DE CICON A LA GRACE DIEU HISTOIRE DES VILLAGES DU CANTON DE VERCEL () Du même auteur HISTOIRE DES VILLAGES ET DU CANTON DE ROUGEMONT (Doubs) ALFRED BOUVERESSE

DE CICON A LA GRACE DIEU HISTOIRE DES VILLAGES DU CANTON DE VERCEL (Doubs)

// revint au village Chausser ses racines...

PRÉSENTATION

Du château de Cicon à l'abbaye de La Grâce-Dieu, du roc au val, du temporel au spirituel... l'histoire a réduit les distances. La pluie qui tombe sur la montagne devient la rivière qui anime la vallée. La famille de Cicon n'a cependant été ni la fondatrice ni la bienfaitrice attitrée de l'abbaye, bien que Jacques de Cicon y fut enterré aux environs de l'an 1324, faveur sollicitée et accordée pour ses largesses.

1479-1979. Voici cinq siècles, cette année, que le château de Cicon a été détruit par les Français, les Lorrains et les Suisses, il ne fut jamais relevé ; la famille portant son nom subsistera deux siècles encore. L'abbaye de La Grâce-Dieu, de son côté, connaîtra elle aussi les incendies et les pillages tout comme le relâchement spirituel, elle s'est toujours relevée. Les femmes y ont remplacé les hommes, mais c'est toujours la même prière de louange qui s'élève, à peine rythmée par les murmures de l'.

De Cicon à La Grâce-Dieu et d' à Hautepierre, la Révolution française a délimité un territoire qu'elle a appelé le canton de Vercel et à l'intérieur duquel il fallait bien s'accepter, créer de nouvelles relations ou tout au moins admettre de se savoir réunis, quoique distants dans l'espace et parfois différents dans l'histoire.

Ce livre essaie une histoire rurale de vingt neuf villages (celui de La Villedieu a été réssucité pour la circonstance), groupés autour et parfois loin de leur chef-lieu : Vercel, lequel est aussi rural qu'eux ; une histoire arrêtée volontairement au début de ce siècle, disons avant la guerre 1939-1945. Une histoire de la vie quotidienne plus que de la vie exceptionnelle, celle-ci faite habituellement des troubles de l'histoire et ils n'ont pas manqué.

Cette histoire se veut rurale et à ras de terre, collant à la vie des gens qui furent des ruraux et sont encore d'abord des ruraux. Elle s'attache à dire quelles furent leurs origines ; leur implantation ; le sens même de leurs noms ; les défrichements qu'il a fallu faire pour le compte d'un seigneur, d'un abbé ; l'attitude face aux événements, aux puissants, à la Révolution française. C'est aussi la vie quotidienne par l'habitat, le travail de la terre, l'élevage, l'usage de la forêt, le sens des lieux-dits, le langage préféré, les coutumes adoptées par nos pères et conservées jusqu'au grand chahut des temps modernes.

Notre présent est tout imprégné d'un passé qu'il ne faut pas avoir la sottise de nier ou seulement d'oublier, mais plutôt l'intelligence de découvrir et le cœur d'aimer. Il est bon de retrouver toutes les spontanéités de l'histoire en même temps que ses logiques. Il est convenable, sur son tracteur, de ne pas promener sa coupable indifférence, son ignorance voulue des choses et des gens d'autrefois qui ont marqué lentement, mais combien sûrement, leur époque et la terre, une époque qui va de dix à vingt- deux siècles selon les villages. Ce livre s'adresse d'abord à toute famille habitant ou issue de ce canton, partageant de près ou de loin cette histoire, décidée à découvrir avec émotion et humilité, décidée à reprendre ce livre de temps à autre pour garder le contact avec nos ancêtres, avec l'histoire, avec soi-même. Comme il faut choisir le public auquel l'on s'adresse et ce choix ayant été fait en fonction d'un très large public, il devient alors impossible, et coûteux par ailleurs, de donner toutes les références, ce dont nous nous excusons auprès des historiens ; une bibliographie sera donnée à la fin de l'ouvrage. Une explication s'impose aussi à propos de la reproduction des blasons, la page couleur avait été prévue depuis longtemps dans la perspective d'un ouvrage limité au seul village d'Epenoy. L'extension de la recherche à tout le canton a amené la composition d'une seconde page de blasons, en noir et blanc cette fois, mais qui comporte l'avantage de voir la traduction des couleurs par leurs signes conventionnels.

Une histoire qui risquerait le déséquilibre si... Pour qui serait tenté de se limiter à la seule rubrique concernant son village, il n'aurait en fait qu'une histoire en déséquilibre. En effet les documents sont inégaux selon les villages et volontairement nous nous sommes étendus sur ceux que nous avions... ce qui forcément met en déséquilibre l'histoire même de chaque village, laquelle devient généreuse sur un point peut-être secondaire et muette sur ce qui serait important. C'est pourquoi il est absolument nécessaire de lire d'une part les chapitres de généralités, d'autre part les chroniques de chaque village et ce sera seulement au terme d'une lecture totale que l'on aura pu « rééquilibrer l'histoire ».

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidé dans ce travail et spécialement messieurs les maires et messieurs les curés pour leur disponibilité. Ont illustré ce livre M. l'abbé Garneret, Antoine Buonomo, Robert Faivre, Anne-Marie Lambert, Jean-Paul et Martine Lanchy, Claude Nappez, Michel Pouthier. Les photos sont du Studio Stainacre de . Ont dactylographié le manuscrit : Martine Barbier, Nadine Doutey, Etiennette Grandjacquet, Anne-Marie Lambert, Josiane Petegnief, Martine Poirson, Françoise Roland, Colette Würtz, Christine Zbinden et Marc Girardot, à tous et à toutes merci.

Cuse et Adrisans. Avril 1979 CHAPITRE PREMIER

GÉOGRAPHIE DU CANTON DE VERCEL

Situation Le canton de Vercel se trouve sensiblement au centre du département du Doubs, au centre-sud exactement. Si l'on prend le carrefour routier de l'Homme Mort, situé sur Epenoy, ce point se trouve à 33 km de Besançon et de , à 31 de Baume-les-Dames et à 30 km de Pontarlier.

C'est ici la zone des plateaux. Une ligne fictive : -Epenoy- délimite au nord la partie basse du canton avec Vercel : 659 mètres et l'Audeux a son entrée à Aïssey : 420 mètres, ce qui constitue la plus basse altitude. Au sud de cette ligne, qui correspond à l'apparition des sapins, est la partie haute avec une altitude moyenne allant de 750 à 900 mètres. La roche d'Hautepierre est à 882 mètres, le mont Cicon à 925, la Roche du Séminaire à 955 et le mont Chaumont, situé en partie sur , à 1 092 mètres, c'est là l'altitude maxima pour le canton ; non loin se trouve le Cret Monniot : 1 142 mètres. Le canton de Vercel reçoit en moyenne 1 475 millimètres de pluie par an, répartis en 178 jours ; il pleut donc presque un jour sur deux et surtout au printemps, en août et septembre et en début d'hiver. Les mois les plus secs sont juin, juillet et octobre. Les variations de température sont assez grandes, les minima avec - 10 et - 15 (- 29 en 1968) et les maxima aux environs de + 30. Le printemps est souvent long à démarrer et l'été n'en paraît que plus brusque. Les besoins en eau étant de plus en plus grands et les sources de ce plateau calcaire de plus en plus souterraines, l'aduction des eaux de la Loue, à partir de 1958, a été la bienvenue. L'habitat dans la partie basse est assez groupé, et assez dispersé dans la partie haute avec des fermes isolées dont l'ancienneté ne remonte guère qu'à la fin du XVIe siècle.

Géologie du canton Il y a à peine 150 ans, l'enseignement public officiel ne donnait à la terre que 5 832 ans d'âge, chiffre emprunté à la Bible dans sa chronologie littérale. Peu de gens, encore aujourd'hui, savent que la mer était autrefois ici, et à la question : D'où proviennent les fossiles ? la réponse..., pour ceux qui en ont une, c'est le Déluge.

La Science aujourd'hui donne à la terre environ 4 milliards 500 millions d'années. La vie, dans sa forme la plus primitive, serait apparue il y a environ un milliard d'années. L'homme, d'après les découvertes récentes, verrait ses origines remonter à trois millions et peut-être à trois millions 500 000 ans. L'homme, à notre niveau géographique, n'a guère laissé de trace qu'avec l'homme de Néanderthal il y a 40 000 ans et peut-être, si la trouvaille faite à se confirme en tout, avec un homme qui aurait vécu il y a 400 000 ans. Remontons le temps pour dire que les mers et les continents, tels qu'ils sont à présent, n'ont pas toujours été ainsi. Il y a environ 300 millions d'années, les Vosges sont majestueuses, leurs sommets culminent à 2 000 et 3 000 mètres. Le Jura n'existe pas encore. Nous sommes à l'ère primaire. La mer qui s'est retirée, revient en force. Les pluies et le dégel ont déjà commencé d'arrondir ce que l'on appellera plus tard les Ballons. Au début de l'ère secondaire, il y a de cela environ 185 millions d'années, nos régions sont couvertes par la mer, même les Vosges ont disparu sous les flots. Le Jura apparaît, c'est un plissement avant-coureur du mouvement alpin, lequel connaîtra son apogée au début de l'ère tertiaire. Toute la formation des terrains jurassiques appartient au Secondaire et nous allons la suivre en devant accepter des noms un peu compliqués mais avec lesquels il faut bien se familiariser.

Le Secondaire dans notre région est dit Jurassique moyen et supérieur. Pour bien saisir tout cela, la carte géologique du secteur sous les yeux serait plus parlante. Elle utilise en effet des couleurs différentes pour chaque couche de terrain. Dans un regard d'ensemble, ce qui est frappant c'est que la totalité du plateau de Vercel, à deux exceptions près, appartient aux couches du Jurassique dites Kimméridgien : à l'intérieur d'une zone Vernierfontaine--Le --, et Sequanien : à l'intérieur d'une zone Etalans-le camp du Valdahon-Epenouse-Eysson-Longechaux- Chevigney. Ces terrains, vieux de 140 millions d'années, se caractérisent par des calcaires à pâte fine déposés en gros bancs, avec des intercalations marneuses peu puissantes. Ces calcaires sont tantôt blancs et d'aspect crayeux, tantôt bicolores. Les coraux y sont fréquents et surtout sur une ligne : Vallée de la Brême-Granges Coulon-Les Verrières du . Les fossiles sont peu nombreux et ils ont généralement perdu leurs coquilles, les plus courants sont les bivalves et les nérinées et quelques ammonites ; à Fallerans se trouve le pterocera oceani et l'exogyra virgulta.

La première exception comporte une bande toute en longueur et d'à peine 2 km de largeur, elle appartient au Bathonien et couvre les villages d'Amans, Leugney, Orsans, La Grâce-Dieu, Magny- Châtelard et se poursuit sur les Verrières du Grosbois. Ce terrain est plus ancien que les précédents : 155 millions d'années et il s'accompagne de part et d'autre de bordures de terrains de plus en plus récents : 145 millions d'années et qui ont nom Callovien : villages de et Courtetain, Oxfordien, Argovien : villages de Belmont et des Verrières, et Rauracien : village d'Epenouse. Toute cette zone, comme la suivante, faite de calcaires marneux, est remplie de failles, c'est-à-dire de fractures qui décrochent des couches par rapport à d'autres très différentes et les mettent ainsi en contact. Pour s'y retrouver dans la chronologie de ces couches, outre les analyses chimiques, les animaux fossiles que l'on y trouve sont une aide précieuse parce que chaque espèce n'a peuplé la terre qu'un temps, ou si elle s'est poursuivie, elle a subi des évolutions qui deviennent de nouveaux points de repère.

La deuxième zone d'exception dans le canton est une bande de 3 km de largeur moyenne, couvrant Longemaison, , , Nods, , et Hautepierre. Les villages mêmes de Chasnans et Athose, et le terrain qui les borde au sud, relèvent du Portlandien, fait de calcaires rubanés avec cargneules et un peu plus récent que l'ensemble du canton. Nods et Vanclans sont en partie assis sur un terrain plus récent: le Hauterivien, 115 millions d'années, consistant en calcaires jaunes et marnes assez riches en fossiles. Le Séquanien et le Rauracien sont présents au Plane de Passonfontaine et aux Laves de Longemaison. Le Callovien, fait de calcaires marneux, règne à Barchet, aux Seignes de Passonfontaine et à l'est de Longemaison ; dans ces terres marneuses se trouvent des alluvions modernes et tourbeuses. Depuis les Essarts de Passonfontaine en passant par les fermes de la Vêche, du Petit Paris, de la Grange Reine, de la Pistolette et jusqu'au village de Hautepierre, on est en présence de terrains plus anciens : le Bathonien et le Bajocien, 160 millions d'années, caractérisé par des calcaires massifs. Et puis voici le plus ancien de tous les terrains du canton avec une toute petite ligue de 3 km de long qui englobe les fermes d'Athose : Champey et Sémont et qui a nom l'Aalénien, à dominance de marnes et vieux de 165 millions d'années.

Ces terres les plus anciennes sont plus riches que les autres, elles retiennent mieux l'eau mais elles sont rares dans le canton, lequel est généralement doté de terres pauvres, incomplètes et peu épaisses, sauf dans quelques combes. La circulation d'eau se fait sous terre, tous les ruisseaux se - perdent, même l'Audeux connaît plusieurs pertes avant de disparaître totalement.

La géographie a fixé l'histoire Les hommes créent l'histoire... en se servant de la géographie. Les hauteurs peuvent contrôler et protéger une route, une vallée, ou permettre de communiquer avec d'autres sommets, parfois éloignés ; certaines furent organisées en petits postes militaires, tous les Châtelet, Châtelot et Châtelard ont ce sens. Puis, avec la féodalité, les seigneurs construisirent leurs châteaux en des haut-lieux soigneusement choisis, répondant au double impératif de la surveillance et de la défense, tels furent dans le canton : Cicon et à un degré moindre Durfort et le Châtelard. Les autres châteaux du canton n'eurent que des moyens de défense sommaires, leur emplacement n'ayant été choisi que pour bénéficier d'une voie de communication importante : Etalans et Fallerans, pour coiffer un centre commercial : Vercel, ou à cause de la proximité d'une rivière : Leugney et Orsans. Pour l'implantation de l'abbaye de la Grâce-Dieu c'est la rivière aussi qui fut déterminante. L'Audeux, par ailleurs, seule rivière digne de ce nom dans le canton, et non loin de Vercel, a fait naître sur ses rives toute une vie avec des professions artisanales nées des besoins régionaux.

La population Le canton compte 28 communes pour une population totale, en 1975, de 9 752 habitants. La densité est de 142 habitants au km2 pour Le Valdahon, de 30 à 50 pour Vercel, Avoudrey, Etalans, Nods et Epenoy et inférieure à 30 pour les autres villages. Grâce aux différents recensements de population, établis depuis 1593 et figurant sur le tableau ci-contre, il est facile de suivre l'évolution que par ailleurs l'histoire explique. Le recensement de 1593 est le tout premier, il n'est pas complet parce que seul , district du Bailliage de Dole, a conservé les chiffres des villages de son ressort. Les villages dépendant du Bailliage d'Amont, district de Baume, n'ont pas bénéficié de recensement, ou bien les papiers se seront perdus ; les villages qui relevaient de ce district de Baume sont Belmont, Bremondans, Chaux-les-Passavant, Courtetain et Salans, Magny- Châtelard et Orsans; pour Eysson le chiffre n'a pu être trouvé. Ce recensement de 1593 est particulièrement intéressant parce qu'il nous fournit un chiffre, probablement normal, de la population de chaque village et ceci avant la terrible épreuve des Suédois. Le recensement de 1657 accuse l'énorme ponction faite par la guerre des Suédois (1635-1644), la famine et la peste ; et encore il a été opéré 18 ans après l'année 1639 qui fut la plus meurtrière. S'il y avait eu un dénombrement de population en 1644, bien des villages n'en auraient compté qu'une dizaine ; ceux qui avaient fui n'étaient pas encore rentrés. Passonfontaine perdit les deux tiers de ses habitants ; Avoudrey, Epenouse, Etalans, Etray, Rantechaux, Le Valdahon, Vanclans, Vernierfontaine (60 en 1645), Les Verrières et La Villedieu en perdirent plus de la moitié. Le recensement de 1688 révèle que les chiffres de 1593 sont loin d'être rattrapés, la désolation était telle que beaucoup de rescapés préférèrent s'exiler et que les étrangers hésitaient à venir s'y fixer. Il n'y eut plus de recensement ensuite avant ceux opérés par la Révolution française et qui à partir de là vont être réguliers. Certains villages ont à peine retrouvé le niveau de 1593, parmi ceux qui ont le plus progressé il faut noter Etalans, Athose, Fallerans, Hautepierre, Nods, Passonfontaine, Vanclans, Vernierfontaine et La Villedieu. Les recensements de 1836 et de 1851 livrent les taux les plus forts de population. La paix est retrouvée, les familles sont nombreuses mais déjà certains villages accusent un fléchissement, lequel va s'amplifier jusqu'en 1906. La raison en est que les villages en sont au maximum des bouches qu'ils peuvent nourrir. Bien des familles nombreuses sont pauvres, il faudra qu'une partie des enfants « aillent à maitre » en ville. La fortune a tendance à se refaire entre les mains de quelques- uns, des petites exploitations s'amenuisent encore. Et puis l'ère industrielle est là et aussi les Grands Services de l'Etat, les devenus faibles s'expatrient. En 1925 la chute démographique s'accelère sauf pour Avoudrey, Longemaison et Le Valdahon, tous trois sur la voie ferrée. Le dernier recensement de 1975 souligne l'hémorragie continue dont sont victimes les plus petits villages et les plus mal placés par rapport aux grands axes de communication ; Avoudrey est toujours en progression constante, Etalans et Vercel remontent, quant au Valdahon il a fait un bon prodigieux dû à la qualité de son emplacement, au chemin de fer et au camp militaire, à une politique d'expansion et d'industrialisation. C'est Le Valdahon qui a permis au chiffre total de population pour 1975 de se regonfler sérieusement, néanmoins les chiffres de 1836 et 1851 ne sont pas encore atteints, mais le seront-ils ? La dernière colonne du tableau donne la superficie de chaque commune, il eut été intéressant d'entrer dans les détails, notamment pour indiquer les surfaces cultivées et en friches, l'importance des communaux, les bois particuliers et ceux qui sont domaniaux ou communaux. Signalons que le Génie Militaire possède 2 584 hectares de terrains dans le canton, dont 1 422 sur Le Valdahon, 702 sur Vercel, 184 sur Chevigney, 127 sur Etalans, 119 sur Fallerans, 28 sur Belmont et 2 sur Epenouse. L'Office National des Forêts a 1 418 hectares, dont 593 sur Les Verrières, 497 sur Vercel, 155 sur Le Valdahon, 142 sur Etalans, 17 sur Fallerans et 14 sur Belmont. La SNCF, quant à elle, a eu besoin de 57 hectares.

Population des communes Création du canton Avant la Révolution, la province de Franche-Comté comprenait trois grands bailliages dont les noms avaient été établis à partir de la rivière la Saône. Le Bailliage d'Amont, c'est-à-dire en amont de la Saône, avait Vesoul pour capitale, Baume-les-Dames était un sous-bailliage de ce Bailliage d'Amont. Le Bailliage d'Aval était en aval de la Saône. Entre les deux était le Bailliage du Milieu ou de Dole, lequel devait donner naissance à un quatrième, celui de Besançon ; Ornans était un sous-bailliage, ou district, du Bailliage du Milieu. Cette institution remontait au XIVe siècle et fut respectée par la Maison d'Autriche et par la après la conquête de notre province. En résumé, depuis le XIVe siècle jusqu'en 1790, notre territoire relève en petite partie du Bailliage d'Amont, district de Baume, pour les villages de Belmont, Bremondans, Chaux-les-Passavant, Courtetain et Orsans. Tous les autres villages de l'actuel canton de Vercel étaient du Bailliage de Dole, district d'Ornans ; Les Verrières du Grosbois cependant étaient du Bailliage de Besançon. Tout ceci au sein du Comté de Bourgogne qui fut la première appellation de la Franche-Comté.

La Révolution française créa les départements et les cantons par la loi du 9 janvier 1790. Le département du Doubs fut divisé en 6 districts : Besançon, Baume, Ornans, Pontarlier, et Saint- Hippolyte. Chaque district était régi par un conseil général de douze membres. Chaque municipalité avait son maire, un procureur-syndic, un ou plusieurs officiers municipaux ou adjoints et un certain nombre de notables. La loi du 28 pluviôse an VIII (février 1800) supprima les districts et les remplaça par quatre arrondissements avec préfecture à Besançon et trois sous-préfectures à Baume, Pontarlier et Saint- Hippolyte. En janvier 1816, une loi annexera les cantons d' et de Montbéliard au département du Doubs et transportera la sous-préfecture de Saint-Hippolyte à Montbéliard.

Les cantons à leur création étaient très nombreux et les communes actuelles du canton de Vercel relevaient de 5 cantons différents.

Canton de Vercel : Adam, Belmont, Chevigney, Epenouse, Epenoy, Eysson, Longechaux, Longemaison, Magny-Châtelard, Le Valdahon, Vercel, Goux, Les Verrières et La Villedieu.

Canton de Passavant : Chaux-les-Passavant, Orsans. Canton de : Bremondans, Courtetain et Salans. Canton d'Orchamps : Avoudrey. Canton de Nods : Athose, Chasnans, Le Châtelet, Etalans, Etray, Fallerans, Hautepierre, Nods, Passonfontaine, Vanclans, Rantechaux, Vernierfontaine.

Une loi du 28 janvier 1801 réduisit le nombre des cantons dans le département qui passèrent de 49 à 25. Amans, Le Châtelard, La Grâce-Dieu disparaissaient définitivement en tant que communes, Goux-les-Vercel et Le Châtelet se maintiendront encore quelque temps. Par contre Longemaison trouva, avec la Révolution, la consécration des efforts entrepris depuis longtemps pour se séparer d'Avoudrey et être reconnu comme commune indépendante et autonome.

Du Châtelet au Châtelard, d'Hautepierre à Salans et essentiellement dans cet axe Sud-Nord, plus que les 40 km qui les séparent il y a absence de relations tant humaines que commerciales. On ne se connaît pas. Ce sont là bien sûr les deux extrêmes, avec deux zones d'influence bien différentes : Pontarlier et Baume-les-Dames mais ceci dit, le canton s'articule assez bien finalement autour de ses deux centres que sont Vercel et Le Valdahon.

CHAPITRE 2

LES TEMPS ANCIENS

La Préhistoire est muette pour la région de Vercel. Aucun silex taillé ni poli n'a été mis à jour jusqu'à présent. Quels hommes en effet auraient choisi de venir vivre sur ces hauts plateaux il y a 40 000 ou seulement 10 000 ans, alors que la dernière glaciation de Würm n'était pas terminée ? Les glaciers alpins autrefois recouvrirent toute la Suisse et venaient mourir en deçà de la chaîne du Jura qu'ils recouvraient également. Personne non plus à l'âge du cuivre puis du bronze, c'est seulement avec le début de l'âge du fer (700 ans avant J.C.) que notre région devint peu à peu lieu de passage.

Sur tout le plateau de Vercel on ne rencontre pas le moindre tumulus. Le tumulus est une immense sépulture de forme arrondie, une sorte de taupinière géante atteignant 15 à 20 mètres de diamètre et 3 mètres au-dessus du sol. Isolé ou en groupe, le tumulus indique un lieu de séjour d'une peuplade semi-nomade se déplaçant avec ses troupeaux. Il faut signaler cependant le tumulus de l'âge du bronze moyen, trouvé à Grandchaux sur la commune de Guyans-.

Les peuples celtiques ont habité un temps notre région. Nous savons que l'on peut, avec précautions, leur attribuer la paternité de quelques noms de nos villages et lieux-dits et aussi d'une forteresse à Lavans- dont les maigres ruines sont appelées « la redoute de Lavans ». Ce qui est le plus intéressant au sujet des Celtes, c'est de savoir qu'ils avaient réalisé à travers nos forêts et maquis quelques ébauches de routes. Les invasions, leur sécurité, le commerce avec les peuples amis sont à l'origine de quelques chemins qui allaient bien vite prendre de l'importance. La voie romaine Le sel, première richesse connue et exploitée de la Franche-Comté, dans la région de Salins mais aussi dans la basse vallée du Doubs, exigeait création et entretien de routes. Les régions salinifères étaient très peuplées, on retrouve en effet dans ces lieux de nombreuses nécropoles datant de l'époque celte puis séquane (IVe s. avant J.C.). Le sel chez les Grecs et chez les Romains était objet d'offrande aux dieux et un condiment indispensable. Une route plus directe que la vallée du Rhône s'imposait pour ce commerce, ainsi naquirent des voies unissant Besançon et Salins à l'Italie par Pontarlier, Lausanne et le Grand Saint-Bernard. De Besançon à Pontarlier la route n'empruntait pas la vallée de la Loue mais un itinéraire par Etalans et Nods et dont les Romains plus tard feront une voie romaine. A Etalans, bifurcation pour Morteau et Neuchatel par le passage naturel obligatoire qu'étaient « les Hages de Vennes », aujourd'hui Ages de .

Au Ve s. avant J.C. transitèrent par Pontarlier, Salins ou Besançon des objets fabuleux tels que ceux que l'on a retrouvés dans la tombe princière de Vix en Côte d'Or : un gigantesque cratère (vase) à anses, bronze de 208 kilos et de 1,64 m de haut ; un diadème d'or de 480 grammes ; des coupes, cruches et bassins de bronze, tous d'origine grecque et fabriqués en Grèce ou à Tarente dans le sud de l'Italie, au VIe s. avant J.C. Vix était probablement un important marché où se troquaient les produits italo- grecs, probablement contre l'étain de la lointaine Cornouaille. L'intérêt dans tout cela est de savoir que c'est par les Alpes, la Suisse et la Franche-Comté que se faisait le trafic et non par Marseille et la vallée du Rhône. Jamais n'ont été trouvés entre la Provence et Dijon d'objets italo-grecs, alors que la voie passant par la Suisse est jalonnée de trouvailles caractéristiques, des tessons grecs à figures noires, ceci à Grachwi et Salins entre autres.

Il faut se garder du danger d'appeler voies romaines ce qui n'était que vieux chemins celtiques et gaulois. La voie Lausanne-Pontarlier-Besançon était un de ces antiques chemins dont l'intérêt n'échappait pas aux Romains et qu'ils perfectionnèrent selon la technique utilisée pour leurs voies romaines. Remontons cette voie depuis Lingona (Langres). Segobodium (Seveux) sur la Saône n'est plus qu'un village. De Vesontio (Besançon) à Ariarica (Pontarlier) la voie, visible dans les marais de Saône, passe derrière le Puits de Poudrey, puis au nord d'Oupans et atteint la Combe de Gielle ou de Gille entre Vernierfontaine et Etray où elle peut se voir en profondeur. Ce Gielle serait, sans garantie, une déformation de Jules (César). Ensuite c'est la station de Filomusiacum, laquelle a profondément intrigué les historiens qui ne savaient trop où la situer. Après une option en faveur de Saint-Gorgon, puis des Usiers et de Fallerans, on pense aujourd'hui qu'il s'agit des Malpierres : malae petrae, les pierres mauvaises, pour la circulation et pour l'insécurité des voyageurs. Les traces de cette voie sont largement visibles à l'entrée du bois des Malpierres, 50 mètres à droite avant que le raccourci ne rejoigne la route. Ornières entaillées dans la roche et travées pour que les pieds des chevaux ne ripent. Cette station de Filomusiacum pouvait logiquement servir de relais et de point de départ pour une desserte de Cicon où

La voie romaine à Nods-Les-Malpierres était établie une vigie romaine, chargée entre autres de protéger cette route stratégique. Celle-ci, depuis Pontarlier, se poursuivait sur Agaune (Saint-Maurice en Valais), là se trouvait une abbaye très importante et à qui sera donnée la terre de Cicon au VIe s. Et à part le tunnel sous le Grand Saint-Bernard, à la place du col, nous ne faisons aujourd'hui qu'utiliser le même trajet pour nous rendre en Italie, Aoste, Milan.

Ainsi vivaient là les Gaulois A l'arrivée de César en Gaule (53 avant J.C.), le sixième des terres était à peine cultivé, le reste n'était que landes buissonneuses et forêts souvent impénétrables. Vesontio n'était qu'un rassemble- ment de huttes, cabanes et maisons faites de bois et de terre glaise abritant 2 000 habitants. Notre région s'appelait alors la Séquanie et elle était encore plus inculte qu'ailleurs en raison de son relief de collines et de montagnes.

César parle de la profondeur des forêts, de la difficulté des chemins, de quelques lieux fortifiés et aussi de « vici » qu'il était amené à incendier et qui n'étaient pas des villages mais de simples fermes, distantes les unes des autres et éparpillées dans les clairières. Descendant des Celtes, les Gaulois de chez nous préféraient la chasse et la guerre à l'agriculture, l'isolement dans les champs ou en forêt à la vie en bourgade.

Les auteurs latins nous disent que quand une peuplade gauloise avait décidé de se fixer dans une contrée, ses chefs la divisaient en « pagi » ou cantons et chaque pagus en autant de portions qu'il y avait de familles. La famille alors choisissait de préférence pour construire sa maison un lieu abrité, avec la proximité d'un bois ou d'une grotte pour s'y réfugier le cas échéant et toujours près d'une source ou d'une mare. La cabane était habituellement de forme ronde couverte de joncs, de terre et de roseaux, construite avec des pierres informes, du bois et de la terre glaise ; la famille et le troupeau s'y abritaient. On ne peut évidemment rien retrouver de ce genre de constructions, lequel pourtant s'est conservé très longtemps. On a cependant repéré ici ou là d'anciens trous bien alignés dans lesquels se plantaient des billes de bois, trous plus grands au centre parce qu'il fallait des billes plus fortes pour supporter la faîtière. La clayonnage était fait de branches souples noyées dans l'argile et la paille pétries. Le même système d'architecture a prévalu, avec quelques amendements, jusqu'à la guerre des Suédois (1636) ce qui explique d'ailleurs la facilité d'y porter l'incendie et le fait qu'il ne nous reste pratiquement rien de cette époque si ce n'est quelque pan ou fondation de maison bâtie en pierre par les gens aisés de l'époque.

Donc dans notre région, au temps des Gaulois, les villages n'existent pas, tout au plus l'une ou l'autre petite concentration de huttes nées en premier lieu le long de la voie romaine qui fut aussi une voie de défrichement. Les fermettes étaient reliées entre elles par des sentiers bordés de haies vives. Elles ne se multipliaient guère parce que l'on avait l'habitude de vivre communautairement, en famille.

César dans sa « Guerre des Gaules » décrit les belles forêts de chênes de la Séquanie, favorisant par leur glandée l'élevage des porcs du pays qu'il fait expédier à Rome par la voie que nous savons. Le sel, les chênes, les porcs voilà une trilogie non négligeable dans la vie des habitants du canton qui conduisaient leurs porcs à la glandée dans les « Prés des chênes» ou dans les forêts ayant nom « Chanois, Chesnoye, Chenaux, Rachène, Chassagne, etc. ». La symbiose chêne-cochon-homme, écrit R. Schaeffer, a survécu dans le Doubs jusqu'en 1830.

Quand on parle de chênes, les druides ne sont pas loin ni les cultes à quelques divinités gauloises, plusieurs lieux-dits nous y font penser : les Champs de Brand et Sèchebrand à Epenoy, Brenne à Fallerans et Vieille Brenne à Etalans, Pré Brandon à Passonfontaine. Brand vient du mot allemand « Brand » signifiant tison et lié à l'idée de défrichement, Brennen signifie brûler. Lorsque les brandes étaient sèches, lorsque les buissons étaient bons à tisonner, c'était en les allumant, la joie du travail accompli mais aussi l'occasion de rendre un culte à celui qui était la principale et peut-être l'unique divinité des druides : Belenus (ou Bel, Baal, Belin), tous ces noms désignent ce dieu gaulois et germanique, assimilé à Apollon et dont l'emblème était le soleil.

Dans les environs de Vercel, les lieux-dits « Champs Belin » ou « Pré Belle » sont nombreux. Le culte de Belenus s'accompagna toujours par la suite de la coutume d'allumer des feux de joie, de danser autour, d'en traverser les flammes en courant tel que cela se pratiquait chez les anciens peuples de la Gaule. C'était la fête des Brandons. L'Eglise, elle-même, tout comme elle christianisa la Chandeleur, prit cette fête et en fit le dimanche des Brandons qui était le premier de Carême. Les lieux-dits « Chevannes » assez nombreux et « Derrière Bordel » à Etalans (les Bordes) rappellent ces fêtes lointaines très voisines de la célébration des Failles à Hautepierre (voir ce village au ch. 17). A Epenoy une colline dénudée : le Mont Olier tire peut-être son nom de l'ancien surnom de Minerve : Oleria, qui a très bien pu recevoir un culte à cet endroit.

La présence romaine De l'année de la conquête romaine, 53 avant J.C., à l'an 476, date de la chute de l'Empire romain, nos Gaulois de Séquanie ont subi l'influence des conquérants mais ont cependant conservé leurs mœurs profondes. Les villes, comme Vesontio, se mettent volontiers à l'heure de la gloire romaine. Capitole, théâtre, temples, palais et bains rendent agréables aux citoyens romains leur séjour à Vesontio. Les Romains qui connaissent la passivité des Gaulois vont les contraindre à développer leur agriculture. C'est alors que la vigne est plantée en Séquanie et que les coteaux du Jura produisent « ce vin au goût de poix » dont parle l'écrivain latin Pline. Par la voie romaine qui vient d'Italie et qui traverse notre région, arrivent le blé rouge et le blé barbu qui seront semés. La farine était mélangée à celle des fèves pour un pain qui ne variera guère durant plusieurs siècles.

D'autres plantes inconnues, tel le lin, font leur apparition. Mais il convient de dire que tous ces avantages font surtout la richesse des grandes fermes romaines établies çà et là, les Séquanes étant peu disposés à se lancer dans les nouveautés, d'autant qu'ils sont imposés lourdement par le fisc romain. Si bien qu'à côté des splendides fermes patriciennes, la hutte gauloise est toujours la même et toujours isolée. La façon romaine de s'habiller ne remplace ni les braies, ni les peaux, ni la roulière, déjà usitée alors par les campagnards, lesquels continuent de parler le celtique laissant le latin aux citadins des couches sociales élevées. Les dieux gaulois sont toujours honorés ainsi que les grands arbres et les rochers étranges. En un mot rien n'a encore bougé dans les campagnes ; les centres de population agricole, les villages donc, sont encore inconnus, la propriété étant d'un seul tenant et indivise.

Par contre, après leur conquête, les Romains avaient établi ici et là de petites forteresses, destinées à protéger des chemins et à imposer le respect dans les zones où s'implantaient les fermes ou « villae » romaines. Ce sont les restes de ces fermes romaines précisément que l'on trouve en des lieux appelés généralement « les Carrons » et sous formes de carrons précisément, c'est-à-dire de grosses briques assemblées avec un ciment, dit romain, rouge-et 1res dur ; la toiture était recouverte de tuileaux ou tuiles arrondies. Les Romains en effet utilisaient la brique et la tuile pour toutes leurs constructions.

Sous la fin de l'Empire romain, avec les invasions barbares et les calamités, c'en est fait de la Gaule et de la Séquanie romaine. Les briques et tuileaux des fermes romaines que l'on retrouve aujourd'hui témoignent des destructions de cette époque, les huttes gauloises par la pauvreté de leurs matériaux n'ayant laissé aucune trace.

Dans notre canton actuel on a retrouvé ces débris de fortifications et de fermes de cette époque dite gallo-romaine à Athose, au Châtelet, à Chaux-les-Passavant, à Bremondans où fut mis à jour en outre une statuette de l'époque romaine, à Courtetain et Salans, à Hautepierre, au Châtelard, à Cicon, à Orsans, à Passonfontaine en un lieu-dit « Durfort » qu'un texte de 1347 cite ainsi « la maison forte sise en Varais près de Cicon appelée Durfort » et où l'on a trouvé des pièces de monnaie de l'empereur Antonin le Pieux (138-161) et de Faustine sa femme. Au Valdahon des tuileaux furent trouvés « Sur les Fols », « Aux Communailles » et « A Jardelles » ; à Vanclans également avec aussi un vase romain retrouvé au retranchement de Moron. A Vercel, au moment de la construction du château, furent mis à jour de nombreux tuileaux ainsi que dans le champ de Remonprè ; le vieux chemin du Pavey, qui conduisait au Valdahon, est connu pour être gallo-romain ; de la même époque aussi, l'orifice d'une citerne et la base d'une tour ronde, aux Fontenys.

La période burgonde Par la trouée de Belfort arrivent sans arrêt des peuples germaniques qui cherchent à s'installer en Séquanie, les Alamans en particulier qui détruisirent tout, entre les années 355 et 454. Pour s'opposer à eux, avec l'accord de Rome, on va faire appel à d'autres peuplades germaniques, venues non pas de I est mais par le sud : les Burgondes. Ceux-ci, originaires de l'île danoise de Burgundarholm, se trouvaient en Savoie, ils remontèrent lentement les deux versants du Jura et repoussèrent les Alamans au-delà du Rhin. Les Gallo-Romains leur offrirent la plus large hospitalité, si bien que ces Burgondes s'installèrent dans le pays. Cette cohabitation les conduisit progressivement à la fusion des deux peuples.

Pendant toute leur progression militaire, les Burgondes ont jalonné leur marche par la création de nombreux lieux dont les noms se terminent par « ans » dans l'ensemble de la Franche-Comté, par « ange » dans le Jura, par « eins et inge » dans l'Ain et la Savoie et par « ens » en Suisse romande. Tous ces suffixes sont des dérivés des noms germaniques se terminant en « ingen » signifiant : les gens de, ainsi pour Etalans on avait : Atalingos, les gens d'Atala, qui était un homme germanique. Tous ces noms de lieux étaient, d'après l'étymologiste Perrenot, des établissements d'ordre exclusivement militaire, destinés à défendre une position importante ou une vallée facile à envahir et aussi à servir de points de départ pour de nouvelles poussées en avant.

Ces noms sont très nombreux le long des cours d'eau, Ognon, Doubs, Loue, Dessoubre et le long des anciennes voies. Ainsi à notre niveau nous relevons Chasnans, Lavans, Guyans, Oupans, Etalans, Fallerans, Vanclans, Foucherans. Dans la montagne ces noms n'existent pas, rien entre Pontarlier et Maiche. Le Luisans, , etc., appartiennent à la vallée du Dessoubre. Tous ces noms furent donnés entre 472 et 496 pendant la période de refoulement des Alamans, écrasés finalement grâce à l'aide de Clovis, roi des Francs.

Lorsque les Burgondes s'établissent en Séquanie, comme ils sont plutôt chasseurs et guerriers, ils se fixent dans les secteurs où il y a peu de cultures, laissant les plaines aux Gallo-Romains. Ceci explique que les localités comportant le nom de « Villers » et surtout de « Court » (établissements agricoles) sont plus nombreux dans la plaine que dans les montagnes.

Le Varais, les Warasques La société se compose de comtes ou chefs militaires, placés à la tête des villes et des centres importants. Les anciennes circonscriptions romaines, les « Pagi », sont reconduites avec les Burgondes et les Mérovingiens, elles deviendront plus tard les circonscriptions féodales et où se logeront surtout des divisions écclésiastiques, de grands doyennés en particulier. Le Pagus se divisait en « pagelli » et chaque pagellus correspondait à un doyenné.

Le pagellus se divisait à son tour en fiscum au nombre invariable de quatre, on retrouvera ce terme de fiscum avec Cicon. Le fiscum enfin comptait plusieurs centenies, cinquantenies et dizenies. Tous les noms des fiscum, ou seigneurie, et qui deviendront les fiefs importants de l'époque féodale, nous ont été conservés, tel Cicon, mais nous ne possédons que le nom d'une seule centenie et c'est celle de Nods, citée au VIe s. de la façon suivante : centena nodinsensis, ou bien centena nudense, ou encore Nuda.

Le pagus du Varais, habité par les Warasques, couvrait tout le centre de l'actuel département du Doubs, de Besançon et l'isie-sur-ie-Doubs jusqu'à Pontarlier et Morteau. Pendant très longtemps pour ne pas confondre deux villages d'un même nom en Franche-Comté, on précisait qu'un tel était sis en Varais. Nous l'avons vu pour Durfort, voici encore Scey en Varais, et légèrement déformé : Pierrefontaine-les-Varans, puis La Villedieu en Varais jusqu'au XVIIe s. et Dammartin en Varais avant de devenir Dammartin-les-Templiers. Le nom de famille Varescon a probablement la même origine. La porte pour entrer à Besançon s'appelait Varesco tout comme le doyenné correspondant à ce pays des Warasques ; en 1280 Ponce, curé du Valdahon, est en même temps doyen des Warasques, ce titre étant alors attaché à la personne et non à la résidence.

Les Varasques ce sont les « Ouaristoi » de Ptolémée et les « Varistae » de Tacite, ils sont venus de la Bavière par Yverdon et Pontarlier et se sont facilement installés dans ce territoire qui allait prendre leur nom : Le Varais.

La vie quotidienne au temps des Burgondes, Warasques et Mérovingiens Les Burgondes avaient pour chef le célèbre roi Gondebaud, il parlait latin et fut un administrateur habile, mais il professait l'hérésie arienne, c'est-à-dire la non divinité du Christ, et ce fut sa perte. Sa nièce, la catholique Clotilde, mariée à Clovis roi des Francs, poussa celui-ci à faire la guerre à Gondebaud. En 534, le royaume burgonde fut absorbé par les rois (Francs) mérovingiens, alors que Sigismond avait succédé à Gondebaud.

Le Christianisme n'avait jusque-là pénétré que lentement en Séquanie paysanne, à tel point qu'au Ve s. le nom de « paganus » qui signifie paysan était le même pour désigner le païen (paganisme). Les Burgondes se convertirent grâce aux premiers moines venus de Luxeuil, où Colomban avait fondé un monastère vers 590 ; il n'est pas impossible qu'ils furent relayés dans notre région par les moines de .

Les monastères, les prieurés et les « villae » des grands propriétaires sont aux Vile et Ville s. des lieux prédestinés pour agglutiner autour d'eux une population de travailleurs. La population des campagnes, jusque-là disséminée, va se rassembler en petits îlots, près d'une tour, dans le voisinage d'un des premiers monastères ou d'une métairie importante ; ce sont ces ouvriers, ces serfs, ces colons qui constituent les premiers noyaux, la première amorce de ce que seront les villages.

L'agriculture s'étend, la population augmente. Cicon et les Usiers, qui avaient été donnés par Sigismond aux moines d'Agaune en l'an 520, voient leurs alentours se défricher. C'est le grand essor des fermes agricoles. Les monastères, Cusance, Baume-les-Dames, Mouthier et les prieurés, qui sont des maisons rurales dépendantes des monastères et où résidaient deux ou trois religieux, ont un grand rôle sur l'agriculture, la religion et la civilisation. Les prieurés connus à cette époque sont , Chaux- les-Clerval, Laval, Leugney et Eysson. Les religieux desservaient les premières églises et chapelles, bâtisses de bois dont il ne reste rien aujourd'hui. Les églises-mères étaient peu nombreuses (Eysson, Leugney), elles avaient un rayon parfois de 20 km ; la messe était souvent célébrée dans des villas seigneuriales qui devinrent paroissiales dans le XIIe s. Le parler du temps est autant le latin rustique que le dialecte burgonde fortement apparenté aux dialectes gothiques.

Avec les monastères et les prieurés, les points où viendront se former les premiers « villages » sont les domaines où résidaient les collecteurs d'impôts et les chefs militaires, les fermes royales et les grandes maisons seigneuriales. Les peuples germains préfèrent le séjour de la campagne à celui des villes, près des forêts et à proximité des lacs et des rivières, réunissant les avantages de la chasse et de la pêche. Leurs fermes principales sont de vastes demeures renfermant un personnel nombreux et varié, sous la conduite d'un majordome qui s'occupe aussi de l'administration des fermes secondaires. Pendant les IXe, Xe et XIe s., les fermes rurales deviennent plus nombreuses et les « villae » seigneuriales sont très populeuses mais ce ne sont encore que des maisons particulières, elles ne constituent pas encore ce que nous appelons aujourd'hui un village. Beaucoup de nos villages actuels n'étaient alors qu'une simple ferme. Dans la partie montagneuse du Doubs, les terres, jusqu'à la fin du XIIIe s., sont encore au premier occupant, la contrée étant pratiquement inhabitée.

Jusqu'en 1032, on parlera encore du Royaume de Bourgogne, il avait ses rois propres, mais faisait partie du Royaume de France ; il avait donné son nom à la province de Bourgogne qui allait, en 1032, se dédoubler en Duché et en Comté de Bourgogne, ce dernier devenant progressivement la Franche-Comté. De l'époque burgonde, mérovingienne puis carolingienne ne nous reste pratiquement rien dans le canton. Nous savons à peine que les Sarrazins, en 732, détruisirent l'abbaye d'Agaune et beaucoup de nos villages. Ce nom de Sarrazin est parfois resté attaché à un champ ou à une grotte, Vanclans a un lieu-dit « A la Sarrazine », Epenoy a une « Combe Sarrazin » et Orchamps-Vennes un château sarrazin presque complètement oublié. Comme l'Eglise, après les pillages des Sarrazins, était réduite à la misère, Charlemagne institua la dîme pour subvenir à l'entretien des églises, des prêtres, des hôpitaux et des écoles encore rares. Les monastères de plus en plus tiendront école, celui de Mouthier- Hautepierre fut très fréquenté, les moines y avaient fondé une école à double usage, intérieur pour eux- mêmes et extérieur pour les gens qui le pouvaient : « monasterio publico ». CHAPITRE 3

CICON UNE GRANDE FAMILLE FÉODALE ET UN CHÂTEAU

Les origines Il y avait à l'époque gallo-romaine, faisant suite à une vigie, un château au sommet de Cicon et qui fut détruit plusieurs fois depuis les invasions barbares des IV et Ve s. jusqu'au Xe s. et pas toujours pour faits de guerres. Par le passé, on a retrouvé dans les fondations du château du ciment romain, fait de tuiles pilées, et des poteries. Au pied de la colline, sur le territoire de Vanclans, furent également trouvés de nombreux fragments de poteries et de tuilaux romains.

Tout le territoire de Cicon, aujourd'hui de la commune de Vanclans, relevait du fisc impérial pendant l'occupation romaine, puis il devint le lot du roi de Bourgogne. Sigismond, fils du célèbre roi burgonde Gondebaud, converti au christianisme en l'an 501 et devenu plus tard saint Sigismond, contribua beaucoup à l'histoire de Cicon qui peut être finalement porte son nom. Il est considéré comme ayant fondé l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, en Suisse, en l'an 515, et il lui aurait donné plusieurs terres, en l'an 520, dont celles des Usiers et de Cicon, Cicon qui selon le celtique, signifierait : roc et pointe.

En fait ces terres peuvent avoit été données quelques années plus tard, Sigismond en effet, pour expier le meurtre de son fils Sigéric en 522 dont il s'était rendu coupable à l'instigation de sa femme, passait dès lors son temps et son argent à bâtir et à renter les églises et monastères. Outre Cicon et les Usiers, il donna ainsi à l'abbaye d'Agaune une grande partie de la région d'Ornans et surtout Salins, l'importante capitale de « la Saulnerie », Salins dont les seigneurs habitaient le château-fort de Bracon, bâti sur la Furieuse. C'est dans ce château de Bracon, pense l'historien Droz, qu'étaient reçues les redevances de Cicon. Salins sera à la naissance de la grande famille féodale des Cicon, et les liens demeureront privilégiés ; une tour et une impasse de Salins portent le nom de Cicon, de même que quelques vignobles de Mouthier.

Les premiers moines d'Agaune dotèrent le château de Cicon d'une chapelle dédiée à saint Maurice. Un peu partout à cette époque, les noms de saints patrons donnés à des châteaux ont pour but de remplacer les noms de quelques divinités païennes, lesquelles avaient déjà remplacé les divinités druidiques. Dans de vieilles chartes, réunies dans le cartulaire de l'abbaye de Romainmotier en Suisse, Cicon est en effet appelé « Castrum sancti Mauritii de Cycons », il est aussi appelé « Fiscum Siccum ». C'est en effet un des quatre fiscum du comté des Warasques, le terme de fisc signifie le panier où tombent les redevances. Perrenot, dans sa « Toponymie burgonde », dit que l'appellation exacte est plutôt « fiscus Sicconis ». Le nom propre de Sicco, ou Siggo, serait une abréviation familière de Sigismondus, ce roi fondateur d'Agaune. Dans ce cas, Cicon doit donc son nom à Sigismond. Signalons, pour la forme seulement, car il n'y a aucun fondement, que l'on a rapproché Cicon d'une peuplade de l'ancienne Thrace : les Cicones et d'un village du diocèse d'Ivréa en Italie du nom de Ciconio ; quand au village de Montseugny dans le canton de Pesmes, c'était en 1116: Mons ciconiacus, du nom d'un homme latin Ciconius.

Le château de Cicon, dont les proportions étaient alors réduites, résista aux Sarrazins très probablement, il résista encore en 888 aux Normands commandés par Rollon, mais il n'échappa pas aux Hongrois en l'an 937. Les moines d'Agaune, dont l'abbaye avait été pillée et détruite par les Sarrazins en 732, possédèrent la terre de Cicon jusqu'en l'an 941, date à laquelle elle passa entre les mains d'un riche aventurier du nom d'Albéric de Narbonne.

La famille des « de Cicon » Albéric, déjà cité, fils puîné du vicomte de Narbonne, devenu par mariage comte de Mâcon, forme le projet d'acquérir le domaine de Salins avec Ornans, Pontarlier et Cicon entre autres. Il s'adresse à son souverain, Conrad le Magnifique, lui faisant considérer le triste état des possessions de l'abbaye d'Agaune. Tout y est ruiné depuis le passage des Hongrois en 937, à savoir les salines et Cicon ; et l'abbaye elle-même vient d'être brûlée par des barbares descendus des Alpes en l'an 940. Il y va de l'intérêt de l'État, dit Albéric, de gagner cette cause, car rien ne sera relevé avant longtemps, les moines devant s'occuper d'abord à reconstruire Agaune. Conrad non seulement accéda à ce désir mais le formula d'une façon quasi impérative à l'abbaye ; celle-ci qui n'en pouvait mais signa l'acte d'inféodation à Albéric en l'an 943. Etait prévu quand même un léger cens annuel, et la condition assez hypothétique de voir ces terres retourner à l'abbaye en cas où Albéric et ses enfants n'aient pas de succession.

Albéric a deux enfants qui vont donner naissance à deux familles importantes, l'aîné, Létalde, à celle des ducs de Bourgogne, et le cadet, Humbert, à celle des sires de Salins. Albéric s'emploie à relever le château de Cicon et les salines. Par son fils Humbert les sires de Salins en seront possesseurs, mais pour peu de temps. On voit en effet en 1168 Gaucher III sire de Salins dépossédé de sa terre, sur caprice de l'empereur Frédéric, et ce au bénéfice des barons de Montfaucon ses favoris. Gaucher s'en plaint à l'abbé d'Agaune Burckard qui est justement de passage à Salins ; celui-ci n'y pouvait rien sinon y trouver l'occasion de réclamer ses propres droits. L'abbaye d'Agaune non seulement ne les recouvrera pas mais se contentera encore quelque temps d'un hommage, que lui adresse Gaucher IV en 1199, Jean de Chalon en 1246, Othon IV en 1288 et enfin en 1327 la veuve d'Othon V, la comtesse Mahaut ; celle-ci invite l'abbé d'Agaune à venir au château de Bracon recevoir son hommage pour Cicon, Usier, Chaux d'Arlier et le cens des bourgeois de Pontarlier. Les sires de Salins, entre temps, étaient rentrés en possession d'une grande partie de leurs terres.

L'origine des seigneurs de Cicon, c'est-à-dire de ceux portant ce nom et y résidant, ne nous est pas connue. De toutes façons ils ne sont pas maîtres et seigneurs du lieu car ils sont vassaux de ceux de Joux, et ceux-ci devaient à leur tour l'hommage à ceux de Salins. L'historien Droz prétend que les sires de Cicon descendent par le sang de ceux de Joux et ceux-ci de la famille de Salins ; il semble qu'il n'en soit rien car la famille de Cicon existe déjà vers l'an 1000 et les vraisemblances jouent plutôt en faveur d'une origine burgonde, ou encore d'une famille venue avec le vicomte de Narbonne en qualité de vassale.

Cicon aurait été le centre d'un vaste domaine comprenant des terres allodiales. La terre allodiale était une terre de choix pour le seigneur vassal parce qu'elle ne comportait aucune charge par rapport au seigneur suzerain ; ces terres allodiales, donc franches de toute redevance seigneuriale, étaient souvent appelées « terre de francs-alleux » ou tout simplement « alleux ». A Epenoy, les alleux sont devenus les alloz, tout un secteur porte encore ce nom ainsi que le ruisseau qui y naît et qui coule vers Le Valdahon ; tout proche aussi, près des chenevières, est encore un autre lieu-dit appelé « les Allouandes », c'est encore le même sens. L'alleu est opposé au fief qui est une terre à redevances. On voit encore en 1547 Claude de Cicon vendre à Combeaufontaine une terre dite de franc-alleu.

Le premier de Cicon dont on parle est Gauthier de Cicon ou de Salins ? que l'on voit faire hommage de son fief (castrum de Cicon) en 1045 à l'abbaye d'Agaune. Puis on voit Wido ou Guy de Cicon, en difficultés et plaids avec l'abbaye de Romainmotier (outre-Joux), entre 1049 et 1097, au sujet de serfs qu'il avait surpris dans le village de Vaulion. Lambert de Cicon est témoin, en 1080, d'une donation faite à l'église Saint Etienne de Besançon par Guillaume le Grand, comte de Bourgogne. Manuscrit de 1148 concernant Barthélemy de Cicon Se reconnaissent dans l'ordre les noms d'Etalans, Vanclans, Rantechaux, Epenoy et du moulin entre Nods et Cicon.

Geoffroy de Cicon part en 1096 à la première Croisade et entre à Jérusalem le 15 juillet 1099. Gauthier et Fromont de Cicon, tous deux moines de Mouthier-Hautepierre, donnent à ce monastère en 1110 leurs hommes et leurs biens de « Rotencal (Rantechaux), Nos (Nods), Spinetum (Epenoy), Strax (Etray), Falarangibuca () ». Conon de Cicon donne à l'abbaye de Montbenoit, Arembor et Libor, deux sœurs de , vers 1140. Au même monastère est donné l'emplacement d'un moulin à Arçon par Gaymar de Cicon, et la moitié de la Chaux de Gilley par Guillaume de Cicon. Ces trois dernières donations montrent que les seigneurs de Cicon avaient des possessions dans le seigneurie de Joux et laissent donc supposer, outre la vassalité, une parenté possible entre les deux maisons. Le même Gaymar est cité avec Odolo de Cicon dans une charte de Frédéric Barberousse en 1166.

Jusque-là pour tous les noms cités, nous ne connaissons pas la filiation, mais à partir de Barthélémy de Cicon, nous avons toute la filiation, avec les auteurs des branches nouvelles et leurs successeurs. Le XII. s. est l'âge d'or de la famille de Cicon, par ses nombreux essaimages, par la participation de ses membres à presque toutes les Croisades et par les nombreuses libéralités faites aux monastères de la région, comme nous l'avons vu et comme nous allons le voir, avec réticences cette fois, pour Barthélémy de Cicon. Celui-ci partit pour la Deuxième Croisade en 1147, or il tomba gravement malade à Jérusalem. Désespérant de revoir sa patrie, il dicta ses volontés dernières et fit une confession générale de ses fautes. Il s'était accusé en présence de témoins, de s'être injustement saisi du moulin de Noz et de sept ménages de serfs que l'église de Mouthier-Hautepierre possédait dans sa seigneurie. Il y avait Foulques, de Vanclans ; Lambert, villicum (serf) ; Lambert, anglum ! ; Libold ; Humbert, du puits ; Emalric, chapuis de Rantechaux et Lambert d'Epenoy, recordellum ? Il avait fait dans sa confession la promesse de restituer ces « choses » à leur légitime propriétaire.

Mais l'on se désaisit difficilement de ce que l'on a volé. Barthélémy avec la santé, avait recouvré le goût des biens de ce monde ; il pouvait d'ailleurs se croire libéré, vis-à-vis du Ciel, par les dépenses et les fatigues de la guerre sainte. Les moines de Mouthier envisagèrent la chose tout autrement ; ils profitèrent d'un passage de l'archevêque Humbert à Etalans, seigneurie pour longtemps des archevêques de Besançon, pour évoquer cette difficulté à son tribunal. Barthélémy y comparut. Humbert lui fit jurer sur l'Evangile qu'il exécuterait à la lettre ce que les témoins de Jérusalem avaient entendu. Quatre de ces témoins étaient présents.

Ces quatre personnages furent unanimes pour attester que le sire de Cicon avait réellement fait la promesse dont se prévalait le prieuré de Mouthier. Alors l'archevêque prononça le retour au domaine monacal du moulin de Noz et des sept ménages. Un acte authentique scellé par le prélat fut délivré comme titre de possession au prieur de Mouthier en 1148 (voir parchemin ci-après). Barthélémy ne fut pas le seul à usurper les biens d'autrui. On en cite plusieurs autres qui restituent des dîmes dont ils se sont emparés injustement, entre autres : Hugues de Cicon qui restitua à l'abbaye Saint-Paul les dîmes de , le quart de celles d'Oye (Valdahon du milieu) et le huitième de celles d'Epenoy, ceci en 1181.

Barthélémy de Cicon eut cinq enfants dont Guillaume (qui suit), Jean, qui devint le premier des illustres seigneurs de Montferrand, Châtillon-Guyotte et Sauvigney-les-Angirey (on le retrouvera plus loin). Blandine qui fut la maîtresse du comte Etienne Il de Bourgogne et dont le fils reçut la baronnie d'Oiselay dont il prit le nom. Humbert, chanoine de Saint-Paul à Besançon et Lambert bienfaiteur de l'abbaye de Cherlieu, époux de Julienne d'Abbans.

Guillaume de Cicon, fils de Barthélémy, partit à la troisième Croisade en 1190 avec Philippe Auguste, il fit don à l'abbaye de Montbenoit, moyennant 100 sous de monnaie pour en prendre possession après sa mort, de deux de ses sujets : les frères Théodoric et Lambert d'Arçon avec leur postérité et leur meix (la ferme et son environnement), sis à Arçon. Il mettait comme condition, que s'il revenait de cette expéridion, la somme serait rendue et une redevance annuelle payée jusqu'à sa mort. Parmi les enfants de Guillaume, retenons Guiot (Guy) qui devint sire de Vallerois-Ie-Bois et Hugues qui suit.

Hugues de Cicon, est l'un des chevaliers « donnés chacun pour cautions de 100 marcs d'argent », par Otton Il de Méranie. Il épousa Marie, fille héritière de Guillaume de Ray, seigneur de Rançonnières (Jura). Parmi leurs enfants, citons Ponce de Cicon, doyen de Saint-Etienne de Besançon en 1226, puis chancelier du Chapitre en 1239 et enfin Thiébaud qui assure la lignée.

Thiébaud de Cicon, il épouse en premières noces une cousine, Alix de Cicon, dont il aura un fils Pierre, lequel fonde en 1284 la cinquième chapelle de la cathédrale Saint-Jean. En secondes noces, il épouse Elwis de Nant (près de Cuse), dite la veuve, en 1251. Elle sera inhumée à l'abbaye de Bellevaux (Cirey) avec son fils Perrin, usant en cela des privilèges de la famille de Nant ; elle laissera à cette abbaye, le jour de la mort de son mari Thiébaud, les trois-quarts des dîmes de Nant.

Guillaume de Cicon, un autre fils de Thiébaud et d'Elwis, hérite du titre de seigneur de Cicon mais aussi d'Athose, Aubonne, Avoudrey, Chasnans, Nods, Le Valdahon, le tout de la mouvance d'Aimé de Montfaucon. A cette époque, en effet, vers 1268, les suzerains de Cicon sont les sires de Montfaucon. Guillaume participa à la sixième Croisade accomplie par l'empereur Frédéric II. Outre son fils Jean, qui suit, un autre Guillaume est abbé de Montbenoit en 1286.

Jean de Cicon, sire de Roche et de Nant, épousa Elwis de Montby dont il eut Hugues qui suit. Guy, un chevalier célèbre, marié à Huguette de Gevigney et qui laissa un testament en 1316. Jean, un autre fils, doyen de Saint-Jean, il fonda la deuxième chapelle de la cathédrale en 1328 et mourut en 1339 en laissant lui aussi un très long testament. Fromond, encore un fils célèbre, il fut chanoine de Saint-Paul et prieur de Bellefontaine en 1297. Fromond de Cicon mourut le 19 février 1328 et fut inhumé dans l'église Saint-Paul de Besançon, voici le texte de son épitaphe : « Anno Domini M CCC XXVIII decimo KI martii, obiit Fromondus de Cicons, sacerdos, prior de Bellofonte, cujus anima per misericordiam Dei requiescat in pace. Amen. » Elwis leur mère renouvelle l'hommage à Vauthier, sire de Montfaucon, en 1298.

Hugues de Cicon, il épousa Béatrix de Chevigny (canton de Montmirey le Château, Jura), laquelle a également laissé un testament en 1339. Leurs enfants sont Jean, qui suit. Guy, chanoine de Saint-Paul et prieur de Courtefontaine en 1316, puis de Lanthenans en 1339. Jacques, qui donne à l'abbaye de la Grâce-Dieu, le 19 août 1324, « la Grange de Rantessert avec les dépendances, les usages, réages (passages avec roues) et pâturages par tous les finages des villages de Chaux, Châtelard, , Magny, Villedieu, Bémont ». Il en avait au préalable demandé la permission à Jean de Montfaucon et il élisait sa sépulture à la Grâce-Dieu, prescrivant les offices qui devaient être célébrés après son trépas.

Jean de Cicon. Dans la guerre, dite des Confédérés, 1330-1349, Jean de Cicon reste fidèle au duc de Bourgogne contre Jean Il de Chalon-Arlay et il déclare en 1343 à Pontarlier mettre son château de Durfort sous la garde du duc, hélas ce château sera pris la même année par Jean de Chalon. En 1344, Jean de Cicon reconnaît tenir en fief d'Henri de Montbéliard, Seigneur de Montfaucon, la moitié du château-fort et du bourg de Cicon. Eudes IV, duc de Bourgogne mande à Jean de Montaigu et Foulque de Vellefrey, ses baillis, d'aller débloquer et mettre sous sa garde le château de Cicon assiégé par Jean de Chalon. Hélas ce fut inutile car le château de Cicon fut complètement démoli avec l'aide des Bisontins accourus par Ornans, dont Jean de Chalon était le vicomte (1345). Le duc de Bourgogne, néanmoins, reconnaissant d'une telle fidélité de la part de Jean de Cicon, lui donna la garde du château de Scey-en- Varais en 1348. Jean de Chalon voulait faire démolir le château de Cicon, il manda à Jean de Saugey, son bailli, de faire conduire au château d'Arguel tout le blé, le vin et les provisions enfermées à Cicon et de démolir de fond en comble tout ce qui restait du château. On ne sait le pourquoi de cette décision, ni si elle fut mise à exécution. Louis de Chalon, fils du précédent, vendit en 1380 tout ce qu'il avait à Cicon à Etienne de Montbéliard pour la somme de 1600 florins de Florence. Etienne nomma châtelain de la forteresse de Cicon (elle n'aurait donc pas été détruite) Fromond d'Espenoy et son fils Vienot en 1381. Jean de Cicon avait épousé Isabelle de Cusance en 1330, elle lui apportait la seigneurie de Montbarrey (Jura) et sera mère de :

Guyot de Cicon, il fut bailli d'aval de 1369 à 1371, châtelain de Rochefort de 1371 à 1392 et de Montjustin en 1414. Il épousa avant 1356 Marguerite de Vaucelles dont il eut Jeanne mariée à Jean de Champdivers, maître d'hôtel de Philippe le Hardi et qui fut bailli d'aval en 1405, et un fils Jean qui suit. Les archives du Doubs nous livrent l'intéressant renseignement suivant, concernant Guyot ou Guy de Cicon et son beau-père Hugues de Vaucelles : « Despens faiz à Vavre devant Vesoul par 1111 xx XV hommes d'armes, le dimange après l'Apparition Nostre Seignour et le lundi sigant à la dinée (11 et 12 janvier) ; c'est assavoir par... Guyoz, seignour de Cicons, lui Xe homme d'armes, auquel lieu ils estoient venu au mandement mon seignour Hugues de Vaucelles, chevaliers, baillis en Bourgoigne, pour contraitier au conte de Vohenberc, qui estoit venu à force de gens d'armes allemanz en la terre de Montjustin et boutoit les feux ; et assi pour aler courre en la terre de Conflans sur le chastellain doudit Conflans ; ... le macredi matin sigant (14 janvier) se partist lidiz bailliz, ensamble lesdictes genz d'armes, et avec lour les sergenz de la chastellenie de Vesoul et de Montboson et s'en allèrent pour courre en la terre de Conflans sur le chastellain, au deffaut de ce que li Allemant se retrahèrent en lour païs, pour ce qu'ils n'osèrent plus venir avant en la conté pour cause desdictes genz d'armes ».

Jean de Cicon, il épouse Marguerite de Vy, dame de Demangevelle et de Bourguignon-les- Conflans. Il est mandé en 1394 par Jean de Vergy, maréchal de Bourgogne, avec d'autres chevaliers pour marcher contre le sire de Beaujeu dont les courses ravageaient la Comté. Les temps sont troublés, c'est la guerre depuis 1360 contre ce que l'on a appelé « les Grandes Compagnies », c'est-à-dire, des bandes de soldats anglais libérés de leurs obligations militaires (Traité de Brétigny 1360) et qui pour leur propre compte dévastent la Comté et jusqu'aux environs de Cicon. Jean les combat avec ses deux fils Didier et Guy, très jeunes encore, jusqu'à leur extermination par le célèbre Jean de Vienne, lors d'une victoire remportée aux environs de l'abbaye de Bellevaux. Jean avait vendu la terre de Chevigny à l'amiral Jean de Vienne avant 1376. Didier de Cicon est appelé « très noble et puissant seigneur ». Il redonne en effet à la famille un lustre qu'elle n'a pas connu depuis les Croisades, quoique ses possessions soient amoindries par rapport à ce qu'elles furent. Au départ, la terre de Cicon ne lui appartient pas, elle est propriété de la famille de Montfaucon-Montbéliard. Mais celle-ci depuis 1392 n'a plus de branche masculine, alors le comte Etienne de Montfaucon-Montbéliard, souvent appelé Etienne de Cicon, partage à ses quatre nièces toutes ses terres ; l'une d'elle, Jeanne, épouse en 1412, Louis de Chalon-Arlay IV et obtient la terre de Cicon. Didier lui en achète la moitié la même année et il est dès lors appelé, seigneur de Cicon ; jusque-là, vers 1401, il est seigneur de Demangevelle, Bourguignon, Chevigney et Argillières (seigneuries acquises par alliances antérieures ».

En 1406 Jean de Chalon-Arlay III avait donné ordre à son vassal Antoine Rigal, châtelain de Vuillafans, d'exécuter d'importants travaux de maçonnerie à Cicon ; celui-ci marchanda les travaux à Etevenet et Gérard Bordey et en fit le mesurage ; puis Louis de Chalon, prince d'Orange, prend le relais et consacre d'importantes sommes pour l'embellissement de ses châteaux, dont Cicon, si bien qu'en 1430, le château de Cicon est dans toute sa splendeur. En 1438, un compte-rendu en est fait par Jean Magnin d'Epenoy, receveur de la seigneurie. La seigneurie d'Argillières resta dans la famille jusqu'au début du XVIe s. (canton de Champlitte). La Seigneurie de Bourguignon-Ies-Conflans (canton de Vauvillers) restera dans la famille jusque vers 1720, avec les de la Baume-Montrevel.

Didier de Cicon était à Montereau en 1419 dans l'armée du duc Jean sans-Peur, pour lutter contre les Armagnacs et les Anglais. En 1433, il reçoit 1 000 francs d'indemnités pour dégâts commis sur ses terres en son absence par Jean de Nancy, duc de Lorraine. Didier avait épousé Béatrix, fille de Guillaume de Villersexel et de Catherine de Montaigu, dame de Sombernon. Ils eurent quatre enfants dont Guillaume qui suit. Jean auteur de la branche des Richecourt. Henri, tige lui aussi des seigneurs de Rançonnières et enfin Thiébaut, chanoine de Saint-Etienne, chantre en 1452, et écolâtre en 1476.

Guillaume de Cicon, fils de Didier, il est parmi les seigneurs qui firent en 1453 à Lille le fameux « vœu du faisan » avec Philippe le Bon, il s'agissait d'une Croisade qui n'eut finalement pas lieu. Il fut créé chevalier en 1468 à Liège par Charles le Téméraire. Seigneur de Demangevelle, il voulut indemniser ses sujets des maux que la guerre leur avait causés, en particulier l'incendie de leurs maisons, il les affranchit de la mainmorte en 1471 à condition qu'ils rebâtissent leurs maisons auprès du château, sur un terrain protégé par les tours s'étendant jusqu'au Coney, et qu'ils s'engagent à y rester. Le village avait été en effet complètement ruiné par les Routiers (Grandes Compagnies). Cette seigneurie échut à une fille de Guillaume qui épousa Nicolas du Châtelet ; ainsi Demangevelle, par alliances ou successions, passera aux maisons de Vienne, Clermont-Tonnerre, etc., jusqu'en 1789.

En août 1472, avec son frère Thiébaut le chanoine, il rachète la deuxième moitié de la seigneurie de Cicon, (avec Epenoy, Etray, Arc, Aubonne, Avoudrey et Rantechaux), détenue alors par Guillaume d'Orange, comte de Tonnerre, fils de Louis de Chalon ; l'affaire fut facilitée par le fait que ce dernier était prodigue et s'était largement endetté par son expédition dans le Milanais en 1451-1452.

Ce rachat de Cicon amoindrissait la famille de Chalon certes, mais elle était encore assez puissante et conservait un droit de gouvernement qu'elle confiera aux derniers descendants des seigneurs d'Epenoy, comme nous le verrons dans l'histoire propre à cette famille d'Epenoy. Guillaume combattit avec Charles le Téméraire à Granson et à Morat en 1476. Il avait épousé en 1458 Catherine de Haraucourt, dame de Rosières-sur-Mance et Saint-Marcel, il testa en 1458 en faveur de son fils Jean, il mourut en 1495 et fut inhumé à Demangevelle.

Jean de Cicon, il est seigneur de Cicon à part entière, il fut fait prisonnier dans les guerres entre les ducs de Bourgogne et de Lorraine et il est signalé entre les mains des Suisses, alliés aux Lorrains, à Vuillafans en 1480, et il dut payer une rançon de 1 500 francs pour laquelle il engagea des terres à Nicolas du Châtelet qui avait épousé Bonne de Cicon. Jean mourut sans héritier et donna ses biens à sa sœur Bonne de Cicon, laquelle les transmit à son fils Erard du Châtelet, celui-ci les revendit en 1523 à un cousin :

Claude de Cicon, seigneur de Rançonnières, fils d'un Henri de Cicon (voir les fils de Didier plus haut) et de Catherine de Dinteville. Claude se maria à Anne de Champdivers et en eut entre autres Claudine mariée à Nicolas de Montmartin. Leurs fils : Philibert de Montmartin, seigneur de Cicon en 1584. Il contribua pécunièrement à la publication de la fameuse histoire de la « République Séquanaise » de Gollut. Il épouse Claude de Pontailler (ailleurs Louise de Ray) et meurt en 1587. Une fille était née, Nicole de Montmartin, qui fut l'une des plus riches héritières de son temps. Elle épousa le 10 février 1583 :

Antoine de la Baume-Montrevel, lequel sera tué en 1595 au siège de Vesoul. Nicole avait hérité de tous les biens de son père, ce qui ne l'empêcha pas d'imposer très lourdement les sujets de Cicon à l'occasion de son mariage ; l'on connaît entre autres les plaintes des gens de Lièvremont à ce sujet.

La branche aînée des de Cicon finit donc avec Jean de Cicon, mort en 1508 et inhumé à Cherlieu. La seigneurie de Cicon passera à la branche des Cicon, seigneurs de Rançonnières (canton de Dole) pour échouer aux de Montmartin puis aux de la Baume-Montrevel.

Mais revenons un peu en arrière pour parler du château lui-même. Le château rutilant neuf, vers 1430, ne va pas le demeurer longtemps, il s'en va vers sa destruction définitive et ce ne sera pas le fait des Suisses seuls, mais de leurs alliés les Français et les Lorrains. Ceux-ci viennent déjà de détruire la seigneurie de Demangevelle appartenant à Guillaume de Cicon et ils sont furieux contre les ducs de Bourgogne, meurtriers d'Hagenbach ; alors avec l'appui des Suisses, et peut-être par eux, les représailles tombent sur le château de Cicon entre 1472 et 1479, vraisemblablement en 1479. Quoique défendu par son mur d'enceinte et son énorme tour carrée, il dut se rendre et fut brûlé ainsi que le village voisin qui avait nom : Bourg dessous Cicon. Détruit, le château ne sera plus jamais relevé, on en a les preuves suivantes :

1) En 1479, Montfaucon, qui était toujours mentionné avec Cicon dans les chartes, est seul mentionné. 2) Lors de l'invasion de Charles d'Amboise en 1480, l'historien Gollut ne cite pas Cicon dans l'énumération des châteaux pris et repris par les Français, il était donc détruit. 3) Dans un dénombrement de 1584, Philipert de Montmartin, fils de Nicolas de Montmartin et de Claudine de Cicon, dernière héritière de nom des biens de sa branche comme il a été dit, nous révèle l'état misérable auquel le château avait été réduit par l'ennemi : « appartient audit sieur (de Montmartin) la place, roch, mothe et marque du château et forteresse de Cycon, de long et large qu'ils s'étend et comporte, que consiste en un bien antique donjon une grosse tour quarrée et autres édifices et manoirs présentement et dès longtemps par fortune de feug et hostilités des guerres ayant régné en ce pays et comté de Bourgogne, ruynés et démolis, demeurant à cette cause inhabitables, et est l'état où est réduit à présent ledit château, sans autres apparences de l'anticquitté ». 4) En 1637 dans une répartition des soldats destinés à faire le guet à Châteauvieux, au nom du Valdahon, Epenoy et Etray, on lit la phrase suivante : « il n'y a aucun château en ladite seigneurie de Cicon, celui qui semblait être étant entièrement ruyné et sans habitation ». 5) En 1706 enfin, une dernière constatation : « il n'y a qu'une sorte de puits taillé dans le roc vif et quelques pans de murs ».

A propos du village de Cicon dont on a déjà signalé l'existence et qui porte le nom de « villa de Cycon » (ferme) en 1266, puis de « bourg » en 1344 et « Bourg dessous de Cicon » en 1470 (Rien à voir avec Arc-sous-Cicon situé loin de l'autre côté de la montagne et appelé alors en latin : Arcus retro Cicon, Arc derrière Cicon) on peut dire que Cicon existe encore comme village ou communauté en 1483, on le voit subir complètement l'orvale de feu en 1565 (accident par les éléments). On le voit encore payer 30 francs d'impôts en 1568 et 1637, puis plus rien. Seule, après le passage des Suédois, la ferme de Beauregard (de Bellovisu), qui existe encore aujourd'hui, a été bâtie à la place d'un ancien manoir du même nom. Mais si le château est démoli et sa possession inutile, restent les terres de la seigneurie qui demeureront dans la famille de la Baume-Montrevel avec Claude François, fils d'antoine de la Baume- Montrevel et de Nicole de Montmartin. Celui-ci donne un dénombrement de la seigneurie en 1620 et à cette occasion fait hommage aux archiducs Albert et Isabelle, celle-ci fille de Philippe 11, en espérant, écrit-il, ne froisser personne d'autre. Cette « retenue » ne fait qu'expliciter la difficulté extrême de savoir qui est suzerain de Cicon à cette époque. Les princes de Chalon avaient été, et seront, plusieurs fois encore, tour à tour, démunis de leurs biens puis réintégrés en ceux-ci, et cette situation confuse va durer jusque peu avant la Révolution française. En 1627, Ferdinand de Rye, dit de Longwy, archevêque de Besançon, achète la seigneurie de Cicon à Ferdinand de la Baume-Montrevel, héritier de Claude François. Il la joignit à celle de Chateauvieux, et à partir de là l'histoire de ces deux seigneuries se confond. Un dénombrement de la seigneurie de Chateauvieux, donné précédemment en 1584 par Louise de Longwy, nous apprend que Chasnans, Etalans, Fallerans, Nods, Rantechaux, Le Valdahon et Vercel sont en partie dépendant de cette seigneurie. Ferdinand de Rye mourut en 1636 et fut inhumé à Chateauvieux. Son testament donna lieu à un procès qui dura jusqu'en 1723. La seigneurie de Cicon-Chateauvieux revint à son petit neveu Ferdinand-François de Rye, marquis de Varambon, lequel mourut en 1640 pendant la guerre des Suédois. Ferdinand Just de Rye de la Palud en hérite ; mort, il sera inhumé en 1657 à Consolation où il a un magnifique tombeau. Il avait donné un dénombrement en 1649 et comme à chacun des précédents, on peut y lire que Passonfontaine a le plus grand nombre de sujets mainmortables et qui paient 100 francs de taille, devant Epenoy 36, Arc 31, Chasnans- 16, etc.

Ferdinand Just de Rye mourut en 1657. La seigneurie passa à une cousine Jeanne Philippe de Rye, laquelle épousa Ferdinand Eléonore de Poitiers. Le dernier des de Poitiers mort en 1718, laissait une fille de 3 ans, Elisabeth Philippine de Poitiers. Elle se maria à l'âge de 13 ans, en 1728, au maréchal Durfort de Lorges. Guy Michel de Lorges, duc de Randan, maréchal de France, fut lieutenant général au gouvernement de Franche-Comté de 1741 à 1773. Mari de Mlle de Poitiers, une des plus riche héritières de la province, le duc de Randan posséda la plus grande fortune territoriale qui existât alors en Franche- Comté, formée par la réunion des domaines des Neuchatel, des Longwy et des Rye. Lorsque sa femme mourut en 1775, elle laissait tous ses biens à la famille du maréchal.

L'héritière naturelle en était pourtant Jeanne-Marguerite de la Baume-Montrevel, marquise de Lignéville, laquelle s'empressa de faire un procès à la famille du maréchal pour rentrer en possession de Chateauvieux et Cicon. Après douze ans de débats, ce fut la duchesse de Lorges, nièce du maréchal, qui entra théoriquement en possession de la seigneurie en 1787. Théoriquement seulement, car tous les textes de 1787 à 1789, parlent des possessions de madame de Lignéville. Possessions de courte durée puisque la révolution grondait et ce fut la dispersion des biens de la seigneurie. Les Colisson achetèrent les terres d'Epenoy. Celles de Passonfontaine, Vanclans et Rantechaux étaient en 1824 aux mains des Mayard de Martigna et furent vendues cette même année aux gens de ces villages.

La seigneurie de Cicon, durant toute son existence, comptait la plupart des villages environnants avec des droits immédiats de fiefs à Athose, Avoudrey, Chasnans, Epenoy, Etray, Rantechaux, Le Valdahon, Vanclans, Passonfontaine et Arc-sous-Cicon. Elle eut d'autres possessions à Aubonne, Evillers, Eysson, Fallerans, Guyans-, Lièvremont, Maisons-du-Bois, Hautepierre, Mouthier, Nods, Saules, Vernierfontaine et Vuillafans.

La plupart des de Cicon furent chevaliers, et ce n'était pas héréditaire. Beaucoup ne sont qu'écuyers, ils portent l'écu (bouclier) des chevaliers, c'était l'anti-chambre de la chevalerie. Le damoiseau était le jeune aspirant... Il y eut parmi toutes les branches de la famille : quatre abbés de monastères, trois prieurs, douze chanoines, trois religieuses. Sept des de Cicon furent reçus à l'ordre de Saint-Georges entre 1398 et 1578. Quatre furent admis au Parlement de Dole. La famille était admise à la fréquentation des écoles de la noblesse. Tous, ou presque, furent inhumés dans les abbayes qu'ils gratifiaient de libéralités, à cette fin souvent d'ailleurs.

Leurs armes étaient : d'or à la fasce de sable, avec comme timbre : un buste de maure et comme adage : « paillardise de Cicon ». Ils avaient un sobriquet celui de « la Fale ». Certains ont même vu là l'origine du nom de Fallerans où des membres de la famille se seraient installés ?...

Branches secondaires de la famille de Cicon

1. Les de Cicon seigneurs de Richecourt (canton de Jussey). Jean de Cicon, fils de Didier, qui épousa Catherine de Lobens du Tyrol et plus exactement par ' son fils Claude qui épousa Isabelle de Vergy en 1474 devint seigneur de Richecourt. Leur descendance survivra longtemps à la branche principale et connaîtra maintes alliances avec les familles nobles comtoises : les d'Achey, de Mandre, de Saint-Martin, de Vaudrey, de Vergy, Lallemand de , etc. Un Claude de Cicon fut page de Charles Quint et à ses côtés, le 24 janvier 1547, à la bataille de Mühlberg. Cette branche se termina avec Charles de Cicon qui mourut en 1705 et qui avait deux filles : Françoise qui épousa Charles de Saint-Vincent, et Anne qui épousa Charles Mauléon la Bastide.

2. Les de Cicon, seigneurs de Rançonnières Nous en avons parlé à propos du rachat de Cicon. La branche part avec Henri (fils de Didier), connaît des alliances avec les de Champdivers, de Poitiers, de Montmartin et s'éteint en 1630 avec Claude de Cicon, seigneur de Fauconnières.

3. Les de Cicon, seigneurs de Montferrand C'est de loin la plus importante des branches secondaires, ils ne s'appelleront plus de Cicon, mais sont connus sous le nom de sires de Montferrand. La branche part dès le début avec un fils de Barthélémy : Jean né vers 1140, premier seigneur de Montferrand, c'est lui qui fonda l'hôpital du Saint- Esprit à Besançon en 1207, l'année de sa mort. Cet hôpital était dans la boucle, non loin de l'hôpital Saint-Jacques actuel. L'hôpital Saint-Jacques des Arènes avait été fondé un peu plus tôt, en 1182, par le Chapitre de la Madeleine, pour recevoir les voyageurs et les pèlerins de Rome et de Jérusalem, et ce à la rue d'Arènes actuelle, il ne sera transféré sur la rive gauche qu'en 1667 où il fusionnera avec l'hôpital du Saint-Esprit pour donner l'hôpital Saint-Jacques actuel.

Jean de Cicon-Montferrand avait épousé une fille du comte Guillaume de Bourgogne dont la dot était Montferrand. (Louis Borne a écrit un livre sur « les sires de Montferrand »). Leur fils, Jean, épouse Nicole de la Tour et en a sept fils dont Guillaume, troisième seigneur de Montferrand ; Hugues 1er, seigneur de ; Jeannin, Ier seigneur de Grandfontaine et Fromont Ier seigneur de . Ce Jean a un frère, Etienne, qui sera le premier abbé de Saint-Paul de 1215 à 1256 et un autre : Jacques, époux de Sybille de la Roche, dont la postérité n'est pas négligeable, que l'on en juge ! leur premier enfant est :

1) Ponce de Cicon, seigneur de Roche-sur-l'Ognon et , Jean de Chalon le récompense de son dévouement à sa cause en lui donnant en 1226 tout ce qu'il possède à Nancray. Il fit la septième Croisade en 1249 avec Saint-Louis, et, comme lui, mourut en 1270. Sa descendance reçoit une partie des dîmes du Valdahon. Eudes sera à l'origine de la tige des sires de Sauvigney-les-Angirey, et Hugues Il de Cicon relaie celle des sires de Chatillon-Guyotte, près de Marchaux.

2) Etienne de Cicon, le deuxième, est chevalier de Louis VIII roi de France, il épouse Simonette de Vellexon.

3) Odon de Cicon, le troisième, il fit avec son oncle Otton de la Roche la cinquième Croisade (1202-1204), dirigée sur Constantinople. Après avoir pillé les églises, les vainqueurs se partagèrent une partie du Royaume, c'est ainsi qu'Odon de Cicon devint prince de Carithène (capitale de l'île de Négrepont). Il était marié avec Hélène, fille de Guillaume de la Roche, lui-même duc d'Athènes et de Thèbes, lequel y fit un duché féodal où plus tard les moines de Bellevaux allèrent s'installer dans l'abbaye de Daphni. Par ailleurs, un Gauthier de Montfaucon épousa la fille du roi de Chypre et se fit proclamer régent de l'île à la mort de son beau-père. Tout ceci, disent les chroniqueurs, autant par soif de l'aventure que pour les avantages qu'ils y rencontrèrent.

4) Geoffroy de Cicon, fils d'Odon, moins heureux, est connu pour avoir été fait prisonnier en 1259 ou 1261, par Jean Commène, frère de l'empereur Michel Paléologue. Il avait épousé Isabelle, fille unique de Guillaume de la Roche, et mourut sans enfants. Toute cette branche se continua sous d'autres noms, empruntés aux alliances réalisées et on n'y voit plus guère de de Cicon après 1426.

Les ruines du château de Cicon Pour qui emprunte la route d'Epenoy à Nods, il ne manque pas de remarquer, sur la gauche, le village de Rantechaux au pied d'une montagne, au sommet de laquelle trône une ferme bien en vue, c'est la ferme de Beauregard, la bien nommée, seul vestige de l'agglomération de Bourg-dessous-Cicon. On y accède à partir du village de Vanclans, le chemin se poursuit au-delà de la ferme et à 400 mètres, juste avant un petit défilé rocheux, se trouve, sur la droite, un éperon sur lequel était jadis bâti le château de Cicon. Les ruines, en 1979, en sont bien décevantes. Au siècle dernier, M. de Truchis de Varennes avait essayé de les décrire, bénéficiant de conditions légèrement plus favorables que les nôtres, voici ses observations.

On pénètre dans l'enceinte des ruines en passant entre deux rochers qui émergent du sol ; on se trouve alors sur une crête très étroite qui s'étend du Nord-Est au Sud-Ouest. Au Sud-Est, après l'entrée du château, la crête est fendue par une crevasse à parois verticales, larges de 5 à 6 mètres. La partie Nord-Est, comprise entre les deux tranchées, mesure 54 mètres de long et laisse voir des vestiges de murs parallèles, distant de 12 mètres, avec trois murs transversaux dessinant ainsi l'emplacement de deux pièces de 10 mètres sur 12 et donnant elles-mêmes sur deux cours de 6 à 8 mètres. Dans le milieu est creusée une excavation rectangulaire dont les murs en moellons réguliers sont parfaitement conservés ; elle devait servir de citerne, ce n'est pas un puits semble-t-il, l'eau de toute façon est présente sur la montagne de Cicon. Le bord supérieur du mur, du côté de l'est, est entaillé en son milieu d'une échancrure de 70 centimètres de large, sûrement destinée à donner passage à une échelle ou à un escalier de bois. Au-delà de la cour où se trouve la citerne, existe une espèce de terre-plein un peu surélevé qui mesure 12 mètres sur chacun de ses côtés, il est formé par le rocher au bas duquel passe le chemin. Sur toute cette partie devaient s'élever les bâtiments du château servant de logements.

La partie Sud-Ouest est moins étendue et pas sur le même plan, les rochers émergeant y avaient été conservés pour asseoir les murs extérieurs ; les éboulements ont été tels qu'il n'est pas possible de se rendre compte de ce qui préexistait. Pourtant c'est là que les constructions ont subsisté le plus longtemps, et, au début du XIXe s., se voyaient encore les restes de la grosse tour carrée formant donjon, dont parlent les dénombrements du XVIe s. Les murs se sont effondrés dans le vide, l'abondance des moellons et des pierres de taille qui sont au bas des rochers dit à quel point les murs devaient être épais et élevés. Au contraire, au bas de la partie Nord-Est, on n'aperçoit ni sur un flanc ni sur l'autre les vestiges d'éboulements de murs. Les constructions y avaient peut-être été moins importantes, ou leur destruction étant plus ancienne, la terre et les herbes ont tout recouvert.

Des ruines de ce château, situé à 916 mètres d'altitude, le panorama est étendu : le Mont Pelé, le Larmont et les Monts du Laveron, la Roche d'Hautepierre et le Poupet, Montfaucon, le Lomont et le Peu de . Du Mont de la Vèche, tout proche, la vue est encore plus vaste avec le Mont Chaumont à l'Est. Il était relativement facile aux sires de Cicon de se préserver des surprises de l'ennemi, d'autant que l'ancien chemin, contournant le château au pied même des murailles, était constamment exposé aux coups des défenseurs du donjon.

La vouivre du château de Cicon Au pied des rochers supportant le château est une anfractuosité, une grotte qui, dit-on, communiquait avec les caves du donjon et où, lors du dernier siège, le châtelain avait enfoui l'or et les objets précieux qu'il possédait. Les assaillants incendièrent le château dont les ruines comblèrent l'entrée supérieure des caves, depuis lors introuvable. Après la mort du châtelain, qui s'était évadé par la grotte, la légende raconte qu'une vouivre prit la garde du trésor.

La vouivre du château de Cicon était un serpent fantastique, ailé et à t'œit perçant. Malheur à qui aurait osé approcher trop près des ruines de ce château, il eut été dévoré. Pendant longtemps, les gens n'osèrent pas passer la nuit près des ruines. Chaque année, le jour de Noël, pendant que les chrétiens célébraient l'office de la nuit, la vouivre quittait le trésor du château pour aller boire à la fontaine de Buin (sur Aubonne). Elle portait sur le front un diamant brillant, une escarboucle, et laissait derrière elle, en passant, une traînée lumineuse comme une étoile filante. Arrivée à quelques mètres de la fontaine, elle déposait son diamant, qu'elle reprenait après avoir bu, pour retourner à son trésor qu'elle ne quitterait de nouveau que l'année suivante. La peur de la vouivre était si grande que jamais personne n'osa lui prendre son diamant pendant qu'elle buvait, ni ravir le trésor pendant son absence.

Au sujet du trésor de Cicon, on raconte aussi que lorsque le seigneur s'enfuit de son château, il avait trop chargé l'une de ses mules et il fut obligé de déposer un sac d'or dans les rochers du Séminaire, non loin de son ancien château de Durfort. Longtemps l'on crut à cette légende et l'on raconte qu'un nommé Pipi des Essarts fit maintes recherches pour retrouver ce sac plein d'or. CHAPITRE 4

LES RELATIONS AVEC LES SEIGNEURS

En général, dès la fin du XVe s., les châteaux ne sont plus habités par leurs propriétaires, lesquels résident en ville. Le château de Cicon est détruit depuis 1479. Les seigneurs d'Epenoy et de Rantechaux habitent Besançon. Les familles Lescot, Cécile et Lebœuf qui se partagent Le Valdahon vivent à Pontarlier. Les de Thon à Rantechaux, pourtant, y avaient résidé pendant une centaine d'années... ils n'apprécient guère la ville car on les retrouve, avec des d'Espenoy d'ailleurs, vers 1570, habitant Grand- . Dans ce village, au pied du château de Belvoir, le seul château qui soit vraiment en état à l'époque, se sont rassemblées de nombreuses familles nobles dans lesquelles le sire de Belvoir prélève ses écuyers et qui constituent la petite cour de Belvoir.

Mais tous ces petits seigneurs n'en oublient pas pour autant de visiter leurs seigneuries. Les communautés prévenues désignaient quelqu'un pour aller au-devant du seigneur. C'est ainsi qu'on voit les habitants de Rantechaux aller encore au-devant de « leur dame » au XVIIIe s. Cet usage est tellement enraciné, que malgré les nombreux procès entre les seigneurs et leurs gens qui émaillent les XVIe, XVIIe et XVIIIe s., on ne saurait manquer à ce devoir.

A Epenoy, les Boitouset, héritiers de l'ancienne famille d'Espenoy, arrivent dans leurs terres avec des gens de leur suite. Tout ce monde était logé dans l'habitat seigneurial ; quant aux montures, aux chevaux, tous les tenanciers de leurs terres étaient tenus de leur fournir le foin et la litière dans une étable de bois dont l'entretien était à leur charge. La visite du seigneur n'était pas désintéressée, il venait percevoir toutes les redevances de ses maisons et terres. Tout ceci était consigné dans un livre appelé : le terrier, et les dettes s'acquittaient généralement deux fois l'an : le premier tiers à la fête de l'Annonciation de Notre-Dame (25 mars) et les deux autres tiers à la fête de saint Michel (29 septembre). Pour ce qui n'était dû qu'une fois l'an, c'était la saint Martin d'hiver (11 novembre) qui était la date fatidique.

Le seigneur arrivait donc dans sa seigneurie peu après ces échéances. Le tabellion, notaire du seigneur, avait reçu les redevances en nature ou en argent ; le scribe les avait consignées. Tous ceux qui n'avaient pu payer se retrouvaient hypothéqués dans leurs biens. Ceux qui n'avaient pas voulu payer se voyaient collectivement engagés dans des procès avec le « très généreux seigneur... ». De nombreux litiges entre seigneurs et manants nous sont conservés par écrit sur des parchemins de peaux de moutons et sont presque tous datés de deux époques bien déterminées : de 1560 à 1630, et après les Suédois : de 1660 à 1720. On verra plus loin qu'après cette dernière date, le pouvoir des seigneurs s'essouffle considérablement.

Pendant tout le Moyen-Age on peut distinguer schématiquement trois sortes d'hommes : les nobles, les francs et les serfs. Les hommes francs ne sont pas nobles, ils n'ont, mais en principe seulement, aucune servitude, ils possèdent des alleux (de l'allemand : aile : tout, des terres en toute propriété), ces francs sont assez peu nombreux. Quant aux serfs on a vu qu'ils sont vendus au même titre que les prés ou les jardins, mais ce que l'on vend c'est moins la personne du serf que les redevances qui y sont attachées, c'est si vrai que ces hommes ne sont jamais vendus seuls mais toujours avec les tenures qu'ils cultivent. Il faudra attendre les affranchissements pour que le serf cesse d'être une chose pour devenir une personne... en attendant, il y a la mainmorte.

On ne parle que très peu de serfs mainmortables dans les seigneuries du Haut-Doubs. Il semble en effet que la mainmorte ait été en grande partie supprimée au XVIe s., et ceci sûrement sous l'influence des monastères de la région ; on sait en effet les relations étroites qui s'établissaient entre les châteaux, les prieurés et les monastères. Toutefois des documents du XVIIIe s. parlent encore de sujets mainmortables dans les seigneuries de Vercel, de Cicon et d'Etalans.

La mainmorte était la condition la plus basse des serfs, une sorte de non-appartenance à eux- mêmes. Le seigneur décidait tout pour eux et avait pratiquement tous les droits. Le serf avait la main comme morte pour faire un testament, il avait la main morte et l'autre la main mise. Les seigneurs en instituant la mainmorte, c'est-à-dire cette impossibilité pour leurs sujets de disposer de leurs biens, avaient pour but de fixer des populations encore peu nombreuses et volontiers nomades ; en contrepartie, le château leur était ouvert en cas de péril imminent. Plus tard, ils affranchiront de la mainmorte, mais pas toujours pour des raisons humanitaires. Ils guerroyaient beaucoup et ils avaient de gros besoins d'argent, alors c'était un moindre mal que d'affranchir de la mainmorte un serf qui allait payer dorénavant une taille annuelle et perpétuelle de 60 livres en général.

Les serfs de la région étaient entre les XIVe et XVIIe s. de l'espèce la plus courante, celle qui était taillable et corvéable à merci, mais qui obtint assez vite un régime moins austère. Les documents du début du XVIIe s. laissent supposer qu'à cette date l'affranchissement des serfs est pratiquement réalisé, ils sont affranchis de toutes tailles et corvées, mais ils doivent payer le cens.

Le cens était une redevance annuelle et fixe pour une location de terres au seigneur, et on peut considérer ce contrat de location comme l'origine de la petite propriété agricole. Le preneur à cens, ou censitaire, pouvait disposer du fonds à la seule condition de payer le cens. Il le transmettait à ses héritiers, il pouvait l'aliéner et même le vendre. Au moment de la Révolution, le censitaire était considéré comme un véritable propriétaire. La plupart des cens avaient été primitivement prévus acquitables en argent, mais on les retrouve en nature surtout vers 1580.

Voici ce que payait comme cens, à cette époque, la partie d'Epenoy qui dépendait des de Scey : 28 émines de grains (l'émine : environ 40 litres), par moitié froment et avoine à la mesure de Vuillafans. Les mesures étaient en effet mobiles et variables suivant les centres commerciaux et les seigneuries ; on peut lire ailleurs : à la mesure d'Ornans, de Vercel, de Baume. Etaient dûs encore comme cens à Epenoy : une émine de gruz de grain, il s'agit là de grains décortiqués, d'orge mondé ; et enfin 18 gros vieux, monnaie de Comté. Les redevances censales étaient payables à la saint Martin d'hiver sous peine de 3 sous estevenants (monnaie des évêques de Besançon portant sur une face le bras de saint Etienne) d'amende. Le verbe acenser revient souvent dans les écrits de l'époque, il signifie donc : donner une terre sous la réserve d'une redevance, ou encore accorder la permission de construire une maison, un four, un moulin contre cens toujours.

Tailles et corvées La taille tire son nom des entailles faites sur des morceaux de bois par les marchands et collecteurs pour faciliter les comptes avec les serfs illettrés et ne sachant pas compter. Le seigneur levait à son bon plaisir les sommes en argent dont il avait besoin et ceci deux fois par an et même jusqu'à quatre fois. La taille était un impôt en argent perçu sur les habitants à raison de leurs personnes, et de leurs biens, meubles et immeubles, c'était l'équivalent de notre cote personnelle et immobilière. Dans la seigneurie de Cicon en 1583, les tailles étaient de 15 gros pour le village de Cicon, 16 francs pour J Vanclans et autant pour Nods, 12 francs pour Avoudrey, 110 pour Passonfontaine, 5 pour Rantechaux, 40 pour Epenoy et 32 pour Arc. Ceci est proportion du nombre de terres possédées par Cicon dans chaque village et réparti entre les sujets du seigneur. La taille était plus importante pour les non- Achevé d'imprimer sur les presses de l'Imprimerie Marcel Bon 70 Vesoul DL imprimeur 2327 - Il - 79

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