Marcel Landowski
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OUVRAGES DE MARCEL LANDOWSKI Honegger (Éditions du Seuil, 1957) Les Instruments de l'orchestre (Éditions « Que sais-je ? », 1951, 1960) Batailles pour la musique (Éditions du Seuil, 1979) La musique n'adoucit pas les mœurs (Éditions Belfond, 1990) OUVRAGES D'ANTOINE LIVIO Étoiles et ballerines (Éditions du Panorama/Vilo, 1965) Béjart (Éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1969) Préface et compléments pour l'édition française du Dictionnaire du ballet de Mario Pasi (Éditions Denoël, 1981) L'Œuvre lyrique de Richard Wagner (Éditions du Chemin-Vert, 1983) Préface, notes et appareil critique de La Dame aux camélias (Livre de Poche classique, 1983) Notes et appareil critique de Don Giovanni (Livre de Poche classique, 1986) Préface, traduction, notes et appareil critique de Falstaff (Livre de Poche classique, 1987) Tania Bari (Éditions Le Cri, Bruxelles, 1998) MARCEL LANDOWSKI ANTOINE LIVIO Collection CONVERSATIONS AVEC... dirigée par Cynthia Liebow © 1998, by Éditions Denoël 9, rue du Cherche-Midi, 75006 Paris ISBN 2.207.24369.9 B 24369.8 Lettre à Marcel Landowski Monsieur le Chancelier de l'Institut de France, Si je ne suis pas surpris que vous ayez accepté ce jeu du dialogue — après tout, ce n'est pas la première fois que vous vous y livrez — je suis en tout cas honoré que vous m'ayez choisi comme interlocuteur. Car cette fois le propos est plus vaste, puisqu'il s'agissait au départ des « Grands Entretiens de France-Musique », que nous allons poursuivre, étendre, approfondir en vue du présent livre. L'histoire de la musique en France, périodiquement, se résume à la lutte de deux clans. Il y eut la querelle des bouffons. Il y eut celle des gluckistes et des piccin- nistes. Aujourd'hui il y a vous contre certains autres... Je sais que vous refusez cette réduction à deux clans et pensez que c'est beaucoup plus banalement un conflit politique de pouvoir. Cependant il y a au départ un jeune homme en colère des années 50-60 contre un grand commis de l'État... alors en herbe, mais qui est compositeur, à moins que ce ne soit le compositeur qui soit en passe de devenir grand commis de l'État. Mais cette opposition se présente également comme la lutte du sérialisme contre la tonalité ou la pluritonalité. En fait, situer l'opposition à ce niveau me paraît plus exact, car si les mélomanes, les hommes de musique et la presse musicale même, dont on eût été en droit d'attendre plus d'objectivité, se sont vus, un jour ou l'autre, enfermés dans tel clan, nul esprit de bonne foi ne peut refuser les qualités indéniables de Pierre Boulez comme un des plus éminents chefs d'orchestre d'aujourd'hui, ni de Marcel Landowski comme grand réorganisateur de la Musique en France. Nous fûmes quelques-uns à avoir tenté de suivre la règle de l'objectivité sur tous les plans - selon l'exemple de Francis Poulenc -, à refuser l'obédience, voire la soumission aveugle, sourde serait plus juste. Et vous acceptez donc de poursuivre ce jeu du dia- logue, et de scruter le passé, en toute objectivité. Vous venez de célébrer votre quatre-vingt-unième anniver- saire, c'est à dessein que je mentionne ce chiffre, car il conditionne nos propos. Vous avez derrière vous une longue existence, riche en péripéties diverses, en œuvres tout aussi diverses, alors que l'histoire de l'humanité nous apprend que les années qu'il nous reste à vivre ensemble seront moins importantes en nombre. En novembre 1984 paraissait un triple numéro de cette Revue musicale, fondée en 1920 par Henry Pru- nières et dirigée avec tant de passion par Albert Richard. Ces deux hommes nous ont quittés, nous les avons trop vite oubliés, mais heureusement demeure cette collection inappréciable de La Revue musicale, qui donc vous consacrait un triple numéro (372-3-4), sous le titre choisi par Pierre Ancelin : « Marcel Landowski, musicien de l'espérance. » Certes, les mots espoir, espé- rance... se retrouvent souvent sous votre plume : le premier des Quatre Préludes pour l'Opéra des Bastilles se nomme L'Espoir, l'oratorio pour les X Choralies de Vaison-la-Romaine est Le Pont de l'espérance... Un jour, il faudra bien que je vous demande ce que vous espérez encore! Salzbourg, le 15 août 1997 Antoine Livio Réponse à Antoine Livio Mon cher Antoine, si nous allons regarder en arrière, c'est d'abord pour mieux espérer en l'avenir. Pour essayer de dire, malgré tous les cabossages de la route, comment, hier comme demain, il faut tenter d'être fidèle au tracé de cette voie qui, inévitablement, s'enfonce dans le mystère. Le mystère de notre condition humaine tout au long de cette route, parcourue cahin-caha, parfois avec trop d'orgueil, parfois trop d'humilité. Dans mon opéra La Vieille Maison, mon héros, l'enfant Marc agressé par des adultes cupides et fourbes, se demande à lui-même, alors qu'il se trouve seul un instant : Est-ce très long, la vie ? Et de loin, la fée Mélusine lui répond : As-tu préparé dans ton cœur une place pour le bonheur ? C'est la tragique et heureuse Marie Noël qui interroge ainsi son destin, dans un de ses poèmes d'amour, pour elle, introuvé... Et je regarde et j'écoute en moi les étapes d'hier, d'aujourd'hui et celles que j'espère encore pour demain. À quinze ans, à quarante ans, beaucoup plus tard même, demain est toujours la vision et l'espérance d'autre chose, même si l'on a eu la chance d'avoir une vie heu- reuse. Chacun de mes opéras l'a ponctuée de questions qui, au fil des ans, m'ont paru de plus en plus essentielles. Pourquoi faut-il que le visage de Dieu prenne si souvent le visage de la mort? (Zoé Oldenbourg), s'interroge Jordane de Montaure, avant de monter sur le bûcher de Montségur. Quelques années auparavant, mon savant Peter Bel, peut-être hélas prophète, dit sa cer- titude que si rien ne change... ... la science adulte va dévorer l'esprit resté enfant! Et en remontant les années, et mes ouvrages lyriques, je revois Nils Halerius qui, après avoir réussi à rire sa mort avec ses disciples, perdu dans ce que j'imaginais être l'infini, chante abandonné : Ô temps, père des hommes, amifidèle de ceux qui passent... Jusqu'à la Galina d'aujourd'hui, qui s'épouvante de ce que dans un régime totalitaire : Celui qui n'est pas avec moi est contre moi! Comme quoi une parole du Christ peut devenir, dans certaines bouches, creuset diabolique de tous les crimes. Au fil des années, comme chacun d'entre nous, j'ai ren- contré l'amitié, l'indifférence, l'amour, des sentiments contradictoires, extérieurs et intérieurs, des trésors de ten- dresse, mais aussi un beau jour, au milieu d'une vie heu- reuse, parfois dure, la vague noire de la haine, celle-ci emportée, puis effacée par mon amour de la musique et la confiance de tant d'âmes honnêtes et simples. Ainsi se déroule une vie. La mienne - j'ai eu cette chance -, conduite sans trop de détours par mon besoin incoercible d'écrire des notes (telle une drogue pure ?) sur des portées. Paris, le 16 janvier 1998 Marcel Landowski 1 L'espérance Marcel Landowski, vous souvenez-vous à quel moment et pourquoi vous avez décidé de devenir compositeur? Sans doute est-ce parce que dès l'enfance, avais-je six ans, sept ans ? je pressentais qu'à travers la musique - ce langage immense et sans parole que j'aimais déjà - exis- tait pour moi une espérance inconnue. C'est pourquoi je ne peux répondre tout à fait honnêtement et clairement à votre question, après soixante-seize ans! Je me la suis souvent posée. Quand on est enfant, on vit parfois sans le savoir des moments clés, même très jeune. Moments de lumière, alternant souvent avec des moments d'ombre. Aussi suis-je certain que cette décision profonde, je l'ai prise alors que je venais d'avoir sept ans. C'était lors d'un concert de fin d'année de l'école Marguerite Long. J'étais sur le podium de cette Salle Erard - qui hélas n'existe plus! - et, dans la salle, il y avait mes camarades, nos parents. Il y avait surtout Marguerite Long, la terrible Marguerite... et je jouais une page de l'opus 68 de Schu- mann, L'Album pour la jeunesse, Erster Verlust, que nous appelions « Premier chagrin ». Marguerite Long laissa tomber un : « Comme il est doué ce petit ! » Tout en jouant mon morceau, j'entendais ces paroles extrêmement flatteuses. C'était pour moi un conte de fées. Je me suis dit, ce jour-là : « Je serai compositeur! » Non pas « Je serai pianiste », ce qui eût été compréhen- sible, mais « Je serai compositeur ». Je m'en souviens par- faitement. Et cette certitude n'a jamais varié. Si... le seul moment où il m'est arrivé d'avoir comme une hésitation, ce fut à l'heure de l'adolescence, je devais avoir quinze, seize ans, et — j'ignore pourquoi — je me suis mis à penser un jour que si je ne devenais pas compositeur, je pourrais être conseiller d'État! C'est infiniment cocasse, puisque le hasard de la vie a fait que, pendant dix ans, je me suis trouvé à un poste qu'occupent souvent des membres du Conseil d'État. Mais en réalité, j'ai toujours voulu être compositeur et je le suis devenu. J'ai eu cette chance, car je vois beaucoup d'adolescents qui ne savent pas très bien ce qu'ils sou- haitent devenir.