Coup Franc. André Goerig : FC Mulhouse, Les Années 80
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Pierre MENES COUP FRANC André Goeriq FC Mulhouse: les années 80 AG COMMUNICATION © AG COMMUNICATION - 1990 ISBN: 2.9504566.0.X. Au revoir... Vendredi 8 septembre, mon avocat, Maître Wetterer, me dit que le moment est idéal pour mon retrait. D'un seul coup tout va aller très vite dans ma tête. Oh, je n'étais pas surpris. Comme je l'ai déjà dit, depuis le dépôt de bilan, il était clair dans mon esprit que je n'avais plus rien à faire au sein de la nouvelle struc- ture du F.C.M. J'étais décidé à annoncer mon retrait à la trêve hivernale. En me demandant subitement de partir, mon avocat m'a en fait rendu un grand ser- vice. Il m'a empêché de trop réfléchir, de trop me souvenir, d'avoir des regrets. Ce vendredi, nous avons donc décidé de porter plainte contre Laïd Samari, un journaliste de «L'Est Républicain» qui avait écrit un article totalement diffama- toire à mon sujet, me traitant notamment de «futur coupable». Ce papier «venu d'ailleurs» m'a dans un premier temps suffoqué avant de m'agacer prodigieuse- ment. Pourquoi un journaliste de «L'Est Républicain» était-il venu à Mulhouse dans le seul souci de torpiller mon travail? Qui l'avait commandité? Il fallait ouvrir une enquête et pour cela porter plainte. Pour que cette affaire soit suivie de manière saine, il convenait que je me retire de la structure. Je pris la décision le lendemain. J'étais très grippé, fiévreux, et le F.C.M. jouait à Sochaux. J'étais en plus très profondément peiné par le décès de mon ami Charles Steiner. Trop malade, je n'avais pu assister à ses obsèques la veille. Malgré cela, je reçus rapidement quelques journalistes afin de leur expliquer ma position. J'insistais bien pour que le mot «démission» n'apparaisse pas dans les différents papiers. Il s'agissait très officiellement d'un retrait. Le mot «démission» aurait provoqué une campagne de presse qui aurait alors nui à la sérénité de l'équipe. L'équipe devait justement disputer ce soir-là un match particulièrement difficile à Sochaux. Dans mon état, il m'était absolument impossible de faire le court dépla- cement du Stade Bonal. J'ai donc dicté une lettre à Dany Bourgeois, que Didier Notheaux leur lirait à la fin de la rencontre. Dans le même temps, j'envoyais un courrier très officiel à Jean-Marie Bockel pour lui annoncer ma prise de position. Tout était en place, je n'étais plus le Président du F.C. Mulhouse. Ce soir-là, le F.C.M. fit un excellent résultat au Stade Bonal. Je sais que l'annonce de mon départ ternit quelque peu ce point subtilisé chez un Européen. Je ne dis pas cela par forfanterie, mais les joueurs m'ont tous témoigné tant de sympa- thie par la suite que je sais que mon départ les a réellement attristés. Et c'est bien cela ma récompense. A partir de ce samedi 9 septembre je suis donc devenu le premier supporter du F.C. Mulhouse. Je me suis installé dans ma loge, à quelques mètres de la tri- bune présidentielle où il n'était plus question que je prenne place. Je sais que beaucoup de gens se posent plein de questions quant à mon atti- tude vis à vis du F.C.M. Soyons clair, je ne ferai jamais rien contre ce club. Parce que les joueurs qui composent cette équipe sont mes joueurs. Ceux que j'ai choi- sis. Ceux avec qui j'ai retrouvé la première division. Parce que Didier Notheaux est mon ami. Lorsque je les vois jouer, comment pourrais-je avoir une autre envie que celle de les voir gagner? Depuis plusieurs mois je suis donc l'évolution du F.C.M. en première division. Parcours difficile, comme prévu, mais parcours plein d'espoir, comme prévu également. Sans faire de folies, avec le budget - ridiculement bas pour la pre- mière division - que j'avais établi, avec les joueurs que j'avais choisis, en accord avec Didier Notheaux. Mais je souhaitais donner toutes les garanties à notre équipe et ai donc proposé à Didier d'adjoindre à Eddy Krncevic un attaquant droit capable de lui fournir les centres aériens indispensables à sa grande carrure et à son adresse de joueur de tête qui lui ont permis de marquer à 37 reprises (!) la saison passée, et ce en matches officiels pour le compte du R.S.C. Anderlecht. Mon choix, aussi bien technique que de gestionnaire averti, s'arrêta sur Carmelo Micciche, le Messin fantasque que le président Molinari nous proposait pour 0 franc d'investisse- ment la première saison... Hélas, les nouveaux chefs du F.C.M. refusèrent ma suggestion, ce qui ne les a pas empêchés, plus tard, de recruter un nouveau gardien, Philippe Sence (à la demande de Didier Notheaux, il est vrai), puis Manni Kaltz, l'exceptionnel arrière ouest-allemand de 37 ans qui faisait banquette à Bor- deaux et que le nouveau président Guillou fit venir au F.C.M... Notre début de saison fut très honorable, surtout à domicile où nous avons réussi rapidement quelques performances de choix avec notamment une fracassante victoire sur Toulon (4-0). J'aimais tant ces quatre vingt dix minutes de match où j'oubliais, durant un moment, les soucis, les comptes et les mécomptes, les mes- quineries et les incohérences. Assis sur le banc de touche, je me sentais à nou- veau totalement pris par ma passion du football. Pour ce retour en première divi- sion, ce furent mes seuls moments de plaisir. J'espérais en avoir tant d'autres... J'ai donc vécu mon premier match en tant que spectateur au Stade de l'Ill le 16 septembre. Ce soir-là, comme par un curieux hasard, le F.C.M. recevait Brest. Le souvenir de notre merveilleuse bagarre face au club breton pour la montée en première division était encore si frais! Et pourtant, il s'agissait déjà d'un sou- venir. Pire même, c'était d'ores et déjà du passé. Comme une époque révolue de ma vie. Beaucoup de gens ont pensé que mon retrait n'était que provisoire, que j'avais tenté, huit jours plus tôt, une sorte d'ultime manœuvre pour essayer de frapper l'opinion publique. Ces gens-là se trompaient. Dans mon esprit, et je l'ai déjà dit, j'ai cessé d'être Président de la S.A.E.M.S. du F.C. Mulhouse le jour sinistre du dépôt de bilan. Par la suite, je suis resté au club pour que l'équipe démarre cette difficile saison dans des conditions à peu près acceptables. Je voulais qu'un joueur comme Eddy Krncevic ne se sente pas comme abandonné dans un club décimé. Lui qui arrivait tout droit d'Anderlecht, un des grands d'Eu- rope, lui qui était prêt à porter le maillot mulhousien même en seconde division. Et puis il y avait tous les autres garçons. Je ne pouvais pas les laisser seuls. Pas au début. Il fallait lancer la saison. Au soir de F.C.M.-Brest, elle était lancée. Ce soir-là, on ne retrouva jamais l'énorme tension du choc qui avait opposé les deux équipes un soir humide de mars. Ce soir-là, devant les caméras de Canal +, ce F.C.M.-Brest était un choc de leaders de seconde division. A l'étage supé- rieur, cette rencontre ne contenait pas la même dose de tension, la même impor- tance capitale. Pourtant, le F.C.M. gagna aisément cette rencontre 2-0. J'avais, pour ma part, pris ma nouvelle position stratégique dans mes places réservées du «Club des 100». On essaya bien de m'installer en tribune d'honneur mais je n'avais plus rien à y faire et surtout pas à cautionner des agissements que je réprouvais par ma présence béate au beau milieu des nouveaux «dirigeants» du F.C.M. Après la rencontre, je fis rapidement un tour dans la tente du «Club des 100» pour saluer les joueurs. Il m'était devenu impossible d'aller les saluer dans les vestiaires. Je n'avais plus rien à y faire. Quinze jours plus tard, le F.C.M. recevait Cannes. Encore des souvenirs avec notre merveilleux match retour de Coupe de France face aux mêmes azuréens. Mulhouse, à ma grande joie, l'emporta à nouveau. Encore un rapide tour sous la tente, où je me sentais de moins en moins à l'aise et de plus en plus inutile, et je filais. J'eus seulement le temps d'entendre un joueur me dire à l'oreille: «C'est aussi pour vous qu'on se bat, Président!». Cette phrase me toucha énor- mément. Mais il est inutile de vous révéler le nom de ce joueur. Je ne voudrais pas que cela lui nuise aujourd'hui. Depuis, les résultats sont de moins en moins convaincants, et même l'arrivée d'un nouveau président, Jean-Marc Guillou - présenté par le maire comme un gestionnaire avisé - n'a rien changé quant au fond! Il est vrai que Jean-Marc, mon ex-entraîneur de l'époque de la montée en D1, puis de la descente, n'a, semble-t-il, qu'un pouvoir restreint et surtout pas le cha- risme et la générosité nécessaires pour animer et dynamiser les quelque 300 joueurs et dirigeants qui composent le F.C.M. Section Football. Et c'est bien là ma crainte de voir 10 années d'efforts, de sacrifices et de compétences réduites à néant. Il ne fait aucun doute que notre équipe - lorsque paraîtront ces lignes - sera en danger, tout au moins sur le plan sportif.