Les Pièces De Théâtre Soumises À La Censure (1800-1830)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Les pièces de théâtre soumises à la censure (1800-1830) Inventaire analytique (F/18/581-F/18/668,F/21/966-F/21/995) Par O. Krakovitch Archives nationales (France) Pierrefitte-sur-Seine 1982 1 https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_003921 Cet instrument de recherche a été encodé en 2012 par l'entreprise Numen dans le cadre du chantier de dématérialisation des instruments de recherche des Archives Nationales sur la base d'une DTD conforme à la DTD EAD (encoded archival description) et créée par le service de dématérialisation des instruments de recherche des Archives Nationales 2 Archives nationales (France) Préface AVANT-PROPOS Le seul moyen de trouver dans les archives le matériau d'une recherche historique, c'est d'y chercher ce que l'histoire a pu conduire vers nos dépôts. Cette vérité, que connaissent bien tous les historiens des institutions et tous ceux qui cherchent dans la documentation archivistique un reflet des structures et des phénomènes sociaux, ne conditionne pas moins les recherches de qui se penche sur l'histoire des faits culturels, et plus spécialement de la création intellectuelle. La vie de l'esprit ne saurait figurer dans les archives publiques que dans la mesure où elle s'est rencontrée avec l'autorité publique et avec les rouages par lesquels s'exerce celle-ci. Écrire une pièce de théâtre n'engendre guère d'archives, cela va de soi, et ce n'est pas dans nos liasses austères qu'il faut chercher le premier produit de l'inspiration créatrice. La faire jouer, en revanche, c'est ouvrir un dossier. Pour peu que les pouvoirs publics s'entremettent d'organiser ou d'aider, voire de gêner, des archives naissent, qui garderont trace du devenir, immédiat ou lointain, de la création. C'est donc notre connaissance des infrastructures, mais aussi celle des heurs et des malheurs, celle des échecs et des succès, que nourrira la recherche dans un fonds tel que celui dont voici l'inventaire. Loin de moi l'idée de faire passer la censure pour l'une des formes de l'aide à la création. Peut-être ne faut-il pas dédaigner l'information que nous donnent les archives de la censure sur la diversité des formes prises par l'inspiration, sur les courants en lesquels s'exprime le besoin du public. A travers les ouvrages soumis à la censure, c'est une histoire du goût qui se laisse entrevoir. Faut-il rappeler l'information que donnent de telles archives sur les attitudes politiques ? Les réactions de l'autorité éclairent l'historien sur l'évolution des notions politiques qui sous-tendent l'existence même de la censure : une certaine idée de l'ordre public et de la morale, une certaine idée du droit de l'État. Je souhaite que l'inventaire élaboré par M/me/ Krakovitch remplisse ce rôle, ingrat mais nécessaire, de l'instrument de travail grâce auquel un fonds d'archives que sa masse rendait inaccessible devient l'une des sources commodes auxquelles peut se référer le chercheur. Souhaiter qu'il soit la clé de nouvelles curiosités et de nouvelles approches, tel est le meilleur remerciement que je puis dire à son auteur. Jean FAVIER, Directeur général des Archives de France. " Pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement sous l'inspection de 2 ou 3 censeurs... " BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro, acte V, scène III. " Permettre à un simple particulier d'agir au gré de son caprice sur les hommes rassemblés par les séductions de la scène, l'intérêt du drame, la beauté des femmes, le talent des artistes, l'enchantement des peintures et des flots de lumière, c'est livrer au premier corrupteur venu l'âme du peuple en pâture, c'est abandonner au passant le droit d'empoisonner les sources de l'intelligence humaine. Dans un pays où le gouvernement serait digne de ce nom, l'État ne saurait renoncer à la direction morale de la société par le théâtre sans abdiquer. " Louis BLANC, Histoire de six ans, t. IV, p. 480. 3 Archives nationales (France) INTRODUCTION Référence F/18/581-F/18/668,F/21/966-F/21/995 Niveau de description fonds Intitulé Les pièces de théâtre soumises à la censure Date(s) extrême(s) 1800-1830 Localisation physique Pierrefitte DESCRIPTION Présentation du contenu INTRODUCTION LA CENSURE THÉÂTRALE ET LES CENSEURS JUSQU'EN 1830 Utilité de la censure théâtrale Arguments de ses partisans et de ses adversaires Aujourd'hui quand nous nous interrogeons sur l'utilité et l'efficacité de la censure, nous pensons tous avec M. Escarpit que le travail des censeurs a toujours été " d'une prodigieuse, d'une miraculeuse inutilité, ou plus exactement d'une inefficacité inversée " Cité par Louis Gabriel-Robinet dans La censure, Paris, Hachette, 1965. Pourtant, sans la censure, les Archives nationales ne posséderaient pas aujourd'hui les manuscrits de quelque 25000 pièces de théâtres :collection presque complète de tout ce qui s'est joué, chanté, montré sur les scènes parisiennes de 1805 à 1906. La période impériale n'est représentée que par 171 pièces ; le reste, non versé, a-t-il brûlé lors de l'incendie de la Préfecture de police en 1871 ? C'est possible, car on sait que " 80 cartons de pièces de théâtres soumises à la censure et d'écrits saisis sur la voie publique " étaient entreposés alors dans les caves Charles Schmidt, Introduction à l'état sommaire des versements faits aux Archives nationales par les ministères, tome I, sous-série F/7 (police générale), p. 297. Paris, 1924. Toujours est-il qu'il a fallu des siècles de discussions et de controverses pour que la censure soit enfin supprimée en 1906 et son inutilité affirmée. Il suffit, pour se rendre compte de l'intensité des débats, de se reporter aux discussions des députés, lorsque des projets de loi sur la surveillance des théâtres furent proposés aux Chambres en 1791, 1835, 1848 et 1891. Par contre, le silence est total autour de la suppression effective de la censure théâtrale en 1906 ; pas de loi, pas même un décret, une simple suppression de crédits de fonctionnement. C'est bien la preuve que le débat n'était pas clos, et ne l'est probablement toujours pas. Toute la question, en effet, à partir de la Révolution et durant le XIX/e/ siècle, fut de savoir où commençait et où finissait la liberté théâtrale. Fallait-il supprimer l'institution de la censure, ou s'attacher seulement à la censure préventive, c'est-à-dire celle de textes, ou renforcer plutôt la surveillance des spectacles ? Le problème devint encore plus complexe quand, en 1830, la Charte étant censée supprimer toute censure, on s'aperçut que seule, en fait, la presse était libérée et encore pas complètement. Il fallut attendre ensuite soixante-seize ans pour que la parole disposât des mêmes droits que l'écrit. Le théâtre, la parole, ont en effet toujours effrayé les régimes en place. A des époques où n'existaient pas ces moyens de diffusion que sont dans chaque foyer la radio et la télévision, " le théâtre, seul lieu autorisé de réunions publiques, semblait alors aussi le seul moyen de manifester ses opinions pour l'auteur par son texte, pour les spectateurs par 4 Archives nationales (France) l'accueil qu'ils lui réservaient [d'où le double but de la censure préventive sur le texte, répressive sur le spectacle et l'effet produit]. Par contre le théâtre était aussi pour le gouvernement une tribune d'où il pouvait faire entendre la bonne parole au peuple " Claude Gevel et Jean Rabot, La censure théâtrale sous la Restauration, dans Revue de Paris, 15 novembre 1913. Le théâtre, rappelons-le, s'adressait à une population illettrée pour plus du tiers. Rares furent, même parmi les écrivains les plus libéraux, ceux qui osèrent préconiser sa totale liberté devant l'influence qu'il pouvait exercer sur un public dont il était l'unique source d'information et de formation. Les révolutionnaires de 1789, tout en abolissant théoriquement la censure, placèrent les théâtres sous la dure surveillance des municipalités. Lamartine, en 1835, Victor Hugo, en 1848, bien que prêchant la liberté, ne purent s'empêcher de préconiser la mise en place de différents moyens de surveillance. La phrase de Louis Blanc, placée ici en exergue, est typique de la peur des révolutionnaires intellectuels face à l'influence que pouvait exercer le théâtre sur les " enfants du paradis ". Bailly, maire de Paris, dès août 1789, marqua bien la différence entre la liberté de la presse qu'il pensait devoir être entière, et le théâtre. " Je crois qu'on doit exclure du théâtre... tout ce qui peut tendre à corrompre les moeurs ou l'esprit du gouvernement. Le spectacle est une partie de l'enseignement public qui ne doit pas être laissée à tout le monde et que l'administration doit surveiller... Ce n'est point une atteinte à la liberté des uns, c'est le respect pour la liberté et la sûreté morale des autres... " Extrait des Mémoires de Bailly, cité par Henri Welschinger, dans Le Théâtre de la Révolution, Paris, 1880, p. 94. L'abbé Maury fut, en 1791, dans les débats de l'Assemblée, du même avis, contre Chapelier dont heureusement la générosité prévalut. Mais, s'il fait peur au pouvoir, le théâtre lui sert en même temps de tribune, d'où la dichotomie instituée par les défenseurs de la répression : " il faut au drame et à la comédie une liberté sagement réglée : la liberté du bien [sous- entendu : celle du pouvoir en place] et non la liberté du mal " Hallays-Dabot, Histoire de la censure théâtrale en France, Paris, Dentu, 1862.