Les Associations D'anciens Résistants Et La Fabrique De La Mémoire De La Seconde Guerre Mondiale
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MINISTÈRE DE LA DÉFENSE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL POUR L’ADMINISTRATION CAHIERS DU CENTRE D’ÉTUDES D’HISTOIRE DE LA DÉFENSE LES ASSOCIATIONS D’ANCIENS RÉSISTANTS ET LA FABRIQUE DE LA MÉMOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE sous la direction de Gilles VERGNON et Michèle BATTESTI JOURNÉE D’ÉTUDES DU 19 OCTOBRE 2005 VINCENNES CAHIER N° 28 2006 TABLE DES MATIÈRES 1re Partie La fabrique de la mémoire: régions et mouvements de Résistance Vingt ans après et soixante ans plus tard par Jean-Pierre RIOUX....................................................................................................................9 Introduction. Les associations d’anciens résistants sous le regard des historiens par Gilles VERGNON....................................................................................................................11 Les trois temps de la construction de la mémoire de Glières par Marina GUICHARD-CROSET................................................................................................19 Les associations d’anciens résistants dans l’Oise et la mémoire de guerre par Jean-Pierre BESSE ..................................................................................................................29 SÉCURITÉ PARISIENNE : mémoire oubliée, mémoire retrouvée par Emmanuel RANVOISY ..........................................................................................................35 RÉSISTANCE-FER : construction et perpétuation d’une mémoire corporative unitaire par Georges RIBEILL ....................................................................................................................47 Les associations d’anciens combattants du maquis du Vercors, le souvenir et la mémoire par Gilles VERGNON....................................................................................................................61 2e Partie La fabrique de la mémoire: les axes nationaux Le concours national de la Résistance: une pédagogie de « l’esprit de la Résistance » par Denis MAZZUCCHETTI ........................................................................................................73 Les résistants et l’invention du « devoir de mémoire » par Olivier LALIEU ......................................................................................................................87 Anciens combattants, musées et fabrique du passé par Jean-Yves BOURSIER ..........................................................................................................101 Conclusion par Antoine PROST......................................................................................................................111 Liste des sigles ............................................................................................................................115 1re Partie LA FABRIQUE DE LA MÉMOIRE : RÉGIONS ET MOUVEMENTS DE RÉSISTANCE JEAN-PIERRE RIOUX Vingt ans après et soixante ans plus tard par Jean-Pierre RIOUX, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale Heureuse initiative que celle du Centre d’études d’histoire de la défense et de Michèle Battesti ! À l’heure où le passé et son souvenir alimentent les proclama- tions les plus contradictoires et les plus approximatives, où ils sont convoqués pour légitimer des combats les plus douteux, par notre temps d’émotion moralisatrice, de dénégation du réel et d’extravagance médiatique dans la promotion belliciste des assauts de mémoire, les associations d’anciens résistants méritaient bien d’être questionnées et consultées derechef, non seulement sur leur action propre mais aussi sur leur participation, si constante chez leurs membres et si instructive pour nous tous, à la reconstruction démocratique de notre pauvre chère mémoire natio- nale aujourd’hui trop souvent délaissée ou déroutée. Ce satisfecit ne doit pas dissimuler la difficulté de la tâche qui nous attend. Comment réfléchir, inciter, proposer, bâtir sans matériaux de bonne qualité en quantité suffisante, sans preuves assez tangibles, sans argumentaires assez élabo- rés ? Comment donner son élan à une recherche encore balbutiante, trop monogra- phique, bien peu comparative à l’échelle européenne et, surtout, dont on soupçonne encore trop peu l’intérêt ? Je suis à peu près certain de ne pas me tromper en n’ayant souvenir que d’une seule manifestation qui ait précédé la nôtre. Celle qui, à l’initiative d’Alfred Wahl et du centre de recherche « Histoire et Civilisation de l’Europe occidentale » de l’université de Metz, soutenue par la toute jeune Délégation à l’information histo- rique pour la Paix, a réuni en octobre 1983 des témoins, des acteurs et des histo- riens de quatre pays, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg et la France, pour poser le premier jalon d’une histoire de l’ensemble du phénomène associatif issu direc- tement de la seconde guerre mondiale. Les communications et les débats, Metz oblige, furent dominés par la question si terrible et si poignante du souvenir des incorporés de force et de la mémoire de ces « Malgré-nous ». Les déportés aussi furent des premiers nommés et étudiés. Mais – sans que nul ait songé à installer déjà cette concurrence des mémoires qui va bientôt ravager aussi, hélas, la re- cherche elle-même et fera retarder le renouvellement de l’histoire de la Résistance – le rôle des associations d’anciens résistants fut déjà assez souvent évoqué dans les études régionales et nous avons eu, bien tôt peut-être, la faiblesse de penser que les résistants n’avaient pas cessé de s’associer comme tous les autres combattants, acteurs ou victimes du terrible conflit. Je me souviens même avoir cru pouvoir conclure que les associations du souve- nir de 1939-1945 étaient restées des associations parmi d’autres, soumises aux mêmes règles de fonctionnement et aux mêmes principes d’action volontaire que les vaillants boulistes de Carcassonne ou les généalogistes du Loir-et-Cher(1); que la singularité qui avait fait leur force était d’abord ce « plus jamais ça ! » qui les apparentait plus qu’on n’imaginait à celles de leurs aînés de 14-18 mais les distin- guait de celles de leurs cadets des conflits d’Afrique du Nord et d’Algérie ; que leur (1) Voir Jean-Pierre Rioux, « L’association», in Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), La France d’un siècle à l’autre, 1914-2000. Dictionnaire critique, Paris, Hachette Littératures, 1999, p. 857-861. 9 CAHIERS DU CEHD mémoire avait gagné en vivacité en étant précocement un élément actif du débat politique et civique sous la IVe et la Ve République ; qu’enfin restait ouverte la ques- tion de leur rôle dans l’ensemble des commémorations nationales(2). Je n’ose pas dire que nous ayons confirmé ou infirmé surabondamment ces premières vagues de remarques : c’est à nous de faire le point historiographique pour tenter de trancher aujourd’hui. Mais j’ai hélas le souvenir que quelques années plus tard, quand l’Institut d’histoire du Temps présent du CNRS fit étudier pour la première fois les commémorations de la seconde guerre mondiale, les travaux furent toujours aussi rares et qu’il fallut chercher parfois à la loupe les traces d’un rôle de l’association- nisme résistant dans les monographies départementales ou régionales qui, elles, avaient foisonné au contraire et avaient mis bien davantage l’accent sur l’inter- nement et la déportation(3). Au fil des ans, ce n’est guère qu’avec les travaux d’Olivier Lalieu, de Gilles Vergnon et d’Olivier Wieviorka, que j’ai pu, pour ma part, renouer avec le fil conducteur de Metz. Gilles Vergnon, déjà cité à notre palmarès, introduit excellemment à notre réou- verture du chantier, vingt ans après le signal messin. Je n’ajoute qu’un mot : il est grand temps d’y travailler ferme, et pas seulement pour raison scientifique, tant il y a urgence à dire le vrai et le juste, à rétablir le vrai dans sa vocation civique et morale, dans toute sa force mémorable, soixante ans après le cri de délivrance du 8 mai 1945. (2) Voir Jean-Pierre Rioux, « Associations et souvenir de la seconde guerre mondiale en France », in Alfred Wahl (dir.), Mémoire de la Seconde guerre mondiale, Metz, Centre de recherche « Histoire et Civilisation » de l’université de Metz, 1984, p. 291-301. (3) La Mémoire des Français. Quarante ans de commémorations de la Seconde guerre mondiale, Jean-Pierre Rioux éd., Paris, Éditions du CNRS, 1986. 10 GILLES VERGNON INTRODUCTION Les associations d’anciens résistants sous le regard des historiens par Gilles VERGNON, maître de conférences en histoire contemporaine, IEP Lyon L’idée d’organiser cette journée d’études a une histoire. Elle fait suite au sémi- naire Monde associatif et anciens combattants après 1945, organisé au cours de l’an- née universitaire 2003-2004 conjointement par le Centre d’histoire sociale de l’université Paris I (Jean-Louis Robert) et le Comité d’histoire pour les anciens combattants (Michèle Battesti, cheville ouvrière de cette journée), dont deux des six séances concernaient notre sujet d’aujourd’hui(1). Cette idée se fondait sur un constat, celui d’un vide historiographique relatif quant à notre sujet. Déjà en 1984, à Metz, Alfred Wahl ouvrait un colloque centré sur l’action des associations d’anciens combattants et de victimes du deuxième conflit mondial, en France et en Europe. Il notait alors que « le thème implique for- cément des études pionnières et spécifiées, à l’image d’un monde combattant caractérisé par la ‘‘démultiplication à l’infini’’ des associations selon le type d’en- gagement et de souffrance subie(2) ». Effectivement, les communications de Georges Sentis sur la genèse de