de la théologie, commencée à Nancy. Enfin le mission, tandis que Mgr Livinhac continuait 428 15 septembre 1878, Mgr Lavigerie lui conférait son voyage vers le Buganda. A Kamoga, on la prêtrise dans la basilique de N.-D. d'Afrique bâtissait, on cultivait la terre, on creusait un HIRTH (Jean-Joseph) (Mgr), Missionnaire près d'Alger. puits, on faisait la classe. Comme partout d'Afrique, Père Blanc, évêque titulaire de Le P. Hirth fut nommé directeur et plus tard ailleurs dans leurs missions de ce temps, les Théveste (Thebessa), premier vicaire apostoli- supérieur du noviciat des frères-coadjuteurs, pères y rachetèrent de nombreux esclaves et que du Kivu-Ruanda (Niederspechbach, 25.3. où sa connaissance de la langue allemande et recueillirent des orphelins, qu'ils instruisirent 1854 — , 6.1.1931). Fils de Johan et son esprit de condescendante charité produisi- et éduquèrent chrétiennement. Par ailleurs, de Sauner, Cathérine. rent les meilleurs fruits. Appelé ensuite à l'école ils avaient réussi à gagner la confiance des indi- apostolique de Saint-Eugène, il y enseigna avec gènes du Bukumbi et ils pouvaient circuler Monseigneur Hirth est un enfant de cette talent et dirigea avec habileté ces jeunes gens. et enseigner librement dans les villages. Mais vaillante Alsace, qui fournit aux missions des Ses succès auprès de ses élèves de la classe de les conversions étaient rares. En somme durant ouvriers aussi nombreux qu'appréciés pour leur rhétorique le firent sans doute remarquer de longtemps, il n'y eut que les enfants rachetés et constance et leur intrépidité. Son père, qui ses supérieurs. Le 24 septembre 1882, il s'em- les orphelins auxquels on put conférer le bap- était instituteur, organiste et secrétaire commu- barquait pour Jérusalem, où il serait spéciale- tême. Parmi ceux-ci se trouva l'enfant d'un des nal, lui donna ses premières leçons. C'est ainsi ment chargé des enfants, qui furent le noyau martyrs du Buganda, morts pour la foi en 1885- que sur les genoux d'un père bien-aimé, Dieu du séminaire melkite, fondé par le cardinal 1886. Baptisé sous le nom d'Arsène, il se mit préparait de loin la vocation du fils. Il semble Lavigerie en cette année 1882. Il en a été le plus tard avec ses amis à apprendre le latin. bien que le jeune Hirth songea de bonne heure premier directeur. Lors de son arrivée, tout Le P. Hirth songeait-il déjà en ce temps à former à se faire prêtre. Déjà à l'école du village natal manquait au séminaire Sainte-Anne de Jéru- des prêtres indigènes, œuvre qui le préoccupa il apprit les premiers éléments de la langue latine. salem, jusqu'aux élèves. La première année la toute sa vie ? Il commença ses humanités au gymnase d'Alt- nouvelle école n'en comptait pas dix. Ce n'était Lorsque le P. Girault fut nommé provicaire kirch, les continua aux petits séminaires de vraiment pas suffisant. Pour en augmenter le la Chapelle sous Rougemont et de Zillisheim de l'Unyanyembe, le P. Hirth lui succéda en nombre, il fallait dissiper pas mal de malenten- qualité de supérieur de la mission de Kamoga. et les acheva à Luxeuil. Durant les trois années dus, de préjugés, en un mot donner confiance qu'il étudia à Zillisheim, l'énergique jeune Les trois années qu'il y passa furent des années aux Grecs. Le P. Hirth y employa ses vacances. pleines de labeurs et d'inquiétudes, préludant homme ne craignit pas de faire chaque jour 15 A cheval, il parcourut la Palestine d'alors, visita km à pied de la maison paternelle au séminaire aux événements dramatiques, qui vont marquer les évêques, les intéressa à l'œuvre, rassembla les années suivantes. Au Buganda, les Musul- et retour. Cette marche journalière n'aura pas les enfants. Après trois ans le séminaire comp- peu contribué à le fortifier corporellement, à mans s'étaient révoltés contre le roi Mwanga, tait 62 élèves. En 1886, les premières recrues l'avaient chassé du trône et remplacé par Ki- tremper son âme et à le préparer à ses courses purent entrer au grand séminaire. Us y avaient apostoliques futures. wewa. Une deuxième fois les missionnaires été préparés par une sérieuse formation huma- avaient dû quitter le Buganda. A travers mille Après la guerre franco-allemande, la famille niste et l'étude des langues. Les chants de la périls, Mgr Livinhac et les autres missionnaires, Hirth opta pour la France. Mais cette option liturgie grecque, exécutés d'une façon impecca- ensemble avec deux ministres protestants et trop tardive ne fut pas reconnue par l'Allema- ble sous la direction du P. Hirth, répandaient une vingtaine de chrétiens, abordèrent à Ka- gne, ce qui fut cause que Mgr Hirth posséda la bonne renommée du séminaire dans là Pales- moga, dans la nuit du 3 novembre 1888. La deux nationalités, particularité qui l'aida plus tine et les pays environnants. C'est aussi sous mission de Sainte-Marie de Rubaga avait été tard dans plusieurs circonstances de son minis- sa conduite que les séminaristes en guise de pillée ; Monseigneur et ses confrères empri- tère. En octobre 1873, il entra au grand sémi- travail manuel dégagèrent l'entrée de la Piscine sonnés. Embarqués sur le boutre des Anglais, naire de Nancy. On s'y félicita hautement Probatique. S'il est certain qu'en quittant le ils eurent leur navire éventré par un hippopo- d'une telle acquisition. Sa maturité, la rectitude séminaire le P. Hirth y laissa une partie de son tame. Au Buganda, chrétiens et musulmans de son esprit, la délicatesse de son cœur annon- cœur, il n'est pas moins certain que Sainte- s'entretuaient ; le Bukumbi était désolé par çaient déjà un prêtre d'élite, un homme de Dieu Anne de Jérusalem a conservé son empreinte la guerre entre chefs et menacé par les maho- dans la plus juste acception du mot. Il en était et son souvenir. métans et leurs partisans ; la côte de l'océan à sa première année de théologie, quand à la Ce fut encore en qualité de directeur qu'il indien était en feu ; près de Dar-es-Salam, les suite d'un entretien avec le R. P. Charmetant, fut rappelé à l'école apostolique de Saint- Bénédictins bavarois sont massacrés. Durant le grand recruteur des Pères Blancs de cette Eugène, quand, après quatre années de séjour à de longs mois, toutes les communications avec époque, il se décida à se dévouer aux missions la côte et l'Europe sont interrompues. d'Afrique, dans la Société fondée par Mgr La- •Jérusalem et fatigué par un climat pénible, L'année 1889 sera marquée d'événements vigerie. Après sa seconde année de théologie à le retour en Afrique lui fut prescrit par les importants dans la vie du Père Hirth. En sep- Nancy, il se mit en route pour Maison-Carrée médecins. Là aussi il sut à la satisfaction de tembre de cette année, Mgr Livinhac avait été et entra au noviciat des Pères Blancs (4 octobre tous remplir ses fonctions délicates. Toujours mis à la tête de la Société des Pères Blancs. Le 1875). affable et bienveillant sans faiblesse, d'une douce familiarité, pieux et homme d'une foi 4 décembre, le P. Hirth était préconisé évêque Le Supérieur de Nancy n'avait eu que de bons profonde, il était le type de l'éducateur chrétien. titulaire de Théveste (Thebessa) et désigné pour renseignements à donner. Il ajoutait : « Sa santé Par ailleurs il était savant en tout ce qui lui remplacer Mgr Livinhac dans sa charge de me paraît un peu faible pour vos missions ; convenait de savoir. vicaire apostolique du Nyanza. « Les vertus, les mais il a du courage et si Dieu l'appelle, Il lui Mais le P. Hirth songeait toujours aux mis- talents et le zèle qui le caractérisent le rendent donnera des forces ». Le digne supérieur fut un digne de cet honneur ». L'annonce de sa promo- bon prophète ; malgré une santé qui laissa sions lointaines et demandait à rejoindre sur les rives du lac Victoria-Nyanza son professeur tion parvint au supérieur de Kamoga au mois de souvent bien à désirer, Mgr Hirth a trouvé la mars 1890, avec l'ordre à transmettre à Mgr force de créer des œuvres magnifiques dans les de théologie, Mgr Livinhac, devenu vicaire apostolique de cette mission. En mars 1887, Livinhac de revenir à Alger après l'avoir sacré. circonstances les plus difficiles. En 1875, l'abbé La route étant peu sûre, le P. Bresson, supérieur Hirth était un jeune homme de taille assez ses instances eurent un plein succès : il fut désigné comme chef de la sixième caravane de la procure à Zanzibar, choisit quelques élancée et n'avait pas les apparences qui attes- hommes d'élite pour envoyer le courrier à Bu- tent une constitution robuste. Celui à qui il des Pères Blancs pour le centre africain. Après quelques jours passés au village natal au milieu kumbi. Un résumé des ordres fut glissé entre s'adressa en débarquant à Maison-Carrée, pour les doubles semelles de cuir des sandales du chef demander le chemin conduisant chez les mis- des siens, il s'embarquait le 10 mai à Marseille. Débarqué à Zanzibar le 15 juin, la caravane de la caravane ; un autre mis en sachet, forte- sionnaires, le lui indiqua à regret, avouait-il ment serré sous le bras d'un porteur. En route, dans la suite. On ne devinerait pas le motif de s'organisa à Bagamoyo et se mit en route le 7 juillet. Voyage atroce à l'époque ! Trois mois les porteurs furent attaqués, abandonnèrent son scrupule. Nouveau venu peut-être dans leurs charges et s'enfuirent. Seul l'homme au la contrée, ou fréquentant peu les Pères Blancs, durant, nos voyageurs peinèrent au long des sentiers de la brousse africaine dans l'eau, dans sachet parvint jusqu'à Bukumbi. Tout le cour- il était persuadé que leur établissement, orphe- rier fut perdu. linat et séminaire, était le pendant du bordj la boue des marais, sous un soleil de feu, au quadrangulaire qui a donné son nom à la loca- milieu des périls et des tracasseries de toute Le 25 mai 1890, Mgr Livinhac sacrait son lité et qui servait alors de pénitencier militaire sorte, avec la fièvre comme compagne insépa- confrère dans l'humble chapelle de Kamoga. et il se disait : Qu'à donc pu faire ce jeune rable. Mgr Livinhac, qui venait de consacrer Heureuse pauvreté des missionnaires ! La tuni- curé, encore imberbe et de mine candide, pour Mgr Charbonnier à Kipalapala, alla au-devant celle et la dalmatique rouge de Mgr Hirth du- qu'on l'envoie parmi les détenus ? Volontiers de la caravane, la rencontra à l'Ujwi le 19 sep- rent être taillés sur place dans une pièce d'étoffe tembre et sans perdre de temps, avec le P. sans doute il l'aurait aidé à s'évader. de traite. La caisse-chapelle de Mgr Bridoux, Hirth et le frère Raymond, prit le chemin du arrivée par une erreur providentielle à Bukum- Le 18 octobre 1875, l'abbé Hirth reçut l'ha- Bukumbi, au sud du lac Nyanza. Le 13 octobre, bi, fournit le reste. bit des Pères Blancs et commença le noviciat nos voyageurs atteignirent la mission de N.-D. Le 15 novembre, Mgr Hirth se mit en route pénible des premiers Pères Blancs sous la con- de Kamoga. Cette station avait été fondée au pour le Buganda, la partie la plus intéressante de duite du P. Charbonnier, futur évêque et vicaire mois d'avril 1883. Elle devait abriter au moins son vicariat. Une maladie grave, durant la- apostolique du Tanganika. Ce noviciat se cou- temporairement les missionnaires du Buganda, quelle il reçut même les derniers sacrements, ronna le 12 octobre suivant par la consécra- qui s'étaient exilés volontairement avec leurs l'avait empêché d'entreprendre ce voyage plus tion du frère Jean-Joseph Hirth à l'œuvre des enfants rachetés, l'hostilité sourde du roi Mwan- tôt. U était accompagné du P. Achte, arrivé à Pères Blancs. Il passa ensuite au scolasticat, ga légitimant des craintes bien fondées pour que dirigeait le P. Livinhac, futur supérieur la sécurité de tous les étrangers au Buganda. général de la Société, pour y achever l'étude . A son arrivée, le P. Hirth fut nommé à cette Kamoga le 8 septembre, en compagnie du P. le fort anglais. Tous ses coups portaient ; rien six missions du Buganda étaient détruites, une Schynse (Voir Biogr. Col,, Belge, T. IV; col. ne put tenir devant lui. Cependant, les deux trentaine de chapelles réduites en cendre, la 823). C'était sa première visite à la mission de mitrailleuses du fort entrèrent en action et fau- cathédrale de Rubaga brûlée. Rubaga, relevée de ses ruines et qui comptait chèrent ses guerriers devant lui... Gabriel dut Le capitaine Lugard avait promis un partage alors 1.200 baptisés et 12.000 catéchumènes. Le s'arrêter ; les munitions lui manquaient ainsi équitable du pays. Or, le traité de paix du 5 voyage sur le lac fut pénible et plein de dangers. qu'à ses hommes. Il se replia sur le palais du avril 1892, signé à Kampala, concédait aux ca- On y mettait alors 12, 15, 18 jours, davantage Roi et emmena celui-ci à l'île de Bulingugwe.' tholiques seul le pays du Buddu, soit environ même. L'infatigable Mer Hirth trouvait moyen, Les catholiques étaient vaincus ! la septième partie du Buganda. Défense était malgré l'intense réverbération, de terminer en Entre-temps, que devenait la mission catho- faite aux missionnaires de faire de la propagan- barque toute une volumineuse correspondance. lique sur la colline de Rubaga ? Par mesure de de et d'établir des missions en dehors du Buddu, Pour la première fois, Mgr Hirth abordait la prudence, Mgr Hirth avait posté quelques- sans autorisation préalable. Ce ne fut que plus terre des martyrs. Le P. Lourdel venait de uns de ses plus grands enfants aux alentours tard au mois de juin que les missionnaires ob- mourir à la peine ; le personnel réduit ne pou- de la mission. Mais que pouvait une poignée tinrent la permission de relever leur résidence vait suffire à l'immense besogne des instructions de jeunes gens mal armés, contre le flot des à Rubaga, mais en même temps défense leur fut et des confessions préparatoires aux fêtes de ennemis, avides de meurtre et de pillage ? Mgr faite de construire de nouvelles maisons en Noël. Mgr Hirth s'offrit simplement à faire Hirth, avec ses missionnaires, les femmes et briques. D'ailleurs, les persécutions, les incen- les baptêmes. Le 24 décembre, il versait l'eau les enfants, s'était retiré dans une construction dies, les razzias contre les catholiques continuè- sainte sur les fronts de 407 néophytes. Il y mit en terre, qui servait de magasin. Ils durent assis- rent et il faudra encore des mois avant que le 9 heures, depuis 11 heures du matin jusqu'à 8 ter impuissants à l'incendie de l'église et des pays ne retrouve la paix et la tranquillité. heures du soir. autres bâtiments couverts de paille. François Mgr Hirth s'était retiré au Kiziba (en terri- Mais ce n'était pas à Rubaga seul que la re- Goge, le médecin-catéchiste, tombe mort devant toire allemand), où un peu plus tard se fonda ligion catholique se répandait rapidement. la porte, frappé au cœur. Toute la mission, en le poste de Kashozi, dans le district de . Tout le Buganda était ébranlé et c'est par cen- dehors du magasin, n'est qu'un immense bra- Après les événements sanglants à Rubaga et taines que les Noirs assistaient aux instructions sier. Les flammes sont si près qu'elles viennent à Bulingugwe, des centaines de Baganda catho- et demandaient le baptême. Aussi quel enthou- toucher les habits de François. Monseigneur liques s'étaient exilés au Buddu. C'est ainsi siasme lorsque Mgr Hirth revint une deuxième sort pour éteindre le feu qui va dévorer son que dans une pauvreté extrême fut fondée la fois au Buganda, avec un renfort de 7 nouveaux cadavre. Une balle siffle au-dessus de sa tête. mission de Villa-Maria (15 mai 1892) et celle missionnaires, 2 frères et deux catéchistes Tous supplient Monseigneur de se mettre à de Bikira-Maria (15 juillet 1892), toutes deux noirs (février 1891). Mais cet enthousiasme l'abri. Il rentre au magasin, donne l'absolution au Buddu. même et les rapides progrès du catholicisme aux missionnaires et aux chrétiens et baptise En ce même mois de juillet, Mgr Hirth rega- exaspérèrent l'animosité des protestants et accru- les femmes et les enfants encore païens. Pas gna Kamoga, au sud du lac. II ne reparut à rent la défiance des officiers anglais, qui vou- un cri, pas une larme. Les Baganda savent Rubaga que le 20 décembre, avec Kimbugwe laient à tout prix imposer au roi Mwanga le mourir ! Deux jeunes gens se dévouent pour et une dizaine de chefs catholiques, tous appe- drapeau de la Compagnie des Indes. aller au fort, implorer aide et protection. Après lés à témoigner devant une commission d'en- Les catholiques et les protestants s'étaient deux mortelles heures d'attente, le capitaine Wil- quête et à discuter avec elle la question des répa- unis pour chasser les musulmans et rétablir liams arrive, suivi plus tard du capitaine Lugard. rations dues à la mission. Mgr Hirth fut le Mwanga sur le trône. L'occupation du pays Au coucher du soleil, tous partent au fort avec principal témoin dans cette affaire et eut à par les forces de l'Angleterre fit croire aux les deux capitaines. Mais quel spectacle présente répondre à de nombreuses questions qui lui protestants qu'il n'y avait place au Buganda la mission ! Tout est brûlé ; seul le magasin furent posées. Finalement, l'innocence des que pour eux. Infidèles à leur serment d'union reste debout. missionnaires catholiques fut reconnue et une et poussés au moins indirectement par les Le 26, Monseigneur et le groupe qui l'accom- indemnité accordée par le gouvernement an- Anglicans de la Church Missionary Society, ils pagne est autorisé à se rendre à l'île de Bulin- glais. La commission n'était pas compétente firent subir aux catholiques vexations sur gugwe, au milieu des chrétiens rassemblés en cet pour changer le traité du 5 avril 1892. Il faudra vexations et persécutions de toutes sortes. Il n'y endroit. Rien ne faisait présager alors le massa- attendre l'arrivée au Buganda de Sir G, Portai, avait plus d'injustices qu'ils n'osassent se cre, qui devait y avoir lieu le 30 suivant. Wil- la suppression de la Compagnie de l'Est-Afri- permettre contre les catholiques. A ceux-ci liams avec ses soldats se présente devant l'île, cain Britannique et la proclamation du protec- rien ne servait de faire appel aux tribunaux, à 10 heures, et commence à faire marcher torat britannique pour voir se réaliser, le 7 même pas à celui de l'officier anglais qui com- sa mitrailleuse. Il débarque sur l'île. Les catho- avril 1893, un nouvel accord entre les deux mandait au fort de Kampala. Ils savaient d'a- liques dépourvus de munitions sont bientôt partis, qui mit un terme à la convention ty- vance que leur cause était perdue. Le résident repoussés. Et pendant que les soldats canardent rannique imposée au parti catholique. Il ne Williams n'avait-il pas déclaré qu'il était résolu sans merci la foule, composée en grande partie réparait le mal qu'en partie, mais prouvait que à éliminer un des partis par la force ? Mgr de femmes et d'enfants, massée sur le bord du l'enquête avait été en somme favorable aux Hirth n'hésita pas à lui écrire une lettre, datée lac, les missionnaires sont entourés, insultés, catholiques. Mgr Hirth se contenta de cette du 14 juillet 1891, disant notamment : « II dépouillés et frappés, puis entassés sur une réparation partielle, comptant sur la Providence faudrait que dès maintenant tout le monde' barque, qui les conduit à la terre ferme. Le pour voir améliorer encore le sort des catholi- » comprit que votre gouvernement n'est pas capitaine Williams est là, debout derrière sa ques, prévision qui de fait s'est réalisée dans la » venu faire ici une œuvre de parti. Jusqu'ici mitrailleuse, comme un invincible guerrier. Il suite. Monseigneur pouvait se rendre le témoi- » le parti catholique tout entier ainsi que tout déclare aux Pères qu'ils sont ses prisonniers gnage qu'il avait k combattu le bon combat ». » ce qui reste de païens ont cru que vous étiez et les fait conduire au fort de Kampala, où ils Cependant, Marie, patronne du Buganda, » venu uniquement pour faire triompher le resteront presque dénués de tout, insultés et veillait et des cendres d'une église matérielle » protestantisme, et voilà pourquoi au fond, la bafoués par les musulmans, dans une misérable en ruines, sortit belle et forte l'église vivante n grande majorité du pays s'est défiée de vos situation. Durant ce temps, le Roi voyant la des âmes. Parmi les jeunes gens qui avaient » actes comme de vos discours. C'est un malheur tournure que prenaient les événements, saisit suivi les Pères dans leur retraite, quelques- » que vous n'éloignerez que du jour où vos ju- l'évêque séparé de ses missionnaires, par la uns firent à Kashozi leurs premières classes, » gements rendus et des lois équitables démori- main et l'entraîna dans sa barque, qui fut bien- sous la direction de Mgr Hirth. Allongés sur » treront clairement que vous êtes venu pour le tôt au large. Durant trois semaines Mgr Hirth le ventre, des bouts d'enveloppes posées à plat » bien et la prospérité de toute la nation et non erra de port en port, de village en village, sur la terre battue, leur servant de cahier, ils «d'une fraction seulement». Et au capitaine jusqu'à ce qu'il parvint au Buddu. C'est là, au apprirent à écrire comme d'eux-mêmes. Le » Lugardil écrivait le23 janvier 1892 : «La guerre village de Kaggya, que les prisonniers de Kam- futur petit séminaire du vicariat du Nyanza » est allumée uniquement parce qu'on est con- pala eurent le bonheur de retrouver Monseigneur était né. Des 6 ou 7 enfants qui s'appliquèrent » vaincu que toutes vos forces sont mises au (18 mars 1892). Le 2 mars, le capitaine Lugard ainsi, trois devaient un jour devenir prêtres. » service de la cause protestante, qui est loin, les avait relâchés, avec mission de porter une D'ailleurs, au mois de novembre 1893, Mgr » vous le savez, d'être embrassée par tout l'U- lettre au Roi, l'engageant à revenir dans son Hirth prit des mesures définitives pour l'orga- uganda... Si les catholiques n'ont plus rien royaume. «Comment se terminera pour nous nisation d'un véritable petit séminaire, dont » à espérer, ils défendront leur foi et si leurs » cette terrible épreuve ? se demandait l'évêque. le P. Marcou avait posé les bases dès le mois » forces les trahissent, ils mourront, ou bien ils » Humainement parlant toutes nos espérances de janvier à Villa-Maria, le centre des réfugiés » iront demander à une terre plus hospitalière » semblent détruites : nos gens sont dispersés, catholiques. » la liberté de suivre leur religion ». » beaucoup de chefs tués, nos stations détruites, Tout était à recommencer. On se remit au Langage énergique sans doute, mais paroles » nos églises brûlées, les femmes et les enfants travail, on rebâtit, on agrandit. De nouveaux de bons sens et conseils sages, qui cependant » enlevés par milliers, tous les baptêmes sus- renforts de missionnaires permirent de fonder ne furent pas pris en considération. Car la nuit » pendus. Mais je n'en suis pas moins sûr que la mission de Sese, dans l'île du même nom (21 suivante même le fort de Kampala mit à la dis- » Dieu ressuscitera la foi au Nyanza ». C'est novembre 1893) et celle de Bukumi, le 1 mai position des protestants une grande quantité bien là le langage d'un homme de foi, d'une 1894, si bien qu'en 1894, le Buganda comptait de fusils et de munitions. Il fallait en finir avec âme bien trempée, du pasteur des âmes puisant 20.000 chrétiens, un petit séminaire avec une les catholiques. Le lendemain 24 janvier 1892 sa confiance et sa force en Dieu. Comment vingtaine d'enfants. Des écoles s'élevaient la guerre éclata à Rubaga même. Les catholiques d'ailleurs eût-il pu en être autrement à la vue de auprès des missions, grâce à l'initiative du vi- attaqués se défendirent. Cinq fois de suite, avec la constance des chrétiens, de l'élan admirable caire apostolique. sa troupe, Gabriel, le chef des catholiques, des foules vers la religion, même au milieu des Le 4 juin 1894, Mgr Hirth quitta Rubaga accula les bandes des protestants jusque sous pires calamités ? C'en était une en effet. Les pour visiter une fois de plus les stations de Sese, du Buddu du Kiziba et du Bukumbi, la fondation d'une mission dans l'île d'Uke- de Muyaga et de Mugera. Il visita Usumbura où il arriva le 10 août. C'était son adieu à la rewe. Cette île était habitée par une population où résidaient les autorités allemandes. La cara- mission si aimée du Buganda. Dans l'inter- fort bien disposée. Avec un zèle admirable, vane se replia ensuite vers le Nord et atteignit valle de ce voyage, le 13 juillet 1894, un Décret Cyrille, le catéchiste volontaire, avait groupé Nyanza, où résidait le jeune roi Musinga et sa de la Propagande avait divisé en trois le vicariat autour de lui des centaines de catéchumènes cour. Prévenu de l'arrivée des visiteurs par le du Nyanza : le vicariat du Nyanza Septentrio- et les avait préparés au baptême. Il tomba capitaine Bethe, le Roi fit une réception très nal (Buganda), confié à Mgr Guillermain ; victime de son dévouement. Il fut massacré, lui, généreuse aux nouveaux venus. Hardiment, le vicariat du Haut-Nil, cédé pour des raisons sa femme et son enfant avec 28 catéchumènes. Mgr Hirth demanda au Roi un terrain à Nyanza politiques à la Congrégation anglaise de Mill- Mais l'œuvre reprit aussitôt et dès leur arrivée, même pour s'y fixer, espérant de cette façon Hill et le vicariat du Nyanza méridional, dont les missionnaires purent baptiser 160 Noirs. pouvoir agir directement sur le Roi et les grands. M&r Hirth gardait la direction et qui était situé Un grand nombre d'autres se préparaient avec Cette permission est refusée, mais autorisation entièrement en territoire allemand. M£r Hirth beaucoup d'ardeur à recevoir la même grâce. est accordée d'occuper le plateau de Save au abandonnait ainsi le soin de recueillir dans la Dans la suite, la mission d'Ukerewe, se vit dotée sud du pays. A Nyanza, les pères pourront joie les fruits qu'il avait semés dans les larmes. d'une belle église, d'écoles entre autres de celle ouvrir une école pour l'instruction des jeunes Aux bons ouvriers ne donne-t-on pas la tâche des catéchistes. La mission rayonnait dans nobles et même du Roi, mais l'enseignement de la plus rude ? Comme diversion à tant de soucis l'île, grâce à ses 30 succursales. Une quatrième la religion en sera banni. C'était le 2 février et de fatigues, rMgï Hirth reçut une invitation mission fut fondée dans le Bururi, sur la terre 1900. Dès le 8 février, le P. Brard s'installa sur à prendre quelques mois de repos en Europe. ferme, en face d'Ukerewe ; mais faute de person- la colline de Save, à l'endroit même où les sor- Il quitta Kamoga le 6 novembre, arriva à Zan- nel elle fut fermée, après la mort du P. Thuet, ciers présentaient leurs offrandes au grand zibar le 23 janvier 1895 et à Maison-Carrée, son supérieur. A mesure que des missionnaires esprit Lyangombe. La mission de Save devint le 27 février. Il avait eu la tristesse de laisser lui étaient envoyés, Mgr Hirth réalisait de ainsi l'église-mère du . Le 8 mars, au cimetière de Bagamoyo le Frère Amans, nouvelles fondations. Un voyage qu'il entreprit Mgr Hirth était de retour à Kamoga. un des premiers pionniers du Buganda. Le 16 dans l'Uswi, décida de l'établissement de la mis- Mais Mgr Hirth ne se reposa pas sur ses lau- mai il repartait pour le pays natal. Le 12 août sion de Katoke (N.-D. de Lourdes, 12 novembre riers. Dans les derniers mois de l'année, il se il se rembarquait de nouveau pour Zanzibar 1897). Au mois d'avril 1900, c'était le tour de remit encore en route pour le Rwanda, avec et le Nyanza. Le 14 novembre, il était à Ka- Msigo, dans l'île de Kome ; en février 1902, se une nouvelle équipe de missionnaires. Il passa fondait une seconde mission au Kiziba, à Bwan- moga (*). par Save et eut la joie de constater que la mis- A cette époque, son vicariat ne comptait que ja ; en mai 1903, Kagondo eut ses missionnaires à demeure et le mois de novembre 1904 donna sion avait fait une foule de catéchumènes. Il deux missions : Bukumbi et Kashozi. S'éten- fonda Zaza, le 1 novembre 1900. La famine dant sur 7 degrés de longitude, depuis le mont naissance à la mission de Rubya. Ce furent encore les fondations de Mugana (1902), de régnait dans ce pays ; les missionnaires furent Kenia jusqu'au lac Kivu, le vicariat du Nyanza les bienvenus, car ils aidèrent grandement méridional faisait partie de la zone d'influence Bukoba (1907), de Nyegina (1911) et Sumve (1912), dans les districts de Bukoba et de Mwan- à soulager la misère de la population. Ce fut à allemande et ne comprenait pas moins de trente son retour sur les bords du lac Nyanza (avril royaumes indigènes. Pour convertir cet immense za. Il sera question plus loin des fondations au Rwanda. 1901) que l'évêque prit le parti de fixer sa rési- pays, Mgr Hirth avait à peine 6 prêtres. La dence à l'Ouest, c.-à-d. à Kashozi d'abord chrétienté comptait quelque 400 baptisés et un Inutile de détailler le cours de ses visites et plus tard à Rubya ; il était là au centre de millier de catéchumènes. De nouveau, tout à ses missions. Ce qu'il est nécessaire de signaler, son vaste vicariat. était à recommencer. A son retour à Bukumbi, c'est le soin qu'il apporta, ici comme au Bugan- Le 25 avril, une troisième mission se fondait Monseigneur trouva les bâtisses en un piteux état: da, à la création d'un petit séminaire. L'œuvre à Nyundo, dans les laves du volcan Nyaragon- Il s'agissait de rebâtir l'église, la maison des avait commencé petitement à Bukumbi, en go. Le supérieur en est le P. Paul Barthélémy, missionnaires et celle des enfants rachetés. 1903, puis avait été transférée à Rubya (novem- aidé par les pères Classe et Weckerlé. Au mois Monseigneur dut mettre lui-même la main bre 1904). Dès cette époque, Mgr Hirth deman- de décembre suivant, c'est à Mibirizi que s'éta- à l'ouvrage. Car le personnel de Bukumbi ne dait aux supérieurs des différents postes d'en- blit une nouvelle mission. Le commencement put guère l'aider, les pères et le frère étant mala- voyer à Rubya les meilleurs sujets. Tout aussi- de Ruaza date du 21 novembre 1904. Et enfin des la plupart du temps. Soit dit en passant, tôt il mit les élèves au latin, sous la direction du en l'an 1906 se réalise le projet que Monseigneur Mgr Hirth était un travailleur infatigable, veil- P. Riollier. A partir de 1907, l'œuvre du sémi- nourrissait depuis six ans : une fondation au lant souvent jusqu'à minuit et au delà ; le matin naire fut définitivement assurée et les missions Marangara, en plein pays mututsi. Les cinq il se trouvait le premier à l'église. A Bukumbi, averties dirigèrent sur Rubya chaque année stations existantes se trouvaient à la périphérie il se fit maçon et charpentier. A Kashozi, il se quelques enfants mieux doués, pour en faire du pays ; les instructions et les baptêmes s'y fit procureur, car le personnel manquait. Éco- des prêtres. Lorsqu'il eut transféré sa résidence faisaient aux Bahutu- et aux Batwa, les deux nome du vicariat, il trouvait encore le moyen à Rubya, Monseigneur s'occupa lui-même de races soumises aux Batutsi. C'est en plein mi- d'aider ses confrères surchargés. leur formation. lieu des Batutsi mêmes que Monseigneur avait Grâce à des efforts surhumains, Mgr Hirth Les premières Sœurs Blanches s'établirent résolu d'établir ses missionnaires. En décembre réussit à achever les bâtisses de sa résidence, à Kashozi en 1902 pour s'occuper de l'éduca- 1904, Mgr Hirth se présenta personnellement sans négliger pour autant les catéchismes et tion chrétienne des femmes et des filles. Déjà à la cour du roi Musinga, accompagné du P. les écoles. En l'année 1897, la mission de Kamo- à cette époque aussi Mgr Hirth songeait au Lecoindre et du Frère Pancrace. En vain solli- ga était dotée d'une belle église, d'une résidence recrutement d'une congrégation de sœurs indi- cita-t-il l'autorisation tant désirée, elle lui fut pour les missionnaires, d'une maison pour les gènes, qu'il pourrait employer partout comme refusée. D'autres essais n'eurent pas un meilleur enfants rachetés et orphelins et de locaux sco- maîtresses d'école et en vue de l'enseignement résultat. De guerre lasse, Mgr Hirth s'adressa laires, le tout en matériaux durables. C'est de de la doctrine chrétienne. En 1903 déjà, il fit au résident von Grawert. Celui-ci répondit par cette année aussi que datent les premiers venir une quinzaine de filles du Rwanda et retour du courrier : « Je donne à Votre Grandeur baptêmes de Basukuma (habitants du Bukum- les confia aux Sœurâ Blanches pour les former » l'autorisation de fonder une mission partout bi), jusque là si revêches à la conversion. C'est à la vie religieuse. Pour agir, Mgr Hirth n'avait » où elle le voudra dans le Nduga ou le Maran- vers ce temps-là également que Mgr Hirth fit pas besoin de réussir : il prenait des initiatives, » gara. Afin de vous rendre cette fondation plus éditer divers ouvrages en langue Kigwe, comme essayait, entreprenait, comptant sur l'aide » facile, j'envoie gracieusement mon premier le catéchisme, les prières de la messe, le chemin divine. » lieutenant von Nordeck, qui se rencontrera de croix, le tout à l'usage de ses fidèles. A Kasho- Ce fut la lecture du livre du comte von Gœt- » avec vous dans le Nduga et à qui vous mon- zi, l'hostilité des chefs retardait la christiani- zen : Durch Afrika von Ost nach West, qui » trerez l'endroit que vous aurez choisi : il a sation des Baziba, mais ne pouvait en empêcher révéla à Mgr Hirth les possibilités énormes » pour mission de vous appuyer de toute son les progrès. La présence de troupes musulma- pour l'apostolat du Rwanda et du Burundi, » autorité ». nes, cantonnées en cet endroit, n'était guère contrées montagneuses, saines, à population Le lieutenant von Nordeck accomplit par- favorable à l'œuvre de l'apostolat. Les rachats dense, pays qui contrastaient si fort avec les faitement sa mission : le Roi n'osa pas lui se continuaient en ce temps dans toutes les plaines et les tribus autour du Nyanza. Les refuser l'autorisation royale. Dès le 13 février missions. Car, malgré les conventions faites habitants que von Gœtzen y avait trouvés, 1905, le lieutenant von Nordeck, accompagné en Europe, les chefs indigènes et les islamisés semblaient bien disppsés à l'égard des Blancs. de Monseigneur, des Pères Classe et Lecoindre, surtout ne cessaient de se livrer à ce commerce Dès lors, les regards de Mgr Hirth se tournèrent descendit examiner la colline choisie par le P. lucratif. Monseigneur avait profondément été vers le Rwanda, situé à vingt jours de marche Lecoindre. Au nom du gouvernement, l'officier affligé de la défaite au Buganda ; mais il déplo- de sa résidence de Kamoga : il fallait prendre concéda à la mission en propriété entière et possession de ce pays sans retard. Prenant totale tout le terrain de la colline. Les papiers avec lui les pères Brard, Paul Barthélémy et sont signés et les pères vont prendre possession (!) En 1897, Mgr Hirth eut à faire dans cette de leur nouvelle propriété et y plantent leurs station deux consécrations épiscopales : celle de son le frère Anselme, Monseigneur quitta Kamoga second successeur au Buganda, Mgr Streicher, le le 14 novembre 1899 et arriva à la mission tentes « chez eux, au pays mututsi » ! Kabgayi 15 août, et celle de Mgr Gerboin, premier vicaire apos- d'Uswi. Il eût été imprudent de pénétrer dans est fondé, Kabgayi qui devait devenir le centre l tolique de l'Unyanyembe (Tabora), le 21 novernbre. le Rwanda par l'Est, une légende répandue du vicariat ( ).- A l'endroit même où Mgr Hirth rait comme un malheur plus irréparable et une dans ce pays présentant comme conquérants de ce pays des hommes blancs venant de l'Est. faute plus grave le fait que les officiers anglais 1 En conséquence, Monseigneur fit faire à sa cara- t ) Toutefois, la fondation définitive ne devait avaient rappelé les musulmans, esclavagistes avoir heu que le 9 mai 1906. nés, peut-on dire, dans ce pays. vane un immense détour par le Burundi et Le mois de novembre 1895 fut marqué par atteignit le lac Kivu en passant par les missions plantait sa tente une cathédrale surgirait de séminaristes avaient passé par les humanités et de la brousse païenne, l'animateur de la con- terre, où lui-même et son successeur, Mgr certains d'entre eux avaient été initiés aux quête catholique, s'était retiré au grand sémi- Classe, dormiraient un jour leur dernier som- arcanes de la philosophie et de la théologie. De naire de Kabgayi, sa création préférée. Il vivait meil. l'avis de tous les professeurs qui les avaient là simplement le soir d'une longue journée de Les fondations reprirent avec Rulindo (26 eus sous la main, ces jeunes étudiants noirs joi- labeur fécond. Il priait surtout; il lisait un peu, avril 1909), Kansi (13 décembre 1910) et Kigai gnaient à une grande docilité et application un si peu, car ses pauvres yeux s'affaiblissaient. li (21 novembre 1913). En cette même année; admirable sens d'adaptation, s'assimilant ces Il consacrait ses dernières forces à la formation le Dr Kandt, résident, adressa une lettre à matières neuves avec une facilité inattendue. Le spirituelle des jeunes lévites, qui dans sa cellule Mgr Hirth, qui dut étonner le vicaire apos- séminaire ne resta qu'une année à Kansi ; monastique, se succédaient sans trêve, venant tolique, vu les dispositions antérieures sour- l'année suivante il se transporta à Kabgayi. En s'instruire à son expérience et s'édifier de ses dement hostiles de son auteur : 1915, en pleine guerre, Mgr Hirth fit bâtir son vertus. Si l'âge avait mis dans ses yeux bleus petit séminaire à l'emplacement qu'il occupe de a Monseigneur, les missions que vous avez une tendresse inexprimable, partage de ceux qui nos jours. Le grand séminaire lui aussi s'était s fondées au nord du Rwanda contribuent, ont longtemps contemplé le Christ, il était établi à Kabgayi. Le 7 octobre 1917, Monsei- » pour une grande part, à la pacification du dis- demeuré énergique et fort. Comme Saint-Jean, gneur Hirth ordonnait les deux premiers prêtres » trict. Elles facilitent grandement la tâche du dont il portait le nom, il devait dire souvent indigènes du Rwanda : les abbés Balthasar » Gouvernement. L'influence de vos mission- à ces jeunes gens : « Mes enfants, aimez-vous Gafuku et Donat Leberaho. » naires nous a épargné la nécessité d'y entre- les uns les autres ». Et il pouvait ajouter : • La guerre qui éclata en Europe en août 1914 » prendre des expéditions militaires. Le district « Aimer, c'est se donner », ce qu'il fit toute sa et qui ne tarda pas à s'étendre au centre africain, s du Bushiru est resté insoumis jusqu'à ce jour. vie pour la gloire du Christ-Roi. l'occupation du Kivu allemand (Rwanda et » Le chef n'est pas en mesure d'y faire valoir Le 2 octobre 1925, le prince Léopold de Bel- Burundi) par les troupes congolaises en avril- » son autorité. Le Gouvernement voudrait gique vint faire visite à Kabgayi. Nyabitare mai 1916, entravèrent beaucoup la marche des » éviter une expédition punitive. En son nom, devait être la pointe extrême de l'excursion missions, sans toutefois les paralyser complè- » je prie la mission catholique d'y établir un projetée au Rwanda. Le Prince toutefois décida tement. Dans la soirée du 20 mai, un bataillon » poste. Sans aucun doute et en fort peu dé de prélever 24 heures sur l'horaire prévu pour belge fit son entrée triomphale à Kabgayi, ayant » temps, les missionnaires auront gagné la rendre visite au chef du vicariat apostolique. A à sa tête le lieutenant Ermens. Le 6 juin 1916 » confiance de cette population énergique et son arrivée, les grands et petits séminaristes fut le « jour de la victoire ». Le général Tom- » rendu ainsi à la civilisation un service très entonnèrent la Brabançonne. Puis leurs Excel- beur — « le grand silencieux », comme on l'ap- » appréciable ». lences Nos Seigneurs Classe et Hirth, qu'en- pelait — fut reçu à Kabgayi avec tout son tourait une couronne de Pères Blancs et de Malgré la pénurie de missionnaires, Mgr État-Major par Mgr Hirth, le R. P. Classe prêtres indigènes, s'avancèrent pour souhaiter Hirth ne crut pas devoir décliner l'offre : Ram- son vicaire délégué et tous les pères. Le sort de la bienvenue au Prince. Dès son arrivée, il s'en- bura, au pays de Bushiru, fut fondé le 2 juillet la grande guerre faisait passer le Rwanda aux 1914, sous le vocable de N.-D. de la Paix. Cette tretint avec Mgr Hirth, vétéran des temps mission réalisa tous les espoirs que M. Kandt mains des Belges. Il leur était donné de lui im- héroïques, puis il visita les œuvres de la mission, avait fondés sur elle. Même durant la guerre primer son cachet spirituel. s'attardant seul pendant deux heures dans les 1914-1918, les pères français, gardiens de l'ordre La paix enfin rétablie, le Prélat estima que classes du séminaire, interrogeant les élèves dans cette partie du Rwanda, purent y rester l'heure de la retraite avait sonné pour lui : sa sur toutes les matières. Son exquise simplicité sans être internés ou inquiétés autrement par vue surtout laissait à désirer. En 1921, il fit lui gagna d'emblée la confiance des séminaristes les Allemands. agréer à Rome sa démission, demandant néan- et leur arracha cette exclamation : « C'est tout Dès le mois d'octobre 1907, Mgr Hirth avait moins de finir ses jours au Rwanda. On acquiesça à fait un prince du sang ». conféré au Père Classe le titre de vicaire délégué à ses désirs. D'ailleurs, la mission avait pris En mai 1915, on n'avait pu célébrer, comme on pour le Rwanda. Le second séjour de 13 ans alors un tel développement qu'une division deve- l'eût désiré le jubilé épiscopal de Mgr Hirth., On sous l'Équateur et les travaux qu'il s'était nait opportune. On n'avait pas fondé de nou- se dédommagea, le 16 septembre 1928, au cin- imposés conseillaient à Mgr Hirth de s'accorder veaux postes depuis 1914 ; mais le nombre des quantième anniversaire de sa première messe. un temps de repos. Il arriva à Marseille, le 15 fidèles était passé de 14.21.7, en juin 1913, à Mgr Streicher était venu du Buganda rappeler janvier 1909 et à Maison-Carrée, le 18. Le 14 30.302, en juin 1922. Donc le 5 avril 1922, le vica- les cruelles épreuves d'un passé lointain et avril il partait pour Rome et ensuite l'Alsace. riat du Kivu, passé tout entier sous le mandat témoigner sa reconnaissance à celui qui l'avait Le 10 octobre fut son troisième départ pour belge, disparut de la nomenclature ecclésias- revêtu lui-même, en 1897, de la dignité épisco- le Nyanza, où il arriva au milieu de novembre. tique et fit place à deux nouvelles missions : pale. Le mwami Musinga et ses deux fils assis- Les communications étaient décidément plus le Ruanda au Nord, auquel était préposé le taient à la fête. Au dîner de famille qui suivit rapides qu'en 1887. R. P. Classe et le Burundi au Sud, qui aurait la messe solennelle, Mgr Classe lut une lettre Dans son passage à Rome, Mgr Hirth avait à sa tête le R. P. Gorju, missionnaire du Bu- de félicitation envoyée par le Préfet de la Pro- sans doute entretenu la Propagande du besoin ganda. Le R. P. Classe reçut l'onction épiscopale pagande, le cardinal van Rossum, et le Résident qu'il avait d'un auxiliaire. Le 17 décembre, à Anvers, des mains du cardinal Mercier. Le du Burundi, au nom du Gouverneur de la Pro- le R. P. Sweens, supérieur régional de l'Est 20 juillet 1922, il s'embarquait à Marseille et vince Orientale de l'État du Congo, empêché par africain allemand, était promu évêque titulaire arriva à Kabgayi, le 6 septembre. Le fils reçut la maladie, annonça au vénéré jubilaire qu'il de Gaf sa (Capsa) et nommé coadjuteur. Sacré les embrassements du père avec les derniers était nommé officier de l'Étoile africaine. Le le 20 janvier 1910 à Bois-le-Duc, Mgr Sweens signes d'un pouvoir abdiqué : la charge de 21.000 décret avait été signé par le roi Albert, le 6 arriva le 6 avril suivant à Kashozi. Il se mit chrétiens répartis en 12 stations, avec 35 Pères août à Coquilhatville, où sa Majesté se trouvait aussitôt ,à suppléer pour la visite des stations Blancs et 4 prêtres indigènes. Avec le nouveau de passage. le vénéré vicaire apostolique, qui, lui, continuait vicariat du Ruanda, les Banyarwanda avaient 1931. Fête de l'Épiphanie... La chapelle du à s'occuper activement de son séminaire. désormais leur patrie spirituelle bien à eux grand séminaire est transformée en chapelle coïncidant avec leur patrie temporelle. ardente... Dans les ténèbres, qui ont envahi le II n'avait pas cependant renoncé à voyager. Le 8 avril 1923 fut un grand jour pour Kab- sanctuaire, six cierges jettent une pâle lueur Le 9 juin 1910, il partait pour le Rwanda, où gayi. En ce dimanche, la cathédrale fut solennel- autour d'une bière, où Mgr Hirth dort son der- les stations se multipliaient et il y était encore lement bénite ! Malgré son âge et la fatigue — nier sommeil. Le matin même, tandis qu'il quand fut donné le 12 décembre 1912, le décret 37 ans de labeur, dont 34 d'épiscopat en Afri- vaquait à ses occupations ordinaires, le grand créant un nouveau vicariat, qui lui était confié, que — le vénéré Mgr Hirth a bien voulu accep- vieillard à barbe de patriarche qui faisait figure le vicariat du Kivu, formé du Rwanda pris sur ter de bénir l'église. Cet honneur revenait au de Mage d'Orient parmi sa famille noire, était le Nyanza méridional et le Burundi, détaché père bien-aimé, contemporain de Stanley, tombé sur la brèche, foudroyé par l'apoplexie, du vicariat de l'Unyanyembe. Mgr Hirth quitta au vaillant pionnier du Christ dans les dures à l'âge de 77 ans. sa résidence de Rubia et vint au Rwanda, où il luttes du début. Cette église, à Kabgayi surtout, se fixa provisoirement à Nyundo. au cœur de la province sacrée des Batutsi, Mgr Hirth fut enterré dans le chœur de la Après ce que nous avons dit du soin qu'avait n'était-elle pas comme le couronnement de son cathédrale de Kabgayi. Des obsèques très eu Mgr Hirth de doter le Buganda et le Nyanza œuvre de foi et d'énergie ? Le vénérable Pontife, solennelles lui furent faites avec les honneurs méridional d'une pépinière de prêtres indigènes, à la longue barbe blanche, voûté plus encore militaires, en présence du Résident du Rwanda, on ne sera pas étonné de lire que, dès l'année sous le poids des travaux que sous celui des du Mwami Musinga avec ses deux fils, des auto- 1913, il voulut procéder de même dans son nou- années, s'avance, bénissant l'édifice d'un geste rités de la capitale, des missionnaires et d'une veau vicariat du Kivu. Les enfants originaires large et majestueux, puis pénètre dans l'église foule innombrable d'indigènes. Une. pierre du Burundi, qui étaient élevés à Ushirombo, suivi du Résident et des Européens. L'église est tombale apposée au mur, au dessus du caveau, au séminaire fondé par Mgr Gerboin, et ceux du maintenant dédiée à la Vierge Immaculée. Pré- reproduit les armoiries expressives du grand Rwanda, qu'il avait lui-même appelés à Rubya, cédé de ses deux fils aînés, resplendissant de bro- pionnier : un cerf, se désaltérant à une source lui fournirent les premiers éléments de cette deries d'or fin, le mwami Musinga monte à sa jaillie de la prairie au pied d'une croix, avec institution. C'est avec une joie bien compréhen- place derrière le Résident, Mgr Hirth en chape la devise : Sitio, j'ai soif. sible que les 35 séminaristes du Rwanda quittè- et en mitre prend place au fauteuil disposé en Par une lettre du 23 janvier 1931, le Gouver- rent Rubya, pour s'installer à Kansi dans des face du trône. Mgr Classe officie pontificalement. nement belge tint « à rendre hommage à l'esprit bâtisses provisoires, qu'on avait baptisés du Un vibrant Te Deum, comme on n'en entendit » de sacrifice de ce noble vieillard, qui pendant nom de séminaire Saint-Léon. Rubya était si jamais au Rwanda, termine l'office. » plus de quarante années de sa vie se consacra loin du Rwanda, les gens et les habitudes si Depuis le retour de Mgr Classe comme vi- » au relèvement des populations indigènes ». différentes de celles de la patrie ! Les 18 grands caire apostolique du Rwanda, le défricheur Bibliographie : Missions d'A frique des Pères blancs, Paris, Mgr Hirth, Notes biographiques, 1889, p. 658. — Les événements de l'Uganda, 1891, p. 56, 195. — La situation à l'Uganda, 1892, p. 19, 358. — Lettres de Rubaga, 1892, p. 409, 413. — L'enquête du capi- taine Macdonald, 1893, p. 129, 145. — État de la Mission au Nyanza, 1894, p. 315, 369. — La guerre de l'Unyoro, 1894, p. 341. — Rapports sur laMission du Nyanza, 1898, p. 466. — Voyage au Ruanda, 1900, p. 771. — Le Vicariat du Kivu, Mission et séminaire, 1914, p. 314.

10 décembre 1955. [A. E.] P. M. Vanneste.

P. Stintizi, Mgr Hirth, ein Elsassicher Missions- bischof, Ed. Alsatia, Mulhouse, 1913, — Fr. Rein- heimer, Elsassische Bischofe, Gesammelte Biographien, Oberginigen (Lothr.), 1914. — Bischof Hirth, Ein Gedenkblaat zu seinem silberen Bischofs-jubilaum, Afr.ika-Bote, Weisse Vater, Trier, 1928, S. 145 seq. — Goldenes Priesterjubilaum des Bischofs Johann Josef Hirth, Afrika-Bote, 1928, S. 334 ; 1929, S. 3. — Qua- rante ans en Afrique équatoriale, Missions d'Afrique des Pères Blancs, Anvers, 1928, p. 289. Afrika-Bote, Weisse Vater, Trier, U. L. Frau von Kamoga, 1897, S. 69 ; 1898, S. 23, 54. — Bau unserer Kirche in Kamoga, 1899, S. 123. — Apostolische Reise in Ruanda, 1900, S. 218, 279. — Erfreuliches und Intéressantes, 1903, S. 200. — Apostolische Rundreise, 1906, S. 256.