Frappier Daniel 2016 Memoire.Pdf (1.979Mb)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Université de Montréal « Ici rien n’est silencieux » : reconfigurations de l’audible sous le régime esthétique des arts par Daniel Frappier Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques Faculté des arts et des sciences Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.) en histoire de l’art Août 2016 © Daniel Frappier, 2016 Université de Montréal Faculté des études supérieures Ce mémoire intitulé : « Ici rien n’est silencieux » : reconfigurations de l’audible sous le régime esthétique des arts présenté par : Daniel Frappier a été évalué par un jury composé des personnes suivantes : Suzanne Paquet présidente-rapporteure Michèle Garneau directrice de recherche Danick Trottier membre du jury SOMMAIRE Rédigé sous la direction de Michèle Garneau, le mémoire porte sur l’intégration du bruit en musique, de la révolution romantique au noise rock, pensée à travers la notion de « régime esthétique » théorisée par Jacques Rancière : mode d’expérience particulier selon lequel la pensée occidentale identifierait, depuis environ deux siècles, ce qui fait ou non œuvre d’art. En opposition avec la poétique aristotélicienne et ses solides hiérarchies, qui façonnent le goût dominant de l’Antiquité aux Lumières, le nouveau paradigme reposerait sur la réconciliation des contraires : le noble et le vulgaire, l’actif et le passif, le conscient et l’inconscient etc. Ce processus d’indifférenciation est au cœur de notre réflexion. Seulement, là où Rancière privilégie la littérature, le cinéma et les beaux-arts, nous proposons de nous intéresser à la musique : aux pratiques et aux discours qui, depuis le romantisme, brouillent ses définitions et la font glisser vers le bruit. Un projet qui nous conduira du « tout parle » de Novalis au « tout ce que nous faisons est de la musique » de John Cage, de l’« harmonie des contraires » de Victor Hugo à la « totalité » rock de Richard Meltzer, de la « négation de l’idéal » de Gustave Courbet au refus radical de la no wave (2000 : 49; Kostelanetz 2000 : 110; 1985 : 17; 1987 : xxii; 1986 : s.p.). Mots-clés : Jacques Rancière, Sonic Youth, musique, bruit, noise i ABSTRACT Written under the supervision of Michèle Garneau, this master’s thesis discusses the integration of noise in music, from the Romantic revolution up to the advent of post-punk, seen through the notion of "aesthetic regime" theorised by Jacques Rancière : a particular mode of experience according to which the Western thought would identify, since about two centuries, what makes or doesn’t make art. In opposition with the Aristotelian poetics and its solid hierarchies, which shape the dominant taste from the Ancient Greece up to the Enlightenment, the new paradigm is said to be based on the reconciliation of the contraries : the noble and the vulgar, the active and the passive, the conscious and the unconscious, etc. This process of indifferentiation is at the core of our work. Only, where Rancière favours literature, cinema and the fine arts, we propose to concentrate on music : on the practices and the discourses that, since the Romantic era, blur his definitions and make it slip into noise. A project that will take us from Novalis’ "everything speaks" to John Cage’s "everything we do is music", from Victor Hugo’s "harmony of the contraries" to Richard Meltzer’s rock "totality", from Gustave Courbet’s "negation of the ideal" to no wave’s radical refusal (2000 : 49; Kostelanetz 2000 : 110; 1985 : 17; 1987 : xxii; 1986 : s.p.). Keywords : Jacques Rancière, Sonic Youth, music, noise, rock ii TABLE DES MATIÈRES Sommaire ..................................................................................................................................... i Abstract ....................................................................................................................................... ii Table des matières ...................................................................................................................... iii Remerciements ........................................................................................................................... iv Introduction : Mais où est la musique? ....................................................................................1 Chapitre 1 : Nachtmuzik .........................................................................................................10 1.1 La musique comme langage imitatif .............................................................................11 1.2 Le langage des fleurs et des choses muettes ..................................................................17 1.3 Par la musique vers l’obscur ..........................................................................................24 1.4 Des formes sonores en mouvement ...............................................................................28 Conclusion ...........................................................................................................................36 Chapitre 2 : Stone Believers ....................................................................................................38 2.1 L’oreille mécanique .......................................................................................................38 2.2 Resignifier le commun ...................................................................................................44 2.3 La langue inconnue ........................................................................................................52 2.4 Une musique autrement concrète ..................................................................................61 Conclusion ...........................................................................................................................66 Chapitre 3 : La musica e il volo ..............................................................................................69 3.1 Roll over Berry ..............................................................................................................70 3.2 La camion-poubelle de la pop .......................................................................................75 3.3 Chaos imminent .............................................................................................................82 3.4 Metal Machine Music ....................................................................................................88 Conclusion ...........................................................................................................................95 Conclusion : Stop Making Sense ............................................................................................98 Bibliographie ............................................................................................................................103 REMERCIEMENTS Un chaleureux merci à ma directrice, Michèle Garneau. D’abord pour ce mémorable séminaire de l’hiver 2013, qui aura donné un sens à mon parcours académique et sans lequel le présent mémoire serait resté dans les limbes. Ensuite pour la patience et la souplesse, pour la curiosité et le courage de s’engager dans un projet aussi atypique et éloigné de son champ de recherche habituel. Salutations à deux de mes sœurs d’armes, Laurence Lejour-Perras et Stéphanie Croteau. Votre compagnie, même sporadique, même virtuelle, m’est précieuse. Many thanks to Jean-Philippe Wojas for the translation assistance. Vielen Dank auch an Eaubelle Daoust-Cloutier, manchmal Übersetzer, manchmal Therapeut, immer eine gute Freundin. Thank you, Mostly Amélie. Merci à Caroline Boucher, pour la relecture de dernière minute. Une vraie machine! Enfin, mes sentiments les plus tendres à Sarah-Anne Audet. Pour le support inconditionnel et la patience à toute épreuve, pour les tapes dans le dos et les coups de pied au derrière, pour le lavage et les sushis. Mille Mercis. Sans oublier Délima, le plus efficace des réveille-matins. iv Je reconnais l’appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, de la Faculté des études supérieures et postdoctorales et du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal. v Introduction : Mais où est la musique? « Je ne suis ni musicien ni historien de la musique. Mon rapport à la musique – contemporaine ou autre – est celui d’un auditeur qui n’a jamais appris comment était fait ce qu’il a plaisir à entendre » Jacques Rancière (Kaltenecker et Nicolas 2006 : 51) En 2003, Jacques Rancière est invité à participer à un séminaire organisé par le secteur de musicologie de l’École nationale supérieure de Paris. Le programme, qui s’étend sur six mois, est coordonné par Gilles Dulong et François Nicolas. La question centrale : est-il possible de penser l’œuvre musicale en-dehors de l’Histoire des historiens? Là où Nicolas répond par l’affirmative, Rancière prend le camp adverse : « Que la musique définisse un monde autonome et que ce monde se définisse en opposition à un extérieur ou un hétéronome, cette idée n’a pas plus de deux cents ans » (Kaltenecker et Nicolas 2006 : 51). Au plus court : « L’autonomie de la musique est comme celle de la littérature une idée historiquement déterminée » (Kaltenecker et Nicolas 2006 : 52). D’ailleurs, assez curieusement, le philosophe commence l’argumentation en nous rappelant Pierre Corneille et ses difficultés à adapter l’Œdipe (vers 425 av. J.-C.) de Sophocle au goût du 17e siècle. Ce n’est que plus tard, à mi-chemin de l’exposé, qu’il aborde franchement