La Planification Du Commerce Extérieur : L'exemple Polonais
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RECHERCHES PANTHÉON-SORBONNE UNIVERSITÉ DE PARIS 1 SÉRIE : SCIENCES ÉCONOMIQUES Krystyna Szymkiewicz Attachée de Recherche au C. N.R. S. La planification du commerce extérieur L'exemple polonais Préface de Jean Marczewski Professeur à l'Université de Paris 1 Avant-propos de Jean Weiller Professeur à l'Université de Paris 1 ECONOMICA 49, rue Héricart, 75015 Paris 1977 rr (Ç) Ed. ECONOMICA, 1977 Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution réservés pour tous pays. PREFACE . Un des principaux avantages des économies planifiées est d'obliger les économistes à expliciter les relations existant entre les phénomè- nes qui, dans les économies de marché, se réalisent spontanément et échappent à l'attention d>un observateur peu averti. Il est vrai que la théorie des échanges extérieurs n'a pas attendu l'expérience des pays du Comecon pour formuler ses principes. Elle les présente cependant d'une façon tellement générale et abstraite qu'il est bien difficile de les appliquer à la réalité quotidienne des opérations entre pays et firmes. Cette application est encore moins aisée lorsqu'il s'agit de «modèles» nouveaux obéissant apparemment à une logique qui leur est propre et qui sont destinés, dans l'esprit de leurs protagonistes, à modifier de fond en comble les relations entre les hommes. Des décennies d'expériences coûteuses en terme de bien- être humain sont alors nécessaires pour redécouvrir les vérités élé- mentaires qui sont à la base de l'économie internationale. En parti- culier, les enseignements que l'on peut tirer de l'expérience des pays du Comecon peuvent être résumés de la façon suivante : 1 - Quelles que soient son étendue, sa population et sa richesse, un pays ne peut plus produire rentablement tous les biens qu'il con- somme. A plus forte raison, dans les pays petits ou moyens comme la France et la Pologne, la proportion des biens qui peuvent être produits rentablement à l'intérieur des frontières par rapport aux biens qui y sont consommés, décroît nécessairement en fonction du progrès technique et social. Cette constatation élémentaire semble tellement évidente, et a été tant de fois confirmée par l'histoire aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, que nous n'aurions jamais pensé devoir la développer davantage. Et pourtant, à notre grand étonnement, on entend depuis peu, en France, des voix qui, le plus sérieusement du monde, préconisent une «croissance implosive» plus axée sur une di- minution des importations que sur une augmentation des exporta- tions ( 1). Le principal objectif de cette proposition serait de mettre la (1) Cf., entre autres, les déclarations de notre jeune collègue, Jean Matouk, à France-Inter et dans le journal «Le Monde» du 5-6 décembre 1976 p. 36. VI Préface France à l'abri de la concurrence internationale, en particulier celle de l'Allemagne Fédérale, en vue d'accroître l'emploi. Les partisans de cette théorie semblent oublier deux faits qui caractérisent le déve- loppement moderne de l'industrie. D'une part, l'indivisibilité crois- sante des équipements les plus efficaces exige, dans la plupart des branches, une production à très grande échelle. D'autre part, la diver- sité croissante des produits conduit à une spécialisation de plus en plus fine, non seulement entre les branches, mais aussi et surtout à l'intérieur des branches. Aucun pays du monde n'est capable de faire face à cette double exigence. Il doit se spécialiser dans un nombre relativement restreint de variétés de produits fabriqués en grande série, éventuellement en coopération internationale. Une politique autarcique conduit nécessairement ou bien à la réduction draconienne du choix offert au consommateur national, ou bien à une production relativement diversifiée mais inefficace. Dans les deux cas, il s'en suit un retard croissant par rapport au reste du monde et un niveau de vie en régression relative sinon absolue. La crise tchécoslovaque des années soixante en est le meilleur exem- ple. Il est bien entendu qu'une telle politique est de nature à assurer le plein emploi (ou plutôt le «plein sous-emploi») mais ce résultat serait obtenu à un prix qu'aucun des Français n'est prêt à payer. 2 - Dans ces conditions, pour pouvoir financer les importations dont leurs producteurs et leurs consommateurs ont besoin, tous les pays, quelle que soit leur dimension,mais plus particulièrement les pays petits et moyens, ont intérêt à adapter le plus exactement pos- sible leur offre de produits exportables à la structure et à l'évolution de la demande mondiale. A l'exception des matières premières et des demi-produits relativement homogènes, cette adaptation ne peut guère se faire à l'échelon central des plans nationaux.Elle ne se réalise efficacement qu'au niveau des entreprises grandes, moyennes et même petites qui, dans ce but, doivent rester en contact permanent et direct avec les marchés intérieur et extérieur. Qu'elles soient publi- ques, privées ou coopératives, ces entreprises doivent disposer de la plus grande liberté de choix en ce qui concerne leurs achats, leurs ventes, leurs investissements et leurs effectifs. 3 - Pour que le calcul économique de ces entreprises les conduise à des choix conformes à l'intérêt général, il est indispensable que les prix intérieurs reflètent aussi exactement que possible les raretés relatives des facteur,$ et des produits par rapport aux besoins sociaux du pays et à la demande extérieure. Ni l'état actuel de nos connais- sances mathématiques ni les capacités de nos plus grands ordinateurs n'autorisent l'espoir qu'un tel système de prix puisse, dans un avenir prévisible, être calculé et tenu à jour par un organisme central de Préface VII planification. Les méthodes de décomposition qui permettent de décentraliser partiellement ce calcul, n-apportent pas non plus de solution satisfaisante. Elles ne réduisent pas suffisamment les di- mensions des programmes à résoudre, les itérations qu'elles impli- quent ne convergent pas, ou convergent trop lentement, et surtout, elles n'aboutissent à des solutions optimales que dans le cas excep- tionnel des programmes séparables. Seul un marché de concurrence, toute imparfaite qu'elle soit, permet d'obtenir un système de prix qui, sans être optimal, est susceptible de fournir aux entreprises une orientation tendancielle suffisamment correcte et rapide pour qu'el- les puissent réagir de façon efficace aux modifications de l'environ- nement économique, intérieur et extérieur, dans lequel elles fonc- tionnent. Cela ne veut pas dire que l'Etat doive s'abstenir de toute action dans le domaine économique. Bien au contraire, le rôle de l'Etat est particulièrement important et difficile. Il consiste à assurer un fonctionnement correct d'un marché concurrentiel, à compléter ce marché par une planification indicative dans les domaines où celui-ci est déficient et, surtout, à maintenir les équilibres essentiels de l'économie au niveau de l'emploi, des échanges extérieurs et des prix. 4 - Ces trois équilibres sont intimement liés. Ils sont fonction de quatre vecteurs de prix : - les taux de salaires - les taux de change - les taux d'intérêt - les prix des biens et services A l'optimum, la fixation d'un seul de ces vecteurs détermine tous les autres. Il est donc absurde de vouloir les fixer tous, sans avoir la moindre possibilité de connaître exactement les relations complexes qui existent entre eux. En particulier, le calcul du taux de change optimal n'a aucun sens si les prix effectivement pratiqués à l'intérieur ne sont pas eux-mêmes optimaux. L'utilisation de prix duaux - même s'ils pouvaient être calculés correctement pour toute une économie - ne -résoud pas le problème. Le taux de change ainsi calculé serait optimal dans une économie où les prix duaux ayant servi pour son calcul, auraient été effectivement utilisés dans les opérations concrè- tes. Comme ce n'est pas le cas, il n'est pas optimal pour l'économie en question. Il vaut donc mieux renoncer à son utilisation en le rem- plaçant par un taux déterminé empiriquement de façon à assurer l'équilibre à moyen terme de la balance extérieure des opérations courantes. C'est ce qui se fait actuellement dans la plupart des pays du Come- con sous la forme de «multiplicateurs de change» complètement VIII Préface indépendants du taux de change officiel. Mais les structures des coûts de production, calculés aux prix en vigueur à l'intérieur des pays intéressés, sont à tel point différentes des structures des prix étrangers qu'il est nécessaire de compléter les multiplicateurs de change par un système extrêmement développé de subventions à l'exportation et même à l'importation. Cela revient finalement à affecter à chaque produit un taux de change spécifique, incompati- ble avec un calcul économique vraiment décentralisé. En d'autres termes, une contradiction absolue existe entre une planification centralisée, impérative et micro économique et une exploitation efficace des avantages du commerce extérieur. Les pays- continents, dotés de ressources extrêmement variées et disposant d'un marché intérieur immensément vaste, peuvent à la rigueur se payer le luxe de sacrifier l'efficacité de leurs échanges extérieurs à leur «préfé- rence de structure » (1). Ce choix n'est pas offert aux pays moyens et petits, ou plus exactement, la variété des structures qu'ils peuvent se donner est sensiblement moins étendue. Leur survie économique et, à plus longue échéance, politique, dépend pour une large part de leur faculté d'adaptation à l'évolution de l'économie mondiale. Ils peuvent la réaliser, sans pour autant perdre quoi que ce soit de leur personnali- té, en appliquant les qualités spécifiques de leur génie national à l'in- tensification et à la diversification de leur effort productif, au lieu de les gaspiller dans la construétion d'un gigantesque édifice bureaucra- tique qui étouffe toutes les initiatives et empêche toutes les adapta- tions.