Un Grand Xx Siècle De Géographie Française
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COUVRIR LE MONDE UN GRAND XX SIÈCLE DE GÉOGRAPHIE FRANÇAISE Marie-Claire Robic (coordinatrice) Olivier Orain Didier Mendibil Jean-Louis Tissier Cyril Gosme * * * * * adpf association pour la di{usion de la pensée française• Ministère des Affaires étrangères Direction générale de la coopération internationale et du développement Direction de la coopération culturelle et du français Division de l’écrit et des médiathèques ©janvier 2006. adpf -ministère des A{aires étrangères• 6, rue Ferrus. 75014 Paris isbn 2-914935-44-7 livres français ***** Membres de l’équipe de recherche Épistémologie et histoire de la géographie (E.H.GO) Umr 8504, Géographie-cités (Cnrs, université de Paris I, université de Paris VII) 13, rue du Four, 75 006 Paris La Terre est désormais «finie»: les continents mais aussi les mers et les océans sont aujourd’hui la qualifica-tion des géographes dans le champ des sciences. Comme toute science, la géographie s’est nourrie de différents paradigmes¹ depuis sa fonda- tion jusqu’au début du xxi siècle. Rattachée prin- cipalement aux sciences de la nature – les sciences «dures» – à l’origine, elle s’est progressivement rapprochée des sciences sociales à partir des années 1950. Cette périodisation spécifique permet ainsi de comprendre comment s’est construit la diversité des écoles et des façons qui traversent aujourd’hui la discipline. Enfin, la géographie peut aussi être appré- hendée comme un discours sur l’espace. Elle a accompagné et soutenu l’effort d’unification natio- nale entrepris par la III République. Le discours géographique est étroitement lié à l’histoire poli- tique, sociale et culturelle de la France sur ce grand xx siècle. Le privilège parfois accordé à la référence hexagonale n’a cependant jamais empê- ché les géographes de participer activement à la construction d’un discours sur le monde, sa struc- turation, ses découpages, ses logiques de fonc- tionnement. Ce mouvement à la fois centrifuge et centripète constitue l’une des originalités majeures de la géographie française. Envisagée successivement comme une disci- pline universitaire, comme un ensemble de pra- Introduction générale 9 UNE DISCIPLINE SE CONSTRUIT Enjeux, acteurs, positions 15 Débats sur une origine 18 Cinquante années de reproduction de l’école française de géographie 22 De l’après-guerre à la fin des années 1960 : 33 la reconduction du projet dans la fragmentation De la géographie, science sociale de l’espace, à la dispersion 41 LES GESTES DU MÉTIER Terrain, espace et territoires 54 La reconnaissance du terrain (1890-1945)57 L’organisation de l’espace (1945-1975)70 La territorialisation des pratiques spatiales (1975-2005)77 LA GÉOGRAPHIE COMME SCIENCE Quand «faire école» cède le pas au pluralisme 90 Les joies d’une école 93 Une «révolution scientifique» tardive? 107 Les voies du pluralisme 115 LES GÉOGRAPHES À L’ŒUVRE Intérêt national et quête d’universel 124 Le territoire de la France, laboratoire de la géographie française 127 La géographie hantée par l’idée du monde 144 Conclusion générale 163 Thèses d’État de géographie soutenues en France de 1890 à 2002 185 Bibliographie 203 9 Couvrir le Monde, traiter des lieux du savoir, des sciences sociales et et des relations qu’individus et sociétés de la philosophie aux sciences de la terre entretiennent avec une Terre qui et à l’informatique; elle côtoie apparaît comme finie – continents, pôles les sciences dites dures, mais aussi et mers étant désormais explorés –, la littérature de voyage… La géographie voilà une ambition que les géographes traitait voici un siècle de l’homme entretiennent depuis la fin du XIX siècle et de la Terre, de l’homme et du milieu; en se distinguant à la fois des savants aujourd’hui elle débat du Système- et des autres professionnels, écrivains, Monde, de l’espace géographique, journalistes, documentaristes, de l’articulation des réseaux, des lieux qui pourraient avoir la même visée. et des territoires. Portés d’emblée par la valorisation Traiter d’un grand XX siècle de leur propre territoire national de géographie française, des années 1890 et par la confiance dans leur capacité au début des années 2000, revient à appréhender l’universalité du monde à rendre compte des dimensions habité, les géographes français historiques d’une discipline qui se sont particulièrement voués à ces s’affirme sur cette durée comme objectifs. Le temps du défi allemand un savoir spéculatif développé au sein passé, ils ont dominé la discipline de l’Université ou de la recherche durant les années 1930, avant fondamentale, mais qui se pose, de laisser l’hégémonie aux États-Unis, de manière plus ou moins récurrente, dès l’après-Seconde Guerre mondiale. les questions de son identité intellectuelle Ils ont aussi perdu la superbe et de sa pertinence sociale. d’une «école française de géographie» Si cette inscription universitaire à vocation professorale pour affronter et la qualification de la géographie la diversité interne et les enjeux comme science à part sont pratiquement de nouveaux métiers, tels ceux de acquises au début des années 1900 l’aménagement ou de l’environnement. pour une partie du champ intellectuel Toujours dépendante du débouché et pour l’administration centrale, scolaire, la géographie reste il ne faudrait pas en induire une discipline universitaire qui une quelconque nécessité. ouvre sur de multiples métiers C’est l’expression d’un processus lent, hors de l’enseignement. Encore liée qui a conduit à l’affirmation à l’histoire, elle entretient des relations d’un domaine légitime de connaissances, étroites avec de nombreux domaines au sein du champ scientifique soutenu 10 de manière volontariste par réflexifs dus à ses propres praticiens. la III République. Les lignes de force Comme on le sait de ces lectures, intellectuelles, sociales, politiques, ces autoréflexions sur la discipline qui ont gouverné ce processus ont été s’opèrent souvent dans une attitude bien étudiées, mais leur exposition passionnelle, très asservie aux débats mériterait encore quelques détails, internes à la profession et aux intérêts tant les stéréotypes ont la vie dure. propres des chercheurs engagés Le manque d’études historiographiques dans cette investigation. Elles manquent serrées de ce domaine de savoir par là du recul de l’analyste extérieur – (en contraste avec la sociologie mais elles peuvent, en revanche, et l’histoire par exemple) et la rareté avoir une grande capacité heuristique, du comparatisme rendent en effet mettant au jour des questions inaperçues délicate l’interprétation de l’histoire par le non-spécialiste et les enjeux sociale, culturelle et intellectuelle cognitifs, pragmatiques ou de pouvoir de la discipline. La difficulté qui traversent le champ. est redoublée par deux écueils. Pour éviter ces biais et ouvrir D’abord, il s’agit d’une discipline les perspectives, on aurait souhaité, idéologiquement sensible, qui a eu, dans cette étude, confronter l’approche notamment, partie liée avec l’inculcation historique à une double analyse nationale et la propagande colonialiste. comparative, celle des disciplines Certes, la géographie partage voisines qui ont participé au même cette dépendance avec bien d’autres mouvement d’affirmation scientifique disciplines, mais elle a eu à partir du dernier tiers du XIX siècle, la particularité d’être extrêmement et celle des géographies qui se sont liée au cursus scolaire, donc déployées en parallèle dans les autres à la diffusion massive par l’école. pays développés. Tour à tour, et parfois Par ailleurs, le fait que la géographie ensemble, modèles ou repoussoirs, moderne (beaucoup moins que l’histoire concurrentes ou alliées, ces sciences encore) suscite peu l’attention sont utilisées ici autant que possible des historiens des sciences, comme miroirs pour penser des philosophes ou des épistémologues, le développement de la géographie. contribue à renforcer des lectures On aurait voulu aussi intégrer biaisées de son histoire, qui tiennent au récit présenté les diverses narrations à ce que l’essentiel de la recherche que les géographes ont pu tenir historiographique résulte de travaux sur le passé et sur les héros de leur 11 discipline. On a dû se référer surtout des dominants – ici essentiellement, à d’autres types de textes: écrits pour la première moitié du siècle, doctrinaux et programmatiques, l’orthodoxie qu’était la vue universitaire, notamment les seuils textuels que sont celle d’une géographie humaine les «avis», avertissements, préfaces et régionale formatée par l’autorité et autres introductions, par lesquels des professeurs de la Sorbonne ils ont voulu donner sens à l’entreprise et par quelques voix de province –, géographique. La cohérence a été on a essayé de repérer quelques-unes recherchée à travers des analyses des figures de géographes périphériques effectuées par séries longues: ensembles au champ universitaire et les lieux de thèses et d’ouvrages, collections principaux où de la géographie et textes clés, notamment lorsqu’il s’est faite. Cependant, les marges s’agissait de connaître les manières ne sont qu’évoquées, à la fois par de faire des générations de géographes manque d’information sur l’ensemble qui se sont succédé depuis plus d’un champ plus diffus que ne le laisse d’un siècle. Aussi ont pu être penser le sens commun, et au vu examinés les façons de se représenter du format de l’ouvrage. Les esquisses leur science et le rapport savant anciennes d’une expertise géographique que les géographes entretiennent avant la lettre, hors de l’enseignement, avec le monde. ne sont que suggérées, sans que Le parti de ce livre tient dans l’on puisse