Inventaire thématique du patrimoine bâti : Les transformations des agglomérations en Gascogne gersoise à la fin du Moyen Âge

LE VILLAGE DE GIMBRÈDE

Vue générale du village de Gimbrède depuis le sud-ouest

Conservation Départementale du Patrimoine et des Musées Abbaye de Flaran 32310 Valence-sur-Baïse [email protected]

SOMMAIRE

Introduction

1. Historique a. Les seigneurs de Gimbrède b. Le village et la communauté à la fin du Moyen Âge c. Gimbrède au cours de la première moitié du XVI e siècle d. Gimbrède au XVII e siècle e. Gimbrède de l’Époque moderne à aujourd’hui

2. Inventaire du patrimoine bâti a. La commanderie b. L’église paroissiale Saint-Georges c. La fortification d’agglomération d. Les maisons à pan-de-bois

3. Dynamiques morphologiques a. L’implantation de la commanderie (XII e siècle ?) b. Le regroupement de l’habitat à côté de la commanderie (XIII e siècle ?) c. Les transformations de certains édifices à la fin du Moyen Âge d. Le déplacement de la commanderie au sein du village (fin du XVI e siècle)

Synthèse

Bibliographie et sources

Annexes :

- 20-03-PL-01 : Le village de Gimbrède en 1837. - 20-03-PL-02 : Le village de Gimbrède en 2010. - 20-03-FIG-01 : Tableau récapitulatif des actes d’acquisition de maisons à Gimbrède et son faubourg pour le compte de la commanderie entre 1537 et 1542 d’après le Fonds de Malte (AD Haute-). - 20-03-PL-03 : Le village de Gimbrède au début du XVI e siècle, restitution hypothétique et schématique d’après les sources écrites. - 20-03-PL-04 : Le village de Gimbrède au XVII e siècle, restitution hypothétique et schématique d’après les sources écrites. - 20-03-FIG-02 : Dépouillement des biens nobles situés dans le village de Gimbrède en 1669 (Source : AD , E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665-1669). - 20-03-PL-05 : Les fortifications de Gimbrède. - 20-03-PL-06 : Les maisons à pan-de-bois de Gimbrède.

Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 2

La commune de Gimbrède se trouve au nord du canton de en position frontalière à la fois avec le département de Tarn-et-Garonne et celui de Lot-et-Garonne. Le village 1 est implanté au cœur de la commune, sur les pentes douces descendant des coteaux, à l’ouest, vers la vallée de l’, à l’est. Il se situe à quelques mètres au nord du ruisseau de Capblanc. L’altitude varie entre 90 m à l’est et 200 m à l’ouest. Le sol, argilo-calcaire sur les coteaux et argilo- siliceux dans la vallée de l’Auroue et ses premières terrasses, est très fertile. Le village de Gimbrède ne se situe sur aucune route ni chemin important. La voie reliant à Astaffort puis passe à quelques centaines de mètres à l’ouest des limites occidentales de la commune. Le chemin de Saint-Jacques de Compostelle passe quant à lui au nord des limites communales. Le village est à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Lectoure et environ 25 km au sud d’Agen. La commune s’est formée par le rattachement de la communauté de Rouillac à celle de Gimbrède en 1823. Rouillac était une paroisse indépendante au Moyen Âge sur laquelle les commandeurs de Gimbrède avaient des droits seigneuriaux. Le village de Gimbrède et le hameau de Rouillac constituent encore aujourd’hui les deux seuls pôles d’habitat groupé de la commune.

Extrait de la carte IGN au 25 000 e. © IGN 2009 –SCAN25® - Licence N°2009/CISO-21-167.

1 Voir annexes 20-03-PL-01 : Le village de Gimbrède en 1837 et 20-03-PL-02 : Le village de Gimbrède en 2010. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 3 1. HISTORIQUE

De très rares éléments de l’époque gallo-romaine ont été mis au jour sur le territoire communal. Il s’agit de découvertes isolées : quelques fragments de poterie et une monnaie, un aureus 2. Le territoire de l’actuelle commune de Gimbrède dépendait au Moyen Âge de la vicomté de Lomagne. Le château de Gimbrède et ses archives ayant brulé à l’extrême fin du XV e siècle, nous ne disposons malheureusement que de peu d’information historique sur les périodes antérieures à 1500.

a. Les seigneurs de Gimbrède

D’après l’abbé Benaben, dans sa monographie de Gimbrède, l’existence d’une commanderie de Templiers serait attestée dans la seconde moitié du XII e siècle 3. Celle-ci apparaîtrait dans certains des actes de la commanderie d’Argentens conservés dans le fonds de Malte aux Archives départementales de la Haute-Garonne. Cependant, l’abbé Benaben ne cite pas de source précise pour étayer cette information. La première véritable mention de Gimbrède dans la documentation écrite date de 1246 4. La paroisse est alors mise sous la protection immédiate du Saint-Siège par le pape Innocent IV à la demande des frères et du commandeur. En 1312, l’ordre des Templiers est supprimé par le roi Philippe le Bel. Les biens templiers passent alors à l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Il en va de même de la commanderie et seigneurie de Gimbrède. Plusieurs actes des XIV e et XV e siècles attestent de la suzeraineté du vicomte de Lomagne sur la seigneurie de Gimbrède 5. Par ces actes, les commandeurs successifs constituent des procureurs afin de rendre hommage et prêter serment de fidélité au vicomte de Lomagne en leur nom. C’est le cas par exemple en 1374 :

L’an mil trois cent soixante quatorze et le septieme jour du mois d’aoust le frère Baptiste de Rolland grand prieur de Saint Jean de Toulouse commandeur de Gimbrède constitua pour son procureur frère Pierre de Capluc religieux dudit ordre pour rendre hommage et prêter le serment de fidélité au comte d’Armaignac comme vicomte de Loumagne a raison de la terre de Gimbrède et de ses membres acte retenu par Pierre Combetis notaire ledit acte cotté Liasse 1 n°1 6.

En 1418, un acte semblable donne quelques précisions :

il est déclaré que ledit sieur commandeur a dans le susdit lieu la justice haute moyenne et basse et l’exercice d’icelle avec le droit de chasse et peche terres prés guerets ou pastens, moulins, rentes, oblies, même qu’il peut uzer du droit de prelation acaptes (…) et autres droits seigneuriaux 7.

Le commandeur est à la fois seigneur foncier et seigneur spirituel du lieu. Si l’on en croit l’abbé Benaben, il établit chaque année quatre consuls, a le droit de nommer le recteur et de percevoir la dîme. Il jouit de la haute, la moyenne et la basse justice sur l’ensemble de la seigneurie. Le commandeur est cependant tenu à l’hommage envers le vicomte de Lomagne son

2 LAPART, Jacques et PETIT, Catherine (dir.), Carte archéologique de la Gaule, Le Gers , Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Ministère de la Culture, Paris, 1993, p. 249. 3 BENABEN, Abbé, « La commanderie de Gimbrède », BSAG , 1920, p. 135. 4 AD Haute-Garonne, H Malte Argentens 1, document n°1 bis ; cité dans RAMIS, Pauline, Les commanderies templières du Gers, étude archéologique , mémoire de master 2 sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, UTM, 2 volumes, 2011, vol. 1, p. 68. 5 AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 16, documents n°1 , 2 et 3 par exemple. 6 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, Inventaire du fonds de Malte, 1747 ; numérisé et accessible sur le site Internet : www.archives.cg31.fr. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 16, document n°1. 7 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 16, document n°3. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 4 suzerain. En 1543, les droits de justice sont reconnus et confirmés au commandeur par François Ier à l’encontre d’Henri d’Albret, alors roi de Navarre et vicomte de Lomagne 8. Malgré le rattachement de la commanderie de Gimbrède à celle de Golfech au début du XVI e siècle, la seigneurie reste entre les mains du commandeur de Gimbrède, et ce jusqu’à la Révolution.

b. Le village et la communauté à la fin du Moyen Âge

Le village de Gimbrède n’apparaît dans les sources écrites pour la première fois qu’au milieu du XIV e siècle. Un accord est alors passé entre le commandeur et les habitants :

L’an mil trois cent quarante un et le dix septieme jour du mois de may le commandeur de Gimbrède et les habitans dudit lieu passerent un accord par lequel il est permis audit sieur commandeur de faire vendre son vin audit lieu dans une ou plusieurs tavernes pendant quinze jours du mois d’aoust a l’exclusion de tout autre pendant chaque année. Plus lesdits habitans accorderent au sieur commandeur un local ou place contenant douze razes pour y batir une maison ladite place confrontant avec la rue publique et avec le ruisseau dudit lieu de Gimbrède et avec la place de Fortanier et Pierre Arman frères et avec la place commune dudit lieu cela fut accordé pour le prix de trois deniers morlas acte retenu par Géraud notaire cy cotté Liasse 8 n°8 9.

Ce texte est intéressant à plusieurs égards. Il indique tout d’abord qu’à cette date, en 1341, la communauté des habitants est organisée et en mesure de transiger avec le seigneur. Il apporte aussi quelques rares informations sur le village qui comporte une « place commune » et des tavernes. Ces informations très ténues permettent de savoir qu’à cette date se trouve bien à Gimbrède un village dont les habitants sont organisés en communauté. Ce village est alors relativement important puisqu’il possède, outre une foire annuelle, un marché hebdomadaire. D’après Lavergne et Mastron, une charte de coutumes aurait été octroyée aux habitants de Gimbrède par les « chevaliers de Malte 10 . » Le texte de cette charte n’est pas conservé. Seuls les « us et coutumes de Gimbrède » sont cités dans un acte de 1494 11 . Aucun document d’archive ne permet de savoir selon quelles modalités ce village s’est formé. Il n’est pas possible d’établir avec certitude si la commanderie s’est implantée sur un terrain vierge servant ainsi de point d’ancrage à un nouveau village ou si un pôle d’habitat groupé préexistait à son installation. L’étude du parcellaire plutôt régulier et se développant aux abords immédiat de la commanderie laisserait penser que la première hypothèse est la bonne. Le village est de forme quadrangulaire et le parcellaire interne y est assez régulier. Seul l’angle sud-ouest de l’agglomération semble être une anomalie du plan qui s’explique aisément par la présence, jusqu’au XVI e siècle, de la commanderie dans ce secteur. Nous pourrions être en présence d’un village fondé par les Templiers. La datation de cette fondation est tout aussi difficile à définir. Cependant, la forme du village et du parcellaire pourraient faire remonter l’implantation de l’agglomération au XIII e siècle. À l’extrême fin du XV e siècle ou dans les premières années du XVI e siècle, un incendie ravage la commanderie de Gimbrède. Nous n’en savons pas plus, et surtout nous ne pouvons déterminer si cet incendie a aussi touché le village. Dans l’inventaire du fonds de Malte, il est question d’ « une incendie arrivée au chasteau de Gimbrède 12 . »

8 AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 25, document n° 3 . 9 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 23, document n°8. 10 LAVERGNE Adrien et MASTRON M., « Liste des chartes de coutumes du Gers », BSAG , , 1909, p. 176. 11 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 22, document n°1. 12 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 25, document n°3. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 5 c. Gimbrède au cours de la première moitié du XVI e siècle 13

Les sources écrites concernant Gimbrède sont très abondantes pour la première moitié du XVI e siècle. Elles apportent des informations primordiales sur la topographie générale du site mais aussi sur le rachat de nombreuses parcelles privées pour la commanderie et sur les sièges qu’eut à subir le village à cette période.

- Les deux sièges de 1535

Au début de l’année 1535, Gimbrède a subi deux sièges successifs de la part du seigneur temporel de Lieux. L’abbé Benaben publie deux actes dans lesquels ces sièges sont relatés : une bulle de 1535 et un arrêt de la cour du Parlement de Toulouse de 1537. Nous ne reviendrons pas ici sur le détail des événements. Il convient toute de même de noter deux informations importantes pour notre étude, le village de Gimbrède était alors enceint de murailles et percé de deux portes :

Et fortalicium locum clausum de Gimbreda, intra quod domus dicti rectoris erat, per unam portam ingredi nixus est. Sed cum quidam eius locis habitator illam subito claussisset, ad aliam portam cucurrit cumque quedam mulier subito ut illa etiam clauderetur acclamasset 14 .

- Le rachat de parcelles privées pour la commanderie 15

Dans les actes du fonds de Malte, Pauline Ramis a relevé près d’une vingtaine de maisons, fermes ou granges acquises pour la commanderie entre 1534 et 1557 16 . Parmi celles-ci, huit maisons sont situées dans le village de Gimbrède et deux dans les faubourgs. Ces maisons sont toutes acquises entre 1537 et 1542, soit par frère Géraud de Golard, soit par frère George de Manas. Un acte de 1562 contenant un inventaire des biens délaissés par frère George de Manas indique que ces acquisitions ont été faites au profit du commandeur et de la commanderie de Gimbrède 17 . Il est intéressant de noter que toutes les maisons acquises dans le village de Gimbrède se trouvent dans le même secteur, la plupart d’entre elles sont mitoyennes. Six d’entre elles confrontent d’un côté la rue publique et de l’autre le mur d’enceinte. Une des maisons se situe à l’angle de l’enceinte, elle confronte de deux côtés le « mur dudit lieu ». Une autre est à l’angle de deux rues mais ne confronte pas directement l’enceinte. Les confronts ne sont pas orientés ce qui rend difficile le positionnement de ce quartier dans le village. L’une des maisons confronte, outre le mur d’enceinte et la rue, l’église. Le quartier concerné par ces rachats semble correspondre à l’alignement de maisons situées le long du rempart sud, entre l’église à l’ouest et l’actuelle porte du village à l’est. La problématique est de savoir ce qui a motivé l’achat de toutes ces maisons. L’hypothèse la plus probable est la volonté, au lendemain de l’incendie qui a ravagé la commanderie, d’en reconstruire une plus vaste et sans doute plus en adéquation avec les besoins des commandeurs d’alors. En effet, la visite générale de 1730 indique très clairement que l’ancienne commanderie se trouvait à l’emplacement du presbytère :

estoit anciennement la maison du seigneur mais monsieur le grand prieur de Lussan comme il est dit basti le château où depuis ont fait leur résidence, par complaisance et pour le

13 Annexe 20-03-PL-03 : Le village de Gimbrède au début du XVI e siècle, restitution hypothétique et schématique d’après les sources écrites. 14 Bulle citée dans BENABEN, Abbé, « La commanderie … », op. cit., 1920, p. 228. Traduction de l’abbé Benaben (p.144) : « Arrivé à la place close de Gimbrède, dans laquelle était la maison du recteur, il va y pénétrer quand un habitant ferme subitement la porte ; il court à une autre porte ; mais une femme, montée sur les murs, crie de la fermer vite. » 15 Annexe 20-03-FIG-01 : Tableau récapitulatif des actes d’acquisition de maisons à Gimbrède et son faubourg pour le compte de la commanderie entre 1537 et 1542 d’après le Fonds de Malte (AD Haute-Garonne). 16 RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p. 70. 17 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 19, document n°29. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 6 soulagement des habitants ils ont toléré que la maison servit de presbytère ce qui faira par conséquence 18 alors que la nouvelle est implantée dans l’angle sud-est du village « le château qui forme au levant et au midy l’angle principal du lieu 19 ». La localisation du presbytère, et donc de l’ancienne commanderie, est rendue possible par l’étude du compoix de 1665 dont nous reparlerons plus loin 20 . Ce presbytère est situé dans l’angle sud-ouest du village :

Dans lequel encloz est aussy la maison prébiralle et un jardin joignant pocédé par Me Jean Delpech prêtre et vicaire perpetuel dudit Gimbrède que confronte le tout du levant a ladite églize Saint-George couchant et midi aux foussez dudit lieu septentrion les maisons.

Nous assistons donc, vers le milieu du XVI e siècle, au déplacement de la commanderie au sein même du village. Initialement implantée à l’ouest de l’église, elle est alors reconstruite dans l’angle sud-est de l’agglomération. D’après les informations tirées du fonds de Malte, cette reconstruction serait l’œuvre de Pierre d’Esparbès, commandeur de Gimbrède de 1583 à 1617 21 .

- Le village

Les actes précédemment cités apportent aussi de précieuses informations sur le village lui- même. Il est notamment question, dans un acte de 1554 22 , de la « porte grosse » et du « padouen commun ». Le qualificatif « grosse » pour désigner la porte indique qu’il devait y avoir déjà plusieurs portes à cette date pour accéder à l’intérieur de l’enceinte collective. Celle-ci devait être le principal accès. Un acte de 1537 cité par l’abbé Benaben mentionne les prisons du commandeur et, un peu plus loin, celles des consuls :

Au quatrième jour du mois de mai 1537, sur la place de Gimbrède, au pied de l’échelle qui conduit aux prisons ou « carcès » du commandeur le bailli de ce dernier amène un prévenu pour l’y enfermer. […] il le mît prisonnier èz carces desdicts consuls 23 .

Ce texte indique clairement que les prisons seigneuriales se trouvaient à l’étage de la tour située sur la place commune de Gimbrède, devant l’église. Nous reviendrons plus loin sur cette tour ainsi que sur la localisation des prisons consulaires. Le faubourg de Gimbrède est mentionné dans deux actes des années 1530 24 . Nous savons donc que celui-ci existait à cette date bien qu’il ne soit pas possible de définir le moment de son installation. Les deux biens dont il est question sont identifiés comme des « maisons ou bordes » contrairement aux biens dans le village qui sont uniquement qualifiées de « maisons ». Toutes les deux confrontent le padouen ou patus du lieu de Gimbrède. L’une d’elle confronte le « chemin qui va à Rouillac ». Ce hameau étant situé au sud-ouest du village, il est fort probable que le faubourg se trouvait déjà au début du XVI e siècle du côté occidental de l’agglomération fortifiée.

18 AD Haute-Garonne, 1 H Malte reg. 426, visite générale de 1730 ; citée dans RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p. 73. 19 Ibidem , p. 72. 20 AD Gers, E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665. Voir l’étude de ce document dans le paragraphe consacré à Gimbrède au XVII e siècle. 21 RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p. 73. 22 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, Inventaire du fonds de Malte, 1747 ; numérisé et accessible sur le site Internet : www.archives.cg31.fr. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 19, documents n° 17. 23 AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 24, document n°2 ; cité dans BENABEN, Abbé, « La commanderie … », op. cit., 1920, p. 143. 24 AD Haute-Garonne, H Malte inv. 72, op. cit. Cote actuelle de l’acte inventorié : AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 17, documents n°3 et 15. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 7 d. Gimbrède au XVII e siècle 25

La commanderie du début du XVII e siècle est bien connue grâce à une description qu’en donne le commandeur en 1617 :

Devant l'église se trouve le cimetière et à costé est un grand bâtiment de pierre appelé le temple ou la tour fort hault et au dict cimetière y a un autel et une croix de pierre. De l'autre costé et au bout de l'église, une tour bastye de pierre appelée la Cotonère où sont les prisons. A l'extrémité du cimetière est la porte du château avec une guérite. En entrant à mains gauche des écuries au coing d'icelle une tour ronde de deux étages servant aussi de prisons, a la suite de l'escuyerie est une gallerie couverte pour aller à l'entrée grande et principale du château venant de dehors où y a un grand pont levis et un petit avec une petite porte 26 .

Nous retrouvons dans ce document la grande tour dont nous avons déjà parlé, située à côté du cimetière, et, de l’autre côté de celui-ci, la commanderie nouvellement bâtie. Il semble, à la lecture de ce texte, que les prisons du seigneur aient alors été déplacées. Elles ne se trouvent plus en effet dans la grande tour, mais dans une tour ronde située au cœur de la nouvelle commanderie. Il n’est pas possible de savoir si les prisons de la tour de la Cotonère sont aussi des prisons seigneuriales ou s’il s’agit des prisons consulaires. Une autre modification paraît aussi avoir eu lieu lors de l’édification de ces nouveaux bâtiments seigneuriaux. La porte orientale du village devant laquelle se trouve un pont levis semble servir alors presque exclusivement au seigneur, lui permettant un accès direct depuis l’extérieur des remparts sans avoir à traverser la place et les rues publiques. En 1626-1627, le village de Gimbrède est mentionné parmi les places fortes de la Gascogne lors de l’enquête menée par Chastenet de Puységur. Il est précisé que plusieurs villages, dont Gimbrède, « sont fermés de murailhes avec flancs, tours et guerittes 27 ». Le compoix de 1665 a été entièrement dépouillé 28 . Cependant, ce document ne fait référence à aucun bien dans le village. Seul le faubourg est mentionné à plusieurs reprises, trois bordes et quatre maisons y sont citées ainsi que de très nombreux jardins. Près de deux cents bordes et maisons sont déclarées dans divers hameaux et lieux-dits isolés de la juridiction. À la fin de ce registre, trois folii ont été complétés en 1669 29 . Ils comportent l’arpentement de « l’encloz dudit lieu de Gimbrède lequel est dans le desnombrement noble du seigneur comandeur ». Les biens nobles du village y sont donc déclarés, mais les maisons manquent toujours, elles n’apparaissent qu’en confronts. Nous renvoyons aux documents présentés en annexe pour plus de détails sur les différents biens arpentés . Nous noterons simplement que le commandeur possède noblement la commanderie, la grande tour et une autre tour, ronde. Les autres biens arpentés sont l’église, le cimetière, le presbytère, la maison commune et la place. Plusieurs rues sont mentionnées en confronts : la « rue qui va à la portette », la « ruelle dite de la retourie », la « rue ditte de la commau », et la « rue qui va de la grande porte à la portette ». Ce document montre que toute la partie sud du village, hormis quelques rares maisons, est alors occupée par des biens dépendant plus ou moins directement de la commanderie.

25 Annexe 20-03-PL-04 : Le village de Gimbrède au XVIIe siècle, restitution hypothétique et schématique d’après les sources écrites. 26 Document cité dans : RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p.71-72 ; absence de référence précise. 27 CARSALADE DU PONT, Jean de, « Les places fortes de la Gascogne en 1626-1627 », Revue de Gascogne , 1899, p. 456. 28 AD Gers, E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665. Il est regrettable que le terrier ou compoix de 1747 n’ait pas pu être étudié, il était en cours de restauration au moment de l’étude. 29 Voir annexe 20-03-FIG-02 : Dépouillement des biens nobles situés dans le village de Gimbrède en 1669 (Source : AD Gers, E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665-1669). Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 8 e. Gimbrède de l’Époque moderne à aujourd’hui

Dans la seconde moitié du XVIII e siècle, un plan succinct du village a été dressé. Ce plan, dessiné sur un feuillet volant, est inséré dans le compoix de 1665 précédemment étudié 30 . Ce plan n’est pas suffisamment précis pour être utile à notre étude. Il permet tout de même de confirmer l’organisation générale du village telle qu’elle a été décrite dans le paragraphe précédent à partir du compoix de 1665. Il est intéressant de noter que la grande tour n’y est pas figurée. Peut-être n’existe-t-elle déjà plus au moment de la réalisation de ce croquis ? Rien ne permet cependant de l’affirmer.

Plan schématique du village de Gimbrède, 2 ème moitié du XVIII e siècle. Source : AD Gers, E suppl. 259, Compoix, 1665. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

L’histoire du village de Gimbrède entre le XVIII e siècle et aujourd’hui ne faisant pas partie de nos thématiques de recherche, elle n’a été que survolée. Il faut cependant indiquer que le cimetière a été déplacé hors les murs vers 1845, le porche et la tribune de l’église reconstruits vers 1854 et le presbytère entièrement démoli et rebâti vers 1864 31 . Enfin, dans les années 1980, de nombreuses façades en pan-de-bois du village ont été restaurées.

30 AD Gers, E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665. 31 Voir notamment les documents suivants : AD Gers, V 147 et AD Gers, DAR Miradoux/3. D’autres documents concernant ces périodes sont certainement aussi à chercher dans la série O des Archives départementales du Gers qui est en cours de classement. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 9 2. INVENTAIRE DU PATRIMOINE BÂTI

La richesse du patrimoine bâti du village de Gimbrède ne réside pas seulement dans les vestiges de la commanderie, qui sont en nombre limité, mais aussi et surtout dans les nombreux éléments sculptés des pan-de-bois des maisons.

a. La commanderie

- La tour disparue

Une « grande » tour est mentionnée à de nombreuses reprises dans la bibliographie et dans les sources conservées. Celle-ci se trouvait au cœur du village, au bord de la place publique, au nord-est de l’église et dans l’angle nord-ouest du cimetière. Un document du début du XVII e siècle précise que la tour est surmontée de « créneaux et mâchicoulis 32 ». Elle avait donc un rôle défensif certain, qu’il s’agisse d’une défense active avec des créneaux et mâchicoulis en état de fonctionner, ou d’une défense passive par l’effet dissuasif que peut présenter une tour imposante au cœur d’un village et munie d’éléments faisant illusion. D’après l’abbé Benaben, cette tour est attestée dans la documentation écrite à partir de 1537 33 . C’est en effet elle qui semble abriter à cette date les prisons du commandeur. Cependant, la description qu’en donne un document de 1705 permet d’imaginer que cette tour est bien plus ancienne 34 . Il y est en effet précisé que : « les deux planchés l’un sur l’autre servant de greniers, on y monte par un degre de pierre fait dans l’épaisseur de la muraille ». Or il semble que cette pratique qui consiste à réaliser des escaliers droits dans l’épaisseur des murs d’une tour pour permettre un accès aux différents niveaux est assez rare une fois dépassé le XIV e siècle 35 . La grande tour de Gimbrède pourrait donc remonter aux alentours du XIII e siècle. Elle semble disparaître de la documentation écrite vers le milieu du XVIII e siècle. N’ayant plus de réelle utilité une fois la commanderie reconstruite, elle a probablement été délaissée jusqu’à être démolie.

- Le château

D’après l’étude des sources écrites et planimétriques, nous avons déterminé l’emplacement du château des commandeurs de Gimbrède de manière un peu plus vaste que ce qui avait été repéré précédemment 36 . Nous considérons que cet édifice, construit à la fin du XVI e ou au début du XVII e siècle, recouvrait l’emplacement des parcelles AO 46 à 53 et 175 à 176 du cadastre actuel, soit tout l’angle sud-est du village 37 . En effet, cet espace présente une certaine cohérence parcellaire sur les plans anciens. La limite occidentale du château pourrait se trouver à l’emplacement du mur maçonné présentant un certain fruit repéré par Pauline Ramis à la limite entre les parcelles AO 45 et 46 38 . Quelques rares éléments médiévaux sont visibles dans ce secteur du village. Le premier se trouve sur le côté oriental du château. Il s’agit de la partie inférieure du mur d’enceinte en moellons de calcaire équarris et calibrés pouvant remonter au XIII e ou XIV e siècle. Ce soubassement ne correspond pas à un mur de la commanderie mais plutôt au rempart du village sur lequel est venu s’appuyer le château. Un autre mur, assez épais et construit de manière similaire, est visible sur l’élévation occidentale de la parcelle AO 50 sans qu’il soit possible de le rattacher à l’un ou l’autre des bâtiments du château. Une grande partie du bâtiment situé parcelle AO 51 pourrait remonter

32 AD Haute-Garonne, H Malte reg. 413 ; cité dans RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p.74. 33 AD Haute-Garonne, H Malte Golfech 24, document n°2 ; cité dans BENABEN, Abbé, « La commanderie … », op. cit., 1920, p. 143. 34 AD Haute-Garonne, H Malte reg. 421 ; cité dans RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 1, p.74. 35 Voir à titre d’exemple et de comparaison la tour du château de Montaut-les-Créneaux (Gers) qui présente ce type d’escalier. 36 Voir les travaux menés par l’Inventaire général dans les années 1970 (Pays de Lomagne, Indicateur du patrimoine architectural, Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine, Paris, s.d.), ou encore le mémoire de Master 2 de Pauline Ramis (RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit., 2011, 2 vol.). 37 Annexe 20-03-PL-04 : Le village de Gimbrède au XVII e siècle…, op. cit. . 38 Voir RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, vol. 2, fig. 190. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 10 à la fin de l’Époque médiévale. Il s’agit des murs en brique visibles sur les élévations orientale et occidentale de ce bâtiment. Il est intéressant de noter que ces deux murs sont les seuls vestiges de constructions en brique conservées à Gimbrède.

Détail de la partie inférieure du mur oriental du château, parcelle AO 51, vue depuis l’est. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Quelques éléments architecturaux remontant à la fin du XVI e ou au début du XVII e siècle, moment de déplacement de la commanderie à cet emplacement, ont pu être repérés. Parmi ces éléments, le plus remarquable est la tour ronde conservée sur la parcelle AO 51. Celle-ci est bâtie en pierre de taille calcaire dont les dimensions et le type d’assemblage sont légèrement différents de ce qui a pu être observé sur les parements du rempart médiéval. Un ressaut en talus est visible à environ deux mètres du sol. Ces deux éléments pencheraient pour une datation relativement tardive de cette tour, non pas au Moyen Âge mais au moment de la reconstruction de la commanderie. Cette tour abrite actuellement un escalier en vis qui ne semble pas d’origine d’après les observations réalisées par Pauline Ramis. L’intérieur de la tour n’a pas été étudié.

Tour d’escalier, parcelle AO 51, vue depuis le nord-ouest. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 11 Les autres éléments de cette période ne sont que de rares piédroits ou linteaux chanfreinés. Ceux-ci se trouvent probablement en place sur la tour dont nous venons de parler, et en remplois sur d’autres bâtiments comme celui de la parcelle AO 48. Aucune de ces baies n’est malheureusement complète rendant toute étude stylistique difficile. La plupart des bâtiments de ce secteur du village ont été fortement remaniés, voire reconstruits, aux XVIII e et XIX e siècles.

b. L’église paroissiale Saint-Georges

L’église de Gimbrède faisait partie intégrante de la commanderie. Cependant, elle sert aussi d’église paroissiale depuis le milieu du XIIIe siècle, nous avons donc choisi de la traiter indépendamment des autres bâtiments de la commanderie. En premier lieu, il est important de signaler que cette église n’est pas orientée, le chœur est situé au sud. Cette « anomalie » ne peut s’expliquer par la topographie du site. Nous pourrions voir là un gage d’ancienneté de la fondation de l’église. Dans son mémoire de master 2, Pauline Ramis propose une étude archéologique du bâti de cet édifice 39 . Nous renvoyons donc à ce travail universitaire pour de plus amples détails et ne reprenons ici que les principales phases de construction telles qu’elle les a définies. Une première église est édifiée avant le milieu du XIII e siècle, il n’en subsiste que la partie interne du mur nord. Ce mur a en effet été fortement remanié lors de la mise en place du portail gothique au XIV e siècle. À cette occasion, le mur a été doublé et le portail roman a disparu. C’est aussi à cette période que remonte probablement le chœur de l’église. La chapelle orientale a été aménagée au XVIII e siècle et la chapelle occidentale a été édifiée sur le modèle de la précédente au XIX e siècle. C’est aussi à cette période que la sacristie est remaniée et le porche reconstruit.

Vue d’ensemble de l’église depuis le nord. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

39 RAMIS, Pauline, Les commanderies…, op. cit. , 2011, 2 vol. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 12 c. La fortification d’agglomération 40

Le système défensif de Gimbrède n’est conservé qu’en partie sur les fronts sud et est du village. Le tracé de l’enceinte extérieure est cependant aisément lisible sur les plans cadastraux ancien et actuel. Cette enceinte était doublée d’un fossé en eau, au moins du côté oriental de l’agglomération où il subsiste en partie.

Bassin aménagé à l’emplacement des anciens fossés, vue depuis le nord-est. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

L’enceinte est conservée sur plusieurs mètres de hauteur du côté sud du village, le long des parcelles AO 45 et 46, et sur une hauteur moindre du côté oriental, le long des parcelles AO 51, 154 et 155. Le parement de ce mur d’enceinte est constitué de moellons de calcaire équarris et calibrés montés en assises régulières et à joints fins. Ce type de construction est assez courant vers la fin du XIII e siècle et le début du XIV e siècle. Les percements observés dans ces pans de murs sont tous postérieurs à leur édification. Aucune ouverture de tir n’a été repérée. Les maisons s’appuient contre le rempart, et parfois le surmontent comme c’est le cas au sud où la partie supérieure du mur est surélevée par des éléments en pan-de-bois 41 .

Mur d’enceinte du côté sud du village, vue depuis le sud. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Une porte d’accès au village est conservée sur le front oriental de l’agglomération. Il s’agit d’un simple percement dans le mur d’enceinte et sous la maison qui la surmonte. Le couloir est

40 Annexe 20-03-PL-05 : Les fortifications de Gimbrède. 41 C’est un phénomène assez fréquent que l’on retrouve notamment à Castelnau-Barbarens (Gers). Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 13 couvert d’une voûte apparemment en berceau. L’étude de ce couloir est rendue impossible du fait d’un enduit épais couvrant la totalité de la maçonnerie. La porte en arc brisé chanfreiné a elle aussi été restaurée. Il n’est pas possible de définir avec certitude quel était le mode de fermeture employé, il s’agissait probablement de simples vantaux.

Porte d’accès au village, vue depuis le nord-est. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Sur le front sud du village, aux abords de l’église, le mur d’enceinte présente une trace d’arrachement très nette ainsi que les vestiges du départ d’un arc couvrant une porte aujourd’hui obturée. La sacristie du XIX e siècle vient s’appuyer contre ce pan de mur et la porte. Le mur arraché semble chainé avec le mur d’enceinte dans la partie inférieure, sur le reste de l’élévation des remaniements semblent avoir été opérés rendant la lecture difficile. Il s’agit d’un mur fourré dont les parements devaient ressembler à ceux du rempart. Les raisons de l’existence de ce mur, à cet emplacement et partant à angle droit vers l’extérieur de l’enceinte, restent obscures faute de documentation suffisante. Nous pouvons supposer, à la suite de Pauline Ramis, que nous sommes en présence des seuls vestiges de la tour qui abritait les prisons de la communauté.

Traces d’arrachement sur le mur d’enceinte, parcelle AO 45, vue depuis le sud-ouest. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 14 d. Les maisons à pan-de-bois 42

L’architecture civile de Gimbrède présente un corpus très intéressant de maisons à pan-de- bois datables très probablement de la fin du Moyen Âge ou du début de l’Époque moderne. Celles- ci ont été remaniées au fil des siècles mais conservent en rez-de-chaussée des éléments anciens. Ces maisons sont pour la plupart concentrées dans l’îlot au nord de la place et au sud de cette dernière le long des remparts méridionaux. Les maisons situées au nord de la place possèdent en outre des couverts en rez-de-chaussée. Ceux-ci sont portés par des poteaux de bois dont certains peuvent être anciens. Les maisons situées le long de la rue orientale du village et en bordure sud de l’actuelle place ne présentent pas de couvert en rez-de-chaussée.

Quelques maisons à couverts en pan-de-bois du côté nord de la place, vue depuis le sud. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Les éléments architecturaux les plus anciens repérés sur ces maisons sont plusieurs couples de doubles accolades sculptées, une large et une plus étroite. Elles pourraient correspondre à des ouvertures mixtes constituées d’une porte accostée d’une demi-croisée. La forme des accolades sculptées pourrait permettre de dater ces ouvertures de la fin du Moyen Âge ou du début de l’Époque moderne. Elles se retrouvent sur différentes maisons du village sans qu’il soit possible de définir des liens entre elles. S’agit-il d’un simple effet de mode ou d’une phase de reconstruction concertée touchant plusieurs maisons villageoises au même moment ? Il est intéressant de noter que ces ouvertures semblent dater de la période immédiatement postérieure à l’incendie de la commanderie. Si celui-ci parait, d’après la documentation écrite, n’avoir touché que les bâtiments seigneuriaux, il n’est pas impossible que le village ait aussi été en partie détruit. Aucun élément ne permet pour l’instant d’affirmer ou d’infirmer ces hypothèses.

42 Annexe 20-03-PL-06 : Les maisons à pan-de-bois de Gimbrède. Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 15 Porte Demie - croisée

Détail de l’association de deux accolades en rez-de-chaussée de l’élévation orientale de la maison parcelle AO 19 ; et interprétation de ces deux accolades. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Les élévations de ces maisons en pan-de-bois ont toutes été remaniées au fil des siècles et restaurées récemment. Quelques éléments laissent supposer que certains pans-de-bois peuvent être anciens comme la section des bois très importante dans certains cas ou encore la présence de baies aux dimensions proches de celles des croisées. Seule une étude complète de ces maisons, accompagnée de relevés précis des façades, pourrait permettre d’éclairer les zones les plus anciennes. Il n’a pas été possible de mener une telle étude dans le temps imparti pour la thèse. De plus, l’enduit couvrant les hourdis ne laisse pas voir le type de matériau utilisé et ne permet pas une lecture complète des façades, certains éléments en bois sont en effet cachés. Les structures en bois visibles présentent parfois de grandes croix de Saint-André, parfois de simples montants verticaux plus ou moins espacés.

Quelques maisons en pan-de-bois du côté sud de la place, vue depuis le nord-ouest. Cliché : Anaïs Comet, mai 2012.

Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 16 3. DYNAMIQUES MORPHOLOGIQUES

Le village de Gimbrède semble s’être développé à proximité de la commanderie templière au Moyen Âge avant le déplacement de celle-ci à l’intérieur de l’agglomération au début de l’Époque moderne. La chronologie de l’installation du faubourg étant très mal connue, nous ne traitons ici que de la partie intramuros du village.

a. L’implantation de la commanderie (XII e siècle ?)

D’après la bibliographie et les sources que nous avons pu consulter, il semble que la commanderie templière se soit installée à Gimbrède au cours du XII e siècle. Au début du XIV e siècle cette commanderie passe à l’ordre des Hospitaliers. D’abord indépendante, celle-ci dépend de la commanderie de Golfech à partir du début du XVI e siècle. Il ne subsiste que de très rares éléments bâtis de cette première commanderie. Ceux-ci se concentrent dans l’église.

b. Le regroupement de l’habitat à côté de la commanderie (XIII e siècle ?)

Les quelques jalons historiques dont nous disposons et l’étude planimétrique permettent d’émettre l’hypothèse d’une installation du village auprès de la commanderie préexistante vers le XIII e siècle. C’est aussi à cette période qu’est édifié le rempart dont il subsiste quelques vestiges sur les fronts sud et est, ainsi que la porte orientale du village.

c. Les transformations de certains édifices à la fin du Moyen Âge

À la fin du XV e siècle ou au tout début du XVI e siècle, un incendie ravage la commanderie. La documentation écrite lacunaire ne permet pas de savoir si cet incendie a aussi touché le village. Il est intéressant de noter que quelques maisons à pan-de-bois, ou plus précisément quelques rares ouvertures conservées en rez-de-chaussée de ces maisons, peuvent être attribuées aux environs de 1500, soit au même moment que l’incendie. Ces maisons pourraient éventuellement être les témoins de la reconstruction suite aux dégâts causés par les flammes. Les quelques murs en brique de la parcelle AO 51 évoqués précédemment remontent aussi vraisemblablement à cette période.

d. Le déplacement de la commanderie au sein du village (fin du XVI e siècle)

L’incendie de la commanderie a des conséquences au cours du siècle suivant sur la topographie générale du village. Nous assistons en effet à cette période au déplacement de la commanderie de l’angle sud-ouest du village à son angle sud-est. Pour permettre ce déplacement, les maisons situées à l’emplacement de la nouvelle commanderie sont rachetées progressivement aux villageois par des frères hospitaliers au profit de la commanderie.

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SOURCES

*AD Gers :

- DAR Miradoux/3 : Dossier archéologique Polge, Gimbrède, XX e siècle. - E suppl. 259 : Compoix de Gimbrède, 1665. - E suppl. 260 : Compoix ou terrier de Gimbrède, 1747 [En cours de restauration au moment de l’étude, ce document n’a pas pu être consulté]. - E suppl. 263 : Révision du livre terrier de Gimbrède, XVIII e siècle. - E suppl. 264 : Délibérations de la communauté de Gimbrède, 1665-1698. - E suppl. 265 : Délibérations de la communauté de Gimbrède, 1699-1799. - 3 P Gimbrède/4 : Plan cadastral dit napoléonien, 1837. - V 147 : Travaux sur l’église et le presbytère, XIX e siècle.

*AD Haute-Garonne :

- H Malte inv. 72, Inventaire du fonds de Malte, 1747 ; numérisé et accessible sur le site Internet : www.archives.cg31.fr. - H Malte Argentens 1, document n°1 bis. - H Malte Golfech 16 à 28. - 1 H Malte reg. 413. - 1 H Malte reg. 421. - 1 H Malte reg. 426.

*Sources publiées et ouvrages anciens :

- CARSALADE DU PONT, Jean de, « Les places fortes de la Gascogne en 1626-1627 », Revue de Gascogne , 1899, p. 456.

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BIBLIOGRAPHIE

- BENABEN, Abbé, « La commanderie de Gimbrède », BSAG , 1920, p.135-152 et p.213-230. - BOQUIEN, Bertrand, Les portes fortifiées du Moyen Age dans les villes et villages du Gers , mémoire de maîtrise sous la direction de Michèle Pradalier, UTM, Toulouse, 1994. - DU BOURG, M. A., Histoire du Grand-Prieuré de Toulouse , Laffitte Reprints, Marseille, 1978, p.325-334. - LAPART, Jacques et PETIT, Catherine (dir.), Carte archéologique de la Gaule, Le Gers , Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Ministère de la Culture, Paris, 1993, p. 249. - LAVERGNE Adrien et MASTRON M., « Liste des chartes de coutumes du Gers », BSAG , SAHG, Auch, 1909, p.176. - MONDIN, Marie-Line, L'occupation du sol au Moyen-Âge dans le canton de Miradoux , mémoire de maîtrise sous la direction de Gérard Pradalié, UTM, 1992, p.49-63. - MONESTES, André, Communes du département du Gers. Tome 2 : l'arrondissement de Condom, SAHG, Auch, 2004, p.276-277. - Pays de Lomagne, Indicateur du patrimoine architectural, Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine, Paris, s.d. - RAMIS, Pauline, Les commanderies templières du Gers, étude archéologique , mémoire de master 2 sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, UTM, 2 vol., 2011. - THEZAN, Denis de, « Gimbrède et son ancienne commanderie, Étude historique », Revue de Gascogne , 1884, p.444-452.

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20-03-FIG-02 : Dépouillement des biens nobles situés dans le village de Gimbrède en 1669 (Source : AD Gers, E suppl. 259, Compoix de Gimbrède, 1665-1669).

L’an l’an (sic) mil six cens soixante neuf et le douziesme aoust nous Jean Boussoc maitre arpenteur habitant en la juridiction de Layrac en ensuivant les commandements a moy faicts par monsieur Espares advocat en la cour et sindiq du presant pais en concequanse de l’arrest du conseil donné en vertu de la declaration de sa majesté article quatriesme diceluy et en vertu de l’ordonnance de monseigneur de (…) intendant en la province aurois procede le plus justement que ma este possible des biens (…) a l’article quatrieme dudict arrest du conseil et avoir arpenté tous l’encloz dudit lieu de Gimbrède lequel est dans le desnombrement noble du seigneur comandeur dudit Gimbrède lequel village est traversé par deux rues l’une desquelles va de la grand porte a la pourtette de laversse par tous petites rues tout lequel enclos contient l’anter sex soubs six denier confronte du levant midi couchant et septantrion les fousses dudit lieu

Dans laquelle contenance sont inclus en premier lieu l’esglize paroissiale Saint-George de Gimbrède devant icelle a un amban et le semetiere y joignant contenant ladite eglize deux soubs six deniers et ledit semetiere deux soubs huid deniers confronte le tout du levant la rue qui va a la portette et le chasteau du seigneur commandeur du couchant la maison presbiteralle midi maison des hoirs Me Pierre Dales rue ruette entre deux pour aller a une tour que ledit seigneur y a audit derrier ladite eglize et maison de Mrq Donier et hoirs Lamarque septantrion une place la grand tour despandan de ladicte commanderie et rue qui va de la grand porte a la portette contenant ladite eglize et semetiere six soubz un denier

/

Dans lequel encloz est aussy la maison prebiralle et un jardin joignant pocede par Me Jean Delpech prêtre et vicaire perpetuel dudit Gimbrède que confronte le tout du levant a ladite eglize Saint-George couchant et midi aux foussez dudit lieu septentrion les maisons d’Anthoine Lambert Jean Escabere cordonnier et Jeannet Beaulaigne unne ruelle ditte de la retourie entre deux dans laquelle maison prebiralle est le parquet ou on tient la (…) contenant pour trois soubs quatre deniers

Aussy dans le mesme enclos est la maison commune dudit Gimbrède ou ont tient les assamblées de jurade que confronte du levant a rue ditte de la commau du couchant maison de maitre Vidal Mallac midi maison des hoirs Jean Ponts et septentrion maison de Jean Durrat masson contenant (vide)

Au devant ladite esglize a unne place descouverte que

Inventaire du patrimoine bâti de Gimbrède – étude thématique – Anaïs Comet, août 2012 – IA00038549 25 confronte du levant a ladite grand tour du couchant a ladite maison prebiralle et maison d’Anthoine Lambert midi audit amban de ladite esglize saint George et septantrion ladite rue qui va de ladite grand porte a la portette contenant neuf deniers

/

De mesme dans le mesme enclos au-dedans d’iceluy est le château noble de ladite commanderie de Gimbrède consistant en deux basse cour escuries et pont levis pocede par messire Père Nieslar de Villages chevalier de l’ordre saint Jean de Jerusalem seigneur commandeur dudit Gimbrède son seigneur et membres en despandant que confronte du levant et midi les murs dudit lieu du couchant audit semetiere de ladite esglize saint George et unne ruette qui va a ladite tour et a maison de Jean Lamarque bourgeois septantrion a la rue qui va a la pourtette dessus ladite porte ledit seigneur commandeur y a un bastiment contenant le tout quatre soubs six deniers

Comme aussy dans ledit enclos ledit seigneur commandeur y pocede aussy noblement la grand tour confronte levant et midy ledit semetiere du couchant ladite place du septentrion ladite rue quy va de la grande porte a la portette contenant neuf deniers

Plus pocede noblemant unne autre tour ditte la pettitte tour ou sons les prisons dudit seigneur que confronte du levant maison desdits hoirs notaire du couchant au jardin de ladite maison prebiralle midy les fousses dudit lieu de septantrion a la secrestie de ladite esglize saint George contenant un denier et demy

(…) [Les biens suivants ne sont pas situés dans le village, il s’agit de prés, vergers, moulins, etc.]

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Anaïs Comet, doctorante, chargée de mission inventaire du patrimoine bâti, Conseil Général du Gers Août 2012 © Conseil Général du Gers ; © Inventaire général Région Midi-Pyrénées

Crédits photographiques : © Conseil Général du Gers ; © Inventaire général Région Midi-Pyrénées Photographies : Anaïs Comet, 2012

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