JEAN EUSTACHE RÉTROSPECTIVE 3-27 MAI

Mes Petites Amoureuses

80 vieil amour merdique amour et laPutain, Alexandre àson« vieil dans une posture dedandy oùl’argent estàlafoisune obsession etunobjet de qui « bleus, DucôtédeRobinson) oudeMes Petites Amoureuses. Alexandre, pour personnages masculins desMauvaises fréquentations (Le Père Noëlales yeux lesontles tionnés, déterminésparlesconditionsmatérielles comme sinon geois, c’est-à-dire issudelabourgeoisie. non Ildépeintdesindividuscondi Eustache, àl’imagedeMauricePialat,se revendique commecinéastenon-bour MATÉRIALISME ROMANTIQUE que sonœuvre réactualise completetdévorant. l’impératifrimbaldiend’unart dont lesfidèles restent les plusfervents degénérationengénération, c’est parce Si, detouslescinéastesculte,Eustacheapparaîtcommeleplusconnuetcelui entre entre lepersonneletl’impersonnel,surtout, lagaîtéetmélancolie. laire etuncinémaintellectuel,entre ledocumentaire voilé etlafictionimpure, de lajeunesseàl’âge adulte.C’est larecherche d’unéquilibre entre popu unart du passage « Le cinémad’Eustacheest,commeAlexandre leditdeceluiMurnau,uncinéma conformequiveut ». peut, s’y donne lesenjeuxdans corporel oùlasexualité estomniprésente. Quant auplaisir, Jean-NoëlPicqen drague, séduction:Eustachefaitducinémauneherméneutiquelangage et Godard. Apprentissage, désir, observation, voyeurisme, ivresse, maladresse, redonnant aucinémaladimensionformatricequerevendiquaient déjàTruffaut àapprendreça sert àfaire àvivre, unlit çasert d’« L’indéniable arrière-plan autobiographiquedececinémaqueDaney qualifiait (Caven, Lafont,Léaud, Lebrun, Lonsdale, Pialat,Weingarten). ainsiqu’avecBonfanti, Lhomme), lesacteursemblématiquesdesonépoque parisienne (Picq,Schuhl) ; ilacollaboré avec degrandstechniciens(Almendros, des Glorieuses.moins devingtans, Eustacheadirigédouzefilmsen côtoyant labande qui sepencheraitsurlesmisères affectives etmatériellesdelafindes Trente l’humour, l’absurde etl’art delaconversation auregard d’unentomologiste sonœuvresa mort, offre encore un nuancierdudésespoircontemporain,alliant plus flamboyant symptôme, àlasociétédesonépoque. Trente-cinq ansaprès d’undésenchantementdontilaétéle ment quelanceJeanEustache,porteur qu’elleannonce d’un mariage de faitlechoix raison. Tel est aussi l’avertisse « rien net’ycontraignant,sois-lepartonart. » « Tu sans complaisancesurl’après-68 caractérisentsoncinéma. delacruautéetparoleUn art désirante,uneprécision dutrait,unregard a élaboré l’unedesœuvres lesplussurprenantes del’après Nouvelle Vague. les yeux bleus, Le oulongsmétragesdontlesPèreEn quelquesfilms,mythiques courts Noëla AUX YEUX BLEUS FUNAMBULE Vous Tel » bâtissez surdupourri ! estl’anathème quelance,dans impitoyablement personnel , les cinéastes de la Nouvelle Vague, les dandys de la vie ne sauraisêtre malheureux parlamaladie,faim,prison, ne pasavoir d’argent n’est pasuneraison pourmalmanger de lavilleàcampagne,dujournuit », maisaussidu passage La Mamanetla Putain, Le Jardin des délices de Jérôme Bosch : « Y arrive qui « Y Le Jardin des délices deJérôme Bosch : » a toutefois une vocation exemplaire : « , Jean Eustache Mes Petites Amoureuses », encore annonce Alexandre, Jean Genet,Jean », lorsqu’elle Gilberte, lui Le Funambule Le », s’affirme La Maman Les films, - - - - Mes Petites Amoureuses La Rosière dePessac 1979 La MamanetlaPutain 81

PROGRAMMATION JEAN EUSTACHE Jean Eustache sur le tournage de La Maman et la Putain mépris. À défaut de séduire les femmes avec l’argent, le héros eustachien doit charmer et parfois, même, travailler. Soucieux du paraître, il a bel air, porte de beaux costumes, et revendique le droit de ne pas s’avilir – ainsi que celui « de se contredire, et de s’en aller ». Eustache hérite de l’art de la voltige orale, exigeant de ses acteurs le respect scrupuleux de longues tirades, avec de nombreux mots d’esprit qui donnent une ampleur esthétique aux échanges mondains (Une sale histoire) ou intimes (La Maman et la Putain). Ce cinéma repose sur la dimension hédoniste et vitale, parfois désespérée, dont jouit la parole. LE TEMPS PERDU Il existe un versant hybride de l’œuvre d’Eustache, issue de l’observation crue. Le Cochon (cosigné avec Jean-Michel Barjol) est, d’après lui, un film « sur l’âme » ; ces courts et moyens métrages témoignent dans leur ensemble de l’attention constante que le cinéaste porte aux êtres (Odette Robert, la grand-mère girondine, dans Numéro zéro), et à différents rituels collectifs (les deux Rosière de Pessac). Il s’agit, dans un élan de vigilance proprement désirante, de thésauriser pour ne pas oublier, de regarder et nommer le geste même du regard. Une sale histoire, Le Jardin des délices de Jérôme Bosch et Les Photos d’Alix rendent à la fois pro- blématique et fascinant le rapport entre l’image et le langage, entre la preuve et le sentiment, entre la réalité et le jeu des acteurs, entre le savoir et le souvenir. Dans Les Photos d’Alix, la narratrice affirme que les« seules vraies photographies sont les photographies d’enfance ». Arts de la souvenance et de la prégnance des choses, le cinéma et la photographie permettent, en reconstituant le passé, de restituer le souvenir. Eustache, comme Alix Cléo Roubaud, bâtit avec les images un palais de mémoire intime. De ce point de vue, les seuls longs métrages qu’Eus- tache a dirigés, Mes Petites Amoureuses et La Maman et la Putain, sont deux grandes œuvres hantées par la perte. Dans ces films, seule la musique possède le pouvoir de faire revivre les époques qui se rattachent à une idée du bonheur : la musique populaire (Trenet, Fréhel, Piaf) est la force capable d’arranger un monde devenu dissonant. Le temps passe et ne traverse pas ces figures porteuses d’intranquillité : l’ado- À LA BIBLIOTHÈQUE lescent qui rêve de continuer ses études, le dandy qui se propose de tomber Consultez à la bibliothèque amoureux de la première femme qu’il rencontre. Lucides sans amertume, sujets les revues de presse aux intermittences du cœur comme chacun, ils résistent, avec la fausse légèreté numérisées des films La Maman et la Putain du désespoir, à toute forme d’hypocrisie. Eustache accorde sa voix la plus pro- (1972), Mes Petites fonde, indicible, faite de son enfance et de son histoire, aux moyens du cinéma. Amoureuses (1974), Ce cinéma n’est pas celui d’une subversion culturelle, mais oblige le spectateur à Une sale histoire (1977)… Accès libre sur présentation se dresser contre les convenances, contre le supportable. Chaque film arpente et d’un billet de projection épuise cette région désespérée et éclatante où opère l’artiste, dernier des funam- ou d’exposition. bules, obligeant le spectateur à penser contre soi.

GABRIELA TRUJILLO

82 Le Cochon Du côté de Robinson Le Père Noël a les yeux bleus

LE COCHON DU CÔTÉ DE ROBINSON LA MAMAN ET LA PUTAIN DE JEAN EUSTACHE ET JEAN- DE JEAN EUSTACHE DE JEAN EUSTACHE MICHEL BARJOL FRANCE/1963/42’/35MM FRANCE/1972/215’/35MM FRANCE/1970/53’/16MM AVEC DOMINIQUE JAYR, ARISTIDE, AVEC JEAN-PIERRE LÉAUD, BERNADETTE Dans une ferme des Cévennes, DANIEL BART, JEAN EUSTACHE. LAFONT, FRANÇOISE LEBRUN. Jean-Michel Barjol et Jean Deux jeunes dragueurs Alexandre, qui vit avec Eustache filment l’abattage désœuvrés errent un dimanche Marie, rencontre une autre d’un porc, de sa mise à mort à dans le quartier de Clichy. jeune femme, Véronika. la préparation de la viande. Ils rencontrent une jeune sa 06 mai 14h30 A di 07 mai 19h30 B fille désireuse de danser. Séance présentée par Françoise Lebrun di 14 mai 21h30 B Le trio finit au Robinson, un sa 13 mai 15h00 A di 21 mai 19h30 B dancing à Montmartre. Séance présentée par Luc Suivi de Béraud suivie d’une signature LE PÈRE NOËL à la Librairie (Voir P.112) A LES YEUX BLEUS sa 20 mai 19h30 A DE JEAN EUSTACHE Séance présentée par JEAN EUSTACHE PROGRAMMATION FRANCE/1966/47’/35MM Isabelle Weingarten AVEC JEAN-PIERRE LÉAUD, GÉRARD ZIMMERMANN, HENRI MARTINEZ. À Narbonne, pendant les fêtes de fin d’année, Daniel qui veut s’acheter un duffle-coat, sur lequel il mise pour séduire les filles, se déguise en Père Noël pour un photographe de rue. je 04 mai 21h30 A Voir aussi Conférence p.85 di 07 mai 14h30 A me 10 mai 21h30 B

La Maman et la putain

83 JEAN EUSTACHE LES FILMS

La Rosière de Pessac 1979

MES PETITES AMOUREUSES LA ROSIÈRE DE PESSAC OFFRE D’EMPLOI DE JEAN EUSTACHE DE JEAN EUSTACHE DE JEAN EUSTACHE FRANCE/1974/123’/35MM FRANCE/1968/55’/16MM FRANCE/1980/19’/VIDÉO AVEC MARTIN LOEB, INGRID CAVEN, Reportage sur une tradition en AVEC BORIS EUSTACHE, MICHEL JACQUELINE DUFRANNE, MAURICE voie d’extinction : l’élection d’une DELAHAYE, PIALAT, DIONYS MASCOLO. rosière dans un petit village de Un homme cherche un emploi, Un adolescent élevé par sa grand- Gironde au début du mois de juin ignorant les méthodes de mère à la campagne doit quitter 1968, qui distingue une jeune recrutement des employeurs. cette dernière pour rejoindre Commande de l’INA sur le fille méritante et vertueuse. monde du travail, qu’Eustache sa mère qui vit à Narbonne. Avec les habitants de Pessac. A s’emploie à détourner. me 03 mai 20h00 ve 05 mai 21h30 B Ouverture de la rétrospective Suivi de sa 13 mai 21h30 A me 10 mai 17h00 A LES PHOTOS D’ALIX me 24 mai 20h30 B je 18 mai 19h00 A DE JEAN EUSTACHE Séance suivie d’un FRANCE/1980/18’/35MM Dialogue avec UNE SALE HISTOIRE Alix Cléo Roubaud, photographe, Luc Béraud DE JEAN EUSTACHE commente des images qu’elle Voir aussi p.85 FRANCE/1977/50’/35MM D’APRÈS UNE HISTOIRE ORIGINALE a prises. Son commentaire se brouille peu à peu. NUMÉRO ZÉRO DE JEAN-NOËL PICQ. AVEC MICHAEL LONSDALE, LAURA di 07 mai 21h15 B DE JEAN EUSTACHE FANNING, ELISABETH LANCHENER, di 14 mai 19h30 B FRANCE/1971/107’/35MM FRANÇOISE LEBRUN, VIRGINIE THÉVENET. B AVEC BORIS EUSTACHE, JEAN EUSTACHE. je 25 mai 21h00 Lors d’une soirée, un homme Jean Eustache filme sa grand- raconte à des amis comment, mère Odette Robert qui, en AUTOUR DE dans un café parisien, il retour, l’interroge, faisant est devenu voyeur. JEAN EUSTACHE du film un autoportrait, un Ce récit est en deux parties, document sur les origines d’abord joué par des acteurs, puis populaires du cinéaste. avec son protagoniste réel. LE TEMPS DES AMOUREUSES Sous réserve sa 06 mai 19h30 A DE HENRI FRANÇOIS IMBERT sa 06 mai 21h00 A je 11 mai 19h00 A FRANCE/2008/83’/35MM je 11 mai 21h00 A A AVEC HILAIRE ARASA, JEAN-LOUIS me 17 mai 19h30 DAHMANI, AISSA IHAMOUINE. di 21 mai 21h00 B Dans le cadre du Ciné-club Un cinéaste rencontre à Jean Douchet (Voir P.97) LA ROSIÈRE DE PESSAC 1979 je 25 mai 19h30 B Narbonne un acteur du film DE JEAN EUSTACHE ET FRANÇOISE LEBRUN Mes Petites Amoureuses de FRANCE/1979/67’/16MM Jean Eustache. Ensemble, ils Tourné au même endroit, COURTS-MÉTRAGES décident de retrouver la bande dix ans plus tard. de copains qu’Eustache avait « Je voudrais que les deux films LE JARDIN DES DÉLICES filmée et de faire un nouveau soient montrés ensemble : DE JÉRÔME BOSCH film, trente ans plus tard. d’abord celui de 79, ensuite DE JEAN EUSTACHE me 10 mai 19h30 B celui de 68. Une façon de FRANCE/1979/30’/35MM ve 19 mai 20h00 C dire aux gens : si vous avez Épisode de l’émission TV Les Séance présentée envie de savoir comment ça Enthousiastes : un tableau par Henri François Imbert sa 27 mai 20h00 C se passait avant, restez, vous de Jérôme Bosch est raconté allez voir. » (Jean Eustache) par Jean-Noël Picq. ve 05 mai 19h30 B Suivi de sa 13 mai 19h30 A me 24 mai 19h00 B

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84 Mes Petites Amoureuses La Maman et la Putain Le Père Noël a les yeux bleus

CONFÉRENCE ET DIALOGUE

CONFÉRENCE : “ DE TRISTESSE, DE HONTE, COMME DE RAGE ” PAR PHILIPPE AZOURY

« Le cinéma, c’est le pied, si l’on peut dire ; il n’y a pas un film de Renoir, si tragique qu’il soit, où je ne prenne pas mon pied, même si je pleure tout le temps. » (Jean Eustache, Cahiers du cinéma, janvier 1978).

La honte sociale, la tristesse amoureuse, la rage silencieuse par-delà tout, le désespoir tout le temps même et aussi dans la plus grande joie, le soulagement au petit matin quand remonte une vielle chanson sur , inconsolée ? « Tout simplement comme une rose... ». Le cinéma d’Eustache a remis l’émotion, les larmes, au cœur de la modernité. Rendez-vous utile, passez-moi un mouchoir.

Philippe Azoury est journaliste et critique de cinéma. Il est aussi l’ de plusieurs monographies, sur Jim JEAN EUSTACHE PROGRAMMATION Jarmusch, Werner Schroeter, . Un essai inédit sur Jean Eustache paraîtra en avril 2017 aux éditions Capricci.

je 04 mai 19h00 A

À la suite de la conférence, à 21H30, projection de films choisis par le conférencier :Du côté de Robinson de Jean Eustache, Le Père Noël a les yeux bleus de Jean Eustache. Voir P.83.

Tarifs conférence : PT 4 €, TR 3 €, Libre pass accès libre. Possibilité billet couplé Conférence + séance : 8.5 € (au lieu de 10.5 €)

FILM + DIALOGUE AVEC LUC BÉRAUD

À la suite de la projection de Mes Petites Amoureuses de Jean Eustache (Voir P.84).

Réalisateur de cinéma (La Tortue sur le dos, Plein Sud) et de télévision, producteur et scénariste, Luc Béraud a été l’assistant-réalisateur de Claude Miller, Alain Robbe-Grillet, et Jean Eustache (La Maman et la Putain, Mes Petites Amoureuses, Une sale histoire). Dans son récit Au travail avec Eustache (making of), récemment paru chez Actes Sud, Luc Béraud décrit l’art du cinéaste et apporte un témoignage inédit sur la fabrication de films essentiels.

je 18 mai 19h00 A

Tarifs séance : PT 6.5 €, TR 5.5 €, Libre Pass accès libre.

L’Institut Lumière et Actes Sud présentent

AU TRAVAIL AVEC EUSTACHE (MAKING OF) Par Luc Béraud Série dirigée par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier. Cet ouvrage guide le lecteur au cœur du travail de Jean Eustache, en même temps qu’il témoigne de la passion de l’auteur pour le cinéma et ses métiers, alors même que sa rencontre avec Jean Eustache a marqué ses débuts dans ce milieu.

11.5 x 21.7 cm / 272 pages

REMERCIEMENTS : BORIS EUSTACHE, HENRI-FRANÇOIS IMBERT, ARCHIVES FRANÇAISES DU FILM, CINEMATECA PORTUGUESA, FORUM DES IMAGES, INA, TAMASA DISTRIBUTION

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