Jeanne D'arc Est-Elle Lorraine?
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taJ•? qq0 L : JEANNE DAILC EST-ELLE LORRAINE? PAR I1ENBf LEPAGE, Arcliivisle (lu département de la NemrLlme 2 NANCY, GRIMBLOT ET VEUVE RAYBOIS, IMPRIMEURS-LIBRAIRES, IInce Stanislas, 7, et rue Saint-Dizier, 125. 1852. I Document VII h II 1111111111 IIIIII III D __00000056192 JEÀNNE DAIIC EST—ELLE LORRAINE? Une tradition constante, tt peu prés universellement admise, avait, pendant longtemps, placé le lieu de nais- sance de Jeanne Pare dans la portion de territoire qui formait autrefois les duchés de Lorraine et de ilar; nos contrées senorgueillissaient davoir donné le jour â Ihé- reine qui sauva la France:.... On cherche maintenant â leur ravir un genre dillustration dont elles étaient fiè- res, pour en doter une province voisine de la nôtre. Peu importé, aujourdhui que les anciennes divisions provinciales ont disparu, que le berceau de la Vierge de Domremy ait &é en Champagne ou en Lorraine; nous avons tous, comme citoyens de la même patrie, le droit de revendiquer sa gloire. Mais il nen est pas de • Voir, tour lbrthograpbe du nom de Jeanne Parc, la disser- tation publiée par M. de Haldat dans lExamen critique de lhis- toire defeanne )Jarc. Nancy, 1850. (o) même au point de vue historique, et on peut, on doit même, sans crainte dêtre accusé dun amour propre na- tional étroit, chercher â établir, dune manière positive, Tes droits de chacun de ces pays à lhonneur quil ré- clame. Parmi les historiens qui ont abordé cette question, les uns ne se sont pas donné la peine de la discuter: ils ont, dun trait de plume, dépouillé la Lorraine et le Barrois dune prérogative dont ils étaient en possession depuis des siècles dautres ont bien voulu descendre jusquà la discussion, et essayer, au moins, de prouver ce quils avançaient. De ce nombre est M. Athanase Renard, auteur dun travail intitulé: Souvenirs du Bassqny champenois, qui n été inséré dans les Mémoires de fa Société historique et archéologique de Langres; cest à lui surtout que je me propose de répondre. Je mefforcerai de le faire sans passion, sans entrainement, en imposant silence â la voix de mes affections pour nécouter que celle de la vérité; je mefforcerai surtout de ne pas oublier un seul instant que lhomme û qui je madresse mérite tous mes égards et tout mon respect. Toutefois, etje puis le dire sans offeflser mon adver- saire, je crains que M. Renard nait trop subi linfluence dun sentiment contre lequel lhistorien doit toujours se tenir en garde; je crains que sou patriotisme ne lait entrainé malgré lui au-delà des bornes de la modération et de limpartialité. LI nétait pas nécessaire, pour expo- ser les titres de la Champagne à lhonneur davoir vu naître Scanne Darc, de se livrer à des considérations gé- nérales tout â fait étrangères au sujet; de traiter avec tant de sévérité quelques auteurs lorrains, et de con- - damner la politique suivie vis-»â-vis de la France par les souverains qui ont régné sur notre pays. Petit-être aurait-il fdllu, avant de porter un jugement si rigoureux, examiner de plusprés les faits, tenir plus de compte des temps, des circonstances, de la situationré- ciproquc du royaume et des petits états qui, plus tard, furent réunis â la couronne. Etait-il besoin, surtout, de flétrir la mémoire de Charles JE (I), dont la conduite (1) . Le duc de Lorraine Charles li, dit M. Renard, séparé de sa femme etvivant en concubinage avec la belle Alizon du May, dont il eut cinq enfants, traînant les restes dun corps usé par se; dé- huches et accablé dinfirmités, se sentait au déclin de sa vie-Cest dans cette situation quayant entendu parler de Jeanne, dont la réputation de sainteté -grandissait tous les jours, il désira la voir et la fit mander près de lui, espérant probablement quelle pour- rait faire un miracle en sa faveur.» - Cette phrase est sans doute la traduaion de cette partie de lin- terrogaLoire de Jeanne « Item confessa fuit quod dux Lotharin- » gix nandavit quodïpsa dticeretur ai cura: ad quem et ipsa • ivit; sibique dixit quel ipso volebat ire in Francium. Et inter- • rogavit cern dux ipse de reeuperotione $11w sanilatis; sed ipsa • dixit si quel nihit mdc sciebat; et pauca de suo vniagio cidem • duci declaravit. Dixit (amen ipsi -duel quod ipse traderet cl • lilium simm et gentes, pro ducendo eam cd Ftanôiain, et ipsa • deprecaretur Deum pro sua sanitate," (8) privée fut condamnable sans doute, mais qui, par sa valeur, sou amour des arts sa modération et sa bonté, ut racheter ses faiblesses et se rendft digue dit ton.- élevé quil occupait? La Lorraine, dailleuù, ne se montrzi pas; comme on se plait à le dire; constamment hostile à la France et iàujours prête à sallier â ses ennemis. On la' voit, au contraire, dès là commencement du XIV siècle, sasso- cier librement à elle: é Thibaut 11 combat à Courtray et à Mons-ezi-Puelle â•cité de Philippe-le-Bel. Son fils, Ferry 1V, est délivré par Chdùles-le. BeI de la captivité où le retenait Louis de Bavière. Depuis lors, éntre les ducs de Lorraine et les rois de France, cest, comme on disait autrefoig , à la vie S â la mort (1). Le même Ferry IV est tué à Casel, sous la bannièrebannière françiise son fils Raout périt sur le champ rie bataille de Crècy. Jean, fils de Raoul, se bat pour la France À Poitiers, à Auray,à B.osebecque;Chantes LI, end, se joint dabord à la Bourgogne; puis se rapproche bientôt de la Franco et lui demeure aussi fidèle que ses devanciers (2).» Mais, je le répiMe;ies faits sur lesquels on .sest plu à sétendre en invoquant le témoignage dhistoriens me- dernes évidemment hostiles à la Lorraine, ces faits sont complètement étrangers à la question; ce quil sagit (1) Lettres à M. C. de la Tôur sur ta Lorraine et la France, p3 M. Ch. Lenormant (T. XX1W du Correspondant). (2)Lorraine et France, par M. C. de la Tour. n ( 9 ) uniquement de déterminer, cest la véritable origine de .Jeanne Pare. Pour y arriver, je mappuierai sur deux sortes de preuves les ouvrages imprimés et les docu- ments inédits, et jessaierai de démontrer 1° Que Jeanne Pare a toujours été regardée comme Lorraine 2° Que le village où elle est née était mi-partie Cham- pagne et Barrois ° Enfin, que la maison de Pomremy, quhabita .Jeanne Parc, était dans la partie barrisienne, I. Ainsi que je le disais en commençant, la tradition est peu prés unanime en faveur de lopinion que je sou- tiens; cette tradition, où avait-elle puisé sa source? Comment, si Jeanne avait été Champenoise, comme on le prétend aujourdhui, les écrivains, qui furent ses con- temporains, ne leussent-ils pas dit, et comment la pro- vince qui lui avait donné le jour na-t-elle point protesté contre un mensonge qui, en se propageant, acquérait toute la force de la vérité? Or, les chroniqueurs, les historiens et les po4ites du XVe siècle, à part quelques- uns qui lappellent la Vierge française, la désignent, presque tous, sous la qualification de Vierge lorraine. Et ce sont non-seulement les écrivains fiançais qui sex- priment dans ce sens; mais cette croyance était devenue tellement populaire, quelle était admise jusque dans les pays étrangers. (40 ) Il suffit, pour sen convaincre, de jeter les yeux sur les nombreux extraits des auteurs du temps, que M. Jules Quicherat a rassemblés, dans les !.° et li e volumes de son savant et consciencieux ouvrage sur Jeanne Pare (t) ; ces auteurs étaient tellement convaincus de lorigine lorraine de Jeanne, que quelques—uns vont même, par une grossiére erreur géographique, jusquà placer Vaucouleurs dans la province où ils croyaient quelle était née. Le premier écrivain cité par M. Quicherat est Per- ceval de Cagny, qui fit mettre par écrit, en 1436, les choses quil avait recueillies sur la Pucelle dOrléans « En iceluy an [nccccxxvuzI], dit-il, le [vi e] jour • dudit mois de mars, une pucelle de leage de xviii ans • ou environ, des marches de Lorraine et de Barrais, • vint devers le roy â. Chinon., Un autre chroniqueur alençonnais, qui fut, comme le précédent, attaché à la personne de Jean H, duc dA- lençon, écrivait, en 4473 «.....Le bon Dieu.....voulant donner remède et fin A laffliction des bons et loyaulx François, et lorgueil des Anglois réprimer et annichiler, suscita lesperit » dune jeune pucelle nagée de dix-huict à vingt ans, nu- » tifve de la ville de Dompretny, duché de Bar, â trois » petites lieues de Yaucouleurs.» (t) Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne Darc, eue, Paris, 1845 et années suiv. C ) Jean Chartier, chantre de Saint-Denis, chroniqueur en titre des rois de France (1449), fait, comme Perceval de Cagny, venir Jeanne des marches du Barrois: « En cellui temps, vint nouvelles quil y avait une pucelle dernprez Vaucolour ès marches de Barrois... Et dist à messire Robert de Baudricourt,.. et à plu- sieurs autres, qua estait nécessité quilz lamenassent » devers le royde France. Une histoire de la Pucelle, contenue dans le J!firoir des femmes vertueuses, petit livre qui parait avoir dté très-populaire du temps de Louis XII, contient ce pas- sage: « Incontinent après que le siège des Angloys fut assis 2 au devant de la ville dOrléans et durant celluy siège, » messire Robert de Baudricourt, capitaine de Yau- » couleur en Lorraine; lors estant en lest du roy, se » adressa une jeune pucelle dudit Vaucouleur, nommée » Jebanne.» On lit dns une relation du temps, écrite en langue romane, et que M. Quicherat désigne sous ce titre le Greffier de lHôtel de Ville dAlbi Se es assaher que en le mes de mars, lan mil t ccccxxviii verre al dich noble rey de Franssa una » (lIha, Puizela jobe de latge de quatorse à quinse » ans, la calera de! pais et ciel dugat de Loreyne.» « La dessusditte Pucelle estoit de Lorraine, du lieu » de Vaucouleurs ..