Le Skateboard, Industrie Et Culture Audiovisuelle
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Faculté des Lettres et Civilisations Département des Sciences de l'Information et de la Communication Master 2 Audiovisuel, Médias numériques interactifs, Jeux Année universitaire 2018-2019 Le skateboard, industrie et culture audiovisuelle Adrien Motte Tuteur universitaire : Catherine Dessinges Remerciements Merci à tous mes camarades de Lyon 3 avec qui j’ai passé trois belles années : Gabriel, Lou, Jean-Loup, Léna, Léa, Orane, Maëlle, Joanna, Aurélien, Sanam, Élisa et tous les autres... Merci à Mme Dessinges pour ses précieux conseils et sa bienveillance. Merci au système éducatif public français, longue vie à lui. Merci à Fred Demard qui a répondu à mes questions pendant ses vacances. Merci à Julien Laurent pour avoir pris le temps de répondre à mes questions. Merci aux communautés du freeware et de Wikipedia. Merci à tous ceux qui ont répondu à mon questionnaire. Merci à tous ceux avec qui j’ai discuté de mon sujet, ça m’a beaucoup aidé à prendre du recul sur mes propos : Aurélien Volo, Grégoire Mathieu, Bertrand Oswald, Antoine Prost-Verdure, Pierre Boccon-Jibod, Anthony Tozlanian, Fred Mortagne (même s’il ne s’en souvient probablement pas)… Merci au Thrasher Magazine de toujours être “True to this”. Merci à Jake Phelps et P-Stone, reposez en paix. Merci à Nietzsche, vive l’élévation. Merci à mes parents pour le financement de mes études et pour leur soutien inconditionnel. 1 Introduction Au cinéma ou dans les séries, lorsque qu’un scénariste veut écrire un personnage adolescent, blanc, un peu rebel, il y a de fortes chances qu’on nous montre à un moment donné des posters de skateurs dans sa chambre ou qu’il pratique lui-même le skateboard dans une scène. Les derniers exemples qui me viennent en tête sont Magnus Nielsen dans Dark, Dylan Maxwell dans American Vandal ou encore Max Mayfield dans Stranger Things (qui dénote du fait que ce soit une fille, ce qui est représentatif de l’évolution des pratiquants). Ces exemples témoignent de la symbolique que représente le skateboard dans l’imaginaire collectif, une image rebelle qui s’installe dans le cinéma populaire au cours des années 80 avec notamment le personnage de Marty McFly dans Retour Vers Le Futur (1985), avec une belle référence à l’histoire du skateboard, mais aussi avec des bons nanars comme Thrashin’ (1986) et Gleaming The Cube (1989). Cependant certains films (plus ou moins réussis) ont su capter le skateboard sans trop tomber dans la caricature comme les films Kids (1995) et Wassup Rockers (2006) de Larry Clark, The Lords Of Dogtown de Catherine Hardwicke (2005) ou encore Mid 90’s (2018) de Jonah Hill. Des films relativement réussis du fait de la porosité entre le monde du skateboard et le monde du cinéma aux États-Unis. Larry Clark baignant dans le milieu en tant que photographe et cinéaste indépendant, Jonah Hill étant lui-même skateur et Catherine Hardwicke ayant choisi de s’entourer des vrais personnages incarnés dans son film. On pourrait aussi ajouter Spike Jonze (Jackass, Her, etc.), skateur et réalisateur oscarisé. Deux court-métrages ont aussi connu un succès critique comme Rouli-Roulant (1966) de Claude Jutra et Skaterdater (1966) de Noel Black, avec une palme d’or du court-métrage à Cannes pour ce dernier. Maintenant que j’ai évoqué toutes ces références cinématographiques incontournables, nous allons pouvoir nous pencher sur le coeur de notre sujet, c’est à dire ces vidéos de skateboard 2 qui ont l’air de toutes se ressembler et devant lesquelles les skateurs passent énormément de temps pour des raisons qui échappent à leurs proches. Ce mémoire a pour objectif d’analyser la culture, contre-culture ou sous-culture skateboard en répondant à cette problématique : Comment la culture du skateboard et son industrie se sont développées via l’audiovisuel et les médias spécialisés ? A partir de lectures scientifiques, d’interviews, de questionnaires qualitatifs ciblés (que vous retrouverez en annexe), d’observations ethnographiques dans les lieux de pratique, associées à mon expérience de “skate-nerd”, fort de mes 9 années passées sur une planche à roulettes, de mes nombreuses blessures, de mon expérience de vidéaste et de photographe amateur de skateboard et de mon nombre incalculable d’heures passées à consommer des contenus skateboardistiques (vidéos, films, compétitions retransmises en direct, photos, magazines, fanzines, blogs, jeux vidéos…), je m’efforcerai de répondre au mieux à cette problématique. ● Dans une première partie, je poserai une définition du skateboard d’un point de vue sportif, ainsi qu’un historique de la pratique. ● La deuxième partie s’intéressera à la culture skateboard avec une approche socio-culturelle propre aux cultural studies. ● Ces deux premières parties vous donneront le bagage de connaissances nécessaire à la compréhension de l’évolution de la culture du skateboard via les différentes formes de médias audiovisuels, exposée dans la troisième et dernière partie. Mon expérience du skateboard me permettra, je l’espère, de traiter du sujet avec un minimum légitimité aux yeux de mes camarades de session, ce qui résout partiellement le paradoxe évoqué par Dick Hebdige à la fin de son livre Sous-culture, le sens du style (livre très intéressant sur lequel je vais beaucoup m’appuyer) “nous ne devrions guère être surpris de constater que [, en tant que scientifiques,] nos interprétations “sympathisantes” des cultures subalternes sont considérées par leurs membres avec tout autant d'indifférence et de mépris que les étiquettes hostiles imposées par les tribunaux et les médias. De ce point de vue, croire 3 saisir le problème, ce n’est pas saisir le problème”1. NB : Ce mémoire porte sur le skateboard en tant que pratique sportive et culturelle, sa forme la plus commune dans l’imaginaire collectif, et ne s’étend pas à l’analyse de la pratique exclusivement déambulatoire et/ou occasionnelle, ni aux autres formes de disciplines exclusives plus minoritaires telles que la descente, le longboard dancing ou encore le freestyle bien que ces dernières peuvent parfois influencer et côtoyer l’objet de notre analyse. Bonne lecture ! 1 Sous-culture, le sens du style - Dick Hebdige, 1979 4 Partie 1, Définition du skateboard et historique de la pratique L’objectif de cette première partie sera de définir et d'appréhender ce qu’est le skateboard dans ses aspects sociologique, sportif et culturel afin de poser des bases pour une compréhension des enjeux socio-économiques, culturels, artistiques et esthétiques de la pratique et de l’utilisation des médias audiovisuels dans ce milieu. Les questions qui se poseront ici seront les mêmes qui se posent actuellement dans le milieu du skateboard. Celles qui animent de nombreuses discussions dans les skateparks, sur les spots et plus particulièrement sur les réseaux sociaux en cette période pré-olympique : le skateboard est-il un sport (ou du moins un sport comme les autres) ? J’aborderai d’abord la genèse du skateboard, puis je définirai sa pratique physique à l’aide des théories de la sociologie du sport, qui me serviront ensuite à analyser son évolution culturelle au sens large dans une approche historique. Avant de commencer, je vais poser une première définition qui pourrait résumer de manière simplifiée les propos et l’argumentation qui va suivre. Une citation de Frédéric Mortagne (dit French Fred), un des acteurs majeurs de la culture skateboard depuis les années 1990, qui est en ce sens plutôt légitime pour parler avec “style” de ce sujet aux yeux des “membres” des “cultures subalternes” qui “méprisent” “nos interprétations “sympathisantes”” évoquées par Dick Hebdige : « Le skateboard est une activité mi-sportive, mi-artistique qui permet de ressentir d'agréables sensations comme par exemple celles de vagabonder dans les rues ou parvenir enfin à sauter par dessus des escaliers. » - Skate vs Chill, Filming crazy 5 (une vidéo réalisée à la manière de Jorge Furtado pour le regretté Chill Magazine)2 La genèse Le skateboard fait son apparition au cours des années 50 aux États-Unis à la fois sur sa côte Est, mais plus particulièrement sur sa côte Ouest où il est inventé par des surfeurs vivant en Californie. Il est alors utilisé par les pratiquants pour se déplacer et surfer l’asphalt lorsque l’océan n’offre pas suffisamment de vagues. Cette pratique est baptisée par certains d’entre eux “sidewalk surfing” (surf de trottoir)3. Les communautés de surfeurs au mode de vie alternatif dont est issu le skateboard, précurseures du mouvement hippie, correspondent aux caractéristiques de ce que Jack Kerouac a baptisé la Beat Generation4 « qui a ébranlé la société américaine dans ses certitudes. Elle a directement inspiré aussi bien les mouvements de mai 1968 que l’opposition à la guerre du Vietnam, ou les hippies de Berkeley et Woodstock. Pourtant la Beat Generation a aussi contribué à enrichir le mythe américain. Sur la route, le roman le plus connu de Kerouac, est une ode aux grands espaces, à l’épopée vers l’ouest, à la découverte de mondes nouveaux. » (Elisabeth Guigou, 2003)5. C’est donc dans l’esprit du surf et de son mode de vie en marge de la société que le skateboard voit le jour en tant qu’activité physique. Tout au long de son évolution, jusqu’à aujourd’hui, il gardera cet héritage alternatif, anticonformiste. 2 Skate vs Chill - Fred Mortagne & Leonard Vernhet, for Chill Magazine, 2006 https://www.youtube.com/watch?v=3kqajm5gELs&t= 3 Surf, Skate, Snow, contre cultures - Christophe Perez (2013) 4 This is the Beat Generation - New-York Times, novembre 1952 5 La beat generation et son influence sur la société américaine - Elisabeth Guigou, La Revue des anciens élèves de l'École nationale d'administration, numéro hors-série, « Politique et littérature », décembre 2003 6 À la veille de la première apparition du skateboard aux Jeux Olympiques (Tokyo 2020), l’entrée de cette discipline dans la cour des grands sports médiatiques inquiète une grande partie de ses pratiquants qui vont même jusqu’à remettre en question son caractère sportif6.