La Droite aujourd'hui

JEAN-PIERRE APPARU

La Droite aujourd'hui

Albin Michel © Éditions Albin Michel, 1979 22, rue Huyghens, 75014 ISBN 2-226-00873-X La DroiteDroite aujourd 'hui vue par A.D.G. • René Andrieu • Philippe Ariès Alain Bayard • Maurice Bardèche • Pierre de Boisdeffre Gérard Bonnot • Jean-Louis Bory • Alain Bosquet Jean Bourdier • Raymond Bourgine Pierre Boutang • Cabu • Jean Cau • Pierre Chaunu Rémy Chauvin • Jean-François Chiappe Maurice Clavel • Copi • Henri Coston • Pierre Daix Jean Daniel • Frédéric Dard • Michel Debré Michel Déon • Jean-Marie Domenach Jacques Duquesne • Jean Dutourd • Jean Duvignaud Jean-Claude Faur • Pascal Gauchon Raoul Girardet • Michel Giroud Jean Gourmelin • Michel Gurfinkiel Éric Houllefort • Claude Imbert Jacques Laurent • Jean-Clarence Lambert • Michel Mourlet François Nourissier • Louis Pauwels Jean-Marie Le Pen • Michèle Perrein Pierre Pujo • Pinatel • Jacky Redon • Reiser René Rémond • Bertrand Renouvin LouisMichel Rougier de Saint • Saint-Loup Pierre Philippe de Saint Robert • Pierre Sergent Philippe Sollers • François Solo Georges Suffert • Olivier Todd Jean-Claude Valla • Le pasteur Viot • Wolinski

Pour, dans l'ordre de sortie de scène : Cédric, Gilbert, Jacqueline. dans l'ordre d'entrée en scène : Thierry, Benoist, Lison.

Avertissement

I éloge, ni pamphlet, La Droite aujourd'hui n'est pas davantage un livre d'histoire. Alors un essai, un dossier, une enquête? Assurément Ntout cela, mais surtout un regard sur la vie quotidienne du mot « droite ». La première partie : « Héritier ayant perdu son chemin cherche les origines de son héritage », propose sous forme de trois brefs discours une écriture du doute. La deuxième : « La droite, disent-ils...», est une photographie sans retouches. A chacun d'en tirer profit, de s'en inquiéter, de se situer. Pour ce faire, j'ai laissé parler, j'ai interviewé des personnalités qui, à des titres divers, sont régulièrement des « moments » de notre actualité; leurs interventions, leurs commentaires politiques, journalistiques, d'en- seignants, de romanciers, de dessinateurs — font que le public, soit par acceptation, soit par rejet, se marque en fonction de leurs positions. J'ai essayé de m'effacer derrière leur parole; parfois il a été nécessaire de glisser des questions : ces interventions n'ont eu pour but que de pro- longer le discours, jamais de le marquer; au-delà il était évidemment hors de question d'établir une analyse, des commentaires sur ces propos. Tout livre sur un sujet tel que celui-ci ne doit pas être « bouclé », « mâché », « digéré ». Il doit laisser sa part à l'insatisfaction, au manque. Prenant ainsi son sens plein, il laisse possible l'interrogation en chacun d'entre nous. L'écriture n'est pas digression, elle est engagement. Que signifieraient une analyse, une exégèse des positions prises en ce chapitre? Pourquoi apporter — sur ces discours — une parole qui se voudrait essentielle, radicale, certaine : vérité? Pourquoi donner une interprétation? J'ai voulu l'image de nos jours, et en reproduisant le discours de ceux que j'avais sollicités et que j'interrogeai, susciter une remise en question et une « réflexion intelligente ». Il faut nous regarder, nous entendre pour ce que nous disons, jusqu'à l'incohérence, jusqu'au ridicule. La vie n'est pas neutre; si ce livre devient meurtre de la droite, je dirai tant mieux car aussi bien il ne sera jamais éloge de la gauche, mais ten- tative « en dehors ». Droite et gauche qui nous sont proposées ne signi- fient plus rien et si ces mots doivent persister nous nous devons d'en changer la couleur. On pourra s'étonner qu'une seule femme prenne la parole. On pourra s'étonner que tel « grand nom » — politique ou non — soit absent alors qu'il paraîtrait ici important. On pourra s'étonner enfin que tel parti politique, tel mouvement ou syndicat ne soit pas représenté, son inter- vention étant capitale et par là des thèmes importants n'ont pu être abor- dés. Je tiens à préciser que toutes, que tous ont été pressentis. Certaines, certains, n'ont pas trouvé essentiel, utile, de figurer et de prendre posi- tion, parfois même après un premier accord. Je ne puis être juge de leur décision. J.-P. A. Héritier ayant perdu son chemin cherche les origines de son héritage

« La droite aujourd'hui! Des débris qui pissent sur la table en branlant le souvenir du minable Pétain. Mais la gauche ne sera jamais forte que des abdications de la droite. » « A force d'être fasciste, j'ai envie de me présenter ainsi : moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg. » DOMINIQUE DE Roux, Immédiatement. « L'espace de la droite est l'ailleurs, son temps est à jamais situé dans l'après. La gauche vit dans le présent de son intelligence du temps, son espace est, paradoxalement, le temps de la présence réelle. La séparation entre la gauche et la droite est une sépara- tion antihistorique, elle reproduit en elle-même et en tant que telle, la séparation entre ce monde-ci et l'autre monde. Tout le reste n'est qu'ombre, connivences, malentendu et même à la limite, haute stratégie. » DOMINIQUE DE Roux, L'Ouverture de la chasse.

« Il n'est plus un ordre à sauver, il faut en refaire un. » , Genève ou Moscou. « Rien ne se fait que par la gauche. Et la lumière vient de l'Orient. » PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, N.R.F., novembre 1939. « Après tout, ce qui est vieux est près d'une nouvelle jeunesse; l'hiver est près du prin- temps. » PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, L'Europe contre les patries.

L ne faut pas être de droite. Soyez difforme, fou, infirme, on vous I plaindra; voleur et assassin, on vous trouvera des justifications, mais surtout, ne vous proclamez pas de droite; il n est pas de nos jours tare, crime plus odieux, au point que ceux qui en sont ne le disent pas ou peu, et dans ce dernier cas expliquent jusqu'à se justifier. Sachez encore que si vous êtes de droite, vous êtes conservateur, réactionnaire, fasciste, nazi; cela ne s'écrit pas en mots, chaque moment du temps en est l'illus- tration. Des groupuscules maladroits aux mensonges collectifs, rien ne nous est épargné pour qu'une idée propre de la droite soit à jamais défunte, que dis-je? qu'une idée même de la droite puisse exister. Ce meurtre savant, cet oubli de nous-mêmes s'accompagne de cris — « Qui sommes- nous? », « Où allons-nous? » — de plaintes — « Plus d'absolu, plus de valeurs » — d'adjurations — « Croire, croire enfin ». Peut-on fermer le robinet, tirer la bonde et s'étonner en même temps : « Mon Dieu, il n'y a plus d'eau! »? Dans le genre « Tout mais pas ça », politiquement, l'année 77 fut un révélateur exemplaire; l'éclatement de l'union de la gauche posant le pro- blème de manière troublante. La politique, si à l'aise dans le jeu fuite / accusation, nous offrait — offre encore — un grand spectacle. Marchais : « Vous glissez à droite! » Mitterrand : « Non! c'est vous qui faites le compromis historique avec la droite. » Fabre : « Je serai toujours à gauche. » Giscard, lui, gouvernait au centre tandis que Chirac certifiait « l'alter- nance dépassée ». Ils étaient tous à gauche de leur droite. On connaît la suite... Fabre enquête pour Giscard; Rocard s'en prend à Mitterrand qui se fige en une gauche vertueuse, déportant le rival sous son aile droite, mais restant à la droite — ouf! — du P.C. qui, lui, fraternise lors de plusieurs votes avec le R.P.R.... On y perd son latin! Si la gauche se meurt, je vais perdre ma droite! Ma droite? Pas question de « cracher dans la soupe ». Mais il faut en parler. Par définition, la vie est quotidienne. Chaque jour, chaque heure du temps nous montre des images, nous donne des lectures, fait écouter des gens et regarder des phares. Le résultat est loin de l'absolu rêvé; si loin qu'il ressemble à l'absence. Reniements, plagiats, contradictions, meurtres; peut-être sommes-nous les morts d'autres vivants, connaissons- nous l'enfer. Hors de question de s'en accommoder. Ce que vous nommez droite ne me satisfait point. J'ai connu et pratiqué les mouvements de droite ou plus extrêmes qui se sont succédé depuis 1960, j'ai cessé la-dite pratique. Pour être plus précis, j'ai commencé par l'Algérie fran- çaise; maintenant je serais plutôt contre. D'autres groupes ont suivi, les chefs n'ont pas changé. En eux doit-on lire la droite? Philosophie et combats étriqués. Attirance, sentiments pour collégiens en mal de vivre; là n'est pas ma droite. Je n'y vois que de vieux nostal- giques en quête d'un roi, quelques aigris mal remis du front russe accro- chés à Pétain, des épris de racisme ou de vertus militaires, le tout coiffé de gaullistes en dévotion de croix et récitant l'appel. Il m'importerait peu si les pères ne faisaient des fils. A trente ans d'écart l'habit est différent, mais la tête est la même. Jusqu'où va-t-on aller? Jusqu'à l'arrêt. La droite au faîte de son vide : la confusion des sens, le désir du pouvoir l'emportant sur la croyance en l'Homme. Droite bedonnante de mots, droite morte par non-croyance. Droite ne se mesu- rant à elle que par rapport aux autres. Droite de la faiblesse, ou bien des reniements; droite politique. L'en face? la gauche qui ne vaut guère mieux, clichés, slogans, haines maladroites. Mêmes mots, mêmes noms avancés. Valeurs inventées et qui pourtant leur viennent d'Elle, Elle, je veux dire la droite. Cet en face qui, là où la droite connaît le vide, res- pire la contradiction; cet en face de l'ambiguïté, qui parle d'Elle, qui lit des textes « de droite » comme un roman sur la pédérastie, avec cette atti- rance accompagnée du cri : « Pourvu que je n'en sois pas! » Cet en face qui étudie et parle pour détruire... tout en récupérant. D'un côté les bons, de l'autre, les mauvais. Le pouvoir politique est dit de droite (?), l'idéologie, la rumeur, de gauche. Demain, par la grâce des modes, nous connaîtrons l'inverse. Qu'y aura-t-il de changé? Mêmes mots, mêmes personnes, mêmes querelles, même situation : riches, pauvres, patrons, ouvriers, syndicats, partis; Russes, Américains, Chinois, Européens; développés, sous-développés. Pétrole, atome, écologistes, progrès, passé, etc. Je ne suis pas dans le camp des mauvais, donc pas question de « passer » chez les bons, je refuse cette querelle. Toute expérience militante est pas- sage, initiation. Cette traversée est nécessaire, riche d'enseignement, mais faut-il encore continuer le voyage, ne pas se satisfaire de ce maré- cage social, politique, devenu une fin en soi : blanc ou noir, bon ou mau- vais, gauche ou droite; accepter est reconnaître le bien-fondé du système. Il faut aller jusqu'au bout de soi, traverser son milieu, devenir disciple puis dépasser les maîtres, s'éplucher de nos origines. Ne pas s'enfermer dans une lecture unique, donc vérité. Là est le difficile, cette lecture étant nécessaire pour nourrir notre mémoire; il faut s'en affranchir pour que nous viennent l'interrogation, l'inquiétude, le doute et le risque. Je ne renie rien, mais je m'épluche de la droite. Riche de cette école, mais libre de ce passé, je peux regarder, penser, comprendre; une deuxième naissance. Ni blanc, ni noir, peut-être homme, je suis de droite parce que je ne suis pas à droite.

Le constat

Tout commence dans les années 60; un libraire m'apprend à lire : Drieu la Rochelle, Brasillach, Montherlant, Barrès... Destin, dirigisme, coïncidence ou ligne de vie? A partir de cette date tout s'enchaîne : ren- contres, amitiés, lectures. Dans ce choix, mes parents ne tiennent pas de rôle. Je n'allais pas vers la droite parce qu'ils n'en étaient point — ils ignoraient la gauche et ne parlaient de rien — ou parce qu'ils en étaient; y suis-je allé pour y trouver famille? Les idées? Trop jeune. Seulement une tendance, une attirance. Mes premières lectures signées Marcuse, Sartre ou Camus, le chemin eût-il été différent? Je ne le pense pas car aussi bien, les découvrant plus tard, j'aurais pu « dévier ». Plus qu'un choix, qu'une attitude imposée, je vois une attirance profonde; plus qu'un hasard, un appel intérieur. La cer- titude « inconsciente » que ce chemin me donnerait un regard; je sais maintenant que je ne prenais pas partie pour être « endoctriné », « formé »; cet itinéraire particulier pouvait seul me libérer de moi; il m'accouchait de mes possibilités, m'ouvrait à l'interrogation. Au fil d'un périple très long, au contact de personnes parfois « discutables », traver- sant des moments souvent critiquables, pas toujours en accord — même si en affinités — j'ai pu ainsi m'accomplir. Il n'était pas pour moi d'autre possibilité. Il est sûrement des parcours identiques à gauche; je crois en la nécessité d'un militantisme précis, correspondant à une personnalité, une sensibilité, qui permet d'aller jusqu'au bout de soi-même; puis « un matin » à la faveur d'une alchimie qui a pour nom maturité, nous nous trouvons hors politique et pouvons avancer. J'étais de droite, comme l'on respire, comme l'on aime, par réflexe, par intuition; cela nous échappe, une manière d'être avant les choses, un pressentiment, une attitude face à la vie qui portent certains sur une même frontière; vous la nommez droite, soit. De lectures en circonstances, le parcours continue. Terrain d'aviation. Officiers. Lettre du capitaine Sergent, O.A.S.-Métro-jeune. Une succes- sion d'événements, l'attirance vers les « maudits » de l'Algérie française m'ancrent dans un militantisme pour une droite politique. Perte de profession, flics en gare, rupture parentale, long séjour à Berlin — entre officiers des deux tendances. Au retour, ma famille s'appelle définitive- ment la droite. Militant encarté, permanent tout au moins disponible. « Europe-Action », campagne Tixier Vignancour, « Fédération des étu- diants nationalistes », « Mouvement nationaliste du progrès », « Ras- semblement européen pour la liberté », ronéo, meeting, tracts, action, drapeaux, ordre, chants, feux de camp, Europe, patrie, nationalisme, longues marches dans la nuit, solstices; le parfait « fascho », comme ils disent! Pourquoi ce camp et non pas l'autre? Navré, n'attendez pas ici de réponse; peut-on définir ce qui n'est que passage? Il faudrait un portrait robot de l'homme de droite. En trouve-t-on? Photographier, faire des montages; réaliser aussi une psychanalyse, établir des constantes. Pour- suivons. Viennent femme, enfants; je cesse la politique et je prends des respon- sabilités, « j'entre dans la vie »; la tendance reste à droite, mais je ne fré- quente plus. Le temps s'écoule, je me forme, je m'espère, je me fabrique. Après Toulouse voici Paris, autre monde, autre milieu... Toujours « mes amis », mais de si loin. Lectures, rencontres; Cioran, Dominique de Roux, le chemin près d'eux se précise : vivre le doute, l'inquiétude, l'in- terrogation. Trois morts me surprennent : mon fils Cédric; mon père qui se suicide, puis ma femme, Jacqueline, meurt. Horreur des mots, je deviens fort de leurs cadavres. Comme coupé du monde, je vis « à l'inté- rieur de moi », m'affranchissant de tout pour enfin me rejoindre. Je suis à mon approche, riche de mon expérience, mort ou folie, aller jusqu'au bout de moi-même; le tragique me devient connaissance. Mon passé, ma droite me deviennent mémoire, je suis libre, je peux tendre vers les autres. Tout est nécessité et quelle que soit la vie, quelles que soient les étapes, il n'est pas de refuge, le voyage est sans fin. Je ne garde de la droite que ses lieux d'intelligence qui nourrissent le doute. Vous n'avez rien laissé en quoi l'on puisse croire, vous n'avez rien donné à pouvoir regarder. Curieuse époque où tout est doute et mystère, où doute et mystère sont refusés; où tout est mensonge au nom de la vérité; où tout se découvre mais où rien ne s'invente; curieux temps qui refuse ses origines, mais crève d'avoir coupé ses racines, où se claironne la paix et ne se fait que la guerre, même quand il n'y a pas d'armée. Un monde en crise? Certes. Une vie à tâtons; on se cogne aux murs du laby- rinthe. Politique, philosophie, art, romantisme, jeunesse, les quelques lueurs proposées à grand renfort publicitaire, où tous se précipitent, ne sont que des préfaces, des pressentiments, une intuition de notre « mort prochaine », mais non de ce qui va être. Tout est à renier. Repar- tir de zéro; changer les institutions, les gens en place, les idéologies; sup- primer la morale — établie par qui, en fonction de quoi? encore le sata- nisme monothéiste — Une grève de la vie! Lorsque le blanc change de couleur, il est temps d'avoir peur. J'ai deux fils, que leur dire? Je ne vous demande pas de réponse; je veux croire et chercher.

Interrogation

— Je ne suis pas raciste. Je ne suis pas antisémite. L'exil est de droite et cette certitude de l'exil me ferait croire juif. Alors? — J'ai milité, je refuse maintenant les groupes, et ne crois qu'en l'unique. Solitude de droite? — J'aime les femmes; ma quête d'absolu collectionne les échecs, on traduit misogyne. Dans l'imagerie quotidienne l'homme de droite est misogyne et grand sabreur de dames. La misogynie de droite? — Je fuis le mot politique, abhorre les étiquettes. Alain disait en d'autres temps : donc vous êtes de droite. Le raccourci est trop facile. — Le monothéisme est meurtre. L'Église est un « péché ». Toute reli- gion est asservissement. Me voici donc « au banc » d'une forte majorité de ce que vous nommez droite. — Le jugement de plusieurs sur un seul : au nom de quoi, de quels critères? Pourtant, je ne puis échapper à cet autre raccourci : « Qui a tué sera tué. » Je suis pour la peine de mort. — L'homosexualité comme accomplissement de certains, de certaines. Mais pourquoi cet uniforme adopté? Le féminisme est un combat logique, nécessaire, né de traditions masculines malhabiles. Je déplore son exces- sif, allant jusqu'à détruire des constantes, des originalités inhérentes à la femme ou à l'homme. Doit-on passer par là pour trouver l'équilibre? Féministes, homosexuels, se veulent de gauche; la droite refuse de comprendre. — Je suis pour l'avortement. La naissance, créer l'être suivant est la pire des responsabilités. Femme, homme font naître par tradition, par réflexe, par accident, parce que cela se fait. Nous vivons des temps où l'être qui suit chute, beaucoup plus qu'il ne peut s'élever, ce à partir d'un non-savoir, d'un non-désir, d'un non-amour. La droite parle de nais- sances, de famille, et lutte contre l'avortement. — Drogués, hippies, punks et autres marginaux sont les bêtes à souf- frir de la droite. Leur révolte est la véritable droite. Leur inquiétude, leur détresse, leur pessimisme est pourtant nôtre. Eux seuls savent encore le risque. Quel que soit leur chemin, ils veulent d'autres voies et recherchent la vie, là où ne s'offre que la société. — Les écologistes se marquent à gauche, puisent à droite et s'embri- gadent dans des mouvements. Mais le désordonné de leurs interrogations repose sur du vrai : nous sommes le meurtre de nous-mêmes; nous suçons notre terre, nous la vidons de son sang. L'homme déambule sur une terre-cadavre. — S'appuyant sur la jeunesse, la droite a toujours meurtri son indoci- lité, canalisant, excitant ses enthousiasmes en des couloirs tracés. Jamais elle n'a suscité la jeunesse par rapport à elle-même, par rapport à sa propre imagination, pour créer et avancer, quels qu'en soient les risques. — L'ordre n'est pas une fin en soi, un but, un matériau sur lequel peuvent s'épanouir des politiques. L'ordre est une nécessité, une base à partir de laquelle s'étage toute avancée, s'envisage toute liberté. L'ordre est intérieur, jamais régi, dicté; l'ordre commence par la recon- naissance de l'Autre. — Tout progrès, toute avancée repose obligatoirement sur une certi- tude, qui a pour nom tradition, héritage. Ici est un point essentiel de la querelle. Accepter le premier en refusant le second serait construire sans fondations. Mais aussi bien à quoi servent des fondations si ne s'élèvent pas les murs? — La censure donne crédit à ceux qu'elle étouffe. Au-delà de son arbi- traire, son inconséquence est ridicule. La censure est-elle de droite? — Fascisme — nationalisme — nazisme — patriotisme — liberté — éga- lité — fraternité. Les mots ne sont pas que des lettres, ils deviennent la pire des armes; tout est faux, mensonges; le vocabulaire triche et glisse de bouche en bouche, selon les temps. La vérité est ailleurs : couper court et changer de dialogue. Aucun parti politique ne porte à son pro- gramme l'amour, la mort, la solitude. S'ils nous parlaient de la vie? Si au lieu de nous gérer au gré de leurs tendances, leur programme était l'avenir : nos origines pour notre signification? Sûr, ils refuseraient du monde et les couleurs deviendraient belles. — Tout est neuf, tout est nouveau. Autre drame du vocabulaire emporté par la mode. Les philosophes — les femmes — les hommes — la jeunesse — l'école — la guerre — la politique — les militants — les adolescents — les syndica- listes — les romantiques — l'amour — la droite — la gauche — l'idéologie — les marxistes — les cadres — les élégants —, etc. J'arrête ici mais n'exa- gère rien : les nouveaux ceci, les nouveaux cela font régulièrement la Une. Soit. Mais utiliser le mot nouveau suffit-il à proposer une pensée différente, « nouvelle »? Nous récupérons, interprétons et crions au « nouveau » : politique, mode, journalisme, cinématographe, etc.; nous vivons des temps sans imagination, sans création; un monde d'es- soufflés. — Victimes et bourreaux, le nazisme n'est qu'une suite d'hommes, de femmes qui ont créé, suscité, permis, accepté un État-monstre. Le nazisme n'est pas seulement une idéologie à combattre; témoin de notre horrible, il est notre miroir, l'exacerbation de notre négatif. Mais le pire du nazisme commence à sa « défaite » : le voici étalon de l'horreur; il rend le champ du crime vaste et les bourreaux s'amusent. — De droite : L'inquiétude. Le doute. L'irrespect. Le rêve. La liberté. Les idées. Le cœur. L'individualisme. La hiérarchie. Les principes. L'idéalisme. L'avenir. Le travail. Le réalisme. L'inégalité. Le mérite. Le devoir. Le courage. La féminité. Le refus. La solitude. La tradition. L'héritage. La volonté. Le progrès. L'amour. La famille. Le mouvement. La pauvreté. Le chef. La culture. La poésie? Le romantisme est-il une expression de droite? Que se passe-t-il dans les mariages droite/démocratie, droite/générosité, droite/socialisme, droite/révolution, droite/création, droite/pessimisme, droite/mort, droite/ suicide, etc.? Tout parce que ces mots sont du même voyage, rien parce qu'il n'est pas d'exclusive pour la droite. Le whisky est-il de droite, le rouge de gauche? Je place l'enfance et les chats à droite; et vous? Ce jeu pourrait continuer, on n'entend que cette musique droite/gauche, chacun ignore qui a écrit la partition, mais c'est à qui chante faux ou chante juste. A quoi bon ce tableau? La droite va me dire : « Il en manque » et la gauche : « C'est nous »!... — Ma droite se situe là où la gauche récupère; peut-être là une syn- thèse. Mais la droite commence surtout où cesse la politique. — Croire en ce qui nous dépasse est attitude de « droite ». Ce qui nous dépasse est en nous, et non point « définition » des hommes; Dieu s'appelle inquiétude et non pas religion; nous sommes le mystère. — Comment lit-on l'histoire, et dans les manuels, où est la vérité? A bien fouiller les temps, nombre de gens « de gauche » étaient antisémites, mais le qualificatif s'attache à la droite. Staline, Hitler, Mussolini, Franco, Peron naissent de la misère ouvrière, leur fascisme se construit sur la gauche. Mais le fascisme est de droite!... De Gaulle un sauveur, Pétain un salaud! deux faces de la droite? Au F.L.N. n'étaient que des saints, dans les rangs de l'O.A.S., seulement des bourreaux... de droite! On pourrait remonter et citer 1789, la Terreur, Valmy, la Révolution; guerre de gauche? etc. Tout se joue en un curieux déchiffrage, une lecture politique de l'his- toire. Rien n'est vu, dit, analysé avec recul. Seule compte notre subjecti- vité contemporaine. Tout est assené avec certitude, en vérité, pour des fins précises. Au travers de cette certitude, nous nous inventons une mémoire, fabriquons de l'histoire; nous n'avons plus de « sages »; dans les temps futurs le passé enseigné ne sera-t-il que mensonge? Aujour- d'hui, quel rôle coupable que celui de l'information! Les acteurs de ce mensonge sont la gauche et la droite dans le cercle du pouvoir.

Certitudes

Fuir les mots, les groupes, les étiquettes. L'avancée se joue ailleurs, différemment, dans une autre solitude. Ne se référer à aucun code, aucune mode, aucun slogan, aucun appel, aucun groupe. Se définir par cette seule lecture de l'avenir, cette anticipation : être l'origine du pré- sent. Nos racines sont l'avenir. D'où nous vient notre récit; de quelle mémoire, de quel présent, de quel avenir? Le pays de derrière la brume existe. En nous, plus loin que l'horizon, il est notre signification. Nous sommes l'infiniment petit au savoir absolu, nous sommes la connaissance. Il faut franchir les portes qui s'ouvrent aux couloirs menant aux autres portes libérant d'autres couloirs d'où, plus loin, s'aperçoivent les portes qui... Penser, agir, écrire, vivre avec urgence. Chaque moment, chaque lettre du temps est urgence. L'écriture, ce lieu privilégié du combat intérieur, où le rien devenu essentiel nous oblige; ce transfert en un autre territoire de nous, saisi dans l'unique. L'écriture. Entre le mot et la lettre tracée, qui connaît le chemin? Écrire, c'est pouvoir enfin se parler et savoir de soi, l'Autre. L'écriture même, comme attitude de droite. Ce double éclatement : notre regard sur l'autre, notre regard sur nous. « Je » de la solitude, à la marge si infime entre « le chemin » et la folie. Vivre son inconscient, le nourrir. Mais de quelle mémoire nous vient-il, de quels lieux, de quel temps? Que décide-t-il, que sait-il? Est-il l'Univers? Où nous mène-t-il? Se méfier de la parole intérieure; on ne saura jamais si elle pressent ou bien si elle engendre. En nous ce lieu qui semble attendre. Lieu des lieux de la mémoire; lieu des temps accumulés, lieu des cultures apprises, lieu de notre naissance, lieu de notre milieu, lieu des évolutions, lieu de l'infini où peut se dire Je. En nous ce lieu qui semble attendre. En nous la Connaissance. ...L'Univers est en nous. Au profond de nous-mêmes. Aller au plus loin du labyrinthe, et porter notre dire à ceux qui viennent; où cesse notre course, commence leur voyage. Ici certains disent tradition. Nous ne sommes que doute et certitude à la fois. Nous ricochons dans la vie, écrasés par nous-mêmes, par le temps, par l'histoire et les autres. Quel homme peut parler de certitude, de vérité? Quel homme peut accuser l'autre? Ne plus voir, ne plus entendre. S'enfermer en soi, rester extérieur à tout, et au-delà, surtout à soi-même. Rien ne doit rejaillir sur soi, rien, même pas les Autres; connaître ce moment où l'on se trouve avant les choses. Aller jusqu'au vide pour que naisse « l'avancée »; vivre de sa seule présence, et un jour, aux autres, enfin se donner. Quelle place prendre dans son siècle? Ceux qui tendent vers ce vertige basculent sur l'autre interrogation : « Toi qui fais ton époque, quelle place lui donner dans le temps? » Jusqu'où va le questionnaire? Toute religion est négative qui veut réduire l'homme à un modèle; toute foi est tyrannique qui prétend mener à la connaissance par des voies banalisées, dogmatiques. Le monothéisme a institué la forme suprême de l'esclavage : celui des âmes; qui le dénoncera lors même qu'il profite au plus grand nombre? Avancer, s'interroger, vivre exclusivement dans les abîmes du doute, du vide, de l'inconnu. Il faudrait mettre l'inquiétude au programme. Nous ne sommes aucune origine, seulement un moment dans le temps; toute notre vie est un autre voyage, nous implique sur un nouveau chemin. Aucun de nos gestes n'est premier. Pourtant trouver dans le labyrinthe cette force qui est en nous et décide de l'avancée. Vivre, parler, répondre, entendre, comprendre, changer de lieu nous modifie. Vivre, parler, répondre, entendre, comprendre, changer de lieu, modi- fie notre environnement. Nous ne sommes pas « innocents ». Chaque moment de vie est blessure et agression, pour et par l'individu, pour et par la foule. Jusqu'à quel point dépendons-nous de nous? A quel moment les « forces » nous échappent, nous prolongent, nous transforment, nous agressent? A quel moment le destin cesse-t-il d'être en nous et nous vient de l'extérieur? Nous ne sommes que dualité. Ce double porté en nous par la naissance est notre épreuve, notre inquiétude, notre moteur de vie qui tend aux portes de l'absolu, comme à celles des plus basses misères; notre sélec- tion intérieure. Nous sommes notre propre inégalité. En nous comme sur l'autre devient possible le triomphe. Quels qu'en soient l'illustration, le territoire, le combat intérieur demeure permanent. Né de mouvements de faiblesse, de dépressions collectives, sorte d'héré- dité horizontale, d'une invention le monothéisme a créé des dogmes. Bien plus que tout appareil politique, il s'est emparé d'âmes affolées s'offrant à lui comme unique salut. L'histoire est pavée de ces élans vides de deve- nir, horribles d'oppressions qui marquent et les hommes et les peuples jus- qu'à les modifier. Cette religion au Dieu unique est fuite et manière d'ou- bli, elle devient meurtre de l'Univers. Rien ne s'oublie, tout est trace; où que l'on marche malgré son pas, nous portons notre cicatrice. A vif on la souffre, ensuite elle creuse son bourrelet. L'homme faible veut ignorer qu'il demeure son unique recours pour s'affirmer et être; que sa solitude a pour nom identité. Mais ils jouent tous à ne pas être seuls, et d'associations en partis, de bistrots en clubs, d'anciens de ceci en nouveaux de cela, ils s'inventent des familles, refuges de fils irresponsables et de pères artificiels. Où est la vie et pourquoi? Que veut dire Être et quelle force nous per- met d'en assumer le réel? Nous avançons sur une corde; nous souffrons l'impasse. Les hommes existent comme s'ils devaient vivre tout le temps. Des certitudes, que tous nomment pensée, principe, règle, philosophie, politique, que tous assemblent en sociétés, nous sont imposées comme vérités, lors même qu'ils s'entre-déchirent pour affirmer chacun les leurs. Cela devient l'Histoire, puis s'oublie dans la mémoire; et les hommes recommencent. La famille ce seul refuge, seul territoire de la mémoire, seul témoin de nos chairs, où la tradition s'appelle sang et où l'homme dépasse l'homme puisqu'il s'y continue. La famille, qu'en faites-vous? D'abord exemple pour l'homme, la voici à l'image de la société, qui ouvre ses portes au médiocre. Nous ne sommes pas libres. Notre naissance implique notre dépen- dance. Nous ne nous appartenons pas; nos origines, ancêtres, milieu, territoire, pays, époque sont de notre voyage. A cela et en même temps, l'homme a ajouté les dépendances sociales, politiques. Nous sommes coincés entre : l'homme prolonge l'homme, et l'homme transforme l'homme. Le social et le politique deviennent des moules, nous imprègnent et pèsent dans l'hérédité. L'homme fabrique son milieu pour vivre et se dépasser, mais il doit en rester à la marge, ne pas s'y engloutir. Nous vivons comme engloutis dans notre société; la voici devenue but; politi- ciens, religieux et autres « responsables » y cherchent les pouvoirs pour seulement régner. La vie, être géant s'il en fut, où va-t-elle? Que va faire la vie? Qu'al- lons-nous faire d'elle, puisque aussi bien nous sommes son âme, son cer- veau et son corps? Décider autrement, apprendre d'autres possibles. Nous sommes sur une ligne de vie faite — au-delà de notre vouloir — de successions de circonstances. Au long du parcours, on peut fuir le che- min ou accélérer le processus; sur cette voie magique, une curieuse alchi- mie : libre/dirigé. Mais au fond, dans ce chaos énorme, tout n'est-il pas programmé? Nous sommes violence, haine et mépris; chacun veut dominer l'autre; jusqu'au plus libéral qui dicte ses principes. Voir et agresser. Liens du sang, couple, amis, collègues ou collaborateurs, il n'est que jalousie, doute, rivalité, critique et médisance. J'écrivais famille. Dire couple. Dire parents. Religieuse ou municipale, au nom de quoi l'union encartée, indissoluble? Nous butons sur l'infran- chissable, nous sommes tous des étrangers. Au nom de quoi s'ac- couple-t-on pour fonder famille? Le médiocre et l'échec permanent. Qui écoute l'enfance? Jusqu'au pire des pires, ils ne refont qu'eux-mêmes. Créer un C.A.P. de vie, d'accouplement, d'enfantement. Une voix au loin, légère comme une ombre : « Qui en fixera les règles? » Le vocabulaire s'en mêle. Hier : individu, citoyen, peuple; aujour- d'hui : masse, base, société. Pourquoi nier l'homme? Où que l'on aille, ce sont nos pas qui nous portent. Marcher plus loin et franchir l'au-delà : voir ce qui existe lorsqu'il n'y a plus rien. Et l'enfant regardant père et mère dit : Je suis votre corps, mais d'où vient mon âme? Et puis un jour on sait qu'il est une autre vie : d'autres vies. Alors chercher la sienne. Cette deuxième naissance : et si c'était moi? Et si je devenais ce que je puis être? Connaître cette force en nous et affirmer ce qui nous décide. Notre déséquilibre est total et passe par la perfection de l'absence. Le présent n'existe pas : de nous il ne reste que ce que l'on devient. Ils ont sali l'amour. Ils ne se possèdent même pas, et pourtant ils se donnent. Écrire tous les jours, sur toutes les pages. Écrire infiniment petit, sur tous les blancs, sans laisser de marge. Écrire le mot : Pourquoi? L'absence nous devient unique lieu. Le couple, aliénation de deux individualités au profit d'un nébuleux « personnage ». Se détruire à travers l'autre ou bien l'emprisonner en nos fantasmes : est-il une autre alternative? La mort comme seule certitude. Vouloir sa conquête et s'accomplir en elle. La mort s'oublie, elle est toujours pour les autres. La mort a quitté la rue, le rituel du cortège n'est plus et le noir est une cou- leur. Que nous viennent les fêtes de la mort! L'idée de lutte est abolie, l'effort n'a plus de sens, faute de but. Ce n'est pas le vocabulaire qui se transforme, mais les valeurs qui disparaissent; les cerveaux deviennent lisses. Tout finit dans l'angoisse, unique espoir des vieux, unique tradition de notre temps; voici le legs pour nos fils. Comme si quelque part, en un temps d'autrefois nous nous étions trompés. Comme si brusquement l'homme avait dévié de son chemin. De l'origine au devenir, nous sommes le mystère. Toute opposition est intégrée, glissement à partir d'une norme, pro- longement se nourrissant d'une même substance, se construisant en réac- tion, autour et à partir d'un même discours. Vivre la dimension tragique de l'absence nous approche d'une intuition de la vie; alors retrouver notre mémoire — de l'être, collec- tive — pour donner une autre parole. Se dire inégal marque la reconnaissance d'une autre identité.

La droite, disent-ils...

DÉFINITIONS ET HISTOIRE Droite : Dans les assemblées parlementaires, partie de l'hémicycle située à la droite du président et où siègent traditionnellement les représentants des partis conserva- teurs. Ensemble de ceux qui soutiennent des idées conservatrices (d'où de droite : conservateur, réactionnaire). LAROUSSE, Lexis, p. 558. Le droitier est-il plus « adroit », le gaucher plus « gauche »? Pourquoi en maintes religions et bons usages tout commence-t-il par le côté droit? Pourquoi cette notion politique de bien et de mal entre gauche et droite? Ce mot qui semble avoir un passé — 1789 — a-t-il un avenir? Et d'abord, n'existait-il point avant cette date? D'où nous vient-il, et que recouvre-t-il? Comment ignorer que depuis son entrée en politique il désigne des gens différents, des mouvements qui s'entre-déchirent? Comment ne pas s'interroger sur la contradiction même des idées qu'il véhicule? Poli- tique intérieure, politique extérieure, philosophie, littérature ou mode, ce mot ne peut s'imposer qu'en s'opposant et semble nier ses propres certi- tudes des temps d'avant qui deviennent ensuite celles — ou presque — des gens d'en face. Abandon? Récupération? Les thèses qu'il délaisse se vérifient plus tard dans l'autre camp; préface au long discours de la vie, ce mot serait-il toujours en avance? Existe-t-il une identité caractéris- tique de l'Homme de droite? A lire les fascicules et autres manuels, le mot droite s'affirme donc en 1789, naissance définie par sa position dans l'hémicycle, et, idéologique- ment, par son désir de maintenance, et refus du. changement. Il ne s'agit pas ici de faire la part des choses, de dire le réalisme ou non de cet à-priori, le bien-fondé ou l'hérésie de la Révolution. Notons seulement que le mot, au fil des temps, se chargera de plus en plus de discrédit et qu'au- jourd'hui il n'en est pas de plus noir dans le vocable politique. Naguère, par exemple, les députés poujadistes refusèrent de siéger à droite, les gaul- listes, plus tard, firent modifier la disposition dans l'hémicycle afin de ne point se retrouver du « mauvais » côté. De nos jours, c'est la course à celui qui « n'en sera point ». Un regard schématique laisse dubitatif... A titre d'exemples, Robespierre, Danton, Saint-Just, à droite, à gauche? La guillotine, de gauche? Et Napoléon? Et Louis-Philippe? Et la Troi- sième République? Il faut constater que depuis sa naissance le parcours de la droite est marqué de dates négatives, d'attitudes stupides, de prises de position « schizophréniques », comme si le personnage de « droite », né d'un accouchement difficile, ambigu, était à jamais marqué, alors qu'à l'évidence s'y sont côtoyées tant d'intelligence et tant de vérités. L'his- toire en mélangeant les thèses et brouillant les parcours suggère un mou- vement qu'elle interdit de définir, propose un itinéraire qu'elle dénigre ensuite. L'histoire ou les hommes? A.D.G.

Alain Camille. 31 ans. Douze romans Série noire. Auteur de feuilletons télévisés.

Portrait

PPROCHEZ, approchez, messieurs-dames, le spectacle va commen- cer! Un franc l'entrée, réduction aux enfants de troupe, aux Aséminaristes munis de leur sabre et de leur goupillon. Entrez, messieurs- dames, venez admirer ce spécimen rare que j'ai ramené au péril de ma vie des profondeurs insondables de la jungle politique française! j'ai nommé... (roulement de tambour)... : l'HOMME DE DROITE!!! Applaudissez-le, il est en voie de disparition et entrez madame, entrez mademoiselle, entrez monsieur! Sous le barnum bleu-blanc-rouge constellé çà et là de croix celtiques, de fleurs de lys et de francisques, la foule apeurée se presse. Il est là, Dieu merci, solidement attaché derrière les grilles d'or du capitalisme par les chaînes de l'obscurantisme. Son faciès est celui d'une brute, il a le crâne ras et un béret, tantôt rouge, tantôt basque, il est revêtu d'une tenue léopard et chaussé de Pataugas. Il tient sous son bras toute sa bibliothèque : un manuel de close-combat et il n'a pas fini de colorier le deuxième ouvrage. Ajoutons qu'il a le regard fixé sur la ligne bleue des Vosges, qu'il rugit comme un fauve quand on lui présente un juif, un franc-maçon ou un communiste et qu'il ne saurait entendre de musique autre que militaire. Je plaisante à peine... Voilà l'image inconsciente qu'enregistrent de nous ceux qui ont intérêt à la laisser courir. A tel point que dans une assemblée, les gens ayant appris mon appartenance politique ont pu constater que je ne pissais pas dans les Sèvres et ne me mouchais pas dans les rideaux et qu'en général, je me conduisais plutôt comme un homme policé. Dans l'échange de leurs impressions, cela donne : « On croyait pas que c'était comme ça un fasciste... » Du coup, je mets mes doigts dans mon nez ou mieux, dans celui des autres. Maintenant, histoire de faire rigoler sous le barnum, les VRAIES lectures de l'homme de droite et ce qui fait que j'en suis : Rivarol, Cha- teaubriand, Bloy, Barrès, Drumont, Maurras, Daudet, Bainville, Céline, Aymé, Perret, Nimier, Lauret Déon, Raspail. N'en jetez plus, la cour est pleine et elle est drôlement badour. Le débat qui vient de s'engager sur la « » en donne à cet ouvrage une actualité singulière. Il ajoute à l'intérêt d'une enquête qui n'a pas son équivalent et n'a pas eu de précédent. Les représentants les plus qualifiés d'un courant de pensée permanent de notre histoire, des écrivains, philosophes, chercheurs, des dirigeants politiques, mais égale- ment de simples observateurs et des adversaires déclarés, s'efforcent, sous tous ses aspects et dans ses variétés, de le définir. Le résultat est une source de réflexions, d'informa- tions, de connaissances ou de renouvellement de connaissan- ces de la plus grande richesse. Cette enquête sur la Droite française se signale d'abord par la hauteur de vues de ses participants et leur préoccupation commune, mais non concertée, de ne jamais tomber dans la polémique mesquine ou le parti pris vulgaire. Démarche intellectuelle claire, simple, elle contribue à nous aider à mieux comprendre notre temps. Né en 1945, Jean-Pierre Apparu exerce actuellement d'importantes responsabilités dans une société d'édition. Il a collaboré parallèlement à plusieurs journaux et, comme critique littéraire, à «Sud Radio ». Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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