Leur Trace Dans Nos Mémoires
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leur trace dans nos mémoires T O M E 3 ô vous, frères humains l par les élèves de Seconde 5 et Seconde 10 Lycée Montesquieu Herblay leur trace dans nos mémoires T O M E 3 ô vous, frères humains l par les élèves de Seconde 5 et Seconde 10 sous la direction de Julien Coutant, professeur de lettres En couverture : dessin de Cassandra Lobo (2de 10). _______ année scolaire 2019-2020 © 2020, les auteurs. Reproduction interdite sans autorisation. Livre non destiné à la vente au grand public, réservé à l’usage exclusif des élèves et du personnel enseignant du Lycée Montesquieu (95 - Herblay) ayant contribué à son élaboration. Lycée Montesquieu Conception mise en page et impression artisanale réalisées en avril et mai 2020 Herblay dans l’atelier des Éditions Mazette (78 – Plaisir) www.editions-mazette.fr Sommaire « Il existe par exemple une distinction fondamentale entre l’antisémitisme Préface ............................................ 6 et les autres racismes. Ces derniers expriment généralement une haine de l’autre pour ce qu’il n’a pas : la même couleur de peau, les mêmes coutumes, CHAPITRE 1 - Coupable ! Alfred Dreyfus face à l’antisémitisme 9 les mêmes repères culturels ou la même langue Son «pas-comme-moi» apparait Introduction ........................... 11 au raciste comme un «moins-que-moi» ; il a tôt fait de le juger inabouti ou Dialogues ............................. 13 inférieur. […] Le Juif au contraire est souvent haï, non pour ce qu’il N’A Correspondances ....................... 51 PAS mais pour ce qu’il A. On ne l’accuse pas d’avoir moins que soi mais au contraire de posséder ce qui devrait nous revenir et qu’il a sans doute usurpé. Poèmes et articles ....................... 83 On lui reproche de détenir et d’accaparer le pouvoir, l’argent, les privilèges ou les honneurs qu’on nous refuse. » CHAPITRE 2 - Casablanca, Toulouse, Paris ............... 105 Delphine Horvilleur, Introduction ........................... 107 Réflexions sur la question antisémite Portfolio .............................. 109 Témoignages ........................... 115 Réflexions ............................. 161 Carnets de lecture ....................... 177 « Nour, ma pauvre Nour, aujourd’hui, nous sommes, toi comme moi, les victimes de la barbarie. Tu la connais par cœur, ma théorie de la barbarie, Poèmes et lipogrammes .................. 191 n’est-ce pas ? Nous en avons parlé si souvent, car tous les actes de terrorisme et Bande dessinée ......................... 205 la barbarie nazie te révulsaient. Tu ne pouvais pas comprendre que l’on puisse être un monstre, et tu avais bien du mal à accepter l’idée que le monstre ne CHAPITRE 3 - Travail de mémoire, devoir d’histoire ....... 223 soit pas radicalement un autre, une catégorie de gens à part, mais une partie Introduction ........................... 225 de nous-même que nous laissons s’exprimer ou non. » Portfolio .............................. 227 Réflexions ............................. 239 Rachid Benzine, Lettres à Nour Remerciements ..................................... 249 Index ............................................. 250 endeuillées. Des militaires, des enfants avaient été assassinés par un individu, égaré sur la voie du fanatisme. Je me souviens d’avoir suivi presque en direct, entre deux cours, l’assaut donné par le RAID pour mettre un terme à la folie meurtrière d’un homme, qui allait être imité par d’autres quelques années plus tard. Qu’on se souvienne des journées terrifiantes des 7, 8 et 9 janvier Préface 2015. Il y eut d’abord la rédaction de Charlie Hebdo qui fut décimée en une minute quarante-neuf secondes pour reprendre le titre du dernier ouvrage de Riss, puis le meurtre d’une policière à Montrouge et l’attentat à l’Hyper n septembre 2006, après deux années en classe préparatoire littéraire, Cacher de la porte de Vincennes. De nouveau, la République était meurtrie Eje suis entré à la Sorbonne pour y poursuivre mes études de lettres, dans sa chair. Et ce n’était qu’un début. Le 13 novembre 2015, un vendredi là même ou Hélène Berr, que je ne connaissais pas encore, avait étudié où la douceur de l’air avait conduit Parisiens et Parisiennes à profiter des l’anglais. Alors qu’elle avait rédigé un mémoire en 1942 sur « l’interprétation terrasses avant l’arrivée de l’hiver, des attaques glaçantes sidérèrent le pays de l’histoire romaine dans Shakespeare », j’ai de mon côté travaillé sur et le monde tout entier. Il y eut d’abord le Stade de France à Saint-Denis, « l’écriture de l’histoire dans Solal et Mangeclous d’Albert Cohen ». Grand puis les terrasses des cafés des Xe et XIe arrondissements et enfin, comble lecteur et admirateur de cet écrivain juif, suisse de langue française, je me suis de l’horreur, le Bataclan où les amoureux de rock américain étaient allés se passionné pour ce romancier qui a traversé le XXe siècle et qui en a connu divertir et danser au son des guitares des Eagles of Death Metal. Je me rappelle les grandes tragédies. Exilé à Londres dès 1940 auprès du Général de Gaulle, cette nuit blanche à avoir écouté les chaînes d’informations qui, heure par il a échappé à la Shoah, mais son œuvre en porte des traces, notamment son heure, égrenaient le nombre à peine croyable des victimes. 130 morts et grand roman Belle du Seigneur, auquel j’ai également consacré une étude des centaines de blessés. L’été 2016 fut lui aussi meurtrier avec l’assassinat en deuxième année de master. En 2008, j’étais étudiant Erasmus à la Freie d’un prêtre à Saint-Étienne du Rouvray en Normandie et l’attentat de Universität de Berlin où je faisais de la littérature comparée. J’avais choisi de Nice, lors du feu d’artifice du 14 juillet sur la Promenade des Anglais. La confronter l’œuvre de Cohen à un autre grand roman allemand, Les Années liste s’est encore allongée en 2017 et 2018, notamment avec l’attentat de de chien de Günter Grass, prix Nobel de littérature en 1999 et romancier Trèbes et le sacrifice héroïque d’Arnaud Beltrame. Les attaques, même si controversé dans son pays, notamment pour son engagement dans la elles sont moins marquantes par le nombre de victimes, se rappellent encore Waffen-SS à la fin de la guerre. Je travaillai alors autour de la thématique du à nous dans l’actualité et sont toujours revendiquées par l’État Islamique, bestiaire et l’étude de ces deux romans m’avait alors conduit à approfondir que nous avons découvert avec les bouleversements géopolitiques récents au leurs visions de l’Histoire du XXe siècle, leurs réflexions sur la mémoire et Moyen-Orient, notamment avec la guerre en Syrie. Ces conflits, pourtant la culpabilité allemande. Ainsi commença mon intérêt pour cette période lointains, nous ont touchés dans notre chair, et, comme tout citoyen, j’ai et les problématiques qui lui sont liées, et que je n’allais pas manquer de essayé de comprendre, d’analyser ces faits, pour pouvoir aussi répondre à transmettre à mes élèves dans les années à venir. mes questions et à celles de mes élèves. Comment oublier la matinée du lundi 16 novembre 2015 et les visages sidérés de mes collègues et des lycéens En septembre 2011, après l’obtention du concours, j’entrais alors dans que j’avais devant moi ? Trouver les mots justes, les bonnes explications fut l’Éducation Nationale et prenais mon premier poste au Lycée Michelet une véritable épreuve. de Vanves. Cette année, aussi particulière et mémorable que peut-être la première expérience de l’enseignement, le fut d’autant plus qu’elle fut Mes réflexions personnelles, mes lectures nombreuses me permirent marquée par le « Printemps arabe », le début de la guerre en Syrie et par d’y voir progressivement plus clair, de mieux comprendre ce monde en les premiers attentats terroristes que notre pays allait connaitre, hélas, de mouvement. Mais ce sont surtout les formations au Mémorial de la Shoah, très nombreuses fois encore. En effet, en mars 2012, les villes de Toulouse que j’ai pu suivre à partir de 2017, qui m’ont permis de trouver des réponses. et de Montauban furent touchées et des familles, juives et musulmanes, Bien sûr, beaucoup d’entre elles étaient centrées sur la destruction des Juifs _____ _____ 6 7 européens pendant la Seconde Guerre mondiale, mais comprendre les mécanismes idéologiques du nazisme donne des clés pour analyser d’autres processus contemporains qui reposent sur la haine de l’autre, son rejet qui pousse à l’éliminer sous le prétexte qu’il représenterait un danger dont il faut se défendre. Ces clés d’analyse, données par un formateur comme Iannis coupable ! Roder, professeur d’histoire-géographie à Saint-Denis (93), m’ont permis de consolider et préciser mes connaissances pour pouvoir les transmettre aux C H A P I T R E 1 élèves, notamment dans le cadre de projets pédagogiques d’envergure. Il est évident que le projet mené cette année pour les commémorations Alfred Dreyfus du 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau ne devait pas face à simplement conduire les élèves à découvrir l’ampleur du crime nazi et en arriver à la conclusion, pleine d’émotion : « Plus jamais ça ! » ; conclusion l’antisémitisme d’autant plus inutile et stérile que les crimes de masse se sont poursuivis dans la deuxième partie du siècle jusqu’à aujourd’hui. L’idée d’un tel projet était bien de comprendre ce que c’est que le « ça » et la vision du monde d’un bourreau, qu’il soit nazi ou terroriste de Daesh, qui y mène. Il s’agit bien d’analyser une idéologie pour percevoir ce qui pousse un Merah, un Coulibaly, un Kouachi à passer à l’acte. Comprendre cette logique semble en effet plus efficace que de s’en tenir à l’émotion. Ce long cheminement intellectuel, de mes années d’étude à ma formation constante, me conforte dans l’idée qu’il faut enseigner, expliquer, répéter maintes et maintes fois pour que les lycéens, la jeunesse d’aujourd’hui, les citoyens de demain comprennent et affrontent le monde dans lequel ils vivent.