RACHGOUN 2 : CADRE GEOMORPHOLOGIQUE ET LITHOSTRATIGRAPHIQUE Mourad Betrouni
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RACHGOUN 2 : CADRE GEOMORPHOLOGIQUE ET LITHOSTRATIGRAPHIQUE Mourad Betrouni To cite this version: Mourad Betrouni. RACHGOUN 2 : CADRE GEOMORPHOLOGIQUE ET LITHOSTRATI- GRAPHIQUE. 2021. hal-03112538 HAL Id: hal-03112538 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03112538 Preprint submitted on 16 Jan 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. RACHGOUN 2 : CADRE un sujet Protoméditerranéen (H4) au milieu GEOMORPHOLOGIQUE ET d’un groupe méchtoïde. Il demeure toujours LITHOSTRATIGRAPHIQUE rangé dans la catégorie des sites ibéromaurusiens littoraux. L’idée de le revisiter procède d’une Mourad Betrouni volonté d’ouverture de la perspective, autorisant le Centre national de recherches préhistoriques, déplacement du paradigme de l’escargotière (1) vers anthropologiques et historiques (CNRPAH). celui du kjokkenmodding (2), en élargissant le spectre au domaine du néolithique et de la Résumé : néolithisation en aire géoculturelle circumméditerranéenne, sous un nouveau regard, Cette contribution s'inscrit dans le prolongement avec d’autres outils et à la lumière des récentes de l'article consacré au cadre données de la préhistoire, de l’anthropologie, de la paléoenvironnemental du gisement chronologie et des avancées scientifiques dans ces archéologique de Rachgoun. Elle aborde les domaines. volets géomorphologique et Envisager le sujet sous le prisme du lithostratigraphique, dans une approche qui se kjokkenmodding, n’est pas, forcément, souscrire à voudrait geosystémique, par la conjonction et la l’étymologie de ce mot et à ses significations coïncidence d’un certain nombre de historiques ; c’est plutôt s’inscrire dans une caractéristiques, que nous pouvons considérer démarche méthodologique qui privilégie le recours comme spécifiques à la zone littorale de Rachgoun. à la ressource marine, comme élément de Il s’agira d’en expliciter les articulations et de les géographie fondamental, en convoquant davantage rendre intelligibles la perspective archéo-malacologique et conchyliologique. Dans le cas de Rachgoun, c’est Mots-clés : Rachgoun, lithostratigraphie, autour de Mytilus Galloprovincialis (espèce géomorphologie, fouille, chronologie, dominante), ensuite des patelles et autres kjokenmodding. mollusques marins benthiques, que se conçoivent les scenaris comportementaux de populations ayant INTRODUCTION vécu au sein d’un biotope d’estuaire. Le gisement préhistorique éponyme de Rachgoun, Ce regard, d’avantage « geosystémique », est dicté étudié et publié par Camps en 1966, est situé dans par la conjonction et la coïncidence d’un certain la localité littorale de Rachgoun, dans la Wilaya de nombre de caractéristiques, que nous pouvons Ain Temouchent, en Algérie nord occidentale considérer comme spécifiques à la zone littorale de (Fig.1). Rachgoun. Il s’agira d’en expliciter les articulations et de rendre intelligible les lieux significatifs. Une démarche qui fait de l’homme préhistorique, à un premier niveau d’observation, un simple agent du réseau trophique, dans un contexte littoral. Il a utilisé et exploité, d’une manière soutenue, des ressources marines spécifiques, qui dénotent d’un besoin, d’un choix et d’une sélection, participant de l’équilibre ou du déséquilibre de la biocénose et des biotopes d’un milieu d’estuaire.Dans cette contribution, qui se situe dans le prolongement d’une précédente, intitulée « Le site préhistorique de Rachgoun : Approche paléoenvironnementale » (Betrouni, en phase de publication), nous avons Fig. 1 – Carte de localisation du site préhistorique de Rachgoun (le gisement est représenté par un triangle En blanc, lanière du plateau porté l’intérêt sur les volets géomorphologique et calcaire (L4), en vert, le coteau sur lequel est établi le gisement ; en lithostratigraphique, pour y puiser des éléments bleu clair, le tracé des oueds, en bleu foncé, le fleuve Tafna, en jaune foncé la route nationale n°22, en jaune clair, les routes secondaires. qui autorisent quelques ancrages chronostratigraphiques et paléoclimatiques Dans le contexte scientifique des années soixante, ce gisement constituait un sujet singulier dans L’absence de système de glacis et de terrasses l’étude des cultures épipaléolithiques du Maghreb. marines et/ou continentales et autres marqueurs Il fut un véritable « casse-tête », pour avoir livré visibles et l’indigence des restes archéologiques et 1 paléobiologiques, nous ont enjoints de prioriser cette démarche. Le système des grès dunaires à intercalation de limons rouges (formation qD) constitue, à cet égard, un document clé qui, par son corpus d’informations (morphologie, structure, faciès, couleur), permet d’ouvrir sur des perspectives de chronologie et donc de possibilités de corrélations et de comparaisons à des échelles requises. (1) En 1937, G. Gobert fut le premier à avoir décrit l’escargotière comme un amoncellement de refus de cuisine, dans lequel les Photo 1 - Vue du gisement archéologique de Rachgoun, depuis, le matériaux minéraux ont été conservés après la destruction des sud-est, en allant vers l’agglomération de Rachgoun. éléments organiques. Mais le mot escargotière, apparu en 1905, est dû à Latapie, un gendarme de la commune de Tébessa, dans l’Est algérien, Le gisement de Rachgoun consistait en une qui s’est investi très tôt dans la recherche préhistorique. Il voyait dans l’association des cendres et des escargots, un lieu où l’on pratiquait « tranchée » de « 115 m » de longueur, dégagée en l’élevage des escargots, d’où « escargotière » (voir dictionnaire). C’est 1953 par des travaux de construction d’une route depuis cette image primale de l’escargotière, que le mot a pris le sens secondaire (Ibid., p. 165). Les données que l’on connait aujourd’hui. Le mot « rammadiya », de « r’mad », en arabe, (cendres), qui lui a été parfois substitué, n’y changera rien à cartographiques ainsi que les quelques informations l’idée consacrée. livrées par Camps, laissent penser qu’avant la réalisation de la route, la « tranchée » se (2) Du danois kjökken, cuisine et modding, amas de détritus, ce mot désignait un amas de débris culinaires et ménagers, formé confondait avec le rebord d’un talus naturel, qui essentiellement de coquillages et caractérisant des populations donnait sur un petit ravineau orienté S.E. - N.W. mésolithiques et néolithiques. Pour J.-G. Rozoy (1978), S.H.Andersen. (1993), I. Armit et B. Finlayson (1992) et N. Cauwe (2001), le kjökkenmodding serait un lieu où les populations rejettent En 1984, des travaux d’aménagement pour la leurs déchets, où, parfois, elles vivent et où enterrent leurs morts. réalisation d’une double voie, ont détruit tout ce qui restait du gisement éponyme, par recul de la D’un point de vue méthodologique, nous avons, « tranchée ». Il serait intéressant, aujourd’hui, de d’abord, rappelé les travaux de G. Camps, de 1966, comparer les photos des figures n°1 et 2, prises en sur le gisement éponyme de Rachgoun ainsi que le 1964 par G. camps (Ibid., p.162-163.), qui donnent contexte historique dans lequel ils ont été réalisés. une vue générale du gisement, avec des photos Nous avons, ensuite, ouvert la perspective sur les actuelles, pour apprécier le volume des terres volets géomorphologique et lithostratigraphique, enlevées et réaliser l’ampleur du dommage causé au pour une lecture et un examen intégrés du gisement archéologique. Cet exercice de gisement de Rachgoun 2, tel que nous l’avons comparaison permet, en outre, d’établir les circonscrit, dans l’histoire géographique de la Basse raccords entre le gisement éponyme et celui que vallée de la Tafna. nous avons appelé Rachgoun 2, la tranchée actuelle, qui est largement en recul par rapport au LE GISEMENT EPONYME DE talus. C’est une entaille plus ou moins courbe, de RACHGOUN 200 m de longueur, orientée S.E-N.W., parallèle au tracé de la route, dont elle détermine la Le gisement éponyme de Rachgoun est situé à 800 courbure. m de la localité balnéaire de Rachgoun, une petite agglomération, distante de 7 km de Béni Saf, chef- Le contexte de la découverte du gisement ainsi que lieu de commune (Photo 1). Sur la carte les missions d’investigation et de recherche, topographique au 1/50.000ème de l’Algérie, feuille effectuées, entre 1953 et 1966, ont été consignés n° 208 de Beni Saf, il est positionné aux par G. Camps dans un article de 20 pages (160 à coordonnées Lambert 122,000 X - 230,150. 181), appuyé de photos, de dessins et de quelques (Camps, 1966, p. 161). données statistiques, publié dans la revue Libyca de 1966, sous l’ intitulé « Le gisement de Rachgoun (Oranie) » ( Ibid., pp.160-181). Il rappellera les conditions de la découverte ou plutôt de la mise en affleurement du gisement par les travaux routiers. Il évoquera les parties prenantes et les personnes qui y ont porté attention et intérêt, tout particulièrement G. Vuillemot, alors directeur de la circonscription archéologique d’Oran, qui avait réalisé l’ampleur des dommages causés aux 2 ossements humains, aux industries préhistoriques Le sujet « H4 » est un « cranium à peu près complet et aux structures d’occupations humaines par les d’un sujet inhumé à la base du gisement, dont l’examen, travaux de la route. confié à Marie Claude Chamla, donna un type anthropologique Protoméditerranéen ; le reste des Dans son rapport sur l’état du gisement, autres sujets présentait des caractères du type accompagné du matériel recueilli, qu’il transmit au Mechta el-Arbi parfois même très prononcés Professeur L. Balout, directeur du Musée du Bardo (Camps, 1966, p. 175). Une cohabitation d’Alger, il est question d’un «kjoekkenmodding » «paradoxale» de « deux humanités distinctes». Un riche en ossements humains et coquilles de véritable « casse-tête » pour les préhistoriens des mollusques marins et quelques rares outils.