Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud

La gare de Ouando, Porto-Novo (Bénin)

David BRITES & Célia CORNEIL

1

Remerciements

Nous tenons à remercier vivement toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail. Mr Franck Charlin, chargé d’études à l’Agence d’urbanisme de Lyon, et Mr Roméo Semako Houssou, chargé du Projet de développement urbain à la Direction de Services techniques de la Ville de Porto-Novo, pour leurs conseils et les documents auxquels ils ont pu nous donner accès.

Avertissement

Ce rapport s’inscrit dans le cadre d’un projet intitulé "Gares, lieux de connexions et de vie urbaine dans les pays du Sud" qui a été lancé par Futuribles International et Urbanistes du Monde.

Dans un contexte de population et de mobilité croissantes dans les villes du Sud, les enjeux liés au développement des gares sont multiples : politiques, urbains, économiques, sociaux, symboliques, sanitaires, ou encore sécuritaires. Là se joue sans doute aujourd’hui une part de l’avenir de ces villes. C’est pour mieux comprendre ces enjeux, et les réponses qui y sont apportées, c’est également pour découvrir de nouvelles pratiques éventuellement transposables dans les pays du Nord que ce projet d’étude et d’analyse portant sur 13 gares a été lancé.

Suivre le projet : https://stationtostation2013.wordpress.com/

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ...... 3 Le choix de la gare de Ouando ...... 3 Les services de transport béninois : le boom du secteur informel ...... 4 La gare de Ouando : éléments de diagnostic ...... 6 Aux origines de la gare : ses atouts ...... 6 Les inconvénients et les incommodités de la gare de Ouando ...... 8 Face aux défis d’une gare informelle, quelle réponse des pouvoirs publics ? ...... 9 Les scénarios d’avenir du site de Ouando ...... 10 Scenario 1, au fil de l’eau ...... 10 Scenario 2, le choix du réalisme : la gare routière convertible ...... 11 Scenario 3, Restructurer l’offre de transports ...... 13 Scenario 1, au fil de l’eau ...... 16 Scenario 2, le réalisme : la gare routière convertible ...... 16 Scenario 3, l’idéal: restructurer l’offre de transports ...... 16 L’exemple de Ouando : une gare informelle ...... 17

La gare informelle et ses atouts ...... 18 Comment penser l’avenir d’une gare informelle ? ...... 18 CONCLUSION ...... 20

ANNEXES ...... 22 Annexe 1 : Carte du Bénin ...... 22 Annexe 2 : Carte de Porto-Novo ...... 23 Annexe 3 : Plan du Site de Ouando ...... 24 Annexe 4 : Liste des Gares Routières de Porto-Novo ...... 25 Annexe 5 : Les grands projets urbains de Porto-Novo ...... 27 Annexe 6 ...... 28 BIBLIOGRAPHIE ...... 37

2

INTRODUCTION

La présente étude a pour objectif de poser les bases d’une réflexion prospective sur une gare de Porto- Novo, capitale du Bénin. Sa restitution sera l’occasion de construire une vision transversale et partagée.

La mission s’est déroulée dans un contexte politique particulier. La problématique de l’essence frelatée était l’un des sujets d’actualité phare, le président de la République Thomas Boni Yayi ayant annoncé un ultimatum pour la disparition définitive des stands d’essence frelatée au bord des routes. L’essence frelatée, nommée kpayo1, est une essence coupée avec différents mélanges (huile…), importée illégalement depuis le Nigeria voisin, producteur de pétrole. Cette essence est vendue sur les bords des routes au Bénin à un prix largement inférieur au prix de l’essence à la pompe (565 francs CFA par litre à la pompe et environ 400 FCFA pour l’essence kpayo). Ce trafic pose aujourd'hui de nombreux problèmes : sécuritaire, environnemental, social.

Le séjour au Bénin a duré du 7 au 24 juillet. Quelques jours dans l’arrière-pays et à nous ont préalablement permis de comprendre l’ampleur des carences en termes de transports dans l’ensemble du pays. Du 15 au 24 juillet, le séjour dans la ville de Porto-Novo et ses environs (la gare de Ouando étant fortement interconnectée avec la région de l’Ouémé) nous a permis de nous plonger dans le cœur de notre étude d’observation et d’entretiens.

LE CHOIX DE LA GARE DE OUANDO Nous avons décidé de retenir le site de la gare routière de Ouando dont les caractéristiques nous ont semblé en faire le site d’étude le plus pertinent :

- Modes présents sur le site : Ouando est la seule gare à regrouper l’ensemble des modes de transports en commun existant à Porto-Novo. - Usage et raison de l’existence de la gare routière au vu du tissu urbain : la gare est la conséquence de la présence du marché jouxtant la voie. Le marché draine chaque jour un flux massif de vendeurs et de marchandises en provenance de la région de l’Ouémé, véritable grenier de Porto-Novo. La vivacité du tissu économique et le lien vital entretenu entre la capitale et son arrière-pays font donc de la gare routière de Ouando un axe de transport structurant et prioritaire dans le développement de la ville.

Notre approche initiale visait à étudier le site de la gare sous le prisme de l’intermodalité entre transport formel et informel et notamment l’incorporation des zemidjan (taxi-moto) à l’infrastructure de la gare.

Cependant, cette approche a été démentie en plusieurs points. Tout d’abord, les zemidjans, recensés par la mairie, représentent plus des transports « artisanaux » qu’informels, au même titre que les taxis- voitures, ou les minibus. De plus, l’absence d’infrastructure marquant la gare rend l’intermodalité spontanée et variable selon le flux des véhicules (les véhicules stationnent là où ils le peuvent et non dans un emplacement délimité).

1 Kpayo signifie de « qualité inférieure » en langue goun

3

Photo 1: La municipalité de Porto-Novo fournit un gilet bleu aux zemidjans enregistré et ayant payé leurs taxes, ce qui permet d’identifier les chauffeurs « officiels » des conducteurs de motos particulières

De ce fait, l’informalité du site de la gare routière en elle-même s’est avérée l’axe de réflexion retenu et nous a mené à nous interroger sur différentes notions. Tout d’abord la notion de « gare » en elle-même: en l’absence d’infrastructure, de signalétique, de réserves d’emprise particulières, comment déterminer ce qui fait la gare ? Comment différencier un point d’arrêt d’une gare ? Comment dissocier l’espace public de l’espace public dédié à un usage particulier ?

L’informalité du site de Ouando nous a aussi questionné sur l’évolution possible de la gare routière. En effet, Ouando s’avère capitale à la structure même de la ville mais la capacité des pouvoirs publics à appréhender la transformation du site apparaît aussi contrainte que le tissu urbain dans lequel s’insère la gare.

L’informalité présente aussi des avantages dont le premier s’avère la flexibilité de l’offre. Aussi, quel équiibre peut être trouvé entre flexibilité et régulation, tout en répondant aux attentes et particularités d’usages et d’habitude du terrain béninois ?

LES SERVICES DE TRANSPORT BENINOIS : LE BOOM DU SECTEUR INFORMEL Un bref éclaircissement sur l’état des services de transport béninois nous semble nécessaire, préalablement à l’entrée dans le cœur de l’étude.

Dans les années 1980 et 1990, le fait marquant dans les transports béninois a été la disparition progressive des grandes entreprises structurées de transport collectif, telles les Sociétés des Transports de l’Atacora (TRANS-ATACORA), de l’Atlantique (STA), du Borgou (SOTRAB), du Mono (SOTRAMO), de l’Ouémé (TRANS-Ouémé), et du Zou (SOTRAZ). Leur effacement, auquel s’est ajouté l’abandon du mode ferroviaire dans les années 2000, s’est fait au profit de petites structures informelles, ayant peu à peu occupé l’espace laissé vacant. C’est l’intégralité de la conception des services publics depuis les indépendances, dans les villes africaines, qui est bouleversée. L’initiative privée pour l’organisation des transports publics pallie l’absence d’État régulateur et l’absence de pouvoirs publics.

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. Tout d’abord, un secteur particulièrement atomisé, reposant sur une multitude de micro-entreprises. Dans les grandes villes notamment, Porto-Novo et Cotonou en tête, environ 70% des propriétaires ne possèdent qu’un seul véhicule. Le secteur est par ailleurs dominé par des minibus de petite capacité. A Cotonou par exemple, environ 63% du parc de minibus compte des véhicules de 18 places, et 76% de ce même parc sont des véhicules de 14 à 22 places. Enfin, l’ouverture du marché des véhicules d’occasion (« communément appelée « venues de France ») a entraîné un accroissement de l’âge moyen du parc de transports, tout en facilitant l’acquisition de véhicules par des particuliers.

4

Le boom du secteur informel des transports, par la voie des zemidjans (taxis moto) et des minibus interurbains, constitue depuis plusieurs années un palliatif au chômage. De nombreux Béninois, qui avaient émigré dans des pays voisins et qui ont été contraints de revenir, n’ont trouvé un emploi que dans ce secteur. Il en est de même d’un très grand nombre d’étudiants chômeurs. Mais, à présent, le système tel qu’il fonctionne génère d’importantes externalités négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, de l’insécurité routière, de la pollution atmosphérique, la croissance de la consommation énergétique, etc. En 1990, la consommation de l’essence ordinaire représentait 5% des importations du pétrole à usage énergétique ; en 2004, elle en représente plus de 19%.

5

LA GARE DE OUANDO : ELEMENTS DE DIAGNOSTIC Le site de la gare routière informelle de Ouando, contigu au marché du même nom, s’étale sur environ un kilomètre le long de la route pénétrante de Dowa (entrée Nord de la ville). Première gare routière de Porto-Novo, par sa taille comme par son trafic, elle n’est pourtant pas reconnue officiellement comme telle par la mairie. Ouando est une gare de facto. Cette terminologie est employée par tous pour la désigner, et l’ampleur de l’intermodalité présente sur le site le confirme (que cela soit des lignes en terminus ou en passage) : - minibus en direction de Cotonou - taxis-voitures (ou taxis-brousse) et bâchais en direction/provenance de la région de l’Ouémé (Pobé, Sakété, etc.), mais aussi, plus rarement, de Bohicon - autocars interurbains en direction des villes majeures du pays (Abomey-Calavi, Natitingou, Djougou, Parakou, Malanville) - zemidjans, taxis-motos faisant office de transport urbain et permettant donc un rabattement sur la gare, au vu de l’absence d’offre de transport autre à l’échelle de la ville

Photo 2 : Un transport de marchandises, ou bâchais

Photo 3 : A Ouando comme ailleurs, les différents modes de déplacement interurbains combinent bien souvent transport de personnes et transports de marchandises.

AUX ORIGINES DE LA GARE : SES ATOUTS L’expansion de la gare de Ouando se base sur plusieurs facteurs. Tout d’abord, des besoins considérables que ne permettent de satisfaire ni la gare de Dangbeklounon, ni celle d’Adjarra-Docodji2, les deux gares « formelles » les plus proches de Ouando.

Le positionnement du site de Ouando lui a donc permis de se suppléer aux gares routières du centre ville de Porto-Novo. Situé en entrée de ville, Ouando bénéficie d’une implantation au croisement d’axes structurants que sont la rocade extérieur et la route pénétrante de Dowa (RN3), bitumée il y a un an.

2 Cf. la liste des différentes gares routières de la ville (et explications de leurs usages) en annexe.

6

Aussi, le site est directement relié au centre- ville de la capitale d’un côté, et à la région du plateau de l’Ouémé de l’autre3. De plus, le site profite largement d’espaces fonciers inutilisés au niveau de la chaussée, qui servent de lieu de pose et reprise des voyageurs et de leurs marchandises.

Adjacente au plus grand marché de Porto- Novo, la gare de Ouando a le grand avantage de se trouver dans un lieu d’activités intenses. La présence du marché a formidablement dynamisé la croissance de la gare. Le site constitue en effet un lieu privilégié pour l’approvisionnement quotidien de la ville en produits maraîchers, provenant très majoritairement de la région de l’Ouémé, située dans l’arrière-pays. De nombreux petits commerces longent la route Photo 4 : Un stand d’essence pénétrante de Dowa (RN3), vendant des tissus, des recharges de frelatée en bord de route téléphones portable, des fruits, des services de coiffure ou de couture, ou encore, évidemment, les incontournables bidons d’essence frelatée (kpayo).

Photo 5 : Massivement utilisé par les Béninois, le zemidjan, en complétant les trajets de minibus interurbains, permet une intermodalité originale

La présence d’une Grande Mosquée, au nord de la gare, au-delà de la rocade, d’établissements bancaires (Ecobank et la Western Union, toujours à proximité des grandes gares routières béninoises) accentue l’attractivité du site de Ouando. A l’extrémité nord de la gare, le site jouxte un hôpital. Deux bâtiments servant de dépôts de marchandises, (aujourd’hui exclusivement à usage d’entreprises de cimenterie) à proximité de la rocade, accentue la dimension marchande de la gare routière.

Car c’est bien là l’un des atouts principaux de la gare de Ouando : elle est la seule à Porto-Novo à réunir tous les moyens de transport routier existant dans la région. L’usage massif des zemidjans complète les trajets interurbains effectués en minibus, en taxis-brousse ou encore en autocars, permettant une intermodalité originale. La volatilité des lieux de stationnement permet une grande flexibilité. Les zemidjans n’ont pas un lieu précis où stationner, ils attendent n’importe où des clients potentiels, et pour eux comme pour les autres moyens de transport, les sites de stationnement sont plus ou moins spontanés.

Avec le temps, les habitudes se prennent, et chacun sait approximativement où se trouve l’emplacement des taxis allant à Bohicon et dans la vallée de l’Ouémé (près de la Grande Mosquée), celui des minibus conduisant à Parakou ou à Natitingou (en deçà de la rocade et du marché), ou encore

3 Cf. plan en annexe

7

celui des minibus allant à Cotonou. Mais ils sont tous susceptibles d’être modifiés selon les besoins des chauffeurs et des usagers, et en fonction des possibilités foncières sur l’ensemble de la gare.

A l’exception d’un bureau ATT, la principale compagnie d’autocars interurbains du pays, la gare ne propose aucun point de vente aménagé pour les tickets de transport de personnes. Le paiement se fait directement dans les minibus ou dans les taxis-brousse, souvent après une négociation avec le chauffeur ou le « rabatteur ». Le coût du passage est de 500 francs CFA pour Cotonou, et de respectivement 5.000 et 7.000 francs CFA pour Parakou et pour Natitingou, au nord du pays. Quant au prix de la location des voitures de marchandises (bâchais), il varie de 12.000 à 15.000 francs CFA la journée.

Photo 6: Le bureau de vente de billets de la compagnie de bus interurbain ATT

LES INCONVENIENTS ET LES INCOMMODITES DE LA GARE DE OUANDO L’« anarchie » urbaine présentée par la gare de Ouando génère d’importantes externalités négatives. Elles sont sensiblement les mêmes que celles causées par l’usage massif du zemidjan dans les villes béninoises.

. La hausse du trafic urbain est causée par l’importance de la gare elle-même, mais aussi par celle des deux axes routiers qui la recoupent (route pénétrante de Dowa et grande rocade), qui en font naturellement un lieu de passage privilégié. . L’accroissement des problèmes de sécurité routière, qu’entraîne invariablement le désordre routier qui règne sur le site de la gare et dans les grands axes routiers qui le traversent, trouve également sa source dans l’état déplorable de la voirie. Le pavé est largement plus utilisé que le goudron car il se démonte facilement en cas de travaux de distribution d’eau ou d’électricité, mais il présente le défaut de se dégrader rapidement en saison des pluies. Enfin, la congestion du trafic dans les endroits les plus fréquentés de Ouando accentue les dangers en terme de sécurité routière, situation accentuée par l’importance du nombre de zemidjans. . L’aggravation de la pollution atmosphérique, évidemment causée par la hausse globale du trafic dans le quartier, tient aussi à l’usage quasi-exclusif d’essence frelatée issu de la contrebande. La gare de Ouando compte une seule pompe à essence légale, largement inutilisée.

Les inconvénients du site de Ouando tiennent également à la configuration du site et à son organisation « informelle ». En voulant gérer l’axe routier RN3, tout en niant son rôle de gare, les autorités négligent l’usage actuel du site. Ainsi, les minibus et taxis-brousse stationnent sur des espaces réduits alors que de larges espaces s’avèrent inexploités en face de la Bibliothèque Nationale et des Archives Nationales.

8

A cela s’ajoutent une persistance des carences en termes de signalétique et d’infrastructures : éclairage limité la nuit, absence d’espaces en cas de pluie ou de repos pour les chauffeurs.

FACE AUX DEFIS D’UNE GARE INFORMELLE, QUELLE REPONSE DES POUVOIRS PUBLICS ? Bien qu’étant de loin la plus grande gare de Porto-Novo, les autorités locales et nationales ne reconnaissent pas le lieu comme une gare à part entière. En effet, la croissance du marché a englobé le site originel sur lequel se situait le lieu de prise et de dépose des voyageurs. De ce fait, le site actuel n’est pas reconnu par les autorités, qui ne parviennent pas à trouver de solution face aux flux de véhicules de transport présents, et souhaiteraient ainsi supprimer ces flux à proximité du marché de Ouando. La police fait occasionnellement des opérations visant à expulser les minibus et les taxis- brousse des trottoirs bordant la RN3. Une attitude qui n’obtient aucun résultat pérenne, puisque les chauffeurs et rabatteurs se contentent alors de stationner leurs véhicules quelques rues plus loin, à côté de la Société Nationale des Eaux du Bénin, avant de réoccuper la chaussée adjacente au marché de Ouando, une fois la police partie.

La non-reconnaissance de la gare routière de Ouando se traduit par une absence d’intégration du site aux réflexions publiques d’aménagement. En effet, l’État a en projet de dédoubler la route pénétrante de Dowa, le long de laquelle se situe la gare de Ouando. Une telle initiative pourrait faire disparaître la gare de Ouando, alors que la mairie n’a toujours pas proposé un site alternatif pour accueillir les véhicules et répondre aux besoins des usagers. Surtout, le projet de dédoublement du boulevard est pour l’instant reporté sine die, et, sans moyens conséquents pour le mettre en œuvre à court ou moyen terme, il est possible de prédire à la gare de Ouando encore de belles et longues années.

Les possibilités d’amélioration du site de la gare routière sont aujourd'hui inexploitées, que cela soit par un projet d’envergure que par des initiatives ponctuelles qui pourraient faciliter l’usage de la gare et la sécurité routière (par exemple par la mise en place d’éléments signalétiques, de places de stationnement réservés, etc.). De plus, la notion de multi-modalité appropriée de facto par les Béninois, est un énorme chantier délaissé par les pouvoirs publics.

L’absence de projet public tend à dynamiser l’esprit d’initiative privé, qui se substitue à l’action publique, et propose des solutions des plus variées. Néanmoins, le revers de la médaille est un certain « ras-le-bol » des conducteurs comme de la population face aux politiques publiques, qui leur semblent déconnectées de leurs besoins.

9

LES SCENARIOS D’AVENIR DU SITE DE OUANDO Aujourd'hui Ouando représente un nœud intermodal qui s’est trouvé sa place « de lui-même », de manière spontanée, avec les avantages et les inconvénients d’une situation urbaine non gérée.

Nous avons élaboré trois scenarii d’évolution prospectif :

- Un scenario au fil de l’eau, maintenant les données de la situation actuelle. Le scenario au fil de l’eau, qui risque aujourd’hui de se produire, dévoile toutes les problématiques à venir auxquelles devront faire face les pouvoirs publics. Ce scenario, le plus probable, tend à la poursuite et à l’accentuation des tendances actuellement observables dans la gare. - Un scenario de « la voie médiane ». Le scenario de la voie médiane prend en compte les limites de l’ensemble des acteurs dans la configuration actuelle mais propose des actions simples pouvant mener à des améliorations. Chaque action, aussi minime soit-elle, mène à modifier l’ensemble. Ce scenario réaliste tend à améliorer l’organisation de la gare, les usages qui en sont fait et la sécurité. - Un scenario très ambitieux. Ce scenario exige un véritable portage public du projet englobant de multiples aspects. Ce scenario examine la problématique des transports en commun à Porto-Novo dans son ensemble par une redéfinition des dessertes urbaines et interurbaines. La transformation du site de Ouando en une véritable gare passe ensuite par une requalification du tissu urbain et tout particulièrement du marché, incluant une redéfinition de cet espace commerçant. Un scénario idéal mais utopique.

SCENARIO 1, AU FIL DE L’EAU Ce scenario vise à montrer l’évolution de la gare si aucune modification n’est portée à la situation actuelle. Dans ce scenario, le site de Ouando demeure une gare routière informelle, non reconnue par les pouvoirs publics, sans aucune régulation.

Le marché, dont la croissance du flux de marchandises et la consommation d’espace ont été constantes au cours de ces dernières années, continue sa progression. Les maraîchers, qui empiètent déjà sur le site de la gare routière, occupent peu à peu l’espace réservé à la dépose et à la reprise de voyageurs. Les taxis-brousse et minibus stationnent désormais aux milieux des « bonnes femmes »4. La circulation est de plus en plus contrainte et les abords de Ouando deviennent un goulot d’étranglement du trafic entrant et sortant de la capitale, situation accentuée par le maintien d’espaces vides inutilisés par les forces de l’ordre, en face des Archives nationales et de la Direction de la Bibliothèque nationale.

Les conflits d’usage se multiplient, le foncier s’avérant toujours plus limité. Dépôt de marchandises, reprise de voyageurs, stationnement sporadique de zemidjans, stands d’essence frelatée ou étalages de fruits et légumes, etc. : la bonne entente, voire la complémentarité entre les différentes activités de la gare, laisse place à des situations conflictuelles.

Le trafic de la voie pénétrante de Dowa continue de croître au même titre que l’espace urbain occupé par le marché. L’entrée de Porto-Novo par le Nord est désormais entièrement congestionnée, provoquant des embouteillages sur plusieurs kilomètres. En heures de pointe matin et soir, l’entrée de la ville est saturée.

Photo 7: L’entrée sud de Porto-Novo depuis/vers Cotonou, aujourd’hui 4 Nom communément donné aux marchandes de rue. engorgée du fait d’un accès via un unique pont

10

Photo 8 : Trafic actuel sur la voie pénétrante de Dowa

Au niveau étatique, faute de solutions alternatives viables, le trafic d’essence kpayo perdure et le chômage ne décroît pas. Les motos chinoises restent vendues à bas prix. Autant de facteurs qui maintiennent le nombre élevé de conversions de jeunes Béninois vers l’activité de zemidjan. Conduire un taxi-moto ou vendre de l’essence frelatée reste les seuls palliatifs au chômage, alors que le marché du travail béninois échoue encore à intégrer une génération de diplômés chômeurs.

Porto-Novo, qui pouvait auparavant se vanter d’un cadre de vie préservé en comparaison à Cotonou, souffre désormais des mêmes maux : forte pollution atmosphérique et sonore, croissance de l’accidentologie aux abords des routes, problèmes sanitaires et d’hygiène, pollution des nappes phréatiques et des sols.

SCENARIO 2, LE CHOIX DU REALISME : LA GARE ROUTIERE CONVERTIBLE A ce jour, de multiples scenarii de développement urbain peuvent impacter la gare routière de Ouando. En particulier, le projet de doublement de la voie pénétrante de Dowa mettrait un terme à l’existence de la gare sur le site actuel, et couperait donc le marché d’une desserte immédiate en transport. Les initiatives publiques ne doivent pas se faire en opposition aux besoins des usagers de la gare de Ouando. Un bouleversement trop brusque et trop important des usages de la gare pourrait donc être voué à l’échec. Néanmoins, l’amélioration de l’existant par « à-coups », en concertation avec les usagers de la gare, s’avère une piste réaliste.

La situation actuelle peut ainsi être améliorée en faisant le choix du « convertible », en implantant un ensemble de mobilier urbain signalant la gare routière :

- Une pancarte indique la gare routière de Ouando afin que la connaissance du site puisse être partagée de tous, même du voyageur de passage. - Un totem pour chaque mode de transport avec des pictogrammes dessinés afin de s’adresser facilement à l’ensemble de la population permet de distinguer l’espace des zemidjans de celui des cars, des taxis-brousse, etc. Doté d’un caractère ludique, cette différenciation de l’espace permettrait de distinguer les flux et de sécuriser le site. - Une régulation de l’espace par une présence policière5 afin d’interdire le stationnement de véhicules légers particuliers. Cette régulation de l’espace implique de faire comprendre la notion « d’espace public », un espace où tout le monde est admis mais qui n’est pas à personne, un espace pour les transports de voyageurs mais pas pour les autres modes. - La création d’espaces de repos couverts pour les conducteurs de zemidjans et taxis-brousse, ainsi que pour les « bonnes femmes ». Cet espace pourrait comprendre une radio, un poste TV,

5 Cette présence policière doit aller au-delà de la simple régulation de la circulation au croisement de la rocade et de la RN3, comme cela existe déjà aujourd’hui.

11

des bancs assis-debout, des kiosques à journaux voire des journaux gratuits à disposition, ainsi que des sanitaires publics.

Photo 9 : Dans un marché, marchands et badauds se regroupent spontanément devant un poste de télévision.

Nos observations nous ont montré à plusieurs reprises l’engouement pour les rares postes télévisés se trouvant dans les marchés ainsi que pour la lecture de journaux par les conducteurs de zemidjans. Par ailleurs durant la saison des pluies, les activités de rue souffrent des averses et les vendeurs et chauffeurs se réfugient sous le porche le plus proche, ce qui atteste d’un vrai besoin en termes d’abri, dans une ville qui connaît deux saisons des pluies par an. Enfin, les sanitaires permettent de régler des questions d’hygiène, la rue étant le seul lieu où les personnes ayant des activités extérieures peuvent se soulager. Par ailleurs, cet espace de repos permet de sensibiliser les chauffeurs sur les règles de conduite et de sécurité à respecter.

Photos 10 et 11 : Exemple de l’aire de repos pour Z-man de la gare routière située sur le boulevard de la République à Lomé, Togo

- Un espace d’attente voyageur, comme celui se trouvant en gare de Dangbeklounon (cf. photo 12 ci-contre).

- Un espace réservé à des spectacles : à proximité des espaces de repos pour les chauffeurs et les bonnes femmes et d’attente pour le voyageur, un espace est réservé à des activités de délassement et de divertissement, pour rompre avec la journée continue de travail. Cet espace pourrait inclure une buvette et une petite scène permettant une libre expression des gens du marché, voire une organisation de spectacles. - Un espace de vente de tickets pour les cars long trajet, regroupant l’ensemble des différents transporteurs. - Une amélioration de l’éclairage au sein et aux alentours de la gare routière.

12

SCENARIO 3, RESTRUCTURER L’OFFRE DE TRANSPORTS Ce scenario est de loin le plus ambitieux et propose une vision prospective mettant en exergue les atouts du site de la gare routière de Ouando et envisageant une résorption de ses points problématiques. Dans ce scenario, la transformation de la gare routière de Ouando passe par une restructuration des réseaux des différents modes de transports dans leur ensemble.

Tout d’abord, la gare routière de Ouando bénéficie d’une position en entrée de ville qui lui offre un rôle de gare « relais », où est assurée l’intermodalité entre les différents réseaux.

Concernant le réseau de desserte longue distance, Ouando est la seule gare de départ et terminus de Porto Novo. Cela permet de retirer du flux de circulation les cars, évitant ainsi des problèmes de circulation pour les cars et délestant le transit interne à la ville. Aussi, la gare de Dangbeklounon n’est plus desservie par les liaisons interurbaines6.

Le positionnement de la gare de Ouando en entrée de ville, véritable atout à exploiter, est mis en valeur par la nouvelle organisation des transports à Porto-Novo. La centralisation des départs interurbains longue distance à Ouando nécessite la mise en place d’un réseau de transport urbain permettant le rabattement sur le réseau interurbain.

Un réseau de bus urbain est mis en place7. Il utilise la flotte de minibus et emploie les chauffeurs de ces véhicules : cela permet de ne pas mettre au chômage une partie de la population et d’éviter la persistance d’un mode de transport informel en parallèle au réseau de bus créé. Ce réseau de bus a vocation à permettre une desserte sur les grands axes de la ville de Porto-Novo. Ouando est le terminus de l’une des lignes.

La liaison Porto-Novo-Cotonou, auparavant desservie en bus, est désormais réalisable par le biais du train, impliquant une remise en l’état du chemin de fer entre Porto-Novo et Cotonou. La gare de Porto-Novo Stade est réhabilitée et devient l’équivalent urbain de la gare de Ouando.

Photo 13: La gare ferroviaire désaffectée de Porto-Novo Stade

Entre Porto-Novo et Pobé, en passant par Adjarra, la ligne de chemin de fer est également remise en état de marche, afin de favoriser les déplacements entre Porto-Novo et la région de l’Ouémé. Des wagons de dépôts de marchandises sont prévus pour faciliter l’approvisionnement de Porto-Novo en fruits et légumes venus de son arrière-pays. Dans cette perspective, une liaison efficace entre le marché de Ouando et la gare ferroviaire est mise en place, par la voie de bâchais et de triporteurs, avec un parc de stationnement prévu à Ouando à cet effet. Au vu des usages béninois, envisager la desserte en transport de Porto-Novo sans le zemidjan n’est pas envisageable avant plusieurs années. Les transports en taxis-motos sont donc tolérés et

6 La gare de Dangbeklounon a déjà perdu en partie son rôle de liaison : les cars n’y entrent plus mais préfèrent stationner devant pour des raisons de simplicité, la gare n’est donc pas conçue pour accueillir ces véhicules de transport longue distance. 7 Complètement abandonné dans les années 1980-1990, le bus intraurbain public n’est pas à l’ordre du jour à Porto-Novo. A Cotonou, la compagnie BENAFRIQUE a lancé ces mois plusieurs lignes de bus, en concertation avec la Ville. Si elle souffre encore de problèmes pratiques (écart de temps trop grands entre chaque passage, congestion aux lieux des arrêts de bus, etc.), cette expérience pourrait représenter un premier pas avant la création de nouvelles lignes de bus, à Cotonou ou à Porto-Novo.

13

permettent un rabattement depuis les vons8 jusqu’aux grands axes où se trouvent les stations de bus. Sur le site de Ouando même, un espace leur est réservé, accueillant un abri pour les chauffeurs.

Dans une vision prospective aboutie, la flotte des motos chinoises est remplacée par une flotte de véhicule électrique. Des mesures coercitives (interdiction de circulation aux deux-roues non électriques) et incitatives (reprise de l’ancien véhicule, bonus à l’achat…) sont mises en place pour accompagner ce changement.

L’incitation à l’usage de modes doux devient une priorité municipale. Des vélos sont vendus à prix très avantageux aux citoyens de Porto-Novo. La réussite du retour du vélo9 dans les rues porto-noviennes est facilitée par le relief très peu accidenté de la ville.10

Les taxis-brousse sont toujours présents sur le site de Ouando : désormais équipé d’un compteur, ils assurent une desserte urbaine et interurbaine. Un espace au plus proche du marché Ouando est aménagé afin de permettre à des poids lourds ainsi qu’aux bâchais de stationner et de charger et décharger les marchandises pour approvisionner le marché.

Un réaménagement du site du marché est opéré, afin de permettre une organisation plus efficace de l’espace, notamment par une densification des espaces internes, aujourd'hui souvent sous exploités. Ce resserrement du tissu marchand autour de la structure originelle du marché permet de retrouver l’emprise nécessaire au développement de la gare routière de Ouando.

Photos 14 et 15 : A l’intérieur du marché Ouando, de nombreux espaces sont aujourd'hui laissés vides (à gauche) alors que les « bonnes femmes » s’installent jusque sur les accotements de la route pour vendre leur marchandises

Afin de répondre à la croissance du commerce du marché de Ouando ainsi qu’au développement d’une réelle gare routière, certaines emprises du côté Ouest de la voie pénétrante de Dowa pourraient voir leurs fonctions muter. A titre d’exemple, la Direction de la Bibliothèque nationale pourrait être transférée au centre-ville de Porto-Novo, et le bâtiment actuel reconverti pour accompagner le

8 Von : « voie orientée Nord Sud » désigne les voies secondaires, non bitumées assurant des dessertes fines de proximité. 9 Autrefois massivement utilisé par les Béninois pour leurs déplacements intraurbains, le vélo (taxi-kanna) a été progressivement supplanté par le zemidjan dans les années 1970-1980. 10 Si elle présente parfois des dénivelés, la ville de Porto-Novo ne dépasse jamais une altitude de 60 mètres.

14

développement du site de Ouando.

Photos 16, 17 et 18 : Le site de la Direction de la Bibliothèque nationale bénéficie d’une emprise d’une longueur de plus de 10 mètres devant ses locaux. A l’intérieur de la parcelle, les bâtiments occupent une place minime, une grande partie de l’espace demeurant inusité, voire cultivé (cf. photo ci-dessous à droite)

La réflexion prospective sur la gare routière de Ouando s’inscrit donc dans une logique d’aménagement global du quartier qui nécessite d’inclure à la réflexion les emprises du marché, de la voie pénétrante de Dowa ainsi que les emprises foncières privées et publiques du côté ouest de la voie, aujourd'hui peu investie.

15

SCENARIO 1, AU FIL DE L’EAU SCENARIO 2, LE REALISME : LA GARE SCENARIO 3, L’IDEAL: RESTRUCTURER ROUTIERE CONVERTIBLE L’OFFRE DE TRANSPORTS

Modes de déplacement Les modes de transport restent Les transports existants sont améliorés dans Les transports collectifs sont étendus sensiblement les mêmes : le zemidjan reste la mesure du possible. Les initiatives visent à (infrastructures, fréquences, tarifs…), de quasi-exclusivement utilisé pour les sécuriser les lieux d’arrêts, de dépose et de même que les modes doux (marche, vélo…). déplacements intraurbains, et concurrence reprise de voyageurs ou de marchandises. L’accessibilité régionale est favorisée par la les bus et les taxis-brousse sur les trajets Des lieux précis sont désignés pour les remise en marche des lignes ferroviaires. interurbains de courte distance. bâchais, d’autres pour les taxis-brousse, etc. Usages de l’espace dans le L’accroissement du trafic et du marché Des friches urbaines sont dédiées à la Les espaces publics sont optimisés. Le site de la gare entraîne des conflits d’usage qui ne trouvent créativité et à la sociabilisation. L’espace est marché est strictement distinct de la gare, aucun arbitrage. Les stands de marché et les progressivement mieux organisé et des mais est fortement relié à la gare routière lieux de stationnement, de prise de espaces dédiés se créent très tout comme à la gare ferroviaire rénové. Les voyageurs, ou encore de dépôt de progressivement, en concertation avec les espaces publics jusque-là inutilisés sont tous marchandise, demeurent tous créés dans un usagers de cet espace. Des espaces de repos mis à disposition ou mis à disposition de la certain « désordre » urbain. sont mis en place. nouvelle organisation de la gare. Des espaces dédiés officiels sont créés. Action publique La gare de Ouando demeure une gare La collectivité se concerte avec les citoyens La puissance publique s’engage avec force informelle pour les autorités publiques. A et organise l’amélioration de la gare par à- (investissements, conduite de projets l’exception de taxes (droits d’enregistrement coups. État et municipalité arbitrent le choix d’aménagement urbains, etc.). Des à la mairie, etc.), aucun lien n’est établi avec de financements aux projets d’individus ou partenariats importants se mettent en place les usagers de la gare. de collectifs visant à améliorer les conditions entre acteurs publics et privés, pour la mise d’usage de la gare. en place de lignes de bus à forte fréquence. Rôle du citoyen Le citoyen est à la base des initiatives et de Les citoyens sont incités à s’engager dans les Le citoyen est dans un rôle consultatif l’activité dans la gare. Les rabatteurs et les initiatives publiques et dans la production de marginal et est surtout considéré dans sa chauffeurs adaptent leur offre au foncier certains services. dimension d’usager des services publics. disponible et aux besoins. Impact sur l’emploi Les grandes tendances actuelles se Les impacts directs sur l’emploi sont faibles, Le recrutement des personnes travaillant sur poursuivent : la vente d’essence kpayo et les mais les initiatives permettent d’améliorer la la gare dans la mise en place de lignes de métiers liés aux transports (vendeur de qualité de travail sur le site de la gare. transport formel sécurise l’emploi de tickets, chauffeur, rabatteur) restent des L’assainissement de la voirie et la mise en plusieurs centaines de Béninois et améliore palliatifs au chômage. place de lieux de repos ou de sociabilisation leurs salaires. La remise en œuvre des lignes rendent le travail plus sûr et plus agréable. ferroviaires crée de nouveaux emplois.

16

L’EXEMPLE DE OUANDO : UNE GARE INFORMELLE L’informalité du site de la gare routière s’est avérée l’axe de réflexion majeur. Il a le grand intérêt de nous amener à nous interroger sur la notion même de « gare ». En effet, en l’absence d’infrastructure, de signalétique, de réserves d’emprise particulières officielles, comment déterminer ce qui fait la gare ? Une telle question nous oblige à nous pencher sur des notions aussi diverses que l’« espace public » ou « privé », l’« espace dédié », l’« informel ».

Le secteur informel est officiellement défini comme « un ensemble d’unités produisant des biens et des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division entre le travail et le capital en tant que facteurs de production. Les relations de travail, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les relations de parenté ou les relations personnelles et sociales *…+ » (Bureau International du Travail, 1993). L’économie locale de Porto-Novo repose essentiellement sur le secteur informel.

Cette situation est favorisée par la porosité de la frontière avec le Nigéria, d’où provient l’essence frelatée, indispensable à l’activité des zemidjans. Dans le contexte économique morose que connaît le pays depuis les années 1980, l’activité de chauffeur, en particulier de chauffeur de zemidjan (taxi-moto), est devenue un puissant moyen de réduction du chômage sans cesse croissant. Tout le monde peut faire du zemidjan, il suffit juste de posséder une moto et d’avoir de quoi payer l’essence11. Les stands d’essence frelatée abondent en bord de route, les conducteurs de motos et de voitures peuvent allègrement s’arrêter à la hauteur des bidons et des bouteilles pour faire le plein d’essence ou s’approvisionner. La police fait régulièrement des contrôles visant à éradiquer la vente d’essence frelatée, mais cette lutte est vouée à l’échec, notamment parce qu’un grand nombre de familles vit sur la vente d’essence voire sur le trafic et la contrebande d’essence nigériane.

Photo 19 : Le zemidjan, ou taxi-moto

La visibilité des activités du secteur informel est indéniablement l’un des traits les plus marquants et les plus récurrents des villes africaines. Et, en ce début de XXIème siècle, la gare de Ouando montre qu’il demeure largement d’actualité, alors que les pays africains connaissent depuis deux décennies des changements structurels majeurs : croissance démographique et exode rural, dans un contexte qui ne permet pas à tous de trouver un emploi. Echappant au contrôle et aux taxes fiscales, les activités informelles créent un manque à gagner pour l’État ou la municipalité. A cela, les autorités ont répondu par une reconnaissance des activités liées au transport (chauffeurs, rabatteurs…), sans pour autant reconnaître officiellement le lieu où ces activités sont exercées, comme c’est notamment le cas du site de Ouando dans sa nature de gare. Frais d’enregistrement à la mairie pour les zemidjans, taxe des « droits-taxi », péages routiers, etc., autant d’initiatives qui tendent à « officialiser » les activités de transport, au moins sur le plan fiscal.

11 Les taxis-moto zemijan à Porto-Novo et Cotonou, Noukpo S. A. Agossou. Éditions d’Autre Part, 2004.

17

LA GARE INFORMELLE ET SES ATOUTS La spontanéité des modes de déplacement à Ouando, et de manière générale au Bénin, représente un atout majeur : la flexibilité. En effet, en France, la difficulté du report modal d’un automobiliste vers les transports en commun réside notamment sur la flexibilité complète offerte par la voiture. L’automobile personnelle permet des déplacements porte-à-porte, tandis que les transports en commun nécessitent de se rendre en un point précis (gare, station). Au Bénin, la multiplicité des zemidjans permet de prendre un taxi-moto en bas de chez soi, tandis que taxis-voiture et minibus peuvent être conciliants sur les arrêts à effectuer.

Par ailleurs, si certaines questions semblent inextricables faute de volonté publique, les problématiques usuelles se résolvent majoritairement bon gré mal gré. L’anarchie ambiante est en réalité régulée par les impératifs de chacun dans le partage de la place disponible. L’exercice du secteur informel est une source d’initiatives et de créativité. Elle constitue par ailleurs « un mode d’accès privilégié au marché du travail, et un moyen pour les populations de s’insérer dans la ville »12. La dimension informelle de la gare de Ouando ne l’empêche pas de s’intégrer de manière fonctionnelle au tissu urbain environnant. Au- delà du seul paradigme économique, l’activité informelle est par ailleurs à l’origine de liens de socialisation puissants, d’interactions économiques et sociales.

COMMENT PENSER L’AVENIR D’UNE GARE INFORMELLE ? En dépit de l’importance du site de Ouando, la capacité des pouvoirs publics à appréhender la transformation du site apparaît limitée.

Encourager et réguler l’action privée permettrait à l’action publique de trouver sa place sur un terrain dont elle reste actuellement absente, voire exclue. En effet, si l’initiative publique ne convient pas aux usagers, ces derniers n’hésiteront pas à en dévier le but ou à la contourner13. De même, les pouvoirs publics ne reconnaissent pas la plupart des initiatives particulières et n’y donnent réponse que par la répression (comme par exemple, l’interdiction de stationner à certains endroits pour les minibus). Cette évolution en parallèle de ces deux sphères épuise inutilement les projets de chaque bord, sans qu’aucun ne parvienne réellement à ses fins. Il s’agit donc aujourd'hui d’établir un dialogue afin de construire une solution partagée aux problèmes actuels, sans quoi tout projet futur demeurera voué à l’échec. Dans la perspective d’une initiative associable au deuxième scénario décrit précédemment, une intervention des pouvoirs publics doit donc se faire avec prudence et en concertation avec les usagers de la gare (voyageurs, rabatteurs, chauffeurs…).

Par ailleurs, ce manque de dialogue entre pouvoirs publics et usagers du site de Ouando apparaît comme une perte dans la mesure où le dynamisme et les atouts de l’initiative privée au Bénin ne sont pas employés à leur juste valeur. En effet, dans le domaine des transports, le secteur privé a su pourvoir à une offre de transports entièrement flexible, adaptable aux besoins de chacun. L’action publique devra dans les années à venir, savoir tirer le bénéfice de ce système tout en pourvoyant à des problématiques majeures pour le développement urbain et des transports dans la capitale (insécurité routière, pollution, etc.). Il s’agit de parvenir à coupler la flexibilité actuelle des modes de transport avec une certaine forme de régulation, destinée à atténuer les nuisances diverses et nombreuses vécues et de parvenir à coupler les trois déterminants du choix des voyageurs : le coût du transport ; la sécurité dans et en dehors du transport ; et le trajet à parcourir pour atteindre tel ou tel moyen de transport. La question du

12 Regard sur les activités informelles dans les grandes villes africaines, par sept équipes de jeunes urbanistes africains. A l’initiative des Ateliers de Cergy. Réseau international de maîtrise d’œuvre urbaine. 2012. 13 Comme cela a été le cas sur la gare de Dangbeklounon : l’initiative publique – création d’une gare routière- s’est heurtée aux usages et volontés des conducteurs et clients qui considèrent le lieu impropice à leur activité et déplacement.

18

lien entre initiative privée et publique sera donc au cœur des enjeux urbains et de transport du site de Ouando de demain.

L’informalité d’une gare routière interroge aussi la notion même de « gare » telle que nous l’appréhendons. En tant qu’autorité organisatrice des transports (AOT) d’Ile-de-France, le STIF14 défini les gares routières « comme des infrastructures accueillant des lignes de transport collectif routier dont certaines peuvent être en terminus, implantées hors voirie et constituant des zones d’échanges »15. Au regard de cette définition, seule la caractéristique de l’infrastructure manque à la gare routière de Ouando pour répondre aux différents critères. Dans le même document, le STIF souligne « l’existence et le rôle de la gare routière comme équipement primordial d’intermodalité en tant qu’équipement support des réseaux de transports, espace d’échanges et de services pour les voyageurs ». Au-delà de l’infrastructure, c’est donc la notion de services qui apparaît aujourd’hui absente des gares routières de Porto-Novo, et plus largement du Bénin et de nombre pays d’Afrique. Si l’on ne peut nier qu’elles remplissent entièrement leur rôle de gare (support de réseaux de transports accueillant des lignes de transports collectifs), leur usage demeure opaque et peu visible sur l’espace public. La connaissance du lieu et du fonctionnement des différents modes de transport est un prérequis pour le voyageur. Or, dans un contexte de multiplications des flux, le voyageur type au Bénin n’est plus forcément un habitant de la ville ou même du pays. L’enjeu des gares routières de transport résidera donc à leur conférer une lecture claire et visible dans l’espace urbain, afin que l’usage ne soit pas limité aux « sachants » et qu’un réel développement des transports collectifs puisse s’effectuer.

14 Syndicats des Transports d’Ile-de-France 15 Schéma directeur des gares routières, Cahier de référence, STIF, mai 2009

19

CONCLUSION Notre travail s’est majoritairement axé sur une compréhension in situ des problématiques béninoises, porto-novienne et propre au site de Ouando, faute de documentation disponible. Ce manque d’études portant sur le site de la gare de Ouando est notamment dû à sa nature informelle. Par ailleurs, la commune de Porto-Novo ne possède pas de service dédié au transport et les services techniques demeurent majoritairement occupés à résoudre l’urgence des situations de la ville. Le manque d’interlocuteurs officiels a donc pu manquer au cours de notre recherche mais nous a aussi permis d’évoluer en « terrain vierge » et de s’ancrer entièrement dans un travail prospectif, libre de plan préétabli.

Aujourd’hui et demain, la position de Porto-Novo comme capitale du pays ne peut réellement se dessiner au sein du pays et du Golfe de Guinée qu’au travers d’un réaménagement de son tissu urbain incluant une réflexion sur la desserte en transport de la ville et de ses alentours. En effet, au travers de son réseau de ses gares, cela peut être le visage de la ville dans sa globalité qui est redessiné. Néanmoins, il ne semble pas réaliste au vu du développement de Porto-Novo et de Cotonou, que la capitale tente de concurrencer la mégalopole voisine. A l’inverse, Porto-Novo peut encore tabler sur un cadre de vie préservé, à la différence de Cotonou, avantage qu’il s’agit aujourd'hui de maintenir et de mettre en valeur.

Par ailleurs, le lien fort entretenu entre le plateau de l’Ouémé, dont témoigne l’existence du site de Ouando, pourrait être renforcé et réfléchi de manière cohérente par une réflexion globale sur les transports dans la région.

Il s’agit donc de considérer l’urgence actuelle de la situation qui risque de se dégrader et dont les conséquences seront beaucoup plus difficilement réversibles.

20

21

ANNEXES

ANNEXE 1 : CARTE DU

Source: Division Géographique du Ministère des Affaires Étrangères

22

ANNEXE 2 : CARTE DE PORTO-NOVO

23

ANNEXE 3 : PLAN DU SITE DE OUANDO

24

ANNEXE 4 : LISTE DES GARES ROUTIERES DE PORTO-NOVO Le site de Ouando, contigu au marché du même nom, et s’étalant sur environ un kilomètre le long de la route pénétrante de Dowa (entrée Nord de la ville), est la première gare routière de Porto-Novo, par sa taille comme par son trafic. Elle n’est pourtant pas reconnue officiellement comme telle par la mairie.

Outre la gare de Ouando, la ville de Porto-Novo comporte plusieurs gares en fonctionnement, formelles ou informelles :

- Carrefour Catchi, situé à la croisée du boulevard extérieur et de la route pénétrante de Dowa, position urbaine centrale : desserte en direction de Cotonou par minibus ou taxis-voitures.

- Dangbeklounon, sur la route pénétrante de Dowa, au-delà du boulevard extérieur, excentrée par rapport au centre urbain : desserte en car longue distance vers les villes majeures du pays (Abomey-Calavi, Natitingou, Djougou, Parakou, Malanville), transport de marchandises en « bâchais »16.

La situation actuelle du site de Dangbeklounon est paradoxale : alors qu’elle est la mieux aménagée en termes d’infrastructures – elle

16 Fourgon Peugeot recouvert d’une bâche

25

accueille plusieurs bureaux de syndicats de transport de personnes et de marchandises (UCTDB, UNACODEB, UNACOB, UCTIB), et elle est la seule à proposer un grand abri de 20 mètres sur 10 disposant de bancs –, cette gare connaît une affluence extrêmement faible pour ce qui est des autocars interurbains, et nulle pour ce qui est des minibus, des taxis-brousse et des zemidjans. Située sur la route pénétrante de Dowa, au-delà du boulevard extérieur, est trop excentrée par rapport au centre urbain et aux axes principaux pour intéresser réellement les usagers.

- Carrefour Adjarra-Docodji, situé sur le boulevard extérieur au croisement avec la RN11 en direction de Banigbé, ville frontalière avec le Nigeria, à l’Est de la ville : desserte en direction des villes du département de l’Ouémé (où se trouve Porto-Novo) et même au-delà dans l’intérieur du pays et vers la frontière du Nigeria, en taxis-voitures, et desserte vers Cotonou en minibus. Le tissu urbain alentour est relativement peu dynamique (absence de marché conséquent, éloignement du centre historique de la ville, etc.).

- Carrefour Kokoyé, à la croisée des Ier et du IIIème arrondissement (sud de la ville), sur la RNIE 1 (Route nationale inter-Etats n°1) : desserte en minibus pour Cotonou

- Oganla Gare, au niveau de l’ancienne gare ferroviaire de Porto-Novo, site le plus urbain : bâchais et minibus en direction de Cotonou.

26

ANNEXE 5 : LES GRANDS PROJETS URBAINS DE PORTO-NOVO Plusieurs projets urbains sont prévus à Porto-Novo. Faute de moyens financiers suffisants, ils sont pour l’instant tous reportés sine die.

 Un nouveau pont doit permettre de rejoindre Porto-Novo et ainsi de désengorger le trafic de l’unique pont traversant actuellement la Lagune en direction de Cotonou. L’emplacement de ce second pont n’a pas encore été défini. Trois options sont à l’étude, toutes à l’est de la ville : - Soit pour prolonger le boulevard extérieur ; - Soit pour prolonger la rocade (qui coupe au nord de la ville la gare de Ouando) ; - Soit, troisième option, à proximité du boulevard extérieur.  Un dédoublement du boulevard au niveau de la gare de Ouando, sur la route pénétrante de Dowa, risque d’impacter fortement les usagers des trottoirs adjacents, en entraînant leur expulsion.  La rocade a été bitumée sur 4,5 km de distance en 2010, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, mais le reste de la rocade demeure inachevé.

Des projets plus modestes relevant des transports porto-noviens sont eux-aussi repoussés par faute de moyens.

 La mise en place d’« abris-zem » pour les conducteurs de taxi-moto : cet abri permettrait aux conducteurs de se reposer et écouter la radio, une revue de presse, etc. Ces abris ne seraient pas forcément à proximité des gares. Ils mesureraient 5 mètres sur 4 et disposeraient d’un poste TV ou radio.  La municipalité de Porto-Novo envisage l’expérimentation de quelques lignes de bus. Elle pense expérimenter des lignes de bus scolaires avant de lancer de véritables lignes de bus publics.  La place d’Akonaboè (environ 3 hectares), située à l’extrême-nord de la gare de Ouando (au- delà de la Mosquée), relève du domaine public et a été longtemps délaissé à l’abandon par la mairie. La municipalité a le projet de convertir le lieu en un espace de loisir (projet non défini).

27

ANNEXE 6 ANALYSER LE CONTEXTE DE LA VILLE

INDICATEURS CONCERNES DESCRIPTION THÈMES/VARIABLES (LISTE NON EXHAUSTIVE) RETROSPECTIVE PROSPECTIVE (évolution 10 à 20 ans) Les tendances du passé peuvent-elles se poursuivre ? Si oui, peut-on décrire les perspectives à 10-15 ans ? Quelles sont les évolutions passées et la situation actuelle Existe-t-il des facteurs de rupture (plus ou moins brutales) des ? Quels enjeux? Quelles tendances peut-on identifier ? tendances du passé ? Quelles ruptures ? Comment peut-on les expliquer ? Existe-t-il des signaux faibles, des faits porteurs d’avenir qui permettent d’anticiper ces ruptures ou d’indiquer l’émergence de nouvelles tendances ? Demande en mobilité La ville compte plus de 290.000 habitants (estimations de Les tendances passées se poursuivent. Porto-Novo devrait Densité de population, 2010), sur près de dix millions de Béninois. La densité de dépasser les 350.000 habitants d'ici une quinzaine d'années. poids démographique de la population était en 2002 de 5.300 habitants au km². La Aucune rupture ou tendance lourde à venir ne semble en Dynamiques ville, taux de croissance croissance démographique de Porto-Novo est mesure d'inverser ou d'accélérer les tendances observées. démographiques démographique, niveau de extrêmement lente. L'IDH du Bénin était en 2011 de 0,492, développement/structure le PIB par habitant de 751,92 dollars US en 2012, et son socio économique taux de croissance de 5,0% en 2008, et de 2,7% en 2009. L'expansion spatiale de la ville connaît une grande vitalité, Plusieurs projets de développement de la ville sont prévus ou en en dépit d'une croissance démographique lente. Porto- cours, parmi lesquels : le Programme Spécial de Réhabilitation Niveau d'urbanisation, Novo est bâtie au bord d’une lagune, qui constitue un de la ville de Porto-Novo, en vue de redonner à Porto-Novo ses périurbanisation, obstacle physique à l’extension de la ville au sud. Un seul attributs de capital du Bénin, mais aujourd’hui la plupart des Processus spécification de l'espace, pont lui permet de franchir la lagune en direction de travaux prévus à cet effet restent inachevés ; le Projet d’Appui à d'urbanisation ségrégation spatiale, Cotonou. L’urbanisation a conduit à la réduction de ces la réalisation des travaux urbains de voirie et d’assainissement, modèle d'urbanisation espaces naturels humides, véritables poumons verts de la qui vise sur trois années le pavage et l’assainissement de la ville, en de simples exutoires (canaux de canalisation des voirie dans certains centres urbains du Bénin dont Porto-Novo ; eaux pluviales). Les voies urbaines de la ville de Porto-Novo etc. Pour autant, les grandes tendances lourdes d'urbanisation

28

sont de plusieurs types : voies pavées, voies bitumées et et d'expansion urbaine ne semblent pas devoir connaître de voies en terre. Depuis quelques années, plusieurs voies ont rupture au cours des quinze prochaines années. été aménagées (pavée ou goudronnées) surtout dans les arrondissements centraux. Localisation / répartition de Concernant le site de Ouando, des déplacements L’exode rural se poursuivra mais les liens entre l’arrière-pays et l'habitat, des pendulaires s’observent entre le plateau de l’Ouémé et le les habitants de Porto-Novo peuvent se déliter. infrastructures, des marché de Ouando. A l’échelle de Porto-Novo, l’exode Les flux entre Porto Novo et Cotonou risque de devenir de plus Organisation socio- services, des bassins rural, débuté il y a plusieurs années, se poursuit, ce qui en plus problématiques avec des congestions quotidiennes du spatiale des d'emplois/activités entraîne des déplacements réguliers (une fois par pont reliant les deux villes. déplacements économiques, flux domicile- semaine)vers l’arrière pays (Oganla…). Les flux pendulaires travail (pendulaires), les plus massifs s’opèrent entre Cotonou et Porto-Novo. domicile études Modes utilisés par Le zemidjan est le mode de transport privilégié des Les tendances passées se poursuivent, et le zemidjan reste catégories sociales, taux de Béninois et des Portonoviens. Il reste prépondérant en prépondérant, à la faveur du trafic d'essence frelatée qui motorisation, mode de ville, et parvient même à concurrencer, pour les trajets permet un usage massif des taxis-moto à bas prix. Les initiatives déplacement interurbains courts, le taxi-brousse et le minibus. La des pouvoirs publics s'annoncent d'ores et déjà vaines pour Type de mobilité dominant/part des proportion de Béninois disposant d'une voiture individuelle mettre fin au trafic d'essence frelatée, étant donné le manque spatiale transports publics dans les ne servant pas comme taxi est faible. Dans les grandes de solutions palliatives proposées. Le zemidjan permet par déplacements urbains, villes notamment, Porto-Novo et Cotonou en tête, environ ailleurs un déplacement quasi-de porte à porte qui convient aux temps de parcours moyens 70% des propriétaires ne possèdent qu’un seul véhicule, usagers. des habitants qu'ils reconvertissent le plus souvent en taxi. Plusieurs projets urbains sont prévus à Porto-Novo. Faute Parmi les autres projets reportés sine die : de moyens financiers suffisants, ils sont pour l’instant tous > Un dédoublement du boulevard au niveau de la gare de reportés. Parmi eux, un nouveau pont doit permettre de Ouando, sur la route pénétrante de Dowa, risque d’impacter rejoindre Porto-Novo et ainsi de désengorger le trafic de fortement les usagers des trottoirs adjacents, en entraînant leur Grands projets urbains, l’unique pont traversant actuellement la Lagune en expulsion. Dynamiques d'infrastructures en cours direction de Cotonou. L’emplacement de ce second pont > La rocade a été bitumée sur 4,5 km de distance en 2010, à métropolitaines ou à venir n’a pas encore été défini. Trois options sont à l’étude, l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, mais le reste toutes à l’est de la ville : soit pour prolonger le boulevard de la rocade demeure inachevé. extérieur ; soit pour prolonger la rocade (qui coupe au nord de la ville la gare de Ouando) ; soit, troisième option, à proximité du boulevard extérieur.

Offre de transport

29

Le réseau ferroviaire reliait auparavant Pobé à Cotonou en Pour les déplacements de voyageurs comme pour le transport passant par Porto-Novo, mais la voie ferroviaire n'est plus de marchandises, le mode routier est le plus usité. Pour les en fonctionnement depuis quelques années. Sur le plan trajets les plus longs, les autocars demeureront privilégiés, maritime, le port de Cotonou représente la principale sortie notamment en direction du nord (Natitingou...). Les minibus et Types de réseaux et porte d'entrée du Bénin. Des embarcations font les taxis-brousse restent préférés pour les transports (ferroviaires, routiers, également le trajet à travers la lagune qui sépare Porto- interurbains plus courts. Le renouvellement des voies routières maritimes), articulation, Novo et Cotonou. Quant aux réseaux routiers, au total, le se fait par à-coups et souffre de carences dans l'entretien Réseaux existants réseaux dominants , réseau principal à charge du Ministère délégué chargé des continu des routes, alors que les saisons de pluie endommagent formels, informels, publics Transports, des Travaux publics et de l’Urbanisme couvre fortement les voies. ou semi-publics, privés … un linéaire total d’environ 6 131 km. Ce réseau comporte 1.821 km de routes bitumées, 4.255 km de routes en terre, et 55 km de voie urbaine à Cotonou et à Porto-Novo. A ce réseau s’ajoutent 3.400 km de routes de desserte rurales aménagées. L’effacement des transports béninois dans les années 1980 Aucun projet n'est prévu à l'heure actuelle à l'échelle nationale et 1990 s’est fait au profit de petites structures informelles, pour améliorer la couverture physique du territoire, qui reste ayant peu à peu occupé l’espace laissé vacant. Le territoire encore largement dépendante des liaisons établies sur est donc relativement bien relié, d'autant plus que initiatives privées, avec une desserte assurée par des chauffeurs Maillage territorial certaines compagnies d'autocars (ATT notamment) de minibus ou de taxis-brousse. Accessibilité du (couverture physique), assurent encore des liaisons régulières entre le nord et le territoire qualité des liaisons et des sud du pays. Toutefois, certaines localités plus isolées sont connexions tributaires des seuls taxis-brousse pour pouvoir être desservis, ce qui pose de vrais problèmes en termes de service public, puisque tous les habitants du territoire béninois ne disposent pas d'une desserte équivalente. Modèle de développement Le secteur est aujourd'hui entièrement privé à Porto-Novo Le secteur des transports risque de demeurer encore très promu par les pp, et au Bénin de manière générale, à l’exception de privatisé, bien que l’initiative de Cotonou puisse s’avérer un financement du transport, l’expérience de Cotonou ayant développé une ligne de exemple de bonnes pratiques, si l’expérience s’avère Politique publiques fonctionnement du secteur transports en commun, en fonction depuis cette année. concluante. économique et politique locales des transports

30

La décentralisation récente de l’Etat béninois a concédé de La commune de Porto-Novo devra gagner en compétences, nouveaux pouvoirs aux communes, mais le transfert de notamment afin de pouvoir faire appel à des bailleurs de fonds charge ne s’est pas accompagné d’un transfert financier internationaux qui pourront aider les initiatives locales et sont équivalent, ce qui mène aujourd'hui à une situation dès aujourd'hui intéressé par le terrain de Porto-Novo. Echelons administratifs et difficilement gérée. L’Etat semble s’éloigner du terrain local et cette tendance territoriaux, compétences, Une direction départementale des travaux et des perdurera sûrement dans les années à venir. décentralisation, Organisation transports, service déconcentré de l’Etat en région, est en autonomie budgétaire et institutionnelle charge des travaux majeurs sur voirie primaire, mais se fiscale, type de gestion désinvestisse peu à peu de leur rôle d’aménageur, ce qui (court terme ou stratégie à mène la commune de Porto-Novo à se suppléer à l’Etat sur long terme) ce terrain. De ce fait, la municipalité demeure l’autorité publique de référence que cela soit en termes d’investissement, de projets urbains, que d’interlocuteurs pour les différents syndicats de conducteurs.

31

ANALYSER LA GARE, LIEU DE CONNEXION ET DE RASSEMBLEMENT

INDICATEURS CONCERNES DESCRIPTION THÈMES/VARIABLES (LISTE NON EXHAUSTIVE) RETROSPECTIVE PROSPECTIVE (évolution 10 à 20 ans) Les tendances du passé peuvent-elles se poursuivre ? Si oui, peut-on décrire les perspectives à 10-15 ans ? Existe-t-il des Quelles sont les évolutions passées et la situation actuelle ? facteurs de rupture (plus ou moins brutales) des tendances du Quels enjeux? Quelles tendances peut-on identifier ? Quelles passé ? Existe-t-il des signaux faibles, des faits porteurs ruptures ? Comment peut-on les expliquer ? d’avenir qui permettent d’anticiper ces ruptures ou d’indiquer l’émergence de nouvelles tendances ? Fonctionnalité de la gare et insertion urbaine Le site de la gare routière informelle de Ouando Les autorités ne semblent pas vouloir reconnaître dans s’étale sur environ un kilomètre le long de la route l'immédiat le site de Ouando comme une gare. En revanche, un Emprise du site, pénétrante de Dowa (entrée Nord de la ville). Elle projet de dédoublement du boulevard au niveau de la gare de composition/complexité du site, n’est pas reconnue officiellement comme une gare Ouando, sur la route pénétrante de Dowa, risque d’impacter Infrastructure existence de ou des batiment(s) par la mairie. Aucune infrastructure spécifique n'a fortement les usagers des trottoirs adjacents, en entraînant voyageurs…. donc été établie sur le site de la gare, ni aucune leur expulsion. réserve foncière visant au stationnement. Les lieux de stationnement sont spontanés. Le lien vital entretenu entre la capitale et son Aucune rupture ne devrait bouleverser la connectivité du site, arrière-pays font de la gare de Ouando un axe de puisque celle-ci n'est pas concerné par la liaison ferroviaire transport structurant et prioritaire dans le (désormais inutilisée). La non-reconnaissance du site de développement de la ville. Les liaisons établies avec Ouando en tant que gare par les pouvoirs publics semblent Type de réseaux concernés cette gare sont à la mesure de son intermodalité : indiquer qu'aucune nouvelle liaison ne devrait être établi au (ferroviaire, routier, maritime), minibus en direction de Cotonou ; taxis-voitures (ou cours des prochaines années. Nodalité - connectivité structuration (nombre de lignes), taxis-brousse) et bâchais en direction/provenance destinations/échelles ( locale, de la région de l’Ouémé (Pobé, Sakété, etc.), mais régionale, nationale ...) aussi, plus rarement, de Bohicon ; autocars interurbains en direction des villes majeures du pays (Abomey-Calavi, Natitingou, Djougou, Parakou, Malanville) ; zemidjans, taxis-motos faisant office de

32

transport urbain et permettant un rabattement sur la gare, au vu de l’absence d’offre de transport autre à l’échelle de la ville. La dimension informelle du site de Ouando rend Les motifs des voyageurs demeureront sensiblement les l'évaluation du nombre de voyageurs impossible, et mêmes au cours des années à venir, à savoir relier le nord du aucune estimation officielle n'existe, d'autant plus pays ou l'arrière pays portonovien. Ouando restera un lieu de que les limites de la gare sont approximatives. Elle passage ou de départ privilégié pour la région de l'Ouémé. Nombre de voyageurs, motifs du n'en constitue pas moins un point de passage obligé Toutefois, la rénovation de la route menant de Bohicon à Fréquentation déplacement (Pendulaires, entre Porto-Novo et son arrière-pays. La présence Cotonou par l'ouest de la lagune (c'est-à-dire sans passer par scolaires, loisirs …) du marché a formidablement dynamisé la croissance Porto-Novo, située à l'est de la lagune) pourrait, dans quelques de la gare. Le site constitue en effet un lieu privilégié années, capter des flux nord-sud ou sud-nord qui jusque-là pour l’approvisionnement quotidien de la ville en passaient par Porto-Novo afin de bénéficier d'une route en produits maraîchers, provenant de la région de meilleure état. l’Ouémé. Le marché draine chaque jour un flux massif de La gare poursuivra le rayonnement relatif qu'elle semble vendeurs et de marchandises en provenance de la susciter à l'égard de l'arrière-pays, pour qui Porto-Novo Rayonnement (zone de Origines - destination des région de l’Ouémé. Le marché favorise un certain demeure le meilleure endroit où vendre les produits chalandise) voyageurs rayonnement du site vis-à-vis de l'arrière-pays. alimentaires. Aucune tendance en cours ne semble contre- Ouando constitue également un point de départ indiquer cela. privilégié pour le centre et le nord du pays. Ouando est la seule gare à regrouper l’ensemble des Les grandes tendances en termes de transport se poursuivant modes de transports en commun existant à Porto- au cours des années à venir, aucun changement notable ne Modes d'accès à la gare (marche, Novo : minibus, taxis-brousse, zemidjans, autocars… semble devoir survenir. Les modes doux (marche à pied, Rabattement vélo, voiture …) Les zemidjans complètent les trajets des transports vélos...) risquent de demeurer largement délaisser du fait de interurbains, permettant une intermodalité l'usage massif du zemidjan. originale. Les inconvénients du site de Ouando tiennent à la Des améliorations pourraient voir le jour par à-coups. Le configuration du site et à son organisation « pavage et l’assainissement de la voirie sont des objectifs Qualité des aménagements et informelle », ainsi qu’à des carences en termes de affichés des pouvoirs publics ces dernières années et des espaces publics, praticabilités Accessibilité à la gare signalétique et d’infrastructures. Les problèmes de pourraient améliorer la qualité du site de Ouando, à condition des cheminements, organisation sécurité routière et piétonnière sont accrus par le qu'un entretien des voies rénovés permette de limiter l'impact de l'espace ou anarchie désordre routier qui règne sur le site de la gare et de la dégradation causée par le trafic et par les pluies. dans les grands axes routiers qui le traversent.

33

Situé en entrée de ville, Ouando bénéficie d’une Aucun projet n’est prévu dans l’environnement de la gare de Perméabilité du tissu environnant, existence de implantation au croisement d’axes structurants. Ouando. La place d’Akonaboè (environ 3 hectares), située à Adjacente au plus grand marché de Porto-Novo, la l’extrême-nord de la gare de Ouando (au-delà de la Mosquée), Rapport avec le tissu coupures liées à l'infrastructure gare de Ouando a le grand avantage de se trouver relève du domaine public et a été longtemps délaissé à urbain gare, continuité des cheminements vers/depuis la dans un lieu d’activités intenses. l’abandon par la mairie. La municipalité a le projet de convertir gare … le lieu en un espace de loisir (projet non défini). Aucun projet n’est en cours sur le site de la gare de Le seul projet à venir est celui du dédoublement du boulevard Projets de rénovation, de Potentiel de Ouando. au niveau de la gare de Ouando, sur la route pénétrante de construction, de modernisation développement Dowa, mais cela risque d’impacter fortement les usagers des en cours ou à venir trottoirs adjacents, en entraînant leur expulsion. Il n’existe pas d’opérateurs de réseaux urbains à Cette situation risque de perdurer étant donné que les Porto-Novo. Des opérateurs de réseau pour les transports publics ne s’avèrent pas une priorité de l’agenda trajets longue distance existent dont le principal est politique actuel. ATT mais de très nombreuses entreprises se partagent le marché. Concernant les minibus, taxis-voiture et zemidjans, l’ensemble des conducteurs ce sont organisés en syndicat. On compte de très nombreux syndicats pour chaque mode, qui plaident la cause de la Opérateurs de transports Nombre, compétences , statut profession auprès des pouvoirs municipaux /acteurs (légal, illégal …), organisation (demande de baisse des taxes majoritairement).les taxis voitures, minibus ainsi que les zemidjans fonctionnent de la même manière avec 2 schémas possibles : - le chauffeur est propriétaire de son véhicule - le chauffeur loue le véhicule à un propriétaire à qui il reverse une partie de ses revenus. Le chauffeur paye l’ensemble des taxes

Usages

34

Les usages de la gare routière sont aussi variés que les modes présents: - rabattement depuis le coeur de P-N (zemidjan) - transport de marchandises depuis le plateau Niveau de mixité Quels usages, nbre, type de l’Ouémé (bâchais, taxis-voiture) - voyage longue distance vers les villes majeures du Bénin (cars) - déplacement vers Cotonou (minibus)

Existences de services à Le seul service à l’usager existant est la A ce jour, la tendance risque de demeurer la même, bien l'usagers, de commerces boutique du transporteur ATT (car longue que la notion de services à l’usager est un des points Marchand / Servitiel (boutiques, marchés), impact distance) se trouvant sur le côté Sud de la majeurs à développer sur la gare routière de Ouando, sur la vie économique locale Mosquée. Par contre de très nombreux notamment pour lui conférer une réelle visibilité dans …. vendeurs à la sauvette sont présents sur le site. l’espace public urbain.

Sécurité et gestion de l'espace

L’accidentologie sur le site est Sans aucun aménagement du site, Ouando deviendra un site ultra Existence de conflits Accidentologie, taux de très élevée selon notre congestionné et extrêmenet dangereux étant donné la multiplicité des d'usages criminalité … interlocuteur de la mairie. modes de déplacements (à pied, en motos, ou en véhicules légrs/lourds) présents sur le site. Un policier est présent au niveau Aucune mesure n’est à ce jour envisagé pour sécuriser le site. du rond point entre la rocade Structuration, rôle, extérieur et la route pénétrante Acteurs actions de Dowa, mais celui est aujourd’hui confiné dans un rôle de régulation de la circulation

Patrimoine

35

Absente Le site n’a pas vocation à développer sa qualité touristique, sa vocaton Usage tourisitique marchande demeurant son usgae premier

Architecture, rôle Le site ne véhicule aucune image // historique, discours spécifique à notre connaissance. Il Image du lieu - répond à des besoins très représentation pragmatiques et n’est donc pas attaché à une valeur historique

36

BIBLIOGRAPHIE Agence d’Urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise, Coopération décentralisée Grand Lyon- Porto Novo, mission technique du 4 au 11 juillet 2012, 19p.

Ateliers de Cergy. Réseau international de maîtrise d’œuvre urbaine, Regard sur les activités informelles dans les grandes villes africaines, par sept équipes de jeunes urbanistes africains. 2012, 130 p.

Ateliers Internationaux de Maîtrise d’œuvre Urbaine de Cergy Pontoise, Identité et image pour une ville-capitale harmonieuse et attractive Porto-Novo, capitale du Bénin, 2005, 12p.

AGOSSOU Noukpo. Les taxis-moto zemijan à Porto-Novo et Cotonou, Éditions d’Autre Part, 2004, p. 135-148

CODATU, Développement Urbain et coordination de l’offre de transport, « Construire l’Afrique à partir de ses territoires : quels défis pour les collectivités locales ? », 6e sommet Africités Dakar, 4 au 8 décembre 2012, 29p.

Afrique Conseil, Monographie de la ville de Porto-Novo, mission de décentralisation, programme d’appui au démarrage des communes, mars 2006, 67p.

STIF, Schéma directeur des gares routières, Cahier de référence, mai 2009, 217p.

37