UNIVERSITE D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE

Master Médiations de la Culture et du Patrimoine

Mention Stratégie du Développement culturel

Mémoire de master 2e année

LA « COLLECTORISATION » POUR LA PATRIMONIALISATION DU ROCK : L’exemple des vinyles des Beatles en France.

Par Sania Soualah

Sous la direction de Jean Davallon et Philippe Le Guern

2010-2011

Table des matières______

Remerciements 4 Titre et Résumé 5 Title and Astract 6 Note liminaire 7 Introduction 8

PARTIE 1 : Vers la patrimonialisation du rock à travers les disques de collection des Beatles : l’étude d’un objet ambivalent -Problématique et objectifs 11 -Contexte d’étude 13

I) Vers la reconnaissance du patrimoine des musiques électro-amplifiées en France 13 1) Pour la construction d’une sociohistoire française des musiques électro-amplifiées 2) Une institutionnalisation complexe pour le réseau des musiques «amplifiées »

II) Les Beatles : un cas emblématique de la patrimonialisation du rock 18 1) Les Beatles et la « Beatlemania » : une mémoire collective qui perdure 2) Les Beatles : l’identité du Merseybeat et de la Britishness

III) L’engouement pour le marché du collector des Beatles à l'heure du numérique 22 1) La communauté spécialiste des Beatles 2) La chasse aux collectors : forums, foires, conventions, sites internet

IV) Disques de collection ou disques collectors définition et marché de la culture 24 1) Vinyles vs CD vs Mp3 : de l’objet à la dématérialisation 2) Les supports de disques et l’identité de l’œuvre

V) L'ambivalence définitionnelle du collector ? 27 1) Qu'est-ce qu'un collector ? 2) L’étiquette collector: vers une labellisation ?

-Cadre théorique: La patrimonialisation des cultures populaires : quête de légitimité, consécration et invention du patrimoine 30 -Formulation de notre hypothèse 35

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

PARTIE 2 : la co-construction d’une définition des disques collectors par la presse et les collectionneurs: une pré- patrimonialisation du champ des musiques actuelles Terrain d’étude et méthodologie 37

I) La définition des disques collectors à travers un corpus exploratoire : vinyles et disques compacts 37 II) L’analyse du contexte communicationnel des disques de collection à travers la presse spécialisée : le discours du magasine Rock&Folk 39

III) La définition des disques collectors par les collectionneurs : la valorisation des pièces originales 41 IV) Les résultats attendus 43

Analyse des résultats 44 I) Les conventions du collector,: codification, certification et expertise 44 1) La présentation du disque par ses données physiques : barème et état du disque 2) La lecture du collector par des collectionneurs « savants »

II) La chasse aux Beatles et l’hyper-représentation des années 60 dans les collections des musiques amplifiées 47 1) La chasse aux Beatles : le groupe le plus collectionné à l’heure actuelle 2) La période des années 60, la période la plus collectionnée

III) La définition, les caractéristiques et les qualités du disque de collection 51 1) La définition du collector : le rare et l’original 2) Les qualités du disque vinyle : ancien, authentique et esthétique

IV) Entre conservation et marchandisation : la relativité de la valeur de collection 57 1) Le disque vinyle collector n’est pas un disque d’écoute 2) La relativité de la valeur de collection : célébration, commémoration et spéculation

V) Objets « cultes » ou objets de cultes ? 61 1) La légitimité distinctive d'un lectorat : le rôle de la presse dans la définition du collector 2) Une économie de biens symboliques : entre marchandisation et patrimonialisation

Conclusion 67 Bibliographie 70 Annexes 76

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

Remerciements

Je remercie tout d’abord l’équipe pédagogique du Master Médiations de la Culture et du Patrimoine pour ces deux années où j’ai pu travailler sur un sujet correspondant à mes attentes.

Jean Davallon, pour ses conseils d’écriture et ses remarques tombant à pic.

Philipe Le Guern, pour m’avoir aiguillé dans mon travail, l’avoir coaché en cours de route et m’avoir recommandé à la commission Patrimoine de la Fédurok et de la FSJ.

Je remercie également les doctorantes Camille Jutant et Caroline Buffoni pour leur écoute, leurs encouragements directs ou indirects ainsi que leur communication positive et pertinente.

Je dédicace mes remerciements à mes camarades de Master, compagnons de route et amis, pour avoir vécu ensemble et les coudes serrés, les challenges de ces deux années.

Mes remerciements vont également aux membres de la commission Patrimoine de la Fédurok et de la FSJ, Anne-Marie Parein, Hyacinthe Châtaigné, Françoise Dupas et Jean-Paul Ricard, pour leur accueil à l’AJMI et la confiance qu’ils m’ont accordée tout au long du stage.

Un grand merci aux collectionneurs des conventions de disques pour m’avoir accordé leur temps et à la Médiathèque de la Cité de la Musique à pour m’avoir mis à disposition les archives de centaines de magasines Rock&Folk.

Ma reconnaissance à mon entourage et à ma famille, pour m’avoir toujours soutenue, avoir eu de l’intérêt pour mon travail et m’avoir poussée dans mes choix. Pour finir, les derniers mais non les moindres, un grand merci à mes acolytes, Laura Chabbert, Camille Vinatier, Aurore Gaglione, Charlotte Carreno, Olivia Chenot, Lauriane Coiraton et Berengère Rivière pour leur relecture et/ou leurs perpétuels encouragements.

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock.

L’exemple des vinyles des Beatles en France.

Résumé

En quoi la définition des disques vinyles collectors participe-t-elle à la patrimonialisation du rock ? Dans ce projet de mémoire nous convoquons le phénomène des disques collectors pour illustrer des dynamiques de patrimonialisation qu‘il entraîne sur les musiques amplifiées et plus particulièrement sur le rock. Bien qu’en Angleterre la légitimité de ce patrimoine soit amorcée de manière académique, nous notons qu’en France seuls de légers processus ont été engagés. À partir de l’exemple des Beatles, nous nous attardons sur le cas des disques de collection sous le format vinyle, pour analyser la manière dont cet héritage musical prend forme. À l’heure où le marché du disque tente de s’adapter à la dématérialisation, nous avançons dans cette étude l’idée d’un retour à l’objet « authentique » et « rare ». Entre valeur d’usage et valeur de collection, entre objet « culturel » et objet « cultuel », les collectors sont considérés ici comme des potentiels « représentants » d’un répertoire rock. Nous verrons en quoi les disques de collection sont des objets multiples, ambivalents et comment sa définition répond à une construction concourant à la pré-patrimonialisation du rock.

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

The « collectorization » for the heritagization of rock music.

The example of vinyl records in France.

Abstract

How the definition of the vinyl records collector participate to the heritagization of rock music?

The present work examines the relationship between rock music and heritage. We take the case of records collector phenomenon, and especially vinyls, to show how its drives us to represent and establish a rock heritage. Although the process of integration seems to have been made on small scales in France, compared to the academic legitimating existing in Great-Britain, we want to show how vinyl collector could incorporate an heritage. We focus our study on a very specific example, that is to say the Beatles, in order to analyze the definition, representation and use of collector items. In this way we could see that a cultural item can become a cultual item. In this way we aim to analyze the construction of the meaning of collector items and understand the symbolic value that they convey. In this time of the mainstream on the one hand, and the dematerialization of music on the other hand, we put the light on the revival and come-back towards the authentic and rare value. Between use value and collect value, the collector is seen like potential « representatives » of a rock repertory. We will see that the collector records are various and ambivalents and how its definition stems from a construction which contributes to the heritagization of rock music.

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

Note liminaire

Etant donné les nombreuses occurrences anglophones dans notre étude nous avons choisi lors de l’écriture de faire une distinction de mise en forme pour certains termes. Ainsi les noms communs d’origine anglophone sont rédigés en italique tel que peut l’être le terme collector.

Pour éviter une surreprésentation de la forme italique nous avons décidé de faire apparaître les noms de structures institutionnelles en caractère classique, ni gras, ni italique. Nous verrons ainsi apparaître les structures telles que l’AJMI, Fédurok, ou le Memphis Rock’n’Soul Museum.

Seul le terme « collectorisation » (ou « collectorization » en anglais) sera présenté entre guillemets puisqu’il renvoie à une élaboration conceptuelle de notre propre initiative.

Les citations d’auteur, seront rédigées selon les normes universitaires, entre guillemets, en italique police 11 et seront indiquées à partir d’un renvoi de références selon la norme Harvard (Nom de l’auteur, année de publication : numéro de page).

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

Introduction

Ce mémoire mené dans le cadre du Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine de l’Université d’Avignon, cherche à enquêter sur la dynamique d’un patrimoine rock émergent. Nous considérons que les classiques du rock, les légendes du rock, l'anthologie du rock et les œuvres « cultes » du rock sont autant d’appellations qui ne dénotent plus tant elles sont investies par le vocable des médias. L'impulsion de notre réflexion part de cette idée. En nous intéressant de près ou de loin aux musiques actuelles, nous nous apercevons rapidement de l'usage d'un lexique renvoyant à la consécration d'une histoire. En sommes des musiciens « légendaires » et des œuvres « cultes » incarneraient une histoire du rock, pour ne pas dire l'histoire du rock et son héritage à faire valoir.

Notre recherche se base sur le pressentiment premier selon lequel, l'usage ambiant de ce champ lexical « sacré » par les acteurs du champ musical, exprime et amène une célébration du rock. En nous focalisant sur les productions discographiques que sont les disques de collections et plus précisément les disques vinyles dits collectors, nous voulons comprendre les enjeux patrimoniaux que comporte et colporte le genre musical. Si le champ d'investigation des musiques populaires a longtemps été décrié, il n'en est pas moins, comme l'entend Pierre Bourdieu1, un champ artistique et culturel régit par ses propres dynamiques d’acteurs, que sont entre autres les maisons de disques, les auditeurs, les musiciens, les fans, les collectionneurs, les amateurs, les experts et les critiques. A priori, nous pouvons voir que les différents acteurs, que sont la presse, les maisons de disques, les amateurs et les collectionneurs, s’approprient le terme collector pour qualifier des objets sans qu’il n’y ait de consensus apparent sur sa définition. Nous nous demandons alors ce qui distingue un disque « collector » d’un autre disque. Nous nous demandons ainsi à quelles caractéristiques et propriétés renvoient la distinction de ces disques collectors tout en questionnant ce que ces objets d’exception signifient en termes de valeurs et de symboliques. Pour cela nous avons choisi de nous pencher sur le cas des productions discographiques du groupe anglo-saxon The Beatles étant donné l’importance du groupe dans l’histoire des musiques populaires d’une part et étant donné leur omniprésence sur le marché du collectible

1 (Bourdieu, 2000: 52)

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d’autre part. Ce choix n’est pas anodin puisqu’il nous permet de voir et de comprendre les valeurs qui rentrent en jeu lors de la reconnaissance d’un héritage commun. Nous voyons en en ce sens que les Beatles rassemblent une communauté autour de mêmes représentations identitaires. En effet les collectionneurs et les fans, comme les professionnels de la musique ont une place importante dans l’identification et la reconnaissance des objets comme collectors. Nous verrons que leurs discours cristallisent de fortes représentations qui permettent de définir la valeur des disques de collection.

Nous avons basé notre méthodologie sur trois axes de recherche afin de cerner et de confronter la définition du collector. De prime abord, nous verrons l’ambiguïté et la contradiction du collector à travers un premier corpus reprenant une partie de la discographie des Beatles de 1963 à 2004. Nous ferons émerger ensuite la représentation du collector à travers le discours de la presse spécialisée et notamment le magasine Rock&Folk de manière à saisir les occurrences du collector présents dans les articles entre 1984 et 2011. Enfin, nous mettrons en relief la définition du collector à travers le discours de collectionneur de vinyles de musique rock. Cette approche transversale des corpus et des entretiens semi-directifs et qualitatifs nous permet en définitive de croiser les représentations du collector qui concourent à la construction de sa définition. C’est ainsi que nous avons pu prendre en compte l'actuelle instrumentalisation du terme collector à travers les politiques éditoriales et commerciales de l'industrie du disque d’une part et son appropriation sociale faite par les collectionneurs qui elle renvoie à la définition d’un idéaltype. Alors que les vinyles avaient quitté les circuits lambda de la distribution, ils connaissent actuellement un regain d’intérêt. Dans le cadre de la collection, ces omnibus sont des objets sélectionnés et hiérarchisés pour leur valeur et leurs caractéristiques. Ce processus d’élection permet d’identifier des objets « extra » ordinaires. Nous verrons que les notions de rareté, d’originalité et d’ancienneté tendent à construire la valeur patrimoniale des collectors. En effet nous nous baserons sur le processus de changement d’état que connait un disque qui passe du bien culturel à l’objet de collection. Nous supposons ainsi que ces objets culturels du quotidien perdent leur valeur d’usage pour gagner une valeur plus esthétique. Nous pouvons ainsi comprendre qu’un objet banal comme un disque vinyle subit un phénomène qui lui attribue une valeur d’exception.

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Partie I :

Vers la patrimonialisation du rock à travers les disques de collection des Beatles : l’étude d’objets ambivalents.

L’état des lieux que nous faisons de la circulation des objets collectors permet d’observer et de mettre en évidence deux types d’objets que nous distinguons pour mieux les questionner.

Tout d’abord, nous notons la réalité du disque de collection devenu collector avec le temps, dont l’élection s’est déterminée à partir de sa sociohistoire. Ce sont surtout les critères d’originalité et de rareté qui rentrent en jeu (nombre de tirage, caractères particuliers et état de l’objet) pour reconnaitre, considérer et élire l’objet en tant que collector. Parallèlement, nous relevons aussi la réalité du disque né collector, autrement dit usiné et commercialisé par les maisons d’éditions, en reprenant les caractéristiques que l’on approprie au collector comme celles de la rareté et la particularité. Nous identifions alors les collectors comme des objets aux éditions spéciales, limitées, contenant des enregistrements bonus, inédits ou rares.

En ce sens il peut être intéressant de voir le collector comme un objet contradictoire. Il convoque d’une part l’idée de la recherche d'un objet rare et d’autre part l'instrumentalisation d'objets qui s'inscrivent dans une logique de commercialisation et de consommation de masse. Si dans le premier temps de notre recherche nous nous sommes réciproquement penchés sur les disques de collection de support CD et vinyles, nous précisons qu’il ne s’agit là que d’un point de comparaison initial nous permettant de faire une meilleure lecture de la définition du disque de collection. En revanche, par la suite, notre étude prend exclusivement en compte le disque vinyle puisque nous considérons qu’il correspond à la forme la plus en lien avec notre sujet.

En effet nous nous arrêtons au vinyle qui est un support plus avancé dans le temps que le compact disc afin d’écarter l’instrumentalisation que peuvent faire les maisons de disques en éditant des disques appelés collectors dans un but purement commercial. En prenant ce recul

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nécessaire nous considérons pouvoir mieux cerner la construction de l’objet collector faite par les acteurs que sont les collectionneurs et ce en corrélation avec le discours de la presse spécialisée.

Nous voulons en effet répondre à la question suivante :

En quoi la définition des disques collectors à travers le discours des collectionneurs et de la presse spécialisée participe-t-elle à la patrimonialisation du rock ?

Problématique et objectifs

Il ne s’agit aucunement de dire en quoi le rock peut avoir un caractère patrimonial par nature, mais plutôt cibler puis analyser la manifestation de sa dynamique patrimoniale. L'intérêt de notre démarche est d’extraire de notre objet d’étude, des propriétés et des discours qui expriment les qualités de sa patrimonialisation.

Nous voulons déterminer comment la définition du disque vinyle de collection intervient comme un idéaltype qui concourt à la pré-patrimonialisation des musiques populaires comme le rock.

En étudiant la composition et l'orchestration du collector nous entendons mettre en évidence un processus qui tend à faire des objets de collections des représentants d'un répertoire du rock. Pour cela, nous nous demandons si les collectors peuvent être des objets patrimoniaux quand le discours qui les présente leur confère une valeur d'exception. Nous questionnons alors la définition du disque de collection et du disque collector pour expliciter ses caractéristiques distinctives et les modalités de la construction de sa valeur. En prenant cette valeur de collection comme entrée principale de la valeur patrimoniale, nous cherchons à identifier le passage de biens culturels en objets « cultuels ».

L’hypothèse est que les disques de collections du rock sont la matérialisation ou plus concrètement la manifestation de son patrimoine émergeant. Nous attendons de notre analyse d’éclaircir le fond « patrimonial » qui circule, les collections qui le matérialisent ainsi que le discours qui porte ses qualités.

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Pour articuler notre réflexion, nous avons choisi de modéliser notre pensée à partir du terme « collectorisation » que nous inventons à l’occasion de cette recherche pour donner sens à notre positionnement de départ. Nous analysons et avançons la « collectorisation » comme un phénomène et un processus de construction d’objets collectors.

L’emploi du néologisme « collectorisation » nous est utile car il permet de véhiculer deux idées importantes. D’une part, le fait qu’il n’y a pas de collector par définition, comme il n’existe pas de patrimoine par nature. D’autre part, le fait que la définition possible du collector est elle-même prise dans une certaine co-construction de sens.

En effet l’enjeu est ici de comprendre comment une œuvre reproduite, industrialisée et commercialisée à grande échelle, comme l’est l’enregistrement sur un disque vinyle, peut d’une part valoir pour son caractère original et authentique et d’autre part valoir comme un objet rare alors qu’il n’est pas unique par nature.

Nous nous demandons ainsi en quoi la « collectorisation » démontre la construction d’objets d’exception tout en considérant que ce processus, rattaché plus globalement à la problématique des supports d’enregistrements musicaux, lie la progressive dématérialisation de la musique à un retour affectif aux objets physiques. Nous voulons ainsi éclairer la « collectorisation » sous la problématique d’une patrimonialisation du rock amené par l’exemple des collectors des Beatles.

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Contexte d’étude

I) Vers la reconnaissance du patrimoine des musiques électro- amplifiées en France.

1- Pour la construction d’une sociohistoire française des musiques électro-amplifiées

Alors que le sujet du rock a fait l’objet de nombreuses études d’approches sociologiques en Grande-Bretagne, nous notons que l’histoire des musiques électro-amplifiées en France est encore à faire et à convenir. Le premier indice de cette nécessité est marqué par le choix de la qualification des musiques populaires. Alors qu’il est plus fréquent d’entendre les termes « musiques actuelles » notamment dans un cadre politique et institutionnel, les chercheurs et les professionnels de la musique préfèrent utiliser le terme de musiques électro-amplifiées. Nous trouvons la première occurrence de la qualification dans les travaux du muséographe et sociologue Marc Touché. D’autres parts, Philippe Teillet, maître de conférences en sciences politiques à l’Université d’Angers et directeur du DESS Direction d’équipements et de projets dans le secteur des musiques actuelles et amplifiées, souligne en effet dans le texte Publics et politiques des musiques actuelles que :

« (…) l’expression « musiques amplifiées » (ou «électro-amplifiées) a été construite par le sociologue Marc Touché (Centre d’Ethnologie Française –CNRS, Musée National des Arts et Traditions Populaires), dans le cadre d’une recherche Connaissance de l’environnement sonore urbain (éd. CRIV – CNRS, n° 90.244, 1994). Elle permet de souligner la place importante et spécifique de l’électrification et de l’amplification tant dans l’esthétique des courants musicaux au sein ou autour du rock, des musiques électroniques et du rap, que dans la vie des musiciens s’inscrivant dans ces différents genres (cf : Mémoire Vive, Annecy, Association Musiques Amplifiées, 1998). L’expression « musiques actuelles » a permis de désigner un champ d’intervention publiques englobant, outre les musiques amplifiées, la chanson, le jazz et les musiques traditionnelles (cf ; Ph. Teillet « Eléments pour une histoire des politiques publiques en faveurs des musiques amplifiées » (Teillet, 2003 :155)

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En ce sens nous ferons cette même distinction en différenciant le point de vue des interventions publiques par l’expression « musiques actuelles » et le positionnement spécifique des musiques « rock » dans la qualification « musiques amplifiées ».

Relevons que cette distinction en plus de mettre en lumière les problématiques des genres musicaux, cache bien plus largement un clivage institutionnel et professionnel comme l’indiquent les démarches de la commission « Patrimoine des musiques jazz, improvisées et électro-amplifiées ». À l’initiative de Marc Touché et de la Fédurok, la commission « Patrimoine » réunit les membres des fédérations Fédurok (fédération des lieux de musiques amplifiés), FSJ (fédérations des scènes Jazz et musiques improvisée, chercheurs, et autres professionnels du secteur des musiques actuelles de France. Le chantier « Patrimoine des musiques actuelles » en France cristallise une prise de conscience significative du monde professionnel forgée par ce souci de mémoire. Dans une volonté de transmission et d’accessibilité aux publics, la commission questionne les ressources des structures et vise à comprendre ce que les opérations de sélection et de valorisation d’archives impliquent dans les enjeux de mémoire. Pour identifier la fonction et le fonds patrimonial des structures leurs travaux et leurs actions traitent la problématique suivante: « entre mémoire collective, et conservation patrimoniale, comment l’histoire des musiques jazz, improvisées, et amplifiées en France peut-elle être sauvegardée et active ?2 »

En effet dès 1999-2000, la Fédurok part du constat de l’absence de données chiffrées fiables concernant les structures du secteur des musiques actuelles, et décide que la fédération elle- même impulse elle-même l’auto-analyse des structures. La démarche tend à construire une meilleure communication institutionnelle et une expertise culturelle détaillée à partir des observations que peuvent faire les adhérents sur leur mode de fonctionnement et leur implantation territoriale. Cette initiative s’inscrit alors dans une logique de reconnaissance institutionnelle du chantier qui met au centre le questionnement de l’appropriation de l’histoire, de la mémoire et du patrimoine des musiques. La commission porte ainsi les enjeux d’identité, de savoir-faire et de connaissance des structures qu’elle représente.

2 Fédurock et FSJ, 2011, Rapport état des lieux de la commission Patrimoine, page 3.

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Elle tient un rôle dans la préservation et la transmission de la mémoire artistique et culturelle des adhérents. Comme le présente la commission :

« Quels que soient les territoires concernés, ces lieux sont aujourd’hui le reflet d’un monde artistique en perpétuelle évolution où l’innovation des nouvelles technologies a fait plus que dans d’autres arts une percée fulgurante, où les croisements artistiques qu’ils soient générationnels, interdisciplinaires ou dû aux métissages musicaux sont multiples, où enfin les modèles économiques s’y côtoient entre interventions publiques et concurrences privées » 3

Conscientes de faire partie intégrante d’une histoire collective des musiques actuelles dans le territoire local et national, de nombreuses structures lors de l’anniversaire de leurs 10 ou 20 ans d’existence manifestent depuis quelques années leur fort intérêt pour la sauvegarde de cette mémoire. En effet nous rappelons que la création de certains des lieux des fédérations date des années 1970 et 1980. Ces dates d’anniversaires ont donné l’occasion aux structures de trier et sélectionner leurs archives en vue d’édition d’ouvrage, de réalisation de DVD etc. et de rendre compte ainsi de la grande valeur de leurs archives et leur possible valorisation.

Parallèlement, la construction de la sociohistoire des musiques populaires électro-amplifiées en France est portée par la Fédurok et Marc Touché dans la mesure où il n’existe que peu d’ouvrages scientifiques traitant de l’histoire des musiques populaires électro-amplifiées à l’inverse du Jazz par exemple. L’objectif de la commission est de poser une méthode collective de travail et de partenariats avec des organisations professionnelles, des laboratoires de recherches universitaires et le secteur muséographique, pour que les acteurs des musiques populaires électro-amplifiées de France se réapproprient leur patrimoine et construisent leur sociohistoire.

3 Source Site : Fedurok&FSJ : http://www.la- fedurok.org/rubrique.php?id_rubrique=284&PHPSESSID=22fc9cdc0691300e691840a5b176715a

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2- Une institutionnalisation complexe pour le réseau des musiques «amplifiées »

En France, les musiques actuelles ont été reconnues par l’Etat et les démarches de Jack Lang comme ministre de la Culture et de la Communication de 1981 à 1996. Durant cette période le ministère va élargir son champ d’action concernant les nouvelles formes d’art, de l’audiovisuel ainsi que des musiques contemporaines. En institutionnalisant par exemple la Fête de la Musique en 1982, il pousse les collectivités à créer de nouveaux lieux de diffusion et reconnaître la pratique musicale amatrice et professionnelle de leur territoire. Depuis 1982, ces interventions en faveur des musiques actuelles plongées au cœur des politiques publiques s’allient à la volonté du « ministère Lang » de développer la culture par sa démocratisation. Comme l’indique le décret du 10 mai 1982 sa mission doit consister à « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer de créer, d’exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional, ou des divers groupes sociaux pour le bénéfice de la collectivité tout entière »4. Ce sont ces actions culturelles tournées vers la jeunesse comme nouveau public et les pratiques amateurs entre autres (développement de l’aménagement de lieux de répétitions) qui ont concrétisé la naissance d’une politique en faveur des musiques actuelles. Il est important en ce sens de relever cette période favorable à la légitimation progressive des musiques actuelles permise par les institutions.

Parallèlement nous pouvons noter que depuis 1996 un plan national de numérisation a été mis en place conjointement à une politique de numérisation en Europe et depuis 2007 le Ministère de la Culture et de la Communication a lancé un appel5 à la numérisation du patrimoine culturel. Le secteur des musiques actuelles est pris en compte et répond à la thématique du programme 6 de l’appel dans le cadre de « la création contemporaine ». Notons que les projets privilégiés sont ceux qui s’inscrivent dans des partenariats régionaux et qui ont pour mission de rendre accessible leurs fonds sur internet en l’espace d’un an. En 2011, l’appel est renouvelé et reste un leitmotiv qui pousse les structures à s’impliquer et à concrétiser ce projet en candidatant aux aides ministérielles. Seul Le Petit Faucheux à Tours, structure dédiée aux

4Cf : Décret 10 mai 1982 5 Site du Ministère de la Culture et de la Communication : http://www.culture.gouv.fr/culture/mrt/numerisation/index.htm

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musiques Jazz et Improvisées, à ce jour a reçu une aide ministérielle concernant le projet de numérisation de leurs archives pour la création d’un centre de ressources. Il faut aussi mentionner la structure de l’AJMI en Avignon dédiée également aux musiques Jazz et Improvisées qui a répondu en 2010 et 2011 à l’appel ministériel sans que l’aide ne leur soit attribuée. L’association développe depuis 2010 un projet de Centre Ressources Régionales projetant l’intégration d’une discothèque de 30 000 vinyles retraçant l’histoire du Jazz. Parallèlement, le bilan de trente années de concerts, de créations, de résidences, de production, d’ateliers, de master-classes, aux côtés d’artistes locaux, nationaux, et internationaux, recense plus de 30 000 enregistrements, CD, vinyles, revues, livres, notes et documentaires sur le thème. Il s’agit d’un fonds initial se basant sur la collection privée du programmateur Jean-Paul Ricard qui préside l’association et qui à cette occasion, souhaite en faire la donation. À ce jour, plusieurs enjeux pour la concrétisation du projet croisent les questions de faisabilités juridiques et matérielles, notamment en rapport avec la problématique des droits d’auteurs des disques vinyles.

Bien que cette institutionnalisation soit difficile, nous remarquons que le thème des musiques amplifiées trouve une entrée favorable dans les musées et l’espace d’exposition amorçant ainsi un autre pan de sa légitimité. En effet, le champ des musiques amplifiées est de plus en plus représenté dans les thématiques d’expositions depuis quelques années et ce partout dans le monde. Nous relevons quelques musées principaux consacrés directement au rock dans son acception globale. Le premier n’est autre que le Rock’n’roll Hall of Fame Museum localisé à Cleveland en Ohio aux Etats-Unis d’Amériques. Celui-ci a pour mission de présenter et transmettre un message précis sur le rock’n’roll. En effet les efforts de la structure ont pour but d’« éduquer le monde sur la signification sociale du rock’n’roll 6». Le musée célèbre les artistes les plus influents de l’histoire du rock’n’roll, mais aussi des producteurs et autres personnalités qui ont d’une manière ou d’une autre influencé l’industrie de la musique ou marqué l’histoire du rock’n’roll. De multiples musées sont ainsi connus aux Etats-Unis, le Rock’n’Blues Museum à Clakrsdale au Mississippi, le Memphis Rock’n’Soul Museum au Tenessee ou même encore le Musée du Rock’n’roll au Québec dont les responsables se donnent un devoir de mémoire

6 Traduction: “Museum admissions, memberships and store purchases support our efforts to educate the world on the social significance of rock and roll” Source: Site internet Rock’n’roll Hall of Fame Museum: http://rockhall.com/visit-the-museum/learn/

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La « collectorisation » pour la patrimonialisation du rock : l’exemple des disques vinyles des Beatles. Sania Soualah. Master 2 Médiations de la Culture et du Patrimoine. Université d’Avignon.

concernant la naissance du rock au Canada. D’autres musées notables dans le domaine sont dédiés à des personnalités précises comme par exemple le Musée d’Elvis au Québec, qui est la propriété du collectionneur Gérard Vachon et qui rassemble plus de 20 000 objets du musicien. L’année 2009-2010 aura d’ailleurs à plusieurs reprises « exhibé » le rock comme un thème d’actualité. L’exposition Who Shot Rock & Roll d’octobre 2009 à janvier 2010 fut la première exposition du musée du Brooklyn Museum des Etats-Unis. Consacrée à la photographie, elle retraçait l’histoire du rock de 1950 à nos jours pour célébrer les transformations sociales que le genre musical a amenées. Notons encore l’exposition Sympathy for the vinyl, à la Maison Rouge, à Paris le dernier février et mai 2010. Consacrée à la collection de pochettes d’albums (33 tours vinyles) du commissaire d’exposition et éditeur Guy Schraenen, l’exposition retrace différentes formes musicales et notamment le pop-rock avec les Beatles, les Rolling Stones etc. Pensons encore en France, lors de la 41ème Rencontres d’Arles en Juillet 2010, à la promenade rock reconstituée au fil de photographies reprenant l’histoire des artistes « cultes » du rock. Pour finir, relevons aussi le premier musée européen dédié au rock qui a ouvert le 24 mars 2011 dernier à Barcelone sur le site de Las Arenas pour rendre hommage aux groupes comme des Beatles, Rolling Stones ainsi que d’autres groupes espagnols, où des photographies, des guitares comme celle de John Lennon ou Eric Clapton, des disques collectors et d’objets promotionnels sont exposés.

II) Les Beatles : un cas emblématique de la patrimonialisation du rock.

« On ne reconnaît les artistes mythiques à ceci que le temps qui passe ne fait qu’accroître leur aura. Elvis Presley, Jim Morrison, Jimi Hendrix, les Beatles… Un groupe de quatre garçons dans le vent que les moins de soixante ans, qui ne peuvent les avoir connus, vénèrent tout comme leurs aînés, tandis que les plus jeunes les découvrent et les rejoignent dans les champs de fraises où ils se baladent pour toujours. » (Perrier, 2008 : 7)

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1- Les Beatles et la « beatlemania » : une mémoire collective qui perdure.

Pour donner une réalité concrète et ciblée à notre question, nous avons décidé de prendre l'exemple significatif du groupe des Beatles. Composé de John Lennon, Paul Mc Cartney, Ringo Starr et George Harrison, le groupe né en 1962 est originaire de Liverpool.

Nous avons pu observer que le groupe rassemble autour de lui un réel engouement du collectible pour des raisons notables que nous allons mettre en évidence. Il représente le groupe le plus populaire de l'âge d'or du rock et par là même de l'industrie du disque. Dans cette connivence, le phénomène de la beatlemania7 prend forme et cristallise un intérêt intense pour un groupe qui est aujourd'hui mondialement reconnu. L’année 2010 qui fête respectivement le 30ème anniversaire de la mort de John Lennon (8 décembre 1980) et le 70ème anniversaire de sa naissance (9 décembre 1940), tourne notre attention vers le groupe des Beatles et les multiples hommages qui leur sont dédiés. Un groupe mythique qui ne pourra certes plus se reformer mais dont on remarque une aura encore forte dans le secteur musical.

Il faut tout simplement dire que la forte affection qui lui est porté au fil et au-delà des générations concrétise et renforce son enjeu de mémoire et de commémoration. Notons par exemple, que le passage piéton d’Abbey Road, situé dans le quartier de St John’s Wood, au nord-ouest de Londres, a rassemblé le dernier 8 août 2009 à 11h35 de nombreux fans des Beatles pour célébrer les 40 ans du cliché de l’album Abbey Road des Beatles pris le 8 août 1969. Ce lieu attire chaque année de milliers de touristes qui imitent et parodient la pochette où l’on voit à la file indienne, George Harrison en jean, Paul Mc Cartney imberbe, pieds nus, cigarette à la main en costume bleu foncé, Ringo Starr en costume noir et John Lennon en costume blanc qui ouvre la marche pour traverser en direction des Studio Abbey Road. En véritable lieu de pèlerinage, on peut expliquer que le passage piéton soit inscrit en catégorie 2 du patrimoine national en 2009 par le secrétaire d’Etat britannique John Penrose sous les conseils de l’English Heritage8 en charge de la gestion du patrimoine britannique. Par la suite les studios d’Abbey Roads en février 2010 ont eux aussi été aussi classés.

7 Engouement qu'ont suscité les Beatles dans les années 60 8 Cf :article du site internet English heritage : http://www.english-heritage.org.uk/about/news/abbey-road- studios-grade-ii/

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Le musée The Beatles Story situé à Liverpool, ainsi que de nombreux lieux qui ont marqué l’histoire des Beatles, comme le Cavern Club à Straberry Fields, ou encore les maisons d’enfance de Paul McCartney à Forthin road, et de John Lennon sur Menlove avenue sont visités par la communauté de fans des Beatles. Notons aussi, le mémorial Stawberry Fields inauguré au Central Park de New York en 1985, ainsi que la sculpture Peace and Harmony à Liverpool qui a célébré en 2010 le 70ème anniversaire de John Lennon. Ces lieux représentent parmi de nombreux exemples l’enjeu de commémoration généré par la popularité des Beatles. L’influence du groupe est telle que son héritage des Beatles semble tout à fait reconnu par le public au sens large, les professionnels de la musique et les chercheurs académiques pour avoir marqué l’histoire de la musique rock, de l’industrie du disque notamment grâce à leurs records aux hit-parades. Rappelons par exemple que l’album des Beatles Please please me (de 1963 est resté n°1 des topcharts pendant trente semaines consécutives. Héritiers d’Elvis, ils redéfinissent les bases du rock’n’roll et marquent le début de la british invasion du rock mélodique en ouvrant la porte du merseybeat.

2- Les Beatles : l’identité du merseybeat et de la britishness.

Alors qu’en 2001 le livre des Records Guinness déclare Liverpool « city of the pop » pour connaître le nombre le plus élevé de chansons classées comme « hit records », la réputation de la ville persévère comme étant le cœur de la création musicale. Marion Leonard et Robert Strachan sont à l’initiative de l’ouvrage The Beats goes on qui correspond à une compilation d’articles rassemblés lors de l’inauguration de l’exposition du même nom organisée au nouveau Musée de Liverpool en 2011 autour du thème de ‘Liverpool’ vue comme ville de création. Les auteurs montrent en quoi les grandes personnalités comme le groupe des Beatles sont ancrés dans l’identité de la ville et de la population. Le postulat est clair Liverpool s’image et se projette à l’échelle nationale et internationale comme une ville de créations artistiques. Les thèmes centraux de la créativité, de la représentation et de la particularité du lieu sont articulés dans l’ouvrage de façon à retracer les facteurs contextuels, géographiques et musicaux qui ont pu concourir à construire cette imagerie de la ville.

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L’article The creative process: Liverpool songwriters on songwriting9 se focalise plus spécifiquement sur la manière dont la culture populaire, notamment à travers les Beatles, a concouru à construire une imagerie de la ville de Liverpool et constitue aujourd’hui l’héritage de la ville. En effet à partir de 1963 le succès international des Beatles ne reste pas un simple fait mais est devenu le symbole de la ville à travers les textes des chansons phares de Liverpool. Nous pouvons noter le passage suivant qui résume le positionnement de l’auteur :

« This chapter has traced the representation of Liverpool and its cultural associations through the songs, recordings and cultures of its popular musicians. The legacy afforded by the representation of Liverpool within its popular music provides a powerful set of associations which have served to construct and reinforce collective memory. (…) Indeed, while bands such as the Beatles have carried with them national and international representations of Liverpool, there is a concurrent set of locally specific narratives which are important within popular culture within the city itself. (Leonard, 2010: 60)

En effet l’occurrence aux Beatles maintient l’idée qu’il s’agit d’un groupe incontournable de la période de l’âge d’or du rock’n’roll et de l’industrie musicale autant pour des raisons d’esthétique musicale que pour l’impact social qu’ils ont pu provoquer à différentes échelles. Le lien entre l’histoire des Beatles et l’héritage de la ville s’impose alors comme une évidence puisqu’à partir de 1963 le son de Liverpool se reconnaît désormais comme le merseybeat, Mersey étant le quartier d’origine les Beatles. L’auteur appuie l’idée que l’identité musicale peut ainsi s’appliquer dans un espace et un territoire, ce qui rejoint l’idée de Cohen selon laquelle la musique ravive la mémoire collective en créant un sentiment d’appartenance identitaire et territoriale. En effet, selon lui, « music is active in « stimulating collective memory » by providing a « sense of identity and belonging and place » (Cohen, 2003: 185)

9 Leonard (Marion). 2010. The creative process Liverpool songwriters on songwriting in The beat goes on, p. 161. Liverpool: Liverpool university press.

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III) L’engouement pour le marché du collector des Beatles à l'heure du numérique.

1- La communauté spécialiste des Beatles.

Il existe un large réseau sur Internet de sites produits par des collectionneurs et des fans des Beatles consacrés à la pratique des collections où les intéressés peuvent à volonté s'engouffrer dans des mines d'informations. Les sites sont chevronnés de l’analyse très pointilleuse des disques de collections en rassemblant le maximum de caractéristiques et illustrant toutes les discographies abordées. Nous remarquons qu’il existe des sites10 spécialisés sur un seul et même album, tant bon nombre d'informations, de variations et de distinctions peuvent être expliquées.

L’entrée du marché du disque de collection dans les nouvelles technologies marque une démocratisation de l'information qui a une réelle portée dans l'univers des collectionneurs. En effet ces sites internet interviennent comme des outils de pédagogie et d’initiation aux savoirs et aux normes de la collection de disques. Internet a vraisemblablement développé et fortifié une communauté où chacun peut être identifié comme collectionneur. Nous pouvons voir par exemple les forums comme des bourses aux questions et autres débats permettant de récolter des conseils, d'éviter les achats de contrefaçons et débusquer les copies, autrement dit les faux collectors. En ce sens la médiatisation des disques collectors via internet permet de récolter une masse d'informations très précises et de les diffuser pour permettre à chacun de pouvoir identifier ses propres disques. Il est intéressant sur ce point de noter l'utilisation de la photographie pour illustrer l'objet comme un liant primordial dans les échanges. Ces documents viennent d'une certaine manière porter et crédibiliser les propos.

C'est entre autres avec des vecteurs média comme la télévision et l'internet que l'on se rend compte de l'importance du réseau communautaire des fans des Beatles et de la circulation des productions discographiques. La complexité de l'histoire des Beatles et celle de l'histoire de la

10 The white album: http://www.beatlealbum.com/ The Beatles bakery cover : http://www.earcandymag.com/beatlesbakeryalbum.htm

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phonographie peut expliquer les raisons de l’engouement de cette communauté autour des objets de collection. La grande sédimentation des labels, les différentes provenances des productions, les tirages limités et étrangers peuvent donner encore plus de valeur à la richesse et à la densité de leur discographie. Il n’est d’ailleurs plus possible de réellement découvrir de nouveaux objets des Beatles puisqu’aujourd’hui leur discographie complète est intégralement mise en lumière. Notons le dernier exemple en date de l’intégral des Beatles, véritable monument discographique, qui remasterisent leurs albums originaux en mono (11 albums, de Please, Please Me à The Beatles, et les singles) et en stéréo (13 albums de Please, Please Me à Let It Be, et les singles). L’exemple des Beatles interpelle par son influence historique et son impact « communautaire ».

Nous comprenons ainsi l'attrait pour le collectible, les memorabilia11 et les raretie12 des Beatles. On peut par exemple lire au gré de la navigation des sites voués aux Beatles, qu'il est logique que les fans des Beatles soient des collectionneurs invétérés et avérés. À l'instar d'Elvis pour les U.S.A, les Beatles sont pour l'Angleterre des icônes de la pop, connus pour leur performance de ventes, des tops-charts, et de leur fulgurante popularité.

2- La chasse aux collectors : forums, foires, conventions, sites internet. «Dés le début des années deux mille, le vinyle retrouve sa place chez les disquaires. Même si, dans un premier temps, il s’agit, pour certains ; de tirages limités, des acétates de 180 grammes. Ils peuvent alors être assimilés à des produits de luxe, bien que n’étant pas plus chers qu’un CD… » (Dupuis, 2008 : 226)

Nous retrouvons les disques de collection plus anciens dans des lieux spécialisés comme les forums de collectionneurs, les conventions de disques, les foires et sites internet spécialisés. Il est aujourd'hui difficile de trouver des disques aussi prisés que ceux des Beatles dans les lieux traditionnels comme les magasins d'occasions ou les brocantes en France. Les pressages dits originaux et les raretés sont d'autant plus introuvables. Il faut donc aller dans des lieux très précis que sont les conventions et les salons du disque ou encore les sites de références et

11 Définition du dictionnaire Harrap’s Chambers compact dictionnary : ‘souvenirs of people or events (latin meaning ‘memorable things’. Nous entendrons les memorabilia comme des objets de souvenirs 12Définition du dictionnaire Harrap’s Chambers compact dictionnary :’ something valued because it is rare ‘. Nous entendrons les rareties comme des objets rares

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d'enchères. L'avènement d’internet a permis d'exprimer l'ampleur mais aussi la diversité de leur discographie internationale. Nous retrouvons par exemple, dans de nombreux sites destinés aux collectionneurs13, des partenariats avec ebay14 recommandé comme fiable et incontournable.

L'histoire des labels des Beatles, montre la manière que chaque pays a eu de rentrer dans la Beatlemania et d’en tirer bénéfice. Ce point semble essentiel, car nous pouvons comprendre que les Beatles à leur début étaient encore peu regardant sur le respect de leur discographie, aussi de nombreux labels falsifiaient les mixages originaux. Ce fait même donne encore plus de valeur aujourd'hui aux disques reconnus comme originaux. L'élargissement des offres amenant celles des demandes, les disques des Beatles prennent encore plus de valeur au fil du temps. Cette augmentation dépend des faits et événements importants de l'histoire du groupe, en partant de l’anniversaire de la mort de l’un des Beatles, à la sortie d'un nouveau disque ou d’une compilation.

IV) Disques de collection ou disques collectors : définition et marché de la culture.

1- Vinyles vs CD vs Mp3 : de l’objet à la dématérialisation

« En ce début du 21ème siècle, la musique connait une importante mutation avec l’événement d’internet, du téléchargement qu’il soit légal ou illégal et de la dématérialisation.Le CD, cet objet sans charme et parfois trop cher voit ses jours comptés et d’aucun le déclare obsolète et destiné à disparaître. La musique ne se voit un avenir qu’en numéro d’Itunes sur Ipod, ou pire, ne se conçoit plus que écoutée gratuitement, téléchargée illégalement, sans aucune conscience du droit d’auteur (…) Le vinyle qui devient un objet indispensable pour assouvir le culte qu’un fan peut porter à un groupe». (Dupuis, 2008 : 250)

13 Exemples de sites internet destinés aux collectionneurs des Beatles : http://www.lucyintheweb.net/collection/index.php http://swissbeatles.jimdo.com/ http://www.ultimatebeatlescollection.com/ http://www.yellow-sub.net/ http://www.thebeatles.com/ 14 Site web de vente aux enchères

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On note un intérêt de plus en plus manifeste des producteurs, distributeurs et du public tournés vers les vinyles et les disques collectors. Il est possible de trouver des disques des groupes actuels en format vinyle chez les brocanteurs, disquaires, ou distributeur comme Fnac, Virgin etc. Un renouveau du vinyle que nous n’écartons pas d’un autre effet de ce qui à ce jour et depuis plusieurs années appelé « crise du disque ». Pour deux raisons essentielles nous soulignons son impact sur le nouvel intérêt que nous attribuons pour le vinyle. D’une part nous relevons un délaissement du format CD, tant au niveau de son esthétique, de sa qualité sonore, que de l’avancée des baladeurs numériques et du format Mp3. D’autres parts nous observons une crise de confiance vis-à-vis des distributeurs majeurs qui est le résultat d’une stratégie de commercialisation mal menée à force de fluctuation trop fréquente des prix des CD. Par exemple alors que le compact disc de l’album ‘Back to Black’ d’Amy Winehouse coutait quinze euros à sa sortie en 2007, son prix Fnac variait ensuite entre neuf et douze euros et ce de manière aléatoire. À l’heure actuelle et depuis la mort de l’artiste le 23 juillet 2011, ce même CD coûte son prix de départ soit environ quinze euros.

Parallèlement nous relevons que les labels indépendants et les disquaires ne sont pas en reste de cette déconsidération du disque, en plus d’un marché dominé par les grands distributeurs. Le Disquaire Day est l’exemple d’un nouveau militantisme pro-disquaire en faveur entre autres du format vinyle. Le rendez vous est organisé par le CALIF (Club d’action des labels indépendants français) en partenariat avec les organisations de disquaires indépendants américains Coalition of Independent Music Stores et anglais Entertainment Retailers Association pour fêter le 16 avril pour la première fois en France les disquaires indépendants. L’événement qui s’inspire des Record Store Day existant depuis 2007 aux Etats-Unis et en Angleterre a pour objectif de remettre à jours les disquaires de quartiers et de valoriser leur commerce. Cette année en France de nombreux artistes français et internationaux participent à l’événement (Catherine Ringer, Charlotte Gainsbourg, Justice, Moriary, Metronomy, Nirvana, Sonic Youth, , AC/DC, Antony and the Johnsons etc…) en proposant « des vinyles avec des inédits, des éditions collector 15». Ne dépassant pas les 1000 exemplaires pour Moriarty, une réédition vinyle de l’EP original est faite à 500 exemplaires en France, par exemple.

15 Site internet Disquaire day : extrait accueil

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Les vinyles sont facilement vus comme authentiques car ce sont d’anciens objets, qui ont été oubliés pour un temps et qui depuis quelques années refont plus concrètement leur apparition dans les bacs des grandes distributions. Plus ou moins hors-circuit de l'usage quotidien de l'écoute musicale, ces objets fixent d'autres intérêts que ceux de la consommation musicale pure et dure.

Les compact discs, dans la filiation directe du vinyle, ont pris la relève de la production discographique, étant plus petits, moins fragiles et donc plus pratiques. Pourtant la présente crise de l'industrie du disque, marquée par la baisse de la consommation musicale via les compact-discs, annonce des inquiétudes quant à une disparition du compact disc délaissé pour le format mp3.

Comme beaucoup d'autres secteurs, avec la numérisation, la musique se « désincarne ». Elle ne tient plus d’un support (vinyle, K7, CD), mais d’un format (mp3-mp4). L'auditeur change par là même ses habitudes et peut télécharger (légalement ou gratuitement) des albums via des plates-formes payantes ou le peer-to-peer16. Notons ici que l'idée d'album est tout à fait remise en question, car autant sur e-mule17, que sur i-tunes18 , il est possible de télécharger des pistes audio à l'unité.

Effectivement, l'entité de l’album, que l'on entend comme intégral, ne fait plus sens lorsqu'on ne choisit d'écouter qu'une chanson, en la greffant à une autre chanson (du même artiste, ou d'un autre groupe). L'album est souvent fragmenté en playlist19 et compilations. Prenons l'exemple significatif, de l'album «Sgt. Pepper’s» des Beatles, qui a la particularité d'être un «pop opéra» dans lequel les morceaux ne sont séparés par aucun temps mort, dans ce cas, la lecture de l'objet ne serait plus faite dans sa linéarité de départ.

2- Les supports de disques et l’identité de l’œuvre.

Si d'un côté, le téléchargement musical bouleverse l'industrie du disque, on se rend compte que certains codes restent. Notons ici l'exemple important de la pochette de disque. À la fois

16 Le pair-à-pair, est un modèle de réseau informatique pouvant servir au partage de fichiers 17 Logiciel de partage de fichiers via le peer-to-peer 18 Logiciel de lecture et gestion de bibliothèque multimédia numérique distribué par Apple 19 Liste de lecture, liste d'écoute d'un ensemble de morceaux musicaux.

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esthétique et informationnelle, elle permet de reconnaître un album et lui donner une identité visuelle. Le téléchargement de la pochette, en même temps que l'album ne se fait pas automatiquement lorsqu'il s'agit de téléchargement non payant. Néanmoins il est systématique pour le téléchargement légal. Dans les bibliothèques virtuelles l'image qui illustre le dossier est le garant même de la « présence » de l'album et permet une facile classification des fichiers.

Il est important de confronter ce contexte de dématérialisation, avec notre propos, car il peut être une dynamique essentielle dans la pratique et la définition du collector. Les disques en tant que support, se distinguent en tant qu'objets, ce qui peut accroître sa valeur distinctive exceptionnelle. Nous pouvons souligner l'histoire de l'industrie du disque et sa complexité, pour comprendre en quoi le vinyle et le CD s'inscrivent dans une historicité et par la même dans un rapport au temps et à l'espace. C'est entre autres par cette porte d'entrée, que se joue la question du disque de collection.

V) L'ambivalence définitionnelle du collector.

1- Qu'est-ce qu'un collector ?

Le terme appartient communément au lexique du marketing et correspond en général à tous les types de produits qui théoriquement doivent susciter un intérêt de collection. Cet intérêt tient à sa commercialisation sur une courte durée, à son packaging (c’est-à-dire son emballage) particulier et ou à son contenu spécifique. Dans l'univers du DVD, par exemple, il est aisé de remarquer la banalisation de l'appellation. Le produit collector est crée dans une stratégie de montée en gamme qui doit générer au final une marge monétaire. La boîte ou le coffret collector, entendu dans n'importe quel type de marché, repose sur une technique de marketing qui rentre dans le cadre d'une politique de promotion d’un produit ou d'une logique de série spéciale et limitée.

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La traduction du terme collector, emprunt à l’anglais, montre un glissement vers la nominalisation du terme en français. Le substantif collector 20 détermine ainsi une pièce de collection. On dit d'un objet qu'il est collector, ou que c'est un collector. En anglais, le terme ne qualifie pas directement l'objet mais la personne qui collectionne les pièces de collection, autrement dit le collectionneur. Plus généralement en anglais comme en français, on peut parler d'objet et de pièce de collection (collector's item, collector's piece21), c’est-à-dire d’objets qui intéressent les collectionneurs. Existe-t-il de vrais et de faux collectors? Nous nous posons la question de la distinction qualitative du disque de collection. Le collector est-il forcément un disque original, ou peut-on aussi qualifier une réédition, un best-of, un remasterisation de disques collectors ? De la même manière nous nous demandons si le collector est forcément un disque au tirage limité ou à l'édition spéciale.

Nous comprenons ici la différence à faire entre l'instrumentalisation du collector dans les politiques d'éditions de l'industrie du disque et son appropriation sociale, qui elle renvoie à la réalité de l'expertise du collector faite par les collectionneurs.

L'articulation de ces deux dynamiques peut-être perçue dans le sens où la définition du collector ne dépend pas d'un acteur précis, mais bien de l'interaction entre les agents majeurs de la « collectorisation » que sont les professionnels de la musique et les collectionneurs. Nous pouvons ainsi imaginer, pour poser un point de départ à notre réflexion que les critères des productions actuelles des collectors en tant qu'objet-types (éditions spéciales, limitées etc.) s'inspirent et reprennent les critères de distinction émises par les collectionneurs.

2- L’étiquette collector: vers une labellisation ?

On pourrait penser le collector comme une étiquette clairement définie qui démarque visuellement les objets qui sont ou ne sont pas collectors. En réalité le terme est utilisé pour différents types de situation et d’objets sans que cela ne soit systématique. Nous nous demandons si le fait qu'un objet soit dit et marqué comme collector en fait réellement un. Effectivement, en quoi un disque aujourd'hui produit en tant que collector peut être collector?

20 Définition du dictionnaire Harrap’s Chambers compact dictionary ‘someone who collects, as a job, or a hobby’ 21Définition du dictionnaire Harrap’s Chambers compact dictionary ‘an object which would interest a collector’

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Les politiques marketings des maisons de disques creusent cette ambiguïté avec l'utilisation d'un vocabulaire divers et bigarré visant à qualifier les disques selon leur nature: notons les collectors, les best-of, les compilations, les rééditions, les remasterisations, les séries et éditions limitées, les séries et éditions spéciales, les éditions deluxes, autant de termes qui se mêlent et qu'il faut différencier.

Notre étude préliminaire et exploratoire de corpus de disques collectors et de la presse spécialisée sur le collector, nous a permis de dresser un bref état des lieux du marché produit par les maisons de disques. Celui-ci met en évidence les occasions de la production de collectors comme la célébration ou la remémorisation d'événements particuliers (tous types d'anniversaires), ainsi que certaines caractéristiques du collector comme la diffusion de nouvelles archives, de raretés, ou encore de packagings spéciaux. C'est en ce sens que l'hypothèse de la production du collector comme potentielle relance du marché (physique) du disque ne peut être évitée dans l'idée de la patrimonialisation du rock.

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Cadre théorique

La patrimonialisation des cultures populaires :

Quête de légitimité, consécration et invention du patrimoine.

Lors de notre recherche nous nous focalisons sur les notions fortes que sont la patrimonialisation et la performance. À travers les écrits de Simon Frith d’une part et Jean Davallon d’autres parts, nous réussissons à cerner des problématiques qui rassemblent notre sujet. Nous relevons dans les ouvrages Performing rites on the value of popular music, de Simon Frith, Le Don du Patrimoine de Jean Davallon, ainsi que «Les cultes médiatiques- Culture fan et œuvres cultes de Philippe Le Guern les réflexions fondamentales à l’articulation de notre problématique.

Alors que les musiques populaires semblent un champ oublié des travaux académiques nous nous référons à l’ouvrage Performing rites, on the value of popular music pour identifier le fonctionnement des musiques rock dans l’ensemble de son secteur. Rappelons à ce titre que l’auteur répond à la problématique de la définition des œuvres de références et des règles de la performance. Nous rapprochons cette lecture de celle de l’ouvrage Le Don du Patrimoine qui nous permet à l’heure de ce que les professionnels et chercheurs considèrent être une « explosion patrimoniale » de considérer le patrimoine des musiques populaires et de poser le postulat selon lequel l’histoire et l’héritage du rock passe d’un état d’émergence à un statut légitime.

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Musiques populaires et performance : jugement de valeur et valeur de l’authentique. Performing rites, on the value of popular music 22concentre une réflexion complète sur les musiques dites populaires en montrant à la fois l’avance britannique sur leur reconnaissance comme sujet de recherche, ce qui a déjà été amorcé par les « cultural studies », ainsi que la prise en compte du public comme figure d’autorité dans la définition de la valeur des œuvres. L’ouvrage cristallise une perception très spécifique de la place du jugement dans la détermination de ce qui est vu comme « valuable » autrement dit de ce qui a de la valeur.

Simon Frith rejoint Pierre Bourdieu en ce sens que le jugement de valeur intervient dans le champ culturel et musical comme agent d’une distinction sociale. Nous comprenons que l’idée du jugement de valeur est l’élément principal permettant d’une part la construction d’une identité musicale et d’autre part celle d’un capital culturel manifestant de l’expérience, d’un savoir accumulé, comme du temps et de l’argent investi.

Notons que le contexte de jugement de valeur entre ce qui peut-être considéré comme le concept de la « bonne » et de la « mauvaise » musique détermine un autre enjeu propre aux sociétés actuelles, soit l’idée de la quotidienneté des musiques. Ce point précis permet non seulement de briser le clivage entre ce qui est appelé la haute culture et les cultures populaires, mais permet aussi de renverser la logique de son autorité. Effectivement, l’audience autrement dit le public devient alors l’acteur principal définissant les règles des œuvres musicales. Relevons à ce titre la réflexion menée par Simon Frith selon laquelle le genre des œuvres est défini par sa perception, autrement dit la réception du public lui-même.

«Genre is not defined by the form or style of a text itself but by the audience’s perception of its style and meaning, defined most importantly at the moment of performance. Performers can thus shape, reinforce or even change genre” (Frith, 1996: 94)

L’auteur explique la notion de performance et des qualités qu’on lui attribue de manière à introduire l’idée selon laquelle l’écoute du public, elle-même performative, modèle une

22 Frith (Simon). 1996. Performing Rites: On the value of popular music. Cambridge MA: Harvard University Press.

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certaine représentation de la musique. Nous pouvons relever le critère de « realness » que nous reprendrons plus globalement sous le terme d’authenticité comme valeur fondamentale de la performance. Reprenons alors la citation d’Erving Goffman que fait Simon Frith pour défendre son argumentation.

« At one extreme one finds that the performer can be fully taken in by his own act he can be sincerely convinced that the impression of reality which he stages is the real reality. When his audience is also convinced in this way about the show he puts on and this seems to be the typical case then for the moment at least, arty the sociologist or the socially disgruntled will have any doubts about the “realness” of what is presented”. (Goffman, Frith.1996: 203)

Simon Frith nous suggère de concevoir le jugement de valeur comme une norme commune de la culture populaire convenue explicitement ou implicitement par le plus grand nombre. La réception du public régirait en ce sens la valeur accordée aux œuvres musicales sans pour autant que le degré de popularité ne mesure l’importance de la valeur donnée. Cette ambigüité soulève toute la complexité du champ du secteur de la musique qui ne s’accorde pas réellement sur une logique bien établie.

En effet si le succès ne conditionne pas le jugement de valeur des œuvres, nous pouvons alors nous demander ce qui distingue par exemple les disques de collection des autres objets musicaux alors qu’une valeur supérieure à la normale établie par les industries du disque leur est accordée.

Les gestes de la patrimonialisation : expertise et invention. En soulignant le fait que les disques vinyle de collection ont été écartés du circuit lambda de la commercialisation industrielle par le simple fait de l’arrêt de sa production, nous pouvons relever leur caractère a priori obsolète et « extra » ordinaire. Par la collection même ces vinyles sont devenus des objets sélectionnés, des objets élus et des objets classés pour leurs propriétés. À ce titre nous partons de la supposition selon laquelle ce statut leur confère des caractéristiques proches d’autres objets que nous considérons comme patrimoniaux. Nous faisons en ce sens l’hypothèse selon laquelle les disques vinyles de collection matérialisent une mémoire des musiques populaires et constituent les témoins d’un héritage à saisir.

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Nous voulons interroger ce caractère patrimonial pour comprendre en quoi il annonce un processus plus global de patrimonialisation. Le concept majeur sur lequel nous nous appuyons est celui des gestes de patrimonialisation identifiés par Jean Davallon dans son ouvrage Le Don du Patrimoine23. L'auteur reprend la théorie de la « crise du présentisme » de Françoise Hartog pour envisager le présent comme le point de départ de la construction du passé et du futur. Nous comprenons ici que l'apparition des nouveaux patrimoines serait liée à l'usage social qui en est faite. La dynamique entre l’héritage et sa transmission ne serait plus vu comme partant du passé pour aller vers le présent mais le contraire. Cette idée nous conduit de cette manière à appréhender une autre opérativité de la temporalité présente dans la patrimonialisation. C'est ainsi que Jean Davallon aborde le concept de la « filiation inversée ». Cette nouvelle acception casse le caractère passéiste et nostalgique souvent assimilé à la notion de patrimoine. Jean Davallon expose l'idée de Pouillon selon laquelle le patrimoine n'est pas une œuvre mais un point de vue. Le principe de filiation inversée explique ainsi l'impression d'avoir hérité de quelque chose. C'est ainsi que ce qui est dit, comme transmis, est en faite pris en héritage, les pères ne donnent pas aux fils mais les pères naissent des fils. Cette approche phénoménologique est essentielle pour comprendre notre souci de définition du collector compris dans le processus de patrimonialisation du rock. Nous pouvons finalement reprendre les quatre moments clefs que l’auteur distingue comme les gestes de patrimonialisation : l'identification de l'objet, dire « c'est un.. », l'authentification du lien avec le passé, dire « l'objet » vient de…», la déclaration du statut patrimonial de l'objet c'est-à-dire son habilitation à « représenter » le monde d'où il vient, et l'opérativité symbolique de la «chose publique» qui se soumet à « l'usage public ». Nous relèverons les deux temporalités qui se confrontent entre le récepteur, autrement dit la personne qui rencontre l’objet dans le présent et l’objet qui a appartenu à un autre présent celui du passé. Nous considérons les objets patrimoniaux comme des objets qui démontrent leur propre présence et qui provoque par cela une pratique discursive, de célébration etc. Nous considérons ainsi la patrimonialisation comme un processus qui produit un changement d'état et voudrons reconnaître ces étapes dans notre étude du disque vinyle collector de manière à révéler l'expertise à laquelle ces objets sont soumis.

23 Davallon (Jean). 2006. Le don du patrimoine : une approche communicationnelle de la patrimonialisation. Paris : Hermès Science Publications.

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Vers la consécration des musiques populaires ? En identifiant la communauté des « collectionneurs » des Beatles voire de fans comme des potentiels certificateurs des collectors. Philipe Le Guern, dans son ouvrage Les cultes médiatiques-Culture fan et œuvres cultes24, prend en compte l'idée de « raréfaction » dans les cultes médiatiques. Il souligne l'idée selon laquelle le culte des œuvres renvoie à une certaine légitimation de l'art populaire. Cette certification de la valeur attribue de la valeur esthétique aux œuvres et démontre de nouvelles logiques de patrimonialisation indépendantes. Ainsi, l'auteur appuie l'idée d'un processus de consécration en pleine mutation. Nous nous dirigerons vers cette même acception pour comprendre le rôle de l'appropriation identitaire d'une communauté dans les processus de patrimonialisation. Si l'on peut penser que « la rareté » est une qualité constitutive de la distinction, Philippe Le Guern relativise l'artifice qu'elle sous- tend : « (Cependant), on pourrait aisément montrer que l'organisation de la rareté artistique n'est pas seulement le fait des œuvres pas projections underground et les rituels cinéphiliques pour publics d'initiés organisés lors de certaines séances cinématographique ou l'édition de versions baptisées « collector » de disques ou de DVD. Les cultes médiatiques semblent par conséquent souligner le caractère partiellement artificiel de la distinction entre les œuvres où seule l'œuvre d'art serait unique». (Le Guern :2002 : 17)

Aussi, nous questionnerons ce critère, pour comprendre dans notre sujet en quoi il peut être marqueur de distinction et ainsi participer à la patrimonialisation de notre objet d’étude.

24 Le Guern (Philippe), 2002. Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

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Formulation de notre hypothèse.

Dans notre étude nous demandons comment la définition des disques de collection permet la patrimonialisation du champ musical, en supposant dans un premier temps que les critères d’identification et de sélection des disques de collection correspondent aux mêmes propriétés que nous attribuons à un objet patrimonial.

Nous pensons alors que plusieurs caractéristiques comme la rareté, l’originalité et l’ancienneté concourent à construire une valeur patrimoniale. Parallèlement nous voyons les collectionneurs ainsi que la presse spécialisée comme les agents légitimant les qualités et le statut du disque de collection. Pour identifier ce processus de patrimonialisation nous nous focalisons sur le processus de changement d’état que connait un disque qui passe du bien culturel à l’objet de collection.

Nous soulignons alors une réévaluation qui tient aux discours des agents légitimant et à leurs interactions. Nous faisons l’hypothèse plus précise selon laquelle le disque vinyle de collection a désormais une valeur esthétique plus élevée que sa valeur d’écoute. Autrement dit le disque de collection connait un processus de transformation qui l’éloigne de son usage premier pour lui conférer une valeur patrimoniale et un caractère exceptionnel.

Nous supposons que cet objet non seulement matérialise un répertoire reconnu du genre musical, mais aussi, qu’il incarne un idéaltype de l’œuvre elle-même. Nous pensons percevoir une patrimonialisation indépendante et non institutionnalisée du rock par les disques de collection.

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Partie II :

La co-construction d’une définition des disques collectors par la presse et les collectionneurs: une pré- patrimonialisation du champ des musiques amplifiées.

Pour cerner au mieux notre sujet nous avons adopté une méthodologie nous permettant de répondre progressivement à notre problématique. Effectivement nous nous sommes rapidement aperçus qu’il n’y avait pas d’emploi lambda du terme collector et qu’en ce sens nous ne pouvions nous référer à une définition précise et entendue par consensus.

Après cette observation nous avons décidé de privilégier l’aspect qualitatif et non quantitatif de nos résultats. En effet en croisant la méthode de l’analyse de corpus et des entretiens exploratoires nous avons voulu analyser l’emploi et l’usage du collector en ciblant les valeurs et les caractéristiques qu’il incarne.

Pour commencer à construire la définition du collector nous nous sommes focalisés dans un premier temps sur deux types de corpus. Notre objet d'étude concernant les collectors des Beatles de 1960 à nos jours nous avons choisi de nous pencher sur leurs productions discographiques que sont les vinyles et les compact discs Nous avons déterminé cette première phase pour nous confronter aux différentes occurrences et manifestations du collector et mieux faire ressortir ses propriétés. Ainsi le corpus A illustre différents cas de disques de collection des Beatles de 1963 à 2004, et le corpus B prend en compte le discours du magasine spécialisé français Rock&Folk sur les productions discographiques des Beatles entre 1984 et 2011. Parallèlement, nous avons mené des entretiens exploratoires sur deux sites de conventions de disques afin de recueillir des informations sur la figure du collectionneur, leur représentation sur le disque collector et pouvoir confronter leur discours avec celui produit par la presse.

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Le terrain d’étude et la méthodologie

I) La définition des disques collectors à travers un corpus exploratoire : vinyles et disques compacts.

 Corpus A The Beatles, 1963, The record that started Beatlemania, Please, please me -From me to you“, Parlophone. (LP) The Beatles, 1965, The Beatles million sellers, Parlophone. (LP) The Beatles, 1966, Yesterday and Today, Capitol Records. (LP) The Beatles, 1978, The Beatles Collection, Capitol Records (LP) The Beatles, 1982, The Beatles Mono Collection, Parlophone (LP) The Beatles, 1988, The Beatles Complete Compact Disc Collection, Emi-Capitol Records. (CD) The Beatles, 2004, First!, Polydor. (CD) The Beatles, 2006, Love, Emi. (CD) The Beatles, 2004, The Capitol Albums Volume 1, Capitol Record. (CD)

En effet comme nous l’avons indiqué dans l’introduction la première phase de notre recherche a été de traiter de manière comparée deux types d’objets que sont les vinyles et les CD des Beatles considérés par les collectionneurs et/ou la presse comme des pièces de collection. Cette première démarche nous a permis de distinguer deux acteurs de l’appellation du collector. La première figure étant celle des labels et maisons de disques, et la seconde celle des collectionneurs de disque. L’étude du corpus A est nécessaire pour nous permettre d’identifier l’acteur principal de notre recherche et d’isoler également un type de support pour le représenter.

Le corpus A reflète l’aspect évolutif de la définition du collector et illustre la contradiction de l’utilisation du terme. Nous l’avons rassemblé de sorte à retranscrire une ontologie du collector.

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En effet les productions discographiques du corpus s’inscrivent dans une logique de collection. Nous voulons ainsi avoir l’occasion d’analyser en quoi ils sont ou peuvent-être vus comme collectors. Nous présentons ici un corpus qui rend compte de l’évolution des disques de collection de la discographie des Beatles depuis 1960 à nos jours. Le caractère évolutif du corpus permet aussi de représenter deux types de supports que sont les vinyles et les compact discs. Une analyse de ce présent corpus peut soulever les caractéristiques, les qualités d’un collector.

La première distinction que nous avons effectuée grâce à ce corpus est celle qui sépare les disques de collection des rééditions ou des compilations. Les trois premiers objets de notre corpus sont des disques collectors que nous pouvons qualifier d’originaux puisque c’est entre autres le temps qui les a sélectionné et leur donné leurs valeurs. Ces disques prisés par les collectionneurs sont considérés comme des raretés car leur caractère « physique » (leur couleur, leur défaut, etc.) ou leur histoire (leur date de production, d’édition, etc.) les démarquent des autres disques des Beatles récemment commercialisés.

Les huit objets suivants peuvent être désignés comme des disques collectors pour diverses raisons. Ce sont des coffrets dit collectors, des éditions dites limitées, ou encore des éditions qui présentent des caractéristiques propres au collector. Effectivement nous avons relevé deux cas récents, il s’agit des coffrets Stereo Set Box et In Mono qui correspondent au remasterisation du catalogue des Beatles. Cette démarche s'inscrit dans la volonté de retranscrire et retrouver le « vrai » son studio des Beatles. Nous trouvons ici intéressant d’inscrire dans le concept de collector, la démarche de recherche d’originalité de cette remasterisation. De plus, bien qu’ils ne soient pas présentés comme des éditions limitées, nous pouvons voir dans la presse que ces disques sont présentés comme des collectors.

D'ors et déjà plusieurs caractéristiques ressortent; l'édition limitée, l'anthologie, le rare, l'authentique et la particularité. On trouve deux formes de collectors antagonistes que nous qualifierons d’« originaux » d’une part et de « commercialisés » d’autres parts. Nous faisons ainsi la différence entre les collectors reconnus par le temps et les objets nés collectors autrement dit instrumentalisés.

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II) L’analyse du contexte communicationnel des disques de collection à travers la presse spécialisée : le discours du magasine Rock&Folk.

 Corpus B Rock&Folk 1984 (page 5) Rock&Folk 1991 Hors-série n°4, 1966-1991 : 25 ans les 250 meilleurs disques Rock&Folk 2000 Hors-série n° 16, Let it be, (page 4, page 20 et page 21) Rock&Folk juillet 2005 (page 92) Rock&Folk août 2005 (page 90 et page 116) Rock&Folk septembre 2005 (page 88) Rock&Folk août 2006 Numéro 500 : 60 pages d’entretiens historiques (page 86) Rock&Folk octobre 2010 (page 94 et page 112) Rock&Folk janvier 2011 (page 49, page 52, page 74, page 76, page 80) Rock&Folk février 2011 (page 80) Rock&Folk avril 2011 (page 88 et page 94) Rock&Folk mars 2011 (page 94) The Rolling Stones September 2009 n°1086 Why the Beatles broke up? The Rolling Stones Collector mars 2010 The Beatles

Le corpus B est consacré aux articles « collectors », «éditions spéciales » ou « hors séries » de la presse spécialisée en rapport avec les Beatles. Nous avons décidé de nous tourner vers le discours du magasine Rock&Folk car il démontre des préoccupations tournées vers la mémoire du rock à mettre en lumière et à préserver. Nous relevons notamment le travail de la discothèque idéale mené par Philipe Manœuvre, paru ensuite dans un ouvrage intitulé Rock’n’roll la discothèque idéale : 101 disques qui ont changé le monde. Notons dans la préface où le rédacteur est interviewé sa réponse quant au choix des disques figurant dans l’ouvrage : «En faite tout commence chez Albin Michel, Hervé Desinges a l’idée d’un lourd volume, un genre de classement idéal des grands disques rock. Nous sommes en 1998 ; Il me semble, à cette époque, que le lectorat de Rock&Folk a besopin de perspective, de hiérarchie, d’historique. J’écris ma rubrique au rythme d’une installation par mois. Très vite, ce travail me passionne. Fouillant dans mes archives, mes

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souvenirs, les vieux Rock&Folk, je découvre que l’histoire du rock est un formidable combat. Tous les grands disques ont une histoire passionnante, même ceux qui se font très tranquillement, King Crimson,’ Sgt Pepper’ ». (Manœuvre, 2005 : 9)

Notre corpus est large étant donné la disparité et l’hétérogénéité des sources. Nous voulons ici voir comment une édition de presse spéciale ou limitée participe à la définition du collector et ainsi concourt à leur patrimonialisation. Effectivement puisqu’il n’y a pas de reconnaissance officielle du statut des collectors alors il est intéressant d’analyser le discours de la presse à cet égard. Dans un même souci initial de définition du collector, nous voulons le traiter en tant qu’objet dont il faudrait reconstruire son rapport au passé à partir du présent.

Nous avons sélectionné les articles parmi le reste des numéros Rock&Folk présentant des occurrences concernant les œuvres des Beatles, disques, rééditions ou encore d’autres discours concernant le collector. Nous verrons en ce sens que le magasine Rock&Folk met en valeur une idée de l’héritage du rock à travers des productions discographiques et des objets collectors. Il nous apparaîtra que le discours du magasine tend à faire reconnaître une idée des classiques du rock tout en valorisant les vinyles originaux des œuvres. Une première difficulté réside sur le peu de discours explicites existant sur les collectors en général et encore bien moins sur les collectors des Beatles. On note une réelle hétérogénéité et disparité des sources. Par exemple le hors-série Rolling Stone Collector consacré aux Beatles parle de la remasterisation des 14 albums In Mono dans la rubrique collector mais le terme n'est pas réutilisé pour qualifier directement les disques et dans les autres magasines la rubrique n'est pas réitéré. De même le magasine Rock'n'Folk ne consacre pas de rubrique aux collectors mais aux rééditions. Les revues dites collectors 2010 sont dédiées à Mai 68, Bruce Springsteen, Woodstock, Bob Dylan, Guitares heroes, et les Beatles. Nous notons que ces numéros collectors sont consacrés à des événements, des figures du rock, des classements mais bien souvent les numéros classiques présentent des articles semblables. À partir de cette pré-analyse nous avons décidé de suivre l’évolution du discours du magasine Rock&Folk à l’égard des vinyles des Beatles dans le sens où leur fonctionnement semble similaire. En effet notre corpus B montre qu’il y a également une rubrique consacrée aux rééditions.

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III) La définition des disques collectors par les collectionneurs : la valorisation des pièces originales.

 Le guide d’entretien :

Types d’informations Thèmes et questions

I) L’introduction de a) Présentation de l’interviewer : l’entretien -Identité, thématiques générales, point d’accroche, et conditions (temps/enregistrement)

b) Présentation de l’interviewer : -Nom, âge, ville (d’origine/de provenance), métier II) L’expérience du a) Le type de la collection : collectionneur -Quand avez-vous commencé à collectionner ? -Avec quels artistes/groupes/musiciens avez-vous commencé à collectionner ? -Aujourd’hui, collectionnez-vous essentiellement des artistes qui correspondent à votre goût musical ?

b) Le réseau professionnel : -Comment fonctionnez-vous pour agrandir votre collection ? -Où achetez vous, ou vendez vos disques ?

c) Les intérêts du collectionneur : -En ce moment, recherchez-vous, des disques en particulier ? -Lesquels et pourquoi ?

d) La pratique des disques de collection : -Ecoutez-vous vos disques de collection ? Pourquoi ? -Lorsque vous achetez un nouveau disque, comment le traitez- vous ? -Thématiques de relance : classement-étiquette-notice-historique)

e) La valeur de la collection : -Quels sont les disques les plus importants de votre collection ? -Quelles sont leurs histoires et leurs caractéristiques ? -Thématiques de relance : la chasse aux collector- le prix- l’état- la valeur affective

f) L’avenir de la collection : -Partagez-vous cette passion avec un entourage familial, ou d’autres proches ? -Pensez-vous qu’un membre de votre entourage voudra reprendre votre collection plus tard ?

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-Considérez-vous que votre collection, fait partie de votre patrimoine familial ? -Avez-vous déjà pensez à confier votre collection à une institution culturelle ? -Avez-vous déjà été sollicité pour prêter votre collection pour des événements particuliers ? III) Votre expertise de a) La définition du disque de collection : collectionneur -Pour vous, qu’est-ce un disque de collection ? -Thématiques de relance rare-ancien-original-édition limitée- provenance

b) Les caractéristiques de la valeur : -Qu’est-ce qui fait sa valeur ? -Thématiques de relance : la cotation- la conservation

c) L’étiquette collector : -Pour vous, lorsqu’il écrit collector sur un disque ou d’autres termes comme édition limitée, spéciale, Deluxe etc… qu’est-ce que ça veut dire ? -Qu’est-ce-que ça apporte aux disques ? -Avez-vous des disques avec ces termes étiquetés ? -Pour vous, qu’est-ce- qu’un disque collector ?

d) Le cas des Beatles : -À votre avis, pourquoi des artistes comme les Beatles sont collectionnés ? -Connaissez-vous d’autres artistes rock bien collectionnés ? -Selon vous, pourquoi, le sont-ils ?

e) L’intérêt pour le vinyle : -Notez-vous un renouveau de l’intérêt pour le vinyle en ce moment dans les médias, ou les consommateurs de disques ? Pourquoi ? Thématiques de relance MP3-piratage-son authentique (Ex : le cas de la remasterisation Album Beatles) IV) Conclusion et -Remercier, et conclure l’entretien Ouverture -Consacrer un temps de parole libre : -A votre tour, avez-vous des questions à me poser ?

Nous avons également basé notre terrain de recherche sur les lieux dits des collectors que nous identifions comme les foires, les salons de disques, les conventions de disques et les sites internet. Nous voulons ainsi dresser une typologie des collectors en nous référant à l’expérience des collectionneurs en France puisque nous considérons que les collections privées et les patrimoines familiaux sont les premiers représentants du patrimoine rock. Nous

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voulons par le biais d’observations et d’entretiens, identifier le marché de la collection en France, sa circulation et ses mécanismes de valorisation.sur l’impact de la collectorisation dans la potentielle patrimonialisation du rock. En terme communicationnel, nous voulons plus largement identifier les stratégies de vente des acteurs du marchés des collectors, tout en objectivant les prix des collectors dans un rapport à la valeur de collection et d’exception de l’objet. Nous avons opté pour des entretiens semi-directifs car le guide permet d’amener des questionnements thématiques de manière souple et ouverte. Nous jugeons que le questionnaire et l’entretien directif ne conviennent pas à notre approche dans la mesure où ils ne peuvent faire ressortir les discours et les représentations propres à chacun des collectionneurs interviewés. Etant donné que ces entretiens sont expressément exploratoires nous tiendront compte des réponses obtenues dans les thématiques abordées sans écarter les autres informations spontanées ou hors des thèmes.

IV) Les résultats attendus.

Les résultats attendus portent sur la définition du collector, dans sa nature et fonction. Nous noterons ses différences entre d'autres appellations que sont les éditions Luxe, Deluxe, Best of, Anthologie etc. Nous voulons montrer qu'il véhicule des valeurs et répond à une symbolique qui participe à « patrimonialiser » le rock. Pour cela nous nous appuierons sur l'expertise et la certification des collectors. Les contextes de ces objets peuvent nous rapprocher de l’un des premiers gestes de patrimonialisation : la « trouvaille » autrement dit la découverte de la valeur de l’objet. Dans cette même logique, analyser la pratique de la collection par exemple, la certification d’authenticité, les numéros de série nous permettra de voir que ces objets sont soumis à une expertise d’authentification.

La reconnaissance de la patrimonialisation du rock peut effectivement passer par l'intérêt des collectionneurs, celui des jeunes à la redécouverte d'anciens morceaux, l'étude de cette musique et sa recherche de légitimité, ou encore la diffusion auprès du public au titre « d'anciennes choses ». En gardant ces questions au fil de nos entretiens nous voulons aussi voir en quoi les collectors sont les vecteurs d'un répertoire.

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Les résultats

I) Les « conventions » du collector : codification, certification et expertise.

1) La présentation du disque par ses données physiques : barème et état du disque.

Le collectionneur, amateur ou spécialiste est confronté aux normes qu’il est jugé important de donner à l’objet de collection dans son aspect technique. Aussi, tout disque de collection doit répondre à une présentation particulière. C'est ainsi que l'on démarque le disque de collection par ses données techniques. Après avoir confronté plusieurs présentations de collector du corpus A, le discours des collectionneurs des conventions de disques organisées à Avignon et Paris ainsi que l’argus officiel des Beatles édité par le magasine Juke Box, nous pouvons recenser les critères essentiels devant apparaître pour son évaluation.

Un disque collector est évalué à proprement dit lorsque l'on peut identifier son titre, sa date, sa provenance, son label de production, sa matrice (numéro de série), sa programmation et ses caractéristiques physiques spécifiques (format, couleur, obi, insert, coquilles etc..). Ces caractéristiques vont être des critères importants dans la certification de l'objet, d'une part car ils peuvent être des indicateurs et donner des informations importantes (époque-provenance- rattachement label) qui pourront aider à donner une identité à l'objet, et d'autres parts car ils permettent de voir si l'objet est complet ou non et donc s'il peut atteindre complètement sa cotation. Par exemple, il faut mentionner si le disque a bien tous ses inserts (posters, photo, autocollant, livrets), comme ses obis (bande de papier faisant le tour du disque).

Effectivement, il est important pour expertiser un collector de considérer le disque dans sa globalité et de définir à quelle lignée il appartient, autrement dit de pouvoir déclarer s'il est original comprendre ce qu'il vaut. Cette valeur est exprimée sous forme de cotation et dépend de l'état des disques. Ce sont ces conditions de qualités, pour ne pas dire de conservation, qui permettront d'évaluer l'objet pour enfin lui donner une valeur monétaire.

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Pour cela, les collectionneurs font quasi consensus autour d'un même barème qui codifie et identifie l'état de l'objet.

Il y a deux barèmes en vigueur, celui d’origine américaine et celui d’origine française. Le barème européen plus jeune que l’américain s'en inspire grandement. En effet le système de notation, tenant de la tradition américaine de la collection de disques est plus ancienne qu'en Europe. Les états du disque sont représentés par quatre grandes familles et par ordre décroissant, Near Mint (NM), Very Good (VG), G (Good), Fair ou Poor (F) ou (P). L'état Very Good est quant à lui accompagné par une autre notation -/+ qui doit préciser la condition de la pochette et de l'écoute. Ainsi les disques qualifiés de NM, est proche de son état original, sans défaut, ou encore scellé, ils conservent donc la totalité de leur côte. Les disques qualifiés de VG Plus a des défauts minimes et conservent donc la moitié de leur côte. Les disques dits VG a lui des petits défauts visibles mais n'est pas abîmé, il n'attendra que le quart de sa côte. Les disques mentionnés VG Minus, sont entre le VG et le G, ils ont des défauts évidents sur la pochette (tâches, écritures, signatures), ils ne conservent seulement que le sixième de leur côte. Les disques dits G, ne conservent qu'un huitième de leur côte, car ils « craquent » à l'écoute mais ils ne sont pas altérés. Finalement les disques F ou P, sont ceux à la pochette abîmée et au disque inaudible, leur côte est minime et varie selon la rareté du disque. Pour le barème européen, les mêmes familles sont reprises, mais les valeurs sont décalées puisque le Very Good (moyen) disparaît et la notation Excellent, prend la place du Very Good Plus.

On peut rajouter qu’aux États-Unis une double notation est utilisée pour encore plus de précision sur l'état de la pochette et du disque. On note d’ailleurs que l'état de la pochette semble sans doute plus importante car elle passe avant et est plus valorisée que celui du disque lui-même.

2) La lecture du collector par des collectionneurs savants

Les disques de collection demandent une lecture très précise et surtout une interprétation exacte de l’objet, en ce sens les collectionneurs deviennent des connaisseurs. Bon nombre de grands collectionneurs ont fait de leur passion, leur métier en devenant des experts en matière

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de collector. Cette expertise repose sur un vocable spécifique au monde des collectionneurs et au domaine de la collection de disques.

Pour reconnaître l'objet, il faut intégrer ce lexique et ce protocole sur lesquels se basera la définition de son statut. Chaque album nécessite une réelle contextualisation et demande une connaissance sur le domaine entier de l'industrie du disque. Si l'on veut identifier la provenance exacte du disque et son lieu de fabrication alors il faut regarder sa numérotation et démasquer le sens de son préfixe. Les numéros de série variant selon chaque pays, voire label, il devient alors complexe d'assimiler les spécificités sans chercher leur signification.

Nous notons alors que de nombreux sites internet sont tenus par des experts des Beatles reconnus pour leur passion, leur connaissance et leur savoir. Ceux-là proposent des estimations, des devis, des conseils et de nombreuses présentations de disques de collection. On peut citer Franck Danies25, Steve Clifford26, Mitch Mc Greary27, ou encore John Teftelleur28. On peut aussi nommer Bruce Spizer, collectionneur intensif et auteur de nombreux livres sur les Beatles, notamment The Beatles Records on Vee-Jay, The Beatles's Story on Capitol Records part 1 & 2, The Beatles on Apple Records, The Beatles Solo on Apple Records, The Beatles in America, ou encore les Beatles Records Price Guides.

Leur expertise est d'autant plus importante qu'elle permet de débusquer dans le marché du collector, des faux disques de collections présentés comme originaux, autrement dit des copies. Le collectionneur permet de différencier les originaux et les facs-similés et son expertise devient une science qui permet de certifier si l'objet est véritable de valeur. En concordant toutes les données du disque comme l'année de pressage, le numéro de série, la provenance de fabrication ou encore le poids de la pochette et du disque, les collectionneurs- experts réfèrent et statufient l'objet.

25 http://www.acrosstheuniverse.com/ 26 http://www.steveclifford.com/ 27 http://www.rarebeatles.com/ 28 http://www.tefteller.com/

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II) La chasse aux Beatles et l’hyper-représentation des années 60 dans les collections des musiques amplifiées.

1) La chasse aux Beatles : le groupe le plus collectionné à l’heure actuelle

Nos entretiens avec les collectionneurs des conventions de disque nous ont permis d’affirmer deux points qui justifiaient la délimitation de notre sujet. Effectivement lors des conversations il est ressorti que le groupe des Beatles représentent un exemple intéressant dans le milieu de la collection puisqu’il est à l’heure actuelle l’un des groupes, si ce n’est le groupe le plus collectionné à l’échelle mondiale. Nous comprenons que cette information ne peut pas comprise sans être reliée à l’histoire du groupe d’un point de vue musical mais aussi social.

Notons la remarque de Philippe à la question qui justifie notre présupposé selon lequel le groupe des Beatles porte la reconnaissance du plus grand nombre de l’audience, des professionnels et des spécialistes et qu’il représente en ce sens un héritage universel.

« C’est l’impact des mecs quoi, les Beatles, c’est le premier groupe, c’est pas le premier groupe historiquement, c’est ça qui est intéressant, parce que les Chaussette Noires ont joués avant, et les Beach Boys aussi. Donc c’est amusant aussi, on dit toujours le premier groupe, mais quand on regarde les dates et tout ça, le premier groupe ce sont les Chaussettes Noires, ils sont là en 60. Les Beatles ils enregistrent Love Me Do en 62 mais les Beach Boys font déjà leur premier single quelques semaines ou quelques mois avant. C’est pas le premier groupe, c’est amusant, bon voilà. Mais voilà l’impact des Beatles est indéniable, et voilà…C’est universel. Vous avez quoi, les Beatles, Elvis, Bob Marley, et puis Michael Jackson en vrai. Plus personne en pourra avoir ça aujourd’hui, plus personne. » EB3-Q7

Si les Beatles ne sont pas le premier groupe de rock, il représente néanmoins le premier succès du rock anglais. Un succès qui a dominé les années 60 au rythme de la sortie des albums du groupe. Notons la date clef de 1963 (fin 1963-début 1964), l’heure de la beatlemania et de la sortie du premier album Please, please me qui annonce la nationalisation

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de la pop music29. La pop music devient l’expression favorite d’un public jusqu’alors méconnu, celui de la jeunesse britannique issue de la classe ouvrière. En effet les Beatles marquent l’histoire des sociétés britanniques car leur essor désenclave la représentation des villes du nord de l’Angleterre comme Liverpool en leur donnant une image plus dynamique. Le groupe des Beatles se démarque du pionnier du rock’n’roll Elvis Presley dans le sens où il incarne une réussite totale sans précédent.

Notons la remarque de Charlie, collectionneur d’Elvis, qui nous confirme que l’intérêt des nouvelles générations se tourne plus vers l’histoire du rock britannique que vers le rock « pionniers ».

« C’est que la génération Elvis, elle a entre 60 et 80 ans. Il y a les ¾ qui sont morts déjà. Quant aux autres à l’âge qu’ils ont ça les intéresse plus. Et donc résultats sur le plan mercantile, Elvis ça ne se vends pas, ou très peu, ou mal. Par contre ce qui marche beaucoup, beaucoup, beaucoup ce sont les Beatles. » EB4-Q6

Ceci expliquant cela les Beatles sont selon nos résultats le groupe qui rassemble le plus de collectionneurs, et dont les productions discographiques suscitent le plus d’intérêt. Notons à ce titre que leur cotation et leur valeur sont très élevées étant donné l’hyper demande à laquelle elles sont soumises. Nous relevons dans l’un de nos entretiens le fait que les disques des Beatles sont prisés de manière exacerbée à l’heure actuelle :

« Il y a toujours une pièce qui va apparaître quelque part, qu’on sait qu’elle existe mais bon c’est ça c’est un challenge. Comme Eddy Mitchell et Johnny sont des grands chateurs, tout le monde cherche à compléter. C’est comme les Beatles. Pourtant ils n’ont pas fait une tonne de choses, je veux dire ça n’a duré que dix ans, en disques, pas plus, mais tout le monde cherche les Beatles, en France et à l’étranger ». EA1-Q10

29 Nous n’entendons pas par pop music un genre musical précis mais un style de musique né dans les années 60 avec le développement des média et de la culture de masse. Touchant le courant du mainstream autrement dit du large audience et de la large diffusion, la pop music se caractérise par une esthétique des voix et des mélodies). Nous faisons une distinction entre le terme pop qui correspond depuis les années 80-90 à la variété internationale

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Ce à quoi il rajoute ensuite à la question du plus beau disque de sa collection, qu’il s’agit d’un disque des Beatles : «Là, il faut voir les Beatles, Johnny, par exemple qui sont très collectionnés et donc qui deviennent plus rare. Là, tu peux voir en haut suspendu, en premier, Le Beatles 1965 ». EA1-Q5

2) La période des années 60, la période la plus collectionnée

Il apparaît parallèlement que la période des années 60 est la période la plus investie par la collection de par la richesse de l’industrie du disque des musiques rock. Cette période marque les grands noms du rock anglais comme américains comme les Rolling Stones, les Who, Bob Dylan, Jimi Hendrix, les Beach Boys, les Velvet Underground ou encore les Beatles. L’avènement des Beatles est d’une grande importance car elle apporte l’innovation de la pop music d’atteindre maturité qui s’exporte de manière massive. Les années 60 semblent être l’âge d’or du rock et de l’industrie du disque. D’une part ; elle fait prospérer les légendes du rock et d’autres parts elle est marquée par l’émancipation de la jeunesse.

Notons à ce titre que la majorité des personnes interviewées, pour ne pas dire des collectionneurs présents à la convention collectionnent en grande partie les productions discographiques des années 60. Nous pouvons citer deux remarques qui ressortent de nos entretiens soulignant le fait que les années 60 est une période de prédilection pour les collectionneurs de musiques rock.

Tout d’abord, Patrick explique en quoi c’est une période de prospérité en termes de productions discographiques :

«Je crois que dans les années 60, c’était l’époque où il y avait le plus de chanteurs (…) A l’époque, il y avait la maison Pathé, pour enregistrer un disque, il y avait 500 personnes qui attendaient à l’entrée, et les 500 avaient leurs disques à la sortie, il faut le savoir ça, en 63 on éditait des disques comme ça ».EA1-Q2 Ensuite, nous notons que cette période dans sa globalité est indissociable de la présence des Beatles :

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« On est dans une période 65, 67, 68. Vous avez une explosion du rock à cette époque. Bon à cause des Beatles, y’a eu plein de groupes aux Etats-Unis, on appelle ça la vague Garage, avec des mecs fin bon voilà. Et en France, ça a existé aussi». EB3-Q2

Parallèlement, Philipe qui ne collectionne que des rééditions stipule qu’elles sont tournées vers la période des années 60 :

«Non, du rock en général, mais plutôt années 60, des rééditions donc.» EA3-Q5

Et pour finir, Iskender qui ne collectionne pas encore de vinyles, annonce le fait que sa future collection ne puisse pas occulter les musiques des années 60 : « Alors tu peux pas…fin rock, j’aime pas trop comme mot, c’est assez large, mais tu ne peux pas passer à côté de la culture de la pop music des années 60. » EB1-Q4

Les entretiens que nous avons menés montrent en tous points que la période des années 60 à laquelle appartiennent de grands noms comme les Beatles, constitue en quelques sortes une apogée de l’industrie du disque. Il y a là, la nostalgie pour une période qui a déterminé de nombreuses références musicales. Notons la remarque de Jacky Chalard, collectionneur et musicien qui a organisé avec le magasine Juke Box la première convention de disque à Paris en 1979. En lui demandant la raison pour laquelle la date 1979 est charnière pour les disques de collections et les vinyles celui-ci nous explique qu’elle cristallise une période de nostalgie :

« Parce que c’est là où il y a eu une espèce de revival des années 60. Revival ça veut dire une nostalgie, une mode qui revient et tout. Et c’est vrai que les années 60 ça été le grand boum, vous n’étiez pas née mais… ça a été la découverte de toute une génération des tourne- disques, des disques. Y’avait pas une chaîne de télé, y’avait une chaîne de télé et encore. Tout le monde n’avait pas la télé, tout le monde était, je veux dire il y avait une communication, diverse, mais pas comme internet aujourd’hui. » EB5-Q3 Nous faisons la conclusion que cet intérêt pour les années 60 correspond à un phénomène de revival exprimé porté pour un intérêt pour les disques d’époque.

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III) La définition, les caractéristiques et les qualités du disque de collection

1) La définition du collector : le rare et l’original En croisant notre analyse du corpus A et B à nos entretiens nous avons pu faire ressortir les caractéristiques communément attribués aux collectors. Nous insistons sur le fait que notre analyse s’appesantit sur le disque vinyle dans la mesure où nous avons fait l’hypothèse qu’il constituait la forme la plus plausible du disque reconnu comme collector. Nous verrons que cette hypothèse a été affirmée lors de nos entretiens.

La rencontre avec les collectionneurs a fait apparaître une représentation du collector qui rassemble plusieurs suppositions que nous avions pu relever au cours de nos analyses de corpus. La première caractéristique attribuée de manière générale au collector, repose sur son originalité. Nous notons ainsi une différence entre un disque original, une réédition, et une copie d’un même album. Ainsi un disque ne peut être considéré comme un disque de collection potentiel que s’il constitue la forme première de la production discographique. En effet nous relevons au fil de nos entretiens que l’originalité est l’un des points essentiels permettant de déterminer la rareté et donc la valeur du disque.

Relevons la remarque de Patrick à propos d’un disque vinyle de rockabilly :

« Ah ben, en vous trompant, vous êtes tombée sur un disque à l’original qui est très rare, là c’est une réédition. » EA1-Q6

Ou encore la distinction que fait Philipe à propos des disques de rééditions qu’il collectionne :

«Moi je ne fais pas les originaux, je ne fais que dans les rééditions, en plus tout ce qui est Beatles c’est quasi introuvable maintenant. (…)Non, j’ai pas de disques collector, parce que j’ai que des rééditions ». EA3-Q1

Le critère de rareté que nous comprenons tient au contexte de la production massive des objets culturels comme les disques qui sont destinés au plus grand nombre. Ainsi un disque ne peut être considéré comme un disque de collection que s’il fait partie d’une série limitée et

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qu’il est donc difficile de se le procurer. On définit alors le disque de collection par son caractère à la fois extraordinaire et prisé. En effet, la demande étant bien plus élevée que l’offre, il devient alors inaccessible pour le plus grand nombre. C’est à ce moment que la valeur de l’objet se décline selon l’enchère qui en est faite.

Nous pouvons citer la réponse de Raymond lorsqu’on lui demande à quoi correspond un disque de collection : «Un disque de collection est collectionné parce qu’il n’est pas commun, tout ce qui est courant on ne peut pas vraiment dire qu’ils sont collector, on collectionne vraiment les disques rares. Ce qui est cher est rare, et ce qui est très recherché (…) Un disque rare, on va dire, que c’est à partir de 100 euros jusqu’à 20 000 euros. » EA2-Q1

Ce à quoi il donne l’exemple du disque de sa collection qu’il considère comme rare et de grande valeur : «Johnny Hallyday. Oui, parce que c’est un tirage promotionnel, à très peu d’exemplaires donc (…) Si il était bien diffusé, mais ça fait partie d’un marché parallèle de disques promotionnels qui sortent des maisons de disques, qui étaient donné aux représentants surtout, ou en discothèques. » EA2-Q3

Notons la remarque de Patrick sur la notion de rareté dans les disques de collections montrant encore une fois que la valeur des disques de collections est avant tout liée à l’intérêt que les collectionneurs leur portent.

«Moi je suis venu dans le vinyle, comme ça au fur et mesure, pour trouver des vinyles qui ne se vendent pas beaucoup, justement la pièce hyper rare. Voilà, souvent les plus chers sont les disques qui ne se vendaient pas bien à l’époque, et puis maintenant ils sont devenus introuvables, justement parce qu’avant tellement ils n’étaient pas bien, ils n’étaient pas vendus.» EA1-Q1 Comme nous l’avons vu ces trois critères que sont l’originalité, la rareté et le tirage limité conditionnent la valeur donnée au disque de collection. Pourtant, elle ne tient pas que de ces caractéristiques propres puisque c’est l’intérêt des collectionneurs et leurs interactions qui définiront finalement de la valeur marchande de l’objet. Nous pouvons voir dans les cotations un plafond de base qui estime la valeur conventionnée et normée de l’objet. Reprenons la définition du disque de collection de Christian Eudeline, collectionneur, organisateur de conventions et journaliste pour Juke Box:

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«Un disque de collection c’est un disque qui vaut cher. Et qui se collectionne par définition (…) Tout étant relatif on peut penser que n’importe quel disque est appelé à rentrer dans une collection. Dans des pays comme le Japon, ils font attention à toutes leurs archives, vous allez dans un disquaire au Japon, tous les disques sont extrêmement soignés sous une pochette, qu’il valle 2 euros ou 2000 euros. Donc, ils ont un respect du passé comme ça. » EB3-Q5

2) Les qualités du disque vinyle : ancien, authentique et esthétique

Le choix du support vinyle au détriment du format CD dans notre recherche sur la définition du collector n’étant pas anodin nous retrouvons dans nos entretiens de nombreuses remarques soulignant l’ambiguïté que la distinction cache. En effet lors de notre analyse du corpus A nous avions posé la question du collector sous l’angle du vinyle d’une part et du CD d’autres parts. Nous étions partis de la supposition selon laquelle le collector vinyle n’était pas équivalent au collector CD pour la simple et bonne raison que le collector CD répondait avant tout d’une construction et d’une instrumentalisation mercantile des industries du disque. Il est revenu lors de nos entretiens que la notion d’ancienneté entrait en compte dans la considération et la reconnaissance des disques de collection. En effet bien que certains CD peuvent être considérés comme des collectors par le fait qu’ils existent seulement en tirage limité et qu’ils renvoient à un artiste lui-même très collectionné, le format même du CD ne correspond pas à la représentation courante du disque de collection. Le facteur temps semble légitimer l’intérêt des collectionneurs pour le vinyle. Il s’agit en ce sens de reconnaître des objets comme appartenant à une époque révolue. Nous pouvons relever les réponses de Jacky Chalard sur la question des CD comme collectors qui vont en ce sens :

«Avec le temps mais au jour d’aujourd’hui on ne peut pas dire ça. C’est un tirage hors commerce, limité, tu vois ce que je veux dire, mais ça veut pas dire que c’est un collector, ça deviendra peut-être un collector mais avec le temps. (…) En CD y’a pas vraiment de collector, parce que le CD n’a pas assez de vécu, et je dirai que c’est plus en terme de séries limitées. Mais collector c’est vraiment les trucs qui ont été fait… Alors le terme collector pour le vinyle c’est petite quantité de pressage, à l’époque » EB5-Q6

Parallèlement nous notons la remarque que fait Christian Eudeline sur cette question souligne une exception qui confirme tout de même notre position. En effet à la question : «Pensez-vous

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que le temps fait aussi son effet sur le disque de collection ? celui-ci mentionne l’événement du Record Day : « Ben non. Le Record Day est une antinomie à ce que venez de dire. Non, parce le Record Day, c’est vous pressez des disques en une toute petite quantité, comme pour Mylène Farmer, et quand y’en a plus, y’en a plus. Si vous allez sur ebay, je suis sûr que le disque de Sonic Youth, ou Nirvana qui atteint 100 à 150 exemplaires pour la France il est déjà sur ebay là. C’est pas le temps là. (…) Il y’a du Johnny Hallyday réédité. Non mais c’est collectionné car c’est en petit tirage c’est tout » EB3-Q8

Nous comprenons en ce sens que le critère d’ancienneté ne fonctionne que pour mieux reconnaître l’histoire et la valeur distinctive de l’objet sans pour autant définir totalement le statut de collector. Rappelons néanmoins que le Record Day propose avant tout une édition limitée de disques en format vinyle et non CD. Ainsi le format vinyle se distingue par le fait même qu’il ne correspond plus à la production de masse actuelle.

Le retour de l’intérêt pour les vinyles s’explique tout d’abord par cette ancienneté. Ils renvoient alors à des objets historiques au son original qui ont traversé le temps. En effet l’authenticité des vinyles est fortement mise en avant dans les entretiens que nous avons eus. En questionnant les collectionneurs sur leur intérêt pour le vinyle, la question du son est l’un des indicateurs qui ressort de façon quasi systématique. En effet nous notons que le son du vinyle est présenté comme le son original de l’œuvre, autrement dit le son authentique, essentiel parce qu’il n’est pas dénaturé par la recherche de performance technologique. Nous pouvons aisément citer les réactions des collectionneurs concernant leur attachement au son :

« Oui, oui, c’est bien reconnu. Parce que les jeunes pensaient que le compact disc durait plus longtemps alors que ce n’est pas vrai, ils sont très vite en mauvais état. Alors qu’un vinyle il faut vraiment y aller pour le rayer. Avant c’était fréquent à cause des installations, maintenant beaucoup moins. Alors que le CD il se raye tout seul même dans la boîte. Le son du vinyle il n’est pas numérisé, c’est quand même le son authentique comme on mangerait potager et pas fast-food. » EA1-Q13

L’attrait pour la collection de vinyle tiendrait donc également à sa musicalité. Nous pouvons évaluer l’idée de cette intensité de l’écoute à partir des expériences que nous font partager les

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collectionneurs. Nous notons que le son analogique est décrit comme plus esthétique que le son numérique.

“The sound, I like the sound. Because it is not so cold, you can never have a recorded base so good on a vinyl as the CD, this kind of thing. The CD is cold, is a cold medium. And the vinyl has a rehearse form. There is more information.” EB2-Q3

« Oui, ça s’est depuis le téléchargement, le fait que les gens reviennent aux vinyles, même les jeunes de votre âge. C’est lié à la pochette, à l’objet, puis le son, le son n’est pas le même (…) Le son est plus chaud, le CD c’est plus métallique. » EA3-Q5

Bien que le son spécifique du vinyle soit mis en avant, les entretiens marquent d’avantage l’importance attribuée à la pochette du vinyle. Le format des 33 et des 45 tours des vinyles notamment a permis aux artistes d’exprimer et de construire au fur et à mesure leur univers esthétique. Les pochettes permettaient initialement de communiquer des images, des textes, de raconter l’histoire du groupe. Cela permettait à la fois de véhiculer des informations détaillées sur les groupes comme de montrer les visages des groupes.

Citons ici les réactions des collectionneurs qui présentent les vinyles comme de beaux objets en démontrant leur intérêt pour leur pochette:

« Je vous montre quelque chose. Ce qu’il vaut très cher sur ce Chaussettes noires, le premier disque comme ça, avec quelque chose de guttural, quand on regarde comme ça, ça paye pas de mine, et voilà, (il ouvre le disque, et un pop-up se déploie), Barclay 63… non 72, Chaussettes noires parce qu’Eddy Mitchell, très connu. Mais bon, là, il manque le disque équivalant qui présentait l’orchestre, un petit disque, rien qu’Eddy Mitchell parlait pour présenter le groupe, et les gens quand ils l’ont acheté, ils se sont dit qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce disque, et hop ils l’ont jeté, celui-là il vaut 50 euros, mais sinon il vaudrait 150 euros ». EA1-Q8

« The cover too, because it is… there’s also a book about the covers. It’s actors stuffs you know the covers. A lot of painting, all the musicians they make their own covers, every cover is different, it’s avant-garde. A CD is so small, couple years ago started in Japanese, in Japan try to make CD’s in a new cover but it doesn’t work.” EB2-Q4 En ce sens nous nous apercevons que la pochette est privilégiée autant dans l’évaluation des disques que dans leur réception auprès du collectionneur.

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« R : La qualité des pochettes, et que des disques propres, sinon ça n’intéresse pas les gens. La pochette c’est ce qui fait la grande partie de la valeur du disque. Moi j’utilise l’argus qui sort chaque mois pour définir mes cotations. Le magazine Juke Boxe régulièrement refait des argus. » EA2-Q7

Effectivement, les résultats des entretiens montrent que la demande se tourne en premier temps vers des disques vinyles ayant des pochettes de bonnes qualités.

« P : C’est la pochette. Les gens souvent ce qu’ils veulent avoir c’est une belle pochette. Mais souvent comme on a les chansons dans d’autres disques, compils, albums, n’importe quoi quoi, ce qui compte ce n’est pas le plus important. C’est plus facile de vendre une belle pochette et un disque en mauvais état que le contraire. C’est pour cela que dans les brocantes, en générale, je n’achète pas, on le voit de suite ce qui est rayé etc. Mais quelque fois c’est bien de combiner, par exemple de chercher la pochette en bon état qui ira avec le disque. » EA1-Q9

Ainsi nous pouvons dire que l’aspect esthétique prime sur la pratique d’écoute du disque vinyle de collection. Relevons l’argumentation de Christian Eudeline par rapport à la différence qui sépare les disques vinyles aux CD:

« C : C’est beaucoup plus sexy, le vinyle. Quand vous avez un CD dans les mains, c’est un bout de plastique, par le boîtier, c’est pas beau, c’est pas sexy. Alors Ok c’est pratique, vous êtes en voiture, vous mettez un CD, on est d’accord sur le côté pratique mais… je pense que c’est pas que ça quoi… C’est aussi… ah le vinyle, y’a une belle photo, y’a une pochette, y’a un objet, vous l’avez dans les mains. Vous savez le rapport à l’objet vous l’avez par le physique, c’est un peu presque sensuel, le fait d’avoir quelque chose dans les deux mains, bon. Puis le boîtier il tombe, il se casse euh…(…) . Et le vinyle c’est l’objet, on est beaucoup à préférer le vinyle, même si on est obligé d’avoir les deux formats quoi. » EB3-Q16

Nous apprenons que le disque de collection s’impose comme un objet qui vaut pour ses qualités esthétiques. Nous allons voir que la valeur de collection détourne les disques vinyles de collection de son usage premier autrement dit celui de l’écoute pour lui conférer une valeur plus esthétique et contemplative.

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IV) Entre conservation et marchandisation : la relativité de la valeur de collection

1) Le disque vinyle collector n’est pas un disque d’écoute

Nous avons remarqué lors de nos entretiens comme le supposait notre hypothèse de départ que le processus de « collectorisation » autrement dit de définition du disque en tant que collector concourait à la perte de sa valeur d’écoute.

Nous pouvons revenir sur ce qui consiste les premiers gestes de l’évaluation du disque de collection. Le premier geste du collectionneur après sa chasse et sa pêche au collector est de le classer. En effet, hiérarchiser la collection semble être une habitude pour la rendre plus intelligible. Toutes les données sont référencés et retranscrivent les caractéristiques de l'objet, l'artiste, le titre, l'année, la provenance, les références, les conditions etc. de sortes à porter la mémoire de l'objet à un moment donné. Le fait que la pochette soit si valorisée par rapport au disque montre que la valeur de l'objet ne réside plus essentiellement dans sa valeur d'usage mais de mémoire. Nous allons ici tenter d'approcher plusieurs dynamiques importantes dans la définition du collector.

À la question : Ecoutez-vous vos disques de collections ? nous notons que la plupart des collectionneurs répondent de manière mitigée : « R : Oh oui, je les écoute, la musique marche en permanence chez moi, au grand dam de ma femme d’ailleurs. » EA2-Q8

“S: Do you listen your vinyl? Z: Yes I have a down table home. S: Your expensive vinyls too? Z: Hmmm yeah… oh no so much not so…”EB2-Q5

« Il y a beaucoup de collectionneurs qui font ça pour le pognon, il ne l’écoute pas le disque. Il n’écoute pas le disque. Ils ont le 45 tours Yougoslave ou Turque ou Japonais de Johnny, ils l’ont dans leur collection, ils se le montre entre eux, et y’a plusieurs mecs qui se les trimbalent dans leur sacs pour nous les montrer sous trois pochettes. Et ils les écoutent pas…Non c’est pas vrai ça » EB3-Q4

« Parce quand on collectionne, on ne collectionne pas la musique, ça on a dû vous le dire. Dans ce milieu on collectionne un objet. Et quand

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vous finissez un jour, par finalement finissez par avoir tous les objets que vous voulez, que vous désirez depuis si longtemps, vous les rangez, et qu’est-ce qu’on voit finalement sur l’étagère on ne voit que la tranche du disque, au bout d’un certain temps vous posez la question tout ce pognon qu’il y a là dedans. Qu’est-ce que ça fait là ? C’est vrai hein.. » EB4-Q1

« Le problème c’est quand tu vas loin dans la collectionnite comme ça, tu cherches plus l’objet que ce qu’il y a à l’intérieur, parce que tu l’as déjà au niveau son, ce qui fait que, quand tu achètes le truc, tu le mets sur la pile, tu l’as, tu l’as mais tu ne l’écoutes jamais. A la limite tu l’as en vinyle mais tu ne l’écoutes qu’en CD, parce que c’est plus facile de l’écouter. On ne pourra pas abîmer le vinyle c’est ça aussi. » EB5-Q2

2) La relativité de la valeur de collection : conservation, commémoration et spéculation.

L’analyse de notre objet nous a permis d’identifier un réel protocole de conservation pour préserver les disques de collection de toute altération. Pour que le disque collection ait toute sa valeur de collector, son état doit être quasi irréprochable, autrement dit le plus « authentique » possible, il doit être d'époque et ne doit présenter aucune forme d'anachronisme ou d'incorrection. Il faut qu'il y ait le moins d'interventions humaines ou autres altérations perceptibles. Parallèlement son originalité doit être identifiable par un référencement complet. En ce sens, il faut que le disque de collection dispose de tous ses composants originaux (film plastifié, pochette, insert et obi). Les variantes sont également aussi reconnues comme originales s’il s'agit de disques originaux qui montrent une variation voulue lors de sa production (correction d'erreurs ou de coquilles, changement de textes ; changements de pistes etc.). Le disque de collection est un collector surtout s'il est rare, c’est à dire un disque original sorti en série limitée, ou tiré en très peu d'exemplaire. Cette rareté est le qualificatif ultime des collectors, ce qui lui vaut d'ailleurs l'appellation de rareties soit raretés.

À partir de l’observation selon laquelle finalement seule la pochette reste un élément unique qui module la valeur attribuée à l'objet. Nous comprenons que le collector n'est pas un disque à écouter mais à regarder, contempler, lire, décrire et raconter.

Ainsi la bonne conservation de l’objet préserve en ce sens sa valeur d’objet authentique. On note dans la pratique du collector un réel protocole à suivre. Notons que de nombreux

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dossiers pratiques sur les sites dédiés aux collectionneurs sont faits pour conseiller un bon usage et un bon traitement des collectors au risque qu'ils ne se dégradent ou ne perdent de leur valeur monétaire.

Par exemple, il est dit qu’il faut éviter toute mauvaise manipulation de l'objet car une simple rayure peut diviser par deux le prix des disques les plus convoités. C'est en ce sens que certains gestes de bon entretien doivent devenir des automatismes et réflexes. C’est pourquoi les disques vinyles ne doivent pas être disposés à l'horizontal mais à la verticale, ce qui évite d'abîmer les coins de la pochette et laisser la trace du poids du disque sur la pochette. Ensuite, il est recommandé de ranger la pochette intérieure vers le haut pour à la fois éviter les chutes malencontreuses ou laisser rentrer la poussière qui abîmerait les sillons. Parallèlement, on ne tient pas un collector de n'importe quelle manière, il faut saisir le disque entre le pouce et l'index par son milieu et ne pas toucher les sillons.

En plus de ces recommandations d'emploi, nous notons des conseils pour la bonne conservation du collector ainsi il faut si ça n'est pas le cas, les protéger de l'usage et de la décoloration avec des pochettes plastiques. Pour respecter la préservation des collectors, il est aussi préférable de ne pas fumer car les disques étant électrostatiques attirent les particules de cendres. Parallèlement, il faut les mettre à l'abri de la lumière, de l'humidité et ne les nettoyer qu’avec de l'alcool à 90°. Rajoutons que toute restauration faite « main » est tout à fait déconseillée puisqu'elle dénaturerait la valeur de l'objet original. Nous entendons en ce sens, qu’à partir du moment où ces consignes sont suivies, tout est mis en œuvre pour concourir à la longévité des collectors. Ce protocole l’écarte ainsi du bien culturel usuel consommé. Ce sont autant d'idées qui cristallisent des discours et des gestes de conservation et d'une manière plus générale, de patrimonialisation tentant à fixer des rituels et figer les objets dans leur originalité.

Pourtant il est ressorti lors des entretiens qu’un collector ne l’est pas indéfiniment et que sa valeur de conservation et de rareté n’établit pas automatiquement sa valeur de collection sur le long terme. Les exemples que nous avons pu recueillir ne touchent pas directement des groupes reconnus des musiques amplifiées, néanmoins nous gardons ces remarques car elle démontre la relativité de la valeur de collection.

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À la question « Pensez que tous les disques ont de la valeur et sont rares parce qu’ils sont bien conservés ? » Patrick et Christian Eudeline répondent négativement : « Non, par exemple, j’avais un Maxi 45 tours de Nana Moutskouri, pochette originale, pas passé à la radio ni rien, et personne ne le voulais, je l’ai vendu 5euros pour m’en débarrassait, alors que la même chose en Johnny je l’aurais vendu 5 mille euros. » EA1-Q6

« C : Je sais pas, je sais pas, on avait vu ça chez Sheila, il y avait eu une folie Sheila dans les années 90, les gens mettaient des sommes incroyables, alors c’était en francs, 500, ou 1000 francs sur les disques de Sheila. Aujourd’hui ça vaut plus rien. Et ça vaut plus rien du tout, personne n’en veut, on donne ». EB3-Q10

En ce sens nous ne pouvons totalement certifier que le temps et la bonne conservation sont des facteurs ayant une incidence première lors de la définition des collectors. Nous voyons que ce qui a été collectionné peut perdre sa valeur de collection et influer en ce sens sur son opérativité mémorielle. En revanche ils deviennent des critères fondamentaux lors qu’un disque d’un artiste collectionné est reconnu comme original. Nous comprenons que la sélection établie par le processus de «collectorisation» dépend non seulement des interactions internes au monde des collectionneurs mais dépend également d’un facteur contextuel important, celui de la valorisation à travers les médias.

Relevons à ce titre la remarque de Christian Eudeline au sujet de l’entretien de la mémoire des artistes et de leur commémoration :

« Janis Joplin j’ai jamais lu aucun papier dans la presse, tout le monde s’en fout. Moi à VSD je propose un papier sur Janis Joplin, ça n’intéresse pas. Jimi Hendrix ça intéresse. Ça peut revenir, peut-être un jour, s’il y’a un film incroyable etc. Mais, ça a pas été bien entretenu comme… il faut que ce soit entretenu… Tous les anniversaires comme ça, Gainsbourg, y’a eu un film, 50 bouquins… Pour Jimi Hendrix on ne cesse de rééditer ses disques, de … faire la sœur elle peut parler…la sœur elle l’a vu trois fois dans sa vie quoi. A un moment je l’ai interviewé, elle est là, « oui, oui je peux vous raconter » mais voilà, il faut l’entretenir je crois. Je pense que c’est ça qui ravive la flamme. Faut l’entretenir… » EB3-Q11

Cette question de la place des médias dans la définition de la mémoire à préserver est un point que nous abordons à travers la presse française spécialisée dans les musiques populaires. Nous voulons comprendre en ce sens si le discours de la presse tend à conférer un statut

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particulier au disque de collection. En effet lors de notre analyse du corpus B que si le mot collector est partagé entre les représentations qui pourraient croiser le rare et l’authentique, nous avons remarqué qu’il ne rassemblait pas pour autant une même dynamique dans la presse. Les occurrences des Beatles en couverture du Rolling Stone depuis leur début (1967- 2004) donnent quelques pistes d'idées quant à l’utilisation du terme collector dans la presse : spécial anniversaire, spécial commémoration, meilleurs chanteurs de tous les temps, histoires cachées, enregistrements perdu et retrouvés, 40 ans auparavant. Des titres qui certes renvoient à la notion de mythe, de nouveauté, d’informations rares ou de dates clefs tournées vers la notion de commémoration mais qui ne définissent pas expressément les disques qu’ils présentent sous le terme de collector.

V) Objets « cultes » ou objets de cultes ?

1) La Légitimité distinctive d'un lectorat : le rôle de la presse dans la définition du collector.

Ce glissement de la valeur que nous essayons de souligner dans cette définition du collector, nous pousse à penser que cette notion est une construction aux différentes sources. Effectivement ce sont des objets qui sont pris en distinction et ensuite déterminés comme distinctifs.

Au premier abord, nos recherches dans les magasines presses paraissent insatisfaisantes, tout comme l'on été celles de Philippe Teillet quant à l'apparition du terme culte dans les magasines Rock'n'Folk, entre 1975-1985. Nous nous basons sur l'article, Les cultes médiatiques, Culture fan et œuvre cultes : les cultes musicaux, la contribution de l'appareil de commentaires à la construction de cultes, l'exemple de la presse rock30, pour avancer notre propos. Effectivement, un parallèle est intéressant à mener, car cette étude porte sur la construction des œuvres cultes en partant de la définition de sa terminologie. Il est ici question à travers dix ans du magazine Rock'n'Folk, de comprendre en quoi et comment l'appareil du commentaire a permis l'éclosion d'un terrain d'élection d'œuvres cultes. Philippe Teillet, met

30 in P. Le Guern, Les cultes médiatiques. Culture fan et œuvres cultes, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, p. 309-342.

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tout premièrement en évidence les dynamiques de légitimation des cultures populaires, signalant une déconsidération de départ, pour enfin analyser la construction d'une sacralisation du lexique rock comme l'expression d'une attente de distinction.

Nous relevons dans nos recherches exploratoires que l’emploi du terme collector est tout à fait discret, voir inapproprié selon les situations. Une analyse plus complète nous permettrait de comprendre pourquoi, la rubrique ‘Réédition’ a pris tant d'ampleur, à quoi elle renvoie et pourquoi l'utilisation du terme collector est tout à fait approximative.

Il est effectivement important de garder en vue la presse spécialisée dans la construction de la définition du collector car elle est un vecteur média privilégié dans l'audience rock. En ce sens nous cherchons à comprendre comment se tisse le rapport extraordinaire à l'objet et sa valeur d’exception.

Nous notons dans le corpus B que nous avons constitué deux points essentiels dans la présentation de nos résultats. Le premier point confirme le fait que le terme collector n’est pas tout à fait utilisé par la presse ou du moins dans des circonstances différentes de celles du groupe des collectionneurs. Et le deuxième point montre que peu de discours mettent en valeur les vinyles des Beatles.

Notre corpus B révèle tout d’abord une évolution entre 2005 et 2011 qui donnent une place croissante aux rééditions formats vinyles. En effet comme le démontre les numéros Rock&Folk de juillet 2005, septembre 2005, d’août 2006, d’octobre 2010, d’avril 2011, de mars 2011, de février 2011, de janvier 2011, une rubrique est dorénavant consacré aux rééditions de disques d’anciens groupes comme de nouveaux groupe de la scène rock. À partir de 2010 une rubrique concernant les rééditions en format vinyle est rajoutée et le terme « vinyles » est employé dans les intitulés. Nous remarquons toute de même que les illustrations des disques sous leur format vinyle font généralité quand bien même les rééditions CD sont présentées.

En axant notre recherche sur la communication des rubriques à travers leurs intitulés, nous notons effectivement le lexique d’une certaine sacralisation de l’histoire des musiques

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amplifiées. Nous retrouvons à partir de 2003 des rubriques comme « mythologie » retraçant l’histoire d’éléments mythiques de l’histoire.

Par exemple la rubrique « Mythologie n°2 » du R&F Juin 2003 présente « La frénésie vinylique : le 45 Tours simple ». L’encadré de présentation étant celui-ci :

« Le 45 tours simple et le rock’n’roll représentent tous deux un accomplissement humain, le résultat d’une fièvre créatrice qui exalta ce qu’il y a de plus beau et de plus audacieux dans l’âme humaine durant la seconde moitié du XXème siècle. » (R&F, Juin 2003 : 114)

L’article retrace la frénésie de consommation du disque vinyle de l’après-guerre et revient sur la beauté de l’objet. Nous notons : « Il fallait que l’objet soit beau, pratique, solide, durable, attrayant et moderne. Parmi tous, celui qui incarne le mieux ces caractéristiques est le 45 tours. » (R&F, Juin 2003 : 114)

Le ton nostalgique et sacralisant est indissociable des récits qui en est fait. Relevons aussi: « La musique pop vit un quotidien exaltant et les limitations de son format sont vécues comme des défis par des visionnaires comme Phil Spector, Brian Wilson, les Beatles, Stax ou Motown. » (R&F, Juin 2003 : 114)

À partir de 2010 nous notons une rubrique intitulée « Culte des objets » directement consacrée aux objets cultes de l’histoire de la musique. Par exemple une rubrique du R&F Octobre 2010 est consacrée à l’EMT 930st, une célèbre platine. L’encadré stipule que chaque mois un spécialiste évoquera « l’histoire d’un appareil, vêtement, instrument ou bibelot de légende… ». Nous notons encore ici l’occasion de valoriser le vinyle et d’évoquer l’âge d’or de l’industrie de la musique. Relevons pour cela la présentation qui en est faite : « Conçue au temps où les types du marketing n’avaient pas encore pris le pouvoir dans toutes sociétés, et donc sans aucun compromis en matière de coût, de poids, de taille ou d’esthétique, cette honorable quinquagénaire fait toujours partie du peloton de tête en matière de lecture de notre support favori : le vinyle ». (R&F, octobre 2010 : 112)

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À partir de 2010 nous avons également noté un tournant de la rubrique réédition de plus axé sur les vinyles. À ce titre nous voyons que les intitulés « Vinyles » sont mentionnés dans la rubrique des rééditions dans la mesure où ils mentionnent les nouvelles rééditions en format vinyles. Ceci indique qu’il correspond à une part de plus en plus importante de la nouvelle production de disques sur le marché. Nous ne pouvons délier cette production à la demande des amateurs de vinyles.

Relevons l’encadré « Vinyles-Rééditions » du Rock&Folk d’octobre 2010 titré « Irréductibles » : « Alors que le CD se meurt, de nombreux irréductibles continuent d’acquérir des vinyles. Pourquoi ? Parce que le vinyle exige un rapport tactile à l’objet : encombrant, fragile, capricieux, contraignant, mais magnifique. Ecouter un vinyle est une expérience sensorielle, un cérémonial aussi ancien et indémodable que le rock’n’roll lui-même. La plupart des disques étant désormais vendus avec un coupon permettant de télécharger le mp3 de l’album, le support est plus pertinent aujourd’hui que jamais ». (R&F, octobre 2010 : 94)

Notre analyse révèle une presse qui se fait témoin du relai du renouveau du vinyle. Ce revival est tel que depuis 2011 chaque mois la rubrique réédition (page 94 et 95) lui sont consacrés. Notons les encadrés de présentation des rubriques des Rock&Folk de janvier à avril 2011 : « Voyage sonique. Le point sur les nouveautés en microsillon, entre réédition classieuses, albums non publiés en CD, et un format qui revient en grâce : le 45 tours quatre-titres, connu aussi sous le nom d’extended play ou EP. (R&F Janvier 2011 : 94)

« Chopin. Le point sur les nouveautés en microsillon : albums non publiés en CD, 45 tours, rééditions et raretés » (R&F Février 2011 : 94)

« Aucun outil numérique dans le processus. Le point sur l’actualité en microsillon : réédition, nouveautés, en albums et 45 tours » (R&F Mars 2011 : 94)

« Bel objet. Le point sur l’actualité en microsillon : rééditions de classique et nouveautés » (R&F Avril 2011 : 94)

Ces extraits démontrent un engouement pour l’objet du vinyle qui fait appel à un autre affect par rapport à la musique et implique une autre pratique de l’écoute. Ceci étant nous

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remarquons que les vinyles sont écoutés, consommés par le simple fait qu’il ne s’agit pas d’originaux et qu’en ce sens le rapport au vinyle de l’audience et des collectionneurs diffère.

2) Une économie de biens symboliques : entre marchandisation et patrimonialisation.

Notre analyse nous indique que si le collector n’est pas mis quotidiennement à l’honneur dans le magasine, nous retrouvons d’autres éléments qui valorisent un passé révolu de l’histoire des musiques amplifiées. En effet nous pouvons reconnaître la place de la pesse spécialisée dans sa consécration progressive. En ce sens nous remarquons que le discours de notre corpus B nous indique que l’on tend à retrouver un temps perdu à travers la définition de classiques et d’objets cultes.

Notons les articles dédiés à la réédition vinyle de l’album Little Games Sundazed des Yadbirds : « Déjà évoqué le mois dernier dans la rubrique Rééditions, l’ultime album des Yadbirds sorti à l’origine en 1967 ressort également en vinyle (et toujours en mono) grâce à Sundazed. Un fait appréciable car le disque était épuisé depuis vingt ans dans ce format et extrêmement difficile à y trouver à un prix décent »31. (R&F, 2011: 94)

Nous ne retrouvons pas la valorisation des collectors dans le sens où celui-ci n’est pas accessible au grand public, ainsi les rééditions vinyles permettent de renouer le vinyle avec le plus grand nombre d’amateurs.

En effet nous notons le cas singulier du Rock&Folk hors série n°16 de 2000 intitulé Let it be, Le numéro est intégralement consacré aux Beatles. Un article présente les pièces de collection les plus recherchées des Beatles. Le discours que nous relevons tend à confirmer le positionnement du magasine avant tout axé vers les rééditions de vinyles.

Notons l’introduction que fait Daniel Lesueur : « Malgré toute l’admiration portée à cette sympathique formation aujourd’hui dans l’impossibilité de se regrouper sous sa forme originale, on ne sait s’il faut conseiller la collection de leurs disques rares. Pour la simple raisons qu’elle est aujourd’hui irréalisable. La

31 In Rock&Folk mars 2011 page 94

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pièce la plus chère, en effet, ayant été acquise par Sir Paul McCartney lui-même, il semble peu probable qu’il consente à la vendre à un lecteur de Rock&Folk, même fortuné. Pour les pièces suivantes (nous nous limitons aux treize disques les plus recherchés), il y a fort à parier qu’on ne les trouvera jamais ailleurs que dans le circuit, habituel, des collectionneurs (ventes aux enchères, magasins spécialisés, salons de disque). Le rédacteur du présent papier se refuse à tenter de comptabiliser l’impossible investissement. »32

(Rock&Folk, 2000: 20) Parmi les treize collectors présentés, nous relevons plusieurs exemples confirmant les caractéristiques que nous avons relevées :

N°1 :That’ll be the day/ In spite of all the danger (1958) par les Quarrymen car c’est un 78 tours réalisé en exemplaire unique en 1958.

N°2 :Yesterday and today dit « the butcher cover » (1966) car c’est la pièce la plus recherchée pour son nombre incalculable de variations de pochettes. La première version est considérée comme « rarissime ».

N°3 :From me to you (1964) car c’est un 45 tours pressage français. Ce disque n’a de valeur que si sa pochette est celle dite « sandwich » où les Beatles posent en froggies.

N°4 : Les Beatles 1965 (1965) car il comporte des inserts aujourd’hui très rares à retrouver.

N°7 : Please please me (1963) car le disque n’a été remis qu’aux Beatles eux-mêmes et à leur entourage.

N°13 : Double Fantasy (1980), l’exemplaire 33 tours dédicacé par John Lennon à son futur meurtrier Mark Chapman. Il comporte les empreintes digitales de l’artiste et de l’assassin.

Nous remarquons l’exemple des Beatles représente un cas intéressant car étant le groupe le plus prisé à l’heure actuelle, leurs discographies originales détiennent des records de cotation. Leur valeur marchande est telle que les disques de collection deviennent rares même dans les salons de disques. Cela démontre que la raréfaction des disques collectors des Beatles concoure à leur inaccessibilité. Ils sortent ainsi du circuit lambda de la marchandisation des

32 In Rock&Folk, Hors-Série n°16 Let it be, page 20

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biens culturels pour intégrer des collections privées. Nous supposons alors que leur circulation n’est réduite qu’à un cercle très fermé de privilégiés. C’est en ce sens que nous pouvons dire que leur caractère estimable est de plus en plus difficile à évaluer tant leurs symboliques sont importantes.

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Conclusion

Pour conclure, nous pouvons dire que notre hypothèse selon laquelle la définition du disque collector participe à la patrimonialisation des musiques amplifiées, a été confirmée par notre analyse puisque nous avons remarqué que la valeur des disques collectors passait d’une valeur d’usage à une valeur esthétique. Néanmoins, les discours des collectionneurs et de la presse spécialisée ont souligné des disparités que nous n’avions pas supposées.

Nous avons vu que le disque de collection à travers l’exemple du vinyle déclenche deux positionnements distincts. L’un correspond à la conservation nécessaire des disques de collection et implique que les disques de collection soient très peu écoutés, l’autre correspond à la consommation désirée du support vinyle qui sous-entend l’écoute des disques de collection. Nous nous sommes aperçus que seuls les vinyles sans grande valeur de collection étaient écoutés par le plus grand nombre, le reste étant plutôt écouté sur un support CD. C’est en ce sens que nous avons noté deux dynamiques qui s’opposent entres elles.

D’une part, notre hypothèse de départ est confirmée puisque nous avons vu que le processus de « collectorisation » mène à l’élection d’objets exceptionnels, rares et inaccessibles au grand public. D’autres parts, notre hypothèse est nuancée dans le sens où cette pré- patrimonialisation fige de plus en plus l’objet et l’écarte d’une commémoration. Cela a déclenché un marché parallèle de rééditions de vinyles d’anciens groupes et d’originaux de nouveaux groupes qui remettent d’actualité la pratique de l’écoute ‘microsillon’. Nous pouvons ainsi avancer qu’en matière de disques de collection, l’esthétique de l’objet passe avant le répertoire lui-même.

Il s’agit certes d’une co-construction de la définition des vinyles mais aussi d’une pré- patrimonialisation récente et non institutionnalisée. Nous avons effectivement noté en nous basant sur les gestes de patrimonialisation distingués par Jean Davallon que la certification des collectionneurs et l’évaluation de la valeur des disques de collection à travers le référencement et la cotation correspondait à la phase d’identification et d’authentification de l’objet. En revanche les phases de la déclaration du statut patrimonial et de son opérativité

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symbolique soumis à l’usage public ne sont pas avérées puisque son institutionnalisation est encore difficilement installée. Notre étude qui a eu pour objectif d’analyser la définition du collector a amené la prise en compte des valeurs de « rareté » et « d’authenticité » comme critères à la fois de distinction et de préservation. Nous avons pu lire dans le processus de « collectorisation » des gestes de « patrimonialisation » qui ont pour but d’élire et reconnaître dans la communauté de collectionneurs et du marché du disque des objets omnibus qui à la base sont des productions culturels réalisées en masse. La méthodologie transversale que nous avons appliquée, nous a permis de mettre en évidence une certaine relance du marché du disque à travers le revival du vinyle et de la réédition de vinyles qui reprennent les mêmes codes que l’objet collector (le packaging pour la pochette et le tirage limité pour la rareté. Notre analyse de la collectorisation des disques des Beatles en France est le reflet global d’une pré- patrimonialisation du rock attaché à la culture du matériel et de l’enregistrement. Cette entreprise nous a d’une part permis d’écarter le clivage qui séparait le patrimoine matériel du patrimoine immatériel et permis d’autre part de soulever un phénomène de changement d’état à travers des constructions discursives. Nous rejoignons en ce sens le positionnement de John Austin33 dans sa théorie des actes de langage puisque nous avons vu comment la définition des collectors, par son caractère performatif, agissait sur le marché du disque.

Nous retrouvons au final dans la réflexion de la construction des collectors, des compositions assez similaires avec celle des œuvres cultes du rock, puisqu'elles mettent toutes deux en évidence à la base des relations irrationnelles, selon Philippe Teillet, que nous pouvons tout à fait retrouver dans la figure du collectionneur passionné, monomaniaque et fétichiste.

Nous pouvons dire que la détermination des cultes et des collectors tiennent de la même impulsion qui attribue une valeur exceptionnelle à des objets qui deviennent des représentants historiques. Il est en ce sens possible de lire un réel mécanisme social de l'engouement, de la sacralisation, de la célébration et du rituel.

33John Austin, 1991, Quand dire c’est faire, Paris : Seuil (Point essais)

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ANNEXES

Les entretiens exploratoires

Entretien E-A1 Patrick, plus de 55 ans, collectionneur d’Eddy Mitchell, Johnny, chanson française, Rockabilly, un disque des Beatles Ville d’origine : Marseille Durée : 30 min Circonstance de l’interview : Je me dirige vers le stand du premier entretien, après un premier tour d’éclairage et d’observation dans le lieu. Je remarque que le stand propose des disques dans une rubrique « rockabilly », et notamment un disque marqué par l’étiquette « collector, édition limité ». Sania : Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. Je remarque que vous avez des disques de rock français, et un disque des Beatles. Est-ce que ça vous êtes libre pour un entretien qui ne dépassera pas 20/30 minutes ? Patrick : Oui, c’est parti. 1) S : Depuis quand êtes-vous collectionneur ? P : Ah ben, collectionneur, depuis l’adolescence, ça fait plus de trente ans, parce qu’au départ, on achetait des vinyles, comme vous vous achetez aujourd’hui des disques. Et puis imaginez- vous que demain vous vous intéressez de plus en plus à certains chanteurs sur CD, donc dans une vingtaine d’année vous allez rentrer dans une période de collection, et vous allez essayer de trouver des choses justement que vous n’arrivez plus trouver sur CD. Moi je suis venu dans le vinyle, comme ça au fur et mesure, pour trouver des vinyles qui ne se vendent pas beaucoup, justement la pièce hyper rare. Voilà, souvent les plus chers sont les disques qui ne se vendaient pas bien à l’époque, et puis maintenant ils sont devenus introuvables, justement parce qu’avant tellement ils n’étaient pas bien, ils n’étaient pas vendus. 2) S : Votre activité de collection a commencé avec quel(s) artiste(s) en particulier ? P : Moi, c’était plutôt Eddy Mitchell, moi au départ, oui plutôt Eddy Mitchell, où je commençais à rechercher des disques sur Eddy Mitchell, voilà, après j’ai fait Johnny, après j’ai fait Dick Rivers, c’étaient les premiers rockeurs français, et plein de petits groupes dont on se rappelle plus. Je crois que dans les années 60, c’était l’époque où il y avait le plus de chanteurs. A l’époque, il y avait la maison Pathé, pour enregistrer un disque, il y avait 500 personnes qui attendaient à l’entrée, et les 500 avaient leurs disques à la sortie, il faut le savoir ça, en 63 on édité des disques comme ça. J’en ai dans mes stocks. Je te montre. A l’époque, les chanteuses arrivaient à la maison de radio, à la rue de la maison Pathé, elles enregistraient,

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elles avaient son nom son prénom sur la pochette en papier, ils le mettaient en vente, et ceux qui étaient bons, ceux qui avaient vendus une cinquante de disques en 15 jours, pouvaient en refaire un deuxième. Dans cette collection Pathé, il y a Michel Bergé, qui est sorti comme ça. Ou d’autres artistes comme Alice Dona. Vous connaissez ? S : Non, du tout, mais c’est intéressant à savoir. S/P : Rire P : Non vous ne connaissez- pas ne me dites pas que vous n’étiez pas née. S : Mais, je n’étais pas née. S/P : Rire S : Pour revenir au sujet, votre collection s’oriente plus vers les 60’, à ce que vous me dites… P : Oui, exactement les années 60 et ça commence à devenir les années 70 comme il faut maintenant, depuis à peu près 10 ans, voilà… 3) S : Et vous travaillez comment pour vous fournir les pièces de collection ? P : Eh bien, par réseau, par adresses, par ouïe-dires, les gens viennent me voir à la foire aux disques ect, mais surtout les gens viennent pour vendre leurs disques. Un collectionneur n’a jamais de collection tout à fait complète donc ça ne s’arrête jamais. 4) S : Est-ce que vous trouvez toujours des disques dans les brocantes par exemple ? P : Non, et puis si le plus beau disque du monde est rayé ou abîmé c’est foutu. 5) S : Justement, dans votre collection, quel est votre plus beau disque ? P : Là, il faut voir les Beatles, Johnny, par exemple qui sont très collectionnés et donc qui deviennent plus rare. Là, tu peux voir en haut suspendu, en premier, Le Beatles 1965, et Johnny, j’ai la fameuse série où c’est tout blanc, de 82, rare parce que c’était une période où il tournait énormément en discothèque, notamment parce que dans les années 70, les gens l’avaient totalement oublié, et qu’il a ensuite mis dix ans pour rembourser les disques sortis à cette époque. A partir de 1979, il revient de nouveau chez le public. S : Oui, ce ne sont pas forcément le genre d’informations qu’on garde en tête par rapport à sa carrière…. P : Oui, et pourtant c’était Johnny. Tout le monde parle de 68, tu sais dans l’intelligentsia, les intello qui n’achèteront pas mes disques, mais la grande révolution c’était plutôt début 60, c’est quand un jour Aznavour a dit « Comment ça se fait que moi qui suis le meilleur vendeur de disques je vends 10 milles disques par mois, alors que Johnny et Eddy Mitchell, des rigolos qui viennent de sortir il y a trois mois, en vendent 10 millions. Avant c’était une vraie révolution de faire du rock’n’roll, car il y avait quoi ? Des musiques comme le tango, des danses douces. 6) S : Est-ce que vous pensez que tous les disques ont de la valeur, et sont rares parce qu’ils sont bien conservés ? P : Non, par exemple, j’avais un Maxi 45 tours de Nana Moutskouri, pochette originale, pas passé à la radio ni rien, et personne ne le voulais, je l’ai vendu 5euros pour m’en débarrassait, alors que la même chose en Johnny je l’aurais vendu 5 mille euros.

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(Interruption, il conseille et sert un client, et pendant ce temps je vais manipuler et observer un disque que j’avais aperçu, dans la section « rockabilly », un vinyle 45 tours de Johnny Burnette trio avec une étiquette ‘édition collector ‘, le collectionneur intervient) P : Ah ben, en vous trompant, vous êtes tombée sur un disque à l’original qui est très rare, là c’est une réédition. S : Ah oui, d’accord, c’est-à-dire… P : A l’original tout dépend mais un 45 tours tu vends ça à mille euros, hein ! oui. C’est, Johnny Burnette, le copain d’Elvis Presley, il jouait avec lui quand il était jeune, comme c’était lui le chef de bande, à un moment donné il s’est dit « moi aussi je suis capable de faire quelque chose », il a monté le Johnny burnette trio, avec son frère et un autre collègue à lui. Voilà Johnny Burnette and the rock’n’roll, et son tube, je pense que vous la connaissez c’est You’re sixteen, en 73, repris ensuite par les Beatles. (il commence à chanter et fredonner l’air « You’re sixteen, you’re beautiful » … 7) S : Maintenant, j’aimerais vous poser une question un peu plus précise, sur le terme du collector, (et le tirage limité), est-ce que ça intervient dans la valeur de la vente ? P : Non, je ne pense pas, ça ne fixe pas un prix plus cher. C’est plutôt question du capital du disque. Par exemple, le tirage limité viendra lorsqu’un artiste aura des anniversaires à fêter. Comme pour le disque de Johnny Burnette, il y a écrit collector, parce que c’est une réédition, en édition limité. 8) S : Du coup ce terme du collector, est-ce qu’il va revenir autrement dans votre collection ? P : Non au contraire parce que bon, le terme il va être utilisé plutôt dans les années 90/2000. C’était un mot qui n’existait pas avant. Ils font des tirages pour dire comme ça que c’est … (1 euros les 3…non 1 euros les 3 maintenant, 1 euros les 3, non ok c’est pour toi alors 1 euros les 4… (rires)…non j’ai rien de nouveau), et oui il est collectionné (en parlant de Johnny), le plus collectionné, fin, en français je veux dire. S : En revenant sur le collector, vous disiez que c’était marqué collector pour montrer que c’est… P : … (Euh) du tirage limité. Je vous montre quelque chose. Ce qu’il vaut très cher sur ce Chaussettes noires, le premier disque comme ça, avec quelque chose de guttural, quand regarde comme ça, ça paye pas de mine, et voilà, (il ouvre le disque, et un pop-up se déploie), Barclay 63… non 72, Chausettes noires parce qu’Eddy Mitchell, très connu. Mais bon, là, il manque le disque équivalant qui présentait l’orchestre, un petit disque, rien qu’Eddy Mitchell parlait pour présenter le groupe, et les gens quand ils l’ont acheté, ils se sont dit qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce disque, et hop ils l’ont jeté, celui-là il vaut 50 euros, mais sinon il vaudrait 150 euros. S : D’accord. Et vous comment vous faites attention à votre collection ? P : Oui, j’achète des pochettes. 9) S : Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous importe pour vos disques ?

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P : C’est la pochette. Les gens souvent ce qu’ils veulent avoir c’est une belle pochette. Mais souvent comme on a les chansons dans d’autres disques, compils, albums, n’importe quoi quoi, ce qui compte ce n’est pas le plus important. C’est plus facile de vendre une belle pochette et un disque en mauvais état que le contraire. C’est pour cela que dans les brocantes, en générale, je n’achète pas, on le voit de suite ce qui est rayé etc. Mais quelque fois c’est bien de combiner, par exemple de chercher la pochette en bon état qui ira avec le disque. 10) S : D’accord. Et tout à l’heure vous m’avez dit que les collectionneurs n’avaient jamais leurs collections complètes…Vous aussi vous êtes à la recherche de pièces particulières ? P : Oui, moi sur Eddy Mitchell. Mais j’ai pour ainsi dire tout ce qui peut se faire en gros. Il y a quelques pièces que je cherche, notamment celle de l’étranger. Parce qu’Eddy Mitchell a fait une carrière à l’étranger, en Espagne, en Italie, qui sont très très rares comme il n’était pas connu là-bas, il a rien vendu quoi, à part avec les Chaussettes noires vendues, plus en Espagne qu’en Italie, mais si on va en Italie, y’aura pas grand-chose, les Chaussettes noires italiennes seront beaucoup plus rares. Après en Johnny, il manquera toujours quelque chose, on ne peut pas tout avoir mais voilà quoi. Les gens qui collectionnent Johnny depuis 40 ans ils ont presque tout. Il y a toujours une pièce qui va apparaître quelque part, qu’on sait qu’elle existe mais bon c’est ça c’est un challenge. Comme Eddy Mitchell et Johnny sont des grands chateurs, tout le monde cherche à compléter. C’est comme les Beatles. Pourtant ils n’ont pas fait une tonne de choses, je veux dire ça n’a duré que dix ans, en disques, pas plus, mais tout le monde cherche les Beatles, en France et à l’étranger. Le truc c’est qu’en France on a toujours édité des pochettes qui n’existaient pas en Angleterre, par exemple les 45 tours des Beatles ne ressemblaient, c’était juste du papier, au départ, tout simple, avec toutes les informations, la marque, par exemple Odéon, le fabriquant etc. Et de temps en temps quand les chansons marchaient bien ils refaisaient le truc. Au départ les Beatles il y en a eu très peu, par contre fin 60, tous les disques étaient bien. Mais en France on a toujours eu que ça. On les cherche dans le monde entier, comme en autres celui que j’ai, cet album 1965.Normalement il vaut 1000 euros, et moi comme il n’est pas complet, 150. Et pourtant les Beatles, ils n’ont pas fait tant de choses, mais ils sont collectionnés, pour tous les pressages chinois, japonais aussi. Les pièces rares ont les retrouvent dans d’autres pays dans ce cas comme les Philippines. Les Beatles, ils sont collectionnés partout dans le monde ça c’est sur. Avant, je trouve que c’était plus les Rolling Stones, mais aujourd’hui toujours les Beatles en premier. Mais les Rolling Stones c’est plus compliqué. S : Ah bon. Pourquoi ? P : Parce que c’est trop rock’n’roll. S : Dans quel sens ? P : Avant on opposait les Beatles et les Rolling Stones, le rock’n’roll, et le pop music. C’était les gentils contre les méchants. C’est faux tout ça. Mais soit on était Beatles, soit Rolling Stones. Comme en France, Johnny, Eddy Mitchell, ou encore Richard Anthony. Et oui,

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Richard Anthony, attention, il était collectionné avant, bon il est bien amoché le pauvre maintenant. S/P : (rires) P : Ils l’ont montré à la télévision, je vous raconte pas….ces gars ils ont eu cinq vies comme la vôtre, ne vous inquiétez pas. Les gens comme Hendrix, Morrison… Heureusement qu’ils sont morts, ils auraient mal vieilli...Morrison… mort à Paris… on a jamais trop su comment…mais tout le monde le sait… overdose dans les toilettes d’une boîte de nuit… et ils l’ont ramené chez lui, dans sa baignoire pour faire croire à une crise cardiaque, la vraie histoire c’est ça, tout le monde le sait mais bon ça se dit pas, je ne sais pas pourquoi, pour ne pas contrer les versions de la police, mais voilà. 11) S : C’est intéressant comme vous venez de le faire, de faire croiser les petites et les grandes histoires… En quoi c’est lié à votre statut de collectionneur ? P : Tout simplement en discutant avec les gens, en parlant avec les collectionneurs qui sont passionnées de certains chanteurs etc… C’est comme quand on sort de l’école et qu’on ne sait rien, là c’est pareil, il faut utiliser les bases apprises pour chercher les informations. En plus c’est une passion mais c’est mon métier de tous les jours donc… Pour être un bon boulanger j’ai dû attendre un an ou deux et voilà, je connais à peu près l’histoire de tous les grands chanteurs français. J’ai de la chance, je travaille de ma passion. Je serai malheureux de m’arrêter de travailler. Ça me plait, j’en apprends tous les jours. On ne retient pas tout ! 12) S : C’est quelque chose que vous pouvez partager votre passion avec votre famille, vos enfants si vous en avez ? P : Oui, j’ai des enfants, ils écoutent de la chanson, mais ce ne sont pas des fans de disques. 13) S : Est-ce que vous remarquez que les jeunes d’aujourd’hui sont intéressés par les disques de collections, comme les vinyles ? P : Oui, oui, c’est bien reconnu. Parce que les jeunes pensaient que le compact disc durerait plus longtemps alors que ce n’est pas vrai, ils sont très vite en mauvais états. Alors qu’un vinyle il faut vraiment y aller pour le rayer. Avant, c’était fréquent à cause des installations, maintenant beaucoup moins. Alors que le CD il se raye tout seul même dans la boîte. Le son du vinyle il n’est pas numérisé, c’est quand même le son authentique comme on mangerait potager et pas fast-food. S : D’accord, et même quand un nouvel album va chercher à reproduire un son comme il l’était en studio, de prime abord, comme par exemple la remasterisation des albums des Beatles. Qu’en pensez-vous ? P : Oui, ça je suis d’accord. C’est sur que cela sublime des chansons magnifiques. Mais c’est vrai que les gens ils recherchent ça… le son du vinyle. S : Merci, pour vos réponses, et pour votre conclusion.

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Entretien E-A2 Raymond, plus de 55 ans, disquaire retraité, collectionneur de Johnny Hallyday, Eddy Mitchell, essentiellement, rock et variété Ville d’origine : Grenoble Durée: 10 minutes Circonstance de l’interview : Patrick (E-A1) me conseille d’aller une salle plus loin où il sait que je pourrais trouver d’autres collectionneurs de rock. Je choisis de demander au stand de Raymond (E-A2) étant donné la qualité de la présentation de ses nombreux vinyles accrochés aux murs. Sania : Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection, les collectors, et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. Je remarque que vous avez des disques de rock français, et de beaux disques que vous avez accrochés, ils ont l’air d’être de bonne qualité. Est-ce que je pourrais vous posez quelques questions ? Raymond : Oui, si ce n’est pas trop long alors. S : ça ne dépassera pas 20 minutes. J’enregistre notre conversation si ça vous va. R : D’accord 1) S : Tout d’abord j’aimerais savoir pour vous ce qu’est un disque de collection ? R : Un disque de collection est collectionné parce qu’il n’est pas commun, tout ce qui est courant on ne peut pas vraiment dire qu’ils sont collectors, on collectionne vraiment les disques rares. Ce qui est cher est rare, et ce qui est très recherché. 2) S : Qu’est-ce qu’un disque rare, pour vous ? R : Un disque rare, on va dire, que c’est à partir de 100 euros jusqu’à 20 000 euros, c’est possible. 3) S : Quel est le disque rare de votre collection ? R : Il vaut 200 euros. S : Et c’est de quel musicien ? R : Johnny Hallyday. Oui, parce que c’est un tirage promotionnel, à très peu d’exemplaires donc. S : Est-ce que c’est parce que ça correspond à une époque où il n’était pas beaucoup diffusé ? R : Si il était bien diffusé, mais ça fait partie d’un marché parallèle de disques promotionnels qui sortent des maisons de disques, qui étaient donné aux représentants surtout, ou en discothèques 4) S : Vous avez commencé votre collection avec quels artistes ? R : Pour moi, c’était Eddy Mitchell. Johnny Hallyday, bien sûr. Le rock français. Les années 60. Ce n’était pas très cher à l’époque. S : Plus qu’aujourd’hui ? R : En 45 tours c’était 9 Francs 90. Et moi j’avais 10 Francs d’argent de poche. Voilà donc un disque c’était déjà pas mal.

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5) S : À quel âge ou quelle période avez-vous commencé à collectionner ? R : J’ai commencé en 63. À l’adolescence. Le rock ça a commencé avec la radio, puis les bals, puis j’avais monté un petit groupe à l’époque. 6) S : Comment fonctionnez-vous en tant que collectionneurs, pour acheter et vendre ? R : Je ne chine pas vraiment, je ne travaille pas trop en réseau, je suis un petit commerçant. C’est plutôt le bouche à oreille, quand je cherche des disques, voilà, on me propose ce qui peut m’intéresser. Après je vends dans les salons comme celui-ci. 7) S : D’accord. Pour revenir sur votre collection, et sur les pièces qui vous intéresse, quel est le plus important pour vous dans vos disques ? R : La qualité des pochettes, et que des disques propres, sinon ça n’intéresse pas les gens. La pochette c’est ce qui fait la grande partie de la valeur du disque. Moi j’utilise l’argus qui sort chaque mois pour définir mes cotations. Le magazine Juke Boxe régulièrement refait des argus. 8) S : Vous écoutez vos disques de collection ? R : Oh oui, je les écoute, la musique marche en permanence chez moi, au grand dam de ma femme d’ailleurs. S/R : (rires) 9) S : Et sur ce sujet là, est-ce que vous partagez cette passion avec vos enfants, si vous en avez ? R : Oui. J’ai deux grandes filles qui viennent souvent m’accompagner. Il y’a d’ailleurs mon beau-fils aujourd’hui qui tient le stand avec moi. Elles reprendront peut-être la relève. 10) S : Vous avez l’impression que les jeunes générations sont intéressées par les disques de collection, et le vinyle? R : Oui, ça reprend légèrement. Je pense que c’est à cause du piratage, alors que le vinyle est plus difficile à pirater, il faut avoir le matériel. Aux Etats-Unis le vinyle vit bien. S : Vous y êtes allé récemment ? R : J’y suis allée cet été, surtout la côte ouest et San Francisco, en parlant avec les disquaires, j’ai remarqué le renouveau des vinyles, les rééditions des 33 tours. J’avais visité une fois le musée du Rock’n’roll à Santa Fé, et là on trouve des vinyles d’origine et hors de prix. S : Merci, pour toutes vos réponses.

Entretien E-A3 Philipe, 37 ans, collectionneur de rééditions de disques de rock Anglo-Saxon Ville d’origine : Viennes Durée : 15 minutes Circonstance de l’interview : Je me suis dirigée vers ce stand (E-A3), après le conseil de Raymond (E-A2) qui l’a désigné comme le « jeune » collectionneur spécialisé dans le rock Anglo-Saxon

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Sania : Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. Un de vos collègues, m’a conseillé de vous en parler, puisque je cherche des collectionneurs, pour poser quelques questions sur leur expérience. Est-ce que vous êtes libre pour un entretien qui ne dépassera pas 20/30 minutes ? Philipe : Oui, avec plaisir. S : D’accord. Si ça ne vous dérange pas, j’enregistre notre conversation avec un dictaphone pour pouvoir réécouter ensuite. P : OK 1) S : Pouvez-vous m’en dire plus sur le type de disques que vous collectionnez ? P : Moi je ne fais pas les originaux, je ne fais que dans les rééditions, en plus tout ce qui est Beatles c’est quasi introuvable maintenant. 2) S : Vous collectionnez depuis longtemps ? P : Oui, oui, mais pas des Beatles. S : Oui, pas forcément, vous pouvez parler d’autres groupes rock P : Oui d’accord ! du rock en général S : Vous vous rappelez depuis quelle période ? P : Depuis 75-78 3) S : C’est venu avec un groupe ou des artistes en particulier ? P : Les Beach Boys, et oui S/P : (rires) 4) S : De votre expérience de collectionneur, vous avez remarqué un renouveau de l’intérêt par rapport au vinyl ? P : Oui, ça s’est depuis le téléchargement, le fait que les gens reviennent aux vinyles, même les jeunes de votre âge. C’est lié à la pochette, à l’objet, puis le son, le son n’est pas le même. S : Qu’est-ce que vous trouvez différent avec ce son ? P : Le son est plus chaud, le CD c’est plus métallique. S : Pour rebondir sur cette idée, vous avez dû entendre de l’intégral des Beatles remasterisé, avec à la base la volonté de créer le son studio des albums. Qu’en pensez-vous ? P : Oui, non, ça dénature le truc, fin, des gens pourront vous dire le contraire, mais bon pour bien l’avoir écouté, je n’ai pas aimé, disons qu’on a comme l’impression que c’est un autre groupe qui a enregistré.

5) S : D’accord. Pour revenir à votre collection, est-ce que vous recherchez des disques particuliers ? P : Non, du rock en général, mais plutôt années 60, des rééditions donc. 6) S : Est-ce que vous considérez avoir des disques collector ? P : Non, j’ai pas de disques collectors, parce que j’ai que des rééditions. S : Un disque collector ne peut être qu’original ?

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P : Oui, voilà c’est ça…(pause) Mais bon, c’est vrai qu’un disque qui sort maintenant peut être collector, par exemple s’il sort en peu d’exemplaire, donc avoir une valeur supérieure dans le marché. Mais bon, en général, les collectors sont tous des disques anciens. 7) S : D’accord. Comment vous interprétez les disques dits collectors, éditions limitées, éditions, spéciales, édition deluxe etc ? P : Pour moi c’est de la pub, rien de plus, mais il n’y a pas d’intérêt. A part les trucs bien spécifiques, comme par exemple, les artistes comme, mais ce n’est pas du rock… fin style Mylène Farmer et tout ça, elle, elle sort toujours des pressages limités, donc ça les collectionneurs achètent. Plus c’est en grand nombre, moins c’est collector. C’est comme Johnny, il y a des disques des années 60 qui ont tellement été tirés que ce n’est pas vraiment collector. (pause) Mais c’est vraiment original comme sujet, vous êtes spécialisée dans la musique ? S : C’est un beau sujet, je ne suis pas une grande connaisseuse, mais j’aime la musique rock indépendante et le sujet est venu en confrontant mon expérience et mes études. P : C’est super. 8) S : C’est pour ça que je recherche des collectionneurs comme vous qui baigne dans le disque de collection et qui pourra m’aider à mieux comprendre entres autres ce que c’est un disque collector. Vous avez votre idée là-dessus… en mots clefs, par exemple. P : Oui, ben voilà, un collector c’est en peu d’exemplaire, ou des pressages particuliers, imaginons, en France c’est difficile d’avoir un pressage japonais, pareil, imaginons un pressage américain, il coûtera plus cher en France qu’aux Etats-Unis, et inversement. Bon, maintenant ça un peu changé avec internet quand même, mais avant c’était vraiment en fonction des pays tout ça. Prenons par exemple, un pressage des pays de l’est, pendant l’URSS, il y avait peu de choses qui circulaient là-bas, donc le rock a tardé a arrivé, mais il y avait du coup pas mal, il me semble de disques parallèles, de pirates aussi, bon, musicalement le son n’était pas très bon, mais ça peut être des collectors. S : D’accord, c’est une piste intéressante… P : Oui, parce que voilà… il faut quand même bien s’y connaître, il faut chercher, savoir etc. Ce qui va coûter cher ne veut pas forcément dire que ça va être intéressant, ou que c’est bien. 9) S : Les collectionneurs sont des connaisseurs dans leur matière c’est ça ? P : Oui. Par exemple, y’en a qui viennent et qui disent, voilà, moi je fais les Stones. Ils parlent comme ça. C’est un bon exemple les collectionneurs des Stones, parce qu’ils cherchent tout et ils achètent tout. S : C’est-à-dire ? P : Y’a des jeunes qui collectionnent, il me semble de plus en plus. Surtout le disque je veux dire. Ce matin, j’ai eu quelqu’un juste pour U2. 10) S : D’accord. Vous avez dit que vous étiez essentiellement dans le rock anglais, pourquoi ?

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P : Parce que, j’aime pas du tout le rock français, musicalement, y’a pas d’intérêt, pour moi le rock, c’est en anglais. Y’a des groupes français qui chantent en anglais pour être international mais bon. Comme on ce moment le groupe Phoenix, qui marche énormément aux Etats-Unis, je ne comprends pas trop pourquoi, parce que généralement même avec un bon accent ça marche pas. S : Oui, je m’étais posé la question, aussi, et je m’étais dis que c’était surement lié entres autres au fait que le chanteur est aussi le « copain », fiancé de Sophia Coppola, donc… P : Ah, oui ! S : Donc je ne sais pas si c’est totalement lié mais, Phoenix a fait la B-O de quelques films. P : Oui, ça peut jouer, ça peut jouer… ça me fait penser, que le français le plus connu qui a marché aux Etats-Unis, c’est Yves Montan, et on lui a prêté une relation avec Marylin (Monroe), donc ce que vous dites ça peut être lié… même beaucoup. S : Sur cette bonne fin, je vous remercie.

Entretien E-B1 Iskender, 19 ans, étudiant 1ère année Histoire de l’art Paris Sorbonne, musicien et passionné de musiques. Ville d’origine : Paris Durée : 47 Minutes Circonstance : Jacky Challard (E-B5) qui n’est pas disponible me dirige vers le stand que tient Iskender (E-B1). Même si nous nous apercevons qu’il n’est pas un collectionneur mais simple responsable du stand de vinyle nous trouvons intéressant d’interroger la personne la plus jeune fréquentant cette convention. Sania : Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. Est-ce que ça vous êtes libre pour un entretien qui ne dépassera pas 20/30 minutes ? Iskender : Ok 1) S : Est-ce que tu penses être en train de collectionner ? I : Ouai… Non … je collectionnais… non mais ouai après c’est clair que les vinyles ce sont de beaux objets, les disques et tout c’est cool, fin, limite quand j’étais plus jeune, on achetait des disques, je ne suis pas très vieux, j’ai 19 ans, mais là c’est une autre génération, ici. Aujourd’hui la musique ça se dématérialise, donc les trucs tu peux les écouter en streaming sur internet, tu peux…t’as d’autres moyens, après les vinyles ça reviendra, ça revient déjà, avec toute la culture de… de… tu vois les remix tout ça, genre les DJ qui ont remis ça au goût du jour, il y a une dizaine d’années, un peu plus vingt ans même. D’ailleurs, y’a moins de monde qui vient ici par rapport à y’a quelques années. L’impact de la culture internet au niveau de la musique c’est important après, est-ce qu’on perd quelque chose si on pas la musique matériellement, je ne sais pas encore c’est quoi les bons côtés, c’est quoi les mauvais côtés, après voilà moi je te dis je trouve des putains de CD, j’ai trop envie de les acheter mais...c’est un investissement… j’ai un pote qui s’est mis dans ça, ça coûte cher, et après c’est

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une collection. Et tu vois t’as des geeks, t’as des geeks d’ordinateurs, de foot, ben t’as des geeks de collections, de vinyles. Ben je trouve ça super intéressant parce que ce sont de beaux objets, surtout le vinyle. Les pochettes et tout ça se recycle en décoration, et tout. Mais bon, pour revenir à ta question, est-ce que je collectionne personnellement. J’ai commencé, peut- être que j’en achèterai un à la fin du week-end… 2) S : Qu’est-ce qui t’intéresse dans le vinyle en tant qu’objet, celui que tu décris ? I : Ben disons que je m’y connais pas trop. Mon père qui est de la même génération de Jacky et qui a 40 ans de plus que moi. Il avait des vinyles à l’époque, la musique ça l’intéressait et tout, mais quand le compact disc est sorti, il a tout jeté, et il s’y est mis directement. Après c’est la question de la qualité sonore. Mais disons que le vinyle c’est un bel objet. Le disque est grand, la pochette est grande. C’est assez fantaisiste. Et puis c’est quelque chose qui … tu sais c’est pas homogène. Comme là aujourd’hui t’as des CD qui sortent, l’album de chez pas qui, en France, aux Etats-Unis, là tu fais un tour un petit peu, y’a des éditions japonaises de Dark Moon des Pink Floyd, ça change beaucoup, et c’est propice à la collection, c’est vraiment propice le vinyle à la collection, parce que c’était pas tout centralisé, j’imagine, je ne sais pas à exactement comment ça se passe. Mais tu avais des éditions de tout, chacun a sorti son truc, de tous les pays. Genre le gars il collectionne des Keith Richard, des 45 tours portugais, parce que il est super rare où je ne sais quoi, ça tourne autour de ça. Après en plus de ça il y a la question esthétique qu’on peut retrouver, qu’on peut trouver facilement dans le vinyle, et puis y’a l’aspect sonore, l’autre fois j’en parlais avec Jacky, il me dit il y’a une chaleur que tu ne retrouves pas, peut-être que c’est de moins bonne qualité, objectivement peut-être que le son est moins bon. Pour la musique comme ça le rock’n’roll, Jazz, blues, je pense que ça pose pas problème au niveau de la qualité sonore, après pour la musique classique, je crois parce que mon père écoute beaucoup la musique classique, je comprends qu’il soit passé sur les compact-discs parce que, c’est vraiment un autre délire. S : Par rapport à une collection de CD… est-ce que… I : De C-D, tu veux dire de compact disc, tu veux dire comme sur l’étalage ? S : Oui, tu en collectionnes ? I : Oui et Non, c’est possible d’en collectionner, aujourd’hui, mais pareil c’est en train de s’essouffler. Maintenant c’est direct tu télécharges sur ton ordi. Et oui la dématérialisation du son c’est quelque chose d’intéressant à étudier. La collection de CD j’ai jamais poussé, j’en ai acheté quelques uns. T’en achètes ou on t’en offres. Mais moi au final je ne suis pas un grand collectionneur. Mais si un jour, j’envisageais de commencer une collection, par exemple tous les albums des Pink Floyds, avec les pochettes et tout c’est ça aussi quand même c’est aussi les pochettes, sont pas mal le plaisir à avoir ça, mais j’ai pas vraiment, fin jusqu’à hier j’avais pas vraiment de lecteur vinyle donc… ça servait à rien. Là j’ai travaillé y’a deux mois, j’en ai acheté un, un vinyle des rolling stones, un des premiers, édition… après y’a la question de l’édition de l’époque, et tout, genre le truc, l’édition qu’est sortie la même année en 65 aux Etats-Unis… ça part loin, t’as des questions de rareté et tout, ça part loin, les gens ils sont..

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3) S : Quand tu parle de la rareté des vinyles, qu’est-ce que tu veux dire ? Qu’est-ce qui tu entends sur cela ? I : Ben disons, je sais pas, par exemple, quand tu télécharges ton son, légalement ou illégalement, ça m’est égal, ou que ce soit en streaming, ce sera le même son ça sera dématérialisé, et ce sera pareil, là c’est le fait d’acquérir je sais pas l’édition, l’édition d’époque, 1965, année de sortie, limite les Stones l’auraient touché, c’est un objet, c’est presque… comme je fais histoire de l’art, je viens d’y penser, mais ça se rapproche à une question d’antiquité au final. Parce que l’art c’est ça à la base, tu reconnais l’art après, et genre là on est en train de, des trucs y’a 50 ans d’en faire des trucs qui valent super chers, pourquoi, parce qu’ils ont traversé le temps, et ce sont un témoin historique en faite. Cette question tu as plusieurs enjeux dans le truc, témoin historique, aspect esthétique, collection qui peut devenir frénétique. Mais bon après pour notre génération ça se fait beaucoup moins, si tu regardes ici ils ont tous 40 ans de plus que moi. 4) S : Et quand on te parle de Patrimoine et de rock, ça ne te choque pas ? I : Alors tu peux pas…fin rock, j’aime pas trop comme mot, c’est assez large, mais tu ne peux pas passer à côté de la culture de la pop music des années 60. Fin après j’en parlais avec ma prof d’anglais, que soit Presley, Les Beatles, ça a eu un réel impact sur la société à l’époque et sur ce que la société et la culture musicale est aujourd’hui. Pour un exemple anecdotique, ma prof d’anglais a fait des recherches, elle a vu les revues de l’époque, des trucs comme ça, genre les coiffeurs de l’époque, ils étaient entrain de se plaindre, presque de faire faillite, parce que tout le monde voulait se faire pousser les cheveux comme les Beatles. Genre c’est con, mais c’est un exemple concret. Y’en a un autre, genre les gars qui fabriquaient des pantalons en velours, en je ne sais quelle matière, les gars qui on fait faillite parce que ça se faisait plus ces conneries, années 50 et tout, et y’a des gars comme les Beatles ou des groupes du genre, qui ont remis le truc à la mode, et ça les relançait. Leur économie est repartie. Des petits trucs comme [as]. C’est le début de..de toutes les questions de mode, ouais mais c’est la pop culture quoi. Le développement d’une culture de masse, pour des raisons socio- historique, la reproductibilité de l’art, etc, si tu connais un peu l’histoire de l’art, Walter Benjamin. C’est un…un mec qui a théorisé ça assez bien. Y’a tellement de choses à dire sur ça. C’est ton mémoire que tu fais dessus, c’est ça que tu m’as dit ? S : Oui c’est ça, de deuxième année. I : Ok, ah ouais c’est intéressant. S : Il y’a un mot que tu as dit tout à l’heure, c’est la mode, que tu as liée à la pop culture, est- ce que.. I : Tu veux dire la mode du vinyle… S : entres autres I : disons que le développement d’un public de masse, de l’audimat etc c’est une question d’économie aussi donc, genre tu sors, fin, en gros dans les années 60, il y a des groupes britannique, anglais, qui ont déferlaient aux Etats-Unis entre autres, mais bien aux Etats-Unis, il passait que ça, et en gros, y’avait comme groupe américain, les Beach Boys, qui cartonnait

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un peu. Mais après quand les Beatles, les Stones sont arrivés et tout, c’était que des groupes anglais, et à un moment, les maisons de disques se sont dit «il faut qu’on lance un groupe » et en gros, ils ont fabriqué de toute pièce un groupe qui s’appelait The Monkeys. Ma prof d’anglais m’a dit qu’ils avaient une série télévisée, c’est pour ça que ça marchait si bien, et après les Monkeys, pendant 5 ans, c’était eux les premiers, alors que c’était pas de la bonne musique, c’était juste commercial, t’as un horizon d’attente, et si tu veux faire de la thune, tu te conformes à l’horizon d’attente. C’est ça le problème de la musique et de toutes formes d’art aujourd’hui, c’est les dérives du système. Moi je veux pas commencer parler politique, fin c’est un dommage collatéral. Mais y’a des bons côtés comme des mauvais côtés. Aujourd’hui il y a une très large diffusion grâce à internet, alors qu’eux, les gars il y a cinquante ans ils galéraient, ils venaient avec leur pile de disques, de vinyles, et tout, alors que nous, voilà t’as ton Ipod, ou ta connexion internet, et n’importe quoi que ce soit du jazz des années 30, le rythm’n’blues des années 60, ou de la techno des années 90 ça c’est fou, on s’en rend pas forcément compte encore, je pense. S : Ce que tu viens de dire… I : J’aime beaucoup la musique, et ça m’intéresse vraiment comme question là, parce que notre rapport à la musique aujourd’hui il est complètement différent, d’il y a un siècle, deux siècles, ou 50 ans. S : C’est-à-dire ? I : Un rapport omniprésent, avec le cinéma aujourd’hui. Genre rien que le fait d’avoir un Mp3, avec ses écouteurs tout le temps. Fin tu peux écouter tout le temps la musique, dans le supermarché, alors qu’à la base, c’est limite que ça a pas la même fonction, comme forme d’art. Là pour revenir à Walter Benjamin, c’est une forme d’expression de la religion, un outil de la religion, et là justement on questionne l’art et l’argent, c’est pas juste l’art questionne l’art. Mais désolé rappelles-moi la question que tu m’avais posé. Là je dérive. 5) S : à la base je t’avais posé la question de la mode et notamment du vintage dans le rapport avec les sociétés en faite. Ensuite on en est venu au second point que tu viens de soulever c’est le fait que la musique était moins accessible au départ, d’où le fait de se construire une discothèque. Aujourd’hui si on y pense on peut se dire que ces collections peuvent prendre différentes formes. Par exemple, est-ce que toi tu considères que tu as une collection de musique ? I : Moi ? Moi, tout est dématérialisé… justement. S : Comment ça prend forme ? I : Alors…euh… alors… ben déjà quand j’étais petit, on m’offrait des singles, c’était assez disparate et hétérogène, très ponctuel, et j’étais pas du tout dans le délire des collections, comme ça, et puis c’était le début d’internet. Après t’as des chaînes qui diffusent la musique, bon c’est de la [merde] souvent mais à des bonnes horaires tu peux trouver des programmes qui sont pas trop commerçant on va dire, et quoi d’autres, ensuite avec internet tu te dis, si tu télécharges, que ce soit légalement ou illégalement, tu commences à te faire ta bibliothèque sur Itunes. Alors c’est très immatériel mais tu peux très bien t’organiser, tu peux importer des

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disques, après moi je fais pas ça, mais je pourrais le faire, j’ai des amis qui empruntent, qui sont abonnés à la bibliothèque, qui emprunte des disques, et qui les enregistrent sur leur ordinateur, et les mettent sur leur ipod, y’a plein de trucs comme ça. Après, tu télécharges de n’importe quelle manière ça m’est égale, et moi en ce moment j’ai un autre truc, j’ai acheté un truc, euh, c’est un Itouch, c’est pas un Iphone en faite, et tu vois t’as des services sur internet, comme Deezer, ou Spotify, je sais pas si ça te dit quelque chose, et en gros avant c’était Radioblog, je sais pas si ça te dit quelque chose, et après y’a eu Deezer, je suis resté longtemps sur Deezer, mais tu vois y’a des trucs qui viennent, des histoires de droits et tout. Là je suis sur Spotify, pendant longtemps, j’ai fait la version gratuite, mais depuis que j’ai mon Itouch, je paie 10 € / mois. C’est une manière de consommer entre guillemet la musique, là je paie 10 €/ mois, à la base l’idée me plaît pas trop mais c’est vraiment parce que j’ai l’outil qui va avec. En gros tu paies 10 € / mois et tu te fais des listes de lecture, sur ton ordi, par artiste, moi je fais, et en gros tu peux mettre en mode hors-connexion, tout ce que tu veux, c’est-à-dire que c’est comme si tu téléchargeais tout ce que tu voulais…euh… pour 10 € /mois, avec une base, une bibliothèque, très très conséquente, tu vois, tu peux trouver des trucs très spécialisés. Mais là après y’a des trucs comme Pink Floyd, où y’a pas les droits, les Beatles non plus, mais t’as des discographies énormes de pas mal d’artistes, genre les Stones, ou Miles Davids, des trucs comme ça qui sont vraiment énormes, tu peux trouver des raretés. Mais là au fur et à mesure, c’est-à-dire que si je veux je rajoute une centaine de morceaux, bon après c’est pas ultra rapide, mais bon c’est de bonne qualité. S : Comment ça fonctionne ? I : Comment ça fonctionne… En gros ça me fait office de Mp3, j’écoute pas sur itunes, j’écoute sur l’application. Sauf que là c’est encore moins matériel, le truc c’est que les sons ne t’appartiennent pas en fait c’est assez ambigüe. En gros, quand tu télécharges tes trucs sur itunes à la rigueur tu peux les graver, ils sont sur ton ordi, ils t’appartiennent, mais là ils passent que sur l’application spotify, c’est-à-dire pas sur l’itunes. C’est-à-dire que moi les chansons je ne peux pas les graver. Les chansons ne m’appartiennent pas du tout en faite, c’est-à-dire que si j’arrête de payer 10 € /mois, tous mes sons, je ne les aurais plus en faite, en gros. S : D’accord. I : En gros je crois que ça se passe comme ça. Mais c’est très probable. Et donc c’est une bibliothèque éphémère. On est dans l’éphémère parce finalement qu’on a plus besoin d’avoir le truc, on a juste l’accès qui fait que. Moi si je perds tous mes sons demain, c’est tant pis. Après ça va changer, tu vas garder le meilleur, et tu vas oublier le moins bon, et au fur et à mesure de ta vie je pense que t’es pas obligé d’avoir une bibliothèque matérielle, mais si tu gardes le nom de tes artistes tu pourras toujours les retrouver, si tu gardes les albums dans ta tête, les musiques qui t’ont marqué tu pourras toujours les retrouver. Ça c’est un bon côté. Ici t’as ce côté-là aussi, mais c’est beaucoup plus de la collection. T’as des gens qui viennent parce qu’ils aiment l’objet mais t’as des gens qui viennent parce qu’ils aiment l’objet et l’histoire que l’objet transporte fin, porte.

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6) S : Est-ce que tu connais des collectionneurs de ton âge ? I : J’ai un ami qui va peut-être venir demain, mais lui il collectionne un peu, c’est-à-dire qu’il achète des vinyles. Il a son truc vinyle. Il aime bien s’acheter des vinyles, mais après c’est vraiment de l’investissement. Tu peux trouver des trucs à 20, 30, 40, 50, 60 € ça peut aller jusqu’à 100, pour des trucs un peu rares, où il y a pas eu beaucoup de, ça a pas été beaucoup édité, tu vois. Donc lui c’est pas le mec qui va avoir toute la discographie de tel artiste, mais qui se fait plaisir en achetant des vinyles. Tu vois y’a des gens qui font ça. Là aussi il doit y avoir des gens qui font ça, mais tu vois là les gens ils ouvrent, ils guettent la date, là c’est autre chose quand même. S : Est-ce qu’avec ton ami vous discutez sur ce que tu disais l’histoire des vinyles etc… ? Est- ce que par exemple vous posez le vinyle sur le tourne-disque et l’écouter ensemble ? I : Mais ça c’est un geste que j’ai jamais fait tu vois. Déjà je travaille ici, mais j’ai pas du tout la culture vinyle, personnellement, parce que je t’ai dis mon père est passé au compact disc donc il a une masse de bibliothèque de classique qui est énorme, je crois qu’il a jeté ou donné les trucs de l’époque, c’est-à-dire les trucs un peu plus rock, pop. Il est passé par le free jazz aussi, il a rien gardé à part un CD de Bob Marley, et un CD de Police. Donc là aussi c’est éphémère parce que ça prend de la place, les gars s’en débarrassent. Après … qu’est-ce que je voulais dire… voilà tout ça c’est dans le garage, t’as tous ces vinyles là, t’as des trucs… avant, on pouvait pas les lire, mais maintenant on a un lecteur de vinyle là-bas, donc ça on pourra les lire… Mais quand tu vas là-bas, tu vois tout ça, tu vois les BD de l’époque, fin, c’est un délire tu vois. Là Jacky collectionnait et là il revend, il finit de vendre sa collection, justement il a tout fini de les enregistrer, avec une machine de CD, genre les vinyles sur CD. 7) S : Tu sais comment ça fonctionne ? Par exemple si c’est le son vinyle sur CD? I : Ben je sais pas trop comment ça se passe, mais y’a moyen, donc là il écoule sa propre collection, il a des trucs rares. Limite t’as des trucs qui coûtent 2 mille euros, en vrai. Mais après c’est chaud, vraiment les connaisseurs, ils leur manque une pièce pour compléter le puzzle, c’est une sorte de puzzle au final ce qu’ils cherchent à faire, je sais pas si au final ils arrivent à ce qu’ils veulent, tu vois ce que je veux dire. Je sais pas s’ils y arrivent… Parce que ce qui est intéressant c’est la fin… ou le moyen… 8) S : Est-ce que lors que tu parles des disques de collection, tu emploies le terme collector ? Qu’est-ce que ça veut dire pour toi, une pièce collector ? I : C’est-à-dire dans les CD ? dans les vinyles ? S : Toujours en parlant de vinyles I : Collector… moi je sais pas, non mais ça veut rien dire collector. C’est les mots qu’ils emploient à la télé tu sais. Ça veut rien dire collector, tu vois, peut-être que tu peux avoir une collection de vinyles, y’en a 300 qui sont sortis dans le monde et tu vois que c’est le numéro 166 sur 300, tu vois. T’es content, tu vois, mais pour moi, collector ça veut rien dire, quand t’y penses comme ça y’a des mots qui veulent rien dire. Collector… c’est-à-dire…digne d’être collectionné, unique. Non pas unique donc voilà tu vois…

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9) S : Si tu te dis que collector ça veut dire collectionneur, et collector item, ça vaut pour la pièce de collection, et y’a eu comme une raccourci qui a été fait… La question c’est, pour toi est-ce que collector est un mot qui parlant ? I : Ouais, ils ressortent des trucs, et tout ça c’est pour faire de la thune. Quand tu vois Hendrix est mort y’a je ne sais pas combien et en 2007 presque, fin, même plusieurs fois par ans y’a des nouveaux trucs qui sortent. Même des trucs pour Michaël Jackson tu vas voir ça va être la même, ils vont ressortirent, ils vont laisser, ils vont garder des trucs, tu vois, pendant 50 ans ils vont garder des trucs de lui et ils vont les ressortir au compte-goutte tous les ans pour faire acheter aux gens qui, aux collectionneurs, ou aux gens qui aiment Michael Jackson. Parce qu’ils vont ressortir des répets, des enregistrements de répèt foireuses qu’ils vont réarranger derrière, fin qu’ils vont trafiquer pour sortir l’album caché de Michael Jackson. Tu vas voir ça va se passer comme ça c’est obligé, ça se passe comme ça pour tous les mecs qui crèvent. S : Tu veux parler des anniversaires ? I : Anniversaire…anniversaire mais c’est tous les ans. Après ça dépend des artistes, y’en a c’est vraiment abusé. Non, c’est le truc limite. Après moi ce que je trouve intéressant dans la démarche de collectionner, c’est que moi je chercherai plutôt le truc de l’époque, limite qu’est sorti la même année, l’album de la même année en bon état. Ça ce serait intéressant de voir, d’avoir les trucs qui sont sortis cette année-là. Mais après les rééditions, je te disais y’a plein de rééditions, c’est complètement hétérogène, parce que t’as pas mal de rééditions. Par exemple les Stones, moi au début de je captais rien. En gros t’as des albums, des pochettes pour l’Europe et la Grande Bretagne. Et aux Etats-Unis t’as les maisons de disques, fin, des producteurs qui mettaient ce qu’ils voulaient, les titres qu’ils voulaient, ils mettaient d’autres chansons, limite, ils changeaient la pochette. Ils faisaient un ordre des chansons pour correspondre aux attentes du public américain, des auditeurs américains, ce qui fait que leur discographie c’est une espèce de bordel et ça ne doit pas être les seuls. Et, et tu vois des albums, limite au bout de 6 ans de carrière, ils ont sorti plus d’albums qu’en Angleterre, fin, rien que ça c’est la dimension commerciale. Aussi t’as la dimension du single, de l’EP, qui était assez importante. Donc t’as des chansons qui sortent au compte-goutte, pareil les gros tubes. T’arrives en soirée, tu mets ton vinyle avec deux pistes. T’as Satisfaction et je sais pas quoi, et tu le mets. Ouais, aujourd’hui c’est carrément différent. 10) S : Si tu avais un disque de collection, tu l’écouterais ? I : Ah ouais, ouais. Pour moi la musique c’est fait pour écouter pas pour être astiquée et qu’on n’y touche pas. (pause) Un disque de collection, dans le fond, ça sert à…. Fin…je sais pas c’est comme si t’avais un bête de vélo de collection assez rare, qui date d’y a 50 ans, mais s’il roule toujours, pourquoi pas rouler avec, tu vois. Le ballon de 98 de la finale, si je l’avais, moi je jouerais au foot avec. Je comprends les gens qui voudraient pas y toucher, mais après c’est quoi, ça veut dire que tu veux le contempler toute ta vie le ballon. Ou si finalement c’est pour le revendre dans 50 ans, dans un bon état pour te faire de la tune. Je sais pas. S : Après il y aussi le coté disque de collection que les collectionneurs arrivent à conserver, à préserver contre le temps…

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I : Oui, c’est clair, c’est un investissement d’argent. Mais il faut du temps pour s’en occuper. Ce ne sont pas des animaux mais bon voilà il faut en prendre soin, il faut pas les mettre n’importe comment dans sa cave, ou les mettre dans les boîtes comme [aç]. S : Il y a surement des collectionneurs qui n’écoutent pas leur disque de collection… I : Oui je sais, c’est le fait de collectionner qui les intéresse. C’est la chasse. C’est un délire spécial. Y’a des gens qui sont vraiment spéciaux. C’est l’envisager sans détour comme témoin historique, comme digne d’être transmis aux générations futures, de pas y toucher pour que les autres puissent mieux les touchers plus tard, j’en sais rien. S : Oui dans le sens que l’objet se dégrade avec le temps… I : Après moi je m’y connais pas en vinyle. Au final, je sais ce que c’est sans vraiment savoir. Mais c’est vrai, est-ce qu’on a une sensation différente quand on écoute un album de Pink Floyd sur Deezer ou Spotify, fin ils ont pas les droits, mauvais exemple, mais admettons. Est- ce que t’as une sensation différente que si tu l’écoutes sur vinyle. Tu vois c’est un peu ça la question, si ça va te procurer plus d’émotion, parce que c’est le but, tu vois, la musique. Est- ce que ça va te procurer plus d’émotions de te dire que j’écoute l’album original de l’année, sur vinyle, comme à l’époque, comme 50 ans les gens ils écoutaient, que ça te procurera plus de sensation que sur un format Mp3, dématérialisé, sur ton ordi. Après c’est une question de son, y’a des gens qui aiment, y’a des gens qui aiment pas. Je sais pas, parce que j’ai jamais eu le truc, j’ai jamais eu ce moment où j’ai pris un vinyle et où je l’ai écouté posé. J’avais pas de lecteur vinyle, j’avais de vinyle, depuis hier, c’est quelque chose qui est possible. 11) S : Est-ce que tu vas voir des expositions sur la musique ? I : Ben la musique c’est vraiment quelque chose que j’aime beaucoup. J’aimerais faire quelque chose là dedans mais je me prends pas la tête pour l’instant. Au niveau de l’art en général, la musique c’est quelque chose de spécial, mais est-ce que je vais voir des expos sur la musique, non. Je suis allée voir une expo sur le Jazz au Quai Branly, il y a deux ans un truc comme ça. Sinon comme la cité de la musique, tu me parles de trucs comme ça ? S : Oui, des structures comme la Cité de la musique ou d’autres dédiées à la musique.. I : Ouais, je n’ai jamais pris le temps d’y aller. Moi j’aime pas trop les institutions, en faite, moi c’est un peu ça. L’institution c’est l’art culturel, comme ça peut avoir l’air de vouloir rien dire, l’art culturel. Mais j’ai lu un texte de De Buffet, je sais pas si tu connais, c’est assez intéressant là-dessus. Ouais mais en gros c’est que les intellectuels nous imposent des trucs, ce serait trop long à débattre, mais, c’est pour plein de choses. S : Tu ne fais donc pas « confiance » en ce que les institutions disent ? I : Ouais tu peux aller voir des trucs, ils font des trucs intéressants parce que je pense qu’y a des gens bien, cultivés, très intéressants, et tout qui connaissent leur sujet, dans les musées, dans les expos, dans toutes institutions liées à l’art, mais je pense que tu peux t’en détacher grâce à internet. Limite faudrait que je te donne une dissert que je fais pour que tu captes bien ce que j’essaie de dire, et encore… Mais bon on te fait croire que tu peux être artiste, et avoir ton délire, tu veux rentrer aux Beaux-arts, tu fais ton dossier, mais en faite non, tu fais pas ce que tu veux. Mais en faite, faut

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pas que tu te prennes pour un artiste avant qu’on te dise que t’es un artiste, tu peux pas partir en cacahuète dans ton sujet pour les Beaux-arts. Mais après si les Beaux-arts disent que t’es un artiste et que tout se passe bien dans ta carrière, ça veut rien dire, et après tu peux faire ce que tu veux, parce que ça t’as le label, t’es conventionné, et ça c’est assez hypocrite je trouve. De toute façon qui ils sont ces gens, qui viennent te dire que ce que tu fais c’est de l’art ou pas. L’art questionne l’art c’est le serpent qui se mord la queue. Alors les institutions quelles qu’elles soient j’évite sérieusement. Moi je suis en histoire de l’art en 2ème année. On étudie la peinture, l’architecture, du cinéma, la restauration (des œuvres), la photo, plein de formes d’art et c’est cool. Ça fait plaisir moi j’aime ce que j’apprends, mais à aucun moment on nous parle de musique, tu vois. Alors que ce serait un avantage, même avec l’art pictural et autres c’est intimement lié, y’a des interdépendances, des interfaces super importantes. Y’a des artistes comme Kadinsky qui envisage pas de passer à côté de la musique, même Basquiat. Nous on apprend toutes les autres choses et on ne parle pas de musique, et moi ça, ça, ça, j’ai un ressentiment de ça… et ça c’est les institutions. Voilà et moi je dis ça, je lève la main en amphi comme un con, et je demande « ouai pourquoi on n’apprend pas la musique ». En gros je te dis ça. Et la petite meuf, la petite prof, elle me dit qu’il fallait faire des études de musicologie. Pourquoi tu es obligé de te spécialiser et faire de la musicologie, alors que tu sais que tu vas pas avoir de métier et que les gens qui s’intéressent un peu à la musique fasse de la musicologie, alors qu’on apprend de l’archi, de la photo etc alors qu’on va pas dans une école de photo pour apprendre la photo. Et pourquoi la musique ça se passe pas pareil. On n’oublie la musique, en histoire de l’art, l’art c’est l’art, et dans les formes d’art d’aujourd’hui il y a la musique et c’est l’une des plus importantes. Je pense que c’est parce que les gens sont gênés parce que la musique c’est quelque chose d’abstrait par définition. Ils arrivent pas, ils veulent pas s’aventurer là dedans. Il faut se cantonnais à des choses concrètes des tableaux. Et tu vois c’est l’institution, c’est pareil, la musique, même la plus grosse merde qui sort , commerciale d’aujourd’hui, à partir du moment où on dit que la musique c’est de l’art alors c’est de l’art aussi.

Entretien E-B2 Zappo (surnom), plus de 50 ans, collectionneur de Franck Zappa Pays d’Origine : Allemagne Durée : 23 minutes Circonstance : Je me dirige vers le stand de Zappo collectionneur de Frank Zappa qui détient aussi des vinyles des Beatles. Sania : Hello, I introduce myself, I’m a French student and I work my master thesis on collector items like vinyls and the link to build with the rock heritage. I have noticed that you have vinyls of Frank Zappa and The Beatles. Can I ask you a few questions please? Z: Yeah, sure. 1) S: So you said to me that you are a Franck Zappa collector, can you tell me more about this?

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Zappo: Yeah. What I can tell. Hum. I’m a thirty five years Zappa fan and since twenty five years I have a shop in Cologna in Germany. And if you know Germany there is specialist, a lot of original bands, original Zappa members... That’s all. S: Since when your activity of collection began? Z: 35 years S: Can you tell me why it began? Z: The first, I was listening the Beatles” parody of Frank Zappa, we’re only in it for the money; it is parody of Sergent Peppers. Ant that voice was so crazy that I said yeah I need an item of this guy. S: Did your collection begin at this very moment? Z: Yes, I began to collect to stuffs, and listen more, and after it was my job. I dit it my job, twenty five years is job. S: So you allied passion and work… Was it easier to collect before than now? Z: It wasn’t easy like now because internet made wrong everything now. S: Are your speaking about ebay? Z: Ebay but download too. People don’t buy so much stuff. As the CD is dead now. S: Why? Z: Just because you can have it free in internet now. 2) S: In parallel, do you thing that there is a rise of the collector buy? Z: Yes, the vinyle coming, they produce more and more vinyl and CD, we need something special with a special package. If you have just normal CD and jukebox, everybody can make a copy or download the cover from internet. 3) S: And where come from your interest for the vinyle as item? Z: The sound, I like the sound. Because it is not so cold, you can never have a recorded base so good on a vinyle as the CD, this kind of thing. The CD is cold, is a cold medium. And the vinyle has a rehearse form. There is more information. 4) S: So it’s the sound first. And is the cover important too or not, for you? Z: The cover too, because it is… there’s also a book about the covers. It’s actors stuffs you know the covers. A lot of painting, all the musicians they make their own covers, every cover is different, it’s avant-garde. A CD is so small, couple years ago started in Japanese, in japan try to make CD’s in a new cover but it doesn’t work. They made ten titles and after it was finished. The Who, Nirvana, I think so but I can’t remember exactly. 5) S: You said that you have a lot of Frank Zappa stuffs? Z: Ouh yes, anything you can get. S: Is your collection complete? Z: Yes, because I work with the Zappa family, and the family Zappa makes new CD, every years, I don’t know three, four, five’s a lot of to listen. They don’t make so much vinyle, but CD’s, they made a lot of. 6) S: The vinyl you have, are they rare and expensive?

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Z: Yes because the vinyle made is really expensive now. And the edition is very small. About, one hundred to thousands. It’s nothing you now. S: Still speaking of a Zappa item? Z: Yes. When I see the rights or the edition with thousand pieces.. 7) S: If I ask you “Do you have a collector item?” what can you answer me? Z: Yes, I have a promo or items which exist only few copies, old posters, they’re very well, and books also. 8) S: The question I wonder is “What is a collector vinyl”? What are the characteristics to say that a vinyl is a collector? Z: I don’t know, in France, there is more vinyle because Cds…. Yeah there is less CDs in Germany now. In German is dead. The CD is dead. 9) S: Do you listen your vinyle? Z: Yes I have a down table home. S: Your expensive vinyls too? Z: Hmmm yeah… oh no so much not so… You know with my business I go to Barcelona, Milano, Paris, Ultrecht, I’m all the big face so I’m long time on the way, Viena. 10) S: What is the most expensive item that you have here? Z: Here I don’t have so much expensive stuff. S: Oh not expensive “expensive” in that case Z: At home, in my collection I have expensive stuff S: Yeah? And you don’t want to sell it. Z: Oh no. (…) five copies only japan edition S: Soory what is the title? Z: Shit what’s its name? Uh, uh, I forget (laugh) Lampy grey, it’s also that, a special pressing. It exist only five pieces and its cost three thousand euros S: It’s a big investi… Z: Yeah I bought it twenty five years ago, but at that time I paid a lot of money for that also. It was some hundreds deutshmark at that time but a lot of money, goodbye DVD… I mean no DVD… video record. I don’t have other item so expensive… I try to remember me. Oh yes I’ve a promo, I have a Metallica’s promo, it’s hundred euros, that’s probably expensive. (…) In France, in Paris, I don’t sell so good expensive stuffs. I was last week in Ultrecht and I have a record for thousand and five hundred euros because they are biggest fair, this is nothing here. It’s a three days really big fair with thousand and thousand people coming there. It’s so big that you cannot, you need a both days. I mean two days, if you wanna see every stands and check what they have, you need two days. It’s a biggest fair than here you know. 11) S: Ok. Are you still searching items for your own collection? Z: No, no, for the shop. S: Ok for the shop. Z: Yes, I’m thirty five year of the music business so ….

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S: So you stopped your collection? Z: No, no, no. I collect. S: What do you still collect? Z: I don’t buy so much expensive stuff, I cannot. Economy is also bad you know. 12) S: Ok, Yes it’s a problem. Can you tell me more about the link between the Frank Zappa heritage and the vinyle items? Z: Yes, Zappa stopped making vinyls. He was ill he made only CD’s. So I don’t know why, I have different feelings, or different… no… I know that Frank Zappa made a lot of vinyl, original live recordings…..(…) because sometimes I collect also concerts , I listen the songs, the complete of the voice and I always asks me why he cut this guitar solo or why he cut this to put new one cause I like the old one better. Because the Zappa was a great genie is like Bach in the 18th. S: What is the rarest item of the Zappa? I mean the item that every collector wants to have? (Interruption d’un acheteur “I would like to know if you have a CD or DVD from the Beatles... Yellow Submarine…and Magic Bus ? ”) Z: No sorry. Yes, some Japanese promos. S: Japanese is it always expen.. Z: Expensive yeah. Yes because Japan is a small country so they make small edition so they are rares. (Interruption) They are waiting for the edition, and the first edition is always different from the second and third etc. S: The number of the edition too? Z: Yes the number, the change of the number. We can know exactly which year they make it. S: Is it a real criter for the collector? Z: Yes yes and for the Japanese it is also important its obi. It depends, for Frank Zappa it’s a difference. Without obis we bought four hundreds euros and with obis thousands. The first, first Zappa. It’s a big difference.

13) S: Do you know the book called in french the Argus? Z: No (…) The prices, yes, the record collector in English, it’s the English one. S: Do you use it? Z: no, no, no, illy I was looking the cost with the number, I see this is the original number or not because we cannot have everything in the head, but I don’t have the time so… pff… I’m not in that deal I try to sell it expensive so, if I get cheaper, I sell it cheaper. I get my profit wane. S: Okay. You’re not on the business of money… Z: Yeah. Because I like to make people happy you know. They find something and they are very happy. Because France is no more expensive like in Germany and so they find something and they are really happy. 14) S: About the Beatles, I saw in your collection here, there is vinyl like Revolver one , is it an original?

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Z: I don’t know. Not all, not all, original. Some are pressing in the color vinyl, I don’t know I cannot remember what I have. S: Ok is there a lot of Beatles collector? Z: Yes. Many, many. Here also Stones and Beatles. S: Yes the Stones and the Beatles? Z: Yes the more populary. S: Does everybody want a Beatles vinyl because of this popularity? Z: Hmm. The parallel book. There is the parallel book. Do you know it? S: No Z: The best book shop in Paris. They made books of Zappa, and there is a lot of Beatles fan too. S: Ok, but what is the point of the Beatles? Is it because… Z: Some people likes it, some people hates it. It is commercial. S: There is a lot of collectible items… Z: For that, Beatles don’t played for long time, but there is a lot of stuff. The Stones play still and I don’t think they made so much like Beatles. S: So maybe my last question… but… every vinyl than you have here… your collection.. Z: No, no, no it’s not my collection, it’s from the shop. S: Yes, it’s from the shop. And you own collection Z: I don’t sell my collection, I sold maybe two records in my life, because a guy gives me so many money that I said okay. But for that money, I cannot find it again, it is very hard, I cannot find it no more. So I stopped it. I never sell more vinyls. 15) S: How much vinyls do you have in your collection? Z: Some thousand plus the shop, it’s big. S: Do you want to give your collection to your children then? Z: I don’t know, they don’t have the feeling for that, they will play it to the third second hand and sell it cheap. I know that I bought a couple years ago of a big collection in Holland, the Zappa collection, cause the daddy was dying. I got a good money because the catch was very good, normally, if you go to another dealer to say how euros you want, and there is a lot of good stuffs. There is some hundreds, the first Zappa, in good conditions, is about some hundreds. 16) S: People who comes in your shop, collect because of the vinyl or the cover? Z: It exists people who collect covers. For the act. But pff normally it’s pretty much music important than the cover. I see some people buy vinyl with a cover not in so good condition but the vinyl is top. They buy it also. S: They want to listen music firstly? Z: They buy more like when there is a good cover and the bad records. S: Yes. Z: So the record must be top, and the cover could be some problem, crash, and the vinyl must be top.

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17) S: Ok. You said that you collect Zappa, the Beatles, and what kind of other artists? Z: I am too open to a lot of bands. But I collect also Typo negative, dark bands, gothic, cause I like the deep deep voice, Zappa has also a deep voice, Yugoslavia bands too, my spectrum is very very big. S: It’s because…. Z: Yeah of my job. I also have vinyl of Lady Gaga if you need. S: Yes. Super. Is Lady Gaga collected a lot? Z: Yeah Lady Gaga is a queen fan, and a queen is a good band, so I mean she makes a lot of crazy stuff, provocations, and you see Frank Zappa..Yes, on the toilet (showing me a cover) but it was made in 67, crazy provocation. In America you can sell it posters, people don’t know Zappa, but they know “ah this is the guy who is sitting on the toilet.” (Laugh) You know, now provocate people is different, it’s not more easy to provocate. 67 it was a big trouble you know. Even Jim Morrison, he made some things like… Blow job, you know, he also went to jail. S: There are movies about him. Z: Yes a lot. But they are original moovies and play. S: Yes topic. Z: And it was not so good. They made Jim Morrison like a drunk man, and drug man and stupid man. It was theses drugs and all alcohol but it was political. It was not stupid you know. The rest of the band said also it was not good. Most, too commercial. (Interruption) S: Ok no problem I thank a lot. Z: Welcome. And good luck.

Entretien E-B3 Christian Eudeline, 45 ans, journaliste et pigiste pour VSD et JukeBox. Ville d’origine : Paris Durée : 55 minutes Circonstance : Jean-William, l’un des organisateurs de la convention et journaliste pour Juke Box ne peut répondre à l’entretien. En revanche Christian Eudeline vient à ma rencontre pour savoir si je trouve les informations qui me sont nécessaires. Je lui propose un entretien. Sania : Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. Christian : Ok 1) S : Pouvez-vous me dire dans quel domaine vous vous spécialisez ? C : Je fais des piges depuis toujours car c’est des vieux potes, mais euh J’y connais rien en jazz, et j’y connais rien en opéra, on va dire, non, c’est très difficile après on est assez gloutons donc, je déteste Dalida, mais tout le reste me passionne quoi, c’est très compliqué, quoi, je veux dire, toute la variét’ un peu ringarde, Mylène Farmer m’excite pas

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quoi. Mais je pense aux Ramones en passant par… je suis plutôt dans la new-wave on va dire, depuis trente ans, je suis plus dans cette vague là. 2) S : Et vous avez à un moment donné commencé à collectionner, ce qui a fait… C : J’ai toujours voulu acheter des disques et je les ai toujours gardés. Voilà. S : Quels genres de disques ? C : ça va des Cramps, les Ramones, tout le punk, tout le punk anglais, ricain, français. Puis après un peu d’industriel, j’aime bien les Destroying Slovel Reesel, des trucs comme ça, et puis tout le 60’s, alors en français y’a les grands angles, y’a Polnareff, Dutronc, Antoine, des trucs un peu comme ça, Nino Ferrer et puis après y’a tous les chanteurs que personne ne connaît. Avec des copains on était des très fans de chanteurs qui avaient fait un ou deux disques qui étaient dans l’esprit un peu taré et qui étaient passés complètement à côté du succès. Ronnie Bird est un contre exemple parce que c’est un mec qui a eu du succès, mais y’a eu toute une vague de chanteurs dans les années 60, qui ont enregistré des disques et qu’on a redécouvert 30 ans après et qui sont… Nous on adore parce qu’ils sont violents, parce qu’on est dans un esprit rock, voilà. Alors, Elsa Leroy, les Gipsies, les 5 gentlemen c’est un peu connu, les ambitieux, les…euh..pfff… beaucoup de groupes comme ça qui sont très peu connus, les Somethings, Baltazar qui a fait un single, les Polux, bon des trucs très pointus. S : Et des années 60’ ? C : On est dans une période 65, 67, 68. Vous avez une explosion du rock à cette époque. Bon à cause des Beatles, y’a eu plein de groupes aux Etats-Unis, on appelle ça la vague garage, avec des mecs fin bon voilà. Et en France, ça a existé aussi. S : D’accord. C : Sauf que comme en est en France le rock est pas forcément à la télé tous les jours, et rentré forcément dans les mœurs, tous ces gens qui sont même allés jusqu’aux 45 tours ne sont pas connus quoi. 3) S : Vous avez pris cette porte du rock français, dans votre collection, est-ce que vous pouvez me dire comment et où vous avez commencé à dénicher les disques, et si c’était facile ? C : Moi j’ai 45 balais, gamin y’avait des disquaires quand même. Donc moi quand j’étais gamin, la Fnac… S : Et même pour ces disques pointus ? C : Il faut pas confondre deux choses, là on parle des disques d’occasions, et à côté moi j’ai toujours acheté de la news… j’ai acheté les Ramones, …, quand c’est sorti quoi… Donc à la Fnac vous allez acheté de la news et puis dans les disquaires d’occasion vous essayez de fouiner, de trouver voilà. S : D’accord. C : Et puis 10 ans, 15 ans c’est plutôt les brocantes, parce que c’est là où on va finalement trouver des choses euh… Le gros problème des salons c’est qu’on les paie les disques, on les paies très très chers, et on n’a pas les moyens forcément de s’acheter des 45 tours à 200 ou

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300 euros à chaque fois. Parce que même si c’est peu connu, du grand public y’a toujours 20 ou 30 tarés qui veulent ce disque là pour une raison. Et donc les prix sont affolants. S : Ce sont des lieux où vous arrivez toujours à trouver des choses intéressantes ? C : Oui, on arrive, oui en fouillant et en arrivant très tôt. S : Pour certains noms, ou certains artistes aussi ? C : La définition de la brocante, c’est qu’il n’y a pas de règle, chacun vend ce qu’ils ont chez eux pour se débarrasser et ils ne savent pas ce que c’est, donc vous pouvez trouver, à force, en trouvant on cherche. Oui .On peut trouver des choses intéressantes en brocante. S : Il est donc possible de trouver un disque des Beatles dans une brocante, ou c’est rare ? C : Non, non, tu trouves bien sûr. S : Ok, parce que j’ai eu écho de certains collectionneurs qui disaient la difficulté de dénicher en brocante et qui passaient essentiellement par internet pour compléter leur collection. C : Si vous êtes un complètiste, vous faites le numéro euh, vous collectionnez le label Sun, le label Sax, ils veulent le numéro 706, 707, 708, donc c’est beaucoup plus facile d’aller sur e bay, et de l’acheter, forcément. Personnellement, j’en ai tellement de disques chez moi, je m’en fous un peu d’avoir telle référence de tel disque, alors c’est un tout en faite, et puis quand vous vous promenez un peu, fin la je promène à Londres, aux Etats-Unis, une ou deux fois par ans, là vous en ramenez beaucoup des disques. Y’a quand même qu’en France et en Angleterre que c’est très cher les disques. Aux Etats-Unis c’est pas du tout ces prix là quand même voilà bon. 4) S : Vous avez parlé des complétistes, c’est une des facettes du collectionneur, vous en connaissez ? C : C’est un peu la collection de timbres. C’est vraiment la collection de timbres. Les gens qui collectionnent Johnny Hallyday, il faut… C’est pas une question de chansons, on parle d’une question de …toutes les éditions, de tout ce qui existe et pas seulement en France. On n’est pas sur un truc de format 45 tours, 33 tours, 25 cm, CD, K7, on est sur les pays, c‘est à dire que Johnny a sorti des disques en Belgique, en Angola, aux Etats-Unis, il leur faut tout, tout, tout, tout, tout. Là vous en avez un (me désignant un collectionneur) c’est la notion de complétiste, il veut tout. À partir du moment où un disque sorti en 1960, et réédité en 62, en 75, en 92 et aujourd’hui, à chaque fois il faut le racheter. Et vous en avez des malades comme ça. S : Oui. C : Là c’est vraiment ça... On est sur une collection de timbres. L’album de Johnny Hallyday, vous avez soit le CD simple en boîtier crystal, soit le CD simple avec DVD, vous avez une édition en coffret collector format 25, je sais pas ce qu’il y a là-dedans la boîte. Et vous avez les vinyles. Et on voit les chiffres de la première semaine c’est 90 000 ventes, je pense que les gens ont acheté plusieurs exemplaires quand même. Ils ont dû acheter le coffret crystal, le vinyle, le co… voilà. La deuxième semaine on est redescendu à 25 000 ventes. Donc bon, voilà les fous ils achètent. Vous avez aussi toujours sur Johny Hallyday, on est en train de

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rééditer en ce moment dans les kiosques les 50 albums dans un petit bouquin. Donc vous en avez un là Johnny Hallyday blanc, bleu…voilà. S : Oui C : Donc c’est un bouquin qui parle de cet album là, vous avez le disque inséré à la fin, et ils le revendent une troisième fois quoi. Bon voilà quoi, après les gens, moi je pense que c’est mieux que les gens fassent ça plutôt qu’ils picolent, non mais voilà. S : Oui, ce que vous dites c’est que… C : Ce qui est dommage…ce qui est dommage c’est qu’ils ne collectionnent que Johnny Hallyday, et de mettre le prix sur Johnny Hallyday sans en sortir. C’est plus vrai sur Johnny que sur Les Beatles. Les fans de Johnny c’est des gros abrutis, non mais y’a aucun souci là- dessus, tout le monde le pense, on les voit à la télé, y’a qu’un ou deux mecs qui vous parlent et qui savent qu’il y a autre chose. S : D’accord. C : Les fans des Beatles sont un peu moins cons quand même. C’est dans cet ordre là. S : Ce que vous dites aussi, c’est que les fans portent aussi une expertise, par rapport à leur collection est-ce qu’ils portent l’histoire de leurs objets ? C : Je ne sais pas si c’est le cas pour les collectionneurs. Il y a beaucoup de collectionneurs qui font ça pour le pognon, il ne l’écoute pas le disque. Il n’écoute pas le disque. Ils ont le 45 tours Yougoslave ou Turque ou Japonais de Johnny, ils l’ont dans leur collection, ils se le montre entre eux, et y’a plusieurs mecs qui se les trimbalent dans leurs sacs pour nous les montrer sous trois pochettes. Et ils les écoutent pas…Non c’est pas vrai ça. Beaucoup de collectionneurs qui… fin c’est même des collectionneurs pour moi c’est des gens.. S : Une dérive liée à.. C : C’est la dérive du pognon. Vous avez beaucoup de gens qui sont dans les brocantes pour chercher du disque pour les revendre sur ebay et se faire du pognon. Ils ne savent pas ce qu’y dessus. Surtout quand vous êtes sur des trucs un peu pointus, du garage etc… Les trucs français dont je parlais ça personne ne connait…C’est la différence qu’on fait entre… les diggers, on appelle ça les diggers, c’est le… du verbe to dig. Les diggers c’est les gens qui cherchent le disque un peu rare que personne ne connaît, et qui avec le recul… C’est comme ça qu’on a découvert des gens comme Pierre Macira en producteur, un Jean-Paul Nilowitch, qui a été un arrangeur incroyable, on a découvert, du Jean-Bernard De Libre-ville, du Elsa Leroy, du Clotilde. Toutes les compiles, Ils sont fous ces gaulois, c’est un copain à moi qui les fait en vinyles, on a mis des plages très très rares là-dessus. Il y aussi des diggers qui ont levé… qui ont ouvert la porte de toute cette musique qu’on redécouvre la musique africaine depuis 10 ans. Depuis 10 ans là, toute la musique africaine, alors on connaissait le fela, le high life mais on ne connaissait pas le kotonou, le polyrythmo. On connaissait pas tout ça, en faite c’est des diggers qui ont cherché, ils avaient cherché aux Etats-Unis pendant assez longtemps et on avait trouvé tous les trucs de garage … bon… et là c’est quand même des gens qui écoutent la musique à la base. Il y a quand même deux notions, c’est un peu le problème de la

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France où on est plus sur la collectionnite aigüe, ‘trésorisation’, passage au machin, et j’ai l’impression qu’à l’étranger on est un peu plus ouvert. 5) S : Quand vous parlez de disque de collection, alors un disque de collection c’est… C : Un disque de collection c’est un disque qui vaut cher. Et qui se collectionne par définition. S : Et qu’est-ce que ça veut dire ? C : Tout étant relatif, on peut penser que n’importe quel disque est appelé à rentrer dans une collection. Dans des pays comme le Japon, ils font attention à toutes leurs archives, vous allez dans un disquaire au Japon, tous les disques sont extrêmement soignés sous une pochette, qu’il valle 2 euros ou 2000 euros. Donc, ils ont un respect du passé comme ça. En Italie, tous les disques, pareils, quelque soit le prix, ils sont pourris. Ils ont en rien à foutre. Vous avez cet exemple célèbre en Turquie aussi, mais la Turquie, c’est quand même un pays où il y a dix ans, il n’y avait pas de cinémathèque. Que… Bon voilà… à partir du moment où dans un pays il n’y a pas de cinémathèque, ils ne vont pas garder les disques. Ils ont en rien à foutre ce sont des collectionneurs privés qui ont gardé les archives. Donc voilà, un pays comme la Jamaïque ils ont même pas à bouffer donc ils vont pas ... s’amuser à garder des disques. S : Oui. C : Les archives de Studio One en Jamaïque c’est que des collectionneurs qui en général sont aux Etats-Unis. Les mecs ils… voilà. 6) S : Ce que vous dites, ça rejoint aussi l’idée que le collectionneur a une certaine responsabilité de préserver les disques… C : Oui, oui, je pense. Vous connaissez l’histoire de Lomax aux Etats-Unis…Lomax.. j’ai un trou de mémoire sur son prénom, L.O.M.A.X j’en suis sûr c’est un monsieur qui est allé à sillonner les Etats-Unis avec un Agra et qui a enregistré les gens qui faisaient du blues pour documenter la chanson populaire. On appelait pas ça encore du blues à l’époque fin bon, il a enregistré plein de gens, et c’est grâce à lui qu’on a des documents sur Bessi Smith, sur Robert Johnson, il a récupéré, il est parti comme ça, il amenait son fils, pendant 30, 40 ans enregistrer, comme vous faites, les gens. Voilà, chantez-moi une chanson traditionnelle, chez vous, voilà. Et lui c’est un collectionneur. Pierre Henry a fait pareil, c’est lui qui a collectionné la musique concrète, qui a enregistré à partir des années 50 plein de bruits de la vie et il va s’en servir dans sa musique. Vous allez chez Pierre Henry, c’est une petite maison dans le 2ème et il fait des visites de temps en temps et vous avez des bandes magnétiques. Alors il va s’en servir pour en faire de la musique mais tous les bruits de la nature comme ça. Donc ce sont les collectionneurs qui, qui sauvegardent ça quoi. En même temps il y a des maisons de disques qui conservent très bien leurs archives, Philips, Universal, ils ont tout conservé. Ils ont toutes les bandes, tout est conservé, à température, avec les photos, mais c’est assez rare. Voilà. Non mais après voilà. On peut supposer que l’art ça se conserve et c’est à eux de les conserver quand même. Mais Sony quand ils déménagent ils mettent tout à la benne. C’est un exemple. Sony avait déménagé, un enième déménagement y’a 10 ans. Ils

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étaient derrière l’Etoile, ils sont partis à Clichy, ils ont amené tous les artistes dont ils s’occupaient là et puis y’avait des archives photos et ils ont tout mis la benne. S : D’accord. C : Non mais ce n’est que de la musique, ils s’en foutent. Y’a plein de choses perdues, qu’on retrouvera, hein, soit c’est perdu pour toujours, soit des gens l’ont pris et puis voilà. 7) S : Que pensez-vous du lien entre la collection et la demande qui existe autour de certains artistes comme les Beatles ? C : Oui, après vous prenez certains artistes comme Johnny, Elvis, parce que plein de gens, parce qu’il y a eu un impact social, beaucoup de gens sont en demande et sont prêts à acheter n’importe quoi, ça c’est normal, ça c’est pas que sur les chanteurs. Y’a aucun…C’est normal… Y’a aucun problème. C’est l’impact des mecs quoi, les Beatles, c’est le premier groupe, c’est pas le premier groupe historiquement, c’est ça qui est intéressant, parce que les Chaussette Noires ont joués avant, et les Beach Boys aussi. Donc c’est amusant aussi, on dit toujours le premier groupe, mais quand on regarde les dates et tout ça, le premier groupe ce sont les Chaussettes Noires, ils sont là en 60. Les Beatles ils enregistrent ‘Love Me Do’ en 62 mais les Beach Boys font déjà leur premier single quelques semaines ou quelques mois avant. C’est pas le premier groupe, c’est amusant, bon voilà. Mais voilà l’impact des Beatles est indéniable, et voilà…C’est universel. Vous avez quoi, les Beatles, Elvis, Bob Marley, et puis Michael Jackson en vrai. Plus personne en pourra avoir ça aujourd’hui, plus personne. Plus personne aura cet impact aujourd’hui c’est pas possible. Y’a pas un mec qui peut venir et dire… et prétendre qu’il a cet impact, quoi. S : C’est un effet boule de neige aussi ? C : Non, ce sont les premiers, ce sont les défricheurs. Les mecs ils ont tout inventé. Je vois pas ce que vous pouvez faire d’autres après ça, j’ai aucun doute. S : Oui ? C : Y’aura jamais un mec comme Elvis, et y’aura jamais un mec du tiers-monde qui viendra comme Marley.Voilà S : Donc cette demande… C : C’est de l’Histoire, c’est de l’Histoire, tous ces mecs sont forcément au-dessus du panier et collectionné, après … tout ce qui est collectionné c’est des grands groupes. C’est Led Zeppelin, c’est, regardez dans les allées… Rolling Stones, machin. Puis après il y a ce que je vous disais, les diggers, c’est des gens qui aiment la musique plus que les grands noms quoi. Voilà donc qui vont cherchez des trucs à côté. 8) S : Pensez-vous que le temps fait aussi son effet sur le disque de collection ? C : Ben non. Le Record day est une antinomie à ce que venez de dire. Non, parce le Record day, c’est vous pressez des disques en une toute petite quantité, comme pour Mylène Farmer, et quand y’en a plus, y’en a plus. Si vous allez sur ebay, je suis sûr que le disque de Sonic Youth, ou Nirvana qui atteint 100 à 150 exemplaires pour la France il est déjà sur ebay là. C’est pas le temps là. (…) Il y’a du Johnny Hallyday réédité. Non mais c’est collectionné car c’est en petit tirage c’est tout.

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S : Quand on voit aujourd’hui des disques en édition limitée à la Fnac… C : C’est du business S :… et ils seront pas reconnu comme des collectors ? C : Ah si, si si. À partir du moment où c’est un disque en tout petit tirage… S : Ils le seront alors… C : Oui, à partir du fait qu’il soit en petit tirage et qu’il y a plus de trois personnes qui le veulent… ben voilà. Ce qui n’est pas collectionné, c’est le truc de la chanson française dont tout le monde s’en fout. Non mais voilà, voilà. 9) S : Et par exemple, une édition dite limitée et qui est finalement sur un échantillon assez grand, dans ce cas là ? C : ça marche pas ça. Ça marche pas édition limitée et tirage grand, non. On va prendre des exemples. Quand Florent Pagny fait une édition limitée pour noël, on s’en fout parce que le public de Florent Pagny ne collectionne pas Florent Pagny, donc c’est une totale fausse idée de la maison de disque. C’est une mauvaise, une fausse bonne idée. Donc même si c’est tiré à 2000 ou 5000 exemplaires, un collector de Florent Pagny reste un truc dont on se fout. Pareil sur Superbus, il y eu une boîte de bonbons fait pour noël à 2000 ou 3000 exemplaires, vous faites n’importe quel Fnac ou n’importe quel magasin, il (…) parce que tout le monde s’en fout.Voilà. S : Oui. C : Vous faites un collector d’un groupe un petit peu collectionné… Justice… (P Bunger) Catherine Ringer, Sonic Youth, un truc où il y a un public, en général c’est souvent et en plus il y a une qualité, bon, eh ben immédiatement c’est un collector. On va essayer de l’avoir, on va essayer de se battre pour l’avoir. Mais le prix au début il est vendu en commerce, je sais pas 10 euros un 45 tours tant qu’y en a on vend, et pusi après il vaut beaucoup plus cher. Les Whites Stripes, un groupe qui a très peu d’histoire, qui a une dizaine d’années, les deux premiers 45 tours des Whites Stripes valent plusieurs milliers d’euros de dollars et c’est quand même énorme. S : C’est un bon exemple. C : C’est un bon exemple, il y a des trucs récents qui valent une fortune. Les premiers 45 tours des Whites Stripes, c’était Jack White qui faisait la peinture des pochettes et c’était, y’en a qui ont été vendu sur ebay cet été à 18 ou 20 000 dollars. Et ça a donné l’idée à Jack White, en plus Jack White fait son industrie de 45 tours, il a son building bon. Il fait une sorte d’abonnement, vous payez…J’ai plusieurs copains qui y sont, pour un ou deux 45 tours tous les mois. Et il fait des émiss… il en tire, mettons un 45 tours à 500 ou 1000 je ne sais pas…il va en tiré 10 % en couleur mais disséminés comme ça au hasard. Ah ben ça instantanément, le mec, ouai j’ai celui-là… ça c’est des trucs 2/3 jours après vous les retrouvez sur ebay, ou sur d’autres sites, sur CD/LP, des trucs comme ça, et ça vaut beaucoup plus cher, alors que lui il l’a vendu au même prix. C’est un groupe d’aujourd’hui qui est monté en flèche, qui n’est pas surfait, contrairement à Mylène Farmer où c’est tellement inintéressant que voilà. Bon, après

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y’a un public et y’a des gens qui ont mis 1000 euros sur un objet de Mylène Farmer, tant pis pour eux. 10) S : C’est un système d’enchère en quelque sorte… et ce prix que met le collectionneur… finalement il peut conventionner la valeur du disque… ? C : Je sais pas, je sais pas, on avait vu ça chez Sheila, il y avait eu une folie Sheila dans les années 90, les gens mettaient des sommes incroyables, alors c’était en francs, 500, ou 1000 francs sur les disques de Sheila. Aujourd’hui ça vaut plus rien. Et ça vaut plus rien du tout, personne n’en veut, on donne. S : Et ça ne reviendra pas ou ça pourra revenir ? C : Même si elle meurt, je ne vois pas ce qui peut enthousiasmer chez Sheila. S : Vous dîtes là quelque chose qui m’interpelle, « si elle meurt », est-ce que la mort d’un artiste peut… C : Ben bizarrement, pas vraiment, j’ai pas d’exemple où la mort du mec a fait du jour au lendemain des méga collectors. Ça c’est pas vrai. Vous avez des mecs qui sont morts depuis longtemps, les John Lennon, machin, alors évidement, mais ça vaut pas plus cher en 78 qu’en 82, quand John Lennon est mort. Quand Gainsbourg est mort, c’est devenu un peu plus cher avec le temps mais y’avait déjà des disques qui valaient très chers dans les années 80. Des disques qu’on voyait pas, qui étaient très chers. Donc la mort n’a pas été un facteur qui a fait que…ça valait plus cher. Euh. Les Cramps et les Ramones, pour reprendre des groupes des années 70’80’, ils sont morts entre temps, Lux Imperior, Joey des Ramones, les disques valaient déjà très chers et étaient déjà très durs à trouver. Bon ils sont morts, ils valent un peu plus chers aujourd’hui, mais plus avec la patine du temps je dirais qu’avec le fait qu’ils soient morts, voilà. J’ai pas d’exemples de mecs morts, où c’est devenu mega chers du jour au lendemain d’un coup. 11) S : Et le concept des anniversaires, comme éléments de commémoration rentre dans ce cas de figure… C : Oui, ça fait vivre le business, c’est l’occasion d’en parler, y’en aura de plus en plus. Parce que c’était l’année dernière Jimi Hendrix, cet année c’est Gainsbourg… c’est Jim Morisson, c’est Bob Marley dans quelques jours…voilà vous en avez de plus en plus, c’est l’occasion d’éditer des choses qui n’ont pas été rééditées, qui ont pas été éditées, ou qui ont été oubliées. De rendre disponible, un… mais là aussi c’est amusant parce que Gilbert Bécot, on s’en fout un peu aujourd’hui, un Brassens continuera d’avoir une vie. Vous avez pas de … vraiment de règles comme ça. Euh, les Cramps, je sais pas si ça représente encore beaucoup, Yann Jodisson, alors qu’y a 10 ans, ça représentait beaucoup. Vous avez des héri… voilà un bon exemple, c’est Janis Joplin, tout le monde s’en fout, tout le monde s’en fout alors… quand vous la comparer à un Jimi Hendrix ou à un Jim Morisson, au final ça se discute l’impact que … bon ok, Jimi Hendrix, jouait mieux de la guitare… Janis Joplin a fait plein d’autres choses pour l’émancipation de la femme. Janis Joplin j’ai jamais lu aucun papier dans la presse, tout le monde s’en fout. Moi à VSD je propose un papier sur Janis Joplin, ça n’intéresse pas. Jimi Hendrix ça intéresse. Ça peut revenir, peut-être un jour, s’il y’a un film incroyable etc… Mais

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ça a pas été bien entretenu comme… Il faut que ce soit entretenu… Tous les anniversaires comme ça, Gainsbourg, y’a eu un film, 50 bouquins… Pour Jimi Hendrix on ne cesse de rééditer ses disques, de … faire la sœur elle peut parler…la sœur elle l’a vu trois fois dans sa vie quoi. À un moment je l’ai interviewé, elle est là, « oui, oui je peux vous raconter » mais voilà, il faut l’entretenir je crois. Je pense que c’est ça qui ravive la flamme. Faut l’entretenir… S : Et vous qui êtes du bon côté pour en parler, il faut l’entretenir, mais d’après vous qui l’entretien ? C : Ce sont les fans qui l’entretiennent, et les professionnels. Les fans ils ont besoin qu’on leur donne à manger. Gainsbourg on peut dire ce qu’on veut de l’intégrale il y avait quand même deux trois morceaux qu’on n’avait pas entendus donc, oui il faut que la maison de disque rende disponible. (Interruption d’un acheteur qui vient montrer un disque) A : c’est celui-là… C- : Oui, oui mais je voyais. A : Il est joli celui-là C : Très joli A : Eh bien sûr il est tout rayé, et en plus je l’ai pris tout rayé) C : Voilà vous avez le parfait exemple de ce que ça peut faire comme dommages d’être un vieux garçon qui ne fait que ça. S : D’accord C : Il collectionne des disques depuis toujours, il ne fait que ça, et voilà S : Y’a ce côté très obsessionnel C : Ben ce côté je ne sais pas s’il parle à quelqu’un d’autre dans sa journée qu’à nous qu’il croise 5 fois dans l’année quoi. Je suis pas sûr. S : Vu comme ça c’est un peu dramatique. C : Il est venu trois fois nous dire qu’il avait acheté le nouveau Françoise Hardy, on lui dit oui oui, puis il nous fait la petite danse, c’est le parfait exemple du… bon ben voilà c’est aussi ça les collectionneurs. C’est quand même assez triste. (…) Johnny Hallyday pour qu’ils ach… vous en voyez beaucoup à la télé, regardez sur youtube y’a une séquence entre un collectionneur de Johnny Hallyday qui est complètement idiot, et un mec qui s’appelle Yves De Baker qui est spécialiste de Johnny Hallyday qui est dans la dernière rangée. S : D’accord. C : Et lui, il a compris que c’était un business. Et l’autre va le voir, et ils sont en train de se montrer les disques et Yves De Baker ne montre rien il est un peu au dessus, et vous avez une scène comme ça de 5, 10 minutes où un fan lui achète une affiche, et lui dit 500 euros, et il sourcille pas, on sait que c’est pratiquement son salaire mensuel, et ça c’est super touchant quoi. On est là dedans quand même. (Interruption) On est tous en train de se dire on est collectionneur on n’est pas collectionneur c’est quoi la définition. On n’est jamais d’accord.

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(…) Dans ce concept des diggers on est beaucoup à être très déçus par ce qu’il y a sur Itunes. C'est-à-dire la musique qu’on écoute… Fin bon, non mais sur Itunes, ou peu importe la Fnac… la musique qu’on a envie d’écouter c’est pas celle qu’on nous propose, donc on va la chercher ailleurs, c’est ça aussi. Vous avez un site qui s’appelle Dust and Groove, où ils interviewent des collectionneurs c’est super intéressant. S : Ça c’est un bon lien pour mes recherches. C : Dust and Groove, je suis sûr que c’est ça. C’est super intéressant parce que les gens passent leurs journées à chercher des sons qu’on a plus… voilà c’est aussi la recherche d’un son qu’on a pas à la radio. Moi j’écoute pas la radio quoi. J’ai des milliers de disques à la maison mais je n’écoute pas la radio, France Info pour voir qui est mort qui est vivant, mais jamais, je peux pas regarder une émission musicale aussi voilà, on peut pas. On peut penser que c’est aussi politique, c’est-à-dire qu’on refuse ce qu’on va nous imposer donc on va faire notre programmation. S : Oui c’est ça… C : ça c’est évident, voilà. 12) S : Et pour revenir un petit peu sur le sujet du disque de collection et du patrimoine, beaucoup… C : Y’a pas d’endroit en France où les disques sont gardés. Normalement il devrait être envoyé à la bibliothèque S : C’est ça… C : Mais les autoproductions ne les ont jamais envoyés à la bibliothèque parce que la Bibliothèque ça a un rapport avec la Sacem. Le meilleur exemple c’est les Berurier Noirs qui avaient sortis des disques… Vous voyez ce que c’est les Berurier Noirs… ? S : Oui, oui. C : Donc en fait eux… ont refusé d’être à la Sacem. Pourquoi payez des gens qui ne leur serviraient à rien si ce n’est leur voler de l’argent. Et ils étaient leurs propres éditeurs, ils avaient pas … Leurs disques n’ont jamais été envoyés à la discothèque nationale… jamais été envoyés aux journalistes ni aux radios. Il y a cette anecdote où NRJ à l’époque voulait diffuser l’Empereur Tomato Ketchup, et les Beruriers Noirs ont dit « Vous allez l’acheter, vous le diffusez si vous voulez, on s’en fout » voilà, bon. Donc ça veut dire dans trente ans si on regarde à la Bibliothèque Nationale et qu’on regarde à la lettre, Berurier Noirs, il n’y aura rien. Est-ce que le groupe aura existé ou pas. Et beaucoup d’autoproductions comme ça, on est trop… c’est trop…petit… c’est trop… anecdotique entre guillemets pour rentrer dans les grands trucs de l’Etat. Mais c’est ça qui est le plus intéressant finalement. Vous avez plein de groupes de labels indépendants en France DLMF, JBP, des trucs sixties, vous avez Skydog, vous en avez plein, ils ont jamais envoyés de disques, ils s’en foutent quoi, parce que c’est aussi le truc on est pas là pour rentrer dans un système quoi. Euh… on peut penser aujourd’hui en parallèle, la production Universal, heureusement qu’il n’y a pas que ça... Heureusement qu’il y a Pias et plein d’autres labels etc… voilà. C’est la même logique hein.

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13) S : Ce qu’on se disait avec Jean-William (un autre organisateur) c’est que les collectionneurs peuvent être des références pour certaines expositions, ou musées, pour faire profiter de leur expertise, et apporter la transmission des histoires. C : Vous en avez peu des gens qui vont vous raconter des histoires. Y’a peu de collectionneurs qui vont essayer de chercher un peu plus, l’histoire du producteur ... du… Vous en avez très peu… S : D’accord C : très… très peu… Jean William… mais on est 4 ou 5 à savoir le nom du guitariste, et à s’en intéresser. Les mecs ils s’en foutent, ils savent même pas le nom du guitariste de Johnny Hallyday quoi. Non, non, ça vous en avez très peu. Vous avez Robert Queen, qui était le guitariste de Lou Reed qui connaissait tous les noms de tous les guitaristes, de toutes les prod, c’est des anecdotes parce que tout le monde l’a raconté à l’époque Lou Reed, Richard Hell. Ptin Robert, il nous disait toujours qui jouait sur les disques. Et c’est le mec, rasé, qui jouait avec tout le monde à l’époque. C’est un des rares mecs qui disait « Mais oui, tu vois bien, t’entends bien la basse… ». Ça vous en avait deux sur 50 000 des gens qui s’intéressent à tout ça. Vous n’en avez pas, très très peu. Mais ça ces collectionneurs qui vont fouiller c’est le concept des diggers « ah oui c’est une production… » qui ont remarqué des noms quoi. Massira, Jean Colenolovizc sont deux bons exemples en France, on ne savait pas qui c’était et voilà. Voilà, mais vous en avez très très peu vraiment. Les collectionneurs ils aiment bien que leurs disques soient dans un argus « ah c’est 200 euros, je l’ai acheté 140, ah c’est une affaire voilà », « ça ressemble à quoi ? -Ah mais je vais pas l’écouter c’est trop cher ». Y’en a quand même beaucoup comme ça. 14) S : Les collectionneurs n’écoutent pas leurs disques selon vous ? C : Non, non, non. S : ça c’est aussi quelque chose d’intéressant … Et les disques aux musées… C : Il faut que vous alliez interviewer Fulvio, c’est un italien, qui s’est intéressait à la musique, qui a tout collectionné, qui a l’une des plus belles collections en vente qu’on verra jamais. C’est intéressant parce qu’il est pas français, savoir pourquoi il a commencé etc… Et lui il connait tout ses disques. Il connait jusqu’aux bouts des doigts, mais ça vous en avez trois dans le salon quoi, qui savent, qui savent à quoi, à quoi ça ressemble, qu’est-ce que c’est, d’où ça vient. Lui, Gilles Pétard c’est le plus gros archiviste, le monsieur là, belge, le plus gros archiviste de musique Soul au monde. C’est lui qui a été consultant pour l’expo Cartier rock’n’ roll, c’est le plus grand archiviste, il connait tout, il sait tout. Il a l’air normal, il a 150 000 disques chez lui, il a une femme et tout ça. Et c’est des rares, voilà. Mais voilà, il a fait ça, il a organisé des tournées Stax, à la fin des années 60’, mais c’est un grand malade. S : Oui… C : Vous en avez un au monde qui sait, qui collectionne tous les disques, qui sait qui joue etc quoi, vous en avez très très peu. 15) S : Par rapport à votre expérience de collectionneur, est-ce que vous vous demandez ce que vous allez pouvoir faire de votre collection ensuite » ?

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C : Oui, j’ai une petite fille qui dit qu’elle va continuer. Bon ça fait plaisir même si on sait que c’est pas forcément vrai, mais elle est très respectueuse depuis qu’elle est toute petite. « Ah les disques à papa faut faire attention» quand y’a des copines. Je peux lui prêter un disque de temps en temps, elle a fait un exposé sur les Beatles, elle a 9 ans, elle a amené le CD en classe, et elle m’a raconté qu’elle avait enguelé une copine parce que la petite copine avait mis les doigts sur le disque. Bon au-delà de l’anecdote c’est très…je pense qu’on a plutôt envie de… je sais pas… il faut que ce soit… on envie de partager des trucs entre nous… quand je dis entre nous les collectionneurs…on est quand même plusieurs mecs à avoir fait les compiles, qui a participé, on va se faire écouter des disques entre nous, voilà, mais nous entre collectionneurs, fan d’untel… y’a pas de rapport d’argent, on va s’échanger les disques, on va, si on en a deux on s’en fout quoi. On est pas exposants, on est pas dans le commerce, on a un métier à côté, on gagne notre vie, c’est différent. Moi j’en revends pas des disques, j’ai pas besoin de vendre des disques pour bouffer, donc c’est différent. Voilà, si c’est un disque en double et qu’un copain le veut en échange, je vais pas dire ah ben non ça, ça vaut 50 euros, le tien il vaut 30. On est pas du tout dans ce rapport là quoi. On est plutôt là pour se faire écouter des trucs entre nous quoi. «Ah t’as écouté, oh c’est vachement bien, pourquoi pas». On est quand même là dedans, voilà. 16) S : Dernière question par rapport à l’intérêt pour le vinyle aujourd’hui, qu’en dites-vous ? C : C’est beaucoup plus sexy, le vinyle. Quand vous avez un CD dans les mains, c’est un bout de plastique, par le boîtier, c’est pas beau, c’est pas sexy. Alors Ok c’est pratique, vous êtes en voiture, vous mettez un CD, on est d’accord sur le côté pratique mais… je pense que c’est pas que ça quoi… C’est aussi… ah le vinyle, y’a une belle photo, y’a une pochette, y’a un objet, vous l’avez dans les mains. Vous savez le rapport à l’objet vous l’avez par le physique, c’est un peu presque sensuel, le fait d’avoir quelque chose dans les deux mains, bon. Puis le boîtier il tombe, il se casse euh… bon.. Mais si vous êtes amateur de musique vous passez au CD pour l’écouter forcément, y’a des disques, les Pets Sounds des Beach Boys, à la lecture CD, y’a une trompette qu’on avait jamais entendu etc. Ils ont quand même, quand ils l’ont remixé on a redécouvert des disques ça y’a aucun doute. Parce qu’on avait un champ plus riche quoi. Le spectre sonore, c’est … on a moins de grave et moins d’aigus, on a quand même plus de définition dans les instruments secondaires. Donc avec une bonne chaîne vous entendez plus distinctement certains instruments. On l’a vu sur les Beatles aussi quand ça été réédité, même si stéréo-mono, ça c’est un autre débat. Donc si vous mixez avec le CD vous avez plus de richesse, amis le travail n’avait pas été fait au début donc bon. Et le vinyle c’est l’objet, on est beaucoup à préférer le vinyle, même si on est obligé d’avoir les deux formats quoi. 17) S : Et par rapport aux jeunes générations, est-ce que vous voyez une… C : Les jeunes générations, la personne de Gilbert vous le dira mieux que moi mais les gamins de 15-20 ans achètent … euh… quand ils achètent un disque en vinyle, ils l’achètent pour deux raisons. Ils ont l’impression d’acheter un vrai disque, ça on vous le dira souvent. Ils vont

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acheter un classique ou deux ça va être Led Zep, Bob Marley ou Nirvana pour le mettre au mur. Vous mettez un CD au mur c’est pas très beau, vous mettez un vinyle c’est quand même plus sexy. Mais on a quand perdu l’habitude d’aller chez le disquaire. Aux Etats-Unis y’a plus de disquaires, à New-York, vous n’avez plus de disquaires, vous en avez deux pour New- York. Il y a 20 ans, vous en aviez euh… vous pouviez pas les faire tous quoi. Donc on a perdu cette habitude donc c’est très difficile de revenir. Voilà mais le disque se pérennise la Fnac Montparnasse c’est la Fnac de mon enfance euh… J’y suis allé cette semaine, j’y étais pas allé depuis 10 ans, vous avez une grande pièce plein de vinyle. Par exemple pareil au Virgin Mega Store. Moi j’y suis pas allé, mais c’est une sorte de caverne d’Ali Baba pour nous, c’est des beaux objets. Toujours cette idée de marketing derrière mais si vous êtes normalement constitué vous craquez, vous achetez un disque ou deux. C’est comme un gamin dans un magasin de bonbon, voilà, ils peuvent pas s’empêcher, ils résistent pas. Et il y a pas de raison. Et ça c’était impressionnant de voir tous ces vinyles. À la Fnac Forum ils ont mis en facing tous les 45 tours de Gainsbourg, des trucs y’a 15- 20 ans on voyait pas quoi. Et là ils ont tous été réédité vous voyez, c’est une sensation quand même étonnante. S : Tant mieux alors… C : Ah oui, tant mieux, bien sûr tant mieux. C’est une instrumentalisation qui est au bénéfice. On parle d’une chose c’est quand même bénéfique. Je préfère ça plutôt qu’on refourgue un enième Enfoirés quoi. S : Je suis d’accord avec vous. C : ça m’intéresse pas quoi. Donc je préfère qu’on réédite un disque. Puis tous les albums d’aujourd’hui sortent en vinyle. Le Bertignac est en vinyle, le Aubert est en vinyle, le Johnny est en vinyle, le Kills est en vinyle, des noms comme ça qui me viennent. Timber Timber je l’ai acheté en vinyle, tous sortent en vinyle donc. 18) S : Y’a un dernier point le fait par exemple que le CD est de moins en moins fiable par rapport au prix par exemple. C : Moi je les paie pas les CD donc je pourrais pas vous dire. Je les paie pas. S : Vous pouvez le voir ne serait-ce qu’avec les prix verts à la Fnac qui du jour au lendemain.. C : ça oui ça a foutu le waille c’est encore un autre truc. Oui , oui c’est évident , au début je me rappelle sur un PJ Harvey , ils avaient sorti l’album et les gens se précipitent pour acheter l’album de PJ Harvey… ils l’ont ressorti un mois après, le même nouvel album avec un live. Les gens c’est pire que tout là, les fans l’ont acheté la première semaine, les quinze premiers jours on leur repropose d’acheter le même disque avec un live en plus. Ça c’est se foutre de la gueule des gens. Le Michel Sardou il y a une dizaine d’année c’est sorti pendant les fêtes de Noël, ils avaient sorti le SACD, uniquement jusqu’au 24 décembre, et après Noël personne n’était équipé en SACD, pour le vendre 10euros de plus. C’est-à-dire que le business c’est foutu de la gueule du consommateur et ça y’a pas pire. C’est l’un des facteurs qui ont fait que les gens maintenant ils préfèrent le télécharger quoi. Ils ont raison, ils ont raison, y’a aucun problème sur ça. C'est-à-dire qu’on s’est tellement foutu de la gueule du consommateur pendant des années, y’a aucun problème, c’est normal.

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S : C’est le retour de bâton. C : Oui, oui c’est se foutre de la gueule des consommateurs pendant des années surtout en France, surtout en France. Vous avez des pays qui ont toujours été très respectueux. Le Japon est vraiment un exemple incroyable, l’Allemagne, l’Angleterre ont toujours fait attention. Mais la France, à un moment, à Virgin y’avait des CD qui avaient un sorte de norme pour pas le lire, pour pas le copier, y’avait une sorte de norme copyright, un petit triangle derrière. Vous pouviez pas le lire dans un lecteur de voiture. On achetait un disque on pouvait le lire que dans une chaîne de salon qui était encore un peu haut de gamme. C’est pire que tout là, c'est-à-dire que le mec il peut pas prendre son disque pour aller… alors là … c’est se foutre de la gueule des gens ouai… Et ça ça a été fait pendant très très longtemps. Aucun doute. Donc oui c’est normal que les gens le gravent ça…Et vous parlez à des gens de maisons de disques Emmanuel Deburtel, il … Emmanuel Deburtel c’est Because. S : D’accord. C : Lui il dit qu’il attaquerait jamais un pauvre gamin qu’ya pas de thunes qui va télécharger un disque chez lui, il va jamais faire ça. Il trouve ça incroyable les licences globales, les serveurs de téléphonie mobile qui propose de la musique. Il dit que c’est pas leur métier, c’est pas ces gens là qu’il faut attaquer, c’est pas le gamin qui a pas de thunes …. Même le gamin ou n’importe qui. Ça y’a plein de gens qui vous le dise. S : C’est plus facile de faire autrement. C : Oui, oui. Pascal Nègre a peut-être pas le même discours. Lui, c’est pas de piratage. Mais les gens un peu plus intelligent font la dissociation quoi. 19) S : Je vais faire un lien un peu maladroit, mais en parlant du piratage, on peut penser aux bootlegs. Vous essayez d’en avoir ? C : On en a tous, quand vous êtes fan d’un groupe forcément. On en tous eu, on en a toujours eu. On en a tous fait, tous enregistré, et tous fait des copies. Moi j’ai enregistré Nirvana quand ils ont joué au premier concert en France au Farheineit ? Je l’ai mis sur CD, je l’ai filé à plein de copains. Patti Smith quand elle a joué dans une toute petite salle qui s’appelle Le Local du Nord, on était 30, c’était une sorte de conférence de presse concert, j’ai enregistré et je l’ai filé à plein de copains. Ah oui. Bien sûr, forcément. S : Vous savez comment ça circule ensuite, si y’en a qui ont été mis sur youtube ensuite ou autres ? C : Je m’en fous, là c’est un cadeau à un copain, un cadeau rare, qu’il le mette ensuite sur youtube ensuite, je m’en fous moi, mais forcément on a tous fait ça. Quand vous êtes fan d’un groupe, vous pouvez penser qu’il y en a pas assez dans le commerce, donc ça forcément. Les Gainsbourg toutes les archives télé et tout ça qui sont sorties dans le dernier coffret quand il fait Parce que d’Aznavour une émission télé, pendant très longtemps c’était que les collectionneurs, fin, collectionneurs, qui se l’avait mis sur CD, échangé entre nous et tout. Le Sex Machine, Gainsbourg qui fait Sex Machine de l’émission Les Enfants du rock. Les Enfants du rock c’était une émission du samedi soir où y’avait plusieurs sous-émission dans l’émission, y’en a une c’était Sex Machine, où plein de groupe faisaient la chanson Sex

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Machine. Et chantait avec La Horde, c’est le groupe de Gogol. Sex Machine, il l’avait pas chez Sony là… y’a 2-3 ans… 2-3 mois parce qu’ils font une compil sur cette émission, c’est Olivier Cachin qui fait ça, et c’est moi qui ai passé la copie de Sex Machine pour faire son texte, il l’avait pas, Sony le retrouvait plus. Donc oui forcément on est ok pour faire circuler, ça y’a aucun problème. S : Oui parce qu’on peut sous-entendre que ça peut aussi être des pièces rares dans ce sens. C : Ah oui, c’était unique. Les archives, on va pas mourir avec, les garder, on essaie de se les échanger ou de se les faire écouter… entre gens biens et pas avec des gens qui vont faire commerce avec, c’est pas notre but. Nous, on fait pas d’argent avec, on n’est pas là pour. Quand j’ai passé le Farheineit de Nirvana à un mec qui était fan, il m’a filé deux, trois autres concerts que j’avais jamais entendus, j’étais super content voilà quoi. Voilà on a fait de mal à personne, on a acheté tous les disques. S : C’était pas question de vol... C : Ben, y’a eu un discours comme ça « ah ouai les mec qui font du pirate.. euh… » faut pas comprendre pirates et contrefaçons. Les disques de Mylène Farmer ont été contrefaits ou de Patricia Kaas ont été contrefaits en Russie, c’est du vrai vol. Mais à partir du moment où vous éditez des live, Frank Zappa avait pris tous les albums pirates, ben il a dû vous le dire le fan de Zappa, y’a eu plein de pirates parce que c’était un mec à chaque concert, il faisait quelque chose de différent, ça durait des heures, y’a des plein de mecs qui ont enregistré, plein de pirates qui sont sortis, et Frank Zappa avait pris les pirates, regardait s’il les avait dans ses archives ou pas, s’il les avait dans ses archives, il les ressortait et sinon il prenait l’album pirate et les sortait lui-même. C’est quand même une sorte d’hommage quoi. La bande de Gainsbourg de 63, il n’existait pas de disques live de Serge Gainsbourg avant le Palace, et la bande de 63, Phillips, Universal Phillips, a trouvé un fan et collectionneur, qui enregistrait tous les concerts, qui était fan de Barbara, mais qui avait enregistré Gainsbourg et c’est grâce à ce collectionneur qu’ils ont eu la bande audio d’un concert et qu’ils ont pu la sortir, voilà, le mec l’avait fait circuler à trois copains. Johnny Hallyday, la bande de Johnny Hallyday de 59, enregistré sur un Agra avant qu’il signe chez Vogue, c’est Mathieu qui l’a trouvé, qui avait lu dans un bouquin que Johnny avait fait une séance avec le mec, et y’en avait un qui avait un magnéto. Et lui il avait acheté la bande de l’époque, ce mec là, et il faisait circuler à deux, trois copains et Universal l’a acheté 30 ans après pour le mettre dans l’intégral. S : D’accord. C : Donc c’est quand même les collectionneurs qui ont eu de l’intérêt pour la chose à un moment et grâce à eux c’est pas mort, c’est pas perdu. Y’en aucun doute là-dessus. Des mecs comme Gilles Pétard sur la soul il a … heureusement qu’il a des mecs comme ça parce que la mémoire de la musique noire. La fondation Cartier va voir ce mec là. C’est-à-dire voilà, c’est plus simple d’aller voir ce mec là plutôt que les maisons de disques qui n’existent plus. Stax n’existe plus, euh bon voilà, forcément quoi. Mais faut pas se prendre au sérieux non plus, faut pas se prendre au sérieux, je veux dire tant mieux si on a des choses qu’on peut prêter

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tout ça, mais on va pas se prendre au sérieux en disant qu’on est un musée à nous seuls. Mais Henri Langlois, c’est un mec qui a filé toutes ses archives à la cinémathèque française, il faisait les puces … c’est le même principe. Y’a des gens qui ont gardé des archives et c’est les seuls à les avoir par définition quoi, mais faut garder, faut garder du recul… C’est pas non plus… voilà… S : On peut dire qu’il y a des percées et des liens avec les institutionnels … C : Ah oui toutes les rééditions, se font avec les collectionneurs quasiment. Toutes les rééditions aujourd’hui … je suis allé travailler sur la réédition de Dutronc que je connaissais parce que j’avais fait un bouquin sur lui…le mec qui fait les textes de Johnny là, c’est les collectionneurs de Johnny qui s’en occupent. Ah ben, oui bien sûr forcément. Même si la maison de disque a gardé plein de choses ils n’ont pas le recul extérieur pour savoir comment ça s’est passé. Y’avait des rééditions de Jaquenot y’a très peu de temps chez Sony, ils avaient tous les disques sauf celui-là. J’ai filé mon disque et voilà on s’échange forcément. Que ça serve à quelque chose. S : Oui. Merci beaucoup pour cet entretien.

Entretien E-B4 Charly Fontaine, 65 ans, collectionneur de vinyles Ville d’originaire : Var Durée : 19 minutes Circonstance : J’entends le collectionneur dire qu’il revend ses disques de collections. Son stand contient de nombreux artistes rock. Sania: Bonjour, je me présente, je suis étudiante et je travaille sur mémoire à propos des disques de collection et du lien qu’il peut y avoir avec le patrimoine. J’ai entendu que vous revendiez votre collection, je peux vous questionner sur votre expérience ? Charly : Allons-y 1) S : Ma première question est simple : est-ce que vous collectionnez toujours les disques ? C : Moi je ne collectionne plus, c’est fini S : Pourquoi ? Parce quand on collectionne, on ne collectionne pas la musique, ça on a dû vous le dire. Dans ce milieu on collectionne un objet. Et quand vous finissez un jour, par finalement avoir tous les objets que vous voulez, que vous désirez depuis si longtemps, vous les range et qu’est-ce qu’on voit finalement sur l’étagère on ne voit que la tranche du disque, au bout d’un certain temps vous posez la question tout ce pognon qu’il y a là dedans. Qu’est-ce que ça fait là ? C’est vrai hein.. S : Oui d’accord C : Et de ce fait j’ai dit, allez ça sert à rien du tout y’en a marre. S : Et on revend tout ? C : Ah ouai… mais il m’a fallu du temps quand même. (Interruption discussion marchande)

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Oui donc voila j’ai revendu toute ma collection il y a déjà plus de dix ans. S : Oui, ça été facile ? Ça a pris du temps ? C : Non vu que je connaissais beaucoup de gens ça a été très vite. Très rapide. 2) S : Et vous collectionniez quoi ? Moi à l’époque je collectionnais Elvis ! S : Pourquoi Elvis ? C : Ouai pourquoi ? Je vais vous raconter juste un petit truc…Quand j’avais 14 13-14 ans, mes parents refusaient que j’ai un tourne disque. S : D’accord. C : Pourquoi ? Parce qu’ils connaissaient mes goûts musicaux et ils savaient très bien que j’allais écouter de la musique de fou S : D’accord C : Donc pas de tourne disque. Et un jour je suis passé devant une librairie à Argenteuil et à cette époque il n’y avait pas spécialement de disquaires, ni de libraires, c’était le marchand de journaux qui en fin de compte faisait, vendait de tout. Il vendait des disques et il avait un 45 tours, un petit 45 tours d’Elvis et on en avait tellement entendu parlé en colonie de vacances… J’avais jamais entendu parce qu’à l’époque à la radio… S : ça ne passait pas… C : Non ça ne passait pas. J’étais tellement fasciné rien que par la pochette… Je n’avais pas de tourne-disque je répète et j’ai acheté le disque. Donc j’avais un disque d’Elvis, je l’avais planqué dans la cave et j’allais le regarder de temps en temps, sans l’avoir entendu et un jour en le cachant bien je suis quand même allé l’écouter chez un copain et j’étais déçu. Parce que je m’attendais pas à... faut avouer que ce 45 tours est un peu spécial aussi, il n’est pas très représentatif d’Elvis mais voilà et après ça a continué. Pendant 20 ans j’ai collectionné. 3) S : Comment avez –vous commencé à collectionner, au départ comment avez- vous fait votre réseau ? C : Au milieu des années 70 sont nés les premiers magasins spécialisés sur Paris en disques usagés, ni plus ni moins que ce que l’on trouve ici. Et à partir de là, j’en ai acheté un, deux, trois… Et puis la passion m’a prise et je crois que je suis collectionneur dans l’âme parce que depuis gosse je collectionnais les bouts de verre. S : Ah… C : Ensuite c’était les capsules de bouteilles de bières. Et donc je me suis prise au jeu tout seul. Jusqu’à devenir pour l’époque d’après ce que disent les gens, il semblerait que j’étais le plus grand collectionneur d’Elvis en France. S : Ah oui. Cela représentait combien de pièces ? Des milliers… Je ne pourrais pas dire exactement. En plus j’avais la chance attention je travaillais beaucoup mais je gagnais bien ma vie. Donc je pouvais craquer plus facilement que les autres. S : Et c’était quel genre de pièce que vous collectionniez ? C’était tout, ou vous aviez des critères ?

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Non, moi c’était tout… S : Tout ce que vous voyez… Et que je n’avais pas. S : Et c’était qu’Elvis, exclusivement ? C : Non. Non c’est qu’en plus je ne m’arrêtais pas qu’à Elvis. Lui c’était vraiment le principal, c’était vraiment, tout le truc était basé sur lui, je voulais réussir à avoir, à tout, toutes les références devaient se suivre. En divers pressage, c’est-à-dire l’original, la réédition, la ré- éédition, la ré-ééédition… Il me fallait tout. Par contre pour les autres artistes, Beatles, Rolling Stones, etc non, il me fallait l’original, c’est tout. Je m’arrêtais là. S : Et c’était donc des artistes que vous appréciez ? C : Ah oui, évidemment, si vous demandez du Brel, Brassens, ou une pochette avec une voiture dessus, c’est parce que le gars il aime les voitures et les autres c’est parce qu’ils admirent les artistes. Et oui on ne collectionne pas quelqu’un qu’on n’aime pas. S : Oui, mais je veux dire vous pouvez par exemple aimer exclusivement le rock’n’roll et collectionner la chanson. C : Oui. Oui mais pas moi. Moi Ferré, surtout en premier, Léo Férré, Brel, Brassens. Ces gens là je les écoute avec un grand plaisir. 4) S : Vous écoutez donc vos disques de collection ? Je les écoute avec un grand plaisir. C’est géant. Pas sur le plan musical. J’aime pas. Mais ce sont des poètes, de la poésie. C’est géant, mais ça s’arrête là. Je vais pas dépenser pour, comment dire, avoir le premier pressage, ou le deuxième, non non non, là ça m’intéresse pas. S : Et vos autres disques, tous vos disques même ceux d’Elvis vous les écoutiez ? Au moins une fois. Au moins une fois. Après ils étaient rangés, c’est ce que je vous disais. Après vous avez ça des années là et …. S : Vous pouviez les écouter autrement par exemple ? C : Oui, autrement parce que n’importe comment j’avais différentes éditions, donc ce que j’écoutais le plus c’était l’édition qui valait le moins cher. Je n’allais pas risquer de l’abîmer. Par contre maintenant c’est bien parce qu’il y’a les CD ; S : Oui… C : Alors le CD on le met dans la voiture, voilà. S : Et oui ça, ça ne pouvait pas se faire C : Et non. 5) S : Donc votre collection est tous formats vinyles, des CD et des K7 ? C : Non, K7 non. Je n’ai jamais été branché K7. Ben, les CD ça existaient pas c’est simple. Mais sinon oui, 33 tours, 45 tours, 78 tours. Au fait, notez qu’il existe aussi des 16 tours. S : Des 16 tours ? Je n’en n’ai jamais vu. C : Oui, il y en a très peu, moi j’en ai un ou deux ici. C’est très rare, ça n’a pas marché, c’est un format qui n’a pas marché. Pourquoi ? Parce que le 16 tours en gros va correspondre à un CD d’aujourd’hui de compilations, c’est-à-dire vous pouvez avoir 30 titres dessus. Sur un 16

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titres on pouvait mettre une ribambelle de titres, bon ça n’a pas marché, pourquoi, parce que c’est les compagnies de disques je suppose qui se sont rendu compte que c’était un peu débile de lancer sur le marché un tel produit, à je ne sais pas, à 20 francs, alors que s’ils sortaient deux 33 tours à 20 francs, ça fait 20 et 20, 40. 6) S : (rires) c’est plus rentable. Et aujourd’hui est-ce que vous achetez des disques ? C : Ah oui bien sûr. S : Et donc là ce n’est pas forcément dans le cadre d’une collection ? C : Eh non parce que là c’est pour mon plaisir. Là, je… c’est mon plaisir, voilà. Ça me change la vie de venir vendre… si je vends c’est bien, si je ne vends pas, je pleure un peu mais ce n’est pas dramatique. S : Et toujours du Elvis ? C : Ah non, au contraire du Elvis j’en ai très peu. Non mais je vais vous dire pourquoi, parce qu’il y a une raison. C’est que la génération Elvis, elle a entre 60 et 80 ans. Il y a les ¾ qui sont morts déjà. Quant aux autres à l’âge qu’ils ont, ça les intéresse plus. Et donc résultats sur le plan mercantile, Elvis ça ne se vend pas, ou très peu, ou mal. Par contre ce qui marche beaucoup, beaucoup, beaucoup ce sont les Beatles. S : Les fameux donc… quoi sont le fil conducteur de ma recherche. Avez-vous des exemples ? C : Sur les Beatles, je les ai vus. Au palais des sports en 1965, mais j’ai aimé tout de suite. Ils ont sorti leur premier disque et Ahhhh… S : une frénésie… C : Ah oui c’était de la folie. De la folie. S : Et à cette époque là, les Beatles se vendaient bien aussi ? C : Ouai. Enormément. 7) S : On dit que les tirages français des Beatles sont plutôt recherchés, est-ce vrai ? C : Pfouuuuu S : Pas tant ? C : Y’en a tellement. C’est vrai qu’ils ont été recherchés à une époque où les étrangers ne les avaient pas encore vus… Maintenant les français voyagent, moi aussi, je voyage, je vais en Hollande, je vais en Italie, je vais en Espagne, et ça y’est, ils ont tout. Les pressages français, surtout les 45 tours, on en a sorti par centaines, par milliers, si ce n’est pas par millions. Donc on en trouve partout, il y en a partout, ben les étrangers ils ont tout maintenant ça y’est. 8) S : Est-ce que ça a un lien avec la pochette ? C : Ah ouai, évidemment. Oui bien sûr, pourquoi ? parce qu’en Angleterre les pochettes photo ça n’existaient pas, c’était des pochettes ce qu’on appelle Compagny sleeve, des pochettes ordinaires avec la marque Parlophone dessus et c’est tout. En France, on sortait les disques avec les pochettes photo, waouh. Non mais y’a pas que la France attention, l’Italie aussi, pochette photo, l’Espagne aussi, pochette photo. Je dirais presque toute l’Europe sortait des disques avec pochette photo.

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S : Est-ce que c’était pour ceux au final qui ne pouvaient pas forcément voir les artistes sur scène ? C : Ouai voilà, aussi. 9) S : Que collectionnez vous des Beatles comme disque ? C : Un peu de tout, je ne pourrais pas vous dire exactement. S : Vous connaissez beaucoup d’autres collectionneurs des Beatles ? C : Oui beaucoup S : Savez-vous ce qu’ils collectionnent ? C : Ah ben là, c’est là même, on recommence, vous reprenez tout ce que je vous ai dit et c’est bon, c’est le même principe de fonctionnement. Alors y’a des gens à petit budget, qui vont se limiter, par exemple ils vont collectionner uniquement les 45 tours français, et pas autres choses… (Interruption discussion « Oh mon ami, Roya Orbison comment tu vas ?...) C : Lui il s’identifie complètement, complètement au personnage… S : Il fait revivre le personnage… C : Oui 10) S : On peut dire qu’il y a une certaine nostalgie dans la collection ? C : Non, non… Fin pour certains oui, je le sais, mais pour moi non, pas du tout. Moi pas du tout. C’est juste un plaisir c’est tout, bon, c’est la musique de quand j’avais 20 ans, bon, point à la ligne, voilà. Ah non mais c’est pas du regret, y’a pas de nostalgie là dedans. 11) S : Pensez-vous que la période des années 60-70 est une période des plus collectionnées ? Oui, on est d’accord. Vous pouvez le dire ça. Les années 80 se collectionnent aussi beaucoup. Mais…. c’est très complexe là, là il faut vraiment être né dans la période. (Interruption et fin de l’entretien)

Entretien E-B5 Jacky Chalard, 64 ans, musicien, producteur et collectionneur de vinyle rock Ville d’origine : Paris Durée : 26 minutes Circonstance : Un collectionneur me conseille de rencontrer Jacky Chalard, ancien musicien de l’artiste Michel Polnareff car il est l’un des collectionneurs bien connus des conventions de disques. Sania : Bonjour, je suis étudiante en Master Médiation de la Culture et du Patrimoine à Avignon, et je travaille sur les disques de collections et l’héritage du rock. Votre expérience de collectionneur m’intéresse, voulez-vous répondre à mes questions ? Jacky : Dis-moi tout. 1) S : Comment la collection vous est venu ? J : Je suis musicien, avant que ce soit la mode, à chaque fois qu’on était en tournée parce que quand j’ai commencé j’avais l’âge de 13 ans, à faire des tournées, à jouer et tout, à chaque

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fois que j’étais à l’étranger, entre les concerts, j’avais pris l’habitude avant même que ce ne soit la mode de la collection d’aller chez les disquaires et d’acheter les pressages de rock’n’roll locaux. C’est-à-dire j’allais en Espagne, j’achetais des disques d’Elvis Presley espagnols parce que les pochettes étaient différentes des françaises. Donc si tu veux pour passer le temps j’allais chiner comme on dit, c’était même pas chiné parce que les disques étaient en vente, en vente…. Au prix normal tu vois. Alors quand j’étais au Japon avec Polnareff par exemple, c’était avant la mode des collectors et tout, j’ai acheté beaucoup de Beatles et de Rolling Stones japonais, parce que pochettes photo différentes que les françaises. C’est comme ça que j’ai collectionné. Et puis après il y a eu l’époque de la collection … S : A quelle date ? J : La mode de la collection, vraiment ça a commencé en 79. S : Avec quoi, quelque chose de spécifique ? J : Je vais te dire, c’est moi qui ai crée en France, le premier salon du disque de collection, avec la revue JukeBox Magazine, qui est là, ça s’est passé à l’ancienne gare de la Bastille à Paris, à côté de la Fnac Bastille, à l’endroit même. Et donc ils ont cassé, 6 mois après, ils ont cassé l’endroit, mais j’ai encore l’affiche chez moi, avec un dessin de Marjerin, qui a illustré l’affiche et ça été là qu’on a fait avec Juke Box Magazine, le premier salon de collection. Donc c’est comme ça qu’on a monté le premier salon, puis après on a été à l’ancienne gare de la Bastille, euh, d’Austerlitz, non à l’espace Austerlitz qui était juste en bord de Seine, et puis moi ensuite je suis sorti de l’organisation, y’a une dizaine d’années, et à titre symbolique, je suis là pour mon label. Donc si tu veux, bon ben j’ai plusieurs activités, je produis des groupes de rock, des chanteurs, ça c’est mon catalogue que j’ai crée en 80 avec l’aide d’Eddy Mitchell qui est un ami à moi. Donc j’ai produit des groupes anglais, français, dans le style rock’n’roll, blues, country, et voilà je viens ici pour, maintenant je ne collectionne plus, mais plus pour promouvoir le site internet de vente que j’ai et tout… 2) S : Vous en collectionnez plus ? Et pourquoi ? J : D’abord parce que la collectionite, c’est un peu comme la drogue, c’est une drogue, sauf qu’au lieu d’acheter de la drogue, t’achètes du vinyle. Mais moi j’été accro à ça. C’est une forme d’accoutumance de drogue, de drogue, on peut dire presque dure, même si… parce que ça devenait de la conn… fin je regrettais pas mais après dans l’extrême de la collection, ça peut devenir du fétichisme, tu peux acheter dix fois le même disque, avec on va dire dix fois la même pochette. Tiens, je vais te donner un exemple précis. Ce disque là par exemple, c’est un disque de 1959, c’est un disque de Little Toni qui était un chanteur italien de rock’n’roll. Ça c’est l’original italien, pressage Italie. Voilà le pressage qui est sorti un an après, au Brésil. C’est exactement la même pochette sauf que tu vois c’est pas vraiment pareil, et surtout le label intérieur c’est un label brésilien, bleu, alors que celui là normalement il doit être ou noir ou rouge si je ne me trompe pas. Voilà. Tu vois. Ce qui veut dire que les morceaux c’est exactement les mêmes, tout, dans l’ordre c‘est les mêmes enregistrements. Donc à un moment c’est même plus de la musique, ça devient du fétichisme.

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(Interruption de Charly : « Méfiez-vous de ce qu’il dit… ») Donc c’est presque à un moment du fétichisme parce que t’as ce disque là avec la pochette, tu l’as dix fois avec le pressage allemand, tchèque, machin, sauf que c’est marqué en tchèque. Mais résultats des courses c’est la même chose, je veux dire, et ça va plus, c’est quand .. Le problème c’est quand tu vas loin dans la collectionnite comme ça, tu cherches plus l’objet que ce qu’il y a à l’intérieur, parce que tu l’as déjà au niveau son, ce qui fait que, quand tu achètes le truc, tu le mets sur la pile, tu l’as, tu l’as mais tu ne l’écoutes jamais. Et tu sais que tu l’as donc t’es sécurisé, quand t’es comme ça, tu sais que tu l’as. Ce qui fait que tous le Johnny Hallyday, tel album, je l’ai dans tous les pays d’Europe, ou du monde, selon le thème que tu t’ai donné. Mais ça ne veut pas dire que tu l’as écouté. À la limite tu l’as en vinyle mais tu ne l’écoutes qu’en CD, parce que c’est plus facile de l’écouter. On ne pourra pas abîmer le vinyle c’est ça aussi. Y’en a qui savent même pas… (Interruption téléphonique)

3) S : Vous me parliez aussi de la mode du vinyle dans les années 70… Et plus précisément 79 … Pourquoi cette date clef ? J : Parce que c’est là où il y a eu une espèce de revival des années 60. Revival ça veut dire une nostalgie, une mode qui revient et tout. Et c’est vrai que les années 60 ça été le grand boum, vous n’étiez pas née mais… ça a été la découverte de toute une génération des tourne-disques, des disques. Y’avait pas une chaîne de télé, y’avait une chaîne de télé et encore. Tout le monde n’avait pas la télé, tout le monde était, je veux dire il y avait une communication, diverse, mais pas comme internet aujourd’hui. Une vraie communication où les gens se parlaient et tout. Y’avait des endroits où les jeunes à Paris, et même en Province se retrouvaient pour écouter de la musique et faire de la musique. Y’avait la découverte de la musique américaine parce qu’un truc qui sortait aux Etats-Unis il sortait en Europe un an après. Ça paraît fou, aujourd’hui un disque qui sort aux Etats-Unis, deux heures après il est dans le monde entier, avant ça prenait deux, trois ans de connaître un truc. 4) S : Vous avez indiqué que vous aviez lancé le premier salon de collection. Pouvez- vous nous expliquer de quelle impression partait cette démarche ? J : Y’avait une demande. Y’a eu une mode qui s’est faite avec les fringues par exemple, qui sont revenus, les groupes comme les Formond qui sont revenus, Pow Wow, les Aligators, tous ces trucs là. Voilà donc c’est revenus et y’avait, et y’a eu l’idée de monter ce label quoi. S : Vous qui avez vus l’évolution de ces salons de disques, est-ce que vous avez noté des moments avec un intérêt moindre ou supérieur ? J : Alors y’a eu une montée en… comment je vais te dire, y’a eu de la surenchère de pognon, c’était plus de la musique. Et pour moi pour qu’une musique ne meurt pas, ou un style musical ne meurt pas il faut qu’il soit accessible à tous les niveaux, à toutes les bourses, à toutes les générations. Si après ça devient plus que la chapelle de gens qui ont du pognon parce que c’est leur époque, parce qu’ils sont plus vieux, ce n’est pas ça pour moi, la musique c’est pas ça. Donc c’est pour ça un peu… et moi j’ai pris à contre-courant en faisant mon

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label, et en rééditant ce que j’ai réédité, c’était de faire du collector, mais pas cher. Tu vois les trucs que j’ai sorti en CD, j’ai fait des belles pochettes et tout, j’ai fait des prix exprès pour que ce soit à 15 euros, machin, pas cher et tout, pour que les mômes qui n’ont pas d’argent puisse avoir l’équivalent d’un original, mais au niveau musique la même chose, mais la présentation soignée mais pas avec un truc qui vaut 300 ou 400 euros parce qu’ils ont pas les sous pour faire ça. 5) S : Vous utilisez avec moi le terme collector, pourtant il n’est pas marqué dessus, pourquoi ? J : Celui-là c’est pas un collector, en CD y’a très peu de collector. Y’a des tirages ce qu’on appelle des tirages limités mais pas collector, parce que collector ça veut dire surtout…. (Interruption) En CD y’a pas vraiment de collector, parce que le CD n’a pas assez de vécu, et je dirai que c’est plus en terme de séries limitées. Mais collector c’est vraiment les trucs qui ont été fait… Alors le terme collector pour le vinyle c’est petite quantité de pressage, à l’époque. C’est que t’as des disques, comme celui-ci, un disque des Beatles, tiens je vais te le montrer. Ça c’est… pour bien que tu comprennes le principe du collector… ça c’est le disque des Beatles français, sorti en 62-63 je ne m’en rappelle plus, y’a pas la date derrière, non. Voilà, premier disque des Beatles sorti en France en 45 tours, c’est celui-là, il est sorti comme ça. Entre temps, deux ans après, donc les Beatles n’étaient jamais venus en France, on entend parler des Beatles en France, ça sort en France sous le label Odéon, français, avec cette pochette là. Entre temps, les Beatles, deux ans après viennent à Paris. Pour la première fois, donc ils restent à Paris, en première partie, ils jouaient à l’Olympia, ils restent pendant 15 jours, y’avait Sylvie Vartan au programme, les Beatles, et Trini Lopez qui était un chanteur américano-espagnol, euh, mexicain, qui était à la mode, qui avait un grand succès et tout. En fin de compte Trini Lopez est passé en première partie et c’est les Beatles avec le succès qui sont passés en seconde partie. Mais le temps qu’ils restent en France, les maisons de disques des Beatles, françaises, a eu l’idée de faire une série de photo où ils sont habillés en … le batteur il est habillé en flic français de l’époque, l’autre il est habillé en Napoléon, y’en a un autre il a un béret basque, Paul Mc Cartney, il a un béret basque avec un sandwich, et puis George Harrisson, il est habillé avec un… bon, et ils ont décidé de faire un tirage de 5000 copies. De ce disque là mais ils ont changé la pochette, ils ont pas mis cette photo là, ils ont mis une des photos dont je te parle, et ce qu’il s’appelle donc pour faire hommage, ce disque là, alors que l’autre a dû être tiré à 100 ou 200 000 exemplaires. Ce disque là en question qu’est le même disque avec les mêmes titres sauf que c’est pas la même pochette, il a été tiré à 5000 exemplaires, ça c’est un collector, et quand tu en trouves un, j’en ai trouvé un, ça vaut entre allez on va dire 5 à 6000 euros. Parce que ça a été 5000 exemplaires rares et dans le monde entier, les gens cherchent ce truc là. Ce Beatles là, il s’appelle le Sandwich, on l’appelle comme ça parce que Mc Cartney il mangeait un sandwich, c’est le cas de le dire. Donc ça c’est un exemple, et ça y’en a plein. Par exemple les Rolling Stones, le premier 45 tours français des Rolling Stones c’est pas là même photo que le premier 45 tours anglais. Parce que les politiques des maisons de

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disques étaient tout ce qui sortait en pays anglophone c’était toujours la même pochette, que ce soit Nouvelle Zélande, Ecosse, ou Afrique du Sud bidule ou machin. C’était seulement made in Sud Afrique et tout. Par contre les français ils avaient pour le même disque une autre photo, les italiens avaient une autre photo. C’est là que la collection a commencé à prendre des proportions dans chaque pays, parce que chaque pays d’Europe on va dire, se sont aperçu d’une originalité au niveau de leur propre production de produits internationaux. Et donc y’a des gens qui se sont dits ben mince le premier Beatles c’est le même qu’en Italie, qu’en France etc. C’est parti comme ça. 6) S : En ce sens que pensez vous des produits commercialisés comme Deluxe, limités etc peuvent-ils être collector ou pas ? J : Avec le temps mais au jour d’aujourd’hui on ne peut pas dire ça. C’est un tirage hors commerce, limité, tu vois ce que je veux dire, mais ça veut pas dire que c’est un collector, ça deviendra peut-être un collector mais avec le temps.

7) S : Avez-vous remarqué ces dernières années un nouvel intérêt pour le disque vinyle ? J : Oui, la génération des plus jeunes, seulement le problème c’est qu’ils n’ont pas la plupart du temps la bourse pour suivre derrière. Et c’est encore une fois une forme d’injustice, de plus, mais voilà c’est…(…) c’est malheureusement pas ouvert à toutes les bourses, ce n’est pas une forme de démocratisation de l’accès … on peut appeler ça de l’art ou pas. Ce n’est pas mon truc quand c’est comme ça.

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