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Belgïe-Belgique P.P. bureau de dépôt Liège X 9/2170 € 3

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Luc Tuymans, ©FluxNews Sommaire Edito

« ... Et si je vieillis seule et sale je n’oublierai jamais dial. Dans ce cadre prestigieux où l’art et le luxe que l’Art est ma seule nourriture ». C’est la dernière sont rois, j’ai eu l’occasion de croiser un galeriste 2 Édito . Dogma, un projet de ville. Focus sur une strophe de l’autoportrait écrit à la main de Manon philosophe. Le galeriste NewYorkais m’a surpris agence d’architecture un peu particulière, 3 Michel Boulanger.Jalons, un texte de Bara qui fait la cover de FluxNews. Un élan sous par la teneur de son discours. Ironisant sur sa posi - par Carlo Menon. Yves Randaxhe. forme de rayon de soleil dans le petit monde de l’art tion de plus en plus marginalisée face à la montée en 21 Suite d’On Kawara par Véronique Per - d’aujourd’hui. La petite entreprise de Manon ne puissance d’une galerie comme Gagosian qui grâce 4 Concentration de galeries dans le haut riol. connaît pas la crise, elle carbure à l’essentiel... L’art à ses nombreuses succursales occupe plus de trois de Bruxelles, texte de Colette Dubois. comme gourmandise, elle connaît. Elle joint cent personnes dans le monde, il pose ouvertement Exposition à la Centrale of Contemporary 22 Un entretien avec Marc Jacobs & d’ailleurs le propre au figuré puisque chaque vernis - la question de la croissance: « Pourquoi devrait-on Art, texte de Colette Dubois. Pierre de Muelenaere organisateurs du Bozar Electronics arts festivals. Une inter - sage d’expo est accompagné d’un rituel qu’elle continuer constamment à croître ? Il faut, au 5 Xavier Mary expose chez Do Not Open view réalisée par Yannick Franck. orchestre de ses petits toasts fourrés préparés avec contraire, évoluer. Conserver les choses que l’on a un texte de Catherine Angelini amour ! À propos d’art et de nourriture, lors d’un en les partageant » . Mais me confie-t-il, en redres - 25 White Cube, l’espace de la galerie et 6 Un nouveau concept d’Honoré d’O au court séjour Florentin, je suis tombé par hasard sur sant adroitement la barre: « l’homme est ainsi fait, il son idéologie le titre d’un livre de Brian Madmusée de Liège, un texte de Lino le diario , journal de bord de Pontormo, qui retrace est alchimiste de nature et veut constamment trou - O’Doherty relaté par Raya Baudinet Polegato. Freedom In Air Aérea Negrot les trois dernières années de vie du peintre. Une ver d’autres règles, pour continuer à s’amuser» . vue par Anna Solal. 26/27 Les deux pages rédigées par Alain leçon de vie! L’artiste maniériste, mort en 1556 se Venant d’un professionnel, voici un argumentaire Geronnez, sur Pierre Toby et Emmanuelle livre à une confession de foi. Dans ses carnets, il se qui pousse à la réflexion... Ce numéro sera en 8 A la maison de la culture de Tournai Quertain. une exposition de Lionel Vinche par Michel donne comme objectif de nous livrer au jour le jour grande partie tourné vers l’actualité Bruxelloise. Voiturier. 28 Vues d’expositions dans la région de ses trois préoccupations principales : l’art, il décrit Colette Dubois se penchera également sur le boom Charleroi par Michel Voiturier, au BPS22: avec précision l’évolution par étapes de sa fresque expansif des galeries dans cette ville: le nord de 9 Art Brussels, interview de Katerina Gre - Charif Benhelima et au Musée de la photo: monumentale de San Lorenzo, (détruite en 1738 Bruxelles avec six nouvelles galeries est principale - gos par Colette Dubois. la collection Rodolphe Janssen. «Une pour faire de la place à la construction de la chapelle ment touché par cette revigorante renaissance d’un 11 L’exposition de Maria Marshall au affaire de famille» Un texte sur Charles des Médicis), la nourriture, il nous livre dans les dynamisme ambiant. L’interview de Katerina Gre - MAC’s, un texte de Pierre Yves Desaive. Paulicevitch. détails le contenu spartiate de ses repas journaliers gos fraîchement nommée directrice artistique d’Art Les estampes de David Lynch à La Lou - 29 L’art qui ne cache pas la forêt» un entrecoupés régulièrement de diète et pour finir ses Brussel souligne la volonté de la Foire de Bruxelles vière par Michel Voiturier. recensement de l’exposition au Musée petites misères quotidiennes concernant la dégrada - de réaffirmer son rôle de moteur indispensable pour 12 55e Biennale de Venise: « Il Palazzo Würth Un entretien avec Manon Bara et tion de sa santé. Sa fin de vie se concentre sur venir en aide au monde de l’art. Si tout va bien du Enciclopédico », un texte d’Isabelle David Pirotte fait par Lino Polegato l’essentiel: le rapport à l’art et aux aliments ingurgi - côté belge, un bémol est à signaler chez nos amis Lemaître. tés. Son diario, par son côté obsessionnel et mini - Français. La surprise est venue ces dernières 31 «Boxing Icons» l’art comme sport de maliste nous renvoie à d’autres réflexions sur semaines de la galerie parisienne Jérôme de Noir - 13 Interview de Massimiliano Gioni directeur combat, recensement d’exposition de l’intime : à lire, dans ce numéro, l’essai de Véro - mont qui décide de jeter le gant et d’abandonner le artistique de la Biennale par Alessandra Manon Bara et David Pirotte par lino Pole - nique Perriol sur l’œuvre d’On Kawara qui nous navire après vingt ans de bons et loyaux services. Le Carini. gato. Entretien avec les artistes parle de rituels de passages dans le déroulement du couple de galeristes s’explique longuement dans une 14/15 L’expo au MHKA de Harald Theys 32 Deux expositions à Madrid recensées temps. Newsletter sur les raisons principales qui les ont et Jos De Gruyter par Yoann Van Parys. par Franco Giaveri: Révolution en 33 tours Très liée à des objectifs prioritaires de rendement et poussés à faire ce geste. Ils affirment leur volonté de au CA2M et les rapports entre l’art 16/17 Les «Filles d’Hirohito» sont invités de croissance, la TEFAF de Maastricht, la seule ne pas s’afficher dans cette optique de croissance contemporain et l’archéologie au Matadero à Port au Prince, des traces ont été archi - foire au monde qui fait penser à un musée où tout prônée par un professionalisme de plus en plus radi - vées: sons, images et un texte de Jean 34 Un Temps sans Age (6), la chronique serait vendable, aurait probablement apprécié calisé dans le milieu. L’autre grande actualité est Bastien Tinant d’Aldo Guillaume Turin. Sur Jacques Ran - accueillir dans ses murs, les œuvres du Pontormo. tournée vers Venise et sa 55e édition. Une interview cière, Anders, Othoniel, Patrick Modiano et La Mecque des foires d’art, dans son rapport de de Massimiliano Gioni, réalisée par Allessandra 18/19 On Kawara « La répétition Vitale » Joseph Beuys un texte de Véronique Perriol bilan signale cette année un ralentissement de la Carini, nouvelle correspondante chez FluxNews et 35 Agenda croissance suite aux incertitudes persistantes qui un texte sur le contenu de cette Biennale par Isabelle 20 9e Biennale de gravure de Liège, le In caractérisent l’économie mondiale. Un point positif Lemaître vous éclaireront sur cet événement. et le off par Céline Eloy. cependant pour les Etats-Unis: face à la Chine, ils Bonne lecture! reprennent leur première place dans le marché mon - Page 3

Michel Boulanger. Jalons

Michel Boulanger expose à la galerie caisse et un son », exposée à la bien - l’oeuvre de Michel Boulanger : « la Triangle bleu de Stavelot du 5 mai nale de Venise de 1978, se mesure première prothèse humaine », comme au 28 juillet. C’est une annonce rare. encore directement à la taille humaine, il la décrit. Dans d’autres périodes de L’artiste liégeois expose peu, et la nécessité d’un resserrement s’est son oeuvre, la canne a pu s’étirer moins encore dans sa région, où il imposée depuis lors, sollicitant notre jusqu’au plafond de lieux d’exposition, déplore le manque de maillage de attention au plus près, sur un mode dans une tension physiquement per - galeries et l’isolement qui en résulte. quasi intime. Les couleurs, les moyens ceptible. Comment ne pas penser à Stavelot est donc une étape impor - techniques, les matériaux obéissent l’« Eurasienstab » de Beuys, canne tante. « Pas une rétrospective », pré - aussi à cet impératif de synthèse. métallique que celui-ci manipula dans cise Michel Boulanger. Mais tout de Comme s’il fallait nécessairement en plusieurs performances comme même, « des oeuvres rassemblées, passer par là pour offrir la plus grande « Coyote. I like America and America des petits cailloux que j’ai semés sur densité plastique. likes me ». Pour Beuys, celle-ci per - mon parcours depuis les années sep - mettait la circulation de l’énergie entre tante. Des jalons ». Quelques Mais ce n’est pas pour autant un art est et ouest. Boulanger ne pratique pas semaines avant l’accrochage, il désincarné. Le corps même en est le ces rituels chamaniques caractéris - lance : « Un espace comme celui-là, il centre. « Tout est prolongation du tiques de l’artiste allemand. Il n’en res - faut l’habiter ! » Le Triangle bleu a corps. Ou le corps énoncé d’une autre sent pas moins profondément la « mise en effet pris ses quartiers depuis manière », précise-t-il. Michel Boulan - en danger » que représentent les sculp - près de 10 ans dans des bâtiments ger évoque à ce propos des expé - tures de Beuys, les associations puis - historiques superbement restaurés riences physiques issues de sa plus santes de matières et leur ressenti, la ayant appartenu à l’abbaye Saint- petite enfance, où son corps s’est quête du sens. La familiarité du travail Remacle, l’une des plus importantes trouvé mis en danger, lui faisant res - de ces deux artistes frappe encore dans de l’ancienne Principauté de Liège. sentir « l’ordre inouï » du monde, cet leurs dessins, qui produisent des signes Un bâtiment chargé d’histoire et de ordre dont il retrouve la quête chez forts, rapidement jetés sur le papier, symboles, avec des cimaises culmi - Cézanne, et qui constitue en somme tels des regards lancés sur le monde nant à 6 mètres et plus de 450 m² l’essentiel de sa démarche. L’oeuvre depuis des points de vue qui semblent d’exposition. Donc, bien sûr, c’est un est donc le fruit d’une mise en disponi - toujours inédits et inatteignables. défi de taille pour quiconque s’y bilité totale associée à une intense mesure. Et en même temps, lorsque concentration. Une partie résulte du Des cannes, des bâtons de marche, l’on connaît un temps soit peu le tra - travail en atelier, sur modèle. Il s’agit Michel Boulanger en ramène de par - vail de Michel Boulanger, on alors, non pas de représenter le visible, tout. Elles attendent, dans son atelier, s’étonne de cette interrogation : il est mais d’être saisi par ce qui se mani - d’être selon l’instant distribuées en de peu d’oeuvres plus habitées que la feste à travers lui. Les « encres nouvelles liaisons, au gré d’un regard sienne. Elle est porteuse d’un souffle simples », viennent ainsi, en quelques qui saura dire, avec le temps, si « ça y reconnaissable et montre, sur quatre secondes, dans un état d’attention par - est » ou pas. On n’aura pas proprement décennies, une cohérence impres - ticulier qui n’est pas sans rappeler le invoqué le travail de Michel Boulanger sionnante. satori des adeptes du zen : non pas sans s’arrêter un instant sur cet amal - l’illumination mais le sentiment game de temps long et de temps court Pour le spectateur comme pour le cri - intense d’être là. La démarche créa - dont son oeuvre est le fruit. La nais - tique, exprimer la nature de cette trice des figurines modelées ets très sance de l’oeuvre, on l’a dit, est le fruit « présence » ne va pas pour autant de comparable. Ainsi celles qui accompa - d’une attente libérée dans l’instant de soi. La nature même du travail est gnent la « Boîte de Zagora ». Issue de création, moment de disponibilité inté - allergique à la rhétorique et rétive aux pérégrinations autour d’un village rieure et d’éveil au monde. Mais Michel Boulanger , P assages c.1985-2005 Bâtons, Fers, Plâtres, , Cordes, mots. grec, cette oeuvre à géométrie variable ensuite vient un temps de maturation encre de chine 15/06/05 se compose de différents éléments que qui peut prendre des semaines, des Contentons-nous de placer quelques l’on retrouve essaimés un peu partout à mois, voire des années. Car il lui faut autant la qualifier d’ascétique. pas de produire toujours de nouvelles repères pour approcher ces jalons que travers son travail : boîte, cannes, figu - vérifier que la pièce résiste au temps D’abord, on l’a dit, en raison de des images. Sa démarche constante se l’on nous donne à voir, et qui balisent rines, objets glanés. La boîte est sus - long. C’est ainsi que « Le pas », pièce l’omniprésence du corps, mesure définit par une quête de sens, au-delà une trajectoire. La métaphore de la ceptible d’accueillir les objets : pré - emblématique évoquant à nouveau le constante, et des matériaux organiques. des mots, dans l’essence du signe plas - promenade reviendra d’ailleurs comme cieuse et fragile, elle est comme le lieu corps, la marche et la mesure, et com - Le choix des matériaux vient aussi tique, à l’instar de ces sculptures tri - une ligne de force importante de géométrique de la création, comme le posée d’un simple coin de métal posé contredire toute forme de désincarna - bales, qui remplissent une vraie fonc - l’oeuvre de Boulanger. A Stavelot, centre d’une vie intérieure auquel se sur un bloc de plâtre, a attendu des tion. Boulanger met un soin jaloux tion au sein de la société dans les - l’établissement de nouvelles liaisons rattachent les autres objets. Les figu - mois dans un coin de l’atelier que le dans le choix de ses outils et de ses quelles elles s’insèrent. Par ses propres entre des pièces n’ayant jamais été rines ont été rapidement modelées. On regard de son créateur vérifie sa viabi - matières. Le papier, japonais ou voies, en invoquant inlassablement exposées ensemble va en outre créer y reconnaît des parties de corps et dis - lité, sa puissance. indien, dialoguera intimement avec la notre rapport au corps et notre capacité une nouvelle oeuvre en soi, tant le tingue nettement les traces des mains tache d’encre déposée au pinceau et sa à nous inscrire dans le temps, Michel concept de liaison, à la fois entre les de l’artiste, comme une double incar - Une autre phase caractérise encore tendreté de peau fera vibrer les images Boulanger recherche un rapport direct oeuvres elles-mêmes, entre celles-ci et nation. Les cannes associées à la boîte l’oeuvre singulière de Boulanger. Le de corps saisies en un instant de la au monde. Une harmonie profonde une perception du réel, et enfin entre évoquent quant à elles des instruments plus souvent, sculptures, objets et des - contemplation du modèle. Modelages dont il décline patiemment les dimen - celles-ci et le spectateur, traverse tout de mesure humaine du temps et de sins sont associés en des polyptiques, et bronzes devront conserver sions et les proportions. « Tout ça, dit- le travail. l’espace : le temps de la promenade, des ensembles généralement évolutifs. l’empreinte de la main. Dans « Le il, c’est fait pour respirer ». temps incarné intimement lié à celui de Le travail d’association de ces diffé - pas », plâtre et métal lisse jouent cha - S’il est difficile d’y superposer des la création, la mesure du monde par le rents éléments est lui aussi le fruit cun leur partition sensible, appelant Yves Randaxhe mots, c’est que l’art de Michel Boulan - corps. d’une maturation lente, qui permet au notre participation empathique. Les ger est en quelque sorte aux antipodes regard de valider ces rapprochements. oppositions du lisse et le rugueux, du du lyrisme. C’est un art « pauvre », Mais quel est ce corps que Boulanger, « Liaisonner », comme Michel Bou - rigide et du contourné, le jeu des pourrait-on dire, qui s’astreind à une Michel Boulanger sera aussi présent inlassablement, explore depuis près de langer désigne cette activité, est un patines dévoilant partiellement les économie stricte de moyens et à la Biennale de Venise de cette 40 ans. Présent à travers ses propor - stade à part entière de la création. matières originales participent à la d’expression. C’est un art qui résulte année dans le cadre de l’exposition tions, dans les marques qu’il laisse Régulièrement, ces liaisons rappro - création d’une harmonie sensible à la en peu de signes, peu d’objets. Résolu - « Le Retour de l’Enfui ». Montée dans la glaise, dans les métaphores de chent esquisses figurées et autres fois savante et intuitive, synthétique et ment à l’opposé du spectaculaire. Dans par les Espace 251 Nord dans la la canne ou de la colonne. Il est, dans signes apparemment plus abstraits. sensuelle. sa famille esthétique, l’artiste évoque les encres, à peine reconnaissable, Mais aux yeux de l’artiste, ces derniers « Gallerie dell’Accademia », cette l’art roman et préroman ; l’irruption de branchage torturé, lavis éphémère lais - ne sont que des transcriptions plus On ne saurait ici passer sous silence la exposition «collatérale» associera l’art gothique lui paraît marquée du sant surgir les os à travers la chair et symboliques des mêmes thèmes passion de Michel Boulanger pour les des oeuvres d’art premier, ancien, sceau de la perte de sens, avec la mul - s’évanouir celle-ci. Comme dans la vitaux. arts dits « premiers », et sa profonde moderne et contemporain. Parmi les tiplication des images et des effets, « Caisse et un son », qui semble gon - connaissance de ceux-ci. S’il n’en tire artistes pressentis figrent également l’intrusion - déjà - du spectacle faisant flée d’une vie intérieure, ce qui reste, Cet incorporation du temps (très) long pas d’inspiration formelle, la profon - Francis Alys, Marcel Berlanger, obstacle à la perception du sens pro - c’est le souffle vital, la substance, le confère à l’oeuvre une dimension pro - deur de ces oeuvres avec lesquelles il Eugène Dodeigne, Michel François, fond. Au fil des ans, les dimensions de signe. prement méditative. Mais, même si vit en cohabitation constitue pour lui Jean-Marie Gheerardijn et Ann ses oeuvres se sont faites aussi plus l’on a parlé d’entrée de jeu d’une un repère majeur. C’est qu’il ne s’agit Veronica Janssens… modestes. Si dans les années 70, « Une La canne est un signe récurrent dans oeuvre « pauvre », on ne peut pas pour Page 4 BruXeLLes

A Bruxelles, dans le haut de la ville UN CONCENTRE DE GALERIES

Dans le haut de l’avenue Louise, au de haut. « Shrive XVII », faite de Xavier Hufkens, 6-8 Rue carrefour des rues de l’Abbaye, Van volumes en fonte, surveille l’inté - Saint-Georges, 1050 Bruxelles. Eyck et Saint Georges, on ne compte rieur de la galerie à partir de la www.xavierhufkens.com pas moins de six galeries : Keitelman, terrasse. Les corps de ces Xavier Hufkens 2, 107, rue Antony Gormley, LOT, 2013 Almine Rech, Jozsa Gallery, Xavier étranges personnages sont cou - Saint-Georges, 1050 Bruxelles. 4mm square section stainless steel bar Hufkens, Meessen De Clercq et Anys - chés, ramassés sur eux-mêmes, Ouverture le 16 avril avec ©Jeremie Demasy pace. Si l’on prolonge un peu plus loin, suspendus ou dressés comme des Harold Ancart vers La Bascule, on trouvera encore colonnes. Meesen DeClercq, 2a Rue de Lambert Gallery, Rossi Contempo - l’Abbaye, 1000 Bruxelles. recadre des fichiers texte ou photogra - dans leur anthropomorphisme. Celle qui rary. A partir de la mi-avril, deux nou - A la galerie Meessen De Clercq, Kelly www.meessendeclercq.be phiques qui ne disent rien et n’apportent trône au milieu de la galerie - sur quatre velles galeries ouvrent leurs portes : Schacht , lauréate du dernier Prix de la Jozsa Gallery, 24, rue Saint-Georges, que des indices de leur origine. Elle inter - pieds en bois fin peints en bleu , Delire Gallery et Xavier Hufkens 2. Ce Jeune Peinture, fait interagir espace et 1050 Bruxelles. vient alors avec de la peinture qui garde un guéridon des puces soutient un double quartier qui était voué aux galeries fiction : des personnages muets sont pré - www.joszagallery.com les traces d’un geste à la fois libre et maî - cône rouge vif - deux petits haut-parleurs établies connait désormais un nouveau sents, les traces de leurs performances Keitelman, 44, rue Van Eyck, 1000 trisé - un trait bleu souligne une droite, diffusent des fréquences sonores choisies dynamisme. Par une soirée glacée de sont visibles - un câble tendu entre diffé - Bruxelles. www.keitelmangallery.com une zone est blanchie. Il en résulte une pour leurs supposés effets thérapeutique. mars, trois d’elles accueillaient le rents objets (chaussures, chaise, esca - Almine Rech Gallery, 20, rue de réflexion sur la peinture, la représenta - Derrière un mur mobile, habituellement public avec de nouvelles expositions. belle). D’autres oeuvres mettent en jeu le l’Abbaye, 1050 Bruxelles. www.almine - tion, l’image (bien que celle-ci soit totale - disposé devant la vitrine, repoussé dans langage : pour « Silent Keys », un « per - rech.com ment absente), l’impossible effacement et le fond de la galerie, des volumes moulés Chez Xavier Hufkens l’artiste anglais sonnage » saisit un cartel noir imprimé Lambert Gallery, 47, rue de Praetere, la ténuité des traces. Dans l’écrin blanc à partir d’emballages du quotidien - des Antony Gormley présente des sculptures d’un bout de phrase et le place sur un 1050 Bruxelles. www.lambert- de la Wunderkammer, on peut voir un bouteilles, des boites - sont peints de cou - récentes, la plupart de très grand format, support le long du mur. Si la fiction que gallery.com dessin à la mine de plomb de Mario Merz leurs pastels et reliés entre eux par des qui associent les principes mathéma - l’artiste met en oeuvre passe parfois par Rossi Contemporary, 690, chaussée de qui réfère à plusieurs de ses oeuvres des bois articulés. Manuel Larrazabal Scano tiques - de l’abstraction pure - à la forme les mots, elle ne passe pas par la parole, , 1180 Bruxelles. www.rossi - années 70. réalise des dessins à partir de machines humaine. Ces pièces sont faites de cubes ses personnages sont silencieux et aucune contemporary.be qui produisent des mouvements aléa - ou de parallélépipèdes imbriqués les uns histoire ne s’impose. C’est au spectateur, Delire Gallery, 47d, rue de Praetere, 1050 La galerie Anyspace s’est ouverte en toires et répétitifs, on peut en voir sur les dans les autres, l’ensemble évoque une à partir des éléments installés par l’artiste, Bruxelles. septembre 2011. Son petit espace a murs, tandis que devant la vitrine, un pixellisation en 3D. L’approche de cha - qu’il revient d’élaborer la sienne propre. www.deliregallery.com. Ouverture le 19 accueilli entre le 13 mars le 6 avril: grand papier blanc a été manipulé - cune des oeuvres plonge le spectateur Ces éléments semblent échappés d’une avril avec « The Gift of Betrayal », expo - « co|oc », une expérience de partage des comme on manipulerait une marionnette dans un univers qui évoque le minima - boite dont on retrouve la trace dans un sition de groupe. lieux par deux jeunes artistes italiens, - et garde les traces de sa danse folle. lisme ; le recul permet d’appréhender la des espaces de l’exposition : son plan est Antonio Guiotto et Manuel Larrazabal forme générale qui rappelle alors celle déployé sur le sol, il remonte un peu sur Scanoà , l’initiative de Michela Sachetto Colette Dubois d’un humanoïde. « Frame », faite de les murs. A l’étage, Marieta Chirulescu et Francesca Chiacchio. Du côté d’Anto - formes ouvertes en acier inoxydable utilise l’univers informatique - qui nio Guiotto, on trouve des machines occupe seule l’entièreté d’un espace. s’avère être celui que nous manipulons le anarchiques, assemblées de bric et de Anyspace, 59 Rue Van Eyck, 1050 Brus - L’arrangement des cubes d’acier Corten plus aujourd’hui - comme base d’un tra - broc et pourtant tout à fait équilibrées sels. www.anyspace.be de « Pump » s’élance à plus de 6 mètres vail pictural abstrait. Elle manipule ou

Centrale for Contemporary art DES CHOSES ET DE LEUR ORIGINE

Ouvert en 2006, le centre d’art contemporain de la Ville de le devenir de ce qui est né, mais bien ce qui est en train de Bruxelles dénommé « La Centrale électrique » peinait à naître dans le devenir et le déclin. L’origine est un tour - s’inscrire pleinement dans la scène artistique bruxelloise. billon dans le fleuve du devenir, et elle entraine dans son L’espace avait été plus ou moins bricolé pour accueillir des rythme la matière de ce qui est en train d’apparaître ». expositions. Certaines d’entre elles étaient d’une indé - L’origine est donc une naissance perpétuellement inaccom - niable qualité, mais la configuration des lieux était plie, toujours inachevée, toujours occupée à se produire, approximative et restait immuable quelque soient les toujours à l’œuvre . Les artistes présents dans l’exposition œuvres présentées. Depuis le début de cette saison, un nous proposent d’approcher cette naissance singulière. On changement de nom - « Centrale for contemporary art » -, rencontrera des sources - plus précisément des résurgences un changement d’équipe - Pascale Salesse comme direc - -, des filiations - mais traitées avec une superbe désinvol - trice, Carine Fol pour la direction artistique et Joan Van - ture d’adolescent -, de la réflexion et de l’expérimentation. denberghe, le conseiller scientifique - et une plus grande clarté dans les objectifs commencent à donner une véri - De quoi l’œuvre est-elle faite ? Jorge Pedro Nunez en table identité au lieu. On continue à rêver d’une interven - donne à voir des éléments avec ‘Tout ce que MAM m’a tion architecturale forte pour exploiter au maximum donné’. Il arrange des objets - affiches, textes, table basse, l’espace (éclairage, circulation, le déplacement de l’entrée roue de bicyclette, bouteilles, bureau etc. - trouvés ou public dans la rue Sainte-Catherine, etc.), mais la voie vers achetés aux puces. Il complète l’inventaire en en apportant une meilleure visibilité et une meilleure efficacité semble d’autres et dresse le tout en une construction comme une être désormais ouverte. L’exposition actuelle, « L’origine tour au centre de la grande salle. Son installation tient des des choses », est conçue et réalisée en collaboration avec le cabinets de curiosité, mais les éléments qui la composent CNAP 1, son commissariat conjoint est assuré par Carine ne sont ni des trophées ni des bizarreries naturelles, ils Fol et Sébastien Faucon, responsable des collections arts racontent quelque chose d’un déplacement, d’un mouve - plastique au CNAP. L’exposition entend mettre en valeur ment - celui de l’artiste entre création et vie quotidienne. les acquisitions les plus récentes du CNAP, tout en s’orga - Comment l’œuvre apparait-elle ? Dans « Provisory Object nisant autour du désir de « remonter à la source de la pen - 02 », une vidéo d’Edith Dekyndt, on peut voir la bulle sée et de l’acte créateur ». Elle réunit une quarantaine d’eau savonneuse que l’artiste a recueillie entre ses deux d’œuvres de créateurs français (parmi lesquels on peut mains former une membrane dans des conditions clima - mentionner Raymond Hains, Olivier Blanckart ou Marie- tiques extrêmes (-20°). L’intérêt de l’artiste pour les phé - Ange Guilleminot) et internationaux comme Jimmie nomènes volatils, son regard et son goût de l’expérimenta - Durham, Bruce Nauman ou Louise Lawler. tion prennent corps dans cette œuvre faite d’un geste et de circonstances extérieures ; le processus de filmage en L'Origine des choses Chercher à toucher l’origine de l’œuvre d’art est une pro - vidéo permet d’assister à sa naissance sans pour autant en Jorge Pedro Núñez position excitante : elle relève de l’énigme tout autant que éventer le secret. Todo lo que MAM me dio, 2010 de l’irréalisable. On peut reprendre ici les propos de Walter Déjouer, singer ou détourner les poncifs attachés à l’art © Philippe De Gobert Benjamin lorsqu’il écrivait que « l’origine ne désigne pas permet à ‘We Are The Painters’ (nom du collectif formé Page 5

DO NOT OPEN expose Xavier Mary

Dans un nouveau Space project à de Detroit pour la diffuser partout Bruxelles est mise en vitrine une dans le monde. Cet épisode de l’his - œuvre de Xavier Mary, l’un des toire de la musique électronique était jeunes artistes belges les plus aven - au centre de ma première exposition à tureux de sa génération. la Galerie Nagel , ajoute XM. Aujourd’hui, la techno à Berlin est « Dans le cadre d’une série d’émis - devenue un énorme commerce. Des sions sur Maurice Ravel diffusée jadis milliers de tourist club’in viennent sur les antennes de France-Musique, le chaque week-end dans les innom - responsable de ladite série mit brables boites de Berlin. A côté de d’emblée en garde ses auditeurs contre cela, une scène expérimentale est tou - la tentation de percer de force la per - jours présente et cette ville reste, sonnalité un peu énigmatique de d’après moi, un lieu privilégié des cul - l’auteur du Boléro – tentative selon lui tures alternatives et de la scène émer - toujours décevante. Il raconta à ce gente. » Et de conclure : « Ce phéno - sujet la mésaventure arrivée à l’un de mène se développe à peine à Bruxelles ses proches, laquelle résume de (avec Komplot depuis quelques manière parfaite l’échec qui attend années, et maintenant La Loge , The celui qui entend découvrir l’intimité Ister , Coffre-fort , De La Charge , Abi - psychologique d’une personne et que lène , DO NOT OPEN , …) mais il est j’appelle son identité personnelle . vrai que sur un plan stratégique, L’ami en question, fils d’un Bruxelles semble mieux profilée : ses imprimeur, reprit à la mort de son père collectionneurs et son marché attirent la succession de l’imprimerie et, en de plus en plus de galeries. Le Wiels a faisant l’inventaire des lieux au lende - joué un rôle charnière pour la dimen - main des funérailles, tomba sur une sion institutionnelle de la ville. Si, de épaisse enveloppe cachetée portant, ces lieux d’importance, la scène inscrite de l’écriture de son père, la bruxelloise s’étend jusqu’à l’élasticité mention À ne pas ouvrir . Déférant au Vue d'exposition Eat The Magic Lions #1, Künstlerhaus Bethanien, Berlin 2012 d’une scène émergente riche et dyna - vœu posthume de son père, et quoique mique, Bruxelles deviendra bientôt un rongé par la curiosité, notre imprimeur nouveau type de capitale culturelle, où respecta le secret paternel pendant env - dont le projet DO NOT OPEN rend prononcé pour le papier, le livre ses débuts (vue à Bozar, puis au Wiels les choses s’inventent et s’imposent à iron six années, longues à passer, au visible une œuvre d’art contemporain, d’artiste, … ». Discret, et généreux de lors de la première expo Un-scene en leur juste valeur. » terme desquelles il se décida à violer le une seule, dans un petit white cube où surcroît, Benjamin Boutin offre à qui 2008). Cette nouvelle pièce, un hexa - secret et à ouvrir l’enveloppe. Ce qu’il le visiteur n’est pas invité à entrer. Le le veut son magazine, intitulé lui aussi gone allongé inspiré par le modèle Et Xavier Mary de continuer de parler trouva dans l’enveloppe, je vous le vernissage a donc lieu sur le trottoir ! DO NOT OPEN : un recueil de col - TNL de lampes de tunnels routiers, on pêle-mêle de ses années de formation à laisse deviner, ajouta le musicologue ; Caractéristique de cet « aquarium à lages que lui adressent des contribu - a pu la découvrir le 12 avril dernier à l’ERG, de l’époque où il était l’assis - mais je vous livrerai la clé de l’énigme spectacle contemporain » : la rentabil - teurs choisis, parmi lesquels certains l’occasion de l’inauguration des nou - tant de Joëlle Tuerlinckx, du roman de à la fin de cette série d’émissions, soit ité commerciale n’est pas sa finalité artistes de renom. Des collages faisant velles résidences et ateliers d’artiste son ami D. Evrard paru en 2012 car « vendredi prochain vers midi. C’est première. Artiste lui-même, et surtout ironiquement référence au monde de sur le site Vivegnis de Liège. Et le 8 The Spirit of Ecstasy » raconte une ainsi que nous dûmes attendre cinq collectionneur, le jeune Français y va l’art. Le troisième numéro est actuelle - mai, il participe à une expo d’une résidence collective organisée à jours, l’émission ayant débuté un lundi largement « de sa poche » en tant que ment en préparation, le lieu et la publi - durée d’un mois à la galerie Cransac (dans le sud de la France) où matin, qui furent également longs à curateur en l’occurrence. Par idéal - cation étant deux outils de communica - TouTouChic de Metz avec une pièce il était impliqué, de sa fascination pour passer, pour apprendre que l’enveloppe isme. Installé à Bruxelles depuis 2005, tion qui font la paire. Ainsi Xavier intitulée Ghost Rider . Une actualité les images en 3D de SketchUp Data - mystérieuse contenait une centaine il s’y trouve très bien, la raison d’être Mary aura-t-il laissé là une double chargée. « Mais ma dernière expo base , du projet de temple monumental d’étiquettes identiques sur lesquelles de son « Space project » s’étant cepen - trace, lui qui a prêté pour contempla - solo, fin 2012, quasiment aucun Belge qui ferait référence à Apocalypse now était imprimée la mention qui figurait dant imposée à lui au fil des années : « tion à la devanture du cube de Ben - ne l’a vue, parce qu’elle a eu lieu dans pour le B.P.S.22, de son expo solo sur l’enveloppe : À ne pas ouvrir ». Parallèlement aux publications semes - jamin Boutin un de ses Lions (appar - la galerie de Christian Nagel à Berlin , prévue chez Baronian en 2014, des trielles dont j’ai déjà fait paraître deux enté à la série Eat the Magic Lions ), déplore XM. Elle était intitulée Petro - retours qu’il a sur le Web concernant Ce texte, tiré d’un essai (1) du numéros, c’est le meilleur moyen pour ces sculptures dont existent quatre ver - latum. L’expo Eat The Magic Lions, son travail, … philosophe Clément Rosset sur le con - moi de rencontrer des artistes dont sions inspirées par les paquets de quant à elle, a clôturé ma résidence cept de l’identité, nous est revenu en j’aime le travail et dont je souhaite céréales Lion de son enfance. « Il n’y a d’un an à Bethanien (d’avril 2011 à En s’appropriant avec le sourire (Smi - mémoire lors de l’inauguration, en éventuellement acquérir une œuvre. Il aucun contrat entre DO NOT OPEN et avril 2012 à Berlin, ndlr ). L’une des ley) des icônes du passé ou d’autres février dernier, de l’espace clos voulu faut savoir que je suis fou de dessin l’artiste, celui-ci reste propriétaire de trois résidences les plus regardées en objets dans l’air du temps à l’ère post- à Saint-Gilles par Benjamin Boutin depuis mon enfance, avec un goût son œuvre. Et c’est toujours la galerie Europe ! ». « Petrolatum » ? Un nom industrielle des nouveaux médias, Albert Baronian qui représente offi - qui fait référence à la paraffine de pét - l’artiste ajoute une dimension à ciellement Xavier Mary. » Nous nous role utilisée notamment dans la fabri - l’aspect purement formel de ses sculp - tures. Un enjeu conceptuel se dis - par deux jeunes artistes, Aurélien secret reste bien gardé, tout autant réjouissons, par ailleurs, d’apprendre cation de produits de beauté, le pétrole qu’au programme de DNO est annon - étant par ailleurs symbolique de simule derrière l’esthétique de ce tra - Porte et Nicolas Beaumelle) de mettre pour le spectateur que pour l’artiste vail puissant, généreux et direct. Un en scène la peinture paysagiste. Pour lui-même. cée une performance du Monégasque l’univers post-fordien en Allemagne. Nicolas Horvath, pianiste de concert Le logo de Volkswagen s’y trouve faux lion… un faux temple… : les faux « Paint for Hochwechsel », les deux semblants ( fake ) posent le problème de artistes ont installé un panneau de Colette Dubois complètement hors-norme. « Il est le retourné par X. Mary, donnant lieu à seul à avoir joué en un seul récital différents tirages à la dimension sensi - la figuration. À nous de voir ce que grandes dimensions dans un paysage Xavier Mary pointe encore du doigt au des alpes autrichiennes. Au fil du « L’origine des choses. Collection marathon, l’intégralité de l’œuvre ble et poétique. Pour rappel, XM pianistique d’Erik Satie. Il a aussi réalise sa première exposition à la travers des captivantes créations qui film, l’œuvre apparaît à grands coups de Centre national des arts plas - donnent vie à son univers. de pinceau, ils la signent d’un WATP tique. France » jusqu’au 9 juin à interprété durant six heures la musique galerie Christian Nagel en 2010 ( Ortho pour piano de Philip Glass et il colla - Graphe ). L’année suivante, l’Alle - géant. La figure de l’artiste ici interro - Centrale for Contemporary art , 44, Catherine Angelini gée dans le geste, peut l’être aussi par place Sainte-Catherine à 1000 bore régulièrement avec des artistes mand présente à Cologne puis Berlin qui ont d’autres pratiques. ». Un projet Art nouveau de la Belgique (exposition les mots. C’est le cas avec le collectif Bruxelles. www.centrale-art.be (1) Loin de moi – Etude sur l’identité a très prometteur. de groupe incluant Guillaume Bijl, Claire Fontaine, qui a tracé sur le été publié à Paris en 1999 aux éd. de Joëlle Tuerlinckx, Luc Tuymans, …). mur, au noir de fumée, les mots « The 1 Le CNAP (Centre national des arts Minuit. True Artist ». Un questionnement du plastiques français) a pour mission de Mary, serviteur de deux maîtres On ne s’étonnera pas, compte tenu de ces circonstances, que l’artiste soit à la même ordre est mis en œuvre par favoriser l’accès à l’art d’aujourd’hui Eat The Magic Lions #2 Comme le dit de lui son ami, le fois présenté par Baronian et par Robert Barry, il concerne l’art de au plus grand nombre. Sa collection 16.04.2013 - 01.06.2013 façon générale. L’artiste a tracé sur un rassemble à ce jour plus de 93 000 galeriste Sébastien Ricou : « Il est tou - Nagel. jours aux taquets, Xavier ! ». On sait Do Not Open Project Space, mur : « It is incomplete, It affects œuvres que le CNAP diffuse de diffé - rue d’Albanie 47, en effet le jeune plasticien liégeois (30 - Et comment ça se passe entre les other things, It is affected by the cir - rentes manières, l’une d’entre elles 1060 Brussels, Belgium cumstances around it, It can be mista - consistant à les montrer dans des ans) bourré d’énergie, de dynamisme deux galeristes ? ken for something else, Some of it is expositions. et de curiosité. À Bruxelles quand il not known, Attempts to describe it n’est pas à Berlin ou ailleurs. Présent à - Mal, merci. can change it, We cannot anticipate DO NOT OPEN et au même moment à « Berlin, c’est avant tout un lieu histo - what it be like in the future, It can go Art Brussels avec trois de ses Smiley , rique pour la Techno. Ce sont des anytime and never return ? ». Le mys - Xavier Mary vient d’achever une nou - boites/labels comme Trésor qui ont, à tère ne s’en trouve pas éventé, le velle version de Highway Rotor , sans doute l’œuvre la plus emblématique de la fin des années 1980, sorti la Techno Page 6

« AU COMPTE - GOUTTE » L’autre facette d’Honoré d’O

Au MADmusée, Honoré d’O expéri - mente un nouveau concept de mise en vitrine des œuvres de la collection. Loin de la présentation qui hiérarchise et que l’on retrouve pratiquement par - tout quand il s’agit de monter une col - lection muséale, l’artiste opte pour une présentation intimiste qui privilégie une œuvre par jour. Il place ainsi en Au MadMusée, l’art est aussi avant la qualité du rapport à l’œuvre. Un élément important : l’œuvre est choisie au hasard, renvoyant sine qua non le discours élitiste du commissaire Ci-dessus, la goutte d’eau d’Honoré d’O, projetée à l’entrée dans la rencontre. au vestiaire. Grâce à un dispositif judi - de l’exposition, à droite le dispositif mis en place, ci dessous cieux de jeux de lumières, qui replace le focus sur l’oeuvre . © photos Honoré d’O l’œuvre au centre de l’attention, choisissant de montrer les œuvres « au Honoré d’O met l’accent sur la qualité compte-goutte »: maximum deux œuvres de la relation entre l’œuvre, le média - par jour, une sculpture et une peinture. cations sert générale - œuvres sont bonnes ou pas. Je ne pouvais teur et le visiteur. Pour ce faire, il invente un dispositif de ment de béquille à pas les récupérer, j’ai donc décidé de les Loin du spectaculaire et du côté tapa - mise en relation de l’œuvre au spectateur. l’œuvre, mais sur montrer une par une, je veux mettre geur de certains accrochages, l’avenir Un hôte - médiateur sera sur place pour d’autres critères plus l’œuvre au centre de l’attention pour du musée serait-il dans ce nouveau ouvrir les champs d’interprétation des humanistes ancrés montrer que cet art existe. Pour cela, il type de relation à l’œuvre ? On peut possibles. Un meuble est réalisé, celui-ci, dans la réalité quoti - faut créer une atmosphère intime. La rêver en imaginant ce concept s’expor - par son potentiel d’intimité, place le dienne d’un rapport goutte d’eau, c’est là où tout se mélange, ter ailleurs, dans un autre cadre… médiateur et le visiteur au centre d’un vécu. Ce modèle de c’est un équilibre. dispositif relationnel. La visite se fait présentation semble Le but du jeu c’est le respect des œuvres Honoré d’O s’est fait connaître fin des dans le noir, deux spots bien orientés font idéal pour faire exister que l’on ne comprend pas. La définition années 90 avec ses installations consti - le focus sur les deux œuvres exposées. autrement cet autre art, de l’art pour moi ? We have to take away tuées de tuyaux plastiques qui se Ces dernières sont déposées sur le défini aujourd’hui the light…» déployaient dans l’espace sur le principe meuble et rapprochées du regard du spec - comme «art outsider». du « all over ». Ces sculptures ouvertes tateur. Le spectateur doit se mettre dans Ce modèle est-il L.P. intégraient le spectateur dans l’œuvre. les mêmes conditions de distance de exportable dans les Elles lui accordaient une place primor - fabrication de la pièce nous rappelle part graphiquement à cet échange entre musées dits clas - AU COMPTE-GOUTTE jusqu’au diale. En répondant positivement à l’invi - l’artiste. Une fois le décor planté, ne médiateur et spectateur. Élargissant le siques ? C’est la question que l’on pour - 11.05.2013 > au MADmusée Liège tation de présentation de la collection du manque plus au médiateur et aux visi - vieux concept duchampien « c’est le rait se poser après avoir testé la faisabilité Parallèlement à l’exposition le MAD - MADMusée que lui a lancé Pierre teurs de finaliser le travail en donnant regardeur qui fait l’œuvre » Honoré d’O du modèle. Honoré d’O en est persuadé. musée propose dans sa brasserie une Muyle, Honoré d’O passe de l’élargisse - corps à une rencontre improvisée. Par ouvre des portes sur d’autres territoires. Pour lui son dispositif est exportable exposition de Michel Dupont. Les ment dont il est coutumier dans ses ins - cette action, comme souvent dans son tra - « Art is not where you think you’re going même pour d’autres lieux plus conven - œuvres exposées – récemment acquises tallations au confinement dans l’espace. vail, Honoré d’O vise et questionne indi - to find it » nous confirmerait Patrick tionnels, et même pour la video contem - par le MADmusée – témoignent de la Respectueux de l’art dit «outsider» il opte rectement la nature même de l’art. Mimran. Pour Honoré d’O, nos spécula - poraine en adoptant, pourquoi pas, des fascination de son auteur pour les pour une scénographie originale qui pri - L’œuvre d’art de la collection du Mad tions n’ont de sens et ne sont possibles écrans de rétroprojections dans le dispo - mécanismes et de sa connaissance du vilégie le rapport à l’œuvre dans son uni - n’est plus seulement de nature indicielle, que dans le cadre du vivant. Celles-ci, ne sitif. « The show must go on » dessin technique. cité. Ne voulant pas faire de préférences elle entre dans une plus-value en deve - sont plus axées uniquement sur des cri - en privilégiant l’une ou l’autre pièce de la nant le fruit d’une rencontre improvisée. tères de choix directionnels dictés par un Honoré d’O : « J’ai décidé de ne pas collection, il décide de bousculer les Sur une table des feuilles et des mar - pouvoir quelconque ; en l’occurrence faire de sélection. Je n’ai pas d’argu - conventions classiques de présentation en queurs sollicitent le visiteur à prendre celui du commissaire qui par ses classifi - ments pour expliquer pourquoi ces

FREEDOM IN AIR

Aérea Negrot est d’origine vénézué - la Light Asylum, et qui mutent et se réemboîtent de diverses lienne. C’est dans les rues de Berlin même peut-être, une manières, pour laisser apparaître des comme d’Amsterdam que l’on peut superbe diva gothique, oiseaux hoquetant, des maracas possédés, croiser son visage souriant. Participant à la Diamanda Galas, des insectes multicolores. Sa voix se sen - au groupe d’Hercule & Affair, pour les outrances et tirait bien seule sans ce génial corps pour son dernier album Arabxilla paraît sur le caractère sombre et l’accompagner, groovant à mort. Ses BPitch Control. L’album est encore un permissif. Étonnam - déplacements dynamitent sa présence: peu sage, une sorte de house feutrée, ment, j’ai aussi pensé elle danse à grand pas saccadés, telle une très club-technoïd rappelant un peu à Blixa Bargeld, pour maman-sauterelle inépuisable et bien - l’univers de Roizin Murphin, en moins l’attitude explicite - veillante. Ses jambes ciseaux ne sont pas pop. Il demeure agréable, même si on ment lyrique peut- sans faire penser aux performances de peut aussi l’estimer quelquelquefois être. Sur n’importe Johanna Constantine, qui avec ses jupes ennuyeux car trop convenu dans son quelle carcasse de d’instruments contondants crée des cho - genre et sans réelle surprise ou trop rythme, Aérea Negrot régraphies très spéciales avec des gestes formaté malgré un métissage de sons s’envole, elle hache étranges, proches du rituel vaudou. intéressant. les sons de façon inci - sive, puis les étire Pour finir, je peux dire que les lives L’ayant vue lors d’une soirée avec onctuosité avant d’Aérea Negrot communiquent un bruxelloise, je dois reconnaître que c’est de tout exploser dans souffle frais, et permettent surtout durant ses performances, grâce à sa voix les virages. Sa voix d’entrevoir un espace de liberté et d’ima - Aérea Negrot et ses qualités d’interprétation que la rauque fait des mon - ginaire, oasis de tous les clubber. chanteuse se métamorphose. Lorsqu'elle intouchable, elle se tient constamment à matique problème de la gestion capillaire tagnes russes, tan - se lève sur scène, c’est l’ombre de Grace distance d’elle-même, et privilégie que rencontrent toutes les femmes au guant entre la douceur délectable d’une Anna Solal Jones que l’on voit se profiler au sol. l’approche chaleureuse avec son public, moins une fois dans leur existence. diva déchue et l’hystérie d’une déesse été 2012 Aucun doute, Aérea Negrot est une attitude suffisamment rare pour être dionysiaque, d’un sampler qui déraille. papesse disco, dans un style ultimement signalée. Elle convoque une autorité qui Son concert est un pur concentré de géné - C’est quand le terrain est propice aux pimpant, brassant tout en un même mou - ne peut être remise en cause dès les pre - rosité sans concession et de simplicité dérapages que Aérea Negrot peut driver vement, les aigus et graves, l’ironie et le mières secondes, mais une autorité mêlée immédiate : une denrée rare. La chan - en toute sérénité et que tout fonctionne au drame, effectuant des virages à 360° avec d’humour, que l’on retrouvera jusqu’aux teuse évoque en même temps, un person - mieux. Alors elle invente ses propres une facilité déconcertante. Loin de se titres de ses chansons, par exemple Hair nage humoristique sorti du bestiaire de routes tortueuses où ce sont d’abord des revêtir d’un manteau mystificateur et qui exprime l’insoluble, l’éternel, le dra - John Waters et une présence effrontée à phrases, puis des mots, enfin des syllabes MARIN KASIMIR TRILOGIE POUR VENISE

55ème Biennale de Venise, Off du Off 26 / 06 – 26 /11 2013

Cimitero San Michele Venezia TONDO BAROQUE

PERMÉABLE FONDATION WILMOTTE GONFLABLE ET RÉFLÉCHISSANT EGLISE DE LA 1 Fondamenta dell Abbazia, Via Cannareggio 3560 2 SCUOLA GRANDE SAN GIOVANNI EVANGELISTA 30121 Venezia, Italia. www.wilmotte.com DI VENEZIA. Sestiere di San Polo 2454 – 30125 Venezia, Italia. Ouvert de 10h30 à 19h00. Accès : Vaporetto C’a D’Oro ou Madonna dell’Orto. www.scuolasangiovanni.it Ouvert de 9h30 à 16h30.

ROOM FULL OF MIRRORS (Les inventions, un autre 3 type d’inventaire rétrospectif) SPAZIO BADOER. (Espace adjacent à l’Eglise San Giovanni)

1913 – 2013 : FICTION EN SEPT CHAPITRES

TOURNAY-SOLVAY PARC Espace Européen de la Sculpture PROFILS ET MOULES PARQUÉS première exposition monographique à Bruxelles en trois volets. A partir du 25 juin 2013, vernissage à 17h00.

Parc Tournay-Solvay, 201 chaussée de la Hulpe, 1170 Bruxelles.

Accès : Station SNCB Boitsfort – tram 94. Ouvert tous les jours de 8h15 à 20h30 et permanences à la Villa du jeudi au dimanche de 14h00 à 17h00. A partir du 25 juin 2013, vernissage à 17h00.

PUZZLING TUNNEL, archi-sculpture sonore, 2011.

A Page 8 Tournai - La Louvière Vinche : la malice au pays qui s’émerveille

Lionel Vinche (Antoing, 1936) est animaux (lapins, cochons, oiseaux…), mobilier…) prennent vie nouvelle par resté d’autant plus atypique qu’il est des femmes, des individus anonymes des ajouts peints et/ou collés. Ils se resté lui-même. À l’écart des ou reliés à un métier ( La danseuse personnalisent, deviennent des Vinche courants, obstinément en train parachutiste – La policière en robe de comme un urinoir est devenu un d’explorer un monde aux soie – Un astronome regarde ses Duchamp. Il s’est même diverti à pren - apparences familières, il insuffle une pieds …), parfois un personnage dre pour support des pages de la très fantaisie renouvelée au moindre célèbre ( Ensor cherche sa rue ) ou sérieuse revue « L’Art même ». Car événement journalier. Comme s’il mythique ( Un requin mange la rame c’est un impertinent, un effronté, un s’agissait de ce qui se passe au-delà d’une sirène ) ; ils ne nous sont pas joyeux drille. Au point que, parfois, il du miroir. inconnus, pas moins d’ailleurs que les va jusqu’à dissimuler une de ses accessoires qui les accompagnent. Et œuvres sous des coups de brosse C’est une sorte de rétrospective que ce pourtant… Les voilà soudain trans - vigoureux à la manière des abstraits duo d’expositions à Tournai et La Lou - portés là où la pesanteur a changé de lyriques. En laissant voir à quelques vière, même si la majorité des œuvres loi ; les usages sont usés ; les relations endroits ce qu’était l’originel, il laisse sont récentes. Elle démarre avec des entre les humains, la faune, les objets au regardeur la possibilité de réinven - personnages des débuts pour arriver à sont dignes de contes dans lesquels ter ce qu’il a volontairement traité en ceux d’aujourd’hui, de plus en plus l’impossible est domestique. palimpseste. Un farceur, assurément ! proches de Jacques Tati et de Pierre Mais un farceur qui transmet sa con - Etaix. C‘est dire si l’artiste jette un Tout cela est peint avec une feinte dés - tagieuse joie de vivre. regard amusé et malicieux sur l’ordi - involture qui ne se préoccupe guère de naire des jours, sur l’extraordinaire de détails trop minutieusement réalistes Michel Voiturier l’imaginaire. Car, ainsi que l’affirme mais affectionne les indices picturaux Roger Pierre Turine, il est bien le plus tels que hachures, quadrillages, gri - gai luron « que la planète peinture ait bouillis, coups de pinceaux. C’est « L’envers du tableau » à la maison de conçu sur le sacro-saint tabernacle de donné selon la spontanéité du moment. la Culture, Esplanade Georges Grard l’art, qui ne se prend ni la tête ni la Aucune hantise de perspective, les à Tournai jusqu’au 28 mai. Infos : 069 queue. Mais qui, pourtant, joue et se plans se superposent et la profondeur 25 30 80 ou www.maisonculturetour - joue des deux avec une bonhomie se devine à quelques éléments disper - nai.com . « L’A vau-l’eau » au Centre emplie d’étincelles ». sés. Nulle recherche de sujets nobles, Daily-Bul & Co, 14 rue de la Loi à La dramatiques, esthétiques mais plutôt la Louvière jusqu’au 19 mai. Infos : 064 La plus emblématique de ses créatures proximité, le souvenir culturel, l’obser - 22 46 99 ou www.dailybulandco.be est un gaillard chapeauté. Il se trouve vation au premier degré. Aucun souci dans des situations qui paraissent de réalisme formel primaire au point Catalogue : Roger Pierre Turine, banales. Sauf qu’un décalage inat - qu’un tableau sera intitulé Tout le Lionel Vinche Chantal Bauwens, Jacky Legge, tendu, une distorsion visuelle de la monde prend mon lapin pour une « Lionel Vinche », Tournai/La Lou - réalité concrète jouent soudain les robe ! vière, Maison de la Culture/Daily Bul, faiseurs de fête en rendant ludiques, Des images et des mots vie. Il y ajoute son univers mental 112 p. (20€) farfelus, incongrus ce que l’anecdo - D’autres titres rendent parfaitement composé de fantaisie sans limites, tique aurait pu contenir d’insignifiant, compte de cet état d’esprit propre à Car les mots viennent à l’aide de cette d’associations farfelues, d’hypothèses de trivial. Ses bras affectionnent des rendre insolite l’insignifiant. Ainsi La démarche amusée, afin de montrer fantasques. Ceci le mène à accumuler positions de sémaphore. Ses agisse - divorcée illumine ses seins ou Un gar - mieux encore quelle distance il con - des dessins qui s’agrémentent de ments relèvent de la plus anodine des dien du musée d’art moderne est vient de prendre avec les critères tradi - légendes, de notations drolatiques. Ce actions, comme mettre ou enlever ses provoqué par un bossu , voire Le prési - tionnels du beau, du sérieux, des qui finit par ressembler à une bande chaussures, conduire une voiture, dent achète un footballeur . S’y normes, des conventions. Vinche dessinée. Là encore, à part le regarder la télé… Et pourtant… Tout ajoutent les indications données à invente les siennes, les commente découpage en cases, rien de classique : devient ici insolite et attrayant, mys - l’envers des toiles soit impératives, aussi bien qu’un guide muséal, qu’un narrations sans histoire, instants saisis térieux et lumineux. soit météorologiques, soit informa - être rédigeant son journal intime. Par en discontinuités, absence tives, soit aphoristiques dans la lignée ce procédé, il invite à partager son Les autres habitants de ce territoire mi- du célèbre esprit Daily Bul : Les robots monde extérieur avec sa joie d’exis - Quant aux objets (boîtes, bibelots domestique, mi-chimérique sont des ne doivent pas uriner . tence et sa simplicité d’habitudes de kitsch, jouets, calendriers, statuettes,

LIVRES

L’Equerre - La réédition intégrale

Hollan + Hoex : « L’autre côté Bon nombre de revues ont jalonné l’histoire par C’est donc tout un pan de l’architecture de l’ombre » leur importance en tant que véhicules d’idées moderne et de la diffusion de ses idées que mais aussi par leur engagement auprès de mou - l’ouvrage dévoile. D’une part par la réédition On connaît les arbres vements d’avant-gardes. Pourtant, bien des cent sept numéros de la revue en facsimilés d’Alexandre Hollan (Budapest, qu’ayant marqué leur époque, certaines d’entre et d’autre part par la présence d’une série de 1933). Cette fois, il les associe à elles peuvent facilement tomber dans l’oubli textes critiques, permettant de comprendre la la poésie de Corine Hoex. Les dès l’arrêt de l’édition et de la diffusion et nous place importante que prit L’Equerre dans le frondaisons au fusain qu’il devenir totalement méconnues. Tel est le cas de paysage architectural liégeois. L’histoire et aligne entre les textes sont des la revue L’Equerre , que la Société Libre l’évolution de la revue et des activités du sortes d’ombres chinoises. d’Emulation et les Editions Fourre-tout repu - groupe, la contextualisation par rapport aux blient dans son intégralité. autres publications des années ’30 offrent une Ce sont masses noires qui, par mise en perspective complète à la fois histori - des nuances internes de gris et Portée par cinq architectes (Yvon Falise, Paul que et contemporaine. L’intérêt de “L’Equerre” de fugaces espaces de blanc, Fitschy, Edgar Klutz, Emile Parent et Albert tient tant dans ce rassemblement critique et laissent percer leur obscurité, Tibaux), L’Equerre est à l’origine un journal contextuel que dans sa qualité éditoriale 1, fai - accéder au regard la lumière présente, celle-ci éclate çà et là mystère à appréhender sous les satirique manuscrit. Distribuée aux étudiants de sant de l’ouvrage un élément de référence pour d’au-delà les feuilles. Point de laissant supposer qu’au-delà est syllabes, là où « voir / devient / l’Académie des Beaux-Arts de Liège, la revue toute personne s’intéressant à cette période par - minutie du détail. Plutôt un son royaume. Mais qu’il est silence », là où ce qui s’esquisse se veut une critique de l’institution et de fois méconnue de l’histoire architecturale lié - magma feuillu dépossédé de nécessaire de franchir l’obstacle devient certitude, là où il est per - l’enseignement promulgué par l’académie. Ce geoise. tronc, pourvu de quelques pour la mériter. Que l’existence mis d’ « être / souffle / et n’est qu’en 1931, soit deux ans après l’écriture branches détectables presque par végétale, née de la terre par les feuillage », car ici le passage du des premiers feuillets, qu’elle devient une Céline Eloy intuition mais bien présentes. Le racines, attirée vers le ciel par le vent, la musique de la respira - revue d’architecture et d’urbanisme imprimée lieu est donc aérien même s’il solaire, constitue cet entre-deux tion s’ajoutent à l’aspiration vers et distribuée mensuellement à plus grande apparaît d’abord charbonneux. de la vie dans lequel il nous faut ailleurs. échelle. Ouverte aux formes d’art moderne, elle 1 L’ouvrage a obtenu le prix Fernand Baudin en nous accommoder d’être vivant s’engage dans la promotion et la réflexion du 2012, récompensant les plus beaux livres de Une volumineuse présence quand bien même une absence M.V. développement architectural et urbanistique Bruxelles et Wallonie. cache et révèle la lumière proche suscite l’espoir d’une moderniste. Soucieux de la situation de l’archi - d’identique façon que les acci - présence autre part. Corine Hoex, Alexandre Hol - tecture à Liège et, notamment, du peu de place dents du papier divulguent le lan, « L’autre côté de l’ombre laissé au modernisme dans la ville, les respon - mouvement créateur du dessina - Les vers de l’écrivaine possè - », Bruxelles, Tétras Lyre, coll. sables de la revue n’auront de cesse pendant teur. Car sans doute le paradoxe dent la complexe simplicité des Lettrimage, 40 p. (15€) onze années de publications (1928-1939) de du sombre est qu’il avive la dessins. Les mots sont directs propager les réflexions sur l’urbanisme et clarté. Davantage pressentie que mais se parent d’obscurité, de l’architecture moderniste. Page 9 Art Brussels Katerina Gregos : « La foire doit pouvoir aider le monde de l’art »

Entretien avec Katerina Gregos, directrice artistique d’Art Brussels. Pour les revues, le long couloir c’est

Après « Speech Matters » pour le fini ! Il y aura des pavillon danois à la biennale de Kiosks vert fluo Venise 2011, Manifesta à Genk et « Newtopia. The State of Human conçus par Tom qui Rights » à Malines en 2012, en même temps qu’elle travaille à la biennale seront dispersés dans de Göteborg et au Steirischer Herbst Festival de Graz (tous deux en sep - la foire. tembre) , Katerina Gregos occupe une nouvelle fonction au sein de Art Une foire peut-elle être autre chose Brussels, celle de directrice artistique. qu’un événement commercial ? Un souhait de Karen Renders, avant qu’elle ne nous quitte prématurément Je voudrais bien réfléchir sur la façon en octobre dernier. Cette dernière, dont Art Brussels - une structure qui pendant les quinze années passées à est importante pour Bruxelles et sa la direction de la foire avait réussi à région - peut aussi construire des rela - faire de celle-ci une référence inter - tions avec la ville, les artistes et la nationale en matière d’art contempo - scène artistique dans le long terme. rain et à lui donner une identité réso - Pour les films par exemple, je suis en lument jeune et libre. C’est dans son dialogue pour le moment avec le Beur - prolongement, et avec comme objectif schouwburg pour inaugurer une pro - de faire coexister la dimension com - grammation de films et de documen - merciale de la foire avec une nouvelle taires pendant toute l’année. fonction - être un outil de développe - Katerina Gregos © David Plas La foire doit pouvoir aider le monde de ment pour le monde de l’art - que l’art. Les foires sont toujours fermées : Katerina Gregos, tout en continuant c’est les collectionneurs, c’est les VIP. son activité de curatrice internatio - l’art contemporain. Je me sens très à on peut les améliorer et ça demande la au premier étage. Un amphithéâtre Ces gens-là ont un pouvoir, il faut pou - nale, a accepté ce nouveau défi. l’aise parce qu’elle me donne la liberté coopération des galeries auxquelles appelé ‘The Stage’construit à l’entrée voir l’utiliser pour aider les artistes. Je artistique et qu’elle a beaucoup j’ai demandé de mettre de la créativité du Hall 3 accueillera des discussions, n’ai pas beaucoup de moyens finan - d’expérience : elle est la directrice dans la présentation des œuvres. « Ce des débats, des performances, la confé - ciers dans les mains, même si mon Qu’est-ce qui vous a amenée à commerciale de toutes les foires qui ne veut pas dire qu’une galerie ne rence de presse. Le programme promet budget est plus confortable qu’il ne prendre la direction artistique d’Art d’Artexis. J’ai beaucoup de chance de doit montrer qu’un seul artiste, même d’être très intéressant. J’ai invité un l’était auparavant, mais je veux vrai - Brussels ? travailler en harmonie avec elle et Nele au niveau d’une exposition de groupe, nouveau collectif qui s’appelle Jubilee ment que la foire joue un rôle pour la Katerina Gregos : Karen Renders Verhaeren qui s’occupe des contacts on peut réfléchir à la manière de faire dont font partie Kathleen Vermeir et communauté artistique bruxelloise. m’avait dit qu’elle aimerait travailler avec les galeries. Je trouve que c’est un stand cohérent, une scénographie Ronny Heiremans, et Katrien Reist qui avec moi, elle était malheureusement une situation très privilégiée parce que un peu plus créative. Face à des collec - a conçu un symposium de deux jours déjà malade. Elle m’a appelée pendant chacun a son métier. tionneurs qui peuvent visiter Bâle, avec le titre ‘The Value of Our Love : Propos recueillis par Colette Dubois Paris, Turin, New York, etc., que pou - Artistic Practice and its economic rea - l’été, mais l’évolution de sa maladie a Comment considérez-vous les foires vons-nous faire de différent ? Nous lity’ Pour avoir une discussion honnête été très rapide et nous n’avons pas pu d’art contemporain ? nous voir. En octobre, après le décès pouvons agir sur la cohérence, sur la au niveau de la fonction d’une foire, La liste des curators et artistes participants à de Karen, Artexis (la société qui orga - K.G. : Qu’on les aime ou non, les présentation au niveau des galeries, sur j’organise aussi un débat qui s’appelle ArtBrussels cette année sont : Ute Meta la qualité des œuvres. ‘Art fairs are they really so bad after nise la foire) m’a contactée et j’ai foires sont une réalité aujourd’hui. Les Bauer (Dean of Fine Art at the Royal Col - collectionneurs s’y rendent, les musées all ?’ un panel autour des collection - débuté au mois de novembre. Débats et vidéo lege of Art, London), Chris Dercon (Direc - y achètent, les curateurs - même ceux neurs - mécènes qui va être modéré par tor, Tate Modern, London), Chris Fitzpa - Avez-vous hésité avant de vous lancer qui sont très critiques - y viennent. Je Quels changements avez-vous mis en Chris Dercon. Un autre débat portera dans ce nouveau défi ? pense qu’il y a une certaine hypocrisie place pour l’édition 2013 ? sur la collection de vidéo, deux panels trick (director, Objectif Exhibitions, Ant - à répéter que les foires sont mauvaises. autour de Bruxelles comme ville artis - werp), Maurizio Morra Greco (collector, K.G. : J’ai beaucoup réfléchi et je n’ai J’avais peu de temps devant moi, De plus en plus de collectionneurs tique importante etc. Et aussi un pro - founder Fondazione Morra Greco, Naples), accepté qu’à la condition de pouvoir moins de cinq mois, j’ai donc décidé vont dans les foires et pas dans les gramme de performances chaque jour. Nav Haq (Curator, MuHKA, Antwerp), continuer à travailler en même temps d’être réaliste et créative. Pour moi, il galeries et, d’un point de vue écono - Jacob Fabricius (director Kunsthal Charlot - comme curatrice indépendante. C’est y avait un problème au niveau archi - Donc, des débats qui seront vraiment mique, elles permettent aux artistes de tenborg, Copenhagen), Gray (indepen - très important pour moi, et pense, pour tectural et spatial. On a une foire d’art axés sur les problématiques liées à la vivre. la foire aussi. qui ressemblait un salon commercial. foire… dent curator, Brussels/Rotterdam), Isabelle Et aussi aux galeristes… On a choisi un jeune designer belge, & Jean-Conrad Lemaître (collectors, Paris), C’est un peu pour cette raison que Exactement. Une autre nouveauté, Tom Mares qui, avec la collaboration Sabrina van der Ley (Director for Contem - vous avez été engagée… Les galeristes doivent vivre aussi et ça c’est le programme des curateurs. de Walt Van Beek, va s’occuper de la porary Art, National Museum of Art, Archi - me fâche d’entendre certaines critiques Cette année, nous avons invité 40 cura - K.G. : Oui et ce poste nécessite d’avoir scénographie des entrées, du restau - tecture and Design, Oslo), Sandra Hegedus venant de curateurs qui ont des jobs teurs internationaux pour voir la foire, du temps pour rester en contact avec rant, de tous les espaces d’accueil pour Mulliez (Founder, SAM Art Projects, permanents dans des institutions. Moi voir les expositions à Bruxelles et leur les artistes, avec ce qui se passe dans apporter une nouvelle expérience de aussi je suis critique vis-à-vis des proposer d’entrer en contact avec des Paris), Hans Ulrich Obrist (Co-Director, les musées, dans les galeries. Je ne l’espace. artistes à Bruxelles pour des visites Serpentine Gallery, London), Nataša viens pas du tout du côté commercial foires - certains côtés sont probléma - d’ateliers. Je trouve que c’est très Petrešin-Bachelez (independent curator, et c’est la connaissance du terrain qui tiques, les conditions de vision ne sont J’ai supprimé ‘Art in the City’et important pour les artistes et pour les Paris), Andrea Phillips (Reader in Fine Art me donne la confiance et l’inspiration pas les meilleures, etc. - mais d’une ‘Vidéo in the city’pour mieux focaliser galeries de favoriser ces contacts qui pour faire ce travail. Donc, en ce façon constructive. Je pense que nous sur l’intérieur de la foire. Je pense que in the Department of Art, Goldsmiths, Uni - peuvent apporter quelque chose dans le moment, nous sommes deux direc - sommes dans un moment où il y a de la vidéo est quelque chose de particu - versity of London, and Director of the Doc - futur. Une autre chose, était de réflé - trices, une artistique et une pour le côté nombreux défis. Les curateurs, les col - lier qui nécessite une configuration toral Research Programmes in Fine Art and chir sur la manière d’aider les petits ‘business lectionneurs ont une certaine lassitude spatiale adéquate. A cet effet, ‘The Curating), Anne-Claire Schmitz (director, espaces à Bruxelles qui ont un rôle clé des foires. Le moment est bien choisi Cinema’un nouvel espace conçu par La Loge, Brussels), Dirk Snauwaert (Direc - Avez-vous des rôles bien définis ? pour proposer autre chose, notamment Tom sera construit au sein de la foire dans la vie artistique de la ville. J’ai tor, Wiels, Brussels), Guy Ullens (Founder, au niveau de la présentation des gale - pour y montrer une sélection de vidéos invité et donné carte blanche à six K.G. : Je suis directrice artistique et Ullens Center for Contemporary Art, Bei - ries. Les foires en général ont un for - de courte durée proposées par les gale - d’entre eux : Komplot, Etablissement mon rôle c’est de diriger tout ce qui a mat assez strict parce que les para - ries. Mon rôle curatorial entre en jeu d’en face, SIC, La Loge, Maison Gré - jing), as well artists Agency / Kobe Mat - un aspect artistique : la programmation mètres sont dictés par des considéra - puisque je ferai la sélection. Pour les goire et Institut de Carton. thys, David Claerbout, Gabriel Kuri, Hans artistique, l’architecture, la scénogra - tions commerciales. Idéalement, galeries, il s’agit d’une plateforme Op de Beeck, Olaf Olsson, Bik van der Pol, phie, l’identité graphique, la program - Avez-vous prévu quelque chose pour j’aimerais bien casser ce format, mais additionnelle pour montrer leurs Zin Taylor, Sissel Tolaas . mation du volet discursif, etc. Je veux l’espace revue - ce long couloir avec d’un point de vue financier, ce n’est artistes. le faire dans une vision à long terme de de tristes pupitres où les responsables pas possible. On doit donc travailler la foire. Anne Lafère est directrice Jusqu’à l’an dernier, tous les débats des revues se sentent un peu hors avec les paramètres nécessaires pour commerciale, on travaille très bien étaient organisés dans une salle sinistre jeu ? matérialiser la foire et voir comment ensemble. Elle comprend et elle aime Paula Muhr Carine Kraus

DOUBLE FLOWERS ESSENTIEL(LE)S AND OTHER STORIES 2.3.2013 – 27.4.2013 2.3.2013 – 27.4.2013

Gerson Bettencourt Ferreira Susanna Majuri - Mari Hokkanen Kati Leinonen - Anni Kinnunen TAPAAMINEN PUISTOSSA AND OTHER ARTISTIC TAPAS MAGIC AND DREAMS 04.05. - 15.06.2013 04.05. - 15.06.2013 1 1 0 2

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www.centredart-dudelange.lu Page 11 MAC’s

Maria Marshall: I Love You Mummy I Hate You

L’une des images de la célèbre série par la vidéo (boucle, ralenti, inversion, Immediate Family de Sally Mann …), l’artiste réalise un important tra - s’intitule The Last Time Emett Mode - vail de postproduction sur la plupart de led Nude (1987), un titre qui suggère ses films. C’est ce qui a rendu pos - que son fils, à l’aube de l’adolescence, sible, parmi de multiples exemples, les n’était plus trop enclin à jouer le rôle ronds de fumée qui sortent de la de l’enfant (pas si) innocent pour les bouche de son fils âgé de deux ans besoins du travail artistique de sa (When I Grow Up I Want to Be a mère. Peut-être que Maria Marshall, Cooker , 1998). Citons encore le fasci - dont les fils sont les modèles quasi nant When Are We There? (2000), où exclusifs, se trouvera un jour dans une les effets spéciaux créent l’impression situation similaire. Mais, à l’âge de 13 que la chair de l’artiste est comme ans, le plus jeune était toujours prêt à mise en mouvement par le mouvement endosser ce rôle, comme en témoigne I de la caméra, ou par le regard du spec - Saw You Crying (2009). Il s’agit de tateur. l’une des œuvres les plus récentes de l’artiste, mais aussi l’une des plus pro - C’est cette relation aux codes de vocantes, qui montre le jeune garçon l’esthétique cinématographique, ainsi pointer un revolver vers nous, tirer une que de nombreuses références à l’his - balle filmée au ralenti, tandis que son toire de la peinture, qui a guidé Lau - expression passe lentement de la joie rent Busine, commissaire de l’exposi - au chagrin, la couleur de l’arrière-plan tion et directeur du MAC’s, dans le changeant du jaune vif au rouge sang. choix de la douzaine d’œuvres expo - Réalisé en 35 mm, le film a été pré - sées (parmi lesquelles figurent celles Vue d'exposition Maria Marshall MACs © Ph De Gobert senté avec dix autres œuvres de Maria mentionnées ci-dessus), en étroite col - Marshall au Festival de Sundance en laboration avec l’artiste. Toutes sont lule capitonnée, à l’issue d’un long tra - artistes de sa génération est la manière Maria Marshall : I love you mummy, 2009. Cette reconnaissance de la part reliées d’une manière ou d’une autre à veling arrière. L’enfant est-il protégé dont elle use de moyens de production I hate you de la plus célèbre organisation de pro - Don’t Let the T-Rex Get the Children de lui-même et du monde extérieur, ou très complexes sans jamais altérer la Site du Grand-Hornu Rue Sainte- motion des films indépendants (Sun - (1999), une pièce de Maria Marshall est-ce le contraire ? Les films de Maria nature introspective de son travail. Le Louise 82 BE-7301 Hornu dance ne se limite pas à son festival) achetée pour le MAC’s par Busine, et Marshall sont peut-être une manière résultat prend la forme de grandes ins - http://www.mac-s.be démontre, si besoin en est, les liens qui laissa une forte impression sur le pour elle d’exorciser les peurs liées à tallations ou de simples écrans : le étroits qui unissent Maria Marshall et public lorsqu’elle fut montrée en 2002. la maternité mais, ainsi que le titre de MAC’s, avec sa variété d’espaces, est le monde du cinéma, tant du point de Le film commence par un gros plan sur l’exposition le suggère, ils donnent l’endroit idéal pour l’exposer. vue visuel que technique (elle prépare le doux et calme visage d’un enfant qui également une voix à l’enfance – pour actuellement un long métrage). Car en se révèle être attaché dans une cami - le meilleur et pour le pire. Ce qui fait P.-Y. D. plus d’utiliser tous les moyens offerts sole de force et enfermé dans une cel - de Marshall l’une des plus talentueuses MAC's: > 02-06-2013

LA LOuVIÈre David Lynch : images et cauchemars, ombre et clarté

Cinéaste reconnu, Lynch (1946) est rêvés au cours d’un sommeil qu’on seraient des histoires au cours des - aussi graveur passionné. Il donne de pressent agité, imaginés comme avenir quelles l’environnement familier notre monde chaotique une vision hypothétique. L’image, réalisée en deviendrait étrange, insolite, dévoyé, puisée dans les cauchemars d’une grande partie avec les doigts enduits meurtrier à la suite de quelque distor - humanité inquiète, victime de ses d’encre posés directement sur la pierre, sion de l’imaginaire. dérives mentales et technologiques, à bénéficie d’une facture particulière. La l’avenir rendu incertain parce qu’au fluidité du geste se transmet au dessin, Derrière cette imagerie présentée bord de sa propre apocalypse. le dynamise. Elle fait fi de détails trop comme une succession de scènes, se minutieux pour se concrétiser dans profile une perception pessimiste du La série de gravures « Paris Suite » l’essentiel. monde. Même si sous la noirceur du atteste bien que Lynch est homme de visible se décèle, au-delà, une lumière, cinéma. Elles se présentent en effet Les décors se limitent à notifier le souvent claire-obscure, parfois poten - entre l’organique observé au micro - lieu, présence inscrite à traits rapides, tiellement éclatante. Ce qui rappelle scope et des personnages de dessins indices davantage que précisions docu - que le mot crépuscule, en français, animés regardés sur écran. Ce sont mentaires. On y retrouve, immergé s’applique aussi bien à l’aube qu’à la enchevêtrements et juxtapositions évo - dans une brume, un demi-jour crépus - tombée de la nuit ; sa luminosité quant virus, bactéries, cellules mais culaire comme dans certains tableaux à implique par conséquent aussi bien un également signes, graphies, allusions connotations sociales du XIXe siècle et commencement qu’une fin. vaguement figuratives. Entre les unes du début du suivant lorsqu’ils décri - et les autres se produit une tension qui vaient les paysages industriels. Les Michel Voiturier suggère le mouvement. personnages ne disent pas un individu mais plutôt un être collectif en qui se David Lynch, «Paris Suite» On se trouve face à un univers qui cristallisent des effrois traduits au relève à la fois d’une certaine rigueur moyen d’expressions héritées du « Cri Centre de la Gravure et de l’Image et d’une totale fantaisie. L’affirmation nées en un équilibre aussi fragile que sion, de catastrophe, de monstruosité » d’Edward Munch, tant à travers les imprimée, 10 rue des Amours, La noire des lignes et des traits en guise ceux actés par des cartographes spécia - inscrites dans une continuité révéla - mimiques que la gestuelle. Pour le Louvière, jusqu’au 19 mai. de dessins autant que de cernes autour lisés en géopolitique. trice. Celle de l’inquiétude, ou plutôt reste, l’artiste a recours aux mots pour Infos : 064 27 87 27 des éléments disposés sur le papier se de l’angoisse, face au déchaînement de préciser ce dont il témoigne. voit contrastée par la présence de Le noir lui va si bien la violence chez certains êtres, face à Catherine de Braekeleer, Marie Van zones rouges. Celles-ci envahissent l’intensité des débordements naturels Il y a similitude entre cette production Bosterhaut, « David Lynch, Circle of Les lithographies, en noir et blanc des territoires ou les engendrent. Un ou technologiques. Face aussi à d’estampes et le storyboard du travail Dreams », La Louvière, Centre de la celles-là, s’aventurent du côté d’un affrontement permanent se lit entre l’atemporel de la souffrance et de la préparatoire au tournage d’un long Gravure, 64p. (15€) expressionnisme mâtiné de fantastique. l’obscur et le saignant ou le passionnel mort. métrage. On aisément que la Le domaine qu’explore Lynch res - ; on y pressent des connivences plupart des gravures serviraient de semble par sa sauvagerie au contenu d’alternances, une sorte de puissance Entre sadisme et catastrophes, c’est point de départ à un scénario, de de pas mal de films. Le fantasme est interne qui maintient les formes dessi - l’étalage des côtés sombres de source d’inspiration pour un film. Ce ici roi. Il étale des obsessions d’agres - l’homme. Ce sont ses cauchemars, Page 12 55 ème Biennale de Venise

Il Palazzo Enciclopedico

(137 étages) pour abriter tous les arts Ainsi à présenter un « art différent » et les techniques du monde, telle une (ou à le présenter différemment ?), Tour de Babel de l’art. Ceci résume la doit-on considérer que cette exposition teneur du projet : exposer sous forme annonce un repli face aux avant-gardes de cabinet de curiosités des artistes qui et une certaine régression (comme je le sont sans le savoir et des utopistes l’ai entendu formulé en coulisse) ? Je qui ambitionnent de partager la con - ne le pense pas car l’option choisie en naissance nichée au champ de l’esthé - tournant vers un passé plus ésotérique tique. Si l’on précise que le projet ne condamne pas l’art moderne et con - entend faire la part belle aux obses - temporain (avec la présence de Carl sions, aux bricolages, aux faits bâtis Andre, James Lee Byars, Fischli & sans visée artistique comme à l’art Weiss, Frédéric Bruly Buabré, Duane contemporain en son versant étrange Hanson) et surtout reste sans doute de plutôt que spectaculaire, l’on saisit l’ordre d’une pensée radicale (qui en d’emblée que l’entreprise ira puiser du gênera plus d’un). Est-ce à dire que la côté de l’art outsider (Augustin Biennale se muséologise ? Je ne crois Lesage), de l’excentrique (Aleister pas non plus, ou pas plus que pour édi - Crowley & Frieda Harris), du cos - fier un musée temporaire qui permette mologique (Shaker Gift Drawings), de des avancées en art, en phase avec un la géologie (Roger Caillois), allant du monde qui change. Mon inquiétude ? naturel (Christopher Williams), au bes - Est-ce que ce programme sera lisible ? tiaire (Walter Pichler) et au fantastique Au vu de l’abondance d’œuvres (150 (Christiana Soulou), de l’anthropomor - et sans doute de nombreux petits for - phique (Guo Fengyi) au sociologique mats). Du fait que le projet sera noyé (Robert Crumb), à la guerre (Camille dans la pléthore de pavillons nationaux Henrot) et au genre (Sharon Hayes) (et de Biennale off). Et qu’il sera balayant ainsi le 20 e s. jusqu’à vraisemblablement exigent ! aujourd’hui. Car le programme entend se concentrer sur la matière visuelle de Au rayon des scoops, l’on retient dans même que sur la vision imaginaire. la section « théâtre-performance »,

Phyllis Galembo (New York, 1952) Cowboy, Tumus Masquerade Group, Winneba, Ghana, 2009 Ilfochrome, 76 x 76 cm. Courtesy the artist and Steven Kasher Gallery, New York

55 ème Biennale de Venise : constellation de 9 îles dans le Paci - (Corée du Sud) en 2010 et nommé « Il Palazzo Enciclopedico » fique polynésien qui vient de se con - directeur du New Museum (for Con - 1er juin / 24 novembre 2013 stituer en état (un territoire constam - temporary Art) à New York la même commissaire: Massimiliano Gioni ment menacé par la submersion), du année, Gioni accumule une vaste (Pavillon central et Arsenal) Saint Siège dont la participation était expérience internationale, incluant la Pavillons nationaux: 88 pays attendue depuis quelques années. C’est création de la Wrong Gallery ou participent cette année. chose faite pour 2013. Les autres nou - galerie non commerciale montée avec veaux venus sont le Bahreïn, les Mauricio Catellan à New York, puis Bahamas, la Côte d’Ivoire, le Kuweit, d’un espace appelé Family Business Qu’a révélé la Conférence de presse à les Maldives et le Paraguay. Enfin et comme plateforme proposée à des l’Institut Italien (Paris) concernant la de trois : la colonne vertébrale de cette artistes qui n’ont encore jamais prochaine Biennale de Venise* ? Et entreprise, ce sont les artistes exposé. L’on est sensible à la diversité quelles sont les questions que soulève courageux de se lancer dans cette « de ces entreprises pas toutes cha - ce programme sachant qu’on ne cour des lions » à ajouter quelque peautées par l’institution, de même que Christiana Soulou (Athènes, 1961) Griffon, 2012 Pencil on paper, 21 x 30 cm jugera de rien sans avoir vu ? chose au dédale d’images existantes. par le profil modeste du personnage Copyright the artist, courtesy Sadie Coles HQ, London Mais ils sont là pour nouer le dialogue intéressé à déstabiliser ou a minima, à D’abord, c’est Paolo Baratta, président avec les autres artistes, avec le public, déplacer les balises de l’ establishment apprécié de la Biennale (qu’on a la avec les jeunes (invitation de nom - en art. Au sujet de sa mission à Venise, C’est ce qui explique qu’on trouvera l’intervention de Marco Paolini cau - chance de voir maintenu tandis qu’un breuses universités), dans un esprit de il exprime vouloir aller au-delà du « dès l’entrée du Pavillon central, le livre sant d’objets devenus inutiles ainsi que sombre candidat berlusconien se pres - « liaison ». Baratta exprimera ensuite nouveau » en art, et rassembler du Red (1914-30) écrit ainsi que riche - celle de John Bock et du jeune anglais, sait au poste), qui a rappelé les trois la perspective historique que ne peut matériel historique et hétérogène ment illustré par C.G. Jung (et récem - Roger Hiorns. L’on note la présenta - grands axes de la Biennale en plus manquer de prendre toute mon - autant que contemporain - plus que de ment édité). Cette imagerie mythique tion d’une œuvre majeure de Walter général. De un : elle s’organise stration d’art contemporain. C’est la montrer le big art qui se prend les révèle au psychanalyste l’existence De Maria, artiste encore jamais montré (depuis 1998) en deux piliers étant les conséquence de notre accessibilité pieds dans le tapis du marché, son d’un inconscient collectif - exempt de à la Biennale. L’on remarque la propo - pavillons nationaux d’une part et la généralisée aux images via le net – des symptôme. Il n’estime pas être l’inven - pulsion sexuelle, ce que Freud avec qui sition de Cindy Sherman à monter « grande exposition confiée à un com - images d’actualité comme du passé, teur de cette formule (lui qui connaît il entre en conflit, qualifiera de folk - une exposition dans l’exposition » missaire indépendant de l’autre, le tout d’ici et d’ailleurs dans une synchronie ses classiques, et les entreprises d’Har - lorique ! Il démontre une synchronie avec une immense collection de visant à la pluralité des voir et des inouïe. Aussi, revient-il à l’artiste de ald Szeemann en particulier), mais il la de différents temps historiques à poupées, mannequins et idoles en savoir sur fond de parfaite autonomie créer des formes relatant la complexité renouvellera pour toucher aux fonda - l’œuvre dans l’image, ce qui captive provenance du milieu carcéral. Sans des parties – et de totale indépendance de ce monde pris dans un nouveau mentaux en cet univers colonisé par Gioni dont une des questions essen - compter la présence d’une série par rapport au marché. Voilà qui est dit maillage tant sur le plan historique que l’image. tielles est de se demander quelle place d’artistes avérés (Robert Gober, Steve ! De deux : la Biennale étend chaque géographique. est laissée à nos images internes en McQueen, Marisa Merz en face à face fois le nombre de pavillons partici - Ensuite est intervenu Massimiliano Il Palazzo Enciclopedico sera le titre cet ère hyper-connectée et comment avec Maria Lassnig, Wade Guyton, pants. Pourquoi ? Parce que ces pays Gioni (38 ans) désigné commissaire de adopté, moins fourre-tout qu’il n’en notre imaginaire impacte nos con - Albert Oehlen, Erik Van Lieshout, veulent exister et qu’ils désirent la grande exposition. Successivement paraît, étant repris à l’entreprise colos - naissances. Et dans ce droit fil, quel Tino Sehgal, Jim Shaw) et de figures imposer une certaine résistance à critique pour Flash Art, commissaire sale et méconnue de Marino Auriti, un est l’apport de l’image au savoir, voire plus étonnantes (Melvin Moti, Ron l’amalgame mondialiste. L’on assiste d’exposition pour Manifesta 5 (San mécanicien-bricoleur italien émigré quels sont les messages délivrés par Nagle, Jose Antonio Suarez Londono, cette année à l’entrée du Kosovo en Sebastian, 2004), pour la Biennale de aux USA qui avait soumis à Washing - l’image, un point de vue qui nous sort Viviane Sassen, Pamela Rosenkranz) tant que pays émergent, du Tuvalu ou Berlin (2006), pour celle de Gwangju ton en 1955 le projet d’un bâtiment fou du formalisme en art. dont l’assemblage et la succession Page 13

Massimiliano Gioni : « Je sens la responsabilité de faire une exposition qui laisse une empreinte, je ne sais pas si je vais vraiment y arriver. »

Commençons par le nom de l’Expo - poids de cette responsabilité ? sition, Palazzo Enciclopedico, qui e que je sens – bien que cela me gêne évidemment fait penser à un réser - de l’admettre – est plutôt la respons - voir de langages expressifs diffé - abilité de l’histoire : peu importe ce rents. Pourquoi ce choix ? que je fais, parmi les nombreuses expositions que j’ai réalisées, c’est Massimiliano Gioni : Le titre « Il celle-ci dont on va se souvenir le plus Palazzo Enciclopedico » est le nom par longtemps, pour le bien et le mal. Et lequel Mario Auriti – un artiste autodi - bien évidemment pas grâce à moi, dacte italo-américain – avait baptisé mais tout simplement parce que les son modèle pour un musée imaginaire biennales existent maintenant depuis – et jamais réalisé – dans lequel devait 110 ans et qu’elles font partie de l’his - contenir tout le savoir de l’humanité. toire de notre pays et de l’histoire de Le désir impossible de regrouper la l’art. connaissance dans un lieu unique m’apparaît comme un problème très Et encore, plus que de sentir la respon - actuel, que l’on expérimente chaque sabilité d’être rigoureux, je sens la jour par nos portables et nos ordina - responsabilité de faire une exposition teurs. Toutefois, le Palazzo Enciclope - qui laisse une empreinte, qui change dico donnait aussi l’idée d’une forme les choses, et là, je ne sais pas si je vais de connaissance qui est fondée sur les vraiment y arriver. images, ce qui – encore une fois – m’apparaît comme un problème fonda - Quelle est, parmi les dix dernières mental non seulement de l’art récent, éditions de la Biennale, celle que mais également de toute l’histoire de vous avez aimé le plus et celle que l’art et finalement de l’histoire même Massimiliano Gioni, © Biennale venezia vous avez aimé le moins et de l’humanité. Cela peut sonner pourquoi ? Votre intention est celle comme une banalité, mais pourquoi La Biennale de Venise compte parmi que probablement je vais bientôt de rompre avec le passé ou plutôt de rêve-t-on des images ? Pourquoi l’être les plus anciennes et les plus presti - M.G. : Je dis toujours que je n’aime arrêter d’organiser d’autres biennales. garder une continuité ? humain est-il le seul animal en mesure gieuses expositions d’art contempo - pas utiliser ce mot de « critère ». Les Et je ne me sens même pas si jeune de concevoir des images et le seul qui rain au monde. Or, aussi les artistes artistes et les œuvres, on ne les choisit que ça : dans beaucoup de secteurs de M.G. : Il est difficile de ne limiter le – apparemment – les intériorise dans qu’y participent devrait l’être. Quels pas selon des critères précis, de la la créativité et de l’innovation, l’âge choix qu’aux dix dernières années. En sa tête ? sont, d’après vous, les conditions qui même façon que l’on ne choisit pas ses moyen a considérablement baissé, réalité, je les suis toutes depuis 1993 et De ces questions, est née une exposi - définissent l’importance d’un amis et ses amants à partir de règles parce qu’on vit dans un monde tou - justement celle de ‘93 a beaucoup tion qui s’interroge sur l’espace du artiste ? Avec quels critères avez- établies. Il s’agit d’un processus plus jours plus compétitif. changé la géographie et le panorama rêve, sur l’image et sur l’imagination. vous procédé à une sélection ? Et organique, d’affinités et d’intensités, de l’histoire de l’art. Celle de 1995, de qu’est-ce que vous cherchez à bien sûr pas de conditions préalables. Pour ce qui concerne mon expérience à Jean Clair, a été une exposition démontrer par votre proposition ? Dans le cas spécifique de mon exposi - Venise, comme je n’ai pas encore rigoureuse, très riche d’inspirations. tion, j’ai essayé d’estomper la distinc - quarante ans, on s’attend de moi peut- Celle de 1997 un miracle réalisé en 6 tion entre artistes professionnels et être à une plus grande capacité de mois et à chaque fois, je me demande raconteront surement une histoire orig - 2012 "Wunderkammer - Cabinet de artistes amateurs ou des personnes qui changement, voire une certaine comment cela a pu être possible. Celle inale et instructive. Quant aux artistes curiosités contemporain" au Palazzo ne sont même pas des artistes visuels, hardiesse. Et peut-être que je risque de 1999, la première de Harald Szee - belges retenus par Gioni, ce sont Th. Widmann» une douzaine d’oeuvres y mais des écrivains ou d’autres person - même quelque chose de plus par rap - mann, un autre choc au système, avec De Cordier, J. De Gruyter et H. Thys, seront présentées: Pascal Bernier, nalités, qui ne sont pas forcément au port à mes prédécesseurs pour lesquels de nouveaux espaces, des dizaines P. Van Caeckenbergh et Norbert Charley Case, Wim Delvoye, Laurence centre du débat de l’art contemporain. la Biennale arrivait au couronnement d’artistes inconnus provenant de Ghisoland (1878-1939, photographe Dervaux, Jan Fabre, Jean-Luc Moer - Je crois qu’il est important de ramener de leur carrière. D’autre part, j’espère Chine, une vraie exposition de rupture. du Borinage). Tandis que le Pavillon man, Michel Mouffe, Bénédicte van l’art contemporain sur un dialogue plus vraiment d’avoir pris un bon nombre Celle de 2003, organisée par Bonami, est attribué à Berlinde De Bruyckere Caloen, Patrick van Roy, Vincent Sol - serré avec d’autres expressions figura - de risques par cette exposition, sinon un autre changement de paradigme qui a choisi pour commissaire, heid et Sofi van Saltbommel.) tives et d’autres secteurs de la culture. ces occasions ne servent à rien. avec des dizaines d’expositions et une l’écrivain sud-africain J.M. Coetzee. Et Sinon, le risque est de reléguer l’art à ouverture géographique incroyable. en off, l’on s’attend à deux événements Un dernier mot de Gioni sur sa très une forme de divertissement ou à une Quand vous avez su que vous aviez Celles-ci sont mes biennales préférées, qui représentent la Fédération Wal - remarquée exposition After Nature simple question de marché. Par contre, été choisi, quelle a été votre émotion, parce que c’est au cours d’elles que lonie Bruxelles : le premier confié à (New Museum, 2008), je le cite : en il est important – surtout aujourd’hui, du moment que, évidemment, les j’ai tout appris. Parmi celles des dix Laurent Jacob (E2N) à la Gallerie fait, l’exposition ne se construit pas dans un monde où l’on vit assiégés par yeux du monde entier sont tournés dernières années, il y en a bien sûr dell’Academia sous l’appellation Le sur base de son titre ou d’un concept les images – de garder à l’esprit que vers vous ? Considérez-vous beaucoup qui m’ont plu. retour de l’enfui (dialogue entre directeur singulier, mais à partir d’une l’art est une partie intégrante de notre « votre » biennale comme un point Pour ce qui concerne la dernière ques - œuvres d’art premier, ancien, moderne série de travaux* . Entendez d’une vie et qu’il peut nous apprendre à voir d’arrivée ou plutôt comme un point tion, j’espère évidemment qu’on va se et contemporain) et le second relevant série d’œuvres d’art qu’il vaut de sortir et à naviguer dans cette mer d’images de départ ? souvenir de ma Biennale pour avoir été d’un processus créatif en temps réel et de leur mutisme. En faisant appel à qui désormais nous dépasse. différente des autres, mais ce qui est sur le web dirigé par (Sic). A faire et à une vaste recherche ouvrant le champ M.G. : Je crains qu’il s’agit d’un point beau dans la Biennale est aussi le fait suivre ! de l’art et ce, pour en déceler les per - Selon vous, comment et en quelle d’arrivée, toutefois j’espère qu’elle va de faire partie de cette histoire et de (NDLR: En off des off, soutenu par la spectives à venir, assurément. mesure votre âge et votre parcours pouvoir servir de point de départ pour découvrir que malgré tous nos efforts, Fondation Wilmotte on retiendra cette professionnel ont-ils influencé dans d’autres aventures. Et quelle a été mon on fait toujours partie d’une tradition. année la participation de Marin Kaz - Isabelle Lemaître la gestion de cette exposition ? émotion ? J’ai été très heureux, honoré, Et de plus, chaque biennale apparaît imir avec une rétrospective ambitieuse il s’agit bien aussi du couronnement plus belle après deux ans, donc je mets en trois volets: des projections sous * Pour plus d’information : M.G. : En réalité, il s’agit de ma qua - d’un rêve pour quelqu’un qui fait mon tous mes espoirs dans l’édition de forme de tondos à la Fondaco dei ** tiré de la revue The Exhibitionnist, trième biennale, après celles de Mani - métier. Toutefois ce n’est pas une 2015 ! Angeli à Cannaregio; l’installation Journal on exhibition making n°1, festa, de Berlin et de Gwangju. De plus tâche facile, non seulement en rapport d’une sculpture couverte de miroirs Berlin, jan. 2010 en 2003, j’ai eu la possibilité – grâce à aux attentes et aux yeux tournés vers Propos recueillis via Email par dans l’église de la Scuola San Gio - l’invitation de Francesco Bonami – moi, mais aussi parce qu’il faut arriver Allessandra Carini vanni Evangelista, et enfin dans le d’organiser une petite section de la à organiser une exposition avec un Spazio Badoer, une présentation Biennale de Venise et il y a quelques budget très réduit. d’œuvres sous forme de rétrospective années, j’ai fondé la Triennale du New de son travail. Antonio Nardone sera Museum. Or, hélas, je suis un vétéran La Biennale devrait donner une lui aussi présent avec la duplication de des biennales et peut-être que le fait représentation très rigoureuse de son exposition au Botanique de fin d’être arrivé à Venise si jeune signifie l’art de notre temps, sentez-vous le Page 14 Oeil pour oeil, dent pour dent , or pour or.

virevolter à mains nues. Elles peuvent être vio - sont de vrais bons réussis mauvais ratés dessins. lentes parfois, certaines ont des bâtons, des gour - C’est gribouillé n’importe comment, au mépris dins. Elles effraient les enfants. Un détail marrant des proportions et de la perspective, mais c’est un est que le plan de l’exposition de Thys & De plaidoyer pour l’expression libre, pour ne pas dire Gruyter au Muhka ressemble justement à une libérée. Parce qu’il y a toujours quelque chose poupée « en plan » vue d’en haut. d’un peu concentrationnaire qui flotte dans l’air, là, quelque part. Notre duo d’artistes a un faible pour des figures Dans le même temps, ces dessins forment un por - telles que Peter Falk et l’inspecteur Columbo, Jim trait de l’obsession qui caractérise la pratique Henson et Kermit la grenouille du Muppet show, artistique et de l’art minimal en Flandre, ou dis - ou les d’Artagnan du théâtre de Toone à Brux - ons en Belgique pour être moins circonscrit, ou elles. Ils aiment les avatars qu’on manipule et qui, disons même en Europe et dans le monde. C’est à force, nous manipulent. Ne serait-ce que volon - un portrait empreint d’ironie tout autant que tairement, comme lorsqu’on s’identifie aux per - d’empathie du goût pour l’épure, qui fait consen - sonnages qu’on incarne, jusqu’à les habiter plus sus de Batibouw à Art Brussels (pas toujours que de raison. C’est que l’œuvre de Saint Luc est cependant, parfois l’inverse l’emporte et on ne une œuvre difficile. C’est un petit exercice sait pas si il y a lieu de s’en féliciter). optique et mental de représentation, d’incarnation et de dédoublement. Essayer de voir trouble, en Placées à intervalles, avec de grands espaces 3D. Une histoire d’aller/retour. Il s’exprime dans autour, il y a aussi parfois des chaises, sur le tableau là où la Vierge se dresse en majesté et lesquelles les gardiens peuvent s’asseoir. où le dessin de l’artiste la représente en miroir. Il faut pouvoir adopter avec souplesse les deux L’exposition, au niveau de sa scénographie croise points de vues (mais au fond que regarde la l’univers de la muséographie idéale et de la salle Vierge et à quoi pense-t-elle pendant ce temps?). de conférence idéale, ou de l’hôpital psychia - On dit que c’est ce que font les acteurs, comme trique idéal. C’est vide, c’est propre et il y a de la lorsque untel prend vingt kilos pour un rôle, ou place pour penser. On entend même le bruit con - qu’une autre fait six mois d’art martiaux, jusqu’à tinu et apaisant de l’eau qui coule d’une sculpture menacer son boucher, un lundi, d’une passe de centrale de 2013 qui se nomme « De Drie Wijs - Taekwondo. neuzen », soit les Trois prétentieux.

A chacun sa méthode. L’espace est scindé en trois zones. Il y a la zone des dessins dont on vient de parler et des sculp - Harald Thys & Jos de Gruyter aiment le travail tures dont il sera bientôt question. Il y a une zone bien fait, les sonates à quatre mains, à six mains, où est exposée une série d’œuvres de 2012 qui se à douze mains. Dans le générique de leur exposi - nomme “The White elements”. Ce sont également tion, ils remercient une série de collaborateurs. Il des dessins mais ils sont accrochés au sommet de y a la fille qui a fait les sculptures en terre glaise. piliers de bois placés en rang d’oignons dans Il y a un garçon qui s’est occupé du travail du l’espace. C’est une salle qui pourrait être nom - métal. Un troisième a fait le montage vidéo, mée, par défaut, la salle des Îles de Pâques , du comme d’autres auraient tourné un pot. Ils ont nom de cet atoll sur lequel on a retrouvé des collaboré pour les costumes, pour les décors... sculptures monumentales dont on ne s’explique Enfin ils ont beaucoup délégué puisque pas qui a bien pu les faire et comment. Et on se aujourd’hui il y a des curateurs, comme on dit. Ils retrouve projetés là-bas face à ces colosses de n’ont pas fait grand-chose parce que leur entre - pierre, perplexes, complètement perdus, sinon prise artistique est une quête du rien (dans ce con - peut-être secrètement mis en relation avec les texte-ci du moins). C’est une œuvre de dénue - forces primordiales qui ont toujours été à nos ment comme la défendent les protestants, comme côtés. Perdus, au moins jusqu’à l’aéroport, en façonnent les ermites retirés dans leurs grottes, jusqu’à notre retour en Belgique et puis après, et les stylites au sommet de leurs colonnes. avec la Poste et le Delhaize, ça passe, tout cela ne semble avoir été qu’une illusion, qu’un rêve. Ils disent qu’ils ont surtout entrepris de patienter voire de beaucoup s’ennuyer comme lorsqu’ils décrivent encore dans la même interview leur démarche créative en ces termes : C’est toujours le même processus. Longtemps observer, souffrir, En imaginant qu’il y a des patients qui consultent ment punis. Nous ne survivrons sans doute pas. ressentir une bonne dose d’angoisse et d’excita - et des praticiens qui reçoivent et observent, nous En tout cas, le châtiment sera encore plus sévère tion, et puis lentement se mettre à l’œuvre et exé - avons de ce côté-ci de la mer du Nord, Harald pour le public.” cuter le projet. Ça, c’est un secret ! Une œuvre Thys & Jos De Gruyter qui portent les costumes commence le plus souvent par un accord mutuel à des uns et des autres. Ils sont le maître et Oeil pour oeil, dent pour dent, or pour or. propos d’une certaine atmosphère relative à une l’esclave de Karl Marx. Ils sont le malade et le situation, une personne ou une scène de film. médecin. Il sont la personne souffrante en même Dans les représentations de la scène de « Saint luc Ensuite, nous produisons des maquettes pour voir temps qu’ils sont la personne qui a appris à “pren - peignant la vierge » dont on doit historiquement si cela donne quelque chose d’intéressant. Nous dre de la distance”, à ne pas trop “prendre sur de beaux morceaux à des peintres tels que Rogier ne discutons pas beaucoup entre nous. Les trajets soi”, à être dans cette rapidité et précision d’exé - Van der Weyden, Martijn Van Heemskerck et en voiture sont fondamentaux dans notre pra - cution qu’on attend a fortiori d’eux et pour plus tard Pierre Mignard, il arrive qu’une main tique, ils nous permettent d’entrer dans une sorte lesquels on les paie. appartenant à un ange ou à quelque personnage de transe . invisible symbolisant l’inspiration se glisse par C’est à dire que... c’est une esquisse rapide; les dessus l’épaule du saint et le guide dans l’exécu - Outre le fait d’ériger les trajets en voiture au rang choses dans le monde ne sont pas si divisées. Ils tion de son dessin. Par exemple, dans le tableau des beaux-arts, Harald Thys & Jos De Gruyter postulent qu’ils sont là un peu par hasard, qu’ils de 1520 de Jean Gossart conservé au Kunsthis - proposent à Anvers une exposition qui est toute ne sont pas responsables de tout, qu’ils sont les torisches Museum de Vienne, un être ailé se tient en retenue, toute en élégance. Une exposition serviteurs d’une cause qui s’exprime à travers proche de l’épaule de Saint Luc qui se trouve à pince-sans-rire. Une exposition: vous frappez ma nous, à travers tout. l’avant-plan dans son costume de velours rouge joue droite, je vous tend ma joue gauche. avec sa toque, une feuille de papier disposée sur Dans la brochure qui est distribuée au visiteur de une planche de travail, et sa mine de plomb que Elle associe, dans une sorte de sublime équilibre, leur exposition rétrospective présentée en ce l’ange oriente de ses doigts posés là sur son le minimal au baroque, le conceptuel à l’expres - printemps 2013 au Musée d’art contemporain poing. sionnisme. Sur des murs peints dans un gris d’Anvers sous le titre d’OPTIMUNDUS, que l’on souris semblant avoir été étudié pour l’effet La troisième salle quant à elle est une salle de pourrait traduire cahin-caha comme signalant Le super-cerveau qui influence Thys & De d’apaisement ou au contraire de délicate anxiété projection de même qu’il y a souvent une salle de l’existence d’un monde meilleur, du mieux, de Gruyter a-t-il les mêmes formes potelées que qu’il procure (conformément à cette science de séminaire au musée, au parlement européen, à l’optimal, voire du meilleur monde, d’un monde notre être ailé ? Un artiste est-il véritablement l’effet somatique des couleurs à laquelle des psy - l’hôpital ou dans les grandes entreprises. C’est idéal, figure ainsi un entretien dans lequel le duo l’auteur de son œuvre ? Qu’est ce que nous gou - chologues se consacrent hebdomadairement pour une salle très vaste, un peu trop vaste d’ailleurs, à d’artistes dit qu’OPTIMUNDUS est le fruit d’une vernons dans la vie, pour la marche des choses, habiller les hôpitaux, les espaces de travail), on l’égal de costumes mal taillés et de cravates trop force anonyme que l’on pourrait comparer à une dans notre société et par qui sommes-nous gou - découvre une longue série de dessins au crayon serrées. Et dans cette salle se trouvent des chaises sorte de super-cerveau. Nous, en tant qu’artistes, vernés ? Quelques-uns, sur leurs sièges, dans la gris sur papier blanc. Ils représentent des scènes en plastique pour s’asseoir qui ne sont pas très ne sommes que les humbles serviteurs de ce salle, se mettent à trépigner. qui ont lieu dans la rue, dans le tram, dans des confortables mais qui permettent de tenir le coup, cerveau. Nous faisons tout ce qui est en notre lieux qui pourraient être en Flandre et même à au moins jusqu’à la pause déjeuner. Les films pouvoir pour lui obéir. Nous allons tenter de Harald Thys et Jos De Gruyter ont en tout cas Anvers, là-dehors, au-delà de la porte d’entrée du d’Harald Thys & Jos de Gruyter y sont projetés faire entrevoir OPTIMUNDUS au public. Si nous définitivement le goût des marionnettes, qui sont musée, ou encore dans d’autres villes, dans les uns à la suite des autres, qui combinent la commettons une erreur, nous serons très sévère - pendues au bout de fils, que l’on fait danser et d’autres pays de par le monde, nul ne le sait. Ce peinture abstraite avec l’antipsychiatrie, le Jeu Page 15

des dictionnaires avec Brueghel l’ancien, l’ABC Et puis il y a encore une série de personnages de la pédagogie par correspondance et une qui ont, ainsi que le veut l’anatomie, un analyse lacanienne de...ce que vous voulez. squelette et de la chair et du sang qui va par dessus. Si ce n’est qu’ici la chair est synthétisée, L’un des films les plus récents se nomme « Les et que parfois il n’y en a pas du tout. Mais alors énigmes de Saarlouis », où le regardeur est pris il y a toujours bien quelque chose qui les carac - au jeu, répondant à la place des candidats, térise, qui fait qu’ils ont leur charme, leur per - tâchant d’anticiper les solutions, assis tout seul sonnalité, qui est inimitable. dans son salon. Il y a une tête de polystyrène peinte en rouge et portant des lunettes noires qui est fixée sur un Les protagonistes principaux de ce film sont mur derrière une grille de fer (« Fritz », 2013). deux mannequins de polystyrène qui se nom - C’est une sorte de portrait de Peter Gabriel ou ment Kitty & Katty. Elles ont les cheveux en d’une star vieillissante du hip-hop tel que Jan bataille, de grandes lunettes et ressemblent à des Van Eyck l’aurait peinte s’il était encore vivant. psychanalystes ou à des femmes dans la Il y a un organisme génétiquement modifié qui cinquantaine converties de longue date au est allongé au sol, inanimé, avec une grande Bouddhisme. Leur voix sont amplifiées dans le barbe, un squelette de métal blanc et des yeux film ce qui crée un effet psychotrope extrava - doux, rêveurs (« De Droom Van Klottemans », gant, que redouble l’écho de la grande salle de 2013). Et enfin il y a deux grands personnages projection vide. Elles racontent des petites his - de métal noir qui semblent avoir un rôle à jouer toires à dormir debout qui sont « basées sur des dans une partie de base-ball de Central Park faits réels ». Par exemple, elles expliquent : ayant lieu dans l’obscurité (« Ricco & Rocco », Dans une salle sombre, il y a trois chapeaux 2010-2012). noirs et deux blancs. On fait rentrer trois per - sonnes, dont la dernière est aveugle. Chacun Lors de voyages assez ennuyeux en Allemagne prend un chapeau, les deux restants sont et en France, nous rencontrons toujours dans enlevés. La lumière est allumée, et on demande des coins perdus des figurants (des personnes, à chacune des personnes si elle est capable de des architectures ou des marionnettes) qui nous deviner la couleur du chapeau qu’elle porte. Le obsèdent, qui nous hantent littéralement et dont premier regarde les deux autres et répond non. nous distillons lentement des personnages. Le second regarde aussi les deux autres et Voilà qui est propre à ces rencontres: savoir répond aussi non. L’aveugle, lui, répond oui que ces personnages ou ces situations étranges sans hésitation. Comment est-ce possible ? resteront à jamais gravées dans nos esprits. Ainsi, il y a Aline, une femme dans la quaran - Suivi d’un son de jingle qui signale que l’on taine qui vit à La Louvière. Elle est obnubilée tourne la page. Et puis vient encore une autre par une mauvaise recette de scampis et est par histoire. ailleurs très active dans un club échangiste. Dans un vieux restaurant de Berchtesgaden, il y Dans un monastère, retiré du monde, se trouve a ce serveur très fruste qui répète sans cesse: So une communauté de moines vivant selon des lois ist Das. (C’est comme ça). très strictes. Ils ne se voient les uns et les L’exposition se conclut sur une installation autres qu’une fois chaque jour pendant le repas rocambolesque intitulée « Im Reich der Sonnen - quotidien à la table du Grand Hall Central. Ils finsternis », datant de 2010-2011 et sur une ne peuvent communiquer sous aucun prétexte. sculpture dénommée « Johannes Painter, 1947- Par communication, on entend TOUTES les 2010 », remontant à 2011. C’est une bien belle formes de communication. Néanmoins, le Père combinaison. Il y aurait lieu de penser un Supérieur a le droit de parler en de sérieuses instant que l’une va avec l’autre. occasions. Ce jour-là, le Père Supérieur fait un discours à tous les frères avant le repas. Il La première consiste en des cimaises mobiles annonce: “mes chers frères, une grave nouvelle d’exposition semblant avoir été prêtées au s’est abattue sur notre pauvre monastère. Une MUHKA par quelque centre culturel de maladie très dangereuse et incurable a atteint province bienveillant (l’équivalent du centre l’un d’entre vous. La maladie se signale par une culturel de Durbuy qui proposerait aimablement marque noire sur le front de la personne ses services au Guggenheim de New York) sur malade. Il n’y a pas de risque immédiat de con - lesquelles sont suspendues deux ou trois tagion, mais pour la protection du monastère, dizaines de peintures sur toile ou sur panneau. j’ordonne à tous les malades de mettre fin à Ces toiles sont des déclinaisons aussi sincères leurs jours ou de quitter le monastère le plus que grandiloquentes de tout ce qui peut faire vite possible”. Les moines étant d’un esprit très peinture et de la nécessaire et constante sincérité logique, parviennent à sauver le monastère de que l’on met dans l’acte de peindre. C’est la cette grave maladie. Et tous les malades s’en flamme qui brûle dans le coeur de tous les vont ou se suicident. artistes, de Rochefort à De Haan.

La plupart des acteurs qui apparaissent dans les Envers et contre tout. films de Harald Thys & Jos de Gruyter sont des mannequins, des effigies totémiques (et La seconde est un portrait d’un peintre debout anémiques) de métal, de plastique, de devant son chevalet vêtu d’une chemise à car - caoutchouc, qu’un rien habille. Dans l’exposi - reaux bleus, d’un béret et muni de sa palette. Est tion, ils passent du statut de mannequins ou ce le même qui a peint tous ces tableaux, dans d’acteurs à celui de sculptures. Encore qu’ils ne ces multiples styles, avec le même élan ? Bien perdent pas toutes leurs capacités d’incarnation. sûr. Et il possède le monde ; il se tient là con - Le musée, la nuit surtout, est le théâtre de toutes centré, imperturbable ; il est sur le motif ; il sortes d’échanges potentiels entre ces êtres peint en direct en quelque sorte, fixant le vide, inanimés, comme chez Madame Tussauds. étranger à l’admiration qu’on éprouve pour lui, à ces gens qui s’amassent forcément dans son Deux silhouettes noires se dressent au centre de dos pendant qu’il s’affaire à son œuvre. Ou au l’exposition qui sont des hybridations de Jack contraire tous ces gens qui sont absolument l’éventreur et de supporters de football absents, tandis qu’il travaille seul au bord d’une extrémistes (« Twee Vagebonden », 2013). Ils rivière de la Drôme ou de l’Ardèche qui ne bon - brandissent de grands couteaux d’acier à la lame dit que pour lui. rouillée et effilée qui pourraient traverser des corps de part en part. Plus loin, il y a une dame Et tout a lieu dans le mouvement qu’il fait, le sortant de chez le coiffeur, qui attend sur un voyant régulièrement baisser les yeux sur sa banc vêtu d’une robe démodée, tandis qu’un toile et scruter l’horizon. Poser une touche de vautour patiente sur son épaule (« Hildegard », peinture et puis s’arrêter longuement. Reprendre 2013). Un autre personnage est allongé dans un son travail et être insensible au bruit des lit, malade sans doute, une petite grippe. Il a les camions. allures combinées du fossoyeur moyenâgeux, muni de son masque pour éviter la peste, du fou Yoann Van Parys du roi et du nègre américain qui sort endi - manché et que le KKK pend haut et court la nuit (« Tommy, the singing Trumpet », 2012). Page 16 Bon baiser de Port-Au-Prince

En décembre 2012, les membres des Filles de Hirohito ont été invités à Port-Au-Prince pour le festival annuel de théâtre les « quatre che - mins ». Ils ont égale - ment organisé, en dehors du festival, deux performances avec des musiciens rencontrés dans la capitale de Haïti. Munis d'un micro, d'un carnet à dessin et d'un autre pour l'écriture, ils ont recueilli un ensemble disparate de traces. En tout, ils ont séjourné là-bas un peu plus de trois semaines. Le fil des sons enregis - trés, des notes éparses et croquis réalisés là- bas s’est poursuivi ici, où s’est ouvert le che - min de la fiction qui suit et de ses deux illustra - tions.

L'écrit imprimé sur ces pages est un passage vers l'écrit numérique et son organisation rhizo - matique, reliant diffé - rents statuts d'écriture et d'évocation : l'en - semble des notes, des illustrations, ainsi qu'un court-métrage sonore, sont en effet présentés ailleurs, sous la forme d'un blog ayant acquis aujourd’hui sa forme définitive. Tout est dis - ponible sur http://bon- baiser-de-port-au- prince.blogspot.com

Outre l’expérience elle- même, les questions de la transcription du vécu, du témoignage, de la rencontre avec un « ailleurs » à l'époque de la mondialisation finie, sont les thèmes sous- jacents de ce projet multiforme : court- métrage sonore, com - position, écrit de fiction, témoignage, dessin, imprimé ou numérique, … Tout se raconte.

La brève nouvelle illus - trée qui suit existe en édition limitée à cent exemplaires.

Illustrations : Daniel Bajoit Textes : Jean-Bastien Tinant Réalisation et production: Les Filles de Hirohito Page 17

un jour, nous avons rencontré un vieil homme, qui s'enquit de ce que nous faisions ici, à Port-Au- et voilà. Prince. Je lui dis : nous venons dire de la poésie. ses yeux brillaient. Alors ça va, si vous n'êtes pas venus C'est tout ? pour nous aider, ça va. Il se redressa. Tiens, vous connaissez Ossip Mandelstam ? J'étais étonné, et joyeux. Ici, sous le soleil, un vieil homme me parlait de Mandelstam. Là où il y a ruse, il n'y a pas de Oui, c'est tout. Je n'ai jamais écrit cette histoire. Mais elle existe. Tout est là. et il désigna son front. poésie. C'est lui qui a dit ça, n'est-ce pas ? Je confirmais, sans être certain. Mais là n'est pas l'impor - Cela suffit. tant. Alors vous ne rusez pas, si vous dites de la poésie ? Ça non plus je ne le savais pas. Je devais bien Mais, il s'est passé quelque chose ? avoir rusé quelque part pour me retrouver ici, à Port-Au-Prince, pour dire des poèmes et des chan - sons. Oui, et non. Au moment de commencer, il y avait un recueil de vieux poèmes d'ici. Je l'ouvris machi - Il m'expliqua qu'il avait voulu devenir écrivain. Il avait été nourri des plus belles pages de la littérature nalement, cherchant peut-être les mots qui seraient comme un baiser donné avant un départ, et je française. Pour ma part, je ne savais pas qu'il était possible de « vouloir » devenir écrivain. suis tombé sur ces quelques phrases. elles résumaient tout ce que j'avais en tête, ces phrases, et aussi tout ce que je sentais. et le besoin de me mettre au travail disparut, comme ça. Comme si, tout Oui, me dit-il, j'avais imaginé une sorte de gouverneur de la rosée, mais en tout point opposé. Mon d'un coup, ma présence devant ces pages, avec ces notes, avait déjà été accomplie, une autre fois, à personnage était un agent du cadastre, et il devait tenir à jour son registre, ici même à Port-Au- un autre endroit. Prince. Cela se serait appelé l'arpenteur des fatras, ou quelque chose comme ça. J'avais tourné cette idée dans ma tête pendant des années, attendant le jour où j'aurais été enfin capable d'écrire cette et quelles étaient ces phrases ? histoire. Je ne m'étais jamais découragé. Je devais trouver le bon moment, et la bonne disposition, pour raconter les aventures de mon personnage – un agent du cadastre à Port-au-Prince, c'est un Oui, monsieur, vous avez bien entendu. J'ai lu ces phrases, et elles ont eu cet effet incroyable, qui me peu comme un paysan à qui l'on demande de fabriquer des balles de base-ball, non ? Il souriait. Bon, poussa à abandonner mon projet. sans le regretter, il faut insister. Vous entendez bien. Cet abandon et les choses se passèrent. Comme je suis aussi un peu musicien, je suis parti en république Domi - fut une victoire. Cela s'est passé en une fraction de seconde. J'étais plein de ce désir, et subitement, nicaine pour travailler dans un hôtel. et de là, le patron, qui m'aimait bien, je ne sais toujours pas ce désir m'avait quitté sans qu'il ne me manque rien. Mieux, je me sentais plus riche d'une œuvre pourquoi, me proposa d'aller garder sa villa, sur la côte, pendant deux mois. C'était exactement ce accomplie, et pour la première fois, peut-être, je me sentais libre – ce qui, vous en conviendrez, est la que j'attendais. J'arrivais dans cette demeure aussi grande que le quartier où j'avais grandi. elle avait moindre des choses quand on est né ici. sa plage privée, et était doublement protégée – par un grand mur autour de la propriété, et par un Mais le plus incroyable tient à ceci. J'ouvris donc le livre, et je lus les phrases. Aussitôt je le refermai, grillage tout autour de la zone où d'autres villas s'affalaient sur le rivage. Je pouvais être tranquille. On et quelque chose a agi. J'eus un léger rire et puis des larmes de bonheur m'inondèrent le visage. Je me préparait les repas et mon seul travail était de vérifier qu'aucun intrus ne vienne violer la propriété. plongeai la tête entre les mains et je suis resté comme ça pendant plusieurs minutes. Je souriais C'est amusant cette expression non ? Après tout, on ne peut pas violer grand-chose : une loi, un dans les paumes et je commençais à penser à la plage et à la mer transparente. enfin, je me suis secret, un être, une propriété... Ah, c'était typiquement le genre de pensée que mon personnage relevé. et c'est là que la magie opéra. Oui, je n'ai pas vraiment d'autre mot pour qualifier ce qui est avait. arrivé ce jour-là. J'avais commencé à élaborer un plan et je sentais que le moment arrivait. Aussi, un soir, une excita - tion m'envahit. Tout ce poids que je traînais avec moi, et mes drames, mes déchirures, mes découra - Je rouvre le livre pour relire les quelques phrases en forme de poème. Je tombe sur une page, ce gements – et il y en a eu – tout cela s'était comme volatilisé. Tout brillait d'un éclat nouveau. Je fis un n'est pas ça, sur une autre encore, négatif, je feuillette bientôt l'entièreté du livre. Je recommence une repas copieux, que j'arrosais de bière et je suis allé dormir. Au réveil, c'était le grand jour. rien ne par - seconde fois, de la première à la dernière page, je sais que le poème se trouve quelque part au viendrait à me faire dévier. Je sortis toutes les notes que j'avais prises, les descriptions succinctes de milieu. et là, je dois me faire une raison. Je n’en reconnais aucun. C'était comme s'il n'avait jamais personnages, les biographies, les relevés topographiques et la cartographie d'un quartier imaginaire, existé. et c'est ainsi que j'ai accompli cette œuvre, sans regret, et que j'ai profité du mois qui me res - le tout délicatement tracé. Tout le monde était là, à portée de main, je n'avais plus maintenant qu'à les tait là-bas pour jouir du temps, et des choses. disposer sur la page, les faire se rencontrer, et les laisser me raconter l'histoire... Page 18 « On Kawara, la répétition vitale »

On Kawara est un artiste guerre grâce à des scènes elliptiques, multiple est censé permettre une inté - japonais qui vit depuis les années un constat de l’horreur d’où les mots gration sociale de l’art et se fonde sur soixante aux Etats-Unis. Grâce à une manquent. 1 un principe démocratique en s’adres - démarche tout à fait originale, il sant potentiellement à tous. devient un représentant et même un On Kawara a produit aussi une série de précurseur de l’art conceptuel. Son trente dessins réalisés entre 1955 et De son côté, On Kawara poursuit son œuvre s’impose comme une 1956, destinés à constituer un livre analyse sur la reproductibilité de réflexion sur le temps universel et intitulé « Masques mortuaires » (« Shi - l’œuvre dans un texte critique, intitulé intime, parfois troublant dans la lit - kamen »). En fait, ce livre a été publié « Mise en question de l’œuvre origi - téralité de ses témoignages. La répé - seulement en 1995 par Parco Ltd et est nale unique » et publié en 1959. 3 En tition est au cœur du travail d’On intitulé désormais « Thanatophanies ». raison de la diffusion massive des Kawara par la représentation pictu - On Kawara modifie le titre initial et médias qui débute à cette époque, On rale de dates dont la perfection introduit une dimension plus univer - Kawara pense que la peinture contem - objective renvoie au flux inéluctable selle, tout en préservant l’idée de mort poraine a perdu sa fonction sociale et de l’existence. Chaque acte requiert par la référence au dieu grec. Le son pouvoir à s’adresser efficacement une prise de conscience et impose masque mortuaire enregistre la pré - à un large public. Il constate que, au une certaine posture face au monde, sence de la mort et témoigne d’une cours d’une exposition dans une gale - aux jours qui s’égrènent infiniment. existence personnelle qui renvoie, en rie ou un musée, une œuvre trouve une Sa production artistique présente l’occurrence, au cauchemar atomique. faible audience, principalement celle une cohérence indéniable qui Par contre, le titre « Thanatophanies » des amateurs, des journalistes, des s’amorce dès le début de sa carrière. étend ce constat tragique et mons - connaisseurs et de quelques amis. En examinant la genèse de son trueux à l’ensemble de la condition « Aujourd’hui les mass médias étant œuvre, un autre regard peut-être humaine. Il n’y a plus de particularisa - bien développés, l’exposition est, si porté sur la compréhension de son tion et d’individualisation des événe - j’ose dire, un moyen primitif de com - œuvre conceptuelle amorcée le 4 jan - ments, mais un partage collectif élevé munication par rapport au cinéma ou à On Kawara, « One Million Years - Past », 1972. Photo Marc Rossignol, expo collection vier 1966 qui lie la répétition à une pour ainsi dire au mythe sous l’égide la télévision. Serait-ce la fatalité de la subjectivité aux prises à un quoti - du dieu Thanatos. De plus, le suf - peinture ? » L’exposition provoque un dien sans cesse changeant. fixe « phanie », qui signifie « manifes - isolement social du fait de sa faible intitulé « Du tableau au tissu Le calendrier à pièce manquante ter », « paraître », insiste sur la venue communication. L’intérêt du public imprimé » paru en 1923 dans la revue L’œuvre reproductible de la mort et non sur le seul constat de pour l’art contemporain n’est pas mis LEF .5 Brik souhaite la disparition du On Kawara débute le 4 janvier 1966 mort. On Kawara élève la venue de la en doute, bien au contraire, c’est le tableau de chevalet au profit du tissu ses « Date Paintings », littéralement Suite à la seconde guerre mondiale, le mort de ces gens au rang de destins système de diffusion qui est incriminé. imprimé car il présente une alliance des peintures de date, qui sont moti - Japon est en pleine reconstruction et tragiques. Ces dessins représentent des Il n’est plus en adéquation avec la avec la production industrielle. Le vées par une réflexion sur le temps. vit une crise identitaire liée à la bombe têtes bien souvent monstrueuses en rai - société, ce qui induit le recours pos - résultat n’est pas déterminé en fonction Mais une telle thématique est sous- atomique. Plusieurs tendances artis - son de malformations congénitales, sible au magazine. La diffusion et la de critères esthétiques, mais selon des jacente depuis quelques années dans sa tiques font jour, tout en coïncidant d’accidents, de blessures dus aux bom - communication de l’œuvre ne sont pas considérations économiques et produc - production, car plusieurs dessins de avec une situation sociale instable, une bardements et aux radiations de la déléguées à un tiers, car elles sont de la tives. L’unicité de l’œuvre est rendue 1964 figurent des quadrillages, qui technologie grandissante et une muta - guerre. On Kawara travaille un imagi - responsabilité de l’artiste qui doit en caduque. De même, On Kawara accueillent parfois des chiffres, telle tion politico-économique. Au début naire cauchemardesque, angoissant et repenser les paramètres. s’interroge sur le fait de créer « une une sorte de calendrier remodelé. Un des années cinquante, les expérimenta - morbide qui renvoie à l’horreur bien œuvre qui s’achèvera avec la reproduc - décompte se produit selon une mise en tions du Gutai, qui veut dire concret, réelle de la guerre. Il s’est d’ailleurs On Kawara admet une différence entre tion – une œuvre dont toutes les repro - espace rigoureuse. Par contre, dans les conjuguent l’art et l’apolitique pour parfois inspiré de photographies et ces l’œuvre et sa reproduction dans un ductions sont les tableaux originaux ». « Date Paintings », le quadrillage est redécouvrir des valeurs non asservies. figures aux membres déformés sem - magazine, ce qui est inévitable en rai - L’unicité n’est plus un paramètre absent et à une date correspond une Progressivement, l’anti-art [han-gei - blent réchapper d’un enfer malheureu - son des procédés de reproduction et nécessaire et suffisant car le numérique toile. Le principe est de peindre la date jutsu] s’affirme à travers plusieurs sement existant. En étant destinés à d’impression. Pour dépasser cette et la diffusion deviennent une condi - du jour en un seul jour, le jour lui cor - mouvements par la destruction former un livre, ces dessins intègrent opposition, la nature de l’œuvre doit tion de l’œuvre. Il ne s’agit pas de respondant, et si la toile n’est pas ache - d’objets et d’œuvres, mais aussi par la l’idée de reproductibilité de l’œuvre. subir une mutation tant dans son créer une œuvre, puis de la reproduire, vée le jour dit, elle est jetée. Cette désacralisation du musée. L’anti-art Ils sont en fait une étape vers les approche matérielle que conceptuelle : mais de la concevoir comme œuvre règle artistique se plie aux règles de s’appuie sur une philosophie critique « peintures imprimées » (« inatsu « Lorsque l’on dit que l’original est une fois reproduite. Cette idée anticipe vie, c’est-à-dire aux rythmes des évé - de la civilisation qui s’exprime souvent kaiga »), qu’On Kawara a créées entre vrai et que le reproduit est un faux, je sur l’art fait sur internet dans la mesure nements quotidiens. Chaque peinture par des happenings. Cette tendance a 1957 et 1959, puis exposées en 1958 me demande si ce n’est pas une inter - où le statut de l’œuvre et l’idée d’origi - achevée est gardée dans une boîte en remis en cause les fondements de au Salon des Indépendants Yomiuri . prétation arbitraire de la part des nal sont profondément modifiés et carton faite sur mesure, dans laquelle l’idéal moderne de l’art et a influencé Comme leur titre générique l’indique, peintres et de quelques autres. Curieu - intrinsèquement liés. sont joints un morceau ou une page le développement de l’art conceptuel, il s’agit d’œuvres imprimées selon un sement, l’état actuel des choses semble entière d’un journal du jour en ques - notamment grâce à plusieurs exposi - procédé mécanique, en l’occurrence presque à l’inverse de ce que nous Cette question de la reproductibilité tion, une inscription ou encore un tions annuelles de 1958 à 1963 au l’offset, afin de questionner l’unicité et imaginons, c’est-à-dire que ce serait mécanique sera présente dans l’œuvre objet. Du fait même de son principe, Salon des Indépendants Yomiuri. C’est la reproductibilité de l’œuvre dans son plutôt les tableaux imprimés qui sont d’On Kawara de manière manifeste un nombre incertain de « Date Pain - dans ce contexte, d’un Japon dévasté rapport à la société. authentiques ». Dans son raisonne - jusqu’en 1959, date à laquelle il quitte tings » est fait chaque année, chiffre qui tente de trouver de nouvelles ment, On Kawara couple deux notions le Japon pour le Mexique, puis pour qui varie de 1966 à 1973 de soixante- valeurs, qu’On Kawara se rend en La question de la reproductibilité de antagonistes de l’art, la reproductibilité les Etats-Unis. En fait, l’idée d’une trois à deux cent quarante et une pein - 1951 à Tokyo. Il s’intéresse alors à la l’œuvre est centrale durant la fin des et l’authenticité, ce qui diffère de reproductibilité de l’œuvre par les tures par an. A partir de 1973, leurs philosophie européenne, à la politique années cinquante, notamment grâce à l’analyse de Walter Benjamin : médias sera largement appliquée titres correspondent à la date énoncée notamment à la pensée de Marx, mais l’invention du multiple. En fait, cette « L’authenticité d’une chose intègre quelques années plus tard par d’autres alors qu’auparavant ils trouvent leur aussi à la psychanalyse et devient cri - pratique possède des origines multiples tout ce qu’elle comporte de transmis - artistes conceptuels. En 1965, Dan source en général dans des extraits de tique artistique. Il débute aussi une et se retrouve à la fois chez Marcel sible de par son origine, sa durée maté - Graham décide de diffuser ses œuvres journaux rassemblés dans « I read ». 6 activité artistique et se joint à un Duchamp, Man Ray, le constructi - rielle comme son témoignage histo - dans des magazines afin de critiquer le groupe fondé en 1951 par Ei-Kyû : visme, le Bauhaus et les concrets zuri - rique. Ce témoignage reposant sur la fonctionnement de l’institution artis - Les « Date Paintings » font série, dans l’Association des Artistes Démocrates chois. Citons aussi Victor Vasarely qui matérialité, se voit remis en question tique, en particulier le lien économique le sens où elles appartiennent à un tout [Demokurâto Bijutsuka Kyôkai]. A constate en 1953: « Le principe de par la reproduction, d’où toute maté - entre la galerie et la revue artistique. et ne prennent leur valeur réelle que cette époque, On Kawara développe un l’unicité de l’œuvre n’avantage que rialité s’est retirée ». 4 Dans le texte En 1966, les artistes argentins Eduardo par rapport à ce tout. Le tout peut être style surréel et expressionniste avec l’élite aisée. […] la fonction poétique d’On Kawara, l’authenticité est déliée Costa, Raúl Escari et Roberto Jacoby considéré comme un gigantesque des séries de dessins telles que « La évoluera vers des formes industrielle - de la notion d’unicité de l’œuvre car écrivent un manifeste intitulé « A calendrier à pièces manquantes en rai - salle de bain » [« Yokushitsu »] (1953- ment multipliables, donc généreuse - les paramètres de temporalité et de Media Art » pour proposer une œuvre son des toiles non faites ou détruites. 1954) et « Evénements dans le débar - ment diffusables. » 2 De même, dès matérialité ne sont pas rattachés à qui n’a d’existence que dans les Les peintures se ressemblent par leurs ras » [« Monookigoya no dekigoto »] 1959, Daniel Spoerri et Karl Gerstner l’œuvre mais au faire de l’artiste. La médias. Deux ans plus tard, Seth Sie - caractéristiques formelles et tech - (1953-1954). Ses séries témoignent ont fondé les éditions M.A.T. (Multi - rareté n’est plus source de valeur parce gelaub conçoit la première exposition niques. Celles d’une année ont en d’un univers apocalyptique avec un plication d’Art Transformable) qui qu’elle « n’a plus de rapport avec la qui n’existe que sous la forme de cata - général le même format. Les dimen - espace dont la géométrie est perturbée sont des objets originaux multipliés à nature de la peinture ». Par contre, la logue avec Douglas Huebler, Novem - sions admettent parfois certaines et déformée dans lequel figurent des plusieurs exemplaires. L’idée de mul - tâche du peintre implique d’inscrire ber 1968 . Ce mode de diffusion inva - variables allant de 20,5 x 25,5 centi - femmes enceintes, des enfants et des tiple invalide la dichotomie entre l’ori - l’idée de reproduction dans le proces - lide la nécessité d’une exposition de mètres à 155 x 226 centimètres. La personnages ravagés entourés de ginal et la copie pour véritablement sus créatif. On peut voir une antériorité l’œuvre dans son sens traditionnel, car date est toujours peinte en blanc, tracée membres meurtris. L’art devient un multiplier l’original en plusieurs à cette réflexion sur la reproductibilité l’œuvre coïncide avec son support. minutieusement, créant une correspon - moyen de conjurer les tragédies de la occurrences et le vendre à bas prix. Le de l’œuvre dans un texte d’Ossip Brik dance formelle entre les peintures Page 19

dont l’œuvre finale en est le témoi - relation de confiance s’établit entre originel et peut être interprétée selon la gnage. l’artiste et le spectateur sur la base psychanalyse comme la pulsion de d’un contrat moral implicite. Face à mort à la suite d’une remise en cause Pouvoir du temps et désespoir du une date, le spectateur est renvoyé à la du plaisir. Néanmoins, il y a un plaisir temps qui ne cesse de passer sans que vie de l’artiste qui peint ce jour là, dans la répétition car elle permet de l’on ait la possibilité d’agir sur ce mais aussi à sa propre vie et aux évé - retrouver l’origine d’un élément, le flux : c’est prendre toute la mesure de nements qui ont marqués sa mémoire. connu, et assure donc un contact avec la finitude humaine, que d’exercer un Mais le silence est parfois requis face à le monde. Cette question de l’origine tel rapport au quotidien. Le temps n’est l’immensité du sujet traité. Dans « One est traitée métaphoriquement dans une pas conçu comme une abstraction dont Million Years - Past » de 1972, On œuvre assez ancienne de l’artiste. Il rendrait compte le simple calendrier, Kawara se tourne vers le passé par un s’agit d’un dessin de 1964 qui figure le c’est un temps du présent relié à un décompte à rebours à partir de l’année mot « EGG » [« ŒUF »] encadré par vivre et qui ne prend de sens que par de création, et donc du présent, jusqu’à un simple trait. L’œuvre indique le ce vivre lui-même. L’adjonction d’une un million d’années. C’est une œuvre début de quelque chose, une éclosion page de journal dans chacune des en soi gigantesque, puisqu’elle se pré - probable. Tout provient d’un œuf dira boîtes dans lesquelles sont rangées les sente sous la forme de dix volumes l’artiste, mais n’est-ce pas de la sorte, « Date Paintings » atteste de cette dans lesquels sont inscrits essentielle - par la métaphore, rechercher le fonde - ouverture sur le monde, bien que Lucy ment une succession de chiffres. Ceux- ment de l’art ? En utilisant le langage, Lippard mentionne que l’artiste ci se présentent comme une accumula - la question de l’origine devient celle « considère les journaux comme tion, un socle du temps dépourvus de de la signification. Un autre dessin de secondaires à ses peintures – comme tout événement, de toute anecdote. 1964 représente d’ailleurs les touches informations personnelles et cata - L’histoire se dilue dans l’immensité d’une machine à écrire et, par consé - logues des peintures ». 9 Le journal est car l’œuvre remonte à un temps quent, montre que le langage est un le signe de ce quotidien, vécu dans un d’avant la naissance de l’écriture. La code conventionnel qui repose sur Daled au MoMA, New York 2011 lieu précis, événement personnel, mais quantité des dates englobe l’histoire l’assemblage de lettres. L’œuvre traite dont la nature relie l’œuvre à l’univer - des hommes, leur date de naissance et ainsi de l’origine de toute signification sel, événement faisant parfois date de mort et provoque une certaine et de sa production au sein de l’art. reliées ainsi les unes aux autres. L’ins - permettrait d’envisager les « Date dans l’histoire humaine ou relevant de absurdité face à l’importance d’une cription se répète invariablement et Paintings » tant comme signe linguis - l’anecdote. Que l’on examine, par vie. C’est un livre du temps qui prend La majorité des énoncés de ses œuvres seul l’énoncé diffère en raison du tique que comme abstraction, c’est-à- exemple, les « sous-titres » du mois de la mesure du tragique de la vie se résument aux données essentielles nombre qui mute par addition. dire sur un pur registre formel. Cette janvier 1970. Ils traitent des faits humaine dans toute sa finitude. de la vie tels que le flux du temps, les question d’un code introduit dans la divers, politiques, sociaux, sportifs ou situations spatiales, car le langage sert Les « Date Paintings », comme pein - peinture est posée par l’artiste dans encore scientifiques. L’événement est La continuité des dates dans « One à mettre en liaison des objets entre eux ture de dates, se donnent tant à voir une série d’œuvres de 1965 qui s’inti - de l’ordre de l’aventure humaine et Million Years - Past » contraste avec ou à explorer un système. Un mot qu’à lire. Peindre une telle inscription tule justement « Code », mais qui ont ramené sur un même plan, sans aucune les « Date Paintings » dont la série est appelle généralement un référent ou un sur une toile dont le fond est préalable - été malheureusement détruites. Ces hiérarchie. La « Date Painting » perturbée par l’absence de certaines ensemble paradigmatique qui satisfait ment fait, pose la question de la repré - œuvres représentent des lignes hori - devient un document, le testament toiles, celles que le peintre n’a pas suffisamment de propriétés. Le lan - sentation picturale. De prime abord, zontales, des rectangles colorés qui public d’un acte qui s’est produit. La faites le jour dit. Les peintures de dates gage peut donc aisément particulariser l’artiste représente cette inscription qui sont la traduction d’une narration qu’a série est censée s’achever à la mort du prennent leur sens à travers les pein - une représentation. Dans certaines est un objet déjà en soi, comme énoncé écrite l’artiste sur de simples feuilles. peintre. tures manquantes, un creux de la vie œuvres, cette question est en filigrane existant soumis à un code de notation. L’écrit serait ainsi comme projeté dans elle-même. La rupture est la vie même, car On Kawara teste la capacité de Il n’altère pas la représentation de cette l’espace pictural en subissant les trans - Lors de ses déplacements, On Kawara ce que déclare l’artiste : « Je meurs représentation du langage. Par inscription, bien au contraire, car elle formations formelles voulues. L’entrée dispose d’un atelier portatif qu’il peut une fois ainsi j’ai seulement une vie. exemple, « Nothing, Something, Eve - est soumise à un tracé méticuleux. Ces de l’écrit dans le domaine du pictural installer facilement dans un hôtel. Littéralement parlant, la continuité ne rything » de 1963, présente un seul données formelles deviennent un véri - se fait par une perte de lisibilité, pour Selon Heinning Weidemann, les signifie rien et la discontinuité signifie mot « something » [« quelque chose »] table parti pris esthétique, confrontant se donner comme un jeu formel orga - « Date Paintings » ont pu être faites l’existence. La série des Today a com - encadré d’un fin trait sur la surface le lisible avec l’espace pictural. D’un nisé à partir de la narration. L’écrit depuis 1991 dans plus de quatre-vingts mencé et n’est pas finie, ainsi on pour - d’un papier. « Quelque chose » fait point de vue purement pictural, ce qui serait ainsi susceptible d’être un code villes différentes. 10 En voyage, il rait la décrire en tant que travail exis - référence à un objet absent de la repré - est représenté n’est pas que cette date, valable dans le domaine du pictural. emploie dans ses œuvres la langue du tant et non existant. » 12 L’écrit est, sentation. Il évoque la présence d’une car sa visibilité passe par ce que l’on pays dans lequel il se trouve. L’œuvre certes, déclaration et témoignage de chose, mais ne désigne rien de particu - nomme le fond. On conçoit habituelle - Que dit l’énoncé des « Date Pain - témoigne de cette rencontre culturelle vie, mais la vie elle-même se manifeste lier et persiste dans l’indéfini. Le titre ment le fond comme ouvrant l’accès à tings » si ce n’est simplement une par la langue et montre une tentative par l’absence d’art. Que faisait l’artiste énonce bien cette ambiguïté. L’œuvre la forme, puisque l’écrit en blanc date ? C’est une date qui concorde de briser l’isolement. Jean-Luc Nancy ce jour là pour qu’il soit dans l’impos - ne présente aucun objet, c’est-à-dire n’accède au visible qu’au prix d’une avec sa date de production. Dès lors, la fait une suggestion intéressante en pré - sibilité de peindre ? Les « Date Pain - « rien » [« nothing »], mais énonce lit - telle opposition. Mais le fond est ce fiction que produit toute représentation cisant que « to date » peut en anglais tings » absentes désignent le corps de téralement « quelque chose » qui qui relie la représentation à l’acte phy - colle au réel. L’énoncé se superpose à vouloir dire « se rendre à un rendez- l’artiste et deviennent les signes de s’adresse potentiellement à « toute sique de peindre. De toile en toile, seul son référent, la date du jour, et se vous ». 11 Une telle signification cette intimité non révélée. Elles instau - chose » [« everything »]. Le cadre des - le fond introduit la différence dans le donne comme tautologie, une limite de implique les idées de rencontre et de rent une continuité perturbée pour don - siné autour du mot pousse l’œuvre au- visible, en étant à chaque fois de cou - l’énoncé lui-même. L’œuvre formule trajet. Dans certaines œuvres, l’usage ner une série à pièces manquantes. Au delà du sémantisme et renforce sa leur distincte, avec une texture rendue également une mise en abyme des de plans, sur lesquels sont tracés des silence de l’artiste correspond la vie. dimension visible. « Quelque chose » perceptible par cinq ou six couches de conditions d’énonciation, c’est-à-dire traits au stylo rouge, montre ses trajets La vie privée persiste comme intimité renvoie à une absence d’objet, un non- peinture faites par de larges coups de de l’acte de peindre durant le jour dit. dans la ville. C’est un mode d’appro - inaccessible tandis que, par le langage, visible de la représentation tandis qu’il brosse. Il est en lui-même unique et Chaque fond coloré de l’œuvre corres - priation spatial, mais aussi le résultat l’expérience peut prendre valeur uni - est en lui-même « quelque chose », le variable, dans des tonalités qui tendent pond aux jours qui s’égrènent, sans d’une expérience grâce à un code verselle. Le monde et les activités seul sujet de la représentation. Cette au fil des années à s’assombrir. Ce cesse différents, tandis que l’écrit conventionnel qui n’est plus cette fois- humaines sont introduits à un niveau approche autoréférentielle de l’œuvre constat invite à envisager l’écrit, blanc répond au code lui-même de ci le langage, mais un plan. Le code symbolique, par le biais du langage, permet de comprendre pourquoi On certes, comme du lisible, mais à ne pas décompte, la convention établie par le devient le moyen de transmettre des qui prend en charge le subjectif Kawara n’a pas écrit les deux autres négliger qu’il participe au visible. calendrier. Si la mesure du données du vécu. Il permet l’articula - comme source. mots qui figurent dans le titre. « Rien » Considérer les « Date Paintings » dans temps, comme le mentionne Jacques tion de l’individuel et de l’universel et « toute chose » se présentent comme leur simple énoncé serait faire l’oubli Attali, est source de pouvoir, On (les marques du trajet / le plan) que La notion de répétition a subi une les deux extrêmes irreprésentables, qui de la peinture elle-même, c’est-à-dire Kawara rend ce pouvoir à l’universa - l’on retrouve dans les « Date Pain - longue mutation dans l’œuvre d’On échappent de fait à l’art, mais ren - tant au niveau de son support, des lité dont elle découle. 8 Ses « Date tings » (le fond / l’inscription). Kawara, puisque à l’origine, elle per - voient à la vie. En écrivant « quelque conditions de visibilité de l’œuvre que Paintings » ne sont pas le prétexte à mettait la multiplication de l’œuvre. chose », l’œuvre s’inscrit dans une pra - de la démarche de l’artiste. témoigner de faits de la vie intime d’un L’interférence des consciences Cette position demandait de repenser tique autoréférentielle entre le vu et le homme dans ses bonheurs et ses déses - la nature même de l’œuvre, tout dit, tout en évacuant un objet défini. Un certain nombre de photographies poirs. Elles relient l’expérience indivi - La peinture de dates, tout comme son comme la valeur qui lui est liée. La prises successivement lors de la réali - duelle à celle des hommes dans une absence, ne prend sens que par la véra - répétition est maintenant introduite L’œuvre d’On Kawara entretient un sation d’une « Date Painting » montre communauté de valeurs. C’est le pré - cité de la démarche. C’est-à-dire que le dans le processus créatif pour manifes - lien intime avec la vie, l’expérience du clairement le travail pictural mis alors sent en partage que l’artiste travaille principe de réalisation du peintre ter la vie dans une série interrompue. monde, sans pour autant user d’une en place. Lucy Lippard mentionne avec une certaine urgence dans le faire, n’admet pas le mensonge, si ce n’est Le principe est en fait dialectique par représentation du quotidien. Il s’agit de d’ailleurs que « Kawara voit [ses par une prise de conscience de ce jour au prix de rendre caduque sa démarche la succession de répétition et d’arrêt traiter de l’universel de l’expérience œuvres] comme orientées à travers la à chaque fois unique. Un rendez-vous elle-même et de tomber dans l’incohé - comme fondement de la pratique artis - humaine, c’est pourquoi il fonde un peinture à partir du langage », 7 ce qui s’instaure entre la peinture et l’artiste, rence face à la gravité du sujet. Une tique. La répétition est le retour à l’état espoir dans la communication avec les Page 20

« On Kawara, la répétition vitale »

masses. C’est un souhait qui se retrou - sonnes des cartes postales et des télé - vait déjà en 1959 dans son idée grammes dont les messages sont à d’œuvres reproductibles au sujet des - teneur existentielle : « I am still alive » quelles il dit : « l’expression et la fonc - [« je suis encore vivant »] ou encore de tion sont en étroite interaction ; elles manière plus dramatique : « I am not sont inséparables et essentielles pour going to commit suicide. Worry » [« Je l’art. Envisageant sincèrement la ques - ne vais pas me suicider. Inquiétez- tion de l’art et du public, les peintres, vous »]. Ces énoncés possèdent une me semble-t-il, ne doivent plus être grande violence car ils évoquent la indifférents aux questions de la fonc - mort à venir. « Je suis encore vivant », tion sociale des œuvres ». 13 En fait, c’est-à-dire au moment où j’écris ce cette préoccupation se retrouve chez message je suis en vie mais rien ne d’autres artistes japonais dans cette certifie que lorsque vous recevrez ce situation d’après-guerre, notamment télégramme je le serais toujours. Ce avec le manifeste « Kagayaku taiyô no simple constat d’être en vie admet moto » [« Sous le soleil brillant »] donc la mort à venir ; une mort qui d’Ay-O et Masuo Ikeda où il est dit s’affronte à la vie même. Dans le que l’artiste « se doit d’être conscient second télégramme, la mort est claire - de la dimension sociale de l’art ». 14 ment envisagée, de nouveau d’une Chez On Kawara, cette idée est déve - manière négative. Il s’agit d’un refus, loppée dans une série de dessins dont un véritable combat pour la vie, ce qui On Kawara - Reading One Million Years (Past and Future) at Trafalgar Square London - 2004 - Photo Marcus Leith l’un d’eux est « Give sentences » de peut être source d’inquiétude. L’infor - 1964. Une succession de verbes est mation délivrée par le télégramme n’a Au PALAIS DES BEAUX-ARTS du 26 juin au dimanche 14 juillet 2013, dans le Hall Horta, dans un espace en verre proposée et demande à être conjuguée. de valeur que ponctuelle car l’œuvre fermé, un homme et une femme liront en live, à tour de rôle, le contenu des deux livres. L’intégralité du processus Ce sont vingt-quatre verbes qui trou - transmet le présent de l’écriture. Le documente ainsi le temps qui passe. La création de Kawara est à voir pour la première fois en Belgique. Le public sera vent leur origine dans la de tampon postal avec le nom de la ville convié à participer à ce projet, il sera bientôt possible de s’inscrire via le site www.bozar.be. « to take » : « to take off », « to take et de l’heure d’envoi cadre l’acte tem - out », « to take part in », « to take a porellement et spatialement en relation cède le prénom. Plusieurs artistes ont mon - 31 ; p.34. p.27. walk » …. à partir desquels le lecteur avec la vie de l’artiste. De la sorte, il tré dans leurs œuvres l’horreur et les 6 « I read » [« j’ai lu »] est une collection de 12 Cité par Lucy Lippard, « Just in time: On doit produire des phrases à son gré. Le partage avec son destinataire un deve - désastres de la guerre dont Iri Maruki coupures de presse commencée en 1966, en Kawara », dans On Kawara. Whole and choix de la racine de ces verbes est nir incertain sans pour autant évoquer (1901-1995) qui a perdu la majorité de sa même temps que les « Date Paintings ». Parts : 1965-1995 , op.cit ., p.361. d’ailleurs significatif puisqu’elle fait les événements particuliers d’une vie. famille à Hiroshima. 7 Lucy Lippard, « Just in time : On 13 On Kawara, « Genga itten eno gimon », écho au titre lui-même qui contient un Au sujet de son œuvre, l’artiste 2 Victor Vasarely, « Le Multiple », Plasti- Kawara », dans On Kawara. Whole and article cité, p.25. seul verbe « to give ». « To take » n’emploie d’ailleurs pas le terme de Cité. L’œuvre dans notre vie quotidienne , Parts : 1965-1995 , catalogue d’exposition, 14 Cité par Michael Lucken, L’art du Japon [« prendre »] et « to give » [« don - « communication », mais celui Paris, Casterman, 1970, pp.100-101. Nouveau Musée / Institut d’Art Contempo - au vingtième siècle , Paris, Hermann, 2001, 3 On Kawara, « Genga itten eno gimon », rain, Villeurbanne, 1996-1997, p.359. p.190. ner »] sont sémantiquement opposés, d’« interférence » des consciences [« Mise en question de l’œuvre originale 8 15 15 Jacques Attali, Histoire du temps , Paris, Jonathan Watkins, « I’don’t know Is the antinomiques et symbolisent les bases entre individus. Le message s’adresse unique »], traduction Takuya Watanabé, Fayard, 1982, pp.10-11. right answer », dans On Kawara , Londres, d’un échange, sachant que le specta - à l’intimité de chacun, à ce qui Bijutsu Techō , n°140, avril 1958, 4, pp.24- 9 Lucy Lippard, « Just in time: On Phaidon, 2002, note 23, pp.108-109. teur, en formulant ses phrases, est lui- demeure incommunicable et pourtant 25. Toutes les citations concernant les pro - Kawara », dans On Kawara. Whole and même dans la situation du don. en partage. pos d’On Kawara sur ce sujet sont issues de Parts : 1965-1995 , op.cit , p.359. ce texte, sauf indication contraire. 10 Heinning Weidemann, On Kawara, June Cette volonté de communiquer est sans Véronique Perriol 4 Walter Benjamin « L’œuvre d’art à 9, 1991. From “Today” series (1966-…), doute plus évidente dans la pratique du l’époque de sa reproduction mécanisée », Ostfildern, Cantz, 1994, p.43. Mail Art. On Kawara utilise alors Ecrits français , Paris, Editions Gallimard, 11 Jean-Luc Nancy, Technique du présent : l’institution postale comme système 1 Les noms des personnalités japonaises 1995, p.142. essai sur On Kawara , Villeurbanne, Nou - 5 Ossip Brik, « Du tableau au tissu veau Musée/Institut d’art contemporain, créatif en envoyant à diverses per - sont énoncés selon l’usage français et non japonais, pour qui le nom de famille pré - imprimé », LEF , n°6, Moscou, 1923, pp.30- Les Cahiers, Philosophie de l’art, 1997, Dogma: un projet pour la ville

Dans le panorama de l'architecture Nonante, à peu d'exceptions près, ce qui est exposé : un texte, des des - contemporaine, l'agence Dogma nous sommes témoins uniquement de sins et quelques photomontages ras - occupe une position particulière. À plans de régénération voués au mar - semblés dans un livre grand format. l'ère de l'équivalence des valeurs, keting urbain, au tourisme du TGV et Représentation et projet coïncident. du parti pris par opportunisme, de des vols low-cost, ou à des micro- Chaque projet constitue un arrêt sur l'architecture reléguée au simple interventions concertées avec la image défini, un objet autonome qui design de fonctions déterminées population du quartier : rénover un participe à la collection de visions ailleurs, les projets de Pier Vittorio chancre laissé par la fin de l'ère urbaines du «Musée imaginaire» de Aureli et de Martino Tattara, fon - industrielle, créer des parcs pour les l'architecture de papier, de l'Utopie de dateurs de l'agence, semblent au enfants dans les interstices de la ville, Thomas More (1516) au plan Obus contraire se déclencher d'une seule élargir des trottoirs. Dès que l'échelle pour la ville d'Algers de Le Corbusier et même conviction : l'architecture de l'intervention atteint une certaine (1933), aux architectures «radicales» a pour mission de donner forme à taille, les caisses publiques vides, le des contre-cultures des années la ville, définissant les limites spa - partenariat avec des promoteurs pri - Soixante et Septante. tiales de son utilisation et ouvrant, vés est devenu une nécessité, contri - par là, de nouvelles possibilités buant à l'érosion du concept d'espace L'exposition présente à la fois des existentielles et citoyennes. public. Le reste relève plus de la non- projets entamés dans le contexte de décision : un laissez-faire qui ne s'op - l'école où ils ont étudié et enseigné La crise de la forme urbaine ne date pose pas à l'étalement urbain incon - (le Berlage Institute à Rotterdam), pas d'aujourd'hui, mais cette condi - trôlé, dont le pendant est la gentrifi - d'autres projets théoriques destinés à tion s'est accélérée depuis l'après- cation des centres urbains principaux. des expositions et, surtout, des projets guerre. L'affirmation de l'urbanisme La Belgique entière en est un réalisés dans le cadre de concours, en tant que discipline spécifique à exemple flagrant. allant de l'échelle de l'îlot périurbain l'aménagement de la ville a mené à flamand à la ville de fondation en des politiques basées sur l'analyse des Dogma résiste à cette condition molle Corée du Sud. Pratiquer l'architecture données sociologiques, l'étude scien - par des projets qui définissent par sans construire à tout prix : les préoc - tifique des flux de circulation de per - l'architecture de nouveaux concepts cupations de Pier Vittorio Aureli et sonnes et marchandises, la définition d'urbanité. Des 11 projets récemment de Martino Tattara sont d'une autre de «pôles d'activités» et de «zones exposés à la Architectural Associa - nature. Occupés par la recherche et d'intérêt collectif» issues de logiques tion de Londres, qui couvrent une l'enseignement dans plusieurs écoles de développement économique. L'ur - production entamée il y a une dizaine d'architecture européennes, Dogma banisme s'est détaché de plus en plus d'années, aucun n'est construit. Ainsi, représente un laboratoire de produc - The railway network and the North-Western Metropolitan Area. de l'architecture. Depuis les années chaque projet consiste exactement en tion intellectuelle d'où ils explorent Page 21

LIege : 9 e BIeNNALe De LA grAVure Image de soi, image de l’autre

A l’aube de sa dixième édition, la la fois dans l’acte tel qu’il est perçu Biennale internationale de la Gra - Cette année, le jury a décerné quatre juridiquement (article du code pénal vure contemporaine poursuit son mentions et désigné une lauréate qui concernant les agressions sexuelles) et chemin au travers des événements à sont tous représentatifs de cette bien - dans son interprétation personnelle. ne pas manquer dans le monde de nale tant par leurs qualités plastiques l’art. Si nous devions retenir un mot que par les sujets qu’ils mettent en Cette neuvième édition de la Biennale au regard des différentes éditions, ce avant. LOLA, lauréate de cette neu - internationale de Gravure contempo - serait “richesse”. Richesse des vième édition, construit des histoires en raine est donc, une nouvelle fois, réso - médiums, résolument contemporains, assemblant formes et mots provenant lument ancrée dans l’actualité. Au tra - richesse des sujets et de leur traite - d’ouvrages à l’abandon. Les mots se vers de sa sélection, elle nous propose ment, richesse de la biennale en elle- perdent et se recomposent pour trouver des images fortes dans lesquelles même qui ne cesse de nous faire un autre sens dans les impressions de l’homme se cherche encore et toujours. découvrir de nouvelles collaborations l’artiste mais aussi dans notre propre Elle est le reflet de l’image que nous (Autriche, Chili, Cuba, Inde). imagination. A l’instar de Lola, les quatre mentions offrent cha - Marquant une continuation avec la pré - cune une vision différente de cédente édition, l’homme imprègne à l’inscription de l’homme dans nouveau les préoccupations des artistes. l’histoire et dans le monde. C’est L’homme meurtri, l’homme dans son l’homme en mouvement que quotidien, avec ses doutes et ses incerti - mettent en évidence les impres - tudes, l’homme dans son rapport parfois sions de Geneviève Laplanche. LOLA, Not about me, impression toner, nitrodilution et aquarelle tumultueux au monde. Et, même Le geste est décomposé, arrêté, sur coton, 926X662 2012. (Prix de la 9e Biennale de la Gravure.) lorsqu’il n’est pas figurativement repré - comme en suspend. Et pourtant, senté, on sent sa présence. Une pré - il en résulte une impression de sence marquée par le travail physique mouvement par la superposition contemporaine. Outre l’exposition images et par là notre perception à tra - de l’artiste, comme dans les lithogra - de plusieurs strates. Ce sont des travaux de Ross Racine, lauréat vers son univers bien particulier mêlant phies de Marie-France Bonmariage. alors de petites saynètes qui se de la huitième édition, au Palais photographies, archives et collages. Nous la ressentons dans l’absence aussi. jouent devant nous. Il est égale - Curtius, galeries, centres d’art, Diane Lebel traite de la mort et des Le mouvement des “Dancing dresses” ment question de mouvement, écoles d’art présentent, autour de liens symboliques entre les deux de Wuon-Gean Ho ne révèle-t-il pas ou plutôt d’attitudes, dans les thématiques variées, leur vision de mondes (celui des morts et celui des justement le corps de cet être effacé ? séries « I Agree », « II Demons - la gravure. vivants) dans ses motifs imprimés. A L’homme cherche son image, tentant de trate » et « III Arrest » de Sophie "Miel Silbernet". Expo au Drapiers partir d’images épilées collectées ici et se définir au sein d’un monde qui lui Dvořák. L’artiste y dresse un Notons parmi le foisonnement des là, Miel Silbernet recompose de mul - échappe. Dans « Scopophilia » de Aya répertoire de figures, telle une typologie avons de nous mais aussi des autres expositions Les Brasseurs qui consa - tiples visages suspendus dans le temps Imamura, il dévoile son besoin de voir de nos comportements lors de situations dans un monde difficilement saisis - crent leur espace à Ronny Delrue, lau - qui semblent tous nous raconter leur et son désir d’être regardé. Il se posi - particulières. Avec Djilian Deroche, sable. réat de la biennale en 2005, avec non histoire particulière… tionne tantôt dans son individualité nous revisitons plusieurs parties du pas une rétrospective au sens strict du (Myriam de Spiegelaere), tantôt dans ce monde, avec ce qui les caractérisent, Mais une biennale ne s’arrête jamais à terme mais une mise en perspective Céline Eloy qu’il partage avec les autres (ses désirs, leurs particularités mais aussi leurs la seule présentation d’une sélection. d’œuvres récentes en créant une multi - ses peurs, ses mythes). Il nous raconte récurrences. C’est un monde bruyant Elle se poursuit et se propage grâce à tude de liens entre plusieurs aspects de Au BAL: 9e Biennale Internationale une histoire, ses courts récits de vie dans lequel l’homme est indéniable - tous les événements et expositions orga - sa production. Privilégiant l’exposition de Gravure contemporaine de Liège, dans lesquels chacun peut projeter une ment enraciné. Enfin, avec « Article nisés en off et qui transforment la ville collective autour du concept de tête, les jusqu’au 19 mai 2013. part de soi. 222-22 », Julie Deutsch nous projette à en véritable vivier de la gravure Drapiers se laissent envahir par trois artistes. Nicolas Clément interroge les

de l'action humaine, que l'architecture sence de la condition bio-politique ment-mur, de 25m d'épaisseur sur 20 ne peut pas investir. Espace construit actuelle : flexibilité, réseau, monétisa - étages de hauteur, délimitant un espace et non construit se dichotomisent, tion des connaissances et des idées. La carré de 800m de côté. Le contour créant une tension positive. « Au plus mobilité des étudiants grâce au projet héberge tous les logements de la com - grand déterminisme doit correspondre Erasmus, l'équivalence des diplômes munauté universitaire, tandis que l'es - un maximum de liberté et de après la réforme de Bologne de 1999, pace intérieur est destiné à toutes les flexibilité », dit l'historien italien Man - les incursions du monde du travail au activités collectives. L'extérieur à cette fredo Tafuri à propos du plan de Le sein des programmes de cours ont «edufactory» reste inchangé. Corbusier pour Algers ; une définition contribué, selon Dogma, à la constitu - Sans oser mettre en forme des idéolo - qui correspond bien aux projets de tion d'une université diffuse, déterrito - gies dont l'architecture pourrait se Dogma. La culture politique italienne, rialisée, immatérielle. Comment charger, action «indécente» et finale - surtout celle gravitant autour du prendre position dans un lieu qui ment impossible dans l'Europe démo - concept d'autonomie, constitue l'une n'existe plus ? Si l'université telle que cratique, Dogma s'arrête sur le seuil des spécificités de leur travail. Pier nous la connaissons aujourd'hui consti - des possibilités offertes au projet. Si Vittorio Aureli a écrit sur ces concepts tue une possibilité unique pour une construire une architecture antagoniste dans plusieurs textes, dont le plus inté - construction collective de pratiques est vaine utopie, l'autonomie de la ressant est The Project of Autonomy : d'opposition, elle échappe en même forme et sa manifestation dans la ville Politics and Architecture Within and temps à la radicalisation des conflits. permettra aux mouvements politiques Against Capitalism . de recouvrir l'architecture de nouvelles leurs théories sur la condition urbaine A Simple Heart, le projet fondateur de significations et usages. et l'architecture. Le point d'articulation entre ces deux Quelle place peut assumer l'intellectuel l'agence montré ici, exprime une pro - sphères est représenté par l'utilisation dans la société pour transformer la position théorique pour l'université du Carlo Menon L'univers référentiel des projets et le de formes archétypales : de grands car - théorie en praxis ? Avant même d'in - Nordeurope qui matérialise le concept soin porté au texte, au dessin au trait et rés allant jusqu'à 3km de côté, des tervenir dans l'espace construit, le pro - de mobilité transfrontalière, tout en Le catalogue de l'exposition Dogma, aux images fait que les projets de croix, des barres parallèles où la vie jet de Dogma – au sens large – est de créant la possibilité d'une résistance à 11 Projects est publié en anglais par Dogma conviennent parfaitement à prend forme, sont la réponse de prendre position dans ce qu'ils appel - cette condition par l'architecture. Sur le AA Publications (Londres, 2013). The l'espace de la galerie ou à celui de la Dogma au besoin de forme de notre lent eux-mêmes le nouveau centre de maillage ferroviaire qui s'étend entre Project of Autonomy : Politics and publication. Mais ils ne se limitent pas société urbaine. L'immédiateté de ces production par excellence du 21ème Liège et Amsterdam, Düsseldorf et Architecture Within and Against Capi - à cette dimension : ils portent un mes - formes fonctionne à la fois au niveau siècle : l'Université. Identifiée comme Gand, 22 stations universitaires s'im - talism (Princeton Architectural Press sage politique qui s'adresse aux fai - pictural qu'architectural. Ces marques le champ de bataille à l'ère du post-for - plantent dans des zones périurbaines en 2008), n'est plus publié. seurs de la ville d'aujourd'hui et de fortes dans le territoire définissent ce disme, tel que l'usine l'a été pour la des villes, se superposant aux non- demain. C'est cela qui fait d'eux des que l'architecture peut donner à la production des biens matériels au lieux existants. Le concept de limite architectes à part entière, et pas des ville : des limites physiques qui déli - 20ème siècle, l'université incarne l'es - architecturale se traduit ici par un bâti - philosophes ni des artistes visuels. mitent en négatif l'espace indéterminé Page 22

Entretien avec Marc Jacobs & Pierre de Mûelenaere, organisateurs du Bozar Electronic Arts Festival.

En septembre 2012 avait lieu la pre - travaillais avec la volonté de mélanger étant d’accueillir de nouveaux organisa - ment lié au Musée d’Art Moderne de ment le défoulement sur le rythme que mière édition du Bozar Electronic les musiques électroniques. Vers la fin teurs avec des formules intéressantes, Barcelone… Et il y a à Londres pas mal la danse peut nous offrir, car c’est en Arts Festival qui accueillait nombre des années 80 j’ai découvert l’Acid de lancer les choses, qu’ils pouvaient d’événements assez pointus dans des fait un point de départ par le biais d’artistes Belges et internationaux House, j’étais dans une soirée, dans une continuer ailleurs dès qu’elles étaient institutions officielles, fonctionnant duquel on peut accéder à toute une cul - dans les diverses salles du Palais des usine désaffectée en Angleterre, à établies. Pour accueillir d’autres organi - avec des subventions… Je ne com - ture, aussi complexe que fascinante. Beaux Arts de Bruxelles au sein Oxford, et je m’en suis pris plein la sateurs, désireux de défricher les choses prends pas très bien pourquoi ils voient d’une programmation résolument gueule, voir des gens danser pendant dans un autre registre. C’était un labora - les choses comme ça. YF : Le festival a beaucoup changé axée sur l’interdisciplinarité, l’expé - huit heures sur cette musique qui me toire, ça a toujours fonctionné comme par rapport à son ancêtre, le BEMF rimentation et la découverte. Yan - semblait si incompréhensible, c’était ça. YF : C’est peut-être lié au constat (Brussels Electronic Festival. nick Franck interroge les organisa - une forme de révélation. Je suis resté d’un certain déclin de ce côté ? NDR) teurs afin d’en dresser le bilan. par la suite en contact avec des amis YF: Quelles sont les ambitions du PDM : Si on prend UNSOUND par Anglais qui m’envoyaient des cassettes BEAF festival ? Quelles étaient vos exemple, CTM à Berlin ou encore le MJ : Le projet a été au départ amené par Yannick Franck : D'où venez-vous ? avec leurs mixes. Puis j’ai découvert la attentes dans ce cadre ? MUTEK, ce sont des festivals tout à fait D’arkose, qui est venu avec des propo - Quels sont vos parcours respectifs ? Jungle, et vers la fin des années 90, MJ : Avant tout offrir une programma - indépendants, il veut donc sans doute sitions très intéressantes mais ça n’a pas Pierre De Mûelenaere : Tout est lié à ma j’étais à fond dans la Drum & Bass, tion vraiment intéressante, différente, mettre en avant le fait que BOZAR vraiment marché pour diverses raisons. découverte de la musique électronique tous les week-end, j’allais en écouter en curieuse. Ce qui semble avoir été le cas développe quelque chose qui n’est pas La volonté de BOZAR a alors été de se en 2004. J’en écoutais avant mais c’est Flandre et un peu partout. Ce que si on se base sur les retours qu’on a eus. si fréquent. concentrer sur les musiques électro - en 2004 que je me suis mis à faire des j’aimais dans le Punk, le Reggae, le Hip niques susceptibles d’attirer un maxi - tentatives personnelles et je me suis Hop et l’électronique semblait se YF : Quel est-le positionnement du YF : Vous avez aussi proposé des ins - mum de monde afin de garantir la réus - beaucoup intéressé au Dubstep. De fil mélanger dans ces styles nouveaux qui festival dans le paysage actuel ? tallations, cela ne doit pas être si site de l’événement. Mais après en aiguille, mes goûts et intérêts se sont me donnaient envie de danser. L’éner - Il y a eu une évolution au sein de commun ailleurs ? quelques essais dans cet esprit ils se étendus et diversifiés. gie du Punk semblait y côtoyer cette BOZAR, qui est devenu depuis MJ : C’est un festival d’arts électro - sont quand même rendu compte que ça espèce de transe dans laquelle on rentre quelques années de plus en plus dési - niques, ce n’est pas nouveau. ne correspondait pas vraiment à la mis - YF: Tout en ayant déjà débuté ta quand on est sur un dancefloor… reux de s’ouvrir aux cultures électro - sion du lieu et se sont intéressés de nou - maison d’édition de livres numé - niques, il y a eu pas mal de formules PDM : Il y a cependant toujours une veau à l’aspect artistique des choses. riques (ONLIT)? À l’époque, je trouvais malgré tout les différentes qui ont été essayées. Et suite tension entre le dancefloor et les Mais au sein de BOZAR, personne ne PDM: Tout ça s’est articulé en même styles électroniques encore très cloison - au festival de l’année précédente (alors musiques plus pointues. C’est donc connaît cette culture. temps, j’ai commencé à être libraire en nés et j’ai commencé à organiser des baptisé "Bozar Electronic Weekend") notre défi de trouver l’équilibre entre 2001, et vers 2005 je me suis dit qu’il soirées où on pouvait mélanger tout ça, dont la programmation était pour ainsi ces deux pôles. Le dancefloor est un YF : D’une certaine manière, vous était possible de devenir moi-même édi - Jungle, Drum & Bass, Techno, House, dire exclusivement dansante et festive, moteur qui amène pas mal de monde. intervenez en tant qu’ambassadeurs ? teur. Ces deux activités (de programma - Hip Hop, Break Beat,.. Puis je me suis il s’est révélé à la suite du festival, qui a MJ : Seuls Pierre et moi-même sommes tion musicale et d’édition NDR) sont retrouvé un peu par hasard à Recyclart. par ailleurs très bien marché, que le MJ : Mais même en terme de dancefloor présents en tant que « connaisseurs » aujourd’hui devenues mon travail. Et tout à coup, j’ai eu l’occasion de Bozar a eu envie de pousser plus loin - nous avons cherché à proposer quelque des musiques électroniques expérimen - prendre le rôle de programmateur et de son aspect artistique, vers quelque chose d’original et qui sort des sentiers tales et dancefloor et nous nous interro - YF : Tu cherches à créer des liens ? À m’entourer d’autres organisateurs de chose qui corresponde mieux à sa mis - battus. geons sur une façon cohérente de faire développer une démarche interdisci - différents genres pour rassembler tout sion. Il y a eu une prise de conscience le lien entre tout ça. plinaire dans laquelle une discipline ça. Il y a donc eu énormément de soi - du fait que ce qu’il fallait faire ce n’était YF : Vous avez aussi prouvé par là nourrit l’autre ? rées axées sur la musique électronique à pas reproduire la même chose que qu’il n’est pas du tout incompatible PDM : Ce qui est très agréable c’est que PDM: Les Deux m’ont toujours beau - Recyclart dans des sous-genres très l’Ancienne Belgique ou le Fuse, chaque d’amener du monde et de proposer comme ils n’ont pas d’expertise dans le coup intéressé de front. J’ai donc arrêté variés, quoiqu’un peu moins orientées lieu à sa mission et son identité. pour quelque chose de peu conventionnel. domaine, ils sont relativement ouverts à mon boulot de libraire en 2009 pour me House car je trouvais que ce lieu se prê - bozar, l'aspect "artistique" prime.. PDM : Ça reste toujours un débat, ce qu’on peut leur apporter dans ce consacrer à la musique et à la littérature tait plus à des musiques plus dures, plus quelque chose à redéfinir. Je ne crois cadre. à temps plein. J’ai de fil en aiguille ren - sombres. Et ça a duré une dizaine YF : Est-ce dû à une prise de pas qu’on peut résoudre ça, c’est un contré les gens du BOZAR et j’ai com - d’années, je continuais aussi à organiser conscience de la dimension artistique débat qui aura toujours lieu et il y aura MJ : Il y a une ouverture. mencé à travailler pour eux en 2010. d’autres soirées ailleurs avec des amis qui existe dans le son et la musique ? toujours à trouver cet équilibre ténu. et en tant que programmateur freelance, MJ : Au-delà de ça, je crois que c’est PDM : Parce qu’ils avaient une volonté Marc Jacobs : De mon côté c’est une j’organisais des événements aux Halles aussi un positionnement par rapport à la MJ : C’est aussi dû à une méconnais - de faire quelque chose depuis plusieurs longue histoire… Je suis à la base un de Schaerbeek où je développais des Belgique, par rapport à ce qui s’y passe. sance de la part d’une grande frange du années mais ne savaient pas très bien dingue de musique. J’en fais depuis concepts au sein desquels je cherchais Nous avons joui de la popularité de public, ceux qui ne s’y intéressent pas quoi ni qui seraient les bonnes per - l’enfance et j’ai su très jeune que je également à mélanger les genres… BOZAR du fait que quand quelque vraiment viennent juste pour la fête sonnes pour créer et défendre un projet voulais être impliqué dans la promotion chose s’y passe, une machine média - sans réel souci de la musique. Ils veu - cohérent. de la musique. J’ai toujours voulu YF: Il y a quand même aussi eu au tique se met en route. En Belgique il lent juste danser. Mais il y a aussi toute découvrir de nouvelles choses, je crois Recyclart énormément d’événements n’y a pas vraiment d’événements une partie des gens pour qui la musique MJ : Aussi, nous ne programmons pas que c’est surtout dû à une rencontre que axés sur la recherche sonore, l’expé - d’envergure qui donnent la place aux sur laquelle ils dansent est importante, pour notre ego, notre but est de propo - j’ai faite dans une médiathèque en Hol - rimentation, le Noise,.. Je me sou - musiques aventureuses et proposent un qui veut être nourrie, intéressée par les ser des artistes intéressants dans le lande, avec un gars beaucoup plus âgé viens avoir vu Keith Rowe, Rafael accès à celles-ci au grand public. À ma sons. Nous voulions donc cibler d’avan - cadre du Palais des Beaux-arts. On est que moi, qui n’arrêtait pas de me faire Toral, Merzbow, Whitehouse, et connaissance le plus gros événement y tage un public plus avide de découverte pas là pour promouvoir nos projets per - écouter des choses que je ne connaissais beaucoup d’autres… étant dédié est le KRAAK festival, qui que simplement festif. Mais il est vrai sonnels ou ce genre de choses. On se pas, que je faisais à mon tour écouter à MJ: Oui, je connaissais moins bien tout est très défricheur mais qui ne touche que c’est une culture d’initiés, car il y a met au service du festival. On ne ferait mes potes. On était un petit groupe de ça, c’est surtout grâce à Philippe Delvo - qu’un public très restreint. Il n’y a donc une musique de danse intelligente, légi - pas la même programmation dans un copains, on montait des groupes Punk, salle qui travaillait à la médiathèque et pas de lieu grand public qui donne la time, liée à une culture du rythme qui autre lieu, car nos choix sont liés au des groupes Metal, un petit groupe de qui organisait avant mon arrivée à part belle aux nouvelles formes ne date pas d’hier, qui est liée à toute contexte, à l’atmosphère du lieu. rejetés qui faisait des trucs dans leurs Recyclart de petits événements avec des d’expression musicale. En particulier une histoire. coins. J’ai gardé ce truc là très fort en artistes expérimentaux. Et je me sou - dans le cadre de la musique électro - YF : Ça me paraît légitime que Maja moi. J’ai commencé à jouer dans des viens avoir adoré une affiche, réalisée nique, on reste assez cantonnés à I Love PDM : C’est hyper intéressant de voir Rakje, The Haxan Cloak ou encore groupes vers 12 ans, puis à coller des par le graphiste Harisson, qui était si en Techno, etc. qui sont des événements ce qui se passe de nos jours, d’assister les Bruxellois comme MS30 et Mar - affiches pour une salle de concert, ce phase, si juste vis-à-vis de cette qui ont leurs raisons d’être mais qui aux différents mélanges… On n’a pas tiensgohome soient représentés au qui me donnait la possibilité de ne pas musique… Tout ça a aussi été une n’ont absolument rien à voir avec ce axé le festival sur des valeurs sûres BOZAR. Le fait que ce genre payer mes tickets d’entrées. Je suis espèce de révélation, d’ouverture, de que nous tenons à proposer. Il existe à incontournables mais plutôt sur des d’artistes n’y soient pas déjà repré - donc allé voir 4 ou 5 concerts par découverte totale. Je trouvais intéres - l’étranger des festivals qui proposent choses qui suscitaient notre curiosité, en sentés en dehors du festival, est peut- semaine pendant environ 5 ans. sant que ce lieu puisse être ouvert aux aux artistes qui ont quelque chose de essayant de voir le rapport qui peut se être même dû à un dysfonctionne - pratiques expérimentales, et avoir un frais à défendre de s’exprimer et nous créer entre le public et des projets très ment. Ce genre d’institution devrait Outre le fait de faire de la musique, ça pendant festif… essayons d’établir ça en Belgique. émergents et encore relativement au minimum soupçonner l’existence m’intéresse aussi de voir comment on méconnus. de ce type de démarche sonore. Ces fait pour que des artistes viennent, YF : Cette diversité est souvent néces - YF : Cependant la chronique du festi - artistes sont résolument ancrés dans jouent dans une salle et qu’un public saire afin de faire vivre un lieu… Je val parue sur le site The Quietus sem - YF : Ce qui vous semble encore la création artistique contemporaine, vienne les voir. Ça m’intriguait beau - crois que ce mélange a contribué à blait placer le festival comme quelque apporter de l’eau au moulin des il n’y a donc pas de raison de ne pas coup. Déjà à l’école j’étais dans le donner une certaine fraîcheur au chose d’unique en grande partie musiques rythmiques, qu’elles soient leur donner de place dans un lieu qui comité de fêtes puis j’ai vers 24 ans Recyclart. Il y avait toutes sortes de parce qu’il avait lieu dans une insti - électroniques ou non, car le rythme se consacre en grande partie à l’art organisé des soirées par moi-même, et gens. tution nationale, ce qui ne semble pas reste quelque chose de profondément contemporain. vers la trentaine c’est devenu plus MJ : Personnellement je suis très vite être monnaie courante dans d’autres archaïque… PDM : Le fait est qu’historiquement il sérieux, j’ai travaillé au Botanique pour lassé, j’aime changer les choses. À pays. MJ : C’est en effet quelque chose de très n’y a pas de contexte, de section dans la fête de la musique pendant un Recyclart dès qu’une formule était ins - MJ : Je ne crois pas que ce soit le cas, le primal et d’intimement lié à la danse. laquelle on peut amener ce genre de moment, ça faisait des années que je tallée, marchait bien, j’arrêtais ! L’idée Sonar festival était à ses débuts étroite - Ce qui m’intéresse ce n’est pas seule - choses. Le festival agit donc comme Page 23

ville de Cracovie, la région, etc.) mobi - liser la Sinfonietta de Cracovie et les artistes pour leur permettre de dévelop - per une création. Le projet tourne main - tenant dans le monde entier. Un fan - tasme serait de réaliser quelque chose dans ce genre, de pouvoir produire des collaborations entre artistes Belges et étrangers et de les faire voyager en valorisant le fait que c’est une création du Palais des Beaux Arts de Bruxelles…

PDM: Evidement nous en sommes à l’édition «zéro» du festival, il faut donc l’installer, lui faire prendre de l’ampleur en espérant que les moyens vont suivre.

YF: Un coup de coeur dans les per - formances que vous avez pu voir au festival? MJ: De loin Maja Ratkje, dans la salle Henri Le Boeuf, un des trucs les plus punks que j'ai fait en tant que program - mateur. Punk dans le sens lié à l'inten - sité extrême de sa performance. J’ai programmé énormément de Punk et de Noise, avec des mecs qui se défoncent Marc Jacobs & Pierre De Mûelenaere sur scène et ce genre de choses mais dans des lieux plutôt propices à ça une sorte de chausse-pied ! Et c’est rences. Ne fusse qu’au niveau des réfé - phones ont pour la plupart été tournés comme le Recyclart, mais dans ce bien, les choses se concrétisent. rences culturelles. vers la France et sa diffusion culturelle. YF : Le festival reste un OVNI. contexte, la proposition musicale de D’où la facilité pour les flamands PDM : On ne peut pas encore se per - Maja Ratkje, avec l’installation lumi - YF : Cette méconnaissance traduit YF : Je crois d’ailleurs que le festival d’assimiler plus facilement des points mettre de proposer des concerts électro - neuse de Hans Christian Gilje, les néanmoins un certain retard de la a attiré plus de francophones. C’est de vue différents, des nouvelles formes niques de façon régulière. Il y a des vitraux du BOZAR qui tremblaient… part de l’institution BOZAR . là ma seule véritable critique du festi - d’expression culturelle, à l’image des choses qui se passent, Xavier Garcia- Je le savais à l’avance mais mes attentes MJ : Oui, un retard à rattraper. Je crois val, vous ne semblez pas encore arri - artistes anglais et américains, et ceci Bardon fait notamment de très bonnes ont été confirmées. C’était vraiment qu’il est évident que ce genre de ver à attirer le public néerlando - depuis plusieurs générations. Les réfé - choses dans le cadre d’Expanded quelque chose à faire. musiques soient reconnues dans une phone. Peut-être est-ce dû au nombre rences sont plus anciennes, ces modes Cinema. Mais nous sommes toujours institution. Il n’y a aucune raison pour de plus en plus restreint de flamands d’expression ont été diffusés à échelle cantonnés dans des événements liés à la PDM: Dans un autre registre j’ai adoré qu’elles soient cantonnées à l’under - vivant dans la ville de Bruxelles ? planétaire depuis plusieurs générations. fête, on ne sort pas encore du stéréotype qu’on ait pu inviter Time Wharp et ground. MJ : C’est possible, mais c’est pourtant D’où une certaine forme de recul, de lié aux musiques électroniques : « les Howse. C’était un défi, ce sont des la presse néerlandophone qui a réagi le critique, que l’on retrouve beaucoup jeunes viennent boire et se droguer ». petits gars qui ne sont pas encore très PDM: D’une certaine manière il y a un plus ! moins du côté francophone du pays. Malheureusement ce cliché se perpétue. loin dans leur carrière, qui ne sont pas double mouvement qui s’opère, car J’ai l’impression qu’on est vite d’énormes noms, qui ne font pas se d’une part l’institution en a besoin pour PDM : C’est aussi dû à l’avance des contents, qu’il y a peu de remise en MJ : Une grande partie du public vient déplacer beaucoup de public. J’ai vrai - évoluer artistiquement et offrir quelque néerlandophones en matière de connais - question. parce que c’est la « fête au BOZAR », ment été heureux qu’on puisse présen - chose d’actuel en arts électroniques et sance des musiques électroniques, ils sans autre préoccupation. ter leur travail. sonores à son public et d’autre part les me semblent autrement plus curieux. YF: Est-ce que vous pensez que vous artistes ont besoin de se trouver dans ce arriverez à fidéliser un public de plus YF : Quels sont vos fantasmes pour MJ: J’étais aussi heureux de mettre les genre de lieu. Il y a une sorte d’échange YF: Il suffit de comparer la program - en plus sensible aux démarches moins les futures éditions ? Qui rêvez-vous projecteurs sur la scène Belge expéri - symbolique entre les deux, et qui est mation de Klara avec celle de Musiq mainstream que vous défendez? d’inviter ? mentale, qu’on puisse les confronter intéressant pour les deux parties. 3 pour s’en rendre compte. PDM: Il faut susciter l’intérêt je pense. MJC: Je n’ai aucun rêve d’inviter qui aux artistes internationaux dont on PDM: Oui, c’est extrêmement différent. Il y a des cultures musicales qui n’ont que ce soit en particulier. Mon envie est parle, et que le public ait pu voyager MJ: À ce point de vue le festival était pas beaucoup de visibilité, et c’est le plutôt de créer une affiche avec une entre les deux dans un contexte une sorte de consécration. J’ai d’ailleurs MJ : Aussi au niveau des artistes élec - rôle de ce genre de festival que de leur série de noms qui raconte une histoire, d’écoute et qui soit intéressant pour tout été frappé que les artistes posent tant de troniques qui ont du succès du côté en donner en tenant d’élargir le public. quelque chose qui parle du passé, du le monde du point de vue technique etc. questions sur le lieu, qu’ils soient aussi francophone. Pour l’instant je ne vois Mais ça passe aussi par un travail présent et du futur, d’avoir une combi - Que tous ces artistes belges qui sont curieux vis-à-vis de sa démarche. Ils que les Party Harders et Aeroplane. d’explication, de sensibilisation,.. naison d’artistes qui fasse passer un souvent obligés de jouer dans des petits semblaient aussi très contents de jouer message fort en tant qu’ensemble. lieux en Belgique aient enfin une recon - dans de telles conditions. Beaucoup YF : Ce qui veut tout dire. Ceci dit, MJ: Idéalement c’est plutôt un travail naissance pour leur travail, et que le d’artistes étaient heureux que le public les Party Harders sont les voisins de de régularité, c’est aussi la difficulté YF: Créer une identité? public suive. C’est quelque chose soit assis. Certains ont l’habitude de la rédaction de Flux News, n’en dites pour nous, c’est qu’il ne se passe MJ: Oui, mais aussi créer un lien entre d’important à développer, Support Your jouer devant un public debout dans des pas trop de mal. qu’une fois par an. Ce n’est pas un lieu différents artistes d’époques et de Local Scene! Et c’est quelque chose de squats avec un son pourri, où tout le MJ: Je les connais bien, certains sont ou on pourra développer les choses milieux différents et faire ressortir un fil motivant pour les jeunes artistes de se monde est de très bonne volonté mais des amis. Ce qui me semble assez toutes les semaines ou tous les mois, conducteur, rendre évident le fait qu’ils dire qu’ils peuvent arriver dans un tel où les conditions sont vraiment diffi - symptomatique c’est que ce sont les donc ce travail didactique s’impose. Il ne sont pas programmés là par hasard. contexte au niveau national, avec un ciles. C’est pour les artistes aussi une seuls qui s’exportent en tant que musi - faut aussi un travail intergénérationnel, public et une mobilisation des médias forme de reconnaissance que de jouer ciens électroniques! on est en train de réfléchir à des moyens Le fantasme est plutôt budgétaire. Que sans devoir passer directement par la dans de bonnes conditions. de permettre aux enfants de s’initier, de l’on puisse nous donner les moyens Chine ou le Japon! YF: On peut aussi mentionner Fran - découvrir les boites à rythme, les instru - d’être à la hauteur des autres festivals YF: Vis-à-vis des arts sonores et des çois Boulanger (Alias Cupp Cave / ments électroniques,.. Les parents de qui défendent cette optique de par le La prochaine édition du Bozar Elec - musiques d’écoute, est-ce qu’il y a Ssaliva)… cette génération d’enfants ont bien sou - monde. Nous avons pour cette édition tronic Arts Festival aura lieu les 26- selon-vous une réelle demande au MJ: Oui mais ça reste tout petit! Ssaliva vent grandi sur les dancefloors, ils sont travaillé avec des moyens ridicules en 27-28 septembre 2013. Plus d’infos niveau du public en Belgique, est-ce a eu des dizaines d’équivalents en donc tout à fait ouverts à ça mais il n’y comparaison avec ces festivals dont je sur www.bozar.be et sur www.face - que vous remarquez une évolution de Flandre. pas encore d’activité pour les enfants. parle. Nous étions toujours à cent euros book.com/BozarElectronic ce côté ? près… MJ : Le public belge est multiple. La PDM: Il y a clairement plus d’activisme PDM : Je pense à ça depuis très long - réception est très différente à Bruxelles, en matière de musique électronique du temps. Ces cultures musicales que nous PDM: Quand on voit ce que le festival en Wallonie ou en Flandre. Ce sont côté flamand. essayons de mettre en avant sont can - UNSOUND peut se permettre de faire, trois publics distincts qui ont des cul - tonnées à de l’événementiel, des festi - produire des créations originales… Par tures musicales et des approches diffé - MJ: Les néerlandophones ont plutôt été vals etc. mais ça ne rentre pas, pour le exemple dans le cas de Ben Frost & rentes de la musique… Venant de Hol - bercés par une culture anglo-saxonne moment en tout cas, dans la program - Daníel Bjarnason, ils ont pu avec l’aide lande, je perçois fortement ces diffé - (UK, USA), tandis que les franco - mation régulière du BOZAR. de plusieurs pouvoirs subsidiants (la

Page 25 LIVRES La Chambre des artistes

White cube L’espace de la galerie et son idéologie Brian O’Doherty Editions JRP/Ringier

Brian O’Doherty comme l’écrivain nouveaux réalistes, un anarchisme qu’il est avant tout, a joint à la figure impossible à envisager outre-atlan - d’un critique, celle d’un Janus de l’art tique. Les Américains seraient donc aux identités multiples. bien trop matérialistes pour s’attacher Critique adulé au New-York Times , à des gestes d’art qui dégomment le entre les années septantes et les années rapport aux objets. quatre vingt, — il est né en en 1928 — Inaugurant le temps de la dématériali - il fut aussi médecin et chercheur dans sation de l’œuvre d’art vers un vide le domaine de la physiologie de la per - fertile, plein, à tout le moins, qui ception visuelle. résonne de sens par sa portée dialec - Cet aspect a dû servir non pas de tique ; ces gestes d’artiste ont tenté de déclencheur mais sans aucun doute a conférer aux œuvres comme à influé sur sa compréhension de l’œil l’artiste, une possible transcendance. en exercice, surtout lorsqu’il s’agit Toute conversion prenant sa source pour lui de montrer combien la surva - dans une croyance, on assiste alors à lorisation de la perception peut mettre la possibilité d’arriver à faire advenir à mal l’identité du sujet, réduit à un l’œuvre sans œuvre. ballet d’organes perceptifs au détri - Mais la palme du nez creux revient à mais il est moins fiable que le specta - lieux des « Chambres esthétiques » A l’exemple d’un Christo qui emballe ment de sa conscience. sa commande à Roland Barthes. teur, lequel, contrairement à l’Oeil est comme il nomme les galeries des le musée d’art Moderne de Los Cette dimension scientifique de la Ce dernier lui envoie un inédit en très soucieux de plaire. L’Oeil est une années 60 et 70. Angeles pour en faire littéralement un personnalité d’ O’Doherty a donné Anglais qui n’est autre que : the death connaissance hypersensible avec Ces dernières sont appelées ainsi, trou noir de l’institution muséale. lieu d’ailleurs, et de manière provo - of author/ La mort de l’auteur. lequel on se doit de rester en bons parce qu’elles ont « quelque chose de Or cette conversion engendre un cante, à un electro-cardiogramme pro - Le projet Aspen qui s’est inscrit dans termes. (…). » On dirait une fable, la sacralité de l’église, du formalisme déplacement tel, que la dé-création posé à Marcel Duchamp un soir de l’appréhension de l’art comme adresse mais ce n’est pas d’Esope, c’est du de la salle d’audience, de la mystique après la dématérialisation, pointe. Une 1966. et comme localisation, est aussi le Brian O’Doherty sur l’histoire de l’art du laboratoire expérimental (…) ». agressivité claire se fait jour envers à Ce Duchamp portrait , est d’ailleurs coup d’envoi d’une décennie d’articles moderne. Ainsi en est-il de la galerie, c’est une la fois les lieux d’art et les spectateurs. une des pièces conceptuelles de ce brillants, publiés dans Art Forum entre Il poursuit : « Mais comme tous les pièce où l’on est caché ou endormi, un Pour O’Doherty, de cette contestation même Brian O’Doherty, qui sévit 1976 et 1981. L’historienne de l’art purs sangs, il a ses limites (…). L’Oeil lieu d’intime expérience. il reste peu de traces à l’heure comme artiste sous le pseudonyme de Patricia Falguière les a traduits et a un problème avec le contenu, qui est Cette chambre est-elle d’ailleurs actuelle. Patrick Ireland — identité choisie en réunis sous le titre : «White cube, bien la dernière chose qu’il demande à contenu ou contenant ? La postface au livre datant de 1986, protestation contre le massacre des l’espace de la galerie et son idéolo - voir. » Tout semble mêlé visiblement, renforce cette conviction. Au risque de Irlandais par les troupes Britanniques gie.» Que faire de l‘œil alors puisque Brian d’autant que c’est au cadre moder - passer pour un grincheux, le critique à Derry en 1972. En fait de textes, ces articles parus en O’Doherty s’en méfie ? niste, au sens propre et figuré, insiste : « l’art était autrefois au ser - Sous cette identité, l’homme est donc feuilletons sont autant d’hypothèses de Cet œil dont il souligne : « qu’il est le qu’O’Doherty confronte cet espace vice de l’illusion ; désormais il se un plasticien conceptuel, qui ne travail qui vont marquer des généra - gardien de l’espace sans coutures de la d’art, et pour finir s’attaque. nourrit d’illusions. Dans les années s’éloigne jamais longtemps de son axe tions de galeristes, d’artistes, et de galerie, de ses murs plans tendus de Car si la galerie est un cadre, est-elle 1960 et 1970, vouloir se passer d’illu - de réflexion : l’espace de l’exposition commissaires d’exposition. coutil ». un nouveau cadre ? sions était une démarche risquée. Elle et sa confrontation avec le Comme l’énonce en ce sens Patricia Manifestement, il lui préfère le corps On l’aura compris, O’Doherty ne veut n’allait pas être tolérée longtemps. spectateur/acteur de cet espace. Falguière : « Inside the White Cube est tout entier, ipso-facto il lui préfère le rien de moins que faire sa propre his - L’industrie de l’art a, depuis lors, En outre, pour ne manquer aucune des un texte majeur de la déconstruction spectateur, car celui-ci n’est pas rebuté toire de l’art, et pour ce faire il se entrepris de résorber cet effort.(…) cordes qui composent son arc, du système de l’art moderne. ». par les tentatives d’assemblage et de démarque. L’histoire de l’art en fin de compte O’Doherty a été également pendant On doit en effet à O’Doherty des collage qui transforment l’espace et le En premier lieu, en convoquant Clé - c’est de l’argent. » Voilà sa conclu - longtemps, l’homme d’une institution pages qui démontent à sa façon, libèrent. L’œil, dans une certaine ment Greenberg, en qui il voit un sion lucide, en même temps qu’un peu : celle de la fondation nationale pour somme toute légère, le rôle primordial mesure, s’accommode mal de l’impu - regardeur de mur, peu sensible à ce caractérielle. Après des années au ser - les arts aux Etats-Unis, intervenant de l’espace de la galerie et du geste de reté, il lui faut du lisse, de l’immédiat. qui se passe ailleurs que dans la vice des avant–gardes, O’ Doherty dans le financement de lieux alterna - l’artiste, pour en faire voir la construc - D’où la fascination d’ O’Doherty pour vision. regrette qu’artistes, spectateurs, col - tifs comme le Artist’s Space ( 1973) et tion scènique et anthropologique, Schwitters et son Merzbau (1923- En ce sens, les notions greenber - lectionneurs soient retournés bien le P.S.1 (1976), connu en Europe pour voire l’idéologie sous jacente. 1943) alias la cathédrale de la misère giennes de « planéité », et « de littéra - sagement à la niche de la galerie et du sa politique prestigieuse de résidence. Par delà le profil d’humaniste renais - érotique. lisation du plan pictural », sont ici tri - cadre alors que des expériences artis - C’est dans cette continuité, qu’à son sance de Brian O’Doherty (scienti - Un bric à brac méthodiquement turées pour leur faire rendre l’âme. tiques déterminantes avaient fait initiative des textes fondateurs de la fique autant qu’esthète et artiste) les agencé qui permettait autant à l’espace D’abord parce qu’O’Doherty les gagner en liberté nouvelle ceux-là post-modernité ont pu émerger. formules fusent et l’esprit suit. qu’à ceux qui s’y trouvaient de se reprend méthodiquement à son même. Tout est-il donc rentré dans On pense au numéro 5+6 de la revue N’oublions pas, que l’homme a été mettre en mouvement sans être figés compte, pour finalement ensuite s’en l’ordre ? L’avenir serait-il dans l’ate - Aspen (1967) simultanément revue et aussi un vulgarisateur patenté de l’art dans une pose définie. émanciper, grâce à des notions aussi lier ? Suite au prochain épisode. multiple d’artiste. contemporain pour la télévision De fait, l’espace du Merzbau n’a cessé nouvelles alors que celles de geste de Cette boîte à outils intellectuels et anglaise. durant vingt ans de s’inventer et de se galerie et de contexte. Raya BAUDINET-LINDBERG plastiques, unique en son genre, En outre, en bon Irlandais, ses pères transformer par succession d’assem - Des notions clés puisqu’après avoir dédiée à Mallarmé ; dont Broodthaers Joyce ou Beckett ne sont pas loin, ce blages d’élements épars entre eux. défini le cube blanc comme « cet disait qu’il était la source de l’art qui fait qu’O’Doherty n’a pas que du Reste à savoir si la galerie est un lieu espace sans ombre, blanc, propre, arti - contemporain, car il avait inventé style, il manie l’absurde, et le brio pour sentir ou pour penser ? ficiel, dédié à la technologie de l’espace moderne ; fût l’occasion pour moins que la théorie pure et dure. Il Du percept au concept, O’Doherty, l’esthétique », il lui faut donc vivifier Brian O’Doherty de commander des est fondamentalement un homme de pourtant, n’a que faire d’être un cet espace, et comprendre qu’il va se textes a des artistes aussi variés que salon avec l’esprit qui l’accompagne - manuel de muséologie ou une transformer par son contexte en William Burrough, John Cage, Bec - voir à ce propos le drolatique épisode réflexion sur un théâtre pour un seul contenu d’art. kett, Eva Hesse, Robert Morris, Hans de la comparaison entre l’œil et le spectateur. Si O’ Doherty voit en Yves Klein un Richter. spectateur: En empiriste, il pose des constats, et des précurseurs des gestes de galerie, « Il est possible de diriger l’Oeil ne philosophe que peu sur cet état des c’est qu’il reconnait dans l’apport des Page 26

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cauchemar autant que métaphore d’une Burkhard associe le désert à la notion enfance indigeste. La monstruosité, d’infini et Mike Epstein, avec sa plate- Richard Prince la suscite par l’associa - forme pétrolière, mise sur la fragilité tion de plage pour vacanciers avec une des réalisations humaines, fussent-elles estivante exhibant une jambe bardée de impressionnantes, face à la nature. tiges orthopédiques en métal. Poulicevich, la vie représentée Les portraits de Thomas Ruff dardent sur nous le regard d’une présence qui À l’affût de ses semblables, Charles paraît, comme leur faciès, impliquer Poulicevich (Lyon, 1980), diplômé de une sorte d’indifférence figée à jamais La Cambre, exposé au Musée de la dans des solitudes. Un esseulement Photographie, semble fasciné par toute que traduit à son tour, sur oreiller, un manifestation du besoin de jouer un couple de Sharon Lockhart ou telle personnage, de se montrer tel qu’on jeune fille de Wolfganga Tillmans à la n’est pas, de faire et se faire un specta - sueur dégoulinant dans son décolleté. cle devant le regard d’autrui. Les citadins campés par Philip-Lorca di Corcia révèlent des moments d’exis - La diversité est au rendez-vous. Mais tence face à la consommation : isole - un élément semble être le fil rouge de ment du navetteur fatigué et de son cette démarche : c’est que, presque poisson rouge, délaissement du noir toutes les photos sélectionnées ont un face à une superette, abandon d’une élément… rouge. Parfois, il s’agit d’un dame en train de se restaurer. simple point, souvent des espaces plus étendus du décor, de l’habillement, des La Vénus au briquet, sortant de l’onde objets. Par contre les situations et les à la manière d’un Botticelli, donne personnages sont de toutes sortes. l’impression de compenser sa divinité par la cigarette alors que les femmes À bien les regarder, il devient vite évi - Charif Benhelima, “ San Damiano” 1997-98, © C. Benhelima de Garry Winograd sont prêtes à saisir dent qu’il s’agit toujours de moments à l’instantané les petits plaisirs de la liés au besoin, volontaire ou incon - Une série d’expos donne à voir des Damiano sont ou bien dissimulés sous met en valeur visages et insignes. Mis - vie. Quant à Sam Samore, il gomme scient, de représentation dans le sens images photographiques où les tissus qui recouvrent leur sommeil ant aussi sur la frontière ténue qui l’individu en le réduisant à un sourire d’attitudes et d’actions liées à la l’homme tient la place essentielle. précaire, ou bien insérés (incarcérés ?) sépare potentiellement vrai et faux, aux lèvres en méga-gros plan. présence d’un public susceptibles de Soit pour témoigner de ce qui ne va entre quatre murs, même si certaines Cindy Sherman installe des visages de les regarder. C’est explicite dès lors pas en nos sociétés, soit pour toucher portes et fenêtres semblent ouvertes ; poupées en extase charnelle, humanité L’absence de l’homme et son désir de qu’il s’agit d’un défilé de candidates à au mal-être et à la maladie ou la la jeune prostituée tunisienne est d’artifice affichant son artifice. Robert retrouver une nature idéalisée est le quelque concours de miss quelque mort, soit pour esquisser une vision cernée par le bric à brac désordonné de Heineken suggère une sorte de dédou - thème de ce bureau cadré par Lynne chose ou du cabot pour médaille du amusée de la vie sociale. sa misère. blement par superposition comme si se Cohen. Ici, tout est froidement tech - plus beau toutou, de la prestation d’un dissociaient personne et rêve de soi. nologique mais la décoration, bien que prestidigitateur, de boxeurs disputant Charif Benhelima est Belge, fils Au centre de l’espace du BPS22, face factice, révèle une nostalgie de paradis un round comme on danse le tango… d’immigré. Son statut d’allochtone à face, deux œuvres hautement sym - Avec un éclairage en contre qui perdu via nuages et poissons. L’usine Peut-être l’est-ce moins lorsqu’il est l’interpelle et il s’interroge sur ce qui boliques. D’une part une photo d’école auréole, Torbjørn Rødland fait de son étalée par Andreas Gursky semble question de circonstances plus intimes fait qu’il y a, dans un pays démocra - où Benhelima élève est isolé, solitude bambin enduit de nourriture une figure appartenir au jeu des ‘7 erreurs’ fami - ou focalisées sur des êtres en plan rap - tique, une séparation administrative et extrême, de tout contexte temporel, de l’opposition, à la moue et au regard lier de la presse écrite : en l’occurrence proché mais dont on pressent qu’ils mentale entre indigènes de souche et géographique et culturel par des ajouts pleins de défi. La nudité choisie par retrouver, parmi la surabondance des sont observés par des regards hors citoyens descendant d’exilés étrangers. picturaux ; d’autre part, l’agglomérat Helmut Neutor prend à son tour des éléments de l’atelier, la présence réelle champ. Au BPS22, il traduit ce question - mural d’une série d’autoportraits et de allures d’étrangeté, recouverte qu’elle des ouvriers. Le ‘drive-in’, cinéma en nement dans un travail photographique portraits retravaillés ( à partir d’images est de poils tombés de sa coiffure ; elle plein air pour automobilistes indolents, Telle cliente de bistrot, attablée au sein intimement lié à l’autobiographique. polaroïd) jusqu’à en devenir presque affiche ainsi le paradoxe du beau rendu permet à Hiroshi Sugimoto d’opposer d’une sorte de pénombre mordorée, est anonymes de personnages issus de sa laid, de la chair vivante opposée à la rigidité de la blancheur d’un écran saisie dans une pose un peu poivrote Les noms rassemblés au Musée de la famille marocaine d’origine sémite, ce d’inertes phanères. Joel Peter Witkin vierge aux lignes mouvantes du correspondant à ce jugement populaire Photographie par la collection de la qui ne facilite pas la résolution de sa pousse plus loin en montrant « Le paysage environnant entrevu. Quant à du style « elle se donne en spectacle ». famille Janssen s’ouvrent sur des quête d’identité. Baiser » de deux têtes momifiées, la nourriture que cerne Stephen Shore, À l’inverse, assurément, de cet usager recherches plastiques. Ils ne dédaig - monstrueuses dont la peau ressemble à ses coloris ne cachent guère qu’elle de transport en commun englué dans Cet ensemble constitue une démarche nent pas la part d’ombre qui hante les des lambeaux de tissus. attend celui qui, accoutumé à la mal - une solitude entraperçue derrière une humains, la morbidité inhérente à de constat. Nul appel à la sensiblerie. l’existence éphémère des êtres. Simplement un alignement de situa - Charles Poulicevich se sert du quoti - tions factuelles. Un indirect réquisi - dien surpris au cours de circonstances toire pour trouver le moyen de sortir où les gens se donnent en spectacle, des critères d’apparences quand il théâtralisent consciemment ou non un s’agit de juger et jauger les gens. Car moment vécu. Quant aux albums de ce belgo-judéo-maghrébin, de langue famille étalés de 1870 à 1980, ils sont flamande, est toujours en recherche témoins directs de l’intimité de d’identité et sa lettre au roi, inscrite au citoyens ordinaires. sol, sous les pas des visiteurs, amène, en plus des images, une réflexion argu - Behelima, l’allochtone mentée.

Les individus que Benhelima (Brux - La collection Janssen elles, 1967) fixe en photographies se montrent tels qu’ils sont, en lien avec Galeristes et collectionneurs passion - des endroits spécifiques. Chacun est nés dont Yan Pei-Ming a peint les por - saisi au sein d’un décor qui, servant de traits sans concession, les Janssen ont fond, devient un arrière-plan quasi réuni, au fil des ans, nombre de photos symbolique. Et cet environnement de qualité, souvent en format géant. implique davantage l’enfermement, la Leur choix, visible au Musée de la barrière, l’obstacle que l’ouverture au Photographie, tourne essentiellement monde, l’espace de la liberté. autour de l’homme, même s’il y a des Sam Samore, “ Allegories of Beauty # 171 ”, 1990. Galerie Rodolphe Janssen, Bruxelles. incursions du côté du paysage ou de la En effet, les enfants jouant dans la rue nature morte. Chez Serrano, le corps incisé ou vitre. Tel duo d’ados, assis sur une se heurtent à des façades, voire à leur bouffe, viendra la dévorer autrement ensanglanté est présenté selon une borne de ciment au milieu de la circu - propre reflet dans une vitrine, présence Des scènes marquent. Celle de « que du regard. esthétique parfaite, paradoxe de la lation urbaine, arborant un drapeau virtuelle aussi prisonnière de l’image L’Arrestation » selon Jeff Wall évoque chair la plus tendre liée à la mort qui la Ses paysages urbains, comme ceux de qu’on imagine belge, a l’air de lancer donnée de soi que la présence réelle bien ce que la photographie comporte décomposera. Les ogres ensavonnés de Thomas Struth, attestent du règne de une sorte de singulier message l’est du déracinement. Les sans papiers d’ambiguïtés. Les personnages sont Zhang Huan, bouche ouverte, mas - l’auto et du béton sur les habitants, sémaphorique. Tel chien paraît décon - parqués au Petit Château à Bruxelles mis dans des attitudes précises, tiquent des humains ou s’apprêtent à avec çà ou là, une nostalgie d’un tenancé, hypnotisé par l’envol d’une ou dans l’ex-centre d’accueil San l’éclairage est celui d’une série télé qui les recracher, monstruosité de urbanisme à l’ancienne. De son côté, plume bleue alors qu’une main de Page 29

ERSTEIN L’art qui ne cache pas la forêt

Puisant dans la diversité de sa collec - André Masson, oubliant le surréalisme, turnes encore par la noirceur du tion, le musée Würth est passé sur le se souvient de cela quand il peint son « matériau. versant écologie afin de proposer des Amandier dans le vent ». Le symbo - œuvres qui ont pour sujet, figuratif lisme ramène des corps mythologiques De la déprédation à l’aspiration ou abstrait, symbolique ou psychana - entre les troncs des arbres. Soit dans lytique, la forêt, les arbres, la végéta - l’exubérance réaliste des muscles chez Les compositions de Kiefer, assem - tion. Rothaug, soit stylisés chez Acker - blages mi-peinture mi-sculpture ou mann. photo, attestent de destruction, de La prédominance de la figuration chaos, de ravages. C’est à l’évidence s’explique par le choix du sujet. Il Avec le surréalisme, les artistes aussi l’impression suscitée par les s’appréhende en effet d’abord par le renouent avec l’aspect mystère, inquié - souches abandonnées et les arbres regard direct que nous portons sur la tude qu’engendre la forêt dans l’imagi - ébranchés répartis sur toile par Volker nature, le paysage, la forêt, l’arbre ou naire collectif. Max Ernst a conçu des Tannert. De même les dessins frémis - n’importe quel végétal. Le plus ancien dessins et frottages qui jouent avec des sants, tourmentés, emportés par la tableau, daté de 1845 et signé Spitz - analogies décalées, des associations fougue graphique de Bernard Schultze weg, inscrit un couple d’amoureux insolites. Hans Arp invente une femme n’empêchent pas la finesse du trait de dans la luminosité dorée d’un crépus - proche de la liane et du bourgeon. se charger d’un désarroi de cauchemar. cule encadré par une végétation enve - loppante. Un romantisme qui s’effa - Pour les expressionnistes tel que Beck - Katz divise l’espace en plans horizon - cera devant la délicatesse décantée man, puisque la guerre est passée par taux reliés par la verticalité des arbres d’un coucher de soleil de Sisley, la là, le poids du tragique semble peser et, cependant, cette apparente - juxtaposition des touches de Pissarro, sur les formes, s’accommoder du som - lité est troublée par un tourbillon de celles plus larges de Corinth ou de bre. Il influencera aussi le pinceau de feuilles emportées par un vent percep - Rohlfs, le quasi pointillisme de Baum, Georg Merkel. Et l’évolution du tible à travers une idée de mouvement. le frémissement flou des feuilles chez monde actuel ne suggère guère aux Un vent qui se retrouve, tempétueux, Henninger ou du mouvement intégré créateurs une sérénité idyllique. Un enrobé de pluie, chez Benjamin des promeneurs du Tiergarten selon cliché de Robert Longo sert de transi - Muecher. Norbert Tadeusz, lui, rougit Lebermann. tion : un sous-bois dont la brume laisse le sol sur lequel des racines à allure supposer quelque menace. Tel fusain d’arachnides géants supportent des Le fauvisme va provoquer l’éclatement de Kaminski, tel crayon de Günter troncs torturés alors que Dieter Krieg des couleurs. Kirchner entrelace vert, Grass s’attachent à des troncs et souligne que certaines floraisons peu - bleu, jaune et rose. Scherer renchérit et branches dévastés, rendus plus noc - vent avoir des allures de blessures.

Max Ernst, « La forêt du somnambule », 1934, collection Würth © ADAGP, Paris 2012 ( Volker Naumann, Schönaich)

présence et disparition, utilité et ineffi - Les plantes sculptées par Damisch se cacité. Gerhard Richter use d’une flu - révèlent agressives. Sur des aquarelles idité visuelle vaporeuse afin de consid - de Tereska Zimmer, des arbres aux érer élémentaire et artifice, couvert et étranges colorations paraissent découvert. s’enlacer dans l’inextricable. Lüpertz ajoute de claires allusions militaires en La barrière, par contre, chez Antal des travaux pastichant des croutes à Sprok, est un prolongement de l’arbre, chiner en brocante. Il n’en oublie pas une prolongation de son existence l’usage du bois grâce à deux toiles après qu’il a été abattu. Les planches semblant rendre hommage à l’arti - qui la constituent deviennent alors sanat, à l’ébénisterie. Gabi Sreile traite sculptures, mises à nu de la matière l’arbre à la manière de Jean-Pierre ligneuse. Chez Christo, au contraire, Ransonnet chez nous. c’est l’emballage, la mise sous, protec - tion ou dissimulation, mise en valeur Paradoxalement, avec les menaces qui ou linceul. L’ensemble, on le voit, est planent sur la planète, la perception de varié. Il permet, en outre, de découvrir la nature est devenue aussi une raison un certain nombre d’artistes allemands Charles Paulicevich, de la série « Variation » où le baigneur qui, sous les boules de l’Atomium, semble avoir les boules de d’espérer. Elle est perçue en tant que peu connus chez nous. sauter dans l’eau froide… © Charles Paulicevich lieu non-urbain, espace de respiration. Voilà ce que traduisent des huiles Michel Voiturier quidam, à peine éclairée, indique des jetant un regard perplexe à sa droite aura d’autres actions, conséquences de polychromes et lumineuses de David présences en périphérie. alors que les autres regardent à gauche. ce qui vient juste de se passer. On Hockney. La panoplie de champignons Musée Würth , rue Georges Besse à Ou cette femme en bas et bustier rubi - passe alors au roman. Et qui sait, si on de Wintersberger est la preuve de la Erstein [F] jusqu’au 19mai. Infos : 00 C’est en pleine rue qu’un autre clebs conds, assise sur les genoux de son passait de l’une à l’autre de manière diversité des espèces. Les panoramas 33 388 64 74 88 ou effectue un saut acrobatique pour supposé amoureux, à demi cachée par ininterrompue aboutirait-on à une saga rendus minutieusement feuillus par Catalogue : C.Sylvia Weber, Christoph s’emparer d’un morceau de barbe à l’ombre chinoise d’individus fran - de la vie ordinaire en train de se rêver Lester Campa fondent un univers de Craf Douglas, Peter-Klauc Schuster et papa que lui tend sa maîtresse, quasi chissant l’espace au pas de course. extraordinaire. verdure prêt à absorber une humanité collab., « WaldesLust », Künzelsau, invisible, tandis que des passants en mal de naturel, trop parfait d’aspect Swiridoff, 320 p. (69,90 €) déambulent indifférents à l’exploit Il y aurait une vie à imaginer à partir Michel Voiturier pour être autre chose qu’un rêve. canin que le vendeur de sucreries de cette dame bien mûre se défoulant guigne d’un air amusé. Sans se rendre jusqu’à l’extase dans un tango renversé « L’allochtone » au BPS22, 22 boulevard Persiste néanmoins l’opposition entre compte que l’animal donne l’impres - avec un partenaire décoré de cartes à Solvay à Charleroi jusqu’au 26 mai. l’urbain et le naturel, entre le périss - sion d’être sous la coupe magique jouer. Il y en aurait huit à réinventer Infos : 071 27 29 71. able et le supposé pérenne ; elle est d’une fée Clochette peinte en apesan - par l’intermédiaire de ce groupe de admirablement traduite à travers une «Une affaire de famille », « Charles série de travaux signés Ben Willikens teur sur la devanture de son étal. jeunes dames à l’entrée d’un immeu - Poulicevich : Variation » au Musée de la qui mettent en confrontation un ble, en attente (comme chez Alain Photographie, 11 avenue Paul Pastur à Chaque photo est support potentiel Bryer avec le Tour de France) d’un Mont-sur-Marchienne (Charleroi) jusqu’au paysage arboré et des éléments de d’une histoire à raconter. Début d’une événement sportif ou folklorique. 12 mai. Infos : 071 43 58 10 béton. Une subtile approche de la nouvelle que cet enfant, déguisé en Chaque scène marque en effet très lumière et, par conséquent, des varia - Zorro à cape noire et épée de plastique clairement qu’elle se situe après un tions liées à la temporalité, souligne les mais affublé d’un masque de… Donald moment passé et avant l’instant qui contrastes entre végétation vivante et Duck. Matière pour une autre histori - suivra, autrement dit qu’elle représente constructions délaissées, plantes et ette que cet homme, qu’on imagine tra - la suite de ce qui constitue la ou les palissades ou murs. Le jeu créatif porte ducteur simultané dans un congrès, personnes photographiées mais qu’il y sur la frontière ténue entre vie et mort, Histoires de Livres Le salon du livre d’artiste de Bruxelles

TOUR & TAXIS - 01 & 02 JUIN 2013 - 10 H À 18 H

EXPOSITION 13.04 > 14.07.2013 COLLECTIFS D’ARTISTES 2 GÉNÉRATIONS 1968/2013 ANCIENS ABATTOIRS MONS RUE DE LA TROUILLE, 17 - 065/56.20.34 - WWW.BAM.MONS.BE

   Page 31 « Boxing Icons » l’art est un sport de combat

L'Art est un sport de combat. Ce clin d’oeil détourné de la formule empruntée à Pierre Bourdieu, est né à l'occasion d'un projet d'exposi - tion dans le cadre de la 9e Biennale de gravure off de Liège.

années la peinture a été malmenée, mais il n’y a pas d’art s’il n’y a pas d’esthétisme. MB: Je pense que la peinture ne doit pas être uniquement esthétique, elle doit être avant tout émotionnelle. DP: Pour moi l’esthétique c’est la lecture d’une oeuvre d’art, elle est là pour créer un lien entre le spectateur et l’artiste, elle ne sert qu’à ça.

Quels sont vos goûts artistiques? DP: J’aime les minimalistes, Jean-Pierre Raynaud m’intéresse. Je ne saurais pas aller voir des peintres qui travaillent dans mon sens. MB: J’aime les peintures murales, les peintres mexicains, les rituels Vaudou à Haiti, les ex voto, la peinture des primitifs flamands. Je suis très intéressée par les descentes de croix. Il y a des scènes de Pieta qui peuvent me donner les larmes aux yeux. C’est l’émotion que le peintre a Manon Bara: donné qui m’intéresse. L’Art est ma reli - Je m'interroge sur la fabrication de la culture, une industrie de rêve gion. Dans mon travail, je fais référence à et de"divertissement pour gens qui ont peur" ma culture, je la détourne. Je déplace les nouvelles icônes mais c’est la peinture avant tout qui dirige mon existence. La boxe et les stars sont deux thèmes surrenchérir... Dans cette optique de DP: L’art est aussi un rituel presque reli - récurrents dans le travail de Manon Bara et sacralisation de la déchéance, il n’hésitera gieux. de David Pirotte. De tradition pop expres - pas à représenter dans une peinture au sionniste, les deux artistes se classent titre évocateur, «Victim of Jack White», une Que pensez-vous de la démobilisation naturellement aux antipodes des courants star de rock tuméfiée. En vis à vis de cette de Benoit XVI? David Pirotte, peinture citation. conceptuels à la mode aujourd’hui. Tous déchéance aux allures christiques, trône MB: C’est magnifique, il y a eu un éclair deux s’expriment de manière impulsive et un impressionnant retable sculpture-pein - sur le Vatican. C’est le genre d’image qui directe. Leurs sources d’inspiration sont ture gravé de Manon Bara en hommage à peut me bouleverser. communes révélant une forme d’art popu - Michael Jackson. Un clin d’oeil à la Pieta David Pirotte : DP: C’est l’homme qui reprend le pas sur laire, au croisement de plusieurs ten - de Michel Ange qu’elle revisite dans un «L’art de la boxe c’est de pouvoir déceler l’ouverture en un quart de son statut de Pape. seconde afin de décocher le coup fatal, en peinture c’est pareil.» dances mélangeant tradition et modernité. rehaussement de couleurs où le rouge Je me souviens que Warhol s’est fait pho - Leurs œuvres sont parfois teintées domine. Dans sa série sur la boxe, elle tographier avec Jean-Paul 2. Dans sa Fac - d’influences musicales, avec une prédilec - opte également pour cette technique de tory, les gens se défonçaient, mais le tion pour le Néopunk chez David Pirotte et gravure très physique qui consiste à utiliser qui nous rapproche dans notre travail. Basquiat. Aujourd’hui ce qui m’intéresse dimanche très pieusement Warhol allait à une touche plus Pop rock chez Manon la gouge, ou ciseau à bois, comme outil c’est la multiplication. Je fais des sérigra - l’église avec sa mère. C’était un grand Bara qui adore revisiter les images cultes pour prélever de la matière. Paradoxale - L.P.: Ce besoin constant de sacralité est phies. Finalement la reproduction, l’abon - mystique. des vedettes du show biz, Elvis, Michael ment, elle privilégie l’unicum, là où la gra - très présent dans ton travail Manon, je dance m’intéressent comme chez Warhol. Tu t’intéresses aussi beaucoup à Jackson ou Madonna. Si Manon Bara revi - vure est souvent synonime de multiplica - pense aux Madones principalement... J’aime aussi l’humour présent dans son M.B.: Je parle du sacré mais ce qui travail. L’image où on les voit ensemble Nietzsche... site et détourne l’histoire de l’art et des cul - tions, la matrice rehaussée de noir et d’or DP: C’est un philosophe guerrier. Il a dit tures populaires pour servir son art; David devient l’oeuvre finale. De manière géné - m’intéresse surtout c’est de créer des nou - poser en boxeurs me plait beaucoup, elle velles icônes. Je fais des détournements, nous a inspirés David et moi. des vérités qui dérangent, comme notam - Pirotte, lui, revisite avec ferveur les News rale, en conformité avec le côté prolifique je déplace la Pieta de Michel Ange en ment quand il dit que les guerres sont plus en s’installant dans la posture du «chroni - de sa nature profonde, elle adopte une atti - Pieta de Michael Ange. J’aime sublimer DP: Des boxeurs comme Cassius Clay fructueuses pour le genre humain que queur citationiste». Par exemple l’empoi - tude plus baroquisante avec une violence les stars comme Amy Winehouse, en ont élevé la boxe au rang d’oeuvre d’art, il l’amour du prochain. Il voulait dire que sonnement au plutonium d'Alexandre Litvi - contenue plus empreinte de religieux et de faire une sainte, une martyre. a réellement développé un style. c’était parce qu’elles favorisaient le pro - nenko par Poutine est mis en questionne - rituels sacrificiels où mort et renaissance MB: Basquiat a peint également une série grès au niveau social. Il va à contre sens ment dans une de ses peintures. Pas - s’entrecroisent à tour de rôle. Le sacrifice LP: Toi David c’est plutôt la désacrali - de boxeurs: c’était aussi ses idoles. C’était d’un Gandhi qui refusait le combat. Son sionné de cinéma, dans sa série sur la du veau d’or, une impression sur tissu, où sation, tu es attiré par les films noirs? à l’époque une page importante d’un combat était pacifique. On a besoin des boxe, il utilise le procédé du storyboard se mélangent rituel vaudou et grand messe DP: Je me sens plus proche d’un Taran - combat social pour les noirs américains. deux. des films américains pour décrire la saga orgiaque en est l’exemple parfait. tino que de Claude lelouch. J’ai plutôt un DP: Beaucoups de boxeurs noirs ont MB: Il ne faudra pas oublier de citer Van des sportifs. De la montée en puissance Dans le travail de gravure des deux côté underground. J’aime aussi sacraliser épousé une cause politique . Damme. Finalement, je préfère rencontrer vers la gloire avant de sombrer dans la artistes, on décèle une maitrise parfaite du des situations comme du temps où je pei - De Niro que Van Damme c’est plus mon déchéance, c’est tout le monde de la trait et une souplesse du geste. Cerise sur gnais des junkies en train de se camer. Ca LP: Quelle est la différence entre pein - genre (rires) boxe, métaphore d’une société en dérive, le gâteau pour les deux artistes: le dessin. devenait des espèces d’icônes. C’est mon ture et gravure? Pourquoi ce besoin, qu’il brasse en un clin d’oeil dans une ins - Il traduit dans sa rapidité d’éxécution le éternel combat contre la morale et le poli - chez toi Manon, d’utiliser la matrice Dans le cadre off de la Biennale de tallation qui reprend une petite quinzaine prolongement naturel d’une pensée. Leurs tiquement correct. comme pièce unique? MB: Pour peut-être arrêter la multiplica - gravure 2013, «Boxing Icons» est le de tableaux. Dans l’iconographie de David nombreux carnets authobiographiques titre de l’expo que la galerie Flux Pirotte, une prédilection pour des scènes témoignent de cette capacité naturelle à MB: On pourrait se définir comme des tion. Le bas-relief devient quelque chose expressionistes Pop cruels, post avant gar - de sacré par son effet d’unicité. Parfois, je organise. Prolongation jusque fin mai. qui tendent à témoigner du monde. Le capter le vivant. distes (rires) suis plus touchée par la matrice que par Rens. T./ 04/2532465 monde est violent; il nous faut le montrer l’empreinte. tel qu’il est, dans toute sa noirceur, et s’il L.P. D.P.: Comme disait Richard Hills le poète faut en rajouter une couche, pourquoi pas maudit, nous sommes des citadins cruels LP: Un ami m’a fait rire en prétendant mais pas sentimentaux. Il y a un côté que ce qui singularisait David Pirotte Lino Polegato: Vous êtes tous les deux part de gourmandise. Par rapport à romantique chez Manon que je reven - ce sont surtout les taches de doigt lais - très ancrés dans les arts dits popu - d’autres artistes qui verseraient plutôt dique. sées sur ses gravures. laires, la boxe en fait partie... dans le conceptuel, je pense que mes DP: Je laisse des traces de négligences, je David Pirotte: La boxe est le sport le plus mains sont plus intelligentes que ma tête. MB: J’essaie de me moquer de mon pense que ces traces personnalisent populaire qui soit, j’en ai fait à 17 ans. Il y a quelque chose de charnel dans la romantisme. l’objet. C’est là qu’il se singularise, à tra - C’était l’équivalent de 50 cents par leçon peinture. Une touche de peinture c’est un vers un mauvais traitement. à l’époque. Dans la boxe, il y a le côté peu comme un coup de poing. L.P.: Dans la série des couples artistes physique... atypiques, il y a le couple Warhol - Bas - LP: Que représente la notion d’esthé - Manon Bara: C’est pulsionnel comme David Pirotte: Le style se traduit dans quiat... tisme chez vous? dans la peinture, tu as l’image en tête et il l’exécution. Avec les couleurs, la pulsion DP: D’un côté un artiste conceptuel et de MB: Il y a une esthétique de la Bad pain - y a l’exécution de la chose. Je suis plutôt du moment, l’empâtement, la matière, l’autre un expressioniste un peu primal. ting aussi. boulimique avec mes couleurs, il y a une tout ça, c’est l’aspect physique. C’est ce MB: J’ai eu une fascination très forte pour DP: C’est vrai que depuis ces 50 dernières Page 32 Madrid Révolution en 33 tours

d’artistes de niveau international (une tique de l’autoproduction, laquelle ne trentaine) armés de propositions sug - cherche qu’à obtenir sa séparation gestives. On sait que la musique pop et d’avec l’autorité et le contrôle d’autrui. tout ce qui la prolonge (chansons, Ce matériel rencontre une ambiance disques, vêtements, concerts, marchés, musicale dont il s’inspire. Il est ques - fanzines, etc) est l’outil d’une affirma - tion de clandestinité par l’usage de tion à la fois personnelle et politique. réseaux alternatifs qui se présentent Pour débrouiller un tel écheveau, le comme improvisés, à rendement éco - a

s responsable de l’exposition a décidé de nomique certain et débordants d’ima - s i l diviser son parcours en cinq sections. gination. Ultime étape: « Cover ver - a

l «Corps à 33 tours» : les œuvres propo - sions, revisitation » met en scène le a

m sées ici désignent le look en tant que thème de l’appropriation au niveau 2 1

territoire nécessaire à l’autosatisfac - d’une version personnelle d’un maté - h c

i tion, mais à la fois reliées et distincte riel préexistant, une fois oubliées l t

n du mainstream ; le contenu dont il est toutes préoccupations liées à l’original, e g i question n’aboutit pas à l’homologa - afin d’aboutir a une vita nova . Arrivés e

r tion du corps, mais au contraire au à ce point on ne peut que constater la a t s

désir de manifestation de l’individua - confluence entre la musique pop et g n

i lité. « Espaces de bonheur extrême » l’art contemporain: soit la capacité à m

a organise une cartographie des lieux éveiller des manières de désapprendre l f

a donnant naissance à des relations inter - plutôt qu’à promouvoir ouvertement la t

o personnelles où la subjectivité entre rébellion. c s i

d dans le jeu par le biais des émotions,

m des désirs et de la subculture. Ainsi, les Franco Giaveri 2 a

c salles de concert et la chambre ornée Traduction de l’italien par de posters de groupes préférés. Aldo-Guillaume Turin La musique pop ainsi que les formes venues de ce type de musique sont à la triomphe capitaliste, tant au niveau de «L’émancipation du fan» cherche à politiques qu’elle engendre sont source de l’idée de communauté auto - la forme qu’à celui de la consomma - redéfinir l’image du supporter incondi - l’objet d’une exposition intitulée nome, et de ce que le pouvoir en a tion à la portée de tous. tionnel avec le spectre suivant : on ira «Pop politics : activismos a 33 revo - rarement tenu compte par le biais de Toutefois elle incarne un terrain favo - du sujet passif jusqu’à la personnalité luciones», dont le commissariat a été son système de contrôle. Il n’est pas rable aux interactions, appropriations marquant son indépendance et dont la assuré par Lopez Munuera. La neuf d’affirmer que la musique pop et révolutions aux plan social et poli - star admirée devient l’outil pour la manifestation est visible jusqu’au 21 constitue un changement des plus défi - tique. L’exposition réussit à construction exigeante d’une identité avril au CA2M de Madrid. nitifs au niveau politique au XXe convaincre. A l’aide d’une préparation propre. Dans la séquence de l’exposi - siècle. Il est vrai qu’en apparence la rigoureuse (le catalogue en parle très tion intitulée « Du Samizdat à l’Agit On s’est aperçu que les émotions logique du pop se met au service du bien) et d’un choix bien réfléchi Prop » on voit s’approfondir l’esthé -

Fragments archéologiques

Les espaces Matadero de Madrid années 80, de la vidéo-pornographie , accueillent jusqu’au 9 mai l’exposi - la publication disparaît et devient aussi - tion “Arqueólogica” conçue par Vir - tôt un objet de culte et de collection. ginia Torrente et accueillant les L’installation de Ruiz comprend des œuvres de Christian Andersson, copies de Sukia, des numéros de revues Pedro Barateiro, Mariana Castillo dus à l’artiste, d’autres publications Deball, Mark Dion, Daniel Guzmán, encore et une très importante documen - Diango Hernández, Regina de tation cherchant à éclairer un contexte Miguel et Francesc Ruiz. qui, en parlant de la culture populaire et de l’usage d’instruments relevant de Art et archéologie ont des liens qu’ils l’archéologie comme de l’approche ont mis en évidence. L’exposition culturelle, renvoie à certains standards laisse apparaître combien recherche et de la société de masse, comme la cen - fouilles représentent les aspects essen - sure, le porno, l’underground, le genre, tiels des deux disciplines. Quelques- l’archive, la collection, etc. uns parmi les artistes présentés, tout en évitant les rapprochements faciles et les Mémoire et histoire exigent l’applica - références obvies, proposent des narra - tion du concept de déconstruction, ainsi tions basées sur des fragments dont la qu’une réinterprétation. Et cela tout succession très surveillée permet autant quant au contexte social et poli - d’engendrer des significations qui, une tique que concernant le résultat esthé - fois percues, donnent sens. Il est ques - tique présenté au spectateur. L’artiste, tion de porter au jour une connaissance loin d’affirmer une thèse ou d’offrir des enfouie ou oubliée, des fragments réponses toutes faites, veut radicaliser d’ « un temps en ruine ». le questionnement et entretenir le doute afin de laisser émerger une nouvelle Le regard de l’archéologue est avant manière de penser et de percevoir ce tout attitude devant le réel, c’est un que le passé a de discontinu. installation de Francesc Ruiz processus qui suppose une enquête dans un domaine particulier du savoir Virginia Torrente de son côté se réfère et surtout la capacité d’unir entre eux amplement à Lévi-Strauss dans le but que l’un et l’autre en arrivent à démon - nommer (par le mot table, ou roche, ou une véritable vocation. Pedro Barat - des éléments différenciés dans le but de nous éclairer sur le point de départ trer leur propre matérialité ; ils repré - céramique) ne forme que 5% de l’uni - teiro (Alamada, 1979), auteur d’une d’établir une logique là ou l’on s’atten - théorique de l’exposition: « Les ethno - sentent un témoignage vivant du passé vers. Le restant est matière obscure remarquable installation, nous le rap - drait à de l’arbitraire. logues recueillent des éléments dépour - et de l’histoire oubliée. « Le savoir (20%) et énergie tout aussi obscure pelle par une phrase de Paul Virilio : vus de significations pour les histo - n’arrive jamais seul » nous indique le (75%). Étrange phénomène !» « Le champ de la vision m’a toujours Francesc Ruiz (Barcelone 1971) pré - riens, ce faisant ils étudient les pro - titre de l’installation de Regina Miguel semblé comparable à un terrain de sente sa recherche tirée de la bande priétés que cache un objet mais qui (Málaga, 1977), où l’artiste établit effi - Ces constatations incitent à chercher fouilles ». dessinée, en particulier de « Sukia», concernent sa raison d’être, celle-ci cacement une connexion entre la pen - des noms pour ce que nous ne connais - BD italienne érotique publiée entre sera sociale ou artistique... Méca - sée scientifique et d’autres champs sons pas encore, tant dans la science Franco Giaveri 1977 et 1986, diffusée en Europe nismes traduisant l’émotion esthé - d’enquêtes, laissant apparaître des que dans la science-fiction. D’autre Traduction de l’italien par (Espagne, Belgique, France) et aussi tique. » intersections possibles au cœur de la part, comment ignorer que les œuvres Aldo-Guillaume Turin aux USA, et en Colombie. connaissance. Jonathan Whitmore, d’art supposent des finalités, des L’exposition souligne bien la cohabita - astrophysicien interrogé par elle, preuves ou des expériences ? On Avec l’explosion planétaire, milieu des tion entre art et archéologie, de sorte affirme: « Tout ce que nous pouvons s’aperçoit que continuer à fouiller est Charif Benhelima The Allochtoon

Image extraite de la série Semites : a Wall under Construction, 2005-2011

16 Mars > 26 Mai 2013 mercredi > dimanche, 12.00 > 18.00

espace de création contemporaine de la Province de Hainaut B.P.S.22 Boulevard Solvay 22 / B-6000 Charleroi / http://bps22.hainaut.be / 071 27 29 71 Page 34

Chronique 6 Aldo Guillaume Turin UN TEMPS SANS AGE Jacques Rancière , Günther Anders , Jean-Michel Othoniel Patrick Modiano, «Ice Art Age», Joseph Beuys. Aldo Guillaume Turin

Qu’un événement comme la sortie d’un film sur toute civilisation et que l’exilé sait inaccessibles, cli - conséquence, paraît l’attitude consistant à accepter sibles et pourtant interdits ; et comme une scène, une écran large émeuve ou retienne, ou bien au contraire vées comme le rêve d’avec la ruine des heures dans que les « nœuds » qu’il offre à la découverte rejaillis - de plus, résumée à un lieu d’où l’action maintenant tamponne à petits coups dégressifs l’imagination, il un contexte promis à périr et qu’il faut, avec l’infor - sent d’une puissance métaphorique, d’un dégagement est bannie. L’alternance devient ainsi un motif princi - suffit quelquefois d’en examiner les sources pour que tune pour viatique, laisser en dehors de soi - en de la théorie et de la clinique, plutôt que du choix pal de création, opérant un effet miroir entre le dehors s’efface comme par miracle l’importance qu’on lui sachant cependant que c’est malgré soi. Anders com - d’une discipline s’occupant d’économie pulsionnelle. et le dedans. Ici un œil rond s’occupe à l’instar d’un donne. A cela s’attache la critique. Mais ce n’est pas mence à tenir un journal, il décrit des sarabandes Nous interrogerons donc, sans conclure, la relation viseur à retenir l’image qui va s’évaporer – tandis que sans mal. américaines à tour de bras, il se dégoûte de l’épou - d’analogie dans cette Babel ouverte à toutes les cor - là un œil identiquement obsessif s’empare d’un rendu Et cela parce que, d’une part, la façon de prendre vante qui grandit en lui plus qu’il n’obtient de sa respondances avec les incitations les plus naturelles, en partant de quatre mots qu’on dirait tombés d’un conscience du mystère de la création a été de fond en plume de la rejeter, il connaît des moments doulou - les plus directes. « cadavre exquis ». Paru fin 2012, L’herbe des nuits comble bouleversée par des formes de questionne - reux où il s’agit de substituer à l’être beaucoup trop Le verre prête à ces œuvres une beauté vraiment peu confirme ce penchant pour un réel soumis à condi - ment où l’espoir de parvenir à une explication plau - d’impossible. Le contenu de Tagebücher und ordinaire. Déjà, lors de la rétrospective d’Othoniel au tions. Dehors, ce sont des manigances, elles sont à sible se distingue tout à fait de l’é*vidence d’une rai - Gedichte (en traduction, Journaux de l’exil et du Centre Pompidou, ce matériau avait paru tirer du vide l’origine d’un crime commis par une jeune étudiante : son totalisatrice. On parle ici, bien sûr, du cinéma retour ) décline, d’amont en aval, de sursauts en des contours reptiliens, d’une amplitude de forme jadis désirée, jadis fuyante, sa silhouette s’impose comme rêverie volontaire, et non des allomorphoses retombements, la genèse du portrait d’une mémoire. dépassant de beaucoup ce qu’on savait depuis long - mais reste promise à la disparition ; dedans, ce sont auxquelles il est soumis de façon grotesque par la Est-ce animé par l’intention de le parachever que temps sur son minimum de résistance face aux proba - des circonstances floues, établies par défaut, à cause main blanche qui domine l’univers du spectacle, Anders se rend à Hollywood ? Le choc, aussitôt. bilités fort nombreuses qu’il éclate en miettes. Cette du déni opératoire qu’un narrateur entretient vis-à-vis lequel n’est autre que l’univers de la marchandise. L’accent du vrai qui explose comme si le processus fois, l’imagination s’allume et s’enivre en poursuivant de toute posture vraiment active et nécessaire. Le fil Ce qui cherche à se dire au moyen d’une œuvre, litté - de penser filait de tous côtés. Les composantes des en lui une tension indéfiniment retenue, la courbe se casse pour ce personnage dès qu’il se reporte à son raire, plastique ou cinématographique, exonère de fait notes presque quotidiennes, encore de plénitude d’un déploiement temporel qui épouserait l’ordon - carnet de notes et, quant aux circonstances, sa le cogito actuel des conditions qui l’obligeaient à pro - attractive quand il s’agissait de consigner le vertige nance d’un méthodique, d’un obsédant cérémonial. mémoire les embrouille plutôt qu’elle ne les ressasse pos d’elle à émettre un avis stable et crédible. des grandes villes, semblent subir l’attaque d’un poi - Où le royaume de l’air devient l’interprète d’une ou, incapable de leur prêter un label de garantie à la Lorsque Jacques Rancière annonce, touchant au son. Elles se refusent à l’adhésion qu’exigent les geste inconnue. mesure du vécu, ne les distingue en les séparant les cinéma en général, la couleur qu’il entend défendre mises en scène dans les studios visités, ainsi que ces unes des autres. On est remonté aux années 60, afin de s’assurer un code de lecture valable, on voit mastodontes d’étoffe, de cuir, d’armes factices et * l’Algérie « passe » à Paris que le chaos policier qu’il opte pour la distance le séparant des normes d’accessoires en tous genres que sont les collections autour du fantôme de Ben Barka habite et bouscule – anciennes de beauté formelle, ainsi que des différents de costumes à enfiler pour un western ou pour une Un cadre de vie arrêtée, Bruxelles n’en offre plus tout cela en fondu, et chacun des lieux traversés ou vecteurs autrefois mis à l’honneur dans le but de fable médiévale. Le récit de vie menace de s’inter - depuis des décennies, peut-être même depuis retraversés au hasard de trafics obscurs en arrière- « sanctifier » l’art. Les intermittences dans rompre, le voile se déchire comme un satori. La l’époque des démolitions sauvages de ses quartiers de plan d’un va-et-vient temporel qui jamais ne se l’approche auraient à servir selon lui d’appel du juge - rédaction en sera toutefois sauvée par un effet de petit commerce, la jouissance ni les bénéfices. Il bloque. ment. Qu’est-ce que le cinéma ? Un éloge du mouve - sourdine appliqué à force à cette orgie de semblant, existe une parenté entre les cités européennes qui, par L’autofiction, on le sait, constitue le territoire de ment, haussé jusqu’à réduire au niveau d’hypothèse non par peur, non par lâcheté, mais par l’altération centaines, ont été la cible des bombardements et, l’auteur. Dès ses débuts, il a cru aux pouvoirs de stérile le concept de réalisation ? Ou l’édification consentie du filtre qui permet que les choses soient depuis lors, de l’étripage de leur centre viscéral : avec l’amnèse et, à cette aune, cru en un passé résurrec - d’une utopie de langage qui se chargerait de prendre normalement vues, comprises ou aimées. le pouvoir de supprimer les reliefs à vocation centri - tionnel : très clairement, le dessein était de laisser en compte un présent demeurant à jamais inactuel ? pète, il convient de parler de programme. Sauf que vibrer l’onde émanant de l’époque de l’Occupation. Le philosophe aborde tous ces problèmes. Il fixe son * Bruxelles, que structurait le partage entre ville haute Avec L’herbe des nuits, où se rencontrent des profils esprit, qu’il a extrêmement incisif, sur, à la fois, ce et ville basse, est resté l’objet d’une bataille immobi - aussi douteux que durant celle-ci, le constat apparaît qu’il nomme « émancipation du spectateur », et sur, La galerie Perrotin, à Paris, accueillait de janvier à lière lui infligeant l’aspect d’un stand de tir. d’une mémoire insuffisamment consciente des ajoute-t-il, un « système d’écarts » dont la prise en février 2013 quelques-uns des derniers volumes de Mais ce qui l’a desservie peut donner lieu en manques qu’il lui faudrait combattre. compte révèle un désaveu d’une conception linéaire Jean-Michel Othoniel. L’exposition, suggérant une revanche, parfois, à des marquages intempestifs qui la de l’Histoire. refonte entière de l’accord existant entre une sculp - créditent, au delà de ses haillons et de ses poussières * Mais d’autre part, et la chose saute aux yeux de qui - ture et son environnement, déconcertait tout autant les de chantier, de la plus surprenante, la plus sauvegar - conque a simplement au cours de sa vie été sensible habitués du lieu que ceux dont le goût du contempo - dée des vélléités d’insoumission. L’éveil de l’humain, le ciel s’enflammant de pro - au cinéma, parce que les nouvelles analyses, les nou - rain se mâtine d’un certain embarras à ranger les On voit ainsi dans l’une de ses artères une façade fraî - diges, les troupeaux d’aurochs dans les ténèbres peu - veaux concours de savoirs, hybrident de plus en plus artistes et leurs projets, ou même leurs souhaits. La chement repeinte. La maison doit dater de longtemps vent-ils nuancer de manière fantastique la pensée les idées avec les signes qui, à l’image, qu’elle soit présence active dans ces récents travaux d’une inten - puisqu’elle s’aligne à l’ancienne sur d’autres bâti - rétrospective qui nous transporte vers le paléolithique, projetée de manière classique ou numérisée, en sont tion chargée d’en démembrer l’aspect géométrique ments lui ressemblant, par leurs formes et par leurs humblement faut-il admettre que nous connaissons preuve. témoigne du souci de s’opposer au schématisme, et dimensions : sa coque paraît n’avoir été remise en peu de choses du grand domaine en arrière de nous. Or voici que sort en français une publication où c’est à cause d’un tel conflit sans doute que le visi - train que pour dire l’inutilité de la colère face au Sur les brisées d’à peine quelques personnalités quelqu’un admet d’emblée - il a une urgence person - teur, dès qu’il entrait dans l’une des pièces où se cynisme que nourrissent les lieux auxquels certaines savantes dont nous avons appris qu’elles comptaient nelle le poussant à ne pas désobéir à ce choix restrictif voyaient « les nœuds de Babel », éprouvait paradoxa - autorités confient absurdement le soin de penser pour beaucoup et réclamaient une écoute aiguë, rares – que la perception que l’on a du monde, seul ou relié lement une impression de mue. Il a fallu qu’une très l’écriture urbaine. Ptyx est l’enseigne dont se pare la sont les occasions que nous provoquons de tirer des à une communauté de race ou de cœur, n’est pas loin subtile complexité intuitive accompagne une parfaite librairie ouverte entre de tels murs, où se côtoient des bords entre le vague et le précis au sujet d’une de se confondre avec une pure fiction. C’est, à la et continuelle maîtrise de l’espace à trois dimensions ouvrages qui n’ont pas, eux non plus, connu l’assaut période s’étalant tout de même de moins quarante réception du contenu de ce texte, l’étonnement. C’est pour que, se découpant avec la grâce d’un lézard à la des pelleteuses lancées par « la grande édition » mille ans à moins dix mille ans. Ces chiffres donnent aussi, du point de vue de la vérité, ne fût-ce que par la course, les sculptures demeurent perçues pour ce contre le public des lecteurs. La façade : l’agrandisse - le tournis, mais signent-ils une estimation définitive, bande, une singulière distorsion. Et il suffit à celui qui qu’elles sont en réalité : des constructions. Toutes ment d’une page d’un dictionnaire biographique, et osera-t-on pour toujours s’appuyer sur eux ? Au parle ainsi de se justifier des manquements l’ayant s’affirmaient comme des solides, mais toutes égale - déroulant depuis le toit jusqu’au sol quelques noms British Museum à Londres se tient jusqu’à la fin de ce incliné vers, oui, une décroyance, pour que toute fré - ment pouvaient se laisser ressentir comme sujettes à illustres, Spinoza, Virginia Woolf, on ne saurait citer printemps une exposition hardie dont le catalogue quentation des salles où l’on fait courir dans le noir et une hantise de la substance, de la fragilité de la sub - tout le monde, et l’heureuse idée aura aussi voulu que rassemble des pièces (quelques centimètres) traitées l’une après l’autre des images montre soudain qu’elle stance – comme le dégel des lignes épurées dont des visages d’auteurs soient tracés sur l’édifice à pré - en stéatite ou en ivoire, il y a aussi des pierres de plu - implique une allégorie du destin. ensemble elles reflétaient la cristallisation tranchante sent d’une couleur de lune : l’oiseau introuvable, ce sieurs provenances – témoins rescapés de nos loin - Günther Anders a fui l’Allemagne nazie en 1933, et et provisoire. ptyx uniquement conçu par le cerveau de Mallarmé, tains enfouis, mais est-ce bien sûr qu’il s’agisse de si un réel a pu un jour se pratiquer à la manière de la Babel a-t-elle été évoquée en rapport seulement avec bat désormais des ailes au creux de la ville, d’une travaux d’artistes ? Expression, intensité, accueil d’un chaise qui tue au bout d’un couloir à juste titre dési - l’épîsode de la tour bâtie jadis par des hommes manière si reconnaissable que la situation imaginative cosmos sexué, Ice Art Age aborde la question à l’aide gné comme couloir de la mort, c’est précisément en orgueilleux ? Qui sait ? Et qui dira si les droits où tout à coup l’on se trouve a licence de devenir réa - d’une méthode qui accepte sa vulnérabilité, en trou - ce lieu et à cette époque, mais il y avait alors tant de qu’impliquaient les paroles échangées à son sommet, lité. vant les perceptions sensorielles par-dessous les appa - chaises que les idéaux humanistes ont trébuché et paroles impuissantes à créer du sens pour tous car tri - * rences tout comme si n’existait pas de discours orga - failli passer pour de ridicules colifichets. Anders - le butaires de leur idiome d’origine et inaptes à la réci - nisé face à essentiellement de l’irréfutable, du tra - mot en allemand veut dire « autrement » - est rede - procité, forment la préoccupation essentielle de Le séisme de la guerre d’Algérie avait déjà fourni ses gique en puissance. vable de son pseudonyme à l’un de ses éditeurs, fâché l’artiste ? champs et contrechamps à l’une des fictions roma - Ce qui égare durant les minutes passées à estimer de sa signature (il s’appelait Stern) et lui recomman - Othoniel préfère se référer à la psychanalyse, où nesques de Patrick Modiano, c’était en 1992, et le l’aura de présence élémentaire à laquelle nous sou - dant d’abandonner celle-ci, de jouer aux masques le l’inadéquation de soi et de l’autre, celui-ci parfois un titre du livre, comme la plupart de ceux que propose met, quoique consentants, la Vénus de Grimaldi ou plus souvent possible : l’ironie, on le constate, n’a rien objet, et parfois aussi un affect que l’on jalouse chez l’écrivain, suggérait une scène et, pour une fois, dans celle de Lespugue, on pourrait aussi bien le ressentir perdu de son mordant depuis Socrate. En fuite aux son voisin, marque au fer rouge à la fois l’état de un temps lisse, une action, ce qui semblait renvoyer devant les photos, les dessins, les « matériaux Etats-Unis avec Arendt, sa compagne des veille et l’état de sommeil. C’est pourquoi il inscrit aussitôt à un instantané. Un cirque passe – le titre d’actions » - cymbales, objets sonores - dus à Beuys, années d’avant la déclaration de guerre, les camps, le volontiers sa démarche dans un tournant qui fait une cachait les drames, escamotait les règlements de et que Thaddaeus Ropac a eu l’initiative de réunir gaz, la bombe atomique, il continue d’écrire et, large place aux intrigues tissées entre le corps et la compte, imposait silence à des prisonniers martyrisés pour l’ouverture de sa galerie de Pantin, en région contempteur de la férule industrielle, rapporte ses pensée symbolique, aux provocations et vacillements à l’ombre d’une France s’accoudant à sa mégaloma - parisienne. Œuvres d’art à part entière, ces résidus effarements face aux obstacles de plus en plus nom - divers induits par le soupçon désormais jeté sur le nie coloniale. Avait-on affaire ou non à une histoire saturés d’infime où la volonté le cède à la matière ? breux ôtant sa liberté à l’individu contraint par la folie caractère inachevé de l’existence, avec sa capacité de propre à éblouir, en raison de ses fastes annoncés et Nous nous interrogeons. Les accords et les chemins moderne, aliéné à ses semblables. Son travail fut vio - saisie inouïe, sa dynamique transformatrice due au sans compromis avec l’âge adulte, des groupes continus de la sensibilité située au-delà des vitrines lent, décapant, mais il a su éviter la tentation « com - toucher, à l’écoute, au regard. Mais il s’empêche de d’enfants auxquels un conteur eût tenu langage ? que le créateur allemand avait l’habitude de remplir plotiste ». traiter cette « base arrière » en système et réussit à Vestiaire de l’enfance , revoici un appel à la crédulité, de ses trouvailles rappellent ces moments où celui qui Il y va, et surtout, d’un rapport à ce qui est, du plus produire un éclairement sur le paysage mental qui est, de même, un titre figurant dans la bibliographie peint ou sculpte se reproche de paraître en artiste. brutal des sentiments à ces harmoniques propres à l’intéresse sans verser dans l’abus réflexif. Utile, en de Modiano. Encore une chaîne de souvenirs, acces - Page 35

Avec : Julio Le Parc / Nouvelles Agenda Verviers B.P.S. 22 Centrale for Contemporary Art WIELS, Centre d'Art Contemp. Boulevard Solvay, 6000 Charleroi 44 Pl Ste Catherine Av. Van Volxemlaan 354 Impressions de Raymond Roussel / T.064 225170 02/2796444 1190 BXL François Curlet / Daniel Dewar & Liège Galerie Arte Coppo jeudi -dim. de 12H à 18H 29.04.13 > 19.05.13 tel +32 (0)2 340 00 50 Grégory Gicquel / Joachim Koester 62, quai Jacques Brel, Charif Benhelima | The Allochtoon | Marie-Ange GUILLEMINOT Tauba Auerbach : Tetrachromat / Evariste Richer / Les Modules - 83 rue Spintay 4800 Verviers 16 mars > 26 mai 2013 22.03 – 02.06.2013 Fondation Pierre Bergé - Yves Saint 087/331071 Les Contemporains Laurent, etc. BAL 18 rue de la Croix 1050 BXL Féronstrée, 86 4000 LIEGE T: 02 640 57 05 Le Plateau 32 (0) 4 221 89 11 Mons Hasselt angle de la rue des Alouettes La 9e biennale internationale de Stavelot Contretype +33 153198410 gravure contemporaine BAM (Beaux Art Mons) 1 Av de la Jonction 1060BXL CIAP, >12/5 Paint it Black Du 15|03 > 19|05|2013 8 rue Neuve 065 40530628 Le Triangle Bleu 02 5384220 Armand Hertzstraat 21 bus 1 Dove Allouche, Iñaki Bonillas, Mario Réouverture 5/10/2013 Cour de l’Abbaye, 4970 Stavelot VINCENT DELBROUCK B-3500 Hasselt Garcia Torres, Francesco Gennari, Grand Curtius 080/864294 MICKAËL SOYEZ di-vr 11-18u, za 14-17u Pierre Huyghe, Joachim Koester, Féronstrée - 4000 LIEGE merc. au dim. de 14h à 18h30 KOMA 20/03 - 5/05/13 Integraties van Patrick Merckaert. Bertrand Lamarche, ... Images à conviction 11.01 > 11.03 05.05 - 28.07.2013 4 rue des Gades, 7000 Mons. >14 /4 Sophie Langohr Michel Boulanger T.065/317982 Etablissements d’en Face New Faces : 26.04 > 14.07 32, rue Ravenstein -1000 Bruxelles Z33, Zuivelmarkt, Hasselt Luxembourg 02/2194451 011/295960 Les Brasseurs STEINAR HAGA KRISTENSEN 6 rue des Brasseurs, 4000 Eupen Namur 09.03.13 - 21.04.13 Mudam Luxembourg Liège.Tél.04/22.4.91 Musée d’Art Mod. Grand-Duc Jean Du 20.03.2013 au 18.05.2013 Ikob Maison de la Culture Komplot 3, Park Dräi Eechelen Ronny Delrue Antwerpen Musée d’Art contemporain Eupen 14 Av. Golinvaux, 5000 Namur 295 avenue Van Volxemlaan, L-1499 Luxembourg Biennale de la Gravure Loten 3, 4700 Eupen T. T.081/229014, de 12H à 18H00, B-1190 Brussels +352 45 37 85-960 087/560110 YEAR launching and exhibition M HKA 23/03/2013 - 08/09/2013 Centre culturel des Chiroux du jeu. au di.: 14/18h Musée Félicien Rops 18.04 - 20.06.2013 Leuvenstraat, 2000 Anvers, L'IMAGE PAPILLON 8 Place des Carmes 4000 Liège Ikob Collection rue Fumal, 12, 5000 Namur. tél:03.2385960 FOLKERT DE JONG T.04 2224445 > 26/5 T. 081.220110 Greta Meert PRÉSENTATIONS DE LA COLLEC - ACTUS TRAGICUS SUPERSONIC YOUTH tous les jours, 10-18h (sauf lundi) rue du Canal 13, 1000 BXL. TION Ve. 29.03 > sa. 08.06.2013 T. 02/2191422 COLLECTIE XXXII Toxic Galerie Luxembourg Belge KOEN VAN DEN BROEK 07 déc 2012 - 21 avr 2013 2 rue de l’Eau Une certaine gaieté... MICHAEL VENEZIA 1449 Lux. +352 26202143 APRIL 20 - JUNE 29, 2013 Micheline Szwajcer KENNETH ALFRED 9/11 rue des Mineurs, Grand Hornu 4000 Liège Centre d’art contemporain du Lux 14, Verlaatstraat , 2000 ANVERS. du 05 avril au 15 mai 2013 jusqu’au 26 avril 2013 BP56 T.: 061/315761 Florenville ISELP T:03/2371127 Jeremy Goffart MAC’s Musée des arts contempo- 31 BD de Waterloo, HANS-PETER FELDMANN Casino Lux.Forum d’art cont. L’Orangerie rains Grand Hornu 1000 BXL 15 March - 20 April 41, rue Notre Dame, 2240 Lux., Mad Parc d’Avroy Centre culturel de Bastogne 82 rue St Louise 065 652121 02 5048070 T.352 22 50 45 tous les jours, sauf à Liège T. 04 2223295 58 rue du Vivier 6600 Bastogne > 02 juin 2013 Du 22 février au 4 mai 2013 Zeno X gallery le mardi : — 28.4.2013 AU COMPTE-GOUTTE 061 216530 I Love You Mummy /I Hate You DÉS-ORIENTÉ(S) 16 L. De Waelplaats 16 ANDREA VAN DER STRAETEN – [ du 23/02/2013 au 11/05/2013 ] Du 16 mars au 14 avril MARIA MARSHALL 03 2161626 [AS IF] Carte blanche à Jean-Pierre Rodolphe Janssen Espace 251 Nord Doumont, lavis, Camille Thill, instal - 35 rue de Livourne, 1050 BXL lation et vidéos et Dominique Galerie Nei Liicht 251 rue Vivegnis 4000 Liège Bruxelles T.02/5380818 Gent T.: 04 2271095 Thomas, bijoux et sculptures FARHAD MOSHIRI, rue Dominique Lang Dudelange Mar 28 - May 04, 2013 T. 352 51612129220 Galerie Flux Aeroplastics S.M.A.K. 60 rue Paradis, 4000 Liège, La Louvière 32 rue Blanche, 1060 BXL La Galerie.be Stedelijk Museum voor Actuele Galerie Dominique Lang Tél. 04/253.24.65 T.: 02/5372202 65 rue Vanderlinden, Kunst Citadelpark, 9000 Gent gare de Dudelange Prolongation >13/5 : Boxing/Icon >25/5 1030 BXL T.09/2211703 tous les jours 10/18 >27/4: Paula Muhr Manon Bara&David Pirotte Centre de la Gravure et de l’Image Samuel Rousseau 02 2459992 h Carine Kraus imprimée. >5/5: Sylvie PICHRIST > 18.08.2013 Liehrmann 10 rue des Amours, 7100 Aliceday Koen Theys Home-made Victories La Louvière T.: 064 27872727/4 4 Bd Piercot 4000 Liège 10 rue du Rouleau Maison d'Art Actuel des Chartreux Hollande 04 2235893 David Lynch, Circle of Dream - es - B-1000 Brussels Rue des Chartreux, 26-28 FORTLAAN 17 Georg Glaser & Edmundo Solari tampes et courts-métrages T./ 02 6463153 1000 Bruxelles 02/513.14.69 Fortlaan, 9000 Gent, Bonnefantenmuseum, 16 mars — 14 avril 2013 du 23 février au 19 mai 2013 C COMME KONFORT / Aurélie T.09/ 222.00.33 Maastricht250 Av Céramique Argos Haberey - Djos Janssens STIEF DESMET 6221 Maastricht +31 433290190 Monos 13 rue du Chantier, 1000 BXL [ 8 mars au 6 avril 2013 ] Exhibition: 22 February - 20 April Storage Telling I : Extra-Ordinary 39 rue Henry Blès 4000 Liège Musée Ianchelevici T : + 02 229 00 03 2013 Fotografie en nieuwe media uit 04 2241600 21 Place Communale, 7100 03.3.2013 - 07.4.2013 DE MARKTEN de collectie French Stamp >19/5 La Louvière, T.: 064/28 25 30 Bon Travail 5 Vieux Marché aux Grains, S&H De Buck 15.12.2012-20.05.2013 1000 BXL Zuidstationstraat 25 9000 Gent (B) T. 02 5123425 0032/09/225 10 81 Jean Sébastien UHODA art cont. Artiscope >1/6: “BOXES IN A BOX" Rue Souverain-Pont 22 Mariemont 35 Bd St Michel, 1040 BXL, Karel Fonteyne 4000 Liège Meessen De Clercq 02 7355212 2a Rue de l'Abbaye Galerie de Wégimont Musée Royal de Mariemont Fabrizio Corneli 1000 Brussels Galerie Tatjana Pieters Domaine provincial de Wégimont, 100 Chaussée de Mariemont, 25th February - 26 April 2013 Kelly Schacht Burggravenlaan 40/ 2nd floor BOOMerANg 4630 Soumagne, T.:04/3772759 064 212193 The Smuggler’s Outfit 9000 Gent + 32 9 324 45 29 HÔTEL VAN DE VELDE Art@Marges Musée March 29, 2013 - May 4, 2013r I WANT YOUR NAME AND MY 29 AVENUE FRANKLIN ROOSE - Assurances Fédérales rue haute 312 NAME ON A FLYER VELT – 1050 BRUSSELS 25 Bd de la Sauvenière 4000 Liège 1000 Bruxelles T.: 02 5110411 24 february 2013 - 07 april 2013 Tournai Jan Mot DU 20 AVRIL AU 4 MAI 2013 Daniel Douffet, Hugo Van Maercke, 190 rue Antoine Dansaert1000 12H >18H Cinéma Le Churchill Philippe Dafonseca, G.Blomart, BXL 02 5141010 Maison de la culture de Tournai 20 rue du mouton Blanc Patrick Hanocq, mai 2007. 27/04 - 15/06 Ian Wilson FRANCE MANON BARA Bd des Frères Rimbaut 7500 4000 Liège Statements LEANDRO CENTORE Tournai Baronian-Francey AMÉLIE DE BROUWER T 069 253080 La Châtaigneraie 2 rue Isidore Verheyden 1050 BXL Office d’Art Contemporain Centre Wallonie-Bruxelles EMELINE DEPAS LIONEL VINCHE Centre wallon d’Art Contemporain T. :02 51292951 105, rue de Laken - 1000 BXL 127/129, rue Saint-Martin, 75004 JULIEN MEERT L’ENVERS DU TABLEAU – Paris, T. 01 53 01 96 96 Tous les Chaussée de Ramioul, 19 Stanley Whitney: Goya's Lantern 0 2 512.88.28 OLIVIER PESRET ENDROIT / ENVERS (EN DROIT ET T.:04/2753330 Magali Reus: Out of Empty jours: 11/18 h; sauf les lundis et EN VERS) Pierre Toby "Maendeleo" - artistes de March 29, 2013 to May 11 jours fériés. Une exposition proposée par // 22/02 au 28/04 / fermeture le 01/03/2013 - 13/04/2013 l’option Peinture de La Cambre Lubumbashi et Kinshasa >15/4 ONLY YOU ONLY ME 31/03 Botanique 24/4>2/6/2013 dirigée par Bernard Lorge et ROSSI CONTEMPORARY animée par Bénédicte Hendrick, Nadja Vilenne 236 rue Royale, 1210 BXL, Rivoli Building, ground floor # 17, Olivier Drouot et Xavier Noiret 02/218 37 32 5 rue Cd Marchand 4000 Liège chaussée de Waterloo 690 Thomé. BABEL 49 Nord 6 Est - FRAC Lorraine Olivier Foulon 1180 Brussels T:0486 31 00 92 Commissaires d'exposition : 1 bis rue des Trinitaires F-57000 Jacqueline Mesmaeker Charleroi > Avril 21, 2013 23.2 - 13.4 2013 Xavier Noiret-Thomé et Benoît Metz T.: +33 (0)3 87 74 20 02 Exposition du 15 mars au 21 avril Simon Laureyns. Second-Hand Dusart. 2013 Bozar > 23 JUI 2013 Musée de la Photographie Emotions 23 rue Ravenstein, 1000 BXL Les Immémoriales 11 Av. Paul Pastur, 6032 Charleroi Centre culturel de Marchin T.:02/507.84.80 Agnes Denes, Monika Grzymala, T.: 071/435810 tous les Xavier Hufkens place de Grand Marchin ANTOINE WATTEAU (1684-1721) Cecilia Vicuña jours:10/18h, sauf les lundis 8 rue St Georges 1050 BXL T.: 085 41353381 >12/5 26 JANVIER 2013 – 12 MAI 2013 02 6396738 Du 24 mars au 21 avril 2013 Palais de Tokyo «Une affaire de famille» La collection Antony Gormley " bouteilles à la mer " GALERIE FAIDER 13 Av Président Wilson 75116 Paris de photographies de Rodolphe according to a given mean 12 rue Faider 1060 Bruxelles >20/4: +33147235401 Janssen 28 March - 4 May 2013 Renaat Ivens >20/5: SOLEIL FROID - LE PRO - GRAMME Miroslav Tichy with his camera, © Roman Buxbaum, 1987