». La voie est ouverte à une démarche comparative : on vise à saisir les particularités des civilisations étrangères, leurs traits distinctifs par rapport à celle de l’apprenant. C. Puren cite l’exemple d’un manuel scolaire d’anglais qui propose l’étude des thèmes suivants : «l’école, l’homme, la famille, la vile, la campagne, la nature, avec la couleur loca le ». Le texte littéraire est quant à lui envisagé, pour l’essentiel, comme document de civilisation. Il va offrir de manière privilégiée une «peinture des mœurs contemporaines» des sociétés étrangères ( I.O. de 1902 24 , citées par Puren 1988 : 117) . A. Godart, l'un des tout premiers théoriciens de la «lecture directe» des textes littéraires en second cycle, considère par exemple dès 1907 que «ce qui importe, ce sont les impressions qu'ils [les élèves] reçoivent du contact immédiat et personnel des œuvres littéraires, la conscience qu'ils ont de se trouver devant une conception particulière de l'art ou de la vie, la curiosité des problèmes moraux, historiques et sociaux que pose la lecture de ces œuvres» (A. Godart, Table ronde sur «L’enseignement littéraire dans les classes de second cycle», Les Langues modernes , 1907, cité par Puren 1988 : 120). Mais d’autres documents (non littéraires) peuvent aussi tenir ce rôle. La littérature intéresse aussi pour elle-même, en tant que manifestation de la vie culturelle d’un peuple. Pour les I.O. de 1902, on se sert de la lecture «pour faire connaître /.../ la vie du peuple qui l’habite et sa littérature» (citées par Puren 1988 : 118). Néanmoins dans la conception initiale de la méthode directe, cet aspect, qui introduit à la culture et à l’histoire littéraire, reste secondaire, et réservé aux niveaux supérieurs : «La littérature manifestation essentielle de la vie des peuples a naturellement sa place dans l’enseignement des langues vivantes et à mesure que les élèves posséderont mieux le matériel de la langue, une place plus grande sera faite à la lecture de textes tantôt préparés, tantôt expliqués à livres ouverts. Mais la culture littéraire proprement dite sera toujours subordonnée à l’usage de la langue .» ( I.O. de 1901, citées par Puren 1988 : 118)

23 Ibidem. 24 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.117.

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Au niveau théorique, on ne doit jamais faire appel à la traduction et les mots sont utilisés avant de faire intervenir les règles grammaticales. D’ailleurs, la question de l'exclusion de la langue maternelle dans le processus d'apprentissage a constitué un débat important lors de la mise en place de cette méthode car cela implique notamment le refus de toute traduction. En ce qui concerne le retour à l’utilisation du texte littéraire est amorcé, d’autant plus que celui-ci est vu comme un moyen d’harmoniser les différentes périodes de l’apprentissage. Il va être considéré comme un « intégrateur didactique » ( op. cit. : 172), dont la polyvalence permet une analyse minutieuse de la langue, de la syntaxe, des règles de grammaire, mais aussi la formation du goût, du jugement des élèves ainsi que l’éveil de leur imagination. Il s’inscrit dans la progression envisagée par la méthode directe qui va « du concret à l’abstrait, du simple au complexe, du particulier au général » ( op. cit. : 136) et permet d'harmoniser les séquences pédagogiques en orientant toutes les activités autour de ce support unique. Dans ces conditions, la didactisation au texte littéraire consiste à reproduire l’explication littéraire en usage en français langue maternelle. Sans la compréhension parfaite du texte proposé par les élèves, son exploitation ne saurait remplir ses fonctions. En outre, par rapport à l’enseignement de la civilisation, la volonté première pragmatique et utilitaire se trouve modifiée par ce retour du texte littéraire. Comme le dit C. P UREN (1988) : « toute approche "matérialiste" de la civilisation étrangère est donc rejetée et la littérature privilégiée parce qu'elle permet au contraire une approche "humaniste" » ( op. cit. : 180). L'évolution de la méthode directe aboutit par conséquent à une modification des objectifs d'enseignement du texte littéraire. Les tâches demandées vont porter sur le texte, et non sur son appartenance à la littérature, de même que ces textes présentent une langue moderne. 1.2.3 La méthode active Les différentes querelles et polémiques, sous la poussée des tenants d’un retour à la tradition, inaugurent la fin de la méthode directe et signent l’émergence d'une méthodologie mixte ou active, qui sera dominante depuis les années 1920 jusqu’aux années 1960. Cependant on constate une certaine confusion terminologique en ce qui concerne cette méthodologie. En effet, on la nommait également « méthodologie éclectique », « méthodologie orale », « méthodologie directe », etc. Cette réticence à nommer cette nouvelle méthodologie révèle la volonté d’éclectisme de l’époque et le refus d’une méthodologie unique. La méthodologie active représente un compromis entre le retour à certains procédés et techniques traditionnels et le maintien des grands principes de la méthodologie directe. D’ailleurs, les méthodologues actifs revendiquent un équilibre global entre les trois objectifs

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de l’enseignement/apprentissage : formatif, culturel et pratique. Faisant preuve de pragmatisme, ils permettaient le recours à la langue maternelle en classe. En ce sens, on peut dire qu’ils ont réellement assoupli la rigidité de la méthode précédente, en même temps, ils ont rendu au texte littéraire (écrit) sa place comme support didactique. Les textes de base étaient plus souvent descriptifs ou narratifs que des dialogues. Cependant, dans tous les cours de FLE, de cette époque, on retrouve des leçons sur des thèmes de la vie quotidienne dans lesquelles on utilisait des images pour faciliter la compréhension et éviter la traduction du vocabulaire. Bien qu’elle se situe dans le prolongement de la méthode directe, elle la corrige sur de nombreux points et peut se décrire à travers ces quatre qualificatifs ; «volonté d'intégration, pragmatisme, éclectisme et réformisme 25 ». L’on retient ainsi un certain retour du texte littéraire qui redevient ainsi, (à partir de 1908 pour la France), le principal support didactique de l’enseignement / apprentissage des langues, l’élément pivot de la leçon de langue, et ce dès les premiers temps de l’apprentissage. Ainsi, les instructions officielles de 1950, indiquent que l’enseignement doit s’appuyer «à tous les échelons sur des textes empruntés, dès que possible, à des écrivains de qualité [...] et choisis pour leur valeur littéraire, humaine ou sociale 26 », ce qui équivaut à choisir uniquement les auteurs reconnus par l'institution littéraire, les notions de « qualité » et de « valeur littéraire, humaine ou sociale » n’étant jamais définies. En même temps, le contact avec les œuvres étrangères permet donc de « faire passer en eux un peu de la substance et de l’esprit des écrivains étudiés et comme le sens intime du génie étranger 27 ». Basée davantage sur les pratiques de classes que sur les prescriptions théoriques, la méthode active laisse place à une grande variété de situations qui peuvent être plus ou moins efficaces, comme le montrent les protestations de nombreux enseignants qui dénoncent, entre autres, les abus de l’utilisation de la version. En pratique, le texte écrit reprend sa place dans les premières années de l'apprentissage et la phase orale de la méthode directe devient une préparation à la lecture du texte. Le recours à la langue maternelle est autorisé pour vérifier la compréhension des textes, notamment à la fin de leur étude où la traduction est systématique. Les élèves sont encouragés à être actifs et la réflexion est privilégiée face à l'imitation. Les textes littéraires utilisés sont orientés très

25 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.151. 26 Ibid., p.154. 27 Ibid., p.91.

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souvent vers le récit et le dialogue. D’ailleurs, l'exercice de la lecture expliquée, apparu en langue vivante à la fin de la méthode directe, s’applique à ces textes qui vont devenir dominants. Ce faisant, l’utilisation massive de la littérature est cependant délicate car le mélange de la linguistique et de la civilisation peut brouiller la perception des élèves et les empêcher d'observer les spécificités littéraires des textes : « A trop faire servir la littérature, on la banalise, et on amène sans doute beaucoup d'élèves à ne pas ressentir les textes littéraires de base autrement que les narrations et descriptions directes ou les dialogues audiovisuels fabriqués 28 ». On le voit, avec la méthode active, l’enseignement de la littérature est, à nouveau associé aux Humanités et à la culture de l’esprit, et ce de manière très marquée pour les niveaux les plus avancés. A ce sujet, A. Godart souhaite ainsi « prolonger /l’/ enseignement au-delà de l’étude utilitaire de la langue et d’en faire, par l’étendue et la variété de la lecture, un véritable enseignement de haute culture 29 ». Une haute culture qui se traduit surtout au niveau esthétique et moral. Dans le domaine du français langue étrangère, la conversion aux nouvelles méthodologies va se faire très vite et l'utilisation des supports audiovisuels va susciter un réel engouement des enseignants, reléguant le texte littéraire aux oubliettes. Les méthodologies audiovisuelles et la «désertion » du texte littéraire Suite à la seconde guerre mondiale et à la décolonisation, la France se trouve obligée de lutter contre la diffusion massive de l’anglo-américain comme langue de communication internationale, et cherche à retrouver son rayonnement culturel et linguistique, dès le début des années 50. Des équipes de recherches, constituées de linguistes, de littéraires et de pédagogues, s’activent en France et à l’étranger, pour trouver les meilleurs outils afin de répandre le FLE. C’est au milieu des années 1950 que P. Guberina, de l’Université de Zagreb, donne les premières formulations théoriques de la méthode SGAV (structuro-globale audio visuelle). En effet, la méthodologie audiovisuelle (MAV) domine en France dans les années 1960-1970 et le premier cours élaboré suivant cette méthode, publié par le CREDIF (Centre de Recherche et d’Etude pour la Diffusion du Français) en 1962, c’est la méthode « Voix et images de France ».

28 Ibid., p.258. 29 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.113.

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La cohérence de la méthode audiovisuelle a été construite autour de l’utilisation conjointe de l’image et du son. Le support sonore était constitué par des enregistrements magnétiques et le support visuel par des images fixes. En effet, la méthodologie SGAV repose sur le triangle : situation de communication/ dialogue/ image. Pour la méthodologie audio-orale, les quatre habiletés visées sont, bien qu’on accordât la priorité à l’oral sur l’écrit. La MAV prend aussi en compte l’expression des sentiments et des émotions, non considérés auparavant. Cette méthode ouvre la voie, par certains aspects, aux approches communicatives, ce qui fait dire à J-M. Dufays : « elle met davantage la grammaire au service de la communication et elle sollicite plus activement la réflexion des apprenants au cours d’activités de compréhension »30 . Ces méthodes, qui permettent, il est vrai, d’apprendre assez rapidement les bases d’une langue étrangère, ne répondent, cependant, pas aux véritables besoins de communication des apprenants. Le but de la MAO était de parvenir à communiquer en langue étrangère, raison pour laquelle on visait les quatre habiletés afin de communiquer dans la vie de tous les jours. Cependant, on continuait d’accorder la priorité à l’oral. On concevait la langue comme un ensemble d’habitudes, d’automatismes linguistiques qui font que des formes linguistiques appropriées sont utilisées de façon spontanée. De plus, les habitudes de la langue maternelle étaient considérées principalement comme une source d’interférences lors de l’apprentissage d’une langue étrangère ; afin de les éviter, il était recommandé que le professeur communique uniquement dans la langue étrangère. La place de la culture étrangère est très importante mais elle est introduite comme une cause d’erreurs de compréhension. Aussi, la M.A.O développe un projet de comparatisme culturel mettant l’accent sur les différences dans les façons de vivre. Cette méthodologie a besoin pour s’appliquer d’instruments comme les exercices structuraux et les laboratoires de langues pour réaliser une acquisition et une fixation d’automatisme linguistique. On remarque que la linguistique et la psychologie de l’apprenant sont présentes dans la conception de la méthodologie. Par ailleurs, la MAO a été sujet de critiques pour son manque de transfert hors de la classe de ce qui a été appris et on a considéré que sa validité se limitait au niveau élémentaire. En outre, le fait de s’inscrire dans l’opposition, la méthode audio-orale conçoit le support littéraire comme support didactique dépourvu de neutralité. La MAO tend vers l’expulsion de la

30 Defays J. –M., (2003), Le Français langue étrangère et seconde. Enseignement et apprentissage, Liège : Mardaga, p.229.

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littérature. Dans ces circonstances, il est difficile d’associer une pédagogie qui se veut innovante à un support didactique largement remis en cause. Élaborée à la même époque, la méthode structuro-globale audio-visuelle (SGAV) occupe une position similaire par rapport au texte littéraire. Différente de la méthode audio-orale par ses objectifs et ses outils, elle vise à présenter la langue en situation. Dans ce cadre, les images utilisées en complément des textes fourniront des indications sur les circonstances possibles de production. L’expression «méthodes audiovisuelles» renvoie aux méthodes, dominantes dans l’enseignement / apprentissage du FLE à partir du milieu des années soixante, dont la caractéristique centrale est une «intégration didactique autour du support visuel 31 ».

La littérature mise à l’écart : les raisons d’une expulsion Les méthodes audiovisuelles désacralisent la littérature et la font détrôner de son piédestal. A partir des années soixante, le support littéraire va se retrouver «évincé des supports d’apprentissage 32 ». En tant qu’écrit déjà le texte littéraire, à priori, il ne correspond pas aux objectifs fixés. Il est ensuite extérieur à la classe et se présente sous une forme non maîtrisable où le choix du vocabulaire ou des formes verbales ne relève pas de la progression pédagogique. Un autre raison qui permet d’expliquer cet expulsion de la littérature est le retour à une conception de la langue comme réalité avant tout orale : la langue écrite n’est plus envisagée que comme «une transposition de la langue parlée 33 » et son étude est repoussée à un second temps de l’apprentissage. Les textes littéraires suscitent moins l’intérêt des pédagogues : la majorité des travaux se concentre d’ailleurs, de manière générale, moins sur l’écrit que sur l’oral. La littérature apparaît aussi comme trop éloignée de l’usage quotidien de la langue qui est désormais visé. La sélection du lexique et de la grammaire ne se fait plus désormais dans les textes des grands auteurs, mais en fonction de leur fréquence d’emploi. Le modèle de langage que présentent les textes littéraires ne peut qu’induire l’apprenant en erreur, puisqu’ils

31 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.192. 32 GRUCA, I. (1996). “Didactique du texte littéraire : un parcours à étapes”. Le Français dans le monde , 285, p.376. 33 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.31.

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présentent le plus souvent des éléments en décalage voire en contradiction avec la langue de tous les jours. Même si, de fait, la langue littéraire ne correspond pas nécessairement aux registres les plus élevés, elle est associée à un usage marqué, envisagée selon une problématique de l’écart, du style, en écho par exemple à une position comme celle de C. Bally 34 : 208 «L’expression littéraire n’est belle que par contraste, comment la comprendrait-on si on ignore ce qui n’est pas elle /../ on croit connaître le français quand on a lu Racine, Corneille, La Fontaine ou Victor Hugo, en réalité on n’en connaît que les déformations sublimes que lui ont fait subir quelques génies, et l’originalité même de ces déformations apparaît mal en l’absence de tout point de comparaison. Voilà pourquoi la langue usuelle doit rester le centre de l’étude d’une langue vivante, sans pour cela devenir une étude utilitaire et terre à terre .» On peut aussi voir des raisons idéologiques à cette éviction de la littérature, D. Coste rappelle ainsi que «la littérature, bien malgré elle, a eu partie liée avec certains fonctionnements sélectifs et élitistes de la tradition classique 35 ». Les méthodes audiovisuelles mettent, en effet, au premier plan la culture du quotidien, au détriment de la culture littéraire et la culture prend un sens moins restrictif : les années soixante voient reculer « les exigences d’un humanisme à peu près exclusivement littéraire /.../ devant celles d’une culture nouvelle où la communication et les échanges /prennent/ beaucoup plus d’importance 36 ». Les chercheurs du CREDIF (dont D. Coste) et plus encore du BELC, lieux clés de l’élaboration et de la diffusion de la méthode SGAV, estiment que le texte littéraire est « trop chargé de connotations élitistes, /.../ dépassé, difficile, peu attractif pour un public nouveau et élargi, en raison d’un langage qui n’est pas celui de la vie de tous les jours 37s ». Il ne doit plus être le support privilégié d’enseignement de la civilisation puisque, c’est désormais, la culture dans son acception la plus quotidienne qui est mise en avant. Les différents travaux qui s’intéressent à la place et la fonction des textes littéraires dans les manuels constatent eux aussi que les méthodes audiovisuelles rompent avec les pratiques

34 BALLY, C. (1951). Traité de stylistique française . 3e éd. Heidelberg, Paris : Winter : Klincksieck, p.249. 35 COSTE, D. (1982). “Apprendre la langue par la littérature ?”. In : PEYTARD, J. (éd.). Littérature et classe de langue : français langue étrangère . Paris : Hatier-CREDIF, p.65. 36 DEBYSER, F. (préf.) (1971). “Introduction” In : REBOULLET, A. (dir.). Guide pédagogique pour le professeur de français langue étrangère . Paris : Hachette, p.6. 37 ARGAUD, E. (2001). “L’enseignement de la civilisation : évolution et représentations dans le champ de la revue Le Français dans le monde (1961-1976)”. Thèse de doctorat. Didactologie. Paris 3, pp.493-94.

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antérieures. On parle d’un «abandon» des textes littéraires, d’une littérature «mise à l’écart», «en isolement», «chassée», «éliminée»... Cette désacralisation initiée par les méthodes audiovisuelles reste donc «ambiguë» (selon l’image employée par I. Gruca). Le texte littéraire se présente comme l’aboutissement de plusieurs années d’apprentissage et lui sont toujours associés des objectifs formatifs et culturels, fédérateurs dans le contexte scolaire : «Il devient nécessaire non plus seulement comme objectif mais aussi comme moyen d’accéder à des connaissances dont la langue étudiée est le vecteur privilégié : la culture du pays étranger. A cet objectif culturel s’ajoute un objectif formatif tout aussi incontournable : s’ouvrir à une autre culture c’est approfondir sa propre culture, développer son esprit d’analyse et son sens critique .38 » Plus encore, le fait de réserver l’étude des textes littéraire aux apprenants avancés, et à un contexte scolaire, accentue encore les connotations élitistes qui lui sont rattachées, comme si les objectifs formatifs et culturels étaient réservés à certains, alors que d’autres devaient se contenter d’objectifs pratiques, ce qui fait dire à I. Gruca que «la dissociation entre le pratique et le culturel, entre la langue outil de communication et la langue véhicule d’une activité culturelle devient ainsi l'instrument d'institutionnalisation d’un clivage social de plus en plus affirmé entre premier cycle court et enseignement long .39 » La littérature a encore, néanmoins, une présence sporadique : des poèmes sont régulièrement proposés aux apprenants (phénomène que l’on retrouvait dans certaines méthodes actives). Ils sont d’ailleurs, le plus souvent, donnés à lire tels quels, sans annotation. Ils peuvent aussi avoir été créés par les concepteurs de la méthode eux-mêmes et ne portent alors aucune mention du nom de leurs auteurs. Seul semble visé le contact avec une forme de langue «autre», cette langue poétique donnée «à découvrir, à interpréter, à sentir 40 ». Les textes littéraires en «français facile» sont une autre modalité de présence de la littérature aux premiers niveaux de l’apprentissage. Les concepteurs de ces collections proposent des versions des grands classiques de la littérature réécrits en un nombre limité de mots. Ils se targuent de permettre à des apprenants encore peu avancés de lire «avec plaisir sans l’aide du

38 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.366. 39 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.141. 40 Ibid., p.182.

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dictionnaire», comme l’indique la quatrième de couverture de la collection «Français facile») les chefs -d'œuvre de la littérature française. Ces textes simplifient à l’extrême l’œuvre dont ils s’inspirent, ne retenant que les grandes lignes de son intrigue, ou les figures les plus saillantes parmi ses personnages. Surtout, ils font comme si la forme d’une œuvre, le style de l’écrivain étaient partie négligeable et pouvaient subir des modifications d’envergure sans que cela affecte la nature même de l’œuvre. Bref, ces tentatives pour essayer de combler le fossé entre le niveau linguistique des apprenants et les objectifs «culturels» (connaissance des œuvres du patrimoine littéraire) s’avèrent ici peu convaincantes. Enfin, cette éviction de la littérature de la classe de langue se produit à un moment où elle est elle-même controversée. En effet, elle entre alors dans une véritable «époque de remis en cause». Sa capacité à représenter le réel est mise en question, ce dont témoigne par exemple le Nouveau Roman. Comment, dès lors, pourrait-elle être utilisée au sein de la classe de langue comme reflet d’une société, d’une civilisation ? Dans le discours théorique accompagnant la méthode SGAV, le texte littéraire est donc censé être exclu par les objectifs pédagogiques et le discours didactique. Or il semble qu’il ne soit réellement absent que des premiers niveaux de l’apprentissage. L’apprentissage linguistique, notamment, se doit d’être complété par l’acquisition d’une compétence culturelle qui n’est pas donnée par le premier niveau. Or, sans cette compétence, il peut être difficile d’envisager une continuation des progrès linguistiques, la complexification des structures étant liée en partie à la multiplication des situations de leur utilisation. C. Puren ajoute que : « L’intérêt de l’apprentissage pour l’apprentissage disparaît, et pour maintenir la motivation des élèves, il devient nécessaire d’utiliser la langue non plus seulement comme objectif mais aussi comme moyen d’accéder à des connaissances dont la langue est un vecteur privilégié : la culture du pays étranger 41 ». Les résultats observés dans le cadre de l’utilisation de la méthode SGAV ont montré que les apprenants pouvaient acquérir une compétence de communication orale assez rapidement. À l’inverse, il leur était plus difficile de comprendre une conversation entre natifs, en grande partie à cause de la langue utilisée dans les dialogues proposés dans le manuel, plus régulière que la langue réelle. De plus, les situations présentées dans les manuels étaient volontairement neutres, pour que chacun puisse s’y retrouver et les comprendre, entraînant une certaine

41 PUREN, C. (1988). Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues . Paris : Clé International, p.366.

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banalisation de ces situations que la diversification future des documents pourra sans doute modifier. Des approches communicatives à nos jours : vers une réhabilitation du texte littéraire A partir du début des années 1970, une réflexion sur le texte littéraire et son statut dans la classe de FLE a été menée. En effet, la méthode audio-visuelle et la méthode audio-orale n’ayant pas donné les résultats escomptés, une nouvelle méthodologie a fait son entrée, répondant à des objectifs différents et suivant les évolutions multiples de cette époque. L’approche communicative qui voit le jour, s’est d’abord inscrite comme une réaction contre les méthodes antérieures pour acquérir ensuite une autonomie qui a fait d’elle une méthodologie à part entière. Largement diffusée aujourd’hui, elle accorde au texte littéraire un statut moins problématique et une place dans l’enseignement / apprentissage du FLE. En même temps, l’alliance du texte littéraire avec des objectifs culturels / civilisationnels prend une nouvelle orientation : d’un côté, les textes littéraires sont désormais considérés comme des documents authentiques, ouvrant sur la culture française ou francophone (au sens anthropologique) et d’un autre côté, le texte littéraire est appréhendé, ce sur quoi nous nous attarderons plus particulièrement, comme un lieu révélateur de l’interculturel. L’approche communicative et le retour du texte littéraire L’approche communicative s’est développée en France à partir des années 1970 en réaction contre la méthodologie audio-orale et la méthodologie audio-visuelle. Selon l’approche communicative, apprendre une langue ne consisterait pas, comme le croyaient les béhavioristes et la méthode audio-orale, à créer des habitudes, des réflexes. Les constructions ne devraient jamais fonctionner hors d’énoncés naturels de communication construits à, partir des besoins langagiers des apprenants. L’apprentissage n’est plus considéré comme passif, recevant des stimuli externes, mais comme un processus actif qui se déroule à l’intérieur de l’individu. En outre, les supports étudiés ne sont plus crées artificiellement pour la classe avec le nombre exact de structures à assimiler mais ils sont choisis parmi une source vaste de documents authentiques (extraits littéraires, articles de journaux, émissions de radio, clips vidéos, etc.). En effet, Le document authentique est théoriquement, dans l’approche communicative, le support de base de toute la progression. L’écrit est, donc, présent en compréhension et en expression dès le début de l’apprentissage et est abordé comme moyen de communication. Par contre, la langue orale enseignée est

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présente sous la forme de documents sonores ou de dialogues qui servent toujours de référence à l’apprentissage. Ils sont authentiques, voire proches de la réalité. En classe, on utilise de préférence la langue étrangère, mais il est permis de recourir à la langue maternelle et la traduction. Quant à l’erreur, elle est considérée comme inévitable et traitée de façon positive, faisant partie du processus d’apprentissage. L’élève devient, quant à lui, un « apprenant » et par conséquent un acteur de son apprentissage. Sa participation est fortement sollicitée et on lui fait acquérir des stratégies d’apprentissage. D’ailleurs, c’est l’approche communicative qui a introduit la notion de « apprendre à apprendre ». Cependant, l’approche fonctionnelle a eu le mérite de montrer que l’apprenant devait être situé au premier plan, que l’écrit devait récupérer son statut et qu’il n’est pas nécessaire de suivre un cours général de langue pour atteindre un objectif spécifique. Cette étape se rapporte au retour des textes littéraires dans l’enseignement des langues étrangères. De manière générale, c’est le domaine de l’écrit qui semble réhabilité en premier lieu. Le travail sur les quatre compétences : compréhension orale (CO) et écrite (CE), expression orale (EO) et écrite (EE), sont abordées simultanément. Autrement dit, l’oral cesse d’être de passer en priorité face à l’écrit comme le préconisaient les méthodes SGAV. Par ailleurs, une prise en compte plus précise des différents publics et de leurs besoins spécifiques conduit les maisons d’éditions à publier de nombreux matériaux complémentaires, dans les années quatre-vingt, des manuels exclusivement dédiés à l’étude de la littérature, répondant à la demande de certaines catégories d’apprenants. Mais, comme le souligne I. Gruca 42 , c’est principalement en tant que document authentique que le texte littéraire fait sa réapparition dans la classe de langue. Il est placé à côté d’articles de journaux, d’affiches publicitaires ou de messages radiophoniques, dans ce « vaste ensemble des messages écrits et oraux produits par des francophones pour des francophones 43 ». C’est alors, une approche thématique et culturelle du texte littéraire qui est privilégiée, du fait des diverses informations qu’il intègre. Il donne à voir sur de nombreux aspects de la réalité quotidienne d’une société donnée, sur les manières de vivre et de penser des gens. I. Gruca souligne que : « Les documents authentiques, mais avec eux /../ les textes littéraires contiennent un grand nombre de références extra linguistiques et de connotations propres à

42 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.141. 43 COSTE, D. (1970). “Textes et documents authentiques au niveau 2”. In Le Français dans le monde , 73, p. 88.

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la civilisation étrangère : il sont donc particulièrement appropriés pour indiquer les spécificités culturelles des situations langagières qu’on propose aux apprenants. 44 » Le texte littéraire décrit aussi la manière dont les Français envisagent, de manière spécifique, certaines thématiques universelles (l’amour, la mort, le bonheur, etc.). Une démarche pédagogique comme celle que préconise D. Coste 45 (1971) est emblématique du traitement réservé au texte littéraire dans cette optique. Il propose en effet d’aborder tout thème de civilisation en trois étapes : - tout d’abord, des témoignages individuels de Français permettent de le découvrir - puis, dans un second temps on propose des «opinions et commentaires» sur ce même thème - et enfin, dans un troisième temps, des textes plus complexes permettent d’engager une réflexion plus poussée à son propos : c’est à cette ultime étape que les textes littéraires seront privilégiés. Toutefois, utiliser le texte littéraire comme un «document de civilisation» conduit à l’aligner plus ou moins sur d’autres types de textes écrits. Et cela peut contribuer à le banaliser, comme le déplorent M.-A. Albert et M. Souchon : « Les textes littéraires sont devenus aujourd’hui des “documents de langue” parmi d’autres, tout particulièrement dans les méthodes de français langue étrangère. Ils apparaissent avec les recettes de cuisine, les publicités, les petites annonces ou autres fiches d’état civil, afin d’”exemplifier” les variétés d’écrits circulant dans la société française .46 » De fait, de nombreux manuels l’introduisent sans réellement prendre en compte ses spécificités, le plus souvent pour travailler la compréhension écrite, dans le cadre d’une démarche de lecture globale «qui n’est pas faite pour faciliter l’interprétation ni l’explication 47 ». Dans le même ordre d’idées, Naturel estime, de son côté, à propos de la présence timide et limité du support littéraire dans les manuels, qu’: «Il est relativement rare et lorsqu’il est cité, c’est pour illustrer un thème d’étude, un phénomène de société etc., à peine reconnaissable entre un article de journal et une page de statistiques, tantôt cité pour

44 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.478. 45 COSTE D. (1971). “Remarques sur les conditions linguistiques et méthodologiques de l’appréciation littéraire“. In : REBOULLET, A. (dir.). Guide pédagogique pour le professeur de français langue étrangère . Paris : Hachette. p. 155-166. 46 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.9 47 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.493.

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son auteur, tantôt pour lui-même, mutilé parfois, incompris le plus souvent, ou du moins jamais compris pour lui-même, jamais dans sa littérarité .48 » En outre, les marques formelles qui le caractérisent sont fréquemment gommées, les indications relatives à l’auteur, au contexte de l’extrait restent souvent minimales. Pour I. Gruca : « cette décontextualisation, poussée ainsi à l’extrême, est pernicieuse d’autant plus que la littérature est morcelée : entièrement déconnectée, privée d’un minimum de références historiques et esthétiques, les fragments littéraires, juxtaposés ou reliés par une thématique, ne sont qu’un prétexte pour développer une seule compétence, à savoir la compréhension entièrement détachée de son support .49 » 2. Depuis les années quatre-vingt-dix : un renouvellement des approches Les années quatre-vingt-dix voient paraître de nombreux ouvrages consacrés à la didactique du texte littéraire dans la classe de FLE. Ces travaux marquent un véritable renouvellement de l’approche de la littérature dans ce domaine - renouvellement dont les échos ne se font pas toujours sentir de manière simultanée dans les propositions des manuels. On peut estimer qu’ils correspondent à la constitution d’un champ propre, celui de la didactique du texte littéraire en français langue étrangère. Foisonnement des recherches relatives à la didactique du texte littéraire La didactique du texte littéraire en français langue étrangère, pendant cette décennie 1990, a pris la voie d’un renouveau du traitement du texte littéraire, et cela apparaît à travers la richesse des publications (ouvrages et articles) consacrés au texte littéraire dans la classe de FLE, dès le début des années quatre-vingt-dix. Ce renouveau est initié par le séminaire organisé au sein du CREDIF à l’automne de 1978, dont l’objectif était «d’arriver à comprendre plus clairement la place et la fonction de la littérature dans l’enseignement du FLE 50 ». D’ailleurs, l’année 1982 apparaît comme une année charnière, puisqu’elle voit la parution : - de Littérature et classe de langue (Hatier, collection LAL), aboutissement du séminaire du CREDIF

48 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p.19. 49 GRUCA, I. (1993). “Les textes littéraires dans l’enseignement du français langue étrangère : étude de didactique comparée”. Thèse de doctorat. Langues et littérature moderne et contemporaine. Université Stendhal, Grenoble 3, p.495. 50 PEYTARD, J. (1988). “Usage du texte littéraire en classe de langue de français langue étrangère, éléments de problématique”. Le Français dans le monde. Recherches et applications : Littérature et enseignement : la perspective du lecteur , n° spécial, février-mars, p.10.

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- d’un numéro des Etudes de Linguistique Appliquée «Littérature à enseigner» à l’initiative de Louis Porcher. Puis, au tournant des années quatre-vingt-dix et tout au long de cette décennie, c’est une véritable embellie : la littérature est à nouveau sous le feu des projecteurs. Pour essayer de synthétiser les grandes lignes de force de ces productions, nous avons choisi de nous référer à celles qui nous semblaient les plus emblématiques, susceptibles par leur portée d‘influencer tant les pratiques des enseignants que les recherches ultérieures dans le domaine. Un des indicateurs que nous avons retenus est la mention qui pouvait en être faite dans les bibliographies, de deux ouvrages de référence dans le domaine de la didactique générale du français langue étrangère : le Cours de didactique du Français langue étrangère et seconde 51 et le Dictionnaire du français langue étrangère et seconde . Nous avons ainsi dans un premier temps retenu un certain nombre de noms de chercheurs qui contribuent à fonder ce champ de la didactique du texte littéraire dans le domaine du FLE : les «fondateurs», H. Besse, D. Coste, J. Peytard, J. Verrier, L. Porcher mais aussi : D.Bertrand, F. Cicurel, L. Collès, J.-P. Goldenstein, I. Gruca, M. Naturel, A. Séoud, Albert M.C., Souchon M., Adam J.-M., Bertrand D. Ploquin F., Naturel M., Peytard J., Bourdet J.-F. (et d’autres encore). Ces ouvrages articulent généralement : - des développements théoriques relatifs aux textes littéraires, mettant notamment en lumière ce qui fait leur spécificité (en regard des documents authentiques notamment) ; - des réflexions sur les finalités didactiques que peuvent / doivent avoir les textes littéraires dans la classe de langue (tous envisagent prioritairement la classe de FLE; - et des propositions pédagogiques, plus ou moins détaillées et concrètes selon les cas (certaines sont présentées comme le fruit d’expériences menées en classe, d’autres n’ont pas nécessairement été déjà mises en pratique). Un nombre considérable de propositions témoignent bien de l’intérêt que portent la plupart des didacticiens du FLE au texte littéraire. Toutes ces recherches, aux titres très révélateurs, inscrivent le domaine littéraire au cœur de la réflexion didactique. D’ailleurs, on y trouve plusieurs propositions, qui pensent à une «voie médiane» qui s’ouvre aux didacticiens et aux enseignants, la possibilité de rompre avec d’un côté la sacralisation propre aux pratiques traditionnelles et de l’autre la banalisation des approches communicatives. Cette orientation,

51 CUQ, J.-P. et GRUCA, I. (2002). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde . Grenoble : Presses universitaires de Grenoble.

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bien illustrée, dans les propos des auteurs Albert et Souchon : « Nous avons opté pour une troisième voie : ni banalisation, ni sacralisation. Les textes littéraires peuvent jouer un rôle important dans l’apprentissage d’une langue étrangère : ils ne se situent ni en marge ni à la périphérie des différents processus mis en œuvre 52 ».» De la même manière J. Peytard 53 affirme la nécessité de dépasser deux attitudes qui sont souvent de mise face au texte littéraire : d’une part, l’effet «réservoir» et d’autre part l’effet «communion» : la première consiste à y puiser des ressources grammaticales et / ou lexicales sans prêter attention à sa dimension littéraire. Enfin, on notera que plusieurs de ces ouvrages soulignent le décalage qui existe entre la vitalité de la réflexion théorique et les propositions des manuels. I. Gruca 54 parle par exemple du «divorce qui s’est instauré entre la recherche d’une part, et la situation de classe d’autre part». Le regain d’intérêt pour le texte littéraire comme objet de recherche Nous constatons un engouement pour la littérature dont témoignent les différentes publications d’articles et d’ouvrage qui confirment un retour en grâce du texte littéraire. M. Naturel met par exemple en exergue à son introduction une citation de L. Porcher : « La littérature, où que ce soit en didactique, reprend une place importante, parce que, finalement, les apprenants, eux, contrairement aux didacticiens, ne savaient pas qu’elle n’était qu’une vieillerie 55 », et la commente ainsi : « la littérature revient à la mode, en effet, dans la didactique du français langue étrangère. On la cite, on s’y réfère, on la vénère ... après l’avoir si longtemps bannie, accusée de tous les mots, le plus grave étant qu’elle ne permettait pas d’apprendre à communiquer 56 ». Et quasiment tous les ouvrages que nous avons mentionnés s’ouvrent sur la mention d’un «nouvel engouement» pour la littérature. Goldenstein souligne, à juste titre, « longtemps créditée de toutes les vertus formatrices par l’enseignement du français langue maternelle comme étrangère /.../ / la littérature/ est entrée à son tour l’ère du soupçon et s’est vu reprocher son caractère fictionnel /.../ aujourd’hui un mouvement inverse s’amorce et, de nouveau, le texte littéraire retrouve une place dans l’enseignement. Ce renouveau d’intérêt

52 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.10.

53 PEYTARD, J. (1988). “Usage du texte littéraire en classe de langue de français langue étrangère, éléments de problématique”. Le Français dans le monde. Recherches et applications : Littérature et enseignement : la perspective du lecteur , n° spécial, février-mars, pp.12-13. 54 CUQ, J.-P. et GRUCA, I. (2002). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde . Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p379. 55 PORCHER, L. (1987). Manières de classe . Paris : Didier, p.41. 56 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p.3.

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nous incite à proposer des activités pratiques, toujours fondées en théorie, aptes à favoriser une autoformation des (futurs) enseignants comme des étudiants .57 » Suite à un répit dû momentanément, à un mépris au sein de la pensée didactique en français langue étrangère, la littérature renaît tel un sphinx de ses cendres. Ce que affirment les auteurs Cuq et Gruca et estiment qu’« on assiste à une pléthore de propositions qui témoigne bien de l’intérêt que portent la plupart des didacticiens du FLE /.../ au texte littéraire /.../ il ne fait aucun doute que la littérature et le texte littéraire ont le vent en poupe ; toutes ces recherches, aux titres très révélateurs, inscrivent le domaine littéraire au cœur de la pensée didactique actuelle et manifestent la volonté de prendre en charge ce problème longtemps négligé en France 58 .» Les points positifs de ce renouvellement Les didacticiens ont pris en compte les particularités propres au texte littéraire : il s’agit de ne pas le confondre avec le document authentique, en prenant appui sur, à la fois, cette littérarité et cette polysémie, qui le distingue des autres textes. L’accent est mis sur une approche discursive des textes littéraires, qu’illustrent de manière évidente les travaux de J. Peytard. Penser le texte comme un objet de discours permet en effet de faire converger : - l’attention unique qu’il porte à la langue (l’image du texte comme «laboratoire langagier» initiée par J. Peytard et fréquemment reprise) ; - la diversité des genres auxquels il peut s’affilier ; - le caractère singulier de ses conditions de production, les modalités particulières de son énonciation ; - le rôle crucial de sa réception, qui va de pair avec la pluralité de ses significations. Cela s’illustre tout particulièrement dans ces propos de J. Peytard (et S. Moirand) 59 : «Penser le texte littéraire comme un “objet produit” qui induit des lectures multiples, variables, plurielles, au long du temps et pour chaque lecteur singulier, en une période donnée. (…) L’écriture instaurant le texte comme un prodigieux et étonnant laboratoire langagier, où l’on a la chance d’observer et de comprendre ce que c’est qu’une langue.

57 GOLDENSTEIN, J.-P. (1990). Entrées en littérature . Paris : Hachette FLE, p.5. 58 CUQ, J.-P. et GRUCA, I. (2002). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde . Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p.378. 59 PEYTARD, J. et MOIRAND, S. (1992). Discours et enseignement du français : les lieux d’une rencontre . Vanves : Hachette FLE.

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Concevoir la littérature comme le produit du langage au travail devrait permettre de concilier enseignement de la langue et littérature.60 » On peut encore citer M.-C. Albert et M. Souchon, dont on voit qu’ils adoptent les mêmes perspectives sur les textes littéraires : « Tout d’abord, en tant que forme de communication, la littérature est un puissant outil de réflexion sur la communication humaine elle-même. Il n’est pas possible d’admettre que la littérature soit mise à l’écart d’une problématique de la communication au cours de cette démarche fondamentalement interculturelle qu’est l’enseignement d’une langue étrangère. De ce point de vue, la littérature a une place parfaitement légitime, “naturelle” même dans une approche communicative de l’enseignement des langues étrangères Sur le plan proprement langagier, la littérature, c’est l’exploration réglée des possibilités offertes par la langue. L’écriture des textes littéraires permet d’observer des faits de langue sans jamais les dissocier de la question du sens. Ce que l’apprenant découvre dans un texte littéraire, c’est la “langue au travail” ; ce n’est ni l’expression incomparable d’un génie doué de capacité tout à fait exceptionnelle /.../ ni la langue circulante des échanges quotidiens 61 .» De ce qui précède, nous avons tenté de mettre en relief la manière dont pouvait se révéler cette conception renouvelée du texte littéraire à travers les éléments suivants : a) La suprématie de la «fonction poétique» du langage dans le cas du texte littéraire. Ainsi, J. Peytard avertit les enseignants de ne pas oublier la recommandation de R. Barthes : « la littérature est un espace de langage» : «Le pari à faire - et à tenir - consiste en ce que l’approche du texte littéraire comme ensemble de manifestations de la langue, en son fonctionnement le plus affirmé, le plus insistant, requiert une minutieuse attention analytique à l’écriture. Bref, au travail du “signifiant”, en sa forme de contenu, pour reprendre des concepts rassurants et non moins inquiétants .62 » Cette attention à la forme du texte, à la matérialité de l’écriture, aux jeux de langue, sont souvent associées à la découverte de textes poétiques et / ou liées à des jeux d’écriture.

60 PEYTARD, J. (1988). “Usage du texte littéraire en classe de langue de français langue étrangère, éléments de problématique”. Le Français dans le monde. Recherches et applications : Littérature et enseignement : la perspective du lecteur , n° spécial, février-mars, p.10 61 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.10. 62 PEYTARD, J. (1988). “Usage du texte littéraire en classe de langue de français langue étrangère, éléments de problématique”. Le Français dans le monde. Recherches et applications : Littérature et enseignement : la perspective du lecteur , n° spécial, février-mars, p.15.

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Le « parcours à étapes » que suggère d’appliquer I. Gruca aux textes littéraires se clôt ainsi (après une «approche globale» et une «étude des invariants textuels génériques et typologiques») sur une « lecture approfondie », « étude du traitement particulier du traitement des invariants et des spécificités de l’écriture ou les étonnements du texte», que permettent de mettre en œuvre les outils de la sémiotique et de la stylistique 63 . b) De nombreux travaux envisagent le texte littéraire comme un discours et s’intéressent, à la fois, aux caractéristiques propres à ses conditions de production, mais aussi, et surtout, à ses conditions de réception. L’attention n’est plus portée à un texte conçu comme objet clos sur lui-même mais à la communication littéraire dont M.-C. Albert et M. Souchon souhaitent ainsi prêter attention à «l’ensemble des relations qui s’établissent entre les trois pôles de la communication littéraire, à savoir l’émetteur, le texte et le récepteur 64 ». Bien évidemment, on trouve ici une continuité avec l’approche communicative en cours au même moment. Certaines propositions se consacrent au pôle émetteur : notamment à la polyphonie énonciative, à la co-existence entre les différentes instances émettrices (auteur scripteur énonciateur / narrateur personnage). Néanmoins, c’est surtout le pôle de la réception qui attire l’attention. Comme le souligne J. Verrier, en vingt ans la didactique du FLE est passée «de l’enseignement de la littérature à l’enseignement de la lecture 65 ». On peut en voir la raison dans : - La diffusion des travaux portant sur la réception littéraire et leur influence croissante dans le domaine du FLM, et, par la suite du FLE. Ainsi, on retrouve dans le sommaire du numéro du Français dans le monde de 1988 justement intitulé «Littérature et enseignement : la perspective du lecteur», des textes de H.-R. Jauss 66 , ou de H. Weinrich, figures centrales des travaux portant sur la réception littéraire. - Mais aussi, plus largement, la centration sur l’apprenant propre à la didactique des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, l’articulation possible avec des activités où les apprenants prennent la parole, donnent leur avis sur le texte. Ce renouvellement de la didactique de la lecture conduit à donner une place véritablement active aux lecteurs :

63 CUQ, J.-P. et GRUCA, I. (2002). Cours de didactique du français langue étrangère et seconde . Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, pp. 281-385. 64 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.12. 65 VERRIER, J. (1994). “De l’enseignement de la littérature à l’enseignement de la lecture”. In : COSTE, D. (éd.). Vingt ans dans l’évolution de la didactique des langues : 1968-1988 . Paris : Hatier : Didier : CREDIF, p. 159. 66 JAUSS, H.-R. (2001). Pour une esthétique de la réception . Paris : Gallimard.

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«C’est ainsi qu’après la perspective dominante des auteurs et de leur histoire, après celle du texte et de ses structures, voici à présent celle du lecteur et de son aventure intersubjective. On cherche à savoir comment il comprend, on observe l‘étendue et la variation de ses réactions sensibles, le jeu de ses interprétations et la transformation de ses attitudes .» «Du même coup, le lecteur n’est plus ce bloc unifié et immuable qu’on nommait simplement récepteur ou destinataire de la communication. Conçu désormais comme instance dynamique de construction du sens, il se définit par la relation particulière qu’il entretient avec le texte qu’il lit .67 » De nombreuses propositions prennent acte de ce rôle actif du lecteur. C’est le cas des lectures «interactives» de F. Cicurel qui préconisent de «réduire l’inconnu» et «s’appuyer sur les compétences antérieures du sujet lisant» : « L’idée de départ de la méthodologie interactive est qu’un texte en langue étrangère contient trop d’éléments d’informations à capter à la fois et qu’il faut alléger la lecture en donnent ou en faisant découvrir des repères solides (indices visuels, structuration du texte, reconnaissance du thème, de l’idée principale .68 » Quant aux étapes de «prélecture» et d’«exploration de la situation initiale», l’auteure invite à «demander au lecteur de fournir des hypothèses et des interprétations sur le texte qu’il est en train de découvrir 69 ». De manière générale, le travail sur l’avant lecture, le repérage du paratexte, la formulation d’hypothèses à partir de la lecture d’un incipit deviennent, comme en FLM, des éléments attendus de tout parcours littéraire. Par ailleurs, on essaie aussi de favoriser la lecture, de (re) donner une place à l’envie et au plaisir de lire, on suggère des activités visant à favoriser «l’établissement de la relation texte-apprenant 70 ». Il s’agit d’inviter l’apprenant à «entrer en lecture» à partir plusieurs suggestions d’activités qui sollicitent la parole des apprenants : des activités qui portent sur la relation qui s’instaure entre le texte et son lecteur et l’invitent à donner son avis, à s’exprimer, à partager autour du texte. On voit par exemple dans la démarche de F. Cicurel qu’un temps est expressément réservé à cette réception du lecteur, à la résonance que le texte opère en lui : l’après-lecture est ainsi le moment où l’on « encourage/ le lecteur à rendre une distance par rapport au récit, à lui donner un sens global, à l’insérer dans son propre système de valeurs. On cherchera à favoriser l’interaction texte-lecteur en

67 BERTRAND, D. et PLOQUIN, F. (éds.) (1988). “Lire pour écrire”. Le Français dans le monde. Recherches et applications Littérature et enseignement : la perspective du lecteur, n° spécial, février-mars, p. 3. 68 CICUREL, F. (1991). Lectures interactives en langues étrangères . Paris : Hachette FLE, p.131. 69 Ibid., p.134. 70 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.52.

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encourageant le lecteur à participer au processus interprétatif, à donner éventuellement un sens autre, on veut lui faire exprimer l’effet que le texte a sur lui, on lui demandera de donner son opinion, d’exprimer si le texte s’est déroulé de la manière qu’il attendait. 71 » d) Autre élément récurrent, dans la didactique du texte littéraire, consiste à diversifier les corpus proposés en classe. On propose alors d’ouvrir les classes et les manuels à la poésie et au théâtre. - On dénonce les inconvénients des extraits, forme sous laquelle est traditionnellement travaillé le texte littéraire ; des propositions mettent l’accent sur l’intérêt de travailler des textes intégraux. F. Cicurel propose une méthodologie de la nouvelle dans la classe de langue : «Il faut choisir des textes intégraux plutôt que des morceaux choisis car, avec ces derniers, l’élève lecteur reste toujours dépendant ; le début ou le restant du texte est résumé par le professeur ou le manuel. /.../ un véritable apprentissage de la lecture passe par une lecture intégrale afin que l‘apprenant puisse suivre le déroulement du récit et s’appuyer sur les indices successifs du texte pour en voir la signification 72 ». Même attitude semble adoptée par M. Naturel qui préconise de travailler sur des œuvres intégrales pour que les apprenants « puissent mener de façon active et personnelle une lecture transversale de l’œuvre 73 ». L’on retient : - On ne se cantonne plus à la littérature «patrimoniale» : sont proposés des textes très contemporains, en phase avec l’actualité. La classe s’ouvre aussi à la littérature de jeunesse, les romans policiers, populaires, etc. - On diversifie aussi les supports : le texte littéraire n’est plus uniquement un texte. Il passe par la lecture à haute voix, le chant, l’image ... Le conte, le théâtre sont des genres qui permettent ce type d’entrée dans la littérature. - On ouvre les frontières géographiques à des textes écrits en dehors de l’hexagone, en langue française, mais aussi dans d’autres langues, en proposant de travailler dans une perspective comparatiste et /ou en s’interrogeant sur la question de la traduction des textes littéraires. Ainsi, après avoir avancé un certain nombre de propositions dans son article «Des usages de la littérature en classe de langue», J. Peytard conclut par exemple sur ces mots : « En fait, dès le début de l’apprentissage du français (FLE), le texte littéraire peut être exploité, dans cette “ambiance sémiotique”, où il n’est ni “réservoir” ni “objet de communion”, mais lieu de

71 CICUREL, F. (1991). Lectures interactives en langues étrangères . Paris : Hachette FLE, p.148. 72 Ibid., p.130. 73 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p.143.

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littérarité - c’est-à-dire d’écriture qui signale les potentialités, les ressources de la langue à apprendre .74 » e) Les travaux portant sur l’intertextualité sont eux aussi mis à contribution : M.-C. Albert et M. Souchon disent par exemple « s’intéresser à la variation des textes à partir des différents types de relation que les textes entretiennent entre eux 75 ». Pour M. Naturel, c’est même l’approche qui doit prédominer, même si «une pluralité de perspectives 76 » reste nécessaire. On propose ainsi de mettre des textes en réseau, de rapprocher et de confronter des textes relevant du même genre (les contes par exemple), ou bien les manières dont un même thème, un même personnage sont repris à travers le temps et les œuvres. f) Le fait littéraire, l’histoire littéraire : des propositions relatives à l’exploration du fait littéraire lui-même (à la littérature et à la vie littéraire comme partie de la culture) sont intéressantes. La littérature n’apparaît plus comme «un monument qu’il faut faire accepter» mais comme «un organisme mouvant et composite, qui assume des fonctions dans l’évolution d’un système 77 ». Les travaux de la sociologie littéraire, de la sociocritique sont ici mis à contribution : on le voit notamment dans Littérature et classe de langue , dont la seconde partie, intitulée Des usagers et des producteurs du texte littéraire (le texte littéraire en classe et parmi les classes) fait appel aux travaux de P. Bourdieu, J. Dubois, C. Duchet, ou encore H. Mitterand. Découvrir la littérature française ou francophone, pour un apprenant, c’est donc aussi « étudier la manière dont le texte fonctionne dans l’institution littéraire, économique et culturelle d’origine 78 », « replacer la littérature dans les différents champs de production et de consommation des biens culturels 79 », être amené à réfléchir aux «rapports de tel auteur avec tel éditeur» à l’adaptation de tel roman au cinéma, son exploitation dans tel manuel, aux «conditions sociales de sa lisibilité», aux «sens que ses différents publics lui donnent 80 ».

74 PEYTARD, J. (1988). “Usage du texte littéraire en classe de langue de français langue étrangère, éléments de problématique”. Le Français dans le monde. Recherches et applications : Littérature et enseignement : la perspective du lecteur , n° spécial, février-mars, p.17. 75 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.153. 76 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p.20. 77 BERTONI DEL GUERCIO, G. (1988). “Littératures et systèmes littéraires”. In : Le Français dans le monde. Recherches et applications Littérature et enseignement : la perspective du lecteur, n° spécial, février-mars, p. 7. 78 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p.197. 79 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p.210. 80 Ibid., p.220.

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L’approche de l’histoire littéraire elle-même est renouvelée : elle devient moins une somme de savoirs à transmettre qu’un outil «capable de fournir les prémices d’une intelligence des multiples phénomènes liés à l’étude des faits littéraires 81 ». g) Lire pour écrire : L’attention portée à la communication et à la réception littéraire, l’implication du sujet lecteur, l’intérêt pour les jeux de langue, les invariants (thématiques ou formels) des textes sont autant d’éléments qui expliquent la présence de nombreuses propositions articulant lecture et écriture. M. Souchon et M.C. Albert recommandent aux lecteurs et aux apprenants-lecteurs : « Deviens, lecteur, le scripteur que tu es en puissance, si tu veux davantage comprendre et du coup mieux réussir l’acte même auquel tu prétends 82 ». Dans un article au titre évocateur, «Lire pour écrire», D. Bertrand et F. Ploquin suggèrent ainsi «un va-et-vient constant entre l’analyse et la production, sous la forme alternée d’observations ponctuelles, d’esquisses de pastiches et de micro rédactions. Du même coup, lecture et écriture se trouvent étroitement solidarisées et ces activités souvent disjointes dans les pratiques scolaires s’appellent et se motivent réciproquement 83 ». De même A. Séoud consacre un chapitre entier à un véritable plaidoyer « pour une lecture - écriture ou pour une didactique de la créativité littéraire 84 » : « Il ne s’agit pas forcément, bien sûr, de viser à produire des écrivains ou à ne produire que des écrivains /.../ mais d’assurer un apprentissage de l’écriture littéraire pour répondre au désir d’écrire /.../ Apprendre à écrire, donc, d’abord, au nom du droit de tous les apprenants au “plaisir du texte”, qui est non seulement un plaisir de lire, mais aussi d’écrire et de dire 85 ». Les raisons de ce passage à l’écriture permet donc aux apprenants d’expérimenter de l’intérieur les modèles textuels observés, instaure un véritable «dialogue» avec le texte lu. h) La dimension culturelle et interculturelle du texte Les années quatre-vingt-dix voient se multiplier les propositions de considérer le texte littéraire comme un lieu - de découverte d’une culture qui y est «mise en texte» (ou de cultures qui y sont mises en textes) - de dialogue entre cette culture (ou ces cultures) et celle de l’apprenant (celles de l’apprenant)

81 Ibid., p.52. 82 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p.60. 83 BERTRAND, D. et PLOQUIN, F. (éds.) (1988). “Lire pour écrire”. Le Français dans le monde. Recherches et applications Littérature et enseignement : la perspective du lecteur, n° spécial, février-mars, p. 123. 84 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p.159. 85 Ibid., p.162.

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Nous consacrerons le chapitre 3 de notre travail à cette fonction de médiateur culturel et interculturel donnée au texte, fonction qui selon les chercheurs et les travaux peut revêtir des visages somme tout assez différents les uns des autres. Depuis 2000, l’importance de la littérature en classe de FLE n’a pas diminué. La didactique du texte littéraire telle qu’elle se présente aujourd’hui nous semble suivre les sillons du renouvellement méthodologique récent. On retrouve d’ailleurs, comme dans les années quatre-vingt-dix, la même rupture entre les propositions didactiques, les travaux plus spécialisés d’une part, et la pratique du texte littéraire dans les manuels de FLE. La nouvelle époque se caractérise par ce qui suit : - l’introduction d’une nouvelle problématique, celle de l’articulation entre le texte littéraire et le Cadre Européen commun de référence, de l’intégration du texte littéraire dans un nouveau paradigme méthodologique perspective actionnelle et / ou approche par compétences ; - la présence de certaines approches du texte littéraire : les questions relatives à la réception du texte, à la dimension individuelle, personnelle et subjective de la lecture et l’intérêt porté à la dimension culturelle / interculturelle du texte littéraire - désormais envisagé de manière quasi-systématique comme le « lieu emblématique de l’interculturel 86 ». 3. L’avènement de la perspective actionnelle : quelle place pour le texte littéraire ? L’année 2001 correspond à une nouvelle étape marquante dans l’histoire des méthodologies. En effet, c’est à cette date qu’est publié le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (pour ses versions anglaise et française du moins). Ce document, fruit des travaux du Conseil de l’Europe, est conçu comme un instrument qui « en fournissant une base commune à des descriptions explicites d’objectifs, de contenus et de méthodes /.../ améliorera la transparence des cours, des programmes et des qualifications, favorisant ainsi la coopération internationale dans le domaine des langues vivantes87 ». Le Cadre se présente comme un outil susceptible d’aider les professionnels des langues. Ses concepteurs insistent sur le fait qu’il n’impose aucune méthodologie, puisque, justement, il est suffisamment souple et ouvert pour être adapté à toutes sortes de situations. Il peut être modifié, évoluer en fonction des attentes de ceux qui l’utilisent, « n’est rattaché de manière

86 ABDALLAH-PRETCEILLE, M. et PORCHER, L. (1996). Éducation et communication interculturelle . Paris : Presses Universitaires de France, p.162. 87 CONSEIL DE L’EUROPE. DIVISION DES POLITIQUES LINGUISTIQUES (2001). Un cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer [en ligne]. Paris : Didier ; Strasbourg : Éd. du Conseil de l’Europe. Disponible sur : (consulté le 10 août 2015 ), p.9.

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irrévocable et exclusive à aucune des théories ou pratiques concurrentes de la linguistique ou des sciences de l’éducation 88 ». 3.1 Le texte littéraire dans le CECR L’on s’interroge à présent sur la place allouée à la littérature dans cette nouvelle configuration méthodologique ? Dans un premier temps, si l’on examine le CECR, on voit qu’il a trop peu dit sur la question (comme il l’est, de manière générale, sur celle des supports). Aucun développement conséquent n’y est consacré à la littérature : on ne relève d’ailleurs quelques occurrences des termes «littéraire» ou «littérature». Le développement le plus long relatif à ce sujet prend place lorsque les concepteurs du Cadre présentent ce qu’ils entendent par utilisation esthétique ou poétique de la langue (versus : domaine privé, public, éducationnel, professionnel, utilisation ludique ) «L’utilisation de la langue pour le rêve ou pour le plaisir est importante au plan éducatif mais aussi en tant que telle /.../ Bien que ce bref traitement de ce qui a traditionnellement été un aspect important, souvent essentiel, des études de langue vivante au secondaire et dans le supérieur puisse paraître un peu cavalier, il n’en est rien. Les littératures nationales et étrangères apportent une contribution majeure au patrimoine culturel européen que le Conseil de l’Europe voit comme “une ressource commune inappréciable qu’il faut protéger et développer”. Les études littéraires ont de nombreuses finalités éducatives, intellectuelles, morales et affectives, linguistiques et culturelles et pas seulement esthétiques. Il est à espérer que les professeurs de littérature à tous les niveaux trouvent que de nombreuses sections du Cadre de référence sont pertinentes pour eux et utiles en ce qu’elles rendent leurs buts et leurs démarches plus transparents 89 .» Le propos est ambigu : on reconnaît au texte littéraire un rôle capital, tout en semblant le reléguer dans une tradition qui se conjugue au passé ; on concède que le traitement qui lui est réservé semble «cavalier» (et l’on assure qu’il n’en est rien) ce que rien dans le Cadre lui- même ne vient contredire. La position adoptée semble de prime abord plutôt classique : la littérature est envisagée dans sa dimension patrimoniale (même si c’est à l’échelle européenne et non plus nationale). De nombreuses finalités renvoient à une conception plutôt humaniste

88 Ibid., p.13. 89 JACQUIN, M. (2010). “Quelle place pour l’enseignement des littératures étrangères au sein d’une perspective actionnelle ? Apports et limites du cadre de référence européen (CECR) pour (re) penser l’enseignement de la littérature de langue allemande à Genève”. In : Enseigner les littératures dans le souci de la langue . 11e rencontres des chercheurs en didactique des littérature, Genève, 25-27 mars 2010 [en ligne]. Disponible sur : < http://www.unige.ch/litteratures2010 >

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de la lecture. En outre, les différents descripteurs du Cadre évoquent les textes littéraires aux niveaux les plus avancés (à partir du niveau B2) : ils sont renvoyés à la fonction de «récompense» au dernier stade de l’apprentissage, pour les élèves des niveaux les plus avancés (régression, donc, par rapport aux propositions de l’ère communicative). Néanmoins, cet alignement sur une conception plutôt apparemment traditionnelle de la littérature va de pair, paradoxalement, avec une forme de banalisation, ou du moins l’absence de considérations spécifiques associées aux textes littéraires. Ceux-ci sont par exemple, à plusieurs reprises, mentionnés dans des listes mêlant différents types de support, mis sur le même plan que les magazines, journaux, modes d’emploi, et autres brochures et prospectus. Par ailleurs, on note aussi la volonté du Cadre de ne pas associer le texte littéraire à la seule compétence de compréhension écrite. Il n’est pas seulement texte à lire, mais aussi texte à dire ou à écouter). On le voit donc, la présence du texte littéraire dans le CECR est à la fois discrète et sans grande cohérence : il semble être un élément qui n’a pas été réellement pensé par les concepteurs du Cadre.

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Conclusion Dans ce chapitre, nous avons effectué un parcours à travers les méthodologies successives du français langue étrangère. Nous y avons examiné la place et la fonction du texte littéraire, en mettant en évidence les différentes étapes qui caractérisent son enseignement / apprentissage. Nous avons retrouvé les trois temps mis en évidence par des travaux comme ceux d’I. Gruca ou de M. Naturel : le texte littéraire a connu en effet une période de sacralisation, puis a traversé un «isolement», et enfin connaît depuis une quinzaine d’années une véritable réhabilitation, dont nous avons essayé de mettre en évidence quelques-unes des caractéristiques. Nous nous sommes particulièrement intéressé aux relations tissées entre enseignement du texte littéraire et objectifs culturels et interculturels. En effet, le texte littéraire a pendant longtemps été considéré comme le moyen privilégié de se cultiver, l’emblème d’une culture humaniste et universelle. Mais l’étude du patrimoine littéraire français et francophone est aussi envisagée comme l’occasion de découvrir une civilisation, de se familiariser avec les manières d’être, de penser, les valeurs et les interrogations propres au peuple français et francophone. En considérant ainsi le texte comme un document de civilisation, certaines méthodologies en viennent même à mettre au second plan sa dimension proprement littéraire, à le considérer comme un document authentique «comme un autre». Enfin, un ensemble de travaux associent le texte littéraire à des objectifs interculturels, ce à quoi nous consacrons le chapitre suivant .

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe

Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe

INTRODUCTION Le présent chapitre aborde le domaine de la lecture de textes littéraire en rapport avec la notion d’interculturalité, en classe de FLE, qui se trouve au centre de notre étude. La lecture littéraire est appréhendée dans la classe de langue, à la fois comme : - terrain d’une rencontre interculturelle entre le texte et son lecteur, éventuellement entre les lecteurs apprenants qui échangent au sein de la classe - et éventuellement terrain de construction de compétences (inter)culturelles Le présent chapitre s’ancre donc dans le domaine des études interculturelles et fait le point sur les notions opératoires dans ce champ pour étudier, comme c’est notre objectif, en quoi le texte littéraire est susceptible d’être le transmetteur et/ou déclencheur de contacts entre cultures dans la classe de langue. Parmi les multiples notions envisageables, ce sont celles de culture/ civilisation, de lecture littéraire et genres littéraires qui attireront de manière plus spécifique notre attention. Notre recherche nous conduit en effet à nous intéresser à une rencontre entre lecture littéraire et interculturalité : celle qui advient lorsque des collégiens sont amenés à lire les différents textes appartenant aux divers genres littéraires en cours de français.

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1. La lecture littéraire dans le cadre scolaire : caractéristiques et difficultés Dans la classe de langue, le texte qu’il soit littéraire ou non est perçu en tant que « phénomène social », parce qu’il s’inscrit dans une situation de communication et dans un cadre d’échange à propos de quelque chose, entre les partenaires de l’échange. M. Naturel distingue le texte littéraire du texte qui ne l’est pas, à partir de sa polysémie. Pour sa part, « il apparaît donc clairement que le texte non littéraire a un sens et un seul alors que le texte littéraire permet une lecture plurielle ; d’une part, il peut être abordé sous différents angles d’analyse et, d’autre part, il se prête à de multiples interprétations 1.» A. Séoud va plus loin en soutenant que l'association "texte" et "littéraire" ne pouvait se faire si le sens en été fixé. Autrement dit, c'est la charge polysémique qui déterminerait la littérarité d'un texte: « Plus le texte est polysémique, plus il est littéraire, et réciproquement, moins il est polysémique 2 ». Nous estimons, en effet, que la didactique du FLE, a plus à gagner en introduisant en son sein le texte littéraire. Travailler sur la polysémie des textes littéraires en classe de FLE s'avère extrêmement avantageux pour les élèves, à la fois, parce que cela créerait une dynamique interactive entre l'enseignant et les élèves mais surtout cela mettrait l’élève dans une posture de dialogue direct avec le texte littéraire. Les lectures auxquelles nous nous intéressons, dans le cadre de cette étude, sont conduites dans les classes du moyen. Ainsi, la lecture scolaire s’écarte de loin d’une lecture dite intime ou privée. Comme le souligne J.-L. Dufays « la lecture qui est enseignée et pratiquée à l’école» est un objet d’étude différent de « l’expérience ordinaire de la rencontre seul à seul avec le texte » et le contexte scolaire tout entier «c olore la réception de manière indélébile 3 ». (Dufays, Gemenne et Ledur, cité par N. Maillard, 2014, p.169). Nous accorderons toute notre attention ici, aux rôles de «transmetteur de langue(s)» et de «transmetteur de culture(s)» qui peuvent être assignés au texte littéraire. La classe de langue constitue un lieu privilégié de socialisation pour les élèves par le moyen de la lecture littéraire. En effet, le texte littéraire véhicule « une certaine culture que l’école a pour mission

1 NATUREL, M. (1995). Pour la littérature : de l’extrait à l’œuvre . Paris : Clé International, p.8.

2 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p. 47.

3 DUFAYS, J.-L., GEMENNE, L. et LEDUR, D. (cité par MAILLARD, N. (2013). « Le texte littéraire francophone, passeur de langues et de cultures. Interactions didactiques en contexte universitaire ». Thèse de Doctorat. Sciences du langage. Université d’Angers, p.169.)

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe de transmettre à l’élève 4 ». C’est l’un des postulats de base de la didactique du texte littéraire en français langue étrangère. A ce propos A. Séoud estime que la « la littérature, tous genres confondus, et quelle que soit la conscience qu’en ont les écrivains, ou les intentions de création dans lesquelles ils inscrivent leurs œuvres, ou même la langue dans laquelle ils écrivent, intègre immanquablement, d’une manière plus ou moins explicite et plus ou moins dense mais toujours mieux que toutes les autres formes du discours, les traits culturels et les ressources symboliques des espaces sociaux où elle se développe 5 ». De ce qui précède, il est évident que l’apprenant mis en situation de lecture littéraire dans une langue qui lui est à la fois, étrange et étrangère ne se réalise pas sans difficultés. La plupart du temps, il rencontre des obstacles qui transforment sa lecture scolaire en corvée ardue et ennuyeuse. Parmi les nombreuses difficultés rencontrées par l’apprenant lors d’une lecture littéraire en classe, J. Peytard nous propose la liste suivante: «- des difficultés à se situer dans l’institution littéraire» : le non natif ne peut aisément situer l’objet de sa lecture dans le champ littéraire ; - des «difficultés à situer le texte dans son intertexte : à comprendre un énoncé, parce que manque la connaissance socio- culturelle, parce que les effets de connivence culturelle ne sont pas relevés ni sentis» ; - des difficultés «à pénétrer les réseaux connotatifs. /.../ Parvenir à pénétrer les lacis de la connotation engage à une connaissance affinée du fonctionnement de la langue et de la diversité des champs socio- soculturels l6 ». Pour F. Cicurel, met l’accent sur d’autres obstacles : «- des obstacles lexicaux : il s’arrête sur un mot inconnu, en cherche l’explication et oublie le fil du texte ; - des obstacles liés à l’organisation textuelle parce qu’il connaît mal la syntaxe de la langue et les procédés par lesquels les phrases sont articulées entre elles ; /.../ des obstacles liés au domaine référentiel (contenu, thèmes abordés, allusions) 7.»

4 DUFAYS, J.-L., GEMENNE, L. et LEDUR, D. (2005). Pour une lecture littéraire : histoire, théories, pistes pour la classe . 2e éd. revue et mi se à jour. Bruxelles : De Boeck, p.17. 5 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p. 60.

6 PEYTARD, J. (éd.) (1982). Littérature et classe de langue : français langue étrangère . Paris : Hatier : CREDIF, p.12. 7 CICUREL, F. (1991). Lectures interactives en langues étrangères . Paris : Hachette FLE, p.11.

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Les difficultés rencontrées lors de l’utilisation des textes littéraires en classe de langue fait que de nombreux enseignants évoquent les problèmes qui peuvent survenir dans ce contexte. On peut tenter de classer ces opposants à l'utilisation des textes littéraires en plusieurs catégories : - ceux qui pensent que l’apprentissage des langues étrangères n'a, à l’heure actuelle, qu'un seul objectif, celui de la communication. Pour eux, le texte littéraire n’est pas adapté. -Les textes littéraires sont forcément très complexes et difficiles. Les textes littéraires ne sont adaptés que pour les niveaux avancés ou l’élite. - Ceux qui estiment envisageable l’exploitation d’un texte littéraire en classe de langue étrangère mais les précautions à prendre sont nombreuses concernant le choix des textes ou la façon dont ces textes peuvent être approchée. D’autres pensent que la langue dans les textes littéraires est très particulière et même différente de l’usage quotidien de la langue. Et que les textes littéraires sont bourrés de figures de styles, d'images et de références culturelles spécifiques. Ainsi, la complexité ne se retrouve pas seulement au niveau du vocabulaire, mais également dans l’usage particulier de ce vocabulaire. En effet, comprendre un texte littéraire, nécessite plusieurs niveaux de compréhension : le premier niveau correspond au sens littéral des phrases, mais bien sûr d'autres niveaux sont présents et comprennent des significations plus symboliques ou qui devront faire appel à des capacités interprétatives. La compréhension en profondeur, l'appréhension de ces différents niveaux exige un niveau de maitrise de la langue avancé ainsi qu'une prise en compte des contextes socioculturel et historique dans lesquels le texte a été produit et, également parfois, de la personnalité de l'auteur. Ces éléments peuvent rendre le texte littéraires difficile à aborder et ainsi difficile à utiliser en classe de langue. Le contenu des textes littéraires reste subjectif. Les romans, nouvelles et pièces de théâtre sont les fruits de l’imaginaire de leurs créateurs. Ainsi, le texte littéraire serait encore plus loin de donner une image fidèle et objective de la vie, de la culture et de la société de celui qui l’a forgée. Même le lecteur va reconstruire le message à partir de sa compréhension basée sur ses connaissances, sa sensibilité et son éducation. Devant tant de lacunes linguistiques ou référentielles l’apprenant semble condamné à rater sa lecture en raison de son ignorance du sens implicite de tel ou tel terme, ou de son incapacité à percer les significations des réseaux connotatifs dans lesquels s’inscrivent les mots du texte. Ainsi, l’apprenant-lecteur risque de se confiner dans une compréhension littérale des mots qui le composent, expliqués isolément les uns des autres. Il n’a pas non plus «la connaissance

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe empirique du contexte institutionnel de production de l’œuvre» et, ne maîtrise pas «les savoirs relatifs à l’intertexte» (Mazauric (2004), (cité par N. Maillard 8). Evidemment, le texte littéraire est un objet complexe et polysémique, au point qu’il ne peut se limiter à un seul mode d’accès. Cela dit, on entend par l’acte de lire un texte littéraire, l’action qui vise la saisie du sens de ce dernier. Or, contrairement aux textes scientifiques et journalistiques, le texte littéraire de par son essence, il est polysémique. En d’autres termes, le texte littéraire implique plusieurs interprétations. A ce propos A. Séoud souligne : « En littérature, cette lecture est par définition plurielle, en raison de la polysémie des textes, et il en découlera par conséquent, en situation de classe, un processus de croisement de regards 9 ». En plus du caractère pluriel qu’impose la lecture d’un texte littéraire, son créateur (l’écrivain) écrit pour l’éternité et non pour l’instant présent, A. Séoud mentionne à ce tire que « le texte littéraire, par définition, dépasse toute contingence, celle de l’ici et maintenant. L’écrivain écrit pour l’éternité 10 ». Le support littéraire se révèle être une des plus sûres voies du dialogue entre les cultures puisque les textes, conçus comme point de rencontre d’univers différents, constituent des révélateurs privilégiés des visions plurielles du monde. A la fois, le texte littéraire trouve sa place dans l'enseignement de la langue comme dans celui de la culture « parce qu'il est l'un des lieux où s'élaborent et se transmettent les mythes et les rites dans lesquels une société se reconnaît et se distingue des autres ». 11 En outre, grâce à sa polysémie et à sa dimension universelle, le texte littéraire devient capable de « parler à tout le monde, par delà le temps et l’espace » 12 . La littérature est donc, avant tout, de la langue, destinée non seulement à des usages spécifiques mais également à des visées symboliques. Dans ce sens, M. Abdallah- Pretceille et L. Porcher insistent également sur la langue qui est la source et la « matière première » de la littérature qui serait, selon eux « […] un tissu de phrases et de mots , une chair linguistique

8 MAILLARD, N. (2013). « Le texte littéraire francophone, passeur de langues et de cultures. Interactions didactiques en contexte universitaire ». Thèse de Doctorat. Sciences du langage. Université d’Angers, p.166.

9 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p. 138.

10 Ibid., p.15. 11 BESSE.H., « Quelques réflexions sur le texte littéraire et ses pratiques dans l'enseignement du français langue seconde ou langue étrangère » Trèfle, n°9, Lyon, 1989, p.7.

12 Ibid. p.11.

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe vivante et qui fonde l’humanité de l’homme. » 13 L’originalité de cette définition se traduit par la nature « vivante » et « humaniste » assignée à la littérature. 2. Genres et lecture littéraire Les réformes successives appliquées à l’enseignement du FLE au moyen algérien, depuis des années, n’a pas remis en cause la logique typologique des textes littéraires proposés dans les manuels scolaires ou proposés par les enseignants, même si J-M. Adam a lui-même reconnu les limites de la typologie textuelle car elle n’est pas en mesure de rendre compte de l’hétérogénéité textuelle. Comme l’intérêt de notre recherche vise le développement d’une nouvelle didactique du texte littéraire qui s’inscrit dans une perspective interculturelle, dans les classes du collège algérien, également celle de la lecture littéraire en introduisant une approche générique des extraits littéraires, qui pour ce faire, exige l’introduction de la notion de « genre » en classe de FLE. En introduisant des extraits littéraires en classe de FLE, on insère délibérément une « communication littéraire » K. Canvat nous rappelle que cette dernière est bâtie sur la dissymétrie entre le récepteur/lecteur et l’émetteur/ scripteur ; la communication littéraire est « sans doute la plus improbable » des communications . Ce faisant, selon les conclusions de K. Canvat, grâce à ces genres, on parvient à réduire la densité de cette dissymétrie. Pour amener les apprenants-lecteurs à faire une lecture littéraire, K. Canvat nous propose d’établir, de prime abord, un pacte de lecture avec les apprenants qui permet de contrôler le décodage du texte. Tel que l’explique Ph. Lejeune, le genre est : « (…) une sorte de code implicite à travers lequel, et grâce auquel, les œuvres du passé et les œuvres nouvelles peuvent être reçues et classées par les lecteurs. C’est par rapport à des modèles, à des horizons d’attente, à toute une géographie variable, que les textes littéraires sont produit puis reçus, qu’ils satisfassent cette attente ou qu’ils la transgressent et la forcent à se 14 renouveler. » Pour K. Canvat, ce pacte est établi par des « instructions génériques », qui mettent le texte en relation avec un schème contextuel générique qui, à son tour, permet à l’apprenant de reconnaître, d’identifier et de faciliter la compréhension du texte en lui donnant une forme et du sens. Pour ce faire, il faudrait un cadrage générique.

13 Abdallah- Pretceille M. et Porcher L., Education et communication interculturelle, Paris, PUF, 1996, p.143. 14 Ph. LEJEUNE, dans K. Canvat., op.cit, p.115.

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Un cadrage générique Le cadrage générique se constitue à partir d’indices présents déjà à la périphérie du texte. Ces indices permettent de dégager des informations et d’émettre des hypothèses de sens, c’est ce que l’on nomme : le paratexte. Le paratexte Il implique les titres, les sources, les collections, les illustrations, des chapeaux…, etc. ces indices sont d’une importance capitale pour la construction d’un premier sens chez l’apprenant-lecteur. Personnages génériques Une autre dimension est prise en compte dans le contrat générique de la lecture d’un texte littéraire : le personnage. Chaque genre est identifiable à partir de certaines « figures génériques », d’un certain « personnage spécifique », tout simplement de certains types de personnages. En effet, les personnages renvoient aux genres. Leur rôle consiste justement à rattacher le texte à son genre, afin de faciliter sa lecture/compréhension. A titre d’exemple, les figures génériques du genre « le conte » sont généralement : l’ogre/ogresse, le roi, la princesse, la fée, le loup…, etc., en outre, la dimension anthroponymique (onomastique) des personnages rattache aussi, comme est le cas pour le conte, à son genre. L’encyclopédie générique « En situation scolaire, les problèmes qui rencontrent les apprenants à la lecture littéraire proviennent précisément des difficultés qu’ils éprouvent à mobiliser leur encyclopédie générique, soit parce qu’ils n’en ont pas (la norme générique n’est pas construite), ou qu’elle est lacunaire, soit parce que leurs normes génériques spontanées ne sont pas les normes savantes construites par le discours scolaire (lequel s’appuie sur le discours critique /théorique), soit encore parce qu’ils ne transfèrent pas ces normes génériques, les textes lus 15 en classe étant trop loin de leur habitus lectural. » En effet, la norme générique chez les apprenants du FLE n’est pas suffisamment élaborée pour la simple raison est que cette notion de « genre » ne figure pas dans les programmes et les manuels de français. Quant au choix des textes, K. Canvat suggère quelques propositions :

15 CANVAT.K. (1998). La notion de genre à l’articulation de la lecture et de l’écriture. Coll. Exploration. Peter Lang, p.133.

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- les textes « simples » génériquement : dont la structure générique est évidente et simple (le conte, la fable, etc.), ou dont la structure générique est fermée (textes relevant de la diffusion élargie) ; - les textes « difficiles » génériquement : dont l’identité générique est subvertie (romans, nouvelles, etc.) ; - les textes « classiques » prototypiques d’un genre. - les textes « indécidables » génériquement : qui peuvent se révéler réalistes et/ou fantastiques ou réalistes et/ ou policiers, etc. c’est le cas de ce qu’on nomme les « mauvais genres). En définitive, le genre en général ressemble à un « réservoir » qui permet à l’apprenant d’articuler tous ses apprentissages en pratique de lecture littéraire à la production écrite. Le genre devient donc un « réservoir de possible dans lequel le scripteur peut puiser des schémas, des formules, des stéréotypes qu’il intègrera sa propre production écrite, ce qui n implique l’activation mémorielle de lectures précédentes. 2.2. Les textes littéraires, un espace privilégié pour une perspective interculturelle De nos jours, enseigner les textes littéraires en classe de FLE passe inévitablement par l’adoption d’une nouvelle orientation qui doit obligatoirement allier le trio : littérature, culture et interculturel. Il s’agit, bien entendu, de l’approche interculturelle. Elle conçoit le texte littéraire comme un espace privilégié de l’interculturel 16 Dans ce sens, les textes littéraires sont perçus comme des réservoirs d’informations linguistiques et extra- linguistiques ou (inter)culturelles, où se nouent de manière privilégiée le dialogue des langues et des cultures. Quatre grands noms incarnent cette nouvelle approche interculturelle de la littérature. Le plus ancien d’eux, est Collès, L. (1994) Littérature comparée et reconnaissance interculturelle , Bruxelles, De Boeck / Duculot, «Formation continuée». Dans ses travaux, L. Collès a mis l’accent sur la fonction «anthropologique» de la littérature. Celle-ci, selon l’auteur, « offre une alternative à la connaissance spécifique du monde », et peut donc offrir « un excellent support d’analyse » pour l’enseignant qui souhaite faire saisir à ses étudiants les particularités d’une culture donnée. Le texte littéraire est en effet « expression et mise en forme esthétique de représentations partagées par les membres d’une même communauté 17 ».

17 COLLÈS L. (1994) Littérature comparée et reconnaissance interculturelle , Bruxelles, De Boeck / Duculot, «Formation continuée», p.17.

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Le deuxième ouvrage incontournable dans les travaux relatifs à l’approche interculturelle, nous citons celui des deux éminents chercheurs : Abdallah-Pretceille, M. et Porcher L. (1996) Éducation et communication interculturelle , «Éducation et formation», Paris, PUF. Les deux auteurs proposent des solutions pratiques pour « l’élaboration d’une authentique communication interculturelle au sein de l’institution éducative». Ils souhaitent initier enfants et adolescents « à une meilleure perception et compréhension de l’altérité ». Ils reviennent sur la nécessité d’articuler littérature / interculturel qui y est d’ailleurs posée comme un fait récent : « Réduite dans un premier temps à n’être qu’un support d’apprentissage linguistique ou qu’une représentation factuelle de faits de civilisations, /le texte littéraire/ est actuellement redécouvert comme un médiateur dans la rencontre et la découverte de l’Autre 18 .» Le texte littéraire y est posé comme « un genre inépuisable pour l’exercice artificiel de la rencontre avec l’Autre 19 ». En même temps, les deux auteurs qualifient la littérature de « lieu emblématique de l’interculturel 20 » et l’envisagent comme une «discipline de l’apprentissage du divers et de l’altérité 21 ». Nous estimons que l’exploitation, au niveau des pratiques de classe, du support littéraire pourrait être revisitée à la lumière de l’approche interculturelle. En effet, Le texte littéraire recouvre une dimension humaniste qui permet, selon les propos de M. Abdallah-Pretceille, « d’étudier l’homme dans son humanité et sa variabilité 22 ». Le même auteur souligne encore que « la littérature c’est l’humanité de l’homme et son espace personnel ». Même si la littérature est, entre autres, une production humaine d’ordre artistique. Elle demeure une représentation concrète de l’homme à la fois dans son imaginaire et sa réalité mais aussi avec ses rêves et ses passions. Les auteurs prennent notamment appui sur le concept d’universel singulier, élaboré par Hegel puis «adapté» par L. Porcher au domaine de la didactique. Pour eux, la littérature « incarne emblématiquement cette articulation entre l’universalité et singularité ». En effet, elle traduit un imaginaire «à la fois commun et absolument singulier ». Ainsi, les textes littéraires apparaissent comme «un des modes d’accès à la compréhension du monde », au même titre que les documents ethnographiques. En outre, les textes littéraires expriment des visions du monde multiples, à travers « une pluralité de personnages, de situations, de cultures» qui permette «d’éviter la référence à un seul modèle érigé en vérité universelle ». Le roman,

18 Abdallah- Pretceille M. et Porcher L., Education et communication interculturelle, Paris, PUF, 1996, p.138. 19 Ibidem. 20 Ibid., p.162. 21 Ibid. IV 22 Ibid.

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe notamment « est un excellent moyen de retrouver la diversité du quotidien, de vivre l’altérité à travers une fiction». Une de ses fonctions est d’ailleurs de «restituer la vérité multiple de la vie 23 ». Les œuvres littéraires véhiculent des réalités qui existent partout mais que chaque société interprète à sa manière. C’est dire que la littérature est universelle puisqu’elle est lisible partout, mais en même temps singulière et individuelle puisqu’elle est enracinée dans sa propre culture dont elle exprime les spécificités. Cette double identité de la littérature lui permet de jouer un rôle indispensable dans l’acquisition de la compétence interculturelle. Ainsi, la littérature nourrit l’échange à tous les niveaux : culturel, social et humain d’une façon générale. Elle exprime tous les aspects de la vie des hommes avec ses vérités historiques, politiques et même quotidiennes. C’est une source inépuisable d’informations et de vérités malgré son caractère principalement imaginaire. La littérature est donc un patrimoine universel de l’humanité, un héritage commun, et l’enseignement de cette discipline ouvre les portes à un partage humain de l’universel dans ses particularités et ses diversités. Dans ces conditions, la nature universelle et singulière de la littérature lui permet d’offrir la possibilité de créer des liens unissant les différentes langues et cultures. Dans ce sens, I. Gruca a dit : « Mettre en relief les liens qui unissent les littératures, c'est dresser des passerelles entre les cultures et, dans une classe de langue, créer un horizon d'attente propice à la lecture et à la découverte de l'autre 24 ». En d’autres termes, les textes littéraires forment des ensembles géographiques sans frontières, dans lesquels nous pouvons circuler et passer d’une culture à une autre. Les frontières de dissipent et laissent les esprits voyager et se rencontrer librement. De là, émerge ce que Gruca i. appelle l’universalité de la littérature : « La littérature par delà les époques et les frontières, véhicule une part d'universalité qui s'inscrit dans la singularité des cultures 25 ». Le texte littéraire constitue un terrain de contacts interpersonnel et interculturel. Ce faisant, la littérature érige des passerelles vers la rencontre d’autrui. Ce qui distingue également la littérature c’est son universalité et sa singularité à la fois, « la littérature est un universel- singulier. Elle incarne emblématiquement cette articulation entre l’universalité et la

23 Ibid., p.139. 24 Gruca, I. (2010), 'La découverte de l'autre, la découverte de soi, par la Littérature française et francophone', Faire vivre les identités: un parcours en francophonie , 71. 25 Ibid., 2010.

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26 singularité. Les écrivains s’adressent à tout le monde et sont reçus différemment par chacun ». En troisième lieu, nous nous référons à l’ouvrage de Séoud A. (1997) Pour une didactique de la littérature , Paris, Hatier / Didier, «LAL». A. Séoud développe une autre forme d’association littérature / culture : celle qui fait de la littérature l’expression du patrimoine d’une communauté donnée, et permet donc de renforcer la cohésion de cette même communauté : « La littérature en effet, dans la mesure où elle véhicule les valeurs propres à une communauté, va permettre à l’usager, au travers d’un processus complexe d’identification de projection, de repérage etc. de s’y reconnaître et d’avoir le sentiment d’une identité, celle d’être membre d’une communauté 27 .» Ainsi la littérature, selon l’auteur, « a donc une fonction intégrative évidente » et « puisqu’elle «est authentiquement représentative des valeurs culturelles d’une communauté, elle va apparaître même comme constitutive de l’identité de cette communauté » Cette démarche interculturelle que l’auteur nous propose est ainsi conçue comme une alternance entre mouvement ethnocentré et décentré, au cours duquel l’apprenant va pouvoir découvrir l’Autre et se découvrir lui-même. Il revient sur le rôle crucial qu’ont à jouer dans cette démarche interculturelle les textes littéraires afin de « brasser des aires culturelles saisies dans leur diversité comme dans leurs ressemblances ». Le dernier ouvrage qui constitue une référence régulière dans les publications que nous avons consultées est celui de M. De Carlo(1998) L’Interculturel , «Didactique des langues étrangères», Paris, CLE International Le rôle joué par cet ouvrage dans la diffusion de l’approche interculturelle des textes littéraires nous a semblé importante. Et, contrairement à G. Zarate, elle consacre un développement spécifique au texte littéraire, qui «par sa complexité et par la richesse des points de vue qu’il mobilise, répond de façon exemplaire à ce critère ». Elle souligne au passage que ce type de regard porté sur le tex te est d’apparition récente : « depuis quelques années maintenant les spécialistes du domaine s’y intéressent à nouveau, surtout dans le cadre d’une approche interculturelle 28 ».

26 ABDALLAH-PRETCEILLE, M. et PORCHER, L. (1996). Éducation et communication interculturelle . Paris : Presses Universitaires de France, p. 142.

27 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF, p. 60. 28 De Carlo (1998) L’Interculturel , «Didactique des langues étrangères», Paris, CLE International, p.64.

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En effet, l’auteure recommande l’utilisation de textes dans lesquels circulent « la multiplicité des perspectives sur une même réalité 29 ». Elle vise, ainsi, « le développement des capacités cognitives des élèves, l’observation, le classement, la confrontation, l’interprétation ». Les apprenants vont être amenés à : « reconnaître leurs comportements, leurs habitudes, leurs modèles identitaires non plus comme innés, naturels, universels, mais inscrits dans une dimension sociale et historique, ayant le même statut que tout autre système culturel 30 .» Par conséquent, les apprenants vont apprendre à se décentrer à acquérir la conscience de la relativité de leurs valeurs. En somme, la parution de ces quatre ouvrages, assez rapprochée dans le temps, marque le véritable point de départ des approches interculturelles du texte littéraire.

3. Littérature, culture et approche interculturelle Tout d’abord, la littérature peut, évidemment, être vue comme un élément essentiel de la culture «cultivée». «Avoir des Lettres» a longtemps été considéré comme la manifestation la plus aboutie de la culture classique, humaniste. La connaissance des chefs- d’œuvre de la littérature, de l’histoire et des mouvements littéraires (culture littéraire ) sont l’apanage de l’homme cultivé. On voit ici qu’un glissement peut s’opérer de culture vers civilisation: la Littérature est alors le lieu emblématique dans lequel et par lequel vont se diffuser les valeurs morales, esthétiques et intellectuelles propres à un modèle de société «civilisée». C’est cette association, voire cette identification, entre littérature et civilisation (au premier sens du terme) qui fonde et justifie la présence du texte littéraire dans l’enseignement pendant plusieurs centaines d’années : il forme, nous le verrons, au Vrai, au Beau et au Bien. D’un autre point de vue, si l’on envisage la seconde acception de «culture», on voit que l’on peut considérer la littérature comme un des éléments constitutifs de la culture d’une société donnée. Elle y est une réalité humaine parmi d’autres. Si l’on s’intéresse aux textes littéraires comme un type particulier de productions culturelles symboliques parmi d’autres (langues, idées, mythes, autres formes artistiques ...) La culture apparaît donc comme le contexte dans lequel s’inscrit et s’origine la littérature.

29 Ibid., p.77. 30 DE CARLO, M. (1998) L’Interculturel , «Didactique des langues étrangères», Paris, CLE International. p.77.

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En retour, une œuvre littéraire peut aussi être envisagée comme une porte ouverte sur une (ou plusieurs) culture(s), donner à voir (et à comprendre) une société donnée dans son ensemble et sa complexité. Dans ce sens, le texte littéraire constitue un vecteur de l’altérité. L’étude du texte littéraire permet l’apprentissage d’abord, d’un ensemble de savoirs ou « culture cultivée », qui s’inscrit dans une démarche de découverte interactive entre ses propres références patrimoniales et celle de la société, et, ensuite l’apprentissage d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire à acquérir ou «culture anthropologique» qui s’inscrit dans une démarche de découverte de la diversité linguistique et culturelle ainsi que le rapport à l’altérité. A ce propos, Pretceille- Abdallah M. souligne : « Le genre littéraire, produit par excellence de l’imaginaire, représente un support inépuisable pour la rencontre avec l’Autre ; rencontre par procuration, il est vrai que « la littérature constitue le lieu privilégié de l’expérience de l’altérité » et un « médiateur 31 potentiel » dans la rencontre et la découverte de l’Autre ». Autrement dit, une approche anthropologique de la littérature peut aider l’apprenant à élargir et enrichir l’expérience de l’apprenant qui se trouve lui- même en situation d’immersion dans un monde non familier, dont il lui faut décoder et interpréter «les sens des textes cachés» dans une langue étrangère. Le texte littéraire reste un vecteur culturel par excellence et « un espace privilégié où se déploie « l’interculturalité » selon l’expression de CUQ J.-P.et GRUCAI. Nous estimons que le texte littéraire peut réaliser cet équilibre entre le linguistique et le culturel. Enfin, nous pouvons déduire que l’étude d’un texte littéraire fait appel au vécu des apprenants et à leur affectivité, leur permettant ainsi de mobiliser leurs propres réalités, expériences et représentations. La lecture d’un texte littéraire, texte riche et polysémique, vise à provoquer des réactions et des interprétations pour susciter une expression et une interaction effective. Autrement dit, la lecture des textes littéraires est une pratique de culture au sens large d’un ensemble de connaissances intellectuelles et de savoirs, mais aussi de comportements et de valeurs d’un groupe social. Comme le mentionne DUFAYS J. L.: « La littérature –bien choisie, bien exploitée-apporte beaucoup à la motivation des apprenants et à leur compréhension de la culture-cible car dans le meilleur des cas, elle touche à la fois à l’universel et au particulier, et établit ainsi un pont entre le connu et l’inconnu dans l’apprentissage, comme entre le savoir et le ressentir. Il ne s’agit donc pas,

31 ABDALLAH-PRETCEILLE M.: « Expérience littéraire et expérience anthropologique, in Dialogues et cultures » , n° 32, Sèvres : FiPE, 1988, p.75.

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe comme dans la perspective civilisationnelle, d’afficher la belle langue et d’épingler quelques grands auteurs, mais de se servir du texte littéraire comme d’un témoignage, notamment sur la vie quotidienne » 32 . La culture, c’est une lecture, c’est un regard porté sur tel ou tel groupe social. Elle consiste en une organisation de la réalité telle qu’elle se trouve manifestée par des comportements des attitudes, des façons d’être particuliers qui, une fois réunis, constituent les caractères définitoires de toute la société. Les concepts de civilisation et de culture : approche historique et terminologique Aujourd’hui, doter l’apprenant de l’unique compétence linguistique ne suffit pas pour communiquer avec l’autre et ainsi de comprendre sa culture. Ce faisant, acquérir une compétence culturelle voir interculturelle constitue l’une des finalités de l’enseignement- apprentissage du FLE. Cependant, il faut noter les difficultés d’ordre conceptuel, auxquelles se heurtent les enseignants, didacticiens et concepteurs de manuels. Ainsi, définir l’objet « culture » et donc les contenus culturels à enseigner s’avère urgent car en plus de la complexité dû à la nature polysémique de ce concept, nous nous retrouvons face à l’ambiguïté conceptuelle que recouvrent le terme de « culture » et celui de « civilisation ». En effet, historiquement, les frontières qui délimitaient l’usage et le sens du terme « civilisation » et celui de « culture » restaient floues. Ces deux termes sont chargés d’ambiguïté sémantique et recouvrent une pluralité de connotations. « Civiliser » est un verbe dérivé de « civil », à savoir « cultivé ». Mais étymologiquement, l’origine du mot « civilisation » est controversée : certaines recherches estiment que c’est à Edward Burnett Tylor, l’anthropologue britannique, que l’on doit la première définition du concept « culture » : « Culture ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société ». 33 Ainsi, pour Tylor, la culture est l’expression de la totalité de la vie sociale de l’homme. Elle se caractérise par sa dimension collective. Enfin, la culture est acquise et ne relève donc pas de l’hérédité biologique.

32 ABDALLAH-PRETCEILLE M. In COLLES L.: Littérature Bruxelles, 1994, p.145. 33 Tylor Edward B., La Civilisation primitive ( trad. Franc), Reinwald, Paris, 1876-1878, 2 vol. (1er éd. En anglais 1871), p.1.

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Toutefois, de nombreux dictionnaires étymologiques indiquent qu’il fut créé en 1734. En France, à cette époque, les aristocrates définissaient leurs mœurs et leurs attitudes par les adjectifs « civilisé », « cultivé », « policé »… marquant ainsi nettement la frontière avec tous ceux qu’ils jugeaient socialement moins évolués qu’eux. C’est néanmoins le mot « civilisation » qui fut légitimé, sans doute en raison des notions alors opposées comme « barbarie » ou « sauvagerie ». Effectivement, sur le plan historique le mot « civilisation » renvoie à une théorie idéologique conçue par les pays de L’Europe occidentale se considérant plus « évolués » que les pays qu’ils colonisaient. C’est un des sens les plus anciens que l’on trouve dans les dictionnaires contemporains. La « civilisation » incarne l’expression de la conscience occidentale et de ses progrès pour l’Humanité. Notons aussi une définition plus large de la « civilisation » : « ensemble de phénomènes sociaux (religieux, moraux, esthétiques, scientifiques, techniques) communs à une grande société ou à un groupe de société 34 ». L’aspect « humain » de cette définition met l’accent sur la société, sur les individus, leurs comportements et leurs modes de vie. Sur le plan terminologique, rappelons, par exemple, que ce que les Allemands appellent « civilisation », se limite essentiellement aux aspects matériels de la vie d’une société, à tout ce qui est extérieur à l’Homme. Par contre, la « culture » ( Kultur ) exprime les réalisations de l’Homme, les données et les productions intellectuelles, artistiques et religieuses qui se distinguent des faits sociaux, économiques et politiques.. Qu’entendons-nous par « culture » ? Le sens de « culture » intègre l’ensemble de ces différents éléments qui se réfèrent à la fois à la biologie, la vie sociale, l’éducation et aux valeurs traditionnelles. Le concept même de « culture » a été créé par Cicéron. Il mentionna le premier l’existence d’une « culture de l’esprit » ( animi cultara ) d’après la désignation « culture du sol » ( agri cultura ). Le mot « culture » renferme dès lors deux significations, une terrestre (« colere » signifiant « cultiver la terre »), une autre spirituelle (« cultus » renvoyant à « l’adoration des Dieux »). Tout comme pour la « civilisation », la culture comporte également une définition stricto sensu. Apparu au XVIe siècle, elle désigne la « culture » cultivée. Elle « est relative aux œuvres de l’esprit plus particulièrement à celle produite par la littérature et les beaux-arts et ce qui en résulte dans l’esprit de celui qui élabore ces œuvres, qui les étudie ou qui les fréquente assidûment. 35 » Cette culture humaniste, que l’on nomme aussi « culture savante »

34 Le petit Robert, 1989, p.320. 35 BESSE Henri, 1993, « Cultiver une identité plurielle », in Le Français dans le Monde , N°254, p. 42 .

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe constitue la somme des savoirs principaux transmis essentiellement dans l’ensemble du système éducatif. A cette conception de la culture, il faut ajouter à cela une définition beaucoup plus subjectiviste que la première et qui désigne la « culture » des individus d’une même communauté ; ce que Galisson appelle la « culture partagée ». Il s’agit là d’une conception globalisante de la culture que l’anthropologue Taylor définissait en 1871 d’ « ensemble complexe qui inclut la connaissance, la croyance, l’art, la morale, le droit, la coutume et toutes autres capacités et habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. » (Taylor, 1871 : 9). Plus dynamique et plus vaste que « civilisation », sur le plan des composantes, le terme « culture » englobe donc toutes les formes d’expression d’une société. Alors qu’au sens sociologique, l’analyse culturelle portera essentiellement sur les relations entre l’ensemble des faits sociaux et les individus qui composent une société, l’anthropologue privilégiera l’étude des comportements et des manières de vivre de cette société. La culture est faite de savoirs partagés qui s’expriment explicitement, symboliquement, mais aussi tacitement. Toutes les significations culturelles sont intégrées à la vie sociale et forment en quelque sorte les modes de relations entre les individus. La culture comme « culture cultivée » La culture « cultivée » se trouve opposée à la culture « anthropologique ». Pour reprendre la distinction élaborée par Robert Galisson, par « culture cultivée », il faut entendre tout ce qui relève du niveau esthétique et tout ce qui est relatif, comme le dit Henri Besse, aux « œuvres de l’esprit 36 » : la littérature, la musique, la peinture, les arts, l’histoire en bref, l’ensemble de savoirs valorisants dont la connaissance permet de se distinguer puisqu’ils ne sont pas partagés par tous. A. Gohard-Radenkovic37 , J.-P. Cuq et I. Gruca 38 expliquent que la culture cultivée est : • Élitaire, c’est-à-dire qu’elle appartient à un petit groupe qui en fonde la légitimité ; • Implicite et codifiée, c’est-à-dire qu’elle est certes transmise par le groupe, mais qu’elle s’acquiert aussi de façon volontaire et consciente, par exemple par une scolarisation de haut niveau et par la fréquentation de lieux culturels ; • (Auto)valorisante et distinctive.

36 Besse H., 1993, « Cultiver une identité plurielle », in Le Français dans le Monde , N°254, p. 42. 37 Gohard-Radenkovic A., 2004, Communiquer en langue étrangère. De compétences culturelles vers des compétences linguistiques , Bern, pp. 122-126. 38 Cuq J.-P. & Gruca I., 2005, Cours de didactique du français langue étrangère et seconde , Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, Nouvelle édition, p. 87.

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En effet, la culture cultivée englobe l’apprentissage de la littérature et des autres expressions artistiques. Notons que l’école et les institutions éducatives ont pour mission l’initiation des apprenants à la culture cultivée, par contre, la culture anthropologique peut s’acquérir par d’autres voies que celles de la classe. A juste titre, les œuvres littéraires demeurent très importantes comme moyen d’accès à la « culture cultivée ». La culture comme « culture anthropologique » La « culture anthropologique » autrement appelée « culture ordinaire » par Henri Besse ou « partagée » par Robert Galisson, et encore « culture patrimoniale » par Louis Porcher, concernerait les éléments de la vie quotidienne. À titre d’exemple : comment les Algériens mangent, travaillent, s’amusent, se saluent, bref la manière dont ils vivent. En d’autres termes, c’est l’ensemble des pratiques sociales communes et partagées entre les individus qui constituent une part de leur identité et qui contribuent à définir leurs appartenances. Nous nous référons, à présent, à Aline Gohard-Radenkovic, qui a synthétisé la culture « anthropologique » comme suit : elle est à la fois : • Transversale, c’est-à-dire qu’elle appartient au plus grand nombre des membres d’un groupe ; • Tacite et implicite, c’est-à-dire qu’elle est acquise de manière inconsciente et non volontaire ; • Non (auto)valorisante puisque sa possession ne distingue pas les membres à l’intérieur d’un groupe. ( mais, c’est elle qui distingue un groupe des autres). Dans ce sens, la culture partagée n’est pas enseignée. Elle s’inscrit jour après jour, dans la façon de se comporter, de voir et de sentir le monde. C’est sans doute dans l’interaction avec l’Autre que cette culture prend essentiellement sens et au niveau de la relation avec lui qu’elle ait de valeur. De ce fait, une approche anthropologique permet de mieux rendre compte de la richesse, de la diversité et surtout du fonctionnement d’une société. La culture comme « discours interculturel « Plusieurs concepts peuvent être dérivés du mot « culture » et contribuer à son renforcement sémantique. En effet, l’interculturel est lié donc aux interactions entre les individus, les groupes, les cultures, les identités et les civilisations. L’interculturel, étant un concept lié à l’échange culturel en communication, ne se limite pas à la simple acceptation de l’existence de l’Autre mais elle va jusqu’à la comprendre et prendre conscience de sa qualité de culture différente de la sienne.

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Pour sa part, Robert Galisson, insiste sur le fait que par « interculturel », il faut entendre les relations, les échanges et les interactions qui s’établissent non seulement entre personnes ou groupes appartenant à des cultures autres, mais aussi entre personnes appartenant à une même société. Parce que, selon Galisson, « communiquer, c’est mettre en commun. […] mettre en commun ce que l’on est et ce qu’on sait, ses ressemblances, ses différences et ses antagonistes, pour briser les barrières de l’étrange, se reconnaître et mieux se reconnaître dans et à travers l’Autre, s’enrichir, s’apprécier mutuellement, ouvrir ensemble les portes de la fraternité. » 39 L’interculturel est ainsi une invitation au dialogue, à l’échange avec l’Autre différent envisagé comme un partenaire égal. Tout cela suppose une décentration de l’apprenant par rapport à sa propre culture et une compréhension de l’Autre au détriment de la seule description et de la simple connaissance théorique de sa culture. Aujourd’hui, l’ « interculturel » parcourt tous les champs du savoir. L’on ne trouve plus un discours didactique qui n’y fasse référence et il est même devenu une spécialité en soi, à laquelle on consacre thèses, colloques, etc. Il existe sous de nombreuses appellations : approche, compétence, communication, éducation, pédagogie, démarche, option, perception ou encore pratique d’où l’affluence des réflexions, des actions et des recherches dans ce domaine. La didactique des langues étrangères s’intéresse de plus en plus à ce concept, puisque au cœur de la problématique interculturelle se situe une série de concepts comme culture, identité, altérité, langue, ethnie, etc. Dans « interculturel », le préfixe « inter » sous-entend la communication, la mise en relation et la prise en considération des interactions et des échanges, dans les deux sens, entre des groupes, des individus et des identités, enrichissement mutuel, coopération, mouvement. Ceci amène à envisager aussi les cultures en contact ailleurs que dans des situations de déplacement de populations. Enseigner-apprendre la langue de l’Autre, c’est aussi être confronté à sa culture et transformer mutuellement sa propre identité linguistique et culturelle. Ainsi, toute situation pédagogique est de fait interculturelle puisqu’elle met en relation deux systèmes (ou plus) de significations. Dans ce sens, Ph. Blanchet explique que : « tout apprentissage, tout enseignement, et toute rencontre de la différence, sont des moments déstabilisateurs, où les certitudes initiales sont mises en question, en mouvement, et où l’on peut toucher du doigt la réalité du relativisme, la nécessité d’une déontologie pluraliste 40 ». Le cours de langues constitue donc un moment privilégié qui permet à l’apprenant de

39 Galisson R., 1997, « Problématique de l’éducation et de la communication interculturelle », in Études de Linguistique Appliquée , N°106, p. 149. 40 Blanchet Ph., 1998, Introduction à la complexité de l’enseignement du français langue étrangère , Louvain-la- Neuve, Peeters, p. 70.

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Chapitre 3 Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe découvrir d’autres perceptions, d’autres valeurs, d’autres modes de vie, d’autres modes de représentation, de raisonnement et de pensée, donc une autre forme de culture . Nous savons donc que l’apprenant d’aujourd’hui, doit être capable de communiquer avec les autres, de s’ouvrir tout en gardant son identité, de réfléchir sur ses propres représentations et stéréotypes. Ainsi, le défi interculturel que doit relever l’enseignant de langues n’est plus seulement d’enseigner la langue et la culture de l’Autre, de montrer les différences mais aussi de les faire comprendre. C’est, comme le dit Ph. Blanchet, « […] participer à une éducation générale qui promeut le respect mutuel par la compréhension mutuelle 41 . » L’interculturel repose donc sur un principe fondamental selon lequel les cultures sont égales en dignité et que, sur le plan éthique, elles doivent être traitées comme telles dans le respect mutuel. De ce fait l’interculturel s’inscrit moins dans un champ comparatif, où il s’agirait de mettre en regard deux objets, que dans un champ interactif, où l’on s’interroge sur les relations qui s’instaurent entre groupes culturellement identifiés. Ces mots empruntés à M. Abdallah Pretceille montrent bien les finalités de cette démarche : « le but d’une approche interculturelle n’est ni d’identifier autrui en l’enfermant dans un réseau de significations, ni d’établir une série de comparaison sur la base d’une échelle ethno-centrée. Méthodologiquement l’accent doit être mis davantage sur les rapports que le ‘je’ (individuel ou collectif) entretient avec autrui que sur autrui proprement dit 42 ». Compte tenu de ces données, la pédagogie interculturelle suppose donc que soient réunies trois conditions essentielles du travail : • La culture de la langue première des apprenants est un point de référence. Il s’agit de poursuivre comme le dit Maddalena De Carlo une progression cyclique en partant du connu, de l’évident, du nature, de l’universel pour amener les apprenants vers l’inconnu, l’étonnant, l’étrange, le relatif qui à son tour devient le point de départ pour l’interprétation de notre propre culture ; • Les activités didactiques doivent représenter un défi pour les apprenants et leur permettre d’interagir ;

41 Blanchet Ph., 2007, « L’approche interculturelle comme principe didactique et pédagogique structurant dans l’enseignement/apprentissage de la pluralité linguistique », in Blanchet Ph. & Diaz O. M. (Coords.), Synergies Chili , Pluralité linguistique et approches interculturelles , Santiago du Chili, Revues du GERFLINT, p. 21 42 Abdallah Pretceille M., 1985, « Pédagogie interculturelle : bilan et perspectives », in Clanet C. (Edt.), L’interculturel en éducation et en sciences humaines , Toulouse, Travaux de l’Université de Toulouse-le-Mirail, Vol. 1, p. 31.

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• l’exploitation de toutes sortes de « produits culturels » non seulement des textes littéraires, des chansons et des films, mais aussi des publicités, des slogans, etc. est fondamentale. Dans la mesure où le texte littéraire est perçu par les enseignants ainsi que par les concepteurs des manuels comme l’ingrédient majeur de l’acte didactique, il serait donc nécessaire de former les enseignants algériens à exploiter non seulement ses dimensions linguistiques et textuelles mais également interculturelles. En effet, cette démarche ne consiste pas à mettre en évidence le code culturel à partir de la lecture d’un seul texte. Parce que comme l’explique Luc Collès « si l’on veut faire de la littérature l’instrument du dialogue des cultures francophones, il convient donc d’opter pour le groupement de textes et, à l’intérieur de celui- ci, d’établir des relations qui vont d’une analyse textuelle méthodique (recherche des codes générique, narratif, thématique, etc.) à la mise en évidence d’éléments interculturels 43 . » Il faut rappeler dans ce sens que Collès perçoit « le texte littéraire comme une mise en forme esthétique de représentations partagées par les membres d’une même communauté. Cela signifie qu’une de ses particularités est de refléter à la fois une part de la personnalité de son auteur et le monde dans lequel il s’inscrit. Autrement dit, le texte littéraire est véhicule de culture 44 ». Ainsi, la confrontation de divers textes de la francophonie entraîne la réflexion et la participation de l’élève. En analysant ce qui le rapproche et ce qui le rend différent de l’Autre, celui-ci arrive à construire son identité propre et à mieux percevoir l’altérité. Perception de l’interculturel dans les orientations officielles L'enseignement du français au cycle moyen vise une finalité culturelle basée sur la culture de soi et la culture de l’Autre. En effet, nous avons constaté à travers la lecture des instructions officielles que le système éducatif algérien donne de plus en plus d’importance à l’interculturel en termes d’objectifs à atteindre comme en témoigne la loi d’Orientation sur l’Education Nationale (n°08-4 du23 janvier 2008, chapitre I, art.2) qui définit, dans les termes suivants; les finalités de l’Education: « l’école algérienne a pour vocation de former un citoyen doté de repères nationaux incontestables , profondément attaché aux valeurs du peuple algérien, capable de comprendre le monde qui l’entoure, de s’y adapter et d’agir sur lui et en mesure de s’ouvrir sur la civilisation universelle. » C’est à cette universalité que l’approche interculturelle se réfère. Afin de mieux comprendre ce qui est précédemment avancé, les concepteurs du programme explicitent les finalités assignées pour l’enseignement/apprentissage des langues étrangères en affirmant (2008, chapitre I, art 4) que,

43 Collès L., 2007, Interculturel : Des questions vives pour le temps présent , Cortil-Wodon, EME, p. 129. 44 Ibid., p.128.

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« l’enseignement/apprentissage des langues étrangères doit permettre aux élèves algériens d’accéder directement aux connaissances universelles, de s’ouvrir à d’autres cultures. (…) Les langues étrangères sont enseignées en tant qu’outil de communication permettant l’accès direct à la pensée universelle en suscitant des interactions fécondes avec les langues et cultures nationales. Elles contribuent à la formation intellectuelle, culturelle et technique et permettant d’élever le niveau de compétitivité dans le monde économique. » A travers ces propos, nous pouvons dire que l’enseignement/ apprentissage des langues étrangères a trois visées : la première est dite communicative (la langue comme code linguistique de communication), la deuxième est culturelle (réalité culturelle nationale et ouverture sur le monde) et la troisième est appelée économique (la langue comme instrument de concurrence économique).

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Conclusion Pour conclure, dans ce chapitre, nous avons exposé les conceptions de culture /civilisation et d’ interculturalité dans le cadre de la lecture littéraire en classe de FLE au moyen algérien. Nous avons essayé, tout au long de ce chapitre, d’établir un répertoire théorique afin de nous préparer à la conception d’une grille d’analyse des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen algérien. Nous avons examiné les liens existants entre littérature, culture et interculturel. Le texte littéraire peut être perçu comme le lieu où se dit et se lit une culture où se disent, où se lisent des cultures. Nous avons évoqué la particularité de la lecture littéraire au moyen algérien, ainsi que les diverses difficultés rencontrées par les apprenants-lecteurs lors de la lecture des textes littéraires en classe de FLE. Nous avons défini la classe de langue comme étant un lieu privilégié de contacts entre les cultures, mais aussi, potentiellement, de formation à une compétence interculturelle. Nous avons pour finir mis en évidence les spécificités interculturelles susceptibles de se mettre en place au sein de la lecture littéraire en classe de langue. Néanmoins, ces enjeux interculturels sont aussi à comprendre à travers la spécificité de la relation qui se noue entre un texte et ses lecteurs, relation que nous examinons plus en détail dans notre seconde partie, consacrée à l’exploration de ces liens entre texte littéraire, culture et interculturel.

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Chapitre 4

L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

Chapitre 4 L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

Introduction Dans ce chapitre, nous nous intéressons plus attentivement à la place qui est accordée dans les programmes du moyen à la compréhension de l’écrit et la lecture plaisir, c’est-à-dire la lecture. Nous allons donc nous pencher sur les spécificités de la lecture littéraire dans le cadre scolaire. De par son cadre limité qu’est la classe de français, la lecture littéraire connaît différents facteurs qui font qu’elle diffère de celle accomplie dans le cadre extra- scolaire. Dans le système scolaire algérien, le manuel demeure un outil didactique de base pour l’enseignement du français langue étrangère. Conçu suivant les directives et orientations du Ministère de l’Education Nationale, il s’inscrit dans une approche par les compétences et propose un ensemble d’activités ainsi que des textes relevant de différents types et genres. Ce sont ces textes, utilisés comme supports au développement de la lecture/compréhension, qui feront l’objet de notre étude. En effet, la classe de français langue étrangère est également un des lieux de découverte des anthologies littéraires. Elle propose aux apprenants un corpus de textes nécessairement sélectif, mais qui peut être très varié tant du point des auteurs choisis que des types textuels présentés. Afin de mieux appréhender la nature de cet échantillon, nous avons choisi d’observer les manuels utilisés dans les classes du moyen, car ils sont les témoins des usages des enseignants. Selon les choix faits par les concepteurs de ces manuels, ces documents pourront être contemporains ou classiques, présents dans l’ensemble des rubriques de la méthode ou insérés dans des espaces spécifiques, supports pédagogiques ou documents patrimoniaux. Un balayage rapide de ces manuels montre une grande diversité des écrivains présents et des genres littéraires exploités. Un relevé systématique de ces textes nous permettra donc de disposer d’un outil d’analyse précis, de déterminer les dominantes qui régissent l’usage du texte littéraire dans ces ouvrages et d’observer les évolutions en cours depuis la réforme de 2003. Ce chapitre a donc pour but de définir les limites et les insuffisances dans le cadre de la lecture littéraire en classe au moyen.

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1. Présence du texte littéraire dans les manuels du moyen à l’ère des réformes : enjeux et perspectives Face aux enjeux de la mondialisation, l’école algérienne se veut aujourd’hui ouverte sur le monde et porteuse d’un projet de société où il est question de mettre le système éducatif au diapason des nouvelles avancées technologiques et intellectuelles. Dans cette optique, une refonte pédagogique des contenus et des méthodes, s’est progressivement engagée du préscolaire au secondaire. L’un des principaux objectifs de la réforme mise en œuvre depuis 2003 est de promouvoir l’enseignement/apprentissage des langues. En effet, le travail de remaniement de la réforme s’inscrit directement dans les orientations du Président de la République qui avait déclaré lors du discours d’installation de la Commission nationale de réforme du système éducatif que : « (…) la maitrise des langues étrangères est devenue incontournable. Apprendre aux élèves, dès leur plus jeune âge, une ou deux autres langues de grande diffusion, c’est les doter des atouts indispensables pour réussir dans le monde de demain. Cette action passe, comme chacun peut le comprendre, aisément, par l’intégration de l’enseignement des langues étrangères dans les différents cycles du système éducatif pour, d’une part, permettre l’accès direct aux connaissances universelles et favoriser l’ouverture sur d’autres cultures 1 » [1][1] Palais des Nations, Alger, samedi 13 mai 2000. Site. »

Dans ce sens, la loi de l’Orientation sur l’Education Nationale (n° 08-04 du 23 janvier 2008) définit dans les termes suivants les finalités de l’éducation : « L’école algérienne a pour vocation de former un citoyen doté de repères nationaux incontestables, profondément attaché aux valeurs du peuple algérien, capable de comprendre le monde qui l’entoure, de s’y adapter et d’agir sur lui et en mesure de s’ouvrir sur la civilisation universelle 2. » Cette réforme qui introduisait à la fois, au niveau du discours officiel surtout, une rupture nette avec les cultures didactiques de « l’éloignement du texte littéraire » jusqu’à alors dominantes dans les classes de français en Algérie et une ouverture à l’altérité et au dialogue interculturel à travers l’intégration d’une quantité considérable de textes littéraires dans les manuels de français, constitue une source importante de mes questionnements dans cette thèse. En effet, les nouveaux programmes de français cherchent à développer chez les apprenants algériens, tout au long de leur formation, une compétence linguistique à l’oral et à l’écrit, dans

1 Discours du président Abdelaziz Bouteflika, [1] Palais des Nations, Alger, samedi 13 mai 2000. Site... » 2 Chap1.art2. cité dans le Guide du Professeur de la 2AM.

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toutes les situations de la communication vécues à l’école et en dehors de l’école et de leur assurer une ouverture culturelle sur les autres cultures. D’ailleurs, ces nouveaux programmes de français, afin de construire ses repères interculturels, l’apprenant algérien a besoin d’être placé dans un contexte de cheminement interculturel. Il peut être sensibilisé à diverses pratiques culturelles et développer progressivement une attitude d’ouverture à leur égard. La littérature, en particulier les romans et les contes, offrent l’occasion aux apprenants de comprendre les facettes de l’interculturalité. Le texte littéraire est l’un des médiateurs les plus importants dans la rencontre et la découverte de l’altérité. Le choc avec la langue cible déstabilise le lecteur/apprenant, il remet en cause ses connaissances préalables en le mettant dans une situation de quête de ses repères. Il commence à chercher son « moi » dans cette altérité qui se présente à lui. Par exemple, il connaît le conte par le biais de sa langue maternelle, il a sa propre représentation de la fiction, il connaît l’ogresse, les sultans, les sorcières mais, les « fées » ne font pas forcément partie de son imaginaire, il va se remettre en question pour mieux se construire. Quels supports privilégier pour l’étude du texte littéraire au cycle moyen en Algérie ? Pour répondre à cette question, nous avons opté par le traitement des textes littéraires disponibles dans les manuels pour l’enseignement/apprentissage de la lecture. Présentation des manuels de français au moyen algérien Pour mettre en relief le retour effectif de la littérature dans les classes de langue en tant que document authentique, après une longue période de rejet. Cependant, même si ce retour est confirmé dans les discours théoriques, les pratiques pédagogiques ne sont pas toujours en conformité avec ces discours Afin de mieux connaître la pratique du texte littéraire en classe et en tenant compte de cette variabilité, nous avons choisi d’observer un élément commun à un grand nombre de situations d’enseignement / apprentissage : le manuel de français langue étrangère du moyen algérien. Support d’apprentissage très répandu, il présente l’avantage d’une durée d’utilisation relativement longue et d’une audience large et son renouvellement est lié aux innovations méthodologiques et à l’actualité de son contenu. C’est en fonction de ces éléments que nous avons réuni un corpus de quatre manuels du cycle moyen, édités en 2013/2014. Un corpus de 131 textes littéraires, relevés dans les quatre manuels de français du moyen, s’adressant à des collégiens a ainsi été constitué, un lieu d’édition unique l’ONPS (Office

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national des publications scolaires) et un public identique conférant à cet ensemble une homogénéité nécessaire à notre analyse. Nous allons feuilleter les quatre manuels de français, du cycle moyen, pour prendre connaissance des textes littéraires présents et de se faire une idée de la façon dont ils sont lus, analysés et interprétés. Dans ce processus, le texte littéraire est un document qui peut être considéré de multiples façons et être visible également selon différentes modalités. Pour mener une analyse descriptive ayant pour but de déterminer la présence du texte littéraire parmi les supports textuels proposés dans les quatre manuels, nous allons élaboré un corpus d’analyse composé de l’ensemble des textes dédiés à la lecture dont l’objectif est de construire un sens à partir d’un document littéraire écrit. En effet, cette construction de sens peut être guidée par un questionnaire de compréhension accompagnant le texte en question pour inciter l’apprenant à relever quelques informations ou d’opérer des inférences preuves de sa compréhension. Notons que ces textes sont présentés à l’apprenant en vue d’une lecture de distraction d’où l’intitulé de la rubrique : « Plaisir de lire», dans le manuel de la 1AM, «lecture-plaisir » dans celui de la 2AM et « Lecture récréative » dans les deux manuels de la 3AM et la 4AM. Nous tenons à signaler que nous avons écarté les textes exploités pour l’apprentissage exclusif du vocabulaire et de la grammaire ainsi que ceux utilisés comme supports dans le but de préparer l’élève à la production de l’écrit et bien sûr les textes des activités de l’oral. Des précisions sur la constitution du corpus et sur les modalités de travail, s’avèrent nécessaires avant de se hasarder dans l’analyse proprement dite. Notre étude nous a permis de retenir un corpus de 04 manuels ; il s’agit donc de la totalité des manuels en usage dans les collèges de 2010 à nos jours. L’ensemble se répartit comme suit :

Tableau 01 : Répartition des manuels selon les niveaux

Cycle moyen 1ère 2ème 3ème 4ème Total

Nombre de 1 1 1 1 4 manuels

Notons que les manuels en usage au niveau du moyen (le collège) sont issus de la réforme éducative des programmes et des méthodes, des manuels scolaires et des supports didactiques.

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D’un autre côté, notre recherche couvre un espace-temps d’une période marquée par des grandes réformes de l’éducation qui coïncide avec le changement du statut de la langue française en Algérie. Enfin, outre la rénovation des programmes et des curricula, un dernier argument milite en faveur de la délimitation de notre corpus dans le temps : l’introduction de la littérature dans l’enseignement, notamment au niveau des collèges. Selon les documents d’accompagnement les quatre manuels du moyen correspondent au programme officiel : « L’élaboration et la conception du manuel de 3AM se veut conforme aux directives et orientations introduites par la tutelle dans le programme et le document d’accompagnement tant sur le plan des finalités de l’enseignement du français dans le cycle moyen définies par la loi d’orientation de l’Education Nationale (n°08-04 du 23 janvier 2008) de l’approche par compétences, de la pédagogie du projet 3, de la prise en charge des valeurs identitaires, intellectuelles et universelles que des compétences transversales et disciplinaires 4.» Dans ce qui suit, nous allons présenter sommairement les manuels en question, d’abord d’une façon générale, puis nous préciserons, au fur et à mesure, certains points de la description en fonction de notre problématique. Présentation matérielle des manuels Nous préférons présenter les manuels dans des fiches signalétiques que nous avions pu élaborer à partir d’une première consultation des livres scolaires. Dans chaque fiche sont exposés les dimensions et le poids du manuel en question, le nombre des pages, les noms des concepteurs et l’année de la première publication.

3 « La pédagogie du projet organise les apprentissages en séquences suivant une progression bien précise (…) de façon à éviter l’empilement et la juxtaposition des notions. » (Document d’accompagnement du manuel de la 4AM : p38) 4 Programme de français de 3 ème AM, p.

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Manuel de la 1 AM :

- Années de la première publication : 2010 - Concepteur : B. Laichaoui (Inspecteur de langue française) avec la participation de : Y. Berdjane, A.Meddour, H. Benamara, H. Ait Ali, O. Aouam, K. Hadab. - Intitulé : Français, 1ère Année Moyenne - Poids et dimensions : 315g. 28/20cm - Nombre de pages : 127 - Types d’illustrations : dessins, images, photos, schémas.

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Manuel de la 2AM :

- Années de la première publication : 2011 - Concepteurs : A.Sadouni-Madagh (Inspectrice de français) H.Bouzelboudjen (Professeur de français) Z.Leffad (Professeur de français) - Intitulé : Manuel de Français 2ème Année Moyenne - Poids et dimensions : 400g. 28/20cm - Nombre de pages : 159 - Types d’illustrations : Majoritairement des images et des dessins réalisés par A. C. Sadouni, quelques photos.

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Manuel de la 3AM :

- Années de la première publication : 2012 - Conceptrices : M.Ayad (Inspectrice de l’Education et de l’Enseignement Moyen) H. Chekir Daoudi (Inspectrice de l’Education et de l’Enseignement Moyen) S. Hadji Aoudia (Professeur de l’Enseignement Moyen) O. Mouhoub Bentaha (Professeur de l’Enseignement Moyen) - Intitulé : Mon livre de Français (3ème année moyenne) - Poids et dimensions : 455g. 28/20cm - Nombre de pages : 189 - Types d’illustrations : En grande partie des photos en plus de portraits.

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Manuel de la 4 AM :

- Années de la première publication : 2013 - Conceptrices : M.Ayad (Inspectrice de l’Education et de l’Enseignement Moyen) S. Hadji Aoudia (Professeur de l’Enseignement Moyen) O. Mouhoub Bentaha (Professeur de l’Enseignement Moyen) - Intitulé : Mon livre de Français (4ème Année Moyenne) - Poids et dimensions : 480g. 28/20cm - Nombre de pages : 189 - Types d’illustrations : Images et dessins, photos, schémas.

La totalité des manuels sont édités par l’Office National des Publications Scolaires (ONPS), organisme dépendant du Ministère de l’Education Nationale. Contenus et structuration L’enseignement/ apprentissage du français au cycle moyen est bâti sur différents genres textuels (explicatif, injonctif, descriptif, narratif et argumentatif) pour orienter les concepteurs du manuel et les enseignants dans leurs taches respectives. Chaque manuel prend en charge un genre textuel ou plusieurs genres précis et ce, dans le respect des directives du Ministère de l’Education selon lesquelles : « Au terme du cycle fondamental, dans le respect des valeurs et par la mise en œuvre de compétences transversales, dans des situations de communication variées, l’élève est capable de comprendre/produire à l’oral est à l’écrit : des énoncés dans lesquels se réalisent des

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actes de paroles, des textes relevant de l’explicatif, du prescriptif, du narratif et de l’argumentatif .5 » En adoptant un ordre précis, l’organisation des contenus fait que chaque niveau de l’enseignement moyen s’occupe d’un genre textuel particulier. Ainsi, le contenu du programme est structuré de la manière suivante: ‐ 1ère Année Moyenne (1AM) : le manuel de la première année moyenne est fondé sur l’ explicatif et l’ injonctif . Autrement dit, les textes sélectionnés à être enseignés relèvent de ces deux genres. ‐ 2ème et 3 ème Année Moyenne (2 AM et 3 AM) : dans ces deux manuels la narration s’avère dominante : - Le Manuel de la 2 ème AM est dédié à la littérature dans ses différents genres (contes, fables et légendes). - Celui de la 3 ème AM, il est composé par une partie consacrée au fait divers et une autre partie attribuée au récit de vie (biographie) et le récit historique (histoires réelles). ‐ 4ème Année Moyenne : le manuel englobe différents textes qui s’inscrivent tous dans le genre « argumentatif ». Tous les manuels s’inscrivent dans le cadre de l’approche par les compétences et : « (…) dans l’approche par compétences, comme nouveau paradigme éducatif, on se réfère plutôt à la possibilité pour un apprenant de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources (savoirs/ savoir-faire/ savoir-être), en vue de résoudre une famille de situations .6» Dans chaque manuel, il y a trois projets. Chaque projet est subdivisé en deux ou trois séquences 7. Celles-ci se répartissent en rubriques ou activités. « Une séquence se structure de la façon suivante : 1) La compréhension de l’oral : Des supports sont proposés mais les enseignants peuvent en choisir d’autres plus adaptés au niveau de leur public. 2) La production de l’oral : Elle se fait à partir d’un support (dessin, photo, tableau, vignette de BD, …) et d’un questionnaire. 3) La compréhension de l’écrit : Les activités proposées permettront à l’apprenant d’apprendre à construire progressivement le sens d’un texte en passant par quatre étapes : ‐ J’observe et j’anticipe 8.

5 Livre du professeur 2 ème AM, p.3. 6 Guide d’accompagnement du manuel de la 4 ème AM, p.6. 7 La séquence est l’ensemble des séances qui participent au même objectif d’apprentissage. (Document d’accompagnement du manuel de la 4AM : 38)

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‐ Je lis pour comprendre (compréhension globale) ‐ Je relis pour mieux comprendre (compréhension détaillée) ‐ Je retiens l’essentiel (synthèse) 4- Des outils pour dire, lire et écrire : L’étude de chaque point de langue s’appuie sur la lecture d’un corpus (généralement, un texte écrit). 5- Atelier d’écriture (…) 6- Evaluation-bilan (…) 7- Station-projet (…) 8- Lecture récréative (…) » (Guide du manuel de Français, 4ème année moyenne : 13) Notons bien que le choix des textes supports peut être décrypté selon la théorie du genre. Comme nous allons le démontrer ultérieurement, la théorie du genre peut être sollicitée afin de faciliter la mérite lecture/ interprétation des textes intégrés les manuels du moyen. Autre qualité, nous pouvons signaler aussi l’importance vouée au choix des thèmes d’actualités et d’intérêt général, porteurs de valeurs identitaires et en même temps universelles. On privilégie, « les grands thèmes qui motivent les adolescents et qui les inscrivent dans une ouverture sur le monde qui les entoure et où ils deviendront de plus en plus acteurs (…) 9 ». En abordant, la nationalité littéraire des supports inventoriés, nous avons remarqué la présence des auteurs français, francophones, et autres. Cela confirme l’intention affiche des concepteurs, sous l’égide de la nouvelle réforme, de s’inscrire dans l’interculturel et l’universalité. Statut des textes littéraires dans les manuels du cycle moyen Le cycle moyen correspond aux contenus des différentes périodes correspondant aux 4 années d’apprentissage collégial de la langue française :

8 Livre du professeur 2 ème AM, p.3. 9 Idem, p.15.

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Tableau 8 : Contenus des périodes correspondant aux 4 années du collège

Première période Deuxième période Lecture des textes informatifs, explicatifs Lecture des formes différentes du récit et prescriptifs Reconnaître le récit dans différents types -Identifier le lexique de la présentation et de d’écrits : l’identité, - le conte, - la fable, -Reconnaître les verbes de localisation et de - la légende. perception, les indicateurs de lieux, les -Identifier un passage narratif et en adjectifs qualificatifs, etc. dégager la structure d’un genre narratif (le conte, la fable ou la légende); - S’initier aux techniques de la narration : - Découvrir le portrait des personnages, -Découvrir la vie des animaux à travers la fable et la légende, -Identifier la morale dans les fables.

Troisième Période Quatrième période Lecture du récit de vie Lecture d’un texte argumentatif Le récit de vie : la biographie, - Argumenter en utilisant l’explicatif l’autobiographie - Argumenter dans le récit, -Argumenter par le dialogue, -Lire un fait divers -Argumenter pour inciter à la découverte, -Lire un récit historique, -Argumenter dans la lettre, -Découvrir un récit biographique, portrait de -Distinguer le texte argumentatif des autres personnes célèbres, genres textuels -Reconnaître un extrait autobiographique, -Identifier le champ lexical de -identifier le lexique du souvenir, des l’argumentation sentiments et des émotions, -Découvrir la structure d’un texte argumentatif -Reconnaître le lexique du portrait et de l’autoportrait.

Le texte littéraire dans les manuels : modalités de travail Porter l’interrogation sur la lecture des textes littéraires, dans le quatre manuels du moyen, sur leur nature et leur importance dans une perspective interculturelle, nous a amené à opter, dans un premier temps, pour une analyse des contenus. C’est pourquoi nous avons élaboré une grille plurifonctionnelle, moyen méthodique, rationnel et exhaustif de « balayage » des manuels. Le résultat en est : • la sélection de la totalité des textes en fonction de leur appartenance à un genre ; • un relevé des fréquences d’apparition des extraits suivant les littératures étudiées ;

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• une quantification catégorielle des extraits ; • la mise en valeur de certains regroupements en fonction de critères significatifs (auteurs ; œuvres ; époque, nationalité littéraire, nombre d’extraits d’œuvre par auteur ; etc.). Au fil des manuels Feuilleter un manuel permet d’en prendre connaissance et de se faire une idée de son contenu. Dans ce processus, le texte littéraire est un document qui peut être considéré de multiples façons et être visible également selon différentes modalités. Comme nous le verrons, une rubrique dédiée régulièrement à ces documents, d’une séquence à une autre, indique un parti pris bien différent de celui adopté lorsque le texte est support d’un exercice de grammaire. Dans ce dernier cas, il est d’ailleurs relativement invisible lors d’un survol rapide du manuel. Cela dit, le relevé des textes page après page apparaît alors nécessaire pour connaître avec précision les différents usages qui leur sont assignés. Les différentes représentations des textes littéraires dans les manuels scolaires Par l’observation du corpus constitué, nous souhaitons dégager la représentation de la littérature et du texte littéraire que peuvent composer les manuels. La classe de langue conditionne en partie la réception d’un type de document et peut lui assigner une image plus ou moins positive, plus ou moins attirante. Le choix des auteurs, des thèmes et des textes eux- mêmes, leur présentation, les activités qui leur sont associées influent sur la représentation qui s’en dégage, et le domaine littéraire est vaste, ce qui est difficile à rendre en quelques extraits. Afin de connaître avec précision les différentes modalités d’usage de la littérature dans les manuels de français du cycle moyen, nous allons tout d’abord considérer le corpus réuni puis nous observerons le choix des auteurs cités, les genres auxquels appartiennent les textes et leur situation géographique et temporelle. L’exploitation et la présentation des extraits peuvent aussi avoir une grande importance, comme nous le verrons ensuite. Cette analyse nous permettra de déterminer les usages de la littérature liés à l’approche par compétences à propos de ce document si particulier. Un corpus diversifié Pour appuyer notre analyse, nous avons choisi de prendre en compte les pages du manuel comportant des textes littéraires proposés pour la lecture ou l’exploitation d’activités de grammaire ou autres. Les résultats de ce relevé sont présentés sous forme de tableaux, par niveau et par genre littéraires. Le relevé est organisé en considérant les deux positions

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assignées à la lecture littéraire le plus fréquemment qui sont : « la compréhension de l’écrit » et « la lecture plaisir ». En position de support pour la séance de la « compréhension de l’écrit », le texte est appréhendé comme document déclencheur, il est dans ce cas mis en valeur par la mise en page et clairement signalé. Un grand nombre d’activités peut s’appuyer sur ce texte et sur sa thématique. À l’inverse, dans les séances de grammaire, de conjugaison ou de vocabulaire, le document littéraire devient accessoire tout en étant banalisé. Nous allons, à présent, nous pencher sur les contenus littéraires des quatre manuels conçus pour le moyen. Pour commencer, il faut signaler que le choix de l’ensemble des extraits résultat d’un travail de sélection dans les quatre manuels du moyen ; étant donné que nos principaux critères pour choisir les titres au départ étaient uniquement le genre littéraire et l’époque de l’ouvrage, il n’a pas été simple de délimiter le corpus, car nous nous sommes d’abord laissé guider par notre goût personnel et cela a abouti à un ensemble de titres très vaste : Le recensement effectué sur notre corpus nous a permis de dégager, par auteur, la répartition suivante : Tableau 2 : Répartition des textes littéraires recensés par auteur

Nom de l’auteur Occurrences Nom de l’auteur Occurrences Antoine Saint 4 Kristoff Valla 1 Exupéry Les mille et une 3 Pierre Benoît 1 nuits Les frères Grimm 4 H. G. Wells 1 A. Pouchkine 1 Légende Algérienne 1 Henri Gaugaud 1 André Demaison 1 Taous Amrouche 2 Robert Lawrence 1 Stine Carlo Collodi 1 Abderrahmane Zakad 1 Andersen 1 Simone De Beauvoir 1 Eric Voisin 1 Alphonse de 1 Lamartine Jean Muzi 1 Michel Leiris 2 Conte Japon 1 Alexandre Dumas 1 Conte Egyptien 1 Marcel Pagnol 2 Conte africain 1 Marcel Proust 1 Conte hawaïen 1 Léon Tolstoï 1 Conte algérien 2 Jaques Charpentreau 1

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Conte Russe 1 Gabriel voisin 1 Conte Chinois 3 Fernand Gregh 1 Conte Malien 1 Edmond De Amicis 1 Jean De Lafontaine 15 Camara Laye 1 Esope 5 Ahmed Azeggagh 1 Ibn El Mokafâa 3 Mouloud Féraoun 4 Jean Muzi et Gérard 1 Rabah Belamri 1 Franquin Colette 1 Azouz Begag 1 Maxence Van Der 1 Fadhma Ait Mansour 1 Meersch Roselyne Morel 2 Jule Vallès 1 Ray Bradbury 3 Victor Hugo 4 Dino Buzatti 1 Alphonse Daudet 1 D. Mornet 1 Albert Camus 2 Légende Allemande 1 Louis Tournier 1

Guy De Maupassant 1 Mohammed Dib 2 J. M. Le Clezio 1 J.P. Chabrol 1 Jules Renard 1 William Chapman 1 Jean Giono 4 Anna Greki 1 Paul Fort 1 Assia Djebar 1 Jean Louis Curtis 1 Nazim Hikmet 1 Georges Duhamel 1 Paul Verlaine 1 José Mauro de 1 Rabia Ziani 2 Vasconcellos Alain Serres 1 Pierre Gamarra 1 Roahld Dahl 2 Arnold Lobel 1 Henri Bosco 1 Eugène Labiche 1 Tahar Ben Jelloun 1

Répartition des textes littéraires dans les manuels Le recensement effectué nous a permis de dégager le nombre des textes littéraires qui figurent dans les manuels du moyen et leur proportion par rapport au vaste champ des supports textuels proposés.

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Tableau 5: Répartition des supports textuels présentés dans les manuels du moyen.

Textes supports Occurrences Pourcentage

Textes littéraires 132 54,54 % Textes scientifiques 37 15,28 % Articles de presse 41 16,94 % Textes historiques 16 6,61 % Guides touristiques 16 6,61 %

Le recensement effectué révèle que les textes littéraires sont représentés par 132 occurrences, soit 54.54 % de l’ensemble des supports textuels dénombrés dans les manuels inventoriés. Les textes scientifiques (dits expositifs) sont au nombre de 37, soit 15.28 % de la totalité des textes contre 41 occurrences pour les articles de presse, soit 16.94 %. Les textes historiques et les guides touristiques arrivent en quatrième chacun. Ils sont représentés chacun par 16 textes, soit 6.61 % de l’ensemble des extraits recensés. Dans le tableau présenté page suivante, ces auteurs sont les plus présents. Les représentants des XXIe, XXe et XIXe siècles sont majoritaires, accompagnés par quelques figures des XVIIe siècles. Ce tableau montre que les concepteurs de manuel choisissent d’ailleurs majoritairement les auteurs patrimoniaux. Valeurs sûres, ils sont déjà consacrés par la postérité et reconnus par l’institution, ce qui garantit leur pertinence apparente au sein d’un manuel. Lorsqu’elle est orientée vers cette partie du champ de production littéraire, la sélection opérée semble plus légitime. À la fois texte et manifestation culturelle, le document littéraire devient un représentant du patrimoine dont les deux facettes se conjuguent, notamment lorsqu’il est présent dans la rubrique « civilisation ». Répartition des textes par géographie Dans une tentative de répartir les auteurs selon la géographie littéraire, nous avons élaboré le tableau suivant:

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Tableau 02 : Répartition des auteurs selon la géographie

Littératures Auteurs Pourcentage Occurrences Pourcentage Littérature 39 47.56 % 69 54.33 % française Littérature 14.63 % 17 13.38 % maghrébine 12 Autres 20 24.39 % 33 25.19 % littératures Anonymes 11 13.41 % 12 9.16 % Totaux 82 99.99 % 131 99.99 %

La lecture de ce tableau révèle la prédominance de la littérature française, avec environ 69 textes, soit 54.33 % de la totalité des extraits recensés dans les manuels inventoriés. Les auteurs sont au nombre de 39, soit 47.56 % de l’ensemble. Par ailleurs, les littératures maghrébines (Algérie, Maroc, Tunisie) ne sont représentées que par 17 occurrences, soit 13.38 % avec 12 écrivains, soit 14.63 % des auteurs étudiés en classe de français. Le constat est encore plus important pour les autres littératures : 33 extraits en tout et pour tout, soit 25.19 % des textes littéraires partagés entre 20 écrivains, soit 24.39 % des 82 retenus. Répartition des textes par époque Le tableau ci-dessous présente une répartition globale des textes selon l’époque avec le nombre d’auteurs et leurs occurrences. hoTableau 4 : Répartition des textes littéraires selon l’époque

Epoque Auteurs Pourcentage Occurrences Pourcentage Antiquité 1 1.21 % 5 2.81 % classique XVII ème siècle 1 1.21 % 15 11.45 % XIX ème siècle 18 21.95 % 33 25.19 % XX ème siècle 29 35.36 % 37 28.24 % XXI ème siècle 22 26.82 % 28 21.37 % Anonymes 11 13.41 % 13 9.92 % Totaux 82 99.96 % 131 98.98 %

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La lecture de ce tableau révèle la littérature du XXème siècle est représentée par 37 occurrences, soit 34.57 % de l’ensemble des textes littéraires recensés avec un nombre de 29 auteurs, soit 41.42 % de la totalité des écrivains. La littérature XXIème siècle arrive en deuxième position avec 26 occurrences, soit 24.29 % de l’ensemble des textes littéraires dénombrés avec un nombre de 21 auteurs, soit 30 % de l’ensemble des écrivains. Les littératures du XIXème siècle sont représentées par 24 occurrences, soit 22.42 % de la totalité des textes littéraires inventoriés avec un nombre de 18 auteurs, soit 25.71 % de l’ensemble des auteurs. Alors que la littérature du XVIIème siècle est représentée par 15 occurrences, soit 14.01 % de l’ensemble des textes retenus avec un seul auteur, soit 1.42 % de l’ensemble des écrivains recensés. Arrive en dernière place, la littérature de l’antiquité classique représentée par 5 occurrences, soit 4.67 % de la totalité des textes recensés avec un sel auteur, soit 1.42 % de l’ensemble des auteurs. Répartition des textes par genre Nous avons réparti les textes littéraires recensés selon le genre comme suit: Tableau 5 : Répartition des textes littéraires selon le genre

Genres littéraires Occurrences Pourcentage Roman 25 19.08 % Poésie 11 8.39 % Récit autobiographique 24 18.32 % Conte 33 25.19 % Fables 20 15.26 % Légende 17 12.97 % Théâtre 1 0.76 %

Le statut et les objectifs assignés à l’apprentissage de la langue française, comme nous en avons déjà fait état dans les chapitres précédents, ayant changé, l’on comprend aisément qu’une large place soit faite aux auteurs « contemporains » s’exprimant dans un français moderne. La conséquence en est une présence remarquée, dans les manuels scolaires, des auteurs du XXème siècle, 29 auteurs, soit 35.36 %, avec 37 occurrences. Les genres convoqués sont le roman, la poésie, le théâtre, les contes et nouvelles.

Les textes romanesques atteignent 25 occurrences, soit 19.08 % de l’ensemble des extraits recensés. Victor Hugo et Albert Camus arrivent avec extraits chacun, soit 1.57 % ; ils

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proviennent essentiellement de l’œuvre : Les misérables pour le premier ; L’Etranger et Noces à Tipaza pour le second. De même pour les classiques Alphonse Daudet, De Lamartine, Marcel Proust n’ont eu droit qu’à un seul extrait chacun. Dans le domaine des littératures maghrébines, le genre dramatique est inexistant même si certains auteurs ont produit des pièces de théâtre. Par contre, le genre dramatique du XXème siècle n’a pas la faveur des élaborateurs des programmes. Par contre, on a recensé un seul extrait d’Eugène Labiche du XIXème siècle. Le conte et les Fables : les genres dominants Dans les manuels destinés à l’apprentissage de la langue française, le genre littéraire « le conte » arrive en première position avec 33 occurrences, soit 25.19 % de l’ensemble des textes littéraires recensés. La deuxième position est attribuée au genre romanesque. Il est représenté par 25 occurrences, soit 19.08 % de la totalité des textes littéraires présents dans les manuels du cycle moyen. Le récit autobiographique, quant à lui, se contente de la 3 ème position avec 24 occurrences, soit 18.32 % des textes inventoriés. La fable jouit de la 4 ème avec 20 occurrences, soit 15.26 % de l’ensemble des textes recensés. Alors que la 5 ème position revient au récit fantastique (la légende) représenté par 17 occurrences, soit 12.97 % de la totalité des textes dénombrés. Numériquement les auteurs du XXe sont très importants (29 auteurs); et leur présence par le nombre de textes est supérieur à celle des écrivains du XIXe : 18 auteurs pour 33 extraits, soit un taux moyen de 25.19 % des textes recensés. Cette préséance révèle que la littérature française du XIXe continue d’être prisée par les enseignants algériens. Si donc la littérature française jouit d’une place privilégiée dans l’enseignement de la langue française au moyen algérien, et ce, à travers ses écrivains les plus illustres (des classiques en passant par les romantiques jusqu’aux représentants du nouveau roman) dans les divers genres canoniques, on est en droit de porter l’interrogation sur la lecture de ces textes littératures ? Répartition des textes par rubrique Le tableau ci-dessous présente une répartition globale des textes selon la séance choisie avec le nombre d’auteurs et leurs occurrences.

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Tableau 6 : Les rubriques où les textes littéraires sont insérés

Rubrique Occurrences Pourcentage Compréhension de l’écrit 16 13,55 % Vocabulaire 15 12,71 % Grammaire 14 11,86 % Conjugaison 15 12,71 % Orthographe 9 7,62 % Atelier d’écriture 15 12, 71 % Lecture plaisir (récréative) 34 28,81 %

La lecture de ce tableau révèle la part du lion est réservée aux séances de lecture récréative dite lecture plaisir représentée par 34 occurrences, soit 28.81 % l’ensemble des textes littéraires utilisés. La compréhension de l’écrit arrive en deuxième position avec 16 occurrences, soit 13.55 % de l’ensemble des textes littéraires dénombrés. Les points de langue (vocabulaire, grammaire et conjugaison), par contre, ne sont représentés que par 15 occurrences pour chacune, soit 12.71 % de la totalité des textes littéraires inventoriés. De même pour la séance de « Atelier d’écriture », elle est représentée par 15 occurrences, soit 12.71% de l’ensemble des textes littéraires convoqués. La séance d’ « orthographe » arrive en dernière position avec 09 occurrences, soit 7.62 % de l’ensemble des textes littéraires intégrés. 2. La lecture littéraire dans le cadre scolaire L’acte de lire un texte littéraire consiste, dans le cadre d’une analyse d’un extrait littéraire, à dégager le sens. Par ailleurs, pour que cette lecture soit efficace en classe, elle doit à la fois donner la parole à l’apprenant et à sa sensibilité avant de recourir à la lecture proposée par le programme ou l’enseignant. Cela dit, l’enseignant algérien ne doit pas ignorer les aspects polysémique et interculturel du texte littéraire. Il doit aussi stimuler les interactions en classe. L’apprenant algérien étant exposé à l’écoute de l’autre, prendra conscience des divers sens qui peuvent être déduits. Ainsi, de la confrontation de son mode de pensée avec celui des autres, il forgera le sien. Ces objectifs d’apprentissage n’abordent pas réellement l’aspect spécifique du texte littéraire, encore moins, la dimension interculturelle et anthropologique de ce dernier. Il est traité de la même façon qu’un texte scientifique ou un article de presse.

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Dans les contenus proposés dans les programmes du moyen, suivant le niveau, où quelques spécificités génériques sont abordées, nous trouvons que : - En 1 ère AM sont traitées les spécificités de : l’autobiographie. L’élève apprend à se présenter et présenter quelqu’un ou un lieu. - En 2ème AM sont traitées les spécificités des différents récits : le conte, la fable et la légende. - En 3 ème AM sont traitées les spécificités du : - récit biographique et autobiographique. - En 4 ème AM sont traitées les spécificités de : - la fable. L’approche analytique des textes, qu’ils soient littéraires ou non, se divise de manière générale en trois phases : une phase de compréhension globale qui se base sur les éléments paratextuels afin de produire des hypothèses de sens ; une phase d’analyse qui est narrative dans le cadre des textes littéraires et qui se fait sur la base de questions proposées dans le manuel ou par l’enseignant ; une phase de synthèse réalisée par des activités de production écrite (ex : le résumé).

Rôle du lecteur et démarches pédagogiques préconisées par les programmes du cycle moyen Un des matériaux de base de l'enseignement littéraire réside dans les textes d'écrivains qui y sont abordés. En didactique de la littérature, certains avancent cependant que l'essentiel tient moins aux textes étudiés qu'à la manière dont on les travaille en classe. Les méthodes pédagogiques importent indubitablement, car un texte merveilleux devient vite une corvée s'il est présenté de façon insignifiante. Il n'empêche que le choix des textes n'est pas indifférent, ne serait-ce que pour les idées qu'ils véhiculent, pour le prestige qu'on leur attribue dans la tradition culturelle ou, plus prosaïquement, pour leur pouvoir d'intéresser les élèves. Dans les documents officiels relatifs à l’enseignement du français en Algérie, on reconnaît une place au lecteur en s’inspirant des théories existantes en la matière en affirmant que l'un des aspects importants de l’apprentissage de la lecture est le rôle primordial du lecteur :. -Dans l’avant propos du manuel de 2AM : « Cette année, il s’agira pour toi d’apprendre à raconter à travers différents récits. Pour cela tu feras connaissance avec le récit de fiction dans les contes, fables et légendes. […] Afin de te permettre de voyager et de t’ouvrir sur le monde qui t’entoure, des récits venus de contrées lointaines s’ajoutent à des contes et légendes algériens »

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-Dans l’avant-propos du manuel de 3 AM : « Au cours de cette année, tu auras à réaliser trois grands projets qui te permettront de développer et d’exercer tes compétences narratives en mobilisant à chaque étape, tes acquis antérieurs. » « Tu liras (Lecture- récréative) pour le plaisir, pour te détendre et pour développer chez toi l’envie de lire en toute autonomie ». Le lecteur possède des structures cognitives (les connaissances sur la langue et sur le monde) et des structures affectives– un peu moins connues, mais qui ont un rôle décisif – dans le processus de lecture : c'est l'intérêt qu'il peut avoir pour la lecture de tel ou tel texte. La véritable lecture est une interaction dynamique entre le texte et le lecteur. Présentation des séances dédiées à l’activité de lecture Le collège a permis à l’élève d’acquérir quelques notions de base d’une approche des textes littéraires en même temps qu’une appropriation des moyens linguistiques et langagiers pour une communication efficace en langue française. Le choix des extraits littéraires retenus a obéi aux considérations suivantes: • permettre une appréhension de la langue en contexte • initier les élèves aux principaux genres et favoriser l’ouverture culturelle des · • sensibiliser aux valeurs nationales et universelles. Les pratiques de lecture Les apprenants peuvent répondre aux questions ouvertes, cocher la bonne réponse, compléter les phrases, faire des périphrases, associer des éléments, substituer le thème au texte, donner l’idée principale du texte, discuter un problème, présenter son point de vue, séparer documentaire et imaginaire ou le texte pragmatique et le texte fictif. En étudiant un texte, on peut suivre le processus suivant: 1) La lecture globale et la compréhension du thème. 2) L’étude de vocabulaire. 3) L’analyse des éléments de structure et de composition. 4) Le travail sur la forme d’écrit, le type, le genre ou le ton du texte. 5) Le traitement de l’énonciation et de la focalisation. La modèle de lecture littéraire adopté en classe au moyen Pour l'exploitation des divers supports, des questions et des consignes s'adressent directement à l’apprenant. Il est ainsi sollicité d'emblée et mis en situation de recherche personnelle. Au niveau de la rubrique de compréhension de l’écrit, les activités proposées te permettront de construire progressivement le sens d’un texte. Elle comprend quatre phases : j’observe et j’anticipe (phase d’anticipation). Ce qui correspond aux activités proposées par J.P. Cuq et I.

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Chapitre 4 L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

Gruca (2005 :421) : « Des activités avant la lecture peuvent aider l’élève à s’orienter dans le contexte et à préparer la lecture ». L’enseignant peut leur demander de deviner de quoi une histoire parle et d’anticiper sur le contenu. A chaque fois, il s’agit d’activer les connaissances préalables en parlant de tout ce que les élèves savent sur la thématique d’un texte et des mots associés à cette thématique. Je lis pour comprendre (phase de compréhension globale), je relis pour mieux comprendre (phase de compréhension détaillée) C’est une lecture plus approfondie amènera les élèves à une discussion plus détaillée. Toujours dans l’étape de la réalisation, l’enseignant peut encourager ses élèves à lire le texte et à en relire les passages qu’ils ne comprennent pas. Ils font attention aux liens exprimés entre les différentes phrases en vérifiant leur compréhension du texte et je retiens l’essentiel (phase denthèse). Au niveau de la rubrique de lecture- entraînement, on suit la démarche suivante : • Je comprends le texte : « je vérifie ma compréhension » « Je retiens » • Je lis mon texte : « Je vais plus loin dans la compréhension » : un ensemble de questions favorisera ta compréhension du texte étudié. « J’en parle avec mes camarades » : dernière étape de la lecture entrainement, est un espace d’expression conçu pour que tu puisses échanger, tes camarades et toi, vos points de vue par rapport à des sujets donnés. • Lecture Plaisir « Voyage autour du texte » Synthèse des quatre phases à suivre lors de la lecture littéraire au moyen Quatre phases sont proposées au niveau des quatre manuels de français au cycle moyen, lesquelles phases peuvent être gérées de manière souple. Elles sont proposées comme des étapes en vue non seulement de la structuration de l'acte pédagogique, mais aussi pour permettre aux élèves l'acquisition d'une méthode de travail et de réflexion. Ces différentes se ramènent à l’observation-découverte, la construction du sens, la synthèse et la réaction. a) Observation-découverte Cette première étape devrait permettre d’une part de motiver l’apprenant en suscitant sa curiosité et d’autre part de mobiliser ses connaissances à propos de ce qu'il va lire. Elle vise

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principalement l'entraînement à l'anticipation, opération déterminante dans la construction du sens. Les questions et les consignes relatives à cette phase renvoient généralement à des éléments référentiels pouvant constituer une base à l'activité de lecture. L'élève sera amené progressivement à investir son savoir et son expérience dans la construction du sens. Il apprendra à mobiliser des préalables à l'acte de lire suivant le type, le genre, la thématique, le support employé, etc. L'émission d'hypothèses avant de lire permet particulièrement de motiver le lecteur et de faire de l'acte de lire une activité ludique par excellence. b) Construction du sens Etape essentielle dans la construction du sens, la découverte du texte par une lecture silencieuse devra être guidée par des consignes précises données préalablement. Après cette découverte préliminaire du texte, l'élève est appelé à interroger le texte pour en construire le sens. Cela lui demandera, en principe, la mobilisation de stratégies acquises tout au long de son cursus scolaire : il aura à repérer des indices significatifs, à analyser le texte en profondeur, à rechercher la signification des formes verbales employées, à comparer l'information véhiculée par l'extrait avec celle qu'il possède sur le sujet, il identifiera grâce à ces investigations les progressions thématique, sémantique et syntaxique, il repérera les procédés linguistiques et stylistiques mis au service du sens. La construction du sens est donc une opération complexe qui fait intervenir des compétences diverses. c) Synthèse Cette phase sert à faire le point ; elle devrait permettre à l'élève de retenir l'essentiel du texte et d'en saisir l'intérêt. La synthèse de lecture peut résulter de synthèses partielles transcrites au fur et à mesure au tableau, comme elle peut résulter de notes prises par les élèves. Elle pourrait prendre la forme d’un résumé, d’un schéma, ou tout simplement de phrases d’élèves choisies pour leur intérêt ou pour leur adéquation à l’idée essentielle développée dans le texte. d) Réaction Après la lecture, des moments pour la réflexion et la réaction sont prévus. Ainsi à la fin de l’activité, on fait appel à l’expression de la subjectivité de l’apprenant, c’est aussi un témoignage de son adhésion complète ou partielle aux idées véhiculées par le texte ou de l’expression de son opposition. Cette phase en principe permet en effet confirmer « la validité de la lecture active et interactive ». L’expression de son point de vue au terme de la lecture de chaque texte pourrait donner à l'élève l'envie et la possibilité d’approfondissement de « ce qu’il vient de découvrir ». Des

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activités de recherche et de documentation peuvent être proposées pour l’approfondissement hors de la classe. De ce fait, il est nécessaire d’attirer l’attention des élèves sur « la nécessité d’aborder l’œuvre dans sa globalité et dans la continuité des extraits étudiés en classe et des passages complémentaires à lire hors de la classe ». Telle est donc la place de la lecture au collège. 3. De l’usage du texte littéraire dans le les manuels du cycle moyen L’utilisation d’un extrait de texte littéraire dans un manuel de français langue étrangère peut se faire selon différentes modalités. Il nous faut à présent considérer les procédés utilisés pour présenter les textes et pour leur donner une visibilité. Les textes littéraires s’insèrent en effet dans les pages d’un manuel qui est organisé en séquences, en séances et comporte de nombreuses informations de natures diverses. Une partie d’entre elles est destinée à guider l’apprenant, elle accompagne les actions à effectuer et les documents sur lesquels s’appuient ces actions. Les documents littéraires peuvent alors s’insérer dans une rubrique qui leur est attribuée, ils peuvent être positionnés en début de leçon ou occuper une position secondaire dans toute autre rubrique. Les quatre manuels utilisent une structuration fixe qui reproduit dans chaque leçon le même séquençage. Les différentes étapes sont nommées « rubrique ». En effet, le texte littéraire, a priori, se doit de figurer dans des rubriques particulières, comme celles portant sur les documents écrits ou s’orientant vers des objectifs communicatifs tels que la compréhension écrite. Le document littéraire s’insère dans une séquence portant sur un objectif linguistique du type « lexique », « prononciation » ou « langue », ce qui le place dans une position d’exemple et de support pédagogique. Le thème est un point grammatical, un champ lexical ou la prononciation d’un phonème, et figure en tête du texte, plaçant celui-ci dans une position secondaire. Ce n’est plus le texte littéraire qu’il faut lire mais le point technique qu’il faut déceler dans le texte. Dans certains cas : Banalisation et dévalorisation du texte littéraire Les quatre manuels du moyen optent pour une présentation qui banalise le texte littéraire. Le texte est toujours accompagné par les mentions minimales nécessaires, le nom de l’auteur ainsi que le titre de l’œuvre dont il est extrait, mais aucune autre indication n’est donnée. Document intégré dans l’ensemble du manuel comme peut l’être un exercice de grammaire, il

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est le support de plusieurs types de tâches communicatives ou linguistiques où sa littérarité n’est pas exploitée. Dans les exemples suivants, que nous avons relevés dans les manuels du moyen, le texte littéraire est ainsi intégré dans des rubriques « vocabulaire », « grammaire», « conjugaison », « orthographe », aux côtés des extraits anonymes.

Tableau 8: Répartition des textes littéraires selon des rubriques qui banalisent leur littérarité Support littéraire Manuel Rubrique

Antoine Saint Exupéry, Le 1ère AM Conjugaison (Le présent de petit prince et le renard l’indicatif : les verbes du 1 er

groupe/ « être » et « Avoir » (p.16) // Orthographe (L’accord du J. P Chabrol, La Gueuse participe passé employé avec l’auxiliaire « avoir ». (p.71)

// Conjugaison (le futur simple de l’indicatif. Verbes du 3ème groupe Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre (p.107)

Vocabulaire (la famille de Les frères Grimm, « La boule 2ème AM mots) de cristal », « Les trois plumes » (p.12)

Conte Egyptien (p.12) // // Pouchkine, Le vieux pêcheur // Grammaire (L’Imparfait de et le poisson d’or (p.14) l’indicatif)

Conte berbère, L’Homme- // Vocabulaire du merveilleux serpent (p.25) Grammaire (les valeurs de Conte russe, La fée des bois // l’imparfait et du passé simple)

(p.26)

Carlo Collodi, Pinocchio // //

(p.27)

// Les frères Grimm, Les trois Conjugaison (Le passé simple

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cheveux d’or du diable (p.28) de l’indicatif)

// Orthographe (L’accord de Alphonse Daudet, La chèvre l’adjectif qualificatif) de Monsieur Seguin (p.42) // Vocabulaire (Les substituts Taous Amrouche, La vache grammaticaux) Vocabulaire (les formules de des orphelins (p.51) // clôture) Conte chinois, L’arbre entêté Orthographe (les homophones (p.50) // grammaticaux) Andersen, La princesse au

Vocabulaire (Le champ petit pois (p.53) // lexical) Fables de La Fontaine (p.64) // Vocabulaire (La synonymie) La Fontaine, Le loup et l’Agneau (p.65) // Grammaire ( Les valeurs du présent de l’indicatif) La Fontaine, Le loup et la cigogne (p.66) // Conjugaison (Le présent de l’indicatif) La Fontaine, Le loup et le chien (p.67) // // Ibn Al Muqaffa, La tortue et les deux canards (p.67) // Orthographe (l’Adjectif verbal et le participe présent) Esope, Le renard et le Geai

(p.68) // Grammaire (la ponctuation dans le dialogue) Esope, Le renard et le Geai

(p.78) // // Antoine Saint Exupérey, Le petit prince et le renard // Vocabulaire ( La périphrase) (p.78)

La Fontaine, L’Homme et le // Vocabulaire (La description objective) serpent (p.88)

Maxence Van Der Meersch, Vocabulaire ( La suffixation) Une maison méditerranéenne // (p.101)

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Roselyne Morel, Atelier // Grammaire ( L’expression du temps) cauchemar (p.102)

Fernand Gregh, (sans titre) Orthographe (L’accord sujet/ verbe) (p.103) //

Vocabulaire ( L’antonymie)

Jules Vallès, (sans titre) //

(p.106) Grammaire (La proposition

subordonnée relative //

Robert Lawrence Stine, Le Conjugaison (le passé composé) fantôme de la plage (p.115) //

H. G. Wells, La machine à Conjugaison (La voix passive)

explorer le temps (p.116) // Orthographe( L’homonymie) Roselyne Morel, Atelier cauchemar (p.117) //

Kristoff Valla, Cœur de Jade, lame du dragon (p.130) Gabriel Voisin, (sans titre),

(p.131)

Léon Tolstoï, Enfance 3ère AM Vocabulaire (Le vocabulaire du souvenir, des sentiments et (p.102) des émotions. La faille du mot

« enfant » Grammaire (Les déterminants // possessifs et démonstratifs) Fadhma Ait Mansour,

Vocabulaire (Lexique du Histoire de ma vie (p.105) // portrait Comparaisons et Jean Giono, Regain (p.127) métaphore)

Grammaire (Les expansions // du nom) Roahld Dahl, Mathilda // Conjugaison (L’Imparfait et le présent de l’indicatif pour (p.129) décrire) Alexandre Dumas, Mémoires // //

(p.130)

Camara Laye, L’Enfant Noir // Vocabulaire (Les mots de la même famille)

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Chapitre 4 L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

(p.131) Conjugaison (Les temps du Mohammed Dib, La Grande // récit : l’Imparfait et le passé Maison (p.148) simple) Vocabulaire (La description Mohammed Dib, La Grande // d’un lieu : la localisation) Maison (p.154)

Albert Camus, Noces à

Tipaza (p.173)

Orthographe (Les Paul Fort, La ronde autour 4ème AM homophones grammaticaux : du monde (p.102) Tout/tous : adjectifs indéfini ou adverbe ?

Conte du Japon, La bonne // Grammaire : Le discours direct et le discours indirect action (p.125)

Albert Camus, L’Etranger // //

(p.127)

Rabia Ziani, (sans titre) // Conjugaison (L’accord du (p.181) participe passé)

Interprétation des données du tableau Compte tenu du tableau ci-dessus, nous avons remarqué que l’exploitation du texte littéraire se restreint toutefois dans les limites de l’observation des usages des temps verbaux. Le sujet est donné dès la consigne, et rien n’invite l’enseignant à valider la compréhension globale du document par les apprenants. En effet, à travers ce mode de présentation du support littéraire, on a rendu invisible la littérarité du texte ainsi que sa dimension anthropologique et interculturelle. D’ailleurs, la consigne de l’exercice précise l’origine du texte littéraire en question, mais elle n’est pas exploitée, et il n’est pas demandé aux apprenants de comprendre le sujet de l’extrait. Cela dit, tant du point de vue de cette présentation que de celui de l’exploitation, le texte littéraire utilisé dans ces exemples présentés dans le tableau devient donc un support pédagogique dont l’intérêt principal est de comporter des verbes conjugués à

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Chapitre 4 L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

un temps particulier. En outre, les stratégies de lecture que l’apprenant peut convoquer d’ordinaire lorsqu’il est face à un texte littéraire ne sont pas sollicitées. Ainsi, choisir de dévaloriser l’usage d’un texte littéraire dans un manuel comme ici dans des séquences où seule la conjugaison importe, le texte littéraire est reçu sans faire appel aux stéréotypes qui peuvent l’accompagner d’ordinaire. Les a priori sont évacués, il est lu pour répondre à un objectif précis (vocabulaire, grammaire, conjugaison, orthographe), l’apprentissage d’un point de langue, et ne fait pas l’objet des tâches qui lui sont habituellement associées. Le document littéraire s’insère dans une séquence portant sur un objectif linguistique du type « lexique », « prononciation » ou « langue », ce qui le place dans une position d’exemple et de support pédagogique. Le thème est un point grammatical, un champ lexical ou la prononciation d’un phonème, et figure en tête du texte, plaçant celui-ci dans une position secondaire. Ce n’est plus le texte littéraire qu’il faut lire mais le point technique qu’il faut déceler dans le texte. Le caractère langagier de celui-ci est alors mis à contribution, ce qui est logique quand on considère qu’il est indissociable de ce qu’il faut entendre par « littérature » dans de nombreuses cultures. Quoi qu’il en soit, la présentation banalisée d’un document littéraire pour aborder un point technique de grammaire, de conjugaison ou de lexique apparaît ainsi délicat et sans doute moins profitable.

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Chapitre 4 L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen

Conclusion L’observation de l’ensemble des textes littéraires, présents dans les quatre manuels de français du cycle moyen, a montré que le corpus de textes littéraires proposé aux collégiens est pluriel. De tailles et de genres variés, abordant des thèmes divers et l’ensemble des textes invitent à réaliser des activités multiples. Par ailleurs, le relevé précis des auteurs cités montre d’abord une représentation de la littérature qui met en valeur les écrivains français et francophones, et plus particulièrement ceux du XXe siècle (35%), suivi de celle du XXIe (21%). Il est noté, ensuite, que la littérature française domine par une présence estimée à 69 %, alors que la littérature francophone est timidement représentée (17%), mais sa présence laisse à penser qu’elle sera désormais incontournable. Concernant, la répartition de l’appartenance générique des textes exploités manifeste une nette orientation vers les textes narratifs : contes et romans et autobiographie. En effet, dans les quatre manuels du moyen, le genre littéraire « le conte » arrive en première position avec 33 occurrences, soit 25.19 % de l’ensemble des textes littéraires recensés. La deuxième position est attribuée au genre romanesque. Il est représenté par 25 occurrences, soit 19.08 % de la totalité des textes littéraires présents dans les manuels du cycle moyen. Le récit autobiographique, quant à lui, se contente de la 3ème position avec 24 occurrences, soit 18.32 % des textes inventoriés. La fable jouit de la 4 ème avec 20 occurrences, soit 15.26 % de l’ensemble des textes recensés. Quant aux textes sont insérés dans les différentes rubriques du manuel, nous avons identifié en fonction de ce qu’elles décrivent. Pour la séance de « compréhension de l’écrit », on a relevé 16 textes, et 34 textes sont proposés pour la séance de « lecture plaisir ». Au terme de cette étape, la littérature semble constituer un champ d’exploitation pédagogique potentiellement riche et susceptible de donner lieu à des activités originales et intéressantes pour les apprenants. On se sert des textes littéraires en classe de FLE pour étudier la grammaire, pour en écrire un résumé, pour caractériser les personnages et la vie de l’auteur, pour montrer son appartenance à un mouvement ou à un genre littéraire. Mais, aujourd’hui, l’essentiel du texte littéraire n’est pas là, où, au moins, n’est plus seulement là. On est davantage attentif à essayer de concilier interculturalité et texte littéraire, vu que celui-ci contient l’expression d’une langue, d’une mentalité, d’une culture, d’une civilisation et aussi d’une esthétique. Interculturalité et littérature permettent, ainsi, d’enrichir, de s’enrichir, de donner des nouvelles allures à l’enseignement du FLE.

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PARTIE I : Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel

Conclusion de la première partie

Dans cette première partie, nous avons développé les différents points qui peuvent jouer un rôle dans la lecture et l’analyse littéraire en classe de français au moyen Algérien. Nous avons donc commencé, dans le premier chapitre, par la situation linguistique en Algérie qui, de par les innombrables compagnes d’arabisation accomplies, a changé la donne linguistique en imposant l’arabe académique comme langue officielle de l’Etat. Cela n’a a pas rendu cette langue plus présente dans l’usage quotidien des algériens qui lui préfèrent de loin l’arabe dialectal, le tamazight et même le français. Ainsi, la société algérienne continue à être confrontée à la langue française à travers les journaux et les médias, les affichages publics, les emballages des produits manufacturés, les livres…, etc. ce qui permet aux algériens d’être toujours en contact avec cette langue. Néanmoins, la langue française n’est pas comprise et utilisée par tout le monde, car souvent son utilisation aussi minime soit-elle se limite au cadre scolaire. Tout cela nous a permis d’avoir une idée globale sur le bain linguistique dans lequel vit le collégien Algérien et de constater les possibilités offertes au collégien algérien de pratiquer la langue étrangère comme le français. Dans le second chapitre, nous nous sommes intéréssé à la place et la fonction du texte littéraire à travers les divers courants méthodologiques, en mettant en évidence les différentes étapes qui caractérisent son enseignement / apprentissage. Nous avons retrouvé les trois temps mis en évidence par des travaux comme ceux d’I. Gruca ou de M. Naturel : le texte littéraire a connu en effet une période de sacralisation, puis a traversé un «isolement», et enfin connaît depuis une quinzaine d’années une véritable réhabilitation, dont nous avons essayé de mettre en évidence quelques-unes des caractéristiques. Nous nous sommes particulièrement intéressé aux relations tissées entre enseignement du texte littéraire et objectifs culturels et interculturels. En effet, le texte littéraire a pendant longtemps été considéré comme le moyen privilégié de se cultiver, l’emblème d’une culture humaniste et universelle. Mais l’étude du patrimoine littéraire français et francophone est aussi envisagée comme l’occasion de découvrir une civilisation, de se familiariser avec les manières d’être, de penser, les valeurs et les interrogations propres au peuple français et francophone. En considérant ainsi le texte comme un document de civilisation, certaines méthodologies en viennent même à mettre au second plan sa dimension proprement littéraire, à le considérer comme un document authentique « comme un autre ». D’ailleurs, un ensemble de travaux

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PARTIE I : Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel associent le texte littéraire à des objectifs interculturels, ce à quoi nous consacrons le chapitre suivant .

Dans le troisième chapitre, nous avons exposé les conceptions de culture /civilisation et d’ interculturalité dans le cadre de la lecture littéraire en classe de FLE au moyen algérien.

Nous avons essayé, tout au long de ce chapitre, d’établir un répertoire théorique afin de nous préparer à la conception d’une grille d’analyse des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen algérien. Puis, nous avons examiné les liens existants entre littérature, culture et interculturel. Le texte littéraire peut être perçu comme le lieu où se dit et se lit une culture où se disent, où se lisent des cultures. Ensuite, nous avons évoqué la particularité de la lecture littéraire au moyen algérien, ainsi que les diverses difficultés rencontrées par les apprenants-lecteurs lors de la lecture des textes littéraires en classe de FLE.

En définissant la classe de langue comme étant un lieu privilégié de contacts entre les cultures, mais aussi, potentiellement, de formation à une compétence interculturelle. Nous avons mis en évidence les spécificités interculturelles susceptibles de se mettre en place au sein de la lecture littéraire en classe de langue. Néanmoins, ces enjeux interculturels sont aussi à comprendre à travers la spécificité de la relation qui se noue entre un texte et ses lecteurs.

Dans le dernier chapitre, nous avons procédé à l’observation de l’ensemble des textes littéraires présents dans les quatre manuels de français du cycle moyen. Comme premier constat, il s’avère que le corpus de textes littéraires proposé aux collégiens est pluriel. De tailles et de genres variés, abordant des thèmes divers et l’ensemble des textes invitent à réaliser des activités multiples.

Par ailleurs, le relevé précis des auteurs cités montre d’abord une représentation de la littérature qui met en valeur les écrivains français et francophones, et plus particulièrement ceux du XXe siècle (35%), suivi de celle du XXIe (21%). Il est noté, ensuite, que la littérature française domine par une présence estimée à 69 %, alors que la littérature francophone est timidement représentée (17%), mais sa présence laisse à penser qu’elle sera désormais incontournable. Concernant, la répartition de l’appartenance générique des textes exploités manifeste une nette orientation vers les textes narratifs : contes et romans et autobiographie. En effet, dans les quatre manuels du moyen, le genre littéraire « le conte » arrive en première position avec 33 occurrences, soit 25.19 % de l’ensemble des textes littéraires recensés. La deuxième position

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PARTIE I : Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel est attribuée au genre romanesque. Il est représenté par 25 occurrences, soit 19.08 % de la totalité des textes littéraires présents dans les manuels du cycle moyen. Le récit autobiographique, quant à lui, se contente de la 3ème position avec 24 occurrences, soit 18.32 % des textes inventoriés. La fable jouit de la 4ème avec 20 occurrences, soit 15.26 % de l’ensemble des textes recensés.

Quant aux textes sont insérés dans les différentes rubriques du manuel, nous avons identifié en fonction de ce qu’elles décrivent. Pour la séance de « compréhension de l’écrit », on a relevé 16 textes, et 34 textes sont proposés pour la séance de « lecture plaisir ».

Au terme de cette étape, la littérature semble constituer un champ d’exploitation pédagogique potentiellement riche et susceptible de donner lieu à des activités originales et intéressantes pour les apprenants. On se sert des textes littéraires en classe de FLE pour étudier la grammaire, pour en écrire un résumé, pour caractériser les personnages et la vie de l’auteur, pour montrer son appartenance à un mouvement ou à un genre littéraire. Mais, aujourd’hui, l’essentiel du texte littéraire n’est pas là, où, au moins, n’est plus seulement là. On est davantage attentif à essayer de concilier interculturalité et texte littéraire, vu que celui-ci contient l’expression d’une langue, d’une mentalité, d’une culture, d’une civilisation et aussi d’une esthétique. Interculturalité et littérature permettent, ainsi, d’enrichir, de s’enrichir, de donner des nouvelles allures à l’enseignement du FLE.

Cette partie, de ce fait, nous a permis de relever un défaut inhérent à la lecture littéraire telle que proposée par les concepteurs des manuels du moyen, ils sont ainsi tellement tenus par les objectifs à atteindre, par les compétences à développer qu’ils en oublient, à la fois, l’apprenant- lecteur et l’objet de lecture c’est-à-dire le texte littéraire. Le but de la seconde partie sera de se pencher sur les différents genres auxquels appartiennent nos corpus : l’extrait autobiographique, l’extrait d’un conte, l’extrait d’une fable et l’extrait romanesque.

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PARTIE II

Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Introduction de la seconde partie

Nous nous sommes intéressé dans cette partie à l’exploitation/utilisation des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen, dans le cadre d’une organisation par genre (l’autobiographie, le conte, la fable et le romanesque). Nous commencerons donc par les définir afin de comprendre leur fonctionnement et ce qui fait leur intérêt pour l’apprenant-lecteur. Nous aborderons, ensuite, l’utilisation qui en est faite dans les manuels. Ce faisant, les extraits littéraires feront l’objet d’analyse/exploitation afin de décrypter la dimension culturelle et interculturelle ainsi que de vérifier les limites et les insuffisances de la lecture littéraire appliquée dans les classes du moyen . Nous tenterons donc, après une organisation des extraits littéraires présents dans les quatre manuels par genres (l’autobiographique, le conte, la fable et le romanesque), d’exploiter ces textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen.

Cette partie se subdivise en quatre chapitres :

Le cinquième chapitre aborde une réflexion sur les caractéristiques qui font de la littérature – particulièrement l’autobiographie- une source très riche pour enseigner le FLE dans une perspective interculturelle. Ensuite, à partir de l’analyse de plusieurs textes autobiographiques pris des quatre manuels de français du cycle moyen, nous proposerons une méthodologie didactique pour enseigner le FLE à partir de textes autobiographiques, dans une perspective interculturelle et anthropologique.

Le sixième chapitre traite les aspects pratiques de l’utilisation du genre textuel « le conte » en classe de français dans une perspective interculturelle. Notre but est centré sur l’objectif majeur de décrire l’itinéraire pédagogique du conte au moyen, selon une perspective interculturelle.

Dans le septième chapitre, nous allons voir différents aspects concernant l’utilisation de la fable comme moyen pour améliorer le niveau de lecture et motiver les collégiens sur le plan de l’ouverture sur l’autre et à accepter la différence des cultures.

Le huitième chapitre est consacré à l’exploitation des extraits romanesques présents dans manuels du moyen, dans une perspective interculturelle. Nous étudierons ainsi l’utilisation qui en est faite dans les manuels au moyen algérien.

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Dans le neuvième chapitre, nous exposerons une mise en pratique des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de lecture/exploitation du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle. Ces propositions didactiques se situent au niveau de l’alliance de lecture littéraire- interculturalité en classe.

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Chapitre 5 L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Introduction Dans ce chapitre, nous analyserons d’un point de vue didactique quelques extraits autobiographiques de notre corpus concernant certains aspects (inter)culturels, et nous donnerons ensuite quelques exemples possibles pour exploiter ces textes en classe de langue dans une perspective interculturelle. Nous allons nous intéresser dans ce chapitre au texte autobiographique et son utilisation dans le manuel de français au moyen algérien.

En effet, dans la littérature autobiographique, plus concrètement, ces univers sont encore plus récurrents, car les narrateurs racontent leurs souvenirs d’enfance et évoquent de manière détaillée leur vie quotidienne, les repas familiaux, les relations avec leurs parents, leurs amis, leur vie étudiante, leurs voyages, les loisirs qu’ils avaient quand ils étaient jeunes, etc. Nous commencerons donc par le définir afin de comprendre son fonctionnement et ce qui fait justifie son intérêt pour les apprenants-lecteurs. Nous aborderons ensuite l’utilisation qui en est faite dans les manuels. Nous traiterons, à la suite de cela, des extraits empruntés au genre textuel « l’autobiographie », que nous avons sélectionnés des textes proposés dans les quatre manuels, et voir comment l’enseignant les ont abordés. Puis nous analyserons, selon une grille d’analyse inspirée de la démarche interculturelle proposée par L. Porcher, ces mêmes extraits autobiographiques. Nous conclurons par différentes propositions d’exploitations d’extraits autobiographiques ainsi que la présentation des résultats obtenus, dans le but de motiver les apprenants-lecteurs et de les intéresser à la lecture littéraire en classe de FLE dans une perspective interculturelle.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

1. Le genre textuel « l’autobiographie » et l’enseignement du FLE au moyen Notre étude s’inscrit, bien entendu, dans le cadre de la réflexion sur la didactique de la littérature, en particulier sur le thème de l’enseignement/apprentissage du FLE à partir de textes autobiographiques tirés des quatre manuels du moyen algérien. Par textes autobiographiques nous nous référons à toute écriture relevant de l’intime ; plus précisément à la définition que George Gusdorf propose pour ces écritures qu’il appelle « écritures du moi : Un usage privé de l’écriture, regroupant tous les cas où le sujet humain se prend lui-même pour objet d’un texte qu’il écrit 1 ». C'est-à-dire, nous concevons comme écriture autobiographique, la littérature dont l’intention de l’écrivain est de partager l’introspection de sa vie avec les lecteurs et d’exprimer de l’intimité. Alors, bien que certains des débats que la définition de ce genre a entraînés seront abordés dans ce travail, pour nous, la littérature autobiographique comprend tous les genres évoquant le « je » indifféremment de la forme sous laquelle ce « je » est transmis ou de la fiction dont l’auteur déguise le texte. Notons que la didactique de la littérature en FLE est depuis longtemps l’objet de nombreuses interrogations, parmi lesquelles nous pouvons citer, par exemple, les apports de Sophie Moirand, Jean Peytard, Marie Claude Albert et Marc Souchon, Amor Séoud, M. Abdallah- Prétceille, Louis Porcher, Isabelle Gruca, etc. Ces chercheurs ont proposé différentes approches pour aborder des extraits littéraires en cours ; principalement, ils suggèrent de diviser l’exploitation de ces textes en plusieurs étapes, partant d’une première sensibilisation au fragment, pour arriver enfin à sa lecture et compréhension. À la suite de ces travaux, l’intérêt pédagogique de l’exploitation du texte littéraire en FLE s’est éveillé et les manuels édités depuis quelques années l’utilisent fréquemment comme un autre type de document authentique appartenant à la culture étrangère. Néanmoins, le principal but de l’insertion d’extraits littéraires dans les manuels est généralement la pratique des compétences orales et écrites ; par conséquent, la richesse du fragment littéraire n’est pas vraiment prise en compte car son étude est omise. Alors, soit par manque de temps pour se former davantage dans ce domaine, soit par les exigences des objectifs du programme scolaire, les enseignants se limitent à exploiter les textes littéraires du manuel tel qu’il y est suggéré. Par ailleurs, il semble que l’usage des textes littéraires en classe ne soit pas simple. Des enquêtes en cours montrent que les enseignants ont tendance à ne pas utiliser ces documents pour privilégier d’autres outils comme les textes de presse dans et hors du manuel. Les raisons en sont multiples : nous pouvons citer, par exemple, l’ a priori supposé des

1 Georges Gusdorf, Lignes de vie, 1. Les Écritures du moi , Éditions Odile Jacob, p.122.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle apprenants à l’égard de ces textes qui sont jugés difficiles d’accès, et trop éloignés d’une pratique effective de la langue. Peu de didacticiens font donc vraiment usage des avancées des linguistes dans le domaine de la didactique de la littérature alors qu’une exploitation efficace de ces textes pourrait même susciter davantage l’intérêt des apprenants et corriger ainsi la situation de déclin que le français vit actuellement en Algérie. En nous référant au classement des genres textuels élaboré par Dolz et Schneuwly (1996), l’on s’aperçoit que les genres sont répartis en cinq groupes. En effet, deux des cinq groupes nous intéressent. Ainsi, dans le tableau suivant (pp. 64-66), les genres sont repartis en cinq groupes. Pour chaque groupe, les trois critères de regroupement sont explicités.

Domaines sociaux de communication ASPECTS TYPOLOGIQUES Exemples de genres oraux et écrits Capacités langagières dominantes conte merveilleux fable légende récit d'aventures Culture littéraire fictionnelle récit de science-fiction récit d'énigme NARRER récit mythique sketch ou histoire drôle Mimésis de l'action à travers la mise en biographie romancée roman Intrigue roman historique nouvelle fantastique dans le domaine du vraisemblable conte parodié devinette comptine … récit de vie récit de voyage Documentation et mémorisation d'actions journal intime témoignage humaines anecdote autobiographie RELATER curriculum vitae … Représentation par le discours fait divers d'expériences reportage chronique mondaine vécues, situées dans le temps chronique sportive … historique récit historique

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

esquisse biographique biographie … texte d'opinion dialogue argumentatif lettre de lecteur Discussions de problèmes sociaux lettre de réclamation controversés lettre de sollicitation

délibération informelle ARGUMENTER débat régulé

éditorial Etayage, réfutation et négociation de plaidoirie prises de réquisitoire Position essai … texte expositif Transmission et construction de savoirs conférence article encyclopédique EXPOSER interview d'expert texte explicatif Présentation textuelle de différentes prise de notes formes de résumé de textes expositifs et explicatifs rapport de science Savoirs compte rendu d'expérience … notice de montage recette règlement Instructions et prescriptions règles du jeu

mode d'emploi DECRIRE DES ACTIONS consignes diverses

textes prédictifs Réglage mutuel des comportements …

Tableau 10 : Classement des genres textuels élaboré par Dolz et Schneuwly (1996)

Les différentes études effectuées ont permis d’avancer l’hypothèse que les textes littéraires (roman, conte, fable, légende,…etc.) et surtout les textes autobiographiques pourraient remplir les vides des manuels. Pourquoi le genre autobiographique ? Nous nous sommes interrogés longtemps sur les types de textes littéraires à utiliser en cours de FLE ; au cours de notre expérience dans l’enseignement du français au moyen, on a constaté que les extraits rappelant des souvenirs éveillent l’intérêt des apprenants en donnant plus

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle facilement leur avis sur le texte et participent pour partager leurs expériences associées à l’extrait. De même, ils ont envie de découvrir davantage sur la personne qui se cache derrière ces lignes. Partant de ces faits, les écritures de l’intime présentent un intérêt particulier pour être exploitées en cours de FLE. L’objectif de ce chapitre sera de présenter les principaux aspects qui font de la littérature autobiographique un outil indispensable pour transmettre la langue, la culture et l’interculturalité en classe de FLE. Grâce aux pratiques de classe proposées dans les manuels de français, l’on s’aperçoit que dans la plupart des cas, la lecture des extraits, où le narrateur partage ses souvenirs et émotions, provoque la dimension sensible des apprenants-lecteurs. Leur vécu est alors sollicité et suscite l’envie de participer, d’interagir et de s’exprimer. Un deuxième aspect, à mettre en relief à propos de la littérature de l’intime, est le renvoi que ce genre fait au contexte direct de l’auteur. Par exemple, bien que quelquefois les auteurs déguisent la vérité sous certaines références ne correspondant pas exactement à la réalité, le contexte historique, politique et social de l’époque qui encadre leurs personnages se respire toujours. Ainsi, en lisant des textes autobiographiques, les lecteurs plongent dans la société d’une période donnée ; alors, lecture et apprentissage ont lieu parallèlement : « Bien sûr le lecteur n’a en face de lui qu’un texte, mais le texte renvoie vers le monde, et dans le cas de l’autobiographie, vers le monde tel qu’il a été vécu par le sujet 2. » Généralement, les auteurs des textes autobiographiques décrivent des contextes réels, faisant allusion à des moments historiques, artistiques, à des modes, tendances et inquiétudes d’une époque qui a vraiment existé et qui a été vécue par l’auteur même. À travers la lecture de ce genre d’écriture, nous accédons encore plus directement au contexte culturel de cette période. Il s’agit alors d’un outil qui transmet plus facilement la compétence culturelle, si bien que, lors de la lecture d’extraits autobiographiques, les élèves se sentent motivés, car ils savent que l’univers que le narrateur décrit est réel ou quasi réel. Les lieux, certains personnages, bref, les références citées dans le texte correspondent à un vrai monde que l’on peut découvrir par soi- même au-delà des lignes. Par ailleurs, dans la littérature de l’intime l’attention du lecteur est captée par l’écrivain pour lui confier ses peurs, son vécu et les visions qu’il a de son entourage. Dans ces textes, la situation d’énonciation est donc plus claire. Il y a un tu sans qui cette écriture n’existerait pas. Ce tu est le lecteur – apprenant : « L’autobiographie comme forme de l’écriture

2 Serge Doubrovsky, « Introduction à la lecture » in Alfred Hornung et Erns Peter Ruhe (éds) Autobiographie et Avant Garde , Tübingen, Narr, 1992, p.133.

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de soi (à soi) est aussi un acte de communication à travers lequel l’écrivain s’explique et confie au public lecteur ses expériences ayant le souci de (toujours) dire la vérité. Communiquer, c’est prendre dès le commencement en considération non seulement le sérieux de l’acte mais aussi l’horizon d’attente du lecteur 3. » Il s’agit d’un type de texte où la communication entre le récepteur et le destinataire est plus directe ; nous considérons que cela faciliterait l’adaptation de ces extraits aux nouvelles pédagogies, car ils répondent surtout à des objectifs communicatifs. Alors, les écritures du je contribuent à travailler la compétence (inter)culturelle et pourraient donc être insérées en cours, peut-être plus facilement que d’autres types de textes littéraires. Dans certains passages autobiographiques, l’auteur s’adresse directement au lecteur : il lui pose des questions, il lui demande d’être attentif à la vie, aux leçons que chaque jour nous offre. L’écrivain essaie de transmettre acquise à travers son vécu afin d’aider son témoin à vivre mieux, à savourer les instants de l’existence. Grâce à cela, les apprenants auront l’occasion de réfléchir, de partager leur vision de la vie. En définitive, ils apprendront à donner leur avis ou à exprimer une opinion en français, mais surtout, ils seraient en train de mûrir. De ce qui précède, nous estimons que le retour des textes littéraires en cours de FLE remplirait alors les carences des manuels car ces textes offrent la possibilité d’exploiter la langue écrite ainsi que les compétences interculturelles. Définition du genre autobiographique À partir des Confessions de Jean Jacques Rousseau 4 (1782), le récit à la première personne du singulier apparaît et se généralise, donnant lieu à plusieurs formes narratives. Ce sont les raisons pour lesquelles les théoriciens considèrent cet ouvrage comme l’inauguration du genre autobiographique. Disons, en revanche, que tous les types d’écriture de l’intime ne sont pas attribués à cette forme littéraire. Pour commencer, il est important de rappeler que l’une des définitions, essentielle à nos yeux, dans l’organisation de cette littérature est celle de Jacques et Éliane Lecarme 5 : ils proposent que l’autobiographie représente un genre central autour duquel tournent les autres écritures du je telles que le curriculum vitae, les mémoires, le journal intime, les chroniques, les notes et les carnets intimes. Selon eux, l’autobiographie est située au centre de différents écrits du je. Cette délimitation restera, à partir de ce moment, le centre des préoccupations des théoriciens de la

3 Magdalena Mancas, « Le retour à soi dans la Nouvelle Autobiographie : sur le rapport entre (auto) hospitalité et mensonge », in Alain Montandon. De soi à soi. L’écriture comme autohospitalité , PUBP, 2004, p.109. 4 Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Paris, Classiques Garnier, 2011. 5 Jacques Lecarme, Éliane Lecarme-Tabone, L’autobiographie , Paris, Armand Colin, 1997.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle littérature de l’intime ; les auteurs seront nombreux, qui, désormais, essayeront de trouver une définition exacte pour l’autobiographie en vue de la différencier du reste des écritures du moi. Pour sa part, Georges Gusdorf 6 est le premier à proposer une définition pour ces écritures, qu’il appelle écritures du moi dans son ouvrage Lignes de vie : « Un usage privé de l’écriture, regroupant tous les cas où le sujet humain se prend lui-même pour objet d’un texte qu’il écrit 7. » La définition de Gusdorf est philosophique, il ne donne pas d’importance à la forme de l’écriture du moi, car, d’après lui, toutes ces écritures relèvent du même concept : l’usage privé du je ; la pertinence ne vient pas, alors, du style sous lequel se manifeste un je , mais du je même. Il trouvait agaçante la question : qu’est-ce que l’autobiographie ? Il est certain que le plus important de la littérature de l’intime n’est pas la forme sous laquelle le monde intérieur est exprimé, mais l’intimité même ainsi que l’intention de partager l’introspection avec les lecteurs. Cependant, cette égo-graphie pourrait comprendre toute la littérature puisque la définition de privé n’y est pas très claire. C’est pour cela que prenant le contre-pied de cette méthode philosophique, certains critiques vont chercher à poser les critères définitoires des écrits autobiographiques, mais cette fois-ci dans une perspective strictement littéraire, structurale. Dans les années 1970 on assiste à la proposition de deux nouvelles définitions : la première vient de Jean Starobinski, qui pose les conditions générales de l’autobiographie en se référant à ce genre comme la biographie d’une personne faite par elle-même. Pour qu’une écriture du moi soit considérée comme une autobiographie il est nécessaire qu’il y ait d’abord identité entre le narrateur et le héros du récit ; ensuite, prédominance de la narration sur la description, et, finalement, mise en évidence d’un sens de la vie. C’est à partir de l’explication de Starobinski que Philipe Lejeune fournit celle qui restera l’explication de référence de l’autobiographie en tant que genre formel: « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité 8. » Lejeune lui-même modifiera postérieurement quelques aspects de cette première définition pour ajouter à la prose de la définition de départ, le vers et l’écriture perecquienne –appelé écriture discontinue– comme d’autres types d’écriture autobiographique, 9 et en précisant quelques traits vraiment discriminants pour isoler l’autobiographie parmi les autres formes de littérature à la première personne

6 Georges Gusdorf, Les Écritures du moi, Lignes de vie, tome I , Paris, Éditions Odile Jacob, 1991. 7 Ibid., p.122. 8 Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique , Paris, Seuil, 1975, p.14. 9 Philippe Lejeune, Moi aussi , Paris, Seuil, 1986, p.25. 162

Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle a) Il faut que le récit soit en prose 10 . b) Il est indispensable que la personne qui produit ce récit soit réelle, c'est-à-dire, qu’elle existe vraiment ; il faut que les informations qu’elle nous donne soient sincères, authentiques, et non inventées. Bref, il faut qu’il existe une identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage du texte : « l’autobiographie (récit racontant la vie de l’auteur) suppose qu’il y ait identité de nom entre l’auteur (tel qu’il figure, par son nom, sur la couverture), le narrateur du récit et le personnage dont on parle 11 . » Le fait que l’autobiographie soit normalement écrite à la première personne du singulier ne signifie pas que le je suffise pour déterminer le genre. Par exemple, même quand une autobiographie est écrite en troisième personne du singulier, un je peux en réalité être caché sous ce il ou elle . De même une première personne en apparence authentique est également capable de cacher une autre différente du je . Selon Lejeune, la seule façon de confirmer l’identité du narrateur/auteur/personnage est le nom propre : « C’est dans le nom propre que personne et discours s’articulent avant même de s’articuler dans la première personne 12 . » Autrement dit, l’unique moyen de confirmer l’authenticité de la personne qui écrit est son nom propre, et en cas d’absence, les informations personnelles fournies dans le péritexte 13 . c) Le thème du récit doit tourner autour de l’individu ainsi que sur l’évolution de sa personne : l’auteur nous rendra témoins de son passé, de la quête de son identité, il partagera avec nous les bonheurs et malheurs vécus et surtout les conclusions qu’il a tirées de ses expériences. Une autobiographie diffère du reste des écritures du moi parce que l’objet du récit est ce travail d’introspection, de réflexion par rapport à la vie intérieure. L’auteur s’engage à être sincère avec son lecteur, en signant un pacte de vérité avec lui, le pacte autobiographique . Malgré les délimitations imposées par les définitions précédentes, les frontières entre les différents genres de l’intime sont toujours dépassées : ainsi, l’écriture, surtout celle qui relève du je, du moi et de l’intime, se libère. Par conséquent, suite à la sincérité que Lejeune attribue à l’autobiographie opposant ce genre aux autres formes d’écriture personnelles, des débats autour des limites existant entre la fiction et la réalité surgissent: jusqu’à quel point dit-on la vérité dans l’autobiographie et le mensonge dans le roman ?

10 Lejeune croit nécessaire l’introduction de quelques changements dans la définition du genre. Il y ajoute alors le vers comme forme possible de l’autobiographie : Voir Philippe Lejeune, Moi aussi , Paris, Seuil, 1986, p.25. 11 Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique , Paris, Seuil, 1975, p.23-p.24. 12 Ibid., p.22 13 Gérard Genette, Seuils , Paris, Seuil, 1987.

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Tout d’abord, il est intéressant de considérer le renouvellement qui a lieu dans la littérature et, en particulier, dans le roman vers 1975 : l’écriture se rebelle, en se manifestant sous différentes formes qui fusionnent les unes avec les autres. Notamment, l’écriture devient plus fragmentaire, non linéaire, les personnages disparaissent et l’inconscient est mis au premier plan. Les auteurs testent tous les types d’écritures possibles : nouveau roman, poésie nouvelle, théâtre nouveau… les normes se dissipent progressivement alors que les innovations envahissent la littérature en s’emparant également de l’autobiographie. De ce fait, différentes autobiographies modernes surgissent désormais : citons entre autres, par exemple, des ouvrages comme Roland Barthes par Roland Barthes 14 , Fils 15 de Serge Doubrovsky, Le miroir qui revient 16 d’Alain Robbe- Grillet ou L’Amant 17 de Marguerite Duras. Dans l’ensemble, des ouvrages où la fiction et la réalité se mélangent et l’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage n’est pas toujours évidente. Étant donné que la vérité de ces récits n’est plus garantie, la définition de l’autobiographie proposée par Philippe Lejeune se voit menacée : les limites entre l’autobiographie et le roman autobiographique ne sont plus claires. Où finit le roman et où commence l’autobiographie, et vice-versa? Y a-t-il toujours de la vérité dans l’autobiographie et de la fiction dans le roman ? Le je de l’autobiographie est censé être sincère, alors que celui du roman est perçu comme un menteur. En revanche, d’après la définition de Lejeune, il existe des autobiographies fictives ainsi que des romans où, malgré l’utilisation de noms fictifs, le contexte montré dans la narration est réel et relève, donc, du vrai. 2. Présentation des extraits autobiographiques insérés dans les manuels du moyen Quels auteurs pourraient motiver nos apprenants ? Puisque l’on travaille sur le genre autobiographique, saisir différentes écritures du moi pourrait être une caractéristique importante au moment de choisir le reste des œuvres. Nous nous sommes donc concentré sur les aspects autobiographiques ; l’idéal sera de choisir un corpus composé d’écritures autobiographiques variées afin que de, cette façon, les vies des auteurs, leurs périodes, leurs souvenirs, transmettent dans leur tout, un même et unique siècle, vécu et exprimé sous différentes formes d’écritures.

14 Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes , Paris, Seuil, 2015. 15 Serge Doubrovsky, Fils , Paris, galilée, 1977. 16 Alain Robbe-Grillet, Le miroir qui revient , Paris, Éditions de minuit, 1984. 17 Marguerite Duras, L’Amant , Éditions de Minuit, Paris, 1984.

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Pour commencer, il faut signaler que le choix de l’ensemble des extraits résultat d’un travail de sélection dans les quatre manuels du moyen ; étant donné que nos principaux critères pour choisir les titres au départ étaient uniquement le genre littéraire et l’époque de publication l’ouvrage, il n’a pas été simple de délimiter le corpus, car nous nous sommes d’abord laissé guider par notre goût personnel et cela a abouti à un ensemble de titres très vaste : Le Fils du pauvre 18 de Mouloud Feraoun , Âge d’homme 19 de Michel Leiris, Mémoires d’une jeune fille rangée 20 de Simone de Beauvoir, Poil de carotte 21 de Jules Renard, Le Soleil sous le tamis 22 de Rabah Belamri, Les Confidences 23 d’Alphonse De Lamartine, Le Gone du Chaâba 24 de Azouz Begag, L’Enfant Noir 25 de Camara Laye , Mémoires 26 de Alexandre Dumas, Mémoires, (1851),/ Mathilda 27 de Roahld Dahl, Mondo et autres histoires 28 de J.M.G. Le Clézio, La gloire de mon père 29 de Marcel Pagnol, Histoire de ma vie 30 de Fadhma Ait Mansour Amrouche, Enfance 31 de Léon Tolstoï, Du côté de chez Swann 32 de Marcel Proust, Mon bel oranger 33 de José Mauro de Vasoncelos. Comme on peut l’observer, parmi les extraits sélectionnés, il y a des titres qui réunissent en général, à nos yeux, des caractéristiques similaires : d’abord, ces ouvrages présentent tous différentes écritures du je (roman, journal, poésie, mémoire, confidence,..). Ainsi, pour désigner les conventions propres à ces textes, on emploie le terme de « genre textuel ». Autrement dit, ces textes correspondant à un genre formel et respectent une structure connue des personnes qui l’utilisent. Les enseignants du moyen sont donc invités à travailler les genres avec leurs élèves. En effet, ce sont ces genres qui posent le plus de problèmes aux élèves étant donné qu'ils ne les pratiquent pas forcément au quotidien. Pour organiser l'apprentissage, les

18 Mouloud Feraoun, Le Fils du pauvre , Seuil, 1954. 19 Michel Leiris, Âge d’homme , Paris, Gallimard, 1939. 20 Simone de Beauvoir, Mémoires d’une fille rangée , Paris, Gallimard, 1958. 21 Jules Renard , Poil de carotte, Collection : Etonnants classiques, Flammarion, 2008. 22 Rabah Belamri, Le Soleil sous le tamis, Publisud, Paris (1982) . 23 Alphonse De Lamartine, Les Confidences , Paris, rue de la ville- L’Evêque, 43 M DCCC LXIII (1863). 24 Azouz Begag, Le Gone du Chaâba, Le Seuil, Paris, 1986. 25 Camara Laye, L’Enfant Noir, Plon, Paris, 1953. 26 Alexandre Dumas, Mémoires, Robert Laffont, Paris, 1989. 27 Roahld Dahl, Mathilda, Ed. Gallimard Jeunesse, Paris, 1997. 28 J.M.G. LECLEZIO, Mondo et autres histoires , Editions Gallimard, Paris, 1978. 29 Marcel Pagnol, La gloire de mon père, Editions de Fallois, 1957. 30 Fadhma Ait Mansour, Histoire de ma vie, Editions La Découverte & Syros, Paris, 2000. 31 Léon Tolstoï, Enfance, Gallimard, Paris, 1975. 32 Marcel Proust, À la Recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Paris, Le livre de poche Classique, 1992 [1913]. 33 José Mauro de VASONCELOS, Mon bel oranger, Le livre de poche, Paris, 2007.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle enseignants doivent connaître les points communs et les différences entre les genres et c'est pourquoi un classement des genres leur est utile. Comme nous l’avons vu d’un point de vue théorique, les genres de textes sont des éléments facilement reconnaissables. Généralement, nous parvenons à les nommer rapidement étant donné que nous les utilisons au quotidien. Toutefois, comme ils dépendent des situations de communication, ils sont en perpétuel changement. C’est la raison pour laquelle il est difficile de les classer de manière systématique et générale. Dans ce sens, Bronckart (1996) pense que « les frontières entre les genres ne peuvent pas toujours être clairement établies 34 .» Ainsi, les chercheurs ont proposé de multiples classements mais ils ne sont parvenus à établir un modèle de référence cohérent. Nous nous sommes inspirés du classement établi par Dolz et al. (2001) utilisé comme référence dans les séquences didactiques. Ce classement des genres doit permettre d’orienter le travail des enseignants et leur donner une base pour construire leur enseignement. Le classement proposé repose sur trois critères (Dolz & Schneuwly 35 , 1996). Les regroupements doivent : - Toucher aux domaines essentiels de la communication de notre société. - Être proches de différentes distinctions typologiques déjà élaborées. - Classer les genres de manière à ce que les capacités langagières mobilisées soient passablement semblables entre les genres d’un même regroupement. Notons que dans le classement établi par (Dolz & Schneuwly, 1996), nous avons retenu uniquement les regroupements auxquels appartiennent les textes de notre corpus. Il s’agit, en fait, de 17 titres sélectionnés des quatre manuels du moyen. En effet, le choix correspond, en grande partie, à notre goût personnel, mais ils ont un grand intérêt didactique, car grâce à leur diversité thématique on peut les intégrer facilement et de manière motivante en cours ; en revanche, comme notre objectif était d’exploiter plusieurs extraits parallèlement, le choix d’un ensemble de 17 titres était sans doute trop vaste. C’est pour cela qu’en vue de délimiter ce corpus, on a mené une analyse afin de cadrer les bases du regroupement des extraits. Ainsi, après longue réflexion, nous avons opté pour une sélection qui nous a donné l’occasion de mieux comprendre nos goûts, et nous a aidé à limiter nos choix en nous concentrant sur les ouvrages ayant une forme différente. Cependant, l’objectif consistait de transmettre une image très large des textes littéraires insérés dans les quatre manuels du moyen, en soulignant les fragments les plus représentatifs d’une époque afin de pouvoir comparer les contextes des

34 Bronckart , J.P., 1996, Activité langagière, textes et discours , Delachaux & Niestlé, p.76. 35 DOLZ J. & SCHNEUWLY , B. (1996) : « Genres et progression en expression écrite : éléments de réflexion à propos d’une expérience romande », Enjeux, 37/38, 49-75.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle différents auteurs, leurs idées et leurs façons différentes d’écrire en analysant les aspects qui les rapprochent et ceux qui les séparent. D’autant plus, les extraits sélectionnés sont représentatifs de diverses époques : le 17 ème siècle, le 19 ème siècle, le 20 ème siècle et même le début du 21 ème siècle. A présent, afin d’élucider notre vision, nous avons cru indispensable de poser les questions suivantes : dans quelle mesure, le texte autobiographique, peut-il être considéré comme un vecteur culturel ? Et si le roman autobiographique est un texte traitant d’une expérience personnelle, peut-il favoriser une expérience de partage et être un « genre inépuisable pour l’exercice artificiel de la rencontre de l’Autre 36 » ? Rappelons que le texte autobiographique est aussi très intéressant d’un point de vue didactique, car l’auteur y décrit des scènes de la vie quotidienne dans son village ou sa ville. Les apprenants pourront facilement trouver des références pour s’immerger dans l’époque. A juste titre, ces titres choisis ont un grand intérêt didactique, car grâce à leur diversité thématique on peut les intégrer facilement et de manière motivante en cours. Cela dit, les extraits qui composent notre corpus correspondent à des périodes différentes; les auteurs cherchent à exprimer leur « je » à travers les pages de ces titres, ainsi que la société et l’histoire qui les entoure. Par conséquent, il est facile de repérer de nombreuses références aux lieux, aux monuments, événements et objets de l’époque, aux marques de produits, etc. Cela est très intéressant d’un point de vue didactique, car il sera facile, donc, de sensibiliser les apprenants aux périodes évoquées dans les extraits à travailler en cours ; grâce aux différentes allusions dans les textes, les élèves pourront reconstruire l’époque où se déroulent les histoires. De plus, ces références nous permettront, en tant qu’enseignant, de nous servir d’autres documents et mettre ainsi en place, non seulement un enseignement de la langue étrangère, mais aussi de sa culture, au moyen d’une approche interculturelle. Bref, les renvois culturels de notre corpus constituent des éléments clés pour travailler autour d’extraits en cours ; ce sont des portes d’accès vers la réalité culturelle et la société évoquées par les textes. Voici quelques exemples de thèmes culturels cités dans notre corpus : Quête identitaire, Emigration, l’école, la famille, les animaux ‘élevage, le végétal, l’eau, le temps, Loisirs, Gastronomie, vêtement et comportements, valeurs, traditions et pratiques sociales, etc.

36 ABDALLAH-PRETCEILLE, M. et PORCHER, L. (1996). Éducation et communication interculturelle . Paris : Presses Universitaires de France, p.138.

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3. Exploitation des extraits autobiographiques dans une perspective interculturelle Nous avons recueilli 20 fragments autobiographiques dans les quatre manuels du moyen qui se répartissent comme suit : N° Textes autobiographiques Niveau D’après Simone De Beauvoir, Souvenirs d’enfance ; « Mémoires d’une 1ère AM 1 jeune fille rangée », p.11

2 D’après Michel Leiris, L’Age d’homme , (1939), éd. Gallimard, p.122 3ème AM (Extrait 1)

3 D’après Michel Leiris, L’Age d’homme , (1939), éd. Gallimard, p.100 3ème AM (Extrait 2)

4 Roahld Dahl, Mathilda, (1997), Ed. Gallimard Jeunesse, p.129. (Extrait 3ème AM 1)

5 Roahld Dahl, Mathilda, (1997), Ed. Gallimard Jeunesse, p.131. (Extrait 2) 3ème AM 6 D’après Mouloud Feraoun , Le Fils du Pauvre , (1954), p.107 (Extrait 1) 1ère AM 7 D’après Mouloud Feraoun , Le Fils du Pauvre , (1954), p.186 (Extrait 2) 3ème AM 8 D’après Mouloud Feraoun , Le Fils du Pauvre , (1954), p.09 (Extrait 3) 4ème AM 9 Fadhma Ait Mansour, Histoire de ma vie , (2000, p.105, (Extrait 1) 3ème AM 10 Fadhma Ait Mansour, Histoire de ma vie, (2000), p.106, (Extrait 2) 3ème AM 11 Rabah Belamri, Le Soleil sous le tamis (1984) , p.83 1ère AM 12 D’après Alexandre Dumas, Mémoires, (1851), p.130 3ème AM 13 Alphonse De Lamartine, Les Confidences (1849), p.49 1ère AM 14 Jules Renard , Poil de carotte, (2008), p.140 3ème AM 15 Marcel Proust, Du côté de chez Swann, (1913), p.111 3ème AM 16 Marcel Pagnol, La gloire de mon père, (1957), p.117 3ème AM 18 Léon Tolstoï, Enfance, (1975), p.102 3ème AM 19 Azouz Begag, Le Gone du Chaâba, Le Seuil, (1986), p.133 3ème AM 20 Camara Laye, L’Enfant Noir, Presses Pocker, (1953), p.131 3ème AM 21 José Mauro de VASONCELOS, Mon bel oranger, (2007), p.109 4ème AM Tableau 6 : Textes autobiographiques présents dans les manuels du moyen

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Les principaux aspects de la littérature autobiographique Dans les pratiques de classe, il est largement admis que les extraits rappelant des souvenirs éveillent l’intérêt des apprenants en donnant plus facilement leur avis sur le texte et participent pour partager leurs expériences associées à l’extrait. De même, les apprenants expriment l’envie de découvrir davantage sur la personne qui se cache derrière ces lignes. Partant de ces faits, les écritures de l’intime présentent un intérêt particulier pour être exploitées en cours de FLE. Il nous paraît utile d’identifier dans les différents extraits autobiographiques les principaux aspects qui font de la littérature autobiographique un outil indispensable pour transmettre la langue, la culture et l’interculturalité en classe de FLE. Grâce à l’analyse menée auprès des extraits répertoriés, nous avons pu s’apercevoir, un premier aspect qui fait que la dimension sensible des apprenants soit sollicitée à travers le partage des souvenirs et émotions du narrateur. Ce faisant, leur vécu est alors sollicité et provoque l’envie de participer, d’interagir et de s’exprimer. Un deuxième aspect se traduit à travers le renvoi ou la référence que ce genre fait au contexte direct de l’auteur. Autrement dit, un ensemble d’indices trouvés dans les extraits autobiographiques se réfèrent à la réalité dans la quelle a vécue l’auteur. Il s’agit du contexte historique, politique et social de l’époque qui encadre les personnages de l’auteur-écrivain. À travers la lecture de ce genre d’écriture, nous accédons encore plus directement au contexte culturel de cette période. Il s’agit alors d’un outil qui transmet plus facilement la compétence culturelle, si bien que, lors de la lecture d’extraits autobiographiques, les élèves se sentent motivés, car ils savent que l’univers que le narrateur décrit est réel ou quasi réel. Les lieux, certains personnages, bref, les références citées dans le texte correspondent à un vrai monde que l’on peut découvrir par soi-même au-delà des lignes. Compte tenu des apports des théoriciens L. Porcher et M. Abdellah-Prétceille à travers l’approche interculturelle, le texte littéraire constitue un formidable réservoir d’informations externes. Et pour suggérer des vois d’exploitation multiples sur un objet particulier, quotidien, que l’on trouve présent dans la langue française, comme dans la vie quotidienne des apprenants, ces objets désignés « universels singuliers », L. Porcher nous propose les thèmes tels que : le végétal (les plantes), l’eau, le temps, les animaux. Nous tenterons dans notre étude d’intégrer une partie de ces thèmes afin de rendre compte de la richesse intarissable du document littéraire comme passeur de langue et d’interculturalité.

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Pour mieux illustrer ces aspects et paramètres mis en relief dans la littérature autobiographique, nous proposons un tableau récapitulatif des indices, marques et aspects trouvé dans chaque extrait appartenant à notre corpus.

Exploitation pédagogique des extraits autobiographiques à la lumière de l’approche anthropologique, sociologique et interculturelle Extrait Le texte dans son Le texte comme Le texte comme Le texte autobiographiq environnement objet textuel lieu d’évocation comme lieu ue des souvenirs et d’information des émotions s externes D’après Simone Texte adapté Une identité il s’agit du récit Période De Beauvoir, - Niveau : 1AM textuelle : texte de l’enfance de historique : la Souvenirs - Projet 1 / Séquence 1 : autobiographique l’auteure et le bonne société d’enfance ; Se présenter . lecteur apprend française du « Mémoires - Rubrique : lecture- -(je suis née. A que l’héroïne se début du XX e d’une jeune fille entraînement quatre heures du prénomme siècle rangée », p.11 - Numéro de la page : matin, le 9 Simone: Informations 11 janvier 1908) -(j’étais fière géographique - Source mentionnée : -(Mon père avait d’être l’ainée : la : Paris : D’après Simone De trente ans, ma première) boulevard Beauvoir, « Mémoires mère vingt et un, -(je me sentais Raspail ( nom d’une jeune fille rangée et j’étais leur plus intéressante du chimiste, ». premier enfant)) qu’un nourrisson médecin et - Nom complet : - (j’étais fière cloué dans son homme Simone Lucie Ernest d’être l’ainée) berceau) politique Marie Bertrand de François- Beauvoir Vincent Editions Raspail (1794- Gallimard, 1958. 1878). Les informations Sociales : -Les photos de familles -les vacances d’été « Des messieurs coiffés de canotiers » : Le canotier est un chapeau de paille de forme ovale à fond

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plat, à bords également plats, orné d’un ruban, qui est mis à la mode par les fervents du sport à la fin du XIX e siècle. Élément de l'uniforme d'été des marins de l’État au milieu du XIX e siècle, ce chapeau est utilisé par les canotiers, c'est- à-dire les marins qui montent les embarcations des navires. -les femmes portaient des longues robes. Intertextualité : (Déguisée en chaperon rouge, portant dans mon panier galette et pot de beurre ) : référence au conte de Grimm « le petit chaperon rouge » D’après Michel Texte adapté (Extrait Texte je fus victime Durant les Leiris, L’Age 1) autobiographique d’une agression ) années 1940, d’homme , - Niveau : 3 AM : -(Mes parent on enlevait les (1939), éd. - Projet 2 / Séquence 2 -(Agé de cinq ou avaient commis la végétations Gallimard : Comprendre et six ans, je fus faute de chirurgicaleme (Extrait 1, p.122 produire à l’oral et à victime d’une m’emmener chez nt et sans Extrait 2, p. 100) l’écrit un récit agression/ mes le médecin sans anesthésie. autobiographique parents/ je me dire où i ls me -la famille présenter m’imaginais/ conduisaient) française - Rubrique : j’étais donc/ -(j’étais très loin possédait un

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Compréhension de -(je viens d’avoir de prévoir le tour médecin de l’écrit trente-quatre sinistre que me famille. - Numéro de la page : ans) réservait le vieux -on cachait aux 100 -(je suis de taille médecin) enfants leurs moyenne/ j’ai -(j’eus le maladies. Texte adapté (Extrait des cheveux sentiment qu’on 2) châtains/b mes m’avait attiré - Niveau : 3 AM yeux sont bruns/ dans un - Projet 2 / Séquence 3 mon teint/ mes abominable guet- : Insérer un portrait/ un mains/ ma tête/ apens) autoportrait, un ma poitrine/ -(ce souvenir est, dialogue dans une -une écriture je crois, le plus biographie, une morale pénible de mes autobiographie architecturée souvenirs - Rubrique : sur les d’enfance) Compréhension de fondations de -(je ne l’écrit l’autoportrait. comprenais pas - Numéro de la page : -Introspection, que l’on m’eut 122 également, qui fait si mal, mais Source mentionnée : débouche sur une j’avais la notion Michel Leiris, L’Age forme d’une duperie , d’homme, Gallimard, d’exhibitionnism d’un piège , d’une 1939 e exacerbé. perfidie atroce de -L’âge la part des d’homme est adultes) troué par des -(j’aime à me souvenirs vêtir avec le d’enfance et de maximum jeunesse qui sont d’élégance) observés avec désillusion, regret et amertume.

Roahld Dahl, Texte authentique -autour du thème -(mais qui Le rôle Mathilda, (Extrait 1) de « l’école » : possédait le don important de (1997), Ed. - Niveau : 3 AM Description/ exceptionnel de l’école comme Gallimard - Projet 2 / Séquence 3 portrait de se faire adorer lieu de elle Jeunesse. : Insérer un portrait/ un l’institutrice M des tous les socialisation et (Extrait 1, autoportrait, un Candy : enfants) de passage p.129) dialogue dans une - elle était obligatoire (Extrait 2, p.131) biographie, une discrète et douce/ comme autobiographie elle possédait le passerelle de - Rubrique : don de se faire l’âge enfant Grammaire adorer/ un visage vers ce lui - Numéro de la page : chaleureux et d’adulte.

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129 accueillant Source mentionnée : Mathilda, (1997), Ed. Gallimard Jeunesse. Texte authentique (Extrait 2) - Niveau : même - Projet / Séquence 3 : le même - Rubrique : Conjugaison - Numéro de la page : 131 Source mentionnée : Mathilda, (1997), Ed. Gallimard Jeunesse.

D’après Texte adapté (Extrait Ce récit est celui -(j’allais souvent - la région dont Mouloud 1) d’une enfance et chez mes tantes. est originaire le Feraoun , Le Fils - Niveau : 3AM d’une Avec elles, je ne héros : la du Pauvre , - Projet 3 / Séquence 1 : adolescence dans m’ennuyais Kabylie (Tizi- (1954), p.107 Rédiger l’histoire d’un une famille de jamais. Je Ouzou) (Extrait 1, p.186/ patrimoine. paysans, au cœur pouvais rester des - Feraoun nous 3ème AM) - Rubrique : du massif heures à les apprend que la (Extrait2, p. 107/ Evaluation-Bilan Kabyle… Et ce observer.) Kabylie est une 1ère AM) - Numéro de la page : témoignage plein -Amour dévoué région de (Extrait3, p.09/ 186 de vérité d’un aux deux tantes paysans, son 4ème AM) - Source mentionnée : admirable désignées de économie D’après Mouloud conteur « personnes traditionnelle Feraoun, Le fils du parfaites ». est basée sur pauvre. -un même l’agriculture et narrateur -(Lorsque la surtout sur personnage cuisson était deux plantes : Texte adapté (Extrait principal se réussie, ma mère le figuier et 2) charge du récit. et mon père l’olivier. Ils - Niveau : 1AM -Il y a donc partageaient la constituent le - Projet 3 / Séquence 3 identité entre le joie de mes revenu : Expliquer le « je » narrateur tantes.) principal de la fonctionnement d’un et le « je » héros. famille kabyle. appareil et donner des -les étapes de la Les animaux indications pour vie de l’auteur occupent aussi effectuer une opération. correspondent à une place dans - Rubrique : celle du l’économie

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Conjugaison personnage- traditionnelle - Numéro de la page : héros kabyle. Les 107 - Feraoun révèle kabyles gardent Source mentionnée : au lecteur son des animaux D’après Mouloud enfance. comme les Feraoun, Le fils du ‘l’écriture de moutons, les pauvre. Feraoun est chèvres et les linéaire, un style bœufs,. - Texte adapté clair et limpide. -les métiers : (Extrait 3) -Feraoun les hommes - Niveau : 4AM témoigne d’une (paysans), les Passerelle : Je vérifie expérience, femmes mes acquis. d’une enfance (poterie, - Rubrique : je vécue, mais aussi tissage de la différencie les types de peint sa société. laine) texetes - cette langue de - les qualités - Numéro de la page : l’ennemi est le de la femme 09 véhicule idéal kabyle, à savoir Source mentionnée : d'une pensée qui la patience, le D’après Mouloud cherche à travers courage, la Feraoun, Le fils du les réalités résistance aux pauvre, Editions du locales à difficultés Seuil, 1954 rejoindre les quotidiennes, préoccupations la sagesse. universelles de Celle-ci leur époque. possède les - le ton traits d'une moralisateur et mère paternaliste qui protectrice et caractérise tout d'une épouse au long des récits aimante qui se le discours du sacrifie pour le narrateur du Fils bonheur de sa du pauvre. famille. -une langue -Les femmes normative. ont une place - importante, Le Fils du notamment les pauvre reprend tantes, ainsi les mêmes leurs travaux thèmes : le (celui de pauvre ne peut l’argile, celui sortir de la du tissage). misère que par le - Les valeurs savoir : le plus traditionnelles grand bien qu’un qui sont le père puisse fondement de

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laisser à ses cette société, enfants, c’est une les liens du bonne sang et instruction. l'attachement - biologique à la les chapitres les terre. plus significatifs - Les sont ceux occupations consacrés aux quotidiennes: tantes Khalti et les labours, les Nana, car il est soins des bêtes, souligné que leur la cueillette des influence sur olives ou des notre figues, etc. protagoniste est Sous les mains importante et va d'artiste de la décider de sa tante Nana, il future vocation voit naître les d’écrivain. Ces fameuses deux femmes poteries occupent le kabyles, les centre du roman- cruches, les journal intime, jarres, les ne serait-ce que marmites, les par la longueur lampes, les du texte qui leur gargoulettes, est consacré. avec leurs - décors Les deux tantes, géométriques très différentes, (noir et rouge) sont, plus que et les signes des artisanes : symboliques elles sont de millénaires. véritables artistes qui travaillent -« Khalti et l’argile et la Nana », des laine. Fouroulou mots berbères fournit d’ailleurs, intégrés dans le au lecteur, texte en beaucoup de français détails sur leurs délibérément activités. De -Vêtement : plus, et ceci et gandoura et encore plus foulard. marquant pour -l’Emigration : l’imaginaire de pour fuir la l’enfant, Khalti misère et

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lui raconte des amasser de histoires. C’est l’argent pour se une conteuse née marier qui l’initie au - Le troque : monde des échange des chimères et de la objets de fiction poterie contre ce qu’ils pouvaient contenir d’orge.

Camara Laye, Texte authentique - -(le pronom - les souvenirs L’auteur passe L’Enfant Noir, Niveau : 3AM personnel d’enfance sont d’une peinture Presses Pocker, Projet 2/ Séquence 3 : « nous ») narrés avec une de la société (1953), p.131 Insérer un portrait/ un - le thème tendresse traditionnelle, autoportrait, un principal de similaire à celle évocation du dialogue dans une L’Enfant noir est de Pagnol . village, des biographie, une celui de (le souvenir d’une anciens et des autobiographie l’éducation scène de classe) rites - Rubrique : de l'école -(nous vivons d’initiations, à Conjugaison française. dans la peur une description - Numéro de la page : -l’auteur désire perpétuelle d’être symbolique, 131 renouer avec le envoyés au particulièremen Source mentionnée : paradis de tableau) t sombre, de la Camara Laye, L’Enfant l’enfance, en -(ce tableau noir Guinée dans Noir, Presses Pocker même temps que était notre les premières le souci de cauchemar) années de son témoigner des indépendance . réalités de la vie - Il s’agit d’une traditionnelle autobiographie africaine. romancée, - Style simple et œuvre de limpide formation et - L'enfance est témoignage un monde nourri par la exprimé avec un tradition orale langage "imagé" africaine des - L'écriture dans griots, où le L’Enfant noir " romancier fait est plutôt l’apprentissage linéaire. de la vie à -L’œuvre travers les s’inscrit dans une différentes perspective formes réaliste par un d’éducation vocabulaire reçues.

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rempli de -L’ Enfant Noir métaphores. est celui de - L'intrigue l’Education de romanesque est l’école simple, française, ensuite, un univers répressif où l’intérêt des connaissances acquises reste artificiel malgré un laborieux du travail scolaire. -cette école n’apporte que des capacités techniques.

Fadhma Ait Niveau : 3 -Une œuvre - (L’été, il était La figue trône Mansour, Projet 2 hautement paisible) dans le récit Histoire de ma Séquence 2 : « Je autobiographique -(Mon ruisseau ! comme le fruit- vie , (2000, rédige un récit à écrite par une Que d’heures symbole de la pp.105-106 caractère dame au destin exquises j’ai région. Aux autobiographique à douloureux passées près de figues est partir d’une biographie durant le mois toi) associé tout un et je raconte un d’août 1946 à rituel rappelé, souvenir d’enfance». Maxula-Radés décrit et Rubrique : Grammaire en Tunisie. expliqué et pp.105-106 -(je ramassais donnant même des cerises au fruit une sauvages) certaine -(pour mon sacralité goûter) -le thème de -(pendant que l’eau : mon j’étais en classe) ruisseau/ coulai -(mon ruisseau ! doucement que d’heures entre ses rives/ exquises j’ai sur les bords de passées près de ce ruisseau/ toi, ….j’ai cueillies….que je -le végétal : les mettais dans le cerises foin….) sauvages/ des figues, des épis/ bibras

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(l’oignon sauvage)/ des peupliers/ treilles/ grappes de raisin/ la cueillette/ des violettes/ les prunes/ le foin

D’après Rabah biogrphie/autobiograph -roman Avec un « je » « Le Soleil Belamri, «Le ie. campagnard écrit fier, il raconte sous un tamis » Soleil sous le Texte adapté dans la veine quelques est un récit tamis», Editions - Niveau : 1AM réaliste, plein de souvenirs de son porté par le Gallimard, 1984, Projet 3 spontanéité et de enfance. Il a regard d’enfant p.83. Séquence 1 : Respecter vérité, avec d’abord raconté en éveil sur les règles d’un jeu beaucoup de son enfance où l’Algérie Rubrique descriptions l’on remarque profonde à la Orthographe socio- une attention au veille de - Numéro de la page : ethnographiques monde rural, à ses l’indépendance 83 dans la lignée mœurs, à ses , regard Source mentionnée : des romans rythmes, décrits préoccupé des D’après Rabah d’inspiration avec précision et seules valeurs Belamri, Le Soleil sous autobiographique délicatesse. d’enfance. On le tamis classiques. découvre avec - A travers ce la mer roman, au titre d’images de polysémique, cette immensité l’auteur a voulu intime de la tout dire, tout est mémoire, les passé comme un faits de tous les soleil à travers jours, un tamis. Le révélateurs de tamis c’est aussi toutes les la grille de la dimensions mémoire. humaines, affectives, sociales et historiques.

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Azouz Begag, Texte authentique Son professeur -(Je sens qu’il y a Le Gone du - Niveau : 3AM de français, M. au fond de cet - Le roman Chaâba, Le Projet 2 Loubon, est un homme quelque raconte Seuil, p.133 Séquence 3 : Insérer un pied-noir qui a chose qui me l'histoire portrait/ un autoportrait, vécu en Algérie. ressemble et qui d'Azouz, un un dialogue dans une Il va l'aider à nous lie.) mowinz biographie, une travailler et une algérien. Il autobiographie grande amitié va - M. Loubon, le habite au Rubrique se créer entre professeur avec Chaâba, un Orthographe eux, ils parlent qui il a « bidonville à - Numéro de la page : ensemble de l’Algérie en côté de Lyon. 133 l'Algérie, et commun » l’a Il vit dans une Source mentionnée : s'apprennent l'un aidé à se misérable Azouz Begag, Le Gone à l'autre des mots réconcilier avec habitation, sans de Chaâba arabes. Il lui a ses origines. eau ni même offert un électricité, à livre ! côté d'autres - Il se lie par la familles arabes suite à son qui ont fui la proffesseur de misère 6ème, algérienne. M.Loubon, car À l'école, ils possèdent Azouz se met les mêmes au premier origines. Ce rang et est professeur lui attentif à toutes apprend les remarques beaucoup sur son de son maître, pays et lui il a même la permet aussi de deuxième s’instruire sur la meilleure note littérature de la classe lors française. de la remise - Abandonné d'une dans les composition. décombres du Il est très Chaâba et exposé heureux, mais au regard de bientôt, l’Autre, Azouz certains arabes avoue à travers de sa classe qui un discours se moquent de émotif doublé lui à l'école le d’ironie sa rejettent en ne volonté le considérant d’entreprendre le plus comme un parcours de arabe l’intégration

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José Mauro de Texte authentique -(la silhouette de -(la silhouette de -L’enfance VASCONCELO Titre proposé : Mon maman) maman apparut dans un cadre S, Mon bel Costume de poète -(je me levai au défavorisé (une oranger, (2007), - Niveau : 4AM d’un bond) coin…..j’embrass famille p.109 Projet 2 -je voyais qu’elle ai sa main) brésilienne Séquence 3 : Insérer un avait) pauvre) portrait/ un autoportrait, -j’essayai encore -(son silence - Zézé un dialogue dans une de la convaincre) commençait à (l’auteur) est biographie, une m’angoisser) issu d’une autobiographie -c’est ainsi que famille Rubrique j’eus mon -(Alors je lui brésilienne très Lecture récréative premier costume encrassai la main pauvre. Son - Numéro de la page : de poète. et j’allai jusqu’à père ne 109 la maison en travaille plus et Source mentionnée : tenant ma joue sa mère est José Mauro appuyée contre sa employée dans Vasconcelos, Mon bel main.) une fabrique. oranger. -(J’étais si beau que l’oncle Edmundo m’emmena me faire photographier)

D’après Texte adapté -(à l’âge que Avec tout cela, Dumas décrit Alexandre - Niveau : 3AM j’avais / capable de bons l’enfant Dumas, Projet 2 -(Je n’étais pas sentiments qu’il était à Mémoires , Séquence 3 : Insérer un très aimé….en l’âge de dix (1851), p.130 portrait/ un autoportrait, moi-même/ma -je faisais un ans. un dialogue dans une petite personne/ assez joli enfant biographie, une j’avas de longs autobiographie cheveux/ de Rubrique grands yeux Conjugaison bleus qui restent - Numéro de la page : à peu près ce que 130 j’ai encore Source mentionnée : aujourd’hui de D’après Alexandre mieux dans le Dumas, Mémoires, visage 1851

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Marcel Pagnol, Texte authentique -La Provence du -(j’admirais la Marcel nous La gloire de mon Titre proposé : Un début du siècle toute- puissance raconte son père, (1957), lecteur précoce est pour l'enfant paternelle) enfance, de ses p.117 - Niveau : 4AM le décor d'une -(pendant qu’il premiers pas Projet 2 initiation écrivait dans la petite Séquence 2 : émerveillée à magnifiquement ville Comprendre et produire l'existence. sur le tableau) d’Aubagne à à l’oral et à l’écrit un Marcel se -(tandis qu’il ses premières récit autobiographique retrouve arrondissait un leçons sur les Rubrique confronté à la admirable point bancs de Lecture récréative rude beauté de la final) l’école - Numéro de la page : nature. Théâtre -(je crois qu’il eut communale de 117 de toutes les ce jour-là la plus Marseille, et Source mentionnée : aventures, la grande joie de sa surtout ses Marcel Pagnol, La garrigue est sa vie) premières gloire de mon père complice. vacances à la (1957) L'ensemble de Bastide Neuve. souvenirs Ses parents, d'enfance de ‐ La nature Marcel Pagnol joue un rôle est rédigé dans important dès un style sobre et les premières émouvant phrases du roman et elle forme le cadre dans lequel l’action se déroule : les vacances d’été avec la famille à la campagne dans la villa Bastide Neuve où il a passé les plus beaux jours de sa vie, les aventures du petit Marcel et de son frère Paul dans les collines où ils découvrent les plantes et les insectes et jouent aux indiens, et

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finalement, le fameux épisode de chasse avec son père Joseph et son oncle Jules, qui se termine par le coup de roi de bartavelles13 effectué par son père. La description de la nature et des paysages est très précise et prend beaucoup de place dans la narration.

Marcel Proust, Texte authentique -(ma seule -/ma seule -l’art de Du côté de chez - Niveau : 4AM consolation, consolation/ construire : un Swann, (1913), Projet 2 quand je montais -(était pour moi étage lié avec p.111 Séquence 2 : me coucher, était un moment un escalier/ un Comprendre et produire que maman douloureux/ couloir à à l’oral et à l’écrit un vienne -où elle m’avait double porte récit autobiographique m’embrasser, quitté/ Vêtement : sa Rubrique quand je suis robe de jardin Conjugaison dans mon lit) en mousseline - Numéro de la page : bleue, à 111 laquelle Source mentionnée : pendaient de Marcel Proust, Du petits cordons Côté de chez Swann de paille (1913) tressée.

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Jules Renard , Texte authentique -(j’ai peur aussi, -le thème de Poil de carotte, Titre proposé : Les moi). «l’animal » : (2008), p.140 Poules -(Ces les poules (la - Niveau : 3AM compliments basse cour), Projet 2 enorgueillissent animal Séquence 3 : Insérer un poil de carotte, et, d’élevage. portrait/ un autoportrait, honteux d’en être -le bouc un dialogue dans une digne.) « Il est hardi biographie, une -(Seule pitoyable, comme un autobiographie ernestine prend bouc », le bouc Rubrique une bougie et dan cette Lecture récréative accompagne petit expression - Numéro de la page : frère) symbolise « le 140 -poil de carotte courage et la Source mentionnée : …. Se met à témérité ». Jules Renard, Poil de trembler dans les Le thème du Carotte, chapitre 1. ténèbres) végétal : carotte : plante, légume. Dans l’expression figée « poil de carotte » : il signifie requin ou bien celui qui a les cheveux roux et la peau tâchée. L’auteur lui- même nous donne l’explication. -« poil de carotte » : est un nom d’amour dans la culture française.

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Tableau 12 : Exploitation pédagogique des extraits autobiographiques à la lumière de l’approche anthropologique, sociologique et interculturelle

Lecture générique et thématique des extraits de l’œuvre autobiographique « Le Fils du pauvre » de Mouloud Feraoun Caractéristiques autobiographiques Le récit de Mouloud Feraoun constitue bel et bien une ouvre autobiographique car elle remplit les trois catégories mentionnées par Philippe Lejeune. C’est un récit écrit en prose et que la thématique de l’autobiographie doit traiter de la vie individuelle, et c’est bien le cas de ce que Mouloud Feraoun a écrit, « Le fils du pauvre » est un récit en prose à perspective rétrospective, il raconte les souvenirs d’enfance et d’adolescence de l’instituteur Menrad Fouroulou. Son projet d’une écriture d’aspect autobiographique a été annoncé dés le début de l’œuvre dans l’incipit qui nous donne le genre du texte que nous allons lire. Voyons ces lignes du premier chapitre de la première partie : « Après avoir renonc é aux examens, il a voulu écrire. Il a cru pouvoir écrire. Oh ! Ce n’est ni de la poésie, ni une étude psychologique, ni même un roman d’aventure puisqu’il n’a pas d’imagination. Mais il a lu Montaigne et Rousseau, il a lu Daudet et Dickens (dans une traduction). Il voulait tout simplement, comme ces grands hommes, raconter sa propre histoire » 37 . Toutes les conditions de l’écriture autobiographique sont basées sur l’identité qui doit être établie entre l’auteur, le narrateur et le personnage, « pour qu’il y ait une autobiographie et plus généralement une littérature intime, il faut qu’il y ait identité de l’auteur, du narrateur et du personnage » 38 . L’identité se forme par conséquent quand l’auteur scelle un pacte que Lejeune appelle le pacte autobiographique, il l’a défini ainsi : « Le pacte autobiographique, c’est l’affirmation dans le 39 texte de cette identité, renvoyant en dernier ressort au nom de l’auteur sur la couverture »

37 FERAOUN, Mouloud, Le fils du pauvre , Paris, Seuil, 1954, p.10 38 LEJEUNE, Philippe, Le Pacte autobiographique , Paris, Seuil, 1996. p.15 39 Ibid, p.26

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Dans « Le fils du pauvre » Mouloud Feraoun a donné au personnage principal le nom « Menrad Fouroulou » qui est l’anagramme de l’auteur, l’explication de la signification de ce nom est ainsi marquée dans « Le fils du pauvre » : «Comme j’étais le premier garçon né viable dans ma famille, ma grand-mère décida péremptoirement de m’appeler Fouroulou (de effer : cacher). Ce qui signifie que personne au monde ne pourra me voir, de son œil bon ou mauvais, jusqu’au jour où je franchirai moi même, 40 sur mes deux pieds, le seuil de notre maison » Le statut référentiel Nous pouvons aussi par un recoupement biographique relever beaucoup de détails partagés entre Fouroulou et Mouloud Feraoun. Philippe Lejeune note que : « si l’identité n’est pas affirmée, le lecteur cherchera à établir des ressemblances malgré l’auteur » 41 . C’est ce que Lejeune appelle « le pacte référentiel »qui renforce « le pacte autobiographique ». Il est ainsi défini : « Par opposition à toutes les formes de fiction, la biographie et l’autobiographie sont des textes référentiels : exactement comme le discours scientifique ou historique, ils prétendent apporter une information sur une « réalité » extérieure au texte, et donc se soumettre à une épreuve de vérification. Leur but n’est pas la simple vraisemblance, mais la ressemblance au vrai. Non « l’effet de réel », mais l’image du réel. Tous les textes référentiels comportent donc ce que j’appellerai un « pacte référentiel », implicite ou explicite, dans lequel sont inclus une définition du champ du réel visé et un énonce des modalités et du degré de ressemblance auxquels le texte prétend » 42 . Sans nul doute Fouroulou n’est autre que Mouloud Feraoun. Il nous semble aussi qu’ils partagent les mêmes étapes de vie, les mêmes éléments autobiographiques. Nous pouvons donc lire la biographie de Mouloud Feraoun à travers « Le fils du pauvre » et par le personnage de Fouroulou. D’ailleurs, Jean Dejeux déclare que: «Mouloud Feraoun a raconté sa propre enfance dans le récit, en grande partie autobiographique, « Le fils du pauvre ». »43 .

40 FERAOUN, Mouloud, Op. Cit, p.25 41 LEJEUNE, Philippe, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1996, p.26 42 Ibid, p.36 43 DEJEUX, Jean, Littérature maghrébine de langue française, Introduction générale et Auteurs , Québec, Naaman, 1980, p.115

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En conclusion, nous avons ainsi identifié et affirmé en même temps le statut générique du « Fils du Pauvre », nous avons reconnu qu’il s’agit bien d’une autobiographie de Mouloud Feraoun . a/Artisanat Dans l’œuvre de Feraoun Le Fils du pauvre (1954), les femmes ont une place importante dans le livre en particulier ses tantes, ainsi que le travail de l’argile ou le tissage de la laine qu’elles réalisent. Sachant que la poterie et le tissage sont avant tout des marques du patrimoine culturel kabyle. La poterie se fait à la main, elle a des formes et des couleurs diverses selon le goût de la femme. Elle l’a fait de son mieux. Mouloud Feraoun nous raconte comment ses tantes la travaillent, il lui a consacré des passages descriptifs très riches et plein de détails : « Mes tantes travaillent l’argile et la laine. La courette était toujours encombrée de poterie .Voici, à l’angle, près du portail, un gros tas de bois qui servira à la cuisson. L’argile se travaille dès le printemps [….]. Les mottes sèchent au soleil dans la cour, puis elles sont écrasées et réduites en poussière. Avec cette poussière imbibée d’eau, mes tantes font une pâte dont elles emplissent des jarres. La pâte devient consistante au bout de deux jours. Il faut alors la malaxer vigoureusement et lui incorporer les débris d’un vieil ustensile broyé. Les grains de terre cuite ainsi ajoutes forment avec l’argile fraîche une pâte qui ne fendra pas. Il est temps de modeler […] . Chaque potière a son style particulier. Il suffit de présenter un objet quelconque aux moins initiées d’entre elles, elles indiquent immédiatement les mains d’où il sort. Sur ses rivales, Nana a une supériorité évidente relevée par sa modestie et sa douceur. Aussi a-t-elle une grande réputation et beaucoup de clientes » (Ibid.pp.45-47) . La créativité de la femme kabyle s’est manifestée dans ce travail, la poterie représente une marque culturelle encore exposée et répandue partout en Algérie. La femme kabyle est aussi célèbre par le tissage. Elle tisse les vêtements en employant la laine et grâce au métier à tisser. Mouloud Feraoun nous informe que ce travail demandait beaucoup de patience : « En effet le travail de la laine est un travail de fourmi, mais il ne demande pas trop de place. Le métier à tisser est tendu verticalement sur deux perches à faible distance du mur. Il peut rester là aussi longtemps que l’on veut. Mes tantes y passent en quelque sorte leurs moments

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle perdus. Elles s’assoient, alors, le dos appuyé au mur, introduisent les brins de la trame entre fils de la chaîne et tassent avec un peigne de fer. C’est une occupation qui n’empêche pas les bavardages. Lorsque le métier n’est pas encore dressé, mes tantes sont occupées soit au cardage de laine lavée, soit au filage de la chaîne à l’aide de la quenouille et du fuseau. » (ibid.p.49). b/Emigration Mouloud Feraoun nous a donné dans « Le fils du pauvre » deux exemples des gens qui partent en France et émigrent pour gagner leur vie en travaillant dans les usines et les mines, l’émigration constitue une autre source d’argent, elle peut être mieux que le travail de la terre comme dans le cas du père de Feraoun qui, après avoir perdu les sources de survie à cause de sa maladie, a décidé de partir , « Quelques temps après ,laissant sa famille aux soins de son frère, Ramadan quitta ,un matin, son village pour aller travailler en France. C’était l’ultime ressource, le dernier espoir, la seule solution. » (p.100) Les kabyles ont été obligés de partir en France, à émigrer et à travailler dans de mauvaises conditions. L’écrivain a aussi souligné les problèmes qui pouvaient arriver à un émigré ignorant comme son père. Il affrontait des problèmes, des risques et des accidents. Et C'est la même chose qui est arrivé auparavant à Ramadan, le père de Feraoun : « C’est précisément un dimanche qu’un tombereau lancé sur rail le coinça contre un mur […]. En arrivant à sa chambre, les douleurs revinrent, beaucoup plus aiguёs. On l’hospitalisa de nouveau, presque mourant, à Lariboisière et on dut l’opérer » (p.114) L’autre exemple de l'émigration a été représenté par une expérience très malheureuse, celle d’Omar, le mari de Nana, la tante de Mouloud Feraoun : « Omar avait abandonné Nana quelques temps après leur mariage ; il était parti pour la France et s’y trouvait toujours ; il avait tous les torts, mais sa mère dit qu'elle se chargeait de le faire revenir de Paris . »155 . Après sa malchance de ne pas bénéficier de son travail en France, Omar s’est échappé à Paris et laissa pour toujours sa femme qui mourra pendant son accouchement. c/Thèmes sociaux Tout d’abord, M. Feraoun nous parle des paysages de son village et les décrit. Il ne nous précise pas de quel village kabyle il s’agit, il nous semble qu’il veut décrire toute la Kabylie, « c’est donc la topographie d’un village de montagne emblématique qui est dévoilée par une

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle description ambulatoire le long d’une rue principale de part et d’autre de laquelle s’agglutine 44 un habitat fort regroupé » Mouloud Feraoun nous montre l’importance donnée à la famille dans la société kabyle. L’auteur titre une partie complète du « Fils du pauvre » par le mot « La famille » parce que « l’unité sociale de base de la société kabyle est la famille élargie l’Axxam (le foyer) »159 , chacune des familles kabyles a un ancêtre qui les réunit, elles sont célébrées par leurs ancêtres Le village a une assemblée où tous les hommes et les petits mâles du village se réunissent ; cette place s’appelle djemâa : « Vous êtes sur la grande place du village, la « place aux musiciens», notre djema. » (p.13) . Le mot djema vient de l’arabe, « tajmaat » en berbère, il signifie une assemblée qui regroupe les hommes du village. La djema a beaucoup d’importance chez les kabyles en général et chez Mouloud Feraoun en particulier. En d’autres termes, Mouloud Feraoun a gardé intacte l’image de cette ancienne djemâa. Lieu de rêve et d’imagination, lieu de réflexion, sages séances où chacun échange ses opinions, ses impressions, ses souvenirs, la Djemâa possède une valeur certaine d’éducation et d’enseignement. En effet, la djema est dirigée souvent par une autorité, ses représentants sont l’Amin qui est le chef du village, les marabouts que les kabyles respectent, ils ont un aspect religieux, ils donnent la baraka aux gens kabyles, ils représentent aussi un côté social dans les conflits familiaux. Les notables et les cheikhs ont aussi leur importance dans la djema et dans le village, les voici ainsi décrits dans « Le fils du pauvre »: « L’amin arrive bientôt suivi de deux marabouts et d’une douzaine de notables. Ils traversent la petite cour en file, d’un pas lent, drapé dans leur burnous, l’air sérieux et digne. Mon père leur souhaite la bienvenue et baise la tête des cheikhs sur leur capuchon pointu. »(p.164) Feraoun nous apprend que la Kabylie est une région de paysans, son économie traditionnelle est basée sur l’agriculture et surtout sur deux plantes : le figuier et l’olivier. Ils constituent le revenu principal de la famille kabyle. Les animaux occupent aussi une place dans l’économie traditionnelle kabyle. Les kabyles gardent des animaux comme les moutons, les chèvres et les bœufs, Mouloud Feraoun a souligné leur importance pour survivre côte à côte du figuier et de l’olivier : « Mon père, un rude fellah, débroussaillait, défrichait sans cesse et plantait. Au bout de quelques années, nos parcelles

44 MATHIEU-JOB, Martine, Le fils du pauvre de Mouloud Feraoun ou la fabrique d’un classique , Paris, L’Harmattan, 2007, p.54.

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle changèrent d’aspect. En plus de cela, il entretenait une paire de bœufs, un âne, une chèvre, deux moutons. » (p.61) Dans la société kabyle toute la famille participe aux affaires économiques, les hommes et les femmes et même les enfants. Voici Fouroulou descendu au champ avec ses sœurs, aider sa famille et son père malade : Mouloud Feraoun a intégré aussi dans « Le fils du pauvre », au côté des proverbes, des mots arabes et kabyles qu’il ne s’attarde pas à expliquer puisqu’ils sont incompréhensibles pour le lecteur étranger, l’écrivain a eu recours à la mise en page pour les expliquer, ils ont été marqués et définis en bas de pages, voici certains exemples : « « Sing. »(p.16): aKoufi _grande jarre de terre non cuite mélangé à de la paille pour recevoir les céréales ou les figues ; « L’aïd »(p.17): fête religieuse ; « Le fameux prêt de Tibrari »(p.25): février .février prêta une de ses journées à Janvier qui voulait punir vieille du Djurdjura. Cette journée s’appelle amerdhil, le prêt. ; « Amin » (p.35) chef du village.; Etude sociologique et anthropologique des extraits de l’œuvre autobiographique « Le Fils du pauvre » de Mouloud Feraoun Nous avons remarqué qu’à l’instar de la dimension biographique du « Fils du pauvre », nous y trouvons aussi un axe sociologique et anthropologique quand il parle de la pauvreté et de la famine dont la Kabylie a beaucoup souffert, un des résultats de la colonisation française de l’Algérie et qui a augmenté pendant la deuxième guerre mondiale. « Le fils du pauvre » nous a été donné un aperçu sur le portrait de la femme dans l'entourage personnel de l'écrivain Mouloud Feraoun à travers la citation concernant le cas de ses tantes ou de ses sœurs qui a été une partie de la prise de conscience de Mouloud Feraoun envers la femme dans la société Kabyle. Nous avons aussi étudié la place donnée à l’artisanat qui est le métier de ses tantes et qui constitue une des composantes de la vie économique et sociale de la Kabylie à travers ses deux types : la poterie et le tissage qui ont joué un rôle important dans la vie des kabyles et ont représenté un revenu qui appuie le niveau financier de la famille Kabyle. Le phénomène de l’émigration a été une des questions abordées par Mouloud Feraoun dans « Le fils du pauvre », l’aventure de l’émigration des Kabyles est représentée dans l’exemple de son père et du mari de sa tante Nana. C’était le début d’aborder l’émigration dans la littérature

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Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle maghrébine d'expression française qui sera étalé comme un des principaux aspects de la thématique des œuvres maghrébines jusqu'à au jour d’hui. L’écrivain nous a donné, au côté de son récit de vie, une étude historique et sociale de la Kabylie qui couvre toutes les composantes de la société Kabyle : l’organisation politique représentée dans la djemâa, l’importance des origines ancestrales, les coutumes et les traditions Kabyles. Il nous a fait apparaître tous les aspects de l’identité Kabyle. son attachement à sa région traduit bien une volonté de Mouloud Feraoun à universaliser sa Kabylie avec ses traditions, ses coutumes et sa culture. Il a voulu de même faire connaître au monde les difficultés que la Kabylie vit et l’Algérie toute entière sous la colonisation française. Nous avons aussi connu ce qui s’est passé dans la Kabylie comme un des cours de la deuxième guerre mondiale en Afrique du nord, nous y avons montré et étudié le tableau dressé par Mouloud Feraoun qui nous décrit les années de la deuxième guerre mondiale et ses effets sur la vie des Kabyles et sur celle de l’écrivain lui-même. 4. L’intérêt pédagogique du texte autobiographique

Aborder l’écriture de soi, c’est tenter d’approcher une passion certes réticente mais aussi convaincue que seuls les mots ont le pouvoir de consteller des mémoires et de laisser s’échapper les amertumes d’une vie affaiblie par l’angoisse du racisme, la pauvreté et la domination coloniale. Si pour Serge Dobrovsky ce qui caractérise l’autofiction est le jeu que mène l’auteur avec le lecteur en ce sens qu’en plus de se remémorer, il s’invente et dit la pluralité de ce qui est en nous, le lecteur piège l’auteur en se confiant à l’aventure de l’interprétation où les mots, dépositaires des valeurs culturelles et réservoir des mémoires, seront les vecteurs d’une communication interculturelle. L’auteur tend, par l’entremise de mots à connotation symbolique et culturelle et d’une mémoire vivace, à retrouver cette identité éclatée en morceaux épars. Cette volonté exacerbée se confirme par l’usage de vocables chargés d’invocations, d’hésitations, d’errance et d’ironie. Pour se mettre à l’écoute de sa verve, l’auteur se recroqueville dans les dédales du passé et pousse une clameur qui le libère de tout sentiment d’injustice et de marginalisation. L’auteur de texte autobiographique, peut être lu comme étant une tentative de dialogue avec l’Autre, c’est un voyage, à travers les yeux d’un narrateur qui relate ses souvenirs d’enfance, où nous pouvons, nous lecteurs, découvrir d’un côté son univers familial et personnel et de l’autre son univers scolaire. Il existe dans le roman autobiographique une double approche, celle de l’individu face à ses origines à travers la description-explication des phénomènes

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culturels propres à sa culture maternelle et celle du positionnement du personnage narrateur qui aspire à émousser les différences et à concilier deux univers dont les relations sont aussi tumultueuses que complexes. Sensibilisation à la culture Avec ces textes autobiographiques, la sensibilisation à la culture pourra, par exemple, consister en une présentation des auteurs de la littérature maghrébine d’expression française (Feraoun, R. Belamri, Fadhma Ait Mansour, A. Begag), des auteurs africains d’expression française comme Camara Laye, ou bien entendu des écrivains français (A. Lamartine, Dumas, M. Proust, M. Pagnol, J. Renard, Le Clezio, etc.) de ses auteurs les plus connus, de leurs œuvres et des soucis et objectifs qui animent cette littérature. Ensuite, il pourrait y avoir une présentation des auteurs, l’enseignant pourrait guider ensuite les apprenants dans leur découverte des éléments culturels présents dans le texte. Par exemple le titre du texte renvoie à de nombreuses significations pour lesquelles l’enseignant pourra proposer des pistes de recherche. D’autre part les aspects sociologiques, anthropologiques et historiques concernant la société que l’auteur évoque tels que l’organisation sociale, les pratiques sociales : coutumes, traditions et us.., etc. pourront être soulignés. Enfin, l’auteur crée également un pont entre la culture maternelle de l’apprenant et la culture étrangère véhiculée par le texte littéraire étudié. Ce pont culturel pourra favoriser chez les apprenants la compréhension du texte sur le plan linguistique et culturel, de plus, il pourra constituer une source d’inspiration sur le plan interculturel. Cette sensibilisation à la culture permettra à notre avis une plus grande curiosité de la part des apprenants et créera plus de motivation à la lecture de ce genre de texte de la littérature française et francophone. Autonomie Le développement de l’autonomie des apprenants consistera ici à leur donner les moyens linguistiques, les codes et les stéréotypes nécessaires à la compréhension de ce texte. En fait, le choix de ce texte qui correspond à leur niveau sur le plan linguistique et lexical, leur permettra d’accroitre leur confiance en eux pour la lecture de ce type de texte. En outre, dans l’approche choisie pour aborder ce texte en tant qu’enseignant, il faudrait veiller à ne pas imposer son interprétation du texte aux apprenants, mais à leur donner la possibilité de s’exprimer et de réagir et de reconstruire du sens à travers des lectures multiples. Cette démarche a pour but de leur offrir l’occasion de formuler leur pensée à l’oral et à l’écrit. Cela tendra à renforcer leur autonomie, leur maîtrise de la langue et pourra les inciter à la lecture.

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Enfin, il ne faut pas oublier que ce texte littéraire va également fonctionner comme un modèle et une source d’inspiration pour les apprenants qui vont pouvoir aller vers d’autre lectures et pourquoi pas ainsi produire leurs propres textes. Authenticité Ce texte, malgré les quelques mots de vocabulaire ou éléments linguistiques que l’on devra peut-être expliquer pour certains, reste un texte accessible pour des apprenants du moyen avec une adaptation. Il contient un lexique et une grammaire assez simple. Il n y a pratiquement pas de tournure de phrase compliquée. La force de ce texte réside dans l’usage particulier de la langue, dans les images qui sont utilisées ainsi que dans l’émotion qu’il peut procurer de par sa sincérité et son réalisme. C’est un texte de prose très poétique. L’auteur, puis que il raconte son propre vécu, il exprime ses propres émotions et ses pensés et ses croyances d’une manière artistique et noble. C’est là où l’authenticité de ce texte peut toucher les apprenants et provoquer chez eux des émotions, mais surtout des questionnements et des interprétations. En fait, ce texte est le résultat d'une situation authentique : l’auteur témoigne d’une façon directe et avec beaucoup de subtilité la situation de la société algérienne de l’époque. C’est un témoignage historique de ce qui a pu se passer en Kabylie pendant cette période. Un texte fabriqué, qui contiendra peut-être les mêmes éléments linguistiques et les mêmes informations que l’on voudrait transmettre, ne contiendra pas tous ces aspects du réel et d’authenticité. Il restera un texte artificiel, souvent banal et non convainquant. De plus, il ne pourra pas provoquer chez l’apprenant le même plaisir ni la même envie de lire. Dimension esthétique On pourrait ici citer beaucoup d’exemple qui témoignent de cette dimension esthétique que ce soit dans l’usage des mots, dans les métaphores créées. Par ailleurs, ces textes autobiographiques ont un fort pouvoir évocateur. Ils nous transportent. Rien qu’en lisant nous arrivons à imaginer les scènes vécues par l’auteur. En somme il nous semble qu’un des aspects cruciaux pour la motivation des apprenants lecteurs réside dans le fait que le texte évoque, sous une forme ou une autre, une réaction émotionnelle. Un dialogue s’installe entre le texte, le récepteur (l’apprenant) et l’auteur, renforçant, pour revenir à notre objectif, le courage, l’envie et la capacité de l’apprenant à se confronter à d’autres textes et à profiter pleinement de ses lectures.

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Conclusion Nous avons abordé dans ce chapitre l’utilisation qui a été faite de l’extrait autobiographique dans les manuels de français du moyen algérien. Il s’avère qu’il est utilisé pratiquement dans les différents niveaux du moyen, il est ainsi très souvent exploité dans les manuels de 3ème AM, 1 ère AM et timidement dans celui de la 4 ème AM. Alors qu’il est totalement absent dans celui de 2 ème AM. La majorité des manuels utilisent l’extrait autobiographique dans le cadre de la compréhension écrite mais ils utilisent quelquefois comme prétexte à l’expression écrite ou pour l’étude d’un pont de langue. Nous avons observé plus haut la décroissance dans l’utilisation de l’extrait autobiographique qui disparaît dans le manuel de 2 ème AM, ce qui confirme cette tendance à ne pas considérer le genre autobiographique comme un genre pertinent pour la formation des futurs adultes, toujours dans cet effort de déconsidération de l’effet (inter)culturelle. Nous avons analysé quelques extraits autobiographiques présents dans les manuels afin de vérifier la faisabilité d’une approche interculturelle. Ces extraits ont montré qu’ils sont susceptibles d’être lus selon cette démarche. Cela dit, les extraits nous ont semblé intéressants car ils pourraient constituer un moyen efficace de pousser les apprenants-lecteurs à développer leur compétence interculturelle. Quant à la manière de traiter l’extrait autobiographique, le fait de se focaliser sur les sentiments des personnages et leurs sentiments semble un bon point de départ pour montrer les spécificités des personnages. Travailler aussi sur les caractéristiques génériques du texte autobiographique et le suivre d’une réflexion sur les caractéristiques qui font de la littérature autobiographique une source très riche pour enseigner la culture étrangère dans toutes ses dimensions, en établissant parallèlement des liens avec la culture maternelle de l’apprenant. Ce faisant, les capacit és d’analyse des apprenants-lecteurs, en terme de lecture litt éraire, dans une perspective interculturelle, seront développ ées.

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Chapitre 6 L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Introduction Dans ce chapitre, notre but est centré sur l’objectif majeur de décrire l’itinéraire pédagogique du conte au moyen, particulièrement dans le manuel de la 2 ème AM, selon une perspective générique et de découvrir en quoi l'utilisation des contes introduirait également un aspect culturel et interculturel à l'éducation. Autrement dit, comment les contes peuvent être utilisés dans l'enseignement du français langue étrangère dans une perspective interculturelle? Qu'est- ce que nous pouvons enseigner avec les contes ? Dans cette démarche plutôt formelle et descriptive, nous avons voulu nous informer sur les spécificités du conte dans son esthétisme en prenant pour base les quatre séquences du projet 1 du manuel de 2 ème AM. Compte tenu de l’extrême diversité de ses formes et de sa grande richesse socioculturelle et interculturelle, le conte demeure toujours dans sa particularité. Cette réflexion didactique sera focalisée sur une meilleure prise en considération des spécificités de la notion genre et l’articulation d’une séquence didactique en classe de FLE. Nous nous interrogeons sur la manière dont cet enseignement s'effectue dans les classes. Les concepteurs de manuels disposent aujourd'hui d’outils théoriques dans ce domaine : il s'agit de l’ouvrage S’exprimer en français : séquences didactiques pour l’oral et l’écrit (Dolz, J., Noverraz, M. & Schneuwly, B., 2001). La question qui guide ce travail est donc celle des rapports complexes que l’enseignement du français entretient avec les genres littéraires, particulièrement le conte: Comment le Manuel de 2ème année moyenne articule-t-il une séquence didactique au sein du projet didactique « Nous rédigeons un recueil de contes qui sera lu aux camarades d’un autre collège » ? Pour répondre à cette question, nous allons analyser le contenu de quatre séquences articulés autour du projet1. Nous allons décrire la manière dont le manuel a organisé une séquence didactique. Par l'analyse des contenus, nous tenterons de saisir ce qui est réellement proposé dans les classes. De plus, en comparant les séquences menées avec les propositions des théoriciens de la séquence didactique, nous allons pointer les aspects que le manuel réinvestissent, mais également ceux qu'ils négligent ou laissent de côté. Notre but est tout simplement d’inviter les apprenants et les enseignants à aller au contact du conte et par là, à le déchiffrer selon les diverses facettes qu’il recèle, particulièrement celle de l’interculturalité.

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1. Le genre textuel « le conte » à l’aune de la réforme de l’éducation En Algérie, la mise en place de la réforme du système éducatif au début des années 2000 a donné naissance à de nouveaux programmes pour l’école et plus précisément l’enseignement/apprentissage du Français, notamment pour la deuxième année du cycle moyen, cycle qui devra compter quatre années au lieu des trois du cycle fondamental. Les objectifs de l’enseignement du français en deuxième année du cycle moyen visent à ce que « l’élève soit capable de comprendre/produire des textes de type narratif. 1» Ainsi, la réforme a introduit l’approche par compétences, qui a recommandé le cognitivisme comme méthode pédagogique et a pris appui sur l’étude des discours et lecture analytique dans la compréhension des textes, en substituant à la notion d’ « unité didactique », le concept de « séquence didactique », jugé plus souple et flexible dans son utilisation. En effet, ce concept a redéfini le rapport savoirs/compétences et a contextualisé les tâches scolaires. Cependant, ces propositions de changements théoriques et méthodologiques, quand elles visent les stratégies de réalisation, comme c’est le cas pour la démarche du projet didactique, ont rencontré des réticences, voire des résistances. Elles sont vécues comme une rupture, voire une cassure, par le personnel enseignant qui est habitué à travaillé avec des unités didactiques assez légères dans leur préparation pédagogique, offrant plus de souplesse et de confort dans leur utilisation pratique, élaborées à partir des ensembles pédagogiques déjà existants. En effet, l’émergence de la séquence didactique dans le champ méthodologique est perçue comme une innovation imposée, et tant que telle, déstabilisatrice. En effet, de nouveaux concepts sont introduits pour la première fois, les notions de discours , de séquence, de genre et de projet . Les concepteurs des programmes officiels ont choisi le texte narratif comme compétence discursive. La langue y est perçue dans sa dimension communicative, elle ne sera donc pas étudiée en tant que système mais au service de pratiques langagières proposées sous forme d’ interactions verbales qui mettent en avant l’importance de l’ énonciation , du destinataire et de la situation . C’est le récit de fiction qui occupe le devant de la scène de 2 ème AM, et c’est le genre textuel narratif qui est proposé à travers des projets didactiques (le conte, la fable et la légende). Ainsi, le projet didactique et le texte littéraire permettent à l’apprenant de développer ses compétences de production et de découvrir la langue dans un cadre « plaisant et communicatif ».

1 Livre du Professeur, 2 ème AM, 2011, p.3.

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L’apprentissage se fait selon l’approche par compétences dont les contenus sont posés en termes d’ « objectifs d’apprentissage » inscrits dans la démarche de projets . Le projet a pour objectif l’élaboration d’une production matérielle écrite ou orale qui se réalise en étapes appelées séquences , chacune développant un ou des objectifs d’apprentissage aussi bien en réception qu’en production. Dans les pratiques de la classe, le déroulement de la séquence se réalise en trois étapes : - Une situation d’orale avec un texte à écouter, - Une situation d’écrit, avec un seul texte à analyser en séance de compréhension de l’écrit (lecture silencieuse) et que l’élève lira de façon expressive en séance de lecture-entraînement, - Des notions de vocabulaire, grammaire, conjugaison et orthographe à développer à partir de textes courts, - Un atelier d’écriture, dans lequel les élèves auront à découvrir des textes-modèles et des exercices leur permettant de s’entraîner en vue de réaliser la meilleure production possible. Des outils d’évaluation l’aideront à améliorer son écrit. - Une lecture- plaisir exploitée en classe sera pour l’élève une source d’échange et d’enrichissement, - Récitations : des textes de poésie sont proposés dans le manuel afin de divertir l’élève mais pas seulement. D’autres séances appelées « entraînement à l’écrit » aboutissent à la production écrite liée à l’objet de la séquence. Nous proposons d’analyser un projet du manuel de 2 ème année moyenne, dans les parties qui suivent, afin de voir comment s’organise la séquence didactique, quel(s) contenu(s) elle met en place, comment s’organisent la progression et le développement des différentes séances qui forment une séquence didactique.

Aperçu général sur le genre textuel « le conte » Le conte est incontestablement l'une des inventions de l’esprit humain les plus anciennes dans l'histoire de l'humanité. Mais, cela ne fait aucunement de ce dernier un genre statique. Au contraire, au fil du temps, il est sujet de changements forts dynamiques. Non seulement, il se transforme incessamment, mais il se déplace continuellement d’une contrée à une autre. De leurs voyages, ils laissent apparaître des traces de chaque aire géographique parcourue, à travers les divers usages et significations.

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Ainsi, le conte ne cesse de susciter la convoitise et l’intérêt de diverses domaines : autant en ethnologie qu'en littérature, mais aussi dans les arts et la psychologie, le conte se présente tantôt comme instrument didactico-pédagogique, tantôt comme outil thérapeutique, tantôt encore comme pur divertissement. Les contes s'enracinent donc, dans l’imaginaire collectif travaillé par des identités multiples et des appartenances culturelles et ethniques plurielles. En fait, nous pouvons reconnaître que les contes, de par leur nature, sont conçus pour être modifiés et remaniés. A titre d’exemple, Charles Perrault, lui-même, n'a rien inventé. Il s’est seulement rendu compte de la richesse intarissable que recelaient ces récits. Aussi, s'en est-il saisi en adaptant des contes racontés à l'usage qu'il souhaitait en faire: divertir la cour à l'aide de gentilles historiettes bien tournées. De même pour les frères Grimm, dans le respect des mœurs de leur époque, ont, eux aussi, remanié les contes populaires recueillis auprès des conteurs de village en transformant, par exemple, les images issues de cultes païens qui s'y trouvaient en symboles chrétiens. Ainsi, tout au long de l'Histoire, le conte a continuellement vécu des mutations et a subi des transformations. En effet, le conte a de tous temps suivi l’homme dans sa quête interminable de sens, de mensonge et de vérité. Il nous plonge dans la fiction pour nous parler de la réalité en inscrivant le particulier dans l'universel à travers le dialogue collectif qu'offre le conte au sein d'un monde en mouvement. Certes, une multitude d'études sont faite sur le conte. Peu d'entre elles, cependant, ont cherché à mettre en évidence son importance comme genre textuel dans le cadre de l’enseignement /apprentissage du FLE. Plusieurs travaux sur le pouvoir des contes ont illustré l'apport positif indéniable de la lecture à voix haute des histoires merveilleuses sur la capacité d'apprentissage des enfants. Plusieurs études en psychologie se sont attardées à démontrer les possibilités thérapeutiques de la pratique assistée du conte avec les enfants en difficulté. Cependant, l’étude que nous proposons vise essentiellement à étudier le conte comme genre littéraire dans une perspective interculturelle. En ce sens, notre recherche s'inspire des travaux antérieurs effectués sur le conte, mais elle s'inscrit avant tout dans une démarche novatrice et interdisciplinaire ayant pour objectif de comprendre comment le conte se fonde non seulement sur un texte dont la forme ou le genre peuvent être définis, mais aussi sur l'interprétation des contes, à la lumière des apports de l’approche interculturelle, anthropologique et socio- historique.

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Sous l'apparence du loisir, le conte comme genre textuel dans la classe de 2 ème année moyenne présente toutes les caractéristiques d'un acte social de communication. Médium de transmission, le conte comme acte social de communication met les lecteurs- apprenants au cœur d'une rencontre entre sociétés et psyché. Le moment de lire un conte, son déroulement, son contenu, les personnages qu'il met en scène, mais aussi le rituel qui l'entoure sont donc tous des éléments précieux pour une étude approfondie de la signification qu'on lui confère. L'importance d'analyser les récits imaginaires qui appartiennent au genre « conte » à l'aune du lien interculturel, social et affectif qui les fonde apparaît d'autant plus cruciale, de nos jours, que ceux-ci menacent de se dissiper dans une profusion de récits pour enfant produits en séries dans le seul but de divertir. Il importe de se pencher non seulement sur ce qui est raconté, mais sur l'espace à l'intérieur duquel se déploie le conte. Nous proposons, en cela, d'élargir le cadre d'interprétation du texte au contexte, afin d'intégrer à l'analyse les paramètres interculturels et sociaux du récit. Dans le cas particulier du conte, il importe plus encore de saisir comment enseignants et apprenants intègrent les éléments symboliques proposés en tant qu'apprenants-lecteurs du récit. Les questions auxquelles nous souhaitons répondre sont donc celles-ci: Comment se déroule la pratique du conte dans les classes de 2 ème année moyenne? Comment le genre textuel « le conte » est appréhendé dans le cadre d’une approche interculturelle ? L’ambition d'étudier le conte comme objet « littéraire ", nous permet toutefois d'espérer poser un regard différent et original sur ce type de récit. Pour cette raison, nous prendrons d'abord le temps de poser notre objet de recherche comme objet théorique et pratique. À cet égard, nous passerons d'abord en revue la littérature savante sur le conte. Afin de ne pas nous perdre dans la profusion des écrits consacrés au conte, nous nous sommes restreint aux études explorant sa dimension symbolique, soit à partir de sa structure textuelle (genre littéraire) ou de son ancrage socio- culturel (cadre anthropologique). Puis, nous pencherons sur la pratique du conte au sein d’une séquence didactique. Le Conte en théorie : État des savoirs L'origine exacte des contes est difficilement identifiable. Sans doute nés avec le désir d'enseigner, de prêcher ou encore de divertir, ces récits anciens se sont forgés dans la tradition orale et forment un corpus de récits avant tout populaires. La langue qui y est employée encore aujourd'hui est truffée de répétitions, de régionalismes et de formules hérités de ces origines immémoriales. Le conte de Cendrillon, pour ne prendre que cet exemple, est répandu partout: on le retrouve chez les Finnois, chez les Russes, chez les Grecs, chez les Égyptiens et

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle encore dans une foule d'autres sociétés. Il en existerait, par ailleurs, pas moins de 345 versions connues (Roalfe Cox, 1893). Les témoignages écrits que l'on garde de la tradition orale confirment que le conte y tient une place de choix en Inde et dans les cultures orientales depuis très longtemps. En Occident, même si sa présence est attestée dès le Moyen-âge, c'est au 17 e siècle principalement, avec l'engouement des salons précieux et de la haute bourgeoisie pour les contes de fées, que ceux- ci ont pris leur envol sur la scène littéraire. À travers les Contes mis en prose par Charles Perrault et ceux relatés par quelques autres auteurs, tels que Mlle L'Héritier ou Mme Leprince de Baumont, les contes se sont vus transportés d'une popularité anonyme toute relative au faste monde du spectacle, se présentant comme une création artistique pour le divertissement. Si, auparavant, les contes ont eu une importance majeure dans les milieux populaires, la mise par écrit de ceux-ci, de concert avec l'invention de l'imprimerie, signe leur consécration. Plus tard, au 19 e siècle, une frénésie similaire s'empare des collecteurs d'un peu partout dans le monde et donne lieu à la multiplication des recueils de contes dont l'un des plus connus est celui des frères Grimm: Contes de l'enfance et du foyer. Cette ferveur pour le conte, transmise par le travail considérable des folkloristes, s'est peu à peu étendue aux théoriciens de la culture et de la littérature qui ont rapidement ressenti le besoin d'en définir le genre et d'établir des systèmes de classification permettant de l'analyser. Dans cette optique, les spécialistes se sont d'abord basés sur des comparaisons entre différents contes afin de catégoriser ceux-ci selon le thème abordé. Les contes y sont classés par types, c'est-à-dire en fonction du motif qui se dégage du récit. La classification compte aujourd'hui 2340 types qui se répartissent en quatre catégories soit: les contes d'animaux, les contes proprement dits (ce qui comprend les contes merveilleux et religieux), les contes facétieux et les contes à formule. Chaque conte -type répertorié est défini par le texte de sa version de référence et son schéma narratif, suivis d'une liste exhaustive de toutes les versions recensées ainsi que de l'inventaire de leurs motifs. Ce genre de classification fondée sur la thématique s'avère tout à fait pertinent pour mettre de l'ordre dans la profusion des récits. Définition du conte Que signifie le conte? Le Robert de 1968 définit le conte comme « récit de faits réels » et histoire comme « fiction et récits d’aventures imaginaires, destinés à distraire ». L’histoire née de l’imaginaire ou du réel n’a pas toujours la fonction d’amuser, bien sûr. Elle peut être émouvante et même choquante, gardant en elle une certaine originalité. Le conte, étant une voix anonyme, se caractérise par sa fiction avouée car il se transmet oralement. Il est le porte-

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle parole d’une identité culturelle voire interculturelle. Le Petit Robert 2008 en donne la définition suivante: 1. « Récit de faits réels. Histoire . 2. « Court récit de faits, d'aventures imaginaires, destiné à distraire ». 3. « Histoire invraisemblable et mensongère » . Cette première définition du conte offerte par le dictionnaire nous permet de constater une nette déjà évolution dans le temps. Les différentes propositions successives qu'elle comprend illustrent également à quel point le conte est enchevêtré dans des significations contradictoires (par exemple, à la fois récit de faits réels et histoire mensongère) qui dénotent sans doute les changements ou les transformations survenus au cours de l'Histoire dans le rapport qu'il entretient entre réalité et fiction. Trancher pour une seule et unique définition juste du conte s’avère impossible. Par contre, il est possible néanmoins d'établir certaines caractéristiques de base. Le conte est un récit fictif anonyme qui s'est transmis entre les générations et qui, au fil du temps, a subi diverses modifications suivant les cultures et les époques. De plus, il est reconnaissable à sa structure narrative particulière ainsi qu'aux figures et thèmes qu'il aborde et qui sont récurrents dans toutes les cultures. Sous le couvert de la fiction, il véhicule les conceptions du monde, les systèmes de représentation et les principes d'organisation sociale qui régissent la vie humaine. En outre, le conte est un récit court qui recouvre le merveilleux, la féerie, le fantastique et le mystère. Dans le conte, l’action ne se limite qu’à un seul événement qui le rend court. La narration peut avoir des traits qui ne se réalisent que soit temporellement soit selon la personnification. Les contes invraisemblables, se basent toujours sur la vraisemblance de l’histoire même si celle-ci admet les événements extraordinaires ou bizarres. Une autre caractéristique du conte est que les personnages sont peu nombreux et moins développés que dans le roman mais le plus souvent extraordinaires par rapport aux autres genres narratifs. Ecrite à la troisième personne, le conte est quasiment un récit objectif. Le conte est donc attesté par la formulette « il était une fois », très récurrente en début de récit. Cet écart avec le réel se retrouve par un éloignement social : le roi et la reine dont les enfants sont les héros, spatial : le pays lointain, mais surtout temporel. Le temps du conte ne se réfère qu’à lui-même, mais peut renvoyer à plusieurs états. Le temps mythique coïncide avec les origines, l’époque bénie où l’homme était en osmose avec la nature ; le temps indéfini correspond au conte merveilleux, dont nous parlerons par la suite ; le temps du conte peut aussi être historique, familial ou encore personnel. Le conte est intimement lié à l’oralité, que ce soit dans l’acte même de la parole, ou dans son écriture. Les héros des contes sont le plus souvent des enfants. À l’inverse du roman, ils n’ont aucune psychologie, et sont

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle superficiels, sans substance, voire simplistes. Ces différents éléments permettent, outre l’apparition de surnaturel, la subversion des lois universelles. Rappelons que les théoriciens du conte sont nombreux. Vladimir Propp 2 fait figure de référence. Dans ses études sur la composition ou la structure des contes, ce folkloriste propose d’étudier ce type de récit comme une superstructure pouvant être transcrite en une formule mathématique, composée de personnages et de leurs fonctions dans la narration. L’incipit permet de présenter la situation initiale, généralement la naissance ou la vie d’un héros au sein de sa famille (royale ou paysanne). Les fonctions, au nombre de trente et une, représentent les actions. Elles sont organisées autour de sphères correspondant aux catégories de personnages : héros, agresseur, donateur, etc . Vladimir Propp ajoute que le conte possède une fonction initiatique, c’est-à-dire que ce récit est un souvenir de rites traditionnels anciens et notamment de rites de passage à l’âge adulte dans les sociétés primitives. Claude Bremond quant à lui propose un modèle d’analyse basé sur la correspondance entre deux éléments narratifs, l’un positif, l’autre négatif. À la suite d’une dégradation survient automatiquement dans le conte une amélioration. De même, après un grand mérite suivra une récompense, ou au contraire, un châtiment après une faute. Dans tous les cas, le conte reste un récit stéréotypé comportant un incipit, une quête, un problème et une résolution dudit problème au terme de longues épreuves. Le héros est aidé par des personnages et des objets, qu’ils soient ou non magiques. La finalité est majoritairement heureuse, et la moralité a une tonalité optimiste. De nos jours, on peut ajouter qu'il est aussi un genre littéraire reconnu qui se déploie en une multitude de sous-genres (conte fantastique, philosophique, etc.) difficiles à départager. L'avènement de la démarche formaliste va véritablement mettre le conte au centre d'une réflexion théorique beaucoup plus large que celle à laquelle le destinaient les études folkloriques, faisant de lui un objet d'étude privilégié dans l'analyse des processus narratifs. Les travaux des formalistes russes, tout particulièrement ceux de Vladimir Propp (1895- 1970), viennent mettre en lumière toute la potentialité analytique des contes. L'analyse formelle approfondie des contes merveilleux russes dont Propp s'investit tire les trois conclusions suivantes: 1) les éléments constants ou permanents du conte sont les fonctions des personnages, quels que soient ces fonctions et les personnages qui les remplissent; 2) le nombre de fonctions est limité; 3) la succession des fonctions est toujours identique. Le système qu'il met en place s'établit sur la base de ces principes: il comporte 31 fonctions qui organisent deux séquences types à partir d'un manque ou d'un méfait initial. Selon Propp,

2 VLADIMIR POPP (1973), Morphologie du conte, Seuil, Paris.

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle cette organisation du récit est propre non seulement au conte merveilleux russe, mais pourrait être applicable au conte en général. Ancré sur une base immuable propice à l'analyse de tous les contes (quelle qu'en soit l'origine), le modèle de Propp développé dans la Morphologie du conte (1928) devient une référence en la matière lors de sa traduction en français en 1950. En mettant les réseaux de relations formelles au centre de l'analyse, il invente une toute nouvelle manière de penser le récit qui sera reprise par plusieurs théoriciens à sa suite. Dans le sillage des deux auteurs précédents, Algirdas Julien Greimas 3 (1966) développe le modèle actanciel. Ce modèle réduit le nombre de fonctions dégagées par Propp et se fonde essentiellement sur un schéma qui lie les trois paires d'actants fonctionnels/syntactiques (sujet/objet, destinateur/destinataire et adjuvant/opposant) qui correspondent à trois fonctions grammaticales (sujet-objet, complément d'attribution et complément circonstanciel). Le schéma actanciel est le suivant: Destinateur Objet Destinataire

Adjuvant Sujet Opposant

L'opposition au centre de tout récit est celle entre le sujet et l'objet. Elle représente ce que Greimas a nommé l'axe du désir (ou du vouloir). La dynamique narrative naît du manque ou du désir du sujet envers un objet (concret ou abstrait). Le deuxième axe, celui qui opère entre le destinateur et le destinataire est l'axe de la communication (ou du savoir). Habituellement, le sujet est chargé par le destinateur de trouver un objet qu'il devra remettre au destinataire visé. Le troisième axe est celui de la lutte (ou du pouvoir). L'adjuvant est celui qui vient aider le sujet dans la quête de l'objet alors que l'opposant est celui qui viendra lui faire obstacle. Pour Greimas, l'analyse fonctionnelle sert à décrire les contenus des actants (sphère d'action) et permet en cela de construire le modèle actanciel. Cependant, l'inventaire des fonctions de Propp est beaucoup trop vaste pour remplir cette tâche. Partant également du schème d'organisation établi par Propp, Claude Brémond 4 en déduit quant à lui une véritable Logique du récit. Sa structure s'articule autour de trois grandes parties qui se déploient par la suite en plusieurs: une situation initiale, un développement (ou nœud ) et une situation finale. Comme chez Propp et Greimas, c'est l'intrigue qui constitue l'objet de l'analyse. Dans la « logique du récit» qu'il tente de saisir, les rôles que tiennent les

3 GREIMAS Algirdas Julien (1966), Sémantique structurale, Larousse, Paris. 4 BREMOND Claude(1973), Logique du récit, Seuil, Paris.

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle personnages ont une place prépondérante dans l'organisation du processus narratif. De plus, l'alternative ou le choix prend une importance fondamentale dans le cours de la narration, ce qui n'apparaît pas dans les travaux de Propp : « Chacune des phases [du récit] peut elle-même se développer à l'infini. Mais dans le cours de son développement, il sera amené à se spécifier, par une suite de choix alternatifs, en une hiérarchie de séquences enclavées, toujours les mêmes, qui déterminent exhaustivement le champ du « narrable ". 5» La structure du conte n'est plus simplement une suite d'actions, comme c'est le cas des fonctions chez Propp, mais plutôt une structure de rôles en action. C. Brémond s'appuie sur l'inventaire des potentialités humaines pour organiser l'univers de rôles par lequel il réalise le « codage» du récit.

Donc, l’analyse structurale nous permet de voir comment s’articulent les différentes composantes des contes de chaque corpus, et nous montre les choix du narrateur et du conteur vis-à-vis de certains procèdes de constructions. Dans cette perspective, nous retrouvons notamment les travaux de Claude Bremond 6 et la mécanique du conte, le modèle actantiel d’Algirdas Julien Greimas 7, le schéma narratif de Paul Larivaille 8. Ces derniers se sont préoccupés également du problème de ressemblance des contes, et ont essayé de résoudre le mystère de leur origine, en étudiant en parallèle les significations possibles de leur système symbolique. Dans son essai intitulé Le conte populaire: poétique et mythologie, Joseph Courtès 9 questionne pour sa part la pertinence de dresser une grammaire générale du récit pour l'étude des contes. Selon lui, les analyses antérieures des théoriciens, bien qu'éclairantes du point de vue syntagmatique, ne touchent pas à l'essentiel, c'est-à-dire qu'elles ne parviennent pas à comprendre le message des contes. En effet, Courtès s'éloigne donc d'une analyse purement structurelle. Il tente plutôt de saisir la matière du conte: ce dont il est fait. Il tend vers une compréhension des facteurs culturels qui entrent en jeu dans la signification. Il met l'emphase sur les rapprochements entre les rites, les croyances culturelles des peuples et les contes.

5 BREMOND Claude op-cit., p.82. 6BREMOND Claude , « Le Meccano du conte », Magazine Littéraire, n° 15, juil.-août 1979, p. 16.

7 GREIMAS Algirdas, Julien (1986), « Sémantique structurale », Paris, Presses universitaires de France première édition 1966. 8LARIVAILLE Paul (1974), « L’analyse (morpho) logique du récit », In : Poétique n° 17, Paris, Seuil. 9 COURTES Joseph (1986), Le conte populaire: poétique et mythologie, PUF, Paris.

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L'approche de Courtès scrute plus en profondeur le contenu (les figures, par exemple: l'ogre, la marâtre, etc.). Il cherche à découvrir ce qui se cache derrière celles-ci et à mettre de l'avant la pluralité des sens implicites, subjectifs ou culturels qui peuvent leur être attribués. Toutes les définitions proposées, posent le conte comme un récit particulier qui se caractérise par sa structure narrative et son contenu figuratif. Dans le conte, structure et contenu s'articulent l'un à l'autre pour faire un récit original qui demeure reconnaissable entre tous. En outre, son universalité et les origines mythiques qu'on lui prête en font un trésor de la pensée symbolique humaine.

Vers un nouvel horizon de réflexion sur la généricité textuelle Tout d’abord, notons que la notion de genre joue un rôle crucial, en ce qu’elle organise et stratifie la lecture, sans pour autant envisager un quelconque «rangement» du texte. Le genre d’un texte est l’aboutissement d’une réciproque influence entre d’un côté, les qualités intrinsèques d’un genre fixés par l’auteur –un fonds commun de contraintes formelles, thèmes, modes, motifs..., ainsi que les fonctions qui leur sont attribuées -et le processus de reconnaissance de ces attributs, auquel se livre le lecteur. Autrement dit, lorsque nous parlons d’un genre aujourd’hui, nous procédons à un rapprochement entre différents textes, qui est à moduler en fonction de plusieurs facteurs, relevant à la fois de leur production (les pratiques d’écriture et les fonctions qui leur sont attribuées) et de leur réception (circulation, lecture, réinterprétation, classement). À cela s’ajoute la célèbre «hypothèse» formulée par Jacques Derrida, et qui porte sur les rapports qu’un texte entretient avec son genre (ou ses genres): « [...] un texte ne saurait appartenir à aucun genre. Tout texte participe d’un ou de plusieurs genres, il n’y a pas de texte sans genre, il y a toujours du genre et des genres mais cette participation n’est jamais une appartenance. Et cela non pas à cause d’un débordement de richesse ou de productivité libre, anarchique ou inclassable, mais à cause du trait de participation lui- même, de l’effet de code et de la marque générique » . Derrida se fonde sur deux postulats complémentaires: d’une part, tout texte relève d’un ou de plusieurs genres (« il n’y a pas de texte sans genre, il y a toujours du genre et des genres»), d’autre part, texte et genre sont rattachés par des liens « de participation sans appartenance», où un texte n’est jamais complètement enfermé dans la catégorie désignée par le genre (voire les genres) dont il relève.

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Bref, insondables sont les voies que peut prendre un texte, dans le dialogue qu’il instaure avec les conventions génériques, et nombreuses peuvent être les conséquences de ce dialogue, y compris sur le plan de la réception de ce texte. A présent, nous aborderons de façon très brève les notions les plus importantes qui ont guidé notre démarche: à la base, c’est la théorie des genres textuels de Bronckart 10 (1996) et Dolz et Schneuwly 11 (1996). Les textes sont des produits de l’activité humaine, donc ils sont articulés aux besoins, aux intérêts et aux conditions de fonctionnement des formations sociales au sein desquelles ils sont produits. En sachant que les contextes sociaux sont divers, hétérogènes et évolutifs, au cours de l’histoire, différentes « façons de faire » les textes sont élaborés, autrement dit, différentes sortes de textes . Selon Bronckart, l’émergence de différentes sortes de texte peut être liée à l’apparition de motivations sociales nouvelles, celles de l’émergence des articles scientifiques au cours du XIX siècle ou encore à l’apparition de nouveaux supports de communication. Ce faisant, cette diversité de sorte de texte s’est manifesté, de l’antiquité grecque à nos jours, par un ensemble de multiples propositions de classement qui se traduit par genre de texte. D’après Bronckart, la notion de texte peut s’appliquer à « toute production verbale située 12 » qu’elle soit orale ou écrite. Selon lui, chaque texte est en relation d’interdépendance avec les propriétés du contexte dans lequel il est produit; chaque texte exhibe un mode déterminé d’organisation de son contenu référentiel; chaque texte est composé de phrases articulées les unes aux autres selon des règles compositionnelles plus ou moins strictes; chaque texte enfin met en œuvre des mécanismes de textualisation et de prise en charge énonciative destinés à lui assurer sa cohérence interne. Dans cette perspective, les genres constituent un point de référence concret pour les apprenants, car ils peuvent être considérés comme des entités intermédiaires permettant de stabiliser les éléments formels et rituels de pratiques. De cette façon, travailler sur les genres «dote les élèves de moyens d’analyse des conditions sociales effectives de production et de réception des textes ». (Dolz et Schneuwly 13 )

10 Bronckart , J.P., 1996, Activité langagière, textes et discours , Delachaux & Niestlé. 11 DOLZ J. & S CHNEUWLY , B. (1996) : « Genres et progression en expression écrite : éléments de réflexion à propos d’une expérience romande », Enjeux, 37/38, 49-75. 12 Bronckart , J.P., 1996, Activité langagière, textes et discours , Delachaux & Niestlé, p.73. 13 DOLZ Joaquim & SCHNEUWLY, Bernard (1998). Pour un enseignement de l’oral ; Initiation aux genres formels à l’école . Paris : ESF éditeur

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Pour ces auteurs, le genre fournit un cadre d’analyse des contenus, de l’organisation de l’ensemble du texte et des séquences qui le composent, ainsi que des unités linguistiques et des caractéristiques liées à la textualité. Comme on le note, le travail sur le genre constitue plusieurs atouts. Parmi les formes ou activités multiples d’écrit (article, reportage, résumé, contes...) l’idée de travailler avec des contes traditionnels a germé à partir des considérations suivantes : -ces genres de textes permettent l’intégration contextualisée d’activités liées aux quatre grandes compétences, à savoir : la compréhension orale et écrite, la production orale et écrite ainsi que l’analyse linguistique; -en outre, il s’agit d’un genre qui contribue à la motivation, à l’implication et à la décrispation des apprenants au-delà d’éveiller leurs compétences métalinguistiques et interculturelles. Dans cette perspective, travailler avec les contes permet de développer chez les apprenants la culture littéraire en se constituant un répertoire de référence. Pour Dolz et Schneuwly, ce genre «implique des capacités associées à la création d’un univers de fiction vraisemblable ». Quant à Gruca I., elle va plus loin en disant que le conte pourrait concilier théories et pratiques de classes, une fois «qu’il s’inscrit dans le vaste réseau de l’interculturalité, considéré comme le fondement d’un patrimoine commun à toutes les cultures, le conte s’inscrit également dans le vaste réseau de l’intertextualité». Toujours, selon cette auteure, un conte est d’abord un récit: c’est donc une représentation d’actions et mouvements qui s’inscrivent dans une temporalité. Le schéma suivant, proposé par Gruca (2004) montre les cinq étapes du conte : 1) Phase initiale; 2) élément(s) perturbateur (s) ou transformateur qui compliquent la situation initiale; 3) déséquilibre ou processus de transformation; 4) élément de résolution avec l’intervention de forces en sens inverse; 5) état final qui met en valeur un nouvel équilibre. Nous sommes d’accord avec Gruca quand elle dit que faire trouver ce schéma par les apprenants, « c’est leur faire lire et relire le conte, c’est les faire entrer dans le cœur de l’histoire et les sensibiliser au noyau dur que constitue le conte ». Bien entendu, les théoriciens s’accordent, en disant que tout conte est d’abord un récit. De cette façon, proposer des activités basées sur ces genres, c’est procurer aux apprenants le plaisir du texte au sens complet, car le conte est « une unité textuelle à lui seul (un début, un développement, une fin, qui rompt avec la tradition des morceaux textes ».

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2. Le conte et son utilisation en classe de français au moyen L’approche par les genres textuels permet d’anticiper les structures de la langue à travailler en classe de façon prioritaire. Lorsque l’enseignant récite à haute voix un conte de fées à sa classe ou en propose un cercle de lecture ou un travail individuel à partir des contes, les apprenants apprennent à construire des attentes précises sur l’intrigue, sur la fiction, sur les êtres surnaturels doués de pouvoirs qui interviennent et incarnent les personnages et sur les objets magiques qui confèrent au conte un caractère merveilleux. Même si le conte comporte des énoncés ayant des référents proches du quotidien des élèves, ils savent qu’ils sont projetés dans un univers de fiction. Le conte, par ailleurs, a de nombreux marqueurs linguistiques qui aident à le repérer en tant que genre. Commencer par la locution « Il était une fois » suffit à propulser l’apprenant dans l’horizon d’attente du conte merveilleux. Qu’il s’agisse d’un conte de fées moderne qui parodie la féérie ou d’un conte issu du folklore oral recueilli par les grands auteurs comme Perrault, Grimm, Aymé ou d’autres, travailler les contes avec les apprenants éveille ces représentations communes. Les marqueurs syntaxiques et un certain nombre de traits sémantiques considérés comme constituants du genre peuvent être élémentarisés et travaillés avec les élèves. C’est le cas de toutes les unités linguistiques qui participent de la cohésion du genre (les temps des verbes qui opposent le récit conversationnel à la narration ; les organisateurs textuels ; les formules d’ouverture et de clôture, etc.). Au niveau de la réception, la configuration d’unités linguistiques permet la reconnaissance du genre, et les enchainements co-‐textuels donnent à voir l’organisation formelle et sémantique régissant la compréhension du texte. Au niveau de la production, elles fournissent des conventions formelles régulatrices de l’intelligibilité du texte produit. Il va sans dire que tout texte est singulier, il est l’œuvre d’un individu ou d’un collectif à un moment donné. Or, cet acte de rédaction aboutit à la construction de sens dans une époque, dans une culture et dans une langue et selon une visée particulière. Le conte dans le manuel de 2 ème AM : Contenus des quatre séquences du premier projet Afin de répondre à notre question de recherche, nous utilisons les contenus du Projet1 « raconter à travers le conte », du manuel de 2 ème année moyenne. Ce projet est réparti en quatre séquences, chacune est consacrée à une étape particulière du conte. Pour récolter les informations contenues dans ces documents, la méthodologie utilisée est celle de l'analyse

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle descriptive. En effet, les quatre séquences du Projet 1 permettent d'obtenir des informations sur le contenu d’une séquence didactique à partir du manuel en question. Il s’agit d’un document officiel auquel recourt l’enseignant concerné dans le but de connaître le déroulement de l’enseignement. Pour notre recherche, nous avons décidé d'analyser les séquences du projet 1 « raconter à travers le conte » afin de dégager la façon dont est menée une séquence didactique dans l’enseignement du français au collège (2 ème AM). Notre but est d’analyser dans le détail la construction de ces séquences et de les comparer aux principes de ce dispositif tel que théorisé par Dolz et Schneuwly qui définissent la séquence comme un ensemble « de modules d’enseignement organisés conjointement afin d’améliorer une pratique langagière déterminée » Présentation du projet 1 « raconter à travers le conte » Le manuel de 2 ème AM s’inscrit dans le nouveau programme conformément aux apprentissages articulés selon la pédagogie du projet. Il regroupe trois projets qui se subdivisent chacun en séquences sauf que notre propos concernera le projet 1 seulement. Le Projet 1 du manuel de 2 ème année moyenne est intitulé « raconter à travers le conte ». Il est articulé autour de quatre séquences que l’enseignant se doit d’accomplir tout au long du Projet. Ces séquences sont organisées comme suit : Séquence1 : Je découvre la situation initiale du conte Séquence 2 : Je découvre la suite des événements Séquence 3 : Je découvre le portrait du personnage dans un conte Séquence 4 : Je découvre la fin du conte Ainsi, chaque séquence est répartie, à son tour, en plusieurs rubriques : « J’observe », « J’analyse », « Je retiens », « Je m’entraîne ». Selon l’avant-propos du manuel, chaque séquence didactique comporte : -Une situation d’oral avec un texte à écouter. -Une situation d’écrit, avec un seul texte à analyser en séance de compréhension de l’écrit (lecture silencieuse) et à lire de façon expressive en séance de lecture entraînement. -Des notions de vocabulaire, grammaire, conjugaison et orthographe à développer à partir de textes courts. -Un atelier d’écriture, dans lesquels les apprenants, aurez à découvrir des textes-modèles et des exercices leur permettant de les entraîner en vue de réaliser la meilleure production

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle possible. Des outils d’évaluation ont mis à leur disposition (aide-mémoire) pour améliorer leur écrit -Une lecture plaisir exploitée en classe sera pour l’apprenant une source d’échange et d’enrichissement. Le projet 1 regroupe un ensemble de contes qui nous viennent d’horizons et de cultures variés (comme l’illustre bien le tableau ci-après) : Conte Auteur Nationalité Aladin et la lampe merveilleuse Les contes de Mille et une nuits Arabo-musulman (Orient) (I, II et III) La Boule de Cristal D’après Grimm Européen (allemand) L’homme- Serpent Conte berbère Maghrébin (berbère) Conte de l’eau volée Conte hawaïen Archipel du pacifique La Vache des orphelins D’après M.Taous Amrouche Maghrébin (berbère) L’arbre entêté Conte Chinois Asiatique (Chine) Le Cheval du roi Conte africain Africain Le pot fêlé Conte Chinois Asiatique (Chine)

L’enseignement du français vise l’acquisition des quatre compétences : compréhension (orale et écrite), production (orale et écrite). De ce fait, l’organisation des quatre séquences concrétise une vraie focalisation sur les différentes phases du conte. Chaque séquence débute par une séance de « compréhension orale » en utilisant deux sortes de supports : soit un texte à faire écouter, ou bien des images à observer et à commenter, « j’observe et j’analyse des images ». Puis, c’est l’étape de la « compréhension de l’écrit », où il est question le lecture/compréhension d’un texte (le conte). Ensuite, le même texte de la compréhension de écrit, sera réutilisé dans une séance de « lecture –entrainement », la suite des séances formera une série de points de langue : « vocabulaire », « grammaire », « conjugaison », « orthographe ». Au cours des séances traitant ces différents points de langue, l’enseignant va recourir à des extraits courts (extraits de contes), selon la gradation : « j’observe », « j’analyse », « je retiens », « je m’entraîne ». En dernière étape, l’apprenant est soumis à des activités visant la production écrite, il s’agit de la séance dite « Atelier d’écriture », l’apprenant sera amener à produire par écrit. Et pour boucler la séquence, une séance de « lecture plaisir » est incluse afin de familiariser l’apprenant avec l’activité de lecture.

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Notons que ce schéma est reproduit pratiquement au niveau de toutes les séquences des autres projets du manuel de 2 ème AM. Compétence globale A l’issue de la 2 ème année moyenne, la compétence globale est «raconter à travers différents récits de fiction» Compétences terminales La compétence globale se décline en 3 compétences terminales : - compétence 1: raconter à travers un conte (trimestre 1) -compétence 2 : raconter à travers la fable (trimestre 2) -compétence 3 : raconter à travers la légende (trimestre 3) Chaque séquence correspond à un niveau de compétence. Le genre constitue une catégorie textuelle scolaire structurée, et il forme un objet disciplinaire instable et polysémique. Pour essayer de mieux en cerner les usages et les limites, nous allons maintenant le définir par rapport à d’autres catégories de classification des textes retenus par l’école (par types, par siècles, par courants littéraires, etc.), pour comprendre avec quoi les genres sont en concurrence ou avec quoi ils coexistent (les typologies par exemple, ou les groupements de textes). Il s’agit tout d’abord d'essayer de comprendre comment fonctionnent ces autres systèmes de classification. Quels objectifs se donnent-ils, et atteignent-ils ?

Choix des contenus : lignes de force ou éléments de contraste Après avoir parcouru, en détail, le contenu de chaque séquence, il s’avère utile de rendre compte des lignes de force qui émanent de l’organisation des savoirs, dans le projet 1 du manuel de 2 ème AM, combinés autour du genre textuel « le conte ». Les quatre séquences du projet 1 ont consacré les séances nécessaires pour la maîtrise de la « structure du conte », comme l’illustre bien les propos de J. Dolz &M. Abouzaïd, (2015), pour qui, le conte, par ailleurs, a de nombreux marqueurs linguistiques qui aident à le repérer en tant que genre. Commencer par la formule d’ouverture « il était une fois » suffit à propulser l’élève dans l’horizon d’attente du conte merveilleux. -Des formules d’ouvertures (introduction de l’histoire) (p.12), à titre d’exemples, Il était une fois…Il y a très longtemps…Jadis….Autrefois….Il y a bien longtemps…..Dans un pays lointain….. -Le portrait et la présentation du Héros et des autres personnages (p.39) « Que fait-il, comment est-il, ce qu’il aime…… »

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- L’élément perturbateur : généralement un « méchant » qui vient perturber l’équilibre initial, le héros se trouve alors confronté à un problème qu’il doit résoudre. Le héros sera présenté avant de faire apparaître la perturbation. Le vocabulaire du merveilleux : des personnages qui ont des qualités et des pouvoirs surnaturels : des fées, des sorciers, des ogres, des nains, des géants, des princes et des princesses, des personnages qui se transforment…, (p.25) Les formules de clôture qui annoncent la résolution du problème (p.50), il s’agit du « Dénouement » forcément heureux. La lecture de fin de contes peut permettre de généraliser le happy end, et de donner des idées aux élèves. A titre d’exemples : « Depuis ce jour, A dater de ce jour, Â Compter de ce moment » (p.50) Par un combat, un arrangement qui conduit à restaurer un nouvel équilibre. Retenons aussi, les mots qui structurent le conte (p.24), ( ex. un soir, tout à coup, soudain, un bau matin…), ainsi que les temps du passé : l’imparfait et le passé simple et leurs valeurs, (p.15), (p.26), (p.28) Il est intéressant de relever, en outre, comme point positif, l’insertion des extraits de contes de cultures et de nationalités variées même dans les séances qui touchent les points de langue ainsi que les ateliers d’écriture. 3. L’articulation de la séquence didactique sur le conte dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle Le travail d’un genre s’organise sous la forme d’une séquence constituée de plusieurs étapes. Nous présentons les étapes proposées pour le genre textuel «raconter à travers le conte », le genre qui sera au cœur de notre recherche. Notons que la démarche par séquences cherche à amener les élèves à apprendre à communiquer, à maîtriser le fonctionnement de la langue et à réfléchir sur celle-ci. Elle favorise également la construction de références culturelles répondant en cela aux finalités fixées pour l’enseignement du français. Dans ces conditions, les séquences proposées doivent donc permettre aux enseignants de développer les capacités de leurs élèves en production écrite et orale et de les amener à atteindre les objectifs fixés. Nous pouvons nous interroger sur la manière dont le manuel de 2 ème AM présente-il cette démarche. Il est intéressant d’observer l’usage qu’il fait du travail en séquences et de ses nouveaux outils dans l’enseignement proposé. Notre travail s’inscrit dans cette optique. Pour mener à bien notre étude, nous exploitons le projet1 « raconter à travers le conte » du manuel

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de 2 ème année moyenne, articulé autour de quatre séquences. Nous nous intéressons à la manière dont le manuel organise une séquence didactique et voir à quel degré celle-ci est en conformité ou en écart de la séquence proposée dans l’ouvrage S'exprimer en français : séquences didactiques pour l'oral et l'écrit (Dolz et al. , 2001). Nous cherchons à voir comment la structure et les activités proposées par le manuel officiel sont mises en place par les enseignants. De plus, nous nous questionnons sur le dispositif d’enseignement mis en place par les enseignants lorsqu’ils travaillent les séquences du projet « raconter à travers le conte». Le conte pour dire une réalité socioculturelle Si la narratologie a défini le conte par rapport sa structure, l'anthropologie le définit par rapport à sa dimension socio culturelle et interculturelle. Qu’il s’agit d’une ville ou d’un village, les traditions sont vécues quotidiennement. Les notions de culture et de civilisation loin d’être simples désignent un champ complexe qui comprend les connaissances, les mœurs, les croyances, la morale, les lois, et toute habitude acquise par l’homme au sein d’une société. Tout cela se rattache à un mode de transmission appelé tradition. Ainsi, le conte est défini comme une tradition orale qui se perpétue à travers le temps, étant un patrimoine culturel, il est aussi un patrimoine linguistique dont l’enjeu est important. En conséquence, la lecture des contes et des récits (fables, légendes, mythes…) nous conduit à : « Une véritable sémantique du conte merveilleux qui s’appuyant au départ sur notre connaissance de l’organisation syntaxique du récit pourra éclairer et justifier, de son point de vue, la richesse et la densité de nos traditions populaires »14 . De cette façon, notre étude s’éloigne de l’analyse structurelle du conte (le contenant), et tente d’approcher ce dernier en analysant sa matière (le contenu), ce dont il est fait, tout en insistant sur la compréhension de certains facteurs culturels et interculturels qui participent à la signification. Donc, le conte avant d’être un texte, il est d’abord une suite de mots prononcés et entendues, c’est pourquoi, le lecteur doit considérer ces récits non pas comme des textes mais comme des supports relatifs à un temps vécu. Dans ce même ordre d’idées, nous tenons compte du rapprochement entres les contes et les pratiques rituels, les habitudes et les croyances culturelles des peuples. Autrement dit, nous nous intéressons au récit en action et en situation, ce qui nous amène vers le contexte de réception et de la lecture qui place le récit dans une situation de communication où le narrateur/conteur et le rôle du contexte social sont des facteurs inhérents au sens.

14 Joseph, Courtes, « Le conte populaire : poétique et mythologie », Pari, PUF, 1986, p.10.

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En ce sens, la lecture dynamique que nous appliquons aux contes est une opération de décodage variable d’un sujet à l’autre . En ce qui concerne l'interprétation, U. Eco distingue deux types de visée pour une lecture : d'abord l'interprétation sémantique qui renvoie aux outils par lesquels le lecteur donne un sens à ce qu'il lit. Ensuite, l'interprétation critique qui analyse, restructure le texte, établit des connexions et des hypothèses vérifiables par le retour au texte, en insistant sur le « Comment » et le « Pourquoi ». Comment : 1- Le conte est utilisé dans le cadre d'une communication aux multiples paramètres 2- Le conte est un mensonge qui dit la vérité, son interprétation est plurielle. 3- L’interprétation plurielle découle du socioculturel. 4- La diversité et le dynamisme du conte reposent sur une typologie riche. Pourquoi : 1- Les fonctions du conte tendent d’emblée vers l’opposition : - sociale - politique - économique, culturelle et interculturelle. 2- Détachement des passions, du fanatisme : l’imaginaire transcende, le merveilleux apaise. 3- Relativité, doute, « esprit » critique. En conséquence, la lecture dynamique des contes est basée sur un savoir et un ensemble d’informations, aussi sur des motivations d'ordre psychologique acquises par le lecteur. En outre, l'opération de lecture/décodage se réalise à un moment précis de la vie, ce qui nous amène à déduire que chaque lecture est potentiellement perfectible dans le temps. Donc, chaque réception est appelée à s'enrichir au fur et à mesure que les connaissances du lecteur sont développées. Effectivement, notre lecture se fera en étroite relation avec le texte et en établissant tous les liens utiles avec d’autres textes et le contexte en général. N’oublions pas que le conte en tant qu’une matière textuelle est un discours qui permet à un groupe de s’identifier et de s’affirmer. La tradition est transmise par nos ancêtres sous la forme orale, elle nous fait passer, les valeurs, les règles, les normes qui régissent la vie des individus et contrôlent leurs comportements et leurs attitudes au sein d’une société. Dans cette optique, nous avons opté pour l’étude de quelques traits culturels s’inscrivant dans une société où l’éducation traditionnelle joue un rôle important dans la perpétuité des valeurs et des pratiques sociales.

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Le conte comme lieu de rencontre interculturelle dans l’enseignement/ apprentissage du FLE au moyen Les contenus des contes ont un impact important dans le développement social et culturel du collégien. Univers inépuisable, ils peuvent servir d’illustrations à différents apprentissages. Ce genre présente l’avantage d’être hors temps et sans frontières. Ainsi, on trouvera des contes français comme ceux de C. Perrault (exemple : Le petit chaperon rouge). En Allemagne, ce sont bien sûr les frères Grimm, qui ont marqué leur époque (exemple : Cendrillon ). Au Danemark, les spécialistes s’accordent pour affirmer que Hans Christian Andersen est le premier auteur de contes modernes destinés à l’enfance (en 1835 il publie un recueil largement inspiré de la tradition orale intitulé : Contes pour enfants, on peut citer aussi La petite fille aux allumettes ). On y trouve aussi des contes kabyles comme ceux de T. Amrouche (exemple : la vache des orphelins ). Ou encore, des contes arabes comme (Les mille et une nuits) avec leur originalité et sous diverses catégories. Soulignons enfin des contes africains. Cette richesse et cette diversité permettent d’ouvrir les élèves sur le monde et sur d’autres cultures, élément important au sein d’une école interculturelle. Au fil du temps les versions d’un même conte se sont multipliées. On peut trouver des parodies et des pastiches de contes dits « traditionnels ». Ces versions peuvent être comparées entre elles (exemple des différentes versions du Petit chaperon rouge de Perrault et Grimm. Un tas de contes à cachets culturels variés : arabe, berbère, français, japonais, russe, africain, haïtien ont été proposés aux apprenants-lecteurs. Cette diversité de la palette de l’origine du support nous offre la possibilité d’expliciter les stratégies de compréhension à la lumière de la dimension culturelle et interculturelle des textes à traiter. La catégorisation des contes en fonction de la localisation géographique, des dimensions culturelle, sociale et religieuse a été introduite, dès les années soixante par Vladimir Propp. Les apprenants- lecteurs sont appelés à lire les contes et à identifier dans des textes comportant les personnages, les lieux, les évènements et la morale de l’histoire. Le choix de ces quatre paramètres n’est pas aléatoire. En effet, le personnage est un objet sémiotique et une unité de signification. (Il est à cet effet, à la fois le produit « d’un effet de contexte et d’une activité de mémorisation et de reconstruction opérée par le lecteur 15 ».

15 HAMON, P. (1977). “Texte littéraire et métalangage”. Poétique , 31, p. 126.

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Les travaux de Vladimir Propp nous permettent d’avancer que les personnages sont les attributs d’une culture et sont donc riches de renseignements. Dans le conte arabe proposé aux apprenants de 2 ème année moyenne, le personnage d’Aladin, de par ses attributs dans la société arabo-musulmane médiévale, nous renseigne sur la réalité de cette société (la hiérarchie sociale, l’habitat, le code vestimentaire, le ruban entouré de pierres précieuses telles que l’émeraude et le saphir, l’unité de monnaie le roupie…etc.). Le conte africain ( Le cheval du roi ), l’apprenant lecteur est invité à identifier des prénoms à consonance africaine (peuple de Madoungou-Boutchou et vouzou), en outre, il nous apprend que la société africaine à vocation agricole, pratiquer l’élevage de chevaux. Au-delà, de l’aspect agricole et économique, il y a attachement et amour voué pour cet animal sacré (le cheval). De par son utilité vitale, dans la guerre, l’activité agricole et le transport des personnes et la marchandise. Et la morale retenue est » celui qui ne prend pas de risques dans la vie n’avancera jamais. En restant toujours au niveau toponymique, le conte des frères Grimm ( La boule de cristal), il est fait référence aux lieux suivant : (la forêt), elle symbolise la perte des repères, le danger de l’inconnu, la déperdition, (le château au sommet d’une montagne), ça renvoie à l’ascension vers l’objet du désir de l’homme (le trésor, la princesse à la beauté exceptionnelle). En quittant l’Afrique pour les îles du pacifique (Hawaii), le manuel de 2 ème AM propose aux apprenants-lecteur un conte hawaïen ( L’eau volée) . Puisque, les choses se passent sur une île, l’apprenant est convié pour la découverte d’un relief géographique particulier, une petite aire entourée d’eau. En effet, la mer occupe la quasi-totalité de la superficie ce qui rend l’eau douce une chose rarissime. Ainsi, l’eau douce devient l’objet de la quête du personnage principal. Il y va de la vie de l’homme sur ce territoire. A présent, le conte chinois ( Le pot fêlé), un ensemble d’informations nous est donnés sur l’une tâche quotidienne de la femme chinoise qui consiste à chercher de l’eau à l’aide d’un instrument typiquement asiatique. Il s’agit d’un instrument formé par deux pots suspendu chacun au bout d’une perche appuyée derrière son cou. Concernant les lieux, ils renvoient à la vie quotidienne des sociétés. Cette localisation géographique des lieux est due à un souci de peindre le texte d’un teint réel : « les lieux participent alors, avec d’autres procédés à la construction de l’effet de réel, on croit à l’existence de cet univers, on le voit 16 ».

16 REUTER, Y. (1996). “Eléments de réflexion sur la place et les fonctions de la littérature dans la didactique du français à l’école primaire”. Repères : Lecture et écriture littéraires à l’école, 13, p.35.

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Les évènements sont des indices, des nœuds d’informations et de rapports logiques construits par l’apprenant sur la base des péripéties du conte. Enfin, puisque communiquer, ce n’est pas tant transmettre une information que faire aboutir une intention , nous prenons en considération la morale du conte qui relève de l’implicite et donc de l’activation d’inférences élaboratives, éclairant les aspirations profondes du conte.

Nous avons vu qu’à travers le conte, on apprend à y vivre ensemble. Ce genre textuel est destiné aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Il se veut un moyen d’instruction, d’ouverture d’esprit et de construction de la personnalité de l’apprenant-lecteur. Le conte constitue un dépositaire du génie, de l’imaginaire et de la mémoire collective. A cet effet, son intégration dans les manuels scolaires s’avère impérative. En effet, la refonte des programmes officiels algériens en l’y introduisant comme un réservoir de la sagesse en vue d’offrir aux jeunes apprenants algériens des histoires venant d’horizons culturels divers. En étudiant les quatre manuels scolaires du cycle moyen, particulièrement celui de la 2 ème AM vu qu’il est l’unique des quatre qui contient des contes objet de notre analyse. Dans ces derniers, nous y recensons les contes en tant que vecteurs de transmission des valeurs, d’une familiarisation avec l’univers axiologique de l’imaginaire et du symbolique. Dans le manuel de la 2 ème AM et dans le cadre de la refonte des programmes officiels, les concepteurs des manuels scolaires introduisent l’étude du texte narratif dans le programme de langue française destiné aux apprenants de onze ans. Trois genres y sont proposés dont le conte est en première position. D’emblée, les apprenants visés pourront dans le premier projet renouer avec ce genre narratif déjà abordé tout au long du cycle primaire. Le projet en question est intitulé Nous rédigeons un recueil de contes qui sera lu aux camarades d’un autre collège. Il se compose de quatre séquences prenant en considération le découpage séquentiel du conte : La situation initiale La suite des événements Le portrait des personnages La situation finale Huit contes figurent dans ce projet en se disposant ainsi : Les frères Grimm : La boule de cristal , p. 9 Conte africain : Le cheval du roi, p. 19 Conte hawaïen : Conte de l’eau volée, p. 22 Conte berbère : L’homme serpent , p. 25

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Conte chinois : Le pot fêlé , p. 33 Taous Amrouche (conte kabyle) : La vache des orphelins, p. 37 Conte chinois : L’arbre entêté, p. 48 Les mille et une nuits, Aladin et la lampe merveilleuse, pp.139-140 Des enjeux didactico-pédagogiques du conte vers les enjeux socioculturels Enjeux scolaires Le conte se pratique en milieu scolaire en fonction des programmes et des compétences à développer pour la maitrise de la langue étrangère. Il est tout d’abord lu, raconté et entendu en classe, de ces faits un grand enjeu se dégage celui de l’appropriation d’un patrimoine culturel (Culture cultivée). En effet, l’introduction des contes issus d’horizons divers dans les manuels scolaires favorise le partage et le contact en plus de l’apprentissage. Apprendre à raconter, c’est apprendre à écouter, à lire, à comprendre, à interpréter à transmettre et à partager un patrimoine culturel pour s’insérer. La pratique du conte oral en classe alimente l’imaginaire et permet la manipulation du langage. Pour raconter une histoire l’apprenant a besoin d’un langage pour évoquer des évènements en leur absence. En parcourant les contes présents dans le manuel, l’élève aurait la possibilité d’explorer des mondes imaginaires différents les uns des autres par les représentations du langage et par la culture véhiculée. En ce sens, le répertoire de traditions orales et au centre de l’enseignement/apprentissage de la langue, l’enseignant qui joue au même temps le rôle de conteur raconte et dialogue avec son public. Les contes devraient être connus et reformules par les apprenants, c’est pourquoi l’atelier conte est nécessaire dans une classe de langue. C’est un espace de travail qui favorise le croisement de plusieurs formes d’apprentissage, apprendre à lire, à s’exprimer, à analyser, à écouter, à raconter, à mémoriser…Quel que soit le niveau scolaire, l’atelier conte met en œuvre une approche éducative ayant pour visée, la reconnaissance de soi et de l’autre, le partage et la création. Pourquoi travailler le conte en atelier de lecture ? Le conte ouvre une porte sur le monde et offre une des clés de compréhension de la société à l'heure du multiculturalisme. Comme c’est un objet social, il parle à l’enfant et à l’adulte. Travailler le conte en groupe, facilite la communication et la verbalisation, en conduisant les élèves à lire, à redire ce qu’ils viennent d’entendre avec leurs propres mots, à résumer les parties importantes de l’histoire et à les mémoriser, l’enseignant les conduit à mieux

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle comprendre les textes. Par ailleurs, la dimension sociale de cet enseignement permet de développer des compétences transversales et extralinguistiques liées à l’échange et à la communication concernant tous les membres du groupe en atelier de lecture. En effet, ce dernier se révèle un lieu de transmission culturelle et de traditions dans lesquelles, conteurs et participants, seraient susceptibles de se reconnaitre. Ces ateliers de lecture des contes sont adaptés en fonction des objectifs pédagogiques, ils s'adressent à des élèves en classe de FLE, soit pour développer les compétences orales, soit les compétences écrites et même culturelles. En effet, le travail en atelier de lecture, différent des pratiques de classe ordinaires constitue un espace libre de connaissance et de découverte jouant un rôle important dans la motivation des apprenants donc dans l’enseignement/apprentissage de la langue. Avec les contes du manuel scolaire, lus et entendus en groupe, les élèves auraient la possibilité par les travaux issus de l’atelier conte d’utiliser la structure du récit pour pratiquer une lecture comparative, réfléchir sur la diversité des traditions culturelles, s’interroger sur les personnages, le temps, l’espace…Certains contes des manuels abordent des thématiques d’actualité telles que : le courage, la solidarité, l’amour fraternel et l’entraide (Boule de cristal), le sacrifice de soi pour la famille (Aladin et la lampe merveilleuse), osé prendre des risques dans la vie (le cheval du roi), l’amour paternel( La vache des orphelins), la misère sociale et l’indigence, ces sujets peuvent susciter des débats et chaque apprenant serait amené à parler de lui pour s’associer au groupe, échanger ses opinions avec les autres membres, avancer des arguments personnels, développer son esprit critique. Dans cette perspective, l’approche pédagogique de la lecture compréhension comme lieu de travail et d’échange aurait pour objectif la valorisation de l’apprenant placé en situation d’apprentissage grâce à la mise en place de constructions, l’aidant à produire et visant la réussite. L’enjeu de l’atelier de lecture conte serait d’amener progressivement l’apprenant vers des procédés d’écriture et des pratiques de l’oral qui stimuleraient son imagination et feraient naitre en lui un désir de créativité. Il formulerait à sa façon ce qu’il n’arrive pas à comprendre au monde des adultes. La simplicité des situations, le rôle innocent des personnages, en particulier celui des héros, lui procureraient des repères faciles pour reproduire naïvement des pensées ou des sentiments qui ont été refoulés dans la réalité. En ce sens, le conte deviendrait un moteur de l’activité psychologique de l’enfant, grâce à l’identification aux personnages principaux, qu’il arriverait à reconnaitre facilement par les surnoms ou les étiquettes qu’ils portent souvent (la vache des orphelins, l’eau volée, le cheval du roi, le plot fêlé…), il pourrait se créer une véritable identité. Par conséquent, le conte deviendrait un moyen qui

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aiderait l’enfant à donner du sens à l’existence, avec ce phénomène de transfert, il aurait la possibilité de surmonter lui aussi les difficultés pour accéder à une fin heureuse. Enjeux psychothérapeutiques En effet, la lecture des contes se veut un espace structurant, réconfortant et motivant pour l’apprenant, espace dans lequel, il pourrait s’exprimer librement et faire jaillir ses émotions intérieures, afin de régler par association aux évènements de l’histoire des conflits familiaux, des difficultés relationnelles avec les autres, des complexes d’infériorité…Par ailleurs, Bruno, Bettelheim a bien monté dans son ouvrage de « Psychanalyse des contes de fées », la fonction pédagogique et thérapeutique des contes et comment ces derniers aident l’enfant à grandir et donner sens à la vie en mettant en scène des représentations en relations avec les angoisses qui l’habitent. Pour lui, « en utilisant sans le savoir le modèle psychanalytique de la personnalité humaine, ils (les contes) adressent des messages importants à l’esprit conscient, préconscient et inconscient, quel que soit le niveau atteint par chacun d’eux ». Ils aident l’enfant à « mettre de l’ordre dans son chaos interne ». À travers les aventures du héros l’apprenant construit sa propre personnalité, le conte devient alors un révélateur des différentes figures de son moi, et lui apprend à accepter l’évidence et le principe de réalité. Nombreux sont les contes qui représentent les rites de passage où le héros quitte le domaine familial pour aller à la découverte du monde, l’exemple des héros des contes de notre corpus, «Aladin » part à la recherche du trésor et en finir avec la pauvreté, « Aicha et Ahmed » qui parcourent le monde, à la recherche de leurs destin, le personnage du « pot fêlé », qui cherche à accomplir son travail infailliblement. Ce dernier parcourt un certain nombre d’étapes qui placeraient l’apprenant sur le chemin de sa propre connaissance. Par conséquent, le conte devient un cheminement parallèle des moments déterminants du développement de l’enfant, surtout quand il met en relief l’aspect physique et moral, le caractère négatif ou positif du héros (héroïne). Dans ce cas, il aurait la possibilité de se comparer au personnage qui s’adapterait à sa propre personnalité. Or, le conte, loin de représenter uniquement le bon, le plus fort, le rusé, le beau, le riche, il a aussi le pouvoir de mettre en scène d’autres personnages comme, le pauvre, l’idiot, le simple, le niais, le laid. En s’identifiant à ces protagonistes, l’élève acquerrait progressivement la confiance en lui. Car en se projetant dans ces histoires qui généralement finissent bien, malgré toutes les épreuves, l’enfant se mesurerait au héros qui réussirait à la fin et pourrait même surpasser les autres quelque soit la situation.

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En ce sens, l’atelier de lecture des contes deviendrait un lieu favorable à la socialisation, car l’apprenant serait en mesure d’apprendre certains modes d’agir et de penser relatifs à son environnement, en les intégrant à sa personnalité, il deviendrait un membre du groupe et s’adapterait facilement à sa société en acquérant par la même un statut propre à lui. De ce fait, le conte tisse un lien entre tous les membres d’une société, conteur, auditeur, lecteur se trouvent transporté dans un monde imaginaire et merveilleux où émergent des valeurs universelles et perpétuelles telles que la solidarité, l’amitié, la fraternité, l’hospitalité, la clémence, la tolérance, la fidélité, la résolution, la pitié, la probité, le courage, l’amour… Ces valeurs portées et véhiculées par la mémoire d’un groupe prennent des aspects différents d’une culture à l’autre, ils sont présents dans chaque société et dans chaque culture. C’est pourquoi, le conte se veut à travers tous ce qu’il transmet comme valeurs un outil de partage entre les membres d’une communauté et un véhicule d’expressions culturelles dans lesquelles chacun arrive à se reconnaitre. Enjeux interculturels L’intérêt de prendre le conte comme objet d’étude pour enseigner la littérature est une idée répandue. Le conte constitue en effet un code d’accès indispensable pour la fréquentation des œuvres littéraires, et notre patrimoine culturel y fait référence explicitement ou implicitement. Dans sa dimension psychologique, c’est un facteur indispensable à la construction psychique de l’enfant (Bettelheim, 1976) : il met en scène de façon symbolique les réalités que l’enfant pressent et véhicule un fort contenu idéologique. Dans sa dimension culturelle et sociale, il appartient et s’adresse à toutes les cultures et permet d’établir une relation privilégiée entre l’enfant et l’adulte : c’est sous le signe du plaisir que s’opère l’entrée en littérature. Enfin, dans sa dimension didactique et cognitive, c’est un texte « résistant » (Tauveron, 2002). Appréhender le fonctionnement du conte, c’est en déceler les fondements idéologiques, dépasser la lecture superficielle au profit d’une lecture critique et interprétative. L’école lui accorde une large place dans ses listes de référence, du cycle primaire jusqu’au cycle du collège A partir d’un corpus de contes issus d’univers culturels différents, on discute les catégories internes aux cultures étudiées et mettons à jour des spécificités culturelles dans les conceptions des rapports interpersonnels, des normes et des modèles culturels. Le conte comme support didactique nous offre donc d’immenses voies pour étudier des composantes de la compétence socioculturelle liée, à titre d’exemple, à :

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- à la vie quotidienne : nourriture, manières de table, gastronomie, art culinaire ; - aux relations interpersonnelles : y compris les relations de pouvoir et la solidarité, comme les relations entre les sexes, la structure et les relations familiales; les relations entre les générations ; - aux valeurs, croyances, interdit ; - aux comportements rituels (relatifs au mariage, au rituel funéraire, célébration des naissances, etc.) ; - au savoir-vivre (comme les conventions relatives à l'hospitalité donnée et reçue; les tabous de la conversation et du comportement) - aux rôles des institutions dans leurs incidences quotidiennes - aux références associées à l'espace (par exemple, « la fontaine » thala) - aux éthos communicatifs : la parole émise et le silence, le dit et le non-dit, la volubilité profuse et la parole parcimonieuse. Ainsi, La vache des orphelins n’est que la variante du conte européen La marâtre et les orphelins de Perrault. Outre cet indice culturel, on n’y lit que celui évoqué via les noms de personnages. Mêmes les traits locaux n’y étaient pas. Ce qui est à reprocher aux contes- corpus, c’est bien d’être introduits sans détails reflétant des traditions propres à la région racontée. Concernant les personnages dans La vache des orphelins , Ahmed et Aïcha sont deux prénoms répandus dans l’aire culturelle de nos apprenants à connotation très religieuse puisqu’ils renvoient à des personnes très vénérées dans la tradition musulmane en l’occurrence le saint prophète et sa toute jeune épouse, de surcroîts mère des croyants. La vache renvoie, dans certaines civilisations afro-asiatiques, à la sacralité et à une source de richesse intarissable. Son immolation est considérée dans la tradition abrahamique comme une rude épreuve divine. Le sultan est souvent représenté dans la mémoire collective arabe comme source de justice et de générosité. Le conte La vache des orphelins offre des thèmes qui sollicitent fort l’imaginaire : thème de l’enfance maltraitée, thème de l’abandon, thème de l’animalité (avec la poétique du bestiaire et de la métamorphose). Enfin, à travers le thème de la séparation et de l’exil ce conte est de nature à éveiller à la problématique de l’immigration. Quant aux valeurs défendues, dans La vache des orphelins , on y défend des valeurs universelles telles que la loyauté, le respect de l’engagement et la défense des droits de

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle l’enfant sans oublier que l’orphelin est un thème très important dans la culture musulmane dans la mesure où sa protection et la bienveillance à son endroit sont des actes religieux par lesquels le croyant se rapproche de Dieu. À l’inverse, celui qui le brime ou le lèse encourt un terrible châtiment divin. Dans le conte d’Aladin et la lampe merveilleuse, l’histoire est fondée sur un thème capital : l’ascension sociale. Et ce conte d’ascension sociale parle à l’imaginaire de tous les lecteurs. En effet, rien ne désignait Aladin, qui ne se signale par aucun mérite, pour bénéficier d’un tel destin qui le mène de la rue au palais. Dès les premières lignes du récit, le conte arabe fait entrer le hasard dans l’existence du héros. Or, le sort revient à dénier les valeurs stables de ce monde en ignorant les conventions humaines : paresse, inattention, insolence, gaspillage juvénile, rien de bon ne devrait arriver à Aladin. Ajoutons que les notions de justice humaine n’y retrouvent pas leur compte comme elles le feraient avec un héros naturellement exemplaire. Or, le choix d’Aladin par le magicien donne au conte valeur de mythe. En outre, la morale y trouve son compte : certes l’aventure du héros arabe peut-être lue comme un hymne au profit matériel, à l’enrichissement. Les éléments merveilleux participent à la dimension mythique du conte. Les objets magiques, l’anneau et la lampe merveilleuse sont chargés d’ambiguïté : en effet, les génies qui leur sont attachés sont au service de celui qui les possède. L’efficacité bénéfique ou maléfique de ces objets est tributaire du personnage qui les détient. Entre les mains des magiciens du conte, la lampe merveilleuse sert l’idée d’un pouvoir sans bornes ; aux mains d’Aladin, elle apporte au héros la possibilité d’accomplir le destin dont il rêve. Il reste qu’à l’image du merveilleux des contes, celui-ci entraîne également vers le lieu où va s’élaborer un destin, un destin inconnu et en cela, l’ Histoire d’Aladin et de la lampe merveilleuse est bien à l’image du mythe : la rencontre avec l’étranger. En venant du fin fond des âges, le conte ne finit pas de nous parler de l’homme et d’engendrer du sens. Il ne peut jamais être raconté sans la projection d’un système de valeurs. Son étude dans le cadre scolaire renseigne le lecteur sur les rapports qu’entretient le conte avec le contexte socio-historique. Il y décèlera quelques détails reflétant des traditions propres à la région. Le conte constitue un outil didactique adéquat pour enseigner l’interculturalité en classe de FLE, vu qu’il est issu d’une aventure culturelle et civilisationnelle qui épouse plusieurs aires linguistiques, géographiques et culturelles. En effet, aborder les contes en classe de FLE permettra aux apprenants d’être sensibilisés à l’altérité d’où qu’elle vienne. Ils constituent de

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle formidables « passerelles » entre les cultures car ils représentent des révélateurs privilégiés des visions du monde. Selon F. Migeo « le travail sur les contes dans une classe de FLE est fructueux, il a plusieurs résultats positifs, car il existe dans la mémoire de chacun un certain nombre de contes, de mythes, d’histoires qui sont restés en dépôt et qui sont fondateurs pour l’individu, de son identité et sa culture. 17 » Le conte nous semble aujourd’hui revêtir pleinement son rôle (initiatique) d’objet anthropologique, d’ objet-lien permettant d’établir des passerelles entre les cultures, d’entrer dans une démarche d’observation, de comparaison, de connaissance, de jouissance de la diversité comme jeu du même et de l’autre. En effet, l’un des objectifs de l’interculturalité est de montrer à quel point des traits propres à des cultures, laissent transparaître une part d’universel qui les lie. Les contes sont à la fois le symbole d’une singularité et d’une universalité. La notion d’interculturalité a pris beaucoup d’ampleur, actuellement, elle se trouve un peu partout, notamment avec le concept de mondialisation qui occupe tous les champs disciplinaires. Or, cette idée d’interculturel est loin de se limiter à un simple contact, à une simple interaction, dans la littérature orale, en particulier dans les contes les variations sont très complexes, elles diffèrent selon le contexte, les conditions et les circonstances de l’interaction d’où elles dérivent. Le plus souvent, le transport d’un élément de conte se fait dans un seul sens et l’échange réciproque est rare sinon impossible. De ce fait, les éléments transférés doivent appartenir à une culture source très riche et attachante pour qu’ils puissent êtres reçus par la culture cible, qui à son tour doit préparer un champ accessible à la réception de ces nouvelles formes. Mais, la question qui se pose est comment s’opère ce mouvement qui engendre ces transferts, cette juxtaposition d’éléments ? Quelles sont les conditions qui rendent ce métissage favorable ? Pour répondre à ces questions nous devons faire appel à l’Histoire et aux conditions distinctives qui ont contribué à cette notion d’interculturalisme. En effet, le Maghreb a été conquis par plusieurs civilisations, les plus marquantes étaient celles des phéniciens, des romains, des arabes, des turques et des français. -C'est une île de terre rouge entre la mer rouge et les dunes de sables d’or où s'affrontent, se rencontrent, s'unissent, avançant, reculant tour à tour, l'Orient et l'Occident d'une part, l'Europe et l'Afrique de l'autre.-Toutes ces civilisations avaient une culture prestigieuse et malgré les bouleversements historiques, ces

17 François MIGEOT (2000-2001 ). DEA Sciences du langage, Didactique, Sémiotique formule à distance pour l’orientation FLE , Université de Franche Conté, p.35.

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle cultures ont laissé des traces de diverses influences auxquelles était confrontée la société maghrébine, sans pour autant ne contrarier aucun de ses fondements culturels, comme l’affirme Maddalena de Carlo : L’emploi du mot « interculturel » implique nécessairement, si on attribue au préfixe « inter » sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si, au terme « culture » on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde 18 . Par conséquent, l’interculturalité exige le respect de l’autre et le souci de préserver l’identité culturelle de chacun, l’échange se fait dans une perspective ethnocentrique modérée, car juger les autres cultures à travers notre propre regard rend les interrelations difficiles. Grace à l’altérité, l’individu ou le groupe peut rendre compte de sa propre vision du monde qui se renouvelle à chaque rencontre avec l’autre. En somme : « L’intérêt de la démarche interculturelle est donc qu’elle s’accompagne d’une prise de conscience de soi, liée elle-même souvent à une remise en question de soi » Ainsi, les évocations élémentaires que suscitent les représentations collectives, dans les contes de notre corpus à travers des thèmes universels – singuliers (selon les mots de L. PORCHER), celui de l’animal, du végétal et de l’eau. Bien entendu, ces thèmes, une fois insérés dans les contes, revêtent des significations religieuses, socio-historiques et économiques. Nous tenterons de mettre en relief la manifestation des ces thèmes dans les contes de notre corpus. La présence symbolique de l’animal : « la métamorphose en aigle ou en baleine », «la transformation en serpent », « la vache nourricière », « le cheval bien aimé». En outre de l’image saco-symbolique de l’élément animal, notons aussi la présence du végétal à travers tout un champ lexical du thème végétal : (arbre, rameau, branches, fleurs, tiges, fruits, feuilles, feuillage..), relevons par exemple « l’arbre fruitier : cerisier, pommier, poirier.. », « les eux rosiers secrétant le beurre et le miel », « les graines de fleurs arrosées par le pot fêlé », « la grande forêt dense ». Enfin, le thème de l’eau. Il apparaît comme ruisseau ( Le pot fêlé), source ( La Boule de cristal), l’eau claire du puis ( L’eau volée), la fontaine (L’homme serpent). L’image de l’eau est associée à l’agriculture (arrosage des jardins, cultures des fruits et légumes), mais aussi à un lieu de socialisation et lieu de rencontre du héros avec les fées, le djin ou le génie (la fontaine et le ruisseau). Autrement dit, l’eau c’est la vie. Donc, le lieu qui

18 Carlo, Maddalena, « L’interculturel », Paris : CLE- International, 1998, p.41.

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle recèle cette substance vitale est de valeur magistrale dans la vie des hommes dans la société. C’est pourquoi, le lieu d’eau est très important dans les contes peu importe la culture dont l est issu. Nous précisons dans la lecture de ces trois thèmes (l’animal, le végétal et l’eau), qu’à travers ces divers éléments abordés, il y a lieu de noter que (la forêt dense) symbolise l’endroit craint et peuplé de monstres, d’ogre et de bêtes féroces. C’est le lieu des dangers par lequel le héros est censé passer pour trouver le chemin vers son objet de quête. En d’autres termes, la forêt symbolise le chemin initiatique sue doit parcourir le héros du conte. D’ailleurs, s’il arrive à traverser ce lieu d’épreuves et de danger, il parviendra à réaliser sa quête (délivrer la princesse emprisonnée dans la chambre du château perché au sommet de la montagne), ou bien trouver le trésor. En somme, ces représentations semblent bien être les mêmes, quelque soit la culture à laquelle appartient celui qui en regarde l’image. Les mêmes éléments constitutifs de nos contes se retrouvent ailleurs, sous des formes plus imprécises, certainement plus anciennes. S'il nous est impossible de situer le pays d'origine de ces représentations, pouvons-nous supposer que cette origine relève d'une source unique ? Il nous faut admettre que ces éléments, malgré leur diversité, se rattachent à une culture archaïque, sans doute plusieurs fois millénaire. En ce sens, quelles peuvent être donc, les voies et les procédés de ce métissage ? Quant à la représentation du pouvoir par l’image du « génie ou sorcier », elle circule dans le monde entier. En effet, Il n'est pas difficile de reconnaître dans les génies, les ogres, les fées, les sorciers, les djin, les monstres, les géants ou même les animaux féroces ou terrifiants, qui imposent aux plus faibles des épreuves parfois cruelles, leur font la leçon, les initient aux mystères de la vie, de la forêt, de la montagne et de la brousse. Ce sont des personnages traditionnels du conte populaire présents dans de nombreux imaginaires collectifs. L’ogre ou le génie a été exploité au fil des siècles dans différents contes, son image est celle d’un personnage très imposant et effrayant dont le rôle dans les contes est récurrent et essentiel, car il s’ancre dans la tradition et reflète un psychisme culturel refoulé par les membres d’une société. Conte et patrimoine culturel : Quels enjeux pour des collégiens Ayant assisté personnellement à des séances d’enseignement/apprentissage du FLE dans différents établissements en particulier au collège, nous avons noté lors d’observations en classe que l’élève n’est pas sollicité à exploiter la dimension socioculturelle des contes comme supports didactiques mis en place dans les manuels scolaires ou d’autres supports

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle proposés par l’enseignant. Ils sont surtout conduits à identifier les particularités du conte (formules d’ouvertures et de clôtures, schéma narratif et actanciel) donc l’objectif est centré sur la forme plus que sur le fond. Nous proposons de placer les élèves dans un contexte de médiation culturelle, c'est-à-dire dans un espace de relations entre l’apprenant et les cultures véhiculées par le conte ; et comme notre corpus renferme un certain nombre de contes insérés dans le manuel de 2 ème AM, dont la diversité culturelle est évidente, nous supposons que cette exploration du Même et de l’Autre se fait pareillement avec n’importe quel groupe d’élèves. L’objectif consiste à développer les compétences référentielles et socioculturelles des apprenants, en lisant les contes, nous les conduirions, à interpréter et commenter des valeurs, des coutumes, des croyances à partir d’expressions clichés, de motifs, de thèmes, ou tout simplement à partir d’un signe, d’un symbole, d’un objet. En effet, la langue en tant que vecteur de l’identité culturelle de chaque individu, son rôle est de transmettre des valeurs socioculturelles (religieuses, politiques, économiques, social, psychologiques…) ; dans cette optique, la classe de langue devient un espace où se rencontrent la culture de l’apprenant et la culture de la langue à enseigner. Vers une exploitation socioculturelle des contes pour une quête identitaire Etant donné que la lecture des contes se fait dans la langue étrangère, l’apprenant passerait à la compréhension du texte en faisant appel à des référents dans sa langue maternelle. Ce fut le cas à partir du conte kabyle, « La vache des orphelins », où des références à quelques concepts linguistiques ont suscité la curiosité des apprenants et ont éveillé en eux le désir d’appartenance au groupe et de reconnaissance. De ce fait, l’apprenant deviendrait comparatiste et ferait appel à ses savoirs antérieurs pour tisser un lien entre sa culture et la culture véhiculée par le conte. Comme nous l’avons déjà mentionné auparavant, le conte permet de mettre en exergue des croyances, des rites, des valeurs, des règles qui régissent les comportements et des visions du monde. Actuellement, à un moment où ces aspects socioculturels propre à l’être humain tendent à disparaitre avec le flux mondial et l’esprit de globalisation, il est nécessaire d’éduquer les jeunes citoyens à l’interculturel et de les doter d’une prise de conscience de la culture de Soi et de l’Autre dans une dynamique d’entendement et d’échange. Par ailleurs, l’apprenant est toujours à la recherche d’une vérité dont le conte est le porte parole, une vérité qui relève d’une tradition orale vivante constamment ouverte aux influences

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

des autres civilisations et aux mutations successives. Ce jeu d’influences qui témoigne de la diversité et de la richesse du patrimoine culturel pousse l’apprenant à approfondir ses recherches toujours à la quête de son identité. Les contes, les mythes, les légendes, les proverbes, les chants, les danses, les devinettes, les fables, tout ce patrimoine ancestral ne s’est pas développé à l’écart des autres civilisations, mais il s’est imprégné des cultures universelles en s’enrichissant au fur et à mesure d’apports extérieurs sans perdre son originalité. Le conte pour dire l’Histoire d’une civilisation L’intégration de l’apprenant dans la société où il vit est l’une des préoccupations du système éducatif algérien. Or, ce dernier ne peut effectuer cette intégration par lui-même, pour ce faire, il devrait s’appuyer sur les supports pédagogiques (contes, fables, mythes, légendes…) et les orientations des enseignants pour apprendre tout ce que ces supports peuvent lui transmettre comme savoirs. La plupart des enseignants se trouvent démunis de méthodes d’enseignements pour transmettre l’histoire et la culture d’une civilisation. Quelles stratégies sont susceptibles de développer ces compétences historico-culturelles menant à une conscience identitaire ? Comment l’enseignant peut-il amener l’apprenant à identifier, reconnaitre et interpréter correctement les faits historiques et culturelles mises en œuvre dans les contes ? Pour ce faire, l’enseignant doit se baser sur la compétence linguistique qui est un fil conducteur au déploiement des connaissances préalablement acquises. Il fera étudier le texte en introduisant des questions qui conduiraient l’apprenant à travers l’approche culturelle véhiculée par le support à un va et vient entre son imagination et sa propre culture. Pour donner encore plus de valeur à ses recherches et pour susciter l’intérêt des élèves, une visite sur les lieux historiques s’avère nécessaire et rendrait les faits plus authentiques en articulant le passé avec le présent, étant donné que le conte n’est autre que le miroir du passé et l’interrogation du présent. Ainsi, les contes forment un dépôt riche où puiser symboles, motifs, us, références, comportements, valeurs et sentiments d’appartenance et rendent compte d’une vérité historique ancrée dans l’imaginaire collectif. A travers notre corpus de contes, l’apprenant serait capable de dégager quelques signes ou indications qui pourraient le renseigner sur les rapports qu’entretient le conte avec le contexte socio-historique. Dans le conte d’ Aladin et la lampe merveilleuse ou celui de (Le Cheval du roi), les personnages de par leurs attributs dans la société arabo-musulmane pour le premier, et la société africaine pour le second, nous renseignent sur l’aire culturelle de ces deux sociétés. En effet, la première question qui

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle s’impose à l’apprenant concerne la structure hiérarchique de ces sociétés qui représentent souvent des acteurs sociaux antagonistes comme le roi, le prince, la princesse auxquels s’opposent le paysan, la domestique, …Ces derniers représentent les membres d’une communauté qui sont censés transmettre de génération à génération un ensemble d’idées, de mœurs, de valeurs, d’attitudes, de doctrines dans le but de préserver le système normatif gérant leur société. En confrontant les personnages des contes, leurs fonctions, leurs modes de pensées, de vie à ceux présents dans son contexte social et culturel immédiat, l’apprenant remarquerait les changements socioculturels qui se sont opérés au niveau de ces sociétés. Pour comprendre ces mutations, il serait appelé à chercher dans l’Histoire qui remonte aux origines de ces civilisations, à la quête d’une vérité identitaire. 3.2.2.4 Le conte entre l’interculturel et la mondialisation a/ L’amour de la nature La nature est omniprésente dans les contes de notre corpus, elle se manifeste par la présence des jardins, les arbres fruitiers, les fleurs, l’élevage des animaux (les chevaux), dont l’origine coïncide avec la création de l’homme. En effet, le jardin, inspire le beau, le merveilleux, la quiétude, le ravissement, la richesse, aussi le pouvoir, la puissance et la somptuosité. Le jardin est un trait culturel commun à tous les pays méditerranéens, toute civilisation cherche non pas à imiter la nature, mais à exprimer son extase en usant des moyens fournis par la nature. La notion du jardin dans le discours de nos contes fait le plus souvent écho à des réminiscences qui se rapportent au monde oriental. « La porte ouvrait sur un minuscule jardin, clôturé d’un haut mur. Un saule pleureur frissonnait de son feuillage vivace, dans la lumière bleue du matin. Ses branches touffues pendillaient en gerbes de lianes emmêlées, luisantes et souples » (Ibid, p.16). Dans le conte « l’oiseau de l’orage » (T.Amrouche, 1966) Tous ces passages nous montrent que le jardin avec ses arbres, ses fleurs, ses ruisseaux ont inspiré depuis l’aube des temps l’imaginaire et les traditions populaires dans toutes les cultures. b/ La vie en société Certaines valeurs socioculturelles les unissent et engendrent la rencontre et la compréhension de l’autre d’où la présence des échanges mutuels et permanents entre les deux rives. En effet, le discours de nos contes met en évidence un élément capital dans la vie des personnes, c’est

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle le centre du village. Il n’y a pas un conte où le héros n’est pas mis en relation permanente avec les autres personnages, la fontaine ou le ruisseau, la forêt, le verger figurent comme des lieux importants favorisant la rencontre de l’autre. Ce besoin de communiquer sans cesse explique l’ouverture sur le monde et la soif du savoir. L’homme est toujours à la recherche de ce qu’il ne possède pas, il développe son caractère, sa culture par l’usage de la parole, car il s’adapte facilement à tout genre de conversation.. Cet aspect socioculturel de la vie en société se manifeste dans les contes par la rencontre des personnages dans des lieux publics ou lors des rituels de passage comme les mariages…Néanmoins, l’individu méditerranéen n’existe que s’il s’intègre dans un groupe, il ne peut pas vivre loin de sa terre, de ses proches et de ses racines.

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Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Conclusion Nous avons abordé dans ce chapitre l’utilisation qui a été faite du genre textuel « le conte » dans les manuels de français du moyen algérien. Il s’avère qu’il n’est utilisé pratiquement que dans un seul niveau du moyen, celui de la 2 ème AM. Alors qu’il est totalement absent dans les manuels de 1 ère AM, 3 ème AM et 4 ème AM. En effet, le manuel de 2 ème AM a consacré tout un projet (le Projet 01), au genre textuel « le conte ». Cela dit, toutes les séances ont pour support un extrait d’un conte. En outre, les extraits de contes utilisés émanent de différentes contrées. Ce qui confirme une tendance à considérer le genre textuel « le conte » comme un genre pertinent pour la formation des futurs adultes, toujours dans cet effort de valorisation de l’effet (inter)culturel. Nous avons analysé quelques extraits de contes présents dans le manuel de 2 ème AM afin de vérifier la faisabilité d’une approche interculturelle. Ces extraits ont montré qu’ils sont susceptibles d’être lus selon cette démarche. Cela dit, les extraits nous ont semblé intéressants car ils pourraient constituer un moyen efficace de pousser les apprenants-lecteurs à développer leur compétence interculturelle. Par cette analyse des contes (La vache des orphelins, le cheval du roi, le pot fêlé, l’homme serpent, l’eau volée, la boule de cristal, Aladin et la lampe merveilleuse, nous voulons retrouver la structure d’une société et les particularités d’une aire culturelle à travers plusieurs indications. A titre d’exemple, les prénoms des personnages (Aicha, Ahmed, Vouzou, peuple de Madoungou- Boutchou, Gérèse, Aladin, Sultan, Roi, Princesse, Mustapha), nous avons constaté que l’utilisation du conte en classe de français, dans une perspective interculturelle s’avère très efficace pour l’apprenant car elle lui ouvre la possibilité de développer ses connaissances et d’apprendre à se servir des informations qu’il a lui-même cherchées. Il pourra percevoir les différences socioculturelles qui se sont opérées au sein d’une société. Ainsi, l’histoire du pays, les normes sociales et les fondements historiques de la société sont autant de facteurs nécessaires pour comprendre la culture. En outre, à partir des supports culturels qui constituent notre corpus, l’apprenant serait en mesure de se situer dans l’Histoire et de se fixer une identité culturelle dont l’enjeu est l’éveil d’une conscience identitaire qui le démarquerait des autres tout en acceptant les différences, notamment sur le plan religieux qui est à l’origine des tensions entre plusieurs pays. Cette dynamique culturelle le rendrait aussi plus réceptif à l’encontre des autres cultures et l’aide à la communication, à l’échange et au partage.

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Chapitre 7 L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Introduction Dans ce chapitre, nous tenterons d’analyser l’enseignement/apprentissage du FLE par la fable en classe de 2 ème AM, afin de pouvoir identifier son apport à la didactique du FLE et tenter de répondre à la question suivante : comment didactiser le genre textuel « la fable » dans l’enseignement/apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ? Dans le même ordre d’idées, nous nous interrogeons sur les compétences visées par l’enseignement du genre textuel « la fable » ainsi que les apports d’un tel genre dans l’enseignement apprentissage du FLE au collège. Pour répondre aux questions de la problématique nous pouvons émettre les hypothèses suivantes : Le texte de la fable constitue un support didactique de grande importance dans l’enseignement/apprentissage du FLE, vu sa richesse linguistique et culturelle. En enseignant la langue française par la fable, l’apprenant développerait la compétence de compréhension de l’orale et de l’écrit. Le genre textuel « la fable » pourrait bien contribuer à l’amélioration de la compétence de lecture et d’écriture chez les apprenants-lecteurs du moyen. Les Fables nous guident sur le chemin d’une introspection individuelle quelque peu socratique, et nous permettent d’approfondir notre connaissance de la nature humaine et d’en tirer des leçons. Elles nous offrent aussi le spectacle de la comédie humaine, soit indirectement par la mise en scène utilisée soit directement par le face à face qu’elles nous imposent avec le monde animal, décrit pour lui-même. Ainsi, les fables nous font retrouver, nous les hommes, notre clairvoyance qui s’accroît au fil des siècles. A partir les critiques que portent les fables sur les différentes situations et événements, l’apprenant-lecteur pourrait apprendre comment défendre et illustrer son point de vue, savoir critiquer et tirer des leçons grâce aux morales qu’enseignent les fables. Nous avons choisi la fable comme genre textuel de notre étude vu qu’elle est présente dans les manuels scolaires de français des trois cycles (primaire, moyen et secondaire) ; pour cela elle est devenue, depuis des années, un sujet très important dans la recherche en didactique des langues. La fable apporte énormément aux apprenants dans le développement de leurs compétences à l’écrit comme à l’oral.

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1. La fable dans le manuel de français au moyen Au cours de ces dernières années, on a apprécié un changement significatif dans les manuels de FLE, particulièrement au moyen : les documents littéraires se substituent aux textes scientifiques, la culture savante 1 transmise jusqu’à présent cède la place à la notion d’ interculturel 2 et à certains stéréotypes; ainsi, les extraits romanesque, poésie, contes et fables se succèdent dans les pages de ces livres actuels. D’autre part, toutes les séquences didactiques se concentrent sur les objectifs et contenus déterminés par le nouveau programme conçu selon les préceptes de l’approche par compétences. Nous nous sommes aperçu que les apprenants du moyen, particulièrement ceux de la 2 ème AM semblaient plus stimulés par des fables. C’est pourquoi nous avons réfléchi sur l’insertion du genre textuel « la fable » dans notre corpus d’analyse comme éventuel outil didactique pour éveiller l’intérêt des apprenants. Troisièmement, afin de confirmer nos hypothèses, de nombreuses expériences didactiques ont été effectuées, pour tester la validité du genre « la fable » en cours de FLE. Les résultats de ces pratiques ont été assez enrichissants et nous ont permis de nous interroger sur un nouveau problème observé, plus général, et qui pourrait être à l’origine du désintérêt signalé au début : une mise en second plan de la compétence interculturelle en cours de FLE. Par le genre « la fable », nous nous référons aux textes qui font partie d’un dispositif de recueil de données (extraits des manuels du moyen) composé de neuf fables extraites du manuel de la 2 ème année moyenne. Notons bien que la fable est née en Grèce, avec Ésope, et en Orient, avec l’Indien Pilpay. Si de nombreux auteurs l’ont pratiquée, elle a trouvé en Jean de La Fontaine au XVII e siècle, un maître inégalé, qui a su tisser toutes ces sources multiples. L’extraordinaire succès des fables a été consolidé au cours des siècles suivants par l’école, qui en a fait l’un des piliers de son enseignement. En effet, par son inscription dans le panthéon littéraire, par son statut de « classique », le genre « la fable » peut-être considéré comme particulièrement représentatif de la littérature et de la culture française, il fait également partie du patrimoine culturel des francophones, essentiellement grâce à l’école. Il s’agit donc d’observer la confrontation entre

1 Nous nous référons ici à la dimension culturelle que Robert Galisson propose en opposition à la culture populaire : Robert Galisson, De la langue à la culture par les mots , CLE International, coll. « Didactique des langues étrangères », 1991, p.117. 2 Voir Claude Clanet , L’interculturel : une introduction aux approches interculturelles en éducation et en sciences humaines, Toulouse, PUM, 1990.

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le « contenu culturel » que représente la fable et les différentes langues/cultures présentes dans cette classe de FLE. En nous référant au classement des genres textuels élaboré par Dolz et Schneuwly (1996), l’on s’aperçoit que les genres sont répartis en cinq groupes. En effet, deux des cinq groupes nous intéressent. Il s’agit du conte qu’on a abordé durant le chapitre précédent, et la fable qui fera l’objet du chapitre présent.. Pourquoi le genre textuel « la fable » ? Démontrer l’intérêt de l’étude des Fables de La Fontaine, d’Esope ou d’Ibn El Mouqaffa à l’école peut sembler plus qu’évident. En effet, cette œuvre s’est incrusté si tôt dans le corpus scolaire et s’y est maintenue en incontournable avec une telle constance que, comme l’écrivent Canvat et Vandendorpe 3 (1993), on a aujourd’hui du mal à lire certaines fables sans entendre la « musique » caractéristique de la récitation enfantine. Mais les réalités admises autrefois n’en sont plus de mise et l’enseignement des « classiques » est même aujourd’hui remis en cause à plusieurs niveaux : conservatisme moral et scolaire, retour à un essentialisme littéraire, élitisme... Pourquoi, donc, enseigner les Fables aux collégiens d’aujourd’hui, dont la langue et la culture sont en apparence si éloignées de celles des salons aristocratiques durant le « Grand Siècle »? Par ailleurs, les perspectives à partir desquelles on peut envisager les Fables sont innombrables : perspectives générique, esthétique, socio-historique (voire politique), anthropologique et interculturelle... En somme, le genre textuel « la fable » constitue une œuvre très riche et foisonnante, susceptible d’étonner les apprenants par sa langue et ses références d’un autre âge. Mais, on ne saurait dénier la maitrise de l’art de la forme brève, qui facilite la didactisation des textes. Si la fable a donc disparu de la production contemporaine, sa structure est toujours bien présente. D’ailleurs, on le voit par ces quelques exemples, une réflexion générique sur la fable peut essaimer dans de multiples directions et engendrer une réelle dynamique de lecture dans la classe de français. Ainsi, en développant chez l’apprenant-lecteur la compétence générique, on améliore sa capacité d'abstraction et on l'aide à mieux appréhender le processus de lecture/déchiffrage lors de la lecture littéraire en classe de français.

3 CANVAT, K & VANDENDORPE, C. (1993). La Fable. Vade-mecum du professeur de français. Bruxelles : Didier Hatier (« Séquences »).

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Avant de s’étaler sur la mise-en-place de la fable dans l’enseignement/apprentissage du FLE, nous souhaitons justifier le choix de « la fable » comme genre textuel. Nous le ferons par le biais de quelques arguments qui nous semblent importants et adaptés aux besoins éducatifs de nos jours. Les fables sont: • Des documents authentiques, parce que littéraires, donc parfaitement au service de l'approche communicative, sans oublier que la langue et la littérature sont intimement liées, même au niveau des objectifs de formation à atteindre ; • Des documents formatifs, parce que donnant la possibilité de réfléchir sur la société d'autrefois, mais aussi sur celle d'aujourd'hui, pour bâtir celle de demain - l'une des finalités majeures de l'Éducation de ce siècle ; • Des documents motivateurs parce que, souvent, déjà connus en langue maternelle, même si en versions adaptées, ce qui élimine / réduit a priori la résistance à la lecture en FLE et parce qu'ils permettent de faire des activités variées et adaptées aux besoins de formation des apprenants ; • Des textes courts, mais complets, qui permettent de travailler la LE à différents niveaux: discursif, linguistique, culturel, entre autres (Canvat, 1999, Albert et Souchon, 2000); • Des textes qui promeuvent des ponts culturels et, donc, humains, universels et de tous les temps (Zarate 4, 1994); • Des textes que les élèves peuvent rapprocher facilement de leur vécu; • Des textes écrits par un auteur indien, perse, grec, romain ou français, ils constituent de véritable repère culturel universel, incontournable à travers les siècles; • Et, finalement, parce que nous même croyons à cette maxime : « La littérature peut servir non seulement à informer sur la vie, mais à transformer la vie. » (Giasson) 5, et les fabulistes, par la qualité de ce qu'ils ont écrit, peuvent y jouer un rôle important. La Fable et son utilisation lors du cours de français au moyen Dans le programme de français de 2 ème année moyenne, les fables sont évidemment concernées par les quatre grandes compétences travaillées (comprendre et s’exprimer à l’oral, lire, écrire, comprendre le fonctionnement de la langue), et en particulier, en lecture, par la

4 ZARATE, G. (1993). Représentations de l’étranger et didactique des langues . Paris : Didier. 5 GIASSON, J. (1990). La compréhension en lecture . Boucherville (Québec) : G. Morin, p30.

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle compétence de (Comprendre et s’exprimer à l’écrit), et particulièrement la lecture d’un texte littéraire et l'interpréter, dont les objectifs sont déclinés comme suit : • Mise en œuvre d'une démarche de compréhension à partir d'un texte entendu ou lu : identification et mémorisation des informations importantes, en particulier des personnages, de leurs actions et de leurs relations (fable), mise en relation de ces informations, repérage et mise en relation des liens logiques et chronologiques, mise en relation du texte avec ses propres connaissances, interprétations à partir de la mise en relation d'indices, explicites ou implicites, internes au texte ou externes (inférences). • Identification du genre et de ses enjeux ; mobilisation des expériences antérieures de lecture et des connaissances qui en sont issues (vocabulaire, personnages-types, temps...) et mise en relation explicite du texte lu avec les textes lus antérieurement et les connaissances culturelles des lecteurs et/ou des destinataires. • Mobilisation de connaissances lexicales et de connaissances portant sur l'univers évoqué par les textes. • Construction des caractéristiques et spécificités des genres littéraires (fable). • Construction de notions littéraires (fiction/réalité, personnage, stéréotypes propres aux différents genres) et premiers éléments de contextualisation dans l'histoire littéraire. • Convocation de son expérience et de sa connaissance du monde pour exprimer une réaction, un point de vue ou un jugement sur un texte ou un ouvrage. Les fables sont présentes au niveau du manuel de 2 ème AM de manière plus explicite dans le projet 2 « raconter à travers la fable », structuré par rubriques. Ainsi, dans le projet 2, on le genre « la fable » mettant en jeu un type de héros / d’héroïne ou un personnage commun devenant héros / héroïne (entrée Héros / héroïnes et personnages) ou encore des fables posant des questions de morale. Présentation du projet 2 du manuel de 2 ème AM « raconter à travers la Fable » : vers la découverte d’un genre textuel « la Fable » Notre travail s'intéresse au processus d'enseignement / apprentissage en action dans une séquence didactique au moyen. Nous portons notre attention sur l'action des enseignants et sur la façon dont ils organisent une séquence didactique. Les moyens officiels (le programme) proposent un travail de l'écrit et de l’oral se fondant sur une théorie des genres de textes. C'est pourquoi nous focalisons notre recherche sur un genre de texte, en l’occurrence le genre textuel « la Fable ».

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Ce texte, de type narratif, est généralement travaillé dans les trois paliers : primaire, moyen et secondaire. Quant à notre étude, elle est focalisée sur le moyen. Ce qui nous a amené à observer les séquences proposées par le manuel de 2ème année moyenne. Afin de mieux comprendre le contexte dans lequel s'inscrivent les séquences proposées, nous clarifions la problématique de notre recherche et nous abordons les éléments théoriques qui fondent les séquences proposées par les moyens officiels. Nous présentons également le dispositif méthodologique utilisé pour notre recherche. Enfin, nous analysons les séquences proposées par le manuel de 2 ème AM autour du genre de texte « La Fable ». Dans le monde actuel, c’est un fait incontestable, l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, et particulièrement le FLE ne peut s’en passer de l’approche par les genres textuels. En effet, cette dernière est désormais incontournable (Bronckart, 1996 ; Schneuwly, 1994 ; Schneuwly & Dolz, 1998). Nous comprenons donc à quel point il est important que l'école permette aux apprenants- lecteurs de développer des capacités langagières. En effet, l’école a pour mission de doter apprenants de clés afin qu'ils puissent communiquer autant à l’oral qu’à l’écrit et ainsi s'intégrer dans la société. Elle met en place à cet effet des dispositifs permettant aux apprenants d'acquérir les compétences nécessaires. Pour ce faire, elles se fondent sur des principes découlant de recherches menées dans le cadre de la didactique de la langue. Le texte littéraire comme document authentique est mis au centre de l’apprentissage car il est une pratique de communication. Le but de cette nouvelle pédagogie est de permettre aux collégiens de s’adapter et d’adapter leur langue aux diverses situations de communication auxquelles ils sont susceptibles d’être confrontés. La progression est envisagée selon quatre objectifs généraux : ORAL : Ecouter/ Comprendre à l’oral Parler/ Produire à l’oral ECRIT : Lire et comprendre à l’écrit Ecrire / Production écrite L’enseignement du français s’organise autour d’activités de communication. En effet, la part communicative de la langue prend donc une place centrale dans l’enseignement du français. L’apprentissage de textes narratifs tels que la fable est proposé aux élèves. Le travail par genre de texte permet de mettre l’apprenant dans une situation de communication réelle. Les différents genres sont pratiqués tout au long de la scolarité et la progression est organisée en spirale, c’est-à-dire que les genres proches sont travaillés à

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle plusieurs reprises, mais à des niveaux différents. Le travail d’un genre s’organise sous la forme d’une séquence constituée de plusieurs étapes. Nous présentons dans notre cadre conceptuel les étapes proposées pour « La fable », genre qui sera au cœur de notre étude. Nous pouvons nous interroger sur la manière dont le manuel adopte cette démarche. Il est intéressant d’observer l’usage du travail en séquence et de ses nouveaux outils dans enseignement proposé par le manuel de 2 ème année moyenne. Notre travail s’inscrit dans cette optique. Pour mener à bien notre étude, nous exploitons les données d’une analyse effectuée sur les trois séquences du projet 2 « Dans le cadre du concours de lecture mes camarades et moi interprétons nos fables » : Séquence 1 : Je découvre la vie des animaux à travers la fable. (Page 60). Séquence 2 : J’insère un dialogue dans ma fable. (Page 73). Séquence 3 : Je rédige la morale de ma fable. (Page 85). Nous cherchons à voir comment la structure et les activités proposées par les Manuel de 2 ème année moyenne sur le genre textuel « la fable » sont mises en place. De plus, nous nous questionnons sur l’apport du genre textuel « la fable » sur le plan linguistique et interculturel pour les apprenants-lecteurs du moyen. Nous nous intéressons à la manière dont des enseignants mènent une séquence proposée dans l’ouvrage S'exprimer en français : séquences didactiques pour l'oral et l'écrit (Dolz et al. , 2001) qui traite d’un genre de textes narratifs; « La fable». Le manuel de 2 ème AM s’inscrit dans le nouveau programme conformément aux apprentissages articulés selon la pédagogie du projet. Il regroupe trois projets qui se subdivisent chacun en séquences sauf que notre propos concernera le projet 2 « Dans le cadre du concours de lecture mes camarades et moi interprétons nos fables ». Les apprenant de 2 ème AM seront amenés à acquérir les compétences adéquates à l’récrit comme à l’oral afin de produire des fables. Ainsi, chaque séquence est répartie, à son tour, en plusieurs rubriques : « J’observe », « J’analyse », « Je retiens », « Je m’entraîne ». Selon l’avant-propos du manuel, chaque séquence didactique comporte : -Une situation d’oral avec un texte à écouter. -Une situation d’écrit, avec un seul texte à analyser en séance de compréhension de l’écrit (lecture silencieuse) et à lire de façon expressive en séance de lecture entraînement. -Des notions de vocabulaire, grammaire, conjugaison et orthographe à développer à partir de textes courts.

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-Un atelier d’écriture, dans lesquels les apprenants, aurez à découvrir des textes-modèles et des exercices leur permettant de les entraîner en vue de réaliser la meilleure production possible. Des outils d’évaluation ont mis à leur disposition (aide-mémoire) pour améliorer leur écrit -Une lecture plaisir exploitée en classe sera pour l’apprenant une source d’échange et d’enrichissement.. Le projet 2 regroupe un ensemble de fables qui nous viennent de d’horizons et de cultures variés (comme l’illustre bien le tableau ci-après) :

Fable Auteur Nationalité

Le Loup et l’Agneau (p.65) Jean De La Fontaine Européenne (Français) Le Loup et la Cigogne (p.66) Le Rat des villes et le Rat des champs (p.69) Le Coq et le Renard (p.74) L’Âne et le Chien (p.83) Le Laboureur et ses enfants (p.86) Le Loup et le Chien (p.95) La Colombe et la Fourmi (p.141)

Le Lion et le renard D’après Jean Muzi et Gérard Européenne (Français)) Franquin L’Ours et les deux compagnons D’après Esope Antiquité Le Loup et l’Agneau La Tortue et les deux D’après Kalila Wa Dimna Européenne (Français)) Canards (p.67) d’Ibn El Muqafâa L’Ane et le chien (p.142)

Tableau 13 : L’ensemble des fables insérées dans le manuel de 2 ème AM

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A travers l’étude du genre textuel « La Fable », on vise les objectifs suivants : Comprendre les caractéristiques du genre la fable.

• Étudier quelques fables de La Fontaine, d’Esope, d’Ibn El Mouqaffa et J Muzi et G ranquin • Étudier les procédés mis en œuvre dans la fable. • Découvrir les origines de la fable. • Dégager les caractéristiques des personnages et la morale (leçon de vie) de la fable. • Amener les élèves à dégager certaines caractéristiques de la fable : morale, histoire courte, peu de personnages, valeurs associées aux personnages, présence de rimes. • Amener les élèves à verbaliser leurs connaissances sur la fable. • Reconnaître une fable, découvrir ses caractéristiques principales, savoir différencier la morale et le récit.

Les compétences visées dans ce projet sont : -compétence globale : A l’issue de la 2éme année moyenne, la compétence globale est « raconter a travers différents récits de fiction » -compétence terminales : La compétence globale se décline en 3 compétences terminales : Raconter à travers un conte, à travers une fable et à travers une légende ou chaque séquence correspond à un niveau de compétence. Puisque nous travaillons sur le projet 2 notre description sera limitée au niveau de la compétence terminale 2 (raconter à travers une fable) Niveau de la compétence terminale du projet II : -Niveau de compétence (NC1) : découvrir la vie des animaux a travers la fable -Niveau de compétence (NC2) : insérer un dialogue dans la fable -Niveau de compétence (NC3) : rédiger la morale de la fable Organisation du projet II : Chaque séquence s’organise autour de huit rubriques : -une situation d’orale avec un texte a écouté -une situation d’écrit, avec un seul texte à analyser en séance de compréhension de l’écrit (lecture silencieuse) et que l’élève lira de façon expressive en séance de lecture entrainement. -Un espace pour débattre clôturera l’activité de lecture entrainement.

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-Un atelier d’écriture, dans lequel les élèves découvrent des textes modèles et des activités qui leur permettent de s’entrainer en vue de réaliser un meilleur écrit possible. -Techniques du résumé, c’est une technique d’expression qui consiste a reformuler le contenu d’un texte suivant un plan qui garde toujours le fond et la forme du texte. ‐ Principes du résumé, il s’agit de faire plus court de manière à réduire le propos de l’auteur pour conserver seulement ce qu’il exprime d’important .On supprime les idées ou informations secondaires. Un bon résumé commence par un travail d’analyse, c’est-à-dire une lecture très attentive, accompagnée de notes dans la marge. -Une lecture plaisir exploitée en classe sera pour l’élève une source d’échange et d’enrichissement. -Récitations des textes de poésie sont proposés dans le manuel afin de divertir l’élève mais pas seulement .Le professeur devra les sensibiliser à ce langage si particulier qui véhicule d’émotions. Pour une définition de la fable Sur le plan géographique, la fable a pu trouver son origine en Asie, Inde, Égypte, Assyrie, Judée, Afrique et aussi en Grèce. Elle ne fut pas le fait d’une communauté ni d’un pays spécifique, mais une production commune à toute la Grèce et son entourage, notamment l’Asie mineure où elle a été très vivante à des époques fort reculées, mettant en scène souvent le lion, roi des animaux, par exemple dans «Le Lion vieilli et le Renard », que connaissaient déjà Archiloque, poète du VIIe siècle avant notre ère, et Solon qui peu après avait jeté les bases de la démocratie athénienne. Essaimant à partir de ses lieux de naissance, la fable s’est répandue à travers la mer Égée et dans tout le bassin méditerranéen. Du fait de son caractère universel, c'est-à-dire transhistorique et transculturel, les origines de la fable semblent être perdues dans la nuit des temps. Il reste qu’on peut citer certaines figures parmi celles qui ont grandement contribué à son évolution, en Occident antique et en Orient également. On ne peut pas parler de la fable sans évoquer Esope (la Grèce), Phèdre (Rome), Loqman en Orient et Bidpaï en Inde. Même si ces grands moralistes appartenaient à des cultures différentes, nous signalons que cela n’était pas un obstacle à l’émigration des thèmes qui reviennent sans cesse chez les uns et chez les autres jusqu’à J. de La Fontaine au XVIIème siècle. L’objectif du recours à cette forme d’expression vient du fait qu’il y a parfois des circonstances où il est préférable de s’exprimer d’une manière indirecte. Ces formules proviennent de l’expérience et témoignent du bon sens des personnes qui les dictent. On

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle entend par Fable plusieurs genres discursifs dont le proverbe, la locution proverbiale, l’adage, ou la parabole et bien d’autres procédés qui visent parfois à faire valoir le sens de l’humour de la personne concernée. En effet, la fable se caractérise par la brièveté, langue imagée, formule figée. Elle signifie une histoire symbolique et significative. Dans la Fable on y fait parler les bêtes, les fauves et les oiseaux : elle était ainsi, extérieurement, un délassement pour les grands et le peuple, mais, au fond, un exercice d’intelligence à l’intention de l’élite . Ce qui signifie que la Fable adopte le langage figuré qu’il faut interpréter pour accéder au sens voulu par celui qui l’a dicté ou raconté. La fable se caractérise au premier chef par le fait qu'elle met en scène le plus souvent des animaux : renard, lion, loup, agneau, âne, aigle, corbeau ... Mais on trouve aussi des végétaux (chêne, roseau ) et des humains ( laitière, meunier, laboureur, savetier, marchand , bûcheron , berger ,..). Tous ces personnages ont en commun d'être des types. Les animaux ne jouent pas seulement leur propre rôle, mais ils prennent des formes humaines pour évoquer des traits propres à la société humaine : la ruse, la puissance, la sauvagerie, l'innocence, la bêtise, etc. Par ailleurs, la fable et le style fabuliste ont aussi marqué la culture occidentale, espace dans lequel le genre ne cesse de recevoir, depuis Esope (VIe siècle av. J. C) 6, des traits et des caractéristiques qui le distinguent des autres genres littéraires tels l’épopée et le conte. La fable est une parole, puisqu’elle se définit par le fait de parler et de raconter des histoires à un auditoire. Le narrateur s’adresse à la première personne, en jouant sur une représentation de l’oral, comme s’il était là, en face. Cela nous amène à dire que la fable était adoptée par les conteurs avant d’être transcrite. La fable se distingue du conte et de l’épopée, à titre d’exemple, par d’autres caractéristiques comme en atteste cette description : « Un récit de peu d’étendu, en prose ou en vers, qui a pour but d’instruire, de faire ressortir une vérité, d’énoncer un précepte à l’aide d’une historiette illustrant un cas donné et dont la conclusion logique a la force d’une démonstration et la valeur d’un enseignement. La leçon qui en découle est formulée en maximes, ou bien sous-entendue, elle procède par induction : c’est la moralité. La fable est proprement la mise en action d’une moralité au moyen d’une 7 fiction, ou, encore, une instruction morale qui se couvre du voile de l’allégorie.» Les éléments contenus dans ce passage font le lien entre la forme et le fond du récit. C’est cette double dimension qui permet au fabuliste de tromper le lecteur en mettant en avant la forme pour masquer le fond. En commençant par la forme, on constate que la fable est un

6 Voir Emile Chambry, « Notice sur Esope et fables Esopiques » dans Esope, Fables , établi et traduit par Emile Chambry, éd. V, Paris, Les Belles Lettres, 2002. 7Pierre Bornecque, la Fontaine fabuliste , Paris, Ed. Réunis, 1983, p. 35.

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle court récit en prose ou en vers. La prose et la poésie constituent l’une des caractéristiques par lesquelles la fable se distingue du conte écrit en prose, ou bien de l’épopée formulée en vers. La construction de la fable passe en effet par trois étapes importantes : le choix de l’instruction, le passage à l’action pour enfin arriver à la conclusion qui prend la forme d’un proverbe, d’une maxime ou d’une morale implicite. Enfin, ce genre littéraire est dominé par le discours implicite, autrement dit, le fabuliste y délaisse le langage direct pour le langage figuré. Etant donné que la plupart des fables critiquent les manières de gérer les affaires sociales et les conséquences qui en découlent, le moraliste préfère mettre en œuvre ce type de langage pour ne pas susciter la colère des puissants. Le fabuliste, marqué par l’esprit pragmatique, tente ainsi de révéler des vérités universelles tout en évitant les obstacles qui peuvent le freiner ou l’empêcher à atteindre cet objectif. Pour ce faire, il se sert du monde animal pour aborder le réel que ce soit au niveau de l’espace, au niveau du temps ou au niveau des personnages. Le souci pédagogique ne peut pas être, lui aussi, négligé dans l’analyse des fables car il est l’un des objectifs des fabulistes. En somme, la fable est un genre qui est destiné à plusieurs catégories de lecteurs et dont les objectifs sont différents. Ainsi, elle accepte des interprétations différentes du fait de son caractère allégorique. On ne peut pas évoquer la fable sans évoquer la métaphore animalière véhiculant un message moraliste qu’elle porte en elle sous le signe de l’humour et de la légèreté Les outils de la fable a) L’allégorie La fable est un récit allégorique. L’allégorie est une figure qui se construit sur l’ensemble d’un texte (contrairement à la métaphore ou à la comparaison qui ne peut concerner qu’un bref énoncé), plus particulièrement un texte narratif à portée symbolique. Le récit met en scène des sujets concrets ( objets, animaux, végétal, l’eau, le temps) qui renvoient à des réalités d’une autre nature : psychologique, morale, culturelle, etc. Une fable de La Fontaine, d’Esope, Muzi ou d’Ibn El Muqaffa peut en effet être lue à la fois comme une historiette opposant des animaux ou comme la peinture de traits psychologiques et moraux bien humains (l’avarice, la vanité, l’hypocrisie, la ruse, la tromperie, la sottise, la cruauté, la flagornerie...). Lorsque l’enseignant demande aux élèves de relire les fables Le Renard et la cigogne , Le Coq et le et Le Corbeau et le renard , Le Rat des villes et le Rat des Champs

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De leur côté, les élèves devraient noter que chaque fable a son renard et que chaque renard trompe ou tente de tromper son compère. Ils devraient aussi noter au moins les traits les plus concrets de l’humanisation de ces animaux : celui-ci mange du fromage, ces deux -là s’invitent à souper et servent dans des plats, ceux-là boivent au puits, et tout cela, en parlant... Les animaux se conduisent donc comme des humains et le même animal reproduit souvent le même comportement humain d’une fable à l’autre, comme s’il représentait ce comportement ou ce trait de caractère humain, comme s’il en était le symbole. On pourrait donc peut-être relier les fables mettant en scène le renard à toutes les situations de la vie humaine où la ruse et la tromperie sont en cause? N’est-ce pas ce que La Fontaine et les autres cherchait à faire comprendre en écrivant « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes »? On pourrait donc lire chaque fable à la fois comme une histoire d’animaux et comme une histoire qui parle de nous, les hommes (la société humaine). L’enseignant invite ensuite les élèves à tenter d’identifier, à partir des fables lues, ce que représentent, dans les fables de La Fontaine, certains animaux qui reviennent de façon récurrente : Le loup / Le lion / L’âne / Le Renard/ L’Agneau/ Le Rat/ La Cigogne/ Le Coq/ Les Canards/ La Tortue Les élèves constateront que le symbole n’est pas toujours univoque (si l’âne est le sot par excellence, dans Les Animaux malades de la peste , il est certes peu rusé, mais surtout honnête; si le loup est souvent le cruel dévorateur, il remporte notre adhésion dans Le Loup et le chien , où il exprime la liberté devant la servitude). Par définition, la fable est un genre qui adopte le style allégorique pour traiter des questions d’ordre politique, moral ou autre. Les histoires de la fable mettent le monde des animaux et celui des humains en parallèle, autrement dit les animaux de la fable reflètent les différents niveaux sociaux de la vie humaine. A titre d’exemples, le choix du lion, le personnage central qui représente le roi dans plusieurs fables, n’était pas le fruit du hasard car le roi se montre comme le tyran qui écrase le peuple uniquement pour satisfaire ses passions. Les inventeurs des fables avaient le souci de corriger les attitudes injustes du roi. Le lièvre ou le renard, comme ils représentent l’intelligence et la ruse, sont issus du milieu des non-favoris sur le plan social, c’est pour dire que l’homme du commun peut vaincre celui qui se trouve dans la haute sphère malgré ses privilèges matériels et apparents. L’intelligence valorise donc cette catégorie sociale.

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Lorsque on évoque le chacal, le loup et le corbeau, on pense tout de suite à la ruse, à la prudence, à la tromperie etc. Bref, aux moyens de secours et aux armes indispensables pour exercer la politique. Du lion au renard, de l’Ane au chien, des colombes aux fourmis, des loups aux coqs, nombre d’animaux sont présents dans les fables. Ce qu’ils symbolisent procède d’une relative permanence. Le rôle de la fable La fable est un dévoilement de la nature humaine. « Je me sers des animaux pour instruire les hommes » écrit La Fontaine. Ainsi, en parcourant tous les temps, la littérature fabuliste a toujours perçu l’animal tel un reflet de l’homme. Cela dit, la fable sert à peindre l’humanité, à l’éclairer, à lui transmettre un enseignement et à lui délivrer un message moral empreint de sagesse. Parmi les diverses fonctions assumées par la fable, nous citons : a) Diffuser une culture humaniste chez les apprenants-lecteurs La culture humaniste ouvre l’esprit des apprenants-lecteurs à la diversité et à l’évolution des civilisations, des sociétés, des territoires, des faits religieux et des arts ; elle leur permet d’acquérir des repères temporels, spatiaux, culturels et civiques. Avec la fréquentation des œuvres littéraires, elle contribue donc à la formation de la personne et du citoyen. Ainsi, découvrir des fables qui interrogent certains fondements de la société comme la justice, le respect des différences, les droits et les devoirs, la préservation de l’environnement. Comprendre les valeurs morales portées par les personnages et le sens de leurs actions. S’interroger, définir les valeurs en question, voire les tensions entre ces valeurs pour vivre en société. b) Instruire les hommes par des règles de conduite morales Le rôle de la fable, nous venons de le voir, est avant tout moraliste en rapport avec son époque et l’évolution de la société. C’est sa raison d’être. Son procédé permet de théâtraliser, de relativiser ses messages, d’introduire l’humour et la gaieté nécessaires et sert de paravent protecteur au fabuliste pour lui permettre d’aller plus loin dans la critique et l’enseignement face à la censure politique, religieuse ou sociale. En effet, les fables nous offrent le spectacle de la comédie humaine, soit indirectement par la mise en scène utilisée soit directement par le face à face qu’elles nous imposent avec le monde animal, décrit pour lui-même. Elles visent à faire retrouver à l’homme sa clairvoyance qui s’accroît au fil des siècles.

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L’une des caractéristiques génériques de la fable, que les élèves notent parfois d’emblée, est qu’elle illustre une morale. Celle-ci est censée, selon La Fontaine, « instruire les hommes ». C’est donc dire que l’auteur « donne des leçons », nous dit quoi penser, comment agir? Le lecteur n’a-t-il pas droit à son propre avis? Une morale, est-ce que ça se discute? Notons que les Fables présentent deux types de morales : certaines tiennent plutôt du constat sur l’état du monde ( Le Loup et l’agneau .), alors que d’autres tiennent plutôt du conseil (Le Renard et corbeau ). C’est à ces dernières que nous nous intéresserons en premier lieu. Parmi celles-ci, la plupart sont explicites, certaines sont implicites. La Fontaine laisse donc parfois le soin au lecteur de déduire la leçon qu’il doit tirer de sa lecture, lui donnant un espace interprétatif plus grand. L’enseignant demande aux apprenants d’identifier une fable, parmi celles qui ont été lues, dont la morale n’est pas énoncée par l’auteur ( Le Loup et le chien, La Cigale et la fourmi ). Il demande aux élèves de formuler, individuellement, une morale, un conseil de vie qui pourrait s’appliquer à cette fable. La mise en commun des réponses pourra faire constater aux élèves que la même histoire peut illustrer des préceptes divers, être interprétée de diverses manières (Certains peuvent donner raison à la fourmi (elle est vaillante, la cigale aurait dû être plus prévoyante et mérite sa leçon), d’autres à la cigale (la fourmi est cruelle, avare et égoïste de refuser l’aumône à quelqu’un dans le besoin); certains peuvent croire plus raisonnable la servitude volontaire du chien (il faut bien travailler pour manger, tout le monde a un patron, etc.) Il est question donc d’amener les élèves à faire des liens entre les Fables et leur vie, mais aussi à soumettre ces textes à un examen critique légitime, car il serait dangereux que les élèves s’imaginent que nous, professeurs, nous leur donnons à étudier La Fontaine parce qu’il a raison, et que nous adhérons à ce qu’il prescrit comme conduite à tenir On peut être en désaccord, mais il faut apprendre à se justifier. Cette position didactique nous semble être la plus fructueuse pour faire réfléchir les apprenants. Illustration des fables Les Fables , dès leur première édition, ont été illustrées, ce qui les inscrivait dans la longue tradition des fables, bestiaires antiques et médiévaux, dont l’illustration est pratiquement une caractéristique générique (Canvat et Vandendorpe 8, 1993). En effet, l’illustration, peut-être surtout dans le cas des Fables , n’est pas qu’une décoration ordinaire : si l’on découvre

8 CANVAT, K & VANDENDORPE, C. (1993). La Fable. Vade-mecum du professeur de français. Bruxelles : Didier Hatier (« Séquences »), p.90.

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle souvent les Fables durant la prime enfance, c’est l’image qui happe l’imagination et se fixe avec elle dans la mémoire. Ainsi, il s’avère donc intéressant de mener un petit travail autour de l’image avec les apprenants, pour tenter de voir en quoi un illustrateur donne déjà une interprétation personnelle d’une fable. A titre d’exemples, l’enseignant pourrait poser des questions telles que : - Comment les personnages sont-ils représentés (animaux ou humains)? - Ces représentations sont-elles réalistes, caricaturales, humoristiques? - L’atmosphère générale de l’image est-elle celle d’une comédie ou d’une tragédie? - Quelle image préférez-vous et pour quelles raisons? La comparaison en classe, dirigée mais non contrainte par le questionnement de l’enseignant, permettra tout d’abord de mieux connaitre la sensibilité des élèves : préfèrent-ils la couleur et l’humour des illustrations proposées ? 2. L’exploitation du texte littéraire (la fable) comme lieu d’informations externes La Fontaine ou l’écrivain témoin de la société française du XVII e siècle Pour analyser et interpréter la littérature dans les fables, nous pouvons nous concentrer sur plusieurs questions connectées : Au premier lieu, quel témoignage nous donne la leçon didactique d’un tel texte sur le système des valeurs des modèles antérieurs ? Certainement pas, car comme nous l’avons déjà dit, leurs auteurs étaient toujours influencés, de telle ou telle façon, par leur milieu politique, social, religieux, etc. Nous devons nous demander ainsi comment distinguer la morale « actualisée » dans les fables et quelle est sa proportion par rapport à la morale plus générale, établie dès les débuts de la tradition ésopique. Une autre question est celle du public à qui s’adressait la littérature didactique et quel était en effet l’influence de ce public sur les thèmes et motifs de cette littérature. Comme nous l’avons mentionné précédemment, aux morales dictées se mêlent des morales qui relèvent plutôt du constat sur l’état du monde. Celles-ci recèlent souvent une critique de l’auteur sur sa société et sur le régime politique en place. Les Fables auraient-elles donc aussi une dimension politique subversive, comme celles de Phèdre, qui a dû prendre le chemin de l’exil? En nous basant sur les mêmes éléments significatifs, qu'ils soient socio-culturels ou politiques , intellectuels ou rhétoriques, nous verrons dans quelle mesure les fables de La Fontaine sont indissociables de la société de cour et des salons du XVIII e siècle français .

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La société mondaine du XVII e siècle offre un terrain exemplaire pour le développement des civilités et des belles manières . Directement inspirées des doctrines italiennes sur l'art de se comporter et de se soutenir à la cour ou dans la société des grands , les relations évoluent vers un idéal d'« honnêteté» qui entend instaurer un mode de vie et de communication poli et civilisé. Il s'ensuit un climat social où les mœurs civilisées règlent les rapports entre les individus , où l'art de plaire devient un mode de vie où la littérature joue un rôle de premier plan . Dans ce contexte social où le délectable prend le pas sur l'utilitaire, on se plaît à louer les autres et, surtout, à recevoir des louanges à son tour. L'amour-propre de chacun s'en trouve satisfait à l'occasion de cet exercice où règne la réciprocité . Par contre, ces flatteries ne supposent pas toujours réciprocité et sensibilité à l'amour-propre de chacun, mais favorisent plutôt une situation basée sur l'échange de faveurs entre un « prince» et un «courtisan». Ce dernier a perdu peu à peu sa relative indépendance politique et économique , et il a été contraint de se mettre au service de « princes » plus ou moins importants , de la faveur desquels il attend charges, récompenses, honneurs et donations de titres et de terres. Dans une société monarchique comme celle de Louis XIV, la stricte hiérarchisation des rapports d'autorité incite davantage les relations dissymétriques, ce qui entraîne une situation où la flatterie devient la pièce d’échange. Pour ajouter à ces judicieuses remarques , notons aussi la présence de la particule nobiliaire dans l'apostrophe : « Et bonjour , Monsieur du Corbeau » , où la du corbeau s 'ajoute à sa hauteur pour illustrer les mécanismes de la flatterie . La fable illustre ce principe social accepté selon lequel il faut plaire à son roi pour se «soutenir dans ce monde » . En peignant sous les traits du renard la ruse et les tours de tous les courtisans , La Fontaine met en scène peut-être le fait le plus caractéristique de toute la société mondaine du XVIIe siècle. L’enseignant peut, en effet, revenir brièvement sur le contexte politique et la situation du champ littéraire à l’époque de La Fontaine : Sous le règne de Louis XIV, il n’est pas de bon ton de parler haut et d’exprimer son opposition ou sa marginalité. La censure, voire la prison guette les imprudents. Il n’est pas rare que de grands seigneurs fassent rouer de coups par leurs donneurs d’étrivières des auteurs qui leur ont déplu Lebrun 9 (1996).

9 LEBRUN, M. (1996). Le didactisme en trompe- l’œil des Fables de La Fontaine. Pratiques , 91 , 93-112.

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Pour ne pas emprunter le même chemin que Phèdre, La Fontaine a donc dû apprendre à « dire sans dire », comme dit (Lebrun 10 , 1996; 2000), à dénoncer avec subtilité. Si quelqu’un lit une fable dans laquelle le « roi des animaux » pose tel geste, est-ce la faute de La Fontaine s’il l’interprète comme une représentation du roi?... Les Fables ne semblent pas, par ailleurs, appeler à la révolte. Nous l’avons dit, les morales critiques de la société sont souvent des morales-constats ( La raison du plus fort est toujours la meilleure ), qui jettent plutôt un regard désabusé sur le monde. En filigrane des historiettes amusantes, des traits piquants de certains personnages, des sottises comiques des autres, c’est donc parfois un grand pessimisme qui apparait chez le fabuliste ( Le loup et le chien). L’enseignant doit rappeler que la fable a souvent eu un lien avec la dénonciation des abus de pouvoir, les pères de ce genre en ayant vécu comme esclaves. D’ailleurs, dans la fable de La Fontaine (Le Loup et le Chien), insérée dans la rubrique Lecture- Plaisir de la Séquence 3/ Projet 2 (p.95) est la cinquième fable du livre I du recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668. Le loup, affamé, en vient à demander à un chien fort bien nourri ce qu'il devrait faire pour être lui aussi bien volumineux. Le chien lui conseille de se mettre au service d'un humain qui sera gâté les services rendus. Le loup réalise alors que le chien possède une blessure à l’endroit où l’humain lui pose une laisse. Quand il découvre que cette blessure provient de l’objet qui le prive de liberté, il décide alors de s'enfuir avec sa liberté et de retourner dans les bois. Cette fable animalière oppose deux bêtes proches par la morphologie mais qui ont deux différents modes de vie : l'une est sauvage et l'autre est domestique. Cette confrontation permet à La Fontaine de présenter deux conditions propres à son époque : l'insécurité liée à la liberté et le confort lié à la servitude. En observant le comportement des gens autour d’eux, La Fontaine fut capable d’analyser d’un point de vue impartial, mais en même temps, attentifs aux petits détails. Scandalisé par la conduite générale du peuple, l’attitude des uns envers les autres, et l’ignorance de la majorité quant à la politique. Un fait qui intrigua également l’écrivain était la manipulation qui les puissants faisaient sur le peuple. En savant que la plupart des gens était facilement mystifiée, le roi et ses ministres utilisaient des différentes stratégies pour montrer leurs positions dans la société. La Fontaine décrivit dans son œuvre l’effet que l’apparence avait sur le peuple: Il remarqua aussi que la

10 LEBRUN, M. (2000). Regards actuels sur les Fables de La Fontaine . Paris : Presses universitaires du Septentrion (« Savoirs mieux. Littérature »).

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mentalité du peuple n’était pas tout à fait différente de celle des gouvernants. Au contraire, il s’indignait de voir que les plus modestes étaient capables de faire l’impossible lorsqu’il y avait une opportunité de s’enrichir ou de s’élever dans la pyramide sociale. La nécessité des hommes de toujours être supérieurs fut représentée par la fable La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf de La Fontaine. Plusieurs autres aspects de la société du XVIIe siècle bouleversèrent La Fontaine. Il écrivait sur la vanité, l’orgueil, l’ambition, l’égoïsme etc. il annotait tout ce qu’il trouvait déplorable chez le peuple. Mais rien ne lui déplaisait plus que la faiblesse de la justice et l’injustice des forts et puissants sur les faibles dépossédés. Différentes fables furent consacrées à ce thème vulnérable et discutable. « La raison du plus fort est toujours la meilleure. », écrivit La Fontaine dans le premier vers de la fable Le loup et l’agneau . En racontant l’injustice vécue par l’agneau qui rencontra un loup affamé, La Fontaine décrit ce qu’il avait observé dans sa propre société. Avec la fable, il montra au lecteur que la force déterminait qui avait la raison, sans que le faible puisse se justifier ou se défendre. La fréquentation des salons et l’accointance avec des précieux leur ouvrirent les yeux à la vanité humaine. En effet, La Fontaine affirme qu’il se « sert d’animaux pour instruire les hommes », car leurs histoires « contiennent des vérités qui servent de leçons « ; ainsi, dans les fables, « le plus simple animal nous [...] tient lieu de maître ». Par ailleurs, La Fontaine affirme aussi qu’une « morale nue apporterait de l’ennui » ; (aussi choisit-il de raconter, en « imitateur » d’Ésope et de Phèdre notamment, des histoires divertissantes pour faire entendre ses morales. Enseigner le genre la Fable comme culture cultivée Le genre littéraire « la Fable» constitue la principale œuvre poétique de la période classique, et l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française. Le tour de force de La Fontaine est de donner par son travail une haute valeur à un genre qui jusque-là n’avait aucune dignité littéraire et n’était réservé qu’aux exercices scolaires de rhétorique et de latin. Les Fables choisies, mises en vers par M. de La Fontaine (ou plus simplement Les Fables) est une œuvre écrite entre 1668 et 1694. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’un recueil de fables écrites en vers, la plupart mettant en scène des animaux anthropomorphes et contenant une morale au début ou à la fin. Ces fables furent écrites dans un but éducatif et étaient adressées au Dauphin.

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Le premier recueil des Fables publié correspond aux livres I à VI des éditions actuelles. Il a été publié en 1668, et était dédié au dauphin. La Fontaine insiste sur ses intentions morales : « je me sers d’animaux pour instruire les hommes. » Le deuxième recueil des fables correspond aux livres VII à XI des éditions modernes. Il est publié en 1678, et était dédié à Madame de Montespan, la maîtresse du roi. Le dernier recueil publié correspond au livre XII actuel. Il est publié en 1693, mais daté de 1694. Il est dédié au duc de Bourgogne, le petit-fils du roi. Travail de réécriture des fables d’Ésope (par exemple La Cigale et la Fourmi), de Phèdre, Abstémius, de Pañchatantra (Pilpay), mais aussi de textes d’Horace, de Tite-Live (les Membres et l’estomac), de lettres apocryphes d’Hippocrate (Démocrite et les Abdéritains), et de bien d’autres encore, elles constituent une somme de la culture classique latine et grecque, et s’ouvrent même dans le second recueil à la tradition indienne.

LʼUniversel singulier de l’animal entre '' Kalila et Dimna '' d ʼIbn al- Muqaffa et" Les fables " de La Fontaine en classe de FLE L’enjeu en question concerne le genre textuel « la Fable » à travers l’analyse des liens entretenus entre deux œuvres appartenant à deux cultures différentes afin d’asseoir un contact et un dialogue interculturel. Il s’agit de mettre en évidence la place historique de Kalila et Dimna dʼIbn Al Muqaffa. (720-756), et son influence dans les fables de La Fontaine (1621- 1695), considéré comme le plus grand fabuliste de la littérature française et mondiale. L’Universel- singulier de « la jungle » comme reflet de la société humaine La quasi-totalité des fables élisent lieu d’ancrage dans l’espace symbolique de « la jungle », marqué par la loi du plus fort et la domination des pulsions et instincts animaux de la survie, d’occupation d’un territoire, d’agression ou de riposte à une agression. En effet, la plupart des fables sont fondées autour d’un antagonisme, d’un conflit ; elles mettent en scène des rapports de forces et incarnent la présence de dangers dont il faut se débarrasser sous peine de perdre la vie. Pulsions et instincts sont les forces dynamiques qui régissent les comportements de ces personnages. Dans " L’Âne et le Chien »", par exemple, l’intrigue pourrait être ramenée à l’ambition et au désir de gloire qui anime Dimna avant qu’il ne fasse partie de la cour. Malgré la présence de ces réalités, cet espace n’en est pas moins traversé par des modes d’organisation "humaines" et "rationnelles" : il est question par exemple de liens politiques organisés, avec au sommet un

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle chef (le lion) et à la base une cour, des conseillers, des ministres et des sujets. On y trouve un tribunal qui rend la justice (le procès de Dimna), des liens d’amitié très forts qui se nouent même entre des êtres opposés et naturellement conditionnés à être l’un le mangeur, et l’autre la nourriture. Les fables brossent en même temps l’image de bêtes habitées par des soucis et des idéaux humains comme la vertu, la prudence, le désir d’avoir une bonne réputation, l’égalité et la justice. Après avoir évoqué, dans " L’Ane et le Chien ", les liens d’amitié pure qui s’installent entre des animaux naturellement voués à être des ennemis les uns des autres. Cela dit, le choix littéraire de représenter l’univers politique dans l’espace de la jungle a donc, pour nous, une signification politique majeure et déterminante : l’état de nature est présenté comme un état inhérent aux sociétés humaines ; il est consubstantiel à toute existence humaine et aucune société, par essence politique, ne peut y échapper. Cette vision anthropologique nourrit une réflexion sur l’ami et l’ennemi, la guerre et la paix. Pour le point que nous développons ici, nous insistons sur la coexistence, au sein de cet espace, entre les passions les plus basses (envie, égoïsme, jalousie, haine, mensonge, perfidie, agressivité, ingratitude, infidélité) et les idéaux les plus nobles (justice, droiture, amitié, sincérité, concorde, sécurité.) Les allusions politiques Les Fables de La Fontaine ont été écrites à l ʼépoque Louis XIV. Pour cette raison nous trouvons de diverses allusions politiques. Un nombre de ces fables ont été écrites au moment de sa revendication sa part de succession d’Espagne et puis ce dernier se heurte à la Triple Alliance des Hollandais, Anglais et Suédois qui lui imposent leur médiation 11 .A ce propos, nous remarquons quelques fables de La Fontaine font allusion à cet événement, comme dans le cas Le Soleil et les Grenouilles , il se moque des plaintes des Hollandais. Il consacre ainsi quelque fables au service de la politique royale, mais nous trouvons à la fois, dans Le berger et le Roi -le Lion, le , Loup et le Renard , La Fontaine qualifie la cour royale d’un pays de parasites machinateurs d ʼimposteurs, où règnent les flatteurs, l’hypocrisie, la servilité et la calomnie. Nous constatons que les fables de La Fontaine nous donnent une image cruelle de la société monarchique constituée d ʹintrigants et de flatteurs, occupés à s ʹentre-déchirer, à tromper le prince, à se pousser aux dépens des autres, aux dépens de l’intérêt publique 12 .Quelle est donc la position du Roi Soleil en ce qui concerne les fables de La Fontaine?. En effet, Louis XIV

11 Andre Lagarde et Laurent Michard, Le XVII siècle Les grands auteurs français du programme , Bordas,1970, p235. 12 La Fontaine, Les Fables , l ʼ introduction par Antoin Adam. op.cit., p.16

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle considérait les opinions de La Fontaine, comme une offense à la gloire de son règne. C’est pourquoi Louis XIV n ʼaimait pas La Fontaine et sa vengeance se borne à retarder son élection à l ʼAcadémie française 13 . La même attiude pour Ibn Al Muqaffa qui a utilisé aussi la fable à des fins politiques, a subi un sort tragique résultant de ses avis politiques et de son alliance avec les adversaires du calife abbaside Al Mansour. (il sera victime des manœuvres et des intrigues des gens qui attendaient le moment propice pour lʹéliminer 14 ). Notons que les deux fabulistes la Fontaine et Ibn Al Muqaffa, l’un, sous la monarchie absolue de Louis XIV, et l’autre sous le règne d ʼAl Mansour n’ont pas évité les questions politiques. Au contraire, ils les abordent d’une manière plus intelligente, plus vivante. Ils utilisent des histoires entres les animaux afin d’exprimer leurs opinions politiques de sorte que leurs Fables deviennent des offensives claires contre le pouvoir politique. En adaptant ses fables d ʼIbn Al Muqaffa, La Fontaine effectue toujours des changements stylistiques soit dans l ʼexposition soit dans le déroulement temporel du récit. La Fontaine abandonne le style d ʼIbn al Muqaffa dans Kalila et Dimna en évitant l ʼintroduction des événements et des contes accessoires dans ses fables. Dans La tortue et les deux canards ,il nous présente cette fable dans une manière différente de celle de l ʼIbn Al Muqaffa, en éliminant l ʼexposition dans cette fable. Nous trouvons aussi, la tortue chez La Fontaine laisse sa place seulement pour la curiosité, ce qui nous donne une cause non justifiée (sottise) mais pour l’auteur oriental la tortue quitte sa place pour chercher sa nourriture. Ainsi la cause de la mort résulte de l’ouverture de sa bouche, est due à deux justification; la vanité pour La Fonltaine et la colère qui la fait parler pour l’autre écrivain (Ibn Al Muqaffa). Nous avons compris que Ibn Al Muqaffa et La Fontaine mettent en scène dans leurs œuvres, des animaux domestiques et sauvages et des oiseaux, où les lecteurs petits et grands, enfants et vieillards y trouvent la nourriture intellectuelle, interculturelle, l ʼamusement, les règles du conduite, des leçons de sagesse et de morale, cachées sous les emblèmes des fables et d ʼ autres questions. En un mot les deux œuvres Kalila et Dimna et Les Fables se proposent d’éduquer les êtres humains en les conseillant par le biais de contes empreints de grande sagesse. Kalila et Dimna et Les Fables ont une grande valeur artistique et culturelle parce qu’ ils constituent le point de jonction entre le littéraire, et le social et entre le social et la morale.

13 Andre Lagarde et Laurent Michard, XVII e siècle, Les grands auteurs français du programme, Ibid, p.9 14 Lahcen Boukhli , Le discours politique dans Kalila et Dimna , op.cite., p.237

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Par leurs œuvres, Ibn Al Muqaffa et La Fontaine ont ainsi donné aux lettres arabes et françaises une dimension universelle et interculturelle et en ouvrant la voie à la création de nouvelles œuvres dans le genre de la fable en prose et en vers. Le thème de l’entraide et l ’amitié « l’amour de l’Autre » chez Al Muqaffa à travers les fables L’Ane et le Chien, La Tortu et les deux Canards. A travers les deux fables proposées dans le manuel de 2 ème année moyenne : La Tortue et les deux Canards (p.67) et L’Ane et le Chien (p.142), la Fabuliste Ibn Al Muqaffa traite le thème de l’amitié ou le l’amour de l’Autre. En effet, Ibn Al Muqaffa aborde l’amitié pure entre deux personnages, en l’occurrence, ( Le Chien / L’Ane ). Le dialogue entre les personnages nous manifeste un exemple intéressant à ce sujet. Le Chien interpelle son ami l’Ane afin qu’il lui permette d’atteindre le panier accroché au cou de l’Ane. Accroché au cou de l’Ane, un panier contenait de la nourriture. Le Chien dit : -« Ö toi, baisse un peu la tête afin que je tire mon repas du panier, la faim me tiraille et je voudrais manger. » Mais l’Ane refusa et lui dit : -« Attends que mon maître se réveille, il te donnera ta part. » Le Chien comptait sur son amitié avec l’Ane sauf que ce dernier le renie au profit de sa servilité envers son Maître. Mais après un moment un gros l’Ane fur surpris par un gros loup. Le Chien alla vers son maître et se blottit près de lui, pendant que l’Ane paissait çà et là…jusqu’à ce qu’un gros loup lui apparût. Alors il appela le Chien à son secours. Le Chien le rejoignit et dit : -« je ne consens pas à te protéger sans une permission de mon maître, attends donc son réveil. » (…) Le Chien ajouta : -« je ne te traite pas autrement que tu ne m’as traité tout à l’heure. Si tu m’avais rendu service je n’aurai pas hésité à te venir en secours par tous les moyens. » La leçon donnée à l’Ane consiste à synthétiser le proverbe selon lequel « on récolte le fruits de ce qu’on a semé ». Le Chien à mis l’Ane face à ses actes et justice soit faite. De même pour les deux canards qui viennent en aide et sauvent avec eux la Tortue suite à la sécheresse qui a frappé l’étang dans lequel ils vivaient en communauté.

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Chapitre 7 : L’utilisation de la « la fable » en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Conclusion Cette exploitation didactique du genre littéraire « la fable » a pour objectif d’amener les élèves à s’approprier les Fables de La Fontaine, d’Esope ou d’Ibn El Mouqaffa en considérant l’œuvre sous diverses dimensions (son lien avec le reste de la production littéraire, tant en amont qu’en aval, ses dimensions stylistiques, esthétique, référentielle et socio-culturelles, mais aussi ce qu’elle convoque chez son lecteur). Elle a aussi pour but de les amener à mieux comprendre certaines notions indispensables à leur formation langagière. Cependant, les analyses ne sont jamais gratuites : liées aux caractéristiques génériques ou aux particularités des fables lues, elles sont toujours en partie destinées à permettre à l’élève de mieux comprendre et interpréter ces textes dans une perspective interculturelle. Elles sont liées le plus harmonieusement possible à l’étude générale de l’œuvre, qui ne se réduit pas à une étude formelle. Par conséquent, l’approche que nous avons proposé nous semble une voie susceptible de restaurer le lien entre la littérature et la dimension interculturelle. La fable par l’image qu’elle a donnée et donne des animaux, a contribué et contribue toujours à définir la place qu’ils ont acquise parmi nous. Outil de la peinture de l’espèce humaine, la fable est devenue à sa façon un manifeste ou un élément de compréhension des enjeux de la protection de l’animal et un éclairage dans la réflexion sur son statut, par la prise de conscience qu’elle a peut-être insidieusement mais très réellement provoquée, en martelant nos esprits et en nourrissant l’imaginaire collectif. Genre littéraire tout à fait spécifique, moraliste plus que philosophique, elle a traversé les siècles, les civilisations et les régimes politiques. Même si la forme du message s’est adaptée avec le temps, elle répond toujours à un besoin. En cela, la fable animalière saura perdurer au cœur de nos vicissitudes futures.

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Chapitre 8 L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Introduction

Nous nous sommes intéressé dans ce chapitre au texte romanesque et à son utilisation dans les manuels de français au moyen dans une perspective interculturelle. Nous commencerons donc par le définir afin de comprendre son fonctionnement et ce qu’il fait son intérêt pour les apprenants-lecteurs. En effet, les efforts de définition permettent d’englober d’une part les caractéristiques du genre romanesque mais surtout la clé de voûte de son fonctionnement : ce qui fait son succès auprès des apprenants-lecteurs. C’est de cette manière que nous pourrons décortiquer ses points forts et classifier les caractéristiques principales d’un texte à choisir et à ce qu’il faut développer lors de l’analyse de ce type de corpus dans une perspective interculturelle et anthropologique. Nous nous intéresserons ensuite à l’aspect didactique et pédagogique du texte romanesque en traitant de l’utilisation qui a été faite des extraits que nous avons analysés en classe de français au moyen. Ceci implique : les raisons de notre choix des extraits à étudier, comment ces textes ont été analysés par les enseignants du moyen, traitement des résultats apportés par l’application d’une démarche interculturelle et anthropologique sur les mêmes textes. Nous conclurons par différentes propositions de choix d’approches pour analyser des extraits romanesques motivants et les recommandations sur la meilleure manière de traiter les extraits romanesques dans le but de développer chez les apprenants-lecteurs une compétence interculturelle lors de la lecture littéraire.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

1. L’extrait romanesque dans le manuel de français au moyen Le genre romanesque, majoritaire, se voit donc associé fréquemment à diverses activités récurrentes composé d’exercices de compréhension, de questions de lexique, et d’exercices d’expression écrite ou de réécriture. Dans cette configuration, l’apprenant accède au texte progressivement et peut valider ou corriger sa compréhension. Les questions de lexique sont généralement liées aux questions de compréhension, et dans un troisième temps, l’apprenant réutilise ces informations et peut se les approprier par des exercices qui lui permettent de s’exprimer plus librement. L’enseignant peut vérifier si le texte est compris, mais le livre du professeur l’incite rarement à le faire, car dans ce cas, les exercices proposés portent sur la grammaire et la conjugaison, ou présentent des textes à trous à compléter. Le contenu du texte n’a donc aucune importance. C’est ici que la question de la pertinence de l’exploitation pédagogique du texte littéraire se pose avec le plus d’acuité. Nous nous interrogeons déjà sur l’intérêt d’utiliser un extrait romanesque lorsqu’il n’est question que de conjuguer quelques verbes. En revanche, les activités de prononciation, de lecture à voix haute ou de pastiche respectent mieux le texte et permettent à l’enseignant de le mettre en valeur et à l’apprenant de le lire de manière plus authentique. Les débats sont en effet fréquents, de même que les questionnements menant à une réflexion interculturelle, ce qui fait de ce genre un espace de réflexion et d’expression en adéquation avec ce qui est attendu en classe et dans les méthodologies que nous connaissons actuellement, l’approche communicative et la perspective actionnelle. Dans cette perspective, l’usage d’un extrait littéraire pour un exercice de grammaire ou de conjugaison apparaît totalement inconvenable, voire contraignant pour le caractère littéraire du texte. Au contraire, quand le texte est accompagné de questions permettant une approche globale, quand il se présente avec une exploitation du paratexte disponible pour le lecteur habituel, la compréhension se fait selon des stratégies plus proches de celles qui sont utilisées hors de la classe. Le roman : un genre complexe à enseigner au moyen Le genre romanesque apparaît donc comme un genre majeur et majoritaire dans le paysage littéraire redéfini au XIXe siècle. L’étude de l’extrait romanesque constitue un terrain d’apprentissages littéraires et interculturels vaste, ce qui explique sa large présence dans les programmes du moyen. Mais il y a lieu de se demander comment il est possible de concilier un apprentissage scolaire, qui

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle vise à établir une relation « exemplifiante » du texte au genre, et la formation de lecteurs- apprenants de littérature romanesque, sachant d’une part, que le roman est par nature un genre « ouvert » et d’autre part ; que les auteurs contemporains pratiquent précisément le métissage générique et/ou se plaisent à transgresser voire à subvertir les codes génériques. Pour J.-M. Schaeffer, « une relation générique est exemplifiante dès lors que la définition de la classe générique se réfère à des propriétés partagées par tous ses membres, c’est-à-dire dès lors que les propriétés impliquées par le nom de genre sont récurrentes 1 ». Cela dit, il revient bien à l’école de permettre à tous les apprenants-lecteurs d’identifier ces propriétés constituantes qui définissent les classes génériques fondamentales. En effet, l’étude du genre romanesque dans le moyen doit faire apparaitre la littérature comme un espace interculturel que régissent des modèles canoniques, impliquant règles et conventions. Etant donné que l’existence d’une œuvre littéraire est intrinsèquement liée à son actualisation par l’acte de lire, l’on considère le texte romanesque comme « un acte communicationnel » (J.-M. Schaeffer, 1989). Lire un extrait romanesque en classe de français Nous estimons qu’il ne faut en aucun cas que les apprenants considèrent le texte comme un support pédagogique complexe ou ennuyeux. Le professeur doit alors recourir à certaines stratégies pour le rendre intéressant et susciter leur intérêt / curiosité. Un des moyens pour y parvenir est de permettre aux apprenants de choisir le texte qu’ils souhaitent étudier (en proposant par exemple un corpus et en présentant les textes un à un). Il suffit que l’élève établisse « un rapport privilégié avec le texte »2 et qu’il puisse interagir avec ses camarades sur ses propres lectures car l’objectif premier de ce travail est de rendre divertissant l’apprentissage de la langue française à partir du texte littéraire. Nous voulons que l’élève apprenne en s’amusant mais aussi contribuer à développer sa compétence stratégique en tant que lecteur de texte littéraire. En outre, le professeur doit toujours jouer un rôle de médiateur et aider les élèves à découvrir les mécanismes du texte littéraire et à l’apprécier en tant qu’œuvre d’art. En ce qui concerne le choix des textes, nous aurions tendance à dire que n’importe quel texte peut être étudié à n’importe quel niveau. En effet, c’est là où réside le travail du professeur : choisir un texte qui s’adapte au programme et élaborer des activités autour de ce texte en accord avec le niveau de langue des élèves. Ainsi, Les Misérables de Victor Hugo peut aussi bien être étudié à l’école maternelle qu’au lycée. Tout dépend donc de l’objectif fixé par le professeur.

1 SCHAEFFER J.-M. (1989), Qu’est-ce qu’un genre littéraire ? , Paris, Seuil, 157. 2ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p. 53.

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En ce qui concerne l’écriture de textes littéraires, Marie-Claude Albert et Marc Souchon précisent à juste titre que le travail d’écriture est souvent synonyme de créativité pour les enseignants alors qu’il ne s’agit en réalité que d’une simple copie de techniques utilisées par les groupes d’écrivains. Ils précisent d’ailleurs que : « L’enseignant peut d’une part instaurer des procédures qui permettent aux étudiants de verbaliser leurs démarches, d’autre part planifier les séances en donnant toute leur place aux travaux de réécriture et d’amélioration des textes produits. La participation effective de l’apprenant dans l’activité de lecture se trouvera renforcée du fait qu’il est lui-même lecteur de son propre texte 3. » De notre point de vue, l’implication de l’élève est primordiale, il doit être réceptif aux activités proposées par l’enseignant. C’est donc pour cela que nous préconisons le recours à des activités ludiques et divertissantes pour étudier un texte littéraire. En outre, la littérature est l’une des composantes de l’enseignement du français langue étrangère comme un moyen privilégié pour atteindre plusieurs finalités comme affirme Yves Reuter : « La variété des objectifs et finalités assignée à l’enseignement /apprentissage de la littérature est […] impressionnante : les compétences linguistique développer son esprit critique, lui permettre de s’approprie son sens esthétique et sa sensibilité, lui faire prendre du plaisir, participer à la formation de sa personnalités. 4» Pour M. Abdallah-Pretceille et L. Pocher « la littérature c’est l’humanité de l’homme, son espace personnel. Elle rend compte à la fois de la réalité, du rêve, du passé et du présent, du matériel et du vécu, il faudrait probablement qu’elle s’enseigne sous des formes neuves, inédites, correspondant aux besoins des hommes aujourd’hui. 5 » Ce faisant, nous estimons que le texte littéraire constitue un passeur de langues et de cultures en favorisant la rencontre de l’autre dans ses divers aspects. En effet, le fait d’explorer une pluralité de personnages qui incarnent diverses réalités garantie au lecteur-apprenant l’accès à la réalité universelle et de connaître ce qui est commun à tous et à l’humanité en générale. L’acte de lire est un moyen de faire écrire les élèves, de les faire réagir, de les faire découvrir. En effet, l’intérêt d’une lecture au collège implique une dimension collective. C’est-à-dire qu’il y a partage de convictions, d’interrogations, de prises de conscience, de frottements

3 ALBERT, M.-C. et SOUCHON, M. (2000). Les textes littéraires en classe de langue . Paris : Hachette, p. 61. 4 REUTER, Y. (1996). “Eléments de réflexion sur la place et les fonctions de la littérature dans la didactique du français à l’école primaire”. Repères : Lecture et écriture littéraires à l’école, 13, p. 7-25. 5 ABDALLAH-PRETCEILLE, M et PORCHER l. (1996 ), Education et communication interculturelle - paris : presses Universitaires de France.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle interculturels. Cela ne peut que nourrir l’espace contenu dans l’extrait romanesque lui-même et le faire déborder vers d’autres réalités. 2. Le texte romanesque et son utilisation dans les quatre manuels du moyen Afin de disposer d’une représentation de l’exploitation pédagogique de l’extrait romanesque dans les manuels de FLE du moyen, nous avons constitué un corpus de 25 extraits romanesques tirés des quatre manuels. Nous avons fait le choix d’observer des manuels plutôt que des pratiques effectives, car celles-ci sont toujours individuelles et propres à chaque enseignant, ce qui ne permet pas de généraliser les observations faites. En plus, le manuel est un outil très répandu, régulièrement utilisé par les apprenants ou/et par les enseignants lors de leurs cours ou de leur préparation. Par conséquent, et tout en ayant conscience des limites de cette affirmation, on peut néanmoins avancer que le manuel constitue une vitrine visible des pratiques de classes. Il informe à la fois sur la conception qu’ont ses auteurs de la méthodologie adoptée et sur la pratique des enseignants qui vont l’utiliser. A partir de cette réflexion, nous avons sélectionné 04 manuels du moyen édités à une période qui correspond à l’arrivée dans le champ didactique de l’approche par compétences. Pour disposer d’informations et de chiffres précis, nous avons relevé l’ensemble des extraits romanesques présents dans les quatre manuels du moyen. Un relevé tabulaire a été établi ensuite, mentionnant l’espace occupé par le texte sur la page, l’auteur, la nature du texte (extrait romanesque), les compétences travaillées, les tâches d’apprentissage proposées et le thème abordé par le texte. Ainsi, il est intéressant de s’interroger sur les exploitations pédagogiques associées au texte littéraire (fragment romanesque) dans ces manuels. L’objectif de la classe de langue est l’apprentissage de la langue et de sa culture. Un extrait romanesque, par exemple, peut être inséré dans l’ensemble des rubriques du manuel, qu’il s’agisse de grammaire, de conjugaison, de vocabulaire, de civilisation ou de compréhension écrite. Pour l’apprenant, ces activités conditionnent la réception du document et invitent à utiliser des stratégies de lecture adaptées à l’activité et non au texte. Il apparaît donc important de proposer des tâches d’apprentissage qui correspondent au support choisi, et inversement. L’utilisation des extraits de genre romanesque dans une classe de langue est considère comme une opportunité pour l’apprenant d’exprimer ses idées et de travailler en même temps ses compétences grammaticales et de les l’introduire dans le contexte qui convient. Car les genres

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle sont, selon B. Schneuwly. (2001 :83), un « objet d’enseignement »6 de la langue, maternelle ou étrangère, ils sont liés aux compétences orale et écrite car ils « constituent des modèles heuristique des instruments de connaissance, et l’analyse de l’acquisition- développement de la compétence discursives et textuelle dont les praticiens auraient tort de se priver 7. » Notons qu’un genre romanesque est considéré comme « l’horizon d’attente pour la lecture et servent d’unité intégrante de l’enseignement- apprentissage 8 .» (K. Canvat, 1996). Enfin, on peut dire que le roman est un objet d’enseignement de la langue dans laquelle l’apprenant est capable d’acquérir diverses compétences. Le cadrage générique lors de la lecture littéraire en classe de français Dans une classe de français langue étrangère, comment peut-on enseigner cette compétence générique, sachant qu’il n’est pas question de proposer un cours d’histoire ou de critique littéraire ? Les savoirs liés aux genres littéraires et aux espèces génériques sont nombreux, et il serait fastidieux – et inapproprié – de proposer aux apprenants une liste d’espèces génériques accompagnées de leurs caractéristiques. Il sera sans doute plus intéressant de mettre en place des activités qui leur permettent de construire leurs compétences et de poursuivre cette acquisition en dehors de la salle de classe. Plus que des savoirs, ce sont donc des pratiques qui seront enseignées. L’acquisition de méthodes permettant à l’apprenant de percevoir les caractéristiques génériques des textes qu’il lit et de déduire les normes génériques de ces observations, sera alors plus profitable, et lui permettra d’être autonome. Ainsi, l’intérêt de la compétence générique n’apparaît cependant pas immédiatement pour les apprenants. Face à un texte en langue étrangère, leur objectif premier est la compréhension, qui doit leur permettre de réaliser les activités associées au document. Pourtant, comme le dit K. CANVAT (1999), « le cadrage générique du texte constitue une opération essentielle pour l’établissement du contrat de lecture. Par cadrage, on entend ici l’activité sémiotique qui consiste à inférer un certain nombre d’informations à partir d’indices disposés à la périphérie du texte (dans le paratexte et le métatexte), à sa lisière (dans l’espace textuel et l’incipit), mais aussi dans le texte lui-même (les superstructures). 9»

6 Dolz. , Noverraz, M- et Schneuwly, B. (2001) ; s’exprime en français. Séquence didactique pour l’orale et l’écrit , Notes méthodologiques (VOL.IV :7°,8°,9°).Bruxelles : De Boeck (COROME). 7 Kanvat Karl (coord.), types et genres textuels, in . Enjeux : Revue de didactique du français, N°37-38, Namur : CEDOCEF, 1996a, p 25. 8 CANVAT K. (1996), « Types de textes et genres textuels. Problématique et enjeux », dans Enjeux , n° 37/38, Namur, CEDOCEF, p. 5-29. 9 CANVAT K. (1999), Enseigner la littérature par les genres , Bruxelles, De Boeck-Duculot, p.115. 263

Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Reconnaître la dominante générique apparaît par conséquent comme un préalable indispensable à la lecture d’un texte. Telle une approche globale spécifique à la littérature, ce processus donne des clés de compréhension et d’interprétation qui sont constantes d’une œuvre à l’autre, lorsqu’elles appartiennent à la même espèce générique. Le rôle de l’appartenance générique est effectivement de mettre en place des structures communes qui permettront de décoder le texte dans un cadre prédéterminé. Dans les textes les plus conformes aux typologies génériques, le lecteur est guidé tout autant pas sa connaissance préalable de la structure que par le récit. Il peut anticiper et valider les hypothèses formulées implicitement, ou au contraire mesurer l’écart proposé par l’écrivain par rapport au modèle. C’est ce que confirme K. CANVAT (1999) quand il affirme que les genres littéraires sont « des conventions qui fondent des expectatives mutuelles, garantissent une certaine stabilité dans les échanges langagiers et assurent ainsi un contrôle plus strict du décodage du texte en réduisant son incertitude 10 ». En effet, identifier le genre, puis l’espèce générique d’un texte apparaissent ainsi comme des étapes essentielles à la maîtrise de la compétence lectoriale. Le texte lui-même comprend ensuite des espaces où son identité générique, comme sa généricité sont particulièrement prégnants. Il en est ainsi des incipits, qui sont les lieux d’accueil du lecteur. Premiers contacts avec le texte, ils mettent en place de nombreux éléments indispensables à la lecture, tels que l’horizon d’attente ou le cadre narratif. D’ailleurs, les marques génériques se manifestent pour confirmer l’identification affichée par le paratexte, ou, au contraire, pour l’invalider et proposer un autre mode de lecture. Ces incipits sont également destinés à séduire celui qui s’y aventure, ce qui impose, dans de nombreux romans, une confirmation de ce que les lecteurs attendent. En somme, l’exploitation du cadrage générique montre l’intérêt qu’il présente pour l’élaboration d’hypothèses de lecture et peut être mis à profit dans la recherche de relations intertextuelles, facilitant elles-aussi la découverte du texte. De plus, la comparaison de ces textes typologiques et de leurs corollaires où la généricité est majoritaire, mettra en relief la structure générique des premiers. Dans ces conditions, le texte littéraire, jugé souvent trop complexe et trop dense pour être enseigné en classe de langue étrangère, est au contraire un support pédagogique indispensable. La diversité de ses genres, son rapport constant à la culture du pays, son écriture parfaite sont quelques exemples de la multitude d’atouts dont il dispose. En effet, il est bien évident que pour étudier un texte, il faut en connaître sa nature, le genre auquel il

10 CANVAT K. (1999), Enseigner la littérature par les genres , Bruxelles, De Boeck-Duculot, p.114. 264

Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle appartient…Mais revenons tout d’abord sur le concept de genre, souvent étudié et critiqué. Comme le soulignent Marie-Claude Albert et Marc Souchon dans Les textes littéraires en classe de langue , « Les genres textuels sont le résultat d’une histoire, ils ont une dimension sociale »11 . Il ne faut pas oublier que la notion de genre a en quelque sorte outrepassé les critiques des romantiques et des surréalistes. En ce qui concerne le genre romanesque, il s’agit d’un genre où l’articulation entre le temps et l’espace est fondamentale. Sa structure est en général rigoureuse et suit presque toujours un fil conducteur. Marie- Claude Albert et Marc Souchon parlent de la « temporalité narrative » : « Les œuvres sont appréhendées par tout lecteur à partir d’une perception du monde qui est structurée par une temporalité narrative comportant une double composante, logique et chronologique, qui détermine trois étapes : la situation initiale, la complication, le dénouement. Dans le conte et dans la comédie le dénouement est le plus souvent heureux, dans le roman cela dépend du sous-genre (roman d’apprentissage, roman picaresque, roman noir…), dans la tragédie le dénouement est toujours malheureux 12 . » L’étude de la fiction narrative a comme atout permettre à l’apprenant d’acquérir tous les outils nécessaires à la communication (savoir raconter n’est pas inné). A ce propos, Roland Barthes souligne: « Comprendre un récit, ce n’est pas seulement suivre le dévidement de l’histoire, c’est aussi y reconnaître des ‘étages’, projeter les enchaînements horizontaux du ‘fil’ narratif sur un axe implicitement vertical : lire (écouter) un récit, ce n’est pas seulement passer d’un mot à l’autre, c’est aussi passer d’un niveau à l’autre 13 . » En d’autres termes, le récit se compose d’unités narratives c’est-à-dire le noyau du texte et les éléments annexes, de l’action, des personnages, du rôle du narrateur (supérieur, égal ou inférieur aux personnages). À travers l’œuvre, l’auteur exprime son intention et donne aux futurs lecteurs des informations de natures diverses qui seront plus ou moins reçues, en fonction du contexte de réception. Le rattachement à un genre dépend donc de deux mouvements, celui du créateur et celui du regard extérieur multiple qui peut être très éloigné de l’intention de départ. Comme le statut littéraire est lié à l’identification générique, il est lui aussi fonction de la réception et peut être attribué à un texte bien après sa parution.

11 Marie-Claude Albert et Marc Souchon dans Les textes littéraires en classe de langue , p.128.

12 Op. cit., p. 133. 13 Roland Barthes, Introduction à l’analyse structurale des récits , Communications 8, p.5, in Pour une nouvelle pédagogie du texte littéraire , p.21-22.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

2.2. Lecture-compréhension d’un texte romanesque Le processus de compréhension d’un texte doit être actif pour que le contenu soit bien compris. Savoir gérer les connaissances et les compétences utiles à la lecture est par conséquent nécessaire. Si la compréhension d’un texte est un résultat construit, le lecteur doit appliquer des opérations convenant à la situation afin d’atteindre les buts fixés. Pour cela, des éléments plus ou moins explicitement présentés dans le texte peuvent guider la manière d’en exercer le traitement, ce que nous appelons « indices ». J-P. Bronckart synthétise ce point de vue ainsi : « Un texte ne prend sens qu’au travers de l’activité d’interprétation de ses lecteurs, activité qui reconstruit du sens à partir des indices disponibles dans la matérialité textuelle. […] Il faut donc convenir que les indices matériels attestables dans un texte constituent fondamentalement des instructions, des systèmes de contraintes, destinés à 14 orienter le lecteur dans son interprétation. » Dans un texte, certains indices y sont explicitement notifiés – les éléments textuels – mais d’autres nécessitent une recherche – les éléments extratextuels –.Néanmoins, leur interprétation n’est pas donnée, même si les indices orientent la compréhension. L’activité d’interprétation implique donc la mise en relation des éléments textuels à des éléments extratextuels. Quand nous interrogeons les lecteurs, dans notre cas les apprenants algériens de français, sur leur définition de l’activité de compréhension, ils l’expliquent comme la capacité à restituer les idées principales d’un texte. Mais les réponses obtenues ne traitent probablement que des processus que les apprenants-lecteurs croient adopter : il s’agit de leurs représentations sur leur processus de compréhension. Ainsi, la compréhension étant donc un processus complexe et par nature quasiment inaccessible. L’enseignement de la culture littéraire et artistique Depuis les années 1990, l’on assiste au glissement d’un « enseignement des langues » vers celui de la « didactique langues et cultures ». En effet, cette rebaptisation est l’œuvre de R. Galisson et cela est justifié par le fait que le lexème « enseignement des langues » dissimule la dimension culturelle propre à toute langue et accorde le primat à la seule dimension fonctionnelle. Ce faisant, l’enseignement des langues doit privilégier l’implication continue du culturel et du linguistique, tout en accentuant l’étude sur les deux dimensions de la notion

14 -Bronckart , J.P., 1996, Activité langagière, textes et discours , Delachaux & Niestlé, p.99.

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« culture » : à savoir, la culture au sens réduit (littéraire et artistique » et la culture au sens large (anthropologique). Compte tenu de la conception traditionnelle de l’enseignement des langues-cultures, tel que pratiqué dans les anciennes méthodologies, il se limitait à diffuser uniquement une culture (histoire) littéraire et artistique. Notons qu’à cette époque, le texte littéraire incarnait « le bon usage » et le style raffiné car il est le produit d’une élite composée des grands noms de la littérature française. Cependant, cette vision des choses, comme nous le savons, a été dépassée au cours des années 1960- 1970, suite à la sophistication des modes de a production culturelle (télévision, nouvelle critique, nouveau roman), et cela à provoqué une certaine démythification de l’objet littéraire. D’ailleurs, dans les programmes et les manuels de FLE, les histoires littéraires traditionnelles structurées par auteurs, cadrage historiques- notice biographiques- des extraits commentés cèdent la place à des nouveaux manuels thématiques ou génériques, où le littéraire est noyé dans le paralittéraire et le non – littéraire ; le texte littéraire semble disparaître au profit du document dit « authentique » (c’est-à-dire fonctionnel). De puis la réforme de 2003, le paysage scolaire algérien semble marqué par l’apparition d’une génération de nouveaux manuels où la part de la littérature est assez spectaculaire. En effet, cette nouvelle donne scolaire dominée par les notions de compétences, de nouveaux enjeux sont désormais attribués à la transmission d’une culture littéraire : • un enjeu psychologique : la nécessité de transmettre aux jeunes générations des repères identitaires collectifs à travers un patrimoine littéraire commun, et plus spécifiquement celui qui s’enracine dans la langue maternelle et dans la culture nationale ; • un enjeu pratique : la nécessité de transmettre un bagage littéraire suffisant pour pouvoir décoder les innombrables allusions, parodies et réécritures en tous genres qui se fondent sur les grandes références de la littérature ; • un enjeu proprement didactique : la nécessité de transmettre les grandes références (courants et mouvements, textes et auteurs prototypiques) qui permettent de comprendre les étapes et le sens de l’évolution du fait littéraire.

Mais il est aussi de plus en plus question de littérature aujourd’hui dans l’enseignement du FLE : celui-ci constitue, en effet, un laboratoire langagier. Par sa richesse lexicale et

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle syntaxique, il apporte à l’apprenant d’autres expériences linguistiques que les dialogues ordinaires.

Association entre Littérature et universels singuliers : notion d’interculturalité. Avec le phénomène des flux migratoires, le phénomène d’interculturalité (relation entre les langues et les cultures) est de plus en plus présent en didactique et également en classe de langue. Il s’agit là d’une relation intrinsèque entre la culture de l’élève et celle de langue étudiée. Comme l’explique Paulina Sperkova dans son article intitulé « La littérature et l’interculturalité en classe de langue » : « Dans la classe de langue, la culture de l'apprenant est confrontée à la culture étrangère, ce que l'on appelle « dialogue des cultures ». Dans ce dialogue, la propre culture de l'apprenant est enrichie au contact de la culture de l'Autre et mène à la compétence interculturelle (à la « troisième » culture de l'élève) 15 . » Claude Clanet définit, à son tour, le dialogue interculturel par : « l’ensemble des processus psychiques, relationnels, groupaux, institutionnels générés par des interactions de cultures, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une identité culturelle des partenaires en relation 16 . » En effet, un texte peut accepter une multitude d’interprétations aussi valides les unes que les autres. Ces interprétations sont fondées en général sur la propre culture de l’individu. Il existe donc un parallèle entre la culture maternelle et la culture de la langue étrangère étudiée. De surcroît, le texte littéraire est le produit d’une réflexion ou d’une création engendrée par un auteur appartenant à une culture déterminée. Les références (images, expressions, dates) présentes dans le texte sont en accord avec la culture de l’auteur d’où la présence d’un « choc des cultures ». Ne s’arrêtant pas là, Paulina Sperkova parle aussi d’une confrontation : « Le texte littéraire véhicule des images qui renvoient à des mythes reconnus et acceptés par le groupe dont l'auteur fait partie et où son œuvre est d'abord reçue. La culture de l'élève va être confrontée avec le monde de l'Autre. Ce fait lui permettra de relativiser le statut de sa propre culture et de vivre une expérience interculturelle. » Cela dit, si la lecture littéraire, au collège, a pour

15 SPERKOVA, P. (2009). “La littérature et l’interculturalité en classe de langue”. Sens public [en ligne] Disponible sur : http://www.sens-public.org/IMG/pdf/SensPublic_DossierEurope_PSperkova.pdf, p.3. 16 L’interculturel : Introduction aux approches interculturelles en Education et en Sciences Humaines , Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1990, in Littérature et interculturalité : Le dialogue interculturel dans le roman africain de langue française , d’Adama Samaké, http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article1761

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle objectif l’initiation au texte littéraire. Devenue un objet spécifique d’étude, la littérature a conquis une place très bien identifiée dans les programmes des collégiens. Les élèves la considèrent comme une matière à part entière et ont conscience de la travailler. Cette situation était impensable il y a quelques années. Derrière elle se profile une mise en familiarité avec la littérature, sa dénomination et ses contenus ; c’est un démarrage essentiel pour que celle-ci ne devienne pas un volet séparé. 3. La lecture littéraire en classe de français au moyen Lire un extrait romanesque permet l’appréhension d’une entité littéraire sous ses multiples facettes, lesquelles ? D’une part, il s’agit de l’étude de l’extrait pour comprendre les principes sous-jacents en régissant la composition. D’autre part, on insiste sur l’intérêt porté à sa genèse, ce qui devrait conduire les apprenants à saisir la problématique de la création littéraire et à entrevoir le rapport de l’auteur avec son œuvre et l’ancrage de celle-ci dans son environnement historique et culturel. Cette étape est une préparation à l’analyse du contenu, y compris le non-dit, pour découvrir la conception du monde dont elle est le reflet. Toutes ces investigations n’excluent pas l’étude relative à l’interrogation des personnages et au sondage de leur psychologie pour comprendre leurs motivations. Enfin, l’étude d’un extrait dont on justifie le choix permet d’articuler les analyses fragmentées et les visions d’ensemble: • éléments de fiction ; • réseaux de personnages ; • étude de l’espace et du temps ; • construction et progression dramatique ; • thèmes dominants (les universels singuliers) • dialogue interculturel et altérité

Lecture d’un extrait romanesque en classe de français L’extrait romanesque apparaît donc à la fois comme l’une des finalités de l’enseignement du français dans le Moyen en donnant le goût, les outils et développer les compétences d’une pratique autonome de la lecture des œuvres littéraires. Il est conçu comme le support principal des diverses activités caractérisant cet enseignement. Un tel choix demande l’adoption de

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle démarches méthodologiques et de stratégies de lecture appropriées à l’étude d’un extrait romanesque. Les méthodes sont également diversifiées, mais lesquelles ? • La première est la lecture méthodique : elle relie constamment observation et interprétation ; elle fait participer activement l’élève à la construction du sens à partir de réseaux d’indices textuels, paratextuels et discursifs. Quel que soit le genre de texte ou le type de discours considéré, c’est avec ses compétences d’analyse personnelles, y compris celles qui font intervenir sa subjectivité, que l’élève progresse dans la construction du sens ; • La lecture analytique a pour spécificité de s’attacher à dégager le sens d’un texte par une étude détaillée des techniques d’écriture, et s’intéresse aux effets que produisent ces techniques sur le lecteur. • La lecture sélective permet de dégager les informations en fonction du projet de lecture; La séance de lecture peut aussi avoir comme supports des textes d’auteurs français ou francophones, en vue d’élargir les horizons culturels des apprenants et de les sensibiliser à la diversité linguistique francophone. Le choix des extraits retenus a obéi aux considérations suivantes: • permettre une appréhension de la langue en contexte • assurer une continuité entre le primaire le cycle du collège • initier les élèves aux principaux genres et mouvements littéraires et à quelques grands courants de pensée favoriser l’ouverture culturelle et interculturelle des apprenants • sensibiliser aux valeurs nationales et universelles. Les textes divers peuvent être l’objet d’étude en lecture, à l’écrit ou à l’oral, l’intérêt étant de permettre à l’élève d’appréhender une problématique à travers des regards croisés et partant, de construire son point de vue propre. Présentation des extraits romanesques insérés dans les manuels du moyen Nous réfléchirons dans cette partie sur le corpus de textes romanesques à choisir pour travailler en cours de FLE : d’abord, on se concentrera sur les quatre manuels du moyen pour choisir les textes de notre corpus. Dans le cadre de l’étude des extraits romanesques issus des quatre manuels du cycle moyen, nous proposons l’étude de fragments romanesques comme suit :

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle

Extrait Auteur Nationalité Manuel Rubrique romanesque Le petit prince et Antoine Saint Française 1ère AM Lecture plaisir le renard (p.21) Exupéry

Le Petit Prince et Antoine Saint Française 1ère AM Lecture plaisir le Renard (p.35) Exupéry Le Petit Prince et Antoine Saint Française 1ère AM Lecture plaisir le Renard (p.48) Exupéry Le monde en Arnold Lobel Française 1ère AM Lecture plaisir couleurs (P.86) Le monde en Arnold Lobel Française 1ère AM Lecture plaisir couleurs (P.97) Le monde en Arnold Lobel Française 1ère AM Lecture plaisir couleurs (P.111) Mondo (p.123) D’après J. M. G Française 3ème AM Compréhension Le Clezio de l’écrit G. Fouillade et M. Française 4ème AM Compréhension « Quand je serai Moulin de l’écrit grand… » (p.115) « Le prix de la Rabia Ziani Algérienne 4ème AM Lecture récréative liberté » (p.138) « Le Blé et le Rabia Ziani Algérienne 4ème AM Lecture récréative Coquelicot » (p.189)

Tableau 14: Les extraits romanesques insérés dans les manuels du moyen

Après s’être interrogé sur quelle période choisir pour encadrer le corpus, on s’est finalement situé sur le contexte historique du 20ème et le début de l’époque contemporaine. Nous expliquerons les raisons de ce choix: les arguments d’ordre personnel d’une part, et les causes principalement didactiques d’autre part. D’un côté, le fait de vouloir travailler sur le contexte du 20ème et le début de l’époque contemporaine est dû essentiellement à notre goût personnel envers ces périodes ; pour éveiller l’intérêt chez les apprenants il faut d’abord être passionné et attirée par la matière à

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle transmettre, cela nous semble indispensable dans le domaine de l’enseignement. Cela va éveiller en eux l’envie d’approfondir les connaissances, d’emprunter des livres, de poser des questions, bref, de partager la passion reçue. Concernant les causes qui expliquent cet amour vers la littérature de l’époque choisie, on peut citer, d’abord, la littérature du 20ème siècle comme élément clé nous ayant permis de mieux découvrir la culture de l’autre car les artistes traduisent dans leurs œuvres de façon sublime leurs sentiments face aux divers grands évènements historiques qui ont lieu tout au long du siècle. Signifiant et signifié se confondent dans leurs créations : leurs déceptions, révoltes et quêtes personnelles ne sont pas simplement montrées dans leurs peintures ou écritures, mais surtout, ce sont les peintures ou écritures qui deviennent les sentiments mêmes. La haine, la fuite, la recherche d’une mémoire collective sont les thèmes qui dominent généralement dans l’art de cette période au point d’y devenir l’objet même. Ainsi, les lecteurs et observateurs cessent d’être lecteurs ou observateurs pour devenir des personnages et se fondre dans les émotions transmises par les différentes œuvres. D’un autre côté, nous avons également choisi cette période pour des raisons didactiques car l’écriture du 20ème siècle semble motiver davantage les apprenants car ils estiment que l’écriture de cette époque plus facile et accessible que celle des périodes précédentes. La forme des romans de cette période les séduit davantage car, d’après eux, les livres sont moins volumineux, les paragraphes sont moins longs et les phrases plus courtes. Par ailleurs, les temps grammaticaux leur semblent moins compliqués, les thématiques plus familières. En effet, les sujets évoqués sont proches des apprenants, car il s’agit d’une période actuelle que nous partageons collectivement : les événements vécus nous affectent tous, étant donné que nos grands parents, nos parents et nos enseignants nous ont transmis cette histoire, une culture, une mémoire collective s’est donc construite. Exploitation des extraits romanesques selon l’approche des universels- singuliers de L. Porcher

Louis Porcher proposait, il y a une trentaine d’années, de recourir au concept universel singulier en vue de réintroduire la notion de civilisation (également désignée culture ), alors évacuée dans les cours se réclamant notamment de l’approche communicative. Dans Manières de classe (1987), L.P. part de la nécessité de pour l’enseignement de la culture. Pour L. Porcher, recherche avant tout un équilibre, une articulation entre des sujets quotidiens (correspondant à l’expérience des apprenants, à un vécu partagé) qui soient en

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle même temps de type universel. C’est ainsi que pourrait être mis en synergie enseignement de la langue et enseignement de la culture/civilisation par le recours à des thèmes tels que l’eau, l’animal, le temps, la mort, la terre, le feu, l’amour, le rêve, etc., thèmes alors qualifiés d’ universels singuliers . Pour préciser de quoi il s’agit, L. Porcher prend puise dans l’étude sur Flaubert dans laquelle Sartre montre que celui-ci représentait à la fois l’individu Gustave et l’humanité universelle (Sartre 1971-1972). Et L.P. prend soin d’ajouter que Sartre avait emprunté le concept universel-singulier au philosophe Hegel, au début du XIXe siècle. Pour sa part, L.PORCHER recourt lui aussi à son tour à ce concept pour désigner l’ensemble des phénomènes « qui ont lieu quel que soit l’endroit (universel), mais que chaque société traite de sa propre manière (singulier) ». Les universels-singuliers ont donc une double caractéristique : d’une part, ils sont présents partout, en tout temps et en tout lieu et, d’autre part, ils sont dotés d’une singularité locale. Concrètement, dans son ouvrage de 1987, L.PORCHER détaille trois thèmes universels-singuliers : l’eau, l’animal et le temps (la durée), le végétal. Et pour chacun de ces thèmes, il propose une organisation de l’information, un « réservoir pédagogique » dans lequel chacun pourra puiser. Par exemple, pour l’eau, il aborde successivement la géographie de l’eau, les produits de l’eau, les professions reliées à l’eau, et ainsi de suite. Ainsi définis, les universels- singuliers apparaissent comme le fil conducteur d’une démarche éducative orientée vers la découverte des autres et de soi, c’est-à-dire sur l’interculturel . Le concept de culture/civilisation est à son tour remplacé par celui d’ interculturel . C’est alors que le co-auteur, Fabrice Barthelemy, rappelle que, selon L.Porcher, Sartre peut être considéré comme le « père spirituel » de l’interculturel, « c’est-à-dire du rapport réciproque à l’étranger ». En somme, dans ses premiers emplois, le concept universel-singulier de L.P. est examiné dans une perspective pédagogique étroite, comme une voie à suivre pour combler les lacunes du communicatif en réintroduisant une manière d’enseigner la culture/civilisation. Alors que dans ses emplois plus récents, grâce à la collaboration avec d’autres auteurs, la perspective initiale s’élargit pour faire place notamment à l’interculturel et à l’éducation comparée.

A juste titre, le texte littéraire est « supplément culturel », affirme Louis Porcher (1987). Il véhicule, en effet, des aspects sociaux, historiques, économiques, etc. toutes ces composantes peuvent êtres exploitées par le professeur pour sensibiliser l’apprenant à une autre culture que la sienne.

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L’objectif est de chercher le général à travers le singulier. Il est vrai que chaque texte littéraire exprime un « écart » par rapport au réel. Pour éviter toute généralisation hâtive, il est important d’éclairer cette vision du monde par la lecture de documents à visée sociologique et anthropologique. Ainsi, en s’inspirant de l’approche anthropologique, un tel travail sur les textes littéraires permet d’accorder moins d’attention au fonctionnement des institutions qu’aux comportements des individus eux-mêmes, qui y deviennent des révélateurs de la culture à laquelle ils appartiennent. Ainsi, l’approche anthropologique permet de considérer les textes littéraires comme des lieux privilégiés de rencontre interculturelle au sens de « reconnaissance mutuelle » (le préfixe inter- implique un échange dynamique). En nous appuyant sur les apports de la didactique des langues-cultures, nous proposons une démarche d’enseignement avec le concept d’universel-singulier. Elle est fondamentalement de nature interculturelle parce que les langues et les cultures sont véritablement en contact. Indirectement il s’agit de mettre en lumière "les universaux-singuliers" de chaque langue. 4 Analyse des extraits de A. Saint Exupéry « Le Petit Prince » dans une perspective interculturelle On classifie souvent Le petit prince comme un livre pour enfants, parce qu’il est bref, simple et contient des éléments typiques du conte : les animaux parlants, un espace merveilleux, un renversement des règles logiques rationnelles concernant le temps et l’espace. Nous estimons que le message recelé dans cet ouvrage est beaucoup plus profond : c’est à nous de trouver notre interprétation de l’univers qu’Antoine de Saint-Exupéry a créé. Des études concernant la question à qui cette oeuvre est destinée, aux adultes ou aux enfants, sont nombreuses. Nous pouvons constater que l’histoire est écrite d’une manière compréhensible pour les enfants, qui suivent le pèlerinage du petit garçon et ses rencontres avec diverses créatures, et, en même temps, elle contient des messages de la part de l’auteur, des réflexions sur la vie que nous pouvons nous rappeler à n’importe quel âge, au travers ce conte allégorique. Les enfants pendant la première lecture : ils vont aimer l’histoire à cause des animaux et des fleurs qui parlent, et, un jour, quand ils commenceront à comprendre les idées cachées, ils vont relire le conte, en découvrant un autre niveau du texte.

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Une analyse thématique de l’œuvre de Antoine Saint- Exupéry Le Petit Prince (1943) Le Roman Le Petit Prince paru, en 1943 est l’une des œuvres majeures de l’écrivain et aviateur Antoine de Saint-Exupéry. Dans cette œuvre, l’auteur traite de l’humanisme et des liens entre l’Homme et la Terre. On y retrouve en effet plusieurs thèmes comme le végétal (la rose, le blé, le pommier, l’herbe, ), l’animal (le renard, poules) l’enfance, l’amitié ou encore la notion de responsabilité chez l’Homme. On montrera de quelle manière Saint-Exupéry expose ces idées dans cette œuvre. D’abord, on démontrera l’attachement de l’auteur à la Terre puis on examinera la portée interculturelle de l’œuvre. Dans Le Petit Prince , Saint-Exupéry nous décrit tout simplement avec la grande sincérité d’un enfant : « Le désert est beau ». L’action se déroulant dans le désert pour ce récit, l’eau et la soif sont des motifs d’inquiétude et d’admiration. Antoine de Saint-Exupéry exprime, dans son œuvre, son amour pour la Terre et ses ressources de manière différente. Le thème de l’enfance est très présent dans les œuvres de Saint-Exupéry. Le comportement des enfants le fascine. On retrouve ce lien dans Le Petit Prince qui, lui aussi, parle aux animaux comme le renard ou le serpent. L’amitié, la fraternité sont des valeurs très importantes pour Saint-Exupéry. Il nous le prouve dans Le Petit prince avec l’amour du Petit Prince pour la Rose et l’amitié pour le Renard qu’il apprivoise. Cependant, l’Homme doit être responsable. Dans Le Petit Prince , le renard le rappelle comme pour donner une leçon aux hommes : « Les hommes ont oublié cette vérité, (...) Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as apprivoisé ». Le registre didactique et lyrique utilisé dans Le Petit Prince, et les personnages principaux apprennent de leurs rencontres, Le Petit Prince, avec le Renard et les habitants des planètes visitées. Le renard explique ce que signifie apprivoiser : c’est créer des liens, et devenir unique l’un pour l’autre, parmi cent mille autres. Le petit prince croit comprendre, par analogie, qu’il a donc apprivoisé sa rose. Il évoque sa planète, dont le renard se demande si on y trouve des chasseurs, et des poules. Comme le petit prince répond qu’il n’y a ni l’un ni l’autre, cela ne fait pas les affaires du renard. C’est le renard qui se lance : pour échapper à une vie monotone de chasseur de poules chassé par les hommes, il propose au petit prince de l’apprivoiser, ainsi le blé, qui ne signifie rien pour lui, lui rappellera la couleur dorée des cheveux du petit prince. Le prince accepte avec un peu de réticence, prétextant avoir des amis à rencontrer et des choses à connaître. Le renard insiste et, répondant à la curiosité du petit prince, propose une méthode simple : se rapprocher

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle jour après jour… C’est seulement avec l’aide d’un renard qu’il apprend que sa rose est différente des autres, parce que c’est le temps qu’il a investi pour cette fleur qui la rend unique. C’est ainsi qu’il comprend l’importance que sa fleur a pour lui et décide de rentrer sur sa planète. Le petit Prince aime sa fleur spontanément, mais il ne connaît pas encore le sens de l’amour et seulement grâce au renard il apprend que "L’essentiel est invisible pour les yeux", c’est-à-dire qu’il faut savoir pénétrer l’âme des choses au-delà de l’apparence et que l’amour rend unique l’objet sur lequel il porte, donc il n’est pas nécessaire d'être la seule espèce dans l’univers pour aimer et être aimé. Autour de thème central viennent rayonner les autres thèmes du livre qui sont celui de l’amitié, de la solitude, du silence, de la mort et de la critique au monde moderne. Le thème de l’amitié est aussi présent que celui de l’amour, parce que entre le petit Prince et l’aviateur s’établit une profonde amitié qui ne finit pas après la séparation entre les deux, parce que le Petit Prince donne à l’aviateur le rire des étoiles, c’est-à-dire que l’aviateur quand il regardera les étoiles, pour lui, ce sera comme si toutes les étoiles riaient, ainsi ils resteront pour toute la vie ensemble grâce à elles. L’auteur choisit le désert pour situer la rencontre avec le petit Prince parce que le désert est le miroir de la solitude et aussi le petit Prince vit tout seul avec une rose qui est son unique compagne; puis les astéroïdes que le petit Prince visite sont habitées seulement par un seul individu et l’auteur pour souligner ce thème de la solitude humaine dit que «Tout le monde n’a pas eu un ami» parce qu'il est très difficile de trouver un véritable ami. » Manifestation des Critères Humains dans Les Animaux figurés Avant de commencer, il faut souligner que « Le monde animal, comme le monde végétal, […]. Ces deux mondes sont des constituants de la nature avec lequel l'homme entretient une communication plus ou moins développé et élaborée selon […] les aptitudes personnelles .» 17 , donc les compétences et les capacités de l'homme servent à se positionner et s'inclure dans une communication bien définie et bien fondée. Dans le but d'étudier la thématique de l'animalité, qui exige les "Animaux-Personnages" de se transformer et de devenir des "Animaux- Humains": donner des critères purement humains aux animaux dans le cadre de déroulement des évènements. Notre corpus donne l'importance à l’animal cité par l’auteur « Le Renard », ceci n'explique pas que les autres animaux n'ont pas

17 PONT-HUMBERT, Catherine, Dictionnaire des symboles, des rites et des croyances , Jean-Claude Lattès, 1995, p.56.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle cette importance. La manifestation de ces derniers, dans le déroulement de l'histoire, occupent des actions discrètes et secrètes, on les découvre qu'après la lecture et les lectures d'analyse de "l'arrière-plan" du roman. A propos du renard, il sert au déroulement des évènements. Pour cela l'auteur a consacré tout un chapitre –chapitre XXI- dans lequel il raconte avec des détails, ce qui se passe pendant la rencontre avec lui. Cette rencontre est passée lors d'une des promenades du Prince, la septième planète -la terre-, et plus exactement dans un "jardin des roses" où il se sent faible et tellement triste «il se sentit très malheureux» (p.62) car il se croyait riche de la fleur unique qu'il l'a laissé sur sa planète: «Je me croyais riche d'une fleur unique, et je ne possède qu'une rose ordinaire» (p.64), et soudain il trouve cinq mille roses dans ce jardin ressemblent à la sienne: «Elles (les fleurs) ressemblaient toutes à sa fleur» (p.62). De ce fait, Le Petit Prince pleure car il se sent qu'il n'est pas vraiment important dans ce monde « […], ça ne fait pas de moi un bien grand prince…» et il «couché dans l'herbe » (p. 64). Soudain, un renard surgit sous un pommier, et le petit prince lui demande de le rejoindre à jouer «Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince.» (p.65). L'histoire commence. Comme nous avons dit au-dessus, Le Prince voudrait jouer avec le Renard; le premier critère humain est clair ici, impossible d'appeler un animal pour un jeu et quel animal ! Le Renard!!! Mais celui-ci ne peut pas; car il n'est pas "apprivoisé". Donc l'auteur dans «Le Petit Prince» nous présente un renard qui ne demande qu'être apprivoisé «S'il te plait…apprivoise-moi!» (p.67) et lui explique aussi le sens de cette expression «ça signifie "créer des liens..."» (p.65) pour être clair dans ces paroles. La sociabilité -être socialisé– et réaliser des liens sociaux, l'amitié –avoir un ami– ou devenir un ami à quelqu'un; sont des traits particuliers et spécifiques pour l'être humain; on illustre ces deux critères par le passage suivant «Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi!» (p.67). Donc la particularité de l'homme dans ce passage est évidente; seul l'humain qui a cette faculté de faire des liens entre lui et les autres êtres du même genre que lui, de plus, seulement dans les récits imaginaires qu'on peut réaliser ces liens amicaux, exactement ce qui se passe dans notre histoire. Déjà, la majorité des animaux de nature dès la naissance vivent seuls, la socialité pour eux ne signifie rien, la même chose pour l'amitié, l'animal ne fait confiance à aucun animal, donc ce dernier est l'ami de soi et que soi-même. De même, ces liens servent

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle les autres de ne pas sentir seuls, mais entourer des autre: «si tu m'apprivoises, nous aurons besoins l'un de l'autre.» (p.66), et malgré la distance il se sent toujours joyeux Ma vie est monotone. […]. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. […]. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. (p. 66-67) Notons que la rencontre avec Le Renard est définit par un dialogue dont les phrases sont simples et brèves, avec un langage caractérisé par l'affectivité; où les verbes de sentiment et les points d'exclamations occupent la grande partie dans cette discussion. Il y a beaucoup d'éléments dans « Le Petit Prince » demandent une étude symbolique pour accéder à la compréhension visée par l'utilisation des symboles. Parmi ces éléments, on traitera le symbolisme chez le renard. a) Symbolisme du Renard C'est un animal mammifère, carnivore, voisin du chien48, qui ne vit pas très vieux (18mois- 2ans). Il est issu de la famille "Canidés" qu'ils ont tout une ressemblance au niveau de la forme et du caractère, cause par laquelle on le situera souvent entre le loup et le chien, ceci fait le Renard un animal sauvage et familier à la fois. Le renard est un animal nuisible, le symbole de ruse, de fourberie et de malfaisant. Il est la représentation de tromperie, d'égoïste et surtout méchanceté et souvent utilisé pour montrer la personnification des défauts humains. Cette mauvaise réputation a été –presque- disparue avec les nouvelles sortes d'écriture. Le Petit Prince est l'un des exemples du développement fait au niveau de ces écrits contemporains. On verra ce changement clairement dans l'analyse où le Renard n'est pas ni séducteur ni maudit, il ne veut qu'être "apprivoisé". Le Renard est l’animal inconnu dans son caractère malgré les connaissances, et il est inconnu aussi dans le roman. C'est probablement la particularité de notre Renard qu'il est sage et trop intelligent: il sait tous les valeurs est tous les rites de la vie; surtout ce qui lui manque: les sentiments et l'amour lorsqu'il demande l'amitié, « Si tu veux un ami, apprivoise-moi! » (p.67). Le fait d'obtenir ces deux choses "nobles", c'est déjà un dépassement de la solitude, la preuve: la séparation du Prince lui fait du mal terminée par des larmes du Renard, «… dit le renard… Je pleurerai.» (p.68); symbole de sensibilité et surtout de tendresse. De même, il sait très bien ce qu'il est entrain de dire par « Les hommes n'ont plus le temps de rien connaitre » (p.67); à notre

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle perspective, le Renard veut dire qu'ils sont préoccupés par les bêtes des choses et les activités inutiles, ce qu'ils leur fait perdre la notion de la priorité. «Le Petit Prince» représente la simplicité des choses; il cherche à comprendre les comportements " des grands personnes", dont il ne cesse de poser les interrogations. «Le Petit Prince» est aussi des animaux qui expriment. Le Renard n’est pas qu’une bête; surtout dans «Le Petit Prince». Dans une perspective interculturelle, l’apprivoisement justifie la Rencontre. Le verbe apprivoiser, ce vocable « trop oublié», signifie selon le renard « créer des liens », voir l’autre comme « unique au monde » et partager avec lui ce sentiment d’ « avoir besoin l’un de l’autre ». b) Symbolisme de la Rose L’autre créature symbolique dans le chapitre XXI n’est pas tout à fait présente dans le déroulement de l’histoire, mais elle est un objet des réflexions, ce qui renforce son caractère symbolique et énigmatique. La rose représente pour les Français un symbole très fort et riche en sens. Le trésor de la langue française ajoute à la définition du mot rose dans son sens botanique, l’élargissement sur son symbolisme : « ‘Remarquable par sa beauté, sa forme et son parfum, la rose est la fleur symbolique la plus employée en Occident. [...] . Elle désigne une perfection achevée, un accomplissement sans défaut [...] . Elle symbolise la coupe de vie, l’âme, le cœur, l’amour [...] la renaissance mystique.’ ( Symboles 1969). » L’activité sur les expressions avec le mot rose témoignent de la large polysémie de ce mot. Les expressions algériennes associent la rose toujours avec quelque chose d’agréable, comme la beauté, la bonne odeur, l’endroit positif, ou d’énigmatique. La rose dans les expressions françaises est un peu plus polysémique, tout en conservant le sens de la beauté comme le plus important. En comparant la série des expressions algériennes et françaises, nous retrouverons plus de différences que de similitudes, les élèves vont donc enrichir leur champ lexical grâce à un seul mot. Ils devraient aussi comprendre que, pour les Français, la comparaison avec la rose se fait uniquement avec une femme. L’association de la beauté et de l’énigme avec une femme, uniquement femme, ressort probablement, comme c’était le cas avec le renard, d’une magnifique œuvre littéraire française, qui n’est pas connue pour les élèves tchèques, mais qui est indispensable dans l’éducation des Français. Il est donc intéressant de constater que dans la littérature française la rose est associée pour toujours à une femme.

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Il semblerait que ce conte ne pose pas un grand problème pour les traducteurs du point de vue de l’interculturel, puisque le petit prince, un petit bonhomme d’un autre univers, ne se rapporte pas à une culture spécifique qui serait inconnue pour nous. C’est un être qui ressemble aux enfants du monde entier – les enfants qui se ressemblent dans leur naïveté, leur curiosité, leur innocence. Aussi, les concepts utilisés dans Le Petit prince , comme le renard et la rose, sont bien connus chez nous et il ne faut pas inventer des moyens pour les expliquer ou préciser aux enfants. Il y a des cultures pour lesquelles, par exemple, la Toutefois, c’est un chapitre des grandes idées de la vie, de l’amour, de l’amitié. La relation du petit prince et du renard explique les principes de l’amitié : « On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi ! » (Saint- Exupéry, p. 80). Si nous imaginons l’animal au féminin, cela peut évoquer une impression qu’il s’agit d’une relation d’amour, et cette confusion affaiblirait le rôle de la rose, éloignée et abandonnée sur la planète du petit prince. 4.3. Travail interculturel sur le chapitre XXI du livre « Le Petit prince » d’Antoine de Saint-Exupéry Quelques jours avant le cours, conseillez aux élèves de lire ou de relire le chapitre XXI du livre « Le Petit prince » en arabe. Au début du cours, posez quelques questions, comme : Avez-vous aimé ce chapitre ? Quelle idée vous a paru intéressante ? Chaque élève devra noter une idée ou une situation dans son cahier (en arabe). a) Un exemple de richesse sémantique : Le Renard L’une des données grâce auxquelles « Le Petit Prince » nous fait penser à des contes merveilleux, est le choix des animaux et des êtres inanimés qui parlent et qui apparaissent souvent dans les contes. En analysant le chapitre XXI, nous allons nous concentrer sur deux créatures très importantes : le renard et la rose. L’animal et la fleur bien connus pour chaque enfant français et algérien. Nous allons pourtant voir que dans ces deux pays, nous n’attribuons à ces créatures pas tout à fait les mêmes connotations. Le Renard apparaît dans des contes classiques algériens tellement souvent qu’il est devenu depuis longtemps le stéréotype d’un personnage maligne, rusé et ingénieux. Pour marquer une personne qui porte ce caractère. Or, dans « Le Petit prince » , il s’agit d’un autre renard que nous avons l’habitude de rencontrer dans les récits pour les enfants et pour les jeunes. Cette nouvelle image du renard en contraste avec plusieurs stéréotypes des renards des contes

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle français, c’est donc la différence entre l’invention de Saint-Exupéry et de ce qui se révèle des traditions. Avant de lancer une discussion sur l’importance du renard dans « Le petit prince » , il conviendrait de parler aux élèves de ses précurseurs. Il nous faut constater que le renard des contes, l’animal rusé et maligne, ne diffère pas des renards des contes racontés chez nous. b) Locutions figurées Se confesser au renard – Confier un secret à une personne susceptible d’en tirer partie Coudre la peau du renard à celle du lion – joindre la ruse à la force Faire la guerre en renard – faire la guerre en déployant des ruses Prendre martre pour renard – confondre une chose à une autre qui lui ressemble Tirer au renard (d’un animal, surtout d’un cheval) – tirer sur la bride, essayer de se dégager (d’une personne) - essayer de d’esquiver une tâche, des obligations Vendre la poule au renard – trahir les intérêts qui nous sont confiés Un bon renard ne mange pas les poules de son / du voisin - une personne rusée ne fera rien de mal dans un lieu où elle est connue c) Un exemple de richesse sémantique : la rose De tous les végétaux, c’est la rose qui, dans la langue, porte les significations les plus nombreuses et, surtout, les plus diversifiées. Voici quelques exemples proposées par L. Porcher dans son ouvrage Manières de classe (1987 : 89). • Noms et titres Les végétaux sont très utilisés dans l’ordre des appellations, des noms propres, et cette fréquence symbolise bien à quel point ils sont profondément ancrés dans l’imaginaire social et dans l’inconscient collectif des français. • Présence linguistique - Lexicale : rose est un nom de couleur et un prénom - Métaphore classique : l’aurore aux doigts de rose. - Proverbe : toute rose a des épines. - Noms de lieux :

• Ville : Fontenay- aux- Roses (Hauts-de-Seine) • Rue : rue des Rosiers (Paris) -Prénom : Rose est un prénom féminin (présent également dans Marie-Rose, ou Rose- Marie). -Sens dérivés : la rose des vents, la rose des sables.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle d) Présence culturelle -Poésie française : Mignonne allons voir si la rose -Prose : Le Roman de la Rose. -Film : La Rose pourpre du Caire. -Théâtre : Roses rouges pour moi. - Chanson : La Rose et le Lilas e) Citations (d’auteurs français) -Sur tout parfum j’aime la rose. (Ronsard) -Et rose elle a vécu ce que durent les roses L’espace d’un matin. -Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. (Ronsard) -Vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum. (Musset) -La rose naît du mal qu’a le rosier Mais elle est la rose. (Aragon) -Ah quand refleuriront les roses de septembre. (Verlaine) -Le Cèdre ne sent pas une rose à sa base Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds. (Victor Hugo) f) Locution figurée (expressions françaises) : Frais comme une rose (jeune et dynamique) À l’eau de rose (fade, mièvre) Être frais comme une rose (avoir l’air reposé) Ne pas sentir la rose (sentir mauvais) Voir la vie en rose (voir la vie de façon optimiste) Voir des éléphants roses (avoir des hallucinations à cause d’un gros excès d’alcool) Les messageries roses, le téléphone rose (les messageries, l’appel érotique) Envoyer sur les roses (se débarrasser de façon expéditive et cavalière d’une personne gênante Découvrir le pot aux roses (découvrir un secret bien caché Pas de roses sans épines (toute joie a son corollaire : le chagrin) Jeter des roses (faire des compliments) Être couché sur un lit de roses (vivre dans la douceur) Un homme rose (un homme qui a développé une sensibilité très féminine) Tu n’auras pas ma rose (tu n’auras pas ma virginité) Voir la vie en rose (avoir une vision optimiste des choses)

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5 Analyse des extraits de l’œuvre « Le magicien des couleurs » d’Arnold Lobel Ce livre est très connu et apprécié des enseignants, ce qui nous semble intéressant pour son l’exploitation. En fait, c’est sa thématique (C’est dans la diversité et les différences que se trouve le bonheur !) et le mélange des couleurs qui nous interpellent. Nous souhaitons explorer et interroger le monde valeurs humanistes et interculturelles véhiculés par l’œuvre d’A. Lobel. Nous les nourrissons d’une réflexion anthropologique et interculturelle. Ce livre raconte l’histoire de la découverte des couleurs. Avant la découverte des couleurs, le monde était noir et blanc. Les gens étaient tristes et le temps était gris. Le magicien de ce monde cherche alors un moyen de redonner de la gaieté à la vie. Il tente plusieurs formules magiques, il travaille tant et si bien qu’il invente une couleur : c’est le bleu. Il décide de repeindre le monde entier en bleu. Au début, les habitants sont ravis. Enfin un peu de nouveauté… mais le bleu s ‘avère déprimant à la longue. Il faut donc inventer une nouvelle couleur ! Le magicien trouve la formule du jaune. Mais le jaune est aveuglant et tous les habitants finissent par avoir mal à la tête. Vite, le magicien invente alors le rouge. Un monde repeint en rouge n’est pas une bonne idée. Les esprits s’échauffent et les habitants se battent sans cesse. Le magicien commence à désespérer. Comment rendre ce monde gai et harmonieux ? C’est à ce moment que, par le plus grand des hasards, les pots de peintures, bleus, jaunes et rouge tombent et se mélangent. De nouvelles couleurs inconnues apparaissent. On assiste à la naissance du vert, du rose, du orange… Le magicien s’empresse de repeindre le monde avec ces nouvelles couleurs. Le pays devient multicolore et joyeux. Il s’agit d’un monde gris qui découvre les couleurs jaune, bleu et rouge puis les couleurs secondaires et qui ne trouve l'équilibre que dans la trichromie, le mélange, la variété colorée, la diversité. Autrement dit, c’est la nécessité de la diversité, du mélange pour un monde éloigné des normes pesantes de la mode et de la pensée unique, un monde vivant en perpétuel mouvement, en constante « invention », mais surtout un monde ouvert à l’altérité. On devine au delà de ces deux étages un monde extérieur à ce laboratoire. C’est le monde normal, le monde de tous les jours, le monde qui se nourrit des expériences issues des sous- sols, le monde qui évolue au rythme de toutes ces inventions. En ce moment les recherches de l’alchimiste portent sur la couleur, découverte nécessaire à l‘élaboration d’une société diversifiée, bigarrée et cosmopolite.

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Le sentiment d'un monde bigarré et joyeux sera amplifié et « libéré » : le monde est plus gai, les différences entre les peuples sont plus ou moins marquées mais l'humanité est universelle. 6 Exploitation du récit Mondo est autres histoires de J.M.G Le Clezio Huit histoires où les héros sont des enfants « magiciens ». Des enfants en harmonie avec l’univers, la nature, le ciel, le soleil, la mer, les étoiles, le vent. Chacune de ces histoires raconte à sa manière la recherche d'une liberté. Il y a Lullaby qui décide un matin de ne plus se rendre au lycée et s'en va vers la mer. Il y a Jon qui escalade le mont Reydarbarmur, où se tient le « dieu vivant », et où l'on peut toucher le ciel... Il y a Juba qui conduit à l'aurore les bœufs vers la ville mystérieuse. Il y a Daniel, qui n'a jamais vu la mer, et qui s´enfuit, lui aussi, de l'école... Il y a Martin qui conduis vers une autre terre le peuple du bidonville que l'on va raser... Il y a « Petite Croix », le petit aveugle. Il y a, enfin, Gaspar, qui partage un temps la vie de très jeunes bergers sauvages. Ces nouvelles sont un hymne à la beauté du monde, aux grands espaces naturels, à la richesse du moment présent. Mondo est un enfant-poète et bohème, une sorte d’Indien dont on ignore le passé et la provenance. Dans la ville, sous le grand soleil, au bord de la mer et parmi les gens, il se promène. Il passe son temps à regarder ce qui est beau. Mondo, ce petit garçon, est très libre, aime la nature, aimable, intelligent. Il n´a pas la maison, il vit sur la plage, dans la ville, n´importe où. Il rencontre beaucoup des gens intéressants (le peintre, un homme qui lui apprend de lire...). Ses amis vivent comme lui dans leurs rêves, en marge des bousculades de la vie sérieuse. Ce sont le Giordan Le Pêcheur, Gitan, le Cosaque, le vieux Dadi, Thi Chin, la petite femme chinoise. Mais un jour Mondo est conduit à l’Assistance. a) Les principaux thèmes du livre « Mondo est autres histoires » L'enfant est « le petit prince » de toutes ces histoires. Il est, dit Le Clézio, le seul être absolument « magique », c'est-à-dire que lui seul sait parfaitement se fondre dans l'univers. Lui seul peut donc nous apprendre à habiter ce monde qui est le nôtre. Il faut, pour cela, "devenir soi-même petit, si petit qu'on est à l'ombre d'une herbe et d'une fleur, et vivre au soleil, dans la poussière, sous le vent dans une seule journée longue comme une saison". Il faut s'émanciper du savoir, de la rhétorique et de la gravité, quitter l'encombrement des idées abstraites et complexes qui masquent le monde vivant. L'homme clair voyant est aussi vaste et "saturé de lumière" que le ciel. Il réintègre avec l'enfance l’harmonie du cosmos.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle b) L'enfant et l'adolescent principaux personnages Le Clézio voudrait rester enfant. Il a une tendance globale à choisir des enfants ou bien des vieillards redevenus enfants comme les protagonistes de ces livres. Dans la plupart de ses nouvelles, les personnages principaux n'ont pas arrivé à la puberté. On peut apercevoir chez Le Clézio écrivant un texte une identification aux enfants, ce sont surtout des petits garçons sensibles et solitaires. Pendant l'enfance, époque magique, l'être humain découvre le monde. Pour Le Clézio, l'enfant représente l'âme pure, ce qui le rapproche de la tradition romantique, où l'enfant est le symbole du paradis pour les adultes. L'opposition entre le souvenir de l'enfance et l'état présent constitue l'un des thèmes principaux dans l'œuvre de Le Clézio. Le jeune protagoniste personnifie la nostalgie de l'innocence c) Solitude Le Clézio nomme la solitude le thème fondamental de notre époque. Tous les personnages de Le Clézio souffrent en majorité d'une rupture qui les retranche de la société, les jette dans la solitude Ils vivent séparés des êtres humains de leur groupe social, quel qu'il soit. L'homme reste seul dans la masse de la société, où il est impossible d'être soi. Il n´est pas la possibilité de la fuit. Tous les personnages des nouvelles « Mondo est autres histories » aiment la nature et tout ce qui a rapport avec la nature. C´est la mer, le vent, le soleil, le ciel, les arbres, les roches... Ces éléments naturels sont opposés à la ville et la vie dans la ville (des rues, des maisons, des voitures etc.). Ensuite, les personnages principaux forment le caractère commun de ces nouvelles. Ce sont des enfants. Mais non seulement des enfants simples, mais surtout des enfants magiques, extraordinaires et très intéressants. Ils vivent leur vie tous leurs sens et une grande relation sur la nature. Les enfants de Le Clézio sont indépendants et aventureux. d) Le thème de l’exclusion L’exclu dans la ville est plus que quiconque sensible et confronté à la violence de la société. Il doit sans cesse fuir pour préserver sa liberté d’être et de penser. Malgré toutes ces peurs, la quête des exclus reste le besoin de reconnaissance et d’adoption par le pays d’accueil. • Les lieux L’histoire a lieu dans une ville repliée sur elle-même, se méfiant de tout ce qui vient d’ailleurs.

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• Personnages Monde enfant d’une dizaine d’années libre st sans attache, qui vit totalement et paisiblement chaque instant. Il est en quête permanente de nouveaux savoirs :observation, questionnement de la nature et des hommes, émerveillement devant ceux-ci. • Les rencontres de Mondo Ce récit est avant tout fait de nombreuses rencontres. L’auteur manifeste une certaine tendresse pour les marginaux de la société. Tout se gâte quand la vie « normale » rattrape Mondo, qui se fait alors enfermer à l’Assistance Publique. Mondo offre une vision très positive de la vie, faite de petits riens qui apportent des plaisirs simples mais authentiques ; la société « normale » tue ces plaisirs (voir ce que dit Thi Chin au commissaire : « vous n’avez rien compris »). Deux personnages représentent un peu une mère et un père pour Mondo. • Le personnage « maternel » Thi Chin (vietnamienne). Elle l’invite dans sa maison. Elle cherche à le revoir par l’intermédiaire du commissaire de police ; elle se porte volontaire pour adopter Mondo. Mondo déclare toujours aimer beaucoup Thi Chin. • Le personnage « paternel » vers la fin du récit, Mondo s’inquiète beaucoup pour Dadi, qui a apparemment disparu de la ville...En réalité, il a été transporté à l’hôpital. Dadi rappelle Daddy, qui en anglais veut dire « Papa ». Il possède deux colombes. ce personnage, à plusieurs reprises au cours du récit, raconte à Mondo des histoires d’oiseaux. particulièrement à Mondo : - sur les brisants de la digue ? Giordan, le pêcheur. Il lui parle en particulier de pays d’Afrique (l’Erythrée), de la Mer Rouge... Mondo aime-t-il tout particulièrement Oxyton, la barque dans laquelle Mondo rêve de partir en mer... / le bloc de béton auquel il raconte des histoires / (et aussi) les galets utilisés par Marcel pour écrire le nom de Mondo. • Mondo, un personnage d’aujourd’hui ? Il fait clairement penser aux clandestins qui arrivent sur le territoire français en fuyant leur pays : ils vivent souvent dans des conditions difficiles, et ont peur de se faire prendre. Les personnages sont souvent vieux. Il y a sinon deux personnages très jeunes : l’enfant au vélo, qui est très égoïste ; et Pipo, qui ne parle pas et plaît à Mondo. Et il y a aussi la jeune femme de l’ascenseur qui se montre compréhensive. Le Clézio semble se méfier de la jeunesse et considérer qu’un jeune dans la situation de Mondo trouvera plus de

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle compréhension chez les personnages d’un certain âge, et plus particulièrement chez les personnes un peu marginales. • Le monde de l’autre : L’altérité érigée en valeur Pour le héros de ce roman, le seul moyen de retrouver le bonheur et le temps perdu est de revenir à « l’état naturel » de l’homme, l’état qui n’est possible que dans les sociétés primitives, qui ne connaissent ni l’industrialisation, ni le progrès technologique, ni l’argent ni autres valeurs capitalistes. L’autre, érigé en valeur, et l’acceptation de l’autre caractérisent l’oeuvre de Le Clézio. Nous pouvons nous interroger ici sur le sens de la valorisation de l’autre dans ce roman, et dans l’œuvre de Le Clézio en général. Edward Said dans son livre Orientalism 18 suggère que nous avons tendance à accepter, sans questionner, les stéréotypes déjà existants concernant les autres. C’est-à-dire que l’homme occidental ne fait qu’intérioriser les clichés, forcément trop simplificateurs, ou tout simplement faux et injustes, concernant tout ce qui lui est nouveau, inconnu ou étranger. Donc, même quand il montre de l’intérêt pour l’autre, l’homme occidental risque de perpétuer une image fausse et souvent méprisante de l’autre. Le portrait du personnage de Mondo est caractérisé par la valorisation de l’exotisme et de l’altérité. Ce garçon vit en marge de la société des blancs, connait tout sur la mer et sur les arbres. Il joue le rôle d’initiateur. Selon le Dictionnaire des symboles , initier c’est « d’une certaine façon faire mourir, provoquer la mort. Mais la mort est considérée comme une sortie, le franchissement d’une porte donnant accès ailleurs. À la sortie succède une entrée. Initier, c’est introduire. L’initiation opère une métamorphose. » Donc, dans le monde le clézien, le bonheur n’est accessible qu’aux primitifs et qu’aux enfants, ces deux groupes également protégés par leur simplicité des méfaits de la civilisation moderne. En effet, le premier sens du qualificatif « interculturel » est « ce qui se réfère aux relations entre cultures ». Mais pour comprendre, valoriser et accepter une autre culture, on doit être conscient de son propre bagage culturel et des valeurs de sa propre culture. Seul celui qui accepte et connaît les valeurs de sa propre culture peut également accepter une autre culture, sans a priori et sans être influencé par des stéréotypes. L’approche d’une culture étrangère passe d’abord par la comparaison avec sa propre culture. Séoud dit que « la comparaison est la première étape du processus. Il s’agit d’« observer les différences pour découvrir les

18 Edvard Said, Orientalism , New York, Vintage Books, 1978, p.9.

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Chapitre 8 : L’utilisation de l’extrait romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle propriétés », comme dit Todorov dans Nous et Autres (1989), avec une formulation qui rend 19 bien compte de la démarche. » À travers les textes littéraires on offre aux collégiens le chemin vers la culture d’un peuple, et « en fait une voie d’accès privilégiée aux modèles culturels […] et cette valeur représentative de la littérature se vérifie même chez les écrivains qui s’opposent délibérément à la mimesis »20 . De plus, Séoud nous explique que tout texte littéraire représente un regard sur le monde : « La lecture ne serait donc qu’un regard sur (ou à travers) un autre regard. En littérature, cette lecture est par définition plurielle, en raison de la polysémie des textes, et il y découlera par conséquent, en situation de classe, un processus de croissements de regards, qui sera autant complexe, en théorie, qu’il y a plus de lecteurs, que ces lecteurs appartiennent à des cultures différentes, etc. Le concept interculturel rend bien compte de ce type de processus, 21 où l’altérité se donne à voir. » Quant à Le Clézio, le romancier dont nous avons choisi l’extrait romanesque, il est un écrivain qui favorise profondément l’Autre et toute sorte d’altérité. Il est nécessaire de sensibiliser l’apprenant aux autres coutumes, aux autres mœurs, différentes des siennes. C’est une tâche difficile, mais indispensable, et dans cet objectif, il faut accueillir toute diversité culturelle. Un bon choix des textes littéraires représente une voie réellement privilégiée vers la culture d’un peuple.

19 SÉOUD, A. (1997). Pour une didactique de la littérature . Paris : Hatier-Didier : CREDIF. , p. 146.

20 Ibid ., p.137.

21 Amor Séoud, op.cit ., p.138.

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Conclusion Apprendre une langue étrangère consiste à ouvrir une porte sur le Monde. Chaque apprenant y trouvera un élément qui lui plaît en particulier. En ce qui nous concerne, c’est la littérature. Nous avons essayé de démontrer brièvement, dans cette section, que la littérature peut aller plus loin dans le plaisir de la lecture, ou dans l’analyse et l’étude du texte. Le texte littéraire peut servir de document authentique par excellence. Pourtant, l’enseignement de la littérature a une didactique spécifique, surtout pour les apprenants de français langue étrangère. À travers un texte littéraire, l’apprenant n’entre pas seulement dans un monde de fantaisie, de fiction et de rêve, mais il a également la possibilité de se familiariser avec un nouveau lexique et une nouvelle forme de narration. Il est essentiel pour les apprenants d’apprendre dès le début tout ce qu’ils peuvent faire avec un texte littéraire. Cela dit, le rôle de l’enseignant est de les guider et de les motiver dans ce processus. En même temps, cette porte que nous avons ouverte au début vers autrui et vers une autre langue, une autre culture, permet aussi à autrui de nous voir à son tour. Ce contact avec l’autre permettra à l’apprenant de faire une comparaison de la culture étrangère avec la sienne, ce qui le conduit à son tour à une compréhension et une appréciation de la culture étrangère. Dans cette perspective, un texte littéraire est le meilleur chemin possible pour aller vers la compréhension et la connaissance de l’autre, car il reflète, plus que tout autre document authentique, la façon de penser, de sentir, et d’être d’une société et d’un peuple. Pour toutes ces raisons, et pour saluer la diversité culturelle, l’enseignant a la tâche de motiver constamment les apprenants à lire, aimer et apprécier les textes littéraires, et il a la tâche lui- même d’exploiter savamment des textes littéraires en classe de français langue étrangère. Une fois les difficultés langagières décodées, l’apprenant trouvera un réel plaisir à la lecture.

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Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle

Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle

Introduction C’est dans cette perspective que nous comptons proposer des propositions d’activités didactiques qui concernent la liaison lecture littéraire-interculturalité. Il est de notre devoir en tant que didacticien et enseignant de langue et de littérature de venir en aide à nos jeunes élèves en détresse victime d’un tas de facteurs responsables de leur désaffection pour la lecture littéraire et en particulier celle des contes, des autobiographie et des roman. En effet, face à une situation aussi alarmante qualifiée de désastreuse malgré des programmes assez ambitieux et des contenus riches et intéressants nous ne pouvons rester les bras croisés en attendant que les instances officielles ministère et responsables pédagogiques interviennent Nous sommes tenus après les observations menées sur le terrain, le repérage et l’analyse des représentations que se font les jeunes collégiens algériens de la lecture littéraire d’engager un processus de sensibilisation. Nous misons donc sur la l’extrait littéraire pour favoriser la diffusion d'informations sur les relations interculturelles. À cette fin, nous avons développé une grille d'observation et un cadre d'interprétation qui peuvent servir de balises pour la lecture active d’un extrait littéraire en classe. En effet, le texte littéraire dans ses différents formes littéraires telles que la l’autobiographie, le conte, la fable ou le roman, constitue un lieu commun privilégié à partir duquel les collégiens peuvent échanger et confronter leurs perceptions et leurs expériences de vie sur le thème des rapports d'altérité. Par cet outil destiné aux enseignants de français au collège, nous suggérons de traiter du thème des relations interculturelles, qui est l'une des grandes préoccupations humaines contemporaines, en explorant l'une des dimensions de ce type de rapport d'altérité par le biais d'un extrait littéraire, en analysant un thème universel dans le contexte des rencontres interculturelles. Constituer un corpus d’extraits littéraires traitant des relations interculturelles n'a pas été chose facile. D'abord parce que nous nous nous sommes retrouvé devant une variété de textes littéraires, nombreux par surcroît, qui devaient être sélectionnées en fonction du genre et d'une thématique peu étudiée. Nous avons donc constitué ce répertoire à partir d’une seule source principale : les quatre manuels du moyen. Nous avons fait cette recension en fonction de la disponibilité des supports littéraires dans l’outil commun « le manuel scolaire », utilisé par l’enseignant et les apprenants dans le cadre de l'enseignement/apprentissage du français.

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Par ailleurs, nous avons établi certains critères qui ont servi de balises pour le corpus proposé. D'abord nous voulions que les extraits choisis soient aisément classés dans les quatre genres proposés : l’autobiographie, le conte, la fable et le roman. Ensuite nous tenions à présenter une variété de textes, de groupes ethniques dans divers contextes. À peu près tous les genres littéraires semblent avoir effleuré le thème des relations interculturelles. Les extraits autobiographiques, les contes, les fables, les extraits romanesques offrent un cadre propice au déroulement des relations interculturelles puisqu'ils mettent souvent en scène le Nous et les Autres. Il faudrait donc que l'enseignant fasse ressortir l'aspect culturel du Nous et des Autres, en permettant la rencontre de deux ou plusieurs façons de penser, d'agir et de sentir. 1. Proposition d’une séquence didactique sur le conte dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle Objectifs : A la fin de la séance, les élèves doivent être capables de : -écouter attentivement le conte raconté ou lu ; -dire le conte en tenant dompte des faits marquants de façon chronologique ; -écrire de façon chronologique un conte en tenant compte de ses caractéristiques. a. Phase d’imprégnation et de mise en situation - discussion pour sensibiliser les élèves par rapport au conte ; -écouter attentivement le conte : -donner aux élèves les prérequis sur les étapes d’un conte et les organiser en groupes ; -identifier le héros par rapport aux autres personnages ; -faire ressortir la formule introductive et trouver d’autres formules introductives possibles ; -faire reprendre oralement le conte dans ses grandes lignes par les élèves ; -essai individuel d’écriture d’un conte. b. Phase de production initiale L'enseignant va diviser la classe en groupes de travail. Il va demander à chaque groupe de raconter un conte qu’ils ont découvert lors de la mise en situation sous forme d’une production écrite. Une fois la production effectuée, l'enseignant organise un retour avec l’ensemble des élèves sur leur écrit. -faire lire les productions de chaque groupe d’élèves ; -choisir et mettre au tableau la production jugée meilleure et retenue par les élèves ; - échanger les productions entre les groupes et demander aux élèves de relever les points faibles et les points forts de ces productions.

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-évaluer les textes de manière formative et transmettre les résultats de cette évaluation aux élèves ; - relever les problèmes d'écriture rencontrés : présence des constituants du conte dans les textes produits, difficultés au niveau de la structuration (en particulier pour l'orthographe et la conjugaison), localisation des lieux d’action, présence des personnages principaux et leurs caractéristiques, etc. Cette activité correspond à une évaluation formative car les enfants ont pu prendre conscience des forces et des faiblesses de leurs écrits. De plus, par la discussion menée autour des productions initiales, ils ont pu se rendre compte de l'utilité d'un travail par modules pour progresser dans leur apprentissage. A la suite de cette étape, l'enseignant définit les éléments à travailler dans les modules pour que les élèves puissent disposer des outils nécessaires à la réalisation de la production finale. Chaque module constitue un ensemble d'activités qui doivent permettre aux élèves de surmonter les difficultés rencontrées lors de la première production. c. Travail par modules Durant le travail par modules, ces niveaux sont décomposés pour que l'élève se les approprie et puisse ensuite les réaliser simultanément lors de la production finale. Le premier niveau correspond à la représentation de la situation de communication. L'élève doit apprendre à tenir compte des informations données par le contexte de la situation telles que le destinataire, le but visé, le statut du locuteur et le genre de texte visé. Le deuxième niveau concerne l'élaboration des contenus. Il s'agit pour l'élève de développer des stratégies qui lui permettront de recueillir les contenus nécessaires à sa production.. Le troisième niveau est la planification du texte. Lors de la rédaction de son texte, l'élève développe ses capacités à organiser les informations selon un plan plus ou moins déterminé. Enfin, un aspect auquel l'enseignant doit être attentif est la manière dont il va amener les élèves à capitaliser leurs acquis. Durant le module, les élèves ont développé des savoirs sur le conte. Il peut s'agir du vocabulaire appris, de la structure générale ou des caractéristiques particulières du conte. Module 1 Après la lecture des contes, les activités suivantes sont à développer en classe: -L’enseignant demande aux apprenants de repérer les formules d’ouverture : Il était une fois, En des temps très anciens, Il y a fort longtemps, Au temps jadis, Une fois il y avait, Autrefois…

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Les formules de clôture : A dater de ce jour, Depuis ce jour, A compter de ce jour, C’est ainsi que, Alors, Finalement, Depuis…. Identification des personnages : Diable, extraterrestre, Fées, Géants, Ogresse, Nain, Roi, Reine, Prince, Princesse, Magicien, Pirate, Petit garçon, Jeune fille, Sorcière… Identification de l’espace : Auberge, Forêt, Grotte, Eglise, Île, Lac, Mer, Montagne, Rivière, Royaume, Village… Identification du temps : Eté, Hiver, Jour, Nuit, Lever du jour, Crépuscule, Pleine lune… Identification des Objets : Chapeau, Talisman, Boule de cristal, Lampe magique, Anneaux, Bague, Baquette magique, Epée, Chaussures, Corde, Tapis… Identification des animaux : Chat, Chien, Serpent, Chacal, Loup, Dragon, Cheval, Pigeon… Identification des actions : Boire, Manger, être blessé, Empoisonner, Emprisonner, Se battre, Tuer, Aider, Courir, Défendre, Libérer, Voler, Chanter… Module 2 -Choix d’un passage signifiant par l’apprenant. -Justification des choix en s’appuyant particulièrement sur les expressions qui expriment une opinion. Module 3 -Identification de la morale -Débat sur la phase de la morale des contes (en faisant une comparaison avec le monde actuel). Module 4 -Élaboration du résumé des contes à l’écrit. -Correction des résumés. -Réécriture des résumés. -Présentation orale des résumés.

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle d/La phase de production finale La production finale constitue la dernière étape de la séquence didactique (Dolz et al. , 2001). L'élève doit produire un texte qui répond au projet de communication présenté dans la mise en situation. Pour ce faire, il utilise les apports des modules et les applique à la construction de son texte. - réécriture le conte corrigé par les élèves; -faire reprendre le conte obtenu oralement par plusieurs élèves ; -faire écrire le conte obtenu sur les cahiers et l’illustrer ; -mettre e en scène le conte obtenu à travers une pièce théâtrale. Activités sur la dimension interculturelle du conte Les élèves pourront relever les marques culturelles et des particularités liées au lieu (faune et flore, aliments, etc.), à l’époque (moyens de transport, de communication, etc.) et à la culture (religion, personnages, etc.) qui sont présentes dans un conte.

Par ailleurs, le CECRL définit sept « aspects » permettant d’étudier les « traits distinctifs caractéristiques d’une société européenne donnée et de sa culture » (Conseil de l’Europe, 2001 : 82-83) : - La vie quotidienne (nourriture, manières de table, congés, habitudes de travail, activités de loisir…)

- Les conditions de vie (niveaux de vie, conditions de logement, couverture sociale…)

- Les relations interpersonnelles (relations entre les sexes, les générations, au travail, avec la police, entre « races »…)

- Les valeurs, croyances et comportements (classe sociale, institutions, histoire, minorités, identité nationale, politique, religion, humour, arts…)

- Le langage du corps (comportements faisant partie de la compétence socioculturelle de l’usager…)

- Le savoir-vivre (ponctualité, boissons, repas, prise de congé…)

- Les comportements rituels (pratiques religieuses, célébrations, naissance, mariage, mort…) De nombreux points de cette catégorisation nous semblent intéressants à relever lors d’une exploitation d’un conte en classe de FLE.

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L’enseignant peut jouer sur des éléments culturels qui font l’originalité de chaque peuple. Il s’agit de proposer de travailler sur les appellations d’objets, de vêtements ou des noms de plats, etc. L’apprenant aura à changer le chapeau d’un européen par une turban d’un arabe, à titre d’exemple, ainsi que tout autre élément culturel qui lui permettrait de placer le conte, sujet à la réécriture, dans un autre contexte culturel.

Quelques suggestions à prendre en considération lors de l’exploitation d’un conte en classe de français

Il faut, tout d’abord, sensibiliser les apprenants-lecteurs à la culture des contes en leur donnant les codes d’accès et leur expliquer le fonctionnement littéraire de ce type de récit. Nous allons donner dans ce qui suit quelques étapes préparatoires pour les cours sur les contes avant de proposer une cours pratique sur ces contes. Notons que l’enseignant peut aborder les contes comme support didactique et en visant plusieurs objectifs. Dans allons, à présent, proposer quelques orientations : Compétences visées L’enseignant de français, par les contes, peut viser à développer, à première vue les compétences culturelles et interculturelles. Mais, il peut aussi développer chez l’apprenant- lecteur d’autres compétences. Le conte peut donc mettre l’accent sur les quatre compétences de l’enseignement/apprentissage à savoir :

- La compréhension et l’expression orales - La compréhension et l’expression écrites

Objectifs L’utilisation des contes permet de découvrir et d’approfondir un patrimoine culturel et littéraire. Le fait de s’approprier et de s’investir dans le patrimoine donne du sens à l’enseignement des langues et de la profondeur culturelle aux contenus et développe aussi les stratégies de compréhension chez les apprenants-lecteurs. Dans le processus de l’enseignement/apprentissage du français, le conte peut, comporter un certain nombre d’objectifs qui peuvent s’étaler sur plusieurs séances selon les besoins. Nous citons ci-dessous quelques objectifs qui peuvent être visés dans une cours de français en utilisant le conte :

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Objectifs linguistiques

- Savoir rétablir les rapports du temps entre les verbes dans le récit (passé composé, imparfait, passé simple) - Utiliser les connecteurs logiques nécessaires à la progression et l’enchainement du récit - Repérer et appliquer les règles de l’écriture du conte - Se munir d’un bagage lexical - Comprendre la charge symbolique des mots

Objectifs narratologiques

- Ecrire des mini fictions - Repérer les différentes étapes du récit (situation initiale, transformation, situation finale) - Etre capable de commencer un conte ou de le compléter - Dégager les éléments qui constituent le merveilleux - Dégager les éléments essentiels qui composent le conte, comme les indications des lieux, du temps et des personnages

Objectifs culturels

- Etre conscient du fon culturel de la société des apprenants - Désigner les personnages principaux de quelques contes algériens et les décrire - Rafraîchir la mémoire de nos apprenants en travaillant quelques contes issus du propre milieu des apprenants en français - Apprendre quelques traditions et coutumes liées à leur culture et à la culture de l’autre

2. Proposition d’une séquence didactique sur la fable dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle Notre proposition se base sur l’exploitation des fables de la Fontaine (un auteur qui figure dans les manuels du cycle moyen) dans ses dimensions linguistique et générique. La fable constitue un patrimoine culturel reconnu. Ses charges linguistique et culturelle sont marginalisées par les concepteurs du programme du moyen. Cette exploitation serait une revalorisation de ce genre littéraire dans une perspective interculturelle et anthropologique.

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Objectifs de l’étude du genre textuel « La Fable »

• Étudier quelques fables de La Fontaine, d’Esope, d’Ibn El Mouqaffa et J Muzi et G ranquin • Étudier les procédés mis en œuvre dans la fable. • Découvrir les origines de la fable. • Dégager les caractéristiques des personnages et la morale (leçon de vie) de la fable. • Amener les élèves à dégager certaines caractéristiques de la fable : morale, histoire courte, peu de personnages, valeurs associées aux personnages, présence de rimes. • Amener les élèves à verbaliser leurs connaissances sur la fable. • Reconnaître une fable, découvrir ses caractéristiques principales, savoir différencier la morale et le récit. a/Mise en situation L’enseignant anime une brève discussion autour de cette présentation en posant les questions suivantes (qui pourront être adaptées) : · Que retenez-vous de cette histoire? · Qu’est-ce qui caractérise cette histoire? (Notes : morale ou leçon de vie, longueur, nombre de personnages) · Quels sont les personnages de l’histoire? Qu’est-ce qui les caractérise? · Est-ce que cette histoire vous en rappelle une autre qui vous a déjà été racontée? · Est-ce que vous connaissez d’autres fables? Dans un second temps, il est essentiel de se préoccuper des contenus sur lesquels les élèves vont travailler. L'étape de la mise en situation permet donc aux élèves de découvrir le projet de communication et les apprentissages visés. En ce qui concerne les quatre séquence : « raconter à travers la Fable », l’activité proposée aux enseignants est une discussion de classe sur le thème « la fable ». Par cette activité, les élèves racontent différentes variantes de contes qu’ils vont lire aux camarades d’un autre collège. Ils comprennent ainsi le contexte de communication dans lequel ils vont travailler ; la situation narrative. De plus, les enseignants sont invités à présenter le projet d’écriture aux élèves. b/ Production initiale Cette étape correspond à la première confrontation des apprenants à la situation de communication. Ils essayent de produire un texte qui répond à la situation présentée lors de la mise en situation. Il s’agit, en effet, d’une activité d’écriture collaborative (30-40 minutes)

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Buts de l’activité: a. Produire une première fable avant apprentissage; b. Prendre conscience des difficultés à travailler; c. Donner du sens au travail à venir. Description : En groupe de trois ou quatre, les élèves doivent rédiger une courte histoire (100 à 150 mots) qui ressemble à celle qui a été lu et présentée en classe. L’enseignant peut également décider de faire travailler les apprenants individuellement, tout dépend du contexte de classe. Critères de production : - un texte court (100 à 150 mots); - très peu de personnages (deux personnages); - les personnages peuvent être des humains ou des animaux; - l’histoire doit présenter une morale. Liste de morales (leçons de vie) : - Il faut s’entraider, c’est la loi de la nature. - Qu’un ami véritable est une douce chose. - Aide-toi et le ciel t’aidera. - L’avarice perd tout en voulant tout gagner. - L’habit ne fait pas le moine. - La parole est d’argent, mais le silence est d’or. - Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. - Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. - Faute avouée est à demi pardonnée. Les histoires seront lues devant la classe à la fin du cours et au début du cours suivant. Il est demandé aux apprenants de commenter le texte qu’ils venaient de lire. Ils parleront de la structure, des temps verbaux employés, des personnages, etc. A travers cette activité proposée avant la réalisation de la production initiale, les élèves découvrent la Fable et ses caractéristiques. Cela développe leurs connaissances sur le sujet et précise davantage le contexte de production. A la suite de cette activité, les apprenants effectuent leur première production. La première production met en évidence les représentations de chaque apprenant à propos de l’activité d’expression écrite demandée.

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle c/ Travail par modules Module 1 (deuxième séance) Objectifs : - Dégager la structure narrative d’une fable. Dégager les caractéristiques des personnages et les relations qu’ils entretiennent grâce aux indices langagiers. Activité : Retour sur l’activité d’écriture collaborative (15-20 minutes) Buts de l’activité : - Amener les élèves à dégager certaines caractéristiques de la fable : morale, histoire courte, peu de personnages, valeurs associées aux personnages, présence de rimes. - Amener les élèves à dégager la structure narrative de la fable. Description : - Demander à chaque équipe de lire à haute voix l’histoire rédigée. - L’enseignant choisit d’intervenir en cours d’activité ou à la toute fin pour : 1) faire remarquer aux élèves que les histoires rédigées comportent un début (une situation initiale), un élément perturbateur (ou déclencheur), des péripéties (actions) et un dénouement et, facultativement, une situation finale; 2) faire remarquer aux élèves que la morale n’est pas toujours au début ou à la fin; 3) faire le parallèle avec d’autres genres de textes narratifs étudiés auparavant, dont le contet le roman. Module 2 (Troisième séance) Activité : Visionnement d’une fable, à titre d’exemple : Le Corbeau et le Renard (15 – 20 minutes) Buts de l’activité : - Amener les élèves à identifier les différentes composantes du schéma narratif. - Amener les élèves à comprendre l’importance de travailler les fables de Lafontaine. Description : En guise de préambule, l’enseignant donne quelques informations sur l’auteur des fables, Jean de La Fontaine (Esope, Ibn El Muqaffa, J. Muzi et G. Franquin) Biographie Jean de La Fontaine Jean de La Fontaine est né à Château-Thierry, dans le nord de la France, le 8 juillet 1621. Son père était maitre des Eaux et Forêts et Capitaine des Chasses, et sa mère négociant à Coulommiers. Après des études au collège de Château-Thierry, il passe 18 mois à l’oratoire

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle de Paris pour devenir moine. Après le départ de l’oratoire, il reprend des études de droit et devient avocat en 1649. Il est l’auteur de plusieurs œuvres parmi lesquelles Les Fables sont les plus marquantes. On lui reconnait l’écriture de 243 fables. Il a commencé à les écrire en 1661 et elles seront publiées entre 1668 et 1694. Vieux et malade, Jean de la Fontaine meurt en 1695, soit à 74 ans. Module 3 : (quatrième séance) Activité : La structure narrative de la fable - Dégage la structure narrative de cette fable en complétant le tableau qui suit. Tu dois dire dans tes mots à quoi correspond chacune des parties du schéma narratif. Composante du schéma narratif Dans la fable Le Corbeau et le Renard Situation initiale Il y avait un corbeau perché sur un arbre et il tenait un fromage dans son bec. Élément déclencheur L’odeur du fromage attira un renard qui passait par là. Péripéties ou actions (il y en a deux) Le Renard se mit à complimenter le Corbeau sur son plumage et sur son ramage (sa voix) afin de le faire chanter. Le Corbeau se mit à chanter pour montrer sa belle voix et il laissa tomber le fromage. Dénouement Le Renard attrapa le fromage et fit la morale au Corbeau : sachez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Situation finale Le Corbeau est honteux et confus de s’être fait prendre et jura qu’on ne l’y prendrait plus.

2) Quelle est la morale (ou la leçon de vie) de cette fable ? « Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute ». Il faut se méfier des flatteurs. Les flatteurs sont des personnes qui veulent plaire, dans une intention intéressée, en faisant des compliments faux et exagérés. 3) Décris brièvement une situation de la vie courante qui pourrait ressembler à l’histoire de cette fable (deux à trois phrases maximum). Module 04 : Les caractéristiques des personnages (15-20 minutes) But de l’activité : Amener les élèves à repérer les indices langagiers qui permettent de comprendre les caractéristiques des personnages et les relations entre ceux-ci. Description : Seuls ou en équipe, les élèves doivent répondre à cette question :

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- Quels sont les mots, les groupes de mots, les expressions qui permettent de comprendre les attitudes et les actions du Renard et du Corbeau? Dans cette activité, l’enseignant doit faire observer certains éléments importants aux apprenants : • marques de modalité : phrases de type exclamatif et de type interrogatif (et impératif); • discours rapportés : « Hé ! Bonjour, Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! Que/ vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois/« Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » • mots qui montrent la supériorité ou la hiérarchie; • les figures de style, plus précisément la métaphore Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois pour faire comprendre aux élèves que le Renard est en train de faire un compliment au Corbeau. Un phénix est « Oiseau fabuleux des mythologies antiques, au plumage vivement coloré, qui vivait plusieurs siècles et se brûlait lui-même sur un bûcher pour renaître de ses cendres » ( Antidote 8 ) ; • les adjectifs : Joli , beau , belle , bon , large , honteux , confus • l’idée d’inversion pour mieux comprendre la fable et pour faire des rimes. Lorsque le corbeau ouvre un large bec : indice qu’il est fier et heureux de faire entendre son chant. Si on enlève l’adjectif large , la phrase est toujours correcte (syntaxique), mais le sens est différent. Cet exemple montre bien à quel point le choix des mots n’est pas arbitraire pour l’auteur. • Morale (ou leçon de vie) : faire le lien entre les types et formes de phrases (formulation des morales). Pour amener les apprenants à bien repérer les morales dans les activités de lecture et pour les amener à rédiger correctement des morales dans des fables, il faut mettre l’accent sur les types de phrases utilisées par Jean de La Fontaine pour formuler les morales (ou leçons de vie). Dans Le Corbeau et le Renard, il utilise une phrase de type impératif : Sachez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute . Ici, c’est le verbe à l’impératif présent qui nous indique le type de phrase et qu’il s’agit de la morale de la fable. Module 05 Objectifs : 1. Comprendre la symbolique des personnages (animaux) dans la fable;

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2. Repérer les chaînes de reprise de l’information pour comprendre les relations entre les personnages; 3. Dégager la morale de la fable. Activité : la symbolique des animaux (15-20 minutes) Buts de l’activité : 1. Amener les élèves à faire des liens entre les caractéristiques des animaux et leurs actions. 2. Amener les élèves à distinguer le sens propre du sens figuré. Description : L’enseignant demande aux apprenants de consulter le dictionnaire disponible en classe sur remplir le tableau qui La symbolique des animaux (les entrées de dictionnaire). Il peut demander aux apprenants d’utiliser les dictionnaires qui sont disponibles dans la classe. Mentionner aux apprenants qu’ils devront refaire ce travail lorsqu’ils auront à rédiger leur fable. Exemples : (Agneau : la douceur, Lion : courageux, Loup :dangereux, aventurier, courageux, ambitieux) Module 06 Objectifs : 1. Amener les élèves à comprendre la fable en travaillant le vocabulaire, les expressions, les figures de style. 2. Amener les élèves à comprendre le recours à différents temps verbaux dans la fable. 3. Comprendre l’importance du discours rapporté dans la fable; Matériel : - Le texte Le Loup et l’Agneau - Le texte Le Loup et la Cigogne Activité : Discours rapporté direct à partir de la fable Le loup et l’Agneau et dans celle intitulée Le Renard et la Cigogne (15-20 minutes) But de l’activité : 1. Comprendre l’importance du discours rapporté dans la fable. Description : - L’enseignant demande aux élèves de repérer toutes les paroles du Loup et de l’Agneau. - Il demande aux élèves de trouver les indices qui les ont conduits à dire qu’il s’agit des paroles du Loup ou de celles de l’Agneau.

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- L’enseignant doit faire remarquer aux élèves la présence de verbes de paroles. En même temps, elle peut travailler la ponctuation liée au discours rapporté (guillemets, tiret, deux points). En bref, pour identifier les paroles des personnages dans les fables, je dois … 1) repérer les verbes de parole : affirmer, dire, protester, … 2) repérer les signes de ponctuation : guillemets, tirets, deux-points. Module 07 Objectif : 1. Résumer et comprendre les caractéristiques génériques de la fable. Matériel : _ Le texte Le Laboureur et ses enfants. Activité 10 : La fable « Le Laboureur et ses enfants » (15 minutes) Buts de l’activité : 1. Faire observer aux élèves que les personnages ne sont pas toujours des animaux; 2. Dégager la structure narrative de l’histoire et la morale. Le Laboureur et ses Enfants Travaillez, prenez de la peine : C’est le fonds qui manque le moins. Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage Que nous ont laissé nos parents. Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’Oût. Creusez, fouiller, bêchez ; ne laissez nulle place Où la main ne passe et repasse. Le père mort, les fils vous retournent le champ Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an Il en rapporta davantage. D’argent, point de caché. Mais le père fut sage De leur montrer avant sa mort

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Que le travail est un trésor. Description : - L’enseignante faire lire la fable aux élèves et leur pose les questions qui suivent : 1) Résume l’histoire dans tes mots. Un laboureur sur son lit de mort demande à ses enfants de chercher le trésor familial caché dans ses terres. Les enfants vont remuer la terre à fond, mais ne trouve pas de trésor. Toutefois, comme ils ont bien remué la terre, elle leur rapporta davantage. C’est le travail qui constitue le trésor. 2) Quels sont les principaux personnages? Le laboureur et ses enfants. 3) Qu’ont-ils de particulier si nous les comparons à ceux des autres fables lues au cours des derniers cours? Ils sont des humains et non des animaux. 4) Quelle est la morale de la fable? Le travail est un trésor. C’est en travaillant que l’on obtient des gains. 5) Que penses-tu de cette morale? Comment pourrais-tu la mettre en pratique dans ta vie? d/La production finale La production finale constitue la dernière étape de la séquence didactique (Dolz et al. , 2001). L'élève doit produire un texte qui répond au projet de communication présenté dans la mise en situation. Pour ce faire, il utilise les apports des modules et les applique à la construction de son texte. Buts de l’activité : • Amener les élèves à planifier l’écriture de la fable (production finale); • Réinvestir les notions étudiées pour l’écriture de la fable. L’enseignant propose trois activités (articulation) de planification à ses élèves. - Dans un premier, les élèves devront choisir deux personnages et leur attribuer des caractéristiques physiques et psychologiques, puis ils devront indiquer le milieu de vie. Ils pourront réinvestir les acquis de l’activité déjà faite (activité sur Le Loup et l’Agneau ). - Dans un deuxième temps, les élèves trouvent différents groupes de mots pour reprendre le nom de l’animal. Ces groupes de mots doivent permettre de caractériser leurs personnages.

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- Dans un troisième temps, l’enseignant demande aux élèves de lister des actions possibles des personnages de leur fable et de penser aux morales (leçons de vie) potentielles. - Finalement, les élèves élaborent une structure narrative à partir d’un schéma précis.

Situation initiale Elément perturbateur Péripéties Dénouement Situation finale

Lecture /analyse des Fables à la lumières des universels singuliers : « l’animal », « la jungle » dans l’histoire culturelle Dans les fables de La Fontaine, le thème de « l’animal » comme universel- singulier (considéré comme phénomène social total, à travers lequel on peut « lire » la totalité de la société concernée) suggère d’abord des connaissances géographiques, sociologiques, littéraires, historiques, anthropologiques et interculturelles. En effet, les animaux cités dans les fables de La Fontaine sont au nombre de vingt-cinq. En effet, l’événement raconté par la fable, la plupart du temps unique, est symbolique d’une situation courante, et l’explique. Les personnages sont en général stéréotypés et constants. Elle met en scène des animaux: le lion représente le pouvoir et la grandeur; le loup, la cruauté, la force sauvage et stupide, le totalitarisme; le renard symbolise l’intelligence fine, la réflexion et la ruse; le chien, la bonté et la fidélité; le singe, le burlesque mais aussi la sagesse; l’âne, la sottise; le chat, l’égoïsme et la cruauté. On y trouve d’abord les forts et les puissants: le chat, le lion, la lionne, le loup, le renard, l’aigle, le milan et le vautour. D’un autre côté, on trouve les faibles et les victimes: le mouton, l’agneau, la brebis, le chevreau, l’âne, la souris et le poisson. Le chien, la grenouille, le serpent, l’éléphant, et le rat sont parfois forts, parfois faibles en fonction de l’animal auquel ils sont confrontés. En outre, les animaux mis en scène ne sont pas choisis par hasard. Chacun jour un rôle bien précis. - Le lion: sa puissance, son orgueil démesuré et son attitude rappellent le comportement de Louis XIV. A l’image de l’animal qui le symbolise, le roi règne sur sa Cour. Jaloux de son pouvoir, méfiant d’une Noblesse remuante de nature, il convoque régulièrement auprès de lui les princes de sang pour mieux les surveiller. La violence que le lion déploie quand un

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle courtisan commet l’erreur de lui déplaire souligne avec quelle facilité le souverain peut briser la réputation et la renommée de celui qui ne satisfait pas ses exigences. Louis XIV n’apprécie pas davantage les hypocrisies trop marquées d’un courtisan empressé et soucieux d’obtenir sa faveur. - Le singe, l’ours et le renard évoquent les attitudes de la Cour. Le bonheur qu’éprouve le singe quand l’ours endure la colère léonine n’est pas sans rappeler que des profondes tensions animent Versailles: la déchéance de l’un fait le bonheur de l’autre et la disgrâce du malheureux arrange les affaires de l’ambitieux. La morale de la fable résonne comme un avertissement. Le renard est le plus malin de ses compères. Il a compris qu’au palais de son maître, il n’est jamais bon de dévoiler trop haut ses opinions. L’hypocrisie n’est cependant pas la meilleure conseillère. La Fontaine prévient: un bon courtisans ne prend jamais ouvertement parti et doit éviter de se compromettre dans de trop violentes querelles. Enfin, la comparaison que l’auteur utilise quand il évoque la Cour dévoile des sentiments sans concession à l’égard d’un univers où il ne s’est jamais senti à son aise. Le message est clair: par delà des dorures des tableaux et l’éclat brillant de la Galerie des Glaces, les corridors du palais ne sont guère plus avenants qu’un affreux charnier. Comportements écœurants, attitudes répugnantes ont donc découragé l’honnête homme de pénétrer à Versailles... Mal reçu à Versailles, l’écrivain ne se prive pas de souligner, parfois cruellement, les absurdités de la Cour du Roi Soleil. Deux fables éclairent les couloirs du palais d’une lumière bien étrange: au-delà des salons feutrés, des anti- chambres cossues, mensonges, hypocrisies et trahisons régissent les rapports de ceux qui vivent à l’ombre du souverain. La métaphore animalière constitue une donnée constante du genre textuel « la fable ». En effet, la fable recourt à l’humanisation de l’animal en lui attribuant les vices et les travers des hommes. C’est ainsi que l’homme courageux et décidé est un lion, tandis que le rusé est un renard, tout comme le malin, un singe, ou le bougon, un ours, sans parler de l’éléphant dans un magasin de porcelaine.

3. Propositions d’activités pour une exploitation d’un extrait romanesque La démarche proposée Notre proposition didactique comprend une exploitation pédagogique de trois textes littéraires destinés aux élèves du moyen. L’objectif de cette exploitation du texte littéraire (l’extrait romanesque) consiste à explorer son potentiel à la fois linguistique et (inter)culturel.

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La démarche explicative prônée relève de celle que nous avons développée tout au long de cette recherche (l’approche anthropologique et interculturelle). L’objectif de cette proposition Cette proposition didactique a comme objectif la vérification de nos hypothèses de recherche et du rendement pédagogique et didactique de chaque démarche explicative. La dimension interculturelle du texte littéraire Ouvrir le texte littéraire à l’altérité en classe de FLE au moyen constitue une tâche ardue à accomplir. Il nous semble que le texte littéraire demeure le médiateur convoité pour mener l’apprenant-lecteur à voir le monde dans sa diversité. Le présent chapitre est consacré à l’exposition et à l’exploitation d’une séquence didactique (sur l’extrait romanesque) destinée aux élèves du cycle moyen, dans une perspective anthropologique et interculturelle Modalité du travail Choix des textes Nous avons choisi des textes1 dont les auteurs figurent dans les programmes du moyen. Ce choix se basé sur les critères suivants : a. Adaptabilité linguistique : Les textes choisis sont, dans leur ensemble, des textes faciles à lire et à comprendre. b. Présence d’indices culturels : Comme cette proposition didactique se fonde sur l’interculturel, nous avons exploité des textes dont la charge culturelle est apparente. Cette partie manifeste des textes littéraires exploités facilite le repérage des éléments liés à la culture cible. Séance : Compréhension de l’écrit Objectifs - Analyser la structure d’un texte narratif à dominante descriptive. - Identifier les traits de ressemblance et ceux de dissemblance entre deux cultures différentes. - Repérer quelques éléments culturels relatifs à l’histoire de France.

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Activité : Compréhension de l’écrit Durée : 02h Objectifs: • Analyser la structure d’un texte narratif à dominante descriptive. • Identifier les traits de ressemblance et de dissemblance entre deux cultures différentes. • Repérer quelques éléments culturels relatifs à la culture maternelle et la culture étrangère. Déroulement de la séance Il est possible d’exploiter ces textes littéraires comme suit : 1. L’enseignant peut distribuer les textes en même temps et demander aux élèves, après des questions de compréhension, de faire une étude comparative entre les deux textes en matière de faits culturels. 2. L’enseignant peut distribuer l’un des deux textes sans source et demander aux apprenants de le classer selon les indices culturels présents. 3. L’enseignant peut distribuer les deux textes sans source(s) et demander aux élèves des les classer selon les indices culturels présents. I/-Eveil de l'intérêt : • L’enseignant va débattre avec ses élèves le sujet de « L’Aid » après avoir posé des questions sur les fêtes existantes en Algérie (en particulier) et dans le monde (en général). I/-Eveil de l'intérêt : • L’enseignant va débattre avec ses élèves le sujet du « L’Aid » après avoir posé des questions sur les fêtes existantes en Algérie (en particulier) et dans le monde (en général). • L’enseignant va leur poser des questions relatives aux différentes célébrations (traditions) dans les différentes régions de l’Algérie. • L’enseignant va les tester en matière de connaissances des traditions relatives à la célébration de la fête religieuse « Noël » en France et des différences existantes entre les deux pays à savoir : L’Algérie et la France. Texte 01 Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.» Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content.

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Je lui ai même dit: «Ce n'est pas de ma faute.» Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit: « On n'a qu'une mère.» Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois. J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler. Albert CAMUS, (1942)

Texte 2 « La maison que nous habitions, et que plusieurs générations avaient habitée avant nous, était une bâtisse assez grande faite de pierre et de terre glaise. Sous le toit en petites tuiles, il y avait des claies de roseaux serrés par des cordelettes d’alfa. Des troncs d’arbres entiers soutenaient la toiture, et pour consolider le tout, deux grosses poutres étaient scellées, d’un mur à l’autre. À l’intérieur, la maison était partagée en trois parties inégales : la plus grande nous servait à nous, le sol en était fait de chaux grasse, en couche épaisse (…) Sur deux murs, il y avait des étagères à la hauteur de la ceinture. C’est là qu’étaient creusées de petites niches qui servaient pour mettre, dans l’une les jarres d’eau, dans les autres, les petits agneaux et les cabris. (…) La seconde partie de la maison, plus petite était une sorte de construction, en pierre, haute d’un mètre environ, couverte de branchages et de terre lissée. Elle était surmontée du côté du mur de la rue, de deux grandes jarres carrées en maçonnerie qui allait presque jusqu’au toit :

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle c’était les ikoufanes indispensables dans chaque maison. La troisième partie enfin était l’étable proprement dite pour les bœufs, l’âne, les chèvres ou les brebis… » D’après T. Amrouche, Histoire de ma vie.

Texte 03

« La Patrie »

(Omar, un des personnages de « La grande Maison » de l’écrivain M. Dib, est un jeune garçon très pauvre qui fréquente l’école. L’Algérie est alors un pays colonisé )

Le maître, d’une voix claironnante, annonça : -Morale ! Leçon de morale. Omar en profiterait pour mastiquer le pain qui était dans sa poche et qu’il n’avait pas pu donner à Veste-de-kaki. Le maître fit quelques pas entre les tables ; les chuchotements s’évanouirent. L’accalmie envahit la salle de classe comme par enchantement. Mais en dépit de leur immobilité et de leur application, il flottait une joie légère, aérienne, dansante comme une lumière. M. Hassan, satisfait, marcha jusqu’à son bureau, où il feuilleta un gros cahier. Il proclama : -La Patrie. L’indifférence accueillit cette nouvelle. On ne comprit pas. Le mot, campé en l’air, se balançait. – Qui d’entre vous sait ce que veut dire : Patrie ? Les élèves cherchèrent autour d’eux, leurs regards se promenèrent entre les tables, sur les murs, à travers les fenêtres, au plafond, sur la figure du maître ; il apparut avec évidence qu’elle n’était pas là. Patrie n’était pas dans la classe. Les élèves se dévisagèrent. Certains se plaçaient hors du débat et patientaient benoîtement. Brahim Bali pointa le doigt en l’air. Tiens, celui-là ! Il savait donc ? Bien sûr. Il redoublait, il était au coutant. -La France est notre mère Patrie, ânonna Brahim. Les élèves serrés, Omar pétrissait une petite boule de pain dans sa bouche. La France, capitale Paris. Il savait ça. Les Français qu’on aperçoit en ville viennent de ce pays. La France, un dessin en plusieurs couleurs. Comment ce pays si lointain est-il sa mère ? Sa mère est à la maison, c’est Aini ; il n’en a pas deux. Aini n’est pas la France. Rien de commun. Omar venait de surprendre un mensonge. Patrie ou pas patrie, la France n’était pas sa mère. Il apprenait des mensonges pour éviter la fameuse baguette d’olivier. C’était ça, les études. Les rédactions : décrivez une veillée au coin du feu… Pour les mettre en train, M. Hassan leur faisait des lectures où il était question d’enfants qui se penchent studieusement sur leurs livres. La lampe projette sa clarté sur la table. Papa, enfoncé dans un fauteuil, lit son journal et maman fait de la broderie. Alors Omar était obligé de mentir. Il complétait : le feu qui flambe dans la cheminée, le tic-tac de la pendule, la douce atmosphère du foyer pendant qu’il pleut, vente et fait nuit dehors. Ah ! Comme on se sent bien au coin du feu ! Ainsi : la maison de compagne où vous passez vos vacances. Le lierre grimpe sur la façade ; le ruisseau

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle gazouille dans le pré voisin. L’air est pur, quel bonheur de respirer à pleins poumons ! Ainsi : la cuisine. Les rangées de casseroles sont si bien astiquées et si reluisantes qu’on peut s’y regarder. Ainsi : Noël. L’arbre de Noël qu’on plante chez soi, les fils d’or et d’argent, les boules multicolores, les jouets qu’on découvre dans les chaussures. Ainsi, les gâteaux de l’Aïd- Seghir, le mouton qu’on égorge à l’Aid –Kebir… Ainsi la vie ! Les élèves entre eux disaient : celui qui sait le mieux mentir, le mieux arranger son mensonge, est le meilleur de la classe. Omar pensait au goût du pain dans sa bouche : le maître, près de lui, réimposait l’ordre. Une perpétuelle lutte soulevait la force animée et liquide contre la force statique et rectiligne de la discipline. M. Hassan ouvrit la leçon : –La Patrie est la terre des pères. Le pays où l’on est fixé depuis plusieurs générations. Il s’étendit là-dessus, développa, expliqua. Les enfants enregistraient. –La Partie n’est pas seulement le sol sur lequel on vit, mais aussi l’ensemble de ses habitants et tout ce qui s’y trouve. Quand de l’extérieur viennent des étrangers qui prétendent être les maîtres, la patrie est en danger. Ces étrangers sont des ennemis contre lesquels toute la population doit défendre la patrie menacée. Il est alors question de guerre. Les habitants doivent défendre la patrie au prix de leur existence. Quel était son pays ? Omar eût aimé que le maître le dît, pour savoir. Quels étaient les ennemis de son pays, de sa patrie ? Omar n’osait pas ouvrir la bouche pour poser ces questions à cause du goût du pain. –ceux qui aiment particulièrement leur patrie et agissent pour son bien, dans son intérêt, s’appellent des patriotes. Omar, surpris, entendit le maître parler en arabe. Lui qui le leur défendait ! Par exemple ! C’était la première fois ! Bien qu’il n’ignorât pas que le maître était musulman- il s’appelait M. Hassan- ni où il habitait, Omar n’en revenait pas. Il n’aurait même pas su dire s’il était possible à M. Hassan de s’exprimer en arabe. D’une voix basse, où perçait une violence qui intriguait : -Ce n’est pas vrai, fit-il, si on vous dit que la France est votre patrie. M. Hassan se ressaisit. Mais pendant quelques minutes il parut agité. Il semblait être sur le point de dire quelque chose encore. Mais quoi ? Une force plus grande que lui l’en empêchait- elle ? Ainsi, il n’apprit pas aux enfants quelle était leur patrie.

D’après M. Dib, La Grande Maison.

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4. Proposition d’une grille de lecture d’un texte littéraire en classe de FLE Dans cette partie, nous avons proposé des suggestions de travail, en classe de FLE, à propos d’un texte littéraire. En effet, le texte littéraire sera donc considéré comme prétexte pédagogique. Ainsi, nous affichons notre volonté, de redonner au texte de fiction un rôle pertinent dans la motivation des apprenants-lecteurs à la lecture littéraire. autrement dit, il s’agit de démontrer que, sur un texte littéraire peuvent se concrétiser d’innombrables activités pédagogiques utiles à l’apprentissage, et qu’on a fait fausse route, en négligeant « le formidable réservoir 1» que constitue le texte littéraire. Compte tenu de la nature du texte littéraire, à la fois, pour ce qu’il est (source de plaisir de lire) et pour ce qu’il autorise (des exploitations pédagogiques diversifiées), nous proposons une exploitation anthropologique et interculturelle (inspirée des travaux de Louis Porcher) qui s’organise selon quatre étapes précises : I) Une grille de lecture comportant quatre catégories Le texte dans son environnement (éléments de paratextualité) Le titre Au même moment, où un titre résume le texte, il a pour d’autres fonctions de motiver le lecteur, de l’accrocher, de l’appâter, de l’inciter à lire le texte. Cela dit, l’ambivalence du titre constitue une richesse potentielle et une mise en appétit du lecteur (une activité de séduction). Une œuvre de fiction a donc tendance à induire des titres polysémiques, renvoyant à plusieurs significations possibles. Le nom de l’auteur Comme il peut se trouver au début, il est possible de le trouver à la fin du texte. C’est un étiquetage, une simple manière de dire que ce texte a été écrit par tel auteur. Cet élément peut conduire un débat véritablement centré sur les apprenants. Le texte comme objet textuel Une identité textuelle Des personnages et des protagonistes a. Qui intervient dans le texte ? Quel âge a-t-il ? Quel métier exerce-t-il ? Qu’aime-t-il ? Comment se comporte-t-il ? Où habite-t-il ? Comment il est physiquement et moralement ? b. La répartition des rôles

1 L. Porcher, Manières de classes, Les éditions Didier, Paris, 1987, p.39.

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Les personnages sont des individus imprégnés d'une certaine culture, porteurs et transmetteurs de visions et de comportements culturels. C'est par l'intermédiaire des individus en tant qu'êtres culturels, en les observant et en les écoutant, qu’on recueille l'information désirée. Ainsi dans un texte littéraire, on peut relever : - La description physique des personnages principaux, secondaires et tertiaires s'il y a lieu. - La description de ses groupes d'appartenance (âge, occupation professionnelle, langue parlée, conditions de vie, opinions sur divers sujets) dont la dynamique lui assure une identité personnelle. - Les sentiments et états d'âme provoqués par la situation interculturelle. Chaque personnage qui vit une relation interculturelle éprouve une variété de sentiments allant des plus négatifs aux plus positifs. Ces sentiments sont bien sûr liés aux stratégies personnelles et aux actions entreprises au cours d'une relation interculturelle. - Les réflexions sur soi en tant que membre d'un groupe culturel. Toute situation de confrontation interculturelle oblige les uns et les autres à se définir et à réfléchir sur le groupe auquel ils appartiennent. Le texte comme objet linguistique Des caractéristiques stylistiques Des caractéristiques lexico- syntaxiques Le texte comme lieu d’informations externes Il s’agit de l’ensemble des renseignements et informations extra- textuels, c’est-à-dire qui renseignent sur le monde. La période historique Les informations géographiques Les informations de vie quotidiennes Des biens de consommation Des informations instrumentales Des informations sociales Description « culturelle » du groupe - Comportements associés au groupe culturel - Exploitation des sens : bruits, odeurs, couleurs liés au groupe culturel - Conceptions religieuses, vision du monde - Activités économiques - Habitat

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- Alimentation - Loisirs - Relations familiales et autres types de relations comme la relation au sein d'une même classe sociale ou entre deux classes sociales Description des conditions de vie sociales d'un groupe - Représentation du groupe dans les institutions, tels le corps policier, l’hôpital, le syndicat - Lieu de résidence - Activités économiques II) Les universels singuliers : de thèmes partout les mêmes et partout différents

a) Les universaux seront analysés quant à leurs relations avec la langue française comme langue étrangère et avec les pratiques culturelles française envisagées pour un étranger. b) B) Pour chaque proposition mentionnée, il appartient à l’enseignant d’en tirer les conséquences possibles en termes d’apprentissage langagier et d’apprentissage culturel. c) Pour être pédagogiquement exploitées de manière féconde, les propositions faites doivent s’appuyer sur l’expérience des élèves. d) Il s’agit, en tout, pour chacun des thèmes abordés, d’un système de classement, une organisation de l’information, une description systémique de l’ensemble des possibilités auxquelles le thème renvoie. e) Pour chacun des thèmes, considéré comme un « phénomène social total » (au sens de Marcel Mauss : phénomène à travers lequel on peut « lire » la totalité de la société concernée. LES THEMES UNIVERSELS SINGULIERS 1) Le thème de l’eau : comme objectifs pédagogiques : civilisation, connaissances culturelles sur la vie quotidienne d’un peuple donné. - Géographie de l’eau (les côtes, mers, océans…) - Produits de l’eau (poissons, crustacés…) - Les activités autour de l’eau (pêche, chantier naval, tourisme et loisir…) - L’eau et l’histoire (les batailles navales, explorations maritimes, transport, …)

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle

- L’eau dans la quotidienneté (alimentation en eau, eau minérale, inondations, puis, neige, bulletin météorologiques…) - L’eau dans la langue (proverbes, expressions figées, métaphores, les noms propres…) - L’eau dans l’histoire culturelle (chansons, peinture, littérature, architecture…) 2) Le thème des animaux Objectifs pédagogiques : lexiques gastronomiques. - Les relations entre l’homme et l’animal (adoption, domestication, apprivoisement, - La condition animale (élevage, abattoir, viandes fumées, mise en conserve, poissons séchés, le foie gras, - L’animal spectacle (concours de chasse et de pêche, safari, expédition, le zoo, le cirque, les parcs naturels, les marchés aux animaux, course de chevaux…) - Les professions de l’animal (commerce des jouets, nourritures pour animaux, les soins pour animaux, les médias dédiés aux animaux, la recherche scientifique comme la zoologie et l’éthologie, garde-chasse, garde-pêche…) - Problèmes de société (mauvais traitement d’animaux, certains dangers animaux, certains élevages animaliers…) - L’animal dans la langue (proverbes, expressions figées, métaphores, prénoms animaux…) - L’animal dans l’histoire culturelle (chansons, peinture, littérature, mythes et histoire, publicité, animaux-emblèmes…) 3) Le thème des plantes Les végétaux seront envisagés seulement dans leurs traces linguistiques et textuelles. Il s’agit de suggérer des voies d’exploitation multiples sur un objet particulier, quotidien, que l’on trouve présent dans la langue française, comme dans la vie quotidienne des français. - Travaux sur le vocabulaire (locutions figées, expressions conventionnelles, emblèmes, mots, proverbes) - Noms et titres, noms de lieux, titres de chansons, des noms de couleurs, 3) Le thème du temps (objectifs : acquisition de repères en histoire, initiation aux pratiques culturelles) - Le temps de l’histoire (le moyen âge, la renaissance, les conquêtes gallo-romaine, Charlemagne, les Francs….)

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Chapitre 09 : Des propositions didactiques pour aider à mettre fin à une crise de réception du texte littéraire dans une perspective anthropologique et interculturelle

- Les scansions du temps (scansions astronomiques, scansions naturelles (les saisons, les âges de la vie, rythmes biologique), scansions conventionnelles (siècles, mois, semaines, heures..), scansions de croyances (mythologie du temps, mythologie du temps astronomique et cyclique….) - Les rythmes de la vie sociale (travail/loisirs, congé, anniversaires, fêtes religieuses, jours fériés, commémorations historiques, commémorations internationales, , dates traditionnelles, remises de décorations, départ à la retraite, …) - Les rythmes de la vie familiale (naissance, mariage, mort, entrée à l’école, entrée dans la vie active, service militaire et mobilisation, cérémonie religieuse, vacances, communion, baptême, cadeaux, fleurs,

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Conclusion de la seconde partie Nous avons abordé, dans cette seconde partie, l’exploitation de quatre genres littéraires de notre corpus : l’extrait autobiographique, l’extrait d’un conte, l’extrait d’une fable et l’extrait romanesque. Nous avons d’abord commencé par définir chaque genre littéraire exploité. Ainsi, dans le cinquième chapitre, nous avons abordé l’utilisation qui a été faite de l’extrait autobiographique dans les manuels de français du moyen algérien. Il s’avère qu’il est utilisé pratiquement dans les différents niveaux du moyen, il est ainsi très souvent exploité dans les manuels de 3ème AM, 1 ère AM et timidement dans celui de la 4 ème AM. Alors qu’il est totalement absent dans celui de 2 ème AM.

La majorité des manuels utilisent l’extrait autobiographique dans le cadre de la compréhension écrite mais ils utilisent quelquefois comme prétexte à l’expression écrite ou pour l’étude d’un pont de langue. Nous avons observé plus haut la décroissance dans l’utilisation de l’extrait autobiographique qui disparaît dans le manuel de 2 ème AM, ce qui confirme cette tendance à ne pas considérer le genre autobiographique comme un genre pertinent pour la formation des futurs adultes, toujours dans cet effort de déconsidération de l’effet (inter)culturelle.

Cela dit, en analysant les quelques extraits autobiographiques présents dans les manuels afin de vérifier la faisabilité d’une approche interculturelle, ils ont montré qu’ils sont susceptibles d’être lus selon cette démarche. Cela dit, les extraits nous ont semblé intéressants car ils pourraient constituer un moyen efficace de pousser les apprenants-lecteurs à développer leur compétence interculturelle.

Quant à la manière de traiter l’extrait autobiographique, le fait de se focaliser sur les sentiments des personnages et leurs sentiments semble un bon point de départ pour montrer les spécificités des personnages. Travailler aussi sur les caractéristiques génériques du texte autobiographique et le suivre d’une réflexion sur les caractéristiques qui font de la littérature autobiographique une source très riche pour enseigner la culture étrangère dans toutes ses dimensions, en établissant parallèlement des liens avec la culture maternelle de l’apprenant. Ce faisant, les capacités d’analyse des apprenants-lecteurs, en termes de lecture littéraire, dans une perspective interculturelle, seront développées.

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Le sixième chapitre est consacré à l’utilisation qui a été faite du genre textuel « le conte » dans les manuels de français du moyen algérien. Il s’avère qu’il n’est utilisé pratiquement que dans un seul niveau du moyen, celui de la 2ème AM. Alors qu’il est totalement absent dans les manuels de 1 ère AM, 3 ème AM et 4 ème AM.

En effet, le manuel de 2 ème AM a consacré tout un projet (le Projet 01), au genre textuel « le conte ». Cela dit, toutes les séances ont pour support un extrait d’un conte. En outre, les extraits de contes utilisés émanent de différentes contrées. Ce qui confirme une tendance à considérer le genre textuel « le conte » comme un genre pertinent pour la formation des futurs adultes, toujours dans cet effort de valorisation de l’effet (inter)culturel.

Nous avons analysé quelques extraits de contes présents dans le manuel de 2 ème AM afin de vérifier la faisabilité d’une approche interculturelle. Ces extraits ont montré qu’ils sont susceptibles d’être lus selon cette démarche. Cela dit, les extraits nous ont semblé intéressants car ils pourraient constituer un moyen efficace de pousser les apprenants-lecteurs à développer leur compétence interculturelle.

Par cette analyse des contes (La vache des orphelins, le cheval du roi, le pot fêlé, l’homme serpent, l’eau volée, la boule de cristal, Aladin et la lampe merveilleuse, nous voulons retrouver la structure d’une société et les particularités d’une aire culturelle à travers plusieurs indications. A titre d’exemple, les prénoms des personnages (Aicha, Ahmed, Vouzou, peuple de Madoungou- Boutchou, Gérèse, Aladin, Sultan, Roi, Princesse, Mustapha), nous avons constaté que l’utilisation du conte en classe de français, dans une perspective interculturelle s’avère très efficace pour l’apprenant car elle lui ouvre la possibilité de développer ses connaissances et d’apprendre à se servir des informations qu’il a lui-même cherchées. Il pourra percevoir les différences socioculturelles qui se sont opérées au sein d’une société. Ainsi, l’histoire du pays, les normes sociales et les fondements historiques de la société sont autant de facteurs nécessaires pour comprendre la culture. En outre, à partir des supports culturels qui constituent notre corpus, l’apprenant serait en mesure de se situer dans l’Histoire et de se fixer une identité culturelle dont l’enjeu est l’éveil d’une conscience identitaire qui le démarquerait des autres tout en acceptant les différences, notamment sur le plan religieux qui est à l’origine des tensions entre plusieurs pays. Cette dynamique culturelle le rendrait aussi plus réceptif à l’encontre des autres cultures et l’aide à la communication, à l’échange et au partage.

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Dans le septième chapitre, il est question de l’exploitation didactique du genre littéraire « la fable » a pour objectif d’amener les élèves à s’approprier les Fables de La Fontaine, d’Esope ou d’Ibn El Mouqaffa en considérant l’œuvre sous diverses dimensions (son lien avec le reste de la production littéraire, tant en amont qu’en aval, ses dimensions stylistiques, esthétique, référentielle et socio-culturelles, mais aussi ce qu’elle convoque chez son lecteur). Elle a aussi pour but de les amener à mieux comprendre certaines notions indispensables à leur formation langagière.

Cependant, les analyses ne sont jamais gratuites : liées aux caractéristiques génériques ou aux particularités des fables lues, elles sont toujours en partie destinées à permettre à l’élève de mieux comprendre et interpréter ces textes dans une perspective interculturelle. Elles sont liées le plus harmonieusement possible à l’étude générale de l’œuvre, qui ne se réduit pas à une étude formelle. Par conséquent, l’approche que nous avons proposée nous semble une voie susceptible de restaurer le lien entre la littérature et la dimension interculturelle.

La fable par l’image qu’elle a donnée et donne des animaux, a contribué et contribue toujours à définir la place qu’ils ont acquise parmi nous. Outil de la peinture de l’espèce humaine, la fable est devenue à sa façon un manifeste ou un élément de compréhension des enjeux de la protection de l’animal et un éclairage dans la réflexion sur son statut, par la prise de conscience qu’elle a peut-être insidieusement mais très réellement provoquée, en martelant nos esprits et en nourrissant l’imaginaire collectif.

Au niveau du huitième chapit re, l’extrait romanesque a fait l’objet d’une exploitation dans les manuels de français au moyen dans une perspective interculturelle.

Nous avons donc commencé par le définir afin de comprendre son fonctionnement et ce qu’il fait son intérêt pour les apprenants-lecteurs. C’est de cette manière que nous avons pu décortiquer ses points forts et classifier les caractéristiques principales d’un texte à choisir et à ce qu’il faut développer lors de l’analyse de ce type de corpus dans une perspective interculturelle et anthropologique.

Le dernier chapitre contiendra l’ensemble des propositions d’activités didactiques qui concernent la liaison lecture littéraire-interculturalité.

Il est de notre devoir en tant que didacticien et enseignant de langue et de littérature de venir en aide à nos jeunes élèves en détresse victime d’un tas de facteurs responsables de leur

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen désaffection pour la lecture littéraire et en particulier celle des contes, des autobiographies et des roman. En effet, face à une situation aussi alarmante qualifiée de désastreuse malgré des programmes assez ambitieux et des contenus riches et intéressants nous ne pouvons rester les bras croisés en attendant que les instances officielles ministère et responsables pédagogiques interviennent

Nous sommes tenus après les observations menées sur le terrain, le repérage et l’analyse des représentations que se font les jeunes collégiens algériens de la lecture littéraire d’engager un processus de sensibilisation.

Nous misons donc sur la l’extrait littéraire pour favoriser la diffusion d'informations sur les relations interculturelles. À cette fin, nous avons développé une grille d'observation et un cadre d'interprétation qui peuvent servir de balises pour la lecture active d’un extrait littéraire en classe. En effet, le texte littéraire dans ses différents formes littéraires telles que l’autobiographie, le conte, la fable ou le roman, constitue un lieu commun privilégié à partir duquel les collégiens peuvent échanger et confronter leurs perceptions et leurs expériences de vie sur le thème des rapports d'altérité.

Par cet outil destiné aux enseignants de français au collège, nous suggérons de traiter du thème des relations interculturelles, qui est l'une des grandes préoccupations humaines contemporaines, en explorant l'une des dimensions de ce type de rapport d'altérité par le biais d'un extrait littéraire, en analysant un thème universel dans le contexte des rencontres interculturelles.

Constituer un corpus d’extraits littéraires traitant des relations interculturelles n'a pas été chose facile. D'abord parce que nous nous nous sommes retrouvé devant une variété de textes littéraires, nombreux par surcroît, qui devaient être sélectionnées en fonction du genre et d'une thématique peu étudiée.

Nous avons donc constitué ce répertoire à partir d’une seule source principale : les quatre manuels du moyen. Nous avons fait cette recension en fonction de la disponibilité des supports littéraires dans l’outil commun « le manuel scolaire », utilisé par l’enseignant et les apprenants dans le cadre de l'enseignement/apprentissage du français.

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PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Par ailleurs, nous avons établi certains critères qui ont servi de balises pour le corpus proposé. D'abord nous voulions que les extraits choisis soient aisément classés dans les quatre genres proposés : l’autobiographie, le conte, la fable et le roman. Ensuite nous tenions à présenter une variété de textes, de groupes ethniques dans divers contextes.

À peu près tous les genres littéraires semblent avoir effleuré le thème des relations interculturelles. Les extraits autobiographiques, les contes, les fables, les extraits romanesques offrent un cadre propice au déroulement des relations interculturelles puisqu'ils mettent souvent en scène le Nous et les Autres. Il faudrait donc que l'enseignant fasse ressortir l'aspect culturel du Nous et des Autres, en permettant la rencontre de deux ou plusieurs façons de penser, d'agir et de sentir.

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CONCLUSION GENERALE

Conclusion générale

Retour sur un itinéraire de recherche

Notre travail avait pour objectif d’examiner les enjeux didactiques et pédagogiques qui sont à la base de la mise en place d’une approche interculturelle appliquée au texte littéraire en classe de français au moyen algérien, dans le cadre de l’autobiographie, le conte, la fable et le roman de manière à ce qu’ils accomplissent le rôle de « transmetteur » interculturel. Comment sont lus les textes littéraires en classe de français au moyen algérien ?

Il s’agit pour nous de redonner à cet apprenant le plaisir de lire, un plaisir producteur de motivation et moteur à tout travail de lecture littéraire dans une perspective interculturelle.

Pour ce faire, nous avons constitué un corpus de 25 extraits romanesques tirés des quatre manuels du moyen, pour pouvoir disposer d’une représentation de l’exploitation pédagogique de l’extrait romanesque dans les manuels de FLE du moyen,

Nous avons fait le choix d’observer des manuels plutôt que des pratiques effectives, car celles-ci sont toujours individuelles et propres à chaque enseignant, ce qui ne permet pas de généraliser les observations faites. En plus, le manuel est un outil très répandu, régulièrement utilisé par les apprenants ou/et par les enseignants lors de leurs cours ou de leur préparation. Par conséquent, et tout en ayant conscience des limites de cette affirmation, on peut néanmoins avancer que le manuel constitue une vitrine visible des pratiques de classes. Il informe à la fois sur la conception qu’ont ses auteurs de la méthodologie adoptée et sur la pratique des enseignants qui vont l’utiliser. Ce faisant, nous avons examiné l’exploitation/utilisation des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen, dans le cadre d’une organisation par genre (l’autobiographie, le conte, la fable et le romanesque). Nous nous sommes tout d’abord intéressé au paysage sociolinguistique et sociodidactique en Algérie en évoquant brièvement les circonstances historiques de la présence du français dans ce pays (chapitre1). Cela nous a permis de prendre conscience du rapport entretenu entre l’apprenant algérien avec cette langue car cela influe ses capacités en tant que lecteur. Ensuite, nous avons consacré un retour historique sur la place de la littérature dans les méthodologies d’enseignement / apprentissage des langues. Nous avons pris appui sur des travaux existants (Puren, Gruca, Naturel, Riquois) que nous avons enrichis par nos propres analyses afin d’examiner la pluralité des facettes des discours méthodologiques sur le texte littéraire (chapitre 2). L’alliance établit entre texte littéraire et interculturalité s’avère aujourd’hui comme un lieu commun dans le domaine de

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Conclusion générale l’enseignement/apprentissage du FLE. Beaucoup de recherches en font même un « lieu privilégié » (Abdallah-Pretceille et Porcher 1996 : 162) de l’interculturel en classe de langue. Nous avons ainsi retracé la naissance de cette approche du texte littéraire et nous en avons examiné sa diffusion (chapitre 3). Nous avons pu voir qu’elle touchait à la fois : - des suggestions qui assignent des objectifs anthropologiques et (inter)culturels à la présence du texte littéraire dans la classe de langue, l’appréhendant comme une variété de document authentique donnant à lire une ou des cultures ; - et d’autres qui se focalisent sur la rencontre interculturelle que la lecture initie, entre le texte et les apprenants- lecteurs, entre les lecteurs eux-mêmes.

En faisant l’inventaire des textes littéraires présents dans les quatre manuels du moyen, nous avons constaté que les textes proposés appartiennent à des aires géographiques et culturelles diverses, en outre, les textes proposés sont puisés dans quatre genres : l’autobiographie, le conte, la fable et le roman. Cela dit, les textes convoqués à l’’utilisation en classe de français sont de manière privilégiée des supports dans lesquels on retrouve les littératures françaises et / ou francophones, dont la pluralité linguistique et culturelle qu’ils recèlent, offrent aux apprenants-lecteurs une occasion de rencontre avec l’altérité culturelle et l’apprentissage d’une nouvelle langue (chapitre 4).

Par ailleurs, il nous paraît important de s’arrêter sur deux points, dans ces propositions, qui peuvent être discutés. Ceux-ci sont liés :

- au rôle qu’elles assignent au texte littéraire, perçu comme «réservoir» d’informations externes (culturelles et anthropologiques) ;

- et, au fait qu’elles se limitent généralement d’admettre que le texte littéraire est un passeur interculturel et ne prennent pas en compte ce qui se joue effectivement lors des interactions au cours desquels le texte est lu et commenté.

Nous avons donc souhaité examiner de quelle manière la lecture littéraire telle qu’elle est pratiquée en classe de français au moyen, permet la «rencontre» avec l’altérité culturelle de façon concrète.

Quelle est la nature des contacts interculturels que l’on peut observer lorsque l’apprenant entre en rapport avec le texte littéraire dans le cadre de la lecture littéraire ?

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Conclusion générale

Quelles sont les finalités qu’on peut envisager dans l’enseignement/ apprentissage du texte littéraire pour la découverte de l’altérité ? Quelle méthodologie faudrait-il suivre pour rendre efficace l’exploitation interculturelle des fragments ?

Quelles sont éventuellement les obstacles qu’elles rencontrent ?

Nous avons mené une recherche de type descriptive, analytique et qualitative dans un contexte d’enseignement de français dans les quatre manuels du moyen.

Nous y avons recueilli un corpus de textes littéraires empruntés à quatre genres (l’autobiographie, le conte, la fable et le roman), lus dans le cadre de la compréhension écrite, pour analyser les contenus culturels et interculturels auxquelles ils donnaient lieu.

Les données initialement recueillies ont révélé la diversité des formes de présence de la littérature dans la classe de français au moyen algérien (extraits autobiographiques, contes, fables et extraits romanesques).

Nous avons sélectionné pour constituer notre corpus des séances dont l’objet était la lecture compréhension d’un texte littéraire (extrait), de manière à nous focaliser sur les dimensions (inter)culturelles suscitées directement par sa lecture/réception par le l’apprenant-lecteur.

Pour analyser les données ainsi retenues, nous avons mobilisé des concepts relevant de cadres théoriques variés : notre recherche se positionne ainsi au croisement des études sur la didactique de la lecture littéraire, didactique de l’interculturel, la didactique des langues- cultures.

Nous commencerons donc par les définir afin de comprendre leur fonctionnement et ce qui fait leur intérêt pour l’apprenant-lecteur. Nous aborderons, ensuite, l’utilisation qui en est faite dans les manuels. Nous traiterons à la suite de cela des extraits que nous avons choisis en classe, empruntés à chacun des quatre genres, et comment l’enseignant les a abordés. Puis, nous proposerons une analyse de quelques textes proposés dans les quatre manuels du moyen, à la lumière de la démarche anthropologique et interculturelle proposée par les théoriciens L. Porcher, M. Abdallah- Pretceille, A. Séoud, L. Collès, De Carlo, et les autres.

Les extraits littéraires feront l’objet d’analyse/exploitation afin de décrypter la dimension culturelle et interculturelle ainsi que de vérifier les limites et les insuffisances de la lecture

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Conclusion générale littéraire appliquée dans les classes du moyen . Nous tenterons donc, après une organisation des extraits littéraires présents dans les quatre manuels par genres (l’autobiographique, le conte, la fable et le romanesque), d’exploiter ces textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen.

Nous nous attacherons donc à partager les étapes didactiques que nous proposons pour exploiter des extraits autobiographiques, romanesque, conte et fables en cours dans une perspective anthropologique et interculturelle, de manière à affronter les difficultés que cela peut entraîner. Dans le but d’illustrer ces démarches, des exemples pour travailler autour de quelques extraits littéraires seront présentés.

Dans la perspective d’une réflexion sur les caractéristiques qui font de la littérature – particulièrement l’autobiographie- une source très riche pour enseigner le FLE dans une perspective interculturelle, nous avons procédé à l’analyse de plusieurs textes autobiographiques pris des quatre manuels de français du cycle moyen. Nous avons étudié aussi l’utilisation qui en est faite dans les manuels algériens au moyen (chapitre 5).

Dans un second moment, nous avons traité les aspects pratiques de l’utilisation du genre textuel « le conte » en classe de français dans une perspective interculturelle (chapitre 6). Notre but est tout simplement d’inviter les apprenants et les enseignants à aller au contact du conte et par là, à le déchiffrer selon les diverses facettes qu’il recèle, particulièrement celle de l’interculturalité.

Nous avons aussi mis en évidence les différents aspects concernant l’utilisation de la fable comme moyen pour améliorer le niveau de lecture et motiver les collégiens sur le plan de l’ouverture sur l’autre et à accepter la différence des cultures. Cela dit, nous avons tenté tenterons d’analyser les aspects pratiques de l’usage du genre textuel « la fable » en classe de français au moyen, dans une perspective interculturelle. Cette exploitation didactique du genre littéraire « la fable » a pour objectif d’amener les élèves à s’approprier les Fables sous diverses dimensions (son lien avec le reste de la production littéraire, tant en amont qu’en aval, ses dimensions stylistiques, esthétique, référentielle et socio-culturelles, mais aussi ce qu’elle convoque chez son lecteur). Elle a aussi pour but de les amener à mieux comprendre certaines notions liées aux caractéristiques génériques ou aux particularités des fables lues, elles sont toujours en partie destinées à permettre à l’élève de mieux comprendre et interpréter ces textes dans une perspective interculturelle (chapitre 7).

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Conclusion générale

Pour terminer notre phase d’analyse pratique, nous avons consacré un chapitre pour l’exploitation des extraits romanesques présents les dans manuels du moyen, dans une perspective interculturelle (chapitre 8). Nous avons étudié ainsi l’utilisation qui en est faite dans les manuels au moyen algérien. En outre, nous avons choisis d’approcher selon la démarche proposée par les théoriciens de l’approche interculturelle, à l’exemple de Louis Porcher, quelques textes choisis.

Notons que cette étude nous a permis d’emprunter une voie peu explorée jusqu’alors : nous avons en effet été amené à nous intéresser au type de lecture littéraire pratiquée par les enseignants du moyen : les lectures des textes littéraires suivies en classe de langue ont rarement été étudiées en tant que telles.

Les analyses effectuées nous ont permis néanmoins de dégager quelques-uns des enjeux propres au but de l’insertion d’extraits littéraires dans les manuels qui est généralement la pratique des compétences linguistiques ; par conséquent, la richesse du fragment littéraire n’est pas vraiment prise en compte car son étude est négligée. Nous avons pu mette en évidence que l’usage des textes littéraires en classe ne soit pas simple. Des pratiques en cours montrent que les enseignants ont tendance à ne pas utiliser ces documents pour privilégier la compétence interculturelle. Les raisons en sont multiples : nous pouvons citer, par exemple, les représentations supposées des apprenants à l’égard de ces textes qui sont jugés difficiles d’accès, et trop éloignés d’une pratique effective de la langue.

Quelles sont les conclusions que nous avons tirées de nos analyses ?

Les apports de notre travail nous semblent se situer dans deux domaines principaux. Le premier est celui, bien évidemment, de la didactique du texte littéraire. Nous avons à la fois pu retracer l’apparition de ces approches (inter)culturelles des textes littéraires, en examinant les caractéristiques, les points d’intérêt et les difficultés. Nous avons aussi pu développer une approche anthropologique et interculturelle de la lecture/réception des textes dans la classe de langue.

Le second domaine est celui de l’interculturel dans la classe de langue. Les analyses que nous avons menées nous semblent interroger de manière plus large les caractéristiques et le fonctionnement de l’interculturalité qui s’y mettent en place.

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Conclusion générale

La recherche que nous avons menée émanent justement de ce rapport entre le texte littéraire et l’interculturel est issue d’un réel constat pédagogique, celui de mieux comprendre les représentations qu’ont les apprenants de la culture cible et de créer un terrain d’entente et de réconciliation entre les langues et les cultures à travers la lecture du texte littéraire à la lumière d’une approche interculturelle. En effet, le passage d’un modèle de lecture (celui proposé par les programmes du moyen) à un autre (celui inspiré des travaux sur approche interculturelle) a fait propulser le processus de lecture vers de nouvelles dynamiques en termes de développement du plaisir de lire et de revalorisation de ce support didactique relégué au rang de simple document didactique.

Ainsi, interroger les partenaires du contrat didactique sur la lecture des textes littéraires en même temps que sur la culture de l’Autre, nous a permis d’obtenir des renseignements significatifs sur la place accordée aux textes littéraires et à l’interculturel en classe de FLE, d’où l’intérêt d’une revalorisation didactique du texte littéraire dans l’ensemble de ses composantes qu’il revêt.

Les textes littéraires peuvent et doivent faire partie des supports pédagogiques adoptés en classe de langue étrangère, les approches doivent tout de même être revisitées selon les objectifs, le public mais aussi le type et le genre du texte choisi. Ainsi l’innovation devrait s’opérer au niveau de ce que l’on fait du texte et comment on le fait. Ce qui nous semble primordial également c’est qu’il y ait un changement dans le rôle de l’enseignant au sein de ce processus de communication entre les apprenants et les textes.

Cela dit, il nous semble que si ce pari du changement dans le rôle de l’enseignant et de l’adoption d’autres types d’approches plus adaptées est gagné, l’intégration des textes littéraires en classe de langue pourrait être une source privilégiée de motivation à la pratique de la lecture même en langue étrangère.

Par le choix de cette approche et ce dispositif de recherche, nous avons essayé de réhabilité le texte littéraire en le confinant dans sa vraie vocation, à savoir ; celui de laboratoire langagier et celui de réservoir d’informations externes. Notre avons tenté de mettre les représentations des apprenants en état du changement visant l’acceptabilité et l’acceptation de coexistence de l’Autre comme être ayant sa propre vision a fait l’objet de notre réflexion.

Dans ces conditions, nous pouvons dire que le texte littéraire est le reflet de sa culture productrice, de son particularisme et de sa diversité. A juste titre, sa richesse fait l’objet

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Conclusion générale

émane de la possibilité de lui faire plusieurs lectures; ce qui donne de l’universalité à ses sens. Il s’agit d’un discours de Moi et de l’Autre, d’un va-et-vient entre ce que l’on est et ce que l’on peut être.

En somme, e texte littéraire, de par son universalité et sa singularité, constitue un objet de didactisation qui pourrait contribuer à la connaissance de la culture d’autrui. Cette pluralité interprétative multiplie les situations pédagogiques de son exploration et justifie sa présence didactique.

Par ailleurs, il nous semble enrichissant de révéler quelques difficultés apparues lors de notre analyse que nous citons comme suit :

- Il s’agit des difficultés linguistiques des collégiens font qu’il est difficile d’atteindre les objectifs littéraires du programme de français, alors que les enseignants de FLE s’interrogent sur la légitimité de l’utilisation des textes à des fins langagières et communicatives dans leurs classes.

-Les lacunes des collégiens qui ne maîtrisent pas les implicites culturels nécessaires pour comprendre les textes.

Limites et prolongements de la recherche

Le travail que nous avons effectué présente bien entendu des limites et gagnerait à être complété sur certains points. Il serait ainsi pertinent de compléter les analyses que nous avons effectuées, qui portent essentiellement un général sur notre corpus, par une analyse détaillée des informations apportées. Il conviendrait en effet de nous intéresser à la logique selon laquelle les séquences ont été construite pour étudier la construction de chacune d’entre elle, le choix et la succession des différentes activités mises en place, la formulation par les enseignants des objectifs et leur mise en pratique dans le cours, en faisant le lien entre ces aspects et les dimensions interculturelles.

Une étude sur un corpus plus large permettrait en outre d’approfondir l’analyse de la dimension didactique du traitement du texte littéraire, la construction des séquences, les activités mises en place : ce travail a été amorcé mais gagnerait à être élargi car il offre des pistes intéressantes pour comprendre la mise en place des mécanismes interculturels que nous avons relevés. Pour ce faire, il semblerait tout à fait pertinent de compléter r le recueil de

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Conclusion générale séquences de cours avec un dispositif d’entretien plus élaboré avec les enseignants, qui leur permette de porter un regard réflexif sur leur pratique et de l’expliciter plus précisément.

Différentes voies seraient à explorer dans la continuité de ce travail : nous présentons ci-après celles sur lesquelles nous souhaitons nous engager dans l’avenir :

1) Tout d’abord, nous souhaitons opérer une mise au point sur la formation des enseignant sur la didactique de l’interculturel. 2) Nous avons aussi pour projet d’étendre le travail mené à d’autres contextes que celui du moyen, en mettant toujours l’accent sur la lecture littéraire en contexte scolaire et aux médiations interculturelles dont elle témoigne. 3) Enfin, il nous paraît particulièrement fructueux de faire le lien entre le choix des textes littéraires proposés et les lectures effectuées..

Notre travail fait en effet réfléchir à des pistes à adopter dans le domaine de la formation des enseignants de FLE pour permettre de surmonter les tensions relatives à l’enseignement / apprentissage du texte littéraire, mais aussi, plus largement à la place et au traitement de l’interculturel en classe de langue. Il ne s’agit donc d’initier chez les enseignants une démarche favorisant la flexibilité, de leur donner des axes d’analyse de pratiques existantes, afin qu’ils puissent aiguiser leur regard, prendre du recul par rapport à leur propre pratique, et diversifier leur marge d’action.

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TABLE DES MATIERES

Table des matières

Remerciements ------3 Sommaire ------6

Introduction générale ------07

PARTIE I Préliminaire pour l’utilisation de la littérature et l’interculturalité en classe de langue en Algérie : Un cadre théorique pluriel

Introduction de la première partie ------20

Chapitre 1: L’Algérie à l’épreuve de sa diversité linguistique et culturelle : histoire d’un échec répété Introduction ------22 1. L’Algérie face à la question de la diversité linguistique ------23 Les langues parlées par les Algériens pendant la colonisation ------23 Aperçu historique de la langue française en Algérie ------25 2. L’Ecole algérienne : De l’algérianisation des contenus à la mise en place du fondamental en passant par l’arabisation vers une école réformée ------29 L’arabisation ossature de la politique linguistique de l’Algérie ------33 L’arabisation ; définitions et ambitions ------34 La politique d’arabisation : Transition vers une école algérienne ------35 L’Ecole Fondamentale algérienne : doctrine et buts ------36 La réforme éducative engagée en 2003 ------38 3. Les langues en présence dans le contexte algérien et leurs champs d’utilisation ------41 Langue arabe classique (littérale), langue officielle ------43 Langue arabe dialectale « ad- daridja » ------45 Langue Berbère ou Tamazight ------48 Langue française ------52 Conclusion ------57

Chapitre 2: Le texte littéraire vecteur de langues et de cultures en classe de FLE : Le discours des méthodologies Introduction ------59 1. Un tour d’horizon sur la place du texte littéraire dans les courants méthodologiques ------60 ------L’ ère de gloire du texte littéraire ou la « mise sur un piédestal » : la méthodologie dite traditionnelle ------61 ------L es méthodes directes et actives : tergiversation entre adhésion et contestation (l’ère de soupçon du texte littéraire) ------65 La Méthode directe ------65 Les objectifs culturels / civilisationnels associés aux textes littéraires ------67

341

Table des matières La méthode active ------69

341

Table des matières

Les méthodologies audiovisuelles et la «désertion » du texte littéraire ------71 La littérature mise à l’écart : les raisons d’une expulsion ------73 Des approches communicatives à nos jours: vers une réhabilitation du texte littéraire ------77 L’approche communicative et le retour du texte littéraire ------77 2. Depuis les années quatre-vingt-dix : un renouvellement des approches ------80 Foisonnement des recherches relatives à la didactique du texte littéraire ------80 Le regain d’intérêt pour le texte littéraire comme objet de recherche ------82 Les points positifs de ce renouvellement ------83 3. L’avènement de la perspective actionnelle : quelle place pour le texte littéraire ? ------90 Le texte littéraire dans le CECR ------91 Conclusion ------93 Chapitre 3 : Lecture littéraire et interculturalité : enjeux et réalité de classe Introduction ------95 1. La lecture littéraire dans le cadre scolaire : caractéristiques et difficultés ------96 2. Genres et lecture littéraire ------100 Un cadrage générique ------101 Le paratexte ------101 Personnages génériques ------101 L’encyclopédie générique ------101 2. Les textes littéraires, un espace privilégié pour une perspective interculturelle------102 3. Littérature, culture et approche interculturelle ------106 Les concepts de civilisation et de culture : approche historique et terminologique ------108 La culture comme « culture cultivée » ------110 La culture comme « culture anthropologique » ------111 La culture comme « discours interculturel » ------111 Perception de l’interculturel dans les orientations officielles ------114 Conclusion ------116

Chapitre 4 : L’utilisation des textes littéraires en classe de français au moyen Introduction ------118 1. Présence du texte littéraire dans les manuels du moyen à l’ère des réformes : enjeux et perspectives ------119 Présentation des manuels de français du cycle moyen------120 Présentation matérielle des manuels ------122 Contenus et structuration ------126 Statut des textes littéraires dans les manuels du cycle moyen ------128 Le texte littéraire dans les manuels : modalités de travail ------129 Au fil des manuels ------130 Les différentes représentations des textes littéraires dans les manuels scolaires ------130 Un corpus diversifié ------130 Répartition des textes littéraires dans les manuels ------132 Répartition des textes par géographie ------133 Répartition des textes par époque ------134

342

Table des matières

Répartition des textes par genre ------135 Répartition des textes par rubrique ------136 2. La lecture littéraire dans le cadre scolaire ------137 Rôle du lecteur et démarches pédagogiques préconisées par les programmes du cycle moyen.138 Présentation des séances dédiées à l’activité de lecture ------139 Les pratiques de lecture ------139 La modèle de lecture littéraire adopté en classe au moyen ------139 Synthèse des quatre phases à suivre lors de la lecture littéraire au moyen------140 3. De l’usage du texte littéraire dans le les manuels du cycle moyen ------142 4.1 Dans certains cas : Banalisation et dévalorisation du texte littéraire ------142 Conclusion ------148 Conclusion de la première partie ------149

PARTIE II Exploitation des textes littéraires comme espace privilégié pour une perspective interculturelle en classe de langue au moyen

Introduction de la seconde partie ------153

Chapitre 5 : L’utilisation du texte autobiographique en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle Introduction ------156 1. Le genre textuel « l’autobiographie » et l’enseignement du FLE au moyen ------157 Pourquoi le genre autobiographique ? ------159 Définition du genre autobiographique ------161 2. Présentation des extraits autobiographiques insérés dans les manuels du moyen ------164 3. Exploitation des extraits autobiographiques dans une perspective interculturelle ------168 Les principaux aspects de la littérature autobiographique ------169 Exploitation pédagogique des extraits autobiographiques à la lumière de l’approche anthropologique et interculturelle ------170 Lecture générique et thématique des extraits de l’œuvre autobiographique « Le Fils du pauvre » de Mouloud Feraoun ------184 Caractéristiques autobiographiques------184 Le statut référentiel ------185 Etude sociologique et anthropologique des extraits de l’œuvre autobiographique « Le Fils du pauvre » de Mouloud Feraoun ------189 4. L’intérêt pédagogique du texte autobiographique ------190 Sensibilisation à la culture ------191 Autonomie ------191 Authenticité ------192 Dimension esthétique ------192 Conclusion ------193

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Table des matières Chapitre 6 : L’utilisation du conte en classe de français au moyen dans une approche interculturelle Introduction ------195 1. Le genre textuel « le conte » à l’aune de la réforme de l’éducation ------196 Aperçu général sur le genre textuel « le conte » ------197 Le Conte en théorie : État des savoirs ------199 Définition du conte ------200 Vers un nouvel horizon de réflexion sur la généricité textuelle ------205 2. Le conte et son utilisation en classe de français au moyen ------208 Le conte dans le manuel de 2 ème AM : Contenus des quatre séquences du premier projet ------208 Présentation du projet 1 « raconter à travers le conte »------209 Choix des contenus : lignes de force ou éléments de contraste ------211 3. L’articulation de la séquence didactique sur le conte dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ------212 Le conte pour dire une réalité socioculturelle ------213 Le conte comme lieu de rencontre interculturelle dans l’enseignement/ apprentissage du FLE au moyen ------215 Des enjeux didactico-pédagogiques du conte vers les enjeux socioculturels ------218 Enjeux scolaires ------218 Pourquoi travailler le conte en atelier de lecture ? ------218 Enjeux psychothérapeutiques ------220 Enjeux interculturels ------221 Conte et patrimoine culturel : Quels enjeux pour des collégiens ------226 Vers une exploitation socioculturelle des contes pour une quête identitaire ------227 Le conte pour dire l’Histoire d’une civilisation ------228 3.2.2.4 Le conte entre l’interculturel et la mondialisation ------229 Conclusion ------231 Chapitre 7 : L’utilisation de la fable en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle Introduction ------233 1. La fable dans le manuel de français au moyen ------234 Pourquoi le genre textuel « la fable » ? ------235 La Fable et son utilisation lors du cours de français au moyen ------236 Présentation du projet 2 du manuel de 2 ème AM « raconter à travers la Fable » : vers la découverte d’un genre textuel « la Fable » ------237 Pour une définition de la fable ------242 Les outils de la fable ------244 Le rôle de la fable ------246 Illustration des fables ------247 2. Lecture analytique de la fable comme lieu d’informations externes ------248 La Fontaine ou l’écrivain témoin de la société française du XVII e siècle ------248 Enseigner le genre la Fable comme culture cultivée ------251

LʼUniversel singulier de l’animal entre '' Kalila et Dimna '' d ʼIbn al-Muqaffa et " Les fables " de

344

Table des matières La Fontaine en classe de FLE ------252 L’Universel- singulier de « la jungle » comme reflet de la société humaine ------252 Les allusions politiques ------253 Le thème de l’entraide et l’amitié « l’amour de l’Autre » chez Al Muqaffa à travers les fables L’Ane et le Chien, La Tortu et les deux Canards ------255 Conclusion ------256

Chapitre 8: L’utilisation du texte romanesque en classe de français au moyen dans une perspective interculturelle Introduction ------258 1. L’extrait romanesque dans le manuel de français au moyen ------259 Le roman : un genre complexe à enseigner au moyen ------259 Lire un extrait romanesque en classe de français ------260 2. Le texte romanesque et son utilisation dans les quatre manuels du moyen ------262 Le cadrage générique lors de la lecture littéraire en classe de français ------263 Lecture-compréhension d’un texte romanesque ------266 L’enseignement de la culture littéraire et artistique ------266 Association entre Littérature et universels singuliers : notion d’interculturalité ------268 3. La lecture littéraire en classe de français au moyen ------269 Lecture d’un extrait romanesque en classe de français ------269 Présentation des extraits romanesques insérés dans les manuels du moyen ------270 Exploitation des extraits romanesques selon l’approche des universels- singuliers de L. Porcher ------272 Analyse des extraits d’A. Saint Exupéry « Le Petit Prince » dans une perspective interculturelle… ------274 Une analyse thématique de l’œuvre d’Antoine Saint- Exupéry Le Petit Prince (1943) ------275 3.4.1.2 Manifestation des Critères Humains dans Les Animaux figurés ------276 4.3.1.3 Travail interculturel sur le chapitre XXI du livre « Le Petit prince » d’Antoine de Saint- Exupéry : Démarche ------280 Analyse des extraits de l’œuvre « Le magicien des couleurs » d’Arnold Lobel ------283 Exploitation du récit Mondo est autres histoires de J.M.G Le Clezio ------284 Conclusion ………………………...... ------289

Chapitre 9 : Propositions didactiques Introduction ------291 1. Proposition d’une séquence didactique sur le conte dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ------292 2. Proposition d’une séquence didactique sur la fable dans l’enseignement /apprentissage du FLE au moyen dans une perspective interculturelle ------297 3. Propositions d’activités pour une exploitation d’un extrait romanesque ------307 4. Proposition d’une grille de lecture d’un texte littéraire en classe de FLE ------313 Conclusion de la seconde partie ------318

345

Table des matières Conclusion générale ------323 Bibliographie ------332 Tables des matières ------340 Liste des tableaux ------347 Annexes ------349

346

LISTE DES TABLEAUX

Liste des tableaux

N° Tableau Intitulé Page

01 Répartition des manuels selon les niveaux 121

02 Contenus des périodes correspondant aux 4 années du collège 129

03 Répartition des textes littéraires recensés par auteur 131

04 Répartition des supports textuels présentés dans les manuels du moyen 133

05 Répartition des auteurs selon la nationalité littéraire 134

06 Répartition des textes littéraires selon l’époque 134

07 Répartition des textes littéraires par genre 135

08 Les rubriques où les textes littéraires sont insérés 137

09 Répartition des textes littéraires selon des rubriques qui banalisent leur 143 littérarité

10 Classement des genres textuels élaboré par Dolz et Schneuwly (1996) 159

11 Textes autobiographiques présents dans les manuels du moyen 168

12 résultats d’une analyse d’extraits autobiographiques selon l’approche 170 anthropologique et interculturelle

13 L’ensemble des fables insérées dans le manuel de 2 ème AM 240

14 Les extraits romanesques insérés dans les manuels du moyen 271

348

ANNEXES

ANNEXE 1 : Premières de couvertures des manuels de français du moyen ------1

ANNEXE 2 : Extraits autobiographiques ------6

ANNEXE 3 : Extraits de contes ------18

ANNEXES 4 : Extraits de fables ------31

ANNEXE 5 : Extraits romanesques ------50

ANNEXE 1 Premières de couvertures des manuels de français du moyen

Annexes

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ANNEXE 2 Extraits autobiographiques

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ANNEXE 3 Extraits de contes

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ANNEXES 4 LES FABLES

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ANNEXE 5 Les extraits romanesques

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Résumé :

Cette thèse tente de répondre à la question suivante : Quels enjeux didactiques et pédagogiques favoriseraient l’apprentissage de la compétence interculturelle par le biais du texte littéraire au moyen algérien ? Notre ambition, à travers cette recherche, consiste à identifier les enjeux qui sont à l’origine de la mise en place d’une approche interculturelle appliquée au texte littéraire au moyen algérien. Nous sommes parti des postulats de base suivants : -Situer le texte littéraire dans une perspective interculturelle favoriserait l’initiation de l’apprenant-lecteur à l’altérité. -Dans les manuels de français au moyen, le texte littéraire continue à servir de prétexte à des apprentissages fonctionnalistes et linguistiques plutôt que de constituer un terrain privilégié aux médiations interculturelles et la rencontre de l’altérité. -Les enseignants sont peu formés pour promouvoir une didactique interculturelle du texte littéraire. Après avoir observé les démarches suivies ainsi que les activités proposées par les programmes officiels pour l’exploitation pédagogique du texte littéraire, nous avons emprunté trois voies: l’analyse des démarches interprétatives et explicatives des textes littéraires empruntés aux genres (l’autobiographie, le conte, la fable et le romanesque) et l’analyse des quatre manuels scolaires en usage dans le moyen. Les analyses effectuées nous ont permis de mettre en évidence quelques-unes des modalités de la mise en relation entre «moi» et l’autre par la lecture des textes littéraires. Elles témoignent aussi des difficultés rencontrées pour concilier les objectifs parfois contradictoires assignés à l’étude des textes.

Mots clés : Didactique du texte littéraire, interculturalité, lecture littéraire, extraits autobiographique, autobiographie, conte, fable, extrait romanesque, manuel

Abstract

This thesis attempts to answer the following question: What didactic and pedagogical issues would encourage the learning of intercultural competence through the literary text in Algerian medium? Our ambition, through this research, consists in identifying the stakes which are at the origin of the implementation of an intercultural approach applied to the literary text by Algerian means. We started from the following basic postulates: -Situating the literary text in an intercultural perspective would encourage the learner-reader's initiation into otherness. -In French textbooks by means, the literary text continues to serve as a pretext for functionalist and linguistic learning rather than constituting a privileged field for intercultural mediations and the encounter of otherness. -The teachers are poorly trained to promote intercultural didactics of the literary text. After observing the procedures followed as well as the activities proposed by the official programs for the educational exploitation of the literary text, we took three paths: the analysis of the interpretative and explanatory procedures of the literary texts borrowed from the genres (the autobiography, the fairy tale, fable and fiction) and the analysis of the four textbooks in use in the medium. The analyzes carried out allowed us to highlight some of the modalities of the relationship between "me" and the other by reading literary texts. They also bear witness to the difficulties encountered in reconciling the sometimes contradictory objectives assigned to the study of texts. Key words : Didactics of the literary text, interculturality, literary reading, autobiography, storytelling, fable, romantic extract, manual

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تحاول هذه الرسالة اإلجابة عن السؤال التالي: ما هي القضايا التربوية والتربوية التي من شأنها أن تشجع تعلم الكفاءة بين الثقافات من خالل النص األدبي في الوسط الجزائري؟ تمل طوحنا ، من خال ھذا البحث ، دد املخاطر التي من في أل نفذ نهج تعدد الثفات طبق على اص األدبي بالوسائل ازارية. دأ من االفترات األساس ا: إن وضع النص األدبي في منظور متعدد الثقافات من شأنه أن يشجع بدء القراءة من قبل املتعلم إلى اآلخر. - في الكتب املدرسية الفرنسية عن طريق ، ال يزال النص األدبي بمثابة ذريعة للتعلم الوظيفي والغوي بد ال ن ً ◌ يشكل مجا ال متمي ً ◌زا للوساطة بين الثقافات ومقابلة اآلخر. أن ً ◌ ً ◌ - أن يكون املعلمون مدربين تدريب ا ضعيف ا على تعزيز التثقيف بين الثقافات في النص األدبي. بعد مراقبة اإلجراءات املبعة وكذلك األنشطة املقترحة من قبل البرامج الرسمية لالستلل التربوي للنص األدبي ، اتخذنا ثالثة مسارات: تحليل اإلجراءات التفسيرية واإليضاحية للنصوص األدبية املستعارة من األنواع )السيرة الذاتية ، را ، خرا والخل( وتحل الكتب املدرسية األربعة املستخدمة في املتوسط. سمحت ل االت انجزة ط الضوء لى بعض طرائق العالقة بين "أنا" واآلخر من خال راءة انصوص األدب. ما أنهم يشهدون على الصعوبات التي يواجهونها في التوفيق بين األهداف املتناقضة في بعض األحيان املخصة لدراسة النصوص. ت اث: تثقيف في النص األدبي ، بين الثقافات ، القراءة األدبية ، مقتطفات السيرة الذاتية ، السيرة الذاتية ، رواية الص ، ارا ، خالصة رومانسية ، دليل

Les enjeux didactico-pédagogiques entre littérature et interculturalité dans l’enseignement/apprentissage du FLE au moyen algérien

Résumé

تحاول هذه الرسالة ا لإ جابة عن السؤال التالي: ما هي القضايا : Cette thèse tente de répondre à la question suivante ا رل بوية وا رل بوية ال نم أش هن ا أن ت عت لم الكف اءة بين Quels enjeux didactiques et pédagogiques favoriseraient l’apprentissage de la compétence الثقافات من خ الل النص ا لأ دبي في الوسط الجزائري؟ interculturelle par le biais du texte littéraire au moyen algérien ? يتمثل طموحنا، نم خ لا ل ھذا البحث، في د د ا م طا ر ا تل ي Notre ambition, à travers cette recherche, consiste à تك ن في أصل تنف ذي ن ھ م دد الث اق ف ات مطبق على النص identifier les enjeux qui sont à l’origine de la mise ا لأ دبي بالوسائل ال زج ائرية. د أ نم االفتراض ات ا لأ س اسية en place d’une approche interculturelle appliquée au texte littéraire au moyen algérien. ال لية: Nous sommes partis des postulats de base suivants : إن وضع النص ا لأ دبي في منظور متعدد الثقافات من شأنه أن -Situer le texte littéraire dans une perspective يشجع بدء القراءة من قبل ا تلم علم إلى ا لآ خر. -interculturelle favoriserait l’initiation de l’apprenant lecteur à l’altérité. - في الكتب ا لم درسية الفرنسية عن طريق ، ال يزال النص ا لأ دبي بمثابة ذريعة لل تعلم الوظيفي وا لل غوي بد لا من أن يشكل مجا لا Dans les manuels de français au moyen, le texte ً ◌ littéraire continue à servir de prétexte à des متمي زا لل وساطة بين الثقافات ومقابلة ا لآ خر. apprentissages fonctionnalistes et linguistiques plutôt que de constituer un terrain privilégié aux ً ◌ ً ◌ - أن يكون ا لم علمون مدربين تدريب ا ضعيف ا على تعزيز التثقيف médiations interculturelles et la rencontre de بين .l’altérité

الثق ات في النص ا لأ دبي. Les enseignants sont peu formés pour promouvoir une didactique interculturelle du texte littéraire. د راقبة اإلجراء تا ا تلم ة وكذ كل ا لأ نشطة ا لم ترحة نم قبل Après avoir observé les démarches suivies ainsi que البرما ج الرسمية ل سال تغ لا ل التربوي لل نص ا لأ دبي ، اتخذنا ث لا ثة les activités proposées par les programmes officiels مسارات: تحليل ا لإ جراءات التفسيرية وا لإ يضاحية لل نصوص ,pour l’exploitation pédagogique du texte littéraire nous avons emprunté trois voies : l’analyse des ا لأ دبية ا لم ستعارة من ا لأ نواع )السيرة الذاتية ، خرافة ، خرافة démarches interprétatives et explicatives des textes وا يال( وتحليل الكتب ا لم درسية ا لأ ربعة ا لم ستخدمة في littéraires empruntés aux genres (l’autobiographie, le ا تلم وسط. conte, la fable et le romanesque) et l’analyse des quatre manuels scolaires en usage dans le moyen.

سم ت ل التحلي الت ا لم جن زة بتسل طي الض وء لى بعض طرائق Les analyses effectuées nous ont permis de mettre en القة بين " أ" وا لآ خر نم خ لا ل راءة النصوص ا لأ دبية. ما évidence quelques-unes des modalités de la mise en relation entre « moi» et l’autre par la lecture des أنهم يشهدون على الصعوبات ا تل ي يواجهونها في التوفيق بين textes littéraires. Elles témoignent aussi des ا لأ هداف ا تلم نا ضة في بعض ا لأ حيان ا لم صة لدراسة difficultés rencontrées pour concilier les objectifs parfois contradictoires assignés à l’étude des textes. النصوص. Mots clés : ك ت لا ب : Didactique du texte littéraire, interculturalité, lecture تثق ف في النص ا لأ دبي، بين الث اق ف ات، اراءة ا لأ دبية، ,littéraire, extraits autobiographique, autobiographie مقتطف ات ارة ا ذال تية، الس رة ا ذل اتية، رواية القصص، conte, fable, extrait romanesque, manuel ال رخ افة ، خ الصة رومانسية، دليل