Entre populisme et marxisme-léninisme : le double discours de Syriza sur la question « du sujet social » Modestos Siotos, doctorant en science politique Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP) Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
[email protected] 1 Introduction En raison du manque de données empiriques, les politologues désireux d’examiner le « phénomène Syriza » suivent en principe la couverture médiatique internationale, qui le qualifie de « populiste ». Le parti de la Gauche radicale grecque est considéré, souvent avec les Podemos en Espagne, comme un cas exemplaire du « populisme de Gauche » de l’Europe du Sud aux temps de l’austérité. Divisant l’ensemble social entre le « peuple » et l’« élite », le discours en noir et blanc de son leader, Alexis Tsipras, a créé un dipôle entre son parti et les partis au pouvoir traditionnels. Il s’agit d’un leader populiste, intelligent et charismatique mais, comme la majorité des dirigeants populistes, « un menteur », déformant la réalité sociale au service de sa stratégie électorale. Au-delà des jugements axiologiques, la qualification de « populiste » ne donne pas une image complète de ce qu’a été Syriza. Depuis sa fondation en 2004, il a d’abord offert un espace de rencontres, de conflits et de discussion des diverses forces politiques de la Gauche radicale grecque. Rassemblées par une volonté commune de « reconstituer la Gauche grecque », elles formulaient des questionnements auxquels la pensée marxiste-léniniste traditionnelle peinait à répondre. Parmi les interrogations posées, se distingue le « sujet social » que Syriza devait représenter. La figure du « sujet social », utilisée par les eurocommunistes grecs depuis la fin des années 1970, a constitué une tentative de substituer la notion de « prolétariat » par l’esquisse du profil sociologique du « sujet » qui va assumer le processus d’émancipation sociale dans les sociétés contemporaines.