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AMENAGEMENT TOURISTIQUE ET COLLECTIVITES LOCALES SUR LE LITTORAL OU PAS DE

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De Calais 4 , sur 85 km, le littoral du Pas de Calais comporte les plages les plus fréquentées de la région en mêmetemps qu'il offre une variété notable de paysages: dunes, falaises, estuaires •.• Il accueille environ 15 millions de nuitées touristiques par an, surtout concentrées sur "la saison" d'été . La pression touristique y est donc très forte, surtout au sud de Boulogne. On se trouve toutefois en présence d'une grande variété de stations. C'est pourquoi nous voulons analyser ici d'une part les efforts que réalisent les collectivités locales, principalement les conrnunes, pour accueillir et animer les flots de touristes qui s'y dirigent, d'autre part les princi­ pales composantes et contraintes de type spatial qui pèsent sur leurs choix d'aménage­ ment et les conditionnent plus ou moins.

I. COLLECTIVITESLOCALES ET ANir-iATIONTOURISTIQUE

Cette animation dépend surtout, bien entendu, des moyens et des objectifs de la communeconcernée en matière de tourisme. Il est impossible d'en détailler ici toutes les facettes. Deux domaines principaux seront évoqués : A) L'infonnation et la promotion touristiques sont généralement assurées par des Offices de Tourisme. Avant l'arrêté du 21 Juin 1976, seule la ville du Touquet en possédait un, municipal, chargé de diverses missions d'animation. Depuis, dans la plupart des autres conmunes, les Syndicats d'Initiative se sont mués en Offices ou Bureau de Tourisme, selon la nouvelle terminologie, mais sans que change leur rôle ou leurs activités, Plusieurs petites communes,d'ailleurs, n'en possèdent pas, au nord de Boulogne exclusivement (, , Audinghen, ). Le cas du Touquet est assez différent . La nouvelle règlementation y a amené la fusion del 'ancien Office Municipal de Tourisme avec 1 'ancien Syndicat d'Initia­ tive en un unique Office du Tourisme qui s'occupe des problèmes d'accueil et d'hébergement, de la gestion du Palais de l'Europe (qui accueille les congr~s et où se trouve aussi le Casino de la Forêt), de l'organisation de toutes sortes de manifestations. A côté de l'Of fice du Tourisme se tiennent la Fondation Sportive et la Fondation Culturelle, qui gèrent les équipements et coordonnent les activités dans leurs domaines respectifs. Associations de type loi 1901, elles sont l'émanation des clubs et associations divers de la conrnune,mais sous la tutelle de la municipalité, et sur le mêmeplan que 1'Office de Tourisme, avec subventions et ressources propres. Dans le vocabulaire municipal, les deux Fondations et 1'Offi ce de Tourisme constituent la "station", 4 la tête de laquelle se trouve un directeur placé sous l'au- 78

torité de la Commissionde Promotion de la Station présidée par le Maire. Il s'agit là d'une organisation récente (1978), originale, unique (au moins dans la région), destinée à donner plus de souplesse, mais aussi plus de puissance, à l'animation et à la promotion de la vie touristique. Dans une disposition pyramidale, la co1T111unepossède et entretient les équipements, les Fondations et l'Office de Tourisme les gèrent et coordonnent les ac­ tivités, gr!ce aux subventions municipales (en 1979, par ex., 427 000 F. sur un budget de 569 500 F. pour l'Office de Tourisme). Celles -ci sont, enfin, en partie redistribuées à la base, aux multiples clubs et associations à qui incombe l'animation de la vie touris­ tique par diverses manifestations sportives et culturelles. Une telle organisation conduit à une efficacité certaine. Elle traduit une volonté de donner_à la vie touristique communaleune permanence qu'e xprime le slogan "Station des Quatre Saisons" répandu depuis une dizaine d'années. Mais cette organisation ne peut être mise sur pied que dans les co1T111unesoù le tourisme est l'activité dominante, sinon exclusive, pour un niveau de population permanente suffi sammentélevé et avec un potentiel d'équipements et d'hébergements important et varié, Seul réunit sur la Côte d'Opale ces conditions, les autres co1T111unesimportantes, telles Calais, Boulo­ gne ou Berck, ne misant que plus modestement sur le tourisme ou, conme les multiples petites communeslittorales, n'ayant qu'un potentiel touristique actuel trop modeste (sauf Hardelot, qui n'est plus qu'une partie de la co1T111unede Neufch!tel et dont le carac­ tère récent , on le verra, pose les problèmes de façon différente).

B) Les équipements t ourist iques Cette distorsion entre corrrnunesexclusivement axées sur le tourisme et communesà activités diversifiées (tourisme , agriculture, industrie, hôpitaux, pêche) se retrouve dans la politique mise en oeuvre pour s'assurer la mattrise du potentiel d'accueil et de grands équipements qui donnent à une ccnrnuneson caractère de station. Ainsi la plupart des communeslittorales possèdent un ou plusieurs terrans de camping municipaux, en régie c.o11111unale.Seule Neufchâtel-Hardelot n'en possède pas, conséquence d'un développement touristique de "standi~gu choisi par la Société du Domaine d'Hardelot. Au total, en 1978, 14 communescomptent 17 terrains sur les 46 de ce secteur littoral (36,9 %), et offrent 2 827 emplacements sur 6 559 (43,1 %). Leur contribution est donc très importante pour l'accueil des vacanciers, surtout si l'on se souvient que chaque camp accueille en période de pointe plus de tentes et de caravanes que le contin­ gent autorisé et que chaque installation héberge en moyenneplus que les 3 campeurs officiellement prévus. Souvent, le rôle de la communese borne à cela. Certes, les autres équipements communauxsont également utilisés par les touristes, mais ils ne sont pas conçus et réa­ lisés dans le cadre d'une politique spécifique qui tendrait à promouvoir et à contrôler l'essor touristique des stations. Seules Berck, le Touquet (deux), Boulogne et Calais sont dotées d'un Casino municipal, affermé à un particulier et d'activité modeste (sauf au Touquet). Les golfs de ,Hardelot et le Touquet (trois) sont privés. Les autres aménagementsà utilisation touristique (piscines , terrains de sport ... ) entrent dans le 79 .

cadre de 1'équipement "de base" de chaque corrmuneet n'ont rien de spécifiqu ement touris­ tique. Aussi, c'est souvent de l'i nitiative privée que dépend le potentiel d'animation et d'accueil : résidences secondaires et hôtellerie. Les communespeuvent peser sur l 'évo­ lution des premières dans le cadre des règlements d'urbanisme et des Plans d'Occupation des Sols (P.O.S.). La seconde leur échappe complètement, de mêmequ'un certain nombre d'équipements importants pour la vie touristique d'une station : tennis, mini-golfs, clubs hippiques, voire concession de la plage laissée à un particulier .•. Depuis peu, il semble que l'on assiste à un réveil progressif des communes qui, corrmeles textes les y autorisent, souhaitent prendre en main à leur profit certains équipements. Mais c'est un mouvementencore fort limité et la question des charges et du gardiennage reste souvent posée de façon aigüe. Dans ce domaine, le Touquet se signale encore par une intervention beaucoup plus poussée de la municipalité. Depuis quelques an­ nées, son patrimoine propre s'est considérablement accru, en réponse à deux soucis majeurs visant à une animation des "Quatre Saison~ : d'une part, il s'ag it de contrôler l'espace et les grands équipements, pour éviter le retrait incontrôlé d'intérêts privés pouvant soudainement paralyse r un sect eur de la vie touristique ; d'autre part, une diversifica­ tion des activités touristiques doit conduire la communeà ëtre moins tributaire des recet­ tes versées par les seuls Casinos. Ce mouvementa débuté en 1973 : la ville achète alors à un particulier les 30 courts de tennis dont elle est très fière et en confie la gestion au Tennis-Club. En 1974, 11 se poursuit à l'occasion de la dispersion des propriétés de la Société des Grands Etablissements du Touquet (1) : le Palais de l'Eur ope, le Casino de la Forêt, l ' hippodro­ me de la Canche sont acquis par la commune.Celle-ci intervient aussi dans le rachat et la réouverture, par le groupe familial Flament-Reneau, del 'hôtel Westminster, principal hôtel 4 étoiles Luxe de la station (165 chambres), pilier de sa vie et de son image de marque, et également propriété de la Société des Grands Etablissements, mais fermé depuis un momentet dont la reconversion menaçait. De même,toujours avec 1 'aide de la municipa• lité et au même propriétaire, le groupe d'assurances la Concorde rachète l'Hôtel de la Mer et le Casino de la Plage, qui sont alors démolis et remplacés, en front de mer, par un grand immeublecollectif. Dans le mêmetemps, également avec 1-' aide communale,le Casino de la Plage est transféré dans un "Casino des Quatre Saisons", dans la rue St Jean, la plus corrmerçante de la ville, et cela dans le cadre d'une opération de restructuration me­ née à l'emplacement del 'hôtel Normandy, lui aussi racheté par la ville en 1976. En 1977, celle-ci rachète l'hôtel Bristol (3 étoiles, 60 chambres) qui menaçait d'être transformé en appartements. Pendant 2 ans, son exploitation est assurée par l'Office du Tourisme avant d'être concédée à un particulier. En 1976 encore, gràce à un don privé , la commune

(1) Société dirigée par M. Barrière, également propriétaire de divers casinos et équi pement s à Deauville, Royan, Cannes ••• l'activité touquettoise de la Société se ra l entissait pro­ g.ressivement avant d'aboutir à la mise en vente de son patrimoine local, alors qu'elle se renforçait ailleurs. 80

peut acquérir une propriété de 4 533 m2 avec une vaste villa pennettant 1'organisation de stages divers (en particulier ceux de 1 'équipe de de Football , excel1ente opération publ icitaire pour la station). Par ail l eurs , c ' est aussi grâce â 1 'interven ­ tion de la municipalité que le Centre de Thalassothérapie, ouvert en 1974, peut s ' ins ­ tall er sur le domaine public maritime avec un bail emphytéotique, de mêmeque le Novotel Thalamer ouvert en 1977 et que l'hôt el Ibis en projet (mais dont l ' existence est encore suspendue â l'approbation du nouveau P.O.S., car il suscite des oppositions). La comnune possède enfin l es 2 terrains de camping installés sur son territoire (1 500 places). Depuis quelques années, les interventions de la communeen faveur des grands équipements touristiqu es se sont donc multipliées et, pour une communede cette taille (5 370 habitants en 1975) , le bilan est asse z impressionnant. Interventions tou­ jours décisives pour créer l ' équipement, 1 'empêcher de disparaître ou de tomber aux mains de personnes plus soucieuses de profit imnédiat que d'une animation "quatre saisons". Comptetenu de l ' importance des équipements en cause, on perçoi t combien est lourd le poids del ' interv ention , sinon de 1 'irruption , communaledans l a vie touris­ tique locale. Dans aucune autre comnunede la Côte d'Opale, il n'existe de polit ique touristique co"!11unaleaboutissant â une telle prise en charge d'équipements variés (aux précédents, il faut ajouter le Centre Equestre Régional, le Cercle Nautique, un stand de tir •• . ) et â une telle organisation des structures communales. Cela est sans doute dû au caractère de mono-activité, nulle part ailleurs aussi net, du tourisme au Touquet c' est la seule comnunede la région, probablement, âne compter aucun agriculteur et, certa i nement, â n'avoir ni te rres labourables , ni• prairie (sur 1 531 ha). Cette situation originale, ainsi que certains héritages historiques (qu'il faudra réévoquer plus ioin) , ont _donc conduit la municipal ité â pousser activement une politique des "Quatre Saisons" où la commune soit un acteur important, sinon majeur. Certes, une telle orient ation en­ tra1ne de lourdes charges : le rachat de 1 'Mtel Normandy-a coûté 1,8 million de F ., celui des tennis, 1,4, celui du domaine de la Société des Grands Etablissements 2,5 (2). De 1966 â 1979, les impôts locaux ont été multipliés par 7,7 et de 1971 â 1979, l ' endettement de la ville par 9,4 (3). Cela ne va pas sans susciter, chez certains résidents permanents commesecondaires, aes réactions de refus ou d' hostilité. Il est incontestable que la mise en oeuvre de cette politique provoque, au sein de la commune,des controverses renforcées depuis quelques années, avec des prolongements pol itiques inévitables. Mais il ne semble pas moins certain que, depuis ce temps, le Touquet a tiré, sur le plan économique et touristique, un grand profit de cette politique qui se développe maintenant depuis une dizaine d'années (4) . L'exemple du Touqu~t tranche assez nettement avec celui des autres communes maritimes du Pas de Calais. Certes, il concerne l ' une des premières stations touristiques françaises, qui ambitionne de mieux soutenir la concurrence avec des rivales pratiquant une politi que analogue. Dans cette optique , c'était donc une nécessité, dont la stat ion, malgré certaines ombres, a tiré profit. Mais ce succès ne saurait faire oublier les diver­ ses composantes et contraintes de l'aménagement spatial l ittoral auxquelles t outes les

(2) Pour ces deux dernières ac quisitions, la somme i ndi quée correspon d à la char ge e f fecti­ vement supportée par la commune, compte tenu des subventions accordées ou des convent i onf signées par l a commune. Le prix r éel est donc supérieur (Voi.~ du Nord, 23 mars 1975) , (3) Le Journal du Touquet, n° 26, septembre 1979 (4 ) Notons également que l e Maire actuel est en place depuis 1969_et_que.son rôle a é té prépondérant dans la définition et la mise en oeuvre de ces rea l 1sat1ons, 81 ·

communessont assujetties à des degrés divers. Le cas du Touquet ne doit donner à penser ni que les corrmunes(le Touquet compris) réalisent tout ce qu'elles souhaitent, ni que les collectivités locales peuvent aisément développer une politique aussi ambitieuse où elles ma1trisent à ce point le tourisme local. Le Touquet constitue une exception , peut être un modèle ou un repoussoir selon les opinions, en tout cas une vitrine et une "locomotiveu pour la Côte d'Opale. Aussi, les choix et moyens exposés plus haut, tant dans le domaine de 1 'animation que del 'équipement, pour les petites corrmepour les grandes communes,ne sont-ils que l'expression de partis d'amênagementqui tentent, au mieux, d' intégrer divers éléments dont la ma1trise leur échappe plus ou moins et qu' il faut maintenant considérer.

II; COLLECTIVITESLOCALES ET AMENAGEMENTSPATIAL TOURISTIQUE

Plus que d'autres, les corrmuneslittorales sont soumises à diverses pressions pour 1 'utilisation de 1 'espace. Aussi, avant de considérer les divers partis d'aménagement retenus sur le littoral du Pas de Calais, convient-il de s'arrêter sur plusieurs contrain­ tes majeures qui s'y exercent et dont la maitrise revient,plus ou moins, aux collectivités locales.

A. LES PRINCIPALESCOMPOSANTES ET CONTRAINTES DEL'AMENAGEMENT TOURISTIQUE

Elles sont d'ordres différents et on peut tenter de les regrouper selon qu'elles relèvent de :

l. L'assise territoria Ze àe Za commune, comportant ici trois f acettes majeures

a) Za nature même du territoire cormrunaL: les vastes communesoffrent des espaces où l'on hésite moins à tailler une place pour aménagementset lotissements touristiques. La demandeen espace, particulièrement pour les résidences secondaires, y est très vive. C'est ainsi que le P.O.S. 1977 du Touquet avait classé, au sud de la station, en zone urbanisable 100 ha de dunes sur 240 (superficie ramenée à 64 ha dans le P.O.S. 1979 - cf plus loin). Les dunes sont évidemmentun milieu très attractif pour les promoteurs alors que les petites corrmunessituées entre Boulogne et Calais, de par leur littoral rocheux et leur espace agricole, attirent moins les constructions dont 1 'accès à la plage serait entravé par les falaises.

b) Za à~fense contre Za mer. C'est un problème préoccupant en plusieurs points du littoral. Au nord, le cordon littoral dunaire de la baie de est rongé par la mer. La digue-promenade de Wimereuxest régulièrement endorrmagéepar les tempêtes. Sur le littoral des Bas-Champs,celle de -Plage devient dangereusement menacée. Les mu­ soirs des estuaires sont violemment attaqués : Berck doit se défendre, par d'importants travaux en baie d'Authie, d'être "contournée" par la mer à l'est . Une Association Syndicale 82

AMENAGEMENT TOUP.ÏsïiQUE

ET C.OMMUNES Li TTOP.A LE.5 B1',,ot ·Pl.•!•.~ ..œtO"t SANGIITTC . ... ., C:III.IIÎ~ \ DU PAS -.D E·C.ALA Ïs __ J 1 ... -...,- ... , ) S ..D .A .U~ ., da CA LA i .5 1 11 v:::.-? 'I'~~~~ : __,;__ R_. '-. li ~ .. ?

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0 s 1• 11 83 . autorisée de travaux de défense contre la mer, créée en 1934 et associant communeset particuliers (cf. fig. 1) a pu obtenir récemmentde l'Etat 50 % et du département 30 % du montant des travaux d'une digue de 1300 m de long. En baie de Canche, a St Gabriel, près de la pointe de Lornel qui fait face a celle du Touquet, le musoir évolue très ra­ pidement (5) : un Grand Hôtel, construit en 1898 en front de mer, exactement dans les mêmesconditions (alors) que les premières constructions du Touquet, est atteint par la mer en 1905 et s'effondre complètement en 1912 (6), On en voit encore quelques ruines a marêe basse, a 150 m du rivage. Ces conditions physiques très contraignantes expliquent pour une bonne part la dissymétrie du développement touristique des deux secteurs rive ­ rains de la baie de Canche. Elles obligent aussi les collectivités locales a des travaux qui dépassent leurs forces et pour lesquels l'aide de l'Etat, qui peut aussi être solli ­ citée lors de dég!ts dûs aux tempêtes, est demandéeavec insistance dans le cadre d'une concertation intercommunale (le SIVOMde la Baie de Canche se penche aussi sur ces pro­ blèmes). On peut rattacher a cette question de l'évolution du littoral celle de l ' ensablement de certains fronts de mer, véritable fléau dû aux vents de secteur ouest persistant en "morte saison". Avant les vacances de Pâques, 1a corrmunedu Touquet doit dégager cabines et parkings ensevelis sous des mouceauxde sable de 40 000 a 120 000 m3, 9Ur 1 500 m de front de mer (7). Il est vrai qu'ici , le poulier de l'estuaire de la Canche s'engraisse continuellement (ce qui est heureux pour la plage et la communedont le territoire s' est agrandi de 15 a 20 ha de dunes en front de mer depuis le premier lotissement de Paris-Plage en 1882 (8). A Stella-Plage, ce sont de 10 000 a 30 000 m3 de sable qu I il faut enlever chaque année sur un front de mer de 300 m environ. A Berck, a Merlimont-Plage, a Ste Cécile, a Wissant se posent les mêmesproblèmes. Dans toutes ces communes,de nombreuses voies proches de la mer sont obstruées par le sable a la fin de l'hiver et leur dégagement coûte cher. Enfin il faut aussi éliminer progressivement les centaines de blockhaus. L'Etat et le Conseil Général attribuent parfois pour leur destruction quelques crédits qui ne répondent pas a la demande, mais complètent les maigres ressources que les commu­ nes peuvent consacrer a cette tâche. Il est vrai que certains finissent par être enseve­ lis sous les dunes en mouvement,a moins qu'ils ne défendent localement les cordons du­ naires attaqués par la mer.

c) l.a protection de la ooture est aussi une exigence particulièrement ressentie sur le littoral d' une région qui manqued ' espaces naturels et voudrait y préserver un "tiers sauvage". Aussi certains sites ont-ils pu récemmentêt re classés ou inscrits (dunes de la Slack, secteurs des caps Blanc Nez et Gris Nez), et le Conservatoire du

(5) Voir la thèse de A. BRIQUET, Le littoral du Nord de la France et son évolution mor­ phologique, A. Colin, 1930. (6) D'après F. H0LUIGUE, les plages voisines, Mémoires de la Société Académique du Touquet, 1971, p. 105 (7) La Voix du Nord, éd. de Montreuil, 20 décembre 1974. (8) D'après divers plans aimablement communiqués par M. Holuigue, Secrétaire de la Société Académique du Touquet. Rappelons que l e Touquet-Paris-Plage, se séparant de Crucq, n'est devenu cotm11unequ'en 1912, 84

Littora1 a-t -i1 acheté près de 250 ha de dunes en 1977-78 à , 300 ha environ en 1978 à Arnb1eteuse. Il doit en acquérir p1usieurs dizaines d'ha à Mer1imont. Dans cette dernière commune,où 1'Etat possède 390 ha de dunes et 1a commune286, la muni­ cipalité, consciente sans doute de 1' intérêt touristique des forêts p1antées par Oa1oz dès 1855 sur les territoires voisins de Crucq et du Touquet, a entrepris depuis 1965 un

vaste programmede boisement pour donner à 1a station un caractère moins "minéral 11. Mais 1e vent et les l apins rendent l'opé ration délicate. Qu'i ls 1eur appartiennent ou non, ces divers espaces naturels sont gérés par les collectivités loca1es et tout développement touristique y est imposs1b1e, sauf peut être par l ' aménagementde sentiers et d'abris de promenade. Ainsi, le seul milieu naturel, s'il est êvidemnent à la base de 1'attraction touristique qu'exerce le littoral, limite déjà singulièrement , de façon directe ou indi ­ recte, la latitude des collectivités loca les de 1 'aménager à leur guise. Et le souvenir du destin du Grand Hôtel de St Gabriel exerce encore sur certains esprits une influence modératrice que l'on peut parfois trouver salutaire .

2. La mattrise foncière.

Une fois contenus les éléments naturels, il · convient ensuite que les collec ­ tivités locales, les conrnunesen particulier , acquièrent la mattrise foncière de l'espace. En ce domaine, les situations locales sont complexes, parfois tendues. Excluons d'emblée les espaces , cités plus haut , déjà acquis par les pouvoirs publics à des fins expresses de protection ou protégés par des mesures juridiques : ils semblent définitivement sous­ traits à un aménag~menttouristique plus poussé (encore qu'ils constituent un espace à fonctio n touristique). La structure foncière confère aux stations des caractères parl!>istrès tran­ chés. Elle ne peut être dissociée del 'évolution historique du tourisme local. Celui-ci a débuté ici dans la première moitié du XIXèmesiècle et Boulogne, dès 1825, possédait un établissement de bains. Dans la seconde moitié du XIXèmesiècle, se développent éga­ lement Berck, Calais , Wimereux, le Touquet, Sangatte, , Wissant. La naissance et le premier essor des stations littorales de la région est donc tout à fait contempora in de ceux de la plupart des autres stations françaises et européennes. En tout cas , le scénario ressemble fort à celui que connait le littoral belge à la mêmeépoque: le rôle de la grande propriété foncière et du chemin de fer est déterminant. Sur le l ittoral de la Mancheexistent de grands domaines privés , issus des biens nationaux mis en vente à partir de la Révolution Française, la prédominance des falaises permet à 1'agriculture de s'avancer jusqu'au bord du 1ittoral , ne laissant que peu de place aux "garennes" im­ productives. Or, c'est dans cette structure de grande propriété que se développent, et ma-intenant encore, les stations les plus dynamiques : le Touquet, Merlimont, Stella ­ Plage, Camiers, Berck, Hardelot. Mais;alors que 1es communesau développement pl us précoce, telles Berck et le Touquet, sont rapidement devenues des villes véritables où la col lec­ tivité locale a, très tôt, eu l'entière maîtrise de sa station , il n'en est pas de même, 85 · et c'est toujours vrai, des convnunesdont le développement s'est manifesté surtout à partir de l ' entre deux guerres, où l'aménagement s'effectue dans le cadre d'un vaste domaine privé (Stella-Plage, Merlimont-Plage, Hardelot), géré par une Association Syndicale au­ torisée de Propriétaires (A.S.P.) responsable de la voirie, des réseaux divers, de l'entre­ tien du front de mer (sauf convention particulière convneà Merlimont), des choix d' aménage­ ment et juxtaposée à un modeste village. En revanche, au nord d'Equihen, une structure fon­ ciêre plus morcelée et un moindre poids du tourisme n'ont pas conduit à une telle situation et les convnunesne trouvent pas en face d'elles d'aussi puissants partenaires. Car il n'est pas toujours comode pour une municipalité de discuter avec un interlocuteur aussi important. A Neufchatel-Hardelot, à -Stella, à Merlimont, on avoue sans honte que "la station fait vivre la convnune".Or, ces stations relêvent de domaines privés, sauf quelques portions de voirie progressivement incorporées dans le domai­ ne public. A_Hardelot (560 ha), à Stella-Plage (350 ha), à Merlimont-Plage (160 ha), le poids spatial, humain et économiquedes espaces gérés par les A.S.P. permet difficilement aux cGnvnunesde mener une politique touristique propre. Elles sont d'ailleurs peut être soulagées d'être déchargées d'un certain nombrede problèmes en contre-partie de leurre ­ noncement à intervenir en certains domaines. En outre, il ne faut pas croire à un antago­ nisme systématique entre les deux institutions : très souvent des relations étroites sont assurées entre elles par la présence de personnes identiques au Conseil Municipal et au bureau de l'A.S.P. Il n'empêche qu'il s'agit de deux structures bien distinctes, représen ­ tant l ' une 1 ' intérêt public, l'autre des intérêts privés et il n' est pas toujours aisé de faire coexister, voire coïncider, les deux. Dans le mêmeordre d'idées, certains propriétaires privés de grands équipements en font des interlocuteurs obligés des collectivités locales. Encore un exemple au Touquet le "Touquet Syndicate Limited" héritier, à travers diverses péripéties, du domaine racheté à Daloz en 1902 par l'Anglais John Whitley, est depuis 1956 propriété de la Société Bell, de Newcastle (G.B.). Or, il possêde sur le Touquet 565 ha, soit prés de 37 % du territoire communal,essentiellement d' ailleurs les 3 terrains de golf. Une filiale possède 16 ha avec l'hôtel du Golf (3 étoiles, 47 chambres). Une autre filiale (Bell France) a été constituée par le Touquet Syndicate Limited et divers particuliers français pour le lotissement des dunes de Mayville (opération Mayvillages, ayant déjà abouti à la création de 110 habitations de luxe au bord d'un plan d'eau creusé dans les dunes, et devant se poursuivre selon les dispositions du nouveau POS). Au total, le groupe Bell contrôle près de 40 % de la super­ ficie du Touquet et plusieurs de ses équipements majeurs. Coll1tlentimaginer que la corrrnune ne doit pas tenir le plus grand compte d'un tel interlocuteur et qu'une telle situation n'a pas poussé la municipalité, par crainte d'impuissance et après avoir pâti du désengagement de la Société des Grands Etablissements du Touquet qui a provoqué son rachat, à renforcer son "interventionnisme" dans le domaine touristique en créant les structures décrites plus haut 7 D' autre part, sur tout le littoral, nombreuxsont les grands domaines privés, déjà lotis ou non. Or, jusqu'à 1'époque actuelle où les POS, fruit d'une certaine concer­ tation, ont défini des normes de constructibilité des terrains, ce sont depuis un siècle 86

ou plus, et souvent couverts par des dérogations, les lotisseurs et vendeurs privés de parcelles qui ont détenniné les caractéristiques des terrains à bâtir de leurs domaines. Les communesne pouvaient donc agtr sur les caractêres qu'acquéraient les stations. La taill e des parcelles, et leur prix, déterminaient un certain type de clientè ­ le, donc de construction, donc d'am~nagementurbain et de style de station, pouvant d'ail­ leurs se modifier avec le temps. Quelques exemples en témoignent : une station ancienne corrrnele Touquet s'est constituée à l ' origine sur un noyau de 500 parcelles de 400 à 500 m2 qui, souvent morcelées par la suite , ont donné naissance à un centre ville dont les problêmes de circulation et de restructuration sont maintenant três aigus. En revan­ che, les constructions qui se sont établies dans la forêt, à partir de 1903 et jusqu ' à nos jours , sont le plus souvent sur des parcelles de 2000 à 4000 m2, ce qui a détenniné un certain type de clientèle et d'habitat. A Hardelot, les 1076 lots créés de 1954 à 1977 ont une superficie moyennede 1631 m2. Les grandes parcelles ont donc, sans surprise, favo­ risé la création de stations cossues. En revanche, à Stella-Plage, les villas, en général plus modestes, sont construites sur des terrains de 1000 à 1500 m2 dans le cadre du lotisse­ ment établi en 1925 et que le P0S reprendra en grande partie. Wissant offre un style ana­ logue dans un lotissement plus petit créé en 1910 et encours d'achêvement. A Merlimont, les parcelles ont en moyenne550 m2, et cela explique le caractère plus "populaire" de la sta­ tion. D'autres lotissements qui n'ont jamais été réalisés prévoyaient aussi des superficies moyennesmodestes : 870 m2 à pour 500 lots prévus en 1929 et même125 m2 à St Gabriel vers 1900. La physionomie actuelle des stations est donc l'héritage direct de ces lotissements privés anciens et les communesn'ont que peu de possibilités de les modi­ fier : le lotissement de Merlimont-Plage, datant de 1925, qui comporte 2 900 parcelles en­ viron et n'est qu'à peine à moitié occupé, est intégré au P0S pratiquement sans modification; celui de Stella -Plage, conçu aussi en 1925, est repris au P0S mais sera partiellement mo­ difié. C'est donc beaucoup plus en fonction de l'idée de leur station que se faisaient ses initiateurs qu'en fonction d'une politique cornnunal_edélibérée qu'il faudrait apprécier l 'a llure actuelle des stations littorales. Enfin, la pression actuelle des promoteurs trouve des échos variables au sein des collectivités locales. Celles-ci désirent se réserver des possibilités d'extension et constituer des réserves fonciêres, mais, selon les cas, poussent, freinent ou infléchis ­ sent l 'action des promoteurs. Par ex~ple, le Touquet a fait depuis une dizaine d'années la part belle aux promoteurs sur le front de mer, mais avec un tel laxisme urbanistique que la municipalité elle-même en regrette le résultat. Dans le SIV0Mde la baie de Canche, les promoteurs sont prêts à s'associer à des actions de lutte contre la mer, mais moyennant des permis de construire que l ' Administration semble pour le momenttrès réticente à déli ­ vrer. Ce qui .1eur fait dire que "si des promoteurs proposent de réa 1i ser une défense contre la mer, moyennant une dépense de 1 million de F., sans avoir la garantie d'obtenir le permis de construire, il ..• parait difficile de découvrir des gens qui voudront bien s'in­ téresser à ce problême" (9). Aveu signif icatif des rapports de force et des moyens dispo-

(9) Intervention au SIVOMde la baie de Canche, du Prés ident du Syndicat des Propriétaires de Camiers, rapportée par la Voi~ du Nord (éd . de Montreuil) , 29 décembre 1978 . 87 nibles . .. A Merlimont, la municipa_litê a insistê pour que le POSgarde en zone urbanisa- ble un lotissement d'une trentaine d'hectares que la Oêlégation Rêgionale à l'Environnement souhaitait voir maintenu en espaces naturels . A Audinghen, un lotissement de petites · villas s'est édifiê il y a quelques années en bordure immédiate du cap Gris Nez, dans un site main­ tenant protégé. Tout cela résulte d'une demandecroissante en résidences secondaires, dont le parc, sur le littoral du Pas de Calais, a cru de 19,2 % de 1968 à 1975. Les collectivi­ tés locales entendent bien continuer à profiter de ce mouvementqui se poursuit, mais elles veulent dêsormais, grâce au POS, mieux le contrôler, et ne pas tout lui sacrifier. Il est d'ailleurs probable que la directive du 25 août 1979 relative à la protection et à 1 ' aména­ gement du littoral oblige certaines communesà reconsidérer leurs options et à restreindre la part des aménagements.Mais entre les héritages qu'il faut assumer et de telles directi­ ves êmanant des pouvoirs publics, quelle est la vêritable marge de manoeuvredes collectivi­ tés locales ?

J, Les autres secteurs de L'activité économique

Malgré son importance, le tourisme est sur le littoral du Pas de Calais une activitê plus saisonnière que les autres. Aussi a-t-il rarement la priorité. Seul le Touquet lui accorde une primauté incontestée, ce qui ne l ' empêche pas de développer actuel­ lement près de l'aéroport une zone d'industries et activités lêgères pour diversifier la structure de ses emplois. Mais des villes importantes commeCalais, Boulogne, Berck même, ont d'autres priorités . Industries, hopttaux, pêche sont plus préoccupants. Le maire de Boulogne déclare : "je sais bien que les Aciéries Paris- gâchent le paysage, mais je préfère voir leurs cheminées cracher la fumêe que d'assister à la mort des hauts-four­ neaux. Car ce n'est pas le tourisme qui absorbera 6000 emplois" (10) . Face au projet d' amé­ nagement d'un vaste plan d'eau par barrage de la Canche, les pêcheurs d'Etaples, les agriculteurs de Cucq et St Josse s ' insurgent des perturbations dont souffrira leur activité. Dans les petites corr.munesdu littoral entre Calais et Boulogne, des espaces a~ricoles sont convoitês par le tourisme (campings, lotissements . .. ) et ce grignotage, au profit d'une activité saisonnière, se heurte souvent à de vives oppositions. Sans développer ici ce point, il est clair que le tourisme est en position de faiblesse par rapport aux autres branches de 1 'activité économique. Et cela pose aux communesun véritable "casse-tête" issu d'exigences contradictoires : commentconcilier les impératifs d'un accueil saisonnier (malgré l'exemple d'accueil "quatre saisons" três positif au Touquet) et des infrastructures qu'il suppose (ce que tout le mondes'accorde lêgitime et bienfaisant pour 1'économie locale) avec la nécessité de permettre aux habi­ tants permanents d'exercer leurs activités dans les meilleures conditions? Des arbitrages et des choix sont nécessaires, face auxquels la position des collectivités locales varie selon les hommeset les lieux, car elles sont le lieu de convergence des intérêts et des souhaits plus ou moins antagonistes qui s'affrontent pour la jouissance d' un espace littoral particulièrement convoité (11).

(10) Le Monde. Ier avril l9i8. Depuis lors, les aciéries sont condamnées et ce n'est effec­ tivement pas le tourisme qui les relaiera. ( 11) Voir aussi à ce sujet J.M. DEWAILLY, conflits et foncti ons dans un secteur à vocation touristique : le littoral entre Dunkerque et la frontière bel ge, BAGF, 1974, 0°417- 418 pp. 203-212. 88

4. L'opinion pubtique

Ou les opinions , sont d'une donnée capitale, précisément parce que le littoral est l'enjeu de multiples groupes et que les espaces où la pression touristique est laplus forte sont aussi ceux où ès aménagements, quels qu'ils soient, sont les plus discutés. Outre les consultations électorales , très significatives et où se répercutent toujours les échos des controverses liées à 1' aménagementspatial, 1'opinion publique s'exprime par les associations, les journaux, les pétitions, les enquêtes publiques. A plusieurs reprises le littoral du Pas de Calais en a enregistré les manifestations ces dernières années. Ainsi lors du développement du projet de barrage de la Canche, surtout entre 1970 et 1975, les associations locales et régionales de protection de la nature s'opposè - rent vivement à cette réalisation. Ajoutée à celle des pêcheurs et des agriculteurs voisins, leur détermination contribua certainement au retrait (officieux) du projet , en concourant à la collecte de plus de 2000 signatures contre le barrage. Dans l'arrondissement de Mon­ treuil, 100 maires sur 140 se prononcèrent aussi contre lui. Pourtant, le projet résultait d'une entente entre les Conseils Généraux du Nord et du Pas de Calais, au terme de laquelle, - en simp1 ifiant, 1e premier finançait une part importante de l ' ouvrage "en échange" de la fourniture d'eau potable en provenance du Pas de Càlais à destination de la Métropole Nord. Les "écologistes" prirent la tête de l'opposition, à un momentoù il semblait pour- tant bien tard pour le faire, et les Conseils Généraux commeles coll'lllunesqui les soute­ naient dans cette opération , furent obligés de faire marche arrière . Il est vrai qu'entre temps, le renversement de la conjoncture économique et la montée de l'inflation avaient don- né des arguments supplémentaires aux adversaires du barrage. De même,en 1977, le POSdu Touquet suscita, lors de l'enquête publique, près de 5 000 signatures hostiles, ce qui conduisit à sa refonte actuelle sur des bases plus satisfaisantes pour les défenseurs de la nature . On peut d' ailleurs relever que c'est à cette occasion, au cours de l'été 1977, que naquit au Touquet un journal local affichant clairement son opposition à la politique municipale de l'équipe en place. Il est vrai que celle -ci n' a pas la tâche facile, devant affronter tantôt une opposition qui lui reproche de trop "démocratiser" le Touquet, tantôt une autre qui souhaiterait la mise en oeuvre d'un tourisme plus social, toujours enfin une troisième, qui recoupe plus ou moins les précéden­ tes mais réclame sans cesse plus de respect des espaces naturels. L'opinion publique est donc maintenant un élément primordial dont les collec­ tivités locales doivent sans cesse tenir compte (12). Plusieurs associations locales (. Amis du Fort d'Ambleteuse, Association pour la Sauvegarde de la Forêt et des Dunes du Touquet, Groupementpour la Défense de l'Environnement de ]'Arrondissement de Montreuil ... ) et ré­ gionales (Nord-Nature, Groupe Ornithologique Nord•. . ) veillent jalousement sur le littoral, ont hâté le chssement et l'inscription de plusieurs sites intéressants et les campagnes qu'elles mènent, assorties des succès déjà remportés, sont susceptibles, conrneon vient de le voir , d' infléchir notablement les orientations des collectivités locales qui ne voudraient pas, dans un premier temps, suffisarrment intégrer cette donnée dans leur politi que d'aména­ gement.

(12) Les grandes administrations aussi d'ailleurs. Se rappeler à ce sujet les projets de centrales nucléaires au Gris-Nez et à . Il ne s'agissait peut être que èe "Ballon ~ d'essai" à l'intention du public. Toujours est-il que se dévelo ppèrent rapidement des campagnes hostiles à ces constructions . 89 ·

5, La suboràination des aonmunes à àee ahoi:J:départementau::: ou régionauz.

Cette dépendance peut jouer dans les deux sens, ajoutant une aide ou une contrainte supplémentaire. Prenons en trois brefs exemples : - le barrage de la Canche, déjà mentionné, dont le projet résultait d' une négociation entre deux départements. Selon leurs intérêts, les communess'y rallièrent ou s'y opposèrent ensuite, mais il n'émanait pas d'e lles ; - l'amélioration des liaisons routières à vocation surtout touristique relève des pouvoirs publics. Or, le maire du Touquet, réclamant il y a quelques années 1'améliora­ tion de la l~ison Métropole Nord - cote d'Opale Centre au Préfet de Région, s'entend répon­ dre: "Cette liaison ne peut avoir la priorité dans nos préoccupations. Il faut d'abord pen­ ser aux "liaisons d'intérêt économique" (13) , Il est juste de dire que, depuis lors, la vision des diverses instances régionales sur le tourisme régional a évolué ; - précisément le"tourisme social" a été choisi corrmeun objectif à promouvoir. Dans sa région à revenus moyensmodestes et à faible taux de départ en vacances, le Conseil Régional a considéré qu'il fallait encourager les opérations visant à favoriser les vacances .... et loisirs de la population régionale. C'e st ainsi qu'en 1977, la communede Sangatte a accueilli un VVFde 603 places , dont la clientèle est essentiellement régionale . Commeil est de règle en pareil cas, la commune de Sangatte, qui récupèrera les installations au bout de 30 ans, a fourni gratuitement le terrain, acheté à une société foncière privée qui, ayant d'autres vues plus lucratives, se fit un peu tirer 1 'oreille. Le Conseil Régional ap­ porta une subvention sans doute modeste (3,4 % du financement) mais bien révélatrice de sa volonté d' encourager ce type de réalisation. D'ailleurs, l'aboutissement du projet était bien une oeuvre régionale, précédée depuis plusieurs années de nombreuses études et réu- nions associant les horizons les plus divers du mondepolitique, économiqueet social du Nord Pas de Calais et destinées à choisir le site (un endroit attractif, mais pas trop sur­ chargé ni troH coûteux. L'Avesnois fut un momentsur ès rangs) et à fixer les modalités de réalisation. La communede Sangatte ne pouvait seule assumer une telle initiative, elle pouvait collaborer à un projet dont 1'envergure la dépassait. La promotion du tourisme social a également conduit le Conseil Régional à lancer sur la ~ôte, en application de la circulaire du 25 mars 1974, l'aménagement de bases littorales de loisirs et de nature, associant le littoral à l'espace rural de 1 'arriè­ re pays. L'Etat aide à leur création , il n'intervient pas dans leur gestion. Dans le Nord­ Pas de Calais, deux sont prévues : l'une, hors du secteur considéré ici, est en cours de réal i sation, à l'est de Dunkerque ; l'autre est en projet à Ecault, entre Equihen et Har­ delot. Elès doivent offrir, dans de vaslës espaces naturels et ruraux, un accès facile à · des équipements souvent peu accessibles à la population régionale. Mais là encore, les com­ munes fournissent essentiellement une base territoriale à des projets qui les dépassent.

(13) Cité parL DEPREZdans son ouvrage les communes touristiques, mieux que îrigano .•• imp. Deprez, Béthune, 1976, p. 78 90

8. Les institutions.

Il est hors de question d'en mesurer ici toutes les incidences sur 1 'aménage­ ment touristique, mais puisqu'elles fixent le cadre dans lequel s'inscrivent l'aménagement et l'activité touristique, on en retiendra deux aspects sensibles sur la Côte d'Opale : - d'une part, les dispositions régissant le classement des stations sont main­ tenant dépassées et inadaptées à la vie touristique actuelle, notammentcelles de la loi de 1919. Il n'.est que de voir l ' impossibilité a laquelle se heurte, depuis plusieurs années, le Touquet de parvenir é\ être classé "station climatique toutes saisons" .Il est pourtant incontestable que la station n'usurperait pas un tel classement et que la politique d'anima­ tion "quatre saisons" menée depuis plusieurs années porte des fruits (instauration de for­ faits touristiques en "basse saison", multiplication des congrès, des manifestations cultu­ relles et sportives . •. ) (14). - d'autre part, le découpage administratif ou des unités d'aménagement ne se prête pas toujours à une concertation optimale entre les conmuneslittorales (cf. fig. 1). De Calais à Berck, le littoral ett partagé entre 3 SDAUet un P.A.R•. Les SDAUeux-mêmes sont partagés en Groupementsd'Urbanisme ou en communesisolées (commele Touquet), qui élaborent autant de POS. Dans un souci compréhensible d'association litbral-intérieur, on a inclus dans les aires des SDAUdes communesrurales de 1 'immédiat arrière-pays. Disposi­ tion 1ouab 1 e et nécessaire dans l'optique d '.un dêveloppement touristique en profondeur qui, pour éviter la coalescence des stations, devra obligatoirement se reporter en partie sur des corm1unesnon maritimes. Mais pour le moment, celles-ci sont parfois étrangères au tourisme de masse qui affecte le littoral et ne veulent pas toujours payer le prix d'un amé­ nagement qui profitera aux communes.littorales. Ainsi, le SOAUde la Côte d'Opale Centre prévoit une nouvelle desserte routière qui, de Montreuil, se dirige vers è littoral et éclate vers le Touquet, Stella-Plage et Merlimont, après avoir traversé les communesrura­ les de St Josse et St Aubin. Or, ces deux conmunes, de mêmeque Cucq, ont toujours refusé cet aménagementqui mange trop de terres agricoles. Conséquence : le SDAUn'a jamais été approuvé et les communesen question se trouvent donc fondées é\ refuser les POS, pourtant en instance de publication, qui intègreraient cet équipement. A moins qu'un ultime arbitra­ ge préfectoral .•. De même, le SIVOMde la baie de Canche et 1 'Association Syndicale de la baie d'Authie sont-ils constitués de corrmunesdont les intérêts, ou les priorités, ne sont pas toujours exactement les mêmes. Il n' est que de voir les années qui passent sans que la navigation s'améliore dansle chenal de la Canche. Pendant ce temps, les pêcheurs d'Etaples se lamentent, alors que le Touquet soupire -après 1 'amélioration des relations routières. Malgré les cadres au sein desquels elles sont plus ou moins appelées à collaborer, les conmunesne font donc pas spontané~ent preuve d'un esprit de solidarité irréprochable. Les oppositions politi ques peuvent en être la cause mais surtout, contrô lé et amputé de plus en plus par les pouvoirs publics, contesté ou dépassé par les revendica ­ tions ou les initiatives privées, le pouvoir qui leur reste d'influencer réellement l'amé -

(14) Les anomalies d'une te l le situation ont ete exposées, avec d'autres réflexions par le Maire du Touquet lui-même dans son livre ci té note précédente. 91 . nagement touristique est peut être d'autant plus jalousenent gardê qu'il est plus réduit. Il senble, en fin de compte, qu'il s'agisse plus d'un pouvoir d'incitation ou de sollici ­ tation que d'intervention profonde. Aussi est-il instructif d'examiner, rapidement, commentles communeslittora1es ont intêgrê toutes ces données dans les partis d'amênagementqu'elles ont, tant bien que mal, choisis, en somme, quel est le rêsultat, sur leur territoire, de l ' action de ces forces disparates.

B. LADIVERSITE DES PARTIS D'AMENAGEMENT TOURISTIQUE

C'est à travers les SDAUet les POSque nous allons tenter de les appréhender. Les POSsont plus rêvêlateurs, car plus récents et à plus grande êchelle. De plus, ils ont dû souvent inflêchir notablement les propositions de SDAUconçus à une êpoque d' expansion êconomiqueet de moindre souci du cadre naturel. Seu5 sont approuvés les POSde l'agg1oméra­ tion boulonnaise. Celui du Touquet, publié en 1977, a êtê remis en chantier en 1978-79. Il est en voie d'approbation alors que, dans la plupart des autres communes,leur publication, au momentoù nous êcrivons, devrait intervenir d'ici peu, à moins que les dispositions de la directive du 25 août 1979 sur le littoral ne les contraignent à des modifications. On· ne peut non plus préjuger des réactions qui se manifesteront lors de 1'enquête publique, ni des modifications consêcutives, mais d' ores et dêjà, à travers les documents parus et à para1tre, se dégagent nettement les tendances de l'aménagement et le rôle que les collecti­ vités locales s'y attribuent. Pour cela, le littoral peut être subdivisé en grands secteurs géographiques qui (coïncidence ou rapport de causalité ?) correspondent à quelques grands types d'aménagementtouristique, à l'intêrieur desquels des distinctions devront toutefois être faites.

1. Le seateur CaLais-Sangatte, constitué de plages sableuses et de dunes est voué à un tourisme "populaire". L'installation récente du seul VVFde la région Nord­ Pas de Calais conforte cette "vocation", mais les communesconcernées doivent faire face à des problèmes difficiles: sur 8 km, la dégradation des dunes, l'abondance des vieux blockhaus, la prolifération peu esthétique de bungalows disparates perchés sur pilotis le long du rivage (secteur unique de la ·çote d'Opale à ce point de vue) doivent conduire à une réhabilitation des paysages dunaires et à une amélioration des conditions de la pra­ tique d'un tourisme "social" qui ett appelé à s'y développer.

2. Entre Sangatte et Wûnereuz, sur 25 km, le littoral à dominante rocheuse, est constitué entièrement de sites maintenant inscrits ou classés . En l'occurence, les petites communesqui s'y égrènent ne peuvent donc attendre, ni proposer, un développement touristique substantiel. Celui-ci est condamnéà se reporter en retrait du littoral ,mais son éloignement de la mer porte en 1ui-mèmesa propre limitation. A Escalles, des terrains de camping proches du rivage et donc à l'écart du village ont été supprimés ces dernières années. A Ambleteuse, un projet de camping-caravaning-parc résidentiel de 20 à 2S ha se heur­ te à de vives oppositions, bien que situé à 2 km de la côte et malgré un avis favorable 92

donné en 1977 par un nouveau maire dont "la bonne foi (aurait) été surprise" (15). De plus, dans ce secteur, 1 'agriculture, qui s'approch e jusqu'au bord des falaises, serait un concurrent sérieux. Priorité y est donc donnée à un tourisme peu concentré . et à la protection de la nature.

3. De Wimerew: d Equir.en, le littoral garde quelques espaces naturels, mais est surtout occupé par l'agglomération boulonnaise, son port et ses industries. Sans y être négligeable, le tourisme y est secondaire, mêmeà Wimereuxqui devient une grande banlieue de Boulogne. Dans l'ensemble, c'est également le théâtre d'un tourisme assez po­ pulaire auquel s'ajoute, conmeà Calais, le flot des excursionnistes anglais qui, pour une journée, viennent à pied ou en autocar. La structure urbaine de l ' agglomération, la prédominance d'a utres activités économiques, le caractêre relativement accidenté du relief ne permettront ni un essor remarquable du tourisme ni un développement ou une restructura­ tion profonds des aménagementsquiles concernent. De plus, l 'aménagementrécréatif relève aussi là des loisirs de la population d'une agglomération de 100 000 habitants. L'aménage­ ment de certains sites (base d'Ecault, pointe de la Crèche) doit prendre en compte cette dimension plus qu'ailleurs sur le littoral entre le Gris Nez et Berck. Le rôle touristique de Boulogne, doyenne des stations balnéaires régionales, rel ève maintenant plus d'un tou­ risme "urbainu que du front de mer proprement dit, assez réduit.

4. D'BardeLot d Ber~k, s'étend le littoral le plus fréquenté, le plus convoité, le plus contrasté. S'y affrontent diverses conceptions de la vie touristique. Plusieurs secteurs peuvent y être distingués

a) d 'Hardelot à La Canche Bien qu'elle ne constitue qu'une partie de la façade maritime de la commune de Neufchâtel-Hardelot, la station d'Hardelot en constitue, dans le cadre de la Société du Domained'Hardelot, le seul débouché actuel sur la mer. Probablement futur aussi, car les espaces naturels entre Hardelot et Camiers Ste Cécile, qui sont partagés entre quel­ ques grands propriétaires, devraient être rachetés par le Conservatoire du Littoral. A si­ gnaler, cas unique sur la Côte d'Opale, quele littoral et les dunes (plus de 600 ha, avec 2,5 kmde front de mer) de la conrnunede Dannes ne comportent jusqu'à présent aucun aména­ gement touristique, pas mêmeune route d'accès à la mer. Seules s'y trouvent, dans les grands domaines, quelques rares maisons utilisées par leurs propriétaires. Nul doute que cette structure foncière ait con~ribué à protéger ces espaces pour lesquels l'Etat, par le Conservatoire du Littoral , est sollicité de prendre le relais. Hardelot et Ste Cécile connaissent depuis une vingtaine d'années un essor foudroyant. Celui d'Hardelot est axé sur les résidences secondaires de standing: de 1968 à 1977, ont été constitués plus de 600 lots de près de 1800 m2 chacun en moyenne. Ste Cécile mise sur les résidences secondaires plus modestes (prês de 450 ~n 1978 contre 203 en 1968) et le camping (plus de 3000 places). Mais dans les deux stations, de vastes es­ paces sont encore réservés à l'expansion touristique. C'est peut être pour cela que, dis­ posant encore pour longtemps de réserves foncières, les promoteurs ne convoitent pas spé-

(15) Bulletin de Nord-Nature, n° 12, 3ème trimestre 1978, p. 6 cialement les vastes espaces qui s'étendent entre les deux st ations. Au sud. St Gabriel ne s'est jamais remis de son échec du début du siècle. Les massifs dunaires qu'y a acheté le Conservatoire du Littoral sont aussi ceux que 1 'érosion marine menace le plus et leurs propriétaires privés ne pouvaient en tirer profit. b) Le Touquet En raison de l'ampleur des aménagementstouristiques de toute sorte, c'est la communeoO les problèmes se posent de la façon la plus aigUe. Disons aussi que tout ce qui se fait au Touquet est immédiatementrépercutê,plus qu'ailleurs, ce qui fait vite monter les passions . Il faut reconnaître que les objectifs de développement sont ambitieux: avec 5 400 habitants permanents en 1975, la communevise les 10 000 en l'an 2000 (16). Dans ce but , et commeseul le tourisme peut fournir les emplois nécessaires à une tel l e population permanente, une expansion importante est résolument recherchée. C'ett pourquoi il était prévu, on l'a dit, une urbanisation importante des dunes au sud de la station ; le nouveau POSréduit cette surface de plus d'un tiers . Mais le centre ville doit être densifié et restructuré, et la hauteur prévue des immeubles est source de bien des polémi­ ques. Mêmechose en front de mer, composéd'une majorité d'immeubles de 10 niveaux, d'as ­ pect fort disparate, et qui doit se poursuivre avec une meilleure harmonisation. Au nord, le quartier Quentovic doit aussi être densifié et l'on voudrait davantage le destiner aux résidents permanents. Il semble cependant que le poids de la taxe locale d'équipement et de la taxe départementale d'espaces verts (voir plus loi n) ait momentanémentcalmé la fiè­ vre des collectifs qui avait saisi le Touquet depuis quelques années. Par ailleurs, en bor­ dure de la Canche et dans la forêt, sont prévus divers équipements (port de plaisance. complexe de loisirs. hôtels ... ) qui doivent encore renforcer l 'attractivité du Touquet en Europe du Nord Ouest. Car, à la différence des communesvoisines, c'est à cette échelle.et nonsan~ succès que se placent les ambitions de la station. En outre, très attentive au ca­ dre verdoyant qui fait son charme, elle souhaite voir reprendre par le Conservatoire du Littoral 240 ha de dunes et elle désire racheter peu à peu 150 ha de forêt non urbanisable et l'ouvrir au public en la soumettant au régime forestier. Au total, donc, une politique pour créer une station de haut niveau, mais diversement appréciée dans ses objectifs comme dans ses moyens.

a) Stei'l.a- P!age et Meriimont-P'l.age Il s'agit de stations aux perspectives plus modestes. L'une et 1 'autre sont aux mains d'ASP autorisées. Les POSy ont été éla borés avec 1 'héritage des lotis sements de 1925. Celui de Merlimont sera poursuivi et à peine modifié. Celui de Stella sera rema­ nié dans sa partie occidentale, la moins urbanisée actuellement et la plus touchée par les destructions de la DeuxièmeGuerre Mondiale:sur la centaine d'ha encore libres d'urbanisa­ tion, une cinquantaine restera en espaces naturels, sur les flancs dela station et pour assurer la l iaison avec les dunes de Merlimont et du Touquet. Le plan de la partie urbani­ sable sera remanié ; en effet, le réseau de voirie initialemen t prévu -et commencé-était

(16) POS du Touquet, rapport de présentation, mai 1979. 94

tout! fait indifférent au relief dunaire mais, par sa disposition en étoile (d'où le nomde la station) se préoccupait davantage de tracés géométriques rigoureux et séduisants sur le papier (17). Les droits de construire supprimés dans certains espaces devraient être transférés plus près de la mer, où l'on densifiera l'habitat grâce! quelques collec­ tifs. Tout cela résulte surtout de négociations entre l 'ASP et les services de 1 'Equipement et de l'Environnement. La communey intervient peu. Elle peut suggérer, souhaiter, mais ne peut infléchir fortement les options d'ASP qui,! Stella comme! Merlimont, visent tou­ jours une clientèle moyenne. En outre, la réalisation de ces objectifs nécessitera! Stella, la constitution de deux Associations Foncières Urbaines, l'une de construction en front de mer, l'autre de remembrementen retrait, touchant environ 500 propriétaires. A Merlimont, où l'ASP n'est pas propriétai re de tout l e front de mer, la municipalité peut développer avec l ' aide des pouvoirs publics, une politique de boisement des dunes et de rachat par le Conservatoire du Littoral.

d) Berck Berck est encore un cas particulier. Dominéepar le secteur hospitalier, la ville est cependant un centre touristique de premier ordre pour toute une clientèle régio­ nale assez modeste (18). Elle possède d'ailleurs plus de 4 000 places de camping, ce qui corr.espond ! beaucoup plus de pers onnes en haute saison. Ses meublés sont nombreux (plus de 1800 d'après des sources cadastrales ) (19), mais souvent de piètre niveau. Il y aurait donc de gros efforts! faire mais cela dépend pour beaucoup des particuliers et d'autres t!ches priori ta ire s attendent la commune.Cependant, ell e a acquis certains terrains dans les dunes en front de mer, au nord, entre les hôpitaux Cazin et Calot, pour y étoffer son potentiel d'accueil (hôte}, appartements, centre co1Tmercial), au sud pour y créer un espace boisé de promenade. Un complexe nautique est également projeté en baie d'Authie. Par ail­ leurs, le camping qui occupe déj! une grande place n'est pas appelé, dans les projets de la municipalité ,! s'étendre beaucoup, car son foisonnement (le camping sauvage est impor­ tant ) nuit! 1 'image de la ville, dont le centre doit aussi être peu! peu rénové. Berck donne l ' impression d'une communeoù le tourisme apporte beaucoup, sans être prépondérant, mais soulève aussi beaucoup deproblèmes. La ville semble un peu "dépassée" par un succès touristique qu'elle maîtrise mal et dont on croirait parfois qu' elle le souhaiterait moins

(17) Il ne faut pas oublier que la vente des parcelles se faisait alors sur plans et que la vi abilisation d I un secteur était réalisée quand wnombre suffisant de nouveaux proprié­ taires était à même d'en assurer le financement. On a maintenant inversé le processus . Mais il est certain que la deuxième guerre mondiale a empêché des stations comme Wissant Stella, Merlimont, de disposer d'une durée suffisante pour mener à bien le "remplissa ge" de leurs lotissements, qui furent en outre détruits en quasi - totalité (à Stella, en 1945, seules 2 maisons sur 286 étaient intactes). Et après la guerre, les données de base du tourisme ré gional étaient . complètement modifiées. (18) Sur le tourisme à Berck, se reporter à E. FLAMENT, Vocation touristi que et vocation médicale : la Côte d' Opal e (Berck - Le Touquet), 97ème Congr ès des Sociétés Savantes , Nantes, 1972, Actes du Congrès, Paris, 1976, pp. 295- 312 et à B. BRONGNIART,Le touris­ me sur la Côte d'Opale centrale, Travaux du Laboratoire de Géographie Rurale de Lille, n°3, 1975, pp. 87- 114. (19) Sur ce point, voir J .M. DEWAILLY, Résidences secondaires et meublés sur la Côte d 'Opa l e, un phénomène insaisissable? Annuaire des Pays - Bas Français , 1977, Stichcing Ons Erfdeel, Rekkem, pp. 194-205. 95 · important. Car, avec sa structure urbaine particulière, elle ne dispose pas des importan­ tes ressources du Touquet, pourtant trois fois moins peuplé.

5 . QueLques réfie:ions sur ces partis d'aménagement

A des degrés divers, on a retrouvé à travers la présentation rapide qui pré­ cède les différentes contraintes analysées en commençant.Sur les résultats, quelques remarques s'imposent : - ce sont les communesoQ le tourisme a le plus de poids qui sont les plus "interventionnistes", pour des raisons géographiques (moins de sites protégés), histori­ ques (développement ancien n'ayant pas laissé subsister d'ASP), économiques (poids des activités touristiques ou non et des ressources qu'elles apportent). Mais les priorités sont très variables d'une communeà l'autre , selon les objectifs, les moyens et les dyna­ mismes municipaux, et les étiquettes politiques. En outre quelle que soit ceœ dernière et la taill e des co11m.1nes,toutes s'accordent à réclamer un engagement plus grand de l'Etat en matière de nettoyage et d'entretien des plages, de survei l lance et de sécurité, surtout en période de forte fréquentation. - les espaces naturels, depuis quelques années, font l'objet d' une protection accrue, tant à l'instigation des pouvoirs publics (Délégation Régionale à 1 'Environnement) que sous la pression de l'opinion publique. Le Conseil Régional apporte son appui à cette tâche, par le biais de l'Association Espace Naturel Régional, créée en 1978 "pour mettre en oeuvre sa politique de protection de. la nature et de tourisme social" (20). - le département du Pas de Calais est, en ce domaine, relativement favorisé, car depuis Janvier 1978, son territoire est entièrement classé en "périmètre sensible". Cela pennet d'appliquerla taxe départementale d'espaces verts à toutes constructions et, tout en en freinant ou dis ciplinant la multiplication, de dégager des ressources bienve­ nues pour l'acquisition ou 1 'aménagementd'espaces naturels ou verts . - l'extension de ces espaces protégés sur le littoral reporte sur l'arrière ­ pays certains aménagements. Entre Canche et l'Authie, dans les 4 stations principales, l'essor du camping sera limité et ne pourra répondre à la demande. Celle-ci est trés for ­ te, et 1' on atteint localement une saturation réelle (21). Des extensions modérées sont prévues à Berck, Merlimont, Stella. Le Touquet ne prévoit rien de plus, Hardelot refuse le camping, Camiers est saturé, l'agglomération boulonnaise ne s'y prête pas tellement,

(20) Dossier de présentation de l'Association Espace Naturel Régional. (21) Les 4 stations indiquées offrent plus de 8 300 places officielles, soit plus du quart du potentiel départemental. La réalité est tout autre. Ainsi, par exemple, début août 1979, un camping de ce secteur c0111ptait 257 installations (à plus èe 3 personnes de moyenne!) pour 100 emplacements autorisés, soit , à notre avis environs 1200 personnes au lieu de 300, C'est peut être un cas-limite, mais la surcharge estivale est partout de règle. 96

non plus que les sites protégés jusqu'à Sangatte. La demandesera aiguillée vers l'arrière ­ pays où St Josse, St Aubin, la vallée de la Course, le bas pourraient dévelop­ per le camping. On a parfois un peu l'impression que, sans l'avouer, les communesou asso­ ciations syndicales ne cherchent pas à étendre ce mode d'hébergement très demandémais très solJllis aux aléas climatiques et qui provoque, en période de pointe et pour les terrains modestes, une sorte de "clochardisation de vacances" nuisible à l'esthétique autant qu'à l'image et à la réputation de la convnune.Mais, à beaucoup d'égards, les co11111unesrurales ne sont pas prêtes à absorber des masses importantes de campeurs dont, au surplus, il n'e st pas sGr du tout qu'ils consentent à se fixer ailleurs qu' "à la plage". - c'est pourquoi on cherche à développer à l'intérieur des pôles d' accueil et d'animation touristique et récréative, surtout autour de plans d'e au, mais pas exclusi­ vement (anciennes carrières de Wabenà proximité de Berck, projet (déjà ancien) de village de vacances à prés de Montreuil, développement de campings et de gites ruraux ... ). Mais en ces domaines, les collectivités locales n'ont que peu de moyens, à condition d'abord qu'elles souhaitent ce développement. - en tout état de cause, la résidence secondaire semble devoir être, pour un momentencore, le moteur de l'expansion touristique et le recours des communesqui ont choisi cette perspective. D'ailleurs le marché teste toujours très actif, et ne semble guère touché par les difficultés économiques. Toutefois, la réduction des surfaces urbani­ sables qu'entraîne une protection accrue de la nature et la montée des prix favorisent le développement des i11111eublescollectifs, dans lesquels (par exemple, au Touquet) inves­ tissent de plus en plus d'acheteurs étrangers, belges, néerlandais et allemand. Il reste à espérer que la préservation d'espaces naturels qui en résulte ne se fasse pas au prix de murailles de béton plus ou moins esthétiques.

CONCLUSION

Au total, le poids réel des collectivités locales dans:l ' aménagementtouristique littoral du Pas de Calais appara1t assez limité, mais le bilan doit être nuancé. Le plus souvent, elles n'ont guère les possibilités de mener une politique spécifique. Mêmepour l'animation, leurs moyens sont réduits (22}. Elles servent plutôt de relais, ou de tampon, entre les pouvoirs publics, dont elles doivent faire appliquer des directives de plus en plus contraignantes en espace littoral, et les intérêts particuliers qui cherchent, dans un milieu attractif, à réaliser des profits d'autant plus rapides que l'espace convoité se restreint et que la "saison" touristique est courte. Ou alors, dans les plus grandes villes, 1 'aménagementtouristique, sans être négligeable, n'est pas prioritaire; En tout

(22) Depuis 3 ans, l ' Of f ice Culturel Régional, émanation du Conseil Régi onal, or ganise, avec le Conseil Général du Pas de Calais et les municipal i tés intéressées, l e Festival de la Côte d ' Opale qui, durant tout l'été, répartit plusieurs di zaines de manifestations dans une quinzaine de communes, grandes et pet i tes, de Calais à Berc k . 97

état de cause, entre l'Etat et les particuliers, les collectivités locales sont, à un momentou à un autre, prises entre deux feux. Sont-elles vraiment en mesure de faire pré­ valoir ce qui, sur place, répond le mieux à l'intérêt général ? Mais, à cette échelle, l'intêrët général revêt de multiples aspects parfois mal commodesà hiérarchiser. Des objectifs nationaux peuvent contrecarrer des projets régionaux ou départementaux (par ex. l'abandon du tunnel sous la Manchedont on attendait beaucoup dans la perspective d'un aménagementtouristique imposant de la région Calais -Sangatte), ou communaux(ainsi, la remise en question du premiers POSdu Touquet libèrera des espaces "convoités" par le Conservatoire du Littoral). Il semble que les communescoincées entre les particuliers et les grandes administrations, essaient tant bien que mal de préserver quelques-unes de leurs prérogatives, de tirer quelques marrons du feu et de coordonner les initiatives. Mais cela ne va pas de soi, et les résultats sont parfois décevants, bien que longs à acquérir au prix de négociations ardues (cf. l'opposition des petites communesau SDAU Côte d'Opale Centre). En fait , il paratt aujourd'hui que la véritable pierre de touche du poids des collectivités locales dans l ' aménagementtouristique sera constituée par les POS : coro:, - ment seront-ils préparés , publiés, approuvés, appliqués? En fonction de quels objectifs, de quels intérêts ? Il sera instructif d'examiner la situation dans quelques années, sans oublier toutefois que les communes,cristallisant sur leur territoire des objectifs, ou des convoitises , de puissances et d'échelles très différentes, ne pouvaient, a priori, résou­ dre dans ce cadre toutes les contradictions d'aménagementdont un littoral est toujours le siège (23).

RéslJllé Sur le littoral du Pas de Calais, les collectivités locales ne paraissent avoir qu'une influence limitée sur 1 'aménagementtouristique. Outre divers facteurs locaux spécifiques, elles sont soumises aux directives de plus en pl us contraignantes que les pouvoirs publics édictent sur 1 'aménagementlittoral et à la pression des intérêts parti­ culiers. De plus, le tourisme, surtout saisonnier, n'est pas prioritaire face aux autres activités économiques. Seul le Touquet fait exception, tant par les ressources qu'il offre que par la politique qu'il mène. Les différents partis d'aménagementstouris­ tique sont brièvement analysés à travers les Plans d'Occupation des Sols qui, parus ou à paraître, tentent d'établir un compromisentre les divers intérêts en présence.

(23) Outre les références citées ci-dessus, ce travail repose sur des enquêtes person­ nelles en mairie, dans l es services de l'Equipement, auprès des divers or ganismes et associations cités, auprès des professionnels, sur le terrain et sur l e dépouil­ lement de la presse l ocale. Nous remercions vivement toutes les personnes rencontrées dans ces circonstances.