Les Chinois Catholiques De Paris Et De Milan
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École Pratique des Hautes Études Mention « Religions et systèmes de pensée » École doctorale de l’École Pratique des Hautes Études Laboratoire GSRL Et Università Ca’ Foscari Scuola dottorale in Storia sociale europea dal Medioevo all’età contemporanea Settore scientifico di afferenza : M-DEA/01 Les Chinois catholiques de Paris et de Milan Étude ethnographique comparative de deux communautés de fidèles Par Eva SALERNO Thèse de doctorat d’Anthropologie Sous la direction de : M. Vincent GOOSSAERT, Directeur d’études, EPHE et de M. Glauco SANGA, Professeur, Università Ca’ Foscari Soutenue le 9 décembre 2016 Devant un jury composé de : Mme Ester BIANCHI, Professeur, Università degli studi di Perugia M. Vincent GOOSSAERT, Directeur d’études, EPHE M. Lionel OBADIA, Professeur, Université de Lyon 2 M. Philippe PORTIER, Directeur d’études, EPHE M. Glauco SANGA, Professeur, Università Ca’ Foscari 2 Remerciements L’aboutissement de cette thèse a été rendu possible grâce à l’apport de nombreuses personnes que j’ai rencontrées au cours de ces années de recherche. Que chacun soit ici remercié pour la richesse des échanges et la disponibilité démontrée à mon égard. Un grand merci à mes deux directeurs de thèse pour leur suivi et leurs conseils tout au long de ce travail : Vincent Goossaert, qui a cru en ce projet de recherche, et Glauco Sanga, qui après les bouddhistes bretons a accepté de suivre les trajectoires des catholiques chinois. J’adresse également mes remerciements aux rapporteurs et aux membres qui ont honoré mon jury de thèse. Mes analyses et mes réflexions se sont nourries grâce aux échanges avec des spécialistes du catholicisme chinois. Je tiens à remercier tout particulièrement le père Jean Charbonnier et Padre Angelo Lazzarotto pour avoir accepté de partager avec moi leur vaste connaissance sur le sujet. Cette thèse n’aurait pas pu être réalisée sans la confiance et la disponibilité que les membres des communautés catholiques chinoises m’ont accordées. Je les remercie infiniment. Mes remerciements vont notamment à Don Giuseppe à Milan, à Don Pietro à Rome, ainsi qu’aux pères Paul et Joseph à Paris pour leur accueil tout au long de ces années. Pour leur soutien amical indéfectible, merci beaucoup à Suor Antonietta et à Sœur Wei. Un grand merci à mes amies Ai, Danhong et Yue pour leurs précieux éclairages lors de la transcription de certains entretiens en chinois. A Lucie pour son amitié. Les moments de doute et de difficulté qui ont ponctué ce travail ont pu être surmontés grâce au soutien permanent de mes proches : merci à Christophe et à mes parents. 3 4 A Christophe 5 6 INTRODUCTION Paris, un dimanche après-midi, monte de la nef de l’église Sainte Élisabeth de Hongrie un « Notre Père », prière reprise en chœur par une assemblée de fidèles composée de familles et d’enfants. Au même moment, à Milan, la même scène se répète dans l’église de la Santissima Trinità. Le visiteur, peut-être d’abord surpris par la langue de l’office – le mandarin –, ne se sent pourtant pas totalement dépaysé face à une cérémonie qui respecte le déroulé traditionnel d’une messe catholique. Cependant, la touche exotique de l’office interpelle. Attirés par les cantiques en mandarin, quelques badauds, touristes de passage ou curieux, sont d’ailleurs eux aussi rentrés dans le bâtiment, pensant certainement assister à un événement atypique organisé par les autorités à l’occasion d’une fête traditionnelle chinoise. Il n’en est rien. En effet, à Paris, à Milan, mais aussi à Londres ou à Montréal, parmi d’autres villes occidentales, les catholiques chinois constituent tous les dimanches une foule de fidèles paroissiens venus prier le même dieu et les mêmes saints que n’importe quel catholique du monde. Entre psaumes et encens. Enquête ethnographique auprès des catholiques chinois Lorsque j’ai poussé la porte de ces églises où les prêtes chinois officiaient dans la langue de leurs pairs, je me suis moi-même sentie comme une « touriste » égarée dans un espace religieux pourtant assez familier à l’italienne que je suis. Exploratrice, « infiltrée en paroisse », j’avais déjà eu l’occasion pour mon mémoire de Master 1 de tenter de saisir comment la pratique d’une spiritualité issue d’autres aires culturelles pouvait servir de levier à des croyants pour tenter l’expérience de l’ailleurs. En m’intéressant aux pratiquants du bouddhisme à Plouray, une petite commune du centre Bretagne, j’avais ainsi découvert des personnes de confession catholique tentées par une expérience spirituelle nouvelle. Loin des stupas et des moulins à prières, qu’allais-je apprendre dans ces espaces de prières si familiers, mais devenus si différents par le profil des religieux et des croyants ? Ma thèse de doctorat a eu pour objectif d'étudier les communautés catholiques chinoises présentes en France et en Italie, en retraçant leurs origines historiques et le parcours 1 Eva Salerno, Plouray : studio di una comunità buddhista in Bretagna, Venezia, Università Ca’ Foscari, Mémoire de Master 2, 2009. 7 humain et spirituel de ses pratiquants installés en Europe. Il s’agissait notamment de comprendre par quel biais ces fidèles étaient arrivés à la religion catholique, s'ils la pratiquaient déjà dans leur pays d'origine ou si la conversion – quand elle avait eu lieu – s’était déroulée avant ou après leur installation en Occident. Dès l’entame de ma recherche, j’ai pu constater que celle-ci ne serait pas si simple qu’il n’y paraissait. Tout d’abord, parce que la littérature scientifique sur la question s’avère finalement bien moins dense que je n’avais pu l’imaginer initialement. Si les travaux couvrant le champ du religieux sont nombreux tant en France qu’en Italie – pays où les sciences sociales se sont penchées depuis longtemps sur ces problématiques comme l’illustre notre bibliographie – nous avons par contre pu constater que les enjeux scientifiques entourant la pratique du catholicisme par les Chinois demeuraient souvent centrés sur l’opposition entre Église dite « officielle » et celle dite « souterraine ». Les éléments d’analyse ressortant des travaux sur les communautés catholiques installées en Europe restaient quant à eux plus limités. Les études ethnographiques sur ces communautés demeurent rares, tout comme la dimension comparatiste à l’échelle européenne que nous avons souhaité apporter. S’il est difficile d’expliquer ces manques, on peut émettre l’hypothèse que l’étude entourant les religions des communautés chinoises séduit les chercheurs surtout lorsque la conjugaison du culturel et du cultuel semble aller de soi. À moins qu’à la suite de Gérard Cholvy, dans la postface de l’un de ses ouvrages2, il faille y voir un désintérêt de plus en plus grand des chercheurs en sciences des religieux pour la dimension régionalisée des phénomènes étudiés ? On peut regretter que les études sur l’influence des trois grands monothéismes sur les communautés chinoises implantées en Europe ne fassent pas l’objet de plus d’investigations, bien que quelques travaux sur les Chinois protestants émergent depuis quelques années3. Durant cette thèse, nous avons justement essayé de mieux saisir l’influence d’un de ces monothéismes souvent considéré comme « occidental » – le catholicisme en l’occurrence – sur le quotidien des croyants implantés en Europe. Pour répondre au défi de cette double grille de lecture, nous avons pu nous appuyer utilement sur les recherches de Jean Charbonnier des Missions Étrangères de Paris qui demeure incontestablement l’un des fins connaisseurs 2 Gérard Cholvy, Les religions et les cultures dans l’Occident européen au XIXe siècle (1800-1914), Paris, Éditions Karthala, 2014. 3 On pourra se référer utilement à ce sujet aux travaux de Pan Junliang. Voir notamment : Pan Junliang, « Les protestants français et l’Asie : l’exemple des Chinois en France », in Fath S., Willaime J.-P., La nouvelle France protestante : Essor et recomposition au XXIe siècle, Paris, Labor et Fides, 2011, pp. 294-295. 8 français de la question4. Les études ethnographiques menées en Chine par Richard Madsen5 et Henrietta Harrison6 constituent également des éléments d’analyses particulièrement éclairants. Côté italien, des auteurs comme Angelo Lazzarotto 7 ou Elisa Giunipero 8 nous auront également aidés à cheminer dans nos réflexions. Outre l’analyse de l’organisation et la tentative de compréhension de la dynamique des communautés catholiques chinoises installées en France et en Italie, l’autre défi de nos investigations fut d’essayer de saisir si la religion de ces fidèles pouvait constituer un levier d’intégration pour ces groupes de migrants. En entamant ces travaux, nous avions en effet en tête les orientations spirituelles et politiques du Vatican visant à favoriser l’inculturation des croyants en exil. Depuis le texte fondateur Exsul Familia de 1952, l’Église n’a ainsi cessé de promouvoir la diversité culturelle des migrants en essayant d’en faire une richesse plutôt qu’un frein. Le pape Paul VI l’avait édicté ainsi en 1970 : « Les migrants emportent avec eux leur façon de penser, leur langue, leur culture, leur religion. Tout cela constitue un patrimoine spirituel de pensées, de traditions et de cultures qui se maintiendra également en dehors de leur patrie. »9 L’enjeu de ce doctorat était de vérifier si, des paroles aux actes, la foi des catholiques chinois présents en Europe avait facilité leur intégration. Je souhaitais par ailleurs savoir si, le cas échéant, il existait des différences entre la situation à Paris et celle de Milan. Si la facilitation de l’intégration des fidèles chinois au sein des sociétés française et italienne par le biais des services proposés par l’Église reste l’un des aspects de mon étude, d’autres enjeux ont progressivement émergé au fil de mes observations de terrain. En fréquentant les communautés catholiques chinoises implantées en Europe, j’ai rapidement été interpellée par l’hétérogénéité caractérisant ces paroisses chinoises, tant pour la provenance géographique de leurs membres que pour leurs parcours migratoires variés.