Bluwal De Réalisation Audiovisuelle De Paris Le 13 Novembre 2008
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marcel Débat animé par Yves Alion après la projection du film Dom Juan ou le Festin de pierre, à l’École Supérieure bluwal de Réalisation Audiovisuelle de Paris le 13 novembre 2008 Marcel Bluwal a très jeune le goût du théâtre et du cinéma. Il fréquentera l’un et l’autre une fois parvenu à l’âge adulte. Mais l’essentiel de sa carrière se fera à la télévision, dont il est l’un des pionniers, dès l’immédiat après- guerre. De fait, une fois en place, il se frotte à tous les genres, il est de toutes les expériences, il innove sans cesse dans un média qui n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière et où les propositions parviennent souvent à être entendues. On lui doit les premières émissions pour la jeunesse, il met en scène des pièces de théâtre qui sont diffusées en direct, etc. Mais c’est en réalisant ce que l’on ne nomme pas encore des téléfilms qu’il se fait un nom, unanimement respecté. D’autant que le caractère prolifique de son œuvre n’entame en rien la qualité de son travail. Réalisé au mitan des années 60, son Dom Juan n’a pas pris une ride: il reste encore aujourd’hui considéré comme un modèle d’adaptation. Fin lettré, passionné par la mise en scène, Marcel Bluwal n’est pas pour autant un tenant de l’art pour l’art. Il n’a jamais caché ses préférences politiques, résolument à gauche. Un penchant qui ne doit rien au hasard de la part de ce fils d’immigrés juifs qui a dû rester caché une bonne partie de la guerre pour échapper à la barbarie nazie. Et qui n’a pas d’autre ambition que de faire aimer la culture au plus grand nombre. Sachant qu’elle offre l’un des meilleurs moyens qui soient pour s’élever. I Dom Juan ou le Festin de pierre Marcel Bluwal acteurs et techniciens, et le résultat passe par des gens qui dessinent, font des décors, de la lumière, cadrent… Et si tout va dans le sens de mon désir, tant mieux ! J’ai donc fait confiance à ma costumière Anne-Marie Marchand, une des meilleures du cinéma français. Je tenais à tourner en décors naturels, à une époque où les films se faisaient encore beaucoup en studio, et j’ai mis six mois à trouver les décors. L’endroit où se trouve le Commandeur est devenu un monument internationalement connu, les Salines de chaux de l’architecte Nicolas Ledoux. Je sou - haitais mettre le Commandeur en forêt et m’inscrire dans une tradition littéraire remontant à Don Quichotte : maître et valet ont une conversation philosophique en voyageant à Le générique de Entretien cheval. Au théâtre le Commandeur va vers Dom Juan, mais Dom Juan Dom Juan . ne peut venir à lui. Cela m’a toujours gêné, car pour moi la pièce est un itinéraire à cheval vers la mort. Comment le projet d’une adaptation de Dom Juan est-il né ? Marcel Bluwal La modernité du jeu des acteurs nous éloigne également du : Je me souviens m’être énormément fait chier au lycée “Sganarelle était en étudiant Molière, Marivaux, Racine et Corneille. Je me marrais beau - théâtre classique. Comment avez-vous travaillé avec eux ? coup plus avec Gogol et les classiques étrangers. Mais un jour, alors M. B. : Je travaillais avec Michel Piccoli depuis 1955. Je lui toujours représenté que je travaillais déjà à la télévision, je me suis dis : « Si les avais dit en 1964 : « On tournera Don Juan l’année pro - comme le mentor gens trouvent ça si bien, il doit y avoir une raison », et comme chaine quand on aura quarante ans tous les deux ». Il faut de Dom Juan, j’avais la jambe cassée, j’ai pris un mois sabbatique à lire tous savoir que Dom Juan , au théâtre, ce n’était pas n’importe et je souhaitais les classiques. Je me suis aperçu qu’on m’avait truandé sur leur quoi ! Il y avait eu deux mises en scène, une de Louis Jouvet inverser ce rapport.” signification. En 1942 au lycée, on vous apprenait que Molière et une de Jean Vilar. D’où la réaction de Michel Piccoli : était l’homme du bon sens, qu’il réprouvait ses personnages, « Dom Juan … Merde ! ». Quand il a accepté je l’ai tout de suite mis en Tartuffe, le Misanthrope ou l’Avare, et moi je découvrais qu’il garde : on peut envoyer un texte pareil au théâtre mais pas au cinéma, était en réalité passionné par leur folie. Célimène est celle qu’Al - habitué aux dialogues naturalistes. Il faudra travailler. Pour Sganarelle, Marcel Bluwal. ceste devrait détester, une représentation exacte de la société qu’il j’ai choisi le tout jeune et très doué Claude Brasseur, que j’avais vu dans réprouve. Il l’aime ! Chez Marivaux, en amour, il y a toujours un gagnant Le Caporal épinglé de Jean Renoir. Je lui téléphone : « Vous êtes bien et un perdant : ce sont les débuts du sadomasochisme classique. Quand Claude Brasseur ? J’aimerais vous proposer le rôle de j’ai fait cette découverte, je me suis dis : « Il faut que je mette en scène Sganarelle ». Il s’est étranglé, sa brosse à dents en travers ces classiques ! ». J’étais à l’époque un ponte de la réalisation télé, je suis de la gorge : « Sganarelle ! Mais pourquoi plus jeune allé voir le patron pour lui en parler. Je lui ai proposé un simple exposé que Dom Juan ? ». Il est vrai que ce n’était pas du tout la d’intention, on n’avait pas de dossier à pondre… C’était une petite tradition de l’époque, Sganarelle était toujours repré - société ! Le patron était le gaulliste Albert Ollivier, un des fondateurs de senté comme le mentor de Dom Juan, et je souhaitais Combat avec Camus, il me savait pratiquement communiste, et il m’a inverser ce rapport. Claude Brasseur demande alors à dit : « Je ne sais pas si tout ça est dans Molière mais vous avez le droit son père des conseils pour jouer le rôle, et Pierre Bras - de le faire ». Imaginez quelqu’un dire ça aujourd’hui ! seur m’appelle le lendemain : « Tu donnes Sganarelle à Claude Brasseur dans Claude !... Tu as du culot. Est-ce qu’il a le talent ? ». Je lui réponds que Le Caporal épinglé À quelle époque se déroule votre Dom Juan ? Comment avez- je l’ai vu jouer et que ça me va. Plus tard, Claude m’a raconté que le seul (Jean Renoir, 1962). “J’ai voulu le film vous choisi décors et costumes ? intemporel, je ne conseil que son père lui avait donné était : « Tu connais Loulou, mon M. B. : Quand je l’ai tourné, on montait rarement Molière, et chauffeur ? Regarde-le ! ». Il y avait un vrai rapport d’admiration de ce souhaitais pas exclusivement en costumes. Mais j’ai voulu le film intemporel, jeune chauffeur pour son maître Pierre Brasseur, donc c’était un excel - qu’il soit daté.” je ne souhaitais pas qu’il soit daté. Mon idée était que Dom lent conseil ! La difficulté a ensuite été de trouver pour les deux acteurs Juan soit habillé en cuir, et que les autres personnages portent et les paysans un style qui ne soit pas ampoulé comme celui que l’on des copies de ce qu’il avait, en drap, mais je n’ai donné aucune indication professe généralement au théâtre, car il faut bien passer le texte dans la d’époque à ma costumière. N’oubliez pas que le cinéma est une somme salle. Nous avons travaillé le texte pendant huit jours, puis nous avons de collaborations, je fédère des volontés, donne des indications aux tourné dix semaines, avec le temps de travail et les moyens du cinéma. 96 97 Marcel Bluwal En 35 mm ? M. B. : Oui, cela se faisait à l’époque sur les téléfilms importants. Quand le négatif couleur 16 est arrivé, le 35 a progressivement été abandonné. Vous aviez auparavant connu les balbutiements de la “Avant l’Ampex, fiction à la télévision. Quelles avaient été les principales évolutions de votre métier ? le téléspectateur savait que tout M. B. : Je suis arrivé à la télévision en 1949. Il y avait 3000 postes en Europe… 240 millions aujourd’hui ! L’image se jouait au moment avait 400 lignes, et il n’y avait que deux caméras en France. où il regardait.” Le Journal télévisé venait de démarrer, les reportages se faisaient en 16 mm muet. Quelques années plus tard, alors qu’il y avait déjà 200 à 300 000 postes en France, la télévision a été accusée de piquer des clients au cinéma. Le directeur des programmes, Jean D’Arcy, nous a réunis un jour pour nous expliquer que les distributeurs de cinéma ne voulant pas lui donner de films, en conséquence de quoi il mettait à notre disposition quatre caméras, deux studios, et trois semai - nes de répétitions pour travailler sur des captations en direct, car il n’y avait pas à cette époque de moyen d’enregistrer la vidéo. Le principe était de mettre en scène les acteurs comme au théâtre, avec des positions de caméras comme au Jean-Pierre Cassel et cinéma. J’ai ainsi réalisé trente émissions à la voltige, comme Jean Rochefort dans Le on fait un match de foot, mais avec une longue préparation Mariage de Figaro (Marcel Bluwal, 1961). avec les acteurs. Il y a bien sûr eu des incidents de plateau, des caméras qui se percutaient, des preneurs de son ou autres techniciens à l’image (on les appelait les Martiens…).