MÉMOIRES D'ACTION 1924-1974 OUVRAGES DE GASTON PALEWSKI

Hier et aujourd'hui. Librairie Plon, 1974. Rééd. 1975. Le Miroir de Talleyrand. Lettres inédites à la duchesse de Courlande pendant le congrès de Vienne. Librairie Aca- démique Perrin, 1976. GASTON PALEWSKI de l'Institut

MÉMOIRES D'ACTION 1924-1974

Edition établie, annotée et présentée par ERIC ROUSSEL

PLON 8, rue Garancière La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© Librairie Plon, 1988. ISBN 2-259-01875-0 PREFACE

Depuis la disparition du général de Gaulle, beaucoup de ceux qui l' ont connu, admiré et servi ont publié leurs souvenirs. Parmi ces compagnons les plus proches, Gaston Palewski a été l'un des rares à ne pas témoigner de son vivant, sinon à l'occasion d'un colloque, d'une allocution ou à travers ses Propos de la Revue des Deux Mondes. Lié à l'ancien chef de la libre depuis 1934, ayant décelé chez lui, dès cette époque, un homme d'exception, devenu successivement son plus proche col- laborateur à Londres, Alger et Paris, son ministre de 1962 à 1965 et enfin le second président du Conseil constitu- tionnel de la V République, Gaston Palewski avait pour- tant plus de titres que quiconque pour apporter sa con- tribution à l'histoire du gaullisme. Sans hyperbole, on peut même voir en lui le premier des gaullistes histori- ques puisqu'il eut l'idée de rejoindre Londres avant d'avoir entendu l'appel du 18 Juin. Au vrai, si Gaston Palewski a paru observer une cer- taine réserve, c'est tout simplement parce qu'il retardait le moment de « remettre sa copie ». Depuis longtemps, en effet, il préparait ses Mémoires d'action, y apportant sans cesse des retouches, des précisions, toujours sou- cieux de trouver le mot juste, l'anecdote significative, la nuance adéquate. Malheureusement, la maladie qu'il endura avec le courage et l'élégance qu'il mettait en tou- tes choses l'empêcha de mener complètement à bien ce projet. A sa mort, le 3 septembre 1984, le manuscrit était inachevé, assez avancé néanmoins pour qu'une publica- tion pût être envisagée. Peu après, Mme Gaston Palewski me fit donc l'honneur de me charger de mettre au point, d'annoter et de présenter ce volume. D'entrée de jeu, j'eus l'heureuse surprise de constater que les deux tiers environ du livre, c'est-à-dire les chapi- tres couvrant l'entre-deux-guerres et le second conflit mondial, étaient en bon état, exempts de graves lacunes. Dictés à Mme Gadoffre, transcrits par les soins de cette dernière — qui a droit à toute notre gratitude —, revus par le président Palewski, ces textes pouvaient être consi- dérés comme définitifs, sous réserve de légères correc- tions de forme et de quelques ajouts, au demeurant indi- qués de manière fort rigoureuse par le mémorialiste. S'agissant de cette première partie, mon rôle, par consé- quent, a été des plus modestes. Je me suis borné à effec- tuer d'indispensables ajustements, à établir quelques notes et à donner un titre à chaque chapitre. Pour le dernier tiers de l'ouvrage — je crois utile de le signaler —, il me fallut, avec l'aide et l'accord de Mme Gaston Palewski, adopter une méthode différente. A partir de 1944, nous ne disposions plus, en effet, d'un récit continu mêlant à l'action personnelle de l'auteur l'évolution de la France et du monde, mais de morceaux fragmentaires évoquant les principales étapes de la car- rière politique de Gaston Palewski : son rôle au lende- main de la Libération en tant que directeur de cabinet du général de Gaulle, la part déterminante qu'il prit à la fondation et au lancement du R.P.F., son passage dans le gouvernement Edgar Faure en 1955, son ambassade à Rome de 1957 à 1962, enfin les neuf années durant les- quelles il assuma la présidence du Conseil constitution- nel. Par bonheur, chacun de ces épisodes avait été évo- qué de manière très substantielle par Gaston Palewski soit à travers ses Propos, soit au fil d'entretiens réalisés au cours des années 1982-1983, grâce à l'amicale compli- cité de Mme Anne de Lacretelle. Par chance encore, Mme de Lacretelle — à laquelle je ne saurais trop rendre hommage — avait pris soin d'ordonner méticuleusement tous les éléments disponibles pour chacune des têtes de chap itre, et l'ensemble avait fait l'objet d'observations tr ès précises du président Palewski. Dès lors ma mission était tracée. Elle consistait à assembler ces éléments aussi logiquement que possible et à introduire quelques repères chronologiques nécessaires à une bonne compré- hension. En m'acquittant de cette tâche, mon souci constant — ai-je besoin de le dire ? — a été de demeurer fidèle à la pensée de l'auteur, et ceci m'a conduit, avec l' approbation de Mme Gaston Palewski, à éliminer cer- tains passages restés à l'état d'aide-mémoire, trop peu élaborés pour être utilisés. C'est ainsi que j'ai dû me résoudre à retrancher un chapitre relatif à l'action déployée par Gaston Palewski à la vice-présidence du Conseil des musées, haute instance au sein de laquelle son amour profond de l' art, la sûreté de son jugement et la sagesse de ses avis ne sont pas près d'être oubliés. Telle qu 'elle se présente, cette édition correspond ainsi, j'en suis convaincu, aux ultimes vœux de Gaston Palewski qui souhaitait apporter ce témoignage, reflet d'une vie consacrée au service de la France, de la liberté et à la cause de celui qui par deux fois a assuré la pérennité de ses idéaux : le général de Gaulle. Cette existence excep- tionnellement bien remplie, il ne m'appartient évidem- ment pas, on le comprendra, d'en vanter les mérites. Sous des plumes beaucoup plus autorisées que la mienne, le président Palewski a déjà reçu l'hommage dû à sa mémoire. Dans un numéro spécial d'Espoir \ la revue de l'Institut Charles-de-Gaulle, Michel Debré, Maurice Druon, , Pierre Lefranc et tant d'autres personnalités ont tracé de celui dont ils furent le compagnon, le colla- borateur ou l'ami de précieuses esquisses rendant justice à son intelligence et à son patriotisme. Pour ma part, n'ayant eu la chance de connaître Gaston Palewski qu'au soir de sa vie, lors des réunions du jury de la fondation Pierre-Lafue, qu'il présidait avec autorité et humour, je voudrais, plus modestement, donner aux lecteurs de ce livre quelques précisions biographiques qui, je l'espère,

1. « Gaston Palewski, 1901-1984 », Espoir, n° 50, mars 1985. leur permettront d'en mieux saisir la valeur, le sens et la portée. De Gaston Palewski, le général de Gaulle disait : « Il est toujours là où se fait l'Histoire. » Effectivement, ce qui frappe dans ce destin hors série c'est la somme d'ex- périences acquise, l'omniprésence du futur haut digni- taire de la V République sur la scène publique durant quelque cinquante ans, le rôle marquant qu'il joua aux côtés de trois personnalités exceptionnelles : Lyautey, et de Gaulle. Tout cela fut-il le fruit du hasard ? Il faudrait être naïf pour le croire. En réalité, si Gaston Palewski n'était pas réellement prédestiné à accomplir cette trajectoire singulière, il apparaît qu'il eut le rare mérite de toujours distinguer, avec une sorte de faculté de divination, non seulement ce qui était l'inté- rêt supérieur de la France, mais aussi ceux qui étaient le plus aptes à le servir et à la cause desquels il consa- crait, dès lors, toute son énergie. Cette aptitude à saisir la chance et à s'en montrer digne, il ne fait guère de doute que Gaston Palewski en fut d'abord redevable à son milieu familial. A son cousin germain, l'écrivain André Gillois, ne dira-t-il pas un jour : — Quand je répète, à toute occasion, que je dois tout au général de Gaulle, j'ai un peu de remords en pensant à tout ce que je dois à mes parents. Né à Paris le 20 mars 1901, celui qui allait devenir le plus proche collaborateur du général de Gaulle eut la chance de trouver dans sa famille, de souche polonaise, fixée en France au XIX siècle, un cadre propice à l'éclo- sion de ses dons. Ingénieur des Arts et manufactures, son père, Maurice Palewski, l'éveilla très tôt aux formi- dables progrès techniques accomplis par l'homme en ce début de siècle au cours duquel l'accélération de l'his- toire ne fut jamais plus rapide. Douce, réservée, éprise d'art et de littérature, animée par le plus intelligent des patriotismes, sa mère, quant à elle, lui inculqua le sens des responsabilités publiques et celui des belles choses qui devait devenir une des passions de sa vie. Grâce à ses parents, Gaston Palewski eut ainsi le privilège de disposer d'une vaste ouverture sur le monde, de se trouver très tôt de plain-pied au milieu du Paris des années vingt si riche de talents. A peine sorti de l'adolescence, inscrit à l'école des Sciences politiques, à l'école du Louvre et à la Sorbonne, il fréquenta alors assidûment les salons et se lia d'amitié avec de nombreux artistes, en particulier Aman Jan, l'un des plus célèbres peintres mondains de l'époque. Chaque dimanche, il se rendait également à Auteuil, dans l'atelier de Jacques-Emile Blanche. Et ce fut ce grand portrai- tiste, aujourd 'hui un peu méconnu, qui le premier lui parla avec admiration d'un certain Marcel Proust. Ni l 'un ni l' autre ne se doutaient évidemment qu'un demi- siècle plus tard le plus jeune deviendrait président de la Société des amis de ce romancier de génie ! Pour mieux comprendre l'évolution postérieure de Gaston Palewski, peut-être faut-il aussi souligner com- bien fut important son passage à Oxford où il séjourna après avoir acquis ses diplômes français. De ces quelques mois durant lesquels il côtoya au sein de la célèbre uni- versité Anthony Eden, nous savons peu de chose sinon que, dédaignant la politique, il se passionna pour la lit- térature anglaise au point de songer à entreprendre une thèse sur Thackeray. Etrange prémonition d'ailleurs, car c'est à l'auteur du Livre des snobs que l'on doit cette phrase qui s'applique à merveille au général de Gaulle : « Lorsque dans l'univers les nécessités de l'heure récla- ment un homme, celui-ci apparaît. » Outre-Manche, Gaston Palewski acquit en tout cas non seulement une connaissance profonde du monde anglo-saxon, mais aussi la technique de travail qui fut par la suite la sienne : un acharnement à la tâche dissimulé sous une fausse désin- volture. Comme l'a écrit excellemment Maurice Druon 1 : « Son cursus universitaire s'était achevé à Oxford. Faute de le savoir on pouvait se méprendre sur certaines légère- tés, fausses légèretés de son comportement. L'enseigne- ment supérieur français produit des élites doctes ou bril- lantes, enclines à témoigner constamment de la profon-

1. « Du côté de chez Gaston », Espoir, n° 50. deur de leurs connaissances ou du poids de leurs respon- sabilités, au moins à toujours les laisser deviner. Les vieilles universités anglaises produisent des élites de gouvernement, d'érudition ou de recherche scientifique qui affectent de ne pas prendre tout à fait au sérieux ce qu'elles font ou de le faire en plus. On en viendrait à se demander quand ces gens-là travaillent, qui mettent à leur labeur la pudeur ou les cachotteries dont d'autres enveloppent leurs loisirs. Et il faut une guerre au moins pour qu'ils se dépouillent de ce vain détachement. » Rentré d'Oxford, Gaston Palewski allait-il se contenter de renouer avec ses amis, de poursuivre la carrière stric- tement administrative à laquelle le destinait sa forma- tion ? C'eût été mal le connaître. En fait, depuis toujours, il était tourné vers le concret et avide de servir. « Tout jeune, dira-t-il en janvier 1981, lors d'une série d'entre- tiens conservés par l'Institut national de l'audiovisuel, j'avais un désir, c'était que ma vie fût tournée vers l'action. Je ne voulais pas rester dans la pensée, les arts et les livres. Je voulais agir et la vie m'a comblé. » Très vite, de fait, le destin se montra courtois envers lui, et c'est ainsi qu'il eut le bonheur de faire ses pre- mières armes auprès du maréchal Lyautey, à Rabat. Pour un jeune homme plein d'énergie et de talent, on imagine combien était exaltante la perspective de travailler avec un personnage d'une telle envergure. Cette chance, Gaston Palewski ne devait jamais l'oublier. Envers Lyautey, auprès duquel il accomplit son service militaire alors que la rébellion d'Abd el-Krim ravageait le Maroc, il garda toujours admiration et gratitude. Dans son esprit, cette dette de reconnaissance était associée à celle qu'il éprou- vait à l'égard de l'abbé Bremond, le remarquable ana- lyste de l'Histoire littéraire du sentiment religieux en France qui, lié à ses parents, avait eu l'amitié de lui remettre une lettre de recommandation pour le maréchal. Ces quelques lignes de Bremond — et il le savait —, ce fut son sésame, elles lui permirent de se hisser tout de suite vers ces sommets qu'il ne devait jamais abandon- ner et où ses dons furent rapidement remarqués. Ce que fut par la suite l'itinéraire de Gaston Palewski, je n en évoquerai pas le détail puisque ce livre en fait revivre les temps forts mieux que je ne saurais le faire. Pour achever la tâche qui m'était impartie, je souhaiterais seulement insister sur quelques points importants, per- mettant, je crois, de mieux cerner le profil du mémoria- liste. Ce qui frappe d'emblée, c'est la singulière clairvoyance politique de Gaston Palewski. Mêlé, dès son retour du Maroc, aux affaires publiques dans le sillage de Paul Reynaud dont il devint le collaborateur en 1928, il perçut rapidement les tares de la III République, l'extraordi- naire gaspillage d'énergie que provoquait un système constitutionnel vicieux. Equitable envers les hommes sou- vent dévoués et compétents qui animaient ce théâtre d 'ombres, il réprouva tout de suite le régime des partis, incapable selon lui de faire face aux terribles menaces qui déjà pointaient à l'horizon. Car très tôt, comme Paul Reynaud du reste, il sentit la montée des périls, il vit poindre les totalitarismes et déplora à ce titre l'incohé- rence de notre politique étrangère, nos retards en matière de défense nationale. Toutefois, ne nous y trompons pas, profondément républicain, homme de compromis et de progrès, Gaston Palewski n'appelait en aucune manière de ses vœux l'avènement d'un régime autoritaire. Ce qu'il souhaitait, à l'instar de Paul Reynaud, c'était une vaste réforme de l'Etat susceptible de donner au pays les bases indispensables d'un redressement. Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que, dès la première rencontre en 1934, Gaston Palewski ait été conquis par le général de Gaulle et ait décidé, ainsi qu'il le relate, de mettre tout en œuvre pour faire prévaloir ses idées et ses conceptions, en matière militaire notam- ment. Au « Connétable » visionnaire, mais intransigeant et peu à l'aise dans les arcanes de la politique, il devait apporter beaucoup et en particulier sa connaissance du milieu parlementaire et un sens des contacts humains d'autant plus précieux qu'il allait toujours de pair avec une loyauté totale. Sans se lasser, cet ouvrage en témoi- gne, il plaida auprès de plusieurs hommes politiques importants en faveur des conceptions du colonel de Gaulle, et si, hélas, il ne parvint pas à les faire triom- pher, ce ne fut pas faute d'avoir usé de toute l'influence dont il disposait. A dater de 1934, on retiendra, en tout cas, que le destin de Gaston Palewski se confond avec celui de . Cette intelligence et cette opiniâtreté dont il avait fait preuve avant la guerre, Gaston Palewski continua à les mettre au service de Charles de Gaulle qu'il rejoignit à Londres en août 1940, et c'est alors qu'il eut l'occasion de faire montre de quelques autres de ses talents, cette sou- plesse, ce goût inné de la négociation qui allaient bientôt contribuer à rompre l'isolement de la France libre. Lors- qu'il arriva en Angleterre, en juin 1940, de Gaulle en effet était seul. Les fonctions de sous-secrétaire d'Etat à la Guerre qu'il venait d'occuper brièvement au sein du cabinet Paul Reynaud étaient trop modestes pour que d'emblée ceux qui refusaient de cesser le combat se ras- semblassent autour de lui ; en outre, il n'avait aucun appui en Grande-Bretagne. Pour Gaston Palewski, au contraire, Londres, depuis longtemps, n'avait pas de secrets. Parmi le personnel politique et la haute société, il comptait beaucoup d'amis. Autant de titres qui devaient faire de lui sans tarder l'homme providentiel, d'abord en tant que directeur des Affaires politiques de la France libre, puis après sa mission en Ethiopie de 1941 à 1942 comme directeur du cabinet du Général. Sans trahir un secret, il est permis de dire qu'en de multiples circons- tances son intervention se révéla décisive et qu'il sut, chaque fois que l'occasion s'en fit sentir, arrondir les angles, prévenir les incidents, amortir les chocs entre Charles de Gaulle et nos amis anglais. Et probablement aurait-il exercé la même action modératrice dans les rap- ports franco-américains si le président Roosevelt n'avait montré sans cesse un ostracisme blessant vis-à-vis de la France libre. Après la Libération, à Paris où il conserva son poste, Gaston Palewski poursuivit son action dans un esprit identique. « Au cours des semaines qui suivirent la libé- ration de Paris, a écrit justement l'ambassadeur Geoffroy de Courcel son succe seur à la présidence de l'Institut Charles- de- Gaulle, Gaston Palewski joua auprès du Géné- ral un rôle extrêmement utile était sans doute le seul à pouvoir remplir. Certains des hommes politiques de la III République s 'étaient définitivement disqualifiés, d'autres, trop âgés pour jouer un rôle actif dans la Résis- tance, considéraient que le fait d'avoir refusé toutes compromissions avec l'occupant ou avec Vichy leur don- nait des droits ; d'autres encore regardaient avec réserve cet officier général allant vers la foule. Gaston Palewski, qui connaissait les milieux politiques dans lesquels il avait lui-même évolué depuis 1928 et qui avait un grand sens du contact, établit facilement des rapports avec eux et sut calmer les susceptibilités des uns, faire appel aux compétences des autres, en un mot faciliter les transi- tions difficiles et nécessaires. » En marge de cette fonction de conseiller politique, qui l' amena, on le sait, à s 'attacher les services d'un certain , Gaston Palewski prit aussi une part active au règlement de grandes et délicates affaires. Au vrai, qu 'il s 'agisse des nationalisations, du mode de scru- tin, de l' attitude à prendre face aux communistes, de l'attribution du Monde à l'équipe d'Hubert Beuve-Méry, de la création du commissariat au Plan ou de l'E.N.A., bien des initiatives majeures de cette époque portent sa marque. Après la retraite du général de Gaulle en 1946, c'est encore lui qui, un peu plus tard, fut avec André Malraux, l'un des sept membres fondateurs du R.P.F., qu'il représenta à l'Assemblée nationale en tant que député de la Seine de 1951 à 1955. Quel qu'ait pu être le dévouement total de Gaston Palewski envers le Général, on se tromperait toutefois en pensant qu'il était un inconditionnel, toujours prêt à obéir sans défendre son point de vue. Chez lui, la fidélité absolue à l'homme qu'il croyait le plus apte à présider aux destinées du pays se conjuguait avec un sens aigu des réalités, et son allégeance ne l'empêcha jamais de conser-

1. « Gaston Palewski et le général de Gaulle », Espoir, n° 50. ver sa liberté d'esprit, d'en faire bénéficier le général de Gaulle, d'apporter également son concours au pays lors- qu'il le crut utile. On le vit bien lorsque, après l'échec du R.P.F., il participa au gouvernement Edgar Faure en tant que ministre délégué à la présidence du Conseil, chargé des Affaires atomiques, des Affaires sahariennes et de la coordination de la défense, avant d'accepter l'am- bassade à Rome, à la demande expresse du Général. Préparant le terrain en vue du retour au pouvoir de son chef, Gaston Palewski sut dans ces différents postes déployer une remarquable activité, acquérir l'estime de ceux qui ne partageaient pas ses options et il faut souli- gner la part déterminante qu'il prit, en 1955, à la mise en œuvre d'une ambitieuse politique nucléaire. Aujourd'hui, si la France possède cet outil de dissuasion dont tout le monde a fini par reconnaître l'utilité, c'est à Gaston Palewski qu'elle le doit pour une large part. Farouche- ment déterminé à vaincre les obstacles, nombreux sur sa route, il réussit à faire adopter son point de vue, à mettre sur pied un programme qu'il put heureusement poursuivre lorsque, après le retour au pouvoir du Géné- ral en 1958, il retrouva, de 1962 à 1965, les mêmes respon- sabilités au sein du gouvernement de Georges Pompidou. « Son nom, a écrit à juste titre Pierre Guillaumat, est définitivement inscrit parmi ceux des hommes d'Etat auxquels la France doit un rang éminent dans la science, l'industrie et la défense nucléaire de la France 1 » Liberté de jugement, sens aigu de l'intérêt national, goût de la conciliation, tout cela désignait Gaston Palewski pour accomplir avec éclat la dernière mission qui lui fut confiée : la présidence du Conseil constitution- nel de 1965 à 1974. Bien sûr, tant que le général de Gaulle fut au pouvoir, le rôle de la haute instance resta très strictement limité, et le mémorialiste avoue très loyale- ment qu'il ne se sentait guère à l'aise pour expliquer le fonctionnement de la Constitution à celui qui en était le père. Cela ne l'empêcha toutefois pas, à plusieurs repri-

1. «Une action décisive en matière nucléaire (1955).» Espoir, n° 50. ses, de se faire l'avocat auprès du fondateur de la V d'un élargissement des attributions du Conseil afin de mieux asseoir le respect des libertés

puplique.A la vérité, même s'il se garda toujours de prendre publiquement position, à ce propos, conformément à son obligation de réserve, Gaston Palewski estimait depuis assez longtemps que le renforcement de l'exécutif ins- tauré en 1958 impliquait, à terme, l'émergence de contre- pouvoirs, facteurs d 'équilibre, l'un d'entre eux devant être, à ses yeux, le Conseil constitutionnel. Aussi, quand, en 1969, la V République prit son rythme de croisière, après l' élection de Georges Pompidou à la magistrature suprême, Gaston Palewski — qui avait pris acte avec déchirement de la démission du général de Gaulle le 28 avril usa de tout son poids pour orienter la juris- prudence de la Haute Assemblée dans un sens favorable à la sauvegarde de la liberté. Comme il le confirme impli- citement dans ces pages, son autorité, voire sa voix pré- pondérante pesèrent beaucoup lors de l'adoption de gran- des décisions, à commencer par celles du 16 juillet 1971, relative au contrat d'association, qui consacra de manière solennelle une extension du contrôle constitutionnel au préambule de la Constitution, autrement dit aux princi- pes fondamentaux de la République et en particulier à ceux proclamés dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Ainsi, grâce à Gaston Palewski, fut dégagée la notion capitale de supra-constitutionnalité. Ainsi éclatèrent également aux yeux de tous l'indépen- dance du Conseil, sa place dans le fonctionnement des pouvoirs publics, sa vocation à défendre les droits inalié- nables de la personne humaine contre les possibles empié- tements. Par là même enfin était amorcé le processus qui, plus tard, sous la présidence de Roger Frey, et au début du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, allait aboutir à une réforme importante, ardemment souhaitée par Gaston Palewski : l'élargissement du droit de saisine de la Haute Assemblée au profit des parlementaires. En quittant son bureau du Palais-Royal, au début de mars 1974, Gaston Palewski pouvait, par conséquent, être fier du chemin parcouru. L'ambition de sa jeunesse, c'est-à-dire le service de la France, de l'Etat et la défense de la dignité de l'homme, il l'avait pleinement réalisée et, dans sa retraite, il eut le bonheur de constater que son action à la tête de la haute instance constitu- tionnelle était comprise, appréciée à sa juste valeur par les meilleurs juristes. Pourtant, si précieux que fus- sent pour lui ces témoignages, aucun ne le toucha sans doute davantage que l'ultime et éclatante preuve de confiance du général de Gaulle, au lendemain de l'échec du référendum d'avril 1969. Après sa démission, alors qu'il avait décidé de ne recevoir aucune personnalité occupant des fonctions officielles, l'ancien président de la République enfreignit, en effet, cette règle pour celui qui avait été, naguère, son plus proche collaborateur et pour lui seul. Une dernière fois les deux hommes se ren- contrèrent donc et, si nous ne savons rien de la teneur d'un entretien demeuré jusqu'à présent secret, il nous est facile d'imaginer l'état d'esprit de Gaston Palewski, son émotion après tant d'années de lutte et de travail en commun. Un jour, de Gaulle lui avait dit : « Vous savez quelle affection j'ai pour vous sous la cuirasse... » Cette fois il avait la preuve — mais en avait-il jamais douté ? — que le propos n'était pas de circonstance, qu'il traduisait exactement une estime et une amitié restées intactes, aussi fortes qu'au temps de la France libre. Et, dès lors, évidemment, toute une vie se trouvait justi- fiée. Dans ce destin si singulier nul doute que, tôt ou tard, un historien trouvera la matière d'un ouvrage passion- nant. Comme les principaux ministres de la Monarchie, comme les dignitaires de l'Empire, le plus fidèle des gaullistes aura un jour sa biographie et ce sera justice. Naturellement, l'auteur de ce livre à venir écrira avec sa sensibilité propre et il est possible que sa vision du per- sonnage diffère légèrement de celle qui vient d'être expo- sée. Sans prétendre imposer un point de vue personnel, il faut cependant souhaiter que l'écrivain qui traitera ce grand sujet garde toujours à l'esprit que Gaston Palewski occupait, au sein du monde politique, une place tout à fait a part. Au-delà de son discernement, de son dévouement à la chose publique, ce qui le caractérisait c'étaient, en effet, cette intelligence du cœur à laquelle chacun était sensible, ce goût du bonheur qu'il ne cessa de cultiver, cet art de vivre dont nous avons, hélas, perdu le secret et surtout cette compréhension instinctive des diverses formes d 'expression artistiques qui émerveillait les experts les plus réputés. A dire vrai, je ne crois pas que l'on puisse vraiment saisir Gaston Palewski si l'on oublie qu 'il était, avant tout, un homme de culture et de goût dont les interlocuteurs favoris étaient des peintres aussi prestigieux que Picasso, des écrivains comme André Malraux (qui lui dédia la Tête d'Obsidienne). Aurait-il d'ailleurs si bien compris l'Histoire s'il n 'avait cessé de dialoguer avec ceux qui la transfigurè- rent ou en exprimèrent les tendances les plus mystérieu- ses ? Sans doute pas. Quand Gaston Palewski prit en charge le portefeuille de la Recherche scientifique et de l'Atome certains furent surpris. Ils se demandaient si ce collectionneur averti, admirateur éperdu de Delacroix, était bien destiné à assumer un tel poste. On l'a vu : ils se trompaient. A travers l'art de notre temps, qui l'inté- ressait tout autant que celui des siècles antérieurs, Gaston Palewski avait peut-être mieux senti que quicon- que l'impérieuse nécessité de notre entrée dans un monde nouveau, dominé par l'énergie nucléaire. Définissant le général de Gaulle, André Malraux eut, un jour, cette formule heureuse : « Un homme d'avant- hier et d'après-demain. » La remarque s'applique aussi, me semble-t-il, à Gaston Palewski qui toute sa vie témoi- gna pour la liberté et s'employa à relier le présent au passé convaincu lui aussi, à juste titre, qu 'une nation sans mémoire « est promise à l' existence morose des peuples qui n'ont pas de cause ». Éric ROUSSEL

CHAPITRE PREMIER

LA III RÉPUBLIQUE : DE LA PARALYSIE AU DÉSASTRE

Il n'est pas mauvais de se rendre justice à soi-même ! Je voudrais donc insister sur le fait que l'un des services que j'ai pu rendre au pays a été de deviner, sans retard, l'importance des idées du colonel de Gaulle, de les avoir soutenues sans cesse et d'avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'il entrât au gouvernement. Ce fut sans doute l'une des données qui lui ont permis de com- mencer cette extraordinaire épopée qui a abouti à la libération d'une France indépendante et victorieuse. Un jour de 1934, Paul Reynaud me dit : — J'ai rencontré un officier qui m'a paru intelligent. J'aimerais avoir votre opinion sur lui. Il vient me voir demain matin. Vous me direz ce que vous en pensez. Le lendemain matin, à 9 heures, j'étais chez Paul Reynaud, rue Brémontier, et, en entrant dans la petite pièce entresolée qui lui servait de secrétariat, je vis un homme de très haute stature, dont la tête touchait presque le plafond et dont le visage impassible ne pou- vait manquer de retenir l 'attention. La mienne était d'autant plus éveillée que, quelques mois avant, j'avais lu dans le Temps un extrait de son dernier livre, Vers l'ar- mée de métier, que son compagnon de captivité d Ingol- stadt, Rémy Roure, qui était à ce moment-là rédacteur en chef du Temps, avait fait insérer. Cette page d'an- thologie avait aussitôt fait mon admiration. En quelques lignes, de Gaulle posait tout le problème de la défense de notre frontière de l'est et du nord-est. Il prévoyait le péril qui allait entrer, hélas, dans la sphère des réalités et les terribles conséquences qu'il aurait pour l'avenir du pays. J'avais été enthousiasmé par cette page et j'avais cherché dès ce moment le moyen de rencontrer celui qui était alors déjà, je pense, le lieutenant-colonel de Gaulle. Je savais qu'il travaillait au secrétariat général de la Défense nationale. J'y connaissais un marin, représentant la Marine, et ayant déjeuné avec lui chez des amis com- muns je lui avais demandé : — Vous êtes au Secrétariat général. Vous rencontrez le colonel de Gaulle. Quel homme est-ce ? Mon interlocuteur avait fait la moue et, après avoir réfléchi une seconde, m'avait répondu : — C'est un drôle de type. Je fus un peu découragé par cette réponse et je n'allai pas plus avant dans mes tentatives, mais l'idée de ren- contrer de Gaulle demeura toujours en moi. Cette pre- mière prise de contact me montra que le jugement du marin, dont je ne mentionnerai pas le nom illustre, n'était pas très valable et que ce fut mon jugement qui se révéla être le bon. Paul Reynaud entra, rapide. Je vis, m'ayant précédé, un grand officier au visage sévère qui donnait une impression de force tranquille dès qu'il parlait. Il mon- trait, dans le choix des formules et dans la sobriété de son discours où il n'y avait jamais un mot inutile, l'ori- ginalité d'une pensée et la grande étoffe qui était la sienne. C'est au bout de quelques minutes que je me ren- dis compte de son évidente supériorité. Comme j'avais fait quelques objections d'ordre parlementaire aux idées qu'il m'exposait, la discussion s'établit ; elle devint si serrée, si passionnante qu'au bout d'une heure Paul Reynaud, regardant sa montre, dit : — Il faut que je reçoive quelqu'un. Entrez à côté, asseyez-vous, je vous rejoindrai quand je le pourrai. Nous continuâmes à parler, à discuter, à supputer le pouret le contre de ses théories jusqu'au moment du déjeuner.Etde Gaulle me : dit —Si nous allions déjeuner ensemble ? La conversation continua donc autour de la table d'un restaurant médiocre. La responsabilité du choix lui incombait. C était le Poccardi des boulevards. Vers 4 heures de l'après-midi, nous nous séparâmes dans la rue sur laquelle donnait ce restaurant. Cette demi-journée devait être pour moi décisive ; car je me dis que le peu d influence dont je pouvais dispo- ser à ce moment-là dans la République, je la mettrais au service des idées du colonel de Gaulle. Mais, avant de triompher, quels obstacles ne nous fallut-il pas vaincre ! A l' époque de notre rencontre, la France était, en effet, soumise au régime des partis qui peu à peu mina la III République. Pendant quinze ans, j'ai bien connu ce système calamiteux et, avant d'évoquer mes souvenirs, je voudrais esquisser un tableau de cette République parlementaire qui abdiqua en juin 1940.

Chaque fois que je pousse les portes tambour qui don- nent accès au Palais-Bourbon, je souris en remarquant le contraste entre la Chambre des députés d'avant-guerre et l'Assemblée nationale d'aujourd'hui. L'Assemblée nationale d'aujourd'hui est superbe. Le porphyre, le marbre dominent et s'imposent au regard. La tenue est parfaite, la propreté indéniable. Il y règne une atmosphère de bonne compagnie. Peu de personnes, quelques journalistes, des parlementaires qui passent lentement et dont le comportement dénote un ennui de bon aloi. Quel contraste avec la Chambre des députés de jadis, la foule, le brouhaha, l'ardeur, la fièvre, l'atmosphère qui précédait les grandes séances, c'est-à-dire celles où l'on s'apprêtait à voir tomber le gouvernement. Je revois la haute silhouette de Léon Blum avec son grand chapeau noir à la Vélasquez qu'il avait hérité de Porto-Riche, la démarche sceptique de Laval roulant dans ses mains un bout de cigarette pour remplacer le mégot qui s'écrasait à ses lèvres, sur sa cravate blanche, tout en haut de l'hémi- cycle, essayant de venir à bout de son abondant courrier, les épaules trapues, Edouard Herriot, le visage bovin, lui aussi tout prêt à clamer son indignation ou ses repro- ches au milieu du scepticisme d'une assemblée amusée. Plus bas, dans l'hémicycle, je revois la petite taille, le visage un peu congestionné de Daladier, le « taureau du Vaucluse », avec son œil attentif d'animal de congrès, car les congrès jouaient un rôle immense dans ce régime qui était celui des partis. Tardieu, élégant et robuste dans des vêtements d'une coupe impeccable, l'œil brillant der- rière le lorgnon, admirable machine intellectuelle qui était venue sans transition du concours général aux ban- quettes de velours rouge de chez Maxim's, entouré déjà par une clientèle qui flairait en lui le dispensa- teur de portefeuilles, s'apprêtait à une grande carrière trop tôt interrompue. Plus au centre, Pierre-Etienne Flandin, avec sa nonchalance étudiée, se voulait, sans grand succès, l'incarnation flegmatique et hautaine du parlementarisme britannique. Paul Reynaud, le visage sans cesse en mouvement, cherchant infatigable- ment le défaut d'une cuirasse ou la contradiction intel- lectuelle, prêt à relever tout péché contre l'intelligence ou toute faiblesse dans la logique d'un raisonnement, retenait particulièrement le regard. Puis venaient les plai- nes monotones de la droite ponctuées par la nervosité parfois véhémente de l'excellent Louis Marin avec sa lavallière à pois, tandis qu'auprès de lui François de Wendel le calmait avec une autorité souriante. Enfin, au premier rang de la première travée, à la place que j'ai occupée après lui, Georges Mandel, avec son visage pâle et son faux col de doctrinaire, suivait attentivement le débat, bien que ne prenant la parole qu'à peu près une fois par année. C'était dans les couloirs ou dans la salle des pas perdus que se manifestaient sa logique socratique et son information irréfutable, tandis que son don de définir les caractères ou d'en stigmatiser l'absence en faisait un des meilleurs « monologuistes » de son époque. Dans un bureau minuscule dominé par le portrait de Mme Edmond Rostand dans sa robe à ramages se réu- nissait le gouvernement, prêt à faire front à l'attaque incessante, toujours renouvelée, qui marquait sa difficile existence, tandis qu'à côté de grands journalistes, hon- neur de leur profession, des maîtres chanteurs inquiétants se glissaient jusque dans la salle des Quatre Colonnes et s efforçaient d'obtenir des faveurs. Car c'est dans cette assemblée qu'était concentrée la réalité de la puissance, avec ce que le régime des partis sécrétait d'instables coali- tions toujours prêtes à renverser le pouvoir. En face des ministres, les présidents des grandes commissions : Finan- ces, Armées, Commerce, Affaires étrangères, détenaient un pouvoir plus stable et pouvaient à tout moment dic- ter leurs conditions. Et pourtant, si stérile que fût ce régime, je l'aimais pour la débauche d'intelligence, la combativité sans cesse en éveil qu'il réclamait de ses pro- tagonistes. Quel talent se dépensait dans ces grands débats où l'on n'arrivait guère à changer une voix, mais qui constituaient pour l'opinion française une précieuse caisse de résonance ! Les assemblées d'aujourd'hui sont monotones. Ce qui faisait le piquant de ces débats, c'est que le gouvernement était sans cesse en danger d'être renversé. Il l'était presque toujours au bout de quelques mois, quand la fatigue de cette existence effroyable où il fallait à la fois gérer la France et répondre aux attaques qui se produisaient à n'importe quelle heure du jour et de la nuit avait diminué sa capacité de résistance, quand la coalition des appétits s'était cimentée autour d'un suc- cesseur possible ou quand un scandale était venu montrer la faiblesse interne de ce gouvernement d'apparence. Alors la corrida était prête. Ou bien c'était, dans les Cham- bres du Cartel ou du Front populaire, quand l'éternel désaccord entre l'appétit de changement de société de l'extrême gauche et le désir de jouir pacifiquement du pouvoir de la droite radicale se révélait devant une pro- position démagogique décidément inacceptable. A cette époque, l'éditorial du Temps, qui donnait le ton d'une certaine opinion, disait chaque jour, dans des termes dif- férents, la même chose. Il s'adressait au parti radical et lui démontrait qu'il était au « carrefour ». Il lui deman- dait de choisir : s'il choisissait à droite, tout irait bien ; s'il allait vers la gauche, il mettrait la République en péril. Et le parti radical se gardait bien de choisir. Tout cela était d'un très riche contenu humain, tout cela montrait à la fois l'ambition, le calcul, l'intérêt, le profond intérêt dans les évolutions de la Chambre des députés. De même, le cœur de cette Chambre, la commis- sion des Finances par où allaient passer tous les projets qui prendraient force de loi et qui étaient soumis à un premier examen, me faisait penser encore plus à la foule des courtisans à l'œil-de-bœuf de Versailles. Présidée par Malvy 1 sorti des affres où l'avaient plongé jadis la Haute Cour, cette commission était le théâtre d'un jeu étrange. Tandis que les rapporteurs généraux se succé- daient, parfois avec une incompétence à laquelle remé- diaient le zèle et l'intelligence précise des collaborateurs qui faisaient la force de la commission, les représentants des puissances économiques s'agitaient fiévreusement et se préoccupaient de gagner, pour les corporations qu'ils représentaient, tel ou tel avantage, ou d'échapper à telle autre menace qui se précisait à l'encontre de leurs inté- rêts. A la commission des Finances du Sénat, l'atmosphère était différente. Joseph Caillaux y régnait. A l'épouvante des fonctionnaires et des gouvernements dépensiers, sa puissance se révélait en certains moments critiques — comme on le disait : « Le Sénat ne tue pas mais il achève les blessés. » Tel était le siège véritable du pouvoir avant 1939. Ce n'était pas l'Elysée, maison correcte, un peu ennuyée aussi, et qui ne prenait d'animation que dans les jours, hélas trop fréquents, où il s'agissait de changer de gou- vernement. Dans la manière dont les aspirants au pouvoir étaient convoqués, dont les chefs de groupe étaient

1. Louis Malvy (1975-1949). Député radical-socialiste. Minis- tre de l'Intérieur de 1914 à 1917. Accusé d'avoir renseigné l'ennemi sur l'attaque du Chemin des Dames et d'avoir provoqué des mutineries, il démissionne en septembre 1917. Traduit en Haute Cour, il est relaxé des plus graves accusations portées contre lui mais condamné, pour forfaiture à cinq ans de bannissement. Réélu député du Lot en 1924 il redeviendra ministre de l'Inté- rieur du Cabinet Briand en 1926. consultés, se réflétait déjà en effet le gouvernement du lendemain. En marge de ce système, la presse jouait un rôle consi- dérable. Déjà ce remarquable peintre des milieux parle- mentaires que fut, jadis, Melchior de Vogüé avait montré les députés se passant l'un à l'autre les feuilles où était analysée leur action. Les journaux avaient alors une importance dont nous ne pouvons pas nous douter aujour- d 'hui, où la radio et la télévision sont prépondérantes. Les journaux, les petits journaux politiques, où les Duret, les Pertinax, les Urbain Gohier déployaient leur verve acide et souvent meurtrière. Après l'illustre précédent de Clemenceau, de l'Homme libre et de l'Homme enchaîné, les journaux, certains de leurs rédacteurs poli- tiques et parlementaires, leurs directeurs et même — je devais le voir au ministère des Finances — leurs admi- nistrateurs jouissaient d'une influence dont il fallait tenir le plus grand cas. Enfin, il y avait la séance. La séance n'avait rien de commun avec les tranquilles débats d'aujourd'hui. C'était ou une corrida, ou une journée des dupes. Le gouverne- ment, ramassé sur son banc, écoutait les orateurs qui venaient apporter son procès à la tribune, les défenseurs qu'ils avaient pu séduire et amener de leur côté. Ce n'était pas dans les grands problèmes, dans leurs discussions, dans l'orientation de la politique générale de la France qu'ils avaient à craindre. Il n'y avait plus de Clemenceau pour dire à Jules Ferry : « Nous ne discuterons plus avec vous des grands intérêts de la Patrie, nous ne vous con- naissons plus, nous ne voulons plus vous connaître. » C'étaient les jours de jadis. Non, c'était au détour d'un article de loi de finances, c'était sur la pension de la veuve de guerre remariée, c'était sur un tel incident minime mais inattendu que peu à peu la conjuration se dévoilait. Et l'on voyait, derrière le gouvernement, dans ce groupe de la gauche radicale qui, étant au confluent des deux moitiés de l'hémicycle, avait le pouvoir de faire ou défaire les gouvernements, se lever tout d'un coup l 'ami d 'hier qui, d'une voix blanche, venait annoncer au gouverne- ment qu'il lui retirait l'appui de son groupe et qu'il faudrait penser à prendre congé des huissiers des minis- tères. Tout cela était en effet intéressant, varié et, du point de vue de la somme d'éloquence dépensée, extraordinaire. Qui n'a pas assisté à une séance de 1928, où, tour à tour, Léon Blum, Renaudel, Herriot, Daladier, Tardieu, Briand, Flandin, Paul Reynaud, Marin, Franklin-Bouillon1 se succédaient à la tribune, a manqué l'un des grands plaisirs intellectuels de ce temps. Le talent était immense et le fait qu'il n'y avait pas de microphone faisait que seuls les hommes capables de parler se succédaient à la tribune. On ne voyait plus de nouveaux se hasarder dans les débats de politique étrangère. Il y avait une sévère sélection qui donnait une haute tenue intellectuelle à ces grandes séances parlementaires. Cela, en effet, c'était l'actif ; mais le passif était terrible. Car les gouvernements, à la merci des majorités qui se faisaient et se défaisaient sans cesse, étaient obligés de passer au moins leurs après-midi à la Chambre, sinon leurs soirées et leurs nuits. Ils n'avaient pas devant eux la stabilité, la permanence propices seules à la poursuite des grands desseins. Il leur fallait sans trêve défendre une existence à chaque moment menacée. Leurs collabo- rateurs les attendaient en vain. Ils arrivaient excédés, épuisés après ces longues séances, et trouvaient devant eux l'immense courrier qu'ils devaient approuver ou rejeter — et il s'agissait de très grands intérêts, de déci- sions nécessaires, indéfiniment remises, et qui finissaient par se venger d'avoir été laissées de côté. Un projet de loi devait passer par la commission des finances de la Chambre puis, pour avis, par les autres commissions compétentes ; de là il allait à la séance, puis il lui fallait passer par le Sénat où le même pro- cessus se représentait. Le nombre de semaines, de mois qui étaient ainsi perdus était, hélas ! pernicieux, et d'au-

1. Franclin Bouillon dit Henri Franklin-Bouillon (1870-1937). Journaliste, député de Seine-et-Oise, de 1910 à 1919 et de 1923 à 1936. D'abord radical-socialiste puis radical indépendant. Plu- sieurs fois ministre. Spécialiste des questions extérieures, il dénonce inlassablement le péril allemand. tant plus que, pendant ce temps, les directeurs de minis- tères qui, eux, avaient la stabilité, s'ils n'étaient pas d'ac- cord avec la politique du gouvernement, n'avaient qu'à attendre qu'il fût mis par terre ; ils n'y manquaient pas. Et c'est ainsi que, peu à peu, le régime s'affaiblit, ne parvenant pas à faire face aux grandes crises économi- ques, à l'évolution sociale qui se dessinait et s'imposait de plus en plus, à la terrible angoisse que faisait peser sur les démocraties la montée au pouvoir des dictatures dans les pays de démographie préoccupante. Tout cela n'était point réglé ; tout cela était laissé de côté et une somme immense de talent, de patriotisme et de bonne volonté était réduite à néant. CHAPITRE II

AVEC LYAUTEY, AU MAROC

C'est auprès du maréchal Lyautey que j'ai commencé ma carrière. Au hasard d'une recommandation de famille, il m'avait appelé à ses côtés à Rabat. Il venait de subir une grave opération et, attendant qu'il me fixe une affectation à son retour, je voulus m'initier aux réalités marocaines. Nourri de Loti et de Kipling, le contact avec cette civi- lisation me passionnait. Je me liais avec les jeunes musul- mans que Lyautey destinait à devenir les futurs cadres de l'Administration marocaine. Lyautey pensait, à juste titre, qu'une éducation euro- péenne, sans débouchés dans le pays, isolait cette force vive de la nation. Européens non agréés et Marocains déracinés, aucune occupation ne pouvait leur convenir. Aigris par cette situation en porte à faux, ils devenaient le ferment de la rébellion. Lyautey me confia : — Jamais je ne commettrai l'erreur qu'a faite Bugeaud. Celui-ci a cru malin de supprimer les cadres tradition- nels de l'Algérie et nous nous trouvons là-bas devant une situation inextricable ; c'est un pays qui a conservé sa religion sans avoir les cadres traditionnels qui peuvent l'acheminer peu à peu vers une vie moderne. C'est pour- quoi j'ai voulu très peu de Français ici. Il y en a, bien sûr, quelques-uns : ils me font plus d'ennuis que tous les musulmansLesréunis. gens ne comprennent pas cela. J'avais fait à Dar el -Beïda 1 à Meknès une école militaire dont je voulais faire le Saint-Cyr marocain afin d'y for- mer les officiers musulmans seraient les cadres des troupes marocaines. L'examen d'entrée étant très diffi- cile, j'ai été o bligé supprimer : les fils des pachas recaler.et des caïds que je voulais y faire admettre s'y faisaient « L'avenir sera ce qu'il sera, mais si nous voulons que le Maroc soit associé à la France il faut, en entente avec ses cadres traditionnels, avec les égards et la déférence qui leur sont dus, leur prouver notre compréhension, notre volonté de les maintenir. « Il m' est arrivé, à la suite d'une grave maladie, de me trouver à Fès. L 'imam de Moulay Idriss est sorti devant sa mosquée, a arrêté mon cheval et m'a offert d'y pénétrer. J'ai refusé. Je savais que les infidèles ne doivent pas fouler le sol d'une mosquée. Ils m'en ont été reconnaissants. De même, j 'avais trouvé ici une admi- nistration croulante que n'importe quel politicien radical- socialiste aurait mise par terre ; je me suis efforcé de la consolider, de la doubler par des cadres français dis- crets, de façon à ne pas trop faire sentir leur préémi- nence, mais guidant au contraire ceux qu'ils conseil- laient. Et ainsi, peu à peu, de nouveau, une administra- tion marocaine se forma comme jadis du temps de Moulay Hassan. Les interlocuteurs marocains de Lyautey étaient d'assez grande qualité. Le sultan Moulay Youssef était empreint d'une sorte de finesse paysanne. Quant au grand vizir El-Mokri, il avait traversé des époques et des empires, et ses avis étaient d'une grande sagesse. Il y avait aussi le précepteur du sultan, Mammeri, Marocain d'origine algérienne et qui portait toujours le turban à la mode de son pays. C'était un excellent précepteur. Son meilleur élève était Moulay Mohammed, et je le revois encore, le rencontrant dans la grande avenue des Touargas, me dire avec enthousiasme : « Il vient de faire une dictée

1. Nom arabe de Casablanca. avec zéro faute ! » Cette dictée a dû peser d'un poids assez lourd dans la délibération des sages de l'empire quand ils se rassemblèrent pour désigner le successeur. Je voudrais évoquer au passage cette jeune équipe musulmane dont beaucoup de membres ont disparu. Leur chef était sans nul doute Hamed Barzach, fils du pacha de Rabat, un homme plein de finesse; évidemment des- tiné à occuper un rang élevé dans les fonctions publi- ques. Il était resté fidèle au sultan envers et contre tout et compta parmi ses meilleurs ministres. Mohamed Yacéri, rejeton d'une vieille famille d'intel- lectuels de Salé, a toujours gardé un attachement senti- mental vis-à-vis de la France, et ceci devait nuire à sa carrière ultérieure malgré sa fine intelligence et son immense culture. Abdel el-Latif Sbihi, dans la famille duquel se recru- taient toujours les pachas de Salé, se distinguait par son habileté plus que par son sens moral. J'aimais beaucoup aller chez son cousin le pacha dans cette vieille Salé qui fut si longtemps le repaire des pira- tes barbaresques et où l'on vivait dans les effluves du passé. Le pacha Sbihi, de petite taille et de charmante rela- tion, aimait me montrer sa riche collection d'instruments de navigation anciens. Il était le type même de ces vieux Marocains qui s'étaient parfaitement accommodés de la présence de la France. Il en était de même du Glaoui 1 mais pour d'autres raisons. C'est dans un superbe décor que se passait tout cela. Lyautey avait distingué d'excellents architectes : Laforgue, Laprade, d'autres encore. Ceux-ci avaient des- siné une Rabat charmante et majestueuse. Les ministè- res s'étageaient derrière les jardins de bougainvillées et leurs combles montaient graduellement jusqu'à la Rési-

1. Né vers 1874 à Telouet, près de Marrakech, mort en 1956, Si Hadj Thami ben Mohammed el-Mazouari el-Glaoui, pacha de Marrakech, s'était rallié à la France vers 1912. Après la Seconde Guerre mondiale, il entrera en conflit avec le sultan Mohamed ben Youssef, futur roi du Maroc, avant de se rallier à lui. dence à laquelle Laprade avait appliqué son esprit un peu compliqué, et qui était très digne du représentant de la France qui y travaillait dans un immense bureau, sous un plafond de cèdre dont je respire encore l'odeur. Dans un coin de cette pièce, une grande table était prête à recevoir les membres du Conseil que Lyautey désignait chaque jour en fonction des questions à résou- dre. De la salle d'attente, on pouvait voir par la fenêtre la petite terrasse qui donnait sur la chambre du Maréchal et où le valet de chambre, le fidèle Guyon, suspendait les uniformes qui avaient servi pendant la journée de la veille : uniforme kaki pour les revues et les voyages dans le bled, uniformes bleu horizon, et, pour le soir, ce dol- man noir, la « chanzy », avec ses immenses brandebourgs brodés au-dessous d'une cravate de crêpe. Je revois encore le spectacle plein d'élégance des cou- ples descendant à la salle à manger derrière la haute et fière silhouette du Maréchal. J'ai habité le palais du vice-roi des Indes, chef-d'œuvre de Lutyens et gigantesque témoin d'une puissance impé- riale évanouie, je n'y ai pas éprouvé le même sentiment de grandeur que dans cette petite résidence de Rabat. Dans cette salle à manger, aux quatre coins de laquelle veillaient des spahis en turban de mousseline, le Maréchal avait allumé une flamme qui, malgré les suites amères de la décolonisation, ne s'éteindra pas. Quand je retournai au Maroc du temps de Steeg 1 com- me j'attendais dans ce petit salon, je jetai un coup d'œil par la fenêtre sur la terrasse où jadis se profilait l'élé- gance martiale des uniformes : il n'y avait plus qu'un misérable petit costume veston d'un vert pisseux, et je me suis désolé de voir suspendu là un vêtement aussi inadéquat à une politique de prestige. A la vérité, il n'y avait qu'un homme qui permettait

1. Homme politique français (1868-1950), parlementaire radical- socialiste à partir de 1904, Théodore Steeg est résident général au Maroc de 1925 à 1929. Il est président du Conseil quelques semaines en décembre 1930 et janvier 1931. nucléaire. Je comprends l'amertume de certains vieux travailleurs du Commissariat devant la nécessité où l'on se trouve de rassembler dans une filiale à caractère indus- triel et commercial l'essentiel des activités du Commis- sariat dans le cycle des matières nucléaires à usage civil. D'autre part, participant au capital de notre principal constructeur de chaudières, le Commissariat travaillera au développement de la filière à uranium enrichi et à eau pressurisée. Aussi aura-t-on, dans cette position sous licence, une certaine autonomie tant que se prolongera cette étape à laquelle ne pourra mettre fin que l'avène- ment des surgénérateurs dans la préparation desquels le C.E.A. a acquis une position de premier plan. De toute manière, nous restons la troisième puissance atomique du monde sur le plan militaire comme sur celui de l'en- richissement et du retraitement des combustibles nucléai- res. Ainsi les dispositifs évoluent. Mais l'avenir de notre indépendance reste lié à celui de notre position nucléaire. Ainsi les dispositifs évoluent. Mais l'avenir de notre indé- pendance reste lié à celui de notre position nucléaire. C'est pourquoi, en prenant dans nos mains le premier lingot d'uranium enrichi, faiblement encore il est vrai, sorti de Pierrelatte, nous nous disions que l'effort, mené contre vents et marées et en dépit des propagandes inté- ressées, n'avait pas été vain. Si nous recommençons à consentir les sacrifices budgétaires qui s'imposent et qui se sont un peu trop ralentis, la France continuera à avoir les moyens militaires de son indépendance. J'avais concentré également mes efforts sur la créa- tion du Centre national pour l'exploitation des océans. Il m'avait semblé bon qu'à côté du Centre national d'étu- des spatiales dont l'importance dans la vie internationale, en ce qui concerne tant la stratégie planétaire que le rayonnement culturel, était évidente, on fît profiter notre pays de cette position géographique exceptionnelle que lui donne l'ouverture de ses trois côtes sur les mers et l'Océan. Il me semblait que c'était dans cette voie que l'on pourrait trouver le mieux la solution des problèmes d'alimentation en matière nutritive comme en matière d'énergie que posera demain au monde son accroisse- ment démographique et qu'il était absurde de continuer une exploitation partielle et anarchique des ressources de ce qui constitue les trois quarts de l'univers. Ce fut mon successeur Alain Peyrefitte qui réussit à faire abou- tir la machine que j'avais mise en branle. Il me rappelait que je lui avais dit en lui passant mes consignes : « Il faut faire aboutir le C.N.E.S. des profondeurs. » Ce fut Yves La Prairie, dont j'avais pu apprécier la qualité comme directeur adjoint de mon cabinet, auquel fut confié le Centre. Il vient de le quitter après onze années, sans doute pour occuper les fonctions plus hautes que mérite une réussite exceptionnelle. Il s'en va en effet au moment où les résultats obtenus et les efforts d'information auxquels il a procédé provoquent en France la prise de conscience du grand destin maritime de notre pays ; au moment où doit s'accélérer l'effort de recherche pétrolière sous-marine pour laquelle nous devrions être aussi bien placés que nos voisins ; au moment où notre position primordiale en matière de plongée, facteur essentiel de la mise en valeur des océans, a été confirmée et renforcée par l'exploit de Janus IV. D'autre part, nous sommes à la troisième place dans les autres domaines de l'océanologie : aquaculture, géologie- géophysique, minerais sous-marins, flotte scientifique. L'œuvre exceptionnelle ainsi réalisée dans un domaine où l'effort des savants et des grands réalisateurs comme Cousteau devait être orienté et harmonisé, la valeur du plan océanographique 1979-1983 remis au gouvernement par Yves La Prairie font que l'ancien président-direc- teur général du C.N.E.X.O. peut être fier du travail accompli. Il est vain de souligner la gratitude, l'estime et la confiance qui doivent lui être dévolues. L'opinion française ne sait pas assez qu'à l'inverse des Anglais aucun secret atomique ne nous avait été révélé par les Américains, en ce qui concerne les applications militaires de l'énergie nucléaire. C'est donc par nos propres moyens que nous avons pu découvrir le procédé « top secret » grâce auquel a été réalisée la diffusion gazeuse. Il y eut là une entreprise, sous la direction de Robert Galley, qui, unissant savants, techniciens, ingé- nieurs, ouvriers dans une joyeuse émulation, a montré une fois de plus de quoi était capable notre pays quand il avait la volonté d'aboutir. Et pourtant, une campagne insidieuse et d'origine sus- pecte, abusant de l'horreur que suscite, à juste titre, la perspective d'une guerre atomique, ne cessait de nous sommer d'abandonner cette grande entreprise. C'est Pierre Mendès France qui avait pris la décision, avec sa claire vision d'homme d'Etat, de nous doter de l'armement nucléaire. C'est moi-même, un peu en cachette, du reste, du gouvernement de la IV auquel j'ap- partenais, qui avais mis en train les études pratiques destinées à réaliser cet armement. On voulait profiter de certains dépassements de devis pour mettre en péril devant le Parlement la continuation de l'usine de diffusion gazeuse. Après avoir rendu hom- mage devant l'Assemblée nationale, le 25 juin 1963, à ceux qui avaient réussi sans aucune aide extérieure à « maîtriser les immenses difficultés théoriques et prati- ques que soulève la diffusion gazeuse de l'uranium », et après avoir rappelé la création d'un comité financier et d'un comité des programmes au Commissariat à l'éner- gie atomique afin d'ordonner l'effort selon les nécessi- tés d'une stricte économie, je concluais dans ces termes : « Abandonner l'étude et le développement de l'énergie atomique serait tourner le dos à l'avenir. Cela nous conduirait à abdiquer toute responsabilité dans l'orga- nisation de notre système de défense. Or l'histoire ensei- gne qu'il n'est pas de pitié pour les nations qui s'assou- pissent et se laissent distancer. Elles tombent infaillible- ment, sous une forme ou sous une autre, dans l'état de dépendance. Refuser l'application militaire de l'énergie atomique, c'est refuser la défense nationale. » Et, à l'adresse de ceux qui nous disaient : « Faites des routes d'abord et des téléphones », je répondais : « Que nous servirait d'équiper notre pays d'une magnifique infrastructure, si nous étions exposés au risque de dis- paraître en tant que nation et de tomber sous le chan- tage, puis sous l'empire plus ou moins déguisé, d'étran- gers plus puissants et mieux armés ? » La situation n'a pas changé. L'opinion reste toujours aussi travaillée, sous des prétextes écologiques et autres, contre un effort nucléaire qui doit être au contraire accentué — en prenant les précautions sanitaires qui s'imposent — si nous voulons doter le pays d'un véritable bouclier, tout en remédiant partiellement à son objectif énergétique. J'ai suivi en 1982 avec intérêt l'aventure de Jean-Loup Chrétien à travers l'espace. De fait, j'en suis un peu res- ponsable. En effet, au cours de mon passage au minis- tère d'Etat chargé de la Recherche scientifique, il y a une vingtaine d'années, je suis allé en U.R.S.S. avec un certain nombre de savants éminents. M. Khrouchtchev me demanda de venir le voir dans sa datcha, proche de Pitsunda, au milieu de l'ancien royaume d'Akhrasie. Nous devions déjeuner ensemble, mais il me fit téléphoner le matin en me demandant de venir aussi rapidement que possible. En effet, il était obligé de retourner à Moscou pour un conseil important et le déjeuner ne tenait plus. Le premier secrétaire du parti me reçut sur la ter- rasse qui dominait sa piscine couverte. Il s'excusa du changement de plan auquel il avait été contraint et nous nous mîmes à converser au sujet des matières qui avaient motivé mon voyage. Je remarquai qu'il était beaucoup plus calme qu'au cours de nos contacts précédents et qu'au contraire il y avait en lui une sorte de sérénité. — Nous regrettons, me dit-il, que nos liens scientifi- ques ne soient pas plus étroits. Nous souhaitons qu'une véritable coopération s'institue à cet égard entre nous. C'est l'intérêt de nos deux pays. — Je souhaite vivement, lui répondis-je, ce resserre- ment de nos liens. Mais il y a, pour nous, deux pierres de touche. Les voici : Nous possédons le système de télévi- sion en couleurs à propos duquel on dit qu'il est le meil- leur au monde. Pourquoi n'adopteriez-vous pas ce sys- tème, vous et les pays qui sont autour de vous ? « D'autre part, vous êtes plus avancés que nous en matière spatiale. Pourquoi n'y aurait-il pas une certaine collaboration entre nous en matière spatiale ? » M. Khrouchtchev réfléchit et me dit ceci : — Je vais faire étudier la question de la télévision en couleurs. En principe, je serais tout à fait d'accord pour que nous adoptions votre système s'il est le meilleur. « Pour ce qui est de la coopération spatiale, la situation se présente différemment. Votre pays et le nôtre appar- tiennent à un système d'alliances différent. Or il y a tout un aspect de l'exploration spatiale qui présente un carac- tère stratégique. Par contre, en ce qui concerne l'explo- ration spatiale du seul point de vue civil, il peut y avoir matière à coopération. » En me reconduisant à ma voiture, M. Khrouchtchev, me montrant l'avion qui l'attendait, me dit : — Je regrette bien vivement de ne pouvoir déjeuner avec vous. Mais dès que vous serez parti, cet avion me mènera à Moscou. Et comme je déplorais qu'il ne pût jouir en paix du magnifique paysage qui nous entourait, il me répondit : — Quand un homme d'Etat se repose, c'est qu'il est mort ! Le soir même, il quittait le pouvoir ! Quelques mois après, comme j'allais voir le général de Gaulle, il me dit : — Il se passe quelque chose d'inexplicable : les Rus- ses viennent nous offrir leur coopération en matière spa- tiale. Je lui répondis : — Mon Général, vous avez bien mal écouté le récit de mon entretien avec M. Khrouchtchev. Je lui avais demandé formellement de pouvoir bénéficier de leur avance en matière spatiale. Ils ont réfléchi, et ils répon- dent affirmativement. — Eh bien, conclut le Général, nous allons voir ce qui peut être fait à cet égard. Dans une autre conversation, comme j'insistais sur la nécessité de pouvoir envoyer un homme dans l'espace, il me dit : — Où prendrez-vous votre lanceur ? A cet égard on ne nous fera pas de cadeau. — J'ai pensé qu'il nous serait peut-être possible de recourir à un lanceur soviétique. Le Général ne dit ni oui ni non. Il se contenta de remar- quer : — La fortune sourit aux audacieux ! CHAPITRE XXV

AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : LA DÉFENSE DES LIBERTÉS

J'ai toujours aimé les fonctions d'arbitrage. Député, je fus très heureux d'être élu vice-président de l'Assemblée nationale et de participer ainsi à la vie interne du Parle- ment. J'ai également accepté avec joie la présidence du Conseil constitutionnel et je voudrais décrire l'évolution qui a fait de notre Conseil constitutionnel le protecteur des libertés publiques. Mon successeur, Roger Frey, a souligné, à l'occasion de la visite du président de la République, le 8 novembre 1977, l'importance de cette évolution. « L'une des innovations les plus originales de la Constitution de 1958, a-t-il déclaré, a été la création du Conseil constitutionnel. C'est la première fois, en effet, qu'apparaît dans l'histoire constitutionnelle française une institution capable d'assurer le principe de la subordina- tion de la loi, acte du Parlement, à la Constitution consi- dérée comme une règle supérieure. Si l'histoire du Conseil est encore brève, elle n'en constitue pas moins un élo- quent témoignage de la continuité et de l'efficacité de l'action qu'il a exercée, depuis sa création, en faveur de la défense des libertés et de la protection des droits des citoyens dans les différents domaines assignés à son con- trôle par la Constitution. » Dans sa réponse, le président de la République a souli- gné l'importance d'une décision du 16 juillet 1971 que je m'étais acharné à faire adopter, dans le souci de rassurer l'opinion quant à la défense des libertés, mais dont j'at- tendais surtout qu'elle dresserait contre les abus du pou- voir administratif la barrière de la Déclaration des droits et des principes fondamentaux qui sont à la base de la République. « Vous ne vous êtes pas bornés, a déclaré le chef de l'Etat, à veiller au respect des dispositions de la Constitution relatives à l'organisation des pouvoirs publics. Par un choix capital, d'ailleurs conforme à notre tradition juridique, vous avez décidé d'inclure dans les principes dont vous avez à assurer le respect ceux qui sont énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dans le Préambule de la Consti- tution de 1946 ; principes auxquels la Constitution de 1958 proclame solennellement son attachement et qui définissent les libertés des citoyens français. » Il y a lieu de remarquer que le parti auquel appartenait M. Giscard d'Estaing, préalablement à son élection à la présidence de la République, avait, avant cette décision du 16 juillet 1971, mis à son programme une réforme profonde du Conseil constitutionnel, remplacé par une sorte de Cour suprême constituée notamment par des membres de droit. Or, bien loin d'appliquer ce pro- gramme, le président, en arrivant au pouvoir, a maintenu le Conseil dans sa forme précédente et accru ses possi- bilités. Avant 1974, le Conseil ne pouvait être saisi que par le Premier ministre, le président de l'Assemblée natio- nale et le président du Sénat. Or la réforme constitution- nelle de 1974 a élargi la saisine du Conseil en permet- tant à soixante parlementaires de le saisir. Cette réforme constitue, en effet, le deuxième événe- ment qui, s'ajoutant au premier, va contribuer à donner au Conseil constitutionnel son véritable caractère de pro- tecteur des libertés publiques. Ce caractère apparaît dans un certain nombre de déci- sions qu'il suffit d'énoncer en indiquant sommairement leur contenu pour montrer l'ampleur et la continuité de l'évolution amorcée par la décision du 16 juillet 1971. Ainsi, par une décision du 23 juillet 1975, le Conseil rappelle, à propos d'une loi prévoyant, dans certains cas, la possibilité d'instituer un juge unique, « que le respect du principe d'égalité devant la loi proclamé par la Décla- ration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution s'oppose à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes » et déclare par conséquent « que ces dispositions doivent être regardées comme non confor- mes à la Constitution ». D'autre part, dans une très importante décision du 25 juillet 1979, rendue à l'occasion d'un texte dont il avait été saisi par plus de soixante députés et qui tendait à modifier la loi du 7 août 1974 relative à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, le Conseil, après avoir rappelé que le droit de grève était un principe de valeur constitutionnelle qui trouvait son origine dans le Préam- bule de la Constitution de 1946, confirmé par celui de la Constitution de 1958, a tenu à préciser que « ce droit avait des limites » et que le législateur était habilité par la Constitution à tracer celles-ci « en opérant la concilia- tion nécessaire entre la défense des intérêts profession- nels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte, notamment en ce qui concerne la conti- nuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitution- nelle ». Il dépend donc du gouvernement d'agir auprès du Par- lement en fonction de cette énonciation du droit qui lui permet de défendre l'intérêt des usagers, trop sou- vent foulé aux pieds par les organisateurs de grèves politiques. J'ai toujours pensé que la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République, chef de l'Etat, appelait dans notre Constitution l'introduction de véritables contrepoids. Cette nécessité s'est trouvée encore accrue quand, à la suite du référendum que je suis très fier d' avoir suggéré au général de Gaulle au lendemain de la tentative d'assassinat du Petit-Clamart — tentative qui avait été si près de réussir —, a été introduite chez nous l'élection du président de la République au suf- frage universel. Il est évident, en effet, que ce mode d'élection a boule- versé chez nous l'équilibre des pouvoirs. Pourquoi le Général y eut-il recours ? C'est qu'il avait noté des signes de retour à la persistance du régime exclusif des partis dans lequel il voyait à juste titre l'origine de l'écroule- ment de la III République et de l'impuissance de la IV On en revenait à ce qui, depuis Jules César, est une vieille maladie gauloise. Tant que le Général était au pouvoir, il pouvait s'en accommoder. Mais qu'allaient faire ses successeurs, dénués de son auréole historique et de cette légitimité dont il s'était trouvé investi depuis le 18 juin 1940 ? Comment ses successeurs auraient-ils pu résister à cette tendance s'ils avaient été élus par un collège par trop soumis à l'influence parlementaire? La tentative d'assassinat du Petit-Clamart avait apporté la démons- tration de la fragilité d'un équilibre qui ne reposait que sur une personne. C'est ainsi que le Général, après mon intervention, s'est décidé à ce référendum. L'opinion nationale s'est fort bien accommodée, malgré le mau- vais souvenir laissé par les plébiscites de jadis, de l'élec- tion du chef de l'Etat réalisée par le suffrage de cha- cun ; le citoyen est heureux d'avoir voix directe et déter- minante dans le choix de celui qui va exercer pendant sept ans le pouvoir. Et quel pouvoir ! Cette élection fait en effet du président de la République un véritable monarque à titre temporaire. Mais l'âme de l'électeur est complexe : en même temps qu'il voulait être dirigé, il entendait que le pouvoir suprême fût contrôlé ou plutôt équilibré. Il voulait la stabilité dans les institutions et, d'ailleurs, je ne pense pas qu'on revienne jamais sur l'élection du président de la République au suffrage universel. Mais, en même temps, il entendait avoir vis-à- vis de ce pouvoir démesurément agrandi par rapport à l'époque où le président « inaugurait les chrysanthèmes » des contrepoids en mesure de le rassurer. C'est pourquoi j'ai cherché, après que nous avons eu le malheur de perdre le général de Gaulle à la tête de la France, l'occasion de donner au public les apaisements dont il sentait confusément le besoin. Tant que le siège présidentiel avait été occupé par le Général, le Conseil constitutionnel avait été rangé, par les critiques du régime, au nombre des « béni-oui-oui ». A cet égard, je dois plaider coupable. En effet il me sem- blait absurde d'expliquer à l'auteur de la Constitution de quelle manière celle-ci devait être appliquée. Quand, à cet égard, j'exprimais de timides réserves, le Général avait beau jeu de m'expliquer les raisons précises qui lui avaient fait adopter tel article, et je ne pouvais retourner la Constitution contre son auteur ! L'aurais-je essayé que sa dialectique socratique m'en aurait aussitôt empêché. Quand certains juristes déclaraient qu'aucune révision de la Constitution ne pouvait se faire que conformément à l'article 89, celui qui porte que le projet doit être voté par les deux assemblées en termes identiques, avant d'être approuvé par le référendum, le Général avait beau jeu de répondre que la dualité des possibilités ouvertes par l'article 11 permet aussi au président, sur la propo- sition du gouvernement pendant la durée des sessions, de soumettre au référendum tout projet de loi portant sur la réorganisation des pouvoirs publics. Cette dualité ayant été, me confirma-t-il, expressément voulue par lui. « Comment voulez-vous, ajoutait-il, attendre du Parle- ment qu'il se réforme lui-même ? » Et c'était bien de cela qu'il s'agissait. La vox populi devait lui donner rai- son en adoptant, à une confortable majorité, en passant par la procédure prévue par l'article 11 — c'est-à-dire sans consulter le Parlement —, l'élection présidentielle au suffrage universel. Mais il y avait lieu de montrer dans les faits que l 'action de ce président tout-puissant pouvait être inflé- chie, s 'il le fallait, dans le sens de la défense de la liberté du citoyen. On a vu comment le Conseil y réussit. Cette interprétation, audacieuse pour l'époque, est con- firmée par une décision du 27 décembre 1973 relative à une disposition de la loi des finances pour 1974 insti- tuant une taxation d'office. Le Conseil, saisi à nouveau par le président du Sénat, déclare non conforme à la Consti- tution une disposition qui « tend d'instituer une discri- mination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les concernant » et qui « ainsi porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi con- tenu dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution ». Peut-être y aura-t-il lieu d'alourdir encore ce contre- poids ? Mais on ne saurait en chercher le moyen dans un retour à certaines prérogatives parlementaires qui seraient, je le crains, bien singulièrement dangereuses quant à la stabilité de l'exécutif. Dans l'importante communication qu'a faite, fin 1980, à l'Académie des sciences morales, son éminent secré- taire perpétuel, Bernard Chenot, s'alarme du déséquilibre qu'il constate entre les pouvoirs du chef de l'Etat et les possibilités du Parlement. Il indique très justement que cette évolution vers le régime présidentiel a été prévue et acceptée par le général de Gaulle. J'ajouterai que le Général a toujours voulu une formule mi-présidentielle mi-parlementaire où le gouvernement serait responsable devant le Parlement. Quant à l'extension des pouvoirs actuels de ce dernier, je crois que ce serait s'engager sur une voie dangereuse. Après avoir obtenu du Général son adhésion à l'idée d'un référendum immédiat sur l'élec- tion au suffrage universel, je lui rappelai les aléas que comportait pourtant cette solution : — L'évolution politique peut amener à ce poste tel représentant d'un parti ne donnant pas toute garantie d'indépendance et de souci du bien public. A cela le Général me répondit : — Quel que soit le passé de celui qui sera choisi, de quelque parti qu'il émane, ses responsabilités seront si grandes, elles seront si éclatantes aussi, que le nouveau président sera obligé d'adopter une ligne nationale. Je ne crois pas que les possibilités d'équilibre doivent être cherchées du côté du renforcement des pouvoirs du Parlement ni qu'il y ait lieu de supprimer le septen- nat. Par contre une réforme constitutionnelle ne per- mettant pas à un président de se présenter à un nouveau mandat tout en lui laissant cette possibilité pour l'avenir et l'élargissement des bases du référendum me semblent très recommandables et je souhaite vivement qu'ils fas- sent l'objet un jour d'une consultation nationale. CHAPITRE XXVI

DEUX AMIS : GEORGES POMPIDOU ET ANDRÉ MALRAUX

Avril 1974 Pendant que souverains et présidents avancent tour à tour sous la haute nef de Notre-Dame, André Malraux, assis près de moi, me fait remarquer que, malgré les fantaisies de Viollet-le-Duc, rien ne peut entraver la lan- cée des fines colonnettes montant vers le ciel. Nous scrutons tout ce qui se joue à la faveur de ce grand hom- mage rendu à la France en la personne de son président défunt. C'est dans le bureau qu'il occupait boulevard de Latour- Maubourg, et où il avait mené sa campagne, que je trou- vai Georges Pompidou quand je vins, en ma qualité de président du Conseil constitutionnel, lui annoncer qu'il était élu à la présidence de la République. Par une étrange rencontre, j'avais passé jadis de longues heures dans l'appartement où nous nous trouvions. Une vieille amie y avait ressuscité autour d'elle, en plein Paris, dans la grande bibliothèque à deux étages où elle se tenait, comme une atmosphère de château à la Mme Hanska perdu dans les steppes d'Ukraine ou de Pologne orien- tale. C'est elle qui avait naguère donné à Saint-Péters- bourg la fête qui avait préludé à la révolution de 1917. Et voici que, dans sa chambre transformée en bureau, où les dossiers verts avaient pris la place du grand nécessaire en vermeil de la reine de Prusse, je venais annoncer à un ami son élection à la tête de l'Etat. Les années passèrent. A l'occasion de mon départ du Conseil constitutionnel, Georges Pompidou fit l'effort de donner à l'Elysée un déjeuner d'adieu. « C'est vous qui m'avez lancé sur ce toboggan ! », me disait-il dans son toast, avec une sorte d'angoisse au fond de ses yeux brillants dans un visage malade. De même, en me remettant la grand-croix de la Légion d'honneur il y a deux ans : « C'est vous qui m'avez, en quelque sorte, fabriqué. » Qu'y avait-il derrière ces exagérations amica- les ? Je revois encore le jeune intellectuel brun, amené par René Brouillet, mon adjoint à la direction du cabinet du général de Gaulle, pour assurer notre liaison avec le ministère de l'Education nationale. Au début, il nous donnait un peu l'impression de sentir le roussi. Ses peti- tes notes, fort bien rédigées, mais marquées d'une sorte d'impertinence désinvolte, reflétaient l'esprit déjà fron- deur de l'Université. Le général de Gaulle les lisait avec un froncement de sourcils mêlé d'indulgence. Puis vint le séjour au bord de la Méditerranée au cours duquel le Général prit la décision de quitter le pouvoir. Je réunis le cabinet et la maison militaire de celui qui était alors le chef de l'Etat. J'annonçai cette décision en m'effor- çant de l'expliquer, et demandai à tous de ne pas rompre le contact entre nous, étant donné les possibilités de l'ave- nir. Ce petit groupe si dévoué, si ardent, si uni, s'écoula silencieusement. Georges Pompidou resta le dernier. Il me dit : « Vous l'avez vu : je n'ai pas toujours été d'ac- cord. Mais je tiens à ce que vous sachiez que vous pouvez compter sur moi. » De ce jour date notre amitié. Le plan Marshall devait permettre la permanence, malgré sa gestion débile, du tri- partisme au pouvoir. Nous nous réunîmes à Colombey pour créer le Rassemblement du peuple français. Pompidou restait un peu en marge de tout cela. Mais je me rendais compte de plus en plus quelles ressources de réalisme constructif et d'infaillible bon sens il y avait derrière sa discrétion, de la richesse et de l'étendue de sa culture, de sa rapidité de compréhension, de sa force de travail. C'est donc à lui que je fis appel quand, en prévision du retour du Général au pouvoir qui nous sem- blait infaillible mais qui, hélas ! ne devait se produire que beaucoup plus tard et sous la poussée de l'événe- ment, je décidai de créer un comité d'études, dont le Général accepta l'idée avec un scepticisme indulgent, et qui était destiné à préparer la doctrine d'action d'une équipe revenant aux affaires. O paradoxe ! Pour nous installer, c'est à mon ami Noël Coward que je sous-louai pour quelques mois son appar- tement parisien de la place Vendôme avant de nous transporter rue de Rivoli où nos plans, qui ne méritaient pas un tel honneur, furent cambriolés par la Sûreté géné- rale, puis, à proximité de la rue de Solferino, dans un entresol discret de la rue de l'Université. Je revois la table que je présidais et autour de laquelle Raymond Aron, Michel Debré, Albin Chalandon, Louis Vallon et d'autres échangeaient leurs points de vue. J'avais demandé à Georges Pompidou d'en être le secrétaire général. De plus en plus absorbé par la servitude haras- sante des réunions publiques dans toute la France — réunions auxquelles les communistes donnaient alors le caractère d'une épreuve de force —, je me rendais compte, laissant l'organisation des travaux du comité à Georges Pompidou, de l'intuition qu'il montrait de tous les problèmes qui se poseraient au pouvoir. Il s'occupait aussi de la Fondation Anne-de-Gaulle à laquelle le Général et Mme de Gaulle attachaient beaucoup d'importance. Quand je devins député de Saint-Denis-Aubervilliers, c'est tout naturellement que je recommandai au Général Georges Pompidou pour me succéder à la direction de son cabinet. Or, chose assez rare pour être signalée, il ne m'en a jamais voulu du service que je lui avais ainsi rendu. Notre amitié était restée très vive. Quand le général de Gaulle eut demandé à la IV République ma désignation comme ambassadeur de France à Rome, nous restâmes en étroit contact. Ces contacts se multiplièrent avec le retour au pouvoir du général de Gaulle. C'est avec lui que, dès que je venais de Rome à Paris, je déjeunais d'abord pour examiner l'évolution des choses. Le Général m'avait sug- géré plusieurs fois de revenir au gouvernement. Quand il appela Pompidou au pouvoir, celui-ci me téléphona à Rome avec tant d'insistance affectueuse que j'acceptai la tâche ingrate du ministère de « l'avenir ». Nous n'étions pas toujours d'accord. Mais, avec André Malraux et Christian Fouchet, nous formions tous quatre le petit carré des anciens. Nos déjeuners périodiques restent un souvenir bien agréable : une sorte d'oasis de détente au milieu de notre vie publique. Le second départ du Général devait être pour moi un horrible crève-cœur. Mais, comme je l'ai écrit au lende- main de sa mort, il faut reconnaître les deux immenses services qu'a rendus alors à la France Georges Pompidou. Le premier est d'avoir apporté la preuve qu'un homme, à la vérité exceptionnellement doué, mais n'ayant pas le format épique du général de Gaulle, pouvait être égal à une fonction qui, concentrant l'ensemble des pouvoirs, l'autorité et la responsabilité sur le même homme, fait de celui qui l'exerce la clé de voûte de l'Etat. Le second, c'est d'avoir farouchement défendu la poli- tique d'indépendance nationale, qui constitue avant tout le testament du général de Gaulle. En effet, si Pompidou n'avait pas accueilli avec enthou- siasme l'idée de l'élection présidentielle par le suffrage universel, dont j'avais suggéré au Général de poser la question au pays après l'attentat du Petit-Clamart, il n'en était pas moins par tempérament l'homme de cette con- centration des pouvoirs qui est devenue la règle de notre Etat, et qui paraît la seule adaptée au rythme du monde moderne. D'autre part — et je retrouve là l'honnêteté intellectuelle de Georges Pompidou, — elle le rendait incapable de ne pas défendre un point de vue s'il l'esti- mait justifié. Quand je l'interrogeai avec un peu d'ap- préhension sur ses projets en matière de politique exté- rieure, il me répondit : « J'ai pris connaissance des dos- siers. Quand on les a lus, on ne peut s'empêcher de se rendre compte que le Général avait raison sur tout. Soyez assuré que je continuerai. » Et le plus bel éloge qu'on puisse faire de lui, c'est qu'il a maintenu, avec les accom- modements nécessités par l'évolution des choses, les gran- des lignes d'une politique fondée sur l'indépendance nationale et le souci de maintenir la mission et la posi- tion de la France dans le monde. Pour l'opinion publique, toujours en quête d'images d'Epinal, c'est peut-être en raison du martyre que furent ses dernières années, et de la force héroïque et paysanne avec laquelle il l'a supporté au milieu d'un travail inces- sant, qu'il restera dans le souvenir du pays. Notre peuple a aimé en lui ce qu'il y avait de réalisme populaire et d'instinct national. Il a été un bon et parfois un grand serviteur de la France. Sachant qu'il détestait l'hyperbole, c'est, je crois, le tribut qu'il aurait souhaité.

Décembre 1977 L'exposition que l'ordre de la Libération a consacré, en 1977, à André Malraux, qui avait la fierté d'appartenir au « seul ordre de chevalerie véritable qui se soit créé dans les temps modernes », me fait évoquer l'histoire de notre longue amitié. Je la revivais le mois dernier saluant à Venise, dans l'immense salle de la Fenice, le souvenir de Vittorio Cini. C'était en mai 1958. Un message d'André Malraux m'avait avisé qu'il allait parler de peinture vénitienne à San Giorgio Maggiore, à la Fondation Cini. Je représen- tais la France au palais Farnèse. Nous étions suspendus aux nouvelles de Paris : la IV République agonisait, les gouvernements tombaient l'un après l'autre sans autre raison que parce qu'ils n'étaient plus crédibles aux yeux de la nation comme à ceux de l'armée d'Algérie. Félix Gaillard avait succédé à Bourgès-Maunoury. Pflimlin suc- cédait à Félix Gaillard. Au Comité pour l'appel au géné- ral de Gaulle répondait la création du Comité de salut public à Alger. Dans ces moments d'angoisse et d'espé- rance, à part la joie que j'avais toujours à le retrouver, nul interlocuteur ne pouvait être plus tentant qu'André Malraux. Vittorio Cini vint m'attendre à l'aérogare : il m'entraîna dans son canot automobile. Je revois encore l'écume des vagues qui se soulevaient pendant que nous essayions d'analyser les chances du Général, qui sem- blaient encore lointaines. André baignait encore dans son rêve d'art, mais c'était le rêve d'une Venise héroïque : celle du Tintoret et de Lépante. Ces grands souvenirs se dressaient comme l'or- chestration wagnérienne de ce nouveau chapitre de l'épo- pée : le retour du général de Gaulle à la tête de la France. Pendant que les journalistes à l'affût de notre rencontre — à ce qu'ils allaient appeler « le complot de Venise » — signalaient cette entrevue qui, pour eux, ne pouvait être due au hasard, nous évoquions, quant à nous, le passé que nous avions vécu ensemble auprès de lui. C'était dans un salon du palais Loredan. Le décor de laque et de chinoiseries, l'étoffe verte et or sur les murs, les personnages turcs en costume d'apparat peints par Barbault nous fixaient gravement dans leur cadre doré. Comme tout cela était loin du dur périple que nous avions vécu depuis 1944, le cœur d'abord soulevé par un grand espoir, puis déchiré par les embûches et les reniements dont nous avions été l'objet ! Je revois la tête fine sous le béret, la tenue militaire portée avec une négligence désinvolte sous laquelle se présentait le colonel Berger de la brigade Alsace-Lorraine. André sortit du bureau du général de Gaulle. Il n'avait fallu qu'un tête-à-tête pour qu'il se sentît enrôlé dans une sorte d'engagement tacite. Le fait qu'il était venu rue Saint-Dominique montrait bien que, dans son esprit, depuis quelque temps, il jouait avec cette idée d'enga- gement, mais il hésitait encore. Quand le Général l'eut accueilli et lui eut parlé de plain-pied, car il avait tou- jours éprouvé à son égard, sans le connaître, la plus vive estime intellectuelle, l'engagement, sans qu'il eût été nécessaire de le définir en paroles, devenait total, indes- tructible. C'est au nom de cet engagement qu'il accepta d'entrer dans le cabinet du Général que je dirigeais. Je le revois dans ces moments où nous passions de l'épopée internationale aux sournoiseries de la lutte politique intérieure, écoutant avec gravité nos discussions du matin auxquelles il apportait le commentaire désabusé de sa propre expérience. Bientôt, comme on le sait, il devait devenir le ministre de l'Information du Général qui n'allait pas tarder à quitter le pouvoir. André Malraux fut l'un des seuls qui, dans la ruée « à la soupe », après le départ du général, restaient avec nous, solitaires et fidèles. Il participera, au rang émi- nent qui lui revenait, à l'aventure du R.P.F. Tout cela devait se dissoudre et le général de Gaulle rentrait à Colombey, nous ayant rendu notre liberté et le cœur lourd d'un échec qu'il n'avait pas mérité. Et voilà qu'après des années d'attente et de désespé- rance, c'est à Venise que nous nous retrouvions, le cœur gonflé à nouveau d'un immense espoir. Malraux fit sa conférence, dans cette grande salle où, jadis, les Noces de Cana étalaient leurs fastes et leurs personnages légen- daires dont le visage était celui des souverains du temps de Charles Quint et du Grand Turc. C'est aux Affaires culturelles, dans son bureau du Palais-Royal, que j'allais bientôt le retrouver, quand le Général m'eut demandé de quitter le palais Farnèse pour la place de la Concorde, l'ambassade au Quirinal pour le ministère d'Etat chargé des questions scientifiques, de l'atomique et du spatial. Quand le général de Gaulle me chargea de prendre la présidence du Conseil constitutionnel, je me réjouis de penser que mon bureau allait être en face du sien, que seule une galerie allait nous séparer ou plutôt nous réu- nir. Car nous allions l'un et l'autre frapper à la porte- fenêtre du voisin, derrière laquelle il y avait, accueillant, le visage de l'amitié. Autant il avait de mal à se plier aux sujétions de la vie quotidienne, bien qu'il fût, par le jugement et la préci- sion de l'action, un excellent ministre, autant il était de plain-pied avec ce chemin des cimes dans lequel le Général nous exhortait sans cesse à nous engager et où il le rejoignit quand de Gaulle eut quitté le pouvoir. A ce moment, un grand ennui s'abattit sur ceux qui, comme nous, avions vécu avec le Général dans une intimité particulière. Comment vivre sans ce tête-à-tête avec l'Histoire et avec la France auquel il nous conviait sans cesse, sans ses mots à l'emporte-pièce, sans son humour gullivérien, sans la vision synthétique qu'il avait des grands mouvements qui emportaient le monde ? Ce monde d'aujourd'hui, il nous en faisait apercevoir les contours clairs et terribles. La difficile mise en place d'une concertation à laquelle il avait convié le pays et que le pays avait repoussée, il va falloir pourtant la réaliser si nous ne voulons pas basculer de l'autre côté : celui de la termitière et de la dictature policière. Pour André Malraux, revenu dans sa solitude, puisque l'objet de notre fraternité héroïque avait disparu, je notais à chacune de nos rencontres la part de plus en plus grande que semblait prendre chez lui une préoccu- pation quasi spirituelle. Il y avait toujours eu en lui une sorte de voyant. Mais l'art avait été pour lui le grand refuge de la permanence et du divin, le grand défi dressé par l'homme vis-à-vis de la mort. Et voici qu'à chaque nouvel entretien il paraissait plus obsédé par les forces indistinctes dont il sentait la présence à l'intérieur et autour des hommes. Il s'était toujours demandé, dans ses Antimémoires, comme dans toute son œuvre : « L'homme, objet de son destin, peut-il en devenir le maître ? » Plus je voyais Malraux dans les derniers temps, que ce fût au milieu des boiseries claires du Marais ou dans le salon blanc et bleu de Verrières, et plus il me sem- blait que cette question persistante appelait chez lui une réaction plus confiante, plus assurée du sens pro- fond de la vie. C 'est la même impression que j'éprouvais à l'expo- sition qui vient de s'ouvrir en considérant les têtes gréco- bouddhiques qu'il nous avait jadis distribuées avec muni- ficence. De cette impression, le sourire indéfinissable et lourd d 'un mystérieux message qui jouait autour des lèvres des idoles du Gandhâra, avant de se fixer sur celles des anges de Chartres et de Reims, nous apportait une confirmation nouvelle. Oui — je veux le croire —, c'est bien dans ce sentiment d'une destinée qui l'amenait vers d 'autres horizons qu'il a regardé le spectacle du monde pour la dernière fois. CHRONOLOGIE

20 mars 1901 Naissance à Paris de Gaston Palewski. Fils de Maurice Palewski, ingénieur des Arts et Manufactures, et de Mme née Rose Diamant-Berger. 1919-1924 Etudes à l'Ecole des sciences politiques, à l'Ecole du Louvre et à Oxford. 1924-1925 Gaston Palewski est, à Rabat, attaché politique au cabi- net du maréchal Lyautey. 1928 Gaston Palewski devient le collaborateur de Paul Reynaud. Il sera plus tard son directeur de cabinet. 1934 Rencontre avec Charles de Gaulle. Janvier 1940 Prévoyant l'offensive allemande, Gaston Palewski quitte son poste de directeur de cabinet de Paul Reynaud, ministre des Finances, et part, en tant que volontaire, pour la 34e escadre de bombardement de nuit. Août 1940 Gaston Palewski rejoint le général de Gaulle à Londres. Décembre 1940 Gaston Palewski devient le premier directeur des Affaires politiques de la France libre. Février 1941 - Septembre 1942 En tant que lieutenant-colonel, Gaston Palewski com- mande les Forces françaises libres de l'Est africain qui prennent part à la fin de la campagne d'Ethiopie et permettent à la France de conserver le chemin de fer de . Septembre 1942 Le général de Gaulle rappelle Gaston Palewski à Lon- dres et le nomme directeur de son cabinet. Il occupera ce poste à Alger puis à Paris, après la Libération. 1946 Gaston Palewski suit le général de Gaulle dans sa retraite. 1947 Gaston Palewski, étant l'un des trois premiers membres fondateurs du R.P.F., devient membre du Conseil de direction du mouvement. 1951-1955 Député du 6 secteur de la Seine, de janvier 1951 à juin 1955, Gaston Palewski est membre de la commis- sion des Affaires étrangères. A partir de 1953, il sera premier vice-président de l'Assemblée nationale. Juin 1955 Le général de Gaulle ayant quitté la scène publique, Gaston Palewski accepte d'entrer dans le cabinet Edgar Faure en qualité de ministre délégué à la pré- sidence du Conseil, chargé des Affaires atomiques, des Affaires sahariennes et de la coordination de la Défense. A ce titre, il est le promoteur du second plan atomi- que français. Octobre 1955 En désaccord avec la politique du gouvernement en Afrique du Nord, Gaston Palewski démissionne et réclame la constitution d'un gouvernement de salut public. Août 1957 A la demande du général de Gaulle, Gaston Palewski est nommé ambassadeur à Rome. Il y restera jusqu'en 1962. Avril 1962 Gaston Palewski entre dans le gouvernement Georges Pompidou en qualité de ministre d'Etat chargé de la Recherche scientifique et des Questions atomiques et spatiales. 4 mars 1965 Gaston Palewski est nommé par le général de Gaulle président du Conseil constitutionnel. 1968 Gaston Palewski est élu membre de l'Institut de France (Académie des Beaux-Arts). 20 mars 1969 Gaston Palewski épouse Violette de Talleyrand- Périgord, duchesse de Sagan et de Dino, arrière-petite- nièce de Talleyrand. Avril-juin 1969 En tant que président du Conseil constitutionnel, Gaston Palewski enregistre la démission du général de Gaulle, le 28 avril, et l'élection de Georges Pompidou à la présidence de la République. Mars 1974 Gaston Palewski quitte la présidence du Conseil cons- titutionnel. 1974-1984 Directeur, puis président d'honneur de la Revue des Deux Mondes, Gaston Palewski devient, en 1976, à la mort d'André Malraux, président de l'Institut Charles- de-Gaulle. Président de l'association France-Italie et du Comité français pour la sauvegarde de Venise, vice- président du Conseil artistique des musées nationaux il commence la rédaction de ses Mémoires d'action. 3 septembre 1984 Mort de Gaston Palewski au château du Marais (Essonne). Compagnon de la Libération, il avait été élevé en 1972 à la dignité de Grand-Croix de la Légion d'honneur.

INDEX DES NOMS DE PERSONNES

A ASTHNON (comte d') : 219. ASTIER de la VIGERIE (Emma- ABBAS (Ferhat) : 266. nuel d') : 180, 198. ABD él-KRIM : 12, 35, 36, 37, ASTIER de la VIGERIE (général 41, 128. François d') : 119, 198, 199. ADEN (les) : 163. ASTIER de la VIGERIE (Henri ADÈS (Lucien) : 196. d') : 199. AGNELLI (les) : 271. ASTORG (les) : 147. AGNELLI (Marella) : 271. AUBOYNEAU (amiral Philippe) : ALARY : 268. 141. ALEXANDRE (roi de Yougosla- AUBURTIN (Jean) : 119. vie) : 49, 82, 188. AUGER (Pierre) : 279. ALIBERT (Raphaël) : 125. AURIC (Georges) : 53. ALPHAND (Hervé) : 215. AURIOL (Vincent) : 92, 245, 255, ALPHONSE XIII : 39. 262. AMAN JAN : 11, 268. ANDERS (général Wladyslaw) : 183, 237. B ANDERSON (sir John) : voir WAVERLY. BABITCHEV : 171. ANDREOTTI (Giulio) : 270. BALDWIN (Stanley) : 85. ANDRIEU : 248. BALZAC (Honoré de) : 50, 57. ANGLÈS : 106. BARBAULT : 300. ANTINORI (famille) : 272. BARRÈS (Maurice) : 50. ANTONOV (général) : 240. BARTHOU (Louis) : 46, 49. 75. AOSTE (duc d') : 171. BARZACH (Hamed) : 32. ARAGON (Louis) : 50. BATE (Vera) — voir LOMBARDI. ARGENLIEU (général François BAUDOUIN (Paul) : 97, 98, 99, d') : 203. 113, 116, 124. ARGENLIEU (amiral Thierry BEACH (Sylvia) : 54, 55. d') : 203, 216, 220. BEARDSLEY (Aubrey) : 63. ARON (Raymond) : 297. BEATON (Cecil) : 164. ARTAMANOFF (colonel) : 171. BEAUCHAMP (de) : 171. BEAUMONT (Etienne de) : 52, BOURGÈS-MAUNOURY (Maurice) : 53. 299. BEAUMONT (Guérin de) : 219. BOUSQUET : 56. BECK (Josef) : 236. BOUSQUET (Marie-Louise) : 56, BEETHOVEN (Ludwig von) : 60. 57, 58. BÉNÉDIC (colonel) : 39. BOUTHILLIER (Yves) : 92, 94, BENES (Edouard) : 82, 161. 98, 100, 102, 106, 116, 124, BÉRANGER (Henry) : 96. 176. BÉRARD (Christian) : 53. BOUTTEVILLE : 227. BERENSON : 272. BOYLESVE (René) : 50. BERGER (colonel). Voir André BRASILLACH (Robert) : 225. MALRAUX. BRÉMOND (abbé) : 12. BÉRIA (Laurenti P.) : 240. BRIAND (Aristide) : 26, 28, 38, BERLING (général Z.) : 237. 46, 47, 48, 49, 72, 161. BERRIAU : 37. BROSSOLETTE (Pierre) : 206. BERTHELOT (Philippe) : 38, 61, BROUILLET (René) : 296. 161, 179. BUCHALET (général) : 264. BÉTHOUART (général Antoine) : BUGEAUD (maréchal Thomas 145. Robert) : 30. BEUVE-MERY (Hubert) : 15. BUHRER (général) : 104. BIBESCO (Antoine) : 54, 58, 269. BURCKHARDT (Jacob) : 271. BIBESCO (Marthe) : 53. BUSSY : 35. BIDAULT (Georges) : 207, 245, BUTE (lord) : 133. 275. BIÉRUT (Boleslas) : 235, 236. BILLOTE (général Pierre) : 200. C BLAISOT (Camille) : 262. BLANCHE (Jacques-Emile) : 11, CAETANI (Cora) : 272. 50, 56. CAFFERY (Jefferson) : 245, 246. BLUM (Léon) : 23, 28, 68, 72, CAILLAUX (Joseph) : 26, 143. 79, 89, 90, 94, 95, 110, 181, CAMBON (Robert) : 146. 225. CAMPBELL (Ronald) : 117, 126, BODLEY : 185. 138, 165. EOGOMOLOV : 160, 183. CAMPINCHI (César) : 105, 114, BOHLEN (Charles) : 243. 115. BOISLAMBERT (Claude Hettier CANALETTO (Giovanni Antonio de) : 144, 209. CANAL, dit) : 271. BOISSON (Pierre) : 189, 208. CAPITANT (Mme) : 199, 200, BOLDINI (Giovanni) : 54. 201. BONAPARTE : 203. CAPITANT (René) : 199, 200, 209, BONNARD (Pierre) : 58, 60. 210. BONNEFOUS (Edouard) : 66. CASSIN (René) : 146. BONNET (Georges) : 84. CASTELLANE : 146. BONNET (Henri) : 138, 148, 219. CASTELLANE (Boni de) : 146. BONNEVAL (colonel de) : 257. CATROUX (Diomède) : 124, 195. BONNIER de la CHAPELLE (Fer- CAVAILLÈS (Jean) : 210. nand) : 197, 199. CELIER (Alexandre) : 228. BOR-KOMOROSWKI (général) : CELLINI (Benvenuto) : 272. 235. CEYRAC (François) : 228. BORIS (Georges) : 141, 225, 226. CHAGALL (Marc) : 50. BOUILLON (Franclin). Voir CHALANDON (Albin) : 297. FRANKLIN - BOUILLON. CHAMBERLAIN (Neville) : 85. BOULANGER (Nadia) : 53. CHAMBRUN (Charles de) : 269. BOUMENDJEL : 266. CHAMBRUN (Josée de) : 224. BOURBON (les) : 273. CHAMBRUN (Marie de) : 269. CHAMBRUN (René de) : 224. CHAMPION (Mme) : 307. COWARD (Noël) : 164, 197. CHANEL (COCO) : 58, 62. CRISPI (Foscal) : 271. CHAPALAIN : 259. CRISPI (les) : 271. CHARLES QUINT : 301. CUNINGHAM (amiral Andrew) : CHARLES-Roux (Edmonde) : 156. 58, 62. CURZON (lord) : 147. CHARLES-Roux (François) : CUSIN (Gaston) : 90. 176, 195, 307. CHARTIER : 146. CHATEAUBRIAND (François René D vicomte de) : 247. CHATEL (Yves) : 209. DAFFERY (lord) : 185. CHAUTEMPS (Camille) : 116, DAGNAUX (colonel) : 107, 110. 124, 137. DALADIER (Edouard) : 24, 28, CHENOT (Bernard) : 293. 69, 84, 89, 90, 91, 93, 98, 104, CHEVALME (Léon) : 227. 106, 108, 110, 113, 124, 207. CHEVIGNÉ (Pierre de) : 141, 217. DAMPIERRE : 268. CHIAPPE : 206. DARLAN (amiral François) : CHICHERY (Albert) : 120. 101, 124, 129, 186, 187, 194, CHOLTITZ (von) : 221. 195, 196, 197, 199, 200, 201, CHOPIN (Frédéric) : 61. 202. CHRÉTIEN (Jean-Loup) : 285. DAUTRY (Raoul) : 105, 114, 115, CHURCHILL (Randolph) : 183, 263, 264, 279, 280. 188. DÉAT (Marcel) : 76. 78. CHURCHILL (Winston) : 62, 116, DEBRÉ (Michel) : 9, 297. 117, 126, 136, 137, 147, 148, DEBUSSY (Claude) : 60. 150, 156, 157, 158, 159, 160, DECAUX (Alain) : 197. 165, 166, 173, 180, 182, 183, DEJEAN (Maurice) : 167, 172, 185, 186, 193, 195, 197, 202, 187. 203, 204, 213, 219, 220, 229, DELACROIX (Eugène) : 19, 34, 230, 231, 234, 241, 242, 243. 50, 248. CIECHANOWSKI (Jan) : 154, 160, DELCASSÉ (Théophile) : 47. 183, 231, 232. DELESTRAINT (général) : 205. CINI Vittorio) : 270, 299. DELMAS (colonel) : 37, 38. CLAIR (René) : 51. DESMARQUET (Daniel) : 307. CLEMENCEAU (Georges) : 27, DESTA (amiral) : 174. 114, 115, 139, 255, 261. DEVAUX : 92, 96, 98, 99. COCTEAU (Jean) : 50, 53, 56, 60. DIAGHILEV (Serge de) : 60, 61, COELAS : 111. 63. COGNET : 114. DIAMAND-BERGER (Rose). Voir COLONNA (Aspresso) : 276. Mme Maurice PALEWSKI. CODOS : 108. DIESBACH (Ghislain de) : 54. COLYNTON (lord) : 148. DIETHELM (André) : 114, 115, CORAP (général André) : 36. 141, 211, 223. CORBIN (Charles) : 141, 146, DODELIER : 140. 161. DONOVAN (William J.) : 100. COSTE-FLORET : 210. DONNAY (Maurice) : 56. COT (Pierre) : 206. DOSTOIEVSKI (Fiodor M.) : 50. COTY (René) : 262, 263. DOUMER (Paul) : 48. COUDENHOVE-KALERGI DOUMERGUE (Gaston) : 49. (Richard) : 47. DRIEU LA ROCHELLE (Pierre) COULET (François) : 175, 217. 225. COURCEL (Geoffroy de) : 15, DRUON (Maurice) : 9, 11. 121, 144, 145. DUFF COOPER (Alfred) : 85, COUVE de MURVILLE (Maurice) : 166, 212, 213. 154, 211. DUFF COOPER (Diana) : 213. DUMAS : 200. FRANCO : 102, 129. DUPUY : 165. FRANÇOIS (colonel) : 107, 109, DURET : 27. 110, 119, 120, 125. DUVERGER (Maurice) : 196, 198. FRANÇOIS-PONCET (André) : 65, 66, 87. FRANKLIN-BOUILLON (Henri) : 28, 72, 262. E FREY (Roger) : 9, 17, 288. FROSSARD : 98. EBOUÉ (Félix) : 189, 190, 191. FUNCK BRENTANO (Christian) . EDEN (Anthony) : 11, 85, 86, 132, 210. 89, 146, 165, 166. EDWARDS : 58. EISENHOWER (Dwight D.) : 100, G 216, 220, 221. EL MARNISSI (Mohamed) : 123. GODEBSKI : 58. ELUARD (Paul) : 50. GADOFFRE (Mme) : 8. ENGELS (Friedrich) : 260. GAILLARD (Félix) : 264, 280, ERLANGER (Léo d') : 147, 155, 299. 165. GALLEY (Robert) : 264, 281, 283. ERLANGER (Rodolphe d') : 147. GALLIENI (maréchal Joseph Si- ESNAUD PELTERIE (Robert) : mon) : 35. 109. GALLIÉRA (duchesse de) : 272. ESTEVA (amiral Jean-Pierre) : 209. GAMELIN (Georges) : 73, 78, 79, 105, 110, 116. ESTIENNE D'ORVES (Honoré d') : GANCE (Abel) : 51. 155. GASCOYNE : 133. GAUGUIN (Paul) : 172. GAULLE (amiral) : 196, 198, 199. F GAULLE (Charles de) : 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 18, FABRE-LUCE (Alfred) : 199, 19, 21, 22, 23, 42, 43, 46, 52, 201. 56, 57, 73, 74, 75, 76, 77, 78, FABRY (colonel) : 79. 79, 81, 83, 89, 91, 93, 94, 95, FANFANI (Amintore) : 270. 96, 97, 100, 105, 106, 110, 113, FAURE (Edgar) : 8, 16, 261, 263, 114, 115, 117, 119, 120, 121, 264, 279, 280, 304. 123, 124, 125, 126, 128, 129, FEIS (Herbert) : 234. 130, 132, 133, 136, 137, 138, FERRERO (Guglielmo) : 53. 139, 140, 142, 144, 145, 146, FERRY (Jules) : 27. 147, 149, 150, 151, 152, 153, FÉVRIER : 133. 154, 155, 156, 157, 159, 160, FITZGERALD (Francis Scott) : 55. 162, 163, 165, 166, 167. 168, FIZDALE (R.) : 59. 172, 173, 174, 175, 176, 177, FLANDIN (Pierre-Etienne) : 24, 178, 180, 181, 182, 183, 184, 28, 72, 89, 94, 112. 187, 188, 189, 190, 191, 192, FLAUBERT (Gustave) : 162. 193, 194, 195, 196, 197, 198, FOCH (maréchal Ferdinand) : 199, 200, 201, 202, 203, 204, 101. 205, 206, 208, 209, 210, 211, FONTENAY (de) : 268. 212, 216, 217, 219, 220, 221, FORAIN (Jean-Louis) : 50. 222, 223, 224, 225, 226, 227, FOUCAUD (colonel) : 154, 155. 228, 229, 230, 231, 235, 236, FOUCHET (Christian) : 144, 145, 238, 239, 240, 244, 246, 249, 238, 261, 298. 251, 252, 253, 255, 256, 257, FOUQUER (père) : 171. 258, 260, 261, 263, 264, 265, FOURNIER (Pierre) : 227. 267, 273, 275, 278, 279, 280, FRANCE (Anatole) : 164. 281, 286, 291, 292, 293, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 303, HAUTECLOQUE (capitaine de). 304, 305. Voir LECLERC. GAULLE (Mme de) : 249, 250, HEMINGWAY (Ernest) : 55. 257, 297. HENRI IV : 169. GAULLE (Pierre de) : 254. HERMANT (Abel) : 50. GÉRICAUT (Théodore) : 50. HERRIOT (Edouard) : 24, 28, 45, GHIRINGHELLI (Antonio) : 271. 46, 49, 70, 112, 122, 220, 223, GIDE (André) : 55, 56, 59, 61, 244. 139, 140, 248. HERVIEU (Paul) : 51. GIGNOUX (Claude-Joseph) : 66, HITLER (Adolf) : 72, 73, 87, 89, 227. 110, 126, 127, 129, 137, 167. GILLOIS (André) : 10. 235, 279. GIRARD (L.-D.) : 307. HOARE (Samuel) : 68, 85, 86. GIRAUD (André) : 281. 88. GIRAUD (général Henri) : 127, HOPKINS (Harry) : 218, 243. 177, 196, 202, 203, 205, 208, HOPKINSON. Voir lord COLYN- 209, 211. TON. GIRAUDOUX (Jean) : 50, 111, HOWARD (Leslie) : 180. 181. HUGO (Victor) : 95. GISCARD d'ESTAING (Valéry) : 17, 289. GLAOUI (Si Hadj Thami ben I Mohammed el-Mazouari El-) : 32. IRIBE (Paul) : 60. GOERING (Hermann) : 147. ISMAY : 242. GOHIER (Urbain) : 27. IVAN le Terrible : 239. GOLD (A.) : 59. GOLDSCHMIDT (Bertrand) : 279, 280. J GORSE (Georges) : 177. GOUIN (Félix) : 181, 211. JACOB (Max) : 206. GOUJON (Jean) : 103. JACQUINOT (Louis) : 181, 211. GRAINGER (Percy) : 56. JAROUSSEAU (Mgr) : 169. GRANDIN (de l'Eprevier) : 145 JAUDEL (Jean) : 307. GRECO (El) : 34. JEAN PAUL 1 : 277. GRONCHI (Giovanni) : 269, 272. JEAN PAUL II : 275. GUARDI (Francesco) : 271. JEAN XXIII : 259, 270, 275, 276, GUILLAUMAT (Pierre) : 16, 264, 277. 280. JEANNE d'ARC : 139, 255. GUITARD (L.) : 307. JEANNENEY (Jules) : 122, 227. GUN (Nérin) : 196. JOFFRE (maréchal Joseph) : GUYON : 33. 81, 101. JOLIOT-CURIE (Frédéric) : 279. JOUVENEL (Henry de) : 268. H JOUVENEL (Mme Henry de) : 84. JOXE (Louis) : 267. HABSBOURG (les) : 82. JOYCE (James) : 55. HACKIN (Joseph) : 145. JUIN (Alphonse) : 34, 36, 221, HAILÉ SELASSIÉ (empereur) : 241. 169, 170, 171, 173, 174. JULES CÉSAR : 291. HALBAN (Hans) : 279. HALIFAX (lady) : 165. HALIFAX (lord) : 146, 148, 165. K HALL (Hauthon) : 188. HANSKA (Mme) : 295. KENNEDY (Joseph) : 204. KHROUCHTCHEV (Nikita) : 285, LEGUEU (Félix) : 66, 101. 286. LEGUEU (François) : 66. KING (William Lyon MACKEN- LEGUEU (Mme) : 101. SIE) : 219. LEMERY (Henry) : 125. KIPLING (Rudyard) : 30, 34, LEQUERICA : 132. 190. LIGNE (princesse de) : 131. KŒNIG (Général Marie-Pier- LITVINOV (Maxime) : 83, 84.. re) : 141, 152, 280. LLOYD (lord) : 54, 147. Koo (Wellington) : 126. LOCKHART (Bruce) : 188. KOUTOUZOV (M.I.) : 239, 260. LOMBARDI (Véra) : 62. KOWARSKI (Lew) : 279. LOTHIAN (lord) : 165. LOTI (Pierre) : 30. LOUIS XIV : 247, 248. Louis XV : 248. L Louis XVI : 52. LUCE (Claire) : 205. LA PRAIRIE (Yves) : 283. LUDRE (marquise de) : 164. LABONNE (Erick) : 34. LUIZET : 222. LACOSTE (Robert) : 227, 252. LUTYENS : 33. LACRETELLE (Anne de) : 8. LYAUTEY (maréchal Louis Hu- LAFORGUE : 32. bert Gonzague) : 10, 12, 30, LAGARDE : 169. 32, 33, 34, 36, 37, 38, 39, 40, LAGRANGE (Léo) : 76, 77. 41, 42, 43, 44, 64, 101, 122, LAMBERT-RIBOT : 227. 131, 179, 275, 303. LAMOUREUX : 98. LAPIE (P.-O.) : 145. LAPRADE : 32, 33. M LARBAUD (Valery) : 63. LASSEIGNE (Jacques) : 177. LATTRE DE TASSIGNY (maréchal MAC LEAN : 188. Jean de) : 36, 223. MACDONALD (Ramsay) : 148. LAUGIER (Henri) : 138, 219. MACHIAVEL (Nicolas) : 95. LAURENS (Anne) : 200. MACKENSIE KING. Voir KING. LAURENT (Jean) : 115, 121. MAGINOT (Louis) : 66, 69, 181. LAURENTIE : 189. MAISKY : 161. LAVAL (Josée). Voir de CHAM- MAISMONT (lieutenant de) : 141 BRUN. MALLARMÉ (Stéphane) : 58, 59, LAVAL (Pierre) : 23, 48, 68, 77, 60, 61. 83, 84, 85, 88, 89, 92, 125, MALRAUX (André) : 15, 19, 225, 185, 187, 220, 224, 244. 251, 252, 259, 278, 295, 298, LAWRENCE (T.E.) : 188. 299, 300, 301, 302, 305. LAYTON (sir Walter) : 135. MALVY (Louis) : 26. LAZAREFF (Pierre) : 113. MAMMERI : 31. LE PROVOST DE LAUNAY : 119, MANDEL (Georges) : 24, 104, 120. 114, 115, 117, 120, 124, 130, LE TROQUER (André) : 46. 131, 132, 133, 166, 179, 189, LEBRUN (Albert) : 120. 207, 211, 261, 262. LECA (Dominique) : 92, 94, 95, MARAN (René) : 190. 97, 98, 99, 100, 106. MARANNE (Georges) : 222. LECLERC (maréchal Philippe de MARCHAND (colonel) : 190. Hautecloque, dit) : 141, 145, MARCHAND (général Jean Bap- 152, 170, 213, 220, 221. tiste) : 171. LEFRANC (Pierre) : 9. MARGERIE (Roland de) : 96, LÉGER : 50. 268, 275. LÉGER (Alexis) : 48, 64, 161, MARIN (Louis) : 24, 28, 93, 102, 162, 195, 211. 112, 222, 262. MARQUET (Albert) : 248. MOSLEY (sir Oswald) : 148. MARSHALL (général George) : MOULAY HASSAN : 31, 43. 217, 245, 246, 253, 296. MOULA Y MOHAMMED : 31. MARTIN (Yvan) : 133. MOULAY YOUSSEF : 31. MARX (Karl) : 260. MOULIN (Jean) : 180, 205, 206, MASARYK (Tomas) : 82. 207. MASARYK (Jan) : 161. MOULIN de la BARTHÈTE (Henri MASSERANO (prince de) : 52. du) : 176. MASSIF : 149. MOYSSET : 176. MATISSE (Henri : 50. MUGNIER (abbé) : 54. MATTEI (Enrico) : 269, 270, 274. MÜNZENBERG (Willi) : 103. MATHEWS (colonel) : 204. MURAT : 273. MAURIAC (François) : 56, 222. MURPHY (Robert D.) : 196, 197, MAURIN (général) : 77, 249. 198, 210. MAUROIS (André) : 55, 141. MUSELIER (amiral Emile) : MAYER (René) : 211. 209. MAZEAUD (Léon) : 251. MUSSOLINI (Benito) : 68, 84, MENDÈS FRANCE (Pierre) : 225, 85, 86, 129, 268, 273. 261, 284. MENTHON (François de) : 210. MERCIER (Ernest) : 125, 257. N METCALFE (lady Alexandra) : 147. NATANSON (les) : 60. MICHEL-ANGE (Buonarroti) : NATANSON (Thaddée) : 58, 60. 168. NAULIN (général) : 40. MIKOLAJCZYK (Stanislas) : 239. NELSON (amiral lord) : 147. MOKRI (El-) : 31. NEVRY (amiral) : 218. MIRABEAU (Honoré Gabriel NICOLAS (grand-duc) : 81. RIQUETI, comte de) : 248. NICHOLSON (Harold) : 163, 164. MIRIBEL (Elizabeth de) : 177. NICHOLSON (Nigel) : 164. MITTELHAUSER (général Eugène NIELSEN (Claude) : 307. Désiré) : 129. NOAILLES (Anna de) : 49, 53, MOCH (Jules) : 211. 54. MODIGLIANI (Amadeo) : 50. NOAILLES (Marie-Laure de) : MOHAMMED V. Voir Sidi Mo- 206. hammed Ben YOUSSEF. NOGUÈS (général Charles) : 128, MOLOTOV (V.M. SKRIABINE. 129, 131, 133. dit) : 84, 238. MOLYNEUX (Edouard) : 165. MONFREID (Daniel de) : 172. O MONFREID (Henri de) : 172. MONNET (Jean) : 103, 141, 148, OBERKIRSCH : 112. 195, 211, 212, 225, 226, 227. ORMESSON (Wladimir d') : 34, MONNIER (Adrienne) : 54, 55. 62, 275. MONTINI (Mgr). Voir PAUL VI. OSOBKA-MORAWSKI (Edouard) : MONZIE (Anatole de) : 98. 236. MOORE (George) : 56. OSUSKY (Stefan) : 161. MORAND (Paul) : 61, 62, 70, OUSTRIC (Albert) : 67, 68. 141. MORANDAT (Yvon) : 154. MORAVIA (Alberto) : 273. P MORGAN (Charles) : 164. MORTIMER (Raymond) : 164. PADEREWSKI (Ignacy) : 231. MORTON (sir Desmond) : 156, PAINLEVÉ (Henri) : 39, 46. 159, 160, 185, 186, 193, 197. PALEWSKI (Maurice) : 10, 303.