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Ce qu'a fait sur jusqu'au 29 août 2012

31/08/2012

Auteur(s) :

Pierre Thomas

ENS Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Publié par :

Olivier Dequincey

Résumé Panoramas martiens à haute résolution, premières interprétations géologiques (discordance…), mise en route de ChemCam, premiers tours de roues.

Table des matières Les photos et leur interprétation La mise en service de la caméra chimique (ChemCam) La mise en service du détecteur d'eau (DAN) et de la station météo (REMS) Le déploiement du bras porte-outils et les premiers tours de roues

Le 19 août 2012, nous avions laissé Curiosity en train de tester ses organes vitaux et de commencer à faire une couverture photographique complète des environs. Les scientifiques programmaient les premières cibles et mesures, surtout destinées à tester les instruments scientifiques plutôt qu'à obtenir des résultats scientifiques nouveaux. Depuis 10 jours, Curiosity a bien complété sa couverture photographique grâce à ses caméras de navigation et ses caméras panoramiques. Il a essayé 3 de ses instruments scientifiques : (1) ChemCam (caméra chimique), (2) DAN (émetteur/détecteur de neutrons pour quantifier l'eau du ), et REMS (station météo). Il a déployé son bras porte- outils (sans mettre en service ses instruments scientifiques, ni ses outils de prélèvement). Il a commencé à se déplacer. Tout marche bien.

Les photos et leur interprétation

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS, modifié Figure 1. Vue globale du Mont Sharp . Mosaïque d'images de la caméra panoramique de 34mm. La base est à 5 km, le sommet qui domine la plaine de 5000 m est à 20 km. La base du Mont Sharp visible depuis Curiosity mesure environ 60 km de gauche à droite. La "trainée" noire au pied de la montagne représente un champ de dune de sable sombre qu'il faudra franchir avant d'atteindre la montagne. La photo est prise en direction du SO.

Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS Figure 3. Détail du flanc Ouest du Mont Sharp. Figure 2. Détail du flanc Ouest du Mont Sharp. Image prise par la caméra panoramique de 100mm de Image prise par la caméra panoramique de 34mm de focale, au centre de la figure précedente. focale, à droite de la figure précédente. Les strates sont parfaitement visibles. Ce sont ces Les strates commencent à devenir parfaitement terrains qui seront la cible principale des explorations visibles. Il y a environ 6 km de gauche à droite de l'image. géologiques de Curiosity.

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS / Matt Golombek, modifiés

Figure 4. juxtaposition d'une partie de la mosaïque de Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS, modifié la première figure et d'une image obtenue depuis l'orbite Figure 5. Un premier résultat géologique, une (MRO) et interprétée en termes de minéralogie par les "discordance" entre les couches basales et sommitales études spectrales. du Mont Sharp. J'ai essayé de cadrer et de déformer ces deux images En haut, image brute, en bas image interprétée où pour les rendre approximativement superposables. Sur certaines couches et la discordance sont soulignées. Si l'image supérieure, les croix blanches et les chiffres cette différence d'angle est bien réelle et ne vient pas indiquent la distance (en ligne droite) avec le site d'un effet de perspective (couches avec une seule d'atterrissage de Curiosity, ce qui nous donne une inclinaison, mais différence de pente de la surface indication de la distance (et donc du temps) nécessaire topographique, ce qui ne semble pas le cas), alors les pour les atteindre. Les terrains sombres des 2/3 strates inférieures sont faiblement inclinées, les strates inférieurs des images sont riches en eau (argiles, supérieures beaucoup plus, ce qui indique que les sulfates). Les terrains du 1/3 supérieur sont presque conditions de sédimentation ont changé. Cette différence anhydres (très faible signature spectrale de sulfate). Les de pendage ne se voyait pas sur les images orbitales. cibles scientifiques principales, raisons du choix du Cette limite de pendage correspond exactement à la cratère comme site d'atterrissage, sont constituées limite entre les terrains inférieurs hydratés et les des niveaux riches en smectites, argiles indiquant la terrains supérieurs presque anhydres diagnostiquée présence prolongée d'eau, et argile très apte à conserver depuis l'orbite. Cette limite correspond bien à un de la matière organique pendant des milliards d'années changement majeur dans l'histoire géologico-climatique (s'il y en a eu). de ce secteur de Mars.

La mise en service de la caméra chimique (ChemCam)

ChemCam, caméra chimique développée par la France comprend 3 parties. Un laser de forte puissance (1 million de watts) qui délivre cette puissance sous forme de brèves mais nombreuses impulsions (cinq milliardièmes de secondes, avec 3 impulsions par secondes pendant 10 secondes pour le premier test). Le diamètre du faisceau laser est de 1/4 de mm. Ce laser est efficace jusqu'à une distance de 7 m. Chaque impulsion génère une "bouffée" de plasma au-dessus du point d'impact. Une caméra haute résolution (RMI = Remote Micro-Imager) photographie un champ de quelques centimètres de diamètre (cela dépend de la distance de la cible), ce qui permet de localiser de 1/2 à 1/10 de mm près où a "tapé" le faisceau laser. Un "télescope" couplé à trois spectromètres qui analyseront le spectre des "bouffées" de plasma, ce qui permettra d'avoir la composition chimique élémentaire.

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/LANL, modifié Figure 7. Principe de fonctionnement de ChemCam. Un laser de puissance tire sur une cible. Cela génère Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech une "bouffée" de plasma, dont on voit une image grossie Figure 6. Image d'artiste montrant le principe de à droite, image obtenue pendant des essais terrestres. fonctionnement de ChemCam, avec un paysage Des spectromètres analysent la lumière émise par ce d'Opportunity. plasma pour déduire la composition élémentaire de la cible. Une caméra photographie la cible avant et après les tirs laser.

Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/MSSS, modifié Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/MSSS, modifié Figure 9. Report, sur le rectangle noir de la figure Figure 8. Vue prise en direction du Nord, localisant un précédente, de 6 images obtenues par la caméra de affleurement (rectangle noir) situé à quelques mètres (≈ ChemCam. 5 m) de Curiosity. Chaque image couvre une surface d'une dizaine de cm Voir aussi cet affleurement montré dans le point sur de diamètre, avec une résolution de 1/2 mm. ChemCam Curiosity au bout de deux semaines (figure 18). fut testé au centre des images 2, 3 et 4. Affleurement détaillé à la figure suivante et qui a donné lieu à de nombreux essais de ChemCam.

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/LANL, modifiés Figure 10. Exemple d'images brutes (raw images) prises par la caméra de ChemCam.

Images prises lors du sol 19, 19ème jour martien de présence sur Mars du robot Curiosity. Les images initiales données par le site du JPL sont notablement sous-exposées. Elles ne sont ni localisées, ni orientées et n'ont pas d'échelle. Mais on peut les traiter soi-même, et trouver deux images d'un même secteur avec 5 petits trous de plus sur une des deux images. Il s'agit très vraisemblablement de deux images prises avant (à gauche) et après (à droite) des tirs laser. Ces mêmes images ont été reprises et commentées par la NASA (Marks of Laser Exam on Soil), on apprend alors que le faisceau laser, à une distance d'environ 3,5 m, a un diamètre de l'ordre de 0,4 mm induisant des trous d'une diamètre de 2 à 4 mm, et que les images montrent l'affleurement sur un diamètre de l'ordre de 8 cm.

Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP Figure 11. Exemple du premier résultat fourni par ChemCam, trois spectres dans trois gammes de longueur d'onde permettant d'avoir une idée de la composition en éléments de la cible. C'est la seule analyse publiée à ce jour. Elle correspond au rocher provisoirement appelé N 165 (cf fig. 19 et 20 de l'article faisant le point sur Curiosity au bout de deux semaines), et maintenant appelé Coronation(Couronnement). La hauteur des pics n'est pas directement liée aux abondances relatives des éléments, car certaines raies spectrales sont plus excitées que d'autres. Il faut comparer ces spectres bruts à des spectres faits sur des cibles étalons. Cette première analyse est compatible avec une roche de chimie basaltique. Le petit pic du carbone est

vraisemblablement dû au CO2 atmosphérique. Le pic de l'hydrogène n'était présent que lors du premier tir, absent après. Sans doute une très mince pellicule d'eau ou de poussière hydratée à la surface de la roche.

La mise en service du détecteur d'eau (DAN) et de la station météo (REMS)

Deux autres instruments scientifiques ont été mis en service : DAN et REMS. DAN (Dynamic Albedo of Neutrons) émet des neutrons vers le sol et recueille ceux qui sont réfléchis/ré-émis par ce sol. Les caractéristiques des neutrons recueillis permettront de connaitre la teneur du premier mètre du sol en hydrogène (plus précisément en deutérium) : principalement eau libre (givre…), groupement hydroxyle des minéraux hydroxylés, voire matière organique. On pourra ainsi connaitre la variation de la teneur en hydrogène (en eau) du sol au cours des déplacements de Curiosity. D'après les mesures orbitales de Mars Odyssey, la teneur moyenne en eau du sol martien est d'environ 6% dans le secteur du cratère Gale. REMS (Rover Environmental Monitoring Station) est une station météo qui enregistre en permanence température, pression, vitesse du vent, humidité de l'atmosphère…

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/Russian Space Research Institute Figure 12. L'un des premiers enregistrements de DAN sur Mars, comparé à des tests faits sur Terre. L'interprétation de telles courbes permettra de connaitre la teneur du premier mètre du sol martien en hydrogène, ce qui pourra être converti en teneur en eau.

Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/CAB(CSIC-INTA) Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/CAB(CSIC-INTA), modifiés Figure 13. Bulletin météo du 16 août 2012 (sol 10), jour du [P et T] solstice d'été sur Mars donnant températures diurne et Figure 14. Variation de la pression entre les sols 9 et 13, nocturne, pression moyenne, humidité relative, vitesse et ainsi que de la température entre les sols 10 et 11. direction des vents autour de Curiosity.

Le déploiement du bras porte-outils et les premiers tours de roues

Curiosity possède un bras qui porte un certain nombre d'outils : brosse, foreuse, outils de prélèvement destinés à amener des échantillons aux deux laboratoires d'analyse chimique internes au rover (CheMin, Chemistry & Mineralogy, et SAM, ). Ce bras porte aussi deux instruments scientifiques : APXL, Alpha- Particle-X-ray-Spectrometer, et MAHLI, . Le bras a été déployé, mais ses outils et instruments scientifiques n'ont pas encore été mis en service.

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Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech Figure 15. Le bras porte-outils de Curiosity photographié par les caméras de navigation situées sur le mat.

Et c'est le 22 août que les roues (toutes motrices) ont été testées avec succès, et que Curiosity a commencé à se déplacer de quelques mètres.

Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech, modifié Figure 16. Les traces des premiers mètres effectués par Curiosity le 22 août 2012. À droite et à gauche de sa position initiale marquée par le début des traces, on voit deux paires de "creux" peu profonds et plus clairs : les traces des jets des quatre rétrofusées faites par le module de descente quand il faisait un vol stationnaire et descendait le rover attaché au bout d'une grue à trois câbles.

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