Rapport de mission

Division Asie Division de l’Information, de la Documentation et des Recherches (DIDR) Division des Affaires juridiques (DAJ)

RAPPORT DE MISSION AU SRI LANKA

15-28 NOVEMBRE 2008

Un camp de personnes déplacées dans la ville de Batticaloa (province de l’Est)

OFPRA 201 rue Carnot Publié en août 2009 94136 Fontenay- sous-bois cedex Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Remerciements

La Mission souhaite remercier pour la parfaite organisation de ce séjour :

Son Excellence M. Michel LUMMAUX, Ambassadeur de France au Sri Lanka, et l’ensemble des agents de l’ambassade de Colombo.

Tous les membres de la Mission adressent de particuliers remerciements à M. Raphaël du BOISPEAN, Attaché humanitaire, et à M. Serge POPOFF, Attaché de sécurité, pour leur disponibilité, leur gentillesse tout au long du séjour, et la chaleur de leur accueil.

OFPRA  Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

SYNTHESE

OFPRA  Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Contexte de la demande

A l’Office

Les demandes d’asiles sri-lankaises, émanant essentiellement de demandeurs d’origine tamoule, constituent l’un des dix plus importants flux de demandes au sein de l’Office.

En 2008, cette demande représentait 3300 dossiers dont 1/3 de réexamens.

Au 31 décembre 2007, la population sri-lankaise placée sous protection de l’Office était d’environ 16 655 personnes.

Face à la dégradation de la situation dans le pays depuis 2006, le traitement de la demande s’est avéré de plus en plus complexe, la difficulté résidant notamment dans l’impossibilité d’avoir des informations fiables et précises sur la réalité du terrain.

En 2007, les conclusions d’un groupe de travail interne à l’Office regroupant des agents des différentes divisions concernées avaient permis d’apporter une première série de réponses aux agents instructeurs, notamment par l’intermédiaire d’outils documentaires spécifiques.

A la CNDA

La demande d’asile sri-lankaise connaît depuis de nombreuses années un taux d’annulation aux alentours de 30%, témoignant ainsi d’une distorsion entre les appréciations portées par l’OFPRA et celles portées par la CNDA.

La CNDA siégeant en Sections réunies a, par deux décisions en date du 27 juin 2008, octroyé à deux ressortissants sri-lankais tamouls le bénéfice de la protection subsidiaire sur les fondements de l’article L 712.1 c) du CESEDA. Elle a estimé qu’il existait dans le Nord et l’Est des situations de violence généralisée résultant d’un conflit armé. Le nombre d’annulations est ainsi passé de 592 en 2007 (pour un nombre total de rejets de 2639) à 1140 en 2008 (pour un nombre de rejets de 2666) dont 498 décisions accordant la protection subsidiaire. Ces décisions ont à nouveau accentué l’écart d’appréciation entre l’Office et la Cour.

C’est dans ce contexte, que le Directeur Général de l’OFPRA a décidé d’organiser une mission d’évaluation de la situation au Sri Lanka qui s’est déroulée du 15 au 28 novembre 2008. Elle était composée de représentants de la Division Asie (Ludovic Champain, chef de mission, et Shridhar Radje, officier de protection), de la Division de l’Information, de la Documentation et des Recherches (Fabrice Mignot, chef de section) et de la Division des Affaires Juridiques (Sarah Schwab, officier de protection). En la personne de Frédérique Doublet, représentante du ministère de l’Immigration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire s’est également jointe en deuxième semaine à cette mission, dont l’objectif essentiel touchait à l’évaluation de la situation des droits de l’homme, et notamment à celle des populations civiles d’origine tamoule.

 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Brève présentation de la situation au Sri Lanka

Après un cessez-le-feu de trois ans et demi entre les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam, LTTE) et les autorités sri-lankaises, le conflit a repris de manière intensive en 2006, le cessez-le-feu prenant fin officiellement en janvier 2008. Le Sri Lanka est donc un pays en guerre. Face à l’armée, les LTTE utilisent toutes les options : combat frontal, actions de guérillas et assassinats ciblés, attentats notamment dans la capitale.

La province de l’Est du pays a été reconquise officiellement en juin 2007, et ne fait plus l’objet de combats. Ceux-ci sont donc actuellement concentrés dans la région du Vanni où les militaires, après avoir progressé très rapidement, connaissent désormais beaucoup de difficultés à avancer, ces difficultés étant liées à la fois à la résistance des LTTE et à la nature du terrain. Les combats ont forcé près de 250 000 personnes à se déplacer. Elles sont actuellement dans la zone encore sous contrôle des LTTE. A la fin de l’année 2008, cette zone ne représentait plus que quelques centaines de km².

Face aux actions des LTTE, et notamment aux attentats suicides et aux assassinats ciblés, le gouvernement a décidé de réactiver les lois du PTA (Prevention of Terrorism Act) et fait régulièrement voter le maintien des lois d’urgence (Emergency Rules), qui confèrent aux forces de sécurité des pouvoirs exhorbitants. Une personne arrêtée sous ce régime peut ainsi être détenue dix-huit mois sans procédure judiciaire. L’armée et la police mènent des actions conjointes et gèrent ensemble de nombreux check points.

Ce régime légal ainsi que la situation de conflit conduisent à de nombreuses violations des droits de l’homme dans le pays de la part des forces de sécurité. La population tamoule, tout particulièrement celle âgée de 18 à 35 ans, fait l’objet d’une suspicion généralisée. Les autorités allèguent que si tous les Tamouls ne sont pas terroristes, tous les terroristes sont tamouls. Au nom de la sécurité nationale, les arrestations arbitraires, les enlèvements et les disparitions sont fréquents. Les forces de sécurité agissent en toute impunité, la justice étant réticente à poursuivre les auteurs de tels actes quand ils sont connus.

De plus les partis politiques tamouls pro-gouvernementaux sont généralement dotés de milices qui pratiquent, souvent en collaboration avec les forces de sécurité, des enlèvements, des assassinats et le recrutement forcé d’enfants, en particulier dans l’Est et, dans une certaine mesure, dans le Nord du pays. Les LTTE utilisent les mêmes méthodes pour éliminer ceux qu’ils considèrent comme leurs opposants. Ce mouvement exerce sur la population une très forte emprise, de nature souvent coercitive, et pratique l’enrôlement forcé.

La population tamoule est donc prise au piège entre les exigences des LTTE et la crainte d’être arrêtée, assassinée ou enlevée à tout moment par les forces de sécurité et leurs auxiliaires tamouls. C’est donc un sentiment de peur généralisée parmi la population que la mission a pu constater au travers des entretiens et des constatations sur le terrain.

Dans la province de l’Est, à Vavunya et à Jaffna, on ne peut plus parler de situation de violence généralisée, mais le calme est précaire, et il règne une violence sporadique dont on peine à discerner clairement les cibles.

Malgré cela, le Sri Lanka est un pays doté d’une structure démocratique dont les principales institutions fonctionnent. La presse est importante, diversifiée et, en dehors de tout ce qui touche au conflit, relativement libre. L’opposition peut s’’exprimer. L’administration et les services publics (transports, écoles, hôpitaux) sont présents sur l’ensemble du territoire y compris dans les zones échappant à son contrôle. Les commerces fonctionnent, les gens circulent et se déplacent. Les Tamouls sont présents au Parlement, dirigent la province de l’Est, et comptent des ministres au sein du gouvernement. Ils sont également présents dans la vie économique, culturelle et sportive. La cohabitation entre population cinghalaise et tamoule est harmonieuse, et il n’existe pas de violence interethnique. On ne peut donc parler de persécutions systématiques à l’encontre de la population tamoule.

OFPRA  Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Déroulement de la mission

La mission s’est déroulée en deux temps. Lors de la première semaine, les membres de la mission se sont rendus dans la province de l’Est, dans les districts de Batticaloa et de Trincomalee puis dans la province du Nord dans le district de Vavuniya. Lors de chacune de ces étapes, ils ont pu visiter des camps de personnes déplacées et des villages de personnes retournées.

Ils ont eu des entretiens avec les représentants locaux :

-Des différentes agences des Nations unies présentes sur place : HCR, UNICEF, PAM, OCHA;

-De certaines ONG : Comité d’Aide Médicale, Caritas Sri Lanka, Norwegian Refugee Council notamment;

-Des représentants des autorités : Human Rights Commission, Governement Agent, adjoint d’un Grama Sevaka, etc.

La seconde semaine, basée à Colombo, a été consacrée à des échanges avec :

-les délégations nationales des agences des Nations unies rencontrées sur le terrain -des représentants du gouvernement sri-lankais (ministère des Droits de l’Homme, ministère des Affaires Etrangères) -des représentants d’ambassades étrangères concernées par la demande d’asile sri lankaise (Suisse, Grande-Bretagne, Allemagne). -Des représentants d’ONG (ACTED, Caritas) -Des organisations de défenses des droits de l’homme sri-lankaises : Free Media Movement, Center for Policy Alternative, Foundation for Co-existence, National Peace Council.

Au total, la mission aura effectué une quarantaine d’entretiens et de rencontres au cours des deux semaines passées sur place. Pour des raisons d’autorisations et de sécurité, tous les interlocuteurs ont été informés de la tenue de cette mission avant la venue de celle-ci, tout comme de ses objectifs et des fonctions exercées par les membres de la mission.

Chacun de nos interlocuteurs a pu ainsi nous présenter sa vision de la situation et répondre ensuite aux questions posées. La qualité et la variété des interlocuteurs, ainsi que les informations et impressions recueillies sur le terrain ont permis d’acquérir une vision concrète d’une réalité jusqu’alors mal connue.

Méthodologie du rapport

En concertation avec les autres, chaque membre de la mission a rédigé l’une des parties de ce rapport. Pour chaque zone visitée (Est, Nord, Colombo), chaque partie s’appuie sur les constatations faites sur place et les sources consultées après le retour des membres de la mission pour présenter un bref aperçu de la situation générale, de la composition de la population, des forces en présences, de la situation des personnes déplacées, des conditions de déplacement, et de la situation des populations en termes de droits de l’homme et de persécutions. Ces aperçus par zone sont précédés d’une présentation générale du pays et de ses structures, de l’évolution du conflit et de ses conséquences en termes de droits de l’homme. Les photographies illustrant le rapport ont été prises par les membres de la mission.

Ce rapport n’est ni une monographie ni un portrait exhaustif du Sri Lanka, mais il vient ajouter aux sources existantes des éléments permettant une meilleure compréhension du contexte dans lequel se déroulent les faits allégués et les événements relatés par les demandeurs d’asile. Il est avant tout destiné à permettre une appréciation renforcée des demandes dont est saisi l’OFPRA.

 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Liste des organismes rencontrés

L’ensemble des organisations qui figurent dans la liste qui suit sont citées dans le rapport de manière directe ou indirecte.

Institutions internationales

UNHCR (Colombo, Batticaloa, Trincomalee, Vavuniya)

UNICEF (Colombo, Batticaloa)

Programme Alimentaire Mondial (PAM) (Colombo, Vavuniya)

Organisation Internationale des Migrations (OIM) (Colombo)

Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) (Colombo)

Le Service d’Aide Humanitaire de la Commission européenne (ECHO) (Colombo)

Organisations non gouvernementales (ONG)

CARITAS (Colombo, Trincomalee)

ACTED (Colombo) Domaines d’intervention : aide humanitaire d’urgence, sécurité alimentaire, promotion de la santé, éducation et formation, développement économique Janvier 2009 mise en place d’une programme de réconciliation entre les communautés et les structures gouvernementales locales

Norwegian Refugee Council (NCR) (Vavuniya) Le NCR assiste le HCR pour la protection des personnes déplacées. Il intervient essentiellement dans le domaine de l’aide juridique mais contribue également à la formation des responsables des camps, à l’installation d’abris ainsi qu’à leur maintenance http://www.nrc.no/

Comité d’Aide médicale (CAM) (Batticaloa) Seule ONG internationale médicale au Sri Lanka travaillant avec les ONG locales Activités: accès aux soins, clinique mobile, campagne de vaccination, soutien psychologique http://www.cam-fr.org/rubrique12131.html

Organisations nationales de défense des droits de l’homme

Centre for Policy Alternatives (CPA) Domaines d’intervention: recherches et conseils juridiques, medias, surveillance des élections http://www.cpalanka.org/

Free Media Mouvement Défense de la liberté de la presse et d’expression et des droits des journalistes http://www.freemediasrilanka.org/English/

Foundation for Coexistence (FCE) Prévention de l’intensification du conflit, médiation. La FCE travaille avec un réseau de représentants des trois communautés http://www.fce.lk/

National Peace Council Organisation de groupes de travail et de conférences sur la paix, sur l’éducation http://www.peace-srilanka.org/

OFPRA  Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Humain Rights Commission (SLHRC) Batticaloa En charge des enquêtes en cas de violations des droits de l’homme par les administrations ou les autorités (retraites, promotions, litiges fonciers...) La HRC est subventionnée par le Gouvernement http://www.hrcsl.lk/

Institutions sri lankaises

Ministère des affaires étrangères Palitha Kohona, Secretary of Foreign Affairs

Ministère de la gestion des désastres et des droits de l’homme Professeur Rajiva Wijesinha, Secrétaire M. Janudasa, IDP consultant

Government Agent de Vavuniya Mme Amelda Charles

Postes diplomatiques européens

Haut Commissariat Britannique

Ambassade d’Allemagne

Ambassade de Suisse

Ambassade de France

Michel Lummaux, Ministre plénipotentiaire, Ambassadeur Hugues Capet, Premier Conseiller René Daher, Consul adjoint Hervé Mascarau, Conseiller de coopération et d’action culturelle Raphael du Boispéan, Attaché de coopération, du développement et des affaires humanitaires Serge Popoff, Attaché de sécurité intérieure

Alliance Française à Jaffna Gérard Robuchon, Directeur

10 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Première Partie

Présentation générale

OFPRA 11 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Présentation générale

1.1 Données géographiques et humaines

1.1.1 Données géographiques

1.1.1.1 Superficies et reliefs

Le Sri Lanka est une île d’environ 65 600 km² situé au sud-est de l’Inde (environ deux fois la superficie de la Belgique). Elle fait dans sa plus grande longueur 445 km de long et dans sa plus grande largeur 225 km (données issues du site web officiel du Gouvernement sri-lankais).

C’est un pays au relief très varié. Un centre montagneux culminant à plus de 2 500 m domine le pays et est entouré de plaines, le tout étant encerclé par une ceinture côtière. A l’Est et au Nord la plaine est interrompue par d’étroites arêtes de granite.

Paysages du centre (ci-dessus) et du Nord (ci-dessous) du Sri Lanka

12 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.1.1.2 Climat et paysages

Le climat sri-lankais est un climat tropical humide dont les températures varient de 16° dans les hauteurs du plateau montagneux à 32° degrés à Trincomalee. Le Sri Lanka connaît un régime de double mousson, une première mousson touchant le Sud et l’Ouest du pays de mai à octobre. Une seconde mousson frappe le nord-est du pays de décembre à mars. Les précipitations sont alors très abondantes et rendent les routes difficilement praticables.

Scène de fin de mousson à Colombo

Les paysages sont quant à eux composé d’alternance de forêts (environ 1/3 du territoire) et de savanes, cultivées ou non. On y trouve également beaucoup de réservoirs et de lacs destinés à l’irrigation et à l’alimentation en eau.

Réservoir d’eau. Région de Trincomalee

OFPRA 13 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.1.2 Données démographiques et répartition ethnique

1.1.2.1 Population

En l’absence de recensement récent et fiable (le dernier remonte à 2001 et il n’a pas eulieu dans le Nord), il est difficile de présenter une estimation exacte de la population sri-lankaise. Un recensement partiel a eu lieu en 2007.

Les différents sites gouvernementaux eux-mêmes ne s’accordent pas entre eux sur la question. Le site officiel du Gouvernement (http://www.gov.lk/info/index) annonce une population de 18,5 millions d’habitants sur l’une de ses pages, et de 19.5 millions sur une autre.

Le site www.peaceinsrilanka.org, officiel lui aussi, annonce une population de 19 668 000 habitants, en précisant qu’il s’agit d’une estimation de 2005. Le World Fact Book de la CIA annonce une population de 21 128 772 habitants (estimation de juillet 2008).

La densité de population est de l’ordre de 295 habitants au km².

1.1.2.2 Répartition ethnique

Ces mêmes difficultés se retrouvent dans la répartition ethnique de la population. L’ensemble des sources consultées s’accordent pour dire que les Cinghalais représentent la majorité de la population. En revanche il existe de nombreuses divergences sur leur part dans la population globale et par conséquent sur la part des autres communautés, notamment tamoule, dans celle-ci.

Le site web www.peaceinsrilanka.org (site web officiel émanant du Gouvernement) donne la répartition ethnique suivante :

Cinghalais : 81.89% Moors (musulmans) sri-lankais :8% Tamouls d’origine indienne : 5.08% Tamouls d’origine sri-lankaise :4,37% Autres (Burghers, Malais, etc.) : 0,66%

Toutefois, le site web officiel du Gouvernement sri-lankais indique que les Tamouls sri-lankais représentent 12,6 % de la population auxquels il fait ajouter 5,5 % de Tamouls indiens. Enfin l’encyclopédie en ligne Wikipédia indique que la part de la population tamoule est de 13 % (8% de Tamouls sri-lankais et 5 % de Tamoul indiens).

Scène de marché dans le district de Batticaloa

14 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.1.2.3 Religions

Le Sri Lanka reconnaît la liberté religieuse même si l’article 2 de sa Constitution prévoit qu’il doit accorder la première place au bouddhisme. Il s’agit du bouddhisme de forme theravada (bouddhisme des «Anciens», parfois appelé péjorativement bouddhisme du «Petit véhicule»).

Répartition des principales religions selon le site officiel du Gouvernement :

Bouddhisme : 69,3 % de la population Hindouisme : 15,5 % de la population Islam : 7,6 % de la population Christianisme : 7,5 % de la population

Procession dans un temple bouddhiste d’Anuradhapura

Temple Hindou et mosquée en arrière plan à Colombo

OFPRA 15 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.1.2.4 Principales villes

Selon le dernier recensement de 2001 fourni par le service des statistiques du Gouvernement (http://www.statistics.gov.lk) les principales villes sri-lankaises sont les suivantes :

Colombo : 647 100 habitants

Dehiwala Mount Lavinia : 210 548 habitants

Moratuwa : 177 563 habitants

Negombo : 121 701 habitants

Jaffna : 118 224 habitants (recensement de 1981).

Sri Jayawardanapura Kotte : 116 366 habitants

Batticaloa : 80313 habitants

Vavuniya : 53 143 habitants. Le Governement Agent (GA) de Vavuniya quant à elle donne le chiffre de 65 000 habitants.

Trincomalee : 44 000 habitants (recensement de 1981).

1.1.3 Indices de développement

1.1.3.1 Espérance de vie et santé

L’espérance de vie moyenne est de 74 ans (source Wikipédia).

Selon diverses ONG (Unicef et Comité d’Aide médicale) présentes sur le terrain, la population est en bonne santé avec des standards proche des pays occidentaux.

Selon, l’Unicef, il existe cependant un problème culturel de malnutrition chronique des enfants au Sri Lanka.

Les hôpitaux sont gratuits. Il y a peu de dispensaires et les gens se déplacent directement dans les hôpitaux pour se faire soigner.

1.1.3.2 Education

Le taux d’alphabétisation est de l’ordre de 92,5 %.

Selon l’ensemble des interlocuteurs rencontrés, le système scolaire fonctionne partout dans le pays.

Dans un camp de réfugiés situé entre Trincomalee et Batticaloa, la mission a pu rencontrer un enseignant qui s’est exprimé sur les difficultés liées au manque de moyens. (11 enseignants pour 350 élèves dans ce camp).

Selon cet enseignant, l’examen de O level (classe 10) se déroule en décembre pour des résultats en mars. L’examen A level (classe 11) se déroule en août pour des résultats en décembre. Ce dernier est indispensable pour entrer à l’université, où les examens ont lieu en avril. Le GA de Vavuniya a indiqué que l’entrée à l’université se fait selon un système de quotas.

Le représentant du ministère des Droits de l’homme a précisé que les nouveaux programmes scolaires prévoyaient l’apprentissage des trois langues (cinghalais, tamoul, anglais), et que les écoles sont désormais mixtes.

16 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.1.4 Economie

Le Sri Lanka est, de manière officielle, un pays essentiellement rural (site web officiel du gouvernement sri-lankais). L’agriculture emploie 34 % de la population, mais ne représente que 17 % de l’activité économique du pays.

Selon le site officiel du gouvernement, le pays est auto-suffisant sur le plan alimentaire. Toutefois, selon ACTED, c’est loin d’être le cas. Les principales productions sont le riz, le thé, le caoutchouc et les épices.

Paysages de rizières

Le reste de l’activité est réparti entre les services (60%) et l’industrie (27%). Les principales activités économiques sont le tourisme (essentiellement dans le Sud et l’Ouest), l’industrie du vêtement, l’exportation de pierres précieuses.

L’essentiel de l’activité économique se concentre dans la région de Colombo.

1.2 Données politiques

1.2.1 Nature du Gouvernement et Constitution

La dénomination officielle du Sri Lanka est : République Socialiste démocratique de Sri Lanka. Le régime est une démocratie présidentielle avec un parlement monocaméral de 225 membres. La langue officielle est le cinghalais, mais le tamoul est aussi reconnu en tant que langue officielle. La Constitution a été votée en 1978 et amendée depuis à 17 reprises. Le dernier amendement a été voté en 2000.

1.2.2 Répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif

1.2.2.1 Le président de la République

Il est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 6 ans renouvelable une fois. Président actuel : Mahinda Rajapakse, depuis le 19 novembre 2005. Le président concentre l’essentiel des pouvoirs exécutifs puisqu’il est, selon la Constitution sri- lankaise, chef de l’Etat, chef du gouvernement, et commandant en chef des armées. Il nomme les

OFPRA 17 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 membres de son gouvernement. Il est responsable de ses actes devant le parlement, qui peut le destituer par un vote de défiance des 2/3 de ses membres.

1.2.2.2 Le Gouvernement

Le Premier ministre est un chef de cabinet sans réel pouvoir lorsqu’il est du même bord que le président, généralement chef de la majorité parlementaire. Les ministres sont nommés par le président de la République.

Entre décembre 2001 et avril 2004, le Sri Lanka a connu une expérience de cohabitation comparable à la cohabitation française. En effet, M. Ranil Wickramasinghe, leader de l’UNP exerçait les fonctions de Premier ministre tandis que Mme , membre du SLFP, était présidente de la République.

Il faut noter qu’outre ses fonctions de président de la République, M. Rajapakse est également ministre de la Défense et ministre des Finances.

Les 105 ministres actuels sont ainsi répartis :

49 membres du cabinet 36 ministres non membres du cabinet 20 ministres délégués.

1.2.3 Le Parlement

Il est composé d’une chambre unique de 225 membres élus au suffrage universel direct pour 6 ans. Il vote les lois et a le pouvoir de renverser le président de la République.

1.2.3.1 Mode d’élection

C’est un système complexe de vote à la proportionnelle. 196 députés sont répartis dans 22 circonscriptions plurinominales de 4 à 20 députés selon les circonscriptions. Chaque électeur choisit dans un premier temps le parti puis les candidats de son choix. Les partis ayant obtenu moins de 1/8ème des voix ne peuvent avoir d’élus.

29 députés sont élus au niveau national selon le total des suffrages obtenus par chaque parti. En cas de vacance, c’est le parti du titulaire qui désigne son successeur. C’est ainsi que Vinayagamoorthy Muralitharan, alias Colonel Karuna, a pu devenir député sur la liste du parti de la majorité présidentielle.

1.2.3.2 Parité

Hommes 214 Femmes 11 Pourcentage de femmes élues : 4.89%

1.2.3.3 Résultats des dernières élections législatives scrutin du 02/04/2004 : Alliance de la liberté populaire unifiée (UPFA) : 105 sièges Parti national uni (UNP) : 82 sièges Parti de l’Etat tamoul du Lanka (ITAK ou TNA) : 22 Patrimoine national cinghalais (JHU) : 9 Congrès musulman du Sri Lanka (SLMC) : 5 Autres : 2

18 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.3 Données administratives

1.3.1 Présentation globale

Le Sri Lanka est un pays unitaire et centralisé doté d’une administration pléthorique et de très nombreux services publics. Il existe des dizaines de ministères et de départements en charge de la gestion d’un domaine particulier, depuis les services fondamentaux (santé, éducation, eau, agriculture, irrigation, routes, etc.) jusqu’aux départements des jardins botaniques et des zoos (site web officiel du gouvernement sri-lankais).

Cette administration est présente sur tout le territoire, y compris dans les zones contrôlées par les LTTE. Les hôpitaux, les écoles, les transports publics fonctionnent de manière relativement efficace. La mission a d’ailleurs pu constater que de nombreux autobus circulent sur le réseau routier. Les compagnies publiques sont bon marché. Le système de santé, de l’avis des interlocuteurs est plutôt performant. Dans l’’est du pays, le système scolaire connaît malgré tout des difficultés.

Ecole détruite par les combats dans un village de personnes retournées du district de Batticaloa

Bus du service public sri-lankais de transport

OFPRA 19 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Le réseau routier est assez dense et d’une qualité plutôt satisfaisante pour un pays en guerre, notamment dans les zones récemment libérées. Il est régulièrement entretenu.

Le gouvernement a également initié sur le Net un portail pour toutes informations et démarches : http://www.gic.gov.lk/index_english.php. Toutes les procédures et les démarches à suivre pour l’obtention d’un document y sont indiquées.

1.3.1.2 Langues

La langue officielle du Sri Lanka est le cinghalais. Le tamoul est également une langue officielle. Selon le Governement Agent (GA) de Vavuniya, l’administration se fait donc dans les deux langues et les agents choisissent en fonction de la population qu’ils ont à gérer, sans intervention du gouvernement. Les autorités imposent des cours de tamoul aux policiers cinghalais, afin de favoriser leur contact avec la population tamoule.

1.3.2 Organisation administrative

Le pays est divisé en 25 districts qui comprennent chacun entre 5 et 16 divisions. Chaque district est dirigé par un Governement Agent (GA) nommé par le Gouvernement et chaque division est sous la responsabilité d’un Divisional Secretary. Chaque village est sous la responsabilité d’un Grama Niladhari ou Grama Sevaka (officier de village).

1.3.2.1 Les Governement Agents (GA)

Les GA sont les représentants de l’administration dans le district. Ils sont présents dans tout les districts y compris dans ceux contrôlés par les LTTE. Ils se réunissent régulièrement à Colombo pour y recevoir des consignes et rendre compte de leurs problèmes. A Vavuniya, c’est le GA qui gère les convois gouvernementaux de nourriture envoyés dans le Vanni. Elle s’occupe également de la gestion des camps d’IDP, et elle est l’interlocuteur principal des ONG présentes sur place. En revanche, les GA n’ont aucun pouvoir de police.

1.3.2.2 Les Divisionnal Secretaries

Ils sont les représentants des GA dans les divisions (échelon administratif inférieur au district). A titre d’exemple, selon le PAM, ils gèrent la répartition de la nourriture dans le Vanni fournie par l’administration et les convois des Nations unies. Ils délivrent également les extraits d’acte de naissance et transmettent les demandes des officiers de villages au GA.

1.3.2.3 Les officiers de villages

La mission a pu rencontrer l’adjoint d’un officier de village. Les officiers de village sont les représentants de l’administration au niveau local. Toutes les doléances et demandes relatives aux documents passent par eux. Ils recensent les électeurs et gèrent les aides distribuées à la population. Ce sont eux qui transmettent les demandes d’actes d’état civil, de documents d’identité. Ils établissent les certificats de décès et les attestations de bonne conduite nécessaire à la délivrance d’un passeport. Ils servent également d’intermédiaires entre la population et les forces de sécurité et peuvent intervenir pour obtenir la libération des personnes arrêtées. Ils peuvent également, à la demande des familles, fournir des attestations pour les personnes ayant été arrêtées. Ces documents sont délivrés après enquête auprès des autorités. Ils ne sont pas délivrés si la personne est ou a été détenue pour cause de terrorisme.

1.3.2.4 La délivrance de documents d’état civil

Les demandes d’acte d’état civil passent par les officiers de village.

20 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Extrait d’un entretien avec l’adjoint d’un Grama Sevaka (officier de village):

Question : Quelle est la procédure pour obtenir une CNI et un acte de naissance ? Pour la CNI : il faut demander au GS qui transmet ensuite au Divsional Secretary. Ensuite c’est envoyé à Colombo. Une fois la CNI faite, elle est envoyée au DS qui la remet ensuite à l’intéressé. Cela prend au minimum 6 mois. En cas d’urgence, l’intéressé s’adresse au GS et au DS pour avoir son numéro de dossier et il se rend à Colombo. Il paye 500 roupies.

Question : Quels sont les documents nécessaires ? 2 copies d’acte de naissance et 6 photos. Certificat de résidence fait par le Grama Sevaka et 20 roupies pour le tampon.

Question : Comment obtient-ton un acte de naissance ? A l’hôpital on donne un reçu. Les gens doivent ensuite le montrer à un officier d’état civil dans leur village qui l’inscrit dans un registre. Une fois le registre épuisé, il l’envoie au DS où on peut demander une copie de l’acte de naissance.

Question : Le Grama Sevaka n’est pas l’officier d’état civil ? Quand les gens n’ont pas respecté les délais de deux-trois jours, c’est le GS qui intervient pour indiquer la date de naissance.

Question : Dans ce village, il y a un bureau du Grama Sevaka et/ou bureau d’état civil ? Il y a les deux.

Question : Et pour un acte de décès ? Les gens remplissent un formulaire qu’ils transmettent au DS.

Question : Que peut-on indiquer comme motif de décès ? Le GS n’atteste que ce qu’il voit : mort naturelle ou mort violente.

Question : En cas de mort violente précise-t-il ou non ? La seule expression qu’on utilise est : « tué par balles par des inconnus ».

La carte nationale d’identité, CNI

source : http://www.unhcr.org/refworld/country,,IRBC,,LKA,,4829b5222b,0.html

Sri Lanka : information sur la carte d’identité nationale (National Identity Card - NIC), sa délivrance, son coût, sa période de validité, ses caractéristiques de sécurité et description du recto et du verso de la carte (extraits)

Le 14 mars 2008, un représentant du haut-commissariat du Canada à Colombo a fourni les renseignements suivants sur la carte d’identité nationale (National Identity Card – NIC) du Sri Lanka. [Traduction] La carte d’identité nationale sri-lankaise a été instaurée en 1972. Ce document est émis par le ministère de l’Enregistrement des personnes [Department for the Registration of Persons] situé à Colombo. Frais Des frais de timbre doivent être payés au moment du dépôt de la demande et la tarification est la suivante : – Étudiant : 3 Rs. [roupies sri-lankaises] /- (timbre) – [âgé de plus de] 17 ans : 13 Rs. /- (timbre) – Modifications des cartes de remplacement : 15 Rs. /- (timbre) – Service accéléré en un jour : 500 Rs. /- (…)

OFPRA 21 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Période de validité

Il n’existe aucune période précise de validité, mais les cartes délivrées entre 1972 et 1974 ne sont plus valides. (…)

Description de la carte d’identité nationale

Recto de la carte d’identité

La carte d’identité nationale est imprimée sur un papier de sécurité, avec un arrière-plan jaune et un motif « de lion et d’épée « qui se répète imprimé en jaune orange. 1. Au centre de la partie supérieure de la carte, le mot « Sri Lanka « est imprimé en langue singhalaise. 2. Le chiffre de couleur mauve à droite de l’emblème du Sri Lanka représente la province à partir de laquelle la demande a été faite. Les chiffres vont de 1 à 9. La convention de numérotation va comme suit : 1 Province de l’Ouest 2 Province du Centre 3 Province du Sud 4 Province du Nord 5 Province de l’Est 6 Province du Nord-Ouest 7 Province du Centre- Nord 8 Province d’Uva 9 Province de Sabaragamuwa

3. L’emblème du Sri Lanka 4. Juste au-dessous de l’emblème du Sri Lanka se trouve le numéro de la carte d’identité nationale, lequel est composé de 10 caractères. Les neuf premiers sont des chiffres, et le dernier est un caractère alphabétique. Le système de numérotation est le suivant : – Deux premiers chiffres : année de naissance. – Troisième, quatrième et cinquième chiffres : numéro du jour dans l’année qui correspond à la date de naissance de la personne. Les hommes se verront attribuer les numéros 1 à 366 et les femmes les numéros 501 à 866. Ce moyen permet de s’assurer que la date de naissance inscrite est exacte. La date de naissance d’un homme sera représentée par le numéro exact du jour dans l’année et la date de naissance d’une femme sera représentée par le numéro exact du jour + 500. Exemple : les cinq premiers chiffres de la carte d’identité nationale d’un homme né le 1er janvier 1997 seraient 97001; toutefois, une femme née la même journée aurait le numéro 97501. – Les sixième, septième et huitième chiffres représentent le numéro de série du livre d’inscription conservé au ministère [de l’Enregistrement des personnes]. – Le neuvième chiffre est un chiffre de vérification. – Une personne qui n’a pas le droit de vote se voit attribuer la lettre V, et celle qui ne l’a pas la lettre X. Exemple : un étudiant qui fait une demande de carte d’identité nationale à 16 ans, âge auquel il n’a pas encore le droit de voter, aura sur sa carte un numéro qui se termine par la lettre X. Les cartes délivrées en 2007 (pas de date exacte disponible) ne font plus cette distinction; en effet, toutes les cartes sont délivrées avec des numéros se terminant par la lettre V. 5. La photo est placée directement au-dessous [du numéro] de la carte d’identité nationale. Elle est habituellement en noir et blanc et entourée d’un cadre doré. Les photos en couleur ont fait leur apparition à l’automne 2005. 6. La carte comporte également comme élément de sécurité une ligne verte avec un motif. Lorsque la carte est observée à la verticale, les lettres RPD se répètent (Registry of Person Department). La ligne s’étend sur la largeur de la surface plastifiée, au bas de la photo (à l’horizontale) au recto de la carte et sur le côté droit (à la verticale) au verso de la carte. 7. Les initiales du superviseur (7a), dans le coin inférieur droit de la carte, indiquent que l’information sur la carte a été vérifiée et datée (7b); la carte est alors signée par le commissaire (7c); 8. Au bas de la carte, un encadré contient des renseignements sur la loi du parlement [Act of Parliament] qui régit la délivrance des cartes d’identité nationales.

22 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Verso de la carte d’identité

9. Les renseignements personnels suivants sont inscrits au verso de la carte : Nom : Autres noms : Homme/Femme : Date de naissance : Lieu de naissance : Profession: Adresse au moment de l’enregistrement : 10. Numéro du district [District Number] : juste au-dessous des renseignements personnels, vers le centre gauche de la carte, se trouve le numéro du district. Ce numéro indique si la carte est la carte initiale, une carte modifiée ou remplacée. La convention de numérotation va comme suit : – Les cartes délivrées pour la première fois commencent par les caractères alphabétiques NA, NB ou NC. – Les cartes modifiées (dans les cas où l’information sur la carte d’identité nationale a été entrée de façon inexacte la première fois) commencent par les caractères alphabétiques CA ou CB. – Les cartes de remplacement (à la place des cartes perdues, endommagées, etc.) commencent par les caractères alphabétiques LA ou LB. REMARQUE : Les caractères alphabétiques fournis sont ceux qui sont utilisés actuellement. On peut s’attendre à voir les séries ND, CC et LC dans un avenir proche. (…)

Références Canada. 4 avril 2008. Banque du Canada. « Currency Converter «. [Date de consultation : 7 avr. 2008] _. 14 mars 2008. Haut-commissariat du Canada à Colombo, Sri Lanka. « The Sri Lankan National Identity Card «. Rapport envoyé par un représentant. Autres sources consultées Sites Internet, y compris : British Broadcasting Corporation (BBC), The Daily News [Colombo], European Country of Origin Information Network (ecoi.net), Factiva, Royaume-Uni – Home Office, Sri Lanka – Department of Registration of Persons.

Selon les services consulaires de l’ambassade de France à Colombo, et même si cette pratique est illégale, il n’est pas rare que des cartes d’identités soient délivrées en l’absence d’acte de naissance.

Les passeports

Selon l’Officier d’immigration de l’ambassade de Grande Bretagne, il est très facile d’obtenir un passeport. Avec une CNI vraie ou fausse, ce document peut être obtenu en 24 h. Environ 3 000 passeports sont délivrés quotidiennement. Selon la représentante de l’ambassade de Suisse en charge de l’asile, même les personnes recherchées, brigands notoires, et les personnes persécutées obtiennent un passeport.

1.3.2.5 Les Conseils provinciaux

L’accord indo-sri-lankais de 1987 et le 13ème amendement à la Constitution voté dans la foulée prévoient la création de Conseils provinciaux dotés de pouvoirs élargis. Après la décision de la Cour suprême de séparer en deux la province du Nord-Est, il y a désormais 9 provinces. Les Conseils provinciaux sont élus au suffrage universel pour cinq ans. Ils ont à leur tête un Chief Minister, et un gouverneur nommés par le président. Chaque Chief Minister est secondé par un conseil des ministres. Ils ont des compétences en matière d’éducation, de santé, d’action sociale, de développement et d’agriculture. Cependant, il semble que l’ensemble des pouvoirs conférés aux Chief Ministers par le 13ème amendement ne leur aient pas été dévolus. Selon le NPC, l’autonomie des provinces est toute relative. Ainsi, le gouvernement leur refuse-t-il les compétences en matière de police, telles qu’elles ont été prévues par le 13ème amendement.

OFPRA 23 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.3.6 L’administration des LTTE

Dans les zones contrôlées par les LTTE, ces derniers avaient installé leur propre administration tout en conservant celle du gouvernement. Les représentants de l’Etat sont donc restés en place, ont continué à toucher leur salaire, et à exercer leurs fonctions.

Extrait de l’entretien avec l’adjoint d’un Grama Sevaka (Officier de village):

Question : Est-ce que votre village a été sous contrôle des LTTE ? Pendant toute la trêve jusqu’en octobre 2005.

Question : Y avait-il un fonctionnement particulier avec les LTTE ? Le rôle était le même.

Question : Est-ce que les LTTE intervenaient dans la délivrance des documents à certaines familles ou pas ? Non.

Question : Est-ce que le GS intervenait auprès des LTTE pour faire délivrer les gens recrutés ? Quand la famille est vraiment pauvre, il intervient auprès des responsables si l’enfant veut revenir.

Les représentants du PAM ont expliqué que ce sont les GA et les DS qui assurent la distribution de nourriture dans les zones contrôlées par les LTTE.

Les LTTE ont leur propre police, leur propre justice, leur propre système de collectes de taxes. Selon l’ONG ACTED, l’affectation entre l’administration et la branche combattante se fait en fonction des compétences. On reconnaît les membres civils des LTTE à la ceinture noire qu’ils portent.

Les fonctionnaires devaient donc travailler sous une double autorité, celle des LTTE et celle du gouvernement.

Un instituteur rencontré par les membres de la mission a indiqué ne pas avoir subi de pressions de la part des LTTE pour modifier son enseignement.

Les représentants du HCR à Vavuniya ont expliqué que les LTTE avaient leur propre système de cartes d’identité et de laissez-passer (pass).

1.4 Les forces militaires en présence

1.4.1 Les forces de sécurité

Elles sont toutes rassemblées sous la responsabilité du ministère de la Défense dont l’intitulé est très exactement : Ministry of Defence, Public Security, Law and Order. Le président de la république est commandant en chef des armées. L’actuel président, Mahinda Rajapakse, cumule ses fonctions avec celle de ministre de la Défense. Le secrétaire de la Défense est le frère du président : Gotabaya Rajapakse.

L’armée et les forces de sécurité jouent un rôle important dans la vie sri-lankaise. Les dépenses militaires sont le premier poste de dépenses du gouvernement. Selon la FCE, ce budget est en forte augmentation chaque année (+ 20% pour 2009).

Dans les villes sri-lankaises situées hors des zones de conflits, d’immenses affiches vantent les mérites des soldats défenseurs de la patrie. L’armée sri-lankaise lance des campagnes de recrutement agressives. Plusieurs membres français du personnel de l’ambassade de France ont expliqué à la mission qu’ils avaient reçu sur leur téléphone portable un SMS les invitant à rejoindre les cadets de l’armée. Selon la FCE et le NPC, 90% des Sri-Lankais soutiennent la guerre contre les LTTE.

24 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Affiche de propagande en faveur de l’effort de guerre

1.4.2 Compétences

Selon le site du ministère de la Défense (www.defence.lk) l’armée et la police ne sont que différents départements en charge des mêmes objectifs : maintenir l’intégrité territoriale du Sri Lanka et sa sécurité intérieure. Dès lors, il est difficile de distinguer les compétences exactes de chacun, et cela d’autant plus que le PTA (Prévention of Terrorism Act) et les Emergency rules ont accentué les pouvoirs de police de l’armée.

La mission s’est vu confirmer à plusieurs reprises par ses interlocuteurs que les opérations de police (cordon and search) pouvaient être menées aussi bien par la police que par l’armée. La mission a pu constater que, s’il existe notamment à Colombo des check points spécifiques à la police, la plupart de ces points de contrôle étant gérés conjointement par la police et l’armée.

Il faut noter qu’à Colombo, les check points de l’armée, de la police et des STF sont sponsorisés par des compagnies privées, qui utilisent les emplacements situés sur les baraquements ou sur les panneaux indiquant le check point.

En théorie, chaque personne arrêtée par l’armée doit être remise à la police dans les 24 heures.

1.4.3 Les forces armées

Effectifs :

Selon le site web de l’ambassade de France au Sri Lanka les forces armées se composent de 140 000 hommes (terre : 110 000, marine : 18 000, air : 12 000).

Il n’existe pas de service militaire obligatoire.

Selon la FCE, les troupes d’élites de l’armée sri-lankaise (les commandos) ne représenteraient que 2000 hommes.

Selon ACTED, la solde d’un soldat serait de 20 à 30 000 roupies par mois. Le salaire d’un général serait de 55 860 roupies (490 $).

Selon le Free Media Movement, une information non publiée indiquerait que 1 500 soldats seraient emprisonnés pour désertion. ACTED parle de nombreux militaires emprisonnés pour désertion.

OFPRA 25 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.4.4 Les forces de police

Selon le site du ministère de la Défense, la police serait forte de 65 000 hommes.

Ils sont répartis dans 36 divisions territoriales, elles-mêmes divisées en 61 divisions fonctionnelles comprenant 401 postes de police.

Selon le NPC, la police dépend en théorie de l’autorité du Chief Minister dans chaque Province, mais le gouvernement refuse de déléguer cette autorité, notamment dans la province de l’Est.

La Special Task Force (STF) :

La STF est un groupe paramilitaire de la police sri-lankaise chargé de contrer le terrorisme et les insurrections. Elle s’est surtout illustrée dans l’est du pays où elle reste très présente, mais a désormais étendu son champ de compétence à la protection des hautes personnalités et des sites stratégiques.

Les Home guards : 20 260 hommes (chiffres de 2002, site du ministère de la Défense sri-lankaise)

1.4.5 Les groupes paramilitaires

Selon les différents représentants du HCR et des autres agences des Nations unies, les partis tamouls pro-gouvernementaux comme la PLOTE, l’EPDP et les TMVP, possèdent des milices armées. Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, certaines d’entre elles, comme la PLOTE à Vavuniya, appuieraient les forces de sécurité dans leurs opérations de police et d’arrestations massives.

1.4.6 Les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE)

Selon les représentants du HCR à Vavuniya, leurs forces étaient estimées entre 10 000 et 12 000 hommes avant la reprise des combats. En novembre 2008 leur nombre était estimé à 6 000 combattants. Selon la FCE, ce chiffre s’élève à 8 000 combattants et 30 000 auxiliaires. Tous s’accordent à dire que les combattants restants sont expérimentés.

Les LTTE possèdent une marine, les Sea Tigers, et une aviation modeste, les Air Tigers. Les commandos suicides sont regroupés au sein des Black Tigers. Ils pratiquent le recrutement forcé au sein de la population. Selon l’Unicef, en novembre 2008, ils exigeaient deux ou trois membres par famille dans les zones qu’ils contrôlent.

Toujours selon l’Unicef, à la date du 31 août 2008, 6 284 enfants de moins de 18 ans ont été recrutés par les LTTE dont 2478 filles depuis 2002. Il resterait 128 enfants de moins de 18 ans dans les LTTE. 1 298 ont dépassé l’âge de 18 ans et 2 058 ont été relâchés. Filles comme garçons sont généralement envoyés en première ligne.

1.5 Le système judiciaire

1.5.1 Présentation générale

Le système judiciaire sri-lankais est fondé sur un système complexe de droit romain, hollandais et britannique, ainsi que sur le droit coutumier.

Le système judiciaire est engorgé et n’arrive donc pas à faire face à la demande. Selon le représentant d’une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, deux tiers des prisonniers sont en attente d’un jugement.

Il existe des juges cinghalais aussi bien que tamouls mais, selon le Center for Policy Alternatives,

26 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

la langue reste un problème majeur pour les prisonniers tamouls, notamment dans les régions où ils sont minoritaires. Ces prisonniers et ces juges sont souvent assistés d’interprètes de mauvaise qualité.

Selon cette même organisation, Les jugements peuvent être collectifs même si les charges restent individuelles. Les personnes peuvent être poursuivies pour les mêmes faits.

Les représentants du CPA indiquent qu’il y a de plus en plus de personnes arrêtées sous le régime du PTA (Prevention of Terrorism Act) et des Emergency rules. Les standards internationaux ne sont pas respectés en termes de procédure judiciaire ou de centre de détentions.

Les représentants à Colombo d’une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations indiquent que les personnes détenues ont beaucoup de difficultés à obtenir l’assistance d’un avocat. Selon le CPA, ceux-ci font l’objet de pressions destinées à les empêcher d’assurer la défense des personnes détenues sous le coup des lois PTA.

Cette même organisation internationale affirme que les avocats peuvent visiter leurs clients, mais que les visites ont systématiquement lieu en présence des forces de sécurité.

En théorie, les personnes détenues doivent faire l’objet d’un Détention Order. La plupart du temps, les juges signent les Détention Order sans que les personnes leur soient présentées. Les juges sont victimes de pressions.

Selon le CPA, il ne paraît guère plausible que des personnes arrêtées sous le régime des PTA ou des Emergency rules aient pu être libérées par le moyen de la corruption. Aucun cas de ce genre n’a d’ailleurs été recensé ces derniers temps. En revanche, il est possible d’être libéré sous caution et assigné à résidence, même si aucun cas n’a non plus été récemment signalé.

1.5.2 Organisation judiciaire

1.5.2.1 Les Primary Courts

Elles sont au nombre de sept (Anamaduwa, Angunukolapelessa, Kandy, Mallakam, Pilessa, Wellawaya et Wennappuwa). Dans les autres parties du pays, leurs compétences sont assumées par les Magistrate’s Courts.

Compétences :

- Les conflits civils dont les dettes, les réparations, et les demandes ne dépassant pas 1 500 roupies,

- La sanction des décisions des autorités locales et les affaires concernant le recouvrement des revenus de ces autorités,

- La justice pénale exclusive des délits prévus par règlement du ministre,

- La justice des délits commis en violation des dispositions des lois ou de la législation subsidiaire pour lesquelles la juridiction a compétence.

- Une demande en révision des décisions peut être faite à la High Court of Province.

1.5.2.2 Les Magistrate’s Courts

Elles sont présentes dans chaque division judiciaire. Le Sri Lanka en compte 74.

Compétences :

- Elles sont investies des compétences pénales originelles (autres que les délits sous accusation

OFPRA 27 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 de la High Court),

- Elles ont le pouvoir ordinaire d’imposer des jugements et des amendes jusqu’à 1500 roupies et/ou 2 ans d’emprisonnement, sauf pouvoir spécifique d’imposer des peines plus lourdes ,

- Les décisions de la Magistrate’s court sont susceptibles d’appel devant la High Court de la province compétente.

1.5.2.3 Les Districts Courts

Les Districts courts sont présentes dans les 54 districts judiciaires du Sri Lanka.

- Elles sont compétentes pour toutes les affaires civiles, patrimoniales, commerciales, et les faillites,

- Leurs décisions sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel.

1.5.2.4 La High Court et les Provincial High Court

Elles siègent à Colombo, Kalutara, Galle, Matara, Batticaloa, Jaffna, Chilaw, Negombo, Gampaha, Kegalle, , Kandy, Awissawella, Ratnapura, Badulla, Anuradhapura. Compétences en première instance de la High Court :

- Toutes réquisitions et actes d’accusations (exercées par les High Court des provinces dans lesquelles le délit ou le crime a été commis.)

- Conseil de l’Amirauté (à Colombo),

- Juridiction commerciale,

- Toutes les affaires concernant les tentatives d’influence sur les membres de la Commission du service judiciaire (chargée de nommer les juges),

- Les affaires concernant l’enlèvement d’enfant et l’application de la convention de la Hague.

Compétences en appel des Provincial High Courts :

- Toutes décisions rendues par les Primary Courts ou les Magistrate’s courts,

- Tous les actes rendus par les conseils provinciaux,

- Décisions rendus par les Labour’s Tribunal Agrarian Tribunal et Small Claims Courts.

1.5.2.5 La Court of Appeal

Elle siège à Colombo.

Compétences:

- Toutes les décisions des High Courts,

- Appel de tous les tribunaux de première instance, et d’autres institutions,

- Compétence unique et exclusive des procédures d’appels,

- Inspection des tribunaux de première instance,

- Actes concernant l’Habeas Corpus,

28 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

- Pouvoir d’accorder des sursis.

1.5.2.6 La Supreme Court

Elle siège à Colombo.

Compétences :

- Toutes les affaires constitutionnelles,

- Respect des droits fondamentaux,

- Juridiction d’appel de dernier ressort,

- Les affaires concernant l’élection du président de la République et les compétences du Parlement.

1.5.3 Les Juges de paix

C’est un poste honoraire. Ils sont choisis à la discrétion du ministre de la Justice en fonctions des services rendus à la collectivité et du bon comportement des candidats. Ils ont autorisation pour certifier les affidavits et lesstatutory “ declarations”.

1.5.4 Les lois d’exception : PTA (Prevention of Terrorism Act) et Emergency rules

Elles ont été réactivées à la reprise du conflit. L’état d’urgence est renouvelé chaque mois par un vote du Parlement.

Ces lois donnent des pouvoirs importants aux forces de sécurité pour arrêter, perquisitionner, et enquêter, le tout sans mandat d’arrêt ni décision de justice. Elles autorisent également des détentions sans jugement ni acte d’accusation pouvant aller jusqu’à 18 mois (Art 9 de la loi PTA) sur ordre du ministre.

En théorie les personnes doivent être présentées à un juge dans les 72 heures. Celui-ci peut alors ordonner le maintien en détention provisoire. Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, 1 800 personnes seraient actuellement détenues sous le régime du PTA.

Les Emergency Rules prévoyaient quant à elles des détentions de 12 mois qui, selon le CPA, auraient également été étendues à 18 mois. Les possibilités de recours contre ces détentions existent, mais aboutissent rarement.

Les procès se déroulent devant la High Court. Quelle que soit la manière dont elles sont obtenues, les déclarations et preuves sont opposables à l’accusé. Si celui-ci estime que les déclarations faites à son encontre sont irrecevables, il lui revient d’en apporter la preuve.

1.5.5 Les lieux de détentions et les prisons

Selon le bureau d’une organisation internationale reconnue pour la fiabilité de ses informations, il existe deux types de lieux de détention, les officiels et les non officiels.

1.5.5.1 Les lieux de détention officiels

Ils sont gérés par le ministère de la Justice pour les prisons, et par le ministère de la Défense pour

OFPRA 29 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 les postes de police, les camps militaires et le camp de Boosa.

Selon cette même organisation, la majorité des prisonniers est détenu dans ces centres de détention officiels.

Selon le CPA, les critères internationaux en matière de détention ne sont pas respectés. Les représentants d’une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations affirment que la situation des lieux de détention gérés par le ministère de la Justice est misérable. Les prisons ne fournissent pas les biens essentiels.

Il n’y aurait pas de lieux de détentions spécifiques pour les prisonniers politiques dans les prisons sri-lankaises. Du fait des multiples contrôles et du soupçon que fait naitre leur lien familial avec des détenus, les familles ont difficilement accès aux prisonniers.

Des cas de tortures, notamment à Boosa, ont été signalés.

Compte tenu de l’engorgement des prisons, les personnes arrêtées peuvent passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, dans des postes de police non prévus à cet effet.

Visites du CICR :

Le CICR ne visite que les lieux de détention officiels et délivre aux personnes visitées des cartes revêtues d’un numéro d’identification. Une autre carte est délivrée aux familles pour leur permettre de visiter les prisonniers. Le CICR fournit également quelques biens utiles à l’hygiène et favorise la correspondance avec la famille. Les personnes visitées sont enregistrées dans un fichier sous un numéro unique permettant ensuite la délivrance d’attestations. Les visites se font avec des interprètes non nationaux, compte tenu des risques encourus par ceux-ci.

Au terme de la détention, les documents attestant de celle-ci ne sont fournis qu’à la personne visitée, et à elle seule.

1.5.5.2 Les lieux de détentions non officiels

Plusieurs des interlocuteurs rencontrés lors de la mission (FCE, CPA, HCR) nous ont confirmé l’existence de tels lieux qui n’ont pu être recensés. Aucune organisation n’y a accès.

Selon les différents représentants d’une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, ces lieux seraient situés dans des maisons de particuliers à Colombo et changeraient donc régulièrement d’emplacement. A Vavuniya et à Jaffna, ils seraient également situés également dans certaines parties des camps militaires ou des postes de police.

Selon cette même organisation, peu de gens reviennent de ces lieux de détentions, et les rares qui en reviennent ont peur de témoigner.

1.6 La situation générale

1.6.1 Les partis politiques et forces en présence

Pour le NPC, le problème de la démocratie sri-lankaise est le partage du pouvoir. Les principaux partis sont mono-ethniques, leurs membres étant cinghalais. Les minorités qui représentent 25 % de la population, notamment la minorité tamoule n’ont aucune chance d’arriver seules au pouvoir et de faire valoir leurs droits. A titre d’exemple, le représentant d’ACTED a cité les propos du général Fonseka, général en chef de l’armée sri-lankaise indiquant que le Sri Lanka est un pays bouddhiste et cinghalais, et que la minorité a pour seul droit celui de prendre ce que la majorité lui donne.

1.6.1.1 Les principaux partis de gouvernement

Alliance de la liberté populaire unifiée United( People’s Freedom Alliance, UPFA) :

30 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Sri Lanka Freedom Party - People’s Liberation Front - Sri Lanka Mahajana Pakshaya - Muslim National Unity Alliance - Mahajana Eksath Peramuna - Desha Vimukthi Janatha Pakshaya - Communist Party of Sri Lanka - Democratic United National Front - Lanka Sama Samaja Party.

Il s’agit de la coalition au pouvoir. Considérée comme de centre gauche et nationaliste, elle mène une politique ultranationaliste, notamment sous l’influence des moines bouddhistes, et prône l’éradication des LTTE.

JHU (Patrimoine national cinghalais) :

Ce parti a été fondé par des moines bouddhistes, partisans d’un nationalisme dur et d’une solution militaire radicale contre les LTTE. Selon la FCE, ils organisent régulièrement des manifestations et entretiennent un climat anti-tamoul notamment à Colombo. Depuis 2007, ils ont rejoint le gouvernement de Mahinda Rajapkse.

1.6.1.2 Les partis d’opposition

Front national uni (United National Front, UNF) :

United National Party - Western People’s Front - Ceylon Workers’ Congress Leader : Au pouvoir de 2001 à 2004. Considéré comme de centre droit, et plutôt libéral, il est l’artisan du cessez-le-feu avec les LTTE entre 2002 et 2005 Beaucoup considèrent que, sans le boycott des élections imposé par les LTTE aux populations tamoules, il aurait gagné les élections présidentielles de 2005. Au début de 2007, 18 membres de l’UNP ont fait défection pour rejoindre la coalition au pouvoir et assurer ainsi une majorité confortable à cette dernière.

1.6.1.3 Les Partis tamouls

TNA ou ITAK (Parti de l’Etat tamoul du Lanka) : Coalition formée juste avant les élections de 2001 des partis tamouls suivants : All Ceylon Tamil Congress Eelam People’s Revolutionary Liberation Front Tamil Eelam Liberation Organization Tamil United Liberation Front La TNA reconnaît les LTTE comme la seule organisation représentative des Tamouls ayant le droit de négocier avec le gouvernement, et soutient les propositions de ce dernier.

EPDP Voir deuxième partie PLOTE idem. TMVP Voir troisième partie

1.6.2 La politique du gouvernement : la guerre contre le terrorisme

Le président élu en 2005 l’a été sur la promesse de mettre fin au terrorisme. Pour les représentants du gouvernement rencontrés lors de la mission, Sri Lanka s’inscrit dans la guerre globale contre le terrorisme. De même, la seule organisation terroriste est celle des LTTE. Il veut donc éliminer physiquement les LTTE et ses leaders.

Par ailleurs, pour le gouvernement, le Sri Lanka est un pays unitaire et refuse donc toute idée de fédéralisme à l’indienne ou d’autonomie accordée aux régions tamoules.

Il a donc décidé de mener une guerre totale contre les LTTE afin de les éliminer définitivement dans l’Est et le Nord du pays, mais il tient à affirmer qu’il ne s’agit pas d’une guerre contre les Tamouls.

OFPRA 31 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Dans le reste du pays, il a pris des mesures de sécurité pour lutter contre le terrorisme et prévenir les attentats. Or, selon le gouvernement, si tous les Tamouls ne sont pas des terroristes, tous les terroristes sont des Tamouls. D’où les mesures restrictives prises à l’encontre de ceux-ci : restriction de circulation, obligation d’enregistrement, etc.

Selon les autorités, il n’y a pas de discrimination à l’encontre des Tamouls. Ceux-ci sont présents dans l’armée (le n°2 de la Sri Lankan Air Force est tamoul) et de nombreux ministres ou ambassadeurs sont tamouls. S’il y a peu d’officiers et de soldats du rang tamouls, c’est parce que les LTTE les tuent.

De même les autorités essaient d’augmenter le nombre de policiers tamouls, mais se heurtent à la question du niveau d’éducation de cette population.

Selon les représentants des autorités, l’armée s’attache dans les zones de conflits à épargner les civils lors des bombardements ou des offensives. Ainsi, à la mi-novembre 2008, 400 attaques aériennes avaient été menées et seulement 20 civils tués.

Le gouvernement envoie des convois de nourriture pour venir en aide aux populations du Vanni.

Enfin, les autorités s’attachent à reconstruire et à développer économiquement les zones reconquises. Ainsi les personnes déplacées de l’Est ont-elles été très fortement incitées à rentre chez elles, alors même que la situation n’était pas encore stabilisée.

1.6.3 les conséquences de cette politique

Selon la Foundation for Co-existence (FCE), 90 % de la population cinghalaise soutient cette guerre. Cependant, cette priorité donnée à la sécurité a un coût. Le déficit de l’Etat atteint 25% du budget global. Le ministère de la Défense voit ses crédits augmenter de 20 % en 2009. Selon ACTED, 1/3 des ressources en devises ont été dépensées pour l’armée.

Selon le NPC, toute l’économie est tournée vers l’effort de guerre et les besoins de la population ne sont pas satisfaits. ACTED ajoute que l’inflation serait proche de 100 % au lieu des 30 % officiels.

Tous s’accordent pour dire que la stratégie militaire choisie est coûteuse en hommes. Selon la FCE l’armée perdrait 50 à 70 hommes par jour. Ces chiffres ont été avancés lors de la bataille de Kilinochchi, et avant les percées récentes de l’armée dans la péninsule de Jaffna et dans le Vanni). Selon le porte parole de la Défense cité par le site Tamilnet, site web proche des LTTE, reprenant une information parue dans le journal Sunday Island du 11 janvier 2009, plus de 3000 soldats auraient été tués lors des trois derniers mois de l’année 2008. Selon la FCE et ACTED notamment, une guerre longue et un enlisement du conflit se retourneraient rapidement contre le gouvernement.

1.6.4 le nationalisme tamoul et les LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam)

Les LTTE se veulent le seul représentant légitime du peuple tamoul et élimine ses opposants. Selon une organisation reconnue pour la fiabilité de ses informations, les LTTE détiennent des prisonniers politiques. Selon ACTED au Sri Lanka, l’idéologie des LTTE reste vaguement socialisante. Pour un responsable de l’Alliance française à Jaffna, elle serait même nationale-socialisante. Les Tigres se battent pour l’obtention d’un Etat tamoul, l’Eelam Tamoul, dans le Nord et l’Est du Sri Lanka, ont pratiqué la purification ethnique, et témoignent d’une hostilité manifeste à l’égard de la population musulmane.

Pour le NPC et la FCE, les LTTE bénéficient encore du soutien de la population tamoule malgré la terreur que ceux-ci font régner sur elle. En effet pour celle-ci, les LTTE sont les seuls à se battre pour leur cause. Il est donc difficile de séparer la communauté tamoule des LTTE, et ce d’autant plus que chaque famille tamoule dans le Vanni a un lien avec eux.

Une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations a expliqué que ses

32 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

employés locaux tamouls étaient sensibles à chaque victoire des LTTE.

Pour la FCE, la fin militaire des LTTE ne mettra pas fin aux aspirations de la communauté tamoule. Pour le National Peace Council, il est difficile de savoir ce que veulent les LTTE et s’ils sont prêt à accepter un système de type fédéral à l’indienne. Enfin, il faut noter que malgré la pression qu’exercent les « Tigres » sur la communauté, de nombreux Tamouls vivent en dehors des zones contrôlées par les LTTE et sont présents à tous les échelons de la société. Des députés, plusieurs membres du gouvernement et des ambassadeurs sont tamouls. La principale star du cricket sri- lankais est tamoule. Ils sont également présents dans l’économie et les médias. Cependant, selon le NPC, même les représentants de l’élite tamoule ont peur d’être arrêtés ou enlevés.

Contrôles à un check-point dans le district de Batticaloa

1.7 La situation générale des droits de l’homme

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, la guerre est présente partout au Sri Lanka, y compris à Colombo. Plus de civils perdent la vie en dehors du Vanni que dans cette région. Les autorités souhaitent montrer une guerre propre et cacher la guerre sale qu’elles mènent dans le reste du pays.

L’ensemble des personnes rencontrées, y compris le représentant du ministère des Droits de l’homme, s’accorde pour reconnaître qu’il existe des problèmes de droits de l’homme.

Les représentants des organisations internationales rencontrées sur place aussi bien que les membres des ONG locales ont pointé les conséquences dramatiques en matière de droits de l’homme du conflit opposant le gouvernement aux LTTE.

1.7.1 La liberté de circuler

Selon le HCR, il est difficile de circuler dans le pays lorsqu’on est d’origine tamoule. Toute personne originaire des régions à majorité tamoule ou désirant s’y rendre doit demander l’autorisation aux autorités, et il est presque impossible de se rendre du nord à Colombo.

La circulation à l’intérieur des villes notamment à Vavuniya est elle-même soumise à autorisation. Les personnes vivant dans des villages ou des camps de déplacés ne peuvent sortir de ceux-ci sans

OFPRA 33 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 autorisation spécifique des autorités.

De plus les nombreux check points constituent autant d’obstacles à la circulation des biens et des marchandises. Même si un certain nombre de ces points de contrôle ne fonctionnent pas en permanence, ils peuvent être réactivés à tout moment. Les missionnaires ont pu constater que les contrôles d’identités et les fouilles de véhicules sont nombreux.

Selon les représentants du Gouvernement ces mesures restrictives sont nécessaires pour lutter contre les infiltrations de membres des LTTE.

1.2.2 La liberté d’expression

Selon le Free Media Movement, la situation n’a jamais été aussi catastrophique pour la liberté de la presse. Depuis l’avènement du président actuel, 15 journalistes ont été tués (auquel il faut rajouter les journalistes assassinés depuis le début de l’année 2009), et 15 autres ont été arrêtés ou emprisonnés. La majorité des médias est d’une manière ou d’une autre sous contrôle gouvernemental, soit de façon directe soit du fait des pressions ou de la censure pratiquées. L’Etat contrôle une vingtaine de journaux dans les trois langues, outre des chaînes de télévision et de radio.

Il est très difficile, voire impossible, de critiquer les forces de sécurité et d’émettre des réserves sur la manière dont la guerre est menée. Les rares médias ayant osé le faire ont été immédiatement soumis à des représailles et à des exactions. L’assaut récent contre une chaine de télévision indépendante MBC et l’assassinat du journaliste Lasantha Wickramatunga sont là pour en témoigner.

Aucune enquête pour les assassinats de journalistes n’a jamais abouti, malgré les déclarations du gouvernement. Les avocats défendant les journalistes inculpés ou arrêtés sont menacés. Les membres du Free Media Movement sont régulièrement dénoncés comme des terroristes et des traîtres.

Le gouvernement a interdit aux journalistes l’accès aux zones de combats dans le Vanni. Les sites web pro-LTTE comme Tamilnet sont inaccessibles directement depuis le Sri Lanka. De plus, sous la pression du clergé bouddhiste, il est désormais interdit de montrer quelqu’un en train de fumer ou de boire de l’alcool à la télévision. De même, accéder aux sites pornographiques nécessite une autorisation gouvernementale.

Free Media Movement a été contrainte de créer un fonds de sûreté pour protéger les journalistes menacés. L’organisation fournit également un logement destiné à leur protection, que les missionnaires ont pu visiter, et demande à ses membres de suivre des règles strictes de sécurité.

1.7.3 Les personnes ciblées

1.7.3.1 La population tamoule

Selon le HCR et ses différents représentants à Colombo, Vavuniya, Trincomalee et Batticaloa, il existe une suspicion généralisée de la part du gouvernement envers la population tamoule originaire du Nord et de l’Est, particulièrement à l’égard des jeunes entre 18 et 35 ans, même si l’on ne peut affirmer que tous les Tamouls soient ciblés. L’ensemble des interlocuteurs non gouvernementaux rencontrés par la mission a souligné le climat de peur qui régnait au sein de la population tamoule.

Cette suspicion a été confirmée par le représentant du ministère des Affaires étrangères pour qui si tous les Tamouls ne sont pas terroristes, tous les terroristes sont Tamouls. Cela justifie donc aux yeux des autorités les mesures prises à l’encontre de la population tamoule (contrôles accrus, enregistrement, etc.).

Cependant, la mission tient à souligner que cette suspicion généralisée ne débouche pas sur des persécutions systématiques contre la population tamoule. Selon la FCE, il s’agit

34 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

bien d’un conflit entre le gouvernement sri-lankais et les LTTE et non d’un conflit entre Cinghalais et Tamouls. Il n’y a d’ailleurs pas, selon cette organisation, de risque de violence interethnique. Les deux populations coexistent même si elles ne se mélangent pas. Selon l’ambassade de Suisse à Colombo, tous les Tamouls ne sont pas persécutés au Sri Lanka et certains connaissent même des réussites spectaculaires.

1.7.3.2 Les personnes ayant quitté leur pays

Selon ACTED, les raisons du départ du pays sont avant tout des motivations économiques. Les personnes rencontrées par la mission dans les différents camps de déplacés ayant de la famille à l’étranger nous ont indiqué que la plupart des personnes étaient parties pour des raisons économiques ou de mariage.

Extrait de l’interview d’une femme dans un village de personnes retournées du district de Batticaloa :

Question : Avez ou eu des problèmes avec les voisins ? « Oui de la jalousie. Il y a eu des disputes car nos poules, nos vaches allaient dans leurs jardins. Il y a un problème de clôture, mesure. Nous avons planté du maïs, des aubergines, des lentilles, des bananiers, des hibiscus. Mon père est décédé, abattu par des inconnus il y a 14 ans. Il était agriculteur et apolitique. Mon frère a été détenu à Trincomalee pendant trois ans en 1993 et je ne sais pas pour quelle raison. Il travaille actuellement au bureau du D S à Trincomalee. Beaucoup de gens partent à l’étranger uniquement pour des raisons économiques, en s’endettant. »

La mission a notamment interrogé le HCR et l’OIM sur la question de savoir si les Tamouls rentrant de l’étranger faisaient l’objet d’un ciblage particulier de la part des autorités. Il lui a été répondu que ces personnes n’avaient pas plus de craintes que les autres membres de la minorité.

Les représentants des différentes ambassades rencontrées (Suisse, France, Allemagne, Grande- Bretagne) ont indiqué qu’à leur connaissance, les Tamouls rentrés ou renvoyés chez eux n’avaient pas fait l’objet d’arrestation ou de persécution spécifique de la part des autorités.

Il faut noter que la Suisse et l’Allemagne ne renvoient plus les Tamouls au Sri Lanka.

1.7.3.3 Les journalistes et défenseurs des droits de l’homme

Pour le CPA et le FMM, les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme sont des cibles pour le gouvernement qui ne supporte pas les critiques émises à son encontre dans la gestion du conflit. Ils peuvent faire l’objet de pressions, d’intimidations et de menaces de morts, ces dernières étant parfois mises à exécution.

1.7.3.4 Les employés locaux d’ONG

Il existe une suspicion généralisée contre les ONG internationales suspectées d’aider les LTTE. Le gouvernement mène des campagnes de presse contre ces ONG. Le représentant de l’Unicef a ainsi indiqué que six de ses employés avaient été accusés d’être membres des LTTE avant d’être disculpés.

Selon les délégations de différentes organisations présentes sur le terrain, notamment le HCR, leurs employés locaux, s’ils sont tamouls, peuvent faire l’objet de pressions et de menaces de la part des forces de sécurité et des LTTE.

ACTED a indiqué que ses employés locaux originaires de la province de l’Est refusaient de se rendre à Colombo par peur d’être arrêtés ou enlevés.

1.7.3.5 Une violence sporadique et aveugle

Selon le HCR et une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, il existe une violence sporadique qui se traduit par l’enlèvement, la disparition ou l’assassinat de personnes

OFPRA 35 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 majoritairement tamoules. Il est difficile de déterminer le profil exact des personnes visées par ces actes. Selon cette même organisation, 9 000 personnes auraient ainsi disparu depuis la reprise du conflit. Selon l’Unicef à Colombo, environ 400 personnes disparaissent chaque année.

Selon ACTED, le climat de peur ambiante et les incitations des autorités favorisent la pratique de la délation. Des sites web du Gouvernement sont même spécialement conçus à cet effet.

Si les représentants des autorités rencontrés ont fortement critiqué les rapports d’ONG, telles Human Rights Watch ou Amnesty International, dénonçant les atteintes aux droits de l’homme, le Service des affaires humanitaires pour l’Union européenne (ECHO) estime pour sa part que ces mêmes rapports doivent au contraire être regardés comme plutôt fiables. Cependant, cette violence a eu tendance à décroître en 2007 et 2008, même si une détérioration a fait son apparition au cours des premières semaines de novembre 2008.

1.7.4 Les auteurs de persécutions

Selon la majorité des personnes concernées, l’ensemble des parties au conflit commettent des exactions dans les zones qu’elles contrôlent. Dans l’Est et le Nord, les forces de sécurité, les LTTE, les groupes paramilitaires (TMVP, PLOTE, EPDP) commettent enlèvements et assassinats. A Colombo, ce sont essentiellement les forces de sécurité et leurs affidés tamouls qui se livrent à des exactions.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les forces de sécurité et leurs supplétifs sont majoritairement responsables des enlèvements et disparitions. Les enlèvements dans un « van blanc » nous ont été confirmés par plusieurs organisations, dont le HCR. Une femme rencontrée dans le camp de personnes déplacées de Poonthodam a expliqué aux membres de la mission que son fils avait été enlevé six mois plus tôt dans un commerce de Vavuniya et emmené dans une camionnette blanche de marque Dolphin. Elle est sans nouvelles de lui depuis cet enlèvement.

Selon le NPC, le problème principal du Gouvernement sri-lankais est l’impunité dont bénéficient les auteurs d’exactions. Selon le CPA, même lorsque les auteurs sont identifiés, ils ne font l’objet d’aucune poursuite. Depuis deux ans, aucun responsable d’atteintes aux droits de l’homme n’a été poursuivi. Les lois PTA et les Emergency rules protègent d’ailleurs les forces de sécurité de toutes poursuites éventuelles. Le frère du président, Gotbaya Rajapakse, secrétaire à la Défense cité par un diplomate européen, a déclaré que tant qu’il occupera ce poste, aucun militaire ne sera jugé pour violation des droits de l’homme.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, le gouvernement est responsable de cette situation, car il est censé protéger ses citoyens.

36 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Deuxième Partie

Situation à Colombo

OFPRA 37 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Colombo

Galle Face Green – Au second plan, le quartier du Fort et des Ministères

1.1 Présentation générale de la ville de Colombo

Colombo est une ville avant tout hétéroclite, bâtie tout en longueur. L’essentiel de son activité, qu’elle soit économique ou administrative, se concentre le long de Galle road, grande avenue qui traverse la ville du nord au sud pour rejoindre la ville de Galle (à 166 kms au sud de Colombo). L’architecture est variée, les temples colorés jouxtant des immeubles coloniaux. Le quartier du Fort, qui regroupe l’essentiel des ministères et des bâtiments administratifs ou financiers, semble désert (du fait des restrictions de circulation) en comparaison avec le reste de la ville, où se mêlent ruelles encombrées et larges avenues à la circulation dense.

Pendant la journée, la ville est particulièrement animée alors qu’à la tombée de la nuit, la circulation des piétons comme celle des véhicules diminue considérablement.

1.1.1 Situation géographique

Capitale économique du Sri Lanka (la capitale politique étant Sri Jayawardanapura), la ville de Colombo appartient au district du même nom. Ce dernier, d’une superficie de 642 kms2, fait partie avec les districts de Gampaha et de Kulutara de la province de l’Ouest du Sri Lanka.

D’une superficie de 37,31 km2, la ville de Colombo est divisée en 15 secteurs.

38 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Carte administrative de Colombo

Source : Atlas de Colombo - Sri Lanka Survey Department

Numéros des secteurs de Colombo Les quartiers notés en gras sont majoritairement tamouls :

Colombo 1 Fort Colombo 6 W e l l a w a t t a Colombo 11 Pettah Colombo 2 Slave Island Colombo 7 C i n n a m o n Colombo 12 Hulftsdorp Colombo 3 Kollupitiya Gardens Colombo 13 Kotahena Colombo 4 Kambalapitiya Colombo 8 Borella Colombo 14 Grandpass Colombo 5 Havelock Town Colombo 9 D e m a t a g o d a Colombo 15 Mutwal Colombo 10 Maradana

 Voir également : Les cartes détaillées des différents quartiers de la capitale : http://efusion.ikadiya.com/b2bhub/maps/colombo/index.htm Les cartes des districts, divisions : http://www.cmc.lk/colombo-lasdo/PDF/Atlas/04-%20N1_administrative_A3.pdf Les cartes thématiques : http://www.cmc.lk

OFPRA 39 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

2.1.2 Situation Politique

Lors de l’élection présidentielle de 2005, Colombo a soutenu à 51,12% la candidature de l’ancien Président Ranil Wickremesinghe, leader de l’ (UNP) et artisan du cessez-le-feu (élu de 2001-2004), contre 47,96% pour l’actuel président Mahinda Rajapakse.

La dernière élection municipale a eu lieu en 2006 et a été remportée par un parti indépendant soutenu par l’UNP. Ce dernier parti, au pouvoir à Colombo depuis cinquante ans et qui ne s’était pas présenté lors de ces élections, revendique toutefois la victoire. Cependant, depuis sa nomination au poste de maire de Colombo, M. Uvais Mohamed Imitiyas, âgé de 25 ans, ancien chauffeur de rickshaw (touk-touk) et élu du parti indépendant, est toujours en fonction en dépit de l’objection de l’UNP.

Le maire de Colombo et le Conseil municipal sont élus tous les 5 ans.

LOCAL AUTHORITIES ELECTIONS 2006 Final Results :

COLOMBO MUNICIPAL COUNCIL

POLITICAL PARTY/ INDEPENDENT GROUP VOTES OBTAINED PERCENTAGE SEATS

INDEPENDENT GROUP III 82,580 40.24 23 UNITED PEOPLE’S FREEDOM ALLIANCE 57,158 27.85 14 INDEPENDENT GROUP IV 17,480 8.52 4 WESTERN PEOPLES FRONT 16,068 7.83 4 DEMOCRATIC UNITY ALLIANCE 8,106 3.95 2 UP-COUNTRY PEOPLES FRONT 7,717 3.76 2 PEOPLES LIBERATION FRONT 6,145 2.99 2 INDEPENDENT GROUP II 3,931 1.92 1 JATHIKA HELA URUMAYA 3,281 1.60 1 INDEPENDENT GROUP I 1,609 0.78 - UNITED SOCIALIST PARTY 1,160 0.57 -

Valid Votes 205,235 95.47 Rejected Votes 9,725 4.52 Total Polled 214,960 54.29 Regis. Electors 395,914

Source : http://www.slelections.gov.lk/localAuthorities/subPages/col_COLOMBO_MUNICIPAL_COUNCIL.html

2.1.3 Population et répartition ethnique

Colombo est une ville multiethnique et multiculturelle. Sa population est principalement composée de Cinghalais, de Moors (musulmans) et de Tamouls.

Selon le National Peace Council (NPC), les communautés culturelles coexistent à Colombo.

Lors du dernier recensement effectué en 2001, le district de Colombo comptait 2 251 274 habitants. Selon les différentes sources, entre 642 000 et 647 000 personnes résideraient dans la ville de Colombo.

En 2001, la ville de Colombo était composée de :

 http://sundaytimes.lk/060528/index.html  Voir également le site du Gouvernement et de la municipalité de Colombo: http://www.statistics.gov.lk http://www.cmc.lk/colombo-lasdo/PDF/Atlas/13-%20N1_repartition_ethnies_A3.pdf http://www.citypopulation.de/SriLanka.html#Stadt_gross

40 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

% du Total No Ethnie Population 1 Sinhalese 265,657 41.36 2 Tamils 185,672 28.91 3 Moors 153,299 23.87 4 Indian Tamils 13,968 2.17 5 Malay 11,149 1.73 6 Burghers 5,273 0.82 7 Sri Lankan Chetty 740 0.11 8 Bharatha 471 0.07 9 Other 5,934 0.96 10 Total 642,163 100 Source : http://www.ucl.ac.uk/dpu-projects/Global_Report/pdfs/Columbo.pdf

2. 2 Situation des Tamouls à Colombo

Pour beaucoup d’observateurs, le conflit actuel trouverait ses origines dans les violences de juillet 1983 orchestrées contre la minorité tamoule par des groupes cinghalais liés au gouvernement. Lors de ces affrontements, de nombreux Tamouls vivant à Colombo auraient quitté le pays pour trouver refuge en Inde.

Aujourd’hui, la Foundation for Co-existence (FCE) estime que les habitants cinghalais de Colombo ne sont pas hostiles aux Tamouls, mais qu’ils sont favorables à la guerre contre le terrorisme.

Il est difficile d’obtenir une estimation fiable de la population tamoule. Selon le secrétariat aux Affaires étrangères, 39% de la population de Colombo est tamoule. Le HCR estime, quant à lui, que la population tamoule de Colombo est plus importante que la population cingalaise. Ces propos sont repris par la FCE pour qui, à Colombo, 60% de la population est d’origine tamoule. La FCE précise que parmi ces Tamouls, seuls 5% auraient accès à la fonction publique et qu’ils seraient originaires de toutes les régions du pays.

2.2.1 Recensement des Tamouls de Colombo

En septembre 2008, selon l’ambassade de France, les autorités ont effectué un recensement de tous les Tamouls originaires de l’Est et du Nord résidant dans la capitale. Celui-ci a notamment été réalisé dans les temples, les églises et les écoles.

Lors de ce recensement, le gouvernement sri-lankais a ordonné à toutes les personnes originaires des provinces du Nord et de l’Est venues s’installer à Colombo et dans sa banlieue au cours des cinq dernières années de se réenregistrer auprès de la police.

Réalisée de 8 heures du matin à 18 heures le 21 septembre 2008, cette étude fait apparaître qu’en sept ans, 37 037 personnes originaires des cinq districts déchirés par la guerre sont venues s’installer à Colombo et dans sa banlieue. Ce recensement a également permis d’enregistrer 10 820 familles.

Une opération de ce type avait déjà été effectué en 1995-1997, mais les recensements des Tamouls de la capitale ont été interrompus durant la période de cessez-le-feu (2002-2006).

2.2.2 Enregistrement systématique

A titre liminaire, il convient de signaler que, selon un représentant de l’ambassade de France, tous les habitants de Colombo doivent être enregistrés, quelle que soit leur origine ou leur nationalité. Cela concerne également les expatriés et les diplomates. Cependant, alors qu’il s’agit essentiellement d’une formalité administrative pour les cinghalais ou les étrangers, l’enregistrement des Tamouls est extrêmement complexe et discriminatoire.

 Courrier international daté du 23 octobre 2008 article de B. Muralidhar Reddy Frontline

OFPRA 41 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

En juin 2006, le gouvernement du Sri Lanka a annoncé que les Tamouls vivant dans la capitale et ses banlieues seraient tenus de s’inscrire auprès de la police de leur quartier. L’inspecteur général adjoint de la police a indiqué que cette mesure concernait également les Tamouls rendant visite à des parents et ceux qui vivent dans des pensions de famille (lodges). Les entreprises publiques et privées doivent par ailleurs déclarer leurs salariés tamouls.

Selon le gouvernement, ce système d’inscription a été conçu dans le but d’améliorer la sécurité à Colombo et de prévenir les attaques des LTTE. En effet, les Tamouls originaires du nord et de l’est et ceux en provenance des zones contrôlées par les LTTE sont perçus par les autorités comme des sympathisants potentiels de ce mouvement.

Le bureau du HCR à Colombo indique qu’il est nécessaire de distinguer les cas en fonction de l’ancienneté de la présence dans la capitale, et de la région d’origine mentionnée sur la carte d’identité. Les familles tamoules présentes depuis toujours ou depuis très longtemps (vingt ans) ne connaissent pas de problèmes, sauf si elles ont été ciblées par les LTTE ou les groupes paramilitaires. Par contre, les Tamouls originaires du nord arrivés récemment peuvent être arrêtés. Dans tous les cas, tout Tamoul arrivé à Colombo doit nécessairement être enregistré par les autorités de la capitale, même s’il a de la famille sur place. Il doit en principe pointer en permanence au poste de police, et sa famille est contrôlée.

Pour se rendre à Colombo pour une courte durée, il est nécessaire, selon un témoin résidant à Jaffna, de posséder une autorisation de l’armée. Les conditions d’obtention de ce document varient en fonction des régions. Par exemple depuis Jaffna, la personne doit verser la carte nationale d’identité, la carte militaire d’identité, la photographie familiale, des justificatifs professionnels et d’autres pièces, et indiquer le motif du déplacement. Cette autorisation est longue à obtenir pour les particuliers.

Les sociétés de Jaffna doivent demander une « clearance » (autorisation) pour leurs employés se rendant à la capitale, fournir la preuve de la réservation d’hôtel, ainsi que les dates exactes du séjour.

Les formulaires d’inscription sont préparés par le bureau de la présidence du Sri Lanka, et distribués dans les foyers par la police, aidée par la marine sri-lankaise. Tous les occupants du logement doivent remplir les formulaires d’inscription en présence du personnel de sécurité sur place.

Les Tamouls doivent présenter leur carte nationale d’identité ainsi qu’un certificat de résidence obtenu auprès du commissariat local. Ils doivent également, selon un représentant de l’ambassade de France au Sri Lanka, remplir un formulaire mentionnant les noms de toutes les personnes résidant dans le lieu où ils sont logés.

Ainsi, selon le Center for Policy Alternative, les 37 000 Tamouls arrivés du Nord depuis les cinq dernières années ont été enregistrés en présence de policiers par des comités de citoyens dont la légitimité est sujette à caution. Ils ont subi des interrogatoires.

Il faut également mentionner que, selon un témoin résidant dans le Nord du pays, tous les numéros de téléphones portables doivent être déclarés aux autorités militaires, y compris à Colombo.

Le bureau du HCR de Colombo indique qu’il n’existe pas de camps de personnes déplacées (IDP) à Colombo. Les IDP sont accueillis dans leurs familles. Nombreux sont ceux qui vivent dans des lodges, essentiellement dans les quartiers tamouls de la capitale.

2.2.3 Expulsions

Les personnes qui ne sont pas enregistrées sont arrêtées. Un représentant d’une ONG internationale

 Source proche du LTTE: Tamilnet, Police registration made mandatory to Hill Country, Colombo Tamils, 30 Juin 2006, http://www.tamilnet.com/art.html?catid=103&artid=18673  Tamilnet 30 juin 2006

42 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

à Colombo a cité le cas d’un membre d’une ONG, Tamoul originaire de Batticaloa, qui venait de rentrer d’Europe. Il a quitté l’aéroport de Colombo en taxi. Deux kilomètres plus loin, le taxi a été stoppé à un point de contrôle. Il a été arrêté et interné, car il n’était pas enregistré par la police de Colombo.

Selon le bureau du HCR, 90% des personnes détenues pour défaut d’enregistrement ne font pas l’objet d’une procédure judiciaire.

Le 7 juin 2007, des policiers et des officiers de l’armée ont procédé à des descentes dans les quartiers majoritairement tamouls de la capitale. Les personnes non munies de pièces d’identité ou n’ayant pas de raisons valables de se trouver à Colombo ont été expulsées des logements, et placées dans des bus à destination du nord et de l’est du pays. Saisie par le Center for Policy alternatives (CPA), la Cour suprême a interdit à la police, par une ordonnance intérimaire du 8 juin 2007, de renvoyer les Tamouls de Colombo dans leur région d’origine. Cette information a été confirmée aux missionnaires par le secrétariat aux Affaires étrangères.

Cependant, d’après certains de nos interlocuteurs, notamment le CPA, les Tamouls non enregistrés à Colombo peuvent toujours actuellement être renvoyés à Jaffna ou menacés de devoir y retourner. Le HCR note qu’en aucun cas Colombo ne peut constituer une alternative d’asile interne si les gens sont originaires du nord ou de l’est.

2.2.4 Disparitions

A Colombo, les forces de sécurité sont généralement à l’origine des disparitions.

Selon la FCE, les enlèvements ont cessé à Colombo, mais ont augmenté dans l’est et diminué à Jaffna.

Dans un rapport de mars 2008, Human Rights Watch indique que parmi les 1 500 personnes disparues entre décembre 2005 et décembre 2007, beaucoup seraient originaires de Colombo.

Selon les organisations de défense des droits de l’homme citées par le bureau de l’UNICEF à Colombo, 400 à 500 personnes auraient disparu à Colombo.

2.3 Situation militaire

Dans le cadre de la politique de lutte contre le terrorisme menée par le Gouvernement sri-lankais, l’armée est omniprésente dans la capitale.

Depuis juin 2006, le gouvernement sri-lankais a réintroduit les mesures de sûreté en vigueur avant le cessez-le-feu en raison « de la fragilité des conditions de sécurité » dans le pays. Ainsi, un certain nombre de mesures de sécurité ont-elles été imposées dans la ville et ses alentours.

2.3.1 Contrôles

Les militaires sont présents partout dans la ville. Il est possible, sur les axes sensibles, de les rencontrer tous les trente mètres. Ils sont soit en mouvement, soit postés dans de petites guérites consolidées entourées de sacs de sable. D’autres sont positionnés sur le toit de certains hauts immeubles où sont installées des pièces d’artillerie anti-aérienne. Guérite de sécurité consolidée sur un boulevard de Colombo

OFPRA 43 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Des barrages routiers sont visibles sur les principales routes menant à Colombo. Tous les véhicules entrant et sortant de la ville sont fouillés, y compris les cars entrant dans la capitale, et les passagers sont obligés de descendre. Il arrive que certains accès à la capitale soient fermés entre 22 heures et 6 heures du matin (selon un représentant de l’ambassade de France, l’un des deux ponts permettant de se rendre de l’aéroport à l’agglomération de Colombo est actuellement fermé).

Des points de contrôle sont installés dans les 15 secteurs de la ville. Plus l’on se rapproche de Colombo, plus ils sont nombreux. Lors de ces contrôles, les véhicules sont fouillés et les cartes d’identité vérifiées. Le secrétariat aux Affaires étrangères affirme que le gouvernement a réduit les attentats suicides à Colombo grâce à ces points de contrôle.

Après une décision de la Cour suprême sri-lankaise de décembre 2007 interdisant les check points fixes, ces derniers auraient été réinstallés quelques mètres plus loin à peine, une semaine après ce verdict, selon l’ambassade de France.

2.3.2 Conditions de circulation

Dans certains quartiers sensibles, des « zones de haute sécurité » (High Security Zone, HSZ) ont été mises en place. La circulation y est fortement limitée en raison du risque d’attaques terroristes. A ce jour, il existe trois zones de ce type à Colombo :

- La première débute au niveau du domicile du président sur Galle Road et comprend tout le Fort (Colombo 2) - La seconde se situe au niveau du Palais des congrès (Colombo 7) - La dernière au niveau du Parlement (Kotte)

Des restrictions de stationnement existent dans toute la ville. Il est par exemple interdit de stationner le long de tous les grands axes, mais le stationnement dans les rues transversales est toléré pour les riverains. Lors du passage des convois officiels ou militaires, toute la circulation est bloquée sur leur passage ainsi que dans les rues alentours.

En raison de ces contraintes, les Sri-lankais circulent à Colombo essentiellement à moto, en bus ou en rickshaw. Les transports en commun, notamment les bus, semblent fonctionner normalement. Les principales gares routières de Colombo se situent à Pettah, et la station de train la plus importante est celle du Fort d’où partent les trains à pour tout le pays.

A titre indicatif le trajet entre Colombo et Vavuniya en train dure entre quatre et six heures, et il faut compter environ sept heures de transport entre Colombo et Trincomalee, durée qui peut évidemment être rallongée en raison des contrôles.

Rue de Colombo, à gauche une file derickshaws

 http://www.irb-cisr.gc.ca/fr/recherche/rdi/index_f.htm?action=record.viewrec&gotorec=450791 Sur les déplacements : http://www.irb-cisr.gc.ca/fr/recherche/rdi/index_f.htm?action=record.viewrec&gotorec=450509

44 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Aéroport international Bandaranaike à Katunayake :

Il se situe à 30 km au nord de Colombo.

Les contrôles ont été considérablement renforcés autour de l’aéroport. D’après les informations recueillies auprès de nos interlocuteurs à l’ambassade de France, il n’est pas possible actuellement d’y accéder directement en voiture. Il est nécessaire de descendre avant l’arrivée à l’aéroport et de prendre un « bus navette ».

L’OIM est présent à l’aéroport. Il aide le service de l’immigration à lutter contre les trafics, et peut intervenir directement à la sortie de l’avion dans les cas où des personnes ont demandé à être prises en charge à leur retour.

Selon cet organisme, tous les Tamouls arrivant de l’étranger sont contrôlés par les autorités. Ils peuvent être placés en détention pendant quelques jours pour des opérations de vérification.

Selon la British High Commission, l’aéroport international ainsi que le port Negombo sont contrôlés de manière inefficace. Pour ces deux sites, il est précisé qu’il n’existe pas de différenciation entre les zones de départ et les zones d’arrivée.

2.4 Situation sécuritaire

Le Secrétariat aux Affaires étrangères considère que les Tamouls doivent être contrôlés en raison des risques d’attentat.

Ainsi, selon le bureau de l’UNICEF à Colombo, les Tamouls vivent à Colombo dans un climat de peur et de tension. Les rafles dans les rues sont fréquentes, et les menaces ne sont pas rares.

Selon le National Peace Council, cette situation concerne tous les Tamouls, quel que soit leur niveau social, « même les grands businessmen tamouls du Rotary Club ont peur d’être enlevés par des camionnettes blanches ».

Principaux attentats commis à Colombo et ses alentours depuis le 1er janvier 2008 :

- 1er janvier 2008 assassinat d’un député tamoul de l’opposition M. Mahaswaran (UNP) - 8 janvier 2008 assassinat du ministre de la Construction nationale D.M Dassanayake - 2 février 2008 attentat suicide dans la principale gare ferroviaire de Colombo - 23 février 2008 attentat à la bombe dans un faubourg de Colombo - 10 mars 2008 attentat à la bombe sur l’une des principales artères de la ville - 16 mai 2008 attentat suicide à la moto piégée contre un bus transportant des policiers anti-émeute - 26 mai 2008 attentat à la bombe dans un train à Dehiwala près de la Colombo - 4 juin 2008 attentat à la bombe contre un train - 6 juin 2008 attaque à bombe d’un autocar près de la capitale - 30 août 2008 attentat à la bombe dans une rue commerçante de Colombo - 28 octobre 2008 bombardement aérien de la centrale électrique de Colombo - 28 décembre 2008 attentat suicide à Wattala - 20 février 2009 bombardement aérien sur Colombo

Source : d’après AP cité par le site http://web.iquebec.com/actu/tag/lanka/p1

OFPRA 45 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

2.4.1 Rafles et arrestations

Selon le HCR, des opérations de « cordon and search » sont régulièrement effectuées contre les Tamouls. Lors des rafles, les quartiers à majorité tamoule sont toujours ciblés. Des centaines de personnes peuvent être arrêtées en une seule nuit ou une seule journée. Les risques d’être harcelé, arrêté, détenu pour les personnes originaires du nord et de l’est sont accrus. Ces propos sont confirmés par l’ONG ACTED qui indique qu’à Colombo, tous les jours, toutes les nuits, des fouilles sont pratiquées au hasard dans les quartiers tamouls de la ville. L’armée ou la police compare les listes de personnes déclarées. Si elle découvre qu’une personne n’a pas été enregistrée, elle arrête toutes les personnes résidant avec celle-ci.

Selon le HCR, depuis août 2008, les personnes suspectées peuvent être détenues légalement pendant 18 mois au lieu de 12 précédemment.

Même si l’on vient de Jaffna, légalement et avec les autorisations nécessaires, il existe des risques de se faire arrêter. En effet, les contacts entre la police de Jaffna et celle de Colombo sont peu nombreux.

L’ONG ACTED affirme que la délation est très répandue et encouragée par les autorités, notamment sur le site de l’armée sri-lankaise (cf. http://www.defence.lk/english.asp rubrique: report suspicious activity). Les habitants de Colombo ont peur du terrorisme, aussi n’hésitent-ils pas à informer la police de tout mouvement inhabituel.

A titre d’exemple, le directeur expatrié d’une ONG a reçu un soir à son domicile de Colombo trois de ses agents tamouls de Mannar et de l’est. Le lendemain matin, la police s’est présentée à son domicile pour l’interroger sur cette visite. Pour de telles raisons, les agents de cette même ONG originaires de l’est refusent de venir suivre des séminaires de formation à Colombo du fait des risques encourus.

Témoignage d’une femme tamoule, militante pour la défense des droits de l’homme :

Depuis plus de quatorze ans, cette femme n’est pas retournée dans sa ville d’origine. Elle s’est réfugiée pendant deux ans en Inde. A son retour au Sri Lanka, elle a été soupçonnée par les autorités en raison de son lieu d’origine dans le district de Mannar, mentionné sur sa carte d’identité.

Elle déclare :

« Il y a des harcèlements à Colombo, lors des contrôles. Dès que l’on voit une carte nationale d’identité d’ailleurs, il y a des soupçons. Il faut donner des explications incessantes. Mes enfants peuvent être arrêtés chaque fois qu’ils sortent. Mes filles ne s’habillent plus à la tamoule avec les salwars. Les forces de sécurité viennent dans la nuit, fouillent dans les armoires. Très tôt un matin, j’étais seule. Les forces de sécurité sont arrivées. Il n’y avait que des hommes : C.I.D., armée, police. Mon téléphone portable personnel a été fouillé. Maintenant je me dis que j’aurai dû les empêcher de manipuler mon téléphone. Ils parlaient en cingalais. Ils m’ont demandé de signer des formulaires remplis en cingalais. Ces fouilles durent des heures. Parfois, ils restent devant les portes, empêchant les gens de sortir. Les voisins cinghalais ne sont pas fouillés. Même le Président de l’université de l’est a été enlevé à Wellawatta. L’arrivée de mon propriétaire cinghalais a permis d’accélérer le départ des policiers. »

Selon le HCR, depuis août 2008, ces personnes arrêtées peuvent être détenues légalement pendant 18 mois sans charge en vertu de l’Emergency Regulation Act, au lieu de 12 mois précédemment. Le HCR précise que 90% des personnes détenues pour défaut d’enregistrement ne font pas l’objet d’une procédure judiciaire.

Selon une ONG internationale, la majorité des 1 800 personnes arrêtées en vertu du PTA l’ont été à Colombo. A l’exception de Jaffna, les détenus politiques sont transférés à Colombo s’ils ne sont pas relâchés par les autorités locales dans un délai de 48 heures. Actuellement, la plupart des personnes

46 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

arrêtées sont des Tamouls ayant de la famille dans une zone contrôlée récemment par les LTTE. Le Center for Policy Alternative précise que depuis cinq ans, 3 000 personnes ont été arrêtées, dont des mineurs.

La question de la barrière linguistique se pose lors de ces arrestations, dans les relations avec la police puis lors des procès. En effet, selon le Center for Policy Alternative, les débats judicaires se déroulent en cinghalais et les Tamouls sont assistés par de mauvais interprètes.

2.4.2 Lieux de détention

La plupart des personnes arrêtées lors de contrôles sont détenues dans un premier temps dans des lieux transitoires (ou postes de police). Il y aurait, selon une source fiable, une quarantaine de lieux de ce type à Colombo , où les personnes peuvent rester un certain temps avant d’être transférées en prison. Des maisons particulières serviraient également de lieux d’interrogatoires.

Selon une source reconnue pour la fiabilité de ses informations, les personnes arrêtées par l’armée doivent être transférées à la police dans un délai de 24 heures, puis présentées dans les 48 heures devant un juge qui décide du maintien ou non en détention. Il est précisé que ces personnes restent longtemps dans les postes de police de Colombo avant d’être conduites en prison.

Très peu d’informations ont pu être récoltées sur les lieux de détention à Colombo.

Selon une organisation internationale, les conditions de détention sont mauvaises. L’information est confirmé par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Manfred Nowa, qui, lors de sa visite au Sri Lanka entre le 1er et le 8 octobre 2007, a visité un certain nombre de lieux de détention à Colombo.

Il ressort de son rapport que les personnes arrêtées puis détenues sous le coup de l’Emergency Regulation Act peuvent rester incarcérées plusieurs mois, et parfois plus d’une année. Ces faits ont été vérifiés lors de ses visites dans les petits postes de police comme celui de Mount Lavinia, tout comme au siège du CID et du TID.

Selon Manfred Nowa, les conditions de détention sont extrêmement difficiles. Dans la plupart des lieux visités, les détenus dorment à même le sol. Dans certains lieux, la lumière naturelle fait défaut et les conditions d’hygiène sont déplorables. Des cas de torture et de traitements inhumains et dégradants sont régulièrement signalés.

Toujours selon le même observateur, les personnes suspectées de terrorisme et arrêtées par la police peuvent être détenues pendant plusieurs mois dans des commissariats avant d’être confiées au CID ou TIP pour un interrogatoire complémentaire.

Il existe plusieurs prisons ou lieux de détention officiels à Colombo et dans ses environs :

- The Criminal Investigation Department (CID)

4ème étage : Les conditions de détention sont consternantes. En raison du manque de place, certaines personnes sont détenues dans les bureaux et dorment directement sur les tables. Durant la journée les détenus n’ont pas de liberté de circulation et doivent rester dans une salle sous la surveillance d’un officier.

6ème étage : Il est composé d’une grande salle avec des sortes de petites cages servant de cellules. Il n’y a pas de lumière naturelle, et l’aération est insuffisante. Selon les témoignages recueillis par le rapporteur spécial, les suspects peuvent y être détenus pendant plusieurs mois, voire davantage.

 Source : Rapport de mission du rapporteur spécial sur la torture Manfred Nowar, en date du 26 février 2008 qui contient la description des différents lieux de détention visités à Colombo avec de nombreux témoignages http://www2.ohchr.org/english/issues/torture/rapporteur/ Puis cliquez sur mission to Sri Lanka à partir de la page 27  Source : Extrait du rapport du Home Office de 2008 p.106

OFPRA 47 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

- The Terrorist Investigation Department (TID)

Les cellules sont regroupées dans deux ailes : une pour les hommes et une pour les femmes et les enfants. Il y aurait 8 cellules de 1,5 mètre sur 2 mètres pour les hommes, chaque cellule accueillant quatre personnes. Les conditions de circulation seraient limitées puisque les détenus ne se déplaceraient dans la journée qu’à l’intérieur d’un étroit couloir. La nuit, les cellules sont fermées, mais certains détenus dormiraient parfois dans le couloir. Les conditions de détention (lumière naturelle, aération, hygiène…) sont mauvaises. L’espace réservé aux femmes se compose de deux cellules et d’un petit couloir. Le samedi les détenus peuvent recevoir une courte visite de leur famille. De nombreux cas de mauvais traitements et de torture ont été rapportés.

- Welikada Prison

Prison de haute sécurité, la plus importante du Sri Lanka, elle comptait 16.487 prisonniers en 2006, dont 3 600 étaient placés en détention préventive.

- Colombo Remand Prison

La prison serait surpeuplée et les conditions de détention affligeantes.

- The New Magazine Prison (Female Ward)

Des enfants seraient également détenus dans cette prison. Les conditions de détention y seraient meilleures qu’ailleurs.

- Mt. Lavinia Police Station

Le bâtiment s’étend sur deux étages. Il y aurait 3 cellules de 3 mètres sur 2 mètres. Les détenus pourraient circuler librement, et dormiraient à même le sol. Les femmes seraient détenues dans un des bureaux et dormiraient sur un banc ou par terre. Les familles peuvent venir apporter de la nourriture et de l’eau.

Il existe par ailleurs de nombreux postes de police :

- Panadura South police station Comprend 3 cellules dont une serait utilisée pour entreposer les objets volés.

- Payagala North police station Ne comprend qu’une seule cellule.

- Ratmalana Police Post Aucune information.

48 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Welikada prison et Remand prison

CID-TID

Plan des voies de circulation dans la ville de Colombo

Source : http://www.colombotown.com/images/Colombo_Map_Large.jpg

OFPRA 49 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Quartier de Kotahena et de Bloemendhal10

10 Atlas de Colombo - Sri Lanka Survey Department

50 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Troisième partie

La province de l’Est

OFPRA 51 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

La province de l’Est : les districts de Batticaloa et de Trincomalee

3.1. La Population

La province de l’Est est constituée de trois districts : Trincomalee, Batticaloa et Ampara. La mission s’est rendue dans les districts de Batticaloa et de Trincomalee.

3.1.1. Le district de Batticaloa

Selon le ministère du recensement et des statistiques (Department of Census and Statistics, Basic Population information on Batticaloa District, Preliminary Report Based on Special Enumeration, Colombo, octobre 2007, ), la population du district de Batticaloa at- teignait 515 857 habitants en 2007. 17 % de ces habitants résidaient dans l’agglomération de Bat- ticaloa.

Selon cette même source, la répartition ethnique et culturelle de cette population était la suivante : 74 % de Tamouls, 25 % de musulmans, 0,5 % de Cingalais et 0,5 % de Burgher.

Elèves à la sortie d’une école chrétienne Marché de Chenkaladi (district de Batticaloa) de Batticaloa devant un temple hindou

La ventilation géographique de ces différents groupes par division à l’intérieur du district fait appa- raître une concentration des musulmans dans la plupart des agglomérations situées le long de la route nationale A 15, parallèle à la côte orientale. Les musulmans y sont largement majoritaires, à l’exception notable du chef-lieu du district, Batticaloa, et de deux divisions dans lesquelles ils sont absents.

L’arrière-pays rural est très nettement dominé par les Tamouls. La présence des Cingalais est négli- geable ; ils n’étaient que 226 dans le chef-lieu. Les Burgher, ainsi que les autres groupes résiduels comme les Malais, étaient concentrés dans la ville de Batticaloa. (voir la carte intitulée « Répartition ethnico-culturelle de la population par Divisional Secretary’s Divisions dans le district de Battica- loa »)

Les musulmans étant des locuteurs de tamoul, cette langue est donc d’usage quasi-exclusif dans le district.

52 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

OFPRA 53 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

54 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.1.2. Le district de Trincomalee

Selon le ministère du recensement et des statistiques (Department of Census and Statistics, Basic Population information on Trincomalee District, Preliminary Report Based on Special Enumeration, Colombo, octobre 2007, ), la population du district de Trincomalee atteignait 334 363 habitants en 2007. 27 % de ces habitants résidaient dans l’agglomération de Trincomalee.

Selon cette même source, la répartition ethnique et culturelle de cette population était la suivante : 45,4 % de musulmans, 28,7 % de Tamouls, 25,4 % de Cingalais et 0,5 % d’autres groupes (essen- tiellement des Burgher).

La ventilation géographique par division à l’inté- rieur du district de ces différents groupes fait ap- paraître une large majorité de musulmans dans les divisions limitrophes de la côte méridionale de la baie de Trincomalee et le long de la côte située au nord de l’agglomération de Trincomalee. L’ag- glomération de Trincomalee est néanmoins peu- plée majoritairement de Tamouls. Les Cingalais peuplent essentiellement les divisions de l’arrière- pays, éloignées du littoral, où ils sont majoritaires, à l’exception d’une division. Cependant, leur nom- bre reste relativement faible, y compris dans ces territoires à faible densité d’occupation. Les Bur- gher, ainsi que les autres groupes résiduels com- me les Malais, étaient essentiellement concentrés dans l’agglomération de Trincomalee. (voir la carte intitulée « Répartition ethnico-culturelle de la po- Affiche publicitaire interethnique dans le district pulation par Divisional Secretary’s Divisions dans de Trincomalee le district de Trincomalee »)

Paysage rural au nord du district de Batticaloa et route A 15

OFPRA 55 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

56 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.2. La situation militaire

Selon le HCR, le pic des violences a été atteint dans l’Est en août 2006 lors de la retraite des Ti- gres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTEE). L’Est est depuis devenu une zone sécurisée en phase de normalisation. La situation est désormais stable. Il reste des groupes des LTTE, en situation de faiblesse, menant des actions rapides de guérilla (hit and run). Ils s’affrontent surtout aux Tigres libérateurs du peuple du Tamileela (Tamileela Makkal Viduthalai Pulikal, TMVP, scission des LTTE), pas avec les forces gouvernementales. Le conflit militaire y est largement terminé.

Selon le HCR, la protection générale accordée aux Tamouls de l’Est n’est plus d’actualité.

L’UNICEF rappelle qu’avant août 2006, les environs de Batticaloa étaient contrôlés par les LTTE. L’ar- mée ne contrôlait que 20 % du territoire. Puis l’armée a pris progressivement le contrôle du district. En 2007 ce contrôle est devenu total. Ensuite, le gouvernement a engagé le processus électoral, qui a amené les TMVP à la victoire aux élections municipales de Batticaloa en mars 2008 et aux élec- tions provinciales en mai 2008.

Le HCR rapporte que la zone de Kilan (division administrative du Koralai Pattu South) est une zone- tampon entre l’armée sri-lankaise (SLA) et les restes des LTTE encore actifs dans la province de l’Est. Quelques attaques sporadiques ont eu récemment lieu dans cette zone, ainsi que dans la zone forestière occidentale du district d’Ampara. Des LTTE ont attaqué le camp de la Special Task Force (STF) à Chenkaladi. Cependant, il n’y a plus de situation de violence généralisée.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, l’arrière-pays oc- cidental du district de Batticaloa ne constitue plus une zone de guerre. L’armée a laissé s’y déployer les TMVP qui connaissent bien le terrain en tant qu’anciens membres des LTTE. Il ne s’y déroule que quelques affrontements épisodiques, tels que des accrochages entre des patrouilles militaires et des infiltrés des LTTE, des assassinats de membres des TMVP par des LTTE, des attaques contre des policiers ou des civils cingalais (comme le meurtre d’un médecin ou l’attaque d’ouvriers sur une route).

La violence n’est pas généralisée, mais sporadique. Les principales victimes de cette violence, en particulier des enlèvements, sont des Tamouls, car ils sont considérés comme étant liés aux LTTE.

Selon le HCR, les écoles et l’hôpital pu- blic de Batticaloa ne fonctionnent pas toujours correctement. Selon une or- ganisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, des écoles publiques du district de Battica- loa sont occupées par l’armée.

Selon le HCR, la plupart des militaires stationnés dans le district de Battica- loa sont des musulmans. Très peu sont cingalais. Il en est de même des inter- prètes en tamoul au service des insti- tutions internationales et des ONG.

Les membres de la STF sont des Cin- galais, assistés par des interprètes en tamoul musulmans. Les officiers des forces de sécurité font des efforts pour s’exprimer en tamoul. Il existe des centres de formation linguistique au Un militaire posté devant la lagune de Batticaloa tamoul dans la police.

OFPRA 57 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.3. La situation politique

3.3.1. Les élections locales dans le district de Batticaloa en mars 2008

En mars 2008 le gouvernement a organisé des élections locales dans le district de Batticaloa. Le taux de participation était de 59 %. L’Alliance de la liberté du peuple uni (United People’s Freedom Alliance, UPFA, qui contrôle le gouvernement sri-lankais) et les Tigres libérateurs du peuple du Ta- mileela (Tamileela Makkal Viduthalai Pulikal, TMVP, scission des LTTE), qui s’étaient alliés, ont rem- porté 76 des 101 sièges en lice, soit 75 % (taux identique à celui de la population tamoule dans le district). Les TMVP occupent 61 de ces 76 sièges. Ils ont aussi obtenu 11 des 19 sièges du conseil de la municipalité de Batticaloa, dont le maire, Pirabarakan Sivakeetha alias Pathmini (une femme), est aussi membre de ce parti. Le Congrès des musulmans du Sri Lanka (Sri Lanka Muslims Congress, SLMC) a obtenu 17 sièges. Ces élections ont été boycottées par le principal parti d’opposition au plan national, le Parti de l’union nationale (United National Party, UNP) et l’Alliance nationale ta- moule (Tamil National Alliance, TNA), proche des LTTE.

Selon l’UNICEF, les TMVP ont installé leurs locaux à proximité des camps militaires et des postes de police pour des raisons de sécurité. Les membres des TMVP sont toujours armés, bien que cette or- ganisation se soit transformée en parti politique. Le gouvernement considère les TMVP comme une organisation politique acceptable.

3.3.2. Les élections dans la province de l’Est en mai 2008

Le 10 mai 2008 les élections provinciales ont été organisées dans la seule province de l’Est. L’UPFA, alliée aux TMVP et à des petits partis musulmans, a obtenu 20 sièges sur 37 (52 % des suffrages), et l’UNP, allié au SLMC, 15 sièges (42 % des suffrages). La TNA a boycotté ces élections, mais son mot d’ordre n’a pas été suivi puisque le taux de participation a été de 66 %. Sivanesanthurai Chandrakanthan alias Pillaiyan, dirigeant des TMVP depuis le 7 octobre 2007, a été désigné comme gouverneur (Chief Minister) provincial.

Selon le HCR, les partisans de Pillaiyan sont majoritaires parmi les TMVP de Trincomalee. Après les élections provinciales, ils sont venus pour la plupart de Batticaloa pour semer la terreur à Trinco- malee. Leurs bureaux sont installés à proximité de ceux de la marine et de l’aviation qui les protè- gent. Ils se sont disputés entre groupes internes pour la répartition des postes dans les institutions provinciales.

ACTED précise qu’à la suite de cette victoire électorale, les TMVP ont pris le contrôle des institutions provinciales. Cependant, l’autonomie provinciale prévue par le 13e amendement constitutionnel n’a pas été appliquée. Les TMVP réclament son application, en particulier la dévolution des pouvoirs de police et des terrains publics, qui restent sous le contrôle du gouvernement central.

L’administration demeure centralisée. ACTED a toujours celle-ci comme interlocutrice pour l’exé- cution de ses programmes dans la province de l’Est. Le pouvoir administratif des TMVP est limité aux infrastructures internes aux villages. Cependant, les TMVP détiennent toujours des armes, et la police renvoie vers eux les personnes qui connaissent des problèmes.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les personnes ha- billées en civil, armées de fusils d’assaut et circulant à moto dans le district (observés par la mission dans les localités côtières et un village de personnes retournées du district de Batticaloa), sont pour la plupart des membres des TMVP. Ceux-ci ne portent pas d’uniformes, ni d’insignes distinctifs, y compris dans leurs camps retranchés situés aux abords des villages de personnes retournées. Ces paramilitaires se distinguent des forces de sécurité (police, STF et SLA) qui portent des uniformes militaires. En revanche, les militants du Parti démocratique du peuple de l’Eelam (EPDP) sont désar- més ; leurs locaux sont protégés par la police.

Selon la Foundation for Co-Existence (FCE), Pillaiyan se plaint de ne pas recevoir du gouvernement les ressources nécessaires à l’exercice de sa fonction de gouverneur de la province de l’Est.

58 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.3.3. Tensions entre musulmans et TMVP à la suite des élections de 2008

ACTED rappelle qu’en mai 2008, après les élections provinciales, des batailles de rue entre mu- sulmans et Tamouls se sont déroulées dans tous les villages de la côte Est près de Batticaloa (no- tamment à Chenkaladi selon le HCR). Les musulmans estiment être lésés dans la répartition des postes au sein des institutions provinciales. La circulation des véhicules a été interrompue pendant deux semaines sur la route côtière. Les véhicules d’ACTED ne pouvaient plus se déplacer dans cette zone.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les élections provinciales de mai 2008 ont donné lieu à des affrontements dans le district de Batticaloa entre les musulmans et les Tamouls, notamment dans les villes musulmanes côtières. Depuis cette période, les tensions sont retombées. En effet, un accord est intervenu au plan national pour un partage des postes dans les institutions provinciales entre les Tamouls et les musulmans. Actuellement, seules quelques violences sporadiques peuvent parfois se manifester. Les musulmans ne sortent pas armés sur la voie publique, à la différence des TMVP.

Selon le HCR, la fraction Pillaiyan des TMVP continue à avoir des fric- tions avec des groupes musulmans depuis les élections provinciales. Les musulmans sont majoritaires dans des zones côtières de forte densité de population, comme Koralai Pattu West et Eravur. Ils ont formé des groupes armés informels, qui ne semblent pas organisés en réseau.

Selon le HCR, les musulmans se méfient des membres des TMVP, car ce sont d’anciens membres des LTTE. Les musulmans du district de Trincomalee n’ont pas constitué de milices, mais ils sont armés comme les TMVP.

Selon ACTED, des imams ont ap- pelé à venger les actes de racket des TMVP contre les commerçants musulmans.

Caritas estime qu’il n’y a plus ac- tuellement de tension visible entre les musulmans et les Tamouls, mais qu’une étincelle peut mettre le feu aux poudres. Par exemple, si un Tamoul se rend dans une zone mu- sulmane et qu’un policier le tue, la population tamoule accuse les mu- sulmans du meurtre. Un conflit in- Une mosquée en construction tercommunautaire violent apparaît à Eravur (district de Batticaloa) alors.

OFPRA 59 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.3.4. La guerre des fractions au sein des TMVP

Selon l’UNICEF, les TMVP sont à la fois un parti politique et un groupe armé. Ses locaux se trouvent dans des maisons situées dans des sortes de camps armés. Selon le HCR, il n’y a pas actuellement de défection de membres des TMVP pour rejoindre les LTTE.

Selon le HCR, les TMVP se sont divisés en deux fractions depuis le retour au Sri Lanka en juillet 2008 de leur ancien chef, Vigyanamurthy Muralitharan alias colonel Karuna, l’ancien commandant des LTTE pour la zone Batticaloa-Ampara exclu de la direction de l’organisation en octobre 2007. Les fractions Karuna et Pillaiyan des TMVP se battent avec des armes et enlèvent des personnes.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les TMVP sont soumis à un affrontement entre la fraction de Karuna et celle de Pillaiyan. La querelle des deux chefs a des répercussions directes sur le terrain. De plus en plus d’attaques ont lieu entre les différents camps des TMVP.

Le nombre des militants de chacune des fractions est estimé de 800 à 1 000. La fraction de Karuna tient les extrémités côtières du district de Batticaloa. Celle de Pillaiyan se concentre sur la ville de Batticaloa, où se trouvent les administrations qu’elle contrôle.

Selon cette même source, la division des TMVP n’est pas politique, car l’allégeance à une fraction passe par des liens individuels avec des petits chefs locaux. Les bureaux des TMVP sont en fait des camps retranchés armés. Les chefs de ces camps ont décidé de l’adhésion de leur troupe à l’une ou l’autre des fractions pour diverses raisons.

Toujours selon cette même source, beaucoup de militants des LTTE avaient rejoint les TMVP pour échapper aux poursuites judiciaires, car ces derniers ne sont pas surveillés par la police. Certains de ces militants ont déserté les TMVP : dans 5 postes des TMVP, des militants ont tué leurs camarades et ont emporté les armes pour retourner chez les LTTE. La suspicion s’est ainsi encore accrue dans les rangs des TMVP, et les forces de sécurité commencent à se méfier de cette organisation. Les deux frères du président sri-lankais tentent de refaire l’unité de celle-ci.

Selon la Foundation for Co-Existence (FCE), les TMVP et l’administration de la province de l’Est ont été infiltrés par les LTTE.

Camp des TMVP à l’entrée du village de personnes retournées de Pulipainchakal dans le district de Batticaloa

60 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.4. Situation sécuritaire

3.4.1. Pratiques de racket de la part des TMVP

Selon ACTED, toutes les ONG savent qu’elles sont infiltrées par des personnes de chaque camp. Les groupes paramilitaires cherchent à imposer des fournisseurs exclusifs aux ONG pour prélever des taxes. Aussi, ACTED réalise-t-elle tous ses achats à Colombo par appel d’offres. Les programmes d’ACTED sont financés par ECHO. Dans l’Est, ce sont des travaux d’infrastructures en zone rurale, comme la réfection des routes, la construction d’écoles et de latrines, etc. Il existe aussi un projet de réconciliation des communautés.

ACTED constate que les groupes paramilitaires ne comprennent pas le fonctionnement des ONG. Les membres des TMVP viennent prélever directement du matériel d’ACTED. Se plaindre à la police ne sert alors à rien. La police n’intervient que si le vol a été commis par une personne n’appartenant pas aux TMVP. Les groupes paramilitaires font pression sur les ONG pour orienter leurs achats vers un fournisseur qu’ils contrôlent. Ils veulent imposer leurs projets aux ONG. Au fond, ils veulent se procurer de l’argent.

En outre, ACTED estime que, dans l’arrière-pays de la province de l’Est, il reste environ 200 com- battants des LTTE qui rackettent les villageois.

Le HCR a constaté que les agents des ONG sont soumis localement à des pressions du TMVP et de la police. Souvent, ils n’en font pas état par crainte de représailles. Récemment, un agent d’une ONG a connu des problèmes de ce type, parce qu’il refusait de donner une partie du matériel des- tiné aux villageois à un membre des TMVP. Ces derniers rackettent les commerçants de Batticaloa, détournent une partie du matériel de l’aide humanitaire destinée aux camps de personnes déplacées et aux villages de personnes retournées ou réinstallées, prélèvent du carburant dans les véhicules des ONG, etc.

Selon le HCR, les militants des TMVP se financent par le racket. Ils ont conservé les méthodes de l’époque où ils appartenaient aux LTTE. Certains gangs se font passer pour des membres des TMVP ou des LTTE. Les victimes tamoules et musulmanes ne por- tent pas plainte à la police. Elles craignent de ne pas être compri- ses en raison des différences de langue [les policiers sont essen- tiellement des Cingalais]. L’his- toire locale conflictuelle entre ces populations et les autorités est conflictuelle. Les victimes paient ou quittent le district. Cepen- dant, il n’y a pas de situation de violence généralisée. La situation est relativement stable, même si la tension est latente.

Selon cette même source, aucun pillage de matériel n’a été décla- Siège des TMVP dans la ville de Batticaloa ré dans les camps de personnes déplacées du district de Trinco- malee. Parfois, le HCR fait don de vélos, qui ont pu être revendus.

OFPRA 61 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.4.2. Assassinats et enlèvements

Selon la Foundation for Co-Existence (FCE), 4 à 5 personnes sont tuées chaque jour dans la province de l’Est.

Selon ACTED, les assassinats et les enlèvements sont très fréquents dans l’Est. Les paramilitaires appellent à des grèves générales forcées des commerçants et des travailleurs, menacent les po- pulations et pratiquent l’extorsion de fonds. Les TMVP s’entretuent, mais sont tous unis pour s’en prendre aux musulmans, qui sont les premières victimes des persécutions.

Une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations constate que, chaque semaine, 50 à 60 personnes déclarent être victimes d’exactions émanant des TMVP. Les familles des militants de chacune des fractions de cette organisation sont menacées. Ces combats fratricides ont fait monter le niveau de l’insécurité.

Cette même organisation a reconnu deux cas d’enlèvements dans la région de Batticaloa. Le pre- mier cas concerne les personnes qui sortent de leur domicile et ne reviennent plus. Dans le second cas, des témoins ont pu assister à l’enlèvement. Il est difficile d’identifier les auteurs, que ce soit par la langue ou le port de vêtements. Ils sont désignés ici sous l’appellation de « white men » [les paramilitaires portent des chemises blanches]. Des cadavres ont été récemment retrouvés sur les plages, vraisemblablement victimes d’exécutions extra-judiciaires.

L’UNICEF signale que, le 17 novembre 2008, un médecin cingalais a été assassiné dans un hôpital public du district. Le Comité d’aide médicale (ONG) ajoute que les agents cingalais de l’hôpital pu- blic de Batticaloa se sont mis en grève le 19 janvier 2008. Les autorités leur assurent désormais un moyen de transport sécurisé jusqu’à leur lieu de travail.

Caritas rappelle que la zone de Muttur est classée en zone de haute sécurité (HSZ), et donc inac- cessible. Le gouvernement soupçonne les habitants des zones autrefois sous contrôle des LTTE de vouloir soutenir encore cette organisation. Ainsi, les personnes enlevées sont-elles souvent celles qui ont soutenu les LTTE et qui sont dénoncées aux forces de sécurité par des membres des TMVP.

Les agents de Caritas de Trincomalee ne connaissent pas de problèmes de sécurité, à la différence de ceux d’autres ONG. Ainsi, plusieurs membres d’ACF ont été abattus à Muttur. Un agent de World Concern a été tué. Des membres de la Croix-Rouge ont été menacés. Ceux de l’ONG Medicalis ont quitté Trincomalee pour échapper aux harcèlements.

3.4.3. Recrutement de mineurs par les groupes paramilitaires

L’UNICEF rappelle que le recrutement de mineurs est qualifié de crime par la législation sri-lankaise. Cependant, les TMVP ont enlevé et recruté de nombreux mineurs.

Après la signature d’un memorandum of understanding (MOU) entre l’UNICEF et le gouvernement, de nombreux enfants ont été relâchés. Les mères d’enfants encore retenus par les TMVP sont ve- nues se plaindre à la police et à l’UNICEF. Actuellement, les TMVP détiennent encore une centaine d’enfants.

Le processus de réinsertion des enfants est très long, car l’UNICEF discute avec les parents de la possibilité d’informer les autorités sur la situation de leurs enfants. La police soutient le programme, négocie et collabore avec l’UNICEF. Elle a des difficultés à retrouver les enfants, parce qu’ils sont fréquemment transférés d’un camp à l’autre. Les TMVP disposent de 5 ou 6 camps d’entraînement dans le district de Batticaloa.

Le’UNICEF précise que les enfants soldats des TMVP reçoivent des salaires. Ils ne subissent pas de mauvais traitements physiques, mais sont victimes de pressions psychologiques par crainte des combats dans le Nord et des attaques des camps par les LTTE. Chaque jour, deux ou trois assassi- nats sont commis dans le district de Batticaloa. Il se pourrait que les enfants soient impliqués dans ces meurtres qui sont commis après l’enlèvement des victimes.

62 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

L’UNICEF a constaté que certains enfants se présentent spontanément dans les camps des TMVP pour être enrôlés. Ils sont attirés par le salaire, le prestige attaché à la fonction et le port d’armes. Cette appartenance aux TMVP apporte une certaine protection à leur famille. Cependant, ils déchan- tent assez rapidement.

Une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations a acquis la certitude que les parents savent où leurs enfants sont enrôlés. La plupart d’entre eux se sont rendus sur les lieux. Dans ce cas, il est demandé aux paramilitaires de permettre aux parents de venir visiter leurs enfants.

L’UNICEF regrette que les enfants soldats libérés soient psychologiquement déprimés. Ils sont en- voyés suivre une thérapie dans un centre de l’ONG Save the Children. L’âge moyen de ces mineurs est de 16-17 ans. Ils réclament un abri, mais manquent de formation pour trouver un emploi. Aussi, des formations professionnelles leur sont-elles dispensées.

3.4.4. Attentats

Lors de l’entretien, l’UNICEF déclare qu’une mine claymore vient d’être découverte dans la gare de Batticaloa. L’armée fouille le quartier de la gare. Il est donc déconseillé de s’y rendre pendant les recherches des militaires.

3.4.5. Arrestations et détentions de prisonniers politiques

Selon le HCR, les gens craignent les attaques des LTTE contre les forces de sécurité en raison des vagues d’arrestations qui les suivent. Lors des contrôles, les TMVP assistent la STF. Les mauvais traitements ne sont pas systématiques lors des arrestations. Cependant, les TMVP sont réputés plus durs. Les opérations de contrôle de la population s’intensifient en raison du conflit entre les fractions des TMVP.

Carrefour au centre de la ville de Batticaloa

OFPRA 63 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Selon le HCR, les TMVP n’ont pas installé de bureaux dans les quartiers de Trincomalee et les loca- lités proches à majorité de population musulmane. En 2007 ils étaient présents dans les camps de personnes déplacées. Seules l’armée et la marine sri-lankaises effectuent des contrôles au domicile des particuliers. Elles contrôlent les cartes familiales d’identité. Cependant, les personnes contrôlées sont souvent placées devant des véhicules aux vitres teintées, où il est probable que des membres des TMVP procèdent à des identifications. Lors des premiers retours de personnes déplacées, des personnes cagoulées se trouvaient aux points de contrôle. Ce phénomène a disparu à la demande du HCR, qui a exigé de la transparence pour le contrôle des personnes réinstallées.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, des personnes ayant violé les dispositions de l’état d’urgence sont détenues dans les postes de police du district de Batticaloa.

Il existe une prison à Batticaloa, mais elle est réservée aux prisonniers de droit commun. Les pri- sonniers politiques sont transférés des postes de police du district de Batticaloa aux centres de dé- tention spécialisés dans la lutte antiterroriste, comme ceux de Kandy, de Galle et de Colombo.

5 étudiants ont été arrêtés par la police à la sortie du bureau de Caritas de Trincomalee. Ce bureau admet que certains prêtres interviennent parfois auprès de l’armée pour faire libérer certains de leurs paroissiens arrêtés. Le bureau national de Caritas à Colombo confirme que cette organisation peut intervenir pour faire libérer des personnes détenues.

3.4.6. La Commission des droits humains (HRC)

Les citoyens peuvent se plaindre d’enlèvements et d’arrestations arbitraires au bureau de la Com- mission des droits humains (HRC). La HRC a été créée par une loi de 1996 (Act 21 of 1996). Elle réalise des rapports et des enquêtes. Les officiers enquêteurs (investigation officers) examinent les plaintes. Ils sont nommés par décret présidentiel pour une durée de 3 ans.

Le bureau de la HRC de Batticaloa reçoit une cinquantaine de plaintes par mois. En 2002, il a enre- gistré 159 plaintes ; en 2007, 907 plaintes. Le nombre de plaintes devrait être supérieur en 2008. Pendant la période de cessez-le-feu (2002-2006), le nombre de plaintes était beaucoup moindre, et concernait surtout les zones contrôlées par les LTTE.

La majorité des plaintes sont relatives à des menaces et des enlèvements émanant des groupes paramilitaires et d’inconnus. Cependant, le HRC déclare que son mandat ne lui permet d’intervenir qu’auprès de la police et non des groupes paramilitaires. Le HRC envoie les personnes se plaignant d’agissements des groupes paramilitaires auprès de l’UNICEF (s’il s’agit de mineurs) et du Comité International de la Croix-Rouge.

Le personnel du HRC de Batticaloa est composé de deux officiers : le coordinateur et un officier -en quêteur. Les plaintes doivent être déposées par écrit au moyen du courrier postal, de lettres ou de télécopies. Dès la réception de la plainte, le HRC délivre un reçu au plaignant.

L’officier enquêteur essaie de trouver des témoins de l’acte incriminé au cours de son enquête. Les témoins ne reçoivent pas de protection particulière.

L’officier enquêteur tente de résoudre l’affaire dans un délai de trois mois, objectif souvent difficile à atteindre. S’il conclut à la culpabilité d’un policier, il saisit les instances de la police locale pour tenter de trouver un arrangement. Si un accord ne peut être obtenu, il saisit les autorités supérieures de la police.

Le bureau du HRC peut envoyer des attestations à l’étranger en cas de demande d’une personne ayant subi des menaces ou des exactions. L’attestation mentionne qu’une plainte a été déposée auprès du bureau du HRC.

Ce dernier ne communique jamais les pièces internes d’un dossier, telles que les lettres échangées avec la police pour la résolution d’une affaire.

64 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.5. Conditions de circulation

3.5.1. Circulation en général

Officiellement, il n’y a pas de couvre-feu en vigueur à Batticaloa selon les informations données par l’UNICEF. Selon cette même source, la nuit, à Batticaloa, le réseau de téléphonie mobile est fermé.

Selon le HCR, les gens évitent de circuler à Batticaloa entre 18 et 6 heures. L’agriculture (riziculture et élevage) souffre de ces restrictions de mouvement.

L’UNICEF a donné à la mission de l’OFPRA les conseils suivants pour circuler à Batticaloa : après 18 heures, c’est-à-dire au crépuscule, jusqu’à l’aube, ne pas circuler en dehors de la ville et ne pas circuler à pied dans celle-ci, en raison des risques d’interpellation par l’armée et de rencontre avec des patrouilles de paramilitaires.

Caritas rappelle que, chaque semaine, un bateau arrivait de la péninsule de Jaffna à Trincomalee pour débarquer des voyageurs. Depuis octobre 2008, cette ligne maritime est interrompue. Pour sortir de la péninsule de Jaffna, il ne reste que l’avion. Les vols sont difficiles à réserver et sont d’ailleurs irréguliers.

3.5.3. Restrictions aux activités de pêche

Selon le HCR, la pêche nocturne a été plus ou moins abandonnée à Batticaloa. D’ailleurs, seules les lampes-tempête sont autorisées, pas les lampes électriques. La STF a restreint la délivrance d’auto- risations de pêche en eaux profondes.

Caritas signale que les activités de pêche maritime sont restreintes dans le district de Trincomalee, notamment à Kattaparichchan.

Point de contrôle sur le pont sur la lagune situé au centre de la ville de Batticaloa

OFPRA 65 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.5.2. Accès aux zones anciennement contrôlées par les LTTE

Caritas rappelle qu’après le tsunami, toutes les ONG ont dû négocier avec les LTTE pour intervenir dans la zone contrôlée par ceux-ci. Les LTTE n’imposaient pas de contraintes particulières aux ONG, si ce n’est communiquer des informations sur leurs programmes en cours de réalisation et assister à des réunions des LTTE.

Le problème principal actuel de Caritas dans le district de Trincomalee est d’acheminer les marchan- dises destinées à 25 villages. En effet, les camions affrétés par l’ONG doivent franchir 12 points de contrôle, où il faut décharger toutes les marchandises pour vérification par les policiers et les mili- taires. Il est d’ailleurs difficile d’obtenir des autorisations pour transporter ces marchandises.

Le HCR signale qu’aux points de contrôle permettant d’accéder aux villages de personnes retour- nées ou réinstallées dans le district de Batticaloa, les forces de sécurité enregistrent les noms de toutes les personnes franchissant le barrage, y compris ceux des membres des ONG, mais pas ceux des membres des institutions onusiennes (HCR, UNICEF, PAM, etc.).

Un point de contrôle sur la route A 15 à Valachenai devant un poste de police (non visible sur le cliché, à gauche)

66 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.6. La situation des personnes déplacées

Selon le HCR, 9 000 personnes déplacées sont regroupées à Batticaloa. Elles vivent dans des abris d’urgence, car le HCR veut éviter une installation définitive sur les sites temporaires.

3.6.1. Conditions de sécurité dans les camps de personnes déplacées

Selon le HCR, les membres des organisations paramilitaires, comme les TMVP, peuvent pénétrer dans les camps de personnes déplacées. Ils ne s’y présentent plus en armes, mais la population des camps en a peur.

Selon le HCR, des extorsions, des enlèvements et des meurtres sont perpétrés dans les camps de personnes déplacées du district de Trincomalee. Les raisons ne sont pas claires : politiques ou finan- cières ? Cette situation n’est pas nouvelle. Presque toutes les familles ont des parents qui travaillent dans les Etats du Golfe persique et leur envoient des fonds. Certains groupes politiques s’affrontent comme les LTTE et les TMVP, mais il est difficile de savoir si les individus qui s’en revendiquent en sont vraiment membres.

Caritas signale que, le mois dernier, 12 personnes déplacées ont été enlevées et deux ont été as- sassinées dans les camps de personnes déplacées du district de Trincomalee. Les auteurs n’ont pas été identifiés. Ces enlèvements et meurtres ont souvent lieu à proximité de camps militaires ou de postes de police au cours de la nuit. La participation de militaires à l’administration civile pose problème.

3.6.2. Conditions générales de vie

Le HCR précise que la majorité des personnes déplacées ne vivent pas dans des camps.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les personnes déplacées des camps situés dans la province de l’Est sont nourries par la communauté internatio- nale.

Selon Caritas, les conditions matérielles sont très dures pour les personnes déplacées. Les problè- mes de sécurité sont un aspect mineur de leurs difficultés. Le gouvernement a demandé aux ONG de s’occuper du relogement de celles-ci. Sans les ONG, les trois-quarts d’entre elles seraient morts de faim.

Caritas les a installées dans les églises et les écoles du district de Trincomalee. Elle leur fournit des rations hebdomadaires de nourriture, du bétail, des semences de riz, des formations professionnel- les, etc. La plupart des personnes déplacées n’ont pas de travail, et l’inflation croissante du prix des denrées alimentaires provoque des problèmes de malnutrition.

3.6.3. Refus de réinstallation

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, le gouvernement veut montrer à la communauté internationale que la situation est normalisée dans la province de l’Est. Pour ce faire, de fortes pressions sont exercées pour la réinstallation des personnes déplacées. Ce processus est en voie d’achèvement.

L’UNICEF précise que le gouvernement a proposé des réinstallations à Dambulla, Kandy et Arugam Bay.

Cependant, le HCR précise qu’au sud de la zone de haute sécurité (HSZ) de Sampoor, le gouver- nement a proposé des réinstallations sur des terrains d’un quart d’hectare. Ces communautés vil- lageoises de personnes déplacées sont très différentes dans leur composition culturelle et sociale (paysans, pêcheurs, etc.). Les chefs de ces communautés ne sont pas intéressés par ces réinstalla- tions, car ils estiment perdre trop de terres au regard de leur situation antérieure.

OFPRA 67 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.6.4. Visites de la mission dans les camps de personnes déplacées

3.6.4.1. Camp de personnes déplacées situé dans l’agglomération de Batticaloa, 19/11/2008

Le chef du camp indique que 88 familles sont regroupées dans ce camp depuis août 2006. Elles viennent essentiellement de la zone de Sampoor et de Kadarkaraichenai dans le district de Trinco- malee. Elles ont quitté leur domicile en raison des combats entre l’armée et les LTTE. Leurs maisons sont désormais occupées par l’armée. Elles ont vécu dans 6 endroits différents. Les habitants de Kattaparichchan et de Senaiyur qui résidaient dans le camp ont pu regagner leur village d’origine.

Il ajoute que les personnes déplacées craignent de sortir du camp. Quelques personnes ont disparu du camp. Quatre mois auparavant, une femme, sortie acheter du lait, a été enlevée avec son en- fant. 30 habitants du camp sont ouvriers à l’extérieur. Les femmes n’en sortent que pour emmener leurs enfants à l’école ou pour les faire soigner. Un médecin vient y donner des consultations chaque semaine. Les habitants ont reçu des formations au secourisme.

Une pétition a été envoyée aux autorités pour demander le retour sur la zone d’origine. Le chef du camp et les propriétaires terriens souhaitent récupérer leurs terres. Un pêcheur interrogé par la mission déclare ne pas avoir été informé des propositions de réinstallation du gouvernement.

Vue générale du camp de Batticaloa devant le terrain Entrée du camp de Batticaloa de volleyball

Borne anti-incendie du camp de Batticaloa

68 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.6.4.2. Camp de personnes déplacées de Kittividdy, district de Trincomalee, 20/11/2008

Le camp était prévu pour 3 mois, il fonctionne depuis 2 ans. 400 familles y résident encore. Elles sont originaires de zones de haute sécurité (HSZ) de la région de Sampoor, où leurs maisons sont occupées par des militaires. Ce sont en majorité des paysans et des pêcheurs. Ils ne veulent pas être réinstallés dans une autre région que leur lieu d’origine. 500 familles qui résidaient dans ce camp ont pu regagner leur lieu d’origine.

Groupe d’écolières devant le camp de personnes déplacées de Kittividdy

Vue du deuxième site du camp de personnes Puits collectif dans le premier site du camp déplacées de Kittividdy de personnes déplacées de Kittividdy

OFPRA 69 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.7. La situation des personnes retournées à leur lieu d’origine ou réins- tallées

3.7.1. Modalités des réinstallations

Selon l’UNICEF, le gouvernement a demandé aux personnes déplacées de retourner habiter dans leur lieu d’origine. Ce processus de réinstallation est très lent. Il est supervisé sur place par le dis- trict secretary et le HCR. Il reste 10 000 personnes déplacées à reloger, dont 3 000 dans le district de Batticaloa et 7 000 dans le district de Trincomalee. Le problème principal est le classement en « zones de haute sécurité » (HSZ) de certains lieux d’origine de personnes déplacées. Le gouverne- ment leur a proposé d’autres sites de réinstallation, mais celles-ci ne sont pas toujours d’accord. Se pose par ailleurs la question du déminage inachevé.

Selon le HCR, le processus de réinstallation des personnes déplacées a commencé en 2007, et a connu un essor important en 2008. Ce processus est entre les mains du gouvernement. Celui-ci choisit les sites de réinstallation et le calendrier. Il existe 121 sites de réinstallation pour les per- sonnes déplacées. La direction des camps de personnes déplacées est faite par des ONG locales et par les représentants de ces personnes. Elle est placée sous le couvert du Government Agent du district. Le HCR fournit une aide d’urgence : les abris, la nourriture et la protection. La construction de logement n’est pas du ressort du HCR.

Selon le HCR, les personnes retournées dans le district de Trincomalee doivent obligatoirement s’en- registrer comme famille : une photographie comportant les membres de la famille résidant à Trinco- malee doit être fournie aux autorités. Une carte d’identité familiale est délivrée. La police vérifie la présence de tous les habitants des villages de personnes retournées. Ceux-ci doivent se présenter régulièrement au poste de police durant le premier mois de leur réinstallation.

Selon cette même source, les réinstallations sont interdites dans la « zone de haute sécurité » (HSZ) de Sampoor, autour de laquelle une clôture a été érigée. Il s’agit des divisions de Sampoor West (1 582 personnes, 446 familles), Sampoor East (1 352 personnes, 368 familles) et Koonitivu (952 personnes, 204 familles). Les familles de Sampoor disposaient de 3 à 5 hectares en moyenne. Elles n’ont pas de titre de propriété, car la zone était administrée par les LTTE. Elles n’ont donc pas de preuve documentaire qui leur permette d’obtenir une compensation financière.

Selon Caritas, 2 635 personnes déplacées, réparties en 333 familles, ont été rapatriées dans le district de Trincomalee depuis le district de Batticaloa. Le gouvernement leur a demandé leur avis quelques jours avant leur rapatriement. Elles ont été ramenées en bus. Les autorités leur avaient donné des rations pour 3 jours, puis elles ont convoqué les ONG pour leur demander de prendre en charge les besoins de ces personnes. Finalement, en raison de la précarité des conditions de retour, un certain nombre d’entre elles sont revenues à leur lieu de déplacement. Celles originaires de la zone de Muttur devraient être bientôt rapatriées.

3.7.2. Enregistrement et documents d’identité des personnes retournées ou réins- tallées

Le HCR a constaté que le gouvernement a enregistré les familles de personnes déplacées, à la fois comme familles et au plan individuel dans le district de Batticaloa. L’enregistrement a été fait sur deux listes : une liste établie par les autorités civiles et une autre par l’armée sri-lankaise (SLA) pour certaines zones. Le choix de ces zones appartient à la brigade locale de la SLA. Les autorités civiles ont délivré des cartes nationales d’identité. La SLA a délivré une carte militaire d’identité rédigée en cingalais, comportant une photographie et datée.

Selon le HCR, lors de la délivrance de ces documents, les personnes déplacées ont dû se soumettre à un interrogatoire des militaires, leur demandant notamment les motifs de fuite de leur lieu d’ori- gine. Les personnes déplacées sélectionnées ont ensuite été dirigées vers des villages, souvent leur village d’origine. Le HCR a vérifié que ce retour était volontaire, et effectue un suivi individuel des personnes retournées ou réinstallées.

70 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.7.3. Restrictions spéciales imposées dans les villages de personnes retournées ou réinstallées

Le HCR précise que, dans les villages de personnes retournées ou réinstallées, la liberté de circula- tion est restreinte. Souvent, il est interdit à leurs habitants de circuler entre 18 heures et 6 heures. Ceci pose un problème pour les pêcheurs et en cas d’urgence médicale. En outre, les villageois ne possèdent pas de lampes électriques pour s’orienter la nuit. Pendant la période de couvre-feu, les soldats sont très vigilants. Des incidents nocturnes ont eu lieu entre deux brigades de l’armée.

3.7.4. Risques sécuritaires particuliers encourus dans les villages de personnes retournées ou réinstallées

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les groupes para- militaires interviennent dans les villages de personnes retournées ou réinstallées de la province de l’Est. Quand des meurtres y sont commis, le gouvernement accuse les LTTE.

Selon le HCR, il y a des extorsions, des enlèvements et des meurtres dans les alentours des villages de personnes retournées ou réinstallées dans le district de Batticaloa. Les raisons ne sont pas clai- res : politiques ou financières ?

Cette situation n’est pas nouvelle. Presque toutes les familles ont des parents qui travaillent dans les Etats du Golfe persique et leur envoient des fonds. Certains groupes politiques s’affrontent comme les LTTE et les TMVP, mais il est difficile de savoir si les individus qui s’en revendiquent en sont vrai- ment membres. Depuis 2007 les TMVP sont présents dans les zones de réinstallation de personnes retournées.

Le HCR signale que les LTTE sont encore présents près de villages de personnes retournées ou réinstallées dans le district de Batticaloa. Les villageois ont peur des représailles de l’armée en cas d’infiltration des LTTE. Des cas de torture émanant des TMVP ont été signalés dans la zone rurale de Kilan (division administrative du Koralai Pattu South). Dans cette zone, les villages des personnes retournées sont surveillés par des camps des TMVP et non de la SLA.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les zones des villages de personnes déplacées du le district de Batticaloa étaient sous l’emprise des LTTE avant la reprise du conflit. Actuellement, des groupes des LTTE sont encore présents dans les zones forestiè- res. Ces groupes sollicitent les villageois pour un appui logistique, comme par exemple pour obtenir des cartes téléphoniques.

Selon cette même source, l’armée sri-lankaise (SLA) manque de troupes dans l’Est, car ses effectifs sont concentrés dans le Nord. Aussi, la SLA utilise les TMVP pour contrôler le terrain gagné. Les TMVP sont très présents autour de ces villages de personnes retournées ou réinstallées. Les auto- rités se méfient fortement de ces populations de personnes retournées, qui ont été administrées pendant des années par les LTTE. En dépit des infiltrations des LTTE, le contrôle gouvernemental de ces zones est réel. Cependant, la nature du TMVP pose problème.

Le Comité d’aide médicale déclare qu’il informe les TMVP de toutes ses activités dans les villages de personnes réinstallées.

3.7.5. Tensions interculturelles générées par les réinstallations

Le HCR indique que les sites de personnes retournées ou réinstallées ne comprennent que des Ta- mouls dans le district de Batticaloa. Dans les zones à majorité musulmane, ces derniers se sentent menacés. Des problèmes graves sont apparus dans la zone située à la frontière entre les districts de Batticaloa et d’Ampara, où des maisons ont été incendiées pour empêcher les retours de personnes déplacées.

OFPRA 71 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Cette même source rappelle que dans les années 1960 l’installation de Cingalais dans les zones ru- rales de faible densité de population a été favorisée par les autorités, notamment dans la zone de Kilan (division administrative du Koralai Pattu South) et dans cette zone située sur la frontière entre les districts de Batticaloa et d’Ampara.

3.7.6. Conditions de vie dans les villages de personnes retournées ou réinstal- lées

Le HCR précise que le gouvernement n’a pas financé la réinstallation des personnes déplacées dans le district de Batticaloa, et a laissé ce fardeau aux ONG internationales, qui ne peuvent pas tout assumer. Ainsi, dans les villages de retournés, les écoles ne fonctionnent pas bien.

Selon une organisation internationale connue pour la fiabilité de ses informations, les zones des villages de personnes retournées ou réinstallées dans le district de Batticaloa manquent de services publics (écoles, dispensaires, etc.), d’infrastructures (routes, eau, assainissement, etc.), de postes de police, etc. Seule une assistance de base est prodiguée à ces populations.

L’UNICEF apporte des services dans les camps de personnes déplacées : protection des enfants, nu- trition maternelle et infantile, éducation, eau potable, latrines, puits. Le problème de la malnutrition touche particulièrement les enfants et les femmes enceintes. La malnutrition est liée aux habitudes alimentaires, pas au manque de nourriture. Ce problème existe aussi dans le sud du pays où il n’y a pas eu de conflit armé récent. Les femmes se rendent dans les hôpitaux pour obtenir des médica- ments contre les carences de croissance. De plus, il est risqué de boire l’eau des puits dans le district de Batticaloa. Le Comité d’aide médicale a entendu des villageois dire que les LTTE avaient instauré une meilleure gestion de l’eau.

L’UNICEF n’encourage pas la construction d’orphelinats, et préfère placer les enfants dans des fa- milles d’accueil sur place.

Entrée du village de personnes retournées de Pulipainchakal dans le district de Batticaloa ; en arrière-plan, l’école endommagée par les combats en 2006

72 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.7.7. Visites de la mission dans des villages de personnes retournées ou réins- tallées

3.7.7.1. Village de personnes retournées de Pulipainchakal (district de Batticaloa, Divisio- nal Secretary de Koralai Pattu South – Kiran, div. de Pullakadu), 19/11/2008

HCR interrogé :

Le village ne dispose pas d’électricité. Les villageois utilisent des lampes à huile. Il n’y a qu’un seul puits, et l’eau doit être puisée dans la rivière en contrebas. Avant la reprise du conflit en 2006, les villageois avaient commencé à construire des puits, mais les travaux n’ont pas pu être achevés, et ils n’ont pas actuellement le matériel nécessaire pour les reprendre. Deux fois par semaine, des ca- mions de l’entreprise publique locale de distribution d’eau, Pradeshiya Sabah, viennent remplir des citernes en plastique. Les maisons ne sont pas équipées de latrines.

En juillet 2008 le gouvernement a donné de la nourriture aux personnes retournées pour une période de six mois. Ces rations ne devraient pas être renouvelées. Peu de villageois travaillent à l’extérieur. Leurs revenus ne sont pas stables, ils survivent grâce à l’aide alimentaire. Ils sont parfois victimes de racket sur le matériel humanitaire fourni. Certaines personnes extérieures se font passer pour des villageois pour bénéficier de ces dons.

La plupart des villageois sont employés dans des fermes et des pêcheries situées à l’extérieur du terroir de ce village. 5 % des villageois se sont rendus à l’étranger pour des motifs économiques avec l’aide de passeurs, mais certains sont revenus bredouilles.

1ère famille interrogée à Pulipainchakal :

Ce village a été placé sous le contrôle direct des LTTE entre 1990 et 2006. Les LTTE y avaient un bureau. L’armée sri-lankaise (SLA) ne contrôlait que la zone côtière du district de Batticaloa. En 2006 le village a été bombardé par la SLA. La plupart des maisons ont été détruites. Celle de cette famille a été très endommagée. Ces maisons n’étaient pas des maisons traditionnelles de la région. Elles avaient été financées et construites par un programme du gouvernement.

Cette famille s’est enfuie en août 2006 avec toute la communauté villageoise. Elle est revenue le 10 juillet 2008. Aujourd’hui, le père vit seul dans le village, sa femme et ses enfants résident dans une localité de la côte. Il est difficile d’aller travailler en ville avec le couvre-feu à 18 heures et les nom- breux points de contrôle de la SLA qu’il faut franchir pour accéder au village.

Aujourd’hui, ce village est placé sous la sur- veillance des TMVP et de la SLA. Ses ha- bitants peuvent en sortir au moyen d’un laissez-passer spécial qui leur a été délivré par la SLA le jour de leur réinstallation. Au recto, ce laissez-passer, de la taille d’une photographie d’identité et en noir et blanc, mentionne le nom du village, la date de délivrance et le nombre de membres de la Maison endommagée par les combats en 2006 dans le village famille. Il ne mentionne pas le nom de la de Pulipainchakal famille. Au verso, ne figurent que la signa- ture et le titre du signataire : « Assistant Divisional Secretary for Divisional Secretary Koralai Pattu South ».

OFPRA 73 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Peu d’habitants du village sont propriétaires fonciers (ont des « deeds »). La grande majorité a un permis (permit) de cultiver les terres appartenant à l’Etat aux alentours du village. Sur ces terres agricoles, les villageois cultivent du riz. Dans leurs parcelles, autour de leurs maisons, ils cultivent principalement du maïs, du manioc, de l’arachide. Autrefois, ils pouvaient se rendre dans les forêts environnantes pour se procurer du bois de chauffe, du miel, du gibier, des baies, etc. Actuellement, l’accès à ces forêts leur est interdit par la SLA. [Pourtant, on remarque sur la route de nombreux cyclistes chargés de fagots destinés à être vendus dans les villes côtières].

2e famille interrogée à Pulipainchakal :

Les maisons en briques du village avaient été construites dans le cadre d’un projet de l’Etat impulsé en 2002 par le ministre du Logement, Thondaman, un Tamoul Indien du centre du Sri Lanka. Thon- daman est député, et représente cette population à l’Assemblée nationale. Il a organisé le processus de reconstruction des maisons endommagées par la guerre.

Avant ce projet, les maisons du village étaient en bois, sous forme de huttes. Pendant la réinstal- lation en 2008, les ONG (Norwegian Refugee Council et HELP Germany) ont construit des abris qui ressemblent à ces huttes avec des toits en tôle ondulée. Actuellement, les familles restaurent les anciennes maisons construites en 2002. Ces maisons ont des murs en briques et des toits en tuiles mécaniques. Ces matériaux sont fabriqués dans des usines de l’ouest du Sri Lanka. Les autres vil- lages de la zone n’avaient pas bénéficié de ce programme de construction, et les habitations sont des huttes à l’ancienne mode.

Les TMVP ont installé un camp à l’entrée du village pour contrôler les allées et venues. Les membres des TMVP, vêtus de chemisettes blanches, et circulant en scooter dans le village, ne harcèlent pas ses habitants, selon ces derniers. Ils constituent une force-tampon entre la SLA et les LTTE. Les villageois ne leur donnent pas de nourriture.

3e famille interrogée à Pulipainchakal :

La famille est originaire du village. Sa maison a été détruite par les combats. Auparavant, une cin- quantaine de maisons avaient été construites en briques par le gouvernement. Des villageois ont lancé une pétition pour que celles-ci soient réparées.

Si un habitant de notre village se rend dans un autre village sans son laissez-passer, il est arrêté et détenu pendant deux jours. S’il est arrêté pendant la journée, il peut être relâché sans problème. Par contre, s’il est arrêté au cours de la nuit, ses proches doivent se présenter pour le faire libérer. Il faut donc toujours avoir son laissez-passer sur soi pour se déplacer. L’armée interdit aux villageois de se rendre au-delà de Koraveli.

Les enfants vont à l’école du village, mais la scolarisation ne se fait pas au-delà du niveau 12, contrairement à ce qui avait été promis avant l’opération de réinstallation. A son retour au village le 12 septembre 2008, la famille a reçu une tente, des couvertures, des serviettes, des savons et une ration alimentaire composée de 20 kilogrammes de farine et de soja.

4e famille interrogée à Pulipainchakal :

La famille est originaire du village ; elle est constituée de trois familles nucléaires de 6, 3 et une personnes. Elle réside dans sa maison d’origine, mais le toit fuit pendant les pluies. Elle dispose d’un abri fourni par le HCR. En août 2006 elle a quitté le village à cause des bombardements de l’armée contre les LTTE qui avaient construit des bunkers, aujourd’hui comblés. Elle a perdu son troupeau de vaches qui s’est enfui dans la forêt. Elle a séjourné pendant une année à Batticaloa, puis est revenue volontairement au village.

Elle a planté quelques cultures vivrières, comme des lentilles. Planter du riz est impossible en ce moment à cause des pluies. Il y a deux puits à proximité, l’un avec de l’eau potable, l’autre sans eau potable.

74 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.7.7.2. Village de personnes retournées d’Uddappukerni (division de Eachchilampattai, district de Trincomalee), 20/11/2008

HCR interrogé :

Cette zone a été contrôlée par les LTTE de 1996 à 2006. Actuellement, les TMVP y sont présents, et un camp militaire y a été installé. Les LTTE ne s’y infiltrent pas. Le niveau de sécurité est élevé.

Il est difficile aux villageois de quitter la zone. Il faut demander une autorisation au camp militaire. Le délai d’obtention de cette autorisation peut atteindre trois jours. Aussi, les déplacements de la population du village sont plutôt rares. Il n’y a d’ailleurs pas de transports publics. Pendant certaines périodes, les villageois ont dû se présenter chaque jour au poste militaire.

Les habitats se trouvent sur les compounds (parcelles). En général, ce sont des familles nucléai- res qui se répartissent sur chaque compound, conformément à la tradition tamoule. Quand des familles élargies vivent sur le même compound, elles construisent une maison pour chaque famille nucléaire.

Une ligne d’alimentation électrique du village est en construction.

Le ravitaillement des familles a été assuré par le Programme alimentaire mondial (PAM) pendant quelques mois avec un repas quotidien.

1ère famille interrogée à Uddappukerni :

Son ancienne maison se trouve à Eachchilampattai, le village voisin occupé par l’armée. Pendant les combats, la famille s’est enfuie à Batticaloa, où elle a séjourné pendant un an. Elle a construit une nouvelle maison (photo ci-dessus), ayant une base en parpaing, le haut des murs et le toit en tôle ondulée. Les matériaux ont été fournis par l’aide internationale. 7 personnes y vivent. C’étaient des paysans propriétaires d’un champ.

Ils sont obligés de rester dans ce village à cause des difficultés de circulation. Il faut franchir plu- sieurs points de contrôle et demander un laissez- passer pour chaque déplacement en dehors du village. De plus, à partir de 18 heures, il est in- terdit de circuler. Il n’y a pas de transports publics qui desservent le village.

Les conditions de vie dans leur compound sont difficiles. Il n’y a pas d’eau dans le compound, il faut aller la chercher au puits collectif. Ils ne disposent pas de latrines. Dans leur ancienne maison, ils bénéficiaient d’un puits privatif et de toilettes. Le terrain agricole qui leur a été attribué devant le compound est sablonneux et noyé par des remontées d’eau salée. Le riz y pousse très mal. Ils plantent aussi du manioc et du maïs. Ils Compound à Uddappukerni ; au premier plan, une rizière ne survivent que grâce à l’aide alimentaire inter- sur terrain ensablé à comparer avec ceux du village de nationale. Ils souhaitent rentrer dans leur com- Punagar (infra) pound d’origine.

2e famille interrogée à Uddappukerni :

Elle est originaire de ce village, et réside sur le compound qu’elle possédait avant de s’enfuir à Bat- ticaloa pendant les combats. La maison d’origine, construite en briques et en tuiles, a été endom- magée par les bombardements. La famille réside actuellement dans une maison construite avec les matériaux de l’aide internationale, à savoir parpaings et tôles ondulées. La maison d’origine est en cours de réparation. Ces réparations sont payées par la famille.

OFPRA 75 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Ils sont paysans. Ils cultivent du riz, du manioc et du maïs. Avant les combats, ils possédaient un terrain de 2 hectares planté de cocotiers, une plantation de bananiers, des jardins et une pompe à eau pour l’irrigation. Ces plantations et cette pompe ont été détruites par les bombardements et les troupeaux d’éléphants. Dans cette zone, il n’y a qu’une récolte annuelle de riz. Pendant la période du cessez-le-feu, ils complétaient leurs revenus en allant travailler à l’extérieur du village.

3e famille interrogée à Uddappukerni :

La famille est originaire du village voisin d’Eachchilampattai, actuellement occupé par l’armée. Son abri a été construit par l’ONG Zoa sur le compound donné à la famille. Sa maison d’Eachchilampattai a été détruite et est inhabitable. L’armée a attaqué son village qui était sous le contrôle des LTTE. En août 2006 elle s’est enfuie à Kathiraveli, puis à pied à Batticaloa, où elle a séjourné pendant une année. Elle a été réinstallée dans ce village le 6 septembre 2008.

La famille est ici composée d’un couple et d’une belle-mère. La fille du couple est restée à Batticaloa pour poursuivre ses études. Elle réside chez d’autres personnes déplacées. La famille dispose d’une carte d’identité familiale. L’homme de la famille travaille comme journalier agricole. A l’époque de l’occupation de leur village par les LTTE, il travaillait en Arabie Saoudite, aussi les LTTE n’ont pas pu l’enrôler. En effet, ils réclamaient une personne par famille.

Elle n’a reçu aucune aide en dehors de l’abri. L’armée ne l’a pas dédommagée pour la destruction de sa maison. Cependant, elle a obtenu un petit financement de l’administration pour la construction d’une nouvelle maison. Mais cet argent n’a permis que de financer les fondations de la maison. Elle cultive du maïs, des lentilles et des aubergines, et a planté des bananiers. Beaucoup de gens s’en- dettent pour partir à l’étranger pour des raisons économiques.

Un compound de personnes retournées à Punagar ; au pre- Rizières et compound dans le village de Punagar mier plan, l’abri fourni par le HCR ; au deuxième plan, une nouvelle maison en construction

3.7.7.3. Village de personnes retournées de Punagar (division de Eachchilampattai, dis- trict de Trincomalee), 20/11/2008

1. Une famille interrogée à Punagar :

La famille interrogée est revenue occuper son ancien compound depuis 14 mois pour vivre dans un abri fourni par l’aide internationale. Il fallait occuper cet abri pour pouvoir bénéficier des rations de nourriture. Sur le compound, se trouvent maintenant cet abri, une maison nouvellement construite par la famille et l’ancienne maison endommagée par les bombardements. A son retour, elle a trouvé un abri, mais son compound n’avait pas été entièrement déminé, alors qu’on lui avait assuré qu’il n’y avait plus de mines à proximité de sa maison.

Elle possède deux rizières. La première est irriguée, et donne deux récoltes annuelles. La seconde n’est pas irriguée, et ne donne qu’une récolte par an. Il n’y a plus de restrictions de circulation en dehors du village.

76 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

2. Un enseignant de l’école de Punagar interrogé :

L’enseignant, originaire de Trincomalee, a été affecté à l’école du village en 2003. Il s’agissait de sa première affectation, qu’il n’a pas choisie. Son épouse enseigne en ville. Il a demandé à être muté dans un autre endroit. Avant 2006, le village était sous le contrôle total des LTTE. Il n’avait pas de problème avec eux, car ils n’intervenaient pas sur la manière d’enseigner. Il y avait un responsable des LTTE pour l’enseignement. Ils n’intervenaient pas dans l’école pour recruter des élèves. Ils ont donné un entraînement militaire aux villageois, mais pas aux professeurs.

Entre août 2006 et avril 2007, l’école n’a pas fonctionné en raison des combats. Les élèves sont alors partis à Batticaloa. A leur retour, le village était encore miné. Aucun élève n’a pourtant été blessé. L’école a été endommagée par les bombardements, mais les bâtiments n’ont toujours pas été réparés. L’effectif actuel des élèves est de 350 garçons et filles. L’école emploie 11 agents. Elle manque d’enseignants. Il faut normalement avoir un diplôme universitaire ou un certificat du Col- lege of Education pour enseigner. A partir de 2009 ces titres seront obligatoires pour être recruté comme enseignant. Elle est ouverte le matin, de 7 heures 30 à 13 heures 30. Les examens ont lieu normalement.

Au retour de la population, l’armée a contrôlé étroitement les villageois. Désormais, les personnes retournées sont toutes enregistrées, aussi l’armée n’a plus besoin de les contrôler. Les LTTE ne peuvent plus s’infiltrer dans le village. Les villageois ont reçu une aide alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM). En ce moment, ils sont aux champs pour les récoltes, aidés par les élè- ves de l’école.

Bâtiment de l’école de Punagar endommagés par les combats en 2006

OFPRA 77 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

78 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Quatrième Partie La Province du Nord

OFPRA 79 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

La province du Nord

80 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

4.1. Présentation de la province

La province du Nord s’étend sur 8.848,51 km². Elle est souvent désignée par l’abréviation NP, comme sur les plaques d’immatriculation des véhicules. Elle comprend cinq districts : Jaffna, Kilinochchi, Mullaitivu, Mannar et Vavuniya.

L’équipe de la mission s’est rendue à Vavuniya les 21 et 22 novembre 2008. Son voyage dans le reste de la province n’était pas envisageable dans le contexte de l’époque. Toutefois, il est rapporté ci-après les renseignements fournis par nos interlocuteurs, notamment des ONG, sur ces régions. Nous avons rencontré à Vavuniya les membres du HCR, du NRC, du PAM, des personnes déplacées, relocalisées ou étatiques comme la Government Agent (GA) de Vavuniya, etc. D’autres interlocuteurs rencontrés à Colombo nous ont également parlé de la situation dans le Nord.

Selon les estimations administratives de la province sur le site web de celle-ci (www.np.gov.lk), la population est repartie de la manière suivante :

- Jaffna : 608.919 habitants en 2007. Ils étaient 831.112 en 1981.

- Kilinochchi : 195.812 habitants en 2007. Ils étaient 91.641 en 1981.

- Mannar : 103.688 habitants en 2007. Ils étaient 106.940 en 1981.

- Mullaitivu : 220.311 habitants en 2007. Ils étaient 77.512 en 1981.

- Vavuniya : 183.046 habitants en 2007. Ils étaient 95.904 en 1981.

Les recensements par districts sont fluctuants en raison des déplacements de la population. Mais, compte tenu de l’impossibilité pour elle d’être déplacée ailleurs dans le pays, il est crédible que la population totale de la province soit similaire à la somme des chiffres mentionnés ci-dessus.

Chacun des cinq districts est dirigé par un District Secretary, également appelé Government Agent (GA). Chaque district est partagé en plusieurs divisions, administrées par des Divisional Secretaries (DS). Il y a 33 DS dans la province du Nord. Chaque division est repartie en plusieurs agglomérations administrées par des Grama Niladhari (ou Grama Officer ou Grama Sevaka – ils sont désignés GN par l’administration, et GS par la population tamoule). Les GS sont au nombre de 911 dans la province. Une liste complète de ces répartitions administratives est disponible sur le site internet mentionné ci-dessus.

Dans la province du Nord, tous ces fonctionnaires sont tamouls. La Fondation pour la Coexistence (FCE) estime que les proportions de Tamouls sont de 5% dans la Fonction Publique et de 0,01% dans l’armée sri-lankaise. Il est par conséquent probable que la quasi-totalité des fonctionnaires d’origine tamoule soit concentrée dans le Nord.

Emblème de la province du Nord Le cerf est l’animal qui symbolise la province du Nord

OFPRA 81 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

4.2 Accès à la province du Nord

L’accès à cette province est très restreint. Un no man’s land s’élargit chaque jour entre Kilinochchi et Omanthai.

4.2.1 Accès à Jaffna

Jaffna est accessible uniquement par avion ou par bateau, sous réserve d’une autorisation obligatoire de l’armée sri-lankaise dont l’obtention est longue. De même pour en partir, les démarches sont nombreuses et compliquées. Il faut en effet obtenir l’autorisation (parfois nommée clearance) de l’armée après avoir obtenu celles du GS et du Bureau des affaires civiles. Il faut signaler auprès de la police ou du commandement militaire l’adresse de sa destination, notamment à Colombo, ainsi que le numéro de téléphone auquel le voyageur peut être joint dans la capitale. Ces démarches prennent plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

Le coût des billets d’avion étant passé de 12 000 roupies sri-lankaises en 2004 à 20 000 roupies en 2008, les civils autres que les hommes d’affaires optent pour le bateau. La fréquence des avions et des bateaux varie selon l’état du matériel de transport, les conditions météorologiques et la situation de guerre. Les transports sont parfois annulés pendant plusieurs jours. Les avions, appartenant à trois compagnies, partent de Palali et atterrissent à Ratmalana. Pour prendre le bateau, les voyageurs se regroupent vers midi devant la gare de Jaffna, avant d’être conduits à Kankesanthurai où ils embarquent sur un bateau de commerce à la tombée de la nuit. Ils arrivent à Trincomalee au petit matin et partent rapidement par autocar vers Colombo. Les contrôles sont nombreux et stricts sur la route entre ces deux villes. Les préparatifs du voyage durent plusieurs semaines, et le voyage lui-même plusieurs jours.

Procédure pour quitter Jaffna – étape par étape :

(Selon les indications d’une ONG qui précise que cette procédure peut être modifiée à tout moment)

1. rédiger une demande d’autorisation et la faire signer par le GS 2. présenter la demande, la carte familiale et la carte nationale d’identité au bureau du DS pour obtenir un formulaire de demande. Le bureau ouvre à 9h30. Cinquante formulaires sont distribués chaque jour. 3. faire signer ce dernier formulaire par le GS. 4. se procurer auprès d’un libraire un formulaire en cinghalais (nom, numéro de la carte nationale d’identité, adresse permanente, adresse à Colombo, etc.) et le faire signer par le GS 5. demander une « clearance » (certificat de non objection) de la police. Ceci peut prendre de deux à trois semaines. 6. écrire une lettre distincte, attestée par le GS, à l’attention du bureau des affaires civiles en y joignant les copies des cartes nationales d’identité. 7. Retourner au bureau du DS avec tous les formulaires (lettre à l’attention du bureau des affaires civiles, formulaire délivré par le DS, formulaire cinghalais, carte nationale d’identité) et les faire signer par le DS 8. produire trois copies de chaque formulaire 9. se rendre au camp militaire le plus proche pour soumettre les formulaires (attente de trois heures au minimum) 10. retourner au camp militaire récupérer les formulaires signés (environ trois jours) 11. se rendre au Bureau des affaires civiles, ouvert de 11h00 à 13.h30. La seule soumission des formulaires peut prendre quatre ou cinq jours. Un rendez-vous est fixé trois ou quatre jours plus tard pour obtenir la clearance. 12. se rendre de nouveau au bureau des affaires civiles pour obtenir cette clearance.

82 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) effectue deux vols quotidiens entre Jaffna et Colombo. Il peut transporter, sur avis médical, un malade et un accompagnateur. Ce dernier reste à l’hôpital à Colombo avec le malade pendant la durée des soins.

4.2.2 Accès à Vavuniya

Vavuniya est accessible et traversée du nord au sud par la route A9. Même en venant de Trincomalee, on rejoint la route A9 au niveau de Madawachchi (également nommé Medawachchiya sur les cartes) qui est le principal point de contrôle au sud de Vavuniya. Tous les passagers de voitures et d’autocars doivent descendre des véhicules. Les hommes et les femmes sont séparés, orientés vers deux files d’attente, fouillés (les femmes sont contrôlées par des femmes aux points de contrôle importants), et invités à présenter leur autorisation pour se rendre à Vavuniya.

En effet, les habitants de Vavuniya obtiennent un laissez-passer d’un mois pour s’absenter de la ville, et s’engagent à y revenir avant l’échéance du laissez-passer. Pour ceux qui ne sont pas originaires de Vavuniya, il faut une autorisation du ministère de la Défense ou des militaires, difficile à obtenir.

La porte située au sud de l’agglomération de Vavuniya sur l’A9

Pour se rendre à Vavuniya depuis le Nord, c’est à dire de la région qui était jusqu’à une période récente sous contrôle des LTTE, il faut obtenir un laissez-passer de ce mouvement qui, après la reprise de la guerre, en est devenu avare. Lorsqu’il en délivre un, il retient deux jeunes gens de la famille du voyageur. Après avoir passé le point de contrôle des Tigres à Omanthai (point de contrôle déplacé à Nedunkerni au moment de notre mission au Sri Lanka), les Tamouls arrivent à un point de contrôle de l’armée d’où, après contrôle, ils sont orientés vers un camp transitoire.

Ceux qui fuient le Vanni à cause du conflit sont envoyés vers des camps de déplacés. Ceux qui se rendent ailleurs, notamment à Colombo pour des soins ou d’autres besoins, sont autorisés à le faire après avoir justifié leur voyage et attesté de leur résidence. Le HCR affirme que les personnes démunies de cartes nationales d’identité sont néanmoins autorisées à traverser le point de contrôle après une attente de quelques heures. La GA fait valoir qu’en cas de perte de la carte nationale d’identité, la personne déplacée doit fournir son acte de naissance et le certificat de résidence délivré par le Grama Niladhari pour réclamer une nouvelle pièce d’identité. D’autres vérifications, comme l’inscription sur la liste électorale, sont aussi effectuées. Elle assure que l’enregistrement auprès de

OFPRA 83 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 la police ou de l’armée relève uniquement des ordres émanant des commandants militaires ou des chefs de police locaux.

Le carrefour dit Clock Junction au centre-ville de Vavuniya, où la circulation vers le nord est stoppée ; au second plan, le poste principal de police de la ville

Au moment de la mission, le service de train n’était plus assuré à Vavuniya depuis plusieurs mois (la GA n’a pas pu préciser depuis combien de mois et pour quelle raison exacte). En novembre 2008, les trains en provenance de Colombo s’arrêtent à Madawachchi et les gens rejoignent Vavuniya par la route. D’après les renseignements fournis par un Tamoul de Jaffna, installé à Colombo et venu voir sa sœur dans un village de personnes déplacées, le train qui part à 5h30 de Colombo arrive à midi à Madawachchi. Celui qui part de Madawachchi à 21h arrive à Colombo à 4h00. Le transport ferroviaire jusqu’à Vavuniya a repris au début de l’année 2009, mais reste toutefois perturbé.

4.2.3 Accès à Mannar

On se rend à Mannar par bateau. Y arrivent quelques personnes du Vanni ayant réussi à traverser le lagon, des personnes originaires de la région des îles, quelques personnes revenant d’Inde, et rarement les habitants de Jaffna. Il est crédible que ceux qui ont tenté de se rendre de la péninsule vers l’Inde en bateau de pêche aient été conduits à Mannar par la marine sri-lankaise. Celle-ci arrête les Tamouls en mer, les présente devant un juge qui délivre un ordre de détention (DO) ou les libère. Ces personnes sont ensuite conduites dans des camps, endroits clos où elles n’ont pas de liberté de mouvement.

Un des prêtres catholiques rencontrés par notre équipe assure s’être rendu récemment à l’église de Madu par la route, et qu’un tel voyage est encore possible, mais très restreint. Il ajoute que la route de Mannar à Vavuniya passant par Madu n’a pas été entièrement déminée, que le bétail en fait souvent les frais. Il est plus aisé, quand on y a été autorisé, de se rendre de Mannar à Colombo via Puttalam. Les autorités projettent d’ouvrir rapidement l’A32 reliant Mannar à Jaffna, route contrôlée dans sa totalité depuis que les LTTE ont perdu Ponneryn en novembre 2008.

84 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

4.2.4 Accès aux autres zones de la province du Nord

L’armée sri-lankaise n’autorise pas les personnes à se rendre au nord de Vavuniya et au sud de la péninsule de Jaffna. En ce qui concerne les personnes quittant le Vanni, elles ne peuvent pas se rendre à Jaffna. Elles peuvent éventuellement gagner Trincomalee par bateau de pêche de Mullaitivu ou Mannar par le lagon. De tels voyages, à l’insu des LTTE, sont rares. Des ambulanciers peuvent faire des allers-retours entre Vavuniya et le Vanni, mais ne sont pas autorisés à passer la nuit dans une zone non contrôlée par l’armée sri-lankaise.

4.3 Forces armées présentes dans la province

Le Sri Lanka a connu plusieurs décennies de présence militaire. Les groupes tamouls ne sont pas tous désarmés. Dans certaines villes, comme à Vavuniya, Mannar ou Jaffna, la population a connu successivement et continuellement l’armée sri-lankaise, l’I.P.K.F., les groupes tamouls dont les LTTE, puis de nouveau l’armée sri-lankaise.

4.3.1 Les mouvements armés tamouls

Tous nos interlocuteurs nous rappellent la période de 2002 à 2005, au cours de laquelle les LTTE étaient ouvertement présents dans l’ensemble de la province, notamment dans la péninsule de Jaffna et sur la route A9. Les LTTE ont leur propre administration, particulièrement dans la région qui s’étend du sud de Kilinochchi au nord de Vavuniya. Il est à noter que l’actuel porte-parole des LTTE, Nadesan, est toujours présenté par ce mouvement comme étant le chef de la police des Tigres. Selon un témoin local, un certain nombre de jeunes rejoignent les LTTE malgré l’absence de propagande visible dans les villes de Jaffna et Vavuniya, par esprit de rébellion à l’égard des parents.

L’armée contrôle désormais la quasi-totalité de la province, à l’exception d’une poche dans le Mullaitivu. Les LTTE commettent de moins en moins d’attentats depuis 2006, notamment dans les villes de Jaffna et de Vavuniya. L’armée est secondée par des groupes paramilitaires dans la province du Nord. L’EPDP est fortement présent à Jaffna et la PLOTE à Vavuniya. Il y a des tentatives de la part du TMVP de s’installer dans la ville de Vavuniya. Or, ce parti est composé de Tamouls de l’Est qui ont décidé de se séparer des Tigres du Nord car ils considéraient que ceux-ci les discriminaient. Considéré donc comme méfiant envers les Tamouls du Nord, les TMVP ne seront pas à l’aise Vavuniya.

La TELO, la PLOTE, l’EPDP et l’EPRLF que nos interlocuteurs nomment couramment les « groupes paramilitaires » devaient rendre les armes aux termes de l’accord du cessez-le-feu. Le gouvernement protège leurs camps. Cependant, ils continuent à se déplacer armés, même à des points de contrôle selon de nombreux témoins. Un des représentants du gouvernement rencontrés par notre équipe dit qu’il est difficile de désarmer des personnes qui craignent d’être éliminés par les LTTE.Le gouvernement propose aux militants désarmés des formations professionnelles afin qu’ils puissent entreprendre un projet économique. Les ONG organisent des réunions avec ces groupes afin de trouver des solutions, notamment en cas de recrutement forcé.

En ce qui concerne la ville de Jaffna, d’après un témoin résidant à Jaffna, les militants de l’EPDP, vieillissants, parfois barbus, circulent armés, et deux par deux, souvent à moto. Ce parti y a ses bureaux. Le seul élu parlementaire de l’EPDP est le chef de ce parti, . Il est ministre des Affaires sociales dans le gouvernement central.

Plusieurs de nos interlocuteurs nous ont parlé de cambriolages commis au moment du couvre-feu à proximité des points de contrôle. Il est fort probable que le brigandage soit perpétré par des supplétifs tamouls tolérés par l’armée sri-lankaise.

Des disparitions et assassinats sont toujours à l’œuvre dans l’ensemble de la province du Nord. Ces mêmes interlocuteurs déduisent que les enlèvements de civils dans des camionnettes blanches au sein de villes entièrement quadrillées par l’armée peuvent difficilement être l’œuvre des LTTE.

OFPRA 85 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Dans la ville de Vavuniya, les Tamouls avec lesquels notre équipe a pu discuter parlent de disparitions de personnes, et de racket, sans nommer les auteurs de ces agissements. Ils répètent que leurs familles sont inquiètes quand ils ne rentrent pas à temps le soir. Il faut noter qu’à Vavuniya le réseau téléphonique est souvent coupé sous prétexte de mesure de sécurité et qu’il est difficile de communiquer, par exemple lors des passages de convois militaires. Le même problème de communication existe également à Jaffna.

4.3.2 Les forces de sécurité

L’employé tamoul d’une ONG internationale dit qu’il est venu travailler ce samedi avec son enfant afin d’éviter le long interrogatoire habituel au point de contrôle militaire. En effet, la force armée la plus importante et la plus visible à Vavuniya (comme à Jaffna) est celle des militaires sri-lankais.

On rencontre des militaires partout dans la ville de Vavuniya, tous armés de fusils d’assaut, parfois dans des véhicules blindés. Ces véhicules, qu’on nomme en France blindés légers et qui sont très rarement visibles dans nos rues, forment un spectacle impressionnant au Sri Lanka du fait de l’étroitesse des rues en ville et de l’état des routes sur lesquelles ces véhicules militaires roulent à toute allure. Les militaires se déplacent également dans des camions, autocars et surtout à moto dans la ville de Vavuniya. Ils se servent aussi de tracteurs avec remorques.

Par ailleurs, les forces militaires et la police, avec des uniformes et des insignes différents, sont mélangées aux points de contrôle et aux autres endroits de la région : ainsi on peut voir travailler côte à côte des militaires de l’infanterie, de l’armée de l’air et les agents de la police.

En ce qui concerne la ville de Vavuniya, il y a plusieurs camps militaires dont notamment un quartier général de l’aviation, d’environ 1,5 km de longueur sur l’A9, à l’entrée de la ville de Vavuniya et qu’on appelle communément le « camp Joseph ». Le seul poste de police officiel de Vavuniya se trouve au carrefour de l’A9 et de la rue Kandasami Kovil. Le bureau du superintendant de police (SP) se trouve à côté du « camp Joseph ». Aucun de nos interlocuteurs n’a su dire le sens de ce nom. Il existe près de ce quartier général une ruelle du nom de Joseph, Joseph Ln, perpendiculaire à l’A29, visible sur des sites Internet de cartes et photos-satellite.

Notre équipe a également vu plusieurs camps militaires fortifiés autour de Vavuniya. En dehors des villes, on croise de temps à autre un militaire apparemment isolé. Il paraît très jeune, inquiet à la vue des véhicules civils, le doigt sur la gâchette. En faisant plus attention, on observe dans des buissons denses derrière ce jeune soldat ses camarades qui de temps à autre sortent la tête pour voir ce qui se passe aux alentours. Ces militaires en poste dans les campagnes désertes doivent également faire attention aux troupeaux d’éléphants sauvages dont les mouvements sont imprévisibles.

Il nous a été rapporté qu’en raison du taux de chômage important, de très nombreux jeunes issus de milieu modeste du Sud de l’île s’engagent dans l’armée, qu’ils sont formés dans une école militaire pendant quatre mois avant d’être envoyés sur le terrain. Ils font plusieurs formations de courte durée durant leur engagement. Sans expérience, envoyés dans le Nord, ne parlant pas tamoul, beaucoup de ces jeunes soldats désertent.

La police est secondée par le service de renseignement, CID ou TID. Des formations linguistiques sont proposées aux officiers ne parlant pas le tamoul.

4.4 Les élections

La province du Nord est repartie en deux districts électoraux : Jaffna et Vanni.

Le district électoral de Jaffna comprend les circonscriptions de Kayts, Vaddukkoddai, Kankesanthurai, Manipay, Kopay, Udupiddy, Point-Pedro, Chavakachcheri, Nallur, Jaffna-ville et Kilinochchi.

Le district électoral de Vanni comprend les circonscriptions de Mannar, Vavuniya et Mullaitivu.

86 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

4.4.1 L’élection présidentielle de 2005

La dernière élection présidentielle a eu lieu le 17 novembre 2005. Les LTTE ont fortement déconseillé à la population de participer à ce scrutin.

Au niveau national, le président actuel Mahinda Rajapakse a obtenu 50,29% des voix contre 48,43% pour son rival Ranil Wikremasinghe.

Dans le district électoral de Jaffna, ont voté 8.524 électeurs sur les 701.936 inscrits. Mahinda Rajapakse a obtenu 25% des voix contre 70,20% pour Ranil Wikremasinghe.

Dans le district électoral de Vanni, ont voté 85.874 électeurs sur les 250.386 inscrits. Mahinda Rajapakse a obtenu 20,36% des voix contre 77,89% pour Ranil Wikramasinghe.

Selon plusieurs observateurs, l’appel au boycott par le LTTE a entraîné la défaite de Ranil Wikramasinghe qui, en 2002, a signé l’accord de cessez-le-feu en sa qualité de premier ministre.

4.4.2 L’élection parlementaire dite « general election »

A la dernière élection de 2004, les Tamouls de la province du Nord ont majoritairement élu les candidats de l’Alliance nationale tamoule (TNA) formée avec l’approbation du LTTE. Cette alliance est composée des partis suivants : TULF, ACTC, une scission de l’EPRLF et une scission de la TELO. Les autres scissions de ces deux partis s’opposent aux LTTE.

22 membres de cette alliance siègent au parlement. 8 d’entre eux ont été élus dans le district électoral de Jaffna et 5 dans le district électoral de Vanni. Deux d’entre eux ont été assassinés, et les autres se sentent menacés. Ci-dessous figure la liste des élus TNA dans la province du Nord, leur parti d’origine pour ceux qui ne sont pas fraîchement entrés en politique, et le sort de certains d’entre eux.

Jaffna :

- S. Kajendran - G. Ponnambalam (ACTC) - K. Premachandran (EPRLF) - N. Raviraj (TULF), assassiné le 10.11.2006, remplacé par N. Srikantha (TELO) - S. Senathirajah (TULF) - M.K. Shivajilingam (TELO) - K. Sivanesan, assassiné le 06.03.2008, remplacé par S.S.Cyril - P. Sithamparanathan

Vanni :

- Amirthanathan Adaikalananthan (TELO) - S. Ananthan (EPRLF) - S. Kanagaratnam - S. Kisshor - S. Noharathalingam (TELO)

Un candidat de l’EPDP, Douglas Devananda, par ailleurs chef de ce parti, a été élu dans le district de Jaffna. C’est le seul siège qu’a obtenu ce parti au Parlement. Mais l’EPDP joue un rôle important dans la politique du Nord. Douglas Devananda a été nommé ministre des Affaires sociales. Il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat perpétrées par les LTTE

Un candidat tamoul de l’UNP a été élu dans le district de Vanni.

OFPRA 87 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Lettre adressée par un parlementaire tamoul du Nord au président du Sri Lanka : (extrait du site web pro-LTTE Tamilnet - 02.05.2006)

2 May 2006

H.E. , The President of the Democratic Socialist Republic of Sri Lanka, Temple Trees, Colombo.

Your Excellency,

FOR YOUR URGENT ATTENTION

I write to you regarding an incident that took place at about 7 o’clock this morning at my private residence at No. 43, 3rd Cross Street, Jaffna. Two individuals had entered the above premises. Subsequently they had approached the old lady who provides domestic help in the house. One of the individuals had threatened her with a firearm whilst both had gone on to question her about the whereabouts of yselfm and members of my staff. Thereafter they had proceeded to search the premises. Just before they had left, they further warned the domestic help that if the authorities were informed of this incident that she would be killed.

As you will recall, this is not the first time that I have brought to your attention such incidents. On the previous occasion, army personnel in uniform had entered the same premises and had behaved in a threatening manner. Subsequently however, the Jaffna Commander personally contacted me and apologized for the incident.

I consider this latest incident a direct threat to my life as well to the lives of the members of my staff. I wish to bring to your attention that there is a Sri Lanka Army camp on the adjoining road down 4th Cross Street. There is also a Sri Lanka Army sentry point at the Main Street – 2nd Cross Street junction. Therefore, it would be much appreciated if this incident is thoroughly investigated. Due to the serious nature of the incident, I will be copying this letter to the Hon. Speaker and the Inspector General of Police.

Yours truly, G. G. PONNAMBALAM M.P.

4.5 Situation des Tamouls et des droits de l’homme

Les Tamouls restés dans la province du Nord ont été à un moment ou un autre lié de gré ou de force à un quelconque groupe tamoul et notamment aux LTTE. Ce lien semble susceptible de les rendre suspects aux yeux des autorités et d’en faire des victimes potentielles du racket exercé par les divers groupes tamouls qui s’affrontent.

4.5.1 Conditions de vie de la population tamoule du Nord

La population restée dans le Vanni sous contrôle du LTTE peine à en partir. En effet, les LTTE ont restreint les conditions de délivrance des laissez-passer. Ils recrutent deux jeunes par famille. Le choix de ces jeunes revient en général aux familles. Des adolescents préfèrent, d’après les ONG, rejoindre les LTTE à la place de leurs pères ou de leurs frères aînés afin que ceux-ci puissent continuer à subvenir aux besoins de la famille.

Une personne isolée, sans famille, n’a pas l’autorisation de quitter la zone des LTTE, sauf pour raison de santé importante.

Par ailleurs, plusieurs de nos interlocuteurs dont les collègues travaillent régulièrement dans le Vanni disent que la population soutient les LTTE. De toute façon, elle n’a pas d’autre choix pour y résider. Elle y reste souvent par peur de l’inconnu dans la zone militaire, des arrestations et exactions étant largement rapportées par les LTTE et enfin parce qu’elle a des proches aux LTTE qu’elle ne veut pas quitter. Elle pourrait aussi se voir reprocher le militantisme de ces proches.

L’accès aux soins est restreint dans le Vanni. Le gouvernement ne veut pas que le matériel médical serve aux LTTE. Or c’est la population civile qui en pâtit souvent comme, par exemple, les femmes enceintes lors des complications de grossesse. Cependant, le gouvernement autorise le Programme Alimentaire Mondial (PAM) à y envoyer très régulièrement des convois alimentaires. Il contribue même partiellement à la distribution de vivres tout en sachant qu’une partie de ces aliments va aux LTTE. Quelques ONG, soucieuses de la malnutrition chez les enfants, ont été accusées de transporter des barres d’aliments vitaminés pour les combattants des LTTE. Leurs convois ont été arrêtés pour cette raison aux points de contrôle. Les localités des alentours de Kilinochchi n’ont pas toutes été déminées. Handicap International procure des prothèses à l’hôpital de Batticaloa où sont soignées les victimes des mines.

A Jaffna la population s’accommode du changement politique. Les LTTE commettent des attaques

88 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

surprises (« hit and go »). Ces attentats, qui font plus de victimes chez les civils que les militaires, sont moins nombreux qu’en 2006. D’après un témoin vivant à Jaffna, aucune manifestation en faveur des LTTE n’est possible dans la péninsule. Selon cette même personne, les manifestations du Pongu Tamil (fête annuelle des LTTE) n’ont pas eu lieu à Jaffna depuis 2006, même si quelques étudiants observent telle ou telle autre journée de commémoration à la mémoire de combattants décédés. Après la reprise de la guerre, le ravitaillement est difficile. Le gaz a été réintroduit, mais coûte deux fois plus cher qu’à Colombo. Les vivres sont vendus en partie par les Multi purpose cooperative societies (MPCS), les coopératives d’Etat, où l’on ne trouve pas toutes les denrées. Les prix des produits de première nécessité ont flambé. D’après des témoins, le marché noir prospère.

A titre d’information, d’après la revue Groundview d’août 2008, publié avec l’aide du Consortium of Humanitarian Agencies (CHA), voici les prix de quelques denrées à Jaffna (Rs = roupies) :

- riz rouge : Rs. 125 à 130, le kilo - riz dit Samba : Rs. 100 à 110, le kilo - sucre : Rs. 90 le kilo - farine : plus de Rs. 95 - noix de coco : Rs. 40 - l’ail : Rs. 300 le kilo

D’après le site www.statistics.gov.lk, dans la ville de Colombo, la première semaine d’octobre 2008, les prix des denrées étaient les suivants :

- riz rouge : Rs. 58 à 68, le kilo - riz dit Samba : Rs. 68 à 80 le kilo - sucre : Rs. 62 à 68 le kilo - farine : Rs. 68 à 75 le kilo - noix de coco : Rs. 23 à 34.25 - ail : Rs. 60 à 120 le kilo

A Vavuniya, ville majoritairement tamoule, la vie semble en apparence normale. Les commerces sont ravitaillés malgré des contrôles poussés à Madawachchi. Plusieurs ONG y ont élu bureau. Certaines d’entre elles ont rapatrié leur personnel de Kilinochchi dans la ville de Vavuniya.

Pour le délégué d’une des ONG internationales, Vavuniya et Mannar sont les régions les plus risquées pour les Tamouls qui y souffrent de nombreuses restrictions. Il cite en exemple les pêcheurs de Mannar. Il note que la population du province du Nord est obligé de vivre d’aides apportées par des personnes armées. Vavuniya est également la ville stratégique où tentent de s’installer tous les groupes paramilitaires tamouls.

4.5.2. Défense des droits de l’homme

Le représentant du ministère des droits de l’homme s’est plaint lors de notre rencontre que des organisations telles que Save The Children n’aient pas informé le gouvernement du recrutement de mineurs par les LTTE durant le cessez-le-feu. Effectivement il a été noté que les LTTE recrutent des jeunes, filles comme garçons, âgés de 17 ans. Si la famille signale ce fait aux organismes concernés, les Tigres les laissent partir et reviennent les chercher à leur majorité. L’UNICEF a beaucoup œuvré pour diminuer l’ampleur du phénomène d’enfants soldats dans le Nord et l’Est du Sri Lanka. Cependant, depuis la reprise de la guerre, il est difficile de contrôler totalement ce genre de recrutement dans le Vanni.

Le gouvernement en place pense en général que la réalité du conflit est déformée en sa défaveur par les ONG internationales. Il les accuse parfois de soutien aux LTTE Il a condamné la publication d’un appel d’offres de Save The Children dans un journal pro-LTTE Le professeur Wijesinha, représentant du ministère des Droits de l’homme, affirme que les organismes internationaux tentent de prendre le pouvoir au Sri Lanka. Il répète qu’il ne faut pas oublier que le gouvernement du Sri Lanka protège son peuple et qu’il fait tout pour protéger les civils dans les zones de guerre. Le 5 septembre 2008, le ministère de la Défense a demandé à toutes les ONG, à l’exception du CICR et du PAM, d’évacuer

OFPRA 89 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008 le Vanni.

Unruly mobs surrounded and stoned the main office of the International Committee of the Red Cross (ICRC) in the capital Colombo on Friday afternoon. The attack comes hours after a pro-government politician called for the expulsion of the ICRC chief Paul Castella following recent statements made by him on the ongoing conflict in the north between the Sri Lankan military and the Liberation Tigers of Tamileelam (…) The ICRC office is situated in a highly guarded area in close proximity to the private residence of paramilitary leader and a minister in the ruling United Peoples Freedom Alliance (UPFA) Douglas Devananda (…)

(Extraits du site web pro-LTTE TamilNet, article daté du 06.02.2009)

Le CICR a plusieurs bureaux dans la province du Nord comme dans le reste de l’île. Les Tamouls sont bien informés des activités de ce comité et n’hésitent pas à s’adresser à lui en cas d’arrestation, d’enlèvement ou de disparition de leurs proches. Le CICR fonctionne en bonne entente avec l’armée et la police. Celles-ci l’informent des arrestations. Quand l’interpellation n’est pas signalée à temps et que la famille informe le CICR, celui-ci contacte les autorités concernées. Les familles sont conscientes que leurs proches ont moins de probabilité de disparaître quand elles lui en parlent et que les démarches de recherche sont entreprises à temps. Très peu de personnes ont été menacées pour avoir contacté le CICR

A Jaffna, la liste d’ONG est limitée. Le gouvernement n’autorise plus, d’après une ONG présente dans l’Est, de nouvelles organisations à s’installer à Jaffna. L’UTHR (University Teachers for Human Rights) de Jaffna publie régulièrement des bulletins d’informations et des rapports qualifiés de sources fiables par plusieurs de nos interlocuteurs. Néanmoins, un enseignant universitaire nous signale que cet organisme n’a plus de liens avec l’université de Jaffna. D’autres sources locales comme la Foundation for Co-Existence (FCE) ou le Centre for Policy Alternatives (CPA), recoupées les unes aux autres, peuvent également être fiables.

Les groupes politiques publient plusieurs journaux tamouls à faibles tirages dans la province du Nord. Les journaux à tirage important à Jaffna sont Uthayan et Thinakural. Uthayan est soupçonné de favoriser le LTTE Ses journalistes ont été menacés. Ses locaux ont été vandalisés en mai 2006 par des éléments soupçonnés appartenir à l’EPDP Le journal tamoul Virakesari, à tirage important, est distribué dans tout le pays.

Bureau du journal Virakesari à Vavuniya

D’après le Free Media Movement (FMM), parmi les quinze journalistes tués entre novembre 2005, date d’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement, et novembre 2008, l’un est originaire de Colombo, les autres de Jaffna ou de Vavuniya. Aucun journaliste n’est autorisé à se rendre dans le Vanni. Les médias doivent se contenter des images partiales fournies par l’armée sri-lankaise qui parle plus aisément de ses trophées que de ses propres pertes. D’après la Fondation pour la Co- existence, (FCE), les LTTE ont toujours été en avance sur la guerre d’information relayant sa cause par le biais de nombreux sites Internet tenus par la diaspora tamoule. L’armée contrôle désormais

90 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

intégralement l’image de la guerre qu’elle veut propre. Les militants de Droits de l’homme rencontrés à Colombo se demandent pourquoi les munitions des Tigres, saisies par l’armée et dont les photos sont publiées dans les journaux, ne sont pas aussi nombreuses que le prétend le gouvernement. Les LTTE de leur côté font publier sur des sites Internet tamouls les images de victimes civiles, d’hôpitaux bombardés, etc.

Il est à noter que depuis le retour de la mission, la situation des journalistes s’est encore dégradée : deux journalistes ont été tués dans la capitale. Les assassins n’ont pas été identifiés. Les medias pensent que les victimes ont été punies pour avoir critiqué l’armée sri-lankaise. Le secrétaire à la Défense, Gotabaya Rajapakse, frère du président, déclare que tous ceux qui critiquent la guerre actuelle sont des traîtres à la nation.

La terreur à Jaffna La péninsule de Jaffna (Nord), région peuplée majoritairement de Tamouls, directement administrée par l’armée, est devenue un enfer pour les journalistes, les militants des droits de l’homme et les civils en général. Assassinats, kidnappings, menaces, censure, ont fait de Jaffna l’un des endroits les plus dangereux au monde pour la presse. Deux journalistes y ont été tués en 2007, deux autres ont été enlevés et au moins trois médias ont été victimes d’attaques directes. Des dizaines de journalistes ont fui la région ou choisi d’abandonner la profession, menacés par les paramilitaires, l’armée ou le LTTE. Les miliciens tamouls de l’Eelam People’s Democratic Party (EPDP) qui épaulent les forces de sécurité dans la lutte contre le LTTE, ont été impliqués dans de nombreux cas de violences. Leur chef, Douglas Devananda, est également ministre des Affaires sociales. Dans l’Est, ce sont les miliciens d’un groupe issu d’une scission du LTTE qui ont fait régner la peur(...) jusqu’en mai, la presse de Jaffna a connu d’immenses difficultés d’approvisionnement, asphyxiant les trois titres de la région. Les autorités militaires refusaient depuis août 2006 d’inscrire l’encre et le papier journal sur la liste des articles autorisés à être acheminés vers Jaffna. Malgré une demande toujours plus forte, Uthayan, Yarl Thinakural et Valampuri ont été contraints de réduire drastiquement leur pagination et leur tirage. Suite aux pressions, notamment internationales, l’armée a finalement levé son veto et des stocks de fournitures sont arrivés de la capitale.

(Extraits du rapport 2008 de Reporters sans frontières)

En ce qui concerne la télévision, en plus des chaines sri-lankaises comme Shakti TV, les habitants de Vavuniya ou de Jaffna reçoivent également des chaines tamoules d’Inde du Sud où de nombreuses manifestations ont lieu ces derniers mois contre la guerre au Sri Lanka : grève de la faim, meeting public des artistes du cinéma, auto-immolation de Tamouls Indiens dénonçant les conditions des personnes déplacées dans le Vanni, etc.

D’après ce qui a pu être constaté par l’équipe de la mission, l’assistance de la Commission des Droits de l’homme (SLHRC) est peu significative dans le cas de personnes disparues. Cette commission peut convoquer les préfets ou autres hauts fonctionnaires pour des litiges avec leurs subalternes relatifs à des pensions non payées ou à des promotions injustement refusées. Elle n’a cependant pas la compétence de convoquer dans ses bureaux des militaires ou des policiers. Elle ne peut que transmettre les déclarations de disparitions aux organisations comme le CICR ou l’UNICEF. Le Professeur Rajiva Wijesinha admet qu’il y a eu des controverses sur les méthodes d’embauche à la Commission des Droits de l’homme.

Le Norwegian Refugee Council (NRC) qui a un bureau à Vavuniya fournit une consultation juridique gratuite par le truchement d’un comité de juristes locaux (ICLA, Information Council in Legal Assistance) aux personnes déplacées. Il dispose d’antennes mobiles pour informer la population des villages avoisinants. Mais, pour l’instant, l’ICLA n’intervient que dans les affaires civiles et les litiges fonciers.

Quelques personnes, de moins en moins nombreuses, continuent à défendre à titre individuel les Droits de l’homme dans le Nord. Ce sont souvent des prêtres catholiques qui, d’après le témoignage d’un Tamoul chrétien rencontré par l’équipe, n’hésitent pas à se porter garants pour faire libérer les habitants de leurs paroisses, à les cacher ou même à les aider à se déplacer. L’Eglise est en général peu malmenée par l’actuel gouvernement.

OFPRA 91 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Nombre de travailleurs sociaux rencontrés déplorent le phénomène croissant des GONGO locales (Government NGO), des organisations non gouvernementales fondées sur l’initiative du gouvernement et subventionnées par celui-ci.

4.6 Arrestations et détentions

Les interpellations peuvent être effectuées par différentes forces de sécurité dans la rue, sur le lieu de travail ou au domicile des habitants.

4.6.1 Les opérations de recherche

Les opérations de contrôle d’identité sont nombreuses compte tenu des rumeurs récurrentes d’infiltration des Tigres dans des zones stratégiques, ce qui est le cas à Vavuniya, Jaffna ou Mannar. Des membres d’une ONG, rencontrés à Vavuniya, évoquent eux aussi l’infiltration des Black Tigers dans la banlieue nord de Vavuniya. Ils assurent que la police hésite à se rendre la nuit dans ces zones tampon. Les mouvements de personnes sont strictement surveillés aux nombreux points de contrôle.

Des arrestations peuvent être effectuées lors de ces contrôles dans la rue, suivies le plus souvent de quelques heures d’interrogatoire dans un camp militaire ou un poste de police.

Des ONG ont réclamé et obtenu la transparence sur les forces présentes aux points de contrôle à Vavuniya. En 2008, elles ne relèvent plus de présence de membres des groupes paramilitaires à ces points contrairement à 2006. Les employés qui entreprennent quotidiennement le même trajet sont néanmoins contrôlés et interrogés fréquemment, ce qu’ils ressentent comme un harcèlement injustifié. Ni les employés, ni les bureaux des ONG ne sont épargnés par le C.I.D. Celui-ci tente de manière récurrente, d’après le responsable d’une organisation internationale, de fouiller les bureaux et de connaître les détails concernant l’ensemble du personnel.

Des opérations dites « cordon and search » sont fréquentes. Pour en donner une idée, il semble utile de retracer une scène vue par l’équipe de la mission : dans la matinée, à un moment où la ville est animée, deux blindés bloquent l’entrée et la sortie, les seules issues, de la gare routière de Vavuniya mentionnée sur le croquis (supra). Puis de nombreux policiers et militaires procèdent au contrôle d’identité des voyageurs dans la gare.

Ces quadrillages sont, d’après les déclarations officielles, aléatoires. Ils peuvent immobiliser parfois des quartiers entiers. La répétition de telles opérations, qui ne sont pas forcément suivies d’arrestations de longue durée, est, pour le gouvernement, une mesure dissuasive à l’égard des Tigres. Tous les représentants du gouvernement ont affirmé que ces opérations ont porté leurs fruits et que les attentats commis par les Tigres ont beaucoup diminué ces derniers temps.

Il est rapporté à notre équipe qu’à Jaffna les personnes contrôlées dans la rue, parfois retenues plusieurs heures sous le soleil, avancent en file indienne devant des blindés ou véhicules aux vitres teintées sans savoir réellement si quelqu’un les identifie de l’intérieur.

La nuit, des patrouilles militaires, cette fois-ci accompagnées d’agents du C.I.D. ou encore de Tamouls appartenant probablement à des groupes paramilitaires, encerclent un quartier. Les contrôles peuvent durer jusqu’au matin. A Jaffna, l’absence d’un membre de famille répertorié sur la carte familiale ou la présence d’une personne ne figurant pas sur cette carte, peut donner l’occasion à interpellation de l’ensemble de la famille.

A Vavuniya, la GA nous a affirmés que ce document n’était qu’une carte de rationnement non réclamée dans le cadre des contrôles, tout en éludant la question de l’enregistrement des proches venus rendre visite aux familles contrôlées.

Le responsable d’une ONG de Vavuniya affirme que, le jour même de notre visite, le chauffeur local d’une organisation internationale a été interpellé à bord de son véhicule professionnel par deux

92 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

individus s’étant présenté comme des agents du C.I.D. Il ajoute qu’à Vavuniya la PLOTE peut détenir des personnes dans ses camps durant plusieurs jours. L’emplacement de ces camps, nombreux et anonymes, n’est pas porté à notre connaissance.

4.6.2 Lieux de détention

Il est évidemment impossible de connaître les cachettes des groupes paramilitaires et des gangs qui pratiquent rapts et rançonnements.

En ce qui concerne l’interpellation par les forces de sécurité, plusieurs personnes, fiables et impartiales, nous parlent de l’existence des lieux de détention extrajudiciaire ou de tortures. Ce sont souvent des maisons anonymes d’après des personnes ayant réussi à être libérées et ayant témoigné auprès d’ONG. Celles dont les corps ont été retrouvés dans la rue et dont les disparitions avaient été signalées n’ont pas laissé de traces dans les registres des lieux de détention légale.

En effet, ces derniers lieux de détention sont tous répertoriés. Le CICR peut visiter nombre d’entre eux ainsi que les postes de police. La législation en vigueur oblige les forces de sécurité à confier à la police locale la personne interpellée dans les 24 heures après son arrestation. Cette personne doit être présentée dans les 48 heures suivantes à un juge qui décide du maintien ou non en détention. La personne est alors conduite à la prison via un lieu transitoire qui n’est autre qu’un poste de police. Les personnes arrêtées à Jaffna sont envoyées à la prison de Jaffna.

Celles arrêtées à Vavuniya à la prison d’Anuradhapura. Et celles interpellées dans le reste du pays dans des prisons du Sud de l’île en passant par des postes de police à Colombo. Dans ce dernier cas, elles peuvent être retenues longtemps dans les lieux transitoires avant d’être conduites en prison en raison de la surpopulation carcérale.

Les ONG relèvent le mécontentement des forces de sécurité concernant la décision des juges de libérer les personnes arrêtées. Elles citent en exemple le cas de Tamouls revenus d’Inde, arrêtés par la marine, présentés à un juge de Mannar, libérés, puis harcelés par l’armée de terre qui trouvait la marine plus souple qu’elle.

A Vavuniya, il n’y a qu’un seul et unique lieu légal de détention. Il s’agit du commissariat de la ville situé au carrefour de l’A9 et de Kandasami Kovil road. Dans tous les cas, les personnes qui ont été présentées à un juge ou envoyées à la prison d’Anuradhapura sont passées par ce commissariat. Le délégué du CICR s’y rend, comme dans les prisons, accompagné d’un interprète. Ces deux visiteurs sont toujours des non Sri-Lankais qu’on nomme couramment des «expatriés». Compte tenu du nombre réduit d’interprètes, le délégué, s’il n’est pas locuteur du tamoul, fait souvent le premier entretien en anglais.

A la libération, le détenu visité se rend en personne au bureau du comité et obtient un document, autrefois intitulé « TO WHOM IT MAY CONCERN » et désormais intitulé « DETENTION ATTESTATION », rédigé en anglais. Une personne n’a qu’un seul matricule dans les registres du CICR même si elle a été arrêtée plusieurs fois, à plusieurs années d’intervalle et à différents endroits du Sri Lanka.

Selon certaines sources, il existerait un lieu de détention du C.I.D./T.I.D. dans la ville de Vavuniya. Mais les personnes externes à ces services n’y auraient pas accès.

Les représentants du gouvernement rencontrés par l’équipe de la mission admettent que des exactions ont été commises dans le passé par les forces de l’ordre. Afin d’éviter de nouvelles bavures, les membres de ces forces reçoivent régulièrement des formations aux droits de l’homme dispensées par des ONG.

Durant les années précédant la reprise de la guerre, les LTTE ont autorisé avec réticence le CICR à rendre visite aux enfants de l’orphelinat Sencholai, ainsi qu’à ses prisonniers détenus dans le Vanni : militaires cinghalais, dissidents politiques ou Tamouls locaux contrevenant à la législation des Tigres. Ces lieux de détention, forcément fermés, voire déplacés depuis que les LTTE ont perdu beaucoup de son territoire, n’ont été ni nommés ni situés.

OFPRA 93 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

(Extraits du bulletin d’information du CICR de juin 2008)

4.7 Les personnes déplacées

Elles sont nombreuses et mal recensées sur l’ensemble du territoire sri-lankais. Elles sont pour la plupart retenue dans le Nord. Les chiffres avancés par les ONG sont contredits par le gouvernement. Les chiffres donnés ci-dessous sont ceux fournis par les GA des districts concernés et cités par l’Inter-Agency Standing Committee Country Team (IASC) de l’organisation internationale OCHA dans son rapport n°147 pour la semaine du 2 au 9 octobre 2008.

4.7.1 Mannar

Les Tamouls qui ont tenté de se réfugier dans le Tamil Nadu en Inde préfèrent revenir au Sri Lanka compte tenu de la situation matérielle, particulièrement difficile pour les réfugiés, sur le continent. Par ailleurs, ils ont beaucoup de peine à faire reconnaître dans leur pays les diplômes indiens. Il est donc préférable pour eux d’obtenir les diplômes sanctionnant leur fin d’études dans l’île. Quand ils ne peuvent prendre l’avion à destination de Colombo, ils reviennent au Sri Lanka par bateau à Mannar. Ils sont orientés vers des camps de personnes déplacées et retenus sans liberté de mouvement. Ils y vivent uniquement d’aides apportées par les ONG par le truchement des militaires. En octobre 2008, le nombre d’individus déplacés dans le district de Mannar est de 8.702. Il n’y a plus de nouveaux arrivants en novembre. Le PAM achète auprès des MPCS locales 30% des denrées alimentaires qu’il distribue aux personnes déplacées.

4.7.2. Mullaitivu et Kilinochchi

C’est sur cette zone que le nombre de personnes déplacées est le plus contesté. D’après la source citée ci-dessus, en octobre 2008, elles sont 66.707 dans le district de Kilinochchi et 155.887 dans le district de Mullaitivu. Or les représentants du gouvernement contestent ces chiffres, affirmant que ceux-ci dépassent le montant total de la population. Dans ces districts les personnes déplacées vivent dans des conditions précaires. Ils se réfugient dans les abris de fortune et les tentes fournis par les organisations admises dans la zone (HCR, CICR, Caritas). Les puits sont surexploités. Les ONG rencontrées sont toutes préoccupées par le tarissement de ces puits dans les mois à venir. Plusieurs d’entre elles fournissent de l’eau potable

94 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

aux habitants du Vanni comme à ceux des sites de personnes déplacées du district de Vavuniya. Le HCR fournit des colis de repas, des nattes et des ustensiles en plastique. Il signale que le transport d’ustensiles de cuisine en aluminium est interdit dans le Vanni car ce matériel pourrait servir aux LTTE pour la fabrication d’armes.

Au moment de notre présence au Sri Lanka, le PAM affirme envoyer chaque semaine 26 camions d’aide alimentaire accompagnés de 20 autres camions dits du GA. Ces derniers sont destinés à la vente dans les MPCS, coopératives d’Etat. Ces renseignements sont confirmés par d’autres ONG. Les camions partent ensemble.

Ni les militaires ni les Tigres ne peuvent se tromper sur la nature du convoi compte tenu de sa longueur et des signes distinctifs (UN) visibles de loin. Les vivres du PAM sont distribuées gratuitement, contrairement aux denrées fournies par le gouvernement qui, par principe, refuse d’offrir gratuitement de la nourriture.

D’après le PAM, son organisme a acheté 400 tonnes de denrées alimentaires auprès des MPCS locales pour les redistribuer. Le pouvoir d’achat de la population locale ne permet pas à celle-ci de s’approvisionner convenablement auprès des coopératives. Les prix ont beaucoup augmenté (+30% pour les légumes en novembre 2008).

Dans tous les cas, ce ravitaillement ne couvre pas les besoins en calories de la population locale. Le PAM ajoute que sept convois ont été envoyés dans le Vanni entre le 2 novembre 2008 et le 4 décembre 2008. Il faudrait, selon les estimations de cette responsable, envoyer 750 tonnes de vivres par semaine. Mais ce chiffre n’est pas toujours atteint. La population reçoit à chaque convoi une ration pour cinq à sept jours.

Déchargements de sacs de denrées alimentaires au PAM Mentions de sécurité sur le mur interne d’une ONG

Des proches du gouvernement accusent parfois le PAM ou d’autres ONG de prêter leurs véhicules aux LTTE ou de transporter du matériel pour ce mouvement. Le PAM affirme que tous ses camions sont minutieusement contrôlés, scellés par les militaires, conduits aux entrepôts des GA.

Les chauffeurs, seuls nationaux des convois, n’ont pas de contact avec la population du Vanni. Les six expatriés (agents des PAM, UNDSS, HCR, UNICEF) accompagnant les convois sont autorisés à rester une seule nuit sur place. Ce qui rend difficile lemonitoring .

Le 9 septembre 2008, des Tigres se sont infiltrés dans le quartier général de l’aviation à Vavuniya. Les militaires ont répliqué par des tirs de mortier qui ont endommagé les locaux du PAM situé en face. Les traces sont toujours visibles sur les murs. Des arbres ont été écimés dans l’enceinte de l’organisme.

OFPRA 95 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Traces de combat sur le pan d’un mur intérieur des locaux du PAM ainsi que le bunker construit pour protéger les employés de cet organisme

4.7.3 Vavuniya

Le gouvernement essaie de faire converger à Vavuniya les personnes déplacées du Vanni. Celles qui réussissent à arriver à Trincomalee sont immédiatement envoyées à Vavuniya même si elles ont de la famille dans l’Est. Le district de Vavuniya accueille, en octobre 2008, 13.056 personnes déplacées. Le centre humanitaire des Nations unies pour la province du Nord est situé à Vavuniya. Plusieurs ONG ont déplacé leurs bureaux de Kilinochchi à Vavuniya. Un comité de coordination réunissant le gouvernement du Sri Lanka, les Nations unies et le CICR s’occupe de l’accueil des personnes déplacées.

Celles-ci, à leur arrivée, sont contrôlées par des militaires ou des policiers. Les membres du HCR ou du CICR, présents sur place, vérifient que les forces de l’ordre ne sont pas assistées par d’éventuels supplétifs. Les personnes sont enregistrées et obtiennent un document par famille. Elles reçoivent des colis d’aliments cuisinés et, le cas échéant, des soins. Elles restent ensuite pendant une période de cinq à dix jours dans un site transitoire avant d’être orientées vers des camps de réfugiés comme celui de Poonthoddam ou de Sithamparapuram, ou encore vers des villages dits de relocalisation comme Thaddankulam (division de Cheddikulam) ou Kandasaminagar (division de Cheddikulam).

D’autres sites sont en cours d’étude par le comité de coordination pour l’éventuelle arrivée massive de personnes du Vanni. Une note du bureau du HCR à Vavuniya prévoit l’arrivée possible de 100.000 personnes. Aucun des sites retenus par le gouvernement sri-lankais ne peut accueillir dans l’immédiat un tel effectif. Les représentants du gouvernement nous font savoir qu’il y a des écoles dans tout le pays, que ce sont des bâtiments en dur, capables d’accueillir les personnes déplacées. Les cours auraient lieu, dans ce cas, à l’extérieur. Ces intervenants ne disent mot sur les dispositions sanitaires pour une telle masse dans des établissements scolaires.

Les membres de la mission ont visité le village de Thaddankulam et le camp de Poonthoddam.

4.7.3.1 Thaddankulam

Situé à cinq kilomètres de Poovarasankulam sur la route Mannar-Vavuniya, le village de Thaddankulam (littéralement « étang - où se posent - des libellules » en tamoul), autrefois inhabité, accueille des personnes déplacées depuis septembre 2006. Celles-ci bénéficient de subventions du HCR pour s’y installer. Les habitants des villages voisins, Cinghalais et Tamouls, déplacés à cause des conflits n’étaient pas, jusqu’en novembre 2008, revenus chez eux.

Le HCR s’occupe des infrastructures à Thaddankulam et fournit le matériel de construction par le truchement de FORUT à quelques 150 familles qui ont accepté de s’y installer depuis la fermeture du camp de Nellukulam où elles vivaient auparavant. Elles sont originaires de Jaffna, Kilinochchi et Mullaitivu. Elles ne peuvent pas à ce jour retourner dans leurs villages d’origine à cause de la guerre. Le gouvernement donne à chaque famille une parcelle d’une demi-acre de terrain appartenant à l’Etat.

96 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Les enfants sont presque tous scolarisés dans l’une des trois écoles situées dans un rayon de 5 kms autour du village. L’école, dans toutes les localités visitées par l’équipe de la mission, fonctionne de 7h30 à 13h30. Deux hôpitaux sont situés à 5 kms du village, l’un dans la ville de Cheddikulam et l’autre sur la route de Vavuniya. Des bus desservent le village le matin et l’après-midi afin de faciliter le trajet des enfants vers les écoles et des adultes vers Vavuniya.

La Rehabilitation Development Foundation (RDF) anime des groupes d’activités sociales, notamment contre les violences dites Sex and gender based violence (SGBV). La Croix-Rouge sri-lankaise y emmène chaque semaine une clinique mobile. Une assistance psychologique est proposée aux personnes qui souhaitent en bénéficier. Le PAM donne ponctuellement des aides alimentaires.

Des habitants de Thaddankulam nous ont dit que nombre d’entre eux ont quitté le Vanni en 1996, qu’ils ont vécu au camp de Nellukulam pendant 10 ans dans des conditions précaires. Ils sont tous issus de familles d’ouvriers agricoles. Depuis leur installation à Thaddankulam, ils travaillent comme journaliers dans les champs des villages voisins ou dans le bâtiment. Certains d’entre eux sont employés par les nombreuses ONG présentes dans la région. Ils ont pu circuler librement jusqu’à une période récente.

Ils nous apprennent que deux camps militaires ont été installés récemment à environ 2 km du village, aux sorties de celui-ci. Depuis l’installation de ces camps, les villageois ont vu leur liberté de mouvement réduite par de nombreux contrôles, ce qui les empêche de travailler normalement et de subvenir aux besoins de leur famille.

Les militaires, obsédés par l’idée d’infiltration des Tigres, se méfient des mouvements d’individus. C’est dans ces conditions qu’un villageois, ivre, ne pouvant justifier son déplacement à une heure tardive, aurait été abattu récemment par une patrouille militaire la nuit. Même les ambulanciers hésiteraient à s’y rendre la nuit.

4.7.3.2 Poonthoddam

Situé à 4 km de la ville de Vavuniya, le camp de Poonthoddam (mot tamoul signifiant littéralement « jardin des fleurs ») a été ouvert en 1995 pour accueillir des personnes originaires du Vanni. C’est l’un des camps les plus anciens. Le camp avait accueilli jusqu’à 10.000 individus. A partir de février 2002, ceux-ci ont commencé à retourner dans leurs villages d’origine. Depuis la fin du cessez- le-feu en janvier 2006, les personnes déplacées restées au camp n’ont plus d’espoir d’un retour rapide dans leurs villages. Il y a actuellement 605 familles (environ 2 222 individus selon la note du HCR citée ci-dessus). En 2008 et 2009, 300 familles doivent être relocalisées dans le village de Katkulam. Il y a une école maternelle et une école primaire dans le camp. Trois autres écoles dont une secondaire sont situées à 4 km du camp. L’hôpital public le plus proche est situé à 4 km du camp. Un bus dessert toutes les heures ce camp.

Les familles rencontrées dans ce camp vivent dans des logements très étroits couverts de tôles ondulées et rouillées. Les habitants travaillent comme ouvriers journaliers dans les environs. Beaucoup de leurs enfants sont nés après leur arrivée à Poonthoddam et sont scolarisés dans les écoles voisines. Ne possédant pas de terres dans leur village d’origine, ils préfèrent rester au camp dans l’attente d’être réinstallés dans de meilleures conditions dans un village de personnes déplacées. Les personnes déplacées entendues par l’équipe de la mission possèdent toutes des documents d’identité.

Les personnes déplacées nous ont fait part de descentes des forces de sécurité, à des fréquences variables, généralement à l’aube. Elles sont alors toutes réunies sur le terrain d’une école, d’un temple ou près d’un étang, le temps que s’opère la fouille de tous les logements, opération qui peut durer plusieurs heures. Il est impossible de recevoir des proches sans en aviser la police. L’avant-veille de notre visite, une vingtaine de jeunes hommes ont été arrêtés dans une rafle après la rumeur d’infiltration de Tigres dans le camp. Quelques uns ont été immédiatement libérés. Les autres, détenus un jour au poste de police de Vavuniya, ont été libérés par un juge du tribunal de cette ville sur l’intervention de leurs proches. Deux garçons, à peine majeurs, affirment avoir été agressés en détention. Ils portent des traces de blessures récentes qu’ils attribuent à des coups de crosses de fusil. Ils disent avoir été tous interrogés sur leur parcours et notamment leur scolarité.

OFPRA 97 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

D’après quelques interlocuteurs, les groupes paramilitaires tamouls infiltrent les camps des personnes déplacées.

Une femme âgée nous apprend que son fils a été enlevé six mois plus tôt par des inconnus circulant dans une camionnette blanche, devant un commerce du centre-ville en plein jour. Les démarches de cette mère auprès de différents organismes, qu’elle n’a pas su citer de manière précise, sont restées vaines.

Les proches de certains habitants du camp se trouvent actuellement en Europe, où ils sont allés rejoindre leurs conjoints.

Les militants des droits de l’homme rencontrés nous confirment la réalité de tels rapts par des individus voyageant à bord de camionnettes blanches, de jour comme de nuit, dans plusieurs localités du pays. Ce sont le plus souvent des enlèvements crapuleux qui se soldent par une rançon, plus rarement des règlements de comptes politiques. Les militants importants des partis politiques sont généralement abattus sur place par leurs rivaux des groupes paramilitaires.

4.8 Situation actuelle dans la province du Nord

« L’armée ne contrôle pas le territoire, elle l’a conquis », nous déclare le responsable d’une ONG internationale concernant le Vanni. Il est fréquemment rapporté que les Tamouls considèrent que l’armée sri-lankaise, censée les protéger, ne leur ressemble pas, qu’elle est composée uniquement de Sri-lankais qui n’appartiennent pas à leur ethnie. Le gouvernement tente d’installer des postes de police, comme à Mannar, pour se rapprocher de la population et inciter celle-ci à solliciter sa protection en cas de besoin.

4.8.1 Position du gouvernement sur le Nord

Tous les représentants du gouvernement s’accordent pour dire que ce dernier doit protéger tous ses citoyens contre le terrorisme. La province du Nord est presque exclusivement peuplée de Tamouls, qui sont des citoyens du Sri Lanka. L’Etat se doit d’être présent par le biais de l’administration. Il doit aussi assurer la sécurité de son peuple, même au prix d’une présence massive des forces de l’ordre.

L’Etat ouvre des écoles sur la totalité de son territoire. Les enseignants sont fonctionnaires de l’Education nationale. Le programme scolaire est décidé par le ministère concerné. Il y a des hôpitaux publics dans le Nord, dont le personnel est salarié par l’Etat. Les bureaux d’état-civil fonctionnent convenablement, enregistrent naissances et décès dans le respect de la loi. Les sociétés coopératives s’assurent que l’ensemble des personnes vivant dans cette province puisse se procurer des vivres à prix règlementés.

Le gouvernement autorise les Nations unies à venir compléter les besoins alimentaires de cette population. La chaîne administrative, depuis les secrétaires des districts jusqu’aux officiers des villages (grama niladhari), a toujours été présente dans la province, et les élections se sont déroulées dans la transparence. Le peuple a donc pu élire ses représentants au Parlement.

Le gouvernement espère en finir rapidement avec cette guerre qui nuit à l’ensemble des citoyens de ce pays. Il est prêt à avoir les avis de la communauté internationale dans la mesure où celle-ci respecte la souveraineté de l’île. Les représentants des puissances étrangères et les organisations internationales admis sur son territoire ne doivent ni s’ingérer dans ses affaires ni donner une version altérée de la réalité dans le Nord.

« Sri Lanka rejects UK’s new envoy » :

Sri Lanka has rejected the British PM’s nomination of a former defence secretary, Des Browne, as his special envoy to the country. It said the nomination of Mr Browne was “a disrespectful intrusion”. PM Gordon Brown had said Mr Browne would work closely with the Sri Lankan

98 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

government and community leaders. But President Mahinda Rajapaksa and his cabinet said the appointment was “unhelpful” and was made without consulting them. A foreign ministry statement said the appointment was tantamount to an “intrusion of Sri Lanka’s internal affairs”. “Further, the cabinet perceived that this would be a hindrance in pursuing a sustainable solution to the conflict in terms of a Sri Lankan agenda,” it said (…)But Foreign Minister Rohitha Bogollagama warned of “major repercussions” for relations with Britain over his nomination. (…)The government has rejected international calls for a ceasefire, demanding the rebels lay down their arms (…)

Extraits de BBC News du 13.02.2009

Le Sri Lanka menace d’expulser certains ambassadeurs en poste à Colombo, en particulier ceux de Suisse et d’Allemagne. Il reproche à ces diplomates d’agir de manière irresponsable en donnant une seconde chance aux tigres tamouls. Le ministre sri-lankais de la défense , frère du président Mahinda Rajapaksa, a mis en garde des ambassadeurs, des médias étrangers et des organisations non- gouvernementale (ONG) dans une interview publiée dimanche par le journal sri-lankais The Island. «Ils seront chassés s’ils tentent de donner un second souffle aux terroristes des LTTE [Tigres de libération de l’Eelam tamoul, ndlr.] alors que les forces de sécurité sont en train de leur asséner un coup mortel final», a-t-il déclaré. Le ministre a affirmé que certains ambassadeurs, notamment ceux de Suisse et d’Allemagne, agissaient de manière irresponsable. Il les accuse de tenter de «créer la panique» dans son pays.

Extrait du site web du 1er février 2009

4.8.2 Point de vue des acteurs non-étatiques

En novembre 2008, les différents acteurs non-étatiques reconnaissent que l’avancée des militaires dans les zones de combat n’a jamais été aussi rapide et intense. A l’époque, les LTTE conservent une région comprise dans un triangle entre Nedunkerny, Mullaitivu et Kilinochchi. Sur la côte nord-ouest, les Tigres viennent de perdre Ponneryn. Nos interlocuteurs espèrent que le gouvernement va ouvrir rapidement la route A32 et faciliter le trajet jusqu’à Jaffna.

Ils admettent que le gouvernement a toujours assuré par principe l’approvisionnement en nourriture de la population restée dans le Vanni. L’accès aux soins reste sujet à caution et la justification du gouvernement apparaît peu satisfaisante sur la question du détournement potentiel de matériel médical par le LTTE Les fonctionnaires affectés dans la province du Nord sont tamouls. Ils coopèrent, à l’instar des ONG internationales, avec les Tigres dans les zones contrôlées par ces derniers. Même si les ONG étrangères ont toujours refusé de remettre à l’organisation de la réinsertion des Tamouls (TRO, fondée par les Tigres) les aides destinées à la population locale, elles doivent tenir informer les LTTE de leurs activités et mouvements. Les fonctionnaires, sous pression des LTTE et du gouvernement, assurent la continuité des services.

La loi d’exception (PTA) couvre les agissements des forces de l’ordre. Toutefois, ces dernières années, celles-ci ont fait beaucoup d’efforts pour se professionnaliser, et optent de plus en plus pour la transparence. Quelques ONG disent au gouvernement que celui-ci est tenu pour responsable en cas de disparitions de ses citoyens, quels que soient les auteurs d’enlèvements, car il se doit de les protéger.

Les anciens groupes paramilitaires, étouffés ces derniers temps par l’actualité de la guerre ou la notoriété grandissante du TMVP, sont toujours actifs. Leurs agissements dans la province du Nord sont désormais motivés par des raisons plus matérielles que politiques.

Les militants des droits de l’homme considèrent que les Tamouls du Nord n’ont pas de réelle liberté de mouvement dans l’ensemble de l’île, et notamment dans sa capitale. Le travail d’information fait par différents organismes est fructueux dès lors que la population ose de plus en plus dénoncer, le cas échéant, les violations des droits dont elle est victime. Les ONG internationales ont le rôle délicat d’aider les Sri-Lankais sans froisser le gouvernement.

OFPRA 99 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

L’OIM aide les personnes qui reviennent de gré ou de force de l’étranger. Son « business plan » lui permet de leur fournir le matériel nécessaire pour se réinstaller sur le territoire sri-lankais et entreprendre une activité professionnelle. 99,9% des Tamouls qui reviennent au Sri Lanka exercent des activités économiques. L’OIM oriente les intéressés, donne des conseils en marketing, et dispense également des campagnes de prévention axées sur la formation de la police. Les Tamouls reviennent à leurs localités d’origine quand ils y ont des terres. L’OIM leur fournit une assistance individuelle qui bénéficie de fait à la communauté tout entière. D’après ce même interlocuteur, les Tamouls n’ont aucun problème de réinstallation à Vavuniya ou à Jaffna. L’un d’entre eux s’est même réinstallé à Kilinochchi.

Le nombre de musulmans qui tentent de retourner à Jaffna est insignifiant. Le gouvernement tente d’installer les Tamouls des plantations, d’origine indienne et récemment naturalisés sri-lankais, à Mannar ou à Jaffna. Même si la guerre prend fin dans les mois à venir, rétablir la confiance entre les différentes communautés sera long et difficile.

4.8.3 Les craintes ressenties et suscitées par les Tamouls du Nord

La province est marquée par la guerre depuis trois décennies. Les vestiges en sont encore nombreux et visibles. Les habitants de cette province ont presque tous été déplacés une ou plusieurs fois à cause de la guerre. Ils aspirent, pour la grande partie d’entre eux, à la paix. Ils ne sont pas tous affiliés à des groupes communautaristes ou des partis politiques, s’adaptent à la situation toujours fluctuante dans leur province, et vaquent à leurs occupations quotidiennes.

Les personnes déplacées que nous avons pu rencontrer ne se contentent pas d’aides des ONG, en deçà de leurs besoins, et tentent d’exercer une activité professionnelle, certes aléatoire, mais nécessaire pour améliorer leurs conditions de vie. Elles sont toutes préoccupées par l’avenir de leurs enfants. Ceux-ci, amenés à assister pendant les récoltes leurs parents ouvriers agricoles, ont l’espoir de finir au moins la part de scolarité non soumise au système des quotas, à savoir les études secondaires.

Les Tamouls du Nord, nés après 1976 et qui n’ont pour la plupart jamais quitté cette province, méconnaissent la communauté cinghalaise. Alors que la communauté tamoule est présente dans les différents domaines socioprofessionnels au sein d’autres régions, un Sri Lankais d’origine cinghalaise ne visitera pas les sites bouddhiques historiques de la province du nord et s’y installera encore moins.

Les jeunes Tamouls du Nord n’ont pas eu l’occasion de cohabiter avec des civils cinghalais. Les Cinghalais qu’ils ont vus de leurs yeux sont tous membres des forces de l’ordre. Les militaires et les policiers, très nombreux (environ 50 000 rien que pour la péninsule de Jaffna), ont des familles, au sens élargi du terme, dans le reste du pays. Celles-ci vivent dans l’angoisse permanente. Elles sont méfiantes envers les Tamouls du Nord, affiliés à leurs yeux aux Tigres.

Les seuls rebelles s’opposant actuellement aux forces sri-lankaises et pouvant commettre des attentats suicide dans les régions cinghalaises sont les Tigres de la scission de Velupillai Prabhakaran. Ces rebelles, Tamouls du Nord, ont causé dans le passé d’énormes pertes aux forces sri-lankaises. Par ailleurs, d’après plusieurs de nos interlocuteurs, l’armée comme les LTTE font désormais rarement des prisonniers de guerre. Les tensions sont constamment ravivées par les discours des nationalistes des deux communautés. Les deux belligérants minimisent en public leurs pertes respectives. Les rumeurs sont donc nombreuses sur les disparitions des militaires et des Tigres.

La province du Nord a connu d’importants changements ces derniers mois. Les LTTE sont affaiblis. Les rebelles armés se sont retirés de la quasi-totalité de la région pour se contenir dans une petite poche de forêt dense autour de Mullaitivu. Les grandes villes comme Jaffna, Mannar ou Vavuniya sont entièrement quadrillées par les forces de l’ordre sri lankaises depuis au moins janvier 2006, date d’abandon du cessez-le-feu par l’actuel gouvernement. Les services des renseignements militaires, secondés par des supplétifs tamouls, sont actifs dans ces villes depuis 1996. Il apparaît peu plausible que des militants notoires des LTTE soient encore présents dans ces localités, ou que des habitants aient pu y garder des liens assidus avec les Tigres ces deux dernières années.

100 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Les contrôles et arrestations préventives continuent, et sont généralement répertoriés par les organisations compétentes. Les exactions sont dénoncées plus qu’autrefois, et les problèmes d’insécurité rapportés par nos interlocuteurs concernent souvent des vols et autres délits de droit commun, commis dans des zones contrôlées par l’armée. Les violences perpétrées sont certes nombreuses, mais sporadiques. Comme nous le disent les ONG et institutions internationales, il n’y pas de violence généralisée ni de persécution systématique.

Commerces à Horowpothana, dans le district-tampon d’Anuradhapura entre zones cinghalaise et tamoule, sur la route A9 en direction de Vavuniya

Il est cependant vrai que les militaires, dans ce contexte de guerre, imposent un rythme de vie difficile aux habitants de la province. Les contrôles et les restrictions de circulation empêchent les Tamouls du Nord d’avoir une activité professionnelle normale et donc un revenu satisfaisant. La zone est interdite à toute personne ou organisation non autorisée par l’armée. L’information médiatique qui en sort est soit contrôlée, soit partiale.

OFPRA 101 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Conclusion

102 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Conclusion

Ce rapport est le reflet de la situation telle qu’elle a pu être constatée par les membres de la mission au mois de novembre 2008

Le Sri Lanka est un pays en guerre, une guerre opposant les forces gouvernementales aux rebelles tamouls du LTTE., et la mission a pu relever combien le prix de cette guerre était lourd à payer pour les populations civiles. Les moyens utilisés par les deux camps (souvent au mépris des conventions internationales) font peser sur la population, et particulièrement sur la population tamoule, une menace importante et constante. Les atteintes aux droits de l’homme sont monnaie courante, et elles émanent aussi bien des forces gouvernementales et de leurs supplétifs tamouls que des LTTE. Les auteurs de telles exactions agissent dans la plus grande impunité.

Cependant, ce conflit est désormais circonscrit à certains districts de la région du Vanni. La province de l’Est, conquise par les forces gouvernementales en juin 2007, ne fait plus l’objet de combats ni d’une situation de violence généralisée. Le district de Vavunya, la région de Mannar et la péninsule de Jaffna sont sous contrôle gouvernemental, et ne peuvent être considérées comme des zones de conflit armé. Des élections libres se sont déroulées dans la province de l’Est, désormais dirigée par un Tamoul. La vie dans ces régions revêt un caractère de quasi-normalité : écoles, commerces et services publics sont présents, et fonctionnent.

Il n’en reste pas moins qu’il existe dans ces zones, et également à Colombo, une violence sporadique et aveugle qui engendre un sentiment de peur au sein de la population tamoule. Cette violence prend la forme d’assassinats, d’enlèvements et de disparitions, sans que ses auteurs puissent être identifiés. Néanmoins, tous les Tamouls ne sont pas visés par cette violence, et l’on ne peut parler de persécutions systématiques à leur encontre. Ils disposent d’une représentation politique, d’un accès à l’éducation, à l’économie et à la culture et, dans une certaine mesure, à l’administration. La cohabitation entre les populations cinghalaises et tamoules notamment à Colombo, ne pose, quant à elle, guère de problèmes.

OFPRA 103 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

Table des matières

Synthèse p 5

Contexte de la demande p 6 Brève présentation de la situation au Sri Lanka p 7 Déroulement de la mission p 8 Méthodologie du rapport p 8 Liste des personnes rencontrées p 9

Première Partie : Présentation générale p 11

1.1 Données géographiques et humaines p 12

1.1.1 Données géographiques p 12 1.1.2 Données démographiques et répartition ethnique p 14 1.1.3 Indices de développement p 16

1.2 Données politiques p 17

1.2.1 Nature du Gouvernement et Constitution p 17 1.2.2 Répartition des pouvoirs au sein de l’exécutif p 17 1.2.3 Le Parlement p 18

1.3 Données administratives p 19

1.3.1 Présentation globale p 19 1.3.2 Organisation administrative p 20 1.3.3 L’administration des LTTE p 24

1.4 Les forces militaires en présence p 24

1.4.1 Les forces de sécurité p 24 1.4.2 Compétences p 25 1.4.3 Les forces armées p 25 1.4.4 Les forces de police p 26 1.4.5 Les groupes paramilitaires p 26 1.4.6 Les LTTE p 26

1.5 Le système judiciaire p 26

1.5.1 Présentation générale p 26 1.5.2 L’organisation judiciaire p 27 1.5.3 Les juges de paix p 29 1.5.4 Les Lois d’exception : PTA et Emergency rules p 29 1.5.5 Les lieux de détention et les prisons p 29

1.6 La situation générale p 30

1.6.1 Les partis politiques et forces en présence p 30 1.6.2 La politique du gouvernement : la guerre contre le terrorisme p 31 1.6.3 Les conséquences de cette politique p 32 1.6.4 le nationalisme tamoul et les LTTE p 32

104 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

1.7 La situation générale des droits de l’homme p 33

1.7.1 la liberté de circuler p 33 1.7.2 La liberté d’expression p 34 1.7.3 Les personnes ciblées p 34 1.7.4 Les auteurs de persécutions p 36

Deuxième partie : situation à Colombo p 37

2.1 Présentation générale de la ville de Colombo p 38

2.1.1 Situation géographique p 38 2.1.2 Situation politique p 40 2.1.3 Population et répartition ethnique p 40

2.2 Situation des Tamouls à Colombo p 41

2.2.1 Recensement des Tamouls de Colombo p 41 2.2.2 Enregistrement systématique p 41 2.2.3 Expulsions p 42 2.2.4 Disparitions p 43

2.3 Situation militaire p 43

2.3.1 Contrôles p 43 2.3.2 Conditions de circulations p 44

2.4 Situation sécuritaire p 45

2.4.1 Rafles et arrestations p 46 2.4.2 Lieux de détention p 47

Troisième Partie La province de l’Est p 51

3.1 La population p 52

3.1.1 Le district de Batticaloa p 52 3.1.2 Le district de Trincomalee p 55

3.2 La situation militaire p 57

3.3 La situation politique p 58

3.3.1 Les élections locales dans le district de Batticaloa en mars 2008 p 58 3.3.2 Les élections dans la province de l’Est en mai 2008 p 58 3.3.3 Tensions entre musulmans et TMVP à la suite des élections de 2008 p 59 3.3.4 La guerre des fractions au sein des TMVP p 60

3.4 Situation sécuritaire p 61

3.4.1 Pratiques de racket de la part des TMVP p 61 3.4.2 Assassinats et enlèvements p 62 3.4.3 Recrutement de mineurs par les groupes paramilitaires p 62 3.4.4 Attentats p 63

OFPRA 105 Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

3.4.5 Arrestations et détentions de prisonniers politiques p 63 3.4.6 La Commission des droits humains p 64

3.5 Conditions de circulation p 65

3.5.1 Circulation en général p 65 3.5.2 Restrictions aux activités de pêche p 65 3.5.3 Accès aux zones anciennement contrôlées par les LTTE p 66

3.6 La situation des personnes déplacées p 67

3.6.1 Conditions de sécurité dans les camps des personnes déplacées p 67 3.6.2 Conditions générales de vie p 67 3.6.3 Refus de réinstallation p 67 3.6.4 Visites de la mission dans des camps de personnes déplacées p 68

3.7 La situation des personnes retournées à leur lieu d’origine ou réinstallées p 70

3.7.1 Modalités de réinstallations p 70 3.7.2 Enregistrement et documents d’identité des personnes retournées ou réinstallées p 70 3.7.3 Restrictions spéciales imposées P 71 3.7.4 Risques sécuritaires particuliers p 71 3.7..5 Tensions interculturelles générées par les réinstallations p 71 3.7.6 Conditions de vies dans les villages de personnes retournées ou réinstallées p 72 3.7.7 Visites de la mission p 73

Quatrième partie : La Province du Nord p 79

4.1 Présentation de la Province p 81

4.2 Accès à la province du Nord p 82

4.2.1 Accès à Jaffna p 82 4.2.2 Accès à Vavunya p 83 4.2.3 Accès à Mannar p 84 4.2.4 Accès aux autres zones de la province p 85

4.3 Forces armées présentes dans la province p 85

4.3.1 Les mouvements armés tamouls p 85 4.3.2 Les forces de sécurité p 86

4.4 Les élections p 86

4.4.1 L’élection présidentielle p 87 4.4.2 L’élection parlementaire dite « general election » p 87

4.5 Situation des Tamouls et des Droits de l’Homme p 88

4.5.1 Conditions de vie de la population tamoule du Nord p 88 4.5.2 Défense des droits de l’homme p 89

4.6 Arrestations et détentions p 92

4.6.1 Les opérations de recherche p 92

106 OFPRA Rapport de mission au Sri Lanka - 15-28 novembre 2008

4.6.2 Lieux de détentions p 93

4.7 Les personnes déplacées p 94

4.7.1 Mannar p 94 4.7.2 Mullaitivu et Kilinochchi p 94 4.7.3 Vavunya p 96

4.8 Situation actuelle dans la Province du Nord p 98

4.8.1 Position du gouvernement sur le Nord p 98 4.8.2 Point de vue des acteurs non étatiques p 99 4.8.3 Les craintes ressenties et suscitées par les Tamouls du Nord p 100

Conclusion p 102

OFPRA 107