Persistance de Listeria monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaire : influence de facteurs environnementaux et étude des mécanismes d’adaptation aux stress Anaïs Overney
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Anaïs Overney. Persistance de Listeria monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaire : influence de facteurs environnementaux et étude des mécanismes d’adaptation aux stress. Alimentation et Nutrition. Université Paris-Est, 2016. Français. NNT : 2016PESC1018. tel-01624502
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T H È S E pour obtenir le grade de docteur délivré par
L’Université Paris Est et L’Ecole Doctorale ABIES
Spécialité : Sciences de la Vie et de la Santé
Présentée et soutenue publiquement par
Anaïs OVERNEY
Le 9 décembre 2016
Persistance de Listeria monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaires : influence de facteurs environnementaux et étude des mécanismes d’adaptation aux stress
Directeur de thèse : Mme Brigitte CARPENTIER Co-directeur de thèse : M. Jean-Christophe AUGUSTIN Encadrant : M. Olivier FIRMESSE
Jury
M. Frédéric CARLIN , Directeur de Recherche, INRA, Avignon, France Rapporteur
M. Pascal PIVETEAU , Maître de Conférences, INRA/Université de Bourgogne, Dijon, France Rapporteur
M. Romain BRIANDET , Directeur de Recherche, INRA/AgroParisTech, Massy, France Examinateur
M. Eric METTLER , Soredab, France Examinateur
Mme Christine FAILLE , Directeur de Recherche, INRA, Villeneuve d’Ascq, France Invité
Mme Brigitte CARPENTIER , Directeur de Recherche, Anses, Maisons-Alfort, France Invité
M. Jean-Christophe AUGUSTIN , Professeur, ENVA/Anses, Maisons-Alfort, France Co-directeur
M. Olivier FIRMESSE , Ingénieur d’Etude, Anses, Maisons-Alfort, France Encadrant
Anses – Laboratoire de sécurité des aliments – Unité SEL – Equipe Listeria 14 rue Pierre et Marie Curie – 94701 Maisons-Alfort cedex
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RESUME
La capacité de Listeria monocytogenes à adhérer et à persister sur les surfaces dans les ateliers agro-alimentaires pendant de longues périodes malgré l’application correcte et fréquente des opérations de nettoyage & désinfection (N&D), peut être responsable de la contamination croisée de produits alimentaires par simple contact avec une surface contaminée. De plus, il est important de prendre en considération la présence potentielle de bactéries viables non cultivables (VNC) qui ne sont pas détectées par les méthodes culturales utilisées lors de la recherche de L. monocytogenes dans un prélèvement de surface.
Un des objectifs a été de vérifier si les milieux de culture conventionnels fréquemment utilisés pour les expérimentations en laboratoire étaient représentatifs des conditions environnementales des ateliers agro-alimentaires et de définir pour la suite des expérimentations un milieu synthétique pouvant modéliser une souillure alimentaire. Pour assurer la sécurité sanitaire des aliments et préserver la santé des consommateurs, optimiser les opérations d’hygiène est une nécessité. Dans ce but, la survie des cellules adhérentes de L. monocytogenes soumises à des conditions simulant en laboratoire l’alternance des phases de N&D et de production a été étudiée. Plusieurs facteurs pouvant influencer la survie de ces cellules ont été pris en considération et combinés par un plan d’expériences fractionnaire : la souillure alimentaire, la souche de L. monocytogenes , le matériau de surface, la présence d’une souche de Pseudomonas fluorescens qui favorise l’adhésion de L. monocytogenes et le scénario de l’opération d’hygiène. Dans les industries agro-alimentaires, les bactéries sont soumises à de nombreux stress, nécessitant pour survivre l’expression et l’induction appropriées de gènes et de protéines de réponse aux stress. Les mécanismes de réponse aux stress mis en place par les cellules adhérentes de L. monocytogenes après stress hydrique (dessiccation), stress chimique (N&D) et stress froid ont été déterminés par une analyse transcriptomique.
Selon les critères étudiés (croissance, forces d’adhésion, distribution spatiale et état physiologique des cellules adhérentes), il s’avère que le milieu TSB/5 m peut modéliser le jus de saumon fumé. Au contraire, aucun des milieux synthétiques testés ne permet de remplacer l’utilisation de l’exsudat de viande pour mimer les conditions de terrain. Concernant les facteurs influençant la survie de L. monocytogenes , les opérations d’hygiène impactent uniquement la cultivabilité des cellules adhérentes ; toutefois, le séchage des surfaces permet une optimisation de l’efficacité de la procédure de N&D, d’autant plus lorsqu’il est réalisé quotidiennement.
Mots-clés : Listeria monocytogenes , persistance, nettoyage & désinfection, séchage, adaptation aux stress, viable non cultivable
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ABSTRACT
Despite the correct and frequent application of cleaning & disinfection (C&D), Listeria monocytogenes has the ability to adhere to and persist on surfaces in food processing plants for long periods. Consequently, L. monocytogenes may be responsible for cross-contamination of food through contact with contaminated surfaces. In addition, it is important to consider the potential presence of viable but non culturable (VBNC) bacteria that are not detected by the microbiological methods used in the research of L. monocytogenes in a surface sample.
One aim was to verify whether the conventional culture media commonly used for laboratory experiments were representative of the environmental conditions of food processing plants and define for further experiments a synthetic medium that can model a food soil. Optimization of the C&D procedures is necessary to ensure food safety and protect the health of consumers. For this purpose, the survival of L. monocytogenes adherent cells subjected to laboratory conditions simulating alternating phases of C&D and production was studied. Several factors that may influence the survival of these cells were considered and combined with a fractional factorial design, including: the food soil, the strain of L. monocytogenes , the surface material, the presence of a strain of Pseudomonas fluorescens, which enhances the adhesion of L. monocytogenes, and the scenario of the sanitation procedure. Moreover, in the food industry, bacteria can be subjected to many stresses; thus, the expression and induction of appropriate genes and stress response proteins are required for survival. The stress response mechanisms set up by the adherent L. monocytogenes cells after hydric stress (i.e. desiccation), chemical stress (i.e. C&D), and cold stress were determined by a transcriptomic analysis.
According to the criteria studied (i.e. growth, adhesion forces, spatial distribution, and physiological state of adherent cells), TSB/5 m medium was found to be a sufficient model for smoked salmon juice. In contrast, none of the tested synthetic media can replace the use of meat exudate to mimic field conditions. About the factors influencing the survival of L. monocytogenes , C&D procedures were found to only impact the culturability of adherent cells; however, drying surfaces were found to optimize the effectiveness of the C&D procedures, especially when performed daily.
Keywords : Listeria monocytogenes , persistence, cleaning & disinfection, drying, stress adaptation, viable but non culturable
6 REMERCIEMENTS
Bien que cette page soit la première d’un mémoire de thèse, c’est souvent la dernière et probablement la plus difficile à écrire, la difficulté résidant dans le désir et le devoir de n’oublier aucune des personnes ayant contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ce travail. La rédaction des remerciements, symbole de l’accomplissement et de la conclusion d’une aventure humaine et scientifique, fait remonter à la surface des souvenirs et des anecdotes. Fruit d’une graine plantée il y a déjà trois ans, ce mémoire récapitule un travail qui n’aurait pu aboutir sans l’aide de nombreuses personnes que je remercie sincèrement :
Frédéric CARLIN et Pascal PIVETEAU pour le temps consacré à l’évaluation de ce travail en tant que rapporteurs de la thèse,
Romain BRIANDET, Christine FAILLE et Eric METTLER pour leur participation à la soutenance de la thèse en tant que membres du jury,
Laurent LALOUX, Michel-Yves MISTOU, Renaud LAILLER, David ALBERT et Sophie ROUSSEL pour l’accueil qu’ils m’ont réservé au sein du Laboratoire de sécurité des aliments de l’Agence et plus particulièrement dans l’unité Salmonella , E. coli et Listeria du département de microbiologie,
Jean-Christophe AUGUSTIN, Mickaël DESVAUX, Christine FAILLE, Cosette GRANVALET et Colin TINSLEY, membres du comité de la thèse, pour leurs conseils avisés,
Brigitte CARPENTIER, à qui j’ai pensé chaque jour de cette thèse, pour m'avoir donné l'occasion d'intégrer une équipe pleine de valeurs humaines et m'avoir fait confiance pour la réalisation de cette thèse,
Jean-Christophe AUGUSTIN pour avoir accepté de prendre le flambeau de la direction de la thèse,
Olivier FIRMESSE "juste" pour avoir persisté à mes côtés pour m'épauler dans ce projet,
Laurent GUILLIER pour son aide qui a significativement fait la différence, inutile de le démontrer statistiquement, tous les modèles mathématiques corroborent cette hypothèse,
Danielle CHASSAING pour son accueil à bras ouverts au laboratoire, son implication à me former avec rigueur, son oreille attentive et sa gentillesse qui ont été autant d’éléments m’ayant permis d’atteindre les objectifs fixés,
Patricia NG pour son investissement dans mon travail de thèse mais aussi pour toutes ses délicates attentions qui ont rendu mon quotidien plus doux et agréable,
7 Léa BENMAGHNIA pour sa générosité et son organisation sans faille pour m’approvisionner en vaisselle propre et ce, toujours avec ce sourire qui a égayé mes journées,
Joséphine JACQUES-ANDRE-COQUIN et Lena FRITSCH, deux stagiaires que j’ai eu l’occasion de former et d’encadrer, pour avoir enrichi chacune à leur manière cette expérience humaine,
Meryl VILA NOVA et Kévin DURIMEL pour leur implication et leur motivation incontestables à me faire voyager dans l’univers de la bioinformatique, monde parallèle m’ayant permis d’illustrer la dernière partie de ce manuscrit,
Graziella MIDELET-BOURDIN et Thomas BRAUGE pour leur soutien, même à distance, tout au long de ces trois années de thèse,
Sabine DELANNOY pour ses nombreux conseils scientifiques mais pas seulement …
Clémentine HENRI et Benjamin GLASSET pour les moments partagés et l’amitié nouée,
Ainsi que tous les membres de l’équipe Listeria et plus globalement toutes les personnes du laboratoire avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger.
Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets sans une pensée particulière à :
Mes parents qui m’ont fait grandir à l’abri de tout souci affectif et qui m’ont offert ce luxe inouï de faire aujourd’hui ce qui m’épanouit, mais ces quelques mots ne pourront pas suffire à exprimer toute ma reconnaissance alors j’ajouterai seulement que cette thèse est un peu la leur aussi,
Et Nicolas, mon compagnon de chaque jour, n otre couple a mûri avec mon projet professionnel, le premier servant de socle solide à l'épanouissement du second.
Non sans émotion, j’ai rédigé ces remerciements qui clôturent l’écriture de ce manuscrit ainsi que ce chapitre de ma vie. J’espère que ceux que j’aurais eu l’indélicatesse d’oublier sauront me pardonner …
« Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur ; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries. » Marcel Proust
8 TABLE DES MATIERES
PREAMBULE ...... 23
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE ...... 27
CHAPITRE 1 : Listeria monocytogenes ...... 29 1. Listeria monocytogenes : taxonomie et caractéristiques ...... 29 1.1. Taxonomie ...... 29 1.2. Les caractéristiques phénotypiques...... 30 1.3. L. monocytogenes : un germe ubiquitaire ...... 30 2. La listériose : une maladie atypique ...... 31 2.1. Physiopathologie ...... 31 2.2. Epidémiologie ...... 32 CHAPITRE 2 : Présence de Listeria monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaires ...... 37 1. Formation de biofilms sur les surfaces ...... 37 1.1. Définition ...... 37 1.2. Processus de formation de biofilms ...... 37 1.3. Les facteurs impliqués dans la formation de biofilms ...... 40 1.4. Les propriétés particulières des cellules adhérentes ...... 44 2. Moyens de lutte contre l’implantation de biofilms dans les ateliers agro-alimentaires ...... 44 2.1. Les procédures de nettoyage & désinfection ...... 45 2.2. Les méthodes alternatives ...... 55 2.3. Une étape supplémentaire : le séchage des surfaces ...... 58 2.4. Les paramètres influençant l’efficacité des opérations d’hygiène ...... 58 3. La persistance au sein des ateliers agro-alimentaires ...... 62 3.1. La persistance de L. monocytogenes : une évidence ...... 62 3.2. Plusieurs hypothèses pour expliquer la persistance ...... 63 3.3. De nombreuses études pour tenter d’expliquer et comprendre la persistance ...... 66 3.4. Lutter contre la persistance : une nécessité ...... 68 CHAPITRE 3 : Adaptation de Listeria monocytogenes aux stress rencontrés dans les ateliers agro- alimentaires ...... 71 1. L. monocytogenes : une bactérie aux nombreuses capacités d’adaptation ...... 71 2. Compréhension des mécanismes d’adaptation aux stress ...... 72 2.1. Plusieurs méthodes pour l’étude des mécanismes d’adaptation aux stress ...... 72 2.2. Etude des mécanismes d’adaptation à différents stress ...... 73 2.3. Protection croisée ...... 82 2.4. Adaptation aux stress et virulence ...... 83 3. Etat viable non cultivable ...... 84 3.1. Qu’est-ce que l’état viable non cultivable ? ...... 84
9 3.2. Les bactéries viables non cultivables peuvent-elles retrouver leur cultivabilité ? ...... 85 3.3. Quelles sont les méthodes de détection des bactéries viables non cultivables ? ...... 85 3.4. Un problème de sécurité sanitaire ...... 89
ETUDES EXPERIMENTALES ...... 91
Démarche expérimentale ...... 93 CHAPITRE 1 : Recherche de milieux de culture modélisant des souillures alimentaires pour étudier le comportement de Listeria monocytogenes sur les surfaces en acier inoxydable ...... 95 1. Contexte et objectifs ...... 95 2. Matériels et méthodes ...... 97 2.1. Souches et conditions de culture ...... 97 2.2. Préparation des souillures alimentaires et des milieux de culture modèles ...... 97 2.3. Croissance bactérienne ...... 99 2.4. Etude des populations adhérentes ...... 99 2.5. Analyses statistiques ...... 103 3. Résultats ...... 104 3.1. Etude des cellules de L. monocytogenes adhérentes sur l’acier inoxydable en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande ...... 104 3.2. Comparaison du comportement des cellules de L. monocytogenes adhérentes cultivées avec du jus de saumon fumé ou de milieux synthétiques ...... 108 3.3. Comparaison du comportement des cellules de L. monocytogenes adhérentes cultivées en présence d’exsudat de viande ou de milieux synthétiques ...... 112 4. Discussion ...... 114 4.1. Caractérisation du comportement de L. monocytogenes en présence de souillures alimentaires ...... 114 4.2. Recherche de milieux de culture modèles ...... 115 5. Conclusion et perspectives ...... 118 6. Publication dans International Journal of Food Microbiology ...... 120 CHAPITRE 2 : Etude de facteurs environnementaux pouvant influencer la survie et la persistance de Listeria monocytogenes sur les surfaces ...... 131 1. Contexte et objectifs ...... 131 2. Matériels et méthodes ...... 134 2.1. Souches ...... 134 2.2. Milieux de culture ...... 135 2.3. Sélection de produits et de protocoles de N&D ...... 135 2.4. Réalisation de biofilms ...... 137 2.5. Méthodes de décrochement des cellules ...... 142 2.6. Quantification des cellules selon leur état physiologique ...... 142 2.7. Réalisation d’un plan d’expériences fractionnaire pour l’étude de facteurs environnementaux pouvant influencer la survie des cellules de L. monocytogenes ...... 143 2.8. Analyses statistiques ...... 147
10 3. Résultats ...... 150 3.1. Sélection des souches favorisant l’adhésion de L. monocytogenes ...... 150 3.2. Test d’efficacité des protocoles de N&D ...... 153 3.3. Obtention de cellules survivantes sur acier inoxydable ...... 155 3.4. Sélection de la méthode de décrochement des cellules...... 156 3.5. Etat physiologique des cellules adhérentes résiduelles lors de la simulation des conditions rencontrées dans les ateliers agro-alimentaires pendant une semaine ...... 157 3.6. Impact de facteurs environnementaux étudiés par un plan d’expériences fractionnaire.. 158 4. Discussion ...... 164 4.1. Recherche de souches favorisant l’adhésion de L. monocytogenes ...... 164 4.2. Efficacité des protocoles de N&D et obtention de populations survivantes ...... 165 4.3. Choix de la méthode de décrochement des cellules adhérentes ...... 166 4.4. Etat physiologique des cellules adhérentes après simulation des conditions rencontrées dans les ateliers agro-alimentaires pendant une semaine ...... 167 4.5. Etude de l’impact de facteurs environnementaux sur la survie de L. monocytogenes ..... 168 5. Conclusion et perspectives ...... 173 5.1. Etudier les interactions entre les espèces bactériennes ...... 173 5.2. Compléter le plan d’expériences fractionnaire ...... 174 5.3. Adaptation aux stress ...... 176 6. Soumission dans International Journal of Food Microbiology ...... 177 CHAPITRE 3 : Etude des mécanismes de réponse aux stress par une approche transcriptomique 201 1. Contexte et objectifs ...... 201 2. Matériels et méthodes ...... 202 2.1. Souches et conditions de culture ...... 202 2.2. Milieux de culture ...... 202 2.3. Réalisation de biofilms ...... 202 2.4. Application de stress ...... 203 2.5. Décrochement des cellules adhérentes ...... 205 2.6. Extraction d’ARN ...... 206 2.7. Préparation des échantillons et séquençage par le prestataire de services GenoScreen .. 206 2.8. Analyse bio-informatique des données ...... 208 3. Résultats ...... 212 3.1. Extraction d’ARN ...... 212 3.2. Qualité du séquençage et réalignement des reads sur la référence ...... 212 3.3. Comparaison de l’expression des gènes des cellules adhérentes cultivées en présence de deux milieux de culture différents ...... 213 3.4. Etude de la réponse à différents stress : froid, nettoyage, désinfection et séchage ...... 215 3.5. Impact de la récurrence de l’application du séchage ...... 230 4. Discussion ...... 238
11 4.1. Comparaison de l’expression des gènes après culture des cellules de L. monocytogenes en présence de jus de saumon fumé et du milieu TSB/5 m ...... 238 4.2. Réponse à différents stress ...... 239 5. Conclusion et perspectives ...... 245 5.1. Compléter l’analyse des données ...... 245 5.2. Renforcer la compréhension des mécanismes d’adaptation aux stress ...... 247 5.3. Recherche de marqueurs de viabilité ...... 248
CONCLUSION ...... 251
VALORISATION ...... 257
BILAN PERSONNEL ...... 263
1. Contexte de la thèse ...... 265 2. Motivations personnelles ...... 265 3. Gestion du projet ...... 266 3.1. Préparation et cadrage du projet ...... 266 3.2. Conduite du projet ...... 266 4. Compétences mises en œuvre...... 267 5. Un projet professionnel ...... 268
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...... 271
ANNEXES ...... 293
12 TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Principe et protocole de l’extraction de l’ADN avec le kit MagNA Pure LC DNA Isolation Kit III (Roche) ...... 295
Annexe 2 : Script pour la réalisation du plan expériences fractionnaire avec l’application PLANOR du logiciel R 3.2.1 (Kobilinsky et al. , 2015 ; Monod et al. , 2012) ...... 297
Annexe 3 : Script pour le traitement des données et gérer les données censurées avec l’application PLANOR du logiciel R 3.2.1 (Kobilinsky et al. , 2015 ; Monod et al. , 2012) ...... 299
Annexe 4 : Script pour déterminer l’effet de chacun des cinq facteurs environnements testés et générer les graphiques correspondants avec le plan d’expériences fractionnaire avec l’application PLANOR du logiciel R 3.2.1 (Kobilinsky et al. , 2015 ; Monod et al. , 2012) ...... 307
Annexe 5 : Protocole d’extraction d’ARN avec le kit high Pure RNA Isolation ...... 310
Annexe 6 : Principe et protocole de la quantification de l’ARN d’un échantillon avec le kit RNA 6000 Nano Kit avec le Bioanalyzer 2100 (Agilent) ...... 311
Annexe 7 : Script MACLiK pour la détermination des catégories COG de chaque gène différentiellement exprimé ...... 315
13 TABLE DES ILLUSTRATIONS
FIGURES
Figure 1 : Incidence annuelle de la listériose par million d’habitants en France de 1999 à 2014 (InVS, 2015a)...... 34
Figure 2 : Schématisation de la formation d’un biofilm bactérien (Bryers et Ratner, 2004). .. 38
Figure 3 : Modèle conceptuel de la persistance ( □) et de la non persistance ( ♦) suite à l’évolution de la densité cellulaire d’une souche bactérienne dans un site de rétention contaminé une fois et soumis à des opérations de N&D à des intervalles de temps réguliers (Carpentier et Cerf, 2011)...... 65
Figure 4 : Trou de débullage dans une surface en polychlorure de vinyle (PVC) observé par microscopie électronique à balayage avant (à gauche) et après (à droite) colonisation par P. fluorescens cultivé en présence d’exsudat de viande (Midelet, 2002)...... 66
Figure 5 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au CTC (à gauche) et à l’INT (à droite) de cellules de L. monocytogenes (Bovill et al. , 1994). Les cellules métaboliquement actives contiennent des dépôts de formazan fluorescents...... 86
Figure 6 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9® et à l’IP (kit LIVE/DEAD® BacLight™ Bacterial Viability ) de cellules de L. monocytogenes . Les cellules vertes sont considérées comme vivantes contrairement aux cellules rouges considérées comme mortes (Ercolini et al., 2006)...... 88
Figure 7 : Principe de la PMA-PCRq (Nocker et al. , 2006)...... 88
Figure 8 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9 ® de cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé (A), d’exsudat
de viande (B), du milieu TSB/5 m (C) et du milieu BHI/20 pH 5,4 (D) sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C...... 105
Figure 9 : Exemple représentatif d’une droite de décrochement de cellules adhérentes de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande pendant 24 heures à 25°C sur acier inoxydable et décrochées par écouvillonnages
successifs. Le seuil de détection était de 1,3 log 10 (UFC/écouvillon). Seuls les écouvillons pour lesquels les valeurs de dénombrement étaient supérieures ou égales au seuil de détection sont représentés...... 106
Figure 10 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9 ® de cellules de L. monocytogenes CCL207 (A et B), CCL128 (C et D), et LO28 (E et F) cultivées en
présence de jus de saumon fumé (A, C et E) et du milieu TSB/5 m (B, D et F) sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C...... 111
14 Figure 11 : Schématisation de la démarche expérimentale...... 133
Figure 12 : Boîte de dessiccation utilisée pour l’application de l’étape de séchage à 75% HR à 25°C pendant 3 heures...... 141
Figure 13 : Représentation d’un plan d’expériences complet de trois facteurs à trois niveaux...... 144
Figure 14 : Schématisation du protocole expérimental pour la quantification des cellules adhérentes avant et après application des opérations d’hygiène dans le cadre du plan d’expériences fractionnaire...... 147
Figure 15 : Schématisation des valeurs calculées pour l’analyse des données obtenues avec le plan d’expériences fractionnaire. Les symboles des valeurs obtenues après les opérations d’hygiène sont légèrement décalés à droite de ceux obtenus avant les opérations d’hygiène.
δ J1-Jx correspond à la différence entre la quantité de cellules avant l’application de l’opération d’hygiène à J1 et celle obtenue après l’opération d’hygiène chacun des x jours
suivants. δ J1-J4 correspond à la différence entre la quantité de cellules avant l’application
de l’opération d’hygiène à J1 et celle obtenue après l’opération d’hygiène à J4. Eff OH correspond à l’efficacité de l’opération d’hygiène...... 149
Figure 16 : Population cultivable adhérente sur acier inoxydable à 25°C décrochée par traitement aux US de la souche de L. monocytogenes LO28 en présence (en bleu) ou non (en rouge) d’une souche de Pseudomonas (n = 4, soit 2 expériences réalisées). Le seuil de
détection était de 4,6 log 10 (UFC/coupon)...... 151
Figure 17 : Population cultivable adhérente sur acier inoxydable à 25°C décrochée par traitement aux US des souches de L. monocytogenes EGD-e et LO28 en présence ou non de la souche de S. capitis CCL54 (n = 4, soit 2 expériences réalisées). Le seuil de détection
était de 2,6 log 10 (UFC/coupon)...... 152
Figure 18: Observation au microscope à épifluorescence après coloration au Syto9 ® de la population adhérente de L. monocytogenes LO28 cultivée seule (A) ou en présence de P. fluorescens 09empf87 (B) ou de S. capitis CCL54 (C) sur acier inoxydable à 25°C en
présence du milieu TSB/5 m...... 153
Figure 19 : Population cultivable de L. monocytogenes CCL500 adhérente sur acier inoxydable décrochée par écouvillonnage puis par traitement aux US, sans ou après application du protocole de N&D et remise en culture des cellules adhérentes restantes par dépôt de jus de saumon fumé quotidiennement durant quatre jours (n = 6 ou 12, soit 2 ou 4 expériences
réalisées). Les seuils de détection étaient de 1,3 log 10 (UFC/coupon) et
2,8 log10 (UFC/coupon) respectivement pour l’écouvillonnage et le traitement aux US. . 154
Figure 20 : Population cultivable de L. monocytogenes adhérente sur acier inoxydable décrochée par écouvillonnage puis par traitement aux US, après application du protocole de N&D avec les produits non dilués ou dilués au 1/10 ème et remise en culture des cellules
15 adhérentes restantes par dépôt de jus de saumon fumé quotidiennement durant quatre jours (n = 6, soit 2 expériences réalisées). Les seuils de détection étaient de
1,3 log 10 (UFC/coupon) et 2,8 log 10 (UFC/coupon) respectivement pour l’écouvillonnage et le traitement aux US...... 156
Figure 21 : Influence des opérations de N&D appliquées quotidiennement durant une semaine avec les produits de N&D dilués au 1/10 ème sur les cellules de L. monocytogenes EGD-e cultivables, viables et totales cultivées à 25°C sur acier inoxydable en présence de jus de
saumon fumé. Le seuil de détection des cellules cultivables était de 1,3 log 10 (UFC/coupon)
et celui des cellules viables et totales de 4 log 10 (cellules/coupon). Pour les mesures obtenues après les opérations de N&D, les symboles sont légèrement décalés à droite de ceux obtenus avant N&D (n = 6, 2 expériences)...... 158
Figure 22 : Valeurs de δ J1-J4 pour les cellules cultivables, viables et totales pour chaque scénario d’opération d’hygiène testé...... 161
Figure 23 : Efficacité de chacun des scénarios de l’opération d’hygiène sur les populations cultivables à chaque jour de la semaine...... 162
Figure 24 : Valeurs de δ J1-Jx pour les cellules cultivables pour chaque scénario de l’opération d’hygiène chacun des jours de la semaine en comparaison à la population cultivable initiale...... 163
Figure 25 : Etapes de préparation des échantillons et séquençage par le prestataire de services GenoScreen...... 207
Figure 26 : Quantification et abondance relative des catégories fonctionnelles COG des gènes différentiellement exprimés spécifiquement par les cellules adhérentes de L. monocytogenes
EGD-e cultivées sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m par rapport aux cellules adhérentes cultivées en présence de jus de saumon fumé...... 214
Figure 27 : Quantification des gènes sur-exprimés et sous-exprimés par les cellules adhérentes
de L. monocytogenes EGD-e cultivées sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) par rapport aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 215
Figure 28 : Abondance relative des catégories COG de l’ensemble des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes EGD-e cultivées sur acier
inoxydable en présence du milieu TSB/5 m après avoir subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 216
Figure 29 : Abondance relative des catégories COG des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes EGD-e cultivées sur acier inoxydable en
présence du milieu TSB/5 m spécifiquement après avoir subi un stress froid (24 heures
16 à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) ou de façon commune aux quatre stress, en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 217
Figure 30 : Quantification des gènes sur-exprimés et sous-exprimés par les cellules adhérentes
de L. monocytogenes LO28 cultivées sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) par rapport aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 221
Figure 31 : Abondance relative des catégories COG de l’ensemble des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes LO28 cultivées sur acier
inoxydable en présence du milieu TSB/5 m spécifiquement après avoir subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 222
Figure 32 : Abondance relative des catégories COG des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes LO28 cultivées sur acier inoxydable en
présence du milieu TSB/5 m spécifiquement après avoir subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) ou de façon commune aux quatre stress, en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 223
Figure 33 : Abondance relative des catégories COG des gènes différentiellement exprimés de façon commune par les cellules adhérentes de L. monocytogenes EGD-e et LO28 cultivées
sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) appliqué une seule fois ou quotidiennement pendant une semaine en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 228
Figure 34 : Quantification et abondance relative des catégories COG des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes EGD-e
cultivées sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) appliquée une seule fois ou quotidiennement durant une semaine par rapport aux cellules n’ayant pas subi de séchage...... 232
Figure 35 : Quantification et abondance relative des catégories COG des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes LO28 cultivées
sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) appliquée une seule fois ou quotidiennement durant une semaine par rapport aux cellules n’ayant pas subi de séchage...... 235
Figure 36 : Abondance relative des catégories COG de l’ensemble des gènes différentiellement exprimés de façon commune par les cellules adhérentes de L. monocytogenes EGD-e et
LO28 cultivées sur acier inoxydable en présence du milieu TSB/5 m et ayant subi une étape
17 de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) appliqué une seule fois ou quotidiennement pendant une semaine en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 237
Figure 37 : Voie simplifiée de la biosynthèse des pentoses-phosphates. Les protéines codées par les gènes sur-exprimés par les cellules de L. monocytogenes EGD-e ayant subi une étape de séchage quotidiennement pendant une semaine sont représentées en rouge...... 247
18
TABLEAUX
Tableau 1 : Dix-huit espèces de Listeria recensées en 2015 ...... 29
Tableau 2 : Lignées, sérogroupes moléculaires et sérotypes de L. monocytogenes (Doumith et al. , 2004) ...... 30
Tableau 3 : Propriétés principales, avantages et inconvénients des principales catégories de produits détergents ...... 49
Tableau 4 : Avantages, inconvénients et spectre d’action des principales catégories de produits désinfectants ...... 53
Tableau 5 : Méthodes alternatives à l’utilisation de produits conventionnels de N&D ayant des applications concrètes actuellement dans les ateliers agro-alimentaires ...... 56
Tableau 6 : Cas de persistance de L. monocytogenes au sein d’ateliers agro-alimentaires (Tompkin, 2002) ...... 63
Tableau 7 : Systèmes de réponse au stress osmotique chez L. monocytogenes (Burgess et al. , 2016) ...... 79
Tableau 8 : Principales fonctions induites (+) ou réprimées (-) selon le stress à partir des données résumées dans la synthèse bibliographique ci-jointe ...... 81
Tableau 9 : Impact de conditions de pré-incubation sur la résistance ou la sensibilisation à des conditions létales pour L. monocytogenes ...... 82
Tableau 10 : Forces d’adhésion relatives de cellules de L. monocytogenes cultivées en présence de jus de saumon fumé, d’exsudat de viande ou de milieux de culture synthétiques sur acier inoxydable durant 24 heures à 25°C ...... 106
Tableau 11 : Quantification des cellules adhérentes de L. monocytogenes cultivées en présence de jus de saumon fumé, d’exsudat de viande ou de milieux de culture synthétiques sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C ...... 107
Tableau 12 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées dans le jus de saumon fumé et les milieux de culture synthétiques associés à 25°C ...... 109
Tableau 13 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL207, CCL128 et
LO28 cultivées dans le jus de saumon fumé et le milieu TSB/5 m à 25°C ...... 110
Tableau 14 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées dans l’exsudat de viande et les milieux de culture synthétiques associés à 25°C...... 112
Tableau 15 : Souches de Pseudomonas utilisées pour la recherche d’une souche favorisant l’adhésion de L. monocytogenes ...... 134
19
Tableau 16 : Protocole de N&D considéré comme peu respectueux de l’environnement ..... 136
Tableau 17 : Protocole de N&D considéré comme relativement respectueux de l’environnement ...... 137
Tableau 18 : Plan d’expériences fractionnaire suivi pour l’étude des cinq facteurs environnementaux ...... 146
Tableau 19 : Résultats statistiques de l’impact de la souche de L. monocytogenes, du matériau de surface, de la présence d’une souche favorisant l’adhésion de L. monocytogenes , de la souillure alimentaire et du scénario de l’opération d’hygiène sur la survie des cellules L. monocytogenes selon leur état physiologique ...... 159
Tableau 20 : Conditions testées avec la souche de L. monocytogenes EGD-e ...... 204
Tableau 21 : Conditions testées avec la souche de L. monocytogenes LO28 ...... 205
Tableau 22 : Catégories fonctionnelles COG chez Listeria (NCBI, 2014 ; Tatusov et al. , 1997) ...... 210
Tableau 23 : Vérification de la qualité des résultats de séquençage ...... 212
Tableau 24 : Quantification de l’ensemble des gènes différentiellement exprimés par les cellules adhérentes de L. monocytogenes LO28 et EGD-e cultivées sur acier inoxydable en présence
du milieu TSB/5 m et ayant subi un stress froid (24 heures à 10°C) ou un stress chimique (nettoyage ou désinfection) ou une étape de séchage (3 heures à 25°C à 75% HR) en comparaison aux cellules n’ayant pas subi de stress...... 227
20
LISTE DES ABREVIATIONS
ADN (c) Acide désoxyribonucléique (complémentaire) AFLP Amplified fragment length polymorphism ALOA Agar pour Listeria selon Ottaviani et Agosti ANOVA Analyse de variance Anses Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ARN (m, r, t) Acide ribonucléique (messager, ribosomique, de transfert) aw Activité de l’eau BAC Chlorure de benzalkonium BHI Brain heart infusion
BHI m BHI modifié
BHI pH 5,4 BHI dont le pH a été ajusté à 5,4 BZT Chlorure de benzéthonium CNR Centre National de Référence COG Clusters of orthologous groups Ct Cycle seuil ( threshold cycle ) CTC 5-cyano-2,3-ditolyltetrazolium chloride DGAl Direction Générale de l’Alimentation DGCCRF Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence, et de la Répression des Fraudes DGS Direction Générale de la Santé DO Densité optique
DO max Densité optique maximale atteinte en phase stationnaire DVC Direct viable count EDTA Ethylène diamine tétra-acétate
Eff OH Efficacité de l’opération d’hygiène EMA Monoazoture d’éthidium EP Eau peptonée à 1 g/l HACCP Hazard Analysis Critical Control Point INT 2-(4-iodophényl)-3-(4-nitrophényl)-5-phényl-tétrazolium-chloride InVS Institut de Veille Sanitaire IP Iodure de propidium JCVI J. Craig Venter Institute MLST Multi-locus sequence typing N&D Nettoyage & désinfection
21
NEP Nettoyage en place
Nmax Population maximale de bactéries atteinte en phase stationnaire pb Paire de bases PBS Phospate buffered saline PCR Polymerase chain reaction Pε Probabilité d’erreur PFGE Pulse-field gel electrophoresis PMA Monoazoture de propidium PVC Polychlorure de vinyle QAC Composés d’ammoniums quaternaires RIN RNA integrity number RNA-seq Séquençage du transcriptome RMTB Read Mapped Back onto Transcript RT Transcription inverse SCN Staphylococcus à coagulase négative TSA Tryptone soya agar TSB Tryptone soya broth
TSB m TSB modifié
TSB pH 5,4 TSB dont le pH a été ajusté à 5,4 TIAC Toxi-infection alimentaire collective
µmax Taux de croissance maximal UFC Unité formant colonie US Ultra-sons Usp Universal stress protein UV Ultra-violets VNC Viable non cultivable % HR Pourcentage d’humidité relative
22
PREAMBULE
Préambule
Dans les ateliers agro-alimentaires, les opérations de nettoyage et désinfection (N&D) sont appliquées quotidiennement pour lutter contre la formation de biofilms sur les surfaces, que ces dernières soient en contact avec les denrées alimentaires ou non. Cependant, la persistance de Listeria monocytogenes , c’est-à-dire sa présence au sein d’un atelier pendant des mois voire des années malgré l’application correcte et fréquente des opérations d’hygiène, est un problème majeur qui n’est plus à démontrer (Carpentier et Cerf, 2011 ; Møretrø et Langsrud, 2004 ; Tompkin, 2002). Les bactéries persistantes sur les surfaces peuvent se retrouver en contact avec des produits alimentaires et les contaminer par un phénomène de contamination croisée (Lundén et al. , 2002 ; Reij et Den Aantrekker, 2004). Ces denrées contaminées, de plus en plus souvent prêtes à la consommation pour répondre à la demande et aux nouvelles habitudes alimentaires des consommateurs, peuvent être responsables de cas de listériose aux conséquences désastreuses (Donovan, 2015 ; Goulet et al. , 2012).
Les biofilms se développent dans les zones humides des ateliers agro-alimentaires, l’eau étant nécessaire à la croissance microbienne. La manipulation de produits alimentaires humides et les procédures de N&D apportent beaucoup d’eau sur les surfaces. Dans la lutte contre la persistance de L. monocytogenes dans les environnements agro-alimentaires, le séchage des surfaces après les opérations de N&D, en provoquant un stress hydrique sur les bactéries survivantes, apparaît être une barrière supplémentaire efficace (Bang et al. , 2014 ; Fuster-Valls et al. , 2008 ; Zoz et al. , 2016). Le concept de l’usine « sèche » reste encore aujourd’hui un vrai challenge pour les industriels. Une étape de séchage des surfaces permet une réduction des populations microbiennes et/ou limite, au moins temporairement, la croissance des cellules survivantes ainsi que leur circulation dans les ateliers. S’il est connu que L. monocytogenes peut survivre au stress hydrique (Vogel et al. , 2010), notamment sous forme non cultivable, les mécanismes de résistance et d’adaptation à ce stress sont quasiment inconnus.
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les travaux présentés dans ce manuscrit. Ils font partie intégrante du projet EcoSec (ANR-12-ALID-0005) financé par l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du programme Alimentation Durable de 2012 et labellisé par le pôle de compétitivité Vitagora. Le projet EcoSec a pour principal objectif d’optimiser la déshumidification de l’air pour diminuer l’impact environnemental des opérations d’hygiène dans les ateliers agro-alimentaires réfrigérés. Afin de rendre les opérations de N&D plus respectueuses de l’environnement tout en assurant leur efficacité, il conviendrait de réduire les volumes d’eau et de produits chimiques utilisés mais aussi d’utiliser des produits d’hygiène plus écologiques. Les travaux de thèse se sont articulés autour de trois objectifs principaux, chacun faisant l’objet d’un chapitre de ce manuscrit suite à la synthèse bibliographique :
25 Préambule
(i) étudier le comportement de cellules de L. monocytogenes adhérentes sur des surfaces en présence d’exsudat de viande ou de jus de saumon fumé pour définir des milieux de culture modélisant chacune de ces deux souillures, (ii) étudier l’impact de différents facteurs environnementaux représentatifs des conditions rencontrées dans les environnements agro- alimentaires sur la survie et la persistance de cellules de L. monocytogenes , et (iii) mieux comprendre les mécanismes de réponse aux stress mis en place par ce pathogène pour persister.
26
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
Synthèse bibliographique – Chapitre 1
CHAPITRE 1 : Listeria monocytogenes
1. Listeria monocytogenes : taxonomie et caractéristiques
1.1. Taxonomie
Officiellement découverte en 1924 lors d’une épidémie touchant des animaux d’une animalerie en Angleterre et d’abord appelée Bacterium monocytogenes (Murray et al. , 1926), cette bactérie est ensuite mise en cause lors d’infections humaines et rebaptisée Listeria monocytogenes .
Cependant, des études d’hybridation ADN-ADN ont mis en évidence la grande hétérogénéité génomique des souches initialement regroupées sous le nom de L. monocytogenes . En utilisant des méthodes biochimiques et génétiques, cette espèce a donc par la suite été distinguée des autres espèces de Listeria . A ce jour, le genre Listeria (Phylum : Firmicutes, Classe : Bacilli , Ordre : Bacilliales , Famille : Listeriaceae ) regroupe 18 espèces bactériennes dont L. monocytogenes qui est la principale pathogène pour l’Homme (Guillet et al. , 2010) (Tableau 1).
Tableau 1 : Dix-huit espèces de Listeria recensées en 2015
Espèce de Listeria Référence L. monocytogenes, L. innocua, L. seeligeri, L. welshimeri, Wiedmann (2002) L. grayi, L. denitrificans et L. ivanovii L. marthii Graves et al. (2010) L. rocourtiae Leclercq et al. (2010) L. fleischmannii Bertsch et al. (2013) L. weihenstephanensis Halter et al. (2013) L. floridensis, L. aquatica, L. cornellensis, L. riparia et den Bakker et al. (2014) L. grandensis L. booriae et L. newyorkensis Weller et al. (2015)
Les souches de L. monocytogenes sont classées en quatre lignées définies comme étant des ensembles homogènes de groupes clonaux dérivant tous d’un ancêtre commun (Nadon et al. , 2001 ; Orsi et al. , 2011 ; Piffaretti et al. , 1989). Chaque lignée regroupe plusieurs sérotypes qui sont déterminés par une méthode de sérotypage par agglutination basée sur les
29 Synthèse bibliographique – Chapitre 1 réactions anticorps/antigènes (typage phénotypique). Pour définir les treize sérotypes (Seeliger et Jones, 1986), sont ciblés les treize antigènes somatiques et les quatre antigènes flagellaires. L’espèce L. monocytogenes est également classée en cinq sérogroupes moléculaires déterminés par une technique de polymerase chain reaction (PCR) (Doumith et al. , 2004) : IIa (sérotypes 1/2a et 3a), IIb (sérotypes 1/2b, 3b et 7), IIc (sérotypes 1/2c et 3c), IVb (sérotypes 4b, 4d et 4e et 4ab) et IVa (sérotypes 4a et 4c) (Tableau 2).
Tableau 2 : Lignées, sérogroupes moléculaires et sérotypes de L. monocytogenes (Doumith et al. , 2004)
Lignée Sérogroupe moléculaire Sérotype (agglutination) I IIb 1/2b, 3b, et 7 IVb 4b, 4d, 4e et 4ab II IIa 1/2a et 3a IIc 1/2c et 3c III IVa 4a et 4c IV Lignée récente peu caractérisée
1.2. Les caractéristiques phénotypiques
L. monocytogenes est un bacille (2 µm x 0,5 µm) à Gram positif, aéro-anaérobie facultatif, non sporulé, non capsulé, isolé ou en chaînettes, mobile grâce à des flagelles péritriches entre 20°C et 25°C, catalase positif, oxydase négatif et capable de fermenter, sans production de gaz, de nombreux glucides comme le mannitol ou le rhamnose qui sont utilisés dans les tests biochimiques d’identification de L. monocytogenes (Anses, 2011 ; Donovan, 2015 ; Rocourt et al. , 1983).
L. monocytogenes est une bactérie psychrotrophe pouvant se développer à température ambiante (croissance optimale à 37°C) mais aussi aux températures de réfrigération (0°C - 4°C) (Augustin et al. , 1999 ; Walker et al. , 1990). Elle a également d’importantes capacités à se multiplier sur une large gamme de pH (4,0 - 9,6) (Giotis et al. , 2008b ; Walker et al. , 1990) et d’activité de l’eau (aw, 0,92 - 0,99) (Farber et al. , 1992). Sur gélose nutritive, cette bactérie forme des colonies de 0,5 à 1,5 mm à 37°C en 24 à 48 heures.
1.3. L. monocytogenes : un germe ubiquitaire
30 Synthèse bibliographique – Chapitre 1
L. monocytogenes est présente dans de nombreuses niches écologiques. Elle est particulièrement répandue au niveau des sols, dans l’eau et la végétation en décomposition et est également présente dans les ateliers agro-alimentaires. La contamination de l’environnement résulte principalement du relargage de la bactérie via les excréments d’animaux qu’ils soient porteurs sains ou malades (Anses, 2011).
2. La listériose : une maladie atypique
2.1. Physiopathologie
L. monocytogenes est l’agent responsable de la listériose : pathologie à caractère zoonotique. La transmission de ce germe opportuniste se fait, dans 99% des cas, par voie alimentaire (InVS, 2015a).
La listériose est une des infections d’origine alimentaire les plus sévères avec un faible taux de morbidité mais un taux de létalité très élevé (20 à 30% des cas) et un taux de prédilection important pour les personnes immunodéprimées (nouveaux-nés, personnes âgées, personnes sous traitement immunosuppresseur, etc.) et les femmes enceintes (Donovan, 2015 ; Goulet et al. , 2012). La listériose peut être de deux formes : non invasive ou invasive.
La forme non invasive se caractérise principalement par des gastroentérites fébriles et touche généralement une population en bonne santé ayant consommé des produits contaminés (au moins 10 2 unités formant colonie (UFC) par gramme de produit) (Berche et al. , 2000). La probabilité pour un consommateur de déclencher une listériose est fonction de la quantité de cellules ingérées (dose-réponse), du sérotype et du statut immunitaire (Pouillot et al. , 2015). La matrice alimentaire dans laquelle L. monocytogenes s’est développée pourrait également jouer un rôle (Midelet-Bourdin et al. , 2006 ; Rantsiou et al. , 2012).
Quant à la forme invasive, elle peut entraîner aussi bien des infections locales que des septicémies/bactériémies ou des méningo-encéphalites qui sont les formes cliniques les plus fréquemment observées lors d’épidémies liées à la consommation de produits contaminés par des personnes dont le système immunitaire est affaibli (Goulet et al. , 2012 ; Rocourt, 1996).
La transmission directe est également possible in utero de la mère au fœtus. Comme évoqué par Rocourt (1996), dans les cas de listériose materno-néonatale, l’infection de la mère peut être soit asymptomatique, soit caractérisée par un état grippal mais les symptômes sont plus sévères en ce qui concerne le fœtus (malformations, naissance prématurée, mort intra-
31 Synthèse bibliographique – Chapitre 1 utérine, etc.). De façon exceptionnelle, elle peut également se transmettre par contact avec un animal infecté (InVS, 2015a).
La durée d’incubation de L. monocytogenes est comprise entre 1 et 90 jours, selon le type de listériose, ce qui ne facilite pas l’identification de la source de contamination en cas de maladie déclarée (Goulet et al. , 2013).
Le traitement de la listériose consiste en une antibiothérapie d’une dizaine de jours environ. Prenant en compte la résistance intrinsèque de L. monocytogenes aux céphalosporines, l’antibiotique généralement utilisé est l’ampicilline (Donovan, 2015).
2.2. Epidémiologie
2.2.1. Les sources de contamination
Comme évoqué précédemment, la listériose est une maladie d’origine principalement alimentaire. Toutes les catégories de produits alimentaires (produits carnés et charcuteries, produits de la mer, végétaux et produits laitiers) sont considérées comme étant à risques. La contamination des aliments peut survenir à tous les stades de la chaîne alimentaire (Anses, 2011 ; EFSA, 2013 ; Rocourt, 1996).
De par les changements de style de vie, les produits réfrigérés prêts à la consommation (par exemple : tartares de viande et poisson, charcuteries, salades et crudités de 4 ème et 5 ème gammes) sont devenus très populaires. Particulièrement surveillés car considérés comme les plus à risques (Okada et al. , 2013 ; Rocourt et al. , 2003 ; Tompkin, 2002), ce sont des denrées consommées directement après une période de réfrigération sans cuisson ni autre étape de préparation bactéricide. Les étapes intervenant après le process de fabrication doivent d’ailleurs être prises en compte dans l’évaluation des risques. En effet, le risque de listériose augmente notamment avec la quantité de bactéries ingérées lors de la consommation d’un produit. Pour limiter au mieux ce risque, la réglementation européenne, par le règlement N°2073/2005 , fixe deux critères à respecter selon le type de produit considéré (CE, 2005) : - pour les denrées alimentaires prêtes à être consommées destinées aux nourrissons ou à des fins médicales spécifiques : l’absence de bactéries dans 25 grammes de produit pendant la durée de conservation, - pour les autres produits alimentaires : une limite maximale de 100 UFC par gramme de produit pendant la durée de conservation.
32 Synthèse bibliographique – Chapitre 1
De bonnes pratiques de fabrication, une hygiène appropriée et un contrôle de la température de conservation des produits sont nécessaires pour limiter la contamination des produits et/ou la croissance potentielle de L. monocytogenes dans les aliments en vue de maintenir des niveaux inférieurs à 100 UFC/g de produit (EFSA, 2013). La maîtrise de la température, de la production jusqu’à la consommation des aliments à risques, est un élément incontournable (Duret et al. , 2014). Okada et al. (2013) ont d’ailleurs démontré que le risque de listériose est augmenté lorsque les aliments sont conservés à mauvaise température, la concentration de cellules pouvant être jusqu’à 3,5 log 10 (UFC/g) supérieure dans des sardines cuites prêtes à la consommation après 7 jours de conservation à 10°C plutôt qu’à 4°C.
D’après les connaissances actuelles, toutes les souches de L. monocytogenes sont considérées comme potentiellement pathogènes pour l’Homme, mais il apparaît que certains groupes clonaux sont plus virulents que d’autres (Henri et al. , 2016 ; Maury et al. , 2016). Il a par ailleurs été constaté que la majorité des cas de listériose humaine est due aux sérotypes 1/2a, 1/2b et 4b (Donovan, 2015 ; Maury et al. , 2016 ; Wiedmann, 2002).
2.2.2. Surveillance et incidence de la listériose
En 2014, plus de 1300 toxi-infections alimentaires collectives (TIAC), impliquant plus de 12000 malades, ont été déclarées (InVS, 2015b). Les trois agents pathogènes les plus fréquemment impliqués sont Staphylococcus aureus (30% des cas confirmés ou suspectés), Bacillus cereus (22%) et Salmonella spp. (15%) (InVS, 2015c). Depuis plusieurs années, L. monocytogenes n’est pas impliquée dans des TIAC mais des cas isolés de listériose ont été recensés (359 cas en 2014), positionnant ce pathogène en troisième position des pathogènes impliqués dans les cas isolés après Salmonella spp. (10680 cas) et Campylobacter (6048 cas) (InVS, 2015a, b).
En France, la surveillance de la listériose est assurée conjointement par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) grâce, depuis 1998, à la déclaration obligatoire qui permet le suivi des tendances évolutives de la maladie en France, et par le Centre National de Référence (CNR) Listeria situé à l’Institut Pasteur qui centralise et caractérise toutes les souches de L. monocytogenes isolées chez l’Homme (CNR, 2015 ; InVS, 2015a). Ceci permet de distinguer les cas isolés des épidémies. De plus, les données cliniques et microbiologiques sont systématiquement complétées par une enquête alimentaire. Grâce à celle-ci, l’aliment incriminé est parfois identifié. Dans ce cas, l’InVS active alors la « Cellule Listeria » au sein de laquelle interviennent le CNR Listeria, le Département des Urgences Sanitaires de la Direction Générale
33 Synthèse bibliographique – Chapitre 1 de la Santé (DGS), la Mission des Urgences Sanitaires de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAl), la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence, et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). La coordination de ces institutions permet alors la mise en œuvre des mesures nécessaires (inspections d’usines, prélèvements tout au long de la chaîne alimentaire, retrait ou rappel de lots contaminés, etc.) (InVS, 2015a).
D’après le rapport de Goulet et al. (2012) et les dernières données épidémiologiques de l’InVS (2015a), l’incidence annuelle de la listériose en France est relativement stable depuis 2007 : 5 cas par million d’habitants (Figure 1), soit environ 300 cas chaque année dont plus d’une cinquantaine de décès. Depuis 2013, une augmentation modérée de l’incidence par rapport aux incidences annuelles observées entre 1999 et 2012 est constatée (InVS, 2015a). L’incidence a tendance à augmenter avec l’âge de la population, principalement à partir de 60 ans (Goulet et al. , 2012 ; Rocourt, 1996). Reflet des habitudes de consommation de produits prêts à la consommation, il a été remarqué que les pays industrialisés sont les principaux pays concernés par la listériose dans le monde (Rocourt, 1996).
Figure 1 : Incidence annuelle de la listériose par million d’habitants en France de 1999 à 2014 (InVS, 2015a).
Compte tenu des progrès thérapeutiques et de l’allongement de l’espérance de vie, le nombre de personnes vivant avec des défenses immunitaires affaiblies risque d’augmenter notablement dans les prochaines décennies. Pour éviter une remontée de l’incidence de la listériose, voire inverser la tendance, il est donc important non seulement de maintenir et renforcer la maîtrise
34 Synthèse bibliographique – Chapitre 1 de ce pathogène dans la chaîne alimentaire mais également de promouvoir auprès des personnes les plus vulnérables les recommandations hygiéno-diététiques diffusées par le ministère chargé de la Santé (Goulet et al. , 2012).
35
Synthèse bibliographique – Chapitre 2
CHAPITRE 2 : Présence de Listeria monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaires
1. Formation de biofilms sur les surfaces
1.1. Définition
Les micro-organismes ont la capacité d’adhérer sur les surfaces biotiques et abiotiques et de s’y multiplier. S’ils ne sont pas éliminés et que les conditions sont propices, ces cellules peuvent alors former un biofilm.
Plusieurs définitions du terme « biofilm » existent dans la littérature. Dans le cadre des travaux présentés dans ce manuscrit, la définition retenue est celle de Characklis (1989) selon laquelle un biofilm est considéré comme une communauté de micro-organismes adhérents à une surface, parfois incluse dans une matrice de polymères extracellulaires organiques d’origine microbienne.
1.2. Processus de formation de biofilms
La formation d’un biofilm est un processus naturel et dynamique qui suit différentes étapes (Carpentier et Cerf, 1993 ; Donlan, 2002 ; Jefferson, 2004) (Figure 2) : - le conditionnement de la surface, - le transport des bactéries vers la surface, - l’adhésion des bactéries, - la maturation du biofilm avec éventuellement la formation de micro-colonies voire d’un biofilm de plusieurs couches piégées dans une matrice de polymères extracellulaires, - le détachement des cellules.
37 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Figure 2 : Schématisation de la formation d’un biofilm bactérien (Bryers et Ratner, 2004).
1.2.1. Le conditionnement de la surface
Dès lors qu’une surface est en contact avec un milieu aqueux ou une denrée alimentaire, des ions et des macromolécules vont spontanément s’y adsorber. C’est la formation du film conditionnant qui entraîne la modification des propriétés physico-chimiques du support (caractère hydrophile ou hydrophobe, rugosité, etc.). L’encrassement de la surface par la matière organique constitue une source de nutriments favorisant la chimiotaxie et la croissance des bactéries sur la surface.
1.2.2. Le transport des bactéries vers la surface
Tout comme les souillures, les micro-organismes sont en contact permanent avec les surfaces. Dans les ateliers agro-alimentaires, les cellules peuvent se déposer sur les surfaces lors d’un événement de contamination ou par un processus continu, autrement dit par l’apport permanent par la matière première contaminée (Verran et Whitehead, 2006).
L’approche des bactéries vers la surface peut être active ou passive. Le transport actif se fait grâce à la mobilité bactérienne alors que le transport passif dépend du milieu aqueux environnant (viscosité, écoulement des fluides, etc.).
38 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
1.2.3. L’adhésion des cellules au support
L’adhésion des cellules à un support fait intervenir les forces de Van der Waals, les forces électrostatiques, les interactions acido-basiques mais aussi des interactions spécifiques entre le support et les cellules grâce aux pili , aux adhésines ou aux exopolysaccharides (Carpentier et Cerf, 1993 ; Marshall et al. , 1971).
L. monocytogenes est capable d’adhérer à de nombreux supports présents dans les ateliers agro- alimentaires dont l’acier inoxydable, le polyuréthane, le marbre et le silicone qui ne sont que quelques exemples (Beresford et al. , 2001 ; Pereira da Silva et Pereira De Martinis, 2013 ; Silva et al. , 2008 ; Verran et al. , 2008). Sur une même surface, les forces d’adhésion de L. monocytogenes sont plus importantes que celles d’autres bactéries dont Staphylococcus sciuri , Pseudomonas putida ou Comamonas sp. (Midelet et Carpentier, 2002). Ceci peut contribuer à expliquer les difficultés rencontrées dans les environnements agro-alimentaires pour éliminer cette bactérie pathogène.
1.2.4. La maturation du biofilm
Après l’adhésion, si les conditions propices à la croissance bactérienne sont réunies, les cellules liées à la surface peuvent se développer et former des micro-colonies. Dans certains cas, les micro-organismes continuent à se multiplier jusqu’à former une structure tridimensionnelle constituée de plusieurs couches cellulaires (Guilbaud et al. , 2015). L’augmentation de la masse microbienne et le développement de l’architecture du biofilm sont accompagnés par la production d’une matrice extracellulaire adhésive et protectrice, y compris chez L. monocytogenes (Borucki et al. , 2003 ; Colagiorgi et al. , 2016).
La composition de cette matrice est fonction du milieu dans lequel se développe le biofilm et du patrimoine génétique des micro-organismes qui le constituent. La matrice extracellulaire est majoritairement constituée d’eau mais elle contient également des nutriments, des métabolites, des produits de la lyse cellulaire et des exopolymères. Ces derniers, également appelés EPS, regroupent entre autres des polysaccharides extracellulaires (exopolysaccharides) qui sont des acides téichoïques chez L. monocytogenes (Brauge et al. , 2015), des protéines et des acides nucléiques (Colagiorgi et al. , 2016 ; Combrouse et al. , 2013 ; Guilbaud et al. , 2015).
39 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
1.2.5. Le détachement et la propagation des bactéries
Un biofilm est un système dynamique qui résulte de l’équilibre entre l’adhésion des cellules et leur détachement et dont la périodicité varie d’une souche à l’autre (Folsom et al. , 2006). Les cellules se détachent et sont transférées vers d’autres surfaces qu’elles peuvent alors coloniser.
Lorsque la dispersion est provoquée par les forces que le milieu environnant exerce sur le biofilm (forces mécaniques ou forces chimiques lors des opérations d’hygiène par exemple), elle est qualifiée de passive. Cependant, la dispersion des cellules peut également être considérée comme active. Dans ce cas, elle est initiée par les cellules selon un processus hautement régulé, notamment via le quorum sensing (Solano et al. , 2014). La dispersion est en effet un phénomène important dans la colonisation d’environnements et donc pour la survie de l’espèce (Solano et al. , 2014 ; Wood et al. , 2011).
1.3. Les facteurs impliqués dans la formation de biofilms
La formation des biofilms est impactée par des facteurs intrinsèques relatifs aux propriétés cellulaires, mais est aussi sous l’influence de facteurs extrinsèques relatifs à l’environnement dans lequel se développent les cellules.
1.3.1. Les facteurs intrinsèques
• La souche bactérienne
Les souches de L. monocytogenes diffèrent dans leur capacité à adhérer aux surfaces et à former des biofilms. Mais les données de la littérature restent actuellement très contradictoires quant à une éventuelle relation entre le sérotype et la capacité à adhérer. Selon Norwood et Gilmour (1999) et Lundén et al. (2000), les souches de L. monocytogenes du sérotype 1/2c adhérent en plus grande quantité que celles des sérotypes 4b, 1/2a et 1/2b. Mais pour Borucki et al. (2003) et Djordjevic et al. (2002), la corrélation se fait plutôt au niveau de la lignée des souches, celles de la lignée II (regroupant les sérotypes 1/2a et 1/2c) formant moins de biofilms que celles de la lignée I (regroupant les sérotypes 1/2b et 4b). Récemment, ce résultat a été contredit par Combrouse et al. (2013). De plus, les études de Kalmokoff et al. (2001) et de Folsom et al. (2006) renforcent l’hypothèse qu’il n’y a pas de corrélation évidente entre la quantité de cellules adhérentes à la surface et le sérotype, ni l’origine de la souche. Enfin, aucune corrélation n’a été trouvée entre l’architecture des biofilms et l’origine des souches (Guilbaud et al. , 2015).
40 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
La difficulté à établir nettement une relation entre les caractéristiques d’une souche et sa capacité à se développer sous forme de biofilms est probablement due aux multiples approches utilisées pour répondre à cette problématique. En effet, l’interprétation des résultats de quantification des biofilms est dépendante des conditions de croissance (milieu de culture, température, etc.), de la viabilité des cellules et des méthodes de préparation et de détection des biofilms (Combrouse et al. , 2013).
• La surface des cellules
D’après Donlan (2002), l’hydrophobicité de la surface cellulaire, la présence de flagelles et de pili ainsi que la production d’exopolysaccharides influencent la vitesse et le degré d’attachement des cellules. Les flagelles participent à la formation des biofilms de L. monocytogenes , jouant un rôle important dans l’adhésion initiale des cellules sur la surface et la formation du biofilm (Lemon et al. , 2007). Plus récemment, il a été montré que l’absence de flagelles n’empêchait pas la formation de biofilms. Il en résulte cependant des biofilms à l’architecture désordonnée suggérant que les flagelles interviennent dans l’adhésion des cellules à la surface mais également dans l’architecture des biofilms (Guilbaud et al. , 2015).
• Le quorum sensing
Le quorum sensing consiste en la sécrétion de signaux dont les concentrations sont dépendantes de la densité cellulaire, de la détection de ces signaux moléculaires par les cellules et enfin de la coordination de l’expression des gènes en réponse à ces signaux : l’objectif étant de moduler les activités collectives de la population pour répondre à des conditions environnementales données (Jayaraman et Wood, 2008). Le rôle du quorum sensing dans la formation de biofilms chez de nombreuses espèces bactériennes n’est plus à démontrer (Annous et al. , 2009 ; Davies et al. , 1998). Les systèmes de communication cellule-cellule font intervenir des molécules extracellulaires appelées « autoinducteurs ». La production de l’autoinducteur 2 et les voies de signalisation médiées par des peptides, dont le système agr , font partie de ces systèmes de communication au sein d’une population bactérienne à Gram positif.
Peu d’éléments sont connus concernant le lien entre le quorum sensing et la formation des biofilms chez L. monocytogenes (Gandhi et Chikindas, 2007). Cependant, L. monocytogenes possède un système de régulation agr comportant quatre gènes ( agrA , agrB , agrC et agrD ) regroupés dans l’opéron agr . Rieu et al. (2007) ont montré que l’adhésion des cellules et la formation des biofilms étaient perturbées après la délétion des gènes agrA et agrD .
41 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
1.3.2. Les facteurs extrinsèques
• La présence de matières organiques et inorganiques et la composition du milieu environnant
Outre les micro-organismes, la matière organique et les résidus inorganiques peuvent également se fixer aux surfaces ; ceci correspond à la formation d’un film conditionnant dont l’influence sur l’adhésion des cellules est plutôt controversée.
Il semblerait que la distribution des souillures sur une surface et leur effet sur l’adhésion et la répartition spatiale des cellules soient relatifs au type de souillure (Whitehead et al. , 2010). Certaines, comme le jus de poisson et le lactose, favorisent plus que d’autres (exsudat de viande, cholestérol et souillure fromagère par exemple) la rétention de cellules sur les surfaces (Whitehead et al. , 2010). Les souillures alimentaires peuvent réduire jusqu’à dix fois l’adhésion de cellules de L. monocytogenes sur l’acier inoxydable (Bernbom et al. , 2009 ; Chasseignaux et al. , 2002). L’albumine de sérum bovin est moins favorable à l’adhésion de L. monocytogenes sur les surfaces en silice que les protéines de lait (Al-Makhlafi et al. , 1994). Barnes et al. (1999) ont, quant à eux, démontré que la présence de lait écrémé ou de protéines de lait (caséine et lactalbumine) sur des surfaces en acier inoxydable engendre une réduction du nombre de cellules adhérentes de plusieurs micro-organismes dont L. monocytogenes . De plus, une souillure n’a pas toujours le même effet sur tous les micro-organismes (Hood et Zottola, 1997), rendant l’impact de cette souillure sur l’adhésion microbienne difficile à établir et à généraliser.
D’après des études réalisées en laboratoire, il s’avère que la composition du milieu et la disponibilité des nutriments ont également un impact sur la capacité des micro-organismes à adhérer à l’acier inoxydable (Folsom et al. , 2006 ; Hood et Zottola, 1997). Quant à Lacoste- Armynot et al. (1995), ils ont montré que la quantité de cellules adhérentes sur le téflon est nettement supérieure en présence de milieux synthétiques (milieu « biofilm-glucose » et milieu Whelshimer modifié) qu’en présence de souillures alimentaires (suspensions de lait, de jambon ou de carotte). La concentration en sel du milieu joue également un rôle sur l’adhésion des cellules qui sont plus adhérentes dans un milieu contenant 9,5% de NaCl que dans un milieu n’en contenant que 0,5% (Belessi et al. , 2011). Ceci indique que le taux d’attachement augmente avec la force ionique du milieu. De plus, la présence de trypsine, une endoprotéase, dans le milieu de culture testé par Smoot et Pierson (1998), engendre une réduction de 99,9% de la population microbienne adhérente sur les surfaces en acier inoxydable ou en caoutchouc
42 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Buna-N. Ceci renforce l’hypothèse que les protéines présentes dans le milieu jouent un rôle dans le processus d’attachement de L. monocytogenes sur les surfaces.
Enfin, le milieu dans lequel se développe les cellules adhérentes impacte la composition et la quantité de substances polymériques extracellulaires produites, et donc l’adhésion des populations de L. monocytogenes (Else et al. , 2003 ; Lacoste-Armynot et al. , 1995).
• Les paramètres physiques de l’environnement : la température, le pH et le taux d’humidité
L’influence du milieu environnant sur l’adhésion des cellules et la formation de biofilms n’est plus à démontrer (Carpentier et Cerf, 1993 ; Donlan, 2002).
La température est aussi un des paramètres qui peut influencer l’adhésion des cellules de L. monocytogenes aux surfaces. Belessi et al. (2011) ont observé une plus grande quantité de cellules adhérentes sur les surfaces en acier inoxydable à 20°C qu’à 5°C, et ce probablement du fait d’une meilleure croissance et d’une augmentation de la production de flagelles favorisant la colonisation des surfaces. D’après Smoot et Pierson (1998), il s’avère que les cellules adhérentes sur des surfaces en acier inoxydable ou en caoutchouc Buna-N sont plus nombreuses quand la température augmente de 10°C à 45°C.
Tout comme la température, le pH peut également impacter significativement la quantité de cellules sessiles. En faisant varier le pH du milieu de culture de 4 à 9, Smoot et Pierson (1998) ont démontré que la quantité de cellules adhérentes de L. monocytogenes était plus faible dans les conditions alcalines.
De plus, d’après Else et al. (2003), la diminution du pourcentage d’humidité relative (% HR) entrave la formation des biofilms de L. monocytogenes sur des surfaces en nickel, en acier inoxydable et en titane.
• Les interactions entre les micro-organismes
Dans les industries agro-alimentaires, les biofilms sont généralement composés de plusieurs genres bactériens favorisant les interactions entre les micro-organismes (Burmølle et
43 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 al. , 2014). La croissance de L. monocytogenes et son adhésion sur les surfaces peuvent être favorisées ou, au contraire, diminuées par la présence d’autres bactéries (Alavi et Hansen, 2013 ; Carpentier et Chassaing, 2004). Guðbjörnsdóttir et al. (2005) ont mis en évidence que la colonisation des surfaces en acier inoxydable par L. monocytogenes est favorisée par la présence de souches de plusieurs espèces de Pseudomonas . En revanche, la souche de Staphylococcus sciuri utilisée dans l’étude de Leriche et Carpentier (2000) réduit l’adhésion de L. monocytogenes et ce, probablement à cause d’une compétition pour les nutriments et des propriétés anti-adhésives de S. sciuri .
1.4. Les propriétés particulières des cellules adhérentes
Les cellules sessiles ont une meilleure résistance aux opérations de nettoyage & désinfection (N&D) que les cellules planctoniques (Cruz et Fletcher, 2012 ; Kim et al. , 2007 ; Nakamura et al. , 2013 ; Ronner et Wong, 1993). Eginton et al. (1998) précisent que les bactéries formant des biofilms sont moins sensibles aux biocides que les cellules planctoniques mais que leur attachement aux surfaces est tout de même affaibli par ces traitements. Cette différence de résistance aux opérations d’hygiène est probablement expliquée par la présence de la matrice extracellulaire qui protège les cellules vis-à-vis des stress. D’après Pan et al. (2006), la résistance aux traitements chimiques des cellules formant des biofilms est liée à la présence de substances polymères extracellulaires plutôt qu’aux propriétés intrinsèques des cellules. De plus, il a aussi été montré que la présence de ces composés extracellulaires a un effet protecteur des cellules vis-à-vis du séchage (Hingston et al. , 2013 ; Nocker et al. , 2012).
2. Moyens de lutte contre l’implantation de biofilms dans les ateliers agro- alimentaires
Les industries agro-alimentaires sont des environnements propices au développement des biofilms et ce, quels que soient les produits alimentaires qui y sont fabriqués (Srey et al. , 2013). Les biofilms dits positifs, c’est-à-dire les biofilms d’intérêt biotechnologique ainsi que ceux qui sont bénéfiques pour leur environnement, sont à préserver. A contrario , il est indispensable de lutter contre le développement des biofilms dits négatifs. En effet, le risque de contamination de produits alimentaires engendrée par le détachement de bactéries des surfaces est un problème de santé publique évident, d’où l’intérêt croissant porté à la lutte contre l’installation de populations sessiles dans les environnements agro-alimentaires. La réglementation européenne (Paquet Hygiène, les normes ISO 22000) recommande d’adopter
44 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 de bonnes pratiques d’hygiène dont fait partie l’application rigoureuse d’opérations de N&D (CE, 2005 ; Garry, 2011).
2.1. Les procédures de nettoyage & désinfection
Des opérations d’hygiène sont réalisées au moins quotidiennement dans les ateliers agro- alimentaires après la production, soit en interne soit en sous-traitance, par des personnels obligatoirement formés pour cette mission. Une opération de N&D se déroule en plusieurs étapes successives (Beauclair et al. , 2011) : - le rangement de l’atelier et la protection des appareils fragiles, - le pré-nettoyage pour éliminer les plus gros résidus alimentaires faiblement accrochés aux surfaces, - le nettoyage dont l’objectif est d’éliminer les souillures plus difficiles à décrocher, - le rinçage intermédiaire visant à évacuer les souillures décrochées par les produits détergents, - la désinfection dans le but d’éliminer les micro-organismes, - le rinçage final pour enlever les produits désinfectants (étape obligatoire pour les surfaces en contact avec les produits alimentaires), - le séchage.
Dans certains cas, les étapes de nettoyage et de désinfection peuvent être combinées et ont lieu simultanément sans rinçage intermédiaire. L’intérêt du gain de temps engendré et de la réduction des coûts est souvent minimisé par le fait que la désinfection est souvent moins efficace lors de cette combinaison.
Les surfaces ouvertes sont généralement accessibles aux interventions humaines, notamment pour l’application des actions mécaniques lors du nettoyage. Quant aux surfaces fermées qui ne sont pas accessibles, elles doivent subir une procédure dite de nettoyage en place (NEP). Sans être démontés, les tuyaux, les vannes, les pompes et les cuves sont nettoyés et désinfectés par circulation d’eau et de différents produits de N&D selon des cycles déterminés. L’action mécanique est dans ce cas exercée par les forces de cisaillement dues aux mouvements des liquides (Amgar et al. , 1998). Les petits équipements (couteaux, planches à découper, etc.) peuvent, quant à eux, être nettoyés et désinfectés par trempage. Tout comme pour le NEP, cette méthode d’application des produits de N&D assure le recouvrement complet des surfaces par immersion (Holah et al. , 2002).
45 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
2.1.1. Le nettoyage
Selon la norme NF EN ISO 862 (Anonyme, 1995), le nettoyage, également appelé détergence, est l’étape qui consiste à détacher les salissures de leur substrat pour les mettre en solution et permettre leur dispersion.
Afin de rendre les surfaces visuellement propres, cette étape fait intervenir des procédés mécaniques et/ou chimiques : racler les grosses salissures, humidifier les surfaces pour ramollir les souillures, brosser les surfaces, décoller les souillures avec des jets (basse, moyenne ou haute pression) et appliquer un ou plusieurs détergents. La réalisation minutieuse du nettoyage a pour principal objectif de renforcer l’action du désinfectant qui est appliqué dans un second temps en lui permettant de pénétrer plus facilement jusqu’aux micro-organismes pour exercer son effet (Li et al. , 2014b). Jessen et Lammert (2003) soulignent la nécessité des actions mécaniques en couplage aux actions chimiques : frotter pendant le nettoyage est plus efficace que de ne pas frotter puis de compenser en prolongeant l’étape de désinfection.
Les détergents sont les produits utilisés pour le nettoyage. Ils contiennent des agents tensioactifs destinés à favoriser l’élimination par l’eau de souillures non solubles dans l’eau pure. Le détergent idéal devrait réunir les caractéristiques suivantes (Jaudon et al. , 2000) : - propriété de mouillage des surfaces et des souillures : les agents tensioactifs entrent en contact avec les souillures et les décollent en supprimant les forces d’adhésion qui les retiennent au support, - propriété de dispersion des particules dans l’eau en les maintenant en suspension pour éviter la floculation, - propriété émulsifiante : les souillures grasses insolubles dans l’eau sont éliminées par la création d’une émulsion avec l’eau et la solution de nettoyage, - propriété de rinçage et de drainage, - pouvoir corrosif réduit, - dangerosité limitée voire nulle pour les manipulateurs.
Or, aucun détergent ne possède toutes ces propriétés. Pour s’assurer d’un nettoyage optimal, il faut donc choisir efficacement le produit détergent parmi la grande variété de produits existants notamment en tenant compte de la nature des souillures présentes dans les ateliers (Jaudon et al., 2000 ; Leveau et Bouix, 1999) (Tableau 3).
• Les détergents alcalins et alcalins chlorés
46 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Un détergent alcalin est un produit dont le pH, à la dilution d’emploi, est supérieur ou égal à 8,2 (Amgar et al. , 1998). Les substances les plus utilisées sont des bases telles que la soude, la potasse caustique et les alcanolamines, et des sels minéraux alcalins comme les carbonates, les silicates, les phosphates alcalins et les polyphosphates. Ces produits sont actifs sur les souillures organiques en permettant l’émulsification des matières grasses et la solubilisation des protéines en les hydrolysant. Les alcalins chlorés permettent en plus l’élimination des matières colorées comme les tanins ou le sang séché.
• Les détergents acides
L’utilisation de ces produits est à privilégier lorsque les souillures sont majoritairement minérales (tartres, galatithe, etc.). Dans la pratique, les principaux acides utilisés sont les acides phosphorique, nitrique, citrique, lactique, hydroxyacétique et sulfamique. Sachant que le dépôt de tartre inclut généralement de la matière organique, il est nécessaire d’ajouter dans la formulation du détergent acide d’autres composés pour éliminer la totalité de la souillure. Par contre, les détergents acides ont l’inconvénient d’être corrosifs pour les surfaces métalliques.
• Les détergents neutres
Les détergents neutres sont une famille de produits composés essentiellement d’agents tensioactifs et d’agents anti-précipitants. L’objectif principal de leur utilisation est de renforcer l’action des détergents alcalins et acides.
Les agents tensioactifs peuvent être classés en quatre catégories : - les tensioactifs anioniques (le plus souvent sous forme de sulfates ou de sulfonates) qui produisent une grande quantité de mousse, - les tensioactifs non ioniques qui bénéficient d’une grande stabilité en eau dure pour une large gamme de pH, - les tensioactifs cationiques (essentiellement de la famille des ammoniums quaternaires) qui sont de moins bons détergents mais qui ont une activité bactéricide, - les tensioactifs amphotères qui aident à prévenir les dépôts de matière minérale et présentent des propriétés antibactériennes.
Des agents anti-précipitants sont ajoutés aux produits de nettoyage pour prévenir la précipitation des sels présents dans l’eau et donc la formation de tartre. Ces substances sont réparties en deux classes :
47 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
- les dispersants, composés inorganiques, qui sont de bons émulsifiants, dissolvants ou dispersants y compris à faible concentration, - les séquestrants, également appelés chélatants, qui sont des composés organiques dont l’éthylène diamine tétra-acétate (EDTA) est un exemple bien connu.
• Les détergents enzymatiques
En complément des détergents chimiques, des détergents enzymatiques sont disponibles sur le marché. Leur efficacité est comparable à celle des détergents chimiques. Les détergents enzymatiques augmentent l’efficacité de la désinfection en permettant un meilleur accès des désinfectants aux cibles bactériennes enveloppées dans les biofilms et participent également au décollement des germes des surfaces. Pour faire face à la nature complexe des souillures, les produits enzymatiques sont généralement composés d’un cocktail d’enzymes (lipases, protéases, etc.) (Simões et al. , 2010). Actifs à faible dose et à pH neutre, ces produits ne sont pas corrosifs et présentent un impact environnemental réduit de par leur biodégradabilité. En revanche, ils sont plus coûteux que les détergents conventionnels et se conservent moins longtemps. Il faut également préciser que les enzymes ne sont pas efficaces sur les souillures minérales et colorées.
48 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Tableau 3 : Propriétés principales, avantages et inconvénients des principales catégories de produits détergents
Produits détergents Propriétés principales Avantages Inconvénients Détergents alcalins Emulsification des matières grasses Stables, résistants aux températures Corrosifs sur les matériaux légers et alcalins chlorés Solubilisation des protéines Insensibles aux eaux dures (aluminium et alliages) Elimination des matières colorées Facilement rinçables Détergents acides Dissolution des souillures minérales Corrosifs sur les surfaces métalliques (pouvoir détartrant et désincrustant) A coupler avec d’autres détergents pour éliminer la totalité des souillures Détergents neutres Renforcement de l’action des détergents Tensio-actifs acides et alcalins Anti-précipitants Produits Amélioration de la destruction des Actifs à faible dose Coûts plus élevés que les détergents enzymatiques biofilms lors du nettoyage par une action Non corrosifs conventionnels positive des enzymes sur le décollement Respect strict de la température, du pH des germes adhérents Diminution du colmatage et de l’engorgement des siphons et canalisations et du temps d’application Amélioration du processus de purification Peu efficaces sur les souillures sèches, des affluents cuites et très adhérentes Biodégradabilité totale Aucune efficacité sur les souillures minérales
49 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
2.1.2. La désinfection
Selon la norme EN T72-101 (Anonyme, 1981), la désinfection est une opération permettant d'éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d'inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes (sols et autres surfaces) contaminés en fonction des objectifs fixés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents au moment de l’application des produits désinfectants qui contiennent au moins un principe actif doté de propriétés antimicrobiennes. Les composés désinfectants ne tuent pas forcément les cellules mais participent a minima à leur décrochement des surfaces.
Les critères fondamentaux d’un bon désinfectant sont (Jaudon et al. , 2000 ; Simões et al. , 2010) : - un large spectre d’activité, - une utilisation à faible concentration, - une action durable, - un rinçage facile pour ne laisser aucun résidu toxique sur les surfaces, - une dangerosité limitée voire nulle pour les manipulateurs.
Tout comme les détergents, la gamme de produits désinfectants est très variée. Les principaux produits de désinfection utilisables dans les industries agro-alimentaires sont décrits ci-après (Amgar et al. , 1998 ; Jaudon et al. , 2000 ; Leveau et Bouix, 1999 ; McDonnell et Russell, 1999) (Tableau 4).
• Les halogènes : produits chlorés et produits iodés
La famille des désinfectants halogènes regroupe des produits chlorés et des produits iodés.
Parmi les produits chlorés, l’hypochlorite de sodium, plus communément appelé eau de Javel, est le plus connu. Les produits chlorés agissent aussi bien sur les micro-organismes par l’oxydation des structures protéiques de la membrane cellulaire, que sur les spores en agissant sur leur tunique. Ces produits ont donc un large spectre d’activité, sont actifs rapidement et ont également l’avantage d’être peu coûteux. En revanche, ce sont des produits corrosifs à dose élevée et en milieu acide. En outre, ils sont très instables à la chaleur et à la lumière. Les émanations gazeuses dégagées lors de leur utilisation sont dangereuses pour les muqueuses respiratoires des manipulateurs.
50 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Les produits iodés présentent un large spectre d’activité, et ce à faible dose, en agissant par oxydation sur les protéines enzymatiques et structurales. Malgré leur faible toxicité, leur utilisation est actuellement très limitée en France. De nombreux inconvénients liés à leur usage sont répertoriés comme le coût élevé, l’instabilité à la chaleur, la corrosion des matériaux, le rinçage difficile et la coloration jaunâtre des surfaces.
• Les ammoniums quaternaires
Stables et non-corrosifs à pH neutre, ces molécules cationiques agissent en perturbant la perméabilité de la paroi cellulaire et interagissent également avec des cibles intracellulaires dont l’ADN (Gerba, 2015). Les composés d’ammoniums quaternaires (QAC) sont particulièrement utilisés pour la détergence et la désinfection des surfaces ouvertes du fait de leur aptitude à mousser. En revanche, ils présentent plusieurs inconvénients dont un coût plus élevé que les produits chlorés, une activité sporicide et une activité virucide très faibles et des difficultés pour les rincer. De plus, de nombreuses souches tolérantes à cette famille de produits ont été isolées dans les ateliers agro-alimentaires (Aase et al. , 2000 ; Lundén et al. , 2003a ; Mereghetti et al. , 2000).
• Les oxydes et peroxydes
Ce sont des molécules oxydantes dont le représentant majeur est l'acide peracétique. Leur action est similaire à celle des produits halogénés, ce qui leur confère un large spectre d’activité à faible concentration. Le mécanisme d’action de l’acide peracétique repose sur la perturbation des réactions vitales intracellulaires et membranaires par la rupture des liaisons intramoléculaires des enzymes et des composants membranaires. L’acide peracétique, obtenu par la combinaison d’acide acétique et de peroxyde d’hydrogène (H 2O2), se décompose en acide acétique et en oxygène ; son impact environnemental est donc réduit. Ce composé présente l’avantage d’être compatible avec de nombreux matériaux.
• Les aldéhydes
Parmi les aldéhydes, un des produits les plus connus est le formaldéhyde (monoaldéhyde) qui est de moins en moins utilisé dans les industries car il est cancérigène. Le glutaraldéhyde (dialdéhyde) également utilisé présente l’intérêt d’être beaucoup moins toxique et de ne pas être un agent chimique agressif vis-à-vis des matériaux couramment utilisés dans les ateliers. Le pouvoir désinfectant de ces composés est dû à leur réaction avec les protéines pariétales qui
51 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 provoque l’imperméabilisation de la paroi. Le large spectre d’action (bactéricide, sporicide, fongicide et virucide) peut être renforcé par l’association avec un ammonium quaternaire.
• Les alcools
Les alcools, dont l’éthanol et l’isopropanol sont les principaux représentants, sont des désinfectants bactéricides utilisés sur les plans de travail. Les solutions alcooliques agissent sur les bactéries en dénaturant leurs protéines et en solubilisant les lipides. Un avantage est qu’elles sont auto-séchantes et permettent donc de garder les surfaces sèches. Leurs inconvénients résident dans le fait qu’il s’agit de produits inflammables dont le coût est élevé.
52 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Tableau 4 : Avantages, inconvénients et spectre d’action des principales catégories de produits désinfectants
Produits désinfectants Avantages Inconvénients Spectre d’action
Produits Produits Action rapide Inactivés en présence de matières organiques Bactéricides halogénés chlorés Peu ou non moussants Solutions instables à chaud et à la lumière Virucides Peu coûteux Corrosifs à dose élevée et en milieux acides Activité sporicide discutée Rinçage facultatif Polluants (production de produits dérivés) Activité fongicide peu marquée Faible toxicité Production d’émanations gazeuses irritantes Faible mouillance Produits Actifs à faible dose et à basse Sensibles à la présence de matières organiques Bactéricides iodés température Coûteux Fongicides Faible toxicité Instabilité à la chaleur Peu efficaces sur les spores et Corrosifs les virus Rinçage difficile, laissant une coloration jaunâtre sur les surfaces Ammoniums Action détergente et désinfectante Action lente et inhibée par les matières organiques Bactéricides quaternaires Peu toxiques Plus coûteux que les produits chlorés Fongicides Peu coûteux Très moussant, rinçage difficile Peu efficaces sur les spores et Stables (pH, température) Adaptation de L. monocytogenes les virus Non corrosifs à pH neutre
53 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Tableau 4 : Avantages, inconvénients et spectre d’action des principales catégories de produits désinfectants (suite)
Produits désinfectants Avantages Inconvénients Spectre d’action
Oxydes et peroxydes Actifs à faible dose et à basse Sensibles à la présence de matières organiques Bactéricides (acide peracétique température Vapeurs irritantes Sporicides principalement) Action rapide Conductivité insuffisante pour suivre et réguler la Fongicides Non moussants, bonne rinçabilité concentration de manière automatique en circuit Virucides Peu coûteux fermé Impact environnemental réduit Compatibles avec de nombreux matériaux Aldéhydes Insensibles à la présence de matières Action lente Bactéricides organiques Précipitation des protéines Sporicides Peu coûteux Odeur piquante Fongicides Non corrosifs Toxiques et allergisants Virucides Bonne rinçabilité Polluants Alcools Action rapide Précipitation des protéines Activité bactéricide modeste Peu toxiques Coûteux Non sporicides Non corrosifs Inflammables Activité fongicide négligeable Solutions auto-séchantes Toxiques et allergisants Polluants
54 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
2.2. Les méthodes alternatives
Dans une politique de développement durable et notamment au regard des préoccupations liées au respect de l’environnement, il est nécessaire de trouver des alternatives aux procédures de N&D actuelles en vue de réduire leur impact environnemental tout en préservant leur efficacité. Il s’agit notamment de mettre en place des solutions pour minimiser la consommation d’eau (Esnouf et al. , 2011 ; Ölmez et Kretzschmar, 2009) et pour réduire l’utilisation de produits chimiques.
Un des objectifs à atteindre est de réduire le recours aux produits chlorés. En effet, la formation de produits dérivés halogénés toxiques tels que les trihalométhanes a été constatée lorsque le chlore réagit avec la matière organique présente dans le milieu environnant (Hua et Reckhow, 2007). De plus, l’utilisation des produits comme les aldéhydes, les QAC et les composés chlorés n’est pas sans effet sur la santé humaine, certains opérateurs pouvant être sujets à des dermatoses et/ou des allergies (Crepy, 2001).
De nouvelles stratégies, dont certaines ont déjà des applications concrètes dans les environnements agro-alimentaires (Tableau 5), ont donc été envisagées pour réduire l’utilisation de produits chimiques tout en assurant la maîtrise de l’implantation des pathogènes sur les surfaces (Bridier et al. , 2015 ; Cappitelli et al. , 2014 ; Christieans, 2015 ; Fong et al. , 2004 ; Jayaraman et Wood, 2008 ; Simões et al. , 2010) : - utilisation de biocides générés sur site (l’eau ozonée et la vapeur sèche par exemple), - application de bactériophages, de molécules antagonistes du quorum sensing ou de composés antimicrobiens d’origine microbienne comme la nisine, - implantation de biofilms protecteurs, - utilisation de procédés physiques dont les ultra-violets (UV).
Certaines de ces techniques souvent prometteuses nécessitent encore des étapes de validation. Elles restent actuellement peu utilisées du fait du coût d’investissement parfois élevé, d’une réglementation encore floue et du manque de recul (Christieans, 2015 ; Fong et al. , 2004).
55 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Tableau 5 : Méthodes alternatives à l’utilisation de produits conventionnels de N&D ayant des applications concrètes actuellement dans les ateliers agro-alimentaires
Méthodes Spectre Utilisations principales Propriétés/Actions Avantages Inconvénients alternatives d’action Eau Désinfection des Détergence (eau alcaline) Action rapide (15 secondes) Eau acide corrosive Bactéricide électrolysée aliments, des ustensiles Désinfection (eau acide) Pas de résidus toxiques sur les Précautions à prendre du fait des Fongicide et des surfaces Désodorisation surfaces émanations de chlore gazeux dans Sporicide Lavage des mains les chambres d’électrolyse (notamment des produits Inoffensive pour les manipulateurs Virucide de la mer) Economique Dissipation rapide de l’activité antimicrobienne Production en abondance rapide et facile Génération sur site Ozone, eau Traitement de l’air Oxydant puissant Production en abondance rapide et Très instable (demi-vie de Bactéricide ozonée Désinfection de agissant sur les facile 30 minutes), dissipation rapide de Fongicide membranes cellulaires l’activité antimicrobienne contenants et Pas de résidus toxiques sur les Virucide d’emballages de cuisson surfaces Demande d’autorisation Parasiticide Traitement des eaux de Décomposition en oxygène sans d’utilisation nécessaire rinçage laisser de produits dérivés Sécurité des opérateurs Traitement des surfaces Efficace à faible concentration et controversée (présence humaine des équipements avec pour des périodes de contact interdite lors du fonctionnement l’eau ozonée courtes, même à faible température du procédé) Elimination des odeurs Génération sur site Vapeur sèche N&D des outils et des Propriétés dissolvantes et Volume d’eau utilisée réduit de Coût d’investissement élevé Bactéricide saturée surfaces dégraissantes 90% Désinfection chimique Fongicide (110°C, haute Propriétés désinfectantes Risque chimique limité supplémentaire nécessaire dans la pression) (choc thermique) Gain de temps de 40% (N&D en filière viande (élimination des une seule étape) protéines coagulées) Séchage des surfaces accéléré Génération sur site
56 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Tableau 5 : Méthodes alternatives à l’utilisation de produits conventionnels de N&D ayant des applications concrètes actuellement dans les ateliers agro-alimentaires (suite)
Méthodes Spectre Utilisations principales Propriétés/Actions Avantages Inconvénients alternatives d’action Photocatalyse Désinfection et Particules polluantes Plus écologique que la Coût ? Bactéricide (UV) purification de l’air adsorbées/oxydées à la fumigation Fongicide Utilisation seule ou surface du catalyseur Conception sur mesure pour tenir combinée avec la (dioxyde de titane) sous compte de l’environnement de filtration l’effet des UV chaque atelier Réduction de la consommation énergétique des installations (échangeurs thermiques plus nécessaires pour le prélèvement d’air extérieur) Génération sur site (pas de stockage) Plasma froid, Désinfection des Prive les cellules de leur Elimination des odeurs Procédé encore en cours Bactéricide gaz produits alimentaires hydrogène Action rapide et prolongée après d’expérimentation Fongicide électriquement (ex : légumes) l’arrêt de la source énergétique Coût ? Sporicide énergisé Désinfection de l’air Génération sur site (pas de Virucide stockage)
57 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
2.3. Une étape supplémentaire : le séchage des surfaces
Le séchage des surfaces permet un meilleur contrôle de la croissance bactérienne sur les surfaces. Sachant que l’eau est un élément essentiel à la croissance microbienne et à la formation de biofilms, l’étude de Fuster-Valls et al. (2008) confirme l’importance de sécher rapidement les surfaces après les étapes de fabrication et les opérations d’hygiène pour réduire 2 la prolifération des bactéries de 2 à 3,5 log 10 (cellules/cm ) sur les surfaces. Sécher les surfaces après l’opération de N&D est également fortement recommandé par Rückerl et al. (2014) pour faciliter l’éradication de L. monocytogenes . Bien connue dans le domaine de la préservation des aliments, la question de la dessiccation représente également un défi pour la désinfection des surfaces (Burgess et al. , 2016), d’autant que l’eau est omniprésente sur les surfaces dans les ateliers de production (Rückerl et al. , 2014).
En séchant les surfaces, les bactéries ayant survécu aux procédures de N&D subissent alors un stress hydrique qui provoque une mortalité cellulaire supplémentaire. Le recours aux fluctuations de l’humidité relative est un moyen efficace pour éviter l’implantation de L. monocytogenes sur les surfaces, les cellules subissant des contraintes mécaniques, structurales et oxydatives (variation du volume cellulaire, altération de la membrane plasmique, ralentissement et dysfonctionnement du métabolisme cellulaire) (Zoz et al. , 2016). Bang et al. (2014) ont également montré qu’il y avait un effet synergique du couplage du traitement chimique (dioxyde de chlore (ClO 2) à 200 μg/ml, 10 minutes) et du séchage (6 heures, 43% HR, 22°C).
Le séchage peut être mécanique par le raclage des sols et/ou utilisation de papier absorbant sur les équipements et les surfaces de travail. Les surfaces peuvent également être séchées par mise en contact avec un air sec déshumidifié grâce à un dessiccateur.
Dans certains ateliers, des procédures de nettoyage à sec sont désormais mises en place. Dans ce cas, les surfaces ne sont ni aspergées par les solutions détergentes et désinfectantes, ni rincées avec de l’eau mais les produits de N&D sont simplement pulvérisés sur les surfaces puis essuyés avec du papier absorbant.
2.4. Les paramètres influençant l’efficacité des opérations d’hygiène
Les prélèvements de surface sont indispensables pour permettre aux industriels de contrôler la contamination des équipements et des locaux afin d’évaluer et de valider les opérations d’hygiène appliquées pour l’élimination des micro-organismes (Garry, 2011). L’efficacité des
58 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 procédures de N&D s’inscrit dans la volonté affirmée de minimiser la contamination environnementale qui est la source majeure de contamination post-process des produits alimentaires (Malley et al. , 2015). L’efficacité des opérations d’hygiène est d’ailleurs un point souvent abordé dans l’application de plans Hazard Analysis Critical Control Point (HACCP) qui sont mis en place dans les ateliers pour cartographier, entre autres, les points problématiques concernés par la contamination par L. monocytogenes et donc mieux cibler les procédures de N&D (Rotariou et al. , 2014).
Dans les ateliers agro-alimentaires, les prélèvements de surface sont effectués selon la norme NF ISO 18593 (Anonyme, 2004). Plusieurs méthodes de prélèvements existent : ils peuvent être réalisés soit par frottis (écouvillonnage et chiffonnage), soit par contact avec des lames ou des boîtes gélosées (Anonyme, 2004 ; Garry, 2011). La méthode de prélèvement doit évidemment être adaptée à chaque situation de prélèvement ; à titre d’exemple, contrairement à une boîte contact, un écouvillon permet de prélever un échantillon dans une zone difficile d’accès.
2.4.1. Les pratiques
Impérativement réalisées par un personnel formé et rigoureux, les conditions d’application des produits (temps de contact, température, etc.) ont un grand impact sur le résultat (Pleitner et al. , 2014). Un moyen mnémotechnique consiste à se souvenir qu’il faut laver avec « TACT » (Amgar et al. , 1998) : - T comme « température » de l’eau : l’eau chaude optimise l’efficacité des détergents et participe à la dissolution des matières grasses, - A comme « action mécanique » : frotter, racler, brosser, etc., - C comme « concentration » des produits de N&D, - T comme « temps de contact » : la durée de l’action des produits doit être suffisamment importante.
Certains produits sont appliqués avec des canons à mousse, procédé qui a notamment pour avantage d’augmenter le temps de contact avec les surfaces (Corrégé et Cornou, 2002).
La concentration du produit et le temps d’application recommandé par le fournisseur doivent être scrupuleusement respectés. Si la concentration en principe actif est trop faible ou son temps d’application insuffisant, l’efficacité du traitement ne peut pas être garantie. De plus, exposer les cellules à des concentrations sublétales de principe actif engendre une adaptation des
59 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 cellules (Ibusquiza et al. , 2012), et donc une perte d’efficacité des opérations de N&D sur le long terme.
Pour éviter un phénomène d’accoutumance par modifications génétiques de certains micro- organismes et donc préserver l’efficacité des produits, il est recommandé d’alterner régulièrement les produits désinfectants (Jaudon et al. , 2000). Par exemple, dans les ateliers de la filière viande, le programme de N&D consiste le plus généralement en quatre jours d’utilisation d’un détergent et d’un désinfectant alcalins puis d’un jour d’utilisation d’un détergent et d’un désinfectant acides (Jessen et Lammert, 2003).
2.4.2. La conception des locaux et des équipements
La conception hygiénique des ateliers et des équipements est un autre point indispensable pour assurer des procédures de N&D efficaces (Beauclair et al. , 2011). Le nombre d’endroits inaccessibles aux produits chimiques et aux actions mécaniques dans les ateliers est à réduire impérativement car ce sont des sites potentiels pour héberger des biofilms (Carpentier, 2005a). Certaines machines ou parties de machines sont également très difficiles à nettoyer et désinfecter, d’autant qu’elles ne sont pas toujours facilement démontables ou accessibles. Le NEP peut être mis en place mais son efficacité dépend de la conception des équipements (Amgar et al. , 1998).
2.4.3. Les matériaux de surface
Il est bien connu que l’efficacité des opérations d’hygiène dépend du matériau de la surface (Garry, 1994). L’inactivation des cellules adhérentes d’ Escherichia coli par un traitement avec un produit désinfectant varie significativement selon les types de surface (verre, polyéthylène, bois et acier inoxydable) car ces derniers ont des degrés de rugosité différents (Bang et al. , 2014 ; Chasseignaux et al. , 2002). Chaque aspérité du matériau représente une niche potentielle de rétention de souillures et/ou de micro-organismes. Visuellement lisse, l’acier inoxydable a pourtant une nettoyabilité différente selon sa finition (Boyd et al. , 2001 ; Leclercq-Perlat et Lalande, 1994).
Les surfaces ont en effet des statuts hygiéniques variables. Les surfaces les plus hygiéniques sont plutôt dures, inertes et faciles à nettoyer (acier inoxydable, verre, porcelaine, etc.) alors que les surfaces plus problématiques sont généralement tendres et flexibles (plastiques, caoutchouc, etc.) (Verran et al. , 2008). De plus, Beltarme et al. (2015) ont mis en évidence qu’un matériau usé, quel que soit son statut initial, est moins hygiénique qu’un matériau neuf.
60 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Comme les sols ne sont pas en contact direct avec les aliments, certains considèrent que les matériaux qui les composent n’ont pas une importance primordiale pour obtenir la meilleure qualité microbiologique d’un produit alimentaire (Carpentier, 2005b). Seulement, la dispersion des micro-organismes sous forme d’aérosols lors de l’utilisation de jets à forte pression pour le rinçage des surfaces, dont les sols, après l’application des produits d’hygiène a bien été mise en évidence (Berrang et Frank, 2012 ; Gibson et al. , 1999). Un intérêt particulier doit donc être porté sur le choix des revêtements de sols, même si leur résistance au glissement, par l’augmentation de leur rugosité, apparaît comme difficilement compatible avec leur nettoyabilité (Carpentier, 2000).
2.4.4. Les souillures présentes sur les surfaces
Afin d’assurer une désinfection efficace, il est indispensable de porter un grand intérêt au nettoyage. Cette étape de la procédure de N&D est incontournable car la présence de matières organiques réduit très fortement l’efficacité des opérations d’hygiène (Lourenço et al. , 2009). La population de cellules de L. monocytogenes qui adhèrent sur acier inoxydable n’est pas réduite par la désinfection si celle-ci n’est pas précédée d’une phase de nettoyage des souillures (Gram et al. , 2007). De plus, l’efficacité des produits chlorés est plus affectée par la matière organique que celle d’autres produits tels que les QAC (Jaudon et al. , 2000 ; Lourenço et al. , 2009 ; Nyati et al. , 2012). Ceci est en accord avec Ruiz-Cruz et al. (2007) dont l’étude a permis de démontrer que la présence de matières organiques dans l’eau diminue significativement l’efficacité antibactérienne du chlore mais pas celle de l’acide peracétique. Enfin, le nettoyage des surfaces est clairement dépendant de la présence de souillures mais également de leur nature (Garry, 1994 ; Kuisma et al. , 2005). Il est donc important de choisir correctement le produit détergent pour optimiser l’efficacité de la phase de nettoyage.
La présence de souillures n’influence pas uniquement l’efficacité du nettoyage mais également celle de la désinfection. En effet, d’après Kim et al. (2007) ainsi que Li et al. (2014b), les bactéries sont protégées des produits désinfectants en présence de lait. D’autres auteurs ont remarqué que la présence de protéines sur les surfaces peut réduire l’efficacité des désinfectants en neutralisant les molécules actives comme le chlore et que la consommation du chlore libre augmente avec l’âge du biofilm (Leriche et Carpentier, 1995).
Enfin, la présence de souillures a également un effet protecteur sur des cellules de L. monocytogenes durant la dessiccation (Vogel et al. , 2010).
61 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
3. La persistance au sein des ateliers agro-alimentaires
3.1. La persistance de L. monocytogenes : une évidence
Malgré l’application des opérations d’hygiène et les nombreux contrôles de l’environnement de production, il a été remarqué que certaines souches de L. monocytogenes peuvent s’établir au sein des industries agro-alimentaires et y rester ainsi plusieurs mois, voire des années (Ferreira et al. , 2014 ; Tompkin, 2002).
3.1.1. Définition de la persistance et exemples de cas
En opposition aux souches dites sporadiques/présumées non persistantes/transitoires, les souches persistantes sont également appelées souches résidentes et souches permanentes (Carpentier et Cerf, 2011 ; Larsen et al. , 2014).
Une souche est considérée comme persistante lorsqu’elle est retrouvée dans plusieurs prélèvements durant un intervalle de temps donné malgré le respect des procédures de N&D (Carpentier et Cerf, 2011 ; Keto-Timonen et al. , 2007). La définition exacte d’une souche persistante varie d’une étude à l’autre. Par exemple, selon Lundén et al. (2003b), est considérée comme persistante une souche retrouvée au moins cinq fois sur une période de plus de trois mois. Leong et al. (2014) définissent qu’une souche est persistante quand elle est isolée plusieurs fois à six mois d’écart ou plus. Des auteurs considèrent qu’une souche est persistante dès lors qu’elle est isolée dans trois échantillons à des dates différentes (Latorre et al. , 2011 ; Wang et al. , 2015). La persistance de souches dans les ateliers reflète la durée du plan d’échantillonnage plutôt que le temps réel de la persistance. En réalité, les souches sont probablement présentes dans l’atelier avant et après la période des prélèvements : il se peut que la persistance soit plus longue (Holah et al. , 2002).
En outre, pour déclarer une souche comme étant persistante, il faut s’assurer qu’elle n’entre pas régulièrement dans l’atelier de production par l’intermédiaire des matières premières (Carpentier et Cerf, 2011 ; Lundén et al. , 2003b). Un véritable défi pour le contrôle des pathogènes persistants est d’ailleurs de différencier la vraie persistance de l’entrée répétée d’une souche donnée (Malley et al. , 2013).
De nombreuses études, récapitulées entre autres par Ferreira et al. (2014) et Møretrø et Langsrud (2004), ont permis de mettre en évidence la capacité de L. monocytogenes à persister dans les environnements de production de denrées alimentaires. Ces résultats ont été confirmés
62 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 par d’autres auteurs, aussi bien par les techniques multi-locus sequence typing (MLST) et pulse- field gel electrophoresis (PFGE) (Rückerl et al. , 2014) que par le séquençage du génome complet des souches (Stasiewicz et al. , 2015). Quelques exemples de cas de persistance de L. monocytogenes sont récapitulés dans le Tableau 6. Ils reflètent bien le fait que le sérotype des souches persistantes est varié, tout comme la durée de la persistance et le type de produit fabriqué dans l’atelier incriminé (Tompkin, 2002).
Tableau 6 : Cas de persistance de L. monocytogenes au sein d’ateliers agro-alimentaires (Tompkin, 2002)
Durée de Cause de Produits Pays Sérotype résidence listériose Fromage 4 ans Suisse Oui 4b Fromage persillé 7 ans Suède Non 3b Fromage de chèvre 11 mois Royaume-Uni Oui 4b Poisson fumé 14 mois Finlande Non 1/2a et 4b Crème glacée 7 ans Finlande Non 1/2 Moules fumées 3 ans Nouvelle Zélande Oui 1/2 Langue de porc en Plusieurs mois France Oui 4b gelée
3.2. Plusieurs hypothèses pour expliquer la persistance
Dans la littérature, plusieurs hypothèses coexistent actuellement pour tenter d’expliquer la persistance bactérienne.
3.2.1. Des caractères génétiques spécifiques pour persister
Une des hypothèses suggère que les bactéries persistantes sont génétiquement distinctes des souches transitoires (Autio et al. , 2003 ; Holch et al. , 2013 ; Wulff et al. , 2006). Ces caractères génétiques spécifiques leur confèreraient des propriétés particulières telles une capacité accrue à adhérer sur un support pourtant visuellement propre ou une meilleure résistance aux agents nettoyants et désinfectants.
Basées sur cette hypothèse, de nombreuses études ont consisté en la recherche de la présence ou de l’absence de gènes particuliers ou de leurs expressions spécifiques pour expliquer la
63 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 capacité à persister (Mazza et al. , 2015). D’après Autio et al. (2003) étudiant des génotypes par combinaison des résultats de typage obtenus par PFGE et amplified fragment length polymorphism (AFLP), 13 génotypes sur 15 des souches persistantes étudiées sont spécifiques aux souches persistantes et 94% des génotypes des souches sporadiques ne sont associés qu’à ces dernières. De plus, le typage moléculaire de souches persistantes a montré qu’elles appartenaient toutes à un même groupe génétique (Wulff et al. , 2006), correspondant au complexe clonal CC121 (Holch et al. , 2013). Ceci suggère que certains génotypes de L. monocytogenes sont plus aptes que d’autres à engendrer des contaminations persistantes.
Néanmoins, cette hypothèse est discutable dans le sens où des souches de L. monocytogenes ayant un type PFGE similaire ont été catégorisées comme persistantes dans un atelier agro- alimentaire mais non persistantes dans un autre, révélant ainsi la nature complexe de la contamination persistante (Lundén et al. , 2003b).
3.2.2. Des niches de rétention favorables à la persistance
Une autre hypothèse, notamment avancée par Carpentier et Cerf (2011), est qu’il n’existe pas de souches ayant des gènes spécifiques de la persistance mais que les micro-organismes ont des gènes leur conférant la capacité de s’adapter aux conditions environnementales et de persister dans l’environnement. Est alors évoquée la notion de niches qui les protègeraient et favoriseraient leur rétention dans les surfaces pas parfaitement lisses, notamment celles qui ne sont pas en contact avec les aliments (sols, égouts, etc.). Selon ces auteurs, la persistance résulte de la relation entre l’introduction de micro-organismes, leur capacité de survie, leur croissance et leur résistance à l’élimination.
Selon cette hypothèse, l’établissement de la persistance de L. monocytogenes dans un environnement spécifique est un événement stochastique plutôt qu’un phénomène expliqué par des caractéristiques génétiques et phénotypiques spécifiques d’une souche (Ferreira et al. , 2011). En effet, le sérotype des souches ne semble pas avoir d’influence sur la persistance (Lundén et al. , 2003b). De plus, il n’y a pas encore de profils génétiques robustes mis en évidence pour expliquer la persistance des souches et il est peu probable que des gènes individuels soient responsables de la persistance (Carpentier et Cerf, 2011 ; Ferreira et al. , 2014 ; Stasiewicz et al. , 2015). Enfin, aucun marqueur parmi les gènes étudiés ( pocR , eutJ et quaH ) et sélectionnés car pouvant avoir une implication potentielle dans la persistance, n’a été trouvé pour identifier clairement les souches persistantes de L. monocytogenes (Mazza et al. , 2015).
64 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
Les travaux soutenant cette hypothèse mettent en avant le fait que la conception hygiénique des ateliers de production et des équipements est un élément incontournable dans la lutte contre la persistance. Les zones difficiles à nettoyer, dont les canalisations, les sols et les rigoles d’évacuation d’eau, représentent des réservoirs de L. monocytogenes (Dzieciol et al. , 2016). Dans ces zones de rétention, s’accumulent également des résidus de matière organique et de l’eau, permettant aux bactéries de s’y établir et de s’y multiplier (Verghese et al. , 2011). De plus, ces micro-organismes sont ainsi protégés des actions mécaniques et chimiques des opérations d’hygiène. Ces niches protectrices sont donc des zones idéales pour la croissance microbienne et l’adaptation des cellules aux stress de l’environnement de l’atelier agro- alimentaire (Carpentier et Cerf, 2011 ; Dunsmore et al. , 1981).
Inspiré par Dunsmore et al. (1981), un modèle conceptuel de la persistance/non persistance d’une souche bactérienne a été proposé par Carpentier et Cerf (2011) (Figure 3).
Figure 3 : Modèle conceptuel de la persistance ( □) et de la non persistance ( ♦) suite à l’évolution de la densité cellulaire d’une souche bactérienne dans un site de rétention contaminé une fois et soumis à des opérations de N&D à des intervalles de temps réguliers (Carpentier et Cerf, 2011).
La présence de cellules d’une souche spécifique dans une zone de rétention dépend de l’efficacité des étapes de N&D et de la quantité de cellules avant l’opération de N&D. En considérant que le nombre initial de cellules est suffisamment grand pour que quelques cellules survivent aux opérations d’hygiène quotidiennes et sachant que ces cellules ont la capacité de
65 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 s’adapter aux stress, si les conditions (température, disponibilité des nutriments, pH, etc.) sont propices, la croissance bactérienne reprend entre deux opérations de N&D. La persistance a lieu si la réduction du nombre de cellules due aux opérations d’hygiène est plus faible que le nombre de cellules qui se multiplient entre deux opérations de N&D. A l’inverse, quand l’efficacité des opérations d’hygiène est supérieure à la croissance bactérienne, les cellules ne persistent pas. De telles situations ont été observées expérimentalement avec des souches de Pseudomonas fluorescens et Escherichia coli O157 : H7 (Marouani-Gadri et al. , 2010 ; Peneau et al. , 2007).
Une attention toute particulière doit être portée sur le choix du matériau des surfaces. Les trous de débullage formés durant la polymérisation des matériaux de surface sont des zones de rétention importantes (Mettler et Carpentier, 1999), comme le montrent les photos de la Figure 4 prises sur une surface de tapis convoyeur en polychlorure de vinyle (PVC) (Midelet, 2002). Les sols, pourtant nettoyés et désinfectés, sont également un réservoir important de bactéries au sein d’un atelier (Campdepadrós et al. , 2012).
Figure 4 : Trou de débullage dans une surface en polychlorure de vinyle (PVC) observé par microscopie électronique à balayage avant (à gauche) et après (à droite) colonisation par P. fluorescens cultivé en présence d’exsudat de viande (Midelet, 2002).
3.3. De nombreuses études pour tenter d’expliquer et comprendre la persistance
Au cœur des préoccupations dans la lutte contre la contamination des ateliers et des produits alimentaires qui y sont fabriqués, la persistance de L. monocytogenes a fait l’objet de
66 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 nombreuses études basées sur la comparaison des souches persistantes et des souches sporadiques pour mieux comprendre ce phénomène.
Une des premières interrogations porte sur un éventuel lien entre la persistance et la capacité à adhérer sur des surfaces. Des travaux ont mis en évidence que les souches de L. monocytogenes persistantes sont plus adhérentes que les souches sporadiques, que ce soit sur l’acier inoxydable (Borucki et al. , 2003 ; Norwood et Gilmour, 1999) ou dans des microplaques en PVC (Borucki et al. , 2003 ; Wang et al. , 2015). A l’inverse, Djordjevic et al. (2002) et Costa et al. (2016) n’ont pas relevé de différence significative entre les souches persistantes et les souches transitoires. Selon les travaux de Lundén et al. (2000), alors que les souches persistantes adhèrent jusqu’à 11 fois plus que les souches présumées non persistantes après un temps de contact d’une ou deux heure(s), la différence entre les deux types de souches n’est plus visible lorsque l’incubation des cellules en contact avec la surface dure 72 heures. En réalité, d’après les données de la littérature, le lien entre la capacité à adhérer et la persistance n’est pas clairement établi. Les différences de résultats constatées entre les études peuvent probablement être expliquées par l’utilisation de différentes méthodologies : différences entre les souches utilisées, les milieux de culture, les propriétés physico-chimiques des surfaces, etc. (Borucki et al. , 2003 ; Carpentier et Cerf, 2011).
Des études visent à élucider une relation potentielle entre la capacité à persister et celle à résister aux produits de N&D. La différence de sensibilité aux désinfectants entre les bactéries persistantes et les bactéries présumées non persistantes est controversée. Contrairement à certains auteurs (Aase et al. , 2000 ; Lundén et al. , 2003a), cette différence n’est pas été mise en évidence par d’autres (Costa et al. , 2016 ; Holah et al. , 2002 ; Kastbjerg et Gram, 2009 ; Lourenço et al. , 2009 ; Magalhães et al. , 2016 ; Wang et al. , 2015). Lourenço et al. (2009) soulignent qu’il est possible que des avantages compétitifs, autres que la résistance à des biocides, interviennent pour permettre à certains clones de L. monocytogenes de persister (utilisation de sources nutritives limitées, croissance rapide, etc.).
Enfin, notons qu’une des difficultés des études comparant les souches persistantes et celles présumées non persistantes est la classification des cellules dans ces deux catégories car une souche non encore déclarée comme persistante (car pas encore isolée plusieurs fois durant un intervalle de temps donné) peut tout de même devenir persistante par la suite (Ferreira et al. , 2014).
67 Synthèse bibliographique – Chapitre 2
3.4. Lutter contre la persistance : une nécessité
En plus d’avoir un impact important sur la santé publique, la contamination et la persistance de L. monocytogenes sont à l’origine de pertes économiques considérables (Thomas et al. , 2015). En effet, outre le manque à gagner dû à la destruction et au retrait de la vente des produits incriminés, les pertes liées à la détérioration de l’image de la marque des produits ne sont pas négligeables.
Comme le montrent les quelques exemples présentés dans le Tableau 6 (Tompkin, 2002) et le soulignent Wulff et al. (2006), les souches persistantes de L. monocytogenes exercent une pression continue de contamination sur les produits et peuvent être à l’origine de cas de listériose. En 2008, l’entreprise canadienne Maple Leaf Foods a été à l’origine de la production et mise sur le marché de produits carnés contaminés par L. monocytogenes . L’épidémie de listériose a alors entraîné la mort de 21 personnes et plus de 200 lots de produits ont fait l’objet d’un rappel. Après enquête, il a été établi que la source de la contamination était une trancheuse hébergeant des bactéries persistantes (Howell et Miller, 2010). Des cellules persistantes sur un tapis convoyeur de salades prêtes à la consommation ont également été responsables de 32 cas de listériose en Suisse en 2013 et 2014 (Stephan et al. , 2015).
Ces exemples illustrent le phénomène de contamination croisée au sein des ateliers agro- alimentaires, comme le rapportent également Reij et Den Aantrekker (2004). En d’autres termes, des micro-organismes qui persistent sur une surface peuvent être transférés par simple contact sur un produit alimentaire (Midelet et Carpentier, 2002). Et plus la population de bactéries qui adhérent aux surfaces est dense, plus la quantité de cellules transférées sur un aliment par contact est importante (Midelet et Carpentier, 2002). Le produit en question est alors contaminé, le risque étant accru lorsque cette recontamination a lieu après la cuisson d’un aliment prêt à la consommation. Le transfert d’une flore d’altération et la transmission de pathogènes après le process de fabrication engendrent un raccourcissement de la durée de vie des produits, cette contamination post-process peut atteindre un niveau très élevé au moment de la date limite de consommation des produits (Jorgensen et Huss, 1998).
Les contaminants peuvent également être transférés au sein d’un atelier, d’une ligne de production à une autre, par le personnel ou les équipements (couteaux, planches à découper, etc.) (Lundén et al. , 2003b). Il a aussi été rapporté qu’une souche persistante pouvait même être transférée d’un atelier à un autre (Fagerlund et al. , 2016), via le transfert de machines
68 Synthèse bibliographique – Chapitre 2 telle qu’une trancheuse par exemple (Lundén et al. , 2002). Par conséquent, une attention particulière doit être portée sur les équipements et les machines utilisés. Certains sont très difficiles à nettoyer et représentent donc des niches propices à la persistance de L. monocytogenes . Lundén et al. (2002) conseillent d’ailleurs de démonter régulièrement les appareils afin de nettoyer et désinfecter efficacement tous les recoins pour empêcher l’établissement des bactéries à l’intérieur et/ou éradiquer la persistance.
69
Synthèse bibliographique – Chapitre 3
CHAPITRE 3 : Adaptation de Listeria monocytogenes aux stress rencontrés dans les ateliers agro-alimentaires
1. L. monocytogenes : une bactérie aux nombreuses capacités d’adaptation
L’application de stress est une stratégie appliquée tout au long de la chaîne alimentaire pour réduire la contamination des ateliers et assurer la préservation des aliments (Wesche et al. , 2009). Pourtant, l’adaptation des bactéries à passer outre est désormais une évidence (Hill et al. , 2002). L’adaptation au stress repose sur le principe qu’une population, préalablement exposée à une situation stressante ou cultivée dans des conditions sub-optimales, devient plus résistante dans l’environnement stressant qu’une population non-stressée au préalable (Guillier, 2005).
C’est parce que les bactéries s’adaptent aux stress qu’elles peuvent persister (McDouglas et al. , 1998), ce qui les rend d’autant plus difficiles à éliminer dans les ateliers agro-alimentaires (Lundén et al. , 2002 ; Vogel et al. , 2010). Magalhães et al. (2016) ont d’ailleurs démontré que les souches persistantes s’adaptent mieux que les souches présumées non persistantes pour croître dans des conditions stressantes fréquemment rencontrées dans les environnements agro- alimentaires.
L. monocytogenes est capable de s’adapter à de très nombreux stress environnementaux et de croître dans des conditions défavorables pour coloniser de nombreuses niches écologiques (Gandhi et Chikindas, 2007). Comme évoqué précédemment (Synthèse bibliographique, Chapitre 1, Paragraphe 0, Page 30), ce pathogène a, entre autres, la capacité de se multiplier aux températures de réfrigération, à des concentrations élevées en sels, à un pH variant de 4,0
à 9,6 et à une a w allant jusqu’à 0,92. Cette bactérie peut aussi résister aux opérations d’hygiène (Aase et al. , 2000 ; Langsrud et al. , 2003) et s’adapter à la dessiccation (plus de 91 jours de séchage à 43% HR à 15°C sur acier inoxydable) (Vogel et al. , 2010). De plus, l’adaptation de L. monocytogenes à un stress sublétal peut ensuite la protéger d’un stress létal qu’il soit du même type ou autre (Koutsoumanis et al. , 2003 ; Lou et Yousef, 1997 ; Taormina et Beuchat, 2002 ; Walton et al. , 2008). Ses capacités de résistance et d’adaptation font de L. monocytogenes une bactérie parmi les agents pathogènes les plus surveillés dans les ateliers agro-alimentaires. Pour mieux lutter contre son implantation et sa multiplication tout au long de la chaîne de production, comprendre les mécanismes qu’elle met en place pour mieux s’adapter et donc persister est l’objet de nombreuses études.
71 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
2. Compréhension des mécanismes d’adaptation aux stress
Une des problématiques scientifiques est l’identification et la compréhension des mécanismes qui contrôlent le ou les changements qui permettent aux bactéries de s’adapter aux stress (Abee et al. , 2016 ; Boor, 2006 ; Soni et al. , 2011).
2.1. Plusieurs méthodes pour l’étude des mécanismes d’adaptation aux stress
Plusieurs méthodes permettent d’étudier les mécanismes d’adaptation aux stress.
Certains auteurs provoquent des mutations de gènes ciblés. Ils observent ensuite la réponse phénotypique des cellules après l’application d’un stress donné et en déduisent ainsi le rôle de ces gènes ciblés pour l’adaptation des cellules à ce stress (Cotter et al. , 1999 ; Hingston et al. , 2015).
D’autres études sont fondées sur l’analyse de l’expression des gènes. Pour ce faire, il faut s’intéresser à la production des ARN : c’est l’étude transcriptomique. Généralement, les méthodes utilisées pour étudier les ARN nécessitent une étape de transcription inverse (RT), c’est-à-dire la synthèse d’ADN complémentaire (ADNc) à partir de l’ARN extrait.
La recherche d’ARN peut ensuite être réalisée par RT-PCR qui permet d’étudier uniquement l’expression de gènes ciblés (Makariti et al. , 2015 ; Mazza et al. , 2015 ; Ringus et al. , 2012 ; Tamburro et al. , 2015).
Le niveau d’expression de gènes peut également être évalué par l’utilisation de micro-puces (Cordero et al. , 2016 ; Garmyn et al. , 2012 ; Hain et al. , 2008 ; Pleitner et al. , 2014). Cette technique est basée sur l’hybridation des ADNc issus des ARN présents dans l’échantillon et les sondes d’ADN fixées sur la puce. Il est important de noter que le recours à une micro-puce donne des informations seulement sur les séquences avec lesquelles elle a été conçue et généralement ces séquences sont uniquement celles de gènes connus.
Désormais, grâce au développement de techniques à haut débit, il est possible d’étudier l’expression génique globale d’un micro-organisme en séquençant l’ensemble de son transcriptome par RNA-seq (Creecy et Conway, 2015 ; Croucher et Thomson, 2010 ; Deng et al. , 2012 ; Pinto et al. , 2011 ; Sharma et Vogel, 2014). La technique de RNA-seq est basée sur l’analyse des séquences par alignement sur le génome annoté pour générer un transcriptome reflétant un statut cellulaire particulier dans des conditions données (Cossart et Archambaud,
72 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
2009), en quantifiant notamment l’activité des promoteurs et l’expression différentielle de transcrits (Creecy et Conway, 2015 ; Croucher et Thomson, 2010 ; Sharma et Vogel, 2014). Un des avantages du pyroséquençage est qu’il apporte une information à la fois sur les transcrits connus et sur les inconnus.
Les études des mécanismes d’adaptation aux stress par approche transcriptomique peuvent être complétées par des analyses protéomiques (électrophorèse bi-dimensionnelle et spectrométrie de masse), consistant à identifier et quantifier les protéines exprimées par les bactéries selon les conditions environnementales (Giotis et al. , 2008b ; Soni et al. , 2011).
2.2. Etude des mécanismes d’adaptation à différents stress
2.2.1. La réponse générale et universelle aux stress
De nombreuses bactéries répondent aux conditions environnementales défavorables en augmentant l’expression et l’action des facteurs sigma (σ) alternatifs qui réorientent l’action de l’ARN-polymérase de la transcription de gènes de ménage vers la transcription d’autres gènes dont les produits permettent aux bactéries de mieux s’adapter (Chaturongakul et al. , 2008 ; Hain et al. , 2008 ; van Schaik et Abee, 2005). Dans ce but, le facteur alternatif sigma B (σB), codé par le gène sigB , joue un rôle dans la coordination de nombreux mécanismes permettant à L. monocytogenes de s’adapter à des stress divers et variés : stress osmotique (Becker et al. , 1998 ; Utratna et al. , 2011), stress nutritionnel (Huang et al. , 2015), stress salin (Ringus et al. , 2012), stress alcalin (Giotis et al. , 2008a), stress acide (Oliver et al. , 2010), stress chimique (Pleitner et al. , 2014), stress chaud (Hu et al. , 2007 ; van der Veen et al. , 2007) et stress oxydatif (Oliver et al. , 2010). Par exemple, après un traitement B au ClO 2, 113 gènes dont l’expression est sous la régulation du facteur σ sont exprimés différentiellement. Parmi ces gènes, 51 sont directement précédés par un promoteur facteur σB- dépendant ou sont dans un des 43 opérons précédés par un promoteur facteur σB-dépendant (Pleitner et al. , 2014). Enfin, l’expression du transcrit σB est plus importante dans les cellules adaptées à un stress sublétal avant l’application d’un stress plus délétère. C’est le cas pour des cellules adaptées au stress alcalin (adaptation à pH 9,5 puis exposition au stress pH 12) en comparaison à des cellules non adaptées (Giotis et al. , 2008a). De plus, l’activation du facteur σB est rapide, transitoire et proportionnelle à la magnitude du stress osmotique subi (Utratna et al. , 2011).
Les protéines universelles de réponse aux stress Usp (Universal stress proteins ) sont également induites et s’accumulent dans les cellules dans des conditions de stress variées (stress chaud,
73 Synthèse bibliographique – Chapitre 3 stress oxydatif, stress acide, exposition à des agents antimicrobiens, etc.) (Seifart Gomes et al. , 2011) et sont nécessaires pour la gestion des dommages de l’ADN et des chromosomes durant la division cellulaire (Hain et al. , 2008). Régulés par le facteur σB (Aase et al. , 2000 ; Hain et al. , 2008 ; Raengpradub et al. , 2008), les gènes lmo0515 , lmo1580 et lmo2673 codent trois protéines Usp chez L. monocytogenes .
Un autre système de régulation de la transcription est le système CtsR qui est un répresseur de gènes de réponse aux stress, dont les gènes clp (clp P, clp E, clp B et clp C) qui codent des protéines de réponse générale aux stress (Hu et al. , 2007). Il participe entre autres à la survie de
L. monocytogenes à une exposition au ClO 2 (Pleitner et al. , 2014), à un stress salin (Ringus et al. , 2012) mais également au stress chaud (van der Veen et al. , 2007).
De plus, il a été démontré que le locus génétique lisRK qui code un système à deux composants de transduction du signal, est impliqué dans la réponse aux stress dont l’acidité (Cotter et al. , 1999 ; Gahan et Hill, 1999), la présence de fortes concentrations en éthanol (Cotter et al. , 1999), le stress oxydatif (Kallipolitis et Ingmer, 2001), le stress froid (Pöntinen et al. , 2015) et le stress osmotique (Sleator et Hill, 2015).
2.2.2. Réponse aux stress thermiques
• Réponse au stress chaud
En utilisant la méthode des micro-puces à ADN, van der Veen et al. (2007) ont pu étudier l’impact du stress chaud sur des cellules de L. monocytogenes après croissance à 37°C. Après 3 minutes d’exposition à 48°C, 25% des gènes étaient différentiellement transcrits alors qu’après 40 minutes, seulement 2% des gènes avaient une expression différentielle. Ce résultat traduit le fait que la réponse au choc thermique est de nature transitoire.
La majorité des gènes induits suite à un stress chaud codent des protéases et des protéines chaperonnes qui permettent de protéger d’autres protéines et enzymes et de dégrader les protéines mal conformées. Maintenir la qualité des protéines est important pour la croissance des cellules et essentiel dans des conditions de stress. Les protéines heat shock sont réparties en trois classes (Hecker et al. , 1996 ; van der Veen et al. , 2007) : - Classe I : gènes, incluant dnaK , dnaJ, groES et groEL , contrôlés par le répresseur HrcA et codant des protéines chaperonnes, - Classe II : gènes, dont l’expression est contrôlée par le facteur σB, codant des protéines de réponse au stress général,
74 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
- Classe III : gènes, dont l’expression est régulée par le répresseur CtsR, codant des protéines chaperonnes et des protéases Clp ATP-dépendantes.
Suite à une exposition à 48°C de cellules de L. monocytogenes , les gènes de la classe I sont sur- exprimés contrairement à ceux de la classe III qui ont une expression différentielle transitoire. Les gènes de la classe II, dont l’opéron opuC , sont sur-exprimés mais de façon moins importante que pour la classe I (van der Veen et al. , 2007).
La majorité des gènes parmi les 714 ayant une expression différentielle suite à un stress chaud dans l’étude de van der Veen et al. (2007), font partie des classes fonctionnelles suivantes : transport et métabolisme des glucides, transport et métabolisme des acides aminés, transcription et traduction. Au moins 80% des gènes impliqués dans le métabolisme et le transport des glucides et ceux codant pour la transcription sont sur-exprimés contrairement à ceux impliqués dans la traduction qui sont majoritairement sous-exprimés. Sont également sur-exprimés les gènes impliqués dans le mécanisme de réponse SOS notamment pour la réparation de l’ADN. Par contre, une sous-expression des gènes de la division cellulaire a été constatée.
• Réponse au stress froid
Lors de la croissance à basse température, la composition en lipides des membranes cellulaires est modifiée pour assurer le maintien de la fluidité membranaire et ainsi assurer les activités enzymatiques et les transports transmembranaires (Gandhi et Chikindas, 2007).
Durack et al. (2013) ont mis en évidence que l’adaptation au froid induit les gènes relatifs à la transcription et à la biosynthèse du peptidoglycane et des acides gras alors que les gènes impliqués dans la chimiotaxie et la mobilité sont réprimés. De plus, la survie à basse température entraîne l’augmentation de l’expression de protéines chaperonnes telles que GroEL, ClpP et ClpB pour palier la production importante de protéines anormales (Liu et al. , 2002).
2.2.3. Réponse au stress chimique
Les opérations de N&D représentent un stress chimique pour les bactéries. Comme le montrent Fox et al. (2011), des gènes différentiellement exprimés ont été identifiés chez L. monocytogenes (une souche persistante et une souche sporadique) après un traitement au chlorure de benzéthonium (BZT). Les nombreux gènes sur-exprimés qui ont été identifiés après ce traitement chimique sont principalement ceux impliqués dans le renforcement de la paroi
75 Synthèse bibliographique – Chapitre 3 cellulaire, le métabolisme des sucres, la transcription, la régulation du pH et la biosynthèse de cofacteurs. La sur-expression de gènes impliqués dans la synthèse du peptidoglycane suggère que les mécanismes de résistance aux effets bactéricides des QAC impliquent la régénération et/ou la réorganisation du peptidoglycane (Fox et al. , 2011).
Le travail de Casey et al. (2014) a consisté en l’évaluation de la réponse moléculaire d’une souche persistante de L. monocytogenes à une exposition à des concentrations sublétales de BZT en comparant son profil transcriptomique à celui de la souche n’ayant pas subi le traitement chimique. Les résultats ont permis de mettre en évidence qu’environ 600 gènes avaient un niveau d’expression au moins quatre fois supérieur chez les cellules traitées au BZT. Tout comme dans l’étude de Fox et al. (2011), les gènes impliqués dans la synthèse du peptidoglycane et des acides téichoïques, le métabolisme des acides gras, la glycolyse et les systèmes de phosphotransférase voient leur niveau d’expression augmenter. Casey et al. (2014) ont également montré une sur-expression des gènes impliqués dans la chimiotaxie, l’assemblage des flagelles et la biosynthèse de cobalamine (vitamine B12). Par contre, selon ces mêmes auteurs, les gènes codant les protéines de phages sont considérablement sous-exprimées après l’exposition au BZT.
Dans l’étude de Pleitner et al. (2014) fondée sur la technique de micro-puces sur génome entier, 340 gènes ont une expression différentielle après une exposition de cellules en phase exponentielle à un traitement au ClO 2. Suite à ce stress, trois catégories de gènes, définies selon le J. Craig Venter Institute (JCVI), sont principalement représentées parmi les gènes sur- exprimés : - le métabolisme énergétique comprenant les gènes codant les systèmes phospho- transférase, le gène lmo0613 codant une oxydoréductase, le gène lmo2830 codant une thiorédoxine, le gène lmo1789 codant une protéine de fonction inconnue et le gène lmo2528 codant une ATP-synthase transportant des protons, - la machinerie cellulaire avec notamment les gènes lmo0669 codant une oxydoréductase, lmo0906 et lmo1433 codant des glutathion-réductases et lmo1439 codant une superoxyde-dismutase, - le traitement des protéines avec des gènes codant des protéines chaperonnes et des protéines heat shock .
Sont également sur-exprimés après ce traitement au ClO 2 des gènes impliqués dans la synthèse protéique et dans la constitution de l’enveloppe cellulaire.
76 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
L. monocytogenes est exposée à une variété de désinfectants et parfois à des concentrations inférieures à celles recommandées par le fabricant, ceci est particulièrement vrai pour les produits rémanents (dont les QAC et les produits à base de phénols) qui persistent sur les surfaces. Cette persistance des produits facilite le développement de la tolérance, en particulier l’expression et l’activité de pompes à efflux (Allen et al. , 2016). Tamburro et al. (2015) ont d’ailleurs mis en évidence une corrélation significative entre la sur- expression du gène mdrL codant une pompe à efflux et la diminution de l’activité du chlorure de benzalkonium (BAC).
2.2.4. Réponse au stress osmotique et à la dessiccation
Le stress osmotique, également appelé stress hydrique, est rencontré lorsque les cellules sont dans un environnement hyperosmotique ou lors de la déshydratation. La dessiccation est le fait d’éliminer l’eau substantielle des cellules sous la contrainte du séchage. Dans le cas de la dessiccation, l’environnement immédiat des cellules est l’atmosphère (les surfaces cellulaires sont exposées à une phase gazeuse), tandis que les cellules sous un stress osmotique sont dans une solution aqueuse dont l’a w est diminuée (Potts, 1994).
La réponse des micro-organismes au stress osmotique, appelée osmoadaptation, implique des changements physiologiques et des variations de profils d’expression des gènes (Hill et al. , 2002 ; Okada et al. , 2008). Moins sensible que les bactéries à Gram négatif (Alavi et Hansen, 2013 ; Kuda et al. , 2015), le taux de survie à la dessiccation dépend de la souche de L. monocytogenes (Alavi et Hansen, 2013 ; Takahashi et al. , 2011). Les mécanismes de la survie de ce pathogène au séchage ne sont pas encore totalement élucidés mais au moins quatre mécanismes de tolérance sont rapportés par Alpert (2006) : - l’accumulation de sucres, - la synthèse de protéines, - la sur-expression d’antioxydants, - la réparation des dommages cellulaires accumulés.
Des gènes impliqués dans l’adaptation à la dessiccation et au stress osmotique ont été déterminés grâce à des insertions mutationnelles (Hingston et al. , 2015). Les résultats ont révélé que la tolérance à la dessiccation est un processus complexe impliquant une grande variété de gènes (Hingston et al. , 2015). C’est également ce qui transparait de la revue de Burgess et al. (2016) qui récapitule de nombreux mécanismes de réponses au stress osmotique chez L. monocytogenes (Tableau 7).
77 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
L’adaptation au stress osmotique entraîne des changements dans l’enveloppe cellulaire et le transport membranaire en activant, entre autres, les gènes de la biosynthèse du peptidoglycane et des acides gras et ceux codant pour les transporteurs des solutés compatibles. Après un stress osmotique sont également induits les gènes impliqués dans la division cellulaire mais aussi ceux impliqués dans le métabolisme des sucres, tout comme les gènes relatifs à la transcription associés à la réparation, la recombinaison et la stabilisation de l’ADN et les gènes liés à la traduction (Durack et al. , 2013). Cette même étude met en évidence que les gènes impliqués dans la chimiotaxie et les protéines membranaires externes dont les protéines associées à l’assemblage des flagelles, sont au contraire réprimés.
Les gènes influençant la survie de L. monocytogenes à la dessiccation sont impliqués dans la mobilité, la biosynthèse des lipides membranaires, la production d’énergie, le transport membranaire, le métabolisme protéique et la virulence. La tolérance à la dessiccation implique une mobilité réduite, une diminution de la fluidité membranaire et une modification du métabolisme des acides gras avec une augmentation du pourcentage d'acides gras saturés pour limiter les effets de l’oxydation lors de la déshydratation (Hingston et al. , 2015).
Pour s’adapter au stress osmotique et à la dessiccation, les cellules doivent empêcher la plasmolyse et restaurer leur turgescence. Pour ce faire, une des réponses est de type « KCl » avec une accumulation intracellulaire d’ions K + (Elmnasser et al. , 2006). Cette réponse est transitoire et valable sur le court terme. Une autre des réponses est de type « solutés compatibles ». Cette réponse à long terme consiste en l’accumulation de solutés organiques comme la glycine-bétaïne, le tréhalose, la carnitine et la proline (Dreux et al. , 2008 ; Elmnasser et al. , 2006). Ces substances prennent la place de l’eau pour prévenir la formation d’agrégats de macromolécules et la désintégration des membranes (Potts, 2001). Les solutés compatibles peuvent être synthétisés par les cellules ou absorbés à partir du milieu extérieur. Le transport de la glycine-bétaïne et de la carnitine se fait par l’intermédiaire des transporteurs BetL mais aussi OpuC et GbuABC (Angelidis et Smith, 2003). Parmi les substances qui influencent la viabilité de façon positive, le sucrose et le tréhalose sont celles ayant le plus fort effet (Nocker et al. , 2012). Notamment, il résulte de la présence de tréhalose une meilleure croissance, une meilleure intégrité membranaire et une activité redox élevée. De plus, la glycine-bétaïne a un pouvoir osmoprotecteur plus important que la carnitine (Angelidis et Smith, 2003).
Enfin, Ringus et al. (2012) ont établi que l’exposition de cellules de L. monocytogenes à un stress osmotique (6 % de NaCl, 10 minutes, 37°C) induit l’expression des gènes inlA et gadD3 régulés par le facteur σB et des gènes lmo1138 et clpB régulés par le système CtsR.
78 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Tableau 7 : Systèmes de réponse au stress osmotique chez L. monocytogenes (Burgess et al. , 2016)
Systèmes de réponse au Fonctions stress osmotique BetL et Gbu Transport de glycine-bétaïne OpuC Transport de carnitine KdpED ATPase, système à deux composants pour l’absorption de K + ProBA Biosynthèse de la proline OppA et DtpT Transport d’oligopeptides TreA Phosphotréhalase Lmo0501 Régulation de la transcription Lmo1078 UDP-glucose phosphorylase Lmo2085 Protéine LPXTG liée au peptidoglycane HtrA Protéine de réponse générale aux stress, sérine protéase ClpC Protéine de réponse générale aux stress, ATPase ClpP Protéine de réponse générale aux stress, protéase CspABD Protéines cold shock RelA (p)ppGpp synthétase Ctc Protéines ribosomales (Famille L25) de réponse générale aux stress LisRK Système de régulation à deux composants Iap Protéine associée à l’invasion MrpABCDEFG Antipore Na +/H + σB Facteur alternatif σB
2.2.5. Réponse au stress alcalin
Les souches de L. monocytogenes présentes dans les ateliers agro-alimentaires peuvent se retrouver dans des conditions alcalines sublétales associées à l’utilisation de produits de N&D alcalins. Les stratégies d’adaptation mises en œuvre par les bactéries incluent des changements métaboliques pour augmenter la production d’acides par l’induction de transporteurs et d’enzymes impliqués dans la rétention de protons H + , mais aussi des modifications de la surface cellulaire pour une meilleure rétention cytoplasmique de protons H+ (Soni et al. , 2011).
79 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Des analyses transcriptomiques ont révélé que 390 gènes étaient différentiellement exprimés chez L. monocytogenes en réponse à une exposition d’une heure à un pH de 9,5 (Giotis et al. , 2008b). D’après cette étude, sont induits les gènes impliqués dans le métabolisme du glycérol, l’expression de phosphatases et d’anti-porteurs Na +/H + pour minimiser l’augmentation du pH intracellulaire, la réponse générale au stress, et également des gènes codant des protéines heat shock . Au contraire, les gènes impliqués dans la glycolyse et la voie du pentose-phosphate, le métabolisme des phospholipides et des acides gras, la synthèse des acides aminés, la synthèse protéique et la synthèse de la paroi cellulaire sont sous-exprimés après un stress alcalin (Giotis et al. , 2008b). C’est également le cas pour les gènes impliqués dans la division cellulaire (Giotis et al. , 2008a ; Giotis et al. , 2008b).
2.2.6. Réponse au stress acide
L’adaptation aux environnements acides fait intervenir la régulation de l’homéostasie du pH qui est assurée par le transport de protons H+ à travers la membrane plasmique. Chez L. monocytogenes , ce transport a lieu de deux façons : le transport actif de protons H + couplé au transport d’électrons dans la chaîne de respiration et la récupération de protons H+ disponibles suite à l’hydrolyse de l’ATP par les H +-ATPases (Gandhi et Chikindas, 2007).
La survie de L. monocytogenes à l’acidité requiert l’activation du système de décarboxylation du glutamate (GAD) codé par les trois gènes gadA , gadB et gadC (Cotter et al. , 2001 ; Makariti et al. , 2015). Le système GAD convertit une molécule de glutamate extracellulaire en une molécule de γ-aminobutyrate extracellulaire, ce qui consomme un proton H+ intracellulaire. Ainsi, le cytoplasme est acidifié par la réduction de la concentration intracellulaire en protons H+ alors que le milieu environnant est alcalinisé (Cotter et al. , 2001).
2.2.7. Bilan
Le Tableau 8 est un résumé des informations bibliographiques récapitulées dans les paragraphes précédents.
80 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Tableau 8 : Principales fonctions induites (+) ou réprimées (-) selon le stress à partir des données résumées dans la synthèse bibliographique ci-jointe
Stress Voie cellulaire/métabolisme Osmotique Chimique Chaud Froid Acide Alcalin Dessiccation
Transcription + + + + Traduction + - - Transport et métabolisme des + + + - sucres Transport et métabolisme des + + - acides gras Transport et métabolisme des + - acides aminés Protéines heat shock + + + +
Transport transmembranaire + + + Transport de solutés + + + compatibles Régulation du pH + + + intracellulaire Synthèse du peptidoglycane + + + - et de la paroi cellulaire Division cellulaire + - - Mobilité et chimiotaxie + - - Casey et al. (2014) Hingston et al. (2015) van der Veen et al. Durack et al. (2013) Cotter et al. (2001) Giotis et al. (2008b) Fox et al. (2011) Durack et al. (2013) (2007) Liu et al. (2002) Gandhi et Chikindas Soni et al. (2011) Pleitner et al. (2014) Burgess et al. (2016) (2007)
81 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
2.3. Protection croisée
Plusieurs études démontrent que l’adaptation à un stress donné permet également la survie à d’autres stress : c’est la protection croisée. L’influence de différentes conditions de pré- incubation sur la survie dans un environnement stressant a largement été étudiée, les auteurs cherchent dans ce cas à observer l’existence d’une résistance ou d’une sensibilisation à un stress létal de cellules préalablement exposées à des conditions sub-létales (Guillier, 2005 ; Wesche et al. , 2009) (Tableau 9).
Tableau 9 : Impact de conditions de pré-incubation sur la résistance ou la sensibilisation à des conditions létales pour L. monocytogenes
Condition Stress Effet Référence pré-incubatoire
Ethanol NaCl, acidité, H 2O2, Protection Lou et Yousef (1997) éthanol Nutritionnel Sans effet Lou et Yousef (1997)
H2O2 H2O2 Protection Lou et Yousef (1997) Nutritionnel Sans effet Lou et Yousef (1997) Acidité Acidité Protection Hill et al. (2002), Koutsoumanis et al. (2003) Osmotique Protection Faleiro et al. (2003) Alcalinité Chlorure de benzalkonium Sensibilisation Taormina et Beuchat (2002) Osmotique, éthanol Protection Giotis et al. (2008a)
Température NaCl, éthanol, H 2O2 Protection Lou et Yousef (1997) sub-optimale Nutritionnel Sans effet Lou et Yousef (1997) Acidité Sensibilisation Koutsoumanis et al. (2003)
Concentration H2O2, NaCl, acidité, Protection Lou et Yousef (1997), en NaCl élevée osmotique Faleiro et al. (2003) Nutritionnel Sans effet Lou et Yousef (1997)
La croissance et l’adaptation des bactéries à des conditions de stress permettent généralement une augmentation de la résistance de ces dernières aux facteurs létaux : c’est la notion de stress préparant (Elmnasser et al. , 2006). La protection croisée de cellules vis-à-vis de différents stress indique que les mécanismes d’adaptation peuvent être communs à plusieurs stress.
82 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Une protection contre le stress osmotique après une exposition à un stress alcalin a été mise en évidence chez L. monocytogenes (Giotis et al. , 2008a). C’est également le cas pour une protection des cellules à une exposition à l’éthanol après avoir subi un stress alcalin (Giotis et al. , 2008a). Lou et Yousef (1997) ont, quant à eux, démontré qu’une incubation d’une heure à 45°C (stress chaud) augmente la résistance à l’exposition à l’éthanol et au stress salin.
L’adaptation croisée aux désinfectants ayant des mécanismes d’action similaires ou différents a déjà été constatée (Lundén et al. , 2003a). Le ou les mécanisme(s) permettant l’adaptation n’est (ne sont) donc pas spécifique(s). Ceci remet ainsi en question l’utilité de la rotation des agents désinfectants ayant des mécanismes d’action différents pour éviter l’adaptation aux opérations d’hygiène comme évoqué dans le Chapitre 2, Paragraphe 2.4.1 (Page 59).
2.4. Adaptation aux stress et virulence
L’inactivation de gènes de virulence ayant peu ou pas de rôle dans la survie aux stress peut être un mécanisme de conservation de l’énergie, notamment pour la survie à la dessiccation (Hingston et al. , 2015). Chez les bactéries adaptées au stress osmotique et au froid, les gènes codant les protéines membranaires externes impliquées dans la virulence sont réprimés (Durack et al. , 2013). Pourtant, les réponses aux stress, dont l’expression de lisRK et du facteur σB, peuvent réguler la virulence de L. monocytogenes (Cotter et al. , 1999 ; Kallipolitis et Ingmer, 2001 ; Oliver et al. , 2010). De plus, une induction constante a été observée, suite à un stress chaud, pour le gène prfA qui code pour un régulateur majeur des gènes de virulence de L. monocytogenes (Gahan et Hill, 1999 ; van der Veen et al. , 2007) . Les résultats de ces auteurs ont permis de démontrer l’importance des mécanismes fonctionnels de réponse aux stress pour une infection de l’hôte réussie.
83 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
3. Etat viable non cultivable
De par les nombreux stress présents dans les ateliers agro-alimentaires (Wesche et al. , 2009), les bactéries peuvent entrer dans l’état physiologique dit « viable non cultivable ».
3.1. Qu’est-ce que l’état viable non cultivable ?
3.1.1. Définition et caractéristiques générales
Les bactéries viables non cultivables (VNC) sont des bactéries vivantes, c’est-à-dire métaboliquement actives, mais qui ont perdu leur capacité à former des colonies sur les milieux de culture conventionnels non sélectifs (Oliver, 2005, 2010).
L’état VNC a été mis en évidence chez certaines bactéries dont des pathogènes humains retrouvés dans notre alimentation comme E. coli et Salmonella sp. (Li et al. , 2014a ; Oliver, 2005). L. monocytogenes ne fait pas exception à ce constat (Chae et Schraft, 2001 ; Lindbäck et al. , 2010) .
D’après la revue de Fakruddin et al. (2013), les bactéries VNC maintiennent leur intégrité et leur activité cellulaires. L’expression des gènes est continue, les plasmides sont maintenus et les bactéries répondent aux stimuli externes par l’expression de gènes spécifiques. Leur activité métabolique est relativement faible ce qui induit notamment une augmentation de la résistance aux antibiotiques. Le potentiel de membrane est maintenu mais des modifications de la composition en acides gras des membranes cytoplasmiques ont été constatées, tout comme des modifications du profil protéique de la membrane externe. Enfin, il s’avère que le transport des nutriments est réduit et que le taux d’ATP reste élevé.
3.1.2. Les facteurs induisant l’entrée dans l’état viable non cultivable
Oliver (2005) évoque différentes causes pouvant expliquer la perte de la cultivabilité des bactéries viables. Nombreux sont les paramètres influençant L. monocytogenes dans son entrée dans l’état VNC (Besnard et al. , 2002) ; le séchage n’en est qu’un exemple parmi tant d’autres (Dreux et al. , 2007). Le milieu de culture lui-même ou les conditions de culture (une température trop basse par exemple) peuvent ne pas être adaptés pour la culture d’un micro- organisme donné. Il a également été remarqué que les bactéries exposées à une quantité de nutriments élevée produisent des radicaux libres tels que le peroxyde d’hydrogène inhibant leur croissance sur des milieux de culture conventionnels non sélectifs.
84 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Il est généralement admis que cette modification d’état physiologique est une stratégie de survie à des conditions environnementales rudes pour répondre aux différents stress environnementaux (Oliver, 2005, 2010). Plus résistantes à des conditions peu adaptées à la croissance, les bactéries VNC constituent un réservoir important de pathogènes dans l’environnement (Oliver, 2010).
3.2. Les bactéries viables non cultivables peuvent-elles retrouver leur cultivabilité ?
Une des préoccupations essentielles liées à la présence de micro-organismes VNC est leur éventuel retour à la cultivabilité. En d’autres termes, il est question de savoir si des bactéries VNC peuvent à nouveau se multiplier après contact avec un produit alimentaire ou après leur ingestion.
D’après Lindbäck et al. (2010), les bactéries VNC peuvent retrouver leur cultivabilité suite à un apport de nutriments mais aussi par l’ajout d’agents dégradant les radicaux libres tel que le Na-pyruvate dans le milieu de culture utilisé. Selon Oliver (2005), le retour à la cultivabilité des bactéries VNC est probablement un événement génétiquement contrôlé. Il évoque aussi l’influence de plusieurs facteurs tels un changement de température ou la présence d’autres micro-organismes. D’après Colwell et al. (1996), des cellules de Vibrio cholerae et Campylobacter jejuni initialement VNC sont à nouveau cultivables après passage dans le tractus humain ou animal, ces bactéries sont alors qualifiées de cellules « ressuscitées ». Cappelier et al. (2007) ont mis en évidence le retour à la cultivabilité de L. monocytogenes dans des œufs embryonnés.
Il faut être particulièrement attentif à ne pas confondre le retour à la cultivabilité des bactéries VNC et la croissance de cellules cultivables non détectées au préalable (Oliver, 2005, 2010). Les résultats de Dreux et al. (2007) indiquent que l’augmentation du nombre de cellules cultivables après un retour à 100% HR est probablement due à la multiplication des cellules cultivables résiduelles plutôt qu’au retour à la cultivabilité des bactéries VNC apparues suite au séchage d’une suspension de L. monocytogenes sur des feuilles de persil.
3.3. Quelles sont les méthodes de détection des bactéries viables non cultivables ?
L’impossibilité de détecter les cellules VNC par les techniques de culture conventionnelles est problématique. Néanmoins, des méthodes moléculaires indépendantes de la culture ont été mises au point afin de permettre la détection de ces cellules. Ces méthodes sont fondées sur la
85 Synthèse bibliographique – Chapitre 3 détection de l’activité métabolique des micro-organismes ou sur leur intégrité membranaire (Fakruddin et al. , 2013 ; Li et al. , 2014a ; McDouglas et al. , 1998 ; Rowan, 2004).
3.3.1. Les méthodes basées sur la mise en évidence de l’activité métabolique
La recherche d’une éventuelle activité métabolique pour détecter les bactéries viables fait l’objet de plusieurs techniques dont quelques exemples sont évoqués ci-après.
• Mise en évidence de l’activité respiratoire
La présence d’une activité respiratoire peut être recherchée grâce à des techniques de fluorescence en utilisant des molécules telles que le 5-cyano-2,3-ditolyl-tétrazolium-chloride (CTC) (Pyle et al. , 1995) ou le 2-(4-iodophényl)-3-(4-nitrophényl)-5-phényl-tétrazolium- chloride (INT) (Zimmermann et al. , 1978). Ces molécules jouent le rôle d’accepteurs d’électrons ; leur réduction grâce à l’activité de la chaîne respiratoire entraîne la formation de précipités intracellulaires fluorescents (dépôts de formazan) observables en microscopie à épifluorescence indiquant ainsi que les cellules sont viables.
Figure 5 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au CTC (à gauche) et à l’INT (à droite) de cellules de L. monocytogenes (Bovill et al. , 1994). Les cellules métaboliquement actives contiennent des dépôts de formazan fluorescents.
• Mise en évidence de la croissance cellulaire
L’activité métabolique peut également être mise en évidence par la technique direct viable count (DVC) (Kogure et al. , 1979). Développée pour L. monocytogenes par Besnard et al. (2000), cette technique consiste en l’analyse des bactéries après une incubation dans un milieu de culture enrichi en extrait de levure et contenant un antibiotique de la famille
86 Synthèse bibliographique – Chapitre 3 des quinolones inhibant la division cellulaire du fait du blocage de l’ADN-gyrase. Dans ces conditions, les cellules bactériennes métaboliquement actives ne se divisent pas malgré leur croissance. Ceci leur confère une forme allongée, les rendant facilement distinguables des cellules mortes par observation en microscopie à épifluorescence ou lors des analyses par cytométrie en flux.
• Mise en évidence de l’expression des gènes
Un autre marqueur de viabilité est l’expression continue de gènes qui se traduit par la présence d’ARN m dans les cellules. La réalisation d’une RT-PCR permet la détection de ces transcrits ayant un rôle central dans le métabolisme cellulaire (Oliver, 2010 ; Xiao et al. , 2012).
3.3.2. Les méthodes basées sur l’intégrité membranaire des cellules
Il est communément considéré que les bactéries viables ont une membrane cellulaire intacte. Plusieurs techniques ont donc été développées pour évaluer l’intégrité membranaire des bactéries.
• Etude par observations microscopiques
Un exemple est l’utilisation du kit LIVE/DEAD ® BacLight™ Bacterial Viability Kit qui comprend deux intercalants de l’ADN : le Syto 9® et l’iodure de propidium (IP) qui fluorescent respectivement vert (émission maximale à 498 nm) et rouge (émission maximale à 617 nm) (Figure 6) (Boulos et al. , 1999). Le premier pénètre dans toutes les cellules, que leur membrane plasmique soit intacte ou altérée. Quant au second, il entre uniquement dans les cellules dont la membrane est endommagée, empêchant ainsi la fixation du Syto 9® à l’ADN.
Lors des observations par microscopie à épifluorescence, les bactéries considérées comme viables apparaissent vertes, tandis que les mortes sont rouges. En revanche, l’utilité de l’IP comme indicateur universel de la viabilité cellulaire est remise en cause par certains auteurs. En effet, il a été montré qu’une grande partie des cellules d’ E. coli qui étaient marquées à l’IP étaient en réalité vivantes (Shi et al. , 2007).
87 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Figure 6 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9® et à l’IP (kit LIVE/DEAD® BacLight™ Bacterial Viability ) de cellules de L. monocytogenes . Les cellules vertes sont considérées comme vivantes contrairement aux cellules rouges considérées comme mortes (Ercolini et al., 2006).
• Etude par PCR
Une autre méthode consiste en la réalisation d’un traitement au monoazoture d’éthidium (EMA) (Nogva et al. , 2003) ou au monoazoture de propidium (PMA) (Nocker et al. , 2006 ; Pan et Breidt, 2007) avant une PCR quantitative (PCRq). Ces deux molécules, comme l’IP, s’intercalent uniquement dans l’ADN des cellules ayant perdu leur intégrité membranaire. Une forte exposition à une source lumineuse permet une liaison covalente de l’EMA ou du PMA à l’ADN des cellules mortes et l’inactivation des molécules libres d’EMA ou de PMA. Ainsi, seul l’ADN des cellules dont la membrane est intacte est amplifié lors de la PCRq (Figure 7) (Nocker et al. , 2006 ; Pan et Breidt, 2007). Cette technique allie l’utilisation d’un intercalant de l’ADN permettant la distinction des cellules vivantes des cellules mortes à la rapidité et la sensibilité de la PCRq (Nocker et al. , 2006).
Figure 7 : Principe de la PMA-PCRq (Nocker et al. , 2006).
88 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
En outre, Pan et Breidt (2007) ont montré que l’EMA, contrairement au PMA, présente une certaine toxicité pour les cellules vivantes et peut tout de même pénétrer dans ces dernières malgré l’intégrité de leur membrane ; ceci entraîne alors une perte partielle de l’ADN à quantifier. La membrane cellulaire est plus imperméable au PMA, probablement du fait de sa charge plus importante que l’EMA. Le PMA est plus spécifique dans sa capacité à différencier une membrane intacte d’une membrane perméabilisée (Nocker et al. , 2006). De plus, le PMA n’a pas d’effet antimicrobien sur L. monocytogenes (Pan et Breidt, 2007). Ceci met donc en avant l’intérêt de privilégier l’utilisation de la PMA-PCRq, aux dépens de l’EMA-PCRq, pour la détection et la quantification des bactéries viables.
Malgré leur efficacité prouvée et leur intérêt, les techniques évoquées ci-dessus ne font pas partie des procédures utilisées en routine pour l’analyse de prélèvements réalisés dans les industries agro-alimentaires (contrôle des environnements et des denrées alimentaires), principalement du fait qu’elles ne soient pas encore recommandées par les normes.
3.4. Un problème de sécurité sanitaire
La présence de bactéries VNC a été mise en évidence malgré le respect des opérations d’hygiène (Leriche et Carpentier, 1995 ; Marouani-Gadri et al. , 2010 ; Peneau et al. , 2007). Par conséquent, le dénombrement des cellules cultivables lors d’un prélèvement de surface n’est pas un critère suffisant pour évaluer la présence potentielle d’une espèce bactérienne (Marouani-Gadri et al. , 2010). En effet, ce n’est pas parce qu’aucune cellule n’est détectée par les méthodes culturales que la surface est exempte de cellules vivantes et persistantes, cellules potentiellement capables de contaminer des produits alimentaires et de s’y multiplier. Par conséquent, il faut faire particulièrement attention au sentiment de fausse propreté que les résultats obtenus après culture sur milieu gélosé peuvent procurer.
Les bactéries VNC n’étant pas détectées par les techniques de microbiologie conventionnelle, elles représentent donc un risque de sécurité sanitaire dans le sens où un échantillon peut éventuellement être considéré comme négatif vis-à-vis d’un micro-organisme alors qu’il est en réalité contaminé (Ferrentino et al. , 2015). Pour mieux évaluer le risque, des auteurs se sont penchés sur le potentiel de virulence des bactéries VNC. Les résultats sont controversés : les cellules VNC restent probablement virulentes pour Gilmartin et al. (2016) alors que pour Cappelier et al. (2007), le retour à la cultivabilité est nécessaire pour l’expression de la virulence. A notre connaissance, les risques réels encourus par l’ingestion de pathogènes VNC d’origine alimentaire, dont L. monocytogenes, restent encore inconnus.
89 Synthèse bibliographique – Chapitre 3
Cependant, les méthodes culturales sont efficaces dans la mesure où elles permettent, depuis des décennies, de préserver la santé publique. En revanche, pour l’évaluation des risques et les études épidémiologiques, ces méthodes doivent être complétées par les méthodes de biologie moléculaire indépendantes de la cultivabilité des cellules pour un meilleur contrôle des cellules VNC (Ayrapetyan et Oliver, 2016 ; Bonilauri et al. , 2016 ; Sardessai, 2005).
90
ETUDES EXPERIMENTALES
Etudes expérimentales - Démarche expérimentale
Démarche expérimentale
Pour préserver, voire améliorer la sécurité sanitaire des environnements agro-alimentaires vis- à-vis de L. monocytogenes , il est primordial d’approfondir les connaissances sur l’adhésion et la persistance de ce pathogène sur les surfaces en contact ou non avec les produits alimentaires. Les bactéries peuvent en effet contaminer les produits par contamination croisée et être à l’origine de cas de listériose et de pertes économiques liées à la destruction et au rappel de lots. De plus, il a été démontré que L. monocytogenes pouvait entrer dans l’état VNC sous l’effet des stress rencontrés dans l’environnement (Besnard et al. , 2002 ; Lindbäck et al. , 2010). Cet état physiologique représente un risque potentiel pour les industriels et les consommateurs car les bactéries sont vivantes mais non détectées par les méthodes culturales généralement utilisées pour la recherche de L. monocytogenes dans un prélèvement de surface, d’où la nécessité d’étudier plus en détail la thématique de la viabilité. Pour répondre à ces problématiques, le travail expérimental de la thèse a été organisé en trois objectifs, chacun faisant l’objet d’un chapitre de ce manuscrit.
Dans un premier temps, le comportement de cellules de L. monocytogenes adhérentes sur des surfaces en acier inoxydable en présence de deux souillures alimentaires (l’exsudat de viande et le jus de saumon fumé) a été étudié. En effet, les études visant à mieux comprendre les phénomènes de persistance sont désormais nombreuses mais elles ne sont pas forcément représentatives des conditions rencontrées dans les environnements agro-alimentaires. Il est donc nécessaire de compléter les données disponibles dans la littérature par des expérimentations simulant au mieux en laboratoire les conditions environnementales industrielles. Pour ce faire, les expériences peuvent être réalisées en utilisant des souillures alimentaires (Gram et al. , 2007 ; Hood et Zottola, 1997). Or, l’utilisation de celles-ci présentent de nombreux inconvénients (manque d’homogénéité d’un lot à un autre, milieux non autoclavables, etc.). Le premier objectif de ces travaux a donc consisté à vérifier la capacité des milieux de culture de microbiologie conventionnelle à modéliser les deux souillures retenues et à définir des milieux de culture synthétiques pouvant les mimer.
Dans un deuxième temps, nous avons étudié l’impact de différents facteurs environnementaux représentatifs des conditions rencontrées dans les environnements agro-alimentaires sur la survie de cellules de L. monocytogenes , à savoir (i) le type de matériau utilisé pour la préparation des biofilms, (ii) la souche de L. monocytogenes , (iii) la souillure alimentaire utilisée comme milieu de culture, (iv) la présence ou non d’une souche bactérienne favorisant l’adhésion de L. monocytogenes et (v) le scénario de l’opération d’hygiène. La survie
93 Etudes expérimentales - Démarche expérimentale bactérienne a été suivie par méthode culturale mais également par méthodes de biologie moléculaire permettant de mettre en évidence l’éventuelle présence des populations VNC.
Enfin, le troisième objectif de ces travaux était de mieux comprendre, par une approche transcriptomique, les mécanismes de réponse aux stress mis en place par L. monocytogenes pour s’adapter et persister au sein des ateliers agro-alimentaires. Il est en effet nécessaire de développer les connaissances sur la persistance de ce pathogène par des approches de biologie moléculaire, afin de mieux lutter contre son implantation dans les ateliers agro-alimentaires (Abee et al. , 2016).
94 Etudes expérimentales – Chapitre 1
CHAPITRE 1 : Recherche de milieux de culture modélisant des souillures alimentaires pour étudier le comportement de Listeria monocytogenes sur les surfaces en acier inoxydable
1. Contexte et objectifs
Comme évoqué précédemment, la persistance de L. monocytogenes dans les ateliers agro- alimentaires est l’objet de nombreuses études. Afin d’étudier le comportement de ce pathogène, les travaux expérimentaux réalisés en laboratoire reposent actuellement sur l’utilisation de milieux de culture de microbiologie conventionnelle (sans avoir vérifié si ces derniers sont représentatifs des environnements agro-alimentaires) ou, au mieux, de souillures alimentaires visant à représenter les conditions environnementales rencontrées dans les industries agro- alimentaires (Gram et al. , 2007 ; Hood et Zottola, 1997 ; Kuda et al. , 2015 ; Takahashi et al. , 2011). Or, l’utilisation de ces souillures présente de nombreux inconvénients. La qualité et la composition de ces dernières ne sont pas homogènes d’un lot à un autre. De plus, elles présentent le double inconvénient de ne pas être autoclavables du fait de la précipitation des protéines à haute température et de ne se conserver que relativement peu de temps. Pour faciliter et optimiser les expérimentations microbiologiques, il est donc souhaitable de définir un milieu de culture pouvant modéliser une souillure alimentaire (Hwang, 2009).
Le premier objectif était de caractériser le comportement des cellules de L. monocytogenes adhérentes sur acier inoxydable après culture en présence de souillures alimentaires. Sachant que les produits prêts à la consommation à base de viande ou de poisson peuvent être à l’origine de cas de listériose (EFSA, 2013), les deux souillures retenues pour les expérimentations étaient le jus de saumon fumé et l’exsudat de viande. Cette étude a été réalisée en utilisant des critères liés aux populations bactériennes adhérentes après une incubation de 24 heures à 25°C sur une surface en acier inoxydable : (i) la distribution spatiale observée par microscopie à épifluorescence, (ii) les forces d'adhérence estimées au moyen de droites de détachement établies après plusieurs écouvillonnages et (iii) l'état physiologique de ces cellules sessiles. Pour compléter le dénombrement des populations cultivables, les populations totales (les cellules mortes et les cellules vivantes) ont été quantifiées par PCRq en temps réel et les populations viables par PMA-PCRq en temps réel (Nocker et al. , 2007), ce qui a permis de mettre en évidence l’éventuelle présence de cellules VNC.
95 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Le second objectif était de définir un milieu de culture pouvant modéliser chacune de ces deux souillures. Les critères de sélection étaient (i) la croissance en milieu liquide, (ii) la distribution spatiale, (iii) les forces d’adhésion et (iv) l’état physiologique des cellules adhérentes. Le choix du milieu de culture synthétique présélectionné lors de l’étude de la croissance de L. monocytogenes en milieu liquide a ensuite été complété par l’étude du comportement des cellules sessiles selon les critères mentionnés ci-dessus.
96 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2. Matériels et méthodes
2.1. Souches et conditions de culture
Quatre souches de L. monocytogenes , de sérotypes et d’origines variés, ont été utilisées : CCL500 (sérotype 1/2b, origine : industrie laitière), CCL128 (sérotype 1/2b, origine : industrie fromagère), CCL207 (sérotype 1/2b, origine : industrie des produits de la mer) et LO28 (sérotype 1/2c, origine : isolat humain).
Les cultures « longue conservation », stockées à -80°C en milieu glycérolé, ont été utilisées pour inoculer des géloses en pente de tryptone soya agar (TSA, AES Chemunex, Bruz, France). Ces tubes de gélose en pente inoculée ont ensuite été conservés jusqu’à leur utilisation à 4°C pendant au maximum un mois. La veille de chaque expérimentation, une culture maintenue sur milieu gélosé à 4°C a été repiquée sur une seconde gélose en pente de TSA et incubée 24 heures à 25°C.
Pour les expérimentations, les bactéries ont été remises en suspension dans de l’eau peptonée à 1 g/l (EP, AES Chemunex). La densité optique (DO) à 600 nm de la suspension bactérienne a été ajustée à 0,15 dans des tubes de 1,5 cm de diamètre avec le colorimètre WPA Biowave (Cambridge, Royaume-Uni), correspondant à une concentration d’environ 10 8 UFC/ml.
2.2. Préparation des souillures alimentaires et des milieux de culture modèles
2.2.1. Le jus de saumon fumé
Vingt grammes de saumon fumé (poisson élevé en Norvège, Carrefour Discount, Paris, France) décongelé et découpé en petits morceaux ont été broyés dans un bol Waring Blender contenant 50 grammes d’eau stérilisée pendant 30 secondes. Le broyat a ensuite été centrifugé à 11000 g durant 10 minutes à 4°C. Le surnageant a été conservé à -80°C pour une durée maximale de quatre mois.
Avant chaque expérimentation, la solution a été décongelée à température ambiante, centrifugée à 2100 g pendant 10 minutes à température ambiante puis stérilisée par filtration sur une unité filtrante avec des pores de 0,22 µm de diamètre (Millipore, Saint-Quentin, France) munie d’une membrane pré-filtre avec des pores de 2 µm de diamètre (Millipore).
Le saumon fumé contenait du sel à 2,3 g/100 g, du phénol à 0,84 mg/100 g et son pH était de 6,2 (ISHA, Institut Scientifique d’Hygiène et d’Analyse, Longjumeau, France).
97 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2.2.2. L’exsudat de viande
L’exsudat de viande a été préparé comme décrit par Midelet et Carpentier (2002). La viande a été fournie par la société Socopa Normandie (Le Neubourg, France). Il s’agit de viande de jeunes bovins de même race et de même élevage afin de garantir au mieux l’homogénéité inter- lots dans le but de minimiser le risque de dérive d’une expérimentation à l’autre. L’exsudat de viande a été obtenu suite à la décongélation et pression de la viande découpée en petits morceaux. Il a été conservé à -80°C et utilisé dans les six mois qui ont suivi sa fabrication.
Avant de l’utiliser, le volume d’exsudat de viande nécessaire a été décongelé, centrifugé 2100 g pendant 10 minutes à température ambiante et le surnageant stérilisé par filtration comme décrit pour le jus de saumon fumé.
La concentration en sel dans l’exsudat de viande était de 0,09 g/100 g et le pH était de 5,4 (ISHA).
2.2.3. Les milieux de culture synthétiques
Les milieux de culture modèles ont été fabriqués à partir de milieux de culture fréquemment utilisés dans les études expérimentales portant sur L. monocytogenes : le bouillon brain heart infusion (BHI, Oxoid, Dardilly, France) et le bouillon tryptone soya broth (TSB, AES Chemunex).
Pour se rapprocher de la composition du jus de saumon fumé, après dilution à 1/2, au 1/5 ème ou 1/10 ème , la composition des milieux de culture a été ajustée selon les données de l’étude de Cornu et al. (2006). La concentration en sel a été ajustée par ajout de chlorure de sodium (NaCl, Emsure, Merck KgaA, Darmstadt, Germany). La concentration en composés phénoliques a été ajustée avec de la fumée liquide (Lutetia, Plailly, France) pour simuler le fumage du poisson avec du bois naturel (Hwang, 2009 ; Membré et al. , 1997). L’acide chlorhydrique (Sigma- Alrich, Saint Quentin Fallavier, France) a été utilisé pour ajuster le pH à 6,2. Les milieux ajustés après dilution ont été nommés TSB modifié (TSB m) et BHI modifié (BHI m).
Pour les milieux de culture préparés pour mimer l’exsudat de viande, après leur dilution au 1/10 ème , 1/15 ème ou 1/20 ème , seul le pH a été ajusté à 5,4 par l’ajout d’acide chlorhydrique.
Les milieux TSB et BHI modifiés ont respectivement été nommés TSB pH 5,4 et BHI pH 5,4 .
Tous les milieux de culture ont été stérilisés par filtration sur une membrane ayant des pores de 0,22 µm de diamètre munie d’une membrane pré-filtre avec des pores de 2 µm de diamètre.
98 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2.3. Croissance bactérienne
2.3.1. Croissance dans le jus de saumon fumé et les milieux mimant cette souillure
La croissance bactérienne à 25°C a été évaluée par mesure de la DO à 590 nm par le FLUOstar Galaxy (BGM Labtechnologies, Offenburg, Allemagne) piloté par le logiciel associé FLUOstar Galaxy software, version 4.31-0. Pour ce faire, 200 µl de chaque milieu (jus de saumon fumé, 4 TSB m et BHI m) inoculé avec un inoculum initial de 10 UFC/ml, ont été déposés dans une microplaque de 96 puits (Nunc TM Brand Products, VWR, Fontenay-sous-Bois, France). Une mesure de la DO a été effectuée dans chaque puits toutes les 15 minutes pendant 24 heures sans agitation.
2.3.2. Croissance dans l’exsudat de viande et les milieux mimant cette souillure
La couleur rouge foncé de l'exsudat de viande ne permet pas la mesure de la DO pour évaluer la croissance bactérienne. Celle-ci a donc été suivie par dénombrement des UFC à partir de prélèvements de milieu de culture. L’exsudat de viande et les milieux de culture synthétiques 3 (TSB pH 5.4 et BHI pH 5.4 ) ont été inoculés avec un inoculum initial de 10 UFC/ml et incubé à 25°C pendant 48 heures sans agitation. A des temps donnés, 100 µl de milieu ont été prélevés, dilués, ensemencés sur le milieu TSA par un ensemenceur (Spiral ® DS, Interscience, Saint- Nom-La-Bretèche, France), puis dénombrés après une incubation de 24 heures à 37°C.
2.3.3. Analyse des données
L’étude de la croissance de L. monocytogenes dans les différents milieux de culture et les deux souillures alimentaires a été basée sur la comparaison de deux paramètres : le taux de croissance maximal atteint lors de la phase exponentielle de croissance ( µmax ) et la population maximale de bactéries atteinte en phase stationnaire (N max exprimée en DO pour le jus de saumon fumé ou en UFC/ml pour l’exsudat de viande).
L’ensemble des données obtenues dans chaque puits a été ajusté au modèle de croissance de Baranyi (Baranyi et Roberts, 1994) avec le logiciel MicroFit version 1.0 (Institute of Food Research, 2011).
2.4. Etude des populations adhérentes
99 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2.4.1. Réalisation des biofilms selon le protocole « goutte »
Les biofilms ont été préparés sur des coupons (3 cm x 2.5 cm) en acier inoxydable de finition 2 RB, AISI 304 B (Inox Industrie, Aulnay-sous-Bois, France). Comme décrit précédemment par Leriche et Carpentier (1995), chaque coupon a été frotté avec un mélange d’alcool à 95% et d’acétone (3V/1V) pour enlever les débris du process de fabrication et les résidus de graisses, lavés, autoclavés (20 minutes à 121°C), séchés sous flux laminaire en conditions stériles et finalement conservés stérilement jusqu’à leur utilisation.
Les coupons nécessaires à chaque expérimentation ont été répartis dans des boîtes de Petri de 90 mm de diamètre, lesquelles ont été placées dans de plus grandes boîtes contenant du papier absorbant stérile humidifié avec de l’eau distillée stérilisée pour maintenir une atmosphère humide et éviter la déshydratation des biofilms.
Les biofilms ont été réalisés selon le protocole « goutte ». Cent µl de la suspension bactérienne de DO égale à 0,15 (correspondant à une concentration bactérienne de 10 8 UFC/ml) ont été déposés au centre des coupons en acier inoxydable. Après une incubation de 3 heures à 25°C, les coupons ont été rincés par écoulement de 25 ml d’EP afin d’éliminer les cellules non- adhérentes. Ensuite, 150 µl de jus de saumon fumé, d’exsudat de viande ou de chaque milieu de culture synthétique ont été déposés à l’emplacement du premier dépôt afin de permettre la croissance bactérienne en simulant l’environnement de fabrication des produits alimentaires. Suite à une incubation de 21 heures à 25°C, les biofilms ont été obtenus après avoir éliminé les cellules planctoniques en rinçant les coupons par écoulement de 25 ml d’eau distillée stérilisée.
2.4.2. Distribution spatiale des populations adhérentes
Les biofilms préparés ont été marqués au Syto 9® à 5 mM (Molecular probes ® Invitrogen ™, Life technologies ™, Saint-Aubin, France), incubés à l’obscurité à température ambiante pendant 15 minutes et rincés avec 10 ml d’eau distillée stérilisée. Les cellules marquées ont été visualisées, en immersion, avec un microscope à épifluorescence (Axioskop, Carl Zeiss SAS, Le Pecq, France) muni de l’objectif 100 Néofluar (excitation à 485 nm, émission à 498 nm) et d’une caméra (Axiocam, Carl Zeiss SAS). Les champs microscopiques ont été choisis de façon aléatoire pour prendre au moins cinq photos par coupon avec le logiciel IndusGab version 2.2.0 (Adersa, Palaiseau, France).
100 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2.4.3. Décrochage des cellules adhérentes par écouvillonnage
Pour analyser les populations adhérentes, un écouvillon (Copan, Brescia, Italie) dont l’embout en coton a été préalablement humidifié avec de l’EP, a été utilisé pour écouvillonner la surface dans trois directions (sur la longueur et la largeur puis en diagonale) selon la norme NF ISO 18593 (Anonyme, 2004). L’embout de l’écouvillon a ensuite été séparé de la tige en bois puis placé dans un tube contenant 1 ml d’EP. Les cellules ont été dissociées de l’écouvillon en vortexant les tubes pendant 10 secondes. Les embouts ont ensuite été retirés de la suspension obtenue.
2.4.4. Mesure des forces d’adhésion des cellules sur l’acier inoxydable
Les droites de décrochement ont été tracées suite à l’écouvillonnage d’un même coupon avec dix écouvillons successifs. Elles ont été construites en exprimant le logarithme du nombre de cellules cultivables décrochées pour chacun des dix écouvillonnages. L’étude des forces d’adhésion relatives des cellules adhérentes est basée sur la comparaison des pentes des droites de décrochement. Plus la valeur absolue de la pente est importante, moins les cellules sont adhérentes à la surface (Eginton et al. , 1995 ; Eginton et al. , 1998 ; Midelet et Carpentier, 2002).
2.4.5. Dénombrement des cellules adhérentes cultivables
La quantification des cellules cultivables a été effectuée au cours de la réalisation des droites de décrochement. Les suspensions bactériennes ont été diluées, ensemencées sur le milieu TSA comme décrit ci-dessus (Paragraphe 2.3.2, Page 99) et dénombrées après une incubation de 24 heures à 37°C.
2.4.6. Quantification des cellules adhérentes totales par PCRq en temps réel
L’ADN bactérien a été extrait à partir de 100 µl de la suspension obtenue suite au premier écouvillonnage de la surface à l’aide du kit MagNa Pure LC DNA isolation kit III (Roche Diagnostics ®, Meylan, France) avec lequel l’ADN est isolé par une technologie utilisant des billes magnétiques (détails du principe et du protocole en Annexe 1). L’extraction a été réalisée avec le robot extracteur MagNa Pure (Roche) associé au logiciel MagNA Pure version 3.0. Les échantillons d’ADN ont été conservés après l’extraction à -25°C jusqu’à la réalisation de la PCRq en temps réel.
101 Etudes expérimentales – Chapitre 1
La PCRq en temps réel a été réalisée avec le thermocycleur LightCycler ® 2.0 System (Roche Diagnostics ®, Meylan, France) en utilisant le kit LightCycler ® 480 SYBR Green I Master du même fournisseur. Le gène de virulence hlyA codant la listériolysine O, et spécifique de L. monocytogenes , a été amplifié grâce aux amorces spécifiques dessinées par Nogva et al. (2000) (Forward : 5’ - TGC AAG TCC TAA GAC GCC A - 3’ ; Reverse : 5’ - CAC TGC ATC TCC GTG GTA TAC TAA - 3’). Chaque échantillon analysé était composé de 10 µl de la solution d’ADN extrait et 15 µl de mix (12,5 µl de tampon SYBR Green I Master, 1,5 µl d’eau moléculaire et 0,5 µl de chaque amorce à la concentration finale de 200 nM). Le programme suivi est : un cycle de pré-incubation (10 minutes à 95°C), 40 cycles d’amplification (10 secondes à 95°C puis 1 minute à 60°C), un cycle de fusion (5 secondes à 95°C puis 1 minute à 70°C) et enfin un cycle de refroidissement (30 secondes à 40°C). Dans chaque run de PCRq, l’eau moléculaire a été utilisée comme contrôle négatif.
Pour la quantification, une relation de proportionnalité a été établie entre le nombre d’UFC et les valeurs de cycle seuil (Ct) déterminées par PCRq à partir de solutions d’ADN extrait de plusieurs dilutions décimales d’une suspension bactérienne de DO égale à 0,15 (Marouani- Gadri et al. , 2010). La courbe exprimant le nombre de Ct en fonction du nombre d’UFC correspond à la droite standard de quantification. L’efficacité de la PCRq était de 95% minimum, le seuil de détection égal à 4,0 log 10 (UFC/ml).
2.4.7. Quantification des cellules adhérentes viables par PMA-PCRq en temps réel
Avant l’extraction d’ADN, du PMA (Biotium, Hayward, United States) a été ajouté à 100 µl de suspension obtenue par écouvillonnage à une concentration finale de 100 µM suivant le protocole de Nocker et al. (2006). Suite à une incubation de 5 minutes à l’obscurité à température ambiante, les échantillons ont été exposés, durant 2 minutes, dans la glace pour éviter un échauffement, sous la lampe Osram SLG 1000 munie d’une ampoule halogène de 650 W placée 20 centimètres au-dessus d’eux. Cette incubation brève sous la source lumineuse intense permet de lier de façon covalente le PMA à l’ADN et d’inactiver les molécules de PMA libres. Les échantillons ont ensuite été centrifugés à 15000 g pendant 3 minutes à température ambiante. Le culot obtenu a alors été repris dans 200 µl de phospate buffered saline (PBS, Dulbecco A, Oxoïd Limited, Hampshire, Angleterre).
L’extraction de l’ADN et la PCRq en temps réel ont été réalisées comme décrit préalablement pour la quantification des cellules totales.
102 Etudes expérimentales – Chapitre 1
2.5. Analyses statistiques
Pour chaque condition, au moins deux expériences indépendantes ont été menées. Dans chaque expérience, au moins deux réplicats ont été réalisés. Les données présentées sont les valeurs moyennes ± l’écart-type. Les données ont été statistiquement analysées par une analyse de variance (ANOVA) à au moins deux facteurs à l’aide du logiciel Statgraphics Centurion XV version 15.2.00 (Statpoint Technologies Inc., SigmaPlus, Levallois-Perret, France).
Il a été considéré qu’une différence était significative lorsque la probabilité critique p-value était inférieure ou égale à 0,05. L’effet dû à la répétition des expériences et l’interaction entre les facteurs étudiés ont été pris en compte dans les analyses ANOVA.
103 Etudes expérimentales – Chapitre 1
3. Résultats
L’objectif de cette étude était de développer des milieux de culture modèles pour mimer le jus de saumon fumé et l’exsudat de viande.
La première étape a consisté en la caractérisation (i) de la distribution spatiale, (ii) des forces d’adhésion et (iii) de l’état physiologique de cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées sur des surfaces en acier inoxydable en présence de chacune des deux souillures alimentaires. La seconde étape était la recherche d’un milieu de culture synthétique pouvant mimer chaque souillure alimentaire. Pour cela, la croissance de L. monocytogenes CCL500 dans chaque souillure et plusieurs milieux de culture synthétiques a été étudiée. Ensuite, nous avons comparé la distribution spatiale, les forces d’adhésion et l’état physiologique de cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées sur des surfaces en acier inoxydable en présence de la souillure et du milieu de culture modèle potentiel sélectionné. Enfin, uniquement dans le cas du jus de saumon fumé, les expériences ont été poursuivies avec les trois souches de L. monocytogenes CCL128, CCL207 et LO28 pour valider le choix du milieu de culture synthétique retenu.
3.1. Etude des cellules de L. monocytogenes adhérentes sur l’acier inoxydable en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande
3.1.1. Distribution spatiale des populations adhérentes
Les observations faites en microscopie à épifluorescence des populations adhérentes de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande sur acier inoxydable après 24 heures à 25°C sont présentées dans la Figure 8 (photos A et B).
La distribution spatiale des populations sessiles de L. monocytogenes CCL500 était dépendante de la souillure utilisée comme milieu de culture. Dans le jus de saumon fumé, les cellules étaient séparées les unes des autres et réparties uniformément sur toute la surface (Figure 8 A). Au contraire, dans l’exsudat de viande, les cellules formaient de longues chaînes regroupées autour de précipités qui pourraient être des composés de l’exsudat de viande ou des expolymères (Figure 8 B).
104 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Figure 8 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9 ® de cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé (A), d’exsudat de viande (B), du milieu TSB/5 m (C) et du milieu BHI/20 pH 5,4 (D) sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C.
3.1.2. Forces d’adhésion des cellules sur l’acier inoxydable
Les forces d’adhésion des cellules sessiles de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande ont été évaluées en réalisant les droites de décrochement suite à des écouvillonnages successifs après 24 heures d’incubation à 25°C. Un exemple représentatif d’une droite de décrochement, pour chacune des deux souillures, est présenté dans la Figure 9. Les valeurs moyennes des pentes de décrochement sont récapitulées dans le Tableau 10.
Une différence significative ( p-value < 0,05) a été observée entre les deux souillures alimentaires. La valeur absolue de la pente est deux fois plus élevée dans le cas de l’utilisation du jus de saumon fumé. Comme décrit auparavant, plus la pente est forte, plus les forces d’adhésion sont faibles. Les forces d’adhésion des cellules cultivées sur l’acier inoxydable en
105 Etudes expérimentales – Chapitre 1 présence de jus de saumon fumé (pente = -2,03 ± 0,56) étaient donc plus faibles que celles des cellules cultivées avec l’exsudat de viande (pente = -0,99 ± 0,22).
En présence de jus de saumon fumé En présence d’exsudat de viande
Figure 9 : Exemple représentatif d’une droite de décrochement de cellules adhérentes de L. monocytogenes CCL500 cultivées en présence de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande pendant 24 heures à 25°C sur acier inoxydable et décrochées par écouvillonnages successifs. Le seuil de détection était de 1,3 log 10 (UFC/écouvillon). Seuls les écouvillons pour lesquels les valeurs de dénombrement étaient supérieures ou égales au seuil de détection sont représentés.
Tableau 10 : Forces d’adhésion relatives de cellules de L. monocytogenes cultivées en présence de jus de saumon fumé, d’exsudat de viande ou de milieux de culture synthétiques sur acier inoxydable durant 24 heures à 25°C
Souche Milieu de culture Pente P-value a CCL500 Exsudat de viande (n = 12) -0,99 ± 0,22 <0,05
BHI/20 pH 5,4 (n = 6) -1,78 ± 0,19 Jus de saumon fumé (n = 15) -2,03 ± 0,56 0,63
TSB/5 m (n = 12) -1,93 ± 0,49 CCL128 Jus de saumon fumé (n = 7) -1,56 ± 0,34 0,49
TSB/5 m (n = 7) -1,67 ± 0,19 CCL207 Jus de saumon fumé (n = 7) -1,44 ± 0,33 0,99
TSB/5 m (n = 7) -1,44 ± 0,42 LO28 Jus de saumon fumé (n = 7) -1,60 ± 0,71 0,41
TSB/5 m (n = 7) -1,63 ± 0,80 a : Les analyses statistiques visent à comparer deux milieux pour chaque souche. Les souches n’ont pas été comparées entre elles.
106 Etudes expérimentales – Chapitre 1
3.1.3. Quantification des populations sessiles selon leur état physiologique
La proportion de cellules adhérentes viables après culture en présence de chacune des deux souillures alimentaires a été mesurée par PCRq et PMA-PCRq en temps réel (Tableau 11).
Tableau 11 : Quantification des cellules adhérentes de L. monocytogenes cultivées en présence de jus de saumon fumé, d’exsudat de viande ou de milieux de culture synthétiques sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C
Cellules Cellules Cellules Cellules totales (1) a viables (2) mortes cultivables log 10 (cellules/ml log 10 (cellules/ml) (1)-(2) log 10 (UFC/ml) Milieu de ) Souche culture Moyenne Moyenne Moyenne (% relatif aux Moyenne ± Ecart-type ± Ecart-type cellules ± Ecart-type totales) CCL50 Exsudat de 0 viande 8,11 ± 0,31 A 7,21 ± 0,31 B 0,90 (87%) 6,51 ± 0,23 C (n=8) BHI/20, pH 5,4 7,49 ± 0,17 D 6,52 ± 0,13 E 0,97 (89%) 6,07 ± 0,19 F (n=6) Jus de saumon 6,82 ± 0,36 A 5,78 ± 0,46 B 1,04 (91%) 5,85 ± 0,29 B (n=7) TSB/5 m 7,10 ± 0,25 A 6,26 ± 0,29 B, C 0,84 (86%) 6,33 ± 0,22 C (n = 7) CCL12 Jus de saumon 7,11 ± 0,59 A 6,17 ± 0,48 B 0,94 (87%) 5,77 ± 0,23 C 8 (n=7) TSB/5 m 7,03 ± 0,48 A 6,06 ± 0,40 B 0,97 (89%) 6,25 ± 0,30 B (n = 7) CCL20 Jus de saumon 5,63 ± 0,64 A 4,77 ± 0,51 B 0,86 (86%) 4,84 ± 0,37 B 7 (n=7) TSB/5 m 5,70 ± 0,66 A 4,63 ± 0,64 B, C 1,07 (92%) 4,44 ± 0,49 C (n=7) LO28 Jus de saumon 5,48 ± 0,48 A 4,38 ± 0,46 B 1,10 (92%) 4,61 ± 0,16 B (n=7) TSB/5 m 5,36 ± 0,43 A 4,34 ± 0,36 B, C 1,02 (91%) 4,33 ± 0,38 B (n=7) a : Les analyses statistiques visent à comparer deux milieux pour chaque souche. Les souches n’ont pas été comparées entre elles. Les lettres en exposant indiquent les différences significatives entre les trois états physiologiques pour chacune des souches.
107 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Pour le jus de saumon fumé, tout comme pour l’exsudat de viande, la différence significative entre la quantité de cellules totales et la quantité de cellules viables indiquait qu’environ 90% des cellules adhérentes étaient mortes. Cependant, il y avait tout de même des différences entre les deux souillures : la quantité de cellules totales était significativement plus élevée après culture en présence d’exsudat de viande (8,11 log 10 (cellules/ml)) qu’en présence de jus de saumon fumé (6,82 log 10 (cellules/ml)). Un constat important était que dans le jus de saumon fumé, 100% des cellules viables étaient cultivables sur le milieu TSA (p-value = 0,98) alors que dans l’exsudat de viande, seulement 20% des cellules l’étaient (p-value < 0,05). Les résultats indiquent que l’exsudat de viande est un milieu de culture stressant induisant l’apparition de cellules VNC.
3.2. Comparaison du comportement des cellules de L. monocytogenes adhérentes cultivées avec du jus de saumon fumé ou de milieux synthétiques
3.2.1. Recherche d’un milieu de culture pouvant modéliser le jus de saumon fumé
Nous avons comparé la croissance de L. monocytogenes CCL500 dans le jus de saumon fumé et dans plusieurs milieux de culture synthétiques (TSB m, TSB/2 m, TSB/5 m, TSB/10 m, BHI m,
BHI/2 m, BHI/5 m et BHI/10 m) préparés pour mimer le jus de saumon fumé dans le but de sélectionner un potentiel milieu de culture modèle. Le comportement des cellules de L. monocytogenes CCL500 adhérentes sur l’acier inoxydable a ensuite été comparé en présence de jus de saumon fumé ou du milieu synthétique sélectionné. Comme décrit pour l’étude des deux souillures alimentaires, les critères de comparaison étaient la distribution spatiale, les forces d’adhésion relatives et l’état physiologique des cellules sessiles.
Les paramètres de croissance de L. monocytogenes CCL500 cultivée à 25°C dans le jus de saumon fumé et les milieux TSB et BHI plus ou moins dilués sont présentés dans le
Tableau 12. Prenant en compte le paramètre µDO , la croissance de L. monocytogenes CCL500 était la même dans le jus de saumon fumé et dans tous les milieux de culture synthétiques, mis
à part le milieu TSB/10 m dans lequel la croissance était plus lente ( p-value < 0,05). En considérant simultanément les deux paramètres de croissance µDO et DO max , seul le milieu
TSB/5 m n’était pas significativement différent du jus de saumon fumé. Par conséquent, le milieu
TSB/5 m était le milieu de culture qui a été retenu pour la suite de l’étude.
108 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Tableau 12 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées dans le jus de saumon fumé et les milieux de culture synthétiques associés à 25°C
µDO DO max log 10 (DO/heure) DO Milieu de culture Moyenne Moyenne P-value a P-value ± Ecart-type ± Ecart-type Jus de saumon fumé 0,24 ±0,08 - 0,23 ± 0,04 - (n = 30)
TSB m (n = 15) 0,20 ± 0,07 0,25 0,43 ± 0,04 < 0,05
TSB/2 m (n = 15) 0,22 ± 0,04 0,57 0,31 ± 0,03 < 0,05
TSB/5 m (n = 15) 0,24 ± 0,06 0,63 0,23 ± 0,02 0,79
TSB/10 m (n = 15) 0,13 ± 0,04 < 0,05 0,12 ± 0,02 < 0,05
BHI m (n = 15) 0,18 ± 0,04 0,59 0,12 ± 0,02 < 0,05
BHI/2 m (n = 15) 0,21 ± 0,04 0,35 0,34 ± 0,02 < 0,05
BHI/5 m (n = 15) 0,22 ± 0,05 0,72 0,18 ± 0,01 < 0,05
BHI/10 m (n = 15) 0,19 ± 0,06 0,84 0,11 ± 0,01 < 0,05 a : Les analyses statistiques visent à comparer chaque milieu synthétique au saumon fumé. Les milieux de culture synthétiques n’ont pas été comparés entre eux.
La distribution spatiale des populations adhérentes de L. monocytogenes CCL500 était similaire pour le jus de saumon fumé (Figure 8 A) et le milieu TSB/5 m (Figure 8 C) après une incubation à 25°C pendant 24 heures. Les cellules étaient isolées les unes des autres et réparties uniformément sur toute la surface.
De plus, la pente de la courbe de décrochement des cellules cultivées dans le milieu TSB/5 m n’était pas significativement différente de celle des cellules cultivées en présence de jus de saumon fumé ( p-value = 0,31) (Tableau 10).
Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre la quantité de cellules totales décrochées par écouvillonnage après culture en présence de jus de saumon fumé et du milieu
TSB/5 m (p-value = 0,23) (Tableau 11). La proportion de cellules viables et de cellules cultivables parmi les cellules totales était la même quel que soit le milieu de culture. Une différence significative ( p-value < 0,05) a été observée entre la quantité de cellules totales et la quantité de cellules viables, révélant ainsi que seulement environ 10-15% des cellules adhérentes étaient vivantes. Comme dans le jus de saumon fumé, le nombre de cellules viables
109 Etudes expérimentales – Chapitre 1 et celui de cellules cultivables n’étaient pas significativement différents quand les biofilms ont
été préparés avec le milieu TSB/5 m (p-value = 0,72).
D’après tous ces résultats, nous avons conclu que le milieu TSB/5 m peut être considéré comme un bon milieu de culture pouvant modéliser le jus de saumon fumé en prenant en considération les quatre critères de sélection.
3.2.2. Validation du milieu TSB/5 m comme milieu de culture modèle mimant le jus de saumon fumé
Pour valider le choix du milieu TSB/5 m comme substitut du jus de saumon fumé, nous avons étudié les mêmes critères de sélection que précédemment pour trois souches supplémentaires de L. monocytogenes CCL128, CCL207 et LO28 isolées de différents environnements.
Les résultats concernant les paramètres de croissance de L. monocytogenes CCL128, CCL207 et LO28 cultivées à 25°C dans le jus de saumon fumé et le milieu TSB/5 m sont présentés dans le Tableau 13. Pour les souches CCL128, CCL207 et LO28, le paramètre µDO n’était pas significativement différent dans le jus de saumon fumé et le milieu TSB/5 m (p-value = 0,06 ; 0,52 et 0,05 respectivement). Cette observation était la même pour les deux souches CCL128 et LO28 concernant le paramètre DO max (p-value = 0,19 et 0,57 respectivement). Pour la souche
CCL207, une différence significative a été constatée pour le paramètre DO max (p-value = 0,02).
Tableau 13 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL207, CCL128 et LO28 cultivées dans le jus de saumon fumé et le milieu TSB/5 m à 25°C
µDO DO max log 10 (DO/heure) DO Souche Milieu de culture Moyenne Moyenne P-value a P-value ± Ecart-type ± Ecart-type CCL128 Jus de saumon fumé (n = 10) 0,22 ± 0,06 0,24 ± 0,06 0,06 0,19 TSB/5 m (n = 10) 0,26 ± 0,05 0,23 ± 0,05 CCL207 Jus de saumon fumé (n = 10) 0,33 ± 0,14 0,25 ± 0,07 0,52 0,02 TSB/5 m (n = 10) 0,30 ± 0,03 0,21 ± 0,03 LO28 Jus de saumon fumé (n = 10) 0,29 ± 0,06 0,17 ± 0,02 0,05 0,57 TSB/5 m (n = 10) 0,34 ± 0,10 0,17 ± 0,04 a : Les analyses statistiques visent à comparer deux milieux pour chaque souche. Les souches n’ont pas été comparées entre elles.
110 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Les observations faites par microscopie à épifluorescence des populations adhérentes de L. monocytogenes CCL128, CCL207 et LO28 cultivées avec du jus de saumon fumé ou du milieu TSB/5 m sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C sont présentées dans la Figure 10. Quelle que soit la souche, les cellules adhérentes étaient isolées en présence de jus de saumon fumé (Figure 10 A, C et E) et du milieu TSB/5 m (Figure 10 B, D et F). La distribution spatiale des cellules était la même dans tous les cas mais la densité cellulaire était souche- dépendante. En effet, la souche CCL128 semblait plus adhérente que les souches CCL207 et LO28.
Figure 10 : Observation au microscope à épifluorescence après marquage au Syto9 ® de cellules de L. monocytogenes CCL207 (A et B), CCL128 (C et D), et LO28 (E et F) cultivées en présence de jus de saumon fumé (A, C et E) et du milieu TSB/5 m (B, D et F) sur acier inoxydable pendant 24 heures à 25°C.
La pente de la droite de décrochement des cellules cultivées en présence de jus de saumon fumé n’était pas significativement différente de la pente de la droite de décrochement des cellules cultivées en présence du milieu TSB/5 m et ce, pour les trois souches CCL128, CCL207 et LO28 (p-value = 0,49 ; 0,99 et 0,41 respectivement) (Tableau 10).
La population totale décrochée par écouvillonnage après culture en présence de jus de saumon fumé et du milieu TSB/5 m était équivalente en termes de quantité pour les trois souches CCL128, CCL207 et LO28 (p-value = 0,55 ; 0,58 et 0,06 respectivement) (Tableau 11). De plus, la même proportion de cellules viables et de cellules cultivables parmi les cellules totales
111 Etudes expérimentales – Chapitre 1 a été observée pour les deux milieux de culture. La différence significative entre la quantité de cellules totales et celle de cellules viables, pour les trois souches dans les deux milieux de culture, indiquait que la majorité des cellules adhérentes étaient mortes. Seulement 8 à 14% étaient viables. La totalité des cellules viables des deux souches CCL207 et LO28 décrochées par écouvillonnage suite à une incubation en présence de jus de saumon fumé ou du milieu
TSB/5 m étaient cultivables sur le milieu TSA. La seule différence significative concerne la souche CCL128 pour laquelle uniquement 40% des cellules viables formaient des colonies sur le milieu TSA.
3.3. Comparaison du comportement des cellules de L. monocytogenes adhérentes cultivées en présence d’exsudat de viande ou de milieux synthétiques
Comme décrit pour le jus de saumon fumé, nous avons ensuite comparé la croissance et le comportement des cellules de L. monocytogenes CCL500 dans l’exsudat de viande et différents milieux de culture synthétiques (TSB/10 pH 5,4 , TSB/15 pH 5,4 , TSB/20 pH 5,4 , BHI/10 pH 5,4 ,
BHI/15 pH 5,4 et BHI/20 pH 5,4 ).
Toutes les données de croissance bactérienne de L. monocytogenes CCL500 à 25°C dans l’exsudat de viande et les milieux de culture modifiés associés ont été obtenues par dénombrement des UFC et sont récapitulées dans le Tableau 14.
Tableau 14 : Paramètres de croissance des cellules de L. monocytogenes CCL500 cultivées dans l’exsudat de viande et les milieux de culture synthétiques associés à 25°C
µmax Nmax log 10 (UFC/heure) log 10 (UFC/ml) Milieu de culture Moyenne Moyenne P-value a P-value ± Ecart-type ± Ecart-type Exsudat de viande (n = 8) 0,19 ± 0,05 - 7,70 ± 0.13 -
TSB/10 pH 5,4 (n = 4) 0,19 ± 0,02 0,97 7,75 ± 0.05 0,47
TSB/15 pH 5,4 (n = 6) 0,13 ± 0,02 < 0,05 7,38 ± 0.17 < 0,05
TSB/20 pH 5,4 (n = 4) 0,19 ± 0,05 0,97 7,50 ± 0.12 < 0,05
BHI/10 pH 5,4 (n = 4) 0,20 ± 0,05 0,58 7,99 ± 0.05 < 0,05
BHI/15 pH 5,4 (n = 4) 0,16 ± 0,02 0,42 7,89 ± 0.35 0,19
BHI/20 pH 5,4 (n = 6) 0,21 ± 0,07 0,50 7,63 ± 0.27 0,55 a : Les analyses statistiques visent à comparer chaque milieu synthétique à l’exsudat de viande. Les milieux de culture synthétiques n’ont pas été comparés entre eux.
112 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Prenant en compte simultanément les deux paramètres de croissance µmax et Nmax , les milieux TSB/10 pH 5,4 , BHI/10 pH 5,4 et BHI/20 pH 5,4 n’étaient pas significativement différents de l’exsudat de viande. Comme cette souillure semble être un milieu stressant pour L. monocytogenes (Tableau 11), nous avons décidé de retenir le milieu de culture synthétique le plus stressant, c’est-à-dire le milieu le moins riche en nutriments. Nous avons donc sélectionné le milieu BHI/20 pH 5,4 pour poursuivre les expérimentations.
La distribution spatiale des cellules adhérentes de L. monocytogenes CCL500 après 24 heures à 25°C dépendait du milieu de culture utilisé pour la préparation des biofilms. En effet, la distribution spatiale n’était pas la même quand les biofilms étaient réalisés avec l’exsudat de viande (Figure 8 B) ou avec le milieu BHI/20 pH 5,4 dans lequel les cellules étaient petites et séparées les unes des autres (Figure 8 D).
Les forces d’adhésion étaient également significativement différentes ( p-value < 0,05) : les cellules étaient deux fois plus adhérentes dans l’exsudat de viande que dans le milieu
BHI/20 pH 5,4 (Tableau 13).
Une différence significative ( p-value < 0,05) a également été observée entre les quantités de cellules totales décrochées par écouvillonnage : la quantité de cellules totales était plus faible de 0,6 log 10 (cellules/ml) dans le milieu BHI/20 pH 5,4 que dans l’exsudat de viande (Tableau 11). Pour les deux milieux de culture, la différence n’était pas significative entre la quantité de cellules totales et la quantité de cellules viables, indiquant qu’environ 90% des cellules adhérentes étaient mortes. De plus, d’après la différence significative observée, il y avait des cellules VNC (20% des cellules viables dans l’exsudat de viande et 35% dans le milieu
BHI/20 pH 5,4 ).D’après ces résultats mettant en avant de nombreuses différences, nous en avons conclu que l’exsudat de viande ne pouvait pas être remplacé par le BHI/20 pH 5,4 pour les expérimentations.
113 Etudes expérimentales – Chapitre 1
4. Discussion
4.1. Caractérisation du comportement de L. monocytogenes en présence de souillures alimentaires
Dans le but de développer par la suite des milieux de culture synthétiques pour remplacer l’utilisation du jus de saumon fumé et de l’exsudat de viande, le comportement des cellules adhérentes de L. monocytogenes a été étudié en présence de chacune de ces deux souillures alimentaires. L’exsudat de viande apparaît comme étant un milieu de culture plus stressant que le jus de saumon fumé. Dans l’exsudat de viande, les cellules adhérentes qui se sont développées sur l’acier inoxydable présentaient un phénotype de croissance sous forme de chaînettes caractéristique d’une division cellulaire incomplète et étaient plus fortement attachées que les cellules cultivées dans le jus de saumon fumé qui se divisaient correctement (Tableau 10 et Figure 8). Comme indiqué dans le Tableau 11, la croissance en présence d’exsudat de viande générait des cellules VNC, ce qui n’était pas le cas dans le jus de saumon fumé. De plus, la croissance bactérienne était plus lente dans l’exsudat de viande ( Nmax atteint en 48 heures) que dans le jus de saumon fumé ( DO max atteinte en 24 heures).
Une hypothèse pour expliquer toutes les différences observées entre le jus de saumon fumé et l’exsudat de viande repose sur la différence de pH qui est un stress environnemental pour les bactéries (6,2 pour le jus de saumon fumé contre 5,4 pour l’exsudat de viande). Schillinger et al. (1991) ont d’ailleurs montré que les cellules de L. monocytogenes survivaient mais n’étaient pas capables de se multiplier dans la viande à un pH de 5,6 – 5,8 ou dans les saucisses préparées avec cette viande. Cependant, la croissance était plus rapide dans les saucisses avec un pH plus élevé (6,3). De plus, il est probable que la concentration en sel impacte le nombre de cellules adhérentes sur les surfaces et leur agrégation (Belessi et al. , 2011 ; Jensen et al. , 2007). Néanmoins, d’après nos résultats, le faible pH de l’exsudat de viande semble être plus stressant que la forte concentration en NaCl du jus de saumon fumé.
Les résultats concernant la distribution spatiale (Figure 8), les forces d’adhésion relatives (Tableau 10) et l’état physiologique (Tableau 11) des populations adhérentes montrent que le comportement de L. monocytogenes dépend de la souillure alimentaire utilisée. Celle-ci influence l’état physiologique des cellules mais aussi l’efficacité des opérations de N&D (Gram et al. , 2007). Il faut donc que les procédures de N&D soient adaptées aux types de souillures présentes dans l’atelier agro-alimentaire pour maximiser l’élimination de L. monocytogenes .
114 Etudes expérimentales – Chapitre 1
4.2. Recherche de milieux de culture modèles
Pour comprendre le comportement de L. monocytogenes sur les surfaces, les études sont souvent fondées sur l’utilisation de milieux de culture conventionnels (Kalmokoff et al. , 2001 ; Ronner et Wong, 1993 ; Smoot et Pierson, 1998). Ceux-ci sont parfois remplacés par des souillures alimentaires qui visent à représenter les conditions rencontrées dans les environnements agro-alimentaires (Gram et al. , 2007 ; Hood et Zottola, 1997 ; Marouani-Gadri et al. , 2010 ; Midelet et Carpentier, 2002 ; Whitehead et al. , 2010). Comme Hwang (2009) le souligne dans son étude de modélisation de la croissance de L. monocytogenes dans le saumon et le milieu TSB, utiliser un bouillon de culture plutôt qu’un produit alimentaire ou une souillure présente de nombreux avantages concernant notamment la production, la conservation, la reproductibilité et l’homogénéité.
Pour reproduire autant que possible les conditions de production dans les ateliers, Huang et al. (2015) ont simulé des souillures alimentaires en ajoutant du glucose ou du NaCl dans les milieux TSB et BHI pour étudier la survie à la dessiccation de L. monocytogenes cultivées sur des surfaces en acier inoxydable. De façon similaire, dans notre étude, nous avons utilisé les milieux TSB et BHI comme milieux de culture de base que nous avons modifiés/dilués de manière à avoir un comportement bactérien similaire à celui obtenu avec les deux souillures alimentaires : le jus de saumon fumé et l’exsudat de viande. A notre connaissance, notre travail est le premier à porter sur une analyse comparative entre des souillures alimentaires et des milieux de culture synthétiques les modélisant.
Selon nos résultats portant sur la croissance bactérienne en milieu liquide, la distribution spatiale, les forces d’adhésion et l’état physiologique des populations de L. monocytogenes adhérentes sur acier inoxydable à 25°C, le milieu TSB/5 m peut modéliser le jus de saumon fumé. Ce choix a été validé avec quatre souches de L. monocytogenes de deux sérotypes différents et d’origines variées. Pour représenter le jus de saumon fumé, il est très important de prendre en considération les concentrations en composés phénoliques et en sel, car ces paramètres influencent la croissance de L. monocytogenes comme l’ont démontré plusieurs études (Cornu et al. , 2006 ; Hwang, 2009 ; Membré et al. , 1997 ; Porsby et al. , 2008). Après culture en présence de jus de saumon fumé et du milieu TSB/5 m, les cellules de L. monocytogenes ne formaient pas de micro-colonies, les cellules sessiles étaient isolées sur la surface (Figure 8 et Figure 10). Ces observations microscopiques sont en accord avec d’autres travaux précédents concernant L. monocytogenes (Hood et Zottola, 1997 ; Kalmokoff et al. , 2001).
115 Etudes expérimentales – Chapitre 1
Le nombre de cellules sessiles observées par microscopie à épifluorescence différait parmi les quatre souches de L. monocytogenes (Figure 8 et Figure 10), en accord avec la quantification par PCRq des populations totales (Tableau 11). La capacité d’adhésion de L. monocytogenes varie d’une souche à l’autre (Silva et al. , 2008), mais la relation entre la capacité à adhérer et le sérotype est encore controversée (Folsom et al. , 2006 ; Norwood et Gilmour, 1999).
En appliquant nos critères de sélection, nous n’avons pas trouvé de milieu de culture modèle parmi les milieux de culture testés pour remplacer l’exsudat de viande. Par ailleurs, Ellouze et Augustin (2010) ont également observé un comportement particulier de L. monocytogenes dans le bœuf haché. La croissance observée était plus faible que celle prédite par un modèle secondaire développé dans un bouillon de culture ou de la viande cuite. La nature de l’acide utilisé pour acidifier les milieux de culture synthétiques pourrait expliquer la différence observée. La présence d’acide lactique dans l’exsudat de viande engendrerait des conditions plus stressantes, l’acide lactique étant connu pour réduire la croissance des pathogènes (Zuliani et al. , 2007). Considérant la différence de distribution spatiale des populations sessiles observée après culture en présence d’exsudat de viande ou du milieu BHI/20 pH 5,4 (Figure 8), il paraît difficile de définir un milieu de culture mimant l’exsudat de viande. La formation de chaînettes par L. monocytogenes est une conformation typiquement observée dans les conditions stressantes. Renier et al. (2014) suggèrent que cette conformation est liée à l’inactivation de la voie SecA2. Les forces d’adhésion des cellules adhérentes cultivées avec l’exsudat de viande ou le milieu BHI/20 pH 5,4 étaient significativement différentes (Tableau 10). En d’autres termes, les cellules en agrégats étaient plus fortement adhérentes que les cellules isolées. Au contraire, Midelet et Carpentier (2004) ont montré que les micro- colonies formées par S. sciuri ou P. fluorescens étaient décrochées plus facilement que les cellules isolées. Une hypothèse pour expliquer la différence de forces d’adhésion entre l’exsudat de viande et le milieu BHI/20 pH 5,4 est la présence plus importante de protéines dans l’exsudat de viande qui augmente l’adhérence. Al-Makhlafi et al. (1994) ont démontré que plusieurs protéines dont la β-lactoglobuline par exemple, favorisaient l’adhésion de L. monocytogenes . Ces auteurs ont également pu observer que l’ajout de trypsine, une protéase, réduisait l’adhésion des cellules sur les surfaces.
Malgré les modifications des milieux de culture, nous n’avons trouvé aucun milieu comme étant approprié pour modéliser l’exsudat de viande. Ceci démontre que les milieux de culture de microbiologie conventionnelle qui sont souvent utilisés pour étudier le comportement de L. monocytogenes, ne sont pas représentatifs des souillures alimentaires, et donc peu représentatifs des conditions rencontrées par les micro-organismes dans les environnements
116 Etudes expérimentales – Chapitre 1 agro-alimentaires. Par exemple, Gram et al. (2007) ont démontré que les cellules de L. monocytogenes étaient mieux protégées des opérations de N&D en présence de souillures alimentaires plutôt qu’en présence de bouillons de culture. Par conséquent, les résultats et conclusions obtenus suite aux expérimentations réalisées avec des milieux de culture conventionnels ne sont pas forcément pertinents pour tenter d’expliquer ce qui se passe dans les environnements agro-alimentaires.
117 Etudes expérimentales – Chapitre 1
5. Conclusion et perspectives
Contrairement à l’exsudat de viande pour lequel aucun milieu de culture synthétique n’a été retenu, le milieu TSB/5 m peut modéliser le jus de saumon fumé selon les critères étudiés. Cependant, les travaux réalisés soulignent la difficulté d’obtenir un milieu de culture conventionnel qui peut représenter les souillures alimentaires présentes dans les ateliers agro- alimentaires.
Faute de pouvoir justifier scientifiquement le recours à un milieu de culture synthétique, il est préférable d’utiliser une souillure alimentaire qui correspond à la filière alimentaire concernée par l’étude menée en laboratoire pour se rapprocher autant que possible des conditions rencontrées sur le terrain, et améliorer ainsi la compréhension du comportement de micro- organismes dont notamment de L. monocytogenes sur les surfaces des ateliers de production pour prévenir et éviter leur persistance.
La présence de cellules de L. monocytogenes VNC durant la formation de biofilms en présence d’exsudat de viande peut présenter une menace supplémentaire pour ce secteur agro- alimentaire, et doit être prise en considération pour mieux appréhender ce risque.
Le choix du milieu de culture modèle était un travail préliminaire essentiel pour la suite des expérimentations menées pour cette thèse. Les critères de sélection ont été choisis pour répondre à notre thématique, à savoir que ceux-ci ont une importance pour expliquer la persistance microbienne (croissance, adhésion, etc.). Cependant, les critères de sélection sont à adapter à chaque projet de recherche. Le matériau utilisé pour la préparation des biofilms et le genre microbien peuvent par exemple être des facteurs à tester pour renforcer et valider le choix d’un milieu de culture synthétique pour modéliser une souillure alimentaire. Dans le cadre de la thèse, la validation du milieu TSB/5 m a été complétée par l’étude de l’expression des gènes des cellules adhérentes à l’acier inoxydable en présence de jus de saumon fumé et de ce milieu de culture modèle (Etudes expérimentales, Chapitre 3, Page 201).
L’exsudat de viande et le jus de saumon fumé ont été utilisés pour la réalisation des expériences de la thèse dans le but de simuler au mieux les conditions rencontrées dans les industries agro- alimentaires des filières « viande » et « poisson » lors de l’étude de l’impact de facteurs environnementaux sur la persistance de L. monocytogenes (Etudes expérimentales, Chapitre 2, Page 131). Pour faciliter certaines étapes et expériences, le jus de saumon fumé a été remplacé par le milieu TSB/5 m, notamment lors de la préparation de suspensions bactériennes, de la
118 Etudes expérimentales – Chapitre 1 sélection de souches favorisant l’adhésion de L. monocytogenes (Etudes expérimentales, Chapitre 2, Page 131) et de l’étude transcriptomique (Etudes expérimentales, Chapitre 3, Page 201).
119 Etudes expérimentales – Chapitre 1
6. Publication dans International Journal of Food Microbiology
Development of synthetic media mimicking food soils to study the behaviour of Listeria monocytogenes on stainless steel surfaces
Anaïs Overney, Danielle Chassaing, Brigitte Carpentier, Laurent Guillier, Olivier Firmesse *
Université Paris-Est, Anses, Laboratory for Food Safety
14 rue Pierre et Marie Curie 94701-Maisons-Alfort, France.
* Corresponding author. Tel.: +33 1 49 77 22 67; Fax: +33 1 49 77 46 66; E-mail address: [email protected]
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Etudes expérimentales – Chapitre 2
CHAPITRE 2 : Etude de facteurs environnementaux pouvant influencer la survie et la persistance de Listeria monocytogenes sur les surfaces
1. Contexte et objectifs
L’application quotidienne des opérations de N&D est la mesure la plus importante pour optimiser la maîtrise des risques liés à L. monocytogenes (Jessen et Lammert, 2003 ; Rotariou et al. , 2014). Cependant, quand les opérations d’hygiène sont mal réalisées et que la conception hygiénique des ateliers n’est pas optimale, des souches bactériennes peuvent s’établir dans l’environnement et y persister durant des mois voire des années (Autio et al. , 2003 ; Ferreira et al. , 2014 ; Lundén et al. , 2003b ; Møretrø et Langsrud, 2004 ; Tompkin, 2002 ; Wulff et al. , 2006). En effet, ces souches peuvent être protégées dans des zones de rétention et être ainsi potentiellement exposées à des concentrations sublétales de produits de N&D. La présence de cellules persistantes sur les surfaces en contact avec les denrées alimentaires est une source de (re)contamination de ces dernières (Lundén et al. , 2002 ; Reij et Den Aantrekker, 2004), ce qui représente un risque pour les consommateurs.
La capacité des cellules à adhérer aux surfaces et à y persister rend la contamination difficile à maîtriser et à éradiquer. L’élimination des cellules est toujours plus compliquée dès lors qu’elles ont adhéré aux surfaces, se multiplient, forment des biofilms et s’adaptent aux stress (Donlan, 2002 ; Møretrø et Langsrud, 2004 ; Pereira da Silva et Pereira De Martinis, 2013 ; Ronner et Wong, 1993). Par conséquent, il est important de trouver des moyens efficaces de prévenir l’établissement de L. monocytogenes dans les ateliers agro-alimentaires afin d’éviter la formation de biofilms et la persistance de ce pathogène.
Les opérations d’hygiène étaient au centre des expérimentations réalisées et décrites dans ce deuxième chapitre. Pour répondre à la nécessité d’appliquer des procédures de N&D plus respectueuses des manipulateurs et de l’environnement (Crepy, 2001 ; Hua et Reckhow, 2007), l’efficacité de deux protocoles de N&D pour réduire la population cultivable de L. monocytogenes a été comparée : (i) un protocole considéré comme peu respectueux de l’environnement faisant intervenir un détergent alcalin chloré et un biocide à base d’ammonium quaternaire et (ii) un protocole considéré comme relativement plus écologique avec un détergent enzymatique et un désinfectant à base d’acide peracétique.
131 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Après avoir mis au point les conditions permettant d’obtenir en laboratoire des populations survivantes de L. monocytogenes , l’objectif principal était de déterminer, grâce à un plan d’expériences fractionnaire, l’impact de cinq facteurs environnementaux retrouvés dans les ateliers agro-alimentaires sur la survie et la persistance de cellules de L. monocytogenes. Les études visant à déterminer l’effet d’un facteur (température, milieu de culture, souche, etc.) sur la formation de biofilms et/ou la persistance sont nombreuses. Néanmoins, les données disponibles dans la littérature scientifique sont parfois contradictoires et ne permettent pas toujours une généralisation des conclusions. Il n’était pas possible de prévoir si un facteur aurait un effet plus important qu’un autre sur la survie de L. monocytogenes . Nous avons donc retenu cinq facteurs pour la construction du plan d’expériences fractionnaire : (i) l’utilisation de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande comme milieu de culture, (ii) l’utilisation de deux matériaux ayant un statut hygiénique différent, (iii) l’utilisation de deux souches de L. monocytogenes présentant des profils de résistance à la dessiccation différents, (iv) la culture de L. monocytogenes en culture pure ou en co-culture avec une souche de Pseudomonas fluorescens qui favorise son adhésion et (v) l’application de quatre scénarios d’opérations d’hygiène incluant ou non une étape de séchage.
Pour répondre à cet objectif, des cellules adhérentes ont été soumises quotidiennement durant une semaine à une opération d’hygiène puis remises en culture par un dépôt de souillure alimentaire pour simuler en laboratoire l’alternance des opérations de N&D et des phases de production qui ont lieu dans les ateliers agro-alimentaires. Les cellules ont été quantifiées selon leur état physiologique par dénombrement des UFC, quantification des cellules totales par PCRq et des cellules viables par PMA-PCRq (Figure 11).
132 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Figure 11 : Schématisation de la démarche expérimentale.
133 Etudes expérimentales – Chapitre 2
2. Matériels et méthodes
2.1. Souches
Trois souches de L. monocytogenes ont été utilisées : CCL500 (sérotype 1/2b, origine : industrie laitière), EGD-e (isolat animal de sérotype 1/2a) et LO28 (isolat humain de sérotype 1/2c).
Concernant les biofilms préparés en co-culture, L. monocytogenes a été cultivée en présence de 35 souches de Pseudomonas principalement isolées lors d’une campagne de prélèvement dans un atelier de découpe de viande bovine (Khamisse, 2012) (Tableau 15), et de la souche de Staphylococcus capitis CCL54 isolée sur une ligne de pasteurisation de lait (Carpentier et Chassaing, 2004).
Tableau 15 : Souches de Pseudomonas utilisées pour la recherche d’une souche favorisant l’adhésion de L. monocytogenes
Origine Espèce Identifiant Atelier de désossage de viande P. fluorescens 09empf37, 09empf40, 09empf54, 09empf215, bovine (avant N&D) 09empf247 et 10empf18 P. psychrophila 10empf 60 et 10empf71 P. brenneri 10empf11 P. aeruginosa 09empf210 P. alicaligenes 10empf12 Atelier de désossage de viande P. fluorescens 09empf13, 09empf16, 09empf17, 09empf18, bovine (après N&D) 09empf29, 09empf42, 09empf45, 09empf49, 09empf70, 09empf72, 09empf79, 09empf87, 09empf90, 09empf283, 09empf272 et 10empf101 P. putida 09empf71, 09empf197, 09empf200, 10empf24 et 10empf30 P. mendocina 09empf92 P. grimontii 09empf59 Ligne de pasteurisation de lait P. fluorescens CCL49
134 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Les souches ont été repiquées et conservées comme expliqué dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.1, Page 97). Pour les expérimentations, les bactéries ont été remises en suspension dans un milieu de culture liquide dépendant de l’expérience à réaliser. La DO à 600 nm de la suspension bactérienne a été ajustée à la valeur souhaitée (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.1, Page 97).
2.2. Milieux de culture
Le jus de saumon fumé et l’exsudat de viande ont été préparés et utilisés comme détaillé dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.2, Page 97).
D’après les résultats obtenus lors de la recherche de milieux de culture pouvant modéliser des souillures alimentaires (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Page 95), il a été décidé d’utiliser le milieu TSB/5 m pour remplacer le jus de saumon fumé dans le cadre de certaines expériences pour faciliter leur réalisation.
Tous les milieux de culture ont été stérilisés par filtration sur une unité filtrante avec des pores de 0,22 µm de diamètre (Millipore, Saint-Quentin, France) munie d’une membrane pré-filtre avec des pores de 2 µm de diamètre (Millipore).
2.3. Sélection de produits et de protocoles de N&D
Les produits de N&D et les protocoles d’utilisation correspondants ont été fournis par la société Ecolab (Arcueil, France).
2.3.1. Protocole considéré comme peu respectueux de l’environnement
Dans le but de simuler au mieux les conditions actuelles rencontrées dans les ateliers agro- alimentaires, un protocole de N&D fréquemment utilisé a été retenu. Ce protocole fait intervenir un nettoyant alcalin chloré (Topax 66 dont la substance active principale est l’hypochlorite de sodium) et un désinfectant à base de QAC (Triquart MS contenant du BAC) (Tableau 16). Cette procédure de N&D est considérée comme peu écologique du fait de l’utilisation d’un produit chloré (Hua et Reckhow, 2007).
135 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Tableau 16 : Protocole de N&D considéré comme peu respectueux de l’environnement
Concentration Temps de Etape du protocole Température du produit a contact Prélavage à l’eau 55°C Nettoyage avec un détergent alcalin chloré 3% Ambiante 15 minutes (Topax 66) Rinçage intermédiaire à l’eau 55°C Désinfection avec un désinfectant à base de 2% Ambiante 30 minutes QAC (Triquart MS) Rinçage final à l’eau potable Ambiante a : Concentration d’utilisation des produits recommandée par le fournisseur.
2.3.2. Protocole considéré comme relativement respectueux de l’environnement
Pour répondre à l’objectif du projet EcoSec qui s’inscrit dans la thématique de la durabilité et du respect de l’environnement, la société Ecolab a proposé un second protocole de N&D. Celui- ci se déroule en trois étapes incluant un nettoyage avec un détergent enzymatique (VR2710- 2 LP, combinaison de protéases et de lipases), un nettoyage à base d’un détergent non chloré (Topmaxx 422 dont le principe actif est l’hydroxyde de sodium) pour désactiver le détergent enzymatique et enfin une désinfection avec un biocide à base d’acide peracétique (Topactive OKTO) (Tableau 17). Il est considéré comme plus respectueux de l’environnement que le protocole décrit dans Tableau 16, car il ne fait intervenir aucun produit chloré et l’acide peracétique se dégrade en acide acétique et en oxygène (Hua et Reckhow, 2007 ; Ölmez et Kretzschmar, 2009).
136 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Tableau 17 : Protocole de N&D considéré comme relativement respectueux de l’environnement
Concentration Temps de Etape du protocole Température du produit a contact Prélavage à l’eau 55°C
Nettoyage avec un détergent enzymatique 0,05% (VR2710-2) (VR2710-2 LP) utilisé dans un détergent 50°C 20 minutes alcalin (Topmaxx 422) 0,1% (Topmaxx) Rinçage intermédiaire à l’eau 55°C Nettoyage avec un détergent alcalin 3% Ambiante 15 minutes (Topmaxx 422) Rinçage intermédiaire à l’eau Ambiante Désinfection avec un désinfectant à base de 2% Ambiante 30 minutes QAC (Triquart MS) Rinçage final à l’eau potable Ambiante a : Concentration d’utilisation des produits recommandée par le fournisseur.
2.4. Réalisation de biofilms
2.4.1. Les matériaux
Deux matériaux ont été utilisés pour la préparation des biofilms : (i) l’acier inoxydable de finition 2 RB, AISI 304 (Laser 53, Bazougers, France) et (ii) la céramique non vernie (Argelith Bodenkeramik, Bad Essen, Allemagne).
Une partie des expérimentations a été réalisée avec des biofilms préparés selon le protocole « goutte » mais des biofilms ont également été préparés selon le protocole « piscine ». Pour ce faire, comme décrit par Peneau et al. (2007), il a été nécessaire de déposer un joint de silicone (Fischer, France) sur les bords de chaque coupon afin d’obtenir une zone qui pourrait être maintenue immergée.
Les coupons (4 cm x 2,5 cm) ont été préparés, lavés, autoclavés et séchés en conditions stériles comme décrit auparavant (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.1, Page 100).
Les coupons nécessaires à chaque expérimentation ont été répartis dans des boîtes de Petri de 90 mm de diamètre, lesquelles ont été placées dans de plus grandes boîtes contenant du papier absorbant humidifié avec de l’eau stérilisée pour maintenir une atmosphère humide et éviter la déshydratation des biofilms tout au long de l’expérience.
137 Etudes expérimentales – Chapitre 2
2.4.2. Protocole « goutte »
Pour discriminer rapidement les souches de Pseudomonas de notre collection (Tableau 15) pour sélectionner celles qui favorisaient l’adhésion des cellules de L. monocytogenes et vérifier que la souche de S. capitis CCL54 augmentait également la quantité de cellules adhérentes de
L. monocytogenes, des biofilms mixtes en présence du milieu TSB/5 m ont été réalisés sur des coupons en acier inoxydable selon le protocole « goutte » décrit dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.1, Page 100).
Les cellules de Pseudomonas ont été remises en suspension, la DO a été ajustée à 0,15 puis la suspension a été diluée au 1/100 ème (soit une concentration bactérienne de 10 6 UFC/ml). La DO de la suspension de S. capitis CCL54 a, quant à elle, été ajustée à 1,5 (soit une concentration bactérienne de 10 9 UFC/ml). Une suspension de cellules de L. monocytogenes a été préparée à une DO égale à 0,15 puis diluée au 1/10000 ème (soit une concentration de 10 4 UFC/ml).
• Biofilms préparés en mono-culture
Pour la réalisation de biofilms de L. monocytogenes en mono-culture, le protocole est identique à celui du chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.1, Page 100).
• Biofilms préparés en co-culture
Cent microlitres de la suspension de Pseudomonas ou de S. capitis CCL54 ont été déposés au centre des coupons. Après une incubation de 3 heures à 25°C, les surfaces ont été rincées par écoulement de 25 ml d’EP. Les cellules adhérentes restantes ont été remises en culture par un dépôt de 100 µl de la suspension de L. monocytogenes puis incubées à 25°C pendant 21 heures.
2.4.3. Protocole « piscine »
Pour l’étude de l’efficacité des protocoles de N&D et les expériences du plan d’expériences fractionnaire décrit ci-après, les biofilms ont été préparés sur la totalité de la surface des coupons selon le protocole « piscine ».
• Mono-culture
Dans le cas de la préparation de biofilms visant à reproduire les conditions rencontrées dans les ateliers de la filière « poisson », les cellules de L. monocytogenes ont été remises en suspension
138 Etudes expérimentales – Chapitre 2 dans du milieu TSB/5 m. La DO a alors été ajustée à 1,5 (soit une concentration bactérienne de 10 9 UFC/ml).
Dans le cas de biofilms préparés en présence d’exsudat de viande, le volume nécessaire à l’expérimentation de la suspension de L. monocytogenes de DO égale à 1,5 a été préparé dans de l’EP, puis centrifugé à 2100 g pendant 10 minutes à température ambiante. Le surnageant a été éliminé et le culot suspendu dans le même volume d’exsudat de viande.
Un millilitre de suspension bactérienne a été déposé sur chaque coupon. Après une incubation de 3 heures à 25°C, les cellules non-adhérentes ont été éliminées par écoulement de 25 ml d’EP. Ensuite, 1 ml de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande a été déposé pour recouvrir les cellules adhérentes et les coupons ont été incubés à 25°C durant 21 heures.
• Co-culture
Les cellules de Pseudomonas ont été remises en suspension dans de l’EP. La DO a été ajustée à 1,5 et diluée au 1/100 ème (soit une concentration bactérienne de 10 7 UFC/ml) dans le jus de saumon fumé ou l’exsudat de viande. Les cellules de L. monocytogenes ont également été mises en solution dans de l’EP. En revanche, la DO a été ajustée à 0,15 et ensuite diluée au 1/1000 ème (soit une concentration bactérienne de 10 5 UFC/ml) dans le jus de saumon fumé ou l’exsudat de viande comme décrit précédemment.
Pour la réalisation de biofilms mixtes, 1 ml de la suspension de Pseudomonas a été déposé sur la surface. Après une incubation de 3 heures à 25°C, les cellules non-adhérentes ont été éliminées comme décrit ci-dessus. Ensuite, 1 ml de la suspension de L. monocytogenes a été déposé sur la surface. Les coupons ont finalement été incubés à 25°C pendant 21 heures.
2.4.4. Simulation des conditions environnementales des ateliers agro-alimentaires par encrassements répétés des surfaces
Afin de simuler au mieux les conditions rencontrées dans les ateliers agro-alimentaires, l’alternance des phases de production et de N&D a été simulée par l’encrassement des surfaces et l’application des procédures d’hygiène quotidiennement durant une semaine (Marouani- Gadri et al. , 2010 ; Peneau et al. , 2007). La durée totale des expérimentations était de quatre jours, le premier jour étant celui au cours duquel l’opération d’hygiène a été appliquée pour la première fois.
139 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Les biofilms en mono ou en co-culture ont été réalisés selon le protocole « piscine ». Les coupons ont ensuite été rincés pour éliminer les cellules non-adhérentes en aspirant délicatement le surnageant avec une pipette, puis l’opération d’hygiène a été réalisée et les éventuelles cellules adhérentes restantes sur la surface remises en culture par un dépôt de jus de saumon fumé ou d’exsudat de viande et ce, quotidiennement durant quatre jours.
Dans ce protocole, une opération d’hygiène pouvait être l’application d’un protocole de N&D couplé ou non à une étape de séchage.
• Application des protocoles de N&D
Pour l’application de la procédure de N&D considérée comme peu écologique (Tableau 16), le protocole expérimental a été le suivant. Sur la surface, 1,5 ml d’eau stérilisée à 55°C a été déposé pendant 2 minutes, puis les coupons ont été traités avec les produits de N&D. Dans un premier temps, 1,2 ml de Topax 66 a été déposé sur chaque coupon et incubé ainsi à température ambiante pendant 15 minutes. Le produit a ensuite été éliminé délicatement avec une pipette. L’étape de rinçage intermédiaire a été réalisée avec 1,5 ml d’eau stérilisée à 55°C pendant 2 minutes. Dans un second temps, chaque coupon a été en contact avec 1,2 ml de Triquart MS pendant 30 minutes à température ambiante. Pour finir, les coupons ont été rincés avec 1,5 ml d’eau stérilisée pendant 2 minutes à température ambiante.
L’application des produits de N&D du protocole considéré comme plus respectueux de l’environnement (Tableau 17) a été faite de la façon suivante. Après un rinçage de 2 minutes avec 1,5 ml d’eau stérilisée à 55°C, les coupons ont été nettoyés avec 1,2 ml de détergent enzymatique VR2710-2 LP préparé dans du Topmaxx 422, le temps de contact étant de 20 minutes à 50°C. Suite au rinçage intermédiaire de 2 minutes avec 1,5 ml d’eau stérilisée à 55°C, la seconde étape de nettoyage a été réalisée en déposant 1,5 ml de Topmaxx 422 à température ambiante pendant 15 minutes. Les coupons ont ensuite été à nouveau rincés comme décrit ci-dessus avec de l’eau stérilisée à température ambiante puis désinfectés pendant 30 minutes à température ambiante avec 1,2 ml de Triquart MS. Les coupons ont finalement été rincés avec 1,5 ml d’eau stérilisée pendant 2 minutes à température ambiante.
Dans le cas où les cellules adhérentes ont été décrochées pour être dénombrées, une étape supplémentaire a été nécessaire après l’étape de désinfection. En effet, les résidus de désinfectant ont été inactivés par un dépôt sur la surface du neutralisant recommandé par la norme ISO 18593 (Anonyme, 2004) (1,5 ml appliqué pendant 5 minutes).
140 Etudes expérimentales – Chapitre 2
• Etape de séchage des surfaces par la déshumidification de l’air
Pour simuler le séchage dans les ateliers agro-alimentaires, le stress de dessiccation a été appliqué selon le protocole décrit par Zoz et al. (2016), en utilisant des boîtes hermétiques en plastique (longueur : 20 cm, hauteur : 13 cm, largeur : 6 cm, Lock & Lock, France) (Figure 12).
Figure 12 : Boîte de dessiccation utilisée pour l’application de l’étape de séchage à 75% HR à 25°C pendant 3 heures.
Les enceintes de dessiccation ont été désinfectées avec de l’éthanol à 70%. Ensuite, deux petits ventilateurs de 4,1 W à 7 pales (80 mm de diamètre, Sunon, Radiospares, France) y ont été placés avec un voltage fixé à 5 V. Dans le fond de chaque boîte, une solution saturée en NaCl (VWR) a été déposée pour ajuster l’humidité relative à 75%. Avant chaque expérimentation, les boîtes utilisées ont été soumises aux UV pendant 30 minutes.
Après le rinçage des biofilms avec de l’eau à 55°C ou après le rinçage final de l’opération de N&D, les coupons ont été déposés dans des couvercles de boîtes de Petri de 90 mm de diamètre, puis placés dans les boîtes de dessiccation sur le support qui permet d’éviter tout contact avec la solution saline. Les boîtes de dessiccation ont été ouvertes le plus brièvement possible pour y introduire les coupons et éviter ainsi une grande variation de l’humidité relative. Durant les 3 heures d’incubation à 25°C, les ventilateurs étaient en fonctionnement. Une sonde de mesure
141 Etudes expérimentales – Chapitre 2 de la température et du % HR (EL-USB-2-LCD data logger, Dataq Instruments, Akron, USA) était également placée dans l’enceinte de dessiccation.
2.5. Méthodes de décrochement des cellules
2.5.1. Ecouvillonnage
Une des méthodes utilisées pour récupérer les cellules adhérentes était l’écouvillonnage avec des écouvillons dont l’embout était en coton (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.3, Page 101).
2.5.2. Traitement aux ultra-sons
Une autre méthode utilisée pour remettre les cellules adhérentes en suspension est le traitement aux ultra-sons (US). Dans ce cas, chaque coupon a été immergé dans des flacons stériles en plastique (VWR) contenant de l’EP (20 ml pour les coupons en céramique et 30 ml pour les coupons en acier inoxydable) et placé dans un bain de sonication (Delta220, Deltasonic, Meaux, France). Le traitement aux US a duré 4 minutes à 30°C (28 kHz, 150 W) (Asséré et al. , 2008).
2.6. Quantification des cellules selon leur état physiologique
2.6.1. Dénombrement des UFC
La cultivabilité de cellules de L. monocytogenes a été évaluée en termes d’UFC. Les suspensions bactériennes obtenues après écouvillonnage ou traitement aux US ont été diluées avec de l’EP, ensemencées avec un ensemenceur (Spiral WASP 2, AES, Combourg, France) sur milieu gélosé TSA dans le cas des biofilms en mono-culture ou ALOA (Agar pour Listeria selon Ottaviani et Agosti , Biomérieux, Marcy l’Etoile, France) dans le cas de la co-culture. Les UFC ont été dénombrées après une incubation à 37°C de 24 heures sur le milieu TSA ou 48 heures sur le milieu ALOA.
Les dénombrements des UFC de Pseudomonas et de S. capitis CCL54 dans les suspensions utilisées pour la préparation des biofilms en co-culture ont été faits sur le milieu TSA après une incubation de 24 heures, respectivement à 30°C et 37°C.
2.6.2. Quantification des populations totales par PCRq en temps réel
L’extraction d’ADN a été réalisée selon le protocole décrit dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.6, Page 101).
142 Etudes expérimentales – Chapitre 2
Le protocole d’amplification et de détection par PCRq en temps réel était identique à celui suivi dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.6, Page 101), avec pour unique différence l’utilisation du kit Brilliant III Ultra-Fast SYBR ® Green QPCR Master Mix (Agilent Technologies ®, Cedar Creek, USA). L’efficacité de l’amplification était d’au moins 86%. La limite de quantification était de 4.0 log 10 (UFC/ml).
2.6.1. Quantification des populations viables par PMA-PCRq en temps réel
Pour réaliser le traitement au PMA nécessaire à la quantification des cellules viables par PMA-PCRq en temps réel, nous avons suivi le même protocole que celui utilisé dans le chapitre précédent (Etudes expérimentales, Chapitre 1, Paragraphe 2.4.7, Page 102). Par contre, dans ce cas, le traitement lumineux de 5 minutes à température ambiante pour fixer de façon covalente le PMA à l’ADN et inactiver les molécules libres de PMA a été réalisé avec un boîtier spécifique contenant des LED (PMA-lite TM LED Photolysis Device, Biotium, Hayward, United States).
2.7. Réalisation d’un plan d’expériences fractionnaire pour l’étude de facteurs environnementaux pouvant influencer la survie des cellules de L. monocytogenes
2.7.1. Le principe
Un plan d’expériences est une suite ordonnée d’essais d’une expérimentation, obtenue en contrôlant un ou plusieurs paramètres d’entrée pour obtenir des résultats sur un phénomène. Il est à distinguer du plan d’échantillonnage.
Dans un système avec plusieurs variables d'entrée et une variable de sortie, un plan d'expériences a pour objectif essentiel de quantifier les effets des variables d'entrée sur la variable de sortie en un nombre minimal d'expériences. Le plan doit permettre de sélectionner les variables/facteurs qui ont un effet significatif et de quantifier ces effets. Les modèles utilisés pour quantifier les effets sont généralement des modèles polynomiaux (les termes ai sont les effets principaux du facteur xi, les termes aij sont l’effet de l’interaction entre les facteurs i et j, et ε est l’erreur) :