Georges Clemenceau Et Les Chrétiens
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
1 A Jean Marie MAYEUR qui a conseillé et soutenu cette recherche * A Jacques BARROT pour son chaleureux et affectueux soutien * A Maurice LIGOT pour ses précieux conseils et son amical encouragement *** Georges Clemenceau, Dieu et les religions Anticlérical, certes. Antireligieux, probablement pas A l’heure où beaucoup, notamment dans le personnel politique, redécouvrent et surtout se réclament de Georges Clemenceau (Mouilleron-en-Pareds, Vendée 1841 – Paris 1929), médecin, homme politique, écrivain, directeur de journaux et ami d’artistes, l’étude concernant les rapports entre le Père La Victoire, gloire certes réductrice, avec l’Eternel et les religions n’a été que partiellement abordée. Bien qu’il évoquait à maintes occasions ces questions, Georges Clemenceau reprochait aux religions d’abêtir le peuple : « La chimie de Lavoisier est la même à Pékin qu’à Paris. En revanche, (…) les dogmes divins varient avec les peuples (…). Quel ennui de quitter un Dieu à chaque douane pour en retrouver un autre de l’autre côté de la barrière ! ». C’est dans ces termes qu’ironise CLEMENCEAU dans son ouvrage « La mêlée sociale » 1895, réédité par HONORE CHAMPION EDITEUR 2014). Mais si pour son biographe de référence, Le Professeur Jean Baptiste DUROSELLE disparu en 1988, Clemenceau ne croit ni en Dieu, ni dans la vie éternelle et pour lequel « seule l’action fournit une raison de vivre », il est proposé ici de réapprécier ce postulat au regard de ses réflêxions et méditations, de ses choix et de ses rencontres au cours d’une longue vie de près de 90 ans traversée par la Grande Guerre notamment. I – L’HISTOIRE FAMILIALE DE GEORGES CLEMENCEAU Les ascendants paternels et maternels de Georges Clemenceau sont principalement protestants et si dans la généalogie on relève parfois que certains ancêtres avaient fait quelques temps profession de catholicisme, c’est que la plupart ont dû abjurer le protestantisme sous la contrainte au moment des persécutions qui ont entouré en 1685, la révocation de l’Edit de Nantes. Ceux-ci, comme beaucoup d’autres, se sont soumis « extérieurement » à des mariages et des baptêmes catholiques entre 1685 et le milieu du XVIIIème siècle, mais étaient demeurés secrètement « protestants », étant, souvent, dénoncés comme :« religionnaire opiniâtre », « mal converti », « mauvais catholique ».* Auteur d’une thèse de Doctorat sur « L’abbé Lemire » et de plusieurs ouvrages relatifs à la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, des relations des chrétiens avec l’Etat, et de la Démocratie Chrétienne. Ancien Vice-Président de la C.E.E., ancien Ministre et Membre du Conseil Constitutionnel, décédé le 3 Décembre 2014. Ancien Député Maire de CHOLET, ancien Ministre, et ancien chargé de mission auprès du Général DE GAULLE. Pied de page 2 *Une situation comparable à celles des juifs de la péninsule ibérique (Portugal, Espagne), convertis au catholicisme, qui contînuaient à pratiquer le judaisme en secret que l’on appelle les marannes. Ces familles choisissent d’ailleurs presque toujours leurs alliances dans ce même milieu, souvent même dans leur proche parenté. C’est la raison pour laquelle on retrouve les mêmes ascendants de Georges Clemenceau descendant d’un grand nombre de familles, tel que les Chappeau, Charretier, Coursin, David, Pallardy, Soulard, Suzanet … Georges Clemenceau avait un très grand attachement à sa mère, Sophie Emma Gautreau, « Une sainte » dira-t-il, acharnée sur le bien. Témoin de ce grand attachement maternel : cette dernière volonté d’emporter dans la tombe le coffret donné par celle-ci et précieusement conservé tout au long de sa vie dans les termes suivants : « Dans mon cercueil, je veux qu’on place ma canne…. Et le petit coffret recouvert de peau de chèvre qui se trouve au coin gauche de l’étage supérieur de mon armoire à glace. On y laissera le petit livre* qui y fut déposé par la main de ma chère mère » (Codicille au testament de Clemenceau adressé à M Nicolas Piétri, son éminence grise et son meilleur ami, déposé en l’étude de M° Lanquest, Notaire à Paris). Il s’agissait du « Mariage de Figaro » qui est considéré, par sa dénonciation des privilèges archaïques de la noblesse, comme l’un des signes avant-coureurs de la Révolution française. Sa mère appartenait à une famille de la petite bourgeoisie vendéenne où la religion était beaucoup plus prégnante, nourrie de la forte piété biblique et de la ferveur courageuse des cultes célébrés au désert, que dans celle de la branche paternelle. Pour preuve, son grand-père maternel, François II Gautreau et sa grand-mère, Louise- Henriette- Sophie David ont reçu le baptême protestant et se sont mariés au désert, cette dernière est enterrée dans l’ancien cimetière protestant de Mouilleron-en-Pareds. Les arrières grands-parents maternels de Georges Clemenceau, François Gautreau, né en 1742, baptisé protestant et Marie Anne Noiraud, baptisée catholique se sont mariés, aussi au désert* le 22 Juin 1784, soit à une date antérieure à ‘’l’Edit de tolérance’’ de 1787. (L’étude de cette branche maternelle, par le Pasteur Paul Romane-Musculus, sur plusieurs siècles, confirme des alliances principalement protestantes, (La généalogie des familles CLEMENCEAU –GAUTREAU », archives départementales de la Vendée). L’étude de la généalogie de la branche paternelle de Georges Clemenceau par le Pasteur Paul Romane-Musculus, nous éclaire sur le cheminement des inclinations religieuses de ses aïeuls, et ce depuis plusieurs siècles, passant alternativement du catholicisme au protestantisme en fonction des événements politiques avec une tendance dominante pour la Réforme, mais glissant, pour la branche clemenceau, vers l’athéisme. Nous pouvons rattacher la famille Clemenceau à la philosophie des lumières, c’est-à-dire au courant libéral protestant qui tend à réduire le christianisme à un simple code moral. Pied de page 3 Si, certains des ascendants, de la branche Clemenceau, restent attachés à la foi catholique, d’autres adhèrent au protestantisme en fonction de choix ou d’évènements politiques : l’Edit de Nantes, sa révocation, les dragonnades. Et pour cause, il aut-il rappeller en effet, que lors des répressions religieuses, les protestants étaient jetés sur des fagots en flamme, déchiquetés par des chiens, leurs meubles étaient brulés. Ils avaient pour seul choix : le reniement ou les galères pour les hommes, les couvents pour les femmes et les enfants… Pour autant les 6 enfants du couple Clemenceau-Gautreau ne furent pas baptisés. Lorsque, son père, Benjamin Clemenceau se fianca avec Emma Gautereau, il mit comme condition formelle à leur union que les enfants à venir ne seraient ni baptisés, ni instruits de la moindre pratique religieuse Pour preuve, Emma, l’ainée ne recevra le baptême que le jour de son mariage à l’église réformée de NANTES. C’est ainsi la mère de Georges Clemenceau, Emma, a assuré les premières années de l’éducation scolaire de ses enfants – Sylvie Brodziak préçise même, dans son ouvrage consacré à ce dernier, qu’elle fût ‘’strictement maternelle’’ dans un univers clos où son père était peu présent dans la journée - elle a appris le latin pour le transmettre à ses enfants* : a-t-elle, aussi, transmis discrètement les valeurs religieuses de sa propre éducation protestante ? Georges Wormser, également collaborateur et biographe du grand homme, souligne que l’éducation agnostique de ses enfants était pour Benjamin Clemenceau, d’une importance telle que c’est ainsi que dans les recommandations qu’il envoya à sa femme, de la prison de Nantes où il était incarcéré, lorsqu’il fut arrêté – en vertu de la loi de sureté générale - après l’attentat d’Orsini en 1858, Napoléon III venait d’échapper à Paris à un attentat commis par ce révolutionnaire et patriote italien, insista dans les termes suivants : « Tu sais la promesse que tu m’as faite et jurée sur l’honneur. Je te le rappelle et si tu y manquais, je me sentirais la force de te maudire ». Imbu des doctrines philosophiques antiques et modernes, il considérait le cléricalisme comme le principal obstacle au progrès et au bonheur des hommes (Georges Wormser. Clemenceau vu de près.1961). Il était, en réalité, difficilement concevable que les enfants de Benjamin Clemenceau et de son épouse soient scolarisés dans des établissements catholiques, dominant dans la région. Bien que les réformés aient tenté d’investir dans l’éducation, cependant ils leur étaient malaisés de maintenir des classes avec des effectifs réduits. Ultérieurement, comme les autres écoles confessionnelles, celles-ci seront victimes d’un certain ainticléricalisme qui se manifestera dans le sillage des lois de Jules Ferry. Mais les Clemenceau avaient glissé vers un vague déisme puis vers l’athéisme. Georges Clemenceau est donc né dans cette Vendée, insoumise à l’ordre révolutionnaire, ‘’terre d’affrontements et de luttes atroces et impitoyables’’ comme le rappelle notamment l’historien des « guerres de Vendée » Reynald Sécher : c’est l’insurrection contre la levée en Pied de page 4 masse, la lutte contre la Convention montagnarde, la défense de la religion et de la monarchie avec le courage et la foi. N’oublions pas que les révolutionnaires français, après avoir proclamé la Déclaration des droits de l’homme, ont dérapé quelques années plus tard en instaurant la Terreur et en commettant le premier génocide idéologique moderne. Cependant, le vendéen se sent et se reconnaît pleinement vendéen. Lors d’une promenade avec Clemenceau, le Général Mordacq rapporte dans son ouvrage «Le Ministère Clemenceau », l’anecdote suivante : A Luçon… l’une de ses grands- mères se rappelait très bien avoir vu passer, un Chouan de la région qu’elle avait connu autrefois. « Il avait, se souvenait-elle, pour tout bagage un bâton et un chapelet. Il lui raconta naturellement ses campagnes, les combats auxquels il avait assisté. Et comme sa grand-mère, étonnée, lui demandait où étaient ses armes, il lui montra son bâton et son chapelet ; c’est tout ce qu’il avait.