Cahiers d’études italiennes

Novecento... e dintorni 9 | 2009 Images littéraires de la société contemporaine (4) La place de la religion et le sens du religieux dans la littérature italienne contemporaine (1970-2006)

Lisa El Ghaoui et Filippo Fonio (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/cei/112 DOI : 10.4000/cei.112 ISSN : 2260-779X

Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Édition imprimée Date de publication : 15 juillet 2009 ISBN : 978-2-84310-145-8 ISSN : 1770-9571

Référence électronique Lisa El Ghaoui et Filippo Fonio (dir.), Cahiers d’études italiennes, 9 | 2009, « Images littéraires de la société contemporaine (4) » [En ligne], mis en ligne le 15 janvier 2011, consulté le 10 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/cei/112 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cei.112

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Quelle est la place de la religion et le sens du religieux dans la littérature italienne contemporaine (1970-2006) ? C'est autour de cette question que le quatrième colloque internationnal centré sur les images littéraires de la société contemporaine organisé par le GERCI (Groupe d'études et de recherches sur la culture italienne) s'est tenu les 23 et 24 novembre 2006 à l'université Stendhal-Grenoble 3.

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SOMMAIRE

Avant-propos Lisa El Ghaoui et Filippo Fonio

Il ritorno di due “uomini contro”? Campanella e Bonhoeffer in Maffia e Affinati Luciano Curreri

Les petites filles de la bourgeoisie italienne des années 1930 et la religion chez Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino Maryline Maigron

Crisi di coscienza di un letterato: l’Opus di Franco Cordero Filippo Fonio

« J’ai cessé de croire que les derniers seront les premiers. » Une leçon de style : la guerre, la politique et la douleur dans les œuvres de Luigi Pintor Leonardo Casalino

L’inquisition : au-delà de la religion. Regards croisés Stefano Magni

L’Église catholique dans les histoires italiennes de Vassalli Franco Manai

Sebastiano Vassalli: da abitante del vento a seguace del nulla Hanna Serkowska

“E come si può adorare ciò che strazia?” Sacro e religiosità in Sciascia e Pasolini Alessandro Bosco

L’enfer d’un monde sans religion : les derniers textes de Pasolini Lisa El Ghaoui

San Paolo secondo Pasolini: ascesi e organizzazione Silvia Giuliani

Alessandro Piperno : du judaïsme à la judéité. À la recherche du juif perdu Sophie Nezri-Dufour

Erri De Luca, en mal de la foi Nicolas Bonnet

La prima pietra tirata. Religion et politique chez Erri De Luca Jean-Claude Zancarini

Sollecitazioni buddhiste nell’opera di Calvino Claudia Nocentini

Le thème religieux dans la prose des auteurs musulmans de la littérature migrante italienne : entre présence et absence Alessandro Pannuti

In partibus infidelium Lise Bossi

Le teologie comunicanti di Giuseppe Bonaviri, autore delle Novelle saracene Maria G. Vitali-Volant

La religiosità immanente nella narrativa di Giuseppe O. Longo Tiziana Piras

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Entre superstition, sensualité et fatalisme : le sens du religieux dans Il bastardo di Mautàna de Silvana Grasso Flaviano Pisanelli

Il senso del religioso nella narrativa di Tabucchi, Celati e Bufalino Charles Klopp

Un refus fasciné – L’ambivalence du religieux chez Tabucchi Fabrice De Poli

Riscrivere i Vangeli tra eclissi e ritorno del sacro: sei riscritture italiane dei Vangeli Elisabetta Lo Vecchio

Olimpo e paradiso all'inferno. Lo spazio del sacro nelle catabasi infernali di aldo nove Chiara Lombardi

Severina di Ignazio Silone (1981). Vocazione e ribellione di suor Severina Bruno Mancini

Mésaventures de la religion-fiction : Roma senza papa de Guido Morselli Pierre Laroche

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Avant-propos

Lisa El Ghaoui et Filippo Fonio

1 Quelle est la place de la religion et le sens du religieux dans la littérature italienne contemporaine (1970-2006) ? C’est autour de cette question que le quatrième colloque international centré sur les images littéraires de la société contemporaine organisé par le GERCI (Groupe d’études et de recherches sur la culture italienne) s’est tenu les 23 et 24 novembre 2006 à l’Université Stendhal-Grenoble 3. Le thème central de ces rencontres avait été proposé par notre regretté collègue et ami, Alain Sarrabayrouse, à la mémoire duquel nous dédions chaleureusement ce volume.

2 L’Italie, haut lieu de la religion catholique, se trouve, durant ces trente dernières années, traversée par des changements profonds qui s’expriment au cœur de la production littéraire. Ces bouleversements historiques, sociaux et politiques ont eu des conséquences directes sur la religion et ses manifestations traditionnelles et plus généralement sur le sentiment religieux. D’une part, la crise progressive des grands idéaux « athées » et leur expression politique a favorisé le retour du religieux sous des formes plus exacerbées (fanatisme et intégrisme religieux) plus individualisées voire individualistes (interprétation personnelle de la spiritualité) et parfois totalement nouvelles (l’émergence des sectes), d’autre part, elle a permis à la religion, notamment à ses plus hauts représentants, de s’insérer et d’intervenir dans des domaines qui ne lui étaient plus – ou moins – réservés : la politique culturelle, sociale et internationale. L’immigration, phénomène nouveau en Italie ayant nourri de très nombreux romans, a aussi participé à la reconfiguration du paysage religieux italien où se côtoient désormais, de manière plus ou moins heureuse, de nombreuses religions. On assiste ainsi à une forme de métissage, non seulement linguistique et culturel mais aussi religieux (comme l’illustre l’article d’Alessandro Pannuti qui propose une analyse très complète des textes d’écrivains migrants écrits en langue italienne). Ce sont ces transformations qui nourrissent le cœur de ce volume mais aussi des questionnements plus vastes sur la définition de la religion, du religieux, de la religiosité, de la foi, du sacré.

3 La place du religieux dans la société italienne contemporaine peut être traité par le biais de la mémoire et de l’autobiographie – citons, à titre d’exemple, l’article de Maryline Maigron qui montre l’importance de la religion dans l’enfance/formation de

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deux femmes écrivains : Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino ou l’article sur la vie de Luigi Pintor de Leonardo Casalino ou encore l’article de Sophie Nezri-Dufour illustrant, à travers la lecture d’un roman d’un auteur à la religion « mixte », , ce que signifie être juif aujourd’hui en Italie. D’autres auteurs dénoncent les dangers liés à certaines pratiques religieuses extrémistes en convoquant des faits historiques plus lointains – comme le montrent Stefano Magni, Franco Manai et Hanna Serkowska dans leurs analyses de l’œuvre de Vassalli relatant les crimes perpétrés par le fanatisme religieux au temps de l’Inquisition. D’autres écrivains traitent le thème de la religion à travers la spécificité de certains espaces symboliques (voir l’article de Luciano Curreri sur les romans d’Eraldo Affinati et Dante Maffia) ou de la dimension folklorique et magique de certains lieux (comme le montrent les articles, ayant pour thème central l’insularité, de Flaviano Pisanelli sur Silvana Grasso ou de Maria G. Vitali-Volant sur les nouvelles de Giuseppe Bonaviri). Certains auteurs choisissent l’allégorie ou la fiction pour montrer leur opposition à toute forme de retour du cléricalisme comme Leonardo Sciascia, Aldo Nove et Guido Morselli, dont les textes sont analysés respectivement par Lise Bossi, Chiara Lombardi et Pierre Laroche, ou s’interrogent sur la possibilité d’une réécriture des Évangiles aujourd’hui (voir l’analyse d’Elisabetta Lo Vecchio).

4 La religion est aussi un thème qui permet à l’écrivain de se questionner sur sa propre religiosité, son rapport à la morale ou au sacré. On retrouve cette idée chez des auteurs qui revendiquent leur propre athéisme, qui dénoncent avec virulence le rôle des institutions ecclésiastiques, les dangers du fanatisme tout en étant profondément fascinés par le religieux qu’ils convoquent en se référant aux Écritures, en valorisant les aspects positifs de certaines pratiques religieuses ou en mettant en scène des personnages bibliques. C’est bien sûr le cas de Pasolini – auteur privilégié par Alessandro Bosco, Lisa El Ghaoui et Silvia Giuliani – qui dénonce la désacralisation progressive du monde contemporain et recherche les dernières manifestations du sacré dans « l’enfer » du capitalisme, ou d’Erri De Luca qui, tout en se déclarant agnostique, peut être défini comme un auteur « en quête de foi », comme l’illustrent les analyses de Jean-Claude Zancarini et Nicolas Bonnet. Antonio Tabucchi, Gianni Celati et font aussi partie de ces auteurs anticléricaux fascinés par les questions du mystère et de l’au-delà (voir l’article de Charles Klopp et celui de Fabrice De Poli sur l’œuvre de Tabucchi). D’autres approches enfin sont davantage philosophiques voire scientifiques (comme l’article de Tiziana Piras sur Giuseppe O. Longo) ou s’ouvrent vers d’autres religions (le bouddhisme par exemple, comme le montre Claudia Nocentini au sujet de Calvino). La confrontation de certains auteurs au thème du religieux n’est pas sans soulever de nombreux paradoxes pouvant aboutir jusqu’à des crises de conscience (comme le montre Filippo Fonio dans son analyse de l’œuvre de Franco Cordero ou encore Bruno Mancini dans sa lecture de la crise vécue par le personnage de sœur Severina chez Ignazio Silone).

5 Les textes regroupés dans ce volume permettent ainsi de mieux comprendre les problématiques de la société italienne de ces trente dernières années par le biais des rapports entre littérature et religion et de saisir les multiples paradoxes qui sont rattachés à la question du religieux : critique virulente des institutions religieuses d’une part et d’autre part une réelle fascination pour les textes ou pratiques sacrées.

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AUTEURS

LISA EL GHAOUI Université Stendhal - Grenoble 3

FILIPPO FONIO Università di Pisa e Stendhal - Grenoble 3

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Il ritorno di due “uomini contro”? Campanella e Bonhoeffer in Maffia e Affinati

Luciano Curreri

Ragioni del ritorno

1 Questo intervento prosegue idealmente la rassegna dedicata al fascino della differenza nell’identità (in crisi) dell’intellettuale1 – con il ritorno narrativo di Walter Benjamin, Giacomo Debenedetti, Roberto “Bobi” Bazlen – e una verifica centrata sul solo Eraldo Affinati, da Campo del sangue (1997) a Un teologo contro Hitler (2002) 2, con i suicidi degli intellettuali evocati nel primo testo (da Michelstaedter alla Rosselli) e con la resistenza e la morte di Dietrich Bonhoeffer nel secondo, tra memoria della deportazione e della carcerazione. In queste pagine, che ripartono da Un teologo contro Hitler e approdano, à rebours, a Il romanzo di Tommaso Campanella (1996) di Dante Maffia, mi interessano soprattutto le ragioni del ritorno di questi pensatori, a partire dai luoghi che sembrano tutelarli narrativamente.

2 Il protettivo genius loci della biblioteca, reperito in certe pagine di Daniele Del Giudice, Antonio Debenedetti e Bruno Arpaia, in relazione ai sopra citati Bazlen, Debenedetti, Benjamin, cede il posto a quello della prigione, alla spazialità della cella, che è anche, specie per fra Tommaso, di conventi, oltre che di carceri. Questo luogo, che tiene quasi a battesimo il ritorno di Campanella e Bonhoeffer, non dipende solo dall’orizzonte che accoglie storicamente l’iter dei due personaggi ma vuole anche rendere più visibile la fede che li caratterizza, seppur in modo diverso, e soprattutto circoscrivere, per il lettore, “la ripresa di un’esperienza in qualche modo già fatta” e “il rapporto di provenienza da un nocciolo di sacro da cui ci si è allontanati e che tuttavia rimane attivo, anche nella sua versione “decaduta”, ridotta a termini puramente mondani”3.

3 La secolarizzazione, almeno inizialmente, è enunciata nella prigione e nel passaggio più o meno implicito che si dà – in entrambi gli orizzonti, e al di là dell’epocale differenza – dal convento al carcere. Non a caso, è proprio dall’esperienza della prigione e della fede

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secolarizzata – che nel carcere si fa spazio – che emerge l’”interno” delle lettere di Tommaso Campanella e Dietrich Bonhoeffer. Ed è per l’appunto questo “interno” a connettere via via i due pensatori al mondo, a un “esterno” e, in un certo senso, all’eternità del ritorno di cui il tessuto romanzesco di Affinati e Maffia si fa carico, rispettivamente a partire da quei capolavori che sono Resistenza e resa. Lettere e scritti dal carcere di Bonhoeffer e le Lettere di Campanella4.

“Uomini contro”?

4 Nel titolo, Campanella e Bonhoeffer sono accostati e presentati sinteticamente come “uomini contro”, con un pensiero e un omaggio al film di Francesco Rosi, del 1970, ispirato al romanzo di Lussu, Un anno sull’altipiano (1938), e a più “anonimi” e “ignoti” hommes révoltés della Grande Guerra. E in effetti, anche i nostri “uomini contro” sono degli hommes révoltés. Suggerisce Camus: Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. (Camus, 1951, p. 27)

5 Ma Campanella e Bonhoeffer non sono affatto “anonimi” e “ignoti” e in tal senso non sono come gli uomini di Lussu e nemmeno, quarant’anni dopo, come quelli di Rigoni Stern – penso a Storia di Tönle (1978). Ben al contrario, personaggi come Bonhoeffer o, per restare nel primo Novecento, come Benjamin, sono soggetti promossi dalla memoria e all’interno di due contesti, quello della religione e della critica, scossi entrambi da una forte perdita di autorità; e proprio in seguito agli episodi di cui sono “vittime” Benjamin e Bonhoeffer e da cui nessuna critica e nessuna religione è uscita indenne, immune, sana e salva. Scegliere oggi tali personaggi per scriverne in seno a quel romanzo che accoglie fin dalle sue origini, istituzionalmente, come genere, questa perdita e che traduce per di più molta narrativa contemporanea in saggio, con tanto di ricche bibliografie, e in diario, confessione, è anche un modo, a mio avviso, per cercare di rispondere a domande sempre più pressanti e diffuse quali: che cos’è un intellettuale”; che cosa è la critica”; che cosa è la religione, quale è il suo ruolo, il suo posto o, per riprendere il titolo di un panoramico dialogo del 2004 tra Luc Ferry e Marcel Gauchet, quale è il senso del religioso dopo la religione” E dico “panoramico dialogo” e cito Ferry e Gauchet perché, a livelli diversi, possono dar l’idea di modalità diffuse di pensare, sentire il religioso, a partire da due posizioni differenti, finanche antagoniste, ma connesse (Ferry, Gauchet, 2004).

6 Per Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale e autore de L’Homme-Dieu ou le sens de la vie (1996)5, l’époque contemporaine se caractérise par le croisement de deux processus : d’une part, ce qu’il appelle l’”humanisation du divin” […] d’autre part, la “divinisation de l’humain”, c’est-à-dire le fait qu’au cœur de cet individualisme autonome – condition de l’homme moderne – réémerge de la transcendance : une transcendance non plus verticale (entre les hommes et l’au-delà) mais horizontale (entre les hommes eux-mêmes)6.

7 Mentre Marcel Gauchet, autore del Désenchantement du monde (1985)7, conteste cette alternative du matérialisme et de l’humanisme de l’homme-Dieu, considérant qu’une interprétation radicalement non religieuse de la transcendance est possible […] de telle manière que l’humanisme contemporain […] ne serait pas celui de l’homme-Dieu, mais au contraire de l’homme sans Dieu8.

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8 Si potrebbe quasi “tradurre” con una nota battuta e suggerire: “Dio è morto, Marx pure ed io non mi sento tanto bene.” Ma che dire di quella, più recente e involontaria, del giornalista che annuncia che si ricorre più a Padre Pio che a Gesù Cristo e intanto si vuole fare santo Jacques Fesch, assassino convertitosi in carcere, magari insieme allo stesso Padre Pio” È una domanda che ritorna sovente e in altre vesti, più nobili, per esempio in certe pagine di affidate al , il 12 giugno 2004, e di recente riproposte in volume, dove si finisce per parlare di un ritorno simile ai nostri, quello di Luther, al cinema, per la regia di Eric Till, il cui film è definito “una sdolcinata oleografia9“.

9 I termini e le questioni del dibattito riassunto con Ferry e Gauchet sembrano saldarsi con le ragioni dei ritorni su cui qui stiamo provando a riflettere, estendendo all’Italia, col Magris citato, una sorta di condivisa e a volte deprecabile esigenza del mercato, che può pure tradursi in un flop al botteghino. Anche se la “marginalità” (e/o “provincialità”) di un certo contesto letterario italiano, dall’epoca di frate Tommaso ai giorni nostri, sembra metterci al riparo dalle sdolcinate derive oleografiche del Luther di Till, ovvero dal “mito a buon mercato”. E così, il Campanella di Maffia, nella quarta di copertina della prima edizione, riporta un giudizio assai diverso dello stesso Magris: “è un romanzo di grande pregio, sul quale bisognerà riflettere a lungo per poter meglio comprendere il nostro tempo e anche il nostro futuro.”

10 Insomma, siamo quanto meno spinti a credere che non ci sono sempre e solo risposte oleografiche o rumorose, come quelle del “santo subito”, che traducono le sollecitazioni della piazza e le esigenze del furore mediatico. Si danno anche scelte più silenziose, che si affidano a sentieri meno battuti, dove l’”io” può sperare di ritrovarsi, allontanandosi dalla piazza e dalla folla, seguendo e ricalcando, per esempio, fino in prigione, le orme di Campanella e di Bonhoeffer. E il sottotitolo di Un teologo contro Hitler di Affinati è in tal senso davvero significativo: Sulle tracce di Dietrich Bonhoeffer.

Una scelta anticonformista

11 Eraldo Affinati, scegliendo Bonhoeffer, e iniziando e chiudendo non casualmente con la sua impiccagione, applica, come dire, un “taglio a fuori” nei confronti del cattolicesimo. La sua scelta risponde a un certo chiamarsi o, meglio, a un certo mettersi, collocarsi “fuori”, perché è una scelta anticonformista, e “anarchica”, che non vuole né può identificare un uomo e una religione a livello istituzionale; e ben al di là del titolo della collana mondadoriana che ospita il suo libro, “Uomini e religioni” (Affinati, 2002).

12 Di più. L’impiccagione, nel libro, non uccide e anzi si trasforma in una sorta di introduzione alla vita, alla memoria che la conserva e va oltre il cul-de-sac della nota e triste fine di Bonhoeffer. Lo capiamo subito dall’incipit graduato in tre tempi, un climax giocato su un pronome, un sostantivo e infine sul nome e cognome del personaggio: “Lo impiccarono nudo […] Il prigioniero morì strangolato […] Finì così la vita di Dietrich Bonhoeffer, pastore e teologo protestante, il 9 aprile 1945.” Certo, tale climax rischia di rendere un po’ monolitica la figura del pastore e teologo ma al tempo stesso veicola una più “aperta” e secolarizzata tendenza alla vita e al sacro, a un sacro più allargato, non recensibile soltanto come un sacro religioso o come un cristianesimo religioso; e soprattutto non rintracciabile all’interno di un iter fortemente istituzionalizzato, ovvero e per esempio all’interno di una Chiesa come “sovrastruttura”; e come tale

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criticata da Silone, dal 1935 di Pane e vino – poi Vino e pane (1955) – al 1968 de L’avventura di un povero cristiano.

13 In Affinati sembrano convivere l’idea de l’homme revolté di Albert Camus – già citato in Campo del sangue – e l’humanisme critique di Tzvetan Todorov (Todorov, 2002, p. 14). Non a caso, nel giro di un lustro, Eraldo Affinati passa da un lungo elenco di “suicidi” intellettuali – contemplabile, come si è detto, nel libro del 1997 e significativo di una reazione alla perdita della funzione dell’intellighenzia nella società (ieri come oggi) – alla selezione di una sola individualità resistente, che emerge soprattutto dalla raccolta di lettere dal carcere (1943-1945) di Bonhoeffer, già citata nella Bibliografia di Campo del sangue. In questo percorso e in questo point d’ancrage conta, innanzi tutto, l’onestà intellettuale e, insieme, un cristianesimo “non propriamente religioso”, che bandisce ogni fuga nell’aldilà e coniuga la fede nel Dio di Cristo – che risponde in gran parte alla secolarizzazione del principio divino – con una piena fedeltà alla terra e alla vita.

Corollari narcisistici e vittimistici (finanche apocalittici)

14 Resta l’ambiguità di un’identità scelta anche per ovviare alla mancanza di un’identità, con i corollari narcisistici e vittimistici (finanche apocalittici) che sono più o meno tipici di questa situazione; con Affinati che, fin dall’inizio, fin dalla prima pagina, sembra proprio voler sovrapporsi a Dietrich Bonhoeffer, nel testo e poi nelle foto che lo accompagnano. In effetti, subito dopo l’apertura e la gradazione sopra ricordata, c’è una sorta di anticlimax teso a sfumare il “monolite” che affiora progressivamente dal passato ma anche ad avvicinarlo, con una certa ambiguità.

15 “Sono giunto al termine del mio viaggio sulle tracce di Bonhoeffer” diventa, nel giro di una frase, “Dietrich arrivò domenica 8 in Albis e restò fra queste mura poche ore notturne, pregando sul libro dei Salmi”, che apre di nuovo sull’”io” di Affinati: “Mi avvicino alla finestrella con le grate poste in alto sulla parete.” Il passato remoto è circondato e sfumato dai verbi al presente e il grande pastore e teologo è chiamato col solo nome, Dietrich. E in seno a questa riduzione della distanza tra Bonhoeffer e Affinati mi sembra che si agiti ancora un che di adolescenziale e non solo un mix delle posizioni diffuse e sopra raccolte, con Ferry e Gauchet, de l’homme-Dieu e de l’homme sans Dieu.

16 Certo, è ancora possibile ammirare senza ridiventare dei ragazzini. Ma fin dall’inizio è possibile sentire l’eco della generazione di Affinati, che è del 1956, o della mia (sono del ‘66), che chiama Morrison per nome, col solo nome: Jim. Per un attimo, insomma, sembra che si passi dal Morire di musica – titolo di un libro Savelli del 1979 dedicato a Janis, Jimi e Jim – a un Morire di fede, per l’uomo e per Gesù Cristo. E quasi per restituire concretezza all’uno e all’altro e magari a quel Dio che si è dato al mondo e che ora sta al mondo ricostruire, come suggerisce Jonas ne Il concetto di Dio dopo Auschwitz (1984), ricordato nelle bibliografie di Campo del sangue e di Un teologo contro Hitler.

17 Sembra restare in gioco, in Eraldo Affinati, un’immedesimazione un po’ ingenua e ambigua con lo sconfitto “autorevole”, ormai canonizzato come uno dei massimi teologi del Novecento: è forse il più noto dopo Barth, che è il sant’Agostino della teologia contemporanea. Certamente, il movimento narrativo e saggistico che lega un autore che tendenzialmente si vorrebbe con la a minuscola a un Eroe con la E maiuscola

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– teologo o superstar, magari fusi insieme nel ricordo della rock opera dedicata a Cristo da Tim Rice e Andrew Lloyd Webber, poi cult movie di Norman Jewison – insegue uno scopo nobile: ovviare alla perdita di autorità o, se si vuole, a un deficit di legittimità e a una credibilità frantumata, sopra i quali pesa il fantasma del pensiero unico, che non va confuso con quello debole e va piuttosto ricondotto a quella globalizzazione che massifica i prodotti culturali. Ma un ipotetico ragazzo che negli anni Settanta, a Roma, dice Jim e che poi da adulto dice Dietrich, può difendersi da questa massificazione, della musica come della religione, o finisce per restarci invischiato, tutta la vita, pensata, percepita magari all’interno della solita fine della cultura e degli apocalittici Frammenti della fine del mondo (altro titolo di Savelli del 1980, con testi di Adorno, Benjamin, etc.)”

18 Non lo so. Da un lato, Affinati vuole andare oltre. L’impiccagione non uccide, come si diceva poc’anzi, e l’autore ricorda e traduce (e fa sua) una frase di uno dei figli di Goerdeler: “Questa è la fine, per me l’inizio della vita.” D’altro lato, Affinati, prima dell’Epilogo a Flossenbürg, titola l’ultimo capitolo solo This is the end e ricorda, dopo la frase citata: “This is the end: un’espressione che le generazioni successive alla sua, fra cui quella a cui appartengo, hanno ascoltato cantare da Jim Morrison dei Doors e che il regista Francis Ford Coppola utilizzò quale colonna sonora nel film Apocalypse now.” (Affinati, 2002, [pp. 157-162], p. 162)

19 Infine, e più di recente, l’identificazione affinatiana, quasi una sorta di laica “assunzione”, viene, come dire, assolutizzata, e proprio in seno agli “uomini contro”. In Compagni segreti. Storie di viaggi, bombe e scrittori (2006) 10, specie in quel prologo significativamente titolato Le ragioni del ritorno, fra le tante scelte immedesimative, ne emerge una che qui conviene citare per intero: Ero sull’Ortigara, là dove il tenente Emilio Lussu aveva combattuto, trovando il corpo della sua scrittura, anche per affermare una certa idea dell’Italia e, percorrendo insieme al vecchio sergente, maestro di vita e letteratura, le creste dei monti ancora segnate dalle trincee, misuravo la distanza fra ciò che avremmo potuto essere e quello che siamo diventati. Chiamami Mario Rigoni Stern.

20 Questa citazione, si badi, non serve solo la “circolarità” del mio discorso critico e ci aiuta anche a capire che in prospettiva Un teologo contro Hitler non è importante in sé – per il momentaneo approdo a un dato religioso, per quanto evaso e trattato altrimenti – ma come tappa verso una ridefinizione dell’uomo e dell’intellettuale, e anche dell’uomo e intellettuale Affinati. Dopo avere attraversato, tra 1997 e 2002, il Campo del sangue e tutta la letteratura che a esso è dedicata, compresa la teologia ultima di Dietrich Bonhoeffer, nel 2006 Affinati è Lussu e Stern, e sembra aderire a quel secolo appena passato che produce senso, secondo Todorov, come tempo accessibile alla memoria degli individui: “c’est notre vie plus celle de nos parents, tout au plus de nos grands- parents” (Todorov, 2002, p. 9). Ovvero anche, se volete, i nonni letterati, gli intellettuali adulti di cui Affinati, per identificarsi e dirsi, continua a seguire le tracce.

La ricerca e la scrittura di una vita: Lussu, Stern, non senza Silone

21 E sembra quasi, allora, che Affinati faccia come Silone e, in un certo senso, voglia, come lo scrittore abruzzese, riscrivere lo stesso testo. Ripenso ovviamente a L’avventura di un povero cristiano, del 1968, e a quel Silone a cui interessa “un certo tipo di cristiano”, quel Silone che aggiunge “non saprei scrivere d’altro”, lasciando intendere che è in ballo la

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ricerca e la scrittura di una vita. Si tratta, anche per lui, di quel corpo della scrittura che si batte pure, e non così implicitamente, contro il mercato: Ho già detto in altra occasione che, se fosse stato in mio potere di cambiare le leggi mercantili della società letteraria, avrei amato passare la vita a scrivere e riscrivere sempre la stessa storia nella speranza, se non altro, di finire col capirla e farla capire. (Silone, 1968, p. 22)

22 In questo accostamento, certo meno ovvio, si potrebbero poi tenere in considerazione certe convergenze strutturali e tematiche: (1) le quattro premesse siloniane unite sotto il titolo di Quel che rimane, con la prima dedicata agli inizi della ricerca, con Silone che entra in biblioteca ed è intercettato da un amico letterato che lo stuzzica sul rapporto presente-passato, sulla storia e il romanzo; (2) le appendici, che sono, in un certo senso, la bibliografia di Silone; (3) il tema, in quel mezzo, dell’anarchismo evangelico, in differente accezione, certo, ma teso a dinamizzare e allargare il romanzo in una sorta di “dramma-saggio” giocato intorno alla figura di Pietro da Morrone-Celestino V: il quale, dopo tre mesi, abdica in favore del cardinale Caetani, poi Bonifacio VIII, sullo sfondo, ovviamente, delle lotte tra francescani spirituali e francescani conventuali, tra l’eremitica Chiesa della croce e la Chiesa della gloria, tra l’amore per gli uomini e il potere sugli uomini. E tutto questo potrebbe farci quasi pregustare un’origine, altra e nascosta, del discorso di Affinati.

23 Ma fino a che punto la scelta di Affinati vuole e può rimodellare il mercato delle lettere conosciuto da Silone e soprattutto quello post-siloniano” E poi perché Affinati ha bisogno di Bonhoeffer e perché – per fare un esempio – ci sembra più facile accostare, di primo acchito, il 1968 di Ignazio Silone al 1905 di Antonio Fogazzaro, e quindi L’avventura di un povero cristiano a Il santo” Perché in quella direzione c’è ancora il papa, la Chiesa, la Chiesa di Roma, la “sovrastruttura”, l’istituzione corrotta dal potere, da un lato, e un’idea di Dio e, forse e soprattutto, di cristiano, dall’altro.

24 Con quale Chiesa, invece, si può confrontare Affinati, oggi, e pur in seno al “taglio a fuori” di cui dicevamo prima”

25 Stato e Chiesa, negli anni in cui Affinati scrive, fanno a gara per sollecitarvi, stupirvi con “la cosa mai fatta prima, mai pensata prima” dal presidente del consiglio (Berlusconi) e dal pontefice (Giovanni Paolo II). In fondo vi stanno parlando ancora della morte di Marx e di una certa morte di Dio. Lo suggerisce anche Jacques Derrida evocando il “pape médiatique et latino-mondial” e la “mondialatinisation” (Derrida, 1996, [pp. 7-100], pp. 47-71). Ma è interessante notare che a paventate novità istituzionali – che non sono tali e che sovente mascherano una vera epoca di restaurazione – possano corrispondere, a livello letterario, certe ragioni del ritorno.

26 Insomma, chi un tempo si arroccava sul passato, ora fa finta di muoversi in avanti; e chi oggi sembra arroccarsi sul passato, forse si muove davvero all’indietro e favorisce finanche una certa restaurazione, magari in seno ai mass media, e pur non partecipandovi direttamente: e penso, per esempio, al film per la televisione dedicato a papa Luciani, in onda su Raiuno nel 2006, compensato – completato” – dal ciclo di documentari curati da Luigi Bizzarri sugli ultimi sei pontificati, su Raitre a partire dal 22 novembre dello stesso anno.

27 – che, sia letto come un complimento, “fiuta l’aria dei tempi come Al Pacino sniffa cocaina in Scarface” – titola non a caso A passo di gambero un insieme di cronache del regime berlusconiano, di ritorni alle crociate e pure una scorribanda delle sue il cui titolo è ancora azzeccato: Chi non crede più in Dio crede a tutto11. E il pensiero va

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non tanto, in tal senso, al Dan Brown di Eco, ma a quanto annota Leonardo Sciascia in Nero su nero (1979) a proposito dell’“incredibile puerilità” degli scritti di Albino Luciani, poi Giovanni Paolo I: “puerilità” su cui, secondo Sciascia, si poteva al limite “puntare” senza spacciarla come “testi chiosati” (Sciascia, 1989, p. 819). Ironia della sorte, potremmo dire, l’invito è stato in parte raccolto e via via funzionalizzato, alla tv e al supermercato, mentre la conclusione dello scrittore siciliano, oggi più problematica e “aperta” di ieri, non ha purtroppo dato vita, in prospettiva, a un argine contro il conformismo ma a forme di razzismo e protezionismo più o meno velate in nome di politiche più o meno corrette.

28 Dice Sciascia: E poi, quel che è urgente in un paese come il nostro quasi sempre sommerso da una marea di conformismo, è il ristabilire i confini, le differenze, le diversità, le identità. Se ci riduciamo in un calderone in cui bolle tutto, in cui tutto fa brodo, è davvero finita. (Sciascia, 1989, p. 820) Il buon vecchio “calderone”, come è noto, s’è addirittura rotto. Noi veniamo dopo, insieme ad Affinati.

Un passo indietro

29 Proviamo allora a fare un passo indietro: io sono del ‘66, Affinati del ‘56, Maffia del ‘46. Nello stesso anno in cui esce, da Spirali, Il romanzo di Tommaso Campanella, Gianni Vattimo, in Credere di credere (1996), suggerisce: Tutti siamo ormai abituati al fatto che il disincanto del mondo ha prodotto anche un radicale disincanto dell’idea stessa di disincanto; o, in altri termini, che la demitizzazione si è alla fine rivolta contro se stessa, riconoscendo come mito anche l’ideale della liquidazione del mito. (Vattimo, 1996, [pp. 17-23], p. 18)

30 Possiamo dire che Dante Maffia, col suo Campanella, lavora ancora contro la liquidazione del mito. In che modo” Rispettando le regole e un ordine narrativo quasi manzoniano, con la scelta della terza persona e di un narratore onnisciente. Tale scelta allontana Maffia da Affinati ma non del tutto: l’onniscienza che la voce narrativa manifesta nei confronti di frate Tommaso è quella ereditata da Campanella e dalla terra, la Calabria, che lo ha partorito e lanciato nella storia e nella letteratura, con pene, difficoltà e incomprensioni. Tommaso è anche il simbolo di un mondo da recuperare, con la cura delle non facili Poesie dell’eroico pensatore di Stilo uscita tre anni dopo il romanzo, nel 199912. Insomma, Campanella è anche Maffia.

31 E Maffia, del resto, con un suo orgoglioso disincanto, vive, rispetto ad Affinati, in un altro mondo letterario, un “sottobosco” di case editrici e riviste, anche autofinanziate, in cui si è accettata un’altra logica. Tale logica coniuga un dato positivo – la “marginalità” di certi percorsi (come la poesia dialettale, frequentata da Maffia con risultati interessanti) – a un dato che lo è meno: l’approdo sicuro di tale “marginalità” a una non così celata e un po’ acritica autopromozione. Di più. La pur feconda marginalità, ribadita in tal modo, è un po’ sacrificata a se stessa, come lo è, in un certo senso, la poesia, e la poesia dialettale in specie.

32 La scelta del romanzo, allora, sposa in sé, con più forza, l’autorità di Tommaso Campanella, di un intellettuale che vive nell’epoca oscurata dalla Controriforma e, come suggerisce Norberto Bobbio, di un “uomo eccezionale per vigore, coraggio, intelligenza”, di uno “spirito indomito […] tanto straordinario da essere

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indimenticabile” (Maffia, 1996). La monumentalizzazione empatica va al di là del mito e della sua disincantata e un po’ sacrificata “assunzione” e rientra anche, a mio avviso, nel ritorno degli “uomini contro” e in seno a un iter “non propriamente religioso”, in cui precipitano la cultura, la filosofia e la poesia di Campanella: un percorso che forse non sarebbe dispiaciuto a Sciascia, a certa sua storica e lirica sensibilità.

33 La particolarità di tale ritorno, della ragione di tale ritorno, e poi anche, come in Affinati, la facile individuazione di un “nemico”: il dominio spagnolo e la Chiesa nata dalla Controriforma in Maffia, Hitler e la Chiesa che sta con il dittatore in Affinati. Le coordinate, insomma, sono fin troppo chiare, e proprio oggi che non lo sono più. A partire da Dio, un tempo arma della Chiesa, dei più forti, e oggi, apparentemente, al servizio dell’umanità diseredata.

BIBLIOGRAFIA

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FERRY L., GAUCHET M., Le religieux après la religion, Paris, Grasset & Fasquelle, “Nouveau Collège de Philosophie”, 2004.

MAFFIA D., Il romanzo di Tommaso Campanella, Milano, Spirali, 1996.

SCIASCIA L., “Nero su nero”, in Opere 1971-1983, a cura di C. Ambroise, Milano, Bompiani, 1989 e 2001.

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TODOROV T., Mémoire du mal, tentation du bien. Enquête sur le siècle, Paris, Laffont, 2000 e Librairie Générale Française, “Le livre de Poche”, 2002.

VATTIMO G., Credere di credere, Milano, Garzanti, 1996 e 1998.

NOTE

1. Sull’uso che di alcuni personaggi intellettuali del Novecento, fra Walter Benjamin (1892-1940), Giacomo Debenedetti (1901-1967) e Roberto Bazlen (1902-1965), ha fatto la narrativa degli ultimi vent’anni, da Del Giudice a Arpaia e Mari, passando per Antonio Debenedetti, ho tenuto una lezione a Firenze il 12 novembre 2003, intitolata Un angelo, un dandy e “un uomo a cui piaceva vivere negli interstizi della cultura e della storia”. Poi ho cercato di rilanciare e approfondire il discorso in Il fascino della differenza nell’identità (in crisi) dello scrittore, del critico e dell’intellettuale: Bazlen,

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Debenedetti, Benjamin nel romanzo italiano: 1983-(2001)-2004, relazione al Convegno di Grenoble, Images et formes de la différence dans la littérature italienne des années 1970 à nos jours, 24-25 novembre 2005, Grenoble, ELLUG, Cahiers d’études italiennes, “Novecento… e dintorni”, n. 7, 2008, pp. 159-169. 2. Cfr. a proposito L. Curreri, “Suicidi” e “resistenze” intellettuali. Memoria della deportazione e della carcerazione: Affinati tra Campo del sangue (1997) e Un teologo contro Hitler (2002), relazione al Convegno di Varsavia, Lingua e memoria: scrittori ebrei di lingua italiana, 29-30 gennaio 2007 (in via di pubblicazione negli Atti dello stesso a cura di Hanna Serkowska). 3. G. Vattimo, “Ritorno”, in Credere di credere, Milano, Garzanti, 1996 e 1998, [pp. 7-17], pp. 8 e 9; d’ora in avanti: Vattimo, 1996. Ma cfr. ora, dello stesso, con P. Paterlini, Non Essere Dio, Reggio Emilia, Aliberti, 2006. 4. Penso a D. Bonhoeffer, Resistenza e resa. Lettere e scritti dal carcere, a cura di E. Bethge, Cinisello Balsamo (Milano), San Paolo, 1988 e a T. Campanella, Lettere, a cura di V. Spampanato, Bari, Laterza, 1927. 5. Cfr. il primo capitolo e le conclusioni di Ferry, 1996, pp. 63-108 e 227-247. 6. Cito dalle pagine introduttive di Éric Deschavanne e Pierre-Henri Tavoillot a Ferry, Gauchet, 2004, pp. 9-10. 7. M. Gauchet, Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985. Ma cfr. anche La religion dans la démocratie. Parcours de la laïcité, Paris, Gallimard, 1998, due articoli del 1984, Fin de la religion ? e Sur la religion. Un échange avec Paul Valadier, raccolti in La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002, pp. 27-66, 67-90, e la seconda parte, Sortie, retour et transformations du religieux, di Un monde désenchanté, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2004, pp. 101-177. 8. Cito sempre dalle pagine introduttive di Éric Deschavanne e Pierre-Henri Tavoillot a Ferry, Gauchet, 2004, pp. 10-11. 9. Penso a C. Magris, Se scompare il senso religioso, in La storia non è finita. Etica, politica, laicità, Milano, Garzanti, 2006, pp. 79-82. Nel 2003, anche a Bonhoeffer è stato dedicato un film, da Martin Doblmeier. 10. E. Affinati, Le ragioni del ritorno [2005], in Compagni segreti. Storie di viaggi, bombe e scrittori, Roma, Fandango, 2006, [pp. 5-9], p. 8. Da tener presente, ovviamente, sono anche le attenzioni critiche di Affinati a Rigoni Stern, per cui cfr. almeno l’Introduzione a M. Rigoni Stern, Opere, Milano, Mondadori, “I Meridiani”, 2005. 11. U. Eco, A passo di gambero. Guerre calde e populismo mediatico, Milano, Bompiani, 2006, pp. 111-183, 213-242, 261-278. Ma cfr. L. Curreri, “La sfida di non farsi leggere. Appunti intorno a Tristano muore (2004) di Tabucchi e Alla cieca (2005) di Magris”, in Intellettuali italiani del secondo Novecento, a cura di A. Barwig e T. Stauder, Frankfurt/M., Verlag für deutsch-italienische Studien, “Themen der Italianistik” (in via di pubblicazione). 12. In una bella collana tesa a rendere omaggio alle figure autorevoli dell’orizzonte calabro in un percorso che va dal Cinquecento all’Ottocento curato da Gilberto Floriani e Carlo Carlino per il Sistema Bibliotecario e l’Assessorato ai Beni Culturali della Regione Calabria, per cui cfr. T. Campanella, Le poesie, a cura di D. Maffia, Prefazione di E. Mandruzzato (L’eroico Campanella), Vibo Valentia, Sistema Bibliotecario vibonese, 1999.

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AUTORE

LUCIANO CURRERI Université de Liège

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Les petites filles de la bourgeoisie italienne des années 1930 et la religion chez Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino

Maryline Maigron

1 La littérature italienne du XXe siècle ayant pour objet la remémoration de l’enfance aborde souvent la place et le rôle de la religion dans la formation des enfants1. Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino nous invitent à examiner cette question par le biais du rapport entre l’éducation religieuse catholique des petites filles de la grande bourgeoisie italienne des années 1930 et les événements historiques des années 1930 et 1940. Toutes deux nées dans une famille bourgeoise, Rosetta Loy en 1931 et Fabrizia Ramondino en 1936, elles ont reçu une éducation religieuse catholique et grandi dans une famille pratiquante. Rosetta Loy a été baptisée à Saint-Pierre de . C’est sur cette éducation qu’elles s’interrogent dans deux romans parus à un an de distance. En 2000, Rosetta Loy récrit et publie à nouveau La porta dell’acqua, paru en 1976, et Fabrizia Ramondino publie, en 2001, Guerra d’infanzia e di Spagna2. Les fillettes décrites dans ces deux romans se sont géographiquement trouvées, comme les auteurs elles-mêmes, au cœur des rapports entre l’Église catholique et les régimes dictatoriaux européens puisque l’une passe son enfance à Rome, l’autre à Majorque où son père est consul d’Italie au moment de la guerre civile espagnole. Les pages de Rosetta Loy et de Fabrizia Ramondino sont animées par un sentiment de culpabilité par rapport aux événements dramatiques de ces années-là et, en particulier, le massacre de la population lors de la guerre civile espagnole ou la déportation des juifs italiens dans les camps de concentration nazis. Elles tentent donc d’établir l’origine de leur impuissance, de leur incompréhension ou de leur indifférence face à ces événements. Or il apparaît que l’éducation catholique qu’elles ont reçue a joué un rôle. Dans les romans que nous considérons, la mémoire des deux auteurs tend à se faire critique3 : la reconstitution du vécu n’obéit plus seulement au plaisir nostalgique de l’évocation du passé mais au souci de compréhension et d’établissement de la vérité. La mémoire critique trouve son point

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d’aboutissement dans La parola ebreo que Rosetta Loy écrit et publie en 1997 entre les deux rédactions de La porta dell’acqua. Dans ce livre qu’elle qualifie de « memoria autobiografica » (l’utilisation du singulier memoria et non memorie que l’on pourrait attendre ici s’agissant de l’évocation du passé de l’auteur, met bien l’accent sur la nature de la mémoire qui doit fournir un témoignage et étayer la recherche historique) elle examinera son enfance à la lumière de ses recherches historiques sur les rapports entre l’Église catholique et le fascisme puis le nazisme et, dans le même temps, illustrera les événements historiques par le récit de sa propre expérience. Le travail de mémoire des années 1990 nous semble d’ailleurs à l’origine de la décision de Rosetta Loy de publier à nouveau La porta dell’acqua4. Les romans de Rosetta Loy et de Fabrizia Ramondino méritent d’être pris en considération car ils paraissent dans une décennie où les événements évoqués font partie des préoccupations de l’Église catholique (nous faisons allusion à la béatification des prêtres espagnols nationalistes morts durant la guerre civile et au projet de canonisation de Pie XII) ; de plus, ils produisent un témoignage nouveau et une réflexion historique originale dans la littérature italienne contemporaine.

2 Observons ce que les deux auteurs décident de relater de l’éducation impartie par des institutions religieuses et non par la famille. Les religieuses qui la dispensent sont, chez l’une comme chez l’autre, des sœurs du Sacré Cœur, une congrégation féminine liée à celle de la Compagnie de Jésus. Les institutions religieuses dans lesquelles Titita, la petite fille de Guerra di infanzia e di Spagna ainsi que la petite fille5 de La porta dell’acqua ont reçu leur éducation religieuse étaient également leur école et dans le cas de Titita son lieu de vie puisqu’elle y dormait toute la semaine. Or, il n’est jamais question dans ces textes d’enseignement scolaire à proprement parler, jamais question de lectures, de découvertes. Cela surprend. Nous pouvons penser que cet enseignement scolaire était médiocre puisqu’il n’a pas frappé deux futures romancières, ou que l’accent était mis sur la dimension religieuse et non sur l’apprentissage scolaire. Chez l’une comme chez l’autre, le vrai sujet des pages qui concernent l’école est bien la religion. Toutefois, il n’est pas question de la catéchisation des fillettes. Est-ce parce que Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino désirent insister sur un autre aspect de cette éducation religieuse ? Ou veulent-elles signifier que le catéchisme n’était pas le but de l’éducation impartie par les institutions religieuses ? Mais alors quel était ce but ?

3 Les deux romancières insistent sur les mêmes caractéristiques de cette éducation. La première caractéristique commune est l’enfermement. Rosetta Loy raconte qu’elle est séparée du monde extérieur par des murs de trois mètres de haut (LPE, p. 76) et Fabrizia Ramondino évoque « les hauts murs qui entouraient le jardin » (GIS, p. 275) du pensionnat de Titita. De plus, les portes du pensionnat sont toujours fermées. L’enfermement vise, certes, à protéger mais également à couper du monde. Rosetta Loy insiste sur cet aspect : « non dobbiamo guardare fuori e da fuori nessuno deve guardare noi » (LPE, p. 76), car la connaissance du monde extérieur constitue une menace. Les deux auteurs mettront en évidence de quelle nature est cette menace.

4 Non seulement tout est clos, dans le monde du pensionnat, mais tout est carré ou rectangulaire, linéaire, parallèle, symétrique (GIS, p. 274) : l’espace se prête donc à une discipline rigide. Titita énumère : « se mettre en rangs, se peigner avec une raie, plier sa serviette en un carré parfait » (GIS, p. 274). Tout ce qui peut être plié doit l’être de la façon la plus rigoureuse, y compris, ajouterons-nous, les petites filles. Il faut cependant rappeler que cette caractéristique décrite par Fabrizia Ramondino et par Rosetta Loy

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n’est pas propre aux institutions religieuses et que la discipline dans les écoles non religieuses des années 1930 est tout aussi rigide, souvenons-nous des petits Italiens marchant au pas de l’oie, le bras tendu dans le salut romain et chantant « Duce Duce ».

5 Enfin, dans le monde clos du pensionnat tout est blanc : « les plats, les assiettes, les serviettes de table, de bain, les uniformes, les tabliers » précise Titita (GIS, p. 271). Pour parler de cette blancheur, Rosetta Loy utilise le mot « candore » qui rend bien compte, en italien, de la double signification de cette blancheur. Le mot « candore » renvoie, en effet, à l’absence de taches mais également à l’innocence et à la pureté. C’est donc à la lumière de cette polysémie qu’il faut décrypter le récit que l’auteur fait dans La parola ebreo. À la fin de l’année 1941 Rosetta est conduite au Vatican par les religieuses de son école pour être reçue, ainsi que les autres petites filles de son pensionnat, par Pie XII. Pour relater ce moment Rosetta Loy utilise cette image : « quasi fossimo state immerse nel candore » (LPE, p. 95). Cette visite se présente donc comme un deuxième baptême (« immerse ») destiné à renouveler la pureté. Et nous verrons combien l’innocence de celui qui dispense ce jour-là la candeur sera remise en question par Rosetta Loy. La blancheur immaculée du linge et des lieux contribue donc à rendre manifeste (c’est le cas de la robe blanche des communiantes) la pureté et la virginité des petites filles mais également à les maintenir dans l’innocence. Et cette blancheur est d’autant plus saisissante pour l’enfant qu’elle contraste avec celle d’un personnage de Struddel Peter, le livre de contes que lui lit sa gouvernante Annemarie. Dans une des histoires, Nikolas plonge dans l’encre noire les enfants vilains : la dimension symbolique de la couleur n’échappe pas à la fillette qui, par contraste avec le noir associé à la méchanceté et au mal, associera le blanc à la bonté et au bien. Et cette blancheur doit être protégée : « guai a macchiare quel bianco » (GIS, p. 272) répète Titita. Les religieuses traquent les taches comme la mère supérieure de l’institution de Rosetta dont le nez « occhiuto gira intorno come un periscopio a snidare l’impercettibile macchia sul bianco delle calze » (LPE, p. 94). La moindre tache dit Titita doit être lavée immédiatement (GIS, p. 271).

6 Une telle insistance obsessionnelle, soulignée par les deux romancières, semble obéir à des motifs qui n’ont plus rien d’hygiénique ou de rituel. Rosetta Loy et Fabrizia Ramondino nous invitent donc à rechercher à quoi cette obsession de blancheur renvoie. Renvoie-t-elle seulement à la pureté virginale des petites filles dont les religieuses sont effectivement les gardiennes farouches ? Fabrizia Ramondino offre une réponse qui nous ramène à ce monde extérieur dont les petites filles sont coupées : toute tache est « une imperfection du monde », voilà pourquoi elle doit être traquée.

7 Il convient de mettre en évidence, à ce point de notre analyse, quelles sont les « taches » qui pourraient venir maculer la candeur du monde clos à l’intérieur duquel les fillettes sont maintenues. Ces imperfections du monde extérieur sont clairement désignées par les religieuses qui ont en charge l’éducation de Titita et de la petite fille de La porta dell’acqua : dans ces années 1930, à Majorque et en Espagne, ce sont les républicains, « i Rossi », et à Rome, ce sont les juifs. Dans La porta dell’acqua, Madre Gregoria désigne les juifs comme le peuple déicide : « Madre Gregoria diceva che gli ebrei avevano crocifisso Gesù e poi avevano gridato che quel sangue innocente ricadesse pure su di loro e sui loro figli » (LPA, 1976, p. 18 ; 2000, p. 27). Pour la petite fille qui les entend et qui tente, par ailleurs, de comprendre ce que signifie le mot juif, « la parola ebreo », ces paroles, venant d’une personne qui lui impartit son éducation religieuse, orientent de façon négative sa perception d’une religion différente. En Italie, l’antisémitisme des religieuses se mêle à celui de l’idéologie fasciste comme le souligne Rosetta Loy qui

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précise, dans La parola ebreo, que sa maîtresse est « una fervente fascista » (LPE, p. 25) soulignant ainsi l’orientation idéologique du message religieux.

8 La mère supérieure du pensionnat de Titita à Majorque est, elle aussi, porteuse d’un discours péremptoire. Elle s’occupe tout particulièrement de l’éducation religieuse de Titita, qu’elle convoque dans son bureau. Fabrizia Ramondino ne précise pas s’il s’agit là d’une faveur due à l’appartenance sociale et nationale de Titita ou si, éventuellement, ces entretiens sont effectués à la demande des parents de Titita, ou encore si la mère supérieure agit ainsi avec Titita car elle pressent la révolte de l’enfant, ou bien si elle agit ainsi avec toutes les petites pensionnaires de l’institution religieuse. Quoi qu’il en soit, sa position d’autorité au sein de l’institution religieuse confère à son discours une dimension quasi dogmatique. Or, ce discours n’a qu’en partie un caractère d’enseignement religieux, il est, à y regarder de plus près, porteur d’une véritable idéologie. Énumérant le nombre des chapelles du Sacré Cœur en Europe et dans le monde, elle précise, à propos de l’Espagne, que soixante-dix d’entre elles ont été détruites par les « Rouges ». Cette information n’est anodine qu’en apparence puisque sous le prétexte de raconter à Titita l’histoire de la Congrégation de Jésus, la mère supérieure relate, de façon partiale, les événements de la guerre civile en cours. L’éducation idéologique prend le pas sur l’éducation religieuse. De façon plus évidente encore, lorsque la mère supérieure évoque la situation de la France, elle précise que ses frères – il s’agit donc de la Congrégation de Jésus – n’ont pas voulu participer à la construction de nouvelles chapelles car ils financent les Croix-de-Feu. Elle semble même mettre Titita dans le secret des agissements politiques et secrets de la Congrégation de Jésus puisque les Croix-de-Feu étant une organisation dissoute depuis 1936, elle précise : « finanziano Les Croix de Feu con grave rischio, sai, perché le hanno messe fuori legge » (GIS, p. 296). Ici le propos est clairement idéologique. Certes les observations temporelles de la mère supérieure sont peu nombreuses et succinctes, mais une petite fille peut ainsi d’autant plus facilement les comprendre et les retenir. Mises bout à bout, les deux informations de la religieuse forment un message complémentaire. Les « Rouges » sont ceux qui détruisent les églises et donc font le mal6 alors que les frères de la supérieure sont ceux qui aident en finançant et donc font le bien. Si Titita sait qui sont « i Rossi » grâce au personnel espagnol au service de ses parents (personnel favorable en partie aux républicains), dans le cas des Croix-de-Feu, il apparaît que Titita enfant ne peut être en mesure de savoir qu’il s’agit d’une ligue française d’extrême droite. Ce nom sera, pour elle, uniquement connoté positivement. Ce dernier élément montre combien l’éducation se fait ici endoctrinement puisque la supérieure compte sur l’immaturité idéologique de son élève.

9 Si les deux auteurs insistent sur les mêmes aspects de cette éducation religieuse c’est donc pour mettre en évidence l’orientation temporelle et non spirituelle de l’enseignement religieux et, d’autre part, la nature partiale du message temporel. Il est aisé de comprendre que l’enfermement vise à protéger mais également à isoler du monde extérieur, qu’il ne préserve pas seulement la pureté virginale des fillettes mais favorise également l’endoctrinement idéologique en coupant de tout rapport direct avec les événements et donc de toute possibilité de contradiction.

10 La réalité, soigneusement occultée par les religieuses, atteint parfois les deux petites filles. Dans les deux cas, en effet, elles ont une expérience différente de la religion en liaison avec les événements historiques des pays où elles se trouvent : la petite fille de

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La porta dell’acqua avec l’antisémitisme, Titita avec la guerre civile qui se déroule en Espagne.

11 Chez Rosetta Loy, l’expérience différente concerne la perception de la religion juive. Cette perception est en partie filtrée par la gouvernante de la fillette de La porta dell’acqua, Annemarie, une jeune fille du Haut Adige qui lui enseigne l’allemand, elle- même catholique fervente et fière d’Hitler (LPE, p. 32). Deux événements, dont le caractère autobiographique est précisé dans La parola ebreo, ont particulièrement marqué la fillette. Le premier concerne la vision d’une cérémonie de circoncision ayant lieu dans un appartement situé en face de celui de la famille de la petite fille catholique qui habite via Flaminia à Rome. Cette vision suscite l’interrogation de l’enfant et le récit rapporte les réponses qui lui sont fournies par Annemarie qui assiste aussi à la scène. « Lo tagliano? », interroge la petite fille, « lo tagliano con le forbici? » (LPA, 1976, p. 8 ; 2000, p. 15). La réponse d’Annemarie, en allemand, est l’occasion pour elle de faire une leçon de vocabulaire. En effet, elle lui fait répéter « die Scere » mais cette réponse ne dissipe pas le mystère, elle l’augmente au contraire, en conférant à la scène un caractère effrayant. Ce ne sera que le soir, au moment de se coucher, que la petite fille sera rassurée en écoutant sa gouvernante lui réciter une berceuse où il est demandé à l’enfant Jésus : « ferme moi les yeux » (« Jesuskind ich gehe zu Ruhe – Schliesse mir die Auglein zu », LPA, 1976, p. 9). Ce n’est donc pas Annemarie qui la rassure mais, indirectement, l’enfant Jésus. Or voici la phrase qui ponctue ce réconfort : « E questo era amare il Buon Dio, non tagliare i neonati, zacchete! (LPA, 1976 p. 10 ; 2000, p. 17). Ainsi Rosetta Loy suggère-t-elle que, par son attitude, Annemarie oriente négativement la vision que la petite fille a de la religion juive, en faisant apparaître ses pratiques comme cruelles et sanguinaires (« una cruenta cerimonia ») et, de plus, elle suggère que du même coup, par cette réflexion qui traduit, si ce n’est sa pensée du moins sa perception, la petite fille est confortée dans son appartenance religieuse catholique, dans sa croyance, son Dieu est bien « il Buon Dio ».

12 Le deuxième événement raconté est la rencontre avec une petite fille juive, Regina. Dans ce cas, la connaissance directe de Regina permet à la petite fille de prendre conscience du caractère raciste des propos de sa gouvernante. En effet, lorsque Annemarie lui dit pour la rassurer (on lui fait croire que les bébés sont déposés devant la porte des maisons) qu’elle a bien été déposée devant la bonne porte, c’est-à-dire une porte catholique, et que donc elle n’est pas juive et que, par ailleurs, les enfants juifs sont bruns, la petite fille, qui a connu Regina, lui rétorque que Regina est blonde. Dans ce cas donc, la connaissance directe permet à l’enfant de contrecarrer le racisme. Dans La parola ebreo, Rosetta Loy revient sur cette rencontre et explique que l’étoile en or que Regina porte au cou provoque une remise en question de sa propre appartenance religieuse : « invidio quella bambina che la porta invece della mia insipida medaglietta » (LPE, p. 7). Il est intéressant de comparer le refus, certes timide, de la religion catholique à la volonté de conformisme des enfants juives. À qui l’interrogeait sur la place de la religion dans son enfance, Natalia Ginsburg, à qui est dédié La porta dell’acqua, et qui n’est allée à l’école qu’à partir du collège, confiait en effet : « da bambina volevo essere cattolica. Per conformismo. Volevo essere come gli altri bambini; fare la comunione, confessarmi, mettere il velo bianco. Poi volevo essere ebrea, verso i dodici anni7. » Cette remarque met certes en évidence la puissance de la religion catholique en Italie mais il convient de remarquer que si ce pouvoir de séduction s’exerce sur les fillettes éduquées en dehors de cette religion, comme ce fut le cas de Natalia Levi, une telle

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puissance peut provoquer un rejet de la part des enfants qui, comme Rosetta, sont sous son emprise.

13 Chez Fabrizia Ramondino, Titita fait l’expérience d’une autre dimension de la religion catholique. Vécue avant l’entrée au pensionnat, cette expérience est également en rapport direct avec les événements de la guerre civile puisque le récit concerne le bombardement de Guernica. Ce bombardement est raconté par un moine franciscain d’origine basque qui vit à Majorque mais s’est rendu à Guernica, sa ville natale, où il a été le témoin du bombardement de la population. Différents éléments de la personne de fra Geronimo et de son récit revêtent, pour la petite fille, une dimension opposée à l’enseignement qu’elle recevra dans l’institution religieuse. Le premier élément concerne l’ordre auquel il appartient : fra Geronimo est franciscain. De plus, il exprime un jugement négatif envers les Jésuites : « sempre meglio un gesuita morto che un gesuita vivo » dit-il (GIS, p. 201). Cette remarque peut avoir frappé Titita et ce jugement négatif sur l’ordre des Jésuites nuancera le point de vue de la supérieure du pensionnat sur ce même ordre. Le deuxième élément est un acte de bonté : après le bombardement, fra Geronimo sauve un enfant qu’il recueille et élève8. Là aussi, l’acte de fra Geronimo pourra être comparé aux manifestations de bonté que la mère supérieure mettra en avant chez ses frères Jésuites (financer les Croix-de-Feu). Le troisième élément concerne une réflexion sur la foi. Lors du bombardement, fra Geronimo s’écrie : « Voglio vedere in faccia Dio » (GIS, p. 207) ; fra Geronimo ne craint donc pas de réfléchir sur sa foi mise à l’épreuve par les événements historiques. Le questionnement sur la foi, exprimé par fra Geronimo, contrastera avec l’acceptation passive qui sera exigée au pensionnat.

14 Les conséquences de l’éducation religieuse de ces petites filles sont appréhendées, dans les deux cas, de deux façons différentes : d’une part, les romancières recherchent les signes de la réaction des enfants, d’autre part, la perception enfantine est examinée par l’adulte qui réfléchit, à travers ses personnages, à sa propre éducation. Chez Rosetta Loy, cette réflexion occupe un texte complet, c’est-à-dire La parola ebreo ; chez Fabrizia Ramondino cette réflexion est disséminée dans Guerra d’infanzia e di Spagna.

15 Observons la réaction des enfants. Chez Fabrizia Ramondino la révolte de l’enfant par rapport à l’éducation du pensionnat est manifeste, même si elle est limitée. Je voudrais résumer cette révolte en utilisant une figure empruntée à la peinture : Titita est en effet une enfant qui, comme Maya peinte par Picasso, regarde aussi ailleurs. En effet, lorsque j’interrogeai9 Fabrizia Ramondino sur le choix du tableau de Pablo Picasso, « Maya à la poupée », pour l’illustration de la couverture de son roman, celle-ci me répondit qu’elle voyait une similitude entre les deux fillettes dans leur même regard « distorto ». Titita a un œil qui regarde du côté que son éducation religieuse et parentale lui indique, mais elle a aussi un œil qui regarde du côté opposé, à savoir du côté des « Rouges » et de la bonté authentiquement chrétienne incarnée par fra Geronimo. Ainsi Titita se révolte-t-elle en tentant d’enfreindre la rigidité de la discipline du pensionnat : elle froisse, par exemple, sa serviette de table qui devrait, au contraire, ne pas faire de plis (GIS, p. 274).

16 Chez Rosetta Loy, la réaction se traduit par l’observation aiguë des contradictions entre ce qu’elle voit et ce qu’on lui enseigne, ou bien les observations de la fillette semblent contredire le souci affiché de protection contre le monde extérieur. Par exemple, dans La porta dell’acqua, la description de la mère supérieure du pensionnat, dont les mains sont comme des « zampette » dont les os crissent, donne plus l’impression d’une enfant effrayée que d’une fillette qui se sent protégée. Dans le cas de mère Cecilia, qui lui

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donne des leçons de piano, la sensation de peur est encore plus grande : ses chaussures noires qui sortent de sa jupe sont en effet comparées aux « zampe del lupo da sotto la pelle di pecora » (LPA, p. 42). De plus, le ton est légèrement irrévérencieux, préfigurant les dénonciations de La parola ebreo. Au moment de l’écriture de son roman Cioccolata da Hanselmann, paru en 1995, Rosetta Loy commence à conduire des recherches sur les lois raciales puis sur les rapports entre l’Église catholique, le fascisme et le nazisme. Ces recherches conduiront à l’écriture de La parola ebreo où elle reconstruira toutes les étapes de l’antisémitisme catholique, depuis la signature du Concordat en 1929 jusqu’au silence de Pie XII au moment de la déportation des juifs du ghetto de Rome. Rosetta Loy a expliqué, dans différents entretiens, que ce sont ces recherches qui ont fait ressurgir les souvenirs qui, effectivement, se font plus précis dans La parola ebreo.

17 Dans La parola ebreo, Rosetta Loy revient sur son éducation religieuse pour se demander à quoi elle lui a servi dans son enfance et cette interrogation est motivée par sa connaissance directe de personnes juives, comme madame della Seta à qui Rosetta et sa famille, qui quittent la via Flaminia (en 1942) où ils ont vécu jusque là, font leurs adieux sans savoir qu’ils ne la reverront plus. Évoquant le déroulement d’une messe à laquelle elle assiste avec ses sœurs peu après ce départ de la via Flaminia, Rosetta Loy résume ainsi l’inefficacité de son éducation religieuse : « E dopo sedute nei banchi ascoltiamo la predica che con poche varianti ripete sempre gli stessi concetti, le medesime esortazioni che resistono corazzate a ogni coinvolgimento personale » (LPE, p. 110) ; la « predica » ne les touche pas car Rosetta et ses sœurs n’ont pas appris à établir un rapport entre les préceptes de leur éducation et la réalité qui les entoure. D’ailleurs, leur réalité à elles n’est pas celle de madame della Seta mais celle de la vie insouciante, « spensierata », de petites filles – plus si petites que cela d’ailleurs (elles pourraient donc être moins indifférentes) – de la bourgeoisie aisée. Leur éducation religieuse ne leur a pas permis de décrypter les signes d’événements mettant dangereusement en cause les maximes de leur enseignement religieux, comme les signes de la discrimination raciale. Ainsi, le soir du 16 octobre 1943, Rosetta évoque-t-elle, dans un accent d’une douloureuse sincérité, l’ennui avec lequel elle récite, en famille, le rosaire alors que les juifs romains vont vers la mort. Voilà la conséquence, pour les petites filles, de leur coupure du monde : les préceptes de l’enseignement religieux (la compassion, l’amour fraternel, la miséricorde (LPE, p. 109) leur apparaissent sans rapport avec ce monde extérieur qui leur est occulté et présenté comme dangereux ou coupable. L’image de la cuirasse utilisée par Rosetta Loy rend bien compte des conséquences de l’éducation religieuse reçue. En effet, la cuirasse se présente comme le pendant des hauts murs du pensionnat qui protégeaient les fillettes du monde extérieur mais les enfermaient dans leur ignorance (comme la blancheur qui les maintenait dans leur innocence) et leur incompréhension, ne les préparant pas à saisir les pièges de la propagande ou à comprendre le monde qui maintenant les entoure. Par cette image Rosetta Loy exprime l’infantilisme dans lequel elle a été maintenue. Cette éducation qui visait à la protéger et à la rendre plus forte, l’a rendue plus vulnérable d’où le sentiment d’impuissance qu’elle exprime. Chez l’une comme chez l’autre de nos écrivains la remise en question de leur éducation religieuse débouche sur l’expression d’un sentiment de culpabilité par rapport à leur impuissance face aux événements tragiques qu’elles ont vécus enfants et, par ailleurs, sur une dénonciation de la collaboration plus ou moins directe des adultes qui avaient en charge leur éducation à ces événements, à savoir la déportation des juifs romains et le massacre des républicains espagnols et de la population.

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18 Dans la mesure où l’interrogation des deux romancières sur l’éducation religieuse concerne des événements historiques précis, elles mettent toutes les deux en rapport le problème de l’adéquation des préceptes de la religion avec les actes de celles et de ceux qui en sont les porte-parole et les représentants. Or toutes deux tendent à montrer que l’institution religieuse et les adultes qui leur impartissent cette éducation religieuse se font un relais plus ou moins direct et souvent conscient des régimes totalitaires des années 1930. La remémoration de l’éducation religieuse débouche donc, aussi bien chez Rosetta Loy que chez Fabrizia Ramondino, sur une remise en cause. Cependant, tandis que chez Fabrizia Ramondino la révolte semble plus présente, pour Rosetta Loy, il ne s’agit pas, à mon sens, de se libérer d’une éducation religieuse mais de contester l’efficacité de celle qu’elle a reçue au moment où cet enseignement lui aurait le plus servi. Ce qui reste identique dans la dénonciation qui anime leurs pages, c’est que fra Geronimo qui sauve un enfant des flammes de l’enfer nazi-fasciste de Guernica et Arturo qui sauve l’enfant juif de Marseille sont plus dignes de porter l’habit de « candore » que Pie XII lorsque les nazis déportent les juifs de Rome.

NOTES

1. Dans son ouvrage intitulé L’enfant-dieu et le poète (Grenoble, Ellug, 1997), Gilbert Bosetti examine les récits de romancières qui ont évoqué la religion en rapport avec l’éducation comme par exemple Lorenza Mazzetti ou Anna Banti. 2. Éditions de référence citées à l’aide de l’abréviation entre parenthèses. R. Loy, La porta dell’acqua, Torino Einaudi, 1976 et Milano, Rizzoli, 2000 (LPA), La parola ebreo, Torino, Einaudi, 1997 (LPE) ; Fabrizia Ramondino, Guerra di infanzia e di Spagna, Torino, Einaudi, 2001 (GIS). 3. Nous empruntons la notion de mémoire critique à Annie Ernaux qui l’utilise pour la première fois dans son livre Les années (Paris, Gallimard, 2008, p. 121) pour expliquer qu’elle est sa nouvelle démarche dans ce livre. Elle oppose, en particulier, cette notion à celle de mémoire romantique qui a caractérisé la forme de l’autobiographie dans ses livres précédents. 4. En 2008, Rosetta Loy choisit de publier en France uniquement, chez Plon, dans la collection « Traits et portraits », un livre (écrit en 2007) intitulé La première main où elle revient, dans le portrait qu’elle dresse d’elle-même, sur les années 1930. Sa perspective est cependant différente de celle des écrits que nous considérons pour la présente analyse. En effet, et selon moi de façon à ne pas se répéter, elle ne cherche pas à établir le lien entre les événements historiques et l’éducation religieuse reçue. Elle insiste sur d’autres aspects de cette éducation religieuse : ceux liés, par exemple, à la dimension morale comme la volonté de « gomm[er] toutes les formes du corps » (LPM, p. 82) sous l’uniforme, de « sauvegarder pureté et chasteté » (LPM, p. 89) grâce à l’enfermement derrière les hauts murs du pensionnat. R. Loy, La première main, traduit de l’italien par Françoise Brun, Paris, Plon, collection « Traits et portraits », 2008. (LPM) 5. Dans ce roman de Rosetta Loy, la petite fille n’a pas de prénom ; quand nous parlerons de La parola ebreo nous dirons Rosetta puisque la dimension autobiographique y est déclarée. 6. Il est important de rappeler que la mère supérieure exprime ici un point de vue limité sur la guerre en cours. Il s’agit en effet du point de vue d’une partie seulement du clergé espagnol et, de plus, ce point de vue ne reflète peut-être pas la vision du souverain pontife. Rosetta Loy revient sur ces événements dans La parola ebreo. Elle précise que juste après le bombardement de

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Guernica des prêtres basques se sont rendus au Vatican pour remettre à Pie XI une lettre contenant le témoignage de neuf prêtres ayant assisté au massacre de la population de Guernica et que cette lettre a été interceptée par le secrétaire d’État, Eugenio Pacelli, futur Pie XII. La supérieure du couvent qui utilise le même langage qu’Eugenio Pacelli – « la Chiesa è perseguitata a Barcellona » a-t-il répondu aux prêtres basques (LPE, p. 65) – offre donc une vision limitée des événements. 7. N. Ginsburg in D. Maraini, E tu chi eri? 26 interviste sull’infanzia, Milano, Rizzoli, 1998, p. 146. 8. Cet acte a son pendant dans l’œuvre de Rosetta Loy. En effet, dans son roman Cioccolata da Anselmann, Arturo, un des personnages masculins, sauve un enfant juif lors d’une rafle à Marseille. 9. À l’occasion de l’écriture d’un autre article consacré à Fabrizia Ramondino. Maryline Maigron, « Conflits armés et conflit intérieur » dans Guerra di infanzia e di Spagna de Fabrizia Ramondino, in Guerre et violence dans la littérature contemporaine italienne, textes réunis par Alain Sarrabayrouse, Cahiers d’études italiennes, « Novecento e dintorni » n° 3, Images littéraires de la société contemporaine, Grenoble, Ellug, 2005.

AUTEUR

MARYLINE MAIGRON Université de Savoie

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Crisi di coscienza di un letterato: l’Opus di Franco Cordero

Filippo Fonio

NOTE DELL'AUTORE

Ringrazio di cuore Alessandro Grilli per avermi fatto conoscere i romanzi di Cordero, Mauro Nervi per i consigli e Francesca per il sostegno. Il moro suo compagno di viaggio aveva detto [a sant’Ignazio] di credere al concepimento miracoloso di Gesù ma non che la Madonna fosse ancora vergine dopo il parto, essendo anatomicamente impossibile; rimasto indietro sopra pensiero, il santo si è domandato se fosse giusto tollerare che un moro parlasse male di Nostra Signora; alla fine, stanco di pensarci, ha risolto la questione con un’ordalia: se la mula, lasciata a briglia sciolta, al bivio avesse scelto la strada del villaggio, sarebbe andato in cerca del bestemmiatore per pugnalarlo. F. CORDERO, Opus, p. 841. [Gesù] era un affascinatore e impartiva insegnamenti morali mescolati a previsioni apocalittiche d’un genere molto usato da quelle parti, a proposito del regno che diceva d’essere venuto a instaurare, e d’un ritorno trionfale sulle nuvole fra gli angeli del padre, ma una disavventura giudiziaria lo ha portato sulla croce finché un discepolo che non si rassegnava all’idea d’averlo perduto in modo ignobile, ha creduto di

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vederlo ed era tale la carica di desiderio che tutti si sono convinti. Eccola la resurrezione. O, p. 70.

Chi è Franco Cordero, ovvero breve ritratto di un intellettuale engagé

1 Franco Cordero (Cuneo, 1928) ha una triplice personalità? Non esattamente. È infatti giurista, politologo e non ultimo romanziere (di classe, se non di successo), ma la sua attività, che può sembrare eclettica (e lo è), persino troppo poliedrica, conserva un fuoco, un centro importante attorno al quale ruotano le sue varie sfere di interesse. È l’idea della legalità, laica e religiosa, o meglio la ricerca di un fondamento dal quale la legalità sia in grado di prendere le mosse.

2 Può sembrare anacronistico – ma non a chi conosca la società italiana del ventesimo secolo – che tale fondamento (e qui l’attinenza con la tematica di questo colloquio) sia passibile di una ricerca nelle sfere del diritto laico, civile, come in quella del religioso, del suo côté giuridico nella fattispecie: l’opera di Cordero si situa anzi a questo crocevia, fra sacro e profano, teologico e politico. Di questa dicotomia Cordero tiene a mettere in risalto la componente antitetica, l’inconciliabilità dei due poli… siamo lontani, non solo cronologicamente, ma anche e soprattutto concettualmente (in Cordero, di nuovo, e non nella società italiana contemporanea o del passato prossimo), dalla teoria dei due soli, o da quella del sole e della luna. La risposta alla domanda se può esistere un fondamento civile al potere teologico – domanda che contiene anche il proprio contrario, il dubbio, meno impellente ma legittimo, se possa esistere un fondamento teologico all’autorità civile – è risolutamente negativa.

3 Cordero, giurista anzitutto, penalista. Il suo manuale di procedura penale, che risale agli anni Sessanta ma è stato più volte ristampato e aggiornato, è a tutt’oggi fra i testi cardine della disciplina.

4 Docente universitario, alla Cattolica di Milano, fondata e allora retta da Agostino Gemelli, dal 1960 al 1974. Poi allontanato in seguito a un’ affaire con risvolti giuridici che ebbe risonanza europea2, che lo vede contrapposto al rettore e al forte partito di Comunione e Liberazione schieratoglisi contro a seguito dell’uscita degli Osservanti (Napoli, Giuffrè, 1967). La querelle che vede Cordero attaccato dalla fazione confessionale in Cattolica innescherà fra l’altro le rivendicazioni di un più vasto movimento d’opinione, tanto che nel 1975 la Chiesa, preoccupata per la forte presenza di studenti e la meno ingente ma già preoccupante ingerenza di docenti di sinistra all’Università Cattolica, aveva deciso di chiuderla, e sarà l’allora rettore Giuseppe Lazzati a salvare l’università del Sacro Cuore. Quindi Cordero insegna a Torino nel biennio 1974-1976, e a Roma fino al ritiro, avvenuto nel 2003.

5 La fama di indipendenza di pensiero e di non assoggettamento all’oscurantismo dominante nell’ambiente religioso (e Cordero è di formazione gesuitica) si diffonde anche all’estero. Così nel 1971 il Times Literary Supplement, recensendo Le masche (Milano, Rizzoli, 1971) e Trattato di decomposizione (Bari, Di Donato, 1970), scrive che Cordero “è l’ultima specie d’uomo che vi aspettereste sulla scena italiana, odiatore del pensiero superficiale e malfermo3“.

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6 Antropologo della religione, esegeta e fine glossatore di testi, studioso. Ricordo almeno il commento all’Epistola ai Romani (Milano, Garzanti, 1972) e il monumentale Savonarola (4 voll., Roma-Bari, Laterza, 1986-1988).

7 Politologo, editorialista per Repubblica, ideatore della figura kafkiana del Signor B. (Le strane regole del Signor B., Milano, Garzanti, 2003, premio Bagutta 2004), a Cordero si è fra l’altro ispirato Nanni Moretti per il suo Caimano.

8 Infine, romanziere, attività nella quale i mestieri “altri” – specie il giurista, lo studioso di religione e il politologo – si incontrano per dar vita a una narrativa efficace, attenta e militante, di uno spessore etico e metafisico difficili da trovare altrove nel panorama italiano degli ultimi decenni, originale a livello stilistico e di organizzazione dei contenuti.

L’Opus di Franco Cordero

9 Opus, oltre a essere probabilmente il più bel romanzo di Franco Cordero, costituisce un caso emblematico della maniera che Cordero narratore adotta nell’affrontare il rapporto tra le sfere dell’umano e del religioso. Se il rigore dell’esegeta va in frantumi di fronte alla spinta di un “realismo magico” la cui indagine sul personaggio assume le forme del flusso di una psiche in pezzi e di una focalizzazione multipla (Pavana – Torino, Einaudi, 1973 – ed entro una certa misura Passi d’arme – Torino, Einaudi, 1979) oppure ossessivamente fissa (Viene il re), quel che resta intatto è il rigore nella disanima dei problemi, con il frequente ricorso alla tecnica avvocatizia del contradditorio, degli argumenta pro e contra. E quel che ci interessa di più qui è che la particolarità della focalizzazione contribuisce a fare di ogni questione dibattuta nei romanzi di Cordero un caso di coscienza, si tratti di un problema di morale laica o di una disputa sull’esistenza e l’immortalità dell’anima.

10 Opus è il terzo romanzo di Cordero. Il titolo allude già al doppio registro che sarà l’asse su cui si regge la dicotomia immanente-trascendente, capitale nel romanzo. Opus è infatti l’operazione alchemica finalizzata alla liberazione di Dio dalla materia in cui è imprigionato (O, p. 150), ma rinvia anche all’Opus Dei, l’Ordine politico-religioso per antonomasia (lo stesso Ordine, si può immaginare, che in Passi d’arme scatenerà una ribellione militare alla legittima autorità civile).

11 Quattro le sezioni del romanzo, tutte da leggersi secondo questo doppio registro: Iter, che è il cammino che porta padre Mofa a Limen, ma ha anche il senso di un itinerario spirituale; Limen appunto, il nome della città dove Mofa trascorre la propria convalescenza ma al contempo contiene il senso di una soglia tra la vita e la morte, o, alchemicamente, tra insipienza e conoscenza; Transitus, che riprende e compendia il senso di un itinerario e quello dell’attraversamento di una soglia, il passaggio alla morte; Judicium, che all’ovvio senso giudiziario (padre Mofa viene giudicato dai sopravvissuti) assomma l’accezione escatologica del Giudizio.

12 In breve la fabula. Padre Mofa, 46 anni, da 28 nell’Ordine, da 20 ordinato, dopo una degenza di quattro mesi in ospedale si accorge di aver perso la fede, il che gli fa sospettare di non averla mai avuta. Mandato nella Casa di Limen per la convalescenza, continua il proprio esausto ma metodico e infaticabile esame di coscienza, in cerca di fondati presupposti che avallino la fede smarrita. Tale ricerca, scopo dei momenti di lucidità ai quali si succedono sempre più spesso – a mano a mano che il suo stato di

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salute si aggrava – visioni oniriche o schegge dei traumi irrisolti della giovinezza e della prima maturità, lo fa passare per pazzo o per eterodosso da parte dei confratelli. Mofa ripone tutte le proprie speranze in Luca, il cui spirito di tredicenne tormentato da dubbi precoci aveva ricevuto anni addietro consolazione dallo stesso Mofa, suo direttore di coscienza. Senza aver trovato Luca, ma avendo trovato Vagus, “chierico laico” il cui nome richiama già i clerici vagantes, e la sua assoluzione, Mofa si reca al Santuario fuori città, dove troverà una morte misteriosa. Alla fine, appare Luca, vicinissimo e al contempo irrimediabilmente lontano da Mofa. Morto Mofa, ciascuno fa le proprie supposizioni in merito.

13 L’esigenza di “smontare” il romanzo si rende necessaria al fine di mettere in evidenza il sistema di polarità sopra accennato. In particolare, mi soffermerò sulla maniera in cui Opus si presenta come perdita, sconfitta e rivelazione della vanità dei principali presupposti su cui si basano il sistema della fede e il “braccio secolare” che si sente chiamato a diffonderla e difenderla, l’Opus. Emblematico in tal senso è il personaggio di Mofa visto nei suoi rapporti con gli altri personaggi, si tratti di portavoce ufficiali dell’Opus (da padre Liuto al padre Rettore, a Paulus in particolare) come di “liberi pensatori”, interni (padre Cantore, fratel Saltero) o esterni all’Ordine (Vagus).

Nessuna illuminazione sulla via di Damasco

14 La coscienza di Mofa tende pericolosamente – in termini religiosi – a coincidere con la logica comune e con quella valida per le scienze esatte (Mofa è laureato in matematica). Mofa considera nondimeno la fede presupposto indispensabile, nonché condizione necessaria per portare avanti un discorso di apostolato o per rivendicare una valenza politica alle strutture religiose o a correnti religiose presenti in istituzioni laiche (in questo caso, prima di tutto, l’università).

15 Mofa ha perso la fede: “Se la fede si basasse sugli imparaticci teologali, un po’ di ragionamento farebbe piazza pulita” (O, p. 10)4. Questa affermazione, posta in limine o quasi, significa che quella di Mofa non è stata una svolta aproblematica all’ateismo o al razionalismo. Almeno all’inizio, il tentativo di ritrovare la fede smarrita procede con sistematicità quanto con urgenza, e se gli “imparaticci teologali” vengono accantonati è affinché la fede conquisti nuovi e più saldi presupposti con l’avallo della ragione. Il che non esclude la tempestività e l’irrecuperabilità della perdita: Ha perduto la fede come un altro la trova, in un lampo; ormai non riesce a credere nemmeno se gli mettono i ceppi alla testa: non è questione di volontà. […] La malattia c’entra ma resta da stabilire se non sia un effetto benefico: da bambino sentiva dire che il tifo risana. (O, p. 126)

16 Si tratta di una conversione al contrario, sia rispetto al modello della conversione per antonomasia (quello paolino o agostiniano), sia rispetto al senso comune. La reazione a una malattia, specie se grave, si pensa infatti normalmente nella forma di un aggrapparsi alla fede anche da parte di quanti ne erano privi, alla ricerca spasmodica della buona morte. Mofa invece, erede dei philosophes, si riappropria grazie alla malattia di una razionalità che sente come impellente, e che si accorge essere stata troppo a lungo sacrificata a una fede creduta innata ma rivelatasi incapace di sostenere l’indagine della ratio.

17 L’Ordine non ammette quanti portino avanti cartesianamente un’indagine razionale sui principi della fede, tanto meno quanti non si sentono, fintanto che l’esame sia compiuto

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e sia risultato soddisfacente, di intraprendere attività di apostolato o propaganda (è il caso del confratello finito a fare il facchino alla stazione, dopo aver lasciato l’Opus, o di quello divenuto garzone in un mobilificio di provincia: O, p. 58). Anche perché, siamo lontanissimi da Tommaso e da Cartesio. Così, l’emblematicità del romanzo consiste nel fatto che il tentativo di dimostrare razionalmente la fede, se compiuto dall’uomo del ventesimo secolo, è destinato a fallire.

18 Eppure l’Opus (come l’influente partito confessionale al Concorso al centro di Viene il re, o l’Ordine ribelle all’autorità civile di Passi d’arme) resiste nel proprio prestigio e potere, anche secolare, agli attacchi dei liberi pensatori.

19 Il personaggio di Paulus (il cui nome ci dice già da che parte si orienti) è il portavoce di un cristianesimo intransigente e oltranzista votato al costante tentativo di estendere la propria influenza agli ambiti laici. Pur lontani dalle ingenuità del Da Vinci Code, l’Opus di cui Paulus si intuisce destinato a diventare una delle personalità più influenti non si perita a cercare punti di contatto col secolo, è faccendiere e stolido nel proprio oscurantismo, orientato com’è a “piazzare” uomini suoi o simpatizzanti negli organismi della vita civile. In Opus è l’università a essere la vittima delle incursioni gesuitiche. Attraversa il romanzo la querelle intorno a una recensione di stampo dichiaratamente confessionale, redatta per denigrare uno studioso laico (che è stato fra l’altro il maestro di Luca) e rivendicare un ruolo dell’Ordine nel dibattito scientifico. Si tratta, a parere di Mofa chiamato a giudicare la recensione, di un pezzo dilettantesco privo di basi argomentative ma nondimeno prepotente (“nei sistemi basati su un’autorità ufficiale, chi professa i canoni è accreditato anche se parla da stupido; questo manoscritto fornisce un esempio”: O, p. 101), che altro non farebbe che rafforzare l’impressione di solidità del metodo e delle conclusioni dello studioso laico e il fallimento dell’ortodossia religiosa, in quanto “chi si lega a una formula apodittica deve ignorare ciò che la smentisce” (O, p. 100). E la conclusione di Mofa è perentoria: “Quel recensore blatera di verità soprannaturali: chi non le vede merita compassione come gli insetti condannati a strisciare; il guaio è che per vederle ci vuole la testa deforme. ” (O, p. 114)

20 Alla fine del romanzo, sarà a Luca che Paulus chiederà, in cambio dell’appoggio a un concorso, una nuova recensione faziosa, che per il giovane studioso rappresenta anche un definitivo autodafé e una clamorosa sconfessione del maestro (O, p. 174-177).

21 Questo è solo un esempio della maniera di operare dell’Ordine, nella persona dei suoi rappresentanti più influenti, il padre Rettore e Paulus (oltre al grottesco professor Piotini, figura troppo caricaturale perché lo si possa considerare un portavoce fededegno delle istanze confessionali). L’episodio chiave, che rivela non solo la personalità di Paulus, ma anche l’idea di cristianesimo che sta alla base della posizione ufficiale dell’Ordine, è il colloquio-scontro fra questi e Mofa (O, p. 79-84). Parlando con Mofa del confratello che ha abbandonato la Casa, il gesuita ortodosso dice cose quali il fatto che costui sia ora facchino alla stazione sarebbe “più di quello che merita; in un paese civile non finirebbe così”, in quanto quelli che se ne vanno “hanno tradito un impegno assunto liberamente, sputano nel piatto dove mangiano”. I presupposti di Paulus sono infatti che “la regola impone l’obbedienza” e che “la scienza conferma sempre la fede, se non c’è di mezzo qualche tara”. Questo sulla base del fatto che ragionare sulla fede non è indispensabile, è anzi deleterio, “come se la fede fosse qualcosa che va e viene: se la perdi è colpa tua; ce la fabbrichiamo ogni giorno, è un frutto di volontà”5. Paulus conclude: “l’importante è mantenere l’ordine” (O, p. 82), frase che si presta beninteso a due livelli di lettura.

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22 Sulla stessa linea, ma con ancora maggiore determinazione si muove il padre Rettore: “l’apologetica ha le sue esigenze: se i Padri della Chiesa nelle loro polemiche con i nemici della religione si fossero preoccupati di spaccare il capello in quattro e avessero trattato l’avversario coi guanti, se l’immagina dove saremmo finiti” (O, p. 102). Il padre Rettore contempla la possibilità di riconoscere al laicismo delle basi logiche, ma conclude: “noi siamo i depositari d’una rivelazione che vale più di tutte le miserabili scienze umane; lei ed io ci regoliamo sul Credo: perciò dobbiamo ridurre al silenzio gli inquinatori d’anime.” (O, p. 103)

23 Il tentativo di Mofa, e di altri come lui viziati dalla ragione, di una ricerca dei fondamenti della fede, di un cristianesimo che sia altro dalla superstizione (le fiamme dell’inferno e la gioia dei beati vengono infatti considerate risposte puerili e non pertinenti agli appelli della ratio: O, p. 56 e 61-63), e dalle sovrastrutture la cui esigenza risiede nella non accettazione di una morte che coincida con la dissoluzione, sono destinati a uno scacco. Perché l’Ordine mantenga le proprie prerogative, i dissidenti devono esserne estromessi, con una possibilità di reintegro solo post mortem – e soltanto qualora la loro morte, come nel caso di Mofa, sia passibile di strumentalizzazione.

24 La religione invece crolla. Nessuno dei dogmi traditi resiste allo scandaglio della ratio: non si può accettare un dogma e rifiutarne un altro: la Madonna è stata concepita senza peccato originale, però gli angeli non l’hanno trasportata in cielo, il papa è fallibile, il concilio infallibile, e via seguitando; vengono tutti dalla stessa matrice come le prescrizioni sui riti. (O, p. 125)

25 “Ragionare sull’anima” è un argomento “per teologi in buona salute” (O, p. 12), e “se esistesse un’anima, meglio perderla che passare la vita a lustrarla” (O, p. 107). Decade l’auctoritas del testo sacro come quella della divulgazione popolare, ad esempio il “trombonesco decalogo ipotetico” (If di Kipling), di cui ci si fa beffe in Pavana (p. 96), o putti e demoni affrescati cui si è già accennato.

26 Libertà di pensiero e autonomia intellettuale si danno solo fuori dall’Ordine, come nel caso di Vagus, personaggio che costituisce, con Mofa e Luca, una triade caratterizzata da molteplici punti di contatto e complesse relazioni a livello narrativo e simbolico. Sulla maniera in cui si possono considerare tali relazioni vorrei sviluppare la seconda parte di questo intervento, e concludere.

En attendant Godot

27 La figura di Luca nel romanzo è complessa, costituisce un asse che dal passato di Mofa si prolunga, nelle forme di una recherche anch’essa destinata a fallire, nel futuro, in una prospettiva salvifica. Ritrovare Luca è prima di tutto, per Mofa, ristabilire un contatto con le proprie radici, e con un’epoca nella quale egli era sicuro della propria fede, tanto da essersi prodigato per farla ritornare anche al giovane Luca. Che Mofa spera possa diventare in qualche modo il suo direttore di coscienza… anzi, ne è certo. Dunque Mofa aspetta fin dal suo ritorno a Limen, aspetta Luca come si aspetta Godot, ossia qualcuno che non arriva mai o che, se arriva, non lo si incontra per un malinteso o altro6. Il parallelo con la figura beckettiana non pare aleatorio: “Luca tarda a venire, forse non verrà e anche se venisse, sarebbe una visita di cortesia” (O, p. 98). “E se Luca venisse a cercarlo?, no, è venuto ieri e darà una risposta domani” (O, p. 155). Quello che Luca non potrà esimersi dal fare, quando verrà – e parimenti non potrà esimersi dal venire – sarà

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chiarire i dubbi di Mofa: “Cosa diceva Luca oggi? Non è venuto, verrà domani a risolvere tutti i problemi.” (O, p. 128)

28 Luca è del tutto ignaro del carico di aspettative salvifiche di cui Mofa lo investe, tanto che, morto Mofa, dice, immaginiamo con un’alzata di spalle, “volevo venirlo a salutare ma c’è stato un contrattempo” (O, p. 169). Anzi, l’ennesimo scacco di Mofa è nella sostanziale mancanza di interesse di Luca nei suoi confronti, che si vede bene nell’ultima parte, centrata appunto sul personaggio di Luca. L’indifferenza di Luca – che appena si ricorda di Mofa, il quale invece in Luca aveva riposto tutte le proprie speranze in un chiarimento – è già evidente quando Mofa è ancora vivo, mentre Luca assiste alla predica di Mofa “gli occhi erano insolitamente freddi” (O, p. 134), e si accentua ulteriormente dopo la sua morte: “Non riesce proprio a toglierselo di torno, anche Vagus ne parla” (O, p. 189), e ancora, lapidario: “Muore tanta gente ogni giorno: la morte di padre Mofa non ha niente di straordinario” (O, p. 190).

29 Se il fallimento della ricerca di Mofa non è completo, ciò è dovuto al fatto che, aspettando Luca, Mofa incontra Vagus, controfigura laica di Luca, e trait d’union fra Luca e Mofa. Vagus è lontano dalla religione, quasi subito ha smesso di frequentare l’oratorio, per un odio quasi epidermico: “È stata l’antipatia a illuminarmi: non sopportavo l’odore di sangue e carne bruciata, il figlio scannato, il padre che sta a guardare soddisfatto, agnelli, pesci, colombe, l’inferno; quando una cosa mi spaventa, per difendermi ci ragiono sopra” (O, p. 148). Come molti altri personaggi di Cordero, Vagus è il portavoce di una causalità ateleologica, di un cieco meccanicismo; ritrova categorie teologali in Sade e sillogizza con Mofa: “metta che l’aspirazione a durare oltre la morte sia naturale come l’acquolina in bocca o le contrazioni della pupilla alla luce; questo non dimostra l’esistenza di un’anima immortale” (O, p. 152). L’incontro con Vagus segna il percorso dell’anima di Mofa. Vagus si rivela il Godot che Mofa credeva avrebbe trovato in Luca. Un Godot che però si trova pure senza cercarlo, e fornisce delle risposte: l’incontro con Vagus era “l’occasione che cercava da quando ha messo piede a Limen. Aveva soltanto sbagliato persona: Luca non può aiutarlo, Vagus risolverà il problema” (O, p. 153). Tanto è vero che sarà Vagus a proporre la lettura definitiva della morte di Mofa, posta a suggello del romanzo (O, p. 191), nei termini di un’ordalia che riesce vittoriosa per il postulante. Il significato dell’ordalia, quale è la risposta in cerca della quale Mofa si sottopone alla prova dell’acqua, rimane inespresso da Vagus, che – figura divina suo malgrado – sembra depositario della soluzione dell’enigma, rifiutandosi nel contempo di farne partecipi il lettore e Luca, suo interlocutore.

30 Dopo la morte di Mofa, nell’ultima parte di Opus, Luca si fa parzialmente latore (inconsapevole) di istanze che erano state del Mofa convalescente7. A differenza di Mofa, Luca è cinico e calcolatore, ben conscio delle dinamiche di potere che gravitano intorno all’Opus. Come Mofa, Luca ragiona sull’inconciliabilità di fede e ragione (“in attesa dell’intellectus angelicus fornito agli inquilini del paradiso, contentiamoci della ratio, che gira cigolando in deduzioni faticose e non porta lontano ma quaggiù è il solo veicolo”: O, p. 178), e nel migliore dei mondi possibili opterebbe per la ratio. In una società clericalizzata anche in ambiti civili invece, Luca sceglie di indossare quotidianamente la maschera di innocuo portavoce di un punto di vista confessionale oltranzista.

31 Ultimo ma non meno importante elemento che lega Mofa a Luca è il punto di vista particolare in cui Cordero situa i due personaggi. Come spesso altrove nella sua narrativa, la diegesi è in terza persona, senza onniscienza, ma la voce autoriale è vicina

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a uno dei personaggi. Tale vicinanza è di solito contraddistinta da una peculiarità nei dialoghi: le parole di chi è più lontano dal narratore sono tra virgolette, mentre quella che di volta in volta si distingue come voce più vicina all’istanza autoriale – pur rimanendone distinta – parla senza virgolette. In Opus ciò avviene per Mofa nelle prime tre parti, per Luca nella quarta.

Sola fide?

32 In conclusione, Cordero non offre un ritratto della crisi della religione nella società italiana della seconda metà del Novecento. Anzi, mostra la solitudine dell’individuo in crisi religiosa. Se di un religioso si tratta, poi, l’isolamento è ancor più irrimediabile. Il prete che ha perso la fede viene conseguentemente emarginato dall’Ordine, e non sempre – come invece pare accaduto ai due confratelli apostati di Mofa – gli viene consentito il reintegro nella società civile.

33 La Chiesa è un’istituzione da un lato autosufficiente, dall’altro sempre in lotta per una più decisa affermazione ed estensione della propria influenza. La fede diventa un dovere, come l’obbedienza, ai dubbi non vengono fornite risposte e gli anelli che non tengono vengono recisi.

34 Nei romanzi di Cordero sono talvolta l’individuo (come è più evidente nel caso di Opus), talvolta l’istituzione laica a dover lottare contro il potere e l’autorità di una Chiesa oscurantista e senza scrupoli, sentita come nemica di qualsiasi tentativo di affermazione da parte di cellule della società civile.

NOTE

1. F. Cordero, Opus, Torino, Einaudi, 1972. D’ora in avanti: O, al testo e in nota. 2. Cfr. almeno la traduzione inglese della Risposta a Monsignore. 3. Cito dalla seconda di copertina di F. Cordero, Viene il re, Milano, Bompiani, 1974. 4. Cfr. inoltre (ma le citazioni potrebbero essere molte): “c’era ben altro a cui badare, cominciando dalla religione che ora pesava come una piramide di credenze e pratiche estranee. Le abitudini e i sentimenti s’erano dissolti nel coma; bisognava ripartire dal vuoto assoluto e a quarantasei anni uno disseccato dal lavoro di testa non può contare sulla meraviglia credula di quand’era bambino: le cose che si facevano naturalmente, non riescono più. Ormai vedeva la religione con gli occhi dell’adulto diffidente che ne senta parlare per la prima volta, cerca d’impadronirsene senza riuscirci e si domanda da che cosa dipende l’insuccesso; possibile che l’oggetto stia al di là dell’intelligenza, come gli dicono? Allora ha raddoppiato l’attenzione con risultati disastrosi: da quando deglutendo l’ostia ripassava stupefatto la dottrina dell’eucarestia, non ha scovato un solo argomento a favore della risposta rassicurante e continua ad accumularne di contrari; come se non bastasse, da questo punto di vista tutto si spiega e in un modo spaventosamente chiaro, anche il postulato del soprannaturale inesplicabile, che dovrebbe chiudere la porta alle operazioni sacrileghe” (O, p. 15); “in materia di fede l’impossibile non esiste. Strano, è avvizzita di colpo: l’abitudine, la stanchezza, il dubbio fino alla sensazione d’un

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niente gelido; nessuno sa da che parte vengono certi impulsi e se portano del bene o del male. Bisogna aspettare; nemmeno gli esercizi di sant’Ignazio suggeriscono un metodo per affrontare la decisione o meglio la scoperta: le cose emergono da sole quando sono mature. Gli scrupoli di cui soffriva sant’Ignazio sono spariti da un giorno all’altro, ma la grazia va aiutata e lui non prega più, si è imposto di stare alla finestra: che una cosa piaccia non è una buona ragione per farla, spesso i sentimenti sono trappole. La decisione d’essere imparziale contiene già una scelta: padre Aspera diceva che solo chi ha perduto la fede ci specula sopra; gli altri credono semplicemente, senza rimestare nelle prove. Senonché questo genere di fede a lui non serve, nemmeno se potesse procurarsela a comando, ormai occorre qualcosa di più: o lo trova o rinuncia alla partita purché in ogni caso sia una conclusione pulita” (O, pp. 32-33); “Dicono che perdere la fede sia un’esperienza dolorosa, lo strazio dell’anima mutilata; niente affatto, ha guardato negli angoli in penombra dove pullulavano i misteri, e non c’era niente: aperti gli occhi, il mistero si squaglia. Che la religione sia un ponte di parole e di gesti sospesi nel vuoto, in fondo lo ha sempre saputo: di reale ci sono i desideri e le paure…” (O, p. 55) 5. O, p. 81. Quest’ultimo stralcio dal dialogo di Paulus è anche una risposta indiretta e una presa di posizione dell’Ordine rispetto alla crisi di coscienza di Mofa. 6. Cfr. in part. O, pp. 36, 42, 48, 56, 91, 106-107, 136-137. 7. Un significativo parallelo fra i due personaggi è relativo ai problemi di sepoltura, topos letterario di lungo periodo: come nell’Ordine ci sono perplessità sul luogo in cui seppellire Mofa, tanto che poi si decide per una soluzione temporanea, così nella tomba di famiglia di Luca viene temporaneamente piazzato il cadavere di un estraneo, contro la volontà di Luca.

AUTORE

FILIPPO FONIO Università di Pisa e Stendhal – Grenoble 3

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« J’ai cessé de croire que les derniers seront les premiers. » Une leçon de style : la guerre, la politique et la douleur dans les œuvres de Luigi Pintor

Leonardo Casalino

1 Alberto Melloni, un des plus éminents spécialistes de l’Église, écrivait en 2004 : Certo, moltiplicati segnali spingono a dire che il troppo spicciativo requiem cantato al religioso negli anni Sessanta è stato sovrastato da un roboante ritorno al sacro, in tutte le sue forme. Ma tutto questo c’entra qualcosa col cristianesimo o è solo il segnale che è tornato in auge il vecchio mito della cristianità, il sogno di una chiesa che si accolla il diritto/dovere di guidare la società e custodire il potere dall’usura? […] O ancora più profondamente, non è proprio questo il segno di una debolezza radicale sulla quale puntano il dito sia i tradizionalisti (in nome di una nostalgia), sia i riformatori radicali (in nome di un futuro). (Melloni, 2004, p. 5)

2 Il ne fait pas de doute que se demander comment va aujourd’hui le christianisme, quel est le rôle du religieux et du sacré dans la société italienne, signifie pénétrer sur un terrain glissant et contradictoire. Il est difficile de se soustraire à la gêne que procure le fait d’observer comment des thèmes si délicats sont utilisés par les puissants, comment ils sont utilisés dans la logique à court terme de la propagande électorale dans un processus médiatique qui banalise et vulgarise le tout. Le rapport avec la politique est l’élément essentiel qui complique le cadre général. Si l’on doute que dans la société italienne, ces dernières années, il y ait eu une diffusion des organisations religieuses, il n’en est cependant pas moins certain que les membres de ces mouvements aient, face à la doctrine de l’Église, une attitude mature : leur spiritualité ne les empêche pas, dans leurs comportements et dans leurs choix individuels, d’accomplir des choix autonomes dans des domaines tels que la sexualité ou dans les diverses formes d’unions civiles (couples non mariés ou homosexuels). Malheureusement cette réalité ne trouve pas une réponse adaptée dans les rapports entre l’Église et la classe politique italienne. Les

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autorités vaticanes, conscientes de ce processus de laïcisation avancé, tentent de le contrôler et de le limiter à travers l’influence qu’elles maintiennent sur ces deux groupes politiques que sont celui de centre-gauche, celui de centre-droit. Avec de graves effets sur le plan de la législation : l’Italie, en effet, est l’un des pays européens et occidentaux les plus en retard sur le plan des droits civils, et le gouvernement de l’Union élu en 2006 avance sur ce terrain à pas lents et contradictoires.

3 Ce climat, que nous oserons définir ici « néo-guelfe », atteint des degrés insupportables quand il rencontre les générations du système de l’information et du spectacle, en particulier celui de la télévision. De ce point de vue, les journées qui ont précédé et suivi la mort de Jean Paul II en 2005 ont été terribles. Un événement triste, qui aurait mérité un climat de silence et d’intense spiritualité, s’est transformé en une longue et morbide émission en direct diffusée par tous les moyens d’information qui a comme interrompu le cours normal d’une vie démocratique. Tant et si bien que quelqu’un en vint à proposer de reporter les élections régionales qui devaient avoir lieu le dimanche suivant le décès du Pape polonais.

4 La place Saint-Pierre est devenue le lieu où s’est recueillie cette « foule télévisée » qui semble se réunir et se transférer de place en place à chaque fois que l’actualité offre l’occasion de grands rassemblements. Et ce n’est pas un hasard si le slogan le plus crié durant ces heures « Santo subito! » a été repris et utilisé l’été dernier au Circo Massimo en l’honneur de Fabio Cannavaro et Gianluigi Buffon pendant la célébration de la victoire de l’équipe nationale italienne à la Coupe du monde de football. « Foule télévisée » à laquelle se rallièrent naturellement les dirigeants du monde entier, qui accoururent pour se faire voir autour du cercueil d’un homme dont, au cours des mois précédents, ils avaient allègrement ignoré tous les appels contre la guerre en Irak.

5 Durant ces heures précisément, je me demandai quelles pages il était nécessaire de retourner lire, comme un authentique « acte de résistance » face à une telle dégénérescence de la vie publique. Quels mots fallait-il se mettre en tête pour savoir parler avec mesure et délicatesse de choses douloureuses, comme la mort ou l’inquiétude face à une réalité qui semble laisser toujours moins de place aux grandes espérances politiques qui ont traversé le XXe siècle. Les quatre livres que Luigi Pintor avait écrit durant les dix dernières années de sa vie me semblèrent le meilleur instrument, tant pour résister d’emblée à un climat pesant et suffoquant, tant pour continuer à avoir confiance en la force de la culture et de la littérature en ce début de siècle compliqué. Jeune antifasciste, dirigeant communiste et éminent journaliste de L’Unità dans les années 1950 et 1960, fondateur du groupe du Manifesto, radié du PCI en 1969 pour activité fractionniste, créateur puis directeur du Manifesto. Quotidiano comunista – l’unique journal de la Nouvelle Gauche italienne à avoir été capable de survivre et de s’affirmer comme un élément essentiel du paysage éditorial italien – Pintor a probablement été le plus grand journaliste politique de l’Italie républicaine. Une réputation qu’il a conquise en premier lieu grâce à la qualité de son écriture. Lire un de ses éditoriaux signifiait avant tout se trouver face à un exercice de style. Ceux qui voudraient s’en faire une idée peuvent lire quelques-uns de ses recueils d’articles (L. Pintor, 1990 et 2001[10]).

6 Aux plus jeunes, qui se bousculaient dans les couloirs de la rédaction romaine du Manifesto, Pintor avait coutume d’expliquer qu’il n’y avait aucun argument dont il n’était pas possible de parler en soixante / soixante-dix lignes d’un éditorial ou en deux pages d’un livre. Journaliste dans l’âme, il conseillait de rédiger les faits divers en

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racontant avant tout les faits, mais de le faire comme si ce papier était la chose la plus importante que l’on allait écrire dans sa propre vie, en sachant cependant que la page sur laquelle il serait publié le lendemain servirait probablement – après la lecture – à ramasser les épluchures de pommes de terre dans les cuisines. À partir de 1991, Pintor a commencé à publier de brefs romans au sein de la maison d’édition turinoise Bollati Boringhieri. Quatre au total dont le dernier, de 2003, est sorti peu de temps avant sa mort. Dans ces livres, Pintor s’est confronté aux grands thèmes qui ont marqué sa vie : la guerre, l’antifascisme, le militantisme communiste, la rupture, la crise de la gauche, le journalisme comme hache de guerre. Mais aussi les aléas de sa vie privée, une vie individuelle pas facile et marquée par beaucoup, trop de morts d’êtres chers. Pintor, en effet, a perdu son père jeune, son frère Giaime – un des plus brillants esprits de la nouvelle génération d’intellectuels des années 1930 (G. Pintor, 1950, 1978, 2000) –, mort durant sa première expédition de résistant en 1943, et puis au fil des années suivantes sa femme, son fils, et sa fille. Regarder derrière donc, pour Pintor, a voulu dire régler ses comptes, lui « ragazzo del secolo scorso » (R. Rossanda, 2005), avec la crise du mouvement communiste, avec le retour de la guerre, avec les inquiétudes de la gauche italienne et surtout, avec la hantise de ne pas avoir fait assez pour que les personnes qui lui étaient chères souffrent moins. La guerre, avant tout. Cette guerre, la Seconde Guerre mondiale, qui avait changé le cours de sa vie. Sans laquelle, peut-être, il serait devenu un excellent pianiste. Cette guerre qui l’avait contraint, très jeune déjà, à prendre position contre le régime fasciste et son allié-envahisseur nazi, puis à choisir la politique comme métier. Senza la guerra, il mio carattere mi avrebbe tenuto certamente lontano dalla vita pubblica. Non volevo diventare re o papa, non avevo quel bisogno infantile di primeggiare e di dominare gli altri che nutre negli adulti l’ambizione politica, spesso senza ritegno. Per spirito di contraddizione preferivo i perdenti, pareggiavo animosamente per i pellerossa e per gli etiopi contro le razze di conquistatori e di predatori, e quando i poveri del quartiere sfilavano alla porta di casa per l’elemosina del venerdì mi rattristavo. Ma dubito che si possa dedurre da questi buoni sentimenti un’indole rivoluzionaria. (L. Pintor, 1991, p. 13)

7 Cette guerre qui avait laissé une trace profonde dans la société, dans le cœur et la tête des hommes et des femmes qui l’avaient connue : Non ero neanche sicuro che la guerra fosse finita. Sembrava piuttosto una tregua carica di minacce, come se gli uomini non avessero imparato nulla e quel lascito di cadaveri e di macerie non li avesse convertiti alla saggezza ma addestrati a una futura ecatombe. I vincitori somigliavano stranamente ai vinti, si scambiavano le parti, erano di nuovo nemici gli uni agli altri, come se la guerra fosse stata svuotata delle promesse che l’avevano nobilitata e confessasse ora la sua vera natura, fredda regola di una storia sempre uguale […]. Strana e subitanea metamorfosi, la gente non aveva più nello sguardo quella domanda e quell’offerta di solidarietà che trasmetteva tacitamente nei giorni della sofferenza. Ora un desiderio di rivalsa animava ciascuno contro l’altro, ciascuno alla ricerca della sua parte di bottino, nella grande fiera che imparerò a chiamare capitalistica, dove miseria e abbondanza e ogni genere di mercanzia sono in perenne compravendita. (L. Pintor, 1991, pp. 48-49)

8 Ces impressions de l’immédiat après-guerre allaient se transformer à la fin du XXe siècle en une conscience plus amère et définitive : Perciò non so dire se la guerra sia una proiezione militare della politica, se dipenda dai modi di produzione, se sia un fenomeno di selezione intraspecifica. Per me sta scritta nel cuore dell’uomo e pulsa all’unisono. La pace ha la funzione delle pause in musica e sta scritta sui sarcofaghi. (L. Pintor, 1998, p. 83)

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9 Le choix du militantisme communiste avait été la réaction à ce climat de paix trompeuse : la mobilitazione proclamata nei giorni di ferro e di fuoco non poteva finire nella banalità e cercavo un compito da assegnarmi. E così mi convinsi a prender partito, non per grandi imprese che nessuno più si proponeva, ma per stare in compagnia della gente meno sfortunata e sostenerne le buone ragioni. (L. Pintor, 1991, p. 52)

10 Bonnes raisons que Pintor commença à défendre, en recourant à l’arme de l’écriture dans la rédaction de L’Unità : C’era dell’orgoglio nell’idea di fronteggiare da soli la propaganda nemica e uno stimolo ad affinare le nostre capacità. Per anni ho applicato alla scrittura le tecniche meticolose che si usano su una tastiera. Ritagliavo e limavo i miei scritti stampati sul giornale, interminabili resoconti di discorsi altrui e timide prove personali, scoprendo che c’è sempre una riga su tre di troppo e arrivando alla conclusione che due pagine (come ancora sostengo) bastano ad esaurire qualsiasi argomento. (L. Pintor, 1991, p. 61)

11 Puis vinrent les années 1960, Pintor se rapprocha des positions de Pietro Ingrao et de celle que l’on appelle « gauche communiste ». L’année 1968 en occident et le Printemps de Prague – avec la conclusion tragique de l’intervention de l’URSS – convinrent Pintor, Rossana Rossanda, Lucio Magri, Luciana Castellina, Aldo Natoli, Valentino Parlato et bien d’autres à promouvoir une revue capable d’influencer le groupe dirigent du PCI, tant en faveur d’une plus grande ouverture aux nouveautés des mouvements des jeunes et des luttes ouvrières de 1969, tant en faveur d’une plus nette autonomie par rapport au modèle soviétique. Le « centralisme démocratique » de l’époque, cependant, ne pouvait pas accepter la présence d’opinions divergentes exprimées publiquement au sein de la Direction du parti. Et même ceux qui, comme Enrico Berlinguer, étaient intéressés par une confrontation serrée avec les positions du Manifesto, redoutaient la réaction de Moscou et la naissance d’un courant philo-soviétique qui diviserait le parti définitivement. Pintor et ses camarades furent radiés et, tous les protagonistes de cette histoire, encore vivants aujourd’hui, s’accordent à dire que cette rupture fut une erreur et que l’on aurait dû trouver un compromis (Garzia, 1985). Une « rupture douloureuse » dirent-ils nombreux et la douleur, malheureusement, était une expérience à laquelle Pintor était confronté également dans sa vie privée. D’abord du fait de la maladie de sa femme, puis à cause de la disparition de ses deux enfants. Et sur la « douleur », Pintor nous a laissé quelques-unes de ses plus belles pages : Non si può far nulla e non puoi essere per lei di nessun aiuto, mi fu detto da qualcuno. E’ una sciocchezza un po’ vile che si pensa o si dice quando, a forza di cercare la verità tra le nebulose celesti e di tracciare segni con squadre e compassi, non si vedono le cose semplici che stanno sotto gli occhi. Io avevo cominciato dalle cose semplici, così tutti e due avevamo immaginato la nostra vita comune, ma da tempo le avevo perse di vista e adesso le ritrovavo stravolte […]. Una simile malattia non può essere né ammessa né negata, non si può dire la verità né mentire. L’unico modo di combatterla è di non assegnarle un traguardo, né di guarigione né di morte, viverla nel presente e non considerare il futuro come un termine ma come una successione di giorni, proclamando la normalità e respingendo l’eccezione. Il peggior ostacolo è la sofferenza del corpo che si riproduce in mille forme e da tutte le parti, ma questa sofferenza è anche la sola contro cui la materialità della scienza ha conosciuto un progresso. Più di tutto contano le cose quotidiane che articolano la vita e le danno continuità. Sono cose innumerevoli che incalzano sempre più velocemente col consumarsi degli anni, dei mesi e dei giorni. Mettere ordine, progettare, distrarre, frequentare persone, luoghi e stagioni, e poi accompagnare e sorreggere quando le forze sono venute meno e il corpo si ripiega su se stesso. Non

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c’è in un’intera vita cosa più importante da fare che chinarsi perché un altro, cingendoti il collo, possa rialzarsi. (L. Pintor, 1991, p. 85)

12 La douleur – outre être racontée dans son incomparable style littéraire – requérait un style de vie digne, capable de la regarder en face sans justement chercher « la vérité parmi les nébuleuses célestes ». Un style de comportement et d’éducation culturelle qui fait écrire à Pintor que certes la religiosità è una domanda di risarcimento contro questo destino. Ma affidarsi alle religioni costituite per trovare risposta è un cattivo espediente. Il risultato è una miscela amara di signoria e servitù, superbia di chi porge il calice e umiltà di chi ne beve, appagamento per i sacerdoti officianti e consolazione per la moltitudine osservante (L. Pintor, 2001[9], p. 80).

13 Une consolation qui ne sert pas à grand-chose face à la mort de ses propres enfants Beba è morta nelle prime ore del mattino […] Era nata in un giorno d’estate al suono delle campane di mezzogiorno. Ha avuto una vita breve e una morte feroce. Il male (dio? la natura?) ha una fantasia illimitata. È accaduto in poco tempo con la furia di un uragano, a un anno dalla morte del fratello e a venti da quella della madre. Della piccola famiglia di Giano formata dopo la guerra non è rimasto nessuno. Era la primogenita, la continuità, la memoria femminile. La madre morì dopo una lunga agonia, il fratello se n’è andato quasi per suo conto, lei è stata strappata con violenza. Il male ha una fantasia illimitata. (L. Pintor, 2001[9], p. 72) Ou encore : Può dunque capitare di mettere al mondo un bambino con suo patimento, di non aiutarlo a starci, di farlo crescere in sofferenza e morire in solitudine. (L. Pintor, 1998, p. 107)

14 Face à de si rudes épreuves, Pintor se souvient du cri de Job. Ce cri qui fait de la Bible un livre si difficile à comprendre. La pazienza di Giobbe è un modo di dire che non rende giustizia al personaggio. Era un instancabile combattente capace di tener testa al suo dio che lo trattava come uno straccio. Ma forse Junior [le fils de Pintor, Giaime] non sarebbe d’accordo con questa interpretazione.

“Maledetto il giorno in cui son nato e la notte in cui fui concepito! Quel giorno sia solamente tenebre… Quella notte sia preda dell’oscurità… Sì, quella notte sia sterile, neanche un grido di gioia vi risuoni… Sia maledetta perché non impedì la mia nascita, una vita di dolori e di affanno. Perché non sono morto nel grembo di mia madre?” (Libro di Giobbe)

Bisogna essere molto sinceri e liberi di mente e di cuore per lanciare un’invettiva così forte. Non in un momento di disperazione e di odio ma con lucida determinazione, senza mordersi la lingua un momento dopo, senza limiti a covarla in seno ma gridandola al cospetto di tutti. (L. Pintor, 2001[9], p. 88) Un cri non écouté car : L’uomo bipede non conosce queste astrazioni, è pago di sé, si vede simile al suo creatore, considera il creato una proprietà personale e aspira all’eternità per ricongiungersi a se stesso. La morale cristiana lusinga questo amor proprio esortando ad amare gli altri come se stessi in un’apoteosi egocentrica. Anticamente era predicata da un uomo scalzo che perciò non fu creduto, ora veste la porpora e viaggia su un automezzo blindato. (L. Pintor, 1998, p. 84)

15 Il y a un abîme infranchissable entre la fausse « douleur publique et spectaculaire » et la douleur connue par Pintor : È morta per incidente una giovane principessa inglese e c’è stata molta commozione pubblica. E’ morta per vecchiaia una suora indiana d’adozione e c’è stata molta commozione pubblica. Più per la prima che per la seconda, in

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conseguenza dell’età e del censo. Chissà perché le salme importanti vengono esibite su fusti di cannone che evocano di tutto men che la pietà e la pace. La commozione si impadronisce di grandi folle quando non costa nulla, non implica responsabilità ed è priva di conseguenze. La morte di una celebrità è impersonale e simbolica, la gente si accalca dietro le transenne e i cordoni militari e può gettar fiori e versare lacrime alla vista del corteo senza altri problemi. Non sono lacrime amare ma consolanti. Poi ci si sente leggeri come alla fine di un convito in una domenica di primavera. Non è così semplice se ti imbatti in un bambino macilento in un angolo di strada o ti mostrano la processione di reietti nelle plaghe di qualche continente. Il messaggio che trasmettono è minaccioso, la commozione è pericolosa, la rimozione è automatica. (L. Pintor, 2001 [9], p. 40)

16 Face à cette banalisation et cette mise en scène de la douleur et de l’émotion, les pages de Pintor restent – à mon avis – comme un instrument de résistance, comme une leçon de style et de courage. Certes, ce sont des textes inspirés de la déception devant la conclusion du siècle passé. Une déception qui ne cache pas une sévère autocritique concernant ses choix individuels et publics. Pourtant la force de son écriture – fille d’un militantisme politique toujours inspiré d’un très fort sens éthique – est capable de nous dire des choses importantes sur la manière d’affronter les problèmes qui sont devant nous. C’est une invitation à la rigueur, au sérieux, à un engagement politique qui sache respecter et valoriser les intelligences personnelles, à savoir utiliser avec habileté et précaution les mots comme des armes pour défendre les raisons des plus faibles. Ses livres nous restituent pleinement la difficulté et du même coup la nécessité de savoir conserver un regard laïc sur le monde sans chercher la facilité. C’est aussi pour cela qu’ils peuvent résonner loin de « l’esprit public » de notre temps. Œuvre d’un homme complexe et réservé, doté d’une qualité précieuse – savoir bien écrire – qu’il a utilisée jusqu’au bout pour nous enseigner que la vie est inclassable, mais que l’unique façon de vivre dignement est d’essayer chaque jour de la classer.

BIBLIOGRAPHIE

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AUTEUR

LEONARDO CASALINO Université Stendhal – Grenoble 3

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L’inquisition : au-delà de la religion. Regards croisés

Stefano Magni

1 Si ces dernières années ont vu un regain d’intérêt pour la matière religieuse, la religion n’est pas un thème de choix pour la littérature italienne récente et ce n’est qu’occasionnellement que certaines œuvres contemporaines se sont intéressées au sentiment du religieux. Les romans que je me propose d’analyser ont abordé la matière religieuse par le biais du phénomène de l’inquisition. Il s’agit de La strega e il capitano, de Leonardo Sciascia, paru en 1986, de La chimera, de , paru en 1990, et enfin de La strega e il capitano de Gino Songini, paru en 2000. Ces trois romans ont pour sujet des jeunes filles victimes des croyances et des préjugés du XVIIe siècle et témoignent de trois positions idéologiques différentes. Afin de déterminer la place de la religion et du sentiment du religieux dans ces œuvres, je vais tout d’abord les étudier en tant que romans historiques ce qui me conduira à analyser leurs sources historiques et leur aspect fictionnel – dans le but de comprendre quel est le poids que l’Histoire de l’Église a dans la reconstruction historique et quel est le message chrétien- religieux, s’il y en a un, dans les figures de la fiction ; je passerai ensuite à une analyse du regard que portent ces trois romans sur l’Inquisition et sur l’Église, pour aboutir enfin à des considérations plus générales sur le sens que peuvent avoir ces œuvres dans le contexte contemporain.

L’Histoire, le réel et la fiction

2 Ces trois romans historiques ont un même sujet et des histoires parallèles : la persécution de jeunes filles condamnées comme sorcières. Nous nous intéresserons tout d’abord au lien que ces textes entretiennent avec les données historiques de leurs récits. Dans les trois cas, les auteurs développent une histoire qui se situe à un moment historique précis : le XVIIe siècle. Sciascia se réfère à un procès qui eut lieu en 1616, Vassalli raconte les vicissitudes d’une fille née en 1590 et condamnée en 1610, Songini situe son personnage un peu plus tard : son héroïne naît en 1676 et ne mourra qu’en 1712. Cependant, bien que ces trois romans ont en commun le fait de se dérouler au

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cours du même siècle et de donner des dates précises, leur manière de traiter l’Histoire est différente.

3 Dans La strega e il capitano, Sciascia effectue une lecture herméneutique où les anecdotes et les faits de la fiction sont quasiment absents. Le texte se présente comme une exégèse des textes qui ont traité le sujet. Le narrateur déclare ses sources dès le début et part notamment de la lecture du chapitre XXXI des Promessi sposi, où Manzoni parle du protofisico Ludovico Sattala, l’homme de science qui s’opposa à la condamnation des « untori » – les semeurs de peste – mais qui, paradoxalement, fit condamner une jeune fille comme sorcière1. Le narrateur a également consulté la source de Manzoni, à savoir la Storia di Milano de Pietro Verri, et il s’efforce d’en combler les vides. L’histoire dont il parle est documentée, car elle concerne un procès qui s’est déroulé à Milan en 1616 contre la servante Caterina Medici de’ Brono, et relève donc clairement du plan de la réalité. Les actes du procès ont d’ailleurs été publiés en 1989 dans un ouvrage scientifique de Giuseppe Farinelli et Ermanno Paccagnini. Sciascia offre en permanence des dates, des observations textuelles et des repères chronologiques, comme par exemple : « A questo accenno, segue una lunga nota: che comincia alla pagina 152 e si dislaga fino alla 157, fittamente e quasi interamente occupando dunque ben sei pagine » (Sciascia, 1999, p. 13) ; et va jusqu’à donner une bibliographie pour qui veut aller plus loin : « Chi vuol saperne di più […] sul noce di Benevento, può anche fermarsi alla Caccia alle streghe di Giuseppe Bonomo e al Paese di Cuccagna di Giuseppe Cocchiara » (Sciascia, 1999, p. 71). Néanmoins sa reconstruction analyse les actes juridiques sans impliquer une réflexion historique sur la fonction de l’Église catholique dans le phénomène de la chasse aux sorcières.

4 Vassalli se réfère lui aussi à l’histoire d’une jeune fille dont il situe la mort en 1610. Mais si on le compare au récit de Sciascia, ses sources (« certe carte ») sont dissimulées. Le fait de ne pas travailler sur des documents historiques identifiés porte l’écrivain à développer un récit qui est plutôt narratif qu’herméneutique. Son roman s’inspire directement des Promessi sposi (Magni, 2006, pp. 256-319) et offre une relecture du message éthique du roman fondateur de la littérature italienne. Comme Manzoni, Vassalli mêle les personnages historiques aux personnages fictifs. Son récit redécouvre les plaisirs de la narration, dépeint des caractères charmants et s’enrichit de la fluidité d’une diégèse fictionnelle.

5 Le narrateur donne parfois des dates qui pourraient créer des liens avec le plan du réel, mais ce ne sont que des références éphémères : Francesca e Bartolo Nidasio comparvero davanti all’inquisizione il 28 di giugno, un lunedì: ed è certamente da annoverare tra le stranezze del processo di Antonia il fatto che i genitori della strega siano stati ascoltati così tardi, e dopo altri testimoni […]. (Vassalli, 1990, p. 240)

6 Vassalli donne également la date du procès : le 20 août 1610 (Vassalli, 1990, p. 270)2. Il transcrit même, un extrait du manuscrit qu’il dit avoir trouvé (Vassalli, 1990, pp. 286-287), mais il ne s’agit là que d’une citation ponctuelle, puisque le roman se consacre à une narration fictionnelle et ne jette pas de regard analytique sur le manuscrit3. Vassalli parle à peine des passages techniques du procès, car son intérêt tourne autour de l’histoire d’amour d’Antonia avec le « camminante » Gasparo et de la description de la vie de la campagne. Mais il nous donne néanmoins une image politique de l’Église catholique au travers des données historiques. Un exemple de cette tendance nous est donné par l’image du cardinal manzonien Federigo Borromeo qui est

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cité dans La chimera avec des traits contraires à ceux qui le caractérisent dans I promessi sposi : celui-ci est chez Vassalli un homme politique cynique et rusé, alors que dans le roman du XIXe siècle il était un père affectueux.

7 Dans son roman qui est lui aussi une réécriture, Gino Songini utilise les matériaux historiques avec encore plus de parcimonie que Vassalli et cite très peu de passages historiques, ce qui fait de son roman le moins historique des trois. La date de la mort de la jeune fille nous est donnée dans la première page, mais la vie de la sorcière est ensuite reconstruite sans donner de repères chronologiques, et ne revient à une chronologie exacte que pour faire coïncider la fin de l’histoire. Il cite alors avec précision la date du procès de Giannina, le 26 octobre 1712, un vendredi (Songini, 2000, p. 192). Ces documents historiques n’informent pas le lecteur sur la position de l’Église, position qui est en revanche décrite au travers d’images qui relèvent de la fiction. Les influences littéraires sont à peine voilées et le niveau de réécriture du roman de Songini va bien au-delà du texte de Sciascia dont il copie le titre. L’histoire s’inspire elle aussi des Promessi sposi, et se met de plus en rapport avec Vassalli, mais sa source d’inspiration est – me semble-t-il – Marco e Mattio plutôt que La Chimera.

8 Ainsi classés, ces romans montrent une progression qui va du plus historique au moins fictionnel et du plus narratif au moins documenté. Mais la perspective historique pourrait se révéler fallacieuse, car même le plus historique de ces textes, celui de Sciascia, dissimule un niveau de réécriture, car il reprend un roman du XIXe siècle qui avait déjà abordé le sujet : Caterina Medici di Brono. Novella Storica del secolo XVII de l’écrivain Achille Mauri, publié en 1831. La fidélité à l’Histoire nous permet de comprendre, somme toute, comment les auteurs ont comblé les espaces vides, en s’aidant de leur imagination et de leur idéologie, ce que je vais maintenant tenter de montrer au moyen d’une analyse du sens du religieux dans ces textes.

Religion et laïcité

9 Comme je l’ai déjà dit, les auteurs utilisent un matériau qui comporte un aspect laïque et un aspect religieux et il me semble intéressant d’étudier l’attention qu’ils portent à ce deuxième aspect. Mon premier exemple, Sciascia, laisse très peu d’espace au discours religieux. À cet égard, il faut aussi remarquer que la première source de Sciascia est la Storia di Milano, de Pietro Verri, intellectuel milanais surtout connu pour sa participation à la revue Il Caffé. Sous l’influence des idées réformistes des Lumières, Verri est porteur d’un message laïc, et dans ses écrits la religion est quasiment absente. Sciascia se situe idéalement dans un même courant en récupérant l’humanisme et la tradition illuministe et libérale de la pensée occidentale moderne. Dans le regard détaché de Sciascia sur la matière religieuse on peut donc déceler un symptôme de sa position idéologique, car pour Sciascia il s’agit d’une façon implicite de donner un ordre de valeurs. Les moments où la religion apparaît sont très rares. De plus, lorsqu’elle apparaît, la religion est présentée par le biais d’un autre sujet, d’une perspective différente. Une phrase au début de la narration nous permet d’illustrer cet aspect. Sciascia y définit la condamnation de la jeune fille comme un « fosco grappolo di atroce sofferenza, di feroce stupidità » (Sciascia, 1999, p. 16) et, peu après, il pénètre dans le sujet du divin : à propos d’un personnage, Ludovico Melzi, fils de Luigi Melzi – l’homme qui déclanche la chasse à la sorcière avec son inexplicable mal au ventre – Sciascia écrit : « […] in quel che Ludovico Melzi proclama aiuto divino ed è invece, semplicemente, l’aiuto

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di un cretino che non riconosce in sé il divino. Il divino dell’amore. Il divino della passione amorosa » (Sciascia, 1999, p. 17). L’idée du divin est introduite par une réflexion sur la banalité de la souffrance des autres. On peut infliger à une jeune fille des peines indicibles, sans comprendre la souffrance qu’on provoque. On se réfère alors à la divinité pour ne pas regarder à l’intérieur de soi-même. Ludovico Melzi fait ainsi appel à l’aide divine parce qu’il est incapable d’analyser les âmes humaines. Le passage cité, est l’un des seuls cas où le narrateur se réfère directement au divin. Il écarte autrement le sujet en se concentrant sur l’analyse des textes et en faisant un effort pour reconstruire une histoire dont il n’a que des traces et à laquelle il tente de donner une logique.

10 Dans sa diégèse, Vassalli accueille en revanche les argumentations religieuses. Je me limite à remarquer qu’on peut signaler deux tendances intéressantes. La première concerne le dialogue que Vassalli instaure avec sa première source, I promessi sposi. Vassalli attaque le concept manzonien de « Provvidenza » et le renverse, dans une argumentation qui vise clairement I promessi sposi. Pour les orphelines du roman, la providence se trouve dans leur propre corps : « […] la sola cosa che vi aiuterà ad affrontare il mondo è quell’affare che avete tra le gambe. Lì c’è la Provvidenza, quella vera, l’unica che ci viene in aiuto anche quando il mondo intero ci è contro! » (Vassalli, 1990, p. 34). La deuxième concerne les cultes et les phrases hérétiques dont on a par exemple des traces dans les mots d’Antonia. Pendant l’interrogatoire de l’Inquisition, la sorcière de Zardino, paraphrasant peut être les études de l’historien Carlo Ginzburg (Ginzburg, 1976), affirme qu’après la mort il n’y a rien : « […] un gnente grande come il cielo, et in quel gnente le favole dei preti » (Vassalli, 1990, p. 193). Elle nie, de plus, la nature divine de Jésus et la virginité de la Vierge et considère que la divinité correspond à la matière, aux quatre éléments4.

11 Dans le roman de Gino Songini, la religion revêt un rôle important et il s’agit surtout des pratiques religieuses traditionnelles. L’auteur présente une vision courante de la religion qui arrive à travers les paroles du curé et dont on montre l’aspect le plus institutionnel et simpliste : “Ancora più lontano” riprende don Lupo “[…] di là dai monti e di là dai mari vi sono popoli che non conoscono Dio né la sua legge. Adorano le pietre, le piante e gli animali, non sanno di avere un’anima e non rispettano i comandamenti che, prima che sulle tavole della legge, sono stati scolpiti nel cuore di ciascuno di noi.” (Songini, 2000, p. 40)

12 Le curé est le représentant d’un monde paysan et restreint, lié à des valeurs anciennes et un peu folkloriques. Sa présence au sein de la communauté est celle qui nous arrive des images stéréotypées et figées de la campagne, pas nécessairement du XVIIe siècle, éventuellement du siècle dernier. De même, les villageois reçoivent les préceptes religieux et en font leurs valeurs, en respectant les mœurs catholiques, comme il apparaît de certaines phrases : « È peccato desiderare la roba degli altri – aggiunse Elisabetta » (Songini, 2000, p. 75). Les mœurs de la religion catholique sont souvent au centre de l’intrigue.

13 Les figures des ecclésiastiques, en premier lieu de don Lupo, ont un poids considérable dans la narration, et le discours de la condamnation de la jeune Giannina mêle les aspects sociaux aux aspects religieux, comme on le voit déjà lors de la découverte de sa maternité illégitime : Vostra figlia non mi ha voluto ascoltare, Antonio! La parola del sacerdote che esercita il suo ministero è quella della Chiesa, è la parola di Dio che si rivela agli

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uomini. Giannina invece ha voluto dare ascolto alla voce del Maligno. Un figlio è una benedizione del Signore, ma questo è soltanto il frutto del peccato. E il peccato è maledetto da Dio. “L’inferno ha allargato la sua anima”, come ha detto Isaia. Ma c’è un altro aspetto, ancora più grave: lo scandalo! Vostra figlia ha dato scandalo! E per chi dà scandalo non ci può essere pietà. Meglio per lui legarsi una macina da mulino al collo e gettarsi nella profondità degli abissi. (Songini, 2000, p. 145)

14 Les deux argumentations – sociale et religieuse – procèdent de pair. Le petit monde ancien qui sort de cette description est donc fortement catholique. Analysons maintenant comment ces différentes positions peuvent nous donner la position idéologique des auteurs et expliquer en même temps les visées de l’œuvre littéraire.

Visées de l’argumentation religieuse

15 On peut constater que la position de Songini donne beaucoup de place à la voix morale de la religion et de l’Église, que dans le livre de Sciascia les figures des curés sont absolument secondaires et que la position de Vassalli est intermédiaire (les figures des curés sont nombreuses, mais leur explication est complexe). Vassalli montre un monde religieux séparé du monde séculaire. De son discours religieux on peut retenir le fait qu’il accuse l’Église catholique d’avoir contribué à jeter dans l’oubli une grande richesse culturelle païenne, surtout après le Concile de Trente (terminé en 1564). Au-delà donc des figures plus ou moins humaines, plus ou moins lâches ou plus ou moins bureaucrates, le roman de Vassalli propose un débat très intéressant sur orthodoxie et hérésie, qui va aussi au-delà de l’histoire personnelle de la sorcière. L’élimination des sorcières était d’ailleurs l’un des aspects de l’élimination des hérésies. Le roman de Vassalli pose donc aussi la question des luttes politiques et religieuses pour l’affirmation des religions les unes sur les autres. Vassalli questionne ainsi le sentiment du religieux, mais critique surtout nos structures civiles et sociales. En critiquant l’Église catholique en tant que structure du pouvoir, implicitement, peut être, Vassalli critique aussi la pensée de l’un des plus importants penseurs de la période, Thomas Hobbes (1588-1679). Selon Hobbes, l’homme était naturellement en guerre avec les autres hommes (Homo homini lupus) et seulement l’ordre d’un gouvernement (ou mieux le gouvernement d’un seul homme) pouvait éliminer la pluralité des positions et permettre la vie en commun. À partir du moment où, dans le roman, c’est toujours l’institution religieuse ou laïque qui est un loup pour l’homme, on met en discussion les institutions mêmes et on porte une attaque nihiliste, voire postmoderne, aux institutions du monde occidental. Dans son message, on peut tout de même trouver une confrontation personnelle avec le sens du religieux. Dans la dernière partie de son livre, Il nulla – Congedo, Vassalli s’exprime sur le religieux avec une phrase très forte qui déclare ouvertement une « foi » dans l’athéisme, lorsqu’il parle de : « Colui che conosce il prima e il dopo e le ragioni del tutto e però purtroppo non può dircele per quest’unico motivo, così futile!: che non esiste » (Vassalli, 1990, p. 255). La violence idéologique de cette conclusion enlève toute illusion de rédemption humaine, comme si des siècles entiers avaient été gaspillés dans l’illusion religieuse. Pour l’auteur, ce n’est pas la foi qui est garante des valeurs éternelles, mais c’est la valeur de la mémoire qui donne espoir à l’humanité. À la foi en Dieu, Vassalli oppose une foi dans la transmission du savoir, et en particulier « un culte » des livres. Mais en même temps, le fait de conclure son roman avec une référence à la divinité indique aussi un intérêt, de la part de l’auteur,

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pour la spiritualité. On peut lire dans cette conclusion une ambition, un élan vers la spiritualité, ou tout simplement un besoin de confrontation avec le thème du religieux.

16 Cette confrontation semble absente du livre de Sciascia. Sciascia néglige, comme je l’ai dit, les figures des curés et reconduit l’histoire de Caterina à la situation sociologique de l’époque. Il se livre à une écriture scientifique qui enlève pathos et participation émotive à la description des personnages, et analyse attentivement les rapports entre la servante et son maître et les dynamiques sociales qui réglaient la vie des familles nobles. De même, son regard sur la sorcellerie est inspiré par des réflexions sociales et ne tient pas compte de l’aspect religieux. Le fait de mettre en rapport, comme le dit le titre, la jeune sorcière avec le capitaine de justice, est ainsi un moyen d’écarter le problème du religieux et de reconduire la sorcellerie à l’ordre de la magie. De cette façon, Sciascia évite de parler de l’orthodoxie religieuse et se concentre plutôt sur la position des hommes de sciences, les médecins, par exemple – dont il transcrit les témoignages – en critiquant ainsi fortement la tradition du logos et de la techné occidentale. Au XVIIe et XVIIIe siècle, la pensée scientifique occidentale se constitue en tant que telle et Sciascia, avec sa critique, attribue à la science de l’époque des croyances et des préjugés a-scientifiques. Il récupère la tradition scientiste, mais en même temps il la critique, pour l’approximation de ses méthodes. De même que, parlant de Vassalli, j’ai cité Hobbes, parlant de Sciascia, je pourrais évoquer l’héritage de Locke (1632-1704), de Hume (1711-1776) et de Voltaire (1694-1778). La religion, dans l’argumentation de Sciascia, est la négation de la rationalité. Il me semble que c’est à travers cette optique qu’on peut comprendre le sens de cet ouvrage. Et, sans négliger les figures des curés présentes dans les policiers de l’écrivain sicilien, la description de Don Antonio tirée du roman Candido, ovvero un sogno fatto in Sicilia, me semble fort éclairante pour compléter la vision sur la religion. Don Antonio se défroque et adhère au Parti Communiste (Sciascia écrit ce roman en 1977, lors de sa rupture avec le Parti communiste italien). Dans la dernière image, très réussie, Don Antonio, à Paris, rend hommage à la statue de Voltaire : Dal quai, imboccarono rue de Seine. Davanti alla statua di Voltaire don Antonio si fermò, si afferrò al palo della segnaletica, chinò la testa. Pareva si fosse messo a pregare. – Questo è il nostro padre – gridò poi – questo è il nostro vero padre. (Sciascia, 1990, p. 460)

17 Si Sciascia et Vassalli se situent du côté d’une pensée laïque, Songini finit son texte en remémorant un passage de la Bible : le comandant des gardes, qui vient de notifier aux parents de la sorcière l’exécution de la jeune fille, n’a pas le courage de leur dire que la loi les charge aussi des dépenses de l’exécution même. Il décide alors de couvrir lui- même les frais en rappelant un épisode de la Bible : Trenta lire sono pronte. A breve verserò la differenza, anche perché ho un credito di dieci lire con il servitore curiale. E non ha importanza se non mi rimarrà un centesimo. Del resto nemmeno i capi dei sacerdoti vollero mettere in cassa le trenta monete d’argento riportate da Giuda. Nemmeno loro vollero trattenere denaro giudicato “prezzo del sangue”. (Songini, 2000, p. 203)

18 De plus, on peut remarquer que Songini, dans sa préface, rappelle le pardon que le Pape a demandé pour les victimes de la persécution de l’Église catholique, observation dans laquelle on perçoit, une fois de plus, une perspective catholique : Il 12 marzo dell’anno giubilare 2000, il Papa ha chiesto perdono per tutte le vittime (quante, mio Dio!) della persecuzione clericale. La chiesa martire delle catacombe, rinnegando se stessa, è divenuta nei secoli persecutrice e carnefice di tanti innocenti. È stato un gran giorno, il 12 marzo 2000. (Songini, 2000, p. 22)

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Dans cette phrase, on remarque l’argumentation éthique du narrateur qui met en regard le passé des martyres chrétiens et la « Némésis » de la persécution de l’Inquisition.

19 Ces passages permettent aussi d’éclairer l’importance donnée à la figure du curé dans le roman, et le fait que l’auteur semble parfois observer d’un regard nostalgique la simplicité du monde paysan et catholique d’autrefois. Songini intègre son curé à la communauté, et le degré ironique est parfois subtil. Certes, le nom du curé même, Lupo, est déjà révélateur de son rôle diégétique, mais l’on a parfois l’impression que le narrateur est lui aussi charmé par l’authenticité et la simplicité de son monde ancien.

20 Songini part donc de l’idée de réécrire le roman de Sciascia, et il se réfère aussi clairement à Vassalli, mais au final, il nous livre un message qui diffère des deux autres auteurs. Dans son roman, une jeune fille est victime de l’inquisition pour le seul fait que, sans être mariée, elle a eu un enfant. Mais sa critique ne concerne pas seulement les structures sociales qui ont mené à cette fin, mais aussi les mœurs catholiques qui, comme je viens de le dire, d’un côté sont symboles d’amour et pitié et de l’autre ont su atteindre un tel degré d’intolérance.

21 Pour conclure, on pourrait dire que dans le roman de Vassalli, on trouve aussi une critique, mais plus voilée, de la contradiction du monde de la chrétienté, l’image qui le montre le plus étant à mon avis la description du trajet qui mène Antonia à l’échafaud et qui rappelle le Calvaire subi par Jésus. Fils de la tradition illuministe et laïque de la pensée occidentale moderne, Sciascia achève en revanche son roman avec une référence au concept laïque de justice : « E così – assicurò il boia – giustizia fu fatta » (Sciascia, 1999, p. 80). Les principes de la morale priment sur les valeurs de la foi et sur la connaissance de Dieu. Parmi ces différences, on peut néanmoins remarquer que les trois auteurs ont choisi d’observer la religion lorsqu’elle se présente comme persécutrice. Des observations sur la période peuvent enrichir mes analyses. Sciascia publie son roman en 1986, l’année où fait sortir I sommersi e i salvati, sa dernière réflexion sur les camps de concentration, où l’appartenance à une religion, le judaïsme, est la cause de la persécution. Entre temps, les Balkans ont connu, pendant la guerre dans l’ex-Yougoslavie, la persécution des musulmans, un autre exemple d’une chasse aux sorcières, où encore une fois le fait d’appartenir à une religion différente est la raison de la persécution même. Le choix de montrer la religion comme persécutrice peut se prêter à plusieurs interprétations et, comme j’ai tenté de le dire, peut être reconduit à plusieurs choix idéologiques car, dans ces livres, le sens du religieux se mêle avec l’histoire de notre civilisation. Ces auteurs ont donc montré trois approches différentes qui nous obligent à nous confronter avec notre culture, et ouvrent un débat aussi vaste qu’intéressant.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. A. Manzoni, 1985, cap. XXXI, p. 561 : « […] cooperò a far torturare, tanagliare e bruciare, come strega, una povera infelice sventurata, perché il suo padrone pativa dolori strani di stomaco, e un altro padrone di prima era stato fortemente innamorato di lei […]. » 2. Il précise aussi l’heure : « Il 20 agosto alle quattro pomeridiane. » 3. Comme l’attestent les études sur le sujet et comme nos recherches personnelles dans les archives l’ont démontré, les procès suivaient une structure rigide où l’inquisiteur cherchait, avec une série de passages obligés, de reconduire tout cas aux arguments universellement reconnus sur le sujet de la sorcellerie. Il s’agissait de faire avouer la rencontre charnelle avec le diable, le sacrifice d’enfants, les petits actes de sorcellerie pratiqués avec des herbes ou des cheveux, et ainsi de suite. Le « sabbat » étant un rite spécifique, l’accusation de participer aux sabbats apparaît seulement dans certaines cultures. 4. S. Vassalli, 1990, p. 255 : « Il primo degli argomenti era l’inutilità dei preti, parassiti delle campagne e del mondo intero; il secondo, era la natura soltanto simbolica del Cristo (“Ce ne sono stati tanti Gesus Cristi, da che ce il mondo, et Gesucriste anco più assai”); il terzo, infine, era l’origine del peccato, ciò che la Chiesa chiama “peccato originale” e che secondo Antonia era la religione stessa. » C. Ginzburg, 1976, p. 7 : « […] che credevù, che Gesù Cristo sia pasciuto della vergine Maria? non è possibile che l’habbia partorito et sia restata vergine » et « […] l’aere è Dio […] la terra è nostra madre; che vi maginate che sia Dio? Iddio non è altro che un può de fiato, et quello tanto che che l’hommo se immagina; ‘l cielo, terra, mare, aere, abisso e inferno, tutto è Dio ».

AUTEUR

STEFANO MAGNI Université Stendhal – Grenoble 3

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L’Église catholique dans les histoires italiennes de Vassalli

Franco Manai

1 Même si l’univers narratif créé par le Vassalli post avant-gardiste est organisé en apparence conformément aux canons de genre traditionnels comme ceux du roman historique, du roman d’enquête, du roman d’essai, du conte philosophique, il est en réalité déstructuré et post moderne. En son sein, la religion en tant que telle, joue un rôle important aussi bien comme composante d’une narration cumulative et infinie, que comme instrument polémique.

2 La chimera (Vassalli 1990) constitue, après le tournant littéraire et idéologique des années 1980, le point d’orgue d’une production qui sort de sa dimension restreinte pour s’affirmer sur la scène littéraire au point de faire de Vassalli un auteur « populaire ». Le roman se présente sous les traits du roman historique et s’insère dans la droite lignée de la renaissance de ce genre déterminé en Italie par le succès éclatant, en 1980 du Nome della rosa d’Umberto Eco (Eco 1980). Vassalli semble prendre encore plus au sérieux la tâche de faire revivre les fastes du genre, en effectuant carrément un retour aux lettres de noblesse du roman historique en Italie : Alessandro Manzoni.

3 Ici aussi l’auteur déclare avoir tiré son récit d’un manuscrit, souvent cité littéralement, et dans lequel sont racontées les histoires qui mettent en scène les gens du peuple lombard du XVIIe siècle. Le personnage principal, la paysanne Antonia, accusée, jugée et condamnée pour sorcellerie est, comme la plupart des personnages, le fruit de l’imagination mais ces personnages sont placés aux côtés de figures historiques réelles, et surtout leurs mésaventures sont insérées dans un cadre historique reconstitué avec grande précision (ou du moins semble l’être) dans ses aspects politiques, économiques et surtout sociaux avec une attention toute particulière accordée aux particularités physiques du paysage. De façon canonique, les personnages d’invention sont des gens « de bas lieu et de peu d’importance » (Manzoni, 1968) et leurs origines inconnues font tourner court la fantaisie en ce qui les concerne. Mais l’écrivain ne recule pas devant l’exigence d’exprimer des sentiments et des comportements de personnages historiques, comme dans le cas de l’évêque Bascapé, obéissant ainsi à l’un des principaux canons du roman historique classique énoncés de façon exemplaire par

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Manzoni, à savoir la possibilité de compléter – en respectant la vraisemblance – la narration historique par ce que les sources ne transmettent pas, c’est-à-dire les sentiments, les passions, les attentes, les réactions les plus immédiates des hommes et des femmes vivant dans un moment historique bien déterminé.

4 Vassalli prend les distances autant du roman forgé par Manzoni que des Promessi sposi plus particulièrement. Selon Vassalli, la question du roman historique ne peut plus être posée dans les mêmes termes car il s’agit d’un genre trop intimement lié à un siècle, le XIXe, qui avait fait de l’histoire une religion, un siècle où pouvait encore être développée l’idée manzonienne d’un roman historique résultant du mariage entre l’histoire et l’invention, roman qui serait suivi d’une phase bien plus glorieuse encore où les lumières de l’histoire largement déployée n’auraient plus besoin de l’aide de l’invention. Mais l’histoire elle-même – observe Vassalli prenant appui sur une interview de Georges Duby – n’est autre qu’un type particulier de récit qui ne peut alléguer des traits de scientificité, comme n’importe quel autre écrit littéraire. En ce qui concerne les Promessi sposi par contre, Vassalli souligne combien que sa reconstruction du XVIIe siècle est loin de l’édulcoration dictée par le pédagogisme manzonien.

5 Il ne nous semble pas opportun d’entrer dans des querelles historiques ou littéraires à propos du roman historique, sur la nature de l’histoire ni sur la valeur de l’écriture de Manzoni, il s’agit encore moins d’établir un rapprochement quelconque entre Vassalli et l’auteur des Promessi sposi ou de la Colonna infame. Il convient plutôt de remarquer combien la prise de distance opérée par Vassalli est en partie justifiée.

6 Tout d’abord, la vraisemblance à laquelle il était fait allusion précédemment qui doit présider tant à la reconstruction des personnages inventés qu’à l’intériorité des personnages historiques. Si les personnages de Scott ont pu être accusés d’antihistoricisme en raison de leur personnalité bien plus en conformité avec le XIXe siècle que le Moyen Âge ou la Renaissance, et si à propos de Lucie (chez Manzoni) le jésuite Cesare Taparelli D’Azeglio a pu observer qu’il s’agissait en réalité d’une aristocrate déguisée en paysanne, Vassalli dépasse les bornes à son tour en attribuant à son personnage Antonia (mais aussi aux parents adoptifs de la jeune femme) une façon de penser et des comportements absolument anachroniques, qui au XVIIe siècle auraient été singuliers chez un libre penseur hollandais, mais impensables chez une petite paysanne lombarde. Et avec Antonia nous sommes au cœur du roman, puisqu’il s’agit de la protagoniste dont la basse extraction sociale, mitigée par l’aisance relative de sa famille d’adoption, devrait en faire – dans l’optique du roman historique – un personnage représentatif de son temps, alors que l’auteur met surtout en relief son côté « différent » qui explique la persécution implacable dont elle est victime.

7 Il manque aussi aux personnages du roman une perspective d’évolution intellectuelle, morale ou encore sociale dans l’univers où ils doivent vivre. Vassalli indique s’être plongé dans le passé du XVIIe siècle pour prendre ses distances d’un présent trop confus et chercher précisément les racines de celui-ci dans le XVIIe siècle de la Contre Réforme et du Baroque. En réalité ce qui émerge du roman est une réflexion sur l’éternelle évolution des vicissitudes humaines, résultant de quelque force impénétrable qui ne répond ni à des règles ni à des lois mais seulement à une exigence impétueuse de transformation. La structure narrative est marquée par la présence en première personne de l’auteur qui, en un lieu non précisé de la région de Novara, embrasse du regard la même plaine padane qui abritait trois cents ans auparavant un bourg à

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présent disparu, nommé Zardino, surplombé d’un mont où se déroulèrent les faits racontés. Le panorama, souvent évoqué tant dans les aspects qu’il devait avoir à l’époque des faits que sous les traits du paysage contemporain connu du narrateur devient personnage à part entière, témoin muet du caractère insensé de la vie et de l’histoire, et de l’inutilité des efforts humains pour donner un sens aux événements personnels et collectifs. Des autoroutes et des voies de chemin de fer se croisent là où ne s’ouvraient que sentiers et chemins de terre, le vrombissement des avions de Malpensa domine là où autrefois ne s’aventuraient que les oiseaux, la rivière qui autrefois coulait sans retenue et qui est peut-être à l’origine de la disparition de Zardino est à présent canalisée par de puissantes digues de ciment. L’intervention de l’homme a littéralement changé la nature environnante qui continue toutefois à s’étendre, distante, sous un ciel indifférent.

8 Le dernier chapitre, écrit en italique – comme c’est le cas pour toutes les interventions du narrateur en première personne dans le présent de la narration – est intitulé Congedo. Il nulla, et s’ouvre sur la description de la pluie torrentielle déferlant après l’élimination de la présumée sorcière sur le bûcher. S’ensuit un rapide résumé de ce qui est arrivé aux autres personnages du roman : Forse c’è ancora da rendere conto di un personaggio di questa storia, in nome del quale molte cose si dissero e molte altre si compirono, e che in quel nulla fuori della mia finestra è assente come è assente ovunque, o forse è lui stesso il nulla, chi può dirlo! È lui l’eco di tutto il nostro vano gridare, il vago riflesso d’una nostra immagine che molti, anche tra i viventi di quest’epoca, sentono il bisogno di proiettare là dove tutto è buio, per attenuare la paura che hanno del buio. Colui che conosce il prima e il dopo e le ragioni del tutto e però purtroppo non può dircele per quest’unico motivo, così futile!: che non esiste […]. (Vassalli, 1990, p. 303)

9 La prise de position, la profession de non foi ne sauraient être plus nettes : ni le dieu chrétien, ou aucun autre dieu. Tous les discours faits en son nom, toutes les actions menées ou justifiées sous son autorité sont donc privées de tout fondement.

10 Ceci est la conclusion logique de la façon dont la religion est présentée au cours du roman. Elle est d’une part une machine institutionnelle, un instrument de pouvoir mais aussi une tromperie superstitieuse. Ou mieux encore : un instrument de pouvoir basé sur une superstition plus sauvage. Le personnage le plus élevé spirituellement, le plus raffiné intellectuellement est l’évêque Bascapé, et c’est précisément lui qui se trouve au centre du scandale des reliques lorsque, après s’être donné tant de mal pour assurer aux églises de Novara une belle charrette de dépouilles de saints, ne lésinant point sur l’argent ni sur les efforts, il est pris à revers, et se retrouve couvert de honte et non de gloire : à Rome, on découvre que cette manne d’ossements saints n’était qu’une mise en scène habilement montée par une bande de faussaires qui spéculaient sur le culte voué aux saints et surtout sur l’ambition des divers prélats désireux de figurer auprès de leurs ouailles comme ceux qui les avaient dotés de telle ou telle autre relique miraculeuse. Le raffiné Bascapé est également convaincu des vertus ésotériques des reliques des saints et en même temps a bien l’intention de s’en servir pour un jeu de pouvoir avec Rome en agissant par le biais de l’imprudent Monseigneur Cavagna. Dans ce jeu avec le feu, il se brûle car ses ennemis, plus malicieux que lui, font éclater le scandale au moment stratégique où le diocèse de Novara s’apprête à célébrer les nouvelles acquisitions.

11 Un discours similaire peut être fait pour l’ennemi local de l’évêque, l’inquisiteur Manini. Lui aussi est homme de grande culture et de manières raffinées, conscient de sa

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propre valeur et par conséquent désireux de faire son ascension dans la carrière ecclésiastique. Le cas d’Antonia se présente aussitôt à lui comme une belle occasion de briller, de gagner la notoriété et espérer ainsi accéder à de plus hautes fonctions. Antonia doit être coupable. Son procès doit se conclure par cette cérémonie de condamnation qui aura des retombées sur les qualités de l’inquisiteur, parvenu habilement à éliminer un ennemi capital pour la chrétienté, un instrument du démon envoyé sur terre pour ruiner les malheureux et d’entières populations. L’inquisiteur Manini croit-il vraiment aux sorcières ? Probablement, oui, car y croire signifie croire en son propre rôle, en sa fonction sociale, son droit et son devoir de poursuivre un juste cursus honorum car dans cette croyance et dans les implications de celle-ci, il trouve une identité solide et gratifiante1.

12 Au sein de la religion institutionnalisée, de la pratique organisée de la religion, Vassalli opère sur deux versants distincts entre eux non pas par une différence qualitative ou par une nature différente mais par le degré divers d’adhésion intime aux principes théoriques de la religion, du divers type d’intérêt personnel avec lequel la pratique religieuse est vécue. Ces deux versants sont incarnés à un niveau élevé par le couple des antagonistes Bascapè et Manini, à un niveau plus bas par leurs pendants, Don Terenzio et Don Michele. Don Terenzio est le jeune prêtre envoyé par le nouvel évêque Bascapè à Zardino pour prendre possession d’une paroisse qui fut abandonnée pendant longtemps et dont un faux prêtre, un quistone, – une espèce de charlatan guérisseur – s’était emparé, satisfaisant toutefois les besoins spirituels rudimentaires des gens de la campagne en étant tour à tour selon les besoins, prédicateur, médecin, ou administrateur des saints sacrements. L’église de la paroisse, sous le règne de Don Michele, demeure fermée la plupart du temps durant l’année car elle est utilisée pour l’élevage des bigatti, les vers à soie, et le quistone officie souvent à l’air libre dans les ruelles ou sur les aires des fermes, ou directement dans les maisons des intéressés. Tout cela est éliminé par le zèle réformiste de Don Terenzio qui, se faisant fort de l’autorité de l’évêque et de l’appui du bras séculaire, chasse sans ménagement Don Michele et se consacre à la restauration de l’ordre et de la norme dans la paroisse stupéfaite. Il tente de faire dans le tout petit microcosme de Zardino ce que son évêque est en train de faire dans le plus grand microcosme de Novara, ce que la défaite politique n’a pas permis à ce dernier d’entreprendre au niveau du macrocosme de l’Église.

13 Dans son action, l’évêque, comme du reste son adepte Don Terenzio, est animé des meilleures intentions, dont l’une d’elles, et non des moindres, consiste à ramener l’Église à son originelle mission de salut des âmes, en éliminant d’abord la corruption qui dévore ses entrailles. Mais Dieu nous sauve des bonnes intentions, nous dit l’auteur : Come i rivoluzionari russi del 1918 volevano costringere gli uomini a essere felici, e lo scrissero nei loro manifesti (“Con la forza, costringeremo l’umanità a essere felice”), così tre secoli prima di loro il vescovo Carlo Bascapè voleva costringere i suoi contemporanei a essere Santi; e, se anche le parole sono diverse, la sostanza è più o meno la stessa. (Vassalli, 1990, p. 22)

14 Dans le meilleur des cas, donc, la religion est folle exaltation, capable de causer encore plus de dégâts que sa version corrompue et matérialiste. L’erreur la plus grave de Bascapé et de Don Terenzio est de vouloir changer le monde en le pliant à leurs convictions théoriques, à leurs principes, dans la sincère conviction que de tels principes constituent l’unique vérité et que seul un monde organisé conformément à leurs désirs assure le salut. Il s’agit de l’erreur typique des révolutionnaires, des

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idéalistes et utopistes qui n’ont eu de cesse d’ensanglanter et de souiller les pages d’histoire.

15 La religion devient également folle exaltation dans Marco e Mattio (Vassalli, 1992), autre roman historique dont les aventures se déroulent en Vénétie à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle, dans les années qui voient la fin de la République de Venise, remplacée d’abord par les Français, puis par les Autrichiens. Ici Vassalli prend les distances de façon plus décisive du modèle canonique du roman historique, et s’octroie une ample liberté d’invention fantastique, à commencer par l’un des deux protagonistes éponymes : le Marco du titre n’est autre que le mythique Juif errant, condamné à errer de par le monde sans pouvoir mourir jusqu’au retour du Christ sur terre, pour avoir refusé la miséricorde au Rédempteur qui montait vers le Calvaire. C’est précisément Mattio qui le libèrera de cette condamnation en se crucifiant pour sauver le monde. Le mythe évangélique de la rédemption est utilisé comme topos narratif et actualisé de façon ironique et fantastique, dans un récit où le délire démentiel d’un malheureux malade de pellagre s’offre en sacrifice pour sauver le monde non pas du péché et de ses conséquences mais du « passé », et précisément d’un passé marqué négativement par une religion se résumant à ses termes les plus discutables : castrats, saintes, ensorcelés et exorcistes, injustices, peurs. Il est indéniable, en effet, que la religion a toujours joué un rôle central dans l’histoire de l’humanité, et en particulier, en ce qui concerne les intérêts du narrateur Vassalli dans l’histoire italienne, mais il est aussi indéniable qu’il s’est agi d’un rôle avec une portée lourdement négative. L’ironie avec laquelle l’écrivain écorche le présent matérialiste, « plein de nourriture, d’argent, d’automobiles et de tout autre genre d’abondance », n’entend pas minimiser la fonction d’oppression morale et matérielle que l’organe conceptuel et institutionnel de la religion a efficacement joué (et joue encore largement).

16 Vassalli, de toute façon, ne semble pas particulièrement intéressé par une polémique directe avec l’Église ou avec les disciples d’une quelconque confession religieuse. On pourrait plutôt dire qu’il tient à déconstruire le phénomène à travers la décomposition des éléments qui le composent et leur réutilisation comme éléments de constructions narratives toujours diverses. Les composantes du phénomène religieux révèlent ainsi leur nature de fragments d’un caléidoscope en mouvement constant, varié comme la vie, mensonger et révélateur en même temps. Des exemples de ce montage et de cette réutilisation de la religion peuvent être observés dans d’autres romans de Vassalli, et non seulement dans La chimera et Marco e Mattio dont nous avons parlé. 3012: l’anno del profeta (Vassalli, 1995) actualise le topos du prophète, du propagateur d’un nouveau credo religieux et d’une foi singulière dans la guerre, destinée à mettre fin à l’absurdité d’un monde dominé par une paix extrêmement nocive, insupportable. Dans Un infinito numero: Virgilio e Mecenate nel paese dei Rasna (Vassalli, 1999), l’ancienne religion des Étrusques offre l’artifice de l’incubation sacrée pour dévoiler de quelles larmes et de quel sang ruissellent l’histoire et la préhistoire de Rome dominatrice du monde. Dans Stella avvelenata (Vassalli, 2003) où l’histoire se situe au XVe siècle, un groupuscule socialement et humainement bigarré de disciples du Libre Esprit, une nouvelle religion ayant pour objectif de libérer le pur souffle religieux – patrimoine universel compliqué d’une surenchère institutionnelle et superstitieuse auquel l’homme ne peut renoncer –, anticipe le voyage de Colomb et celui des Pères Pellegrini, atteint l’Amérique et tente d’y établir une nouvelle communauté issue d’une palingenèse spirituelle. Mais la rencontre avec le Bon Sauvage et l’impact avec une nature demeurée vierge depuis des

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millénaires, coupée d’une civilisation corrompue, s’avèrent être un cauchemar plutôt qu’un rêve. Au sein du groupuscule se déchaînent des dynamiques agressives déclenchées par l’avidité de pouvoir et de richesse endémique chez l’homme et les survivants se hâtent de retourner dans leur vieille Europe comme s’il s’agissait du vrai paradis perdu. Ici aussi, comme le personnage de l’évêque Bascapé dans La chimera, l’image polémique peut-être plus que la religion elle-même, est la force révolutionnaire de palingenèse, la conviction de pouvoir et de devoir sauver le monde en le modifiant radicalement. En dernier lieu, Vassalli s’attaque à la période de 1968 qui semble être son plus grand tourment personnel et à laquelle il avait consacré quelques années auparavant un roman entier, l’un des pires, Archeologia del presente (Vassalli, 2001). Mais il convient peut-être de s’arrêter sur un autre roman, La notte del lupo (Vassalli, 1998) où notre écrivain affronte la plus grande des histoires, l’Évangile. L’aventure de Yoshua Ha Nozri, Jésus l’étranger, se croise avec celle de l’auteur de l’attentat du Pape, Ali Agca, une sorte de réincarnation de Judas, un peu sur le modèle du personnage de Marco dans Marco e Mattio.

17 Dans la narration de l’histoire ancienne Yoshua est évidemment au centre du récit mais le narrateur omniscient n’adopte jamais son point de vue, lui préférant les personnages qui gravitent autour de lui à savoir Judas, les disciples et Pilate. La partie qui concerne ce dernier rappelle la représentation ironique qu’en fit Bulgakov à travers la rencontre entre Christ et le procureur de Judée dans Il Maestro e Margherita (Bulgakov, 2005), une rencontre au cours de laquelle le pauvre Pilate, souffrant de terribles maux de tête symptomatiques d’une condition plus générale de fragilité et de malheur, découvre avec stupeur l’ampleur de sa faiblesse et de son impuissance, de sa solitude et de sa souffrance, précisément dans l’imprévisible réconfort que lui apporte la conversation avec l’étrange personnage. La profondeur tragique de Bulgakov n’est pas dans les cordes de Vassalli mais là aussi le contact avec « le pur fou » provoque chez le puissant romain un élan de réelle humanité. Lorsque Yoshua affirme être né dans le seul but de témoigner de la vérité, Pilate répond en homme de pouvoir désenchanté, sceptique. Le représentant d’une puissance coloniale cynique et corrompue donne une meilleure image que celle offerte par le sacerdoce du Synèdre et en général des représentants de la population opprimée, des « résistants », représentés avec les caractéristiques du fanatisme, sous les traits d’individus qui veulent d’une part changer le monde à n’importe quel prix selon leurs idéaux de vérité et de justice et de l’autre vivent et œuvrent à travers et au sein de structures de pouvoir qui sont plus oppressives que celles du pouvoir établi. On entrevoit ici aussi la polémique typique de Vassalli contre 1968 qui fut accentuée plus tard par ses implications terroristes, évidentes à travers le personnage d’Ali Agca.

18 Comme indiqué précédemment, Ali Agca est une sorte de réincarnation du Judas de Queirot, le Judas Iscariote de la vulgate – et nous employons à dessein l’expression « une sorte de » car il n’est en effet jamais précisé si une telle identification est le résultat d’une hallucination subjective d’Ali, d’une véritable réincarnation ou d’une condamnation borghésienne de l’immortalité, comme cela était le cas pour le Marco éponyme de Marco e Mattio. Même cette incertitude, cette suspension des possibilités de jugement – qui est une mise à jour de l’une des caractéristiques fondamentales du roman fantastique selon les canons de Todorov (Todorov, 1970) – contribue à la création d’une atmosphère de réalisme onirique qui selon nous, caractérise une grande partie des romans de Vassalli. Ali Agca, qui fait partie d’un groupe terroriste tout aussi mystérieux, et qui a comme mission – selon ses dires – de tuer non seulement le Pape

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Jean-Paul II mais aussi la reine Elisabeth et le secrétaire des Nations unies Kurt Waldheim (chapitre VI, p. 71), tente effectivement d’assassiner le pape. Son prédécesseur historique, Judas, adepte des Zélés de la Loi, un corps formé de sicaires dévoués aux prêtres du Temple de Jérusalem conformément au prototype des assassins du Vieillard de la Montagne, est chargé de la mission d’éliminer le prédicateur suspect Yoshua Ha-Nozri. Contrairement à Agca, non seulement il ne le fait pas mais il perd rapidement son identité de Zélé de la Loi, et lorsqu’il tue, il le fait pour se défendre des inévitables représailles de ses anciens compagnons. Initialement, la main du sicaire est bloquée dans son élan par les charmes de Marie Madeleine, la belle pécheresse qui s’est jointe au groupe des disciples du nouveau prédicateur et qui lui dispense avec largesse, ses grâces, non appréciées par Yoshua. Si à moment donné Judas décide de remplir sa mission et de tuer le prédicateur sans défense, ce n’est pas en raison d’un soudain regain de scrupule religieux mais par pure jalousie à l’égard de l’homme qui, sans même le vouloir, lui dispute le cœur de la femme aimée. Dans la « nuit du loup » qui donne le titre au roman, Judas suit en secret Yoshua dans l’une de ses retraites en montagne avec la ferme intention de l’éliminer. À l’entrée d’une grotte un loup s’avance vers eux et Judas, pris d’épouvante, le tue. C’était un vieux loup édenté, qui avait pour habitude de se coucher auprès de Yoshua lequel apportait toujours un peu de nourriture pour l’inoffensif animal. Comme toujours, c’est la peur qui entraîne l’agression et la violence. La nuit du loup est pour Judas le moment de la rencontre avec son destin et c’est précisément Yoshua qui le lui révèle. Le disciple tourmenté le conjure de choisir une femme parmi toutes celles qui l’aiment de façon à libérer les autres et lui permettre, à lui aussi Judas, de trouver une femme qui soit sienne, qui accepte de l’épouser. Comme Yoshua répond non de la tête, Judas insinue qu’il est homosexuel ou un eunuque. Le maître admet être un eunuque, d’un type particulier.

19 Toutefois, le rapport entre le bien et le mal tel qu’il émerge des pages du roman est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Judas à la fin ne trahit pas Yoshua, et même il est le seul des disciples à ne pas le faire2. La véritable trahison, à laquelle Yoshua fait allusion dans la dernière cène lorsqu’il dit que tous ses disciples le trahiront sauf celui qui ne clame pas avec force cris de protestation sa fidélité à toute épreuve – Judas – n’est pas la remise du prédicateur aux mains des gardes du temple (qui évidemment n’avaient pas besoin de grands espions pour comprendre qui ils devaient arrêter). La vraie trahison est constituée par une structure organisée et hiérarchique qui était évidente déjà dans les disputes des disciples concernant l’ordre pour prendre place à table aux côtés du maître, ce qui est déjà en soi la trahison suprême du message évangélique. Face à cette désarmante obstination dans le mal, la petite trahison de Judas, qui utilise l’argent de la caisse commune pour payer l’espionnage visant à démasquer le nom du sicaire chargé de le tuer, apparaît clairement dans toute sa futilité, son ingénuité, son innocence. Dans l’histoire parallèle racontée dans le roman, émerge le personnage d’Ali Agca qui se retrouve dans l’obligation de jouer un rôle de figurant dans une farce médiatique sur laquelle il n’a aucun contrôle, avec d’un côté le pape, sa victime, star télévisée pleinement consciente du système, qui lui rend visite en prison pour lui accorder son pardon et de l’autre l’opérateur de la chaîne télévisée qui le détrousse en lui prenant l’argent qui lui avait été promis en échange d’une comédie bien jouée. Pourquoi Ali Agca veut-il tuer le pape, la reine Elisabeth et le secrétaire général des Nations unies ? La réponse n’est pas donnée mais nous pouvons imaginer que même « son » intention rentre en fait dans un dessein de plus grande envergure qui échappe à son contrôle et le dépasse. On pourrait avancer l’hypothèse qu’il agit conformément à son

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moi précédent, c’est-à-dire Judas de Queirot Zélé de la Loi, prêt à tuer les personnes indiquées par ses supérieurs ou encore que ce dessein plus général plonge ses racines dans des intentions politico-religieuses destinées à changer, évidemment en mieux, le monde.

20 Le rêve religieux qui trône si fréquemment dans les pages de Vassalli est en fait étroitement lié au rêve révolutionnaire, à cette illusion soixante-huitarde qui, comme nous l’avons vu, demeure un traumatisme dans l’histoire de l’écrivain. En parler signifie régler ses comptes avec un moteur essentiel de l’histoire humaine, dans l’effort de comprendre les causes et les modalités d’une fascination qui continue à agir puissamment malgré les défaites.

BIBLIOGRAPHIE

BULGAKOV M., Il maestro e margherita [1re éd. 1967], Torino, Einaudi, 2005.

ECO U., Il nome della rosa, Milano, Bompiani, 1980.

MANZONI A., Les Fiancés, Paris, Les Éditions du Delta, 1968.

TODOROV Z., Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.

VASSALLI S., La chimera, Torino, Einaudi, 1990.

—, Marco e Mattio, Torino, Einaudi, 1992.

—, 3012 : l’anno del profeta, Torino, Einaudi, 1995.

—, La notte del lupo, Milano, Baldini & Castoldi, 1998.

—, Un infinito numero : Virgilio e Mecenate nel paese dei Rasna, Torino, Einaudi, 1999.

—, Archeologia del presente, Torino, Einaudi, 2001.

—, Stella avvelenata, Torino, Einaudi, 2003.

NOTES

1. S’il s’agit là de la situation de l’Évêque et du dominicain Manini, à un autre niveau plus bas, un mélange semblable de sincère conviction et de mauvaise foi intéressée anime presque tous les personnages qui apparaissent progressivement sur scène, depuis les premières accusatrices (mues principalement par l’envie et la jalousie) jusqu’aux foules désireuses de faire justice par elles-mêmes en exécutant la sorcière conduite à Zardino pour y être brûlée, car convaincues que la sécheresse et la menace de peste et de disette dépendaient d’elle, de la sorcière vouée à l’union avec le diable. 2. Dans l’opposition nette qui traverse tout le roman entre la religion comme pouvoir clérical et la religion comme rêve d’une authentique conciliation de l’humain et du divin, Judas, initialement asservi au pouvoir clérical établi, dont il devrait être le bras armé, s’en détache nettement jusqu’à provoquer leur vengeance. Ce sont les autres disciples de Yoshua avec leurs

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femmes et leurs familles qui s’avèrent être les véritables instruments de la reconduction de cette structure hiérarchique de pouvoir qui se prévaut de la religion c’est-à-dire du système que les hommes ont trouvé le plus efficace pour vaincre la peur du noir et de l’inconnu, la peur d’eux- mêmes. Ce sont eux qui provoquent la chute de leur maître en le poussant à l’expédition de Jérusalem, signifiant à leurs yeux le triomphe mondain de leur foi religieuse.

AUTEUR

FRANCO MANAI University of Auckland

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Sebastiano Vassalli: da abitante del vento a seguace del nulla

Hanna Serkowska

[…] il cielo infinito non [è] deturpato dall’ombra di Nessun Dio. S. VASSALLI, La notte della cometa. Per cercare le chiavi del presente, e per capirlo, bisogna uscire dal rumore : andare in fondo alla notte, o in fondo al nulla… S. VASSALLI, La Chimera. Tutti quei morti, […], sono morti per niente, e il resto è merda: la guerra, il seguito, tutto. […] La storia è merda, Sebastiano. Secolo dopo secolo, tonnellata sopra tonnellata. Un immenso letamaio e basta… S. VASSALLI, L’oro del mondo.

1 Vassalli migliore, il Vassalli storico, autore di romanzi storici in cui la vicenda passata diventa una sorta di allegoria del mondo di oggi1, uno specchio del presente (diciamo a margine che l’etichetta di uno “storico” a un certo punto gli è diventata troppo stretta, per cui, nel 1995 egli avrebbe scritto un romanzo futuristico, 3012, ma anche lì troviamo uno specchio, seppur progettato in avvenire, del presente2), sembra un erede di Manzoni, cui si riferisce ambientando la trama de La Chimera nel ‘600, ai tempi della Controriforma, fanatismo e intolleranza, roghi e caccia alle streghe. Sembra, ma in realtà dal grande predecessore lo divide più di quanto non lo unisca. Per cominciare dalla convinzione che l’elemento considerato dall’altro più debole, l’elemento romanzesco, l’invenzione, sarebbe presto e definitivamente sconfitto dal “vero storico”, Vassalli prende notevoli distanze dal maestro. Fin da Mareblù, attraverso La Chimera, e poi nell’ultima raccolta di racconti, egli mette a nudo quel che l’altro si è limitato solo a suggerire3: È l’odio puro: astratto, disincarnato, disinteressato; quello che muove l’universo, e che sopravvive a tutto. L’amore umano, tanto cantato dai poeti, a confronto

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dell’odio è quasi un fatto inesistente: un granello d’oro nel grande fiume della vita, una perla nel mare del nulla e niente più (La Chimera, pp. 73-74). L’odio è l’ultimo dei tabù: qualcosa di cui si può parlare soltanto con infinite cautele, e che non si presenta mai con il suo vero nome, ma sempre mascherato di ragioni ipocrite. (Vassalli, Improvvisi)

2 Le differenze più vistose riguardano il piano dell’idea. Vassalli è uno scettico. Il suo scetticismo non lascia spazio alla Provvidenza e a Dio cristiani. È scettico al punto di sembrare un erede di Leopardi anziché di Manzoni. Alla fede infrangibile nella divina Provvidenza di quest’ultimo oppone un atteggiamento agnostico e un’immagine del mondo disincantata. Con fervore si cimenta sulle posizioni ostili alla superstizione diffusa dalla Chiesa, oggi come nel passato, accusandola di quel che con George Steiner si potrebbe definire la “paganizzazione” dell’eredità monoteistica4. Ma pare che il primo maestro di Vassalli sia Friedrich Nietzsche. Vassalli non crede in nulla, o meglio, crede nel Nulla di cui fa il fulcro di una nuova religione. Il nichilismo concepito come inerzia vitale diventa per lo scrittore l’essenza della materia e sostanza del mondo. La vita, nei romanzi vassalliani, consiste di un movimento sterile, mortale, ed è una malattia della materia; la morte ripristina l’equilibrio della materia, ripeterà ancora in 3012 e in Stella avvelenata. Lo capisce perfino Antonia, protagonista de La Chimera: Le sembrava di capire, finalmente!, qualcosa della vita: un’energia insensata, una mostruosa malattia che scuote il mondo e la sostanza stessa di cui sono fatte le cose. […] la giustizia, la legge, Dio, l’Inferno – sono storie più fragili d’un sogno. (La Chimera, p. 292)

3 Il nichilismo di marca vassalliana non è di carattere nirvanico, autosufficiente, contemplativo, bensì rimarca l’atteggiamento disincantato e disilluso di chi prova tuttavia un autentico interesse, preoccupazione e impegno per le cose di questo mondo e di questa società di cui si lamentano i maggiori vizi composti in un atto di accusa quale possono essere considerati sia Il neoitaliano che Gli Italiani sono gli altri. Infine si dissocia dai “risentiti”, per dirlo con Nietzsche, e salva un atteggiamento eroico di chi sa guardare il mondo in faccia e continua ad andare avanti senza facili illusioni, senza la “menzogna religiosa”, senza le utopie. Il Nulla è la legge che governa tutto in un mondo in cui non c’è posto per l’amore, per l’amicizia, per l’altruismo, e dove tutto cade presto in oblio. Il vizio capitale che lo scrittore lamenta nei suoi connazionali (il Casanova di Dux di Vassalli è un prototipico italiano: un fanfarone servile, l’opportunistico conservatore, l’egocentrico Narciso) è quello di amare e di sapere facilmente dimenticare, come hanno saputo dimenticare il proprio passato (ne parla in L’oro del mondo e ne Il Cigno, cfr. Nesi, p. 85).

4 Smarrita la fede in un Dio cristiano e nella manzoniana Provvidenza, Vassalli con veemenza professa la sua fede nel Nulla, così da farci pensare che egli avverta di quel Dio (o di un dio) una dolorosa mancanza, e che cerchi altre forme di spiritualità e di trascendenza, che provi la stessa nostalgia del sacro smarrito presente in Nietzsche che implora l’ignoto suo Dio, da cui si sente abbandonato, di tornare a lui. Vassalli soffre la mancanza di quel Dio inesperibile perché non rintracciabile nelle cose di questo mondo, e di cui non resta che il vuoto. Si dà a una spiritualità laica – per dirlo con un ossimoro – per cui la salvezza, che non può essere garantita da una divinità, è derivabile dall’unica forma di sopravvivenza che, secondo Vassalli, ci è data: nella memoria degli altri a cui viene tramandata la nostra storia, se essa merita di essere salvaguardata. Chi non crede alla vita eterna (e lo scrittore sottolinea a più riprese di non credere in nulla) ritiene importante fare in modo che dopo la morte fisica un uomo

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abbia a disposizione la sopravvivenza costituita dalla propria storia5. Per questo il mestiere dello scrittore, Vassalli ne è convinto, ha a che fare col sacro. Il primo vero protagonista dei suoi innumerevoli romanzi è lo stesso scrittore, il suo mestiere e la letteratura che accoglie questi racconti. Ne troviamo le estreme riprove ancora in Stella avvelenata che racconta una spedizione verso la terra mitica di Atlantide, il cui protagonista, il capitano Cat, incarna la necessità umana di raccontarsi, di sapersi raccontati. Paradossalmente per uno scrittore che si dice ateo, ne consegue che il mestiere dello scrittore abbia a che fare con una forma di trascendenza. Vassalli, infatti, recupera dal nulla e salva dalla dimenticanza le storie di singoli individui6. Senza l’intervento dello scrittore, del raccontatore, della nostra vita non resta che terra, cenere, ombra, nulla. Soltanto qualche volta di un uomo resta la sua storia, a patto che vivendo abbiamo tenacemente teso a qualcosa, se siamo rimasti fedeli fino in fondo a un miraggio, una Chimera, se abbiamo saputo inseguire un desiderio senza cedere quando il nostro percorso è stato ostacolato dall’ostile comunità, dal costume, dal potere, dall’opinione pubblica.

5 Diciamo per inciso che risulta pertinente a proposito il lungo apprendistato vassalliano tra le file dei neoavanguardisti, la cui poetica esaltava la fede nella parola e la patologia della lingua (la sintassi inesistente, frasi fatte di elenchi di nomi propri, citazioni latine, litanie di parole sconnesse) alludeva alla patologia del mondo reale. In quegli anni scrive Narcisso. Ed è lì, in quell’esperienza, che si forma la sua fede, quasi religiosa, nel potere della parola (del verbo!) che le è devoluto in via esclusiva. Il potere di creare, di chiamare a esistere, di salvare dal non essere, di tramandare. La parola rimane per Vassalli (tranne la breve parentesi testimoniata da L’arrivo della lozione7) l’unica ancora di salvezza, in grado di opporsi al nulla del reale in cui si dissolvono senza lasciare traccia alcuna le storie umane. L’autore scrive che le parole costituenti l’antidoto al mondo in disordine (quel disordine comprendeva anche le istituzioni letterarie di fronte a cui Vassalli era sempre stato molto critico, le politiche editoriali dei critici e dei recensori, le scelte e i calcoli delle giurie dei premi letterari ecc.) riescono da sole a far fronte al mondo “privo di forza e sostanza inconoscibile innominabile nullo” (Il millennio che muore, p. 8)8.

6 Abbiamo detto che lo scrittore, nell’espletare il suo “sacro” mestiere, abbina alla riflessione sul carattere degli italiani9 la sua ricerca sui fatti del passato di cui abbiamo solo una conoscenza parziale, imperfetta. Al dubbio storico o storiografico si affianca lo scetticismo civile, morale, ideologico che gli fa vedere la secolare attività umana in termini di sperpero, un inutile quando non meramente distruttivo dibattersi di milioni di persone e di singoli individui. Vassalli si assume il compito dell’artista (e dell’intellettuale) che consiste nel riempire gli interstizi della storia, e poi nel ricordare, tramandare la memoria, nel salvarla dalla dimenticanza. Capiamo allora come l’interesse per il passato possa essere alimentato, e alimentare a sua volta, la passione, che pare una passione civile quanto morale.

7 Lo scrittore sente la nostalgia della divinità inesistente, nella stessa misura del suo maestro Nietzsche il cui problema centrale sono le conseguenze per l’uomo contemporaneo della morte di Dio. Dopo che è morto Dio, per Nietzsche è rimasta la moralità, la moralità dei deboli e quella degli spiriti forti, la Herrensmoral. I deboli, malati, vili, sconfitti, risentiti contro la vita, non sanno reagire adeguatamente agli stimoli della vita, alla vitalità spontanea e aggressiva, vivono di illusione (il concetto di “maschera”). Nel loro “risentimento” Nietzsche individua la radice della morale

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cristiana (che egli assimila alla “morale degli schiavi”). I deboli, della propria debolezza e viltà fanno una virtù. Invece la morale dello spirito forte richiede di porsi indipendentemente dalla moralità di risentimento, dimostrare di essere in pieno possesso di sé, sapendo e sopportando serenamente la “menzogna religiosa”. Diversamente dalla morale dei risentiti, questa non offre regole, ma consiste in autoespressione e porta a trovare la verità in se stessi. Pochi saranno coloro cui sarà consentito risalire dalla caverna e vedere il sole, per così dire. A fronte di tale divisione Nietzsche dello Zarathustra lasciava un margine all’iniziativa umana. Vassalli sembra credere nel libero arbitrio, nella forza dello spirito che permette all’uomo di elevarsi, di vincere il potente determinismo per cui siamo quello che siamo, di conseguenza a quello che abbiamo fatto una volta per sempre. In più, lo scrittore non cerca di capire o di venire a patti con il meccanismo che sta dietro quel determinismo, non lo problematizza, lo constata e basta. Il mondo va dove esso vuole, non dove vorremmo che andasse, ripete in La Chimera, in Un infinito numero e in L’archeologia del presente. Se la morale dei forti è il principio della vitalità, la storia dell’Occidente, secondo Nietzsche e per Vassalli, non è altro che la storia della negazione della vita, la storia dei vili.

8 Ne La Chimera vi sono almeno due spiriti forti che sanno andare contro e, nonostante tutto, lungo la loro strada. Il primo è il vescovo di Novara, un grande moralista, di rara forza d’animo, Carlo Bascapè, un riformista-integralista, appartenente alla fazione dei nemici del clero “ipocrita e stagnante di quella Roma, e di quei Papi, e di quegli anni” (La Chimera, p. 220). Il papa, proprio per queste sue doti, ha relegato questo ostacolo vivente alla rilassatezza dei costumi romani più lontano possibile dalla sede centrale. Fallitone il disegno di ascesi e severa disciplina dei fedeli, a cui imponeva messe, preghiere, castighi e digiuni, Bascapè, pur fedele alla sua chimera, fallisce nel proposito di riformare la Chiesa che continua a essere come “la Babilonia delle antiche scritture: un monumento alle cose del mondo e alla politica del mondo” (ibidem, p. 261)10. La Chiesa rimane quella che è, quella che fu, “paganizzata”, come spesso la rappresenta lo scrittore anticlericale, popolata da preti (alla don Teresio che si fa portare decime, regalìe, devozioni e elemosine per “scongiurare la presenza diabolica” nei boschi circostanti il villaggio), da preti-avvocati, preti-usurai, preti-proprietari di bordelli, venditori di indulgenze, trafficatori di false reliquie che in seguito venivano autenticate per denaro dal monsignore di modo che tutta la catena alimentare (dal tombarolo, al notaio, al cardinale prefetto delle Catacombe) fosse soddisfatta. Tutto ciò fiorisce e prospera perché Dio vero non esiste, o si è ritirato dalla cose umane. Per secoli la fede è servita ad arrecare violenza, torturare e uccidere in nome di Dio. Antonia, la seconda figura forte nel romanzo vassalliano, che fin da piccola spicca per grazia e bellezza, ma innanzi tutto per intelletto (si interroga sul senso della vita umana, al di là delle storie insensate raccontate dalle suore nell’orfanotrofio, e in seguito, già a Zardino, ha il coraggio di dire in pubblico che inferno e paradiso non esistono se non quaggiù in terra, che oltre alla morte c’è “un gnente grande come il cielo; et in quel gnente le favole de preti” [ibidem, p. 193]), sarà sconfitta dall’odio, intolleranza, interessi particolari, cupidigia dei preti, lotte tra funzionari della Chiesa e dalla gratuita violenza della gente vile, di quei deboli che hanno bisogno di una giustificazione superiore per le proprie azioni. Ne rimane tuttavia qualcosa, un esempio di tenacia e inflessibilità di chi ha difeso la sua chimera a costo di morte. Grazie alla parola, ne rimane la storia.

9 Per Vassalli la morte di Dio e la clamorosa sfiducia nel mandato della Chiesa come istituzione comportano la necessità di ripensare e riproporre il proprio compito di scrittore (artista e intellettuale). I filosofi, constatata la morte di Dio, e che si sentono,

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afferma Nietzsche, come illuminati dai raggi della nuova aurora, spiccano il volo, sciolgono le vele alle loro navi, muovendo incontro al rischio di nuova conoscenza e di un nuovo aperto mare. Uno scrittore potrebbe cercare di imitare il maestro del nichilismo nell’avere il coraggio di andare senza Dio, acquistando la nuova leggerezza, rovesciando le vecchie tavole senza temere le regole e le leggi. Morti tutti gli dèi, evviva il superuomo? Sì, se pensiamo che soltanto uno spirito forte può scartare tutte le utopie allo stesso tempo, dissipare tutte le illusioni perché esse non possono metterci al riparo della sofferenza, guardare dritto in faccia il destino umano, i vizi della società e di individui singoli11, l’insensatezza della vita stessa governata dall’inerzia della materia, del mondo caotico e materialistico, della storia il cui motore è l’odio. Contro l’eterno ritorno di quell’odio che nullifica tutto non vale nessun sacrificio (quello originario di Cristo o quello ritualizzato e imitato dopo, come nel gesto di Mattio che si autocrocifigge, in Marco e Mattio), il che rende insensata e inutile ogni azione umana (La Chimera). È un lungo percorso, dai tempi del romanzo Abitare il vento (1980) in cui Vassalli ci convinceva che pensare di vivere fuori dal tempo, di abitare il vento è illusorio, come è vano sperare di liberarsi da tutto, distruggere, abolire quel che ci sta intorno. Il tempo e le ideologie non si possono rinnegare, anzi si finisce sempre per esservi invischiati, per cui vivere il vento è una metafora della libertà impossibile, inaccessibile. Da ultimo, nella sua raccolta La morte di Marx e altri racconti, in cui lo scrittore giunge a rinnegare alla maniera postmoderna le grandi narrazioni, Vassalli si congeda dai maestri della modernità: Kafka, Marx (il dottor Marx qui ha idee diverse dal suo omonimo teorico del proletariato e della lotta di classe, ed è convinto che la parte razionale dell’uomo è debole rispetto a quella irrazionale e che le ideologie e le utopie non sono servite a nulla, e noi impiegheremo ancora chissà quanti millenni per diventare davvero civili), e anche Freud (le storie qui raccontate sono tutte di amore mancato, impossibile). Allo stesso tempo lo scrittore pone, modernisticamente, se stesso, scrittore e artista – quasi un sacerdote – al posto di Dio, in maniera eroica, dopo aver vissuto e scontato l’intera parabola che lo ha portato dal mettersi in gioco ne L’oro del mondo (perché, come usava sottolineare, egli ha voluto guardare anche la pagliuzza nel proprio occhio mentre scorgeva la trave in quello degli altri), attraverso l’adesione alle grandi utopie del secolo con il conseguente tentativo di staccarsi da tutto e di “abitare il vento”, fino all’eroica resa delle illusioni tra cui una delle più grandi era quella di cambiare il mondo (come il vescovo Bascapè de La Chimera, come Leo e Michela di L’archeologia del presente, idioti, coloro che hanno speso le loro vite per far diventare il mondo perfetto, ma che a prezzo di enormi fatiche sono riusciti a portarlo soltanto sull’orlo del baratro).

10 Lo scrittore insegue sempre nuove chimere per descriverle, perché “sono queste illusioni che aiutano l’umanità a vivere” (Nesi, p. 79), egli solo è capace di perdurare tra le rovine delle ideologie, narrazioni e storie crollate, nel nostro oggi destrutturato, deideologizzato, disingannato. Cerca, coglie e descrive momenti di vita di coloro che nella storia hanno seminato illusioni per pochissimo tempo, prima di rimanerne vittime, di venirne travolti poco dopo, in un mondo dei cui limiti Vassalli è progressivamente più cosciente. Il mondo materiale (e la fede nei dischetti bianchi dell’Aspirina, di cui si dichiara fanatico il narratore di Archeologia del presente, p. 106) prevale sulla vitalità e sull’idealità dei più, e ciò diventa strumentale nel percorso vassalliano verso la sospirata leggerezza che Nietzsche riservava (in premio?) agli spiriti forti.

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A volte, specialmente d’estate, capita anche a me, come capitava a don Marco e Mattio Lovat, di alzare gli occhi verso il cielo stellato. E mi piace perdermi col pensiero in quel pulviscolo di sistemi solari che si vedono tra una costellazione e l’altra, e in quel buio che c’è dietro i sistemi solari, dove si muovono inutilmente milioni di mondi. Soffermarmi a riflettere sull’infinità di quello spèrpero che chiamiamo universo mi fa bene e mi aiuta a star bene. Che altro sono le nostre impercettibili vite e le nostre microscopiche storie, se non sperpero nello sperpero? (Marco e Mattio, p. 5; la sottolineatura è mia)

BIBLIOGRAFIA

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—, Un infinito numero: Virgilio e Mecenate nel paese dei Rasna, Torino, Einaudi, 1999.

NOTE

1. Il legame che unisce il passato al presente è di tipo analogico: l’autore sceglie di ambientare la sua storia nel ‘600 non perché egli abbia una predilezione per quell’epoca (nel ‘700 ambienta, infatti, Marco e Mattio e nell’‘800 e ‘900 Il cigno), ma perché vi ha trovato problemi che lo riconducono all’oggi, che gli permettono di capire e di parlare del giorno di oggi. Vassalli crede insomma nella “contemporaneità della storia” nel senso in cui ne parlava Croce intendendo che lo studio del passato parte sempre dalle idee sul e del giorno di oggi. La storia per lo scrittore è sempre contemporanea, essa è tutt’al più una sorta di “autobiografia del presente”, o per citare il titolo del romanzo vassalliano (in cui il ‘68 è l’immediato precedente e causa di molti dilemmi di oggi), “archeologia del presente”; aiuta a comprendere il presente che di per se stesso non è in grado di raccontare nulla, perché il presente è ridotto al rumore, è la manopola della televisione. Vassalli rimane infatti “ideologicamente” quello di sempre, che vede la storia umana come un luogo di violenza e di bestialità, con la differenza che oggi entrambe (cfr. G. Bertone, “Ciao alla modernità”) si sono normalizzate. 2. Scrive Cristina Nesi: “Non possiamo escludere che, a determinarne l’esigenza [di scrivere sul futuro], sia stato proprio un irriverente bisogno di sbeffeggiare chi gli aveva ‘contristato l’anima per anni con l’etichetta di romanziere storico’. Adesso, cari critici, vedetevela un po’ con il futuro! Si sarà detto lo scrittore.” (Nesi, 2005, p. 90). 3. L’autore resta dell’avviso che Manzoni avrebbe detto esattamente le stesse cose sul carattere degli Italiani, se dalla modernità non lo separasse il Risorgimento: Manzoni vedeva i difetti, ma si adoperò a dissimularli, in vista della nazione italiana che ancora doveva nascere. Sostiene Giorgio Ficara che il male è in Vassalli un sogno perverso dell’umanità, e la pazzia del sangue versato rappresenti il punto culminante della storia. 4. La Chiesa cattolica, per rendere il patrimonio di Abramo, Isacco e Giacobbe più sopportabile agli umani lontani dalla dirittura di santi e di martiri, avrebbe introdotto indulgenze, reliquie, componende. La Chimera presenta l’esempio vistoso di una simile “paganizzazione” da una parte, e di emarginazione o, in casi estremi (come dimostra la caccia alla strega Antonia), di eliminazione di chi non vi si adegua. 5. La notte della cometa, romanzo-verità (dopo cui lo scrittore rassegna le armi, disgustato da una massa di film melensi, biografie deliranti, strizzatine d’occhi, premi letterari a Campana intitolati, alla compagnia di villeggianti che ogni estate si riunisce a Marradi per assegnarli, constata il 26/11/2003 sul Corriere della Sera: “Hanno vinto loro. Addio, Dino”. In Nesi, 2005, p. 60) come lo definisce l’autore stesso, è pervaso dall’insistente assillo della perdita della memoria. Ogni ricordo si perde nel volgere al massimo di qualche decennio. 6. Per Vassalli la storia non esiste, esistono soltanto – come ripeterà in Un infinito numero – le storie umane dentro il passato. Lo scrittore preferisce quel che si definisce a volte la visione “creaturale” della storia – propria delle vittime della storia ufficiale; ovvero dei singoli individui nel loro agire nella storia. Gli interessano le storie umane, perché la storia umana è un infinito numero di storie che finiscono per contraddire l’idea stessa della Storia univoca. 7. Vassalli accusa nel romanzo scritto nel 1976 lo scialo delle parole, vuote e nate deliberatamente per ingannare, che avrebbero trascinato molti verso la rivoluzione che doveva

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essere una lozione magica (a cui allude il titolo L’arrivo della lozione: rivo-luzione), soffermandosi sull’uso improprio, indebito di alcune parole come pace, giustizia, democrazia, sinistra, svuotate del loro significato e piegate verso altri scopi. 8. Stefano Tani vede nell’esperienza vassalliana di Narcisso e di Tempo di màssacro “una nevrotica autoreferenza” per cui il linguaggio raffigura non meno la letteratura di allora in stato cadaverico, del mondo in decomposizione, l’uomo in stato demente, esprimendo “una situazione umana di apocalittica claustrofobia” (Tani, 1990, p. 51). 9. L’ispirazione, ricordiamo, gli è venuta dal suo amico, editore, Giulio Bollati, che lamentava l’abitudine al trasformismo, o al camaleontismo politico e l’impotenza degli intellettuali italiani di fronte a un neodarwinismo sociale allo stato grezzo e violento. 10. Sembra pertanto non casuale che quando, durante il pontificato di Clemente VIII e poi Paolo VI, si sviluppa l’Inquisizione, al vescovo novarese cominciano ad accadere cose strane. Non a caso egli prima viene coinvolto e accusato di aver acquistato false reliquie, poi come su richiesta sopraggiunge “la causa giusta al momento giusto, mandata dalla divina Provvidenza e irrinunciabile” (La Chimera, p. 225). L’inquisitore Manini, nemico del vescovo, non poteva immaginare un’occasione migliore per distruggere lo scomodo vescovo, per allontanarlo per sempre dalla politica: un caso di eresia e di patto col diavolo nella diocesi di Bascapè! Non si poteva sperare in meglio! Il Tribunale del Sant’Uffizio di Novara ha tutto l’interesse a portare a termine il processo della “strega di Zardino” per rivendicare la propria autonomia nei confronti di Bascapè e della Chiesa di Roma. 11. Le utopie crollano perché partono dall’idea sbagliata che l’uomo sia buono e perfettibile, mentre esso è malvagio, incorreggibile, peccatore. “Chi ha scommesso sull’uomo buono, chi ha pensato che le vicende umane si potessero razionalizzare e perfezionare, ha sempre perso in tempi brevi. Basta pensare al marxismo. Invece dura da due mila anni la parabola della Chiesa che parte dal peccato originale, dall’uomo malvagio.” (Nesi, 2005, p. 99, nota 266)

AUTORE

HANNA SERKOWSKA Uniwersytet Warszawski

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“E come si può adorare ciò che strazia?” Sacro e religiosità in Sciascia e Pasolini*

Alessandro Bosco

[…] sentivo come un muro che ci separasse una parola a lui cara, una parola-chiave della sua vita: la parola “adorabile”. L. SCIASCIA, AM, p. 12.

1 In un articolo apparso sul quotidiano Il Tempo il 26 agosto 1973, Pasolini, parlando dei Promessi sposi, scriveva: A nessuno è balenato neanche lontanamente per la testa che il Manzoni è in realtà una delle forme storiche che ha assunto l’Anticristo: niente infatti è stilisticamente più contrario al Vangelo che l’umorismo. Cristo non era né bonario né spiritoso (né, naturalmente, sentimentale). (IPS, p. 1865) Secondo Pasolini dunque l’umorismo esprime qualcosa di diametralmente opposto al cristianesimo e di inconciliabile con un determinato concetto di religiosità.

2 Nel 1964, analizzando i motti di spirito di papa Giovanni XXIII, Pasolini aveva dato una definizione di umorismo che sarebbe restata immutata negli anni: “Caratteristica dei motti di spirito”, scriveva, “è quella di essere ‘riduttivi’, cioè di abbassare, col sorriso incredulo, i grandi fatti e le grandi idee della vita: in questo senso il motto di spirito è tipicamente borghese” (MPG, p. 122). Definizione che ritroviamo identica, e con qualche preziosa sfumatura in più, in un testo del ‘73 raccolto negli Scritti corsari: […] scherzare su tutto, riduttivamente, […] a proposito anche dei fatti più tragici e difficili, è proprio la caratteristica prima del rapporto linguistico con la realtà del piccolo-borghese. […] La prima regola del [suo] comportamento è non dir mai sul serio niente, ridurre tutto umoristicamente; e, a fortiori, volgarmente. (SC, p. 200)

3 L’umorismo rivela dunque agli occhi di Pasolini il rapporto del borghese con la realtà, che non solo è di riduzione ma è anche di distacco: “L’umorismo è distacco dalla realtà, atteggiamento contemplativo di fronte alla realtà, e quindi dissociazione tra sé e questa realtà.” (SoCe, p. 1443)

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4 Ora, tale modo di essere è per chi, come Pasolini, ha un rapporto “ierofanico1“ con la realtà quanto di più contrario possa esserci alla religiosità. Infatti se da un lato il ridurre i grandi fatti della vita è un modo per dissacrare la realtà, dall’altro, come spiega Mircea Eliade, l’esperienza sacra del mondo implica nell’homo religiosus il desiderio costante di vivere il più possibile in intimità col sacro, cioè con quella che per l’homo religiosus è la realtà per eccellenza 2. A testimonianza del fatto che proprio tale fosse il rapporto di Pasolini con la realtà e che la sua opera altro non sia che una costante ricerca di intimità col sacro, ecco un passo molto significativo in proposito: Già il dialetto era per me il mezzo di un approccio più fisico ai contadini, alla terra, e nei romanzi “romani” il dialetto popolare mi offriva lo stesso approccio concreto, e per così dire materiale. Ora, ho scoperto molto presto che l’espressione cinematografica mi offriva, grazie alla sua analogia sul piano semiologico […] con la realtà stessa, la possibilità di raggiungere la vita in modo più completo. Di impossessarmene, di viverla mentre la ricreavo. Il cinema mi consente di mantenere il contatto con la realtà, un contatto fisico, carnale, direi addirittura sensuale. (SoCe, p. 1413)

5 Riduttività e distacco non sono tuttavia gli unici aspetti che fanno dell’umorismo un modo d’essere totalmente opposto alla religiosità di Pasolini. Un terzo elemento lo si evince ancora tornando ad analizzare il sopra citato articolo su papa Giovanni i cui motti, secondo il ragionamento di Pasolini, andrebbero distinti dall’umorismo borghese in generale (o tipico): se quest’ultimo, infatti, “prende in giro in prima istanza gli altri […] Papa Giovanni prendeva in giro prima di tutto se stesso […], e solo molto poco e con molta umiltà gli altri” (MPG, p. 122). Così facendo – preciserà Pasolini in una conferenza dal titolo Marxismo e cristianesimo – papa Giovanni compiva “l’atto profondamente altamente democratico di sorridere di se stesso in quanto autorità” (MC, 795)3. Stando all’analisi pasoliniana, questa eccezionale democraticità deriva a papa Giovanni XXIII dal fatto che per la prima volta egli “ha vissuto all’interno della Chiesa, nel profondo del suo spirito cristiano, la grande esperienza laica e democratica della borghesia. Ha vissuto cioè, la reale realtà del suo tempo” (ibidem). Proprio quest’esperienza profonda della realtà toglie dallo sguardo di papa Giovanni “ogni possibile manicheismo” (MPG, p. 124) e con questo la capacità di operare delle discriminazioni, indicandone pertanto l’autentica religiosità: Uno che sia veramente cristiano e sia veramente democratico non è capace di fare delle discriminazioni. Quindi, quando si rivolgeva a dei comunisti si rivolgeva veramente a delle persone come lui; non riusciva a concepirli manicheisticamente come degli esseri diversi con cui non fosse possibile avere dei rapporti. E questo lo faceva con la massima naturalezza, appunto per aver vissuto profondamente la realtà del suo tempo. (MC, p. 796)

6 Il rapporto con la realtà di papa Giovanni si differenzia dunque da quello della borghesia in genere proprio per l’assenza di una visione manicheistica. Ai due aspetti già enucleati (la riduttività e il distacco) se ne aggiunge così un terzo (il manicheismo), l’assenza dei quali fa sì che papa Giovanni realizzi una forma di religiosità che si avvicina in parte a quella dell’homo religiosus.

7 Tuttavia anche l’eccezionalità di papa Giovanni rimane confinata all’interno di una logica borghese: il sorridere di se stessi è sì un segno di democraticità, ma è allo stesso tempo espressione di potere. In una nota alla poesia dal titolo A un’ora e cinquanta da New York Pasolini scriveva: “il mio pensiero è che l’umorismo sia tipico della civiltà borghese, e che dipenda dunque dal razionalismo borghese ‘dissacratore’. Le epoche mitiche, sacrali, non ‘sorridevano di se stesse’” (OCNY, p. 624). A “sorridere di se stesse”,

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scrive Pasolini in quella poesia riferendosi tra l’altro a se stesso, sono invece “le persone autorevoli”4. L’umorismo, in quanto fenomeno borghese, denota insomma in ogni caso il potere, dal quale il sacro va difeso: “Io difendo il sacro perché è la parte dell’uomo che offre meno resistenza alla profanazione del potere, ed è la più minacciata dalle istituzioni delle Chiese” (SoCe, p. 1480)5. Il potere dunque è per definizione opposto alla religiosità, ed è in base a questo ragionamento che Pasolini avrebbe negli Scritti corsari più volte attaccato la Chiesa: “La Chiesa ha insomma fatto un patto col diavolo, cioè con lo Stato borghese. Non c’è contraddizione più scandalosa infatti che quella tra religione e borghesia, essendo quest’ultima il contrario della religione” (SC, p. 20). Si capisce da queste parole come quello che Pasolini chiamava “l’imborghesimento del mondo” combaciasse per lui con la profanazione della realtà. Sintomatica in questo senso la lettura che egli dà di Renzo, concepito (per motivi che vedremo fra poco) come sola figura sacra del romanzo manzoniano, ma che proprio nelle ultime battute viene dissacrata: […] solo proprio alla conclusione Renzo diventa un “padrone”, e arricchisce approfittando di un bando governativo che permette di tener basso il salario degli operai. Questo sarebbe il reale lieto fine del romanzo! E qui, nelle ultime righe, Renzo diventa di colpo odioso, un piccolo ometto tutto pratico, un lombardo pieno di buon senso certo destinato a diventar moralista per difendere i suoi beni, esattamente come coloro che son stati alleati dei cinici potenti che l’hanno perseguitato. (IPS, p. 1861)

8 L’imborghesimento di Renzo ne segna la definitiva profanazione, rispecchiando agli occhi di Pasolini la tragedia del fatale e inarrestabile imborghesimento del mondo.

9 La religiosità di Pasolini si manifesta, e abbiamo già avuto modo di vederlo, in modo abbastanza evidente nelle sue opere. Come bene ha mostrato il già citato Mircea Eliade, per l’homo religiosus “l’existence n’est pas donnée par ce que les modernes appellent “Nature”, mais […] elle est une création des Autres, les dieux ou les Êtres semi-divins” (SP, p. 80). La vita, in quanto opera di Dio, costituisce così il mistero centrale del mondo. Ora, per conoscere e capire una realtà così concepita, per instaurare un rapporto col divino, c’è un solo modo: adorare. Pasolini lo dice chiaramente in una lettera del 3 marzo 1970: Dio è la Realtà; e la realtà è un Dio tirannico che del suo dispotismo fa la chiave per arrivare, anche se parzialmente, a lui; e dunque bisogna adorare la realtà, mettere l’intelligenza fra le cose vecchie, aumentare la pietà verso se stessi e gli altri. (L, p. 669. Corsivo aggiunto)

10 Il sacro non è afferrabile tramite l’intelligenza, non è intelligibile, è mistero, contraddizione, ambiguità. La predilezione che tra i personaggi dei Promessi sposi Pasolini nutre per Renzo si spiega proprio col fatto che nel romanzo egli – a differenza di Don Abbondio e Gertrude che prendono “rilievo sull’abisso del male” – non è moralisticamente decifrabile: Renzo […] traspare e prende rilievo sull’unica zona neutra su cui si fondano i Promessi sposi: una zona che non è definita né dal bene né dal male, ma è una mescolanza di bene e di male, una penombra ambigua, un’eterna sfumatura. (IPS, p. 1862)

11 Questo fa di Renzo agli occhi di Pasolini una “figura straordinariamente poetica” (ibidem), una figura sacra. Nella concezione “ierofanica” dell’esistenza male e bene sono inscindibili6, il che implica un rapporto con la realtà che “evita il giudizio morale, il giudizio definitivo” – tipico invece della borghesia e basato sul principio manicheistico e razionalistico di distinzione e opposizione dei due opposti – “per rispetto verso un certo mistero dell’esistenza, delle cose e degli esseri” (SoCe, p. 1524). È da questo

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rapporto con la realtà che scaturiscono versi quali “amando il mondo che odio” (CG, p. 819) o ancora frasi come “adorabili perché strazianti” (LL, p. 9)7. Non solo la poetica della “sineciosi” (Fortini) è dunque un riflesso della religiosità pasoliniana, ma anche e soprattutto la tecnica della “sospensione del significato”, alla quale Pasolini dedicherà negli ultimi anni una crescente attenzione critica. Per opposizione a quella di Brecht, Pasolini definisce la sua come “una sospensione di carattere esistenziale; è teoricamente qualcosa che si potrebbe definire come l’astensione dal giudizio dinanzi al mistero dell’esistenza” (SoCe, p. 1524). Al contrario dell’ambiguità solo parziale delle opere brechtiane, Pasolini mira a un’ambiguità assoluta, che costituisca una via al “nuovo impegno”. Nel ‘66, rifacendosi alle note riflessioni di Barthes, Pasolini aveva estesamente affrontato la questione nel fondamentale saggio intitolato La fine dell’avanguardia, proponendo di porre “delle domande in opere anfibologiche, ambigue, a canone “sospeso” […]: ma niente affatto, in questo, disimpegnate, anzi!” (FA, p. 1425), e avanzando anche una nuova definizione di impegno: “‘Sospendere il senso’: ecco una stupenda epigrafe per quella che potrebbe essere una nuova descrizione dell’impegno, del mandato dello scrittore” (FA, pp. 1422-1423). Un’opera come Teorema testimonia sin dal titolo una ricerca in questo senso. Ma è significativo che Pasolini parli retrospettivamente di “sospensione del significato” anche per opere quali Ragazzi di vita e Accattone, quasi a indicare nella propria religiosità la sorgente prima di tutta la sua produzione.

12 Se per Pasolini dunque l’umorismo costituisce in sostanza una minaccia per il sacro ponendosi agli antipodi del concetto di religiosità, diverso è il caso di Sciascia, il quale, in netta opposizione al giudizio pasoliniano su Manzoni, considerava “I promessi sposi come l’opera letteraria, dopo il Don Chisciotte, la più indefettibilmente cristiana che il mondo cristiano abbia prodotto” (RAM, p. 109). Non solo Sciascia paragona il romanzo di Manzoni a un libro apertamente umoristico quale il Chisciotte, ma addirittura ne parla come dell’opera “la più indefettibilmente cristiana”, dopo il Chisciotte. Se per Pasolini umorismo e cristianesimo sono due termini non solo inconciliabili, ma addirittura opposti, dove uno necessariamente esclude l’altro e viceversa, per Sciascia invece essi non solo sono perfettamente conciliabili ma sembrano addirittura implicarsi a vicenda.

13 Posti dunque i termini della discordia, bisognerà ben capire cosa Sciascia intendesse per “cristianesimo” o meglio per religiosità. Il saggio più importante che egli dedica alla questione risale al 1965 e reca il titolo Feste religiose in Sicilia. In esso Sciascia denuncia “la fondamentale refrattarietà al cristianesimo” (FRS, p. 1158) dei Siciliani, individuandone la radice “in un profondo materialismo, in una totale refrattarietà a tutto ciò che è mistero, invisibile rivelazione, metafisica” (FRS, p. 1155), nonché in “un fondo invincibilmente scettico” (FRS, p. 1157). Secondo Sciascia la pratica minuziosa di tutto quello che attiene al culto esterno nasconde in realtà una profonda irreligiosità: “Si può dire, dei siciliani di fronte alla religione cristiana, quel che Sainte-Beuve diceva di Montaigne: che poteva benissimo essere apparso come un buonissimo cattolico, ma il fatto è che non era per niente cristiano” (FRS, p. 1156). “Nessun popolo al mondo,” – prosegue rincarando la dose – “tra quelli considerati ufficialmente cristiani, ha forse mai operato dall’interno una così totale disgregazione dei valori cristiani” (FRS, p. 1158). A conferma del suo ragionamento, rievoca un libro di Guastella, e precisamente una raccolta di racconti popolari intitolata Le parità e le storie morali dei nostri villani. I racconti di questo libro, che Sciascia definisce “un organico antivangelo”,

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contengono secondo il Nostro “crudi rovesciamenti della morale cristiana, prescrivono – avallati dai santi e dal Signore in persona – comportamenti inflessibilmente asociali e antisociali: il Signore che confida ai poveri che il principale loro male è lo sbirro” (FRS, p. 1162) è solo uno dei numerosi esempi elencati.

14 Sciascia insomma discute il cristianesimo in chiave etico-morale, sociale e terrena, prescindendo dalla trascendenza. L’irreligiosità dei Siciliani consisterebbe in primo luogo non nella refrattarietà al trascendente – propria del resto allo stesso Sciascia – ma nel violare sistematicamente, negandolo, un ideale codice etico-morale e civile. L’irreligiosità si misura in relazione a quella che Sciascia definì “una morale senza aggettivi” (PPC, p. 141), e in questo senso il suo si potrebbe definire – riprendendo una formula che egli applica a canzoni – “un cristianesimo vissuto come sistema morale” (RAM, p. 109)8. La stretta connessione tra religiosità e realtà socio-politica è espressione di un certo carattere luterano della riflessione sciasciana. Rispondendo sul quotidiano L’Ora alle critiche che il saggio gli procurò, Sciascia sottolinea proprio quest’aspetto: dove non c’è religione non ci sono rivoluzioni religiose: e un popolo che non ha fatto una rivoluzione religiosa difficilmente farà una rivoluzione civile. E la storia e la condizione della Sicilia l’abbiamo sotto gli occhi: per come volevasi dimostrare. (SR, p. 51)

15 La religiosità è dunque una premessa alla rivoluzione civile. La condizione dell’uomo religioso è quella dell’uomo solo, che quotidianamente si scontra con un mondo che nega la religiosità. Questa immagine, che definisce per intero l’opera di Sciascia, la ritroviamo proiettata su due autori a lui molto cari: il primo, Pirandello, connesso alla figura paterna9; il secondo, Pasolini, figura fraterna10. In quella specie di summa della sua lunga riflessione su Pirandello che è l’Alfabeto pirandelliano (1989), Sciascia, riprendendo il discorso sull’irreligiosità dei Siciliani, sottolinea quanto drammatico e traumatico possa essere l’impatto di chi autenticamente sente e intende il cristianesimo nella sua essenza evangelica (a parte la trascendenza e la dottrina che la regge), con una realtà che di fatto visceralmente lo stravolge, lo nega. È, a guardar bene, quel che accade a Pirandello, anima naturaliter cristiana che si scontra con un mondo soltanto nominalmente […] cristiano. Perciò crediamo si possa agevolmente sostituire, e con vantaggio, nel discorso di Bontempelli Pirandello o del candore […] la parola cristianesimo alla parola candore (AP, p. 475. Corsivi nel testo).

16 Quanto sia significativa questa sostituzione lo si capisce facilmente considerando la centralità e il peso che la parola “candore” assume nell’opera di Sciascia che in questo passo definisce, più che quello di Pirandello, il proprio concetto di religiosità. L’immagine dell’uomo religioso che lotta, solo, contro una realtà che quotidianamente nega la religiosità, si ritrova poi proiettata anche su Pasolini: Pasolini è uomo religioso. Da religiosità, sicuramente. Da religione, forse. Tutte le sue dichiarazioni, tutte le sue prese di posizione in questi ultimi anni, muovono coerentemente da questo semplice fatto: che è un uomo religioso. […] Ora, il punto è questo: perché le reazioni di Pasolini suscitano tanta reazione? La sola scoperta che è un uomo religioso, non dovrebbe suscitarne: e sarebbe oltretutto tardiva. Anche a fare un passo più in avanti e a scoprire che la sua religiosità è religione, religione cattolica, in un paese cattolico la cosa non dovrebbe suscitare né meraviglia né sospetto né dileggio. A meno che, non si ritenga meraviglioso: sospetto e da dileggiare il fatto che tra milioni di cattolici nominali ce ne sia uno effettivo. (NDC)

17 Questa riflessione su Pasolini – e si noti en passant come il discorso sulla effettiva cattolicità non si restringa più esclusivamente alla Sicilia – avrebbe poi trovato

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sviluppo e compimento nella lettura dell’assassinio del poeta, in occasione del quale Sciascia parlò di “una morte in cui gli elementi ‘libertari’ sono sovrastati e annichiliti dagli elementi ‘cattolici’” (DDS, p. 778). Per essere compreso, il passo va integrato con una nota di diario, in cui si legge: “la sua morte […] io la vedo come una tragica testimonianza di verità, di quella verità che egli ha concitatamente dibattuto scrivendo, nell’ultimo numero del Mondo, una lettera a Italo Calvino” (NSN, p. 774). In quella lettera, Pasolini aveva denunciato il silenzio “cattolico” di Calvino e di altri intellettuali italiani, colpevoli ai suoi occhi di non essere intervenuti nella ricerca dei “perché” di una violenza giovanile sempre più diffusa, al fianco di chi quei “perché” cercava di spiegare. “Cattolico” il silenzio, dunque, in quanto complice del potere, di qualsiasi potere, il che è poi il cattolicesimo nominale denunciato da Sciascia. E proprio per opposizione a questo cattolicesimo di facciata si autodefiniva Pasolini: “Lascia che ti dica che non è cattolico, invece, chi parla e tenta di dare spiegazioni magari da vivo, e circondato dal più profondo silenzio” (LLIC, p. 180). Ecco: proprio in questa condizione di Pasolini, Sciascia poteva cogliere quella che secondo lui era la dimensione religiosa dell’uomo, leggendone la morte come un delitto perpetrato dallo stato inquisitore (cattolico e irreligioso) ai danni dell’eretico, che religiosamente lotta per la libertà. È in questo senso che secondo Sciascia la morte di Pasolini si configura come “una tragica testimonianza di verità”: la verità insita in quella denuncia del cattolico silenzio degli intellettuali che segna la condanna a morte dell’eretico. Pasolini, nell’ottica sciasciana, finisce così per rassomigliare al protagonista del racconto Morte dell’inquisitore, Fra’ Diego La Matina, condannato a morte dalla Santa Inquisizione: e – sottolinea Sciascia alla fine di quel libro – Diego La Matina non muore da martire, bensì “da uomo, che tenne alta la dignità dell’uomo” (MI, p. 705).

18 Come ha mostrato Claude Ambroise, che della questione si è lungamente occupato in un importante saggio11, la negazione del martirio è un elemento fondamentale nel tentativo di definire il concetto di religiosità in Sciascia. In relazione alla questione del martirio infatti, la riflessione di Sciascia sulla morte di Cristo è rivelatrice: “Ma è davvero il dramma del figlio di Dio fatto uomo che rivive, nei paesi siciliani, il Venerdì Santo? O non è invece il dramma dell’uomo, semplicemente uomo, tradito dal suo vicino, assassinato dalla legge?” (FRS, p. 1165). Il dramma di Cristo è terreno, il problema è giuridico e morale. Ma proprio il dramma della Passione, così inteso, suscita secondo Sciascia nel popolo siciliano un momento di autentico afflato religioso: ma in realtà si appartiene a una contemplazione della morte quale può esprimere un mondo assolutamente refrattario alla trascendenza. Se è possibile parlare di religione senza il trascendente, allora è religiosa questa contemplazione della morte che trova nella Passione la sua più acuta rappresentazione (FRS, p. 1166. Corsivi nel testo). Siffatta lettura della Passione, dove Cristo muore non da martire ma da “uomo che tenne alta la dignità dell’uomo”, rende conto di come il concetto di religiosità tenda in Sciascia a combaciare con il proprio moralismo.

19 Fu Pasolini a sottolineare come il moralismo meridionale di Sciascia si fondasse non sulla falsa morale cattolica (falsa “in quanto appartenente al mondo del potere”), ma “su una più arcaica morale dell’onore”, dalla quale derivava il “carattere civico” del moralismo sciasciano. Il giudizio sul mondo – dal quale secondo Pasolini derivava il sentimento che guidava i romanzi di Sciascia – era un “giudizio legale”, il “giudizio di un tribunale finalmente giusto”, che “formula la sua condanna” consultando “un codice ideale” (BCUS, pp. 2219-2224)12. Ebbene proprio la base manicheistica che fonda tale

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moralismo (la distinzione dei “buoni” dai “cattivi”), sommata all’implicito distacco di chi giudica, rende percorribile a Sciascia la via dell’umorismo. E di più: il fatto che moralismo e religiosità tendano in Sciascia a combaciare, spiega come l’umorismo per Sciascia non solo non si opponga alla religiosità, ma ne sia addirittura la più compiuta espressione stilistica.

20 Il discorso sulla religiosità ci ha messi insomma di fronte a due modi molto diversi di concepire il mondo e di rapportarsi alla realtà, a due modi molto diversi di concepire la letteratura. E, forse, un quadro sintetico di quest’analisi comparata si può ricavare dal ruolo che il dramma della Passione rispettivamente assume nell’immaginario dei due scrittori.

21 Abbiamo già osservato come nella riflessione di Sciascia si operi uno spostamento del focus: al centro del suo interesse non sta il dramma di chi muore, né la sofferenza della vittima, ma il dramma di chi, distaccandosene, contempla non senza sgomento la morte. Questa concezione della Passione come “contemplazione della morte” è intimamente connessa all’idea dello scrivere come morire, o – come amava ripetere Sciascia – “all’idea della letteratura come altra cosa che la vita, dello scrivere come disvivere” (NSN, p. 762)13. Da questo distacco dalla vita e da questa contemporanea vicinanza alla morte che è la letteratura secondo Sciascia è possibile cogliere tutto il senso della vita14: la letteratura in quanto “contemplazione della morte” è concepita dunque come una via razionale alla verità. Ed è proprio la riflessione sulla verità che secondo Sciascia attinge al momento più alto del dramma della Passione: Nel Vangelo di Giovanni, quando Gesù dice di essere venuto al mondo per render testimonianza alla verità, Pilato domanda: “Che cosa è la verità?” […] Il potere ne vuole spiegazione allo stesso modo che della menzogna in cui si inscrive può darne. Pilato domanda. Gesù non risponde. (NSN, pp. 814-815) Risponde invece Sciascia: “alla domanda di Pilato – Che cos’è la verità? – si sarebbe tentati di rispondere che è la letteratura” (NSN, p. 815). Letteratura e verità, dunque, come negazione della menzogna, come negazione razionale del potere.

22 Questa concezione illuministica della letteratura, caratterizzata dalla fede nella ragione e dall’amore per la verità, è incompatibile con la religiosità di Pasolini. Recensendo se stesso, questi infatti notava: Parlando genericamente […] si potrebbe […] dire che Pasolini ama la realtà: ma, parlando sempre genericamente, si potrebbe forse anche dire che Pasolini non ama – di un amore altrettanto completo e profondo – la verità: perché forse, come egli dice, “l’amore per la verità finisce col distruggere tutto, perché non c’è niente di vero”. (PRP, p. 2580)

23 L’amore per la verità – nel senso assoluto e non relativo del termine – in quanto frutto del razionalismo borghese è di per sé dissacrante, in quanto irrispettoso del fragile mistero del sacro. Ed è proprio questa concezione “ierofanica” della realtà che porta Pasolini a vedere nella Passione la rappresentazione di un martirio: il martirio dell’esistenza profanata dall’“uso aberrante e mostruoso” della razionalità. In questo senso l’ultimo film di Pasolini, Salò o le centoventi giornate di Sodoma, altro non è che una colossale trasposizione del dramma della Passione nell’era del neocapitalismo. Al centro del film, l’urlo “Dio, perché ci hai abbandonati!15“, emesso da una delle vittime dell’orrendo razionalismo dei carnefici, rievoca l’urlo di Cristo sulla croce, nel momento che immediatamente precede la sua morte. Uno dei significati dichiarati del film è proprio la condanna del razionalismo illuministico, da cui la scelta di De Sade – ”questo meraviglioso provocatore che, attraverso la razionalità illuministica, ha

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dissacrato non solo ciò che che l’Illuminismo dissacrava, ma l’Illuminismo stesso, attraverso l’uso aberrante e mostruoso della sua razionalità” (EONS, pp. 2004-2005). Insomma, Pasolini interveniva con questo film per l’ennesima volta in difesa del sacro, esprimendo artisticamente un sentimento che aveva formulato negli Scritti corsari, e nel quale intravedeva la sola alternativa al dilagare del nuovo potere: “penso che – senza venire meno alla nostra tradizione mentale umanistica e razionalistica – non bisogna aver più paura – come giustamente un tempo – di non screditare abbastanza il sacro o di avere un cuore.” (SC, p. 159)

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TO “Trasgressione, omologazione: da Bataille a Pasolini, il linguaggio del sesso in alcuni esegeti di Sade”, Nuova corrente, a. 51 (2004), n. 133 (gennaio-giugno), pp. 23-54.

NOTE

*. Ringrazio Tatiana Crivelli per la paziente rilettura e le sempre attente e preziose osservazioni critiche. *. * Da notare il titolo affibbiato dal titolista del Corriere, e che esprime esattamente il contrario del senso dell’articolo sciasciano. 1. Cfr. in particolare il seguente passo: “D.: Ciò che Lei esprimeva già in maniera diversa dicendomi che da bambino in poi la natura non ha mai cessato di apparirle “ierofanica”; P.: È proprio strano, vede, ero convinto di avere inventato io l’aggettivo, e invece mi sono imbattuto in questa terminologia in un’opera di Mircea Eliade, che tratta della storia dei miti; D.: Nell’Eterno ritorno, o nell’Aspetto del mito?; P.: Nella Storia delle religioni. Egli dice esattamente la stessa cosa: che la caratteristica delle civiltà contadine, e quindi delle civiltà sacre, è di non trovare la natura “naturale”. Mi pare, sotto questo aspetto, di non aver fatto altro che riscoprire una cosa già conosciuta.” (SoCe, p. 1480. Corsivi nel testo) 2. Cfr. M. Eliade (SP, p. 18). Per un’analisi più approfondita e articolata del concetto di sacro in Pasolini cfr. G. Conti Calabrese (PS). 3. “Cosa volete immaginare di più rivoluzionario nella Chiesa, nella Chiesa che si è sempre posta come autoritaria, come paternalistica, come dogmatica e come antiliberale e antidemocratica nel fondo?” – proseguiva Pasolini. 4. Cfr. OCNY, p. 620: “apprendo a sorridere di me stesso, come usano fare le autorità”. Ma anche SoCe, p. 1443: “Gli eroi non hanno mai il senso dell’umorismo, a differenza delle persone autorevoli.” 5. Sul rapporo di Pasolini con l’istituzione ecclesiasitca cfr. G. Conti Calabrese (PS, in particolare pp. 27-51). 6. Nel film Medea il Centauro osservando la natura intorno a sé dice: “eh sì, tutto è santo, ma la santità è insieme una maledizione: gli dèi che amano nel tempo stesso odiano.” Giuseppe Conti Calabrese (PS, p. 88) a proposito di Petrolio parla di un “Dio” che “rivela la sua duplicità non integrabile, ma coesistente e inintelligibile nei suoi opposti caratteri”. 7. Proprio riferendosi a questo passo, Sciascia nell’Affaire Moro si domanda: “e come si può adorare ciò che strazia?” 8. Sulla natura del cristianesimo di Sciascia e sul suo rapporto col cattolicesimo si veda anche G. Giudice (LSSR, pp. 81-102). Secondo Giudice quello di Sciascia “è un cristianesimo laico, non evangelico, vissuto a un livello intellettuale distaccato, aristocratico, attraverso Manzoni, Pascal e anche Bernanos e Graham Greene” (ibidem, p. 97). 9. Cfr. CSC, p. 18: “Con questo mio stretto conterraneo ho avuto, si può dire, un rapporto molto somigliante a quello del figlio col padre. Anche il fascismo di Pirandello lo vedo oggi come un errore del padre, che il padre (e anche mio padre che lo è stato per quieto vivere) non poteva non fare.”

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10. Famose le pagine che aprono L’affaire Moro e in cui tra l’altro si legge: “Fraterno e lontano, Pasolini per me. Di una fraternità senza confidenza, schermata di pudori e, credo, di reciproche insofferenze.” Ma si veda in proposito il bell’articolo di A. Sofri (SSR). 11. Cfr. C. Ambroise (P). Ambroise giustamente sottolinea come l’opera di Sciascia sia pervasa dalla volontà di “negare fino in fondo l’ideologia della Passione. Niente, nessun ideale, per quanto giusto, nessun progresso, deve poter giustificare, dar senso positivo al supplizio. La ragione non ha bisogno di redentori” (ibidem, p. 133). 12. Per una dicussione di questo giudizio pasoliniano si veda in particolare G. Traina (APSP). 13. In una acuta analisi Ambroise coglie nei testi di Sciascia l’intenzione di “piegare la scrittura a contemplazione della morte. La scrittura – la prassi scrittoria di Sciascia – quale viene restituita dal testo, coincide con la volontà di cogliere il farsi della morte in un uomo e cioè la sua Passione […] di un voler far coincidere la scrittura e il morire. La scrittura diventa allora coscienza del morire, del vivere morendo” (P, p. 129). 14. Il punto del “vivere disvivendo” corrispondeva secondo Sciascia al “punto […] più vicino alla morte ma in cui si raccoglie tutto il senso, tragico quanto si vuole, della vita” (cfr. QDLS, p. XVII). 15. Già Sciascia, recensendo il film su “Rinascita”, ne aveva colto la chiave in questa frase (cfr. DDS, p. 777). Ma si veda ora il bel saggio di A. Tricomi (TO).

AUTORE

ALESSANDRO BOSCO Universität Zürich

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L’enfer d’un monde sans religion : les derniers textes de Pasolini

Lisa El Ghaoui

1 La thématique religieuse, dans l’œuvre de Pasolini, est omniprésence : des toutes premières compositions poétiques jusqu’au dernier roman inachevé Pétrole, chacun de ses textes, chacun de ses films se réfère, le plus souvent de manière directe et explicite, à la religion. Celle-ci peut se décliner en sentiment religieux, sens du sacré, questionnement sur l’existence de Dieu, mais c’est bien la religion en tant que telle, et pouvons-nous dire essentiellement la religion catholique, qui restera, pour Pasolini, tout au long de sa vie, la pierre de touche lui permettant de définir sa foi, son éthique mais aussi son identité, son engagement, ses sentiments et sa place dans la société. Les nombreux thèmes qui s’y rattachent (l’opposition entre la « religion d’État » et la « religion individuelle », les rapports entre le sacré et le profane, la découverte d’autres cultes religieux…) ne font, à nos yeux, que renforcer la fascination et l’attachement primordial à cette religion catholique, dans sa dimension « naturelle » et paysanne que Pasolini découvre durant son enfance et qui restera toujours liée aux paysages vierges de Casarsa, à ses habitants simples et pieux.

2 Si la magie exercée par les rites religieux continuera à fasciner Pasolini tout au long de son œuvre, les représentants de la religion à occuper une place de premier ordre dans ses textes et son cinéma, il explique, dans un entretien avec Dacia Maraini, que sa foi s’ébranle à l’âge de quatorze ans : « improvvisamente, a quattordici anni, a Bologna ho fatto il salto qualitativo. […] Ho smesso di credere in Dio. Tutto insieme1. » Il relie, dans ce même entretien, cette « déconvertion » à la découverte du théâtre de Shakespeare. C’est peut- être le rapport que l’homme entretient avec son destin dans les tragédies shakespeariennes qui fait vaciller la foi de notre poète. Il comprend alors que la religion doit être une conquête de l’esprit et non pas une imposition issue d’une institution puissante et liberticide.

3 À partir de cette « déconvertion », Pasolini n’aura de cesse de revendiquer son athéisme et d’opposer la religion à la liberté. Il écrit, par exemple, dans le texte La realtà : « non conosco / il vostro Dio, io sono ateo: prigione / solo del mio amore, per il resto libero, / in ogni mio giudizio, ogni mia passione2. » Lorsqu’un journaliste lui demande, après

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la projection de L’Évangile selon saint Matthieu, s’il croit en Jésus-Christ le fils de Dieu, il répond : « ovviamente no ». Ces déclarations catégoriques contiennent, comme c’est souvent le cas dans les déclarations pasoliniennes, une part de provocation non négligeable, qui invite l’interlocuteur ou le lecteur à s’interroger sur la nature de ce lien qui unit le poète à la religion, cet étrange « amour impossible » qui se décèle derrière chaque déclaration d’athéisme, chaque blasphème, chaque hérésie.

Quelle religion ?

4 La religion, au même titre que le corps, le sacré ou la réalité fait partie de ces termes- clé qui ponctuent de leurs significations multiples, polyvalentes, ambiguës bien souvent indéfinissables, l’ensemble de l’œuvre de Pasolini. La portée de ces notions (qui sont au cœur d’un grand nombre de discours et de représentations) dépasse largement les domaines strictement littéraires ou artistiques ainsi que leur champ ou discipline d’appartenance. De ce fait, le terme « religion », dans le corpus pasolinien, se réfère bien sûr au domaine théologique, à l’église, à la foi, au sacré, mais il est le plus souvent employé pour désigner tout un ensemble d’éléments qui s’éloignent sensiblement du sens premier, s’en détournent ou encore le nient. L’hérésie, le blasphème, le sexe ou certaines déviances comportementales telles l’anthropophagie peuvent alors faire partie de l’ordre du religieux au même titre que les rites ou les prières. Nombreux sont, en effet les textes qui se fondent sur le blasphème et l’hérésie – comme, pour ne citer qu’un exemple, I Turcs tal Friùl : « ci sarebbe da bestemmiare, fratello. Bestemmiare questa vita, bestemmiare il Signore e bestemmiare te e tutti quelli che stanno qui come te a pregare e a patire3 » – et pourtant Pasolini n’a jamais cessé, tout au long de sa vie, de se reconnaître dans la figure du Christ, de lire l’histoire des religions, d’écrire des textes prophétiques, de parler de religiosité du monde, de sacralité du corps, de mystère de la nature, de réalité hiérophanique, de sexualité rituelle… L’hérésie n’étant – et c’est là que se situe toute l’originalité de ce que l’on pourrait appeler « le paradoxe religieux » pasolinien – qu’un moyen de convoquer le sacré. Ainsi, il déclare en 1974, dans une conversation avec G. Bachmann : « ogni benedizione equivale a una maledizione. Quindi ogni bestemmia è una parola sacra4. » La phrase que prononce à trois reprises l’homme du désert dans le film Porcherie tourné en 1969 illustre de manière exemplaire cette idée : « ho ucciso mio padre, mangiato carne umana e tremo di gioia. » Une phrase aux accents liturgiques, prononcée dans un cérémonial qui transgresse tous les tabous (ce personnage, incarné à l’écran par Pierre Clementi, se signe avant de manger ses victimes).

5 Ce n’est pas par simple esprit de contradiction, pure provocation ou goût du scandale que Pasolini intègre dans le domaine religieux ce qui relève généralement du profane, du tabou, de l’hérésie mais plutôt parce qu’il place à la base de toute expérience religieuse le corps dans sa matérialité plus profonde. Quatorze ans, c’est l’âge où il cesse de croire en Dieu, mais c’est aussi l’âge où son corps s’anime d’une chaleur déroutante : « Cutuàrdis àins! / cuaàrp cialt di belessa! / I tociavi la me cuessa / sot li plejs lìmpiis da la barghessa5. » La découverte du désir et sa représentation impliquent le refus de Dieu, de ce Dieu gardien du dogme. Commence alors une longue série de rapports conflictuels et ambigus avec la religion d’État. Il suffit, pour illustrer les relations complexes que Pasolini entretient avec les représentants de la religion catholique, de se référer aux nombreux procès qu’il a subis pour « vilipendio alla religione di stato » notamment pour

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les films La ricotta ou Théorème, ou encore lire ses pamphlets contre les représentants de l’Église dont l’épigraphe au Pape Pie XII est un parfait exemple : Lo sapevi peccare non significa fare il male: non fare il bene, questo significa peccare. Quanto bene tu potevi fare ! E non l’hai fatto: Non c’è stato un peccatore più grande di te6.

6 Certains passages de ses romans ont été violemment critiqués par les institutions religieuses, notamment Ragazzi di vita où des jeunes habitants des banlieues romaines affrontent des questions théologiques avec une ironie irrésistible, une innocence scandaleuse et blasphématoire qui illustrent à quel point les dogmes religieux sont éloignés de leur réalité quotidienne : “dimme na cosa, tu ce credi a Maria, quella che chiamano la Madonna, llà?”, “Boh, che ne so, rispose pronto il Lenzetta, nun l’ho vista mai!” […]. “Che voi ce credete, a sor maè?” […] “E tu ce credi, su sto fatto, a morè?” chiese eludendo la domanda. Il Riccetto tutto soddisfatto partì: “Bisogna vede,” fece, “secondo li punti di vista… come donna umana può pure essere esistita, dal punto di vista della santità e della verginità può anche esse de no… Della santità, può anche esse vero, ma della verginità! Mo hanno inventato i fatti de li fiji artificiali co le provette, ma se pure na donna fa li fiji co le provette, vergine nun ce rimane… Poi c’avemo la fede verso Cristo, verso Dio, verso tutti questi… E se te metti sul raggionamento della fede allora ce credi, alla verginità della Madonna, ma scientificamente io per me credo che nun se possa dimostrà…” Guardò gli altri tutto soddisfatto, come sempre quando ripeteva questo pezzo, che aveva imparato da un giovanotto di Tiburtino e pareva in campana a prendere pure a cazzotti uno che lo venisse a contraddire. Il Lenzetta s’attaccò invece con tutte e due le mani al bordo dei tavolini, e cominciò a fare “pff pff pff”, che parevano sbruffi di vapore che uscivano di sotto un coperchio chiuso male. “Me pari un reggista”, fece, trattenendosi a fatica dallo sbottare completamente a ridere. “A ignorante testa de c…” fece il Riccetto, sentendosi giustamente offeso. “Ma fàmose n’antro mezzo litro”, gridò il Lenzetta, e gli tese la mano, “te sta bbene?”7.

7 Les idées de ces jeunes gens sont confuses mais elles posent la question centrale de la virginité, et donc de la sexualité, dans le débat religieux, et indirectement la question de l’incarnation de la divinité : Jésus est du reste le fils d’une « donna umana », problématique qui sera au cœur de L’Évangile selon Saint Matthieu tourné en 1964.

8 Nous ne nous attarderons pas sur distinction si fréquemment établie entre la Religion et les institutions religieuses ni sur l’opposition récurrente entre l’univers archaïque et sacré des rites anciens et le monde rationnel et pragmatique de la modernité (dont l’affrontement entre Jason et Médée que Pasolini met en scène dans Médée est une parfaite métaphore), mais plutôt, et c’est là que se situe à nos yeux la spécificité de l’œuvre pasolinienne, sur la notion « d’expérience religieuse » qui est à la base de sa manière d’appréhender la réalité et de la représenter.

9 La religion pasolinienne a, en apparence, peu de choses à voir avec la religion au sens large, car notre auteur parle très rarement d’une vie après la mort, de la possibilité d’un au-delà, de la distinction entre l’âme et le corps, ou spécifiquement de l’existence de Dieu… Il déclare d’ailleurs au sujet de sa formation religieuse : La mia formazione religiosa è per così dire inesistente. Mio padre non credeva in Dio. Certo andava a messa la domenica, ma era solo per rispetto verso un’istituzione che garantiva l’ordine costituito. […] La famiglia era “religiosa” ma senza bigotteria. Mia madre aveva le tradizioni religiose della maggior parte del contadini. La sua fede era continuazione della sua poesia, o come dicono i teologi, una religione

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naturale. Non sono stato quindi sottomesso ad alcuna pressione religiosa, né sono stato condizionato da alcuna educazione cattolica. Le uniche occasioni per marinare la scuola di cui abbia goduto, me le son concesse ai danni del catechismo. Il collegio religioso mi appariva come il peggiore degli ergastoli. Gli studi secondari li ho fatti al liceo Galvani di Bologna: un liceo la cui tradizione laica ha non poco contribuito a fare di me un miscredente nel significato più letterale del termine8.

10 Mais la religion pasolinienne se fonde sur une série d’éléments que l’on retrouve dans toutes les religions : une foi inébranlable, un certain nombre de rites ou de pratiques religieuses et un référent exemplaire incarnant l’idéal religieux : la figure du Christ. La foi de Pasolini ou plutôt ce que l’on pourrait définir son « sentiment religieux » repose sur un double postulat : 1) la vie est profondément mystérieuse et sacrée ; 2) la réalité par sa nature même, sans l’intervention d’une divinité quelconque, est hiérophanique. « Tutto è santo, tutto è santo » dit le Centaure à Jason dans le prologue de Médée, « non c’è niente di naturale nella natura. Quando la natura ti sembrerà naturale, tutto sarà finito ». On peut remarquer ici un certain anachronisme qui montre que le concept de sainteté est atemporel chez Pasolini puisqu’il ne se réfère pas uniquement à la religion catholique mais aussi aux cultes païens.

11 En ce qui concerne la pratique de cette religion, elle est essentiellement intime et personnelle et repose sur une attitude contemplative qui place au centre de toute perspective le corps. Comme l’explique à juste titre Giuseppe Conti Calabrese dans son texte Pasolini e il sacro : « quello che interessa Pasolini è la rilevanza fenomenologica della manifestazione divina indipendentemente da qualsiasi confessione, credenza e istituzione religiose9. » La contemplation permet de revenir à une relation sensible, poétique, religieuse avec le monde, mais aussi de poser un regard innocent sur la nature. Elle consiste, comme l’écrit Bergson, à « s’immerger dans une manière virginale en quelque sorte de voir, d’entendre, de penser10 ». Cette attitude est traduite, dans le cinéma de Pasolini, par l’utilisation des gros plans qui figent les visages et les encadrent comme des « pale d’altare », ou encore des lents panoramiques qui dévoilent les paysages en attendant que le sacré s’y révèle. Il déclare, à propos de sa manière de tourner : « Quando giro un film, mi immergo in uno stato di fascinazione davanti a un oggetto, a una cosa, un viso, gli sguardi, un paesaggio come se si trattasse di un congegno in cui stesse per esplodere il sacro11. » La contemplation est donc pour lui l’attente d’une révélation. Elle est essentiellement une attitude muette, mystique – au sens étymologique du terme : se taire, être silencieux – une approche expérimentale du divin qui serait par nature incommunicable. La révélation, quant à elle, est ce phénomène « par lequel des vérités cachées sont révélées aux hommes d’une manière surnaturelle12 ». Ce que veut montrer Pasolini, c’est que le surnaturel se manifeste dans la simple présence charnelle de l’être humain. La rencontre avec le divin se faisant à travers cette approche expérimentale qu’il assimile au mysticisme : « io sono propenso a un certo misticismo » déclare-il dans une interview accordée à Jean Duflot, ad una contemplazione mistica del mondo. Ma questo è dovuto a una sorta di venerazione che mi viene dall’infanzia, d’irresistibile bisogno di ammirare la natura e gli uomini, di riconoscere la profondità là dove altri scorgono soltanto l’apparenza esanime, meccanica delle cose13.

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Expérience religieuse et expérience sexuelle

12 La figure du Christ a une importance centrale dans l’œuvre de Pasolini même s’il déclare ne pas croire au Christ en tant que fils de Dieu : « sebbene la mia visione del mondo sia religiosa, non credo alla divinità di Cristo » (ibidem). C’est en effet sa dimension humaine, charnelle qui retient son attention. Le corps du Christ, en tant que lieu de son insertion dans le monde, vient mettre un terme à l’opposition entre l’âme et le corps puisqu’il réalise leur parfaite conjonction. L’image du Christ souffrant, offert sur la croix, si fréquente dans les textes et films de Pasolini, indique en ce sens que l’on ne peut atteindre personne sans l’intermédiaire d’une corporalité. « Ci sono cose », écrit-il dans son dernier roman Pétrole, « anche le più astratte o spirituali – che si vivono solo attraverso il corpo14 ». La chose qui fascine peut-être le plus Pasolini est que le Christ ait choisi son corps dans la transsubstantiation comme instrument de dialogue avec le croyant.

13 Dans la période qui nous intéresse de près, la production des années 1970, le motif christique de l’engagement dans le monde par l’intermédiaire du corps va progressivement céder sa place à l’expérience religieuse issue de l’expérience sexuelle. Dans de nombreuses cultures, la sexualité a été interprétée comme impliquant une relation au sacré ou au divin. L’homme y sort de son état ordinaire pour accéder à un état « extraordinaire », quasi extatique, dans lequel il a le sentiment d’outrepasser ses limites, de parvenir aux confins extrêmes du relatif, de toucher aux sources de la vie et de la mort, de frôler en quelque sorte l’absolu. Cette « expérience intérieure », comme la nomme Bataille, est le thème central de Pétrole. Pasolini y décrit les effets exceptionnels du sexe, qui se propagent dans l’ensemble du corps : « tutto il corpo si Carlo fu contagiato da quel contatto », « a Carlo parve di sprofondare nella terra per lo stupore », « fece appena in tempo a vedere l’apparizione ». Les rencontres sexuelles du protagoniste Carlo ressemblent à des moments d’extase religieuse permettant d’atteindre une/la vérité.

14 Il y a des affinités profondes entre l’érotisme et le sentiment religieux, car tout comme la religion, l’érotisme est l’un des aspects de la vie intérieure de l’homme qui remet tout l’être en question. Bataille explique à ce sujet que l’expérience intérieure de l’érotisme demande à celui qui la fait une sensibilité non moins grande à l’angoisse fondant l’interdit, qu’au désir menant à l’enfreindre. C’est la sensibilité religieuse qui lie toujours étroitement le désir et l’effroi, le plaisir intense et l’angoisse15.

15 Pour Pasolini, comme pour Bataille, le sacré déborde donc du domaine de la religion, comme on peut le lire dans cette description du sexe d’un des jeunes garçons qui couche avec Carlo, le protagoniste : [Carlo si staccò, e guardò, a pochi centimetri dal suo naso, il cazzo di Sandro: così, già un po’ molle, sembrava ancora più enorme;] e poi c’era il lucido del seme e della saliva, che davano al pimento della sua pelle una specie di livore bestiale e un po’ osceno: e tuttavia quell’unto aveva qualcosa di sacro. Carlo alzò ancora una volta un attimo gli occhi sul viso di Sandro. Fu un altro attimo pari a un secolo di contemplazione16.

16 L’utilisation du participe passé « unto » évoque certains rites religieux où l’on fait une onction sur une partie du corps avec les huiles saintes pour bénir ou sacrer. Ici, c’est le corps (et plus exactement le sexe) qui produit l’onguent sacré, qui est source de sacralité. L’apparition de cette chose sacrée est alors de l’ordre du miracle. Pasolini

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décrit dans ces pages le caractère à la fois immanent et transcendant de l’expérience corporelle.

17 Comment expliquer cette place prépondérante occupée par le sexe dans les dernières œuvres de Pasolini ? Elle doit se lire à la lumière de la progressive disparition du sentiment religieux issu des nouvelles valeurs dérivées de la société de consommation. À partir des années 1970, Pasolini est conscient de vivre dans une époque qui a perdu le sens du sacré, qui a éliminé « la sacralità del sacro ». Il explique dans La divina Mimesis17, que la nouvelle religiosité se base, paradoxalement, sur l’absence de religion : « Mancanza di religione: questo è il grande peccato dell’ epoca dell’odio. E infatti in nessun’altra parte dell’inferno vedrà tanta gente. Le masse, amico mio!, che hanno eletto a religione il non voler averne, senza saperlo18. » Pasolini relie cette absence de religiosité à l’intégration des choses intimes, privées et sexuelles dans la vie politique. Le sexe, désacralisé, libéré, exhibé dans un faux-semblant de liberté cesse d’être une valeur de scandale pour devenir un banal objet de consommation et de pouvoir. Dans Salò, les quelques images religieuses qui apparaissent dans certaines scènes (le tableau de la vierge et l’enfant, la statue d’une sainte) ne sont plus que des symboles poussiéreux d’une époque révolue, des symboles qui assistent impuissants au masacre des corps, à la négation du désir, au plaisir comme impératif. Salò décrit l’enfer d’un monde où la sacralité du corps est définitivement bafouée, l’enfer d’un monde sans religion. De plus, les corps transformés par la société de consommation et les modes (Pasolini cite l’exemple des cheveux longs portés par les garçons dans ses Scritti corsari19) ne sont plus « divins » c’est-à-dire désirables. Le sacré ne se révèle plus dans ces corps-mutants dénaturés et violés par la mode qui les uniformise. Il écrit dans Pétrole : « era la fine del 1969. Tutti quei giovani parevano appena rinati in una nuova forma20 », « il loro ascettico non odorare di nulla, rende quei sessi, schifosamente, della povera carne, dei deboli ciondolanti organi anatomici » (ibidem, p. 367), « [quei corpi] sono divenuti totalmente, ineluttabilmente, impoetici » (ibid., p. 373), Ces changements sont perçus par Pasolini comme une véritable dégradation, un enlaidissement radical : « quella massa di gente sciamava per quella vecchia strada senza il minimo prestigio fisico anzi fisicamente penosa e disgustosa » (ibid., p. 503). Il utilise le terme « genocidio » pour illustrer la dimension irréversible et violente de ces transformations : « soltanto chi ama soffre nel vedere che le persone amate cambiano. Non si tratta di un semplice cambiamento ma di un vero e proprio genocidio » (ibid., p. 378). La religion subit la toute puissance de ce nouveau pouvoir. Si elle avait pu lui servir pendant un temps et être son alliée elle est à présent totalement obsolète : Di colpo, ora la Chiesa risultava superata, abbandonata, inutile, ingombrante. Quelle culture reali (particolari, popolari) erano sparite (o in via di sparizione). Era stato il potere stesso a distruggerle; e, con esse, a distruggere la Chiesa. Il tipo di vita predicato da quel potere (ogni giorno, ogni ora, ogni momento della vita), era completamente irreligioso. Niente – per tutti quegli anni – poteva essere considerato al mondo più irreligioso, per esempio, della televisione. Nel video passavano è vero, assai spesso, inaugurazioni ufficiali con la presenza di un ridicolo vescovo; si vedevano ancora più spesso cerimonie religiose, [col Papa stesso] ecc. Ma tutto ciò non era che rappresentazione di parate del potere: Religione di Stato. In realtà la televisione predicava quotidianamente, ora dopo ora, il puro edonismo; il suo slancio era tutto in direzione della realizzazione del benessere e del consumo. (Ibidem, p. 502)

18 Face à la politisation du corps qui se précise et se radicalise dans les années 1970, face à l’hédonisme tout puissant qui a rendu la sexualité inoffensive, déculpabilisée, « libérée », Pasolini réaffirme l’impossibilité de réduire la volupté, l’intime, le sacré au

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social, au politique. Il revendique, dans ses derniers textes, la singularité, l’irréductibilité de l’érotisme, le charnel étant pour lui toujours plus que de l’organique, du somatique ou du politique, le corps exprimant, à chacune de ses apparitions, une profondeur de présence, un mystère en même temps qu’une révélation. Comme l’indique Xavier Lacroix dans son texte Le corps de chair : Dans la jouissance sexuelle en particulier, qui a pu être qualifiée d’« expérience d’incarnation », chaque sujet éprouve la présence charnelle de l’autre comme telle et, grâce à celle-ci, la sienne propre. Or, il se trouve qu’un tel paroxysme d’expérience de la chair comme chair est corrélativement la situation où se pose, de la façon la plus aiguë, la question de la présence du spirituel21.

19 Religion et sexualité trouvent ainsi leur point de jonction. L’unique façon d’échapper à l’enfer d’un monde désacralisé consisterait donc à retrouver dans l’intimité charnelle l’étincelle divine, l’expression du sacré.

NOTES

1. D. Maraini, E tu chi eri? Interviste sull’infanzia, Milano, Bompiani, 1973, p. 266. 2. P. P. Pasolini, La realtà, in Tutte le Poesie, Milano, Mondadori, 2003, p. 1114. 3. P. P. Pasolini, I Turcs tal Friùl, in Teatro, Milano, Mondadori, I. Meridiani, 2001, p. 104. 4. Citation tirée d’une conversation avec G. Bachmann, du 13 Septembre 1974 : « La perdita della realtà e il cinema inintegrabile » reportée in Il cinema in forma di poesia (1958-1967) a cura di L. De Giusti, Pordenone, Edizioni Cinemazero, 1979, p. 156. 5. P. P. Pasolini, Pastorela di Narcìs (1944-1949) in Poesie a Casarsa, in Tutte le Poesie, Milano, Mondadori, 2003, p. 70. « Quatorze ans ! corps chaud de beauté ! Je me touchais la cuisse, sous les plis limpides du pantalon. » 6. P. P. Pasolini, A un Papa (1958), in La religione del mio tempo, in Tutte le Poesie, op. cit., p. 536. 7. P. P. Pasolini, Ragazzi di vita, Milano, Garzanti, 1955, p. 124-125. 8. P. P. Pasolini, Il sogno del centauro, a cura di J. Duflot, Roma, Editori Riuniti, 1982, p. 31. 9. G. Conti Calabrese, Pasolini e il sacro, Jaca Book, Milano, 1994, p. 91. 10. H. Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique (1901), Paris, PUF, 2002. 11. P. P. Pasolini, Il sogno del centauro, op. cit., p. 95. 12. Définition tirée du Petit Robert. 13. P. P. Pasolini, Il sogno del centauro, op. cit., p. 32. 14. P. P. Pasolini, Petrolio, Torino, Einaudi, 1992, p. 262. 15. G. Bataille, L’érotisme in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1987, p. 33. 16. Petrolio, op. cit., p. 205. 17. Texte qu’il commence à rédiger en 1963 et qui sera publié pour la première fois en 1975. Il s’agit d’une sorte de réécriture de La Divine Comédie, en prose, composé de notes et de fragments, décrivant un voyage dans l’enfer néocapitaliste. 18. P. P. Pasolini, La divina mimesis, Torino, Einaudi, 1975. VII canto. 19. P. P. Pasolini, 7 gennaio 1973 – Il discorso dei capelli in Scritti corsari, Milano, Garzanti, 1990. 20. P. P. Pasolini, Petrolio, op. cit., p. 191. 21. X. Lacroix, Le corps de chair, Paris, Éd. du Cerf, 1992, p. 13.

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AUTEUR

LISA EL GHAOUI Université Stendhal – Grenoble 3

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San Paolo secondo Pasolini: ascesi e organizzazione

Silvia Giuliani

1 La categoria del sacro costituisce una costante intrinseca1 della visione del mondo pasoliniana ed estrinseca (intesa cioè come contenuto o messaggio di un’opera) della produzione dell’autore fin dai suoi esordi, categoria che si dipana attraverso una complessa fenomenologia e che, se letta a 360 gradi, fornisce un’importante cartina tornasole della situazione sociale coeva e dell’approccio dell’autore a essa.

2 Già nella raccolta poetica Le ceneri di Gramsci il sacro compare a definire forme di vita barbare, impure: “Più è sacro dove più è animale il mondo” (Pasolini, 1975, pp. 43-512); spesso si rivela ai margini della normalità, nelle zone di periferia, nei “rifiuti del mondo” e si manifesta nel senso di stupore e di mistero che appartiene a culture escluse dal progresso, finendo per rappresentare ciò che si oppone alla mercificazione del mondo capitalista e borghese.

3 La lettura del Trattato di storia delle religioni di Mircea Eliade (Eliade, 1948) contribuisce, nella percezione di Pasolini, a radicare in modo ancora più saldo il sacro al mondo atavico contadino caratterizzato da una visione del tempo ciclica legata alla morte e alla rinascita, al raccolto e alla semina. In Medea la sacralità è rappresentata dai riti e culti barbarici legati ancora una volta alla fertilità da propiziarsi, se occorre, con sacrifici umani.

4 Ma soprattutto Pasolini riprende da Eliade il concetto di ierofania, come apparizione e mostrarsi del sacro nella natura in una sorta di immanenza, e scopre “l’immensità del mondo arcaico contadino” e “la matrice cosmogonica della sua religione” (Conti Calabrese, 1994, p. 10). Tale concetto è legato alla natura friulana con cui il poeta è a contatto nella sua giovinezza e al suo primo immergersi in essa.

5 Larga parte della produzione successiva dell’autore sarà dedicata alla ricerca del sacro ormai annullato dalla nuova cultura industriale che fagocita e livella ogni esperienza “altra”.

6 È proprio alla fine degli anni Sessanta che i due poli della questione si radicalizzano: il neocapitalismo e l’omologazione avanzano inesorabilmente; la seconda rivoluzione

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industriale e l’impero della tecnologia hanno ormai preso piede3 e in maniera inversamente proporzionale a essi si pone la richiesta e la comparsa del sacro in una società siffatta. L’inferno neocapitalista rischia di diventare “la storia di una originaria rimozione della sacralità del sacro” (Conti Calabrese, 1994, p. 18), fagocitata dalla “sacralità dei consumi” e delle merci come feticci, storia di cui Salò diventerà in seguito la più sconcertante e “scandalosa” metafora cinematografica.

7 Il problema che inquieta Pasolini è come in un’epoca così profondamente desacralizzata, nell’“Ordine Orrendo”, si possa ancora enunciare il sacro e l’enucleazione del problema diventa per lui tutt’uno, come si accennava, con l’ergersi a strenuo difensore di questo: “Io difendo il sacro perché è la parte dell’uomo che offre meno resistenza alla profanazione del potere, ed è la più minacciata dalle istituzioni delle Chiese.” (Duflot, 1970, p. 78)

8 Prima di addentrarci più a fondo nella riflessione di Pasolini sul sacro è necessario soffermarsi proprio sulla parola chiave “Chiesa” e chiarire la percezione che l’autore ha di questa istituzione. Parafrasando o citando stralci delle riflessioni pasoliniane diffuse qua e là negli Scritti Corsari (Pasolini, 1975b, pp. 14-17, 66-69) si può affermare che in passato la Chiesa è scesa a patti col diavolo facendosi strumento repressivo del potere: Dio, Patria, Famiglia, Virtù civili e familiari erano solo i pretesti dietro i quali il vecchio potere agiva indisturbato; ma il nuovo Potere non ha più bisogno di quei pretesti, ma solo di adepti del nuovo culto delle merci e di “un universo tecnicistico e puramente terreno in cui possa svolgersi secondo la propria natura il ciclo della produzione e del consumo”; la Chiesa, divenuta inutile al Potere, sta dunque per essere accantonata (insieme al sacro), dimenticata dal mondo, proprio come ammette lo stesso Paolo VI in un discorso di contrizione e ammissione di responsabilità dell’istituzione Chiesa. Questo il rimedio che l’autore propone per arginare la difficile situazione: In una prospettiva radicale, forse utopistica, o, è il caso di dirlo, millenaristica, è chiaro […] ciò che la Chiesa dovrebbe fare per evitare una fine ingloriosa. Essa dovrebbe passare all’opposizione. […] Dovrebbe passare all’opposizione contro un potere che l’ha così cinicamente abbandonata, progettando, senza tante storie, di ridurla a puro folclore. Dovrebbe negare se stessa, per riconquistare i fedeli (o coloro che hanno un “nuovo” bisogno di fede) che proprio per quello che essa è l’hanno abbandonata. (Pasolini, 1975b, p. 68)

9 È in questo contesto socio-politico-culturale che si colloca la sceneggiatura per un film dedicato a san Paolo, organizzata nella sua fase embrionale in materiale letterario, nella forma di appunti scritti di getto tra il maggio e il giugno 1968; la produzione fu inizialmente affidata alla Sanpaolo Film, ma a causa delle perplessità di don Cordero, allora direttore della compagnia, il progetto si arenò. Venne ripreso nel 1974 e ritoccato da Pasolini in vista della realizzazione da parte di nuovi produttori, ma anche in questo caso il progetto non ebbe successo. Il materiale relativo (sul quale si basa il presente lavoro), composto da un Progetto e un Abbozzo di sceneggiatura, è uscito postumo per i tipi di Einaudi nel 1977 col titolo di San Paolo.

10 Alla domanda posta da Bachmann in un’intervista del 1974 sui motivi della realizzazione del film, Pasolini risponde riportando ai nostri occhi tutta l’urgenza di una polemica dura, ma nello stesso tempo parenetica, nei confronti della situazione della Chiesa. Ecco dunque una tra le svariate dichiarazioni (spesso anche in contrasto tra loro secondo lo stile dell’autore) che ci fornisce indicazioni su come interpretare questo scritto singolare:

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Lo faccio – proseguiva Pasolini – proprio perché il Papa Paolo ha fatto un discorso di contrizione terribile […]. Dice chiaramente che ormai la società non ha più bisogno della Chiesa, la società provvede da se stessa ai suoi bisogni; e quindi dove interviene la Chiesa? Quali sono gli interventi che la Chiesa può fare in favore di qualcuno? […] La conclusione, poi, è misera: cioè, come ovviare a tutto questo? Pregando. E va bene, ma chi prega se la situazione si è messa in modo tale che nessuno prega più? Allora quello che mi fa rabbia è questo: ora che il potere borghese la esclude con tanto cinismo dopo essersi appoggiato su di lei per un secolo; ora che il potere borghese, dopo che l’ha sfruttata per tanti anni, non sa più che farsene e l’ha buttata a mare, la Chiesa dovrebbe cambiare radicalmente politica e passare decisamente all’opposizione. A questo punto, diventata religione vera, dovrebbe opporsi con violenza al potere, e invece non lo fa: allora, se mi ha fatto rabbia che per tanti secoli fosse asservita al potere, fosse potere essa stessa, mi fa più rabbia ora che tace in un momento in cui dovrebbe parlare, dovrebbe mettersi alla testa dell’opposizione, perché l’opposizione al nuovo potere non può essere che un’opposizione di carattere anche religioso […]. Anche il Papa non dovrebbe esserci più; la Chiesa dovrebbe rinnovarsi completamente, negarsi se vuol chiamarsi Chiesa nel senso etimologico della parola “ecclesia”, cioè adunanza di gente e non gestione dall’alto del Vaticano… (De Giusti, 1974, pp. 156-157)

11 Il materiale su san Paolo appare dunque da principio strettamente legato alla polemica contro la Chiesa portata avanti anche negli Scritti corsari.

12 Nonostante tutto Pasolini riconosce nella Chiesa, in quanto comunità organizzata di fedeli, l’eredità di un sentimento del sacro che, se pur dimenticato e fagocitato da altri valori, custodisce ancora il significato della sua origine e la chiave del suo destino. Affinché però al suo interno possa riemergere un rinnovato senso religioso è necessario che questa si neghi in quanto gerarchia teocratica e secolarizzata, unico modo per conservarsi intatta nei continui compromessi con i diversi sistemi di potere avvicendatisi nel corso dei secoli.

13 Procediamo ora con l’analisi diretta dello scritto e con le preliminari dichiarazioni dell’autore prima di trarre qualsiasi conclusione e verificare (o forse scoprire?) dove conduce la strategia del testo.

14 La novità del racconto cinematografico di Pasolini sta nella trasposizione della storia di san Paolo nel presente. In tale prospettiva “il mondo in cui vive e opera San Paolo è dunque quello del 1966 o 1967: di conseguenza è chiaro che tutta la toponomastica deve essere spostata” (Pasolini, 1977, p. 6)4. San Paolo, il fariseo (di famiglia romano- giudaica), è rappresentato come un borghese la cui caratteristica è di vivere in uno stato di “inconsapevole insincerità”. Le sue vicende cominciano sulla via di Damasco (nella versione pasoliniana Barcellona), la città dove si sono rifugiati Pietro e i suoi fedeli e dove Paolo chiede di continuare la sua persecuzione contro i cristiani. Per raggiungerla deve però attraversare il deserto, cioè le strade dell’Europa, e proprio in una di queste strade, “piene di traffico e dei soliti atti della vita quotidiana, ma perdute nel silenzio, Paolo è colto dalla luce. Cade, e sente la voce della vocazione” (Pasolini, 1977, p. 9). Così, dopo aver raggiunto Barcellona ed essersi unito agli altri cristiani, dà avvio all’“avventura della predicazione”, che si svolge in Italia e in particolare nella “moderna Roma, scettica, ironica, liberale”. Dall’Italia il suo viaggio prosegue poi verso nord dove avviene un’altra trasposizione: il sogno del Macedone diventa il sogno di un Tedesco che appare a Paolo e lo supplica, elencando tutti i problemi reali e le degradazioni morali che travagliano il paese, di mettersi in viaggio per la Germania. Paolo ubbidisce e si avvia “col passo veloce e sicuro del Santo, lungo una immensa autostrada che porta verso il cuore della Germania…” (Pasolini, 1977, p. 11). Arrestato,

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Paolo viene processato a Vichy, in luogo di Cesarea, ma chiede di essere giudicato a Roma, che diventa nella concezione pasoliniana la New York contemporanea. Così si esprime Pasolini per dare credibilità alla sua scelta: “Lo stato d’ingiustizia dominante in una società schiavista come quella della Roma imperiale può essere qui adombrato dal razzismo e dalla condizione dei negri.” Di fatto è il mondo della potenza, della ricchezza immensa dei monopoli, da una parte, e dall’altra dell’angoscia, della volontà di morire, della lotta disperata dei negri, che San Paolo si trova ad evangelizzare. E quanto più “santa” è la sua risposta, tanto più essa sconvolge, contraddice e modifica la realtà attuale (Pasolini, 1977, p. 12).

15 San Paolo viene rinchiuso infine in un carcere americano; condannato a morte, subisce il martirio nella strada di una metropoli, dove la gente passa e rimane indifferente “allo spettacolo della morte”. La rivoluzione di Paolo è frutto della sua “Parola”; ne consegue che, nonostante il cambio di scenario, Pasolini voglia che il centro di quella “santità” veicolata attraverso la parola rimanga integro: “Come ho già fatto per il Vangelo, nessuna delle parole usate da Paolo nel dialogo del film sarà inventata o ricostruita per analogia” (Pasolini, 1977, p. 5). Il lavoro risulta infatti costellato di citazioni tratte dalle lettere del Santo (e in minor misura anche dagli Atti degli Apostoli), inserite immodificate in un contesto moderno. Continua l’autore nel Progetto: Le “domande” che gli evangelizzati porranno a San Paolo saranno domande di uomini moderni, specifiche, circonstanziate, problematiche, politiche, formulate con un linguaggio tipico dei nostri giorni; le “risposte” di San Paolo, invece, saranno quelle che sono: cioè esclusivamente religiose, e per di più formulate col linguaggio tipico di San Paolo, universale ed eterno, ma inattuale (in senso stretto). Così il film rivelerà attraverso questo processo la sua profonda tematica: che è contrapposizione di “attualità” e di “santità” – il mondo della storia, che tende, nel suo eccesso di presenza e di urgenza, a sfuggire nel mistero, nell’astrattezza, nel puro interrogativo – e il mondo del divino, che nella sua religiosa astrattezza, al contrario, discende tra gli uomini, si fa concreto e operante. (Pasolini, 1977, p. 7)

16 Scendendo nei dettagli, il “plot narrativo” presenta una macro-contrapposizione tra due filoni che corrono paralleli e che vedono rispettivamente come protagonista il Paolo santo e il Paolo prete, ex-fariseo e fondatore della Chiesa cattolica (De Giusti, 1974, p. 159)5.

17 Il primo nella sua esperienza ascetico mistica, dall’accecamento alla meditazione nel deserto, dal martirio fino al “rapimento al Terzo Cielo”, viene descritto come creatura umile e malata, tormentata dal problema di Dio e dai patimenti che soffre in suo nome; a lui si lega la parte statica della trama: è solo a riflettere tra dolori fisici e morali nello studio di una casa borghese o in una stanza d’albergo. A lui vanno chiaramente le simpatie dell’autore. Il secondo, l’ex-fariseo (lo scritto si apre sul volto cinico di un Paolo che assiste impietoso al massacro di Stefano) è il Paolo che in una sequela di viaggi organizzativi, elettorali o catechistici si impegna a dettare le norme e le leggi alle nuove comunità cristiane: forte, sicuro di sé, fanatico fino all’antipatia.

18 L’attenzione dell’autore si concentra particolarmente proprio sul Paolo “prete” e sulle tappe che hanno condotto alla formazione della Chiesa come istituzione, in un cammino a ritroso che ne mostri gli errori e le tare ataviche già tutte presenti, secondo l’autore, a questa altezza cronologica: la sessuofobia, l’antifemminismo, l’organizzazione, le collette, il trionfalismo, il moralismo. Da un certo punto del racconto in poi il Santo viene del tutto perduto di vista; la funzione dell’apostolo è sostituita da quella di un “portaparola” che ripete idee sulla non inconciliabilità di carisma e istituzione. Si prendano a titolo di esempio alcuni passi della predicazione di

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Paolo a Genova (Corinto) in casa dell’adepta Priscilla, rivolta soprattutto ai non eletti, ai Gentili, che nelle intenzioni dell’autore corrisponderebbero nella modernità a una borghesia laica, liberale e materialista che ospita nel suo alveo molti intellettuali; proprio i commenti scandalizzati, critici e disincantati di costoro (rivolti oltre che al moralismo e fanatismo di Paolo, anche al suo essere “organizzatore”) dovevano costituire nelle intenzioni originarie un controcanto continuo alla predicazione di Paolo. Ecco le parole di uno degli apostoli durante la predicazione a Parigi: Il nostro è un movimento organizzato… Partito, Chiesa… chiamalo come vuoi. Si sono stabilite delle istituzioni anche fra noi, che contro le istituzioni abbiamo lottato e lottiamo. L’opposizione è un limbo. Ma in questo limbo già si prefigurano le norme che faranno della nostra opposizione una forza che prende il potere: e come tale sarà un bene di tutti. Dobbiamo difendere questo futuro bene di tutti, accettando, sì, anche di essere diplomatici, abili, ufficiali. Accettando di tacere su cose che si dovrebbero dire, di non fare cose che si dovrebbero fare, o di fare cose che non si dovrebbero fare. Non dire, accennare, alludere. Essere furbi. Essere ipocriti. Fingere di non vedere le vecchie abitudini che risorgono in noi e nei nostri seguaci – il vecchio ineliminabile uomo, meschino, mediocre, rassegnato al meno peggio, bisognoso di affermazioni e di convenzioni rassicuranti. Perché noi non siamo una redenzione, ma una promessa di redenzione. Noi stiamo fondando una Chiesa. (Pasolini, 1977, p. 114)

19 Agli occhi degli intellettuali Paolo “crea una legge e istituisce una Chiesa. È, soprattutto, un grande organizzatore. Metà mondo è ormai costellato dai suoi centri organizzativi. […] È un uomo estremamente pratico, un burocrate, un generale” (Pasolini, 1977, p. 95). E ancora: Egli è fondatore di Chiese: ha l’ossessione dell’istituire. […] Questo è niente: possibile piuttosto, che egli venga a predicare una chiesa clericale là dove, se si sente il bisogno di una chiesa, questa non può essere che ecumenica: e che se qualcosa essa deve insegnare, in linea di principio, non può essere che la resistenza all’autorità, a ogni genere di autorità? (Pasolini, 1977, p. 142)

20 A proposito di istituzioni c’è un altro interessante nucleo della trama che ci aiuta a capire la preferenza di Pasolini per il versante del “trasumanar” della figura paolina piuttosto che di quello dell’“organizzar” (il dilemma alla base della raccolta poetica del 1971 si ripropone in nuove forme nella figura di Paolo, che non a caso come vedremo è anche citata a più riprese nella raccolta) ed è costituito dalle sezioni di testo spesso in corsivo (aggiunte durante i rimaneggiamenti del ‘74) che descrivono l’impossessamento da parte di Satana dell’evangelista Luca affinché egli descriva negli Atti degli Apostoli l’organizzazione ecclesiastica che Paolo sta creando in modo da mettere in rilievo soprattutto gli aspetti più istituzionali e burocratici dell’operazione di Paolo, e nello stesso tempo l’altra faccia della fede, il potere temporale della Chiesa. Paolo, strumento operativo nelle mani di Satana, ha compiuto la sua volontaria-involontaria missione, ha fondato la Chiesa dotandola in potenza di tutte le efferatezze e gli abusi che non tarderà a perpetrare. Che Paolo ascenda pure gloriosamente al Terzo Cielo, ormai il suo dovere è compiuto: Egli [Satana] entra nel palazzo e sale all’appartamento di Luca. […] Luca riassume ghignando al suo capo la continuazione della storia di Paolo. Praticamente ormai il fine è raggiunto. La Chiesa è fondata. Il resto non è che una lunga appendice, un’agonia. A Satana non interessa il destino di Paolo: si salvi pure e se ne vada pure in Paradiso. Satana e il suo sicario sghignazzano soddisfatti. Luca si alza, prende da un mobiletto dello champagne e i due brindano ripetutamente alla loro Chiesa. Bevono e si ubriacano, evocando tutti i delitti della Chiesa: elenco lunghissimo di papi criminali, di compromessi della Chiesa col potere, di soprusi, violenze,

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repressioni, ignoranza, dogmi. Alla fine i due sono completamente ubriachi e ridono pensando a Paolo che è ancora là, in giro per il mondo a predicare e organizzare. (Pasolini, 1977, pp. 143-144)

21 Delineata con chiarezza la pars destruens del testo, nel percorso a ritroso verso la fondazione della Chiesa come istituzione, futura complice e detentrice del potere temporale, denunciati ab ovo i momenti che hanno portato all’attualità deprecata da Pasolini e condannato senza attenuanti il momento dell’“organizzar”, è però possibile individuare una pars construens che Pasolini extratestualmente suggerisce tramite la figura del Santo e la sua “parola” più duratura: si tratta di quella individuabile nella carità, concetto chiave della meditazione pasoliniana sulla Chiesa e nello stesso tempo marca principale della predicazione paolina.

22 Pasolini sembra infatti pensare a una ecclesia che attraverso la carità non solo possa riscoprire l’originario spirito di amore fraterno, ma anche quel particolare sentimento del sacro che solo potrebbe portarla a ripristinare (o più probabilmente a generare) costumi e consuetudini capaci di sottrarla e di renderla tenace avversaria del nuovo universo capitalistico; la nuova prassi di vita (rituale o meno) che sia in grado di mantenere desto il rapporto sacro e mistico con la natura e con le cose non implica però di fatto la fondazione ex novo di un credo religioso basato su nuovi principi.

23 È possibile che nelle nuove comunità riformate a partire dalla carità si avverta progressivamente il bisogno di istituire e organizzare, ma sarà certo un altro tipo di organizzazione che possa finalmente unificare in una sintesi che non annulla i contrari, ma li mantiene uno accanto all’altro nella loro identità, il trasumanar e l’organizzar. È significativo a questo proposito il fatto che la compresenza e il compromesso tra l’ascetismo e l’organizzazione (sbilanciato in negativo verso l’“organizzar” di san Paolo) si ritrovi già nel 1971 nella poesia Trasumanar e organizzar da cui prende il titolo la raccolta: nel momento in cui Pasolini pensa di iscriversi al PCI e di unire il suo idealismo e la sua battaglia di idee poetico-giornalistica con la prassi di un partito “macchiato di retorica e volgarità”, è consapevole della dissociazione “schizoide” cui va incontro, che non poteva non fargli pensare alla vita del Santo: Eh, è naturale che avrei dovuto poi adattarmi a questa dissociazione. Ogni calcolo la implica; ogni patto, ogni degradazione: sarò diviso: tacitato e ufficiale, nell’agire, critico e solo nello scrivere poesie. Non è questa separazione che si è sempre voluta – forse giustamente? Non a caso ho sulla schiena la mano sacra e untuosa di San Paolo che mi spinge a questo passo. La contemporaneità temporale del trasumanar non è l’organizzar? […] Ma il nostro mondo è schizoide, cari amici, caro funzionario del PCI, a cui è rivolta questa lettera non formale. (Pasolini, 1975, p. 623)

24 Per concludere sul tema della carità, base d’appoggio per un ritorno del sacro nella contemporaneità su cui Pasolini insiste molto in questo periodo e negli anni precedenti anche attraverso la produzione poetica e la libellistica polemica sui giornali, si possono citare stralci dalla sezione Poesie su commissione, specie il componimento L’enigma di Pio XII (Pasolini, 1975, p. 561)6 e sicuramente tra gli Scritti corsari un testo del marzo 1974, Vuoto di carità, vuoto di cultura: un linguaggio senza origini (Pasolini, 1975b, pp. 31-34); infine un articolo comparso nel 1968 sul Tempo nel quale l’autore invita la

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Chiesa a uno scisma citandone proprio il più attivo fondatore, Paolo di Tarso, di cui riporta una frase della Prima lettera ai Corinti: Ricorrerò a San Paolo. Nella Prima lettera ai Corinti, si legge questa stupenda frase (non tutto in Paolo è stupendo, spesso parla in lui il prete, il fariseo): “Restano fede, speranza e carità, queste tre cose: di tutte la migliore è la carità.” La carità – questa “cosa” misteriosa e trascurata – al contrario della fede e della speranza, tanto chiare e d’uso tanto comune, è indispensabile alla fede e alla speranza stesse. Infatti la carità è pensabile anche di per sé: la fede e la speranza sono impensabili senza la carità: e non solo impensabili, ma mostruose. Quelle del Nazismo (e quindi di un intero popolo) erano fede e speranza senza carità. Lo stesso si dica per la Chiesa clericale. Insomma il potere – qualunque potere – ha bisogno dell’alibi della fede e della speranza. Non ha affatto bisogno dell’alibi della carità. […] Lo scisma verrebbe dunque a dividere la Chiesa Cattolica in due tronconi: nel primo resterebbero solo la fede e la speranza, cioè le due informi e cieche forze del potere; nel secondo resterebbero la fede e la speranza con la carità. (Pasolini, 1995, p. 54)

25 Significativo punto di contatto si può ravvisare a distanza di sedici anni con un altro intellettuale per molti versi affine a Pasolini (ma per molti altri agli antipodi), preoccupato anch’egli della presenza del sacro nel mondo contemporaneo: si tratta di Giovanni Testori che nel 1991 prende a tradurre in versi la Prima lettera ai Corinti di san Paolo in cui grande importanza riveste (per dichiarazione dell’autore stesso) la parole chiave carità: l’interesse suo del tutto ignora; non s’irrita; il male non soppesa; dell’ingiustizia non gioisce; della giustizia è felice. Tutto la carità su di sé carca; tutto la carità sopporta; (Testori, 1991, pp. 89-90).

26 … e sola è portatrice di pietà e perdono. A questo proposito proprio nello stesso 1991 Testori andava scrivendo una pièce teatrale incentrata sul mito degli Atridi che traduceva in veste drammaturgica questo fondamentale aspetto della predicazione paolina: infatti Oreste, l’eroe della vendetta per antonomasia, rifiuta con un colpo di scena il ruolo assegnatogli da secoli di tradizione in nome della carità e del perdono diventando in questa negazione di se stesso sdisOrè (Testori, 1991b).

27 Per concludere: se Testori sceglie un filtro classico per veicolare l’accanita denuncia della scomparsa del sacro nel contemporaneo (con esso del valore fondante della carità) per donarcene letterariamente una nuova sconcertante epifania, Pasolini ha scelto invece la figura di san Paolo, l’apostolo la cui predicazione controcorrente ha avuto spesso il potere di provocare e scandalizzare, il Santo che predica nel deserto di un’epoca in piena crisi sociale e ideologica con il quale Pasolini doveva sentirsi per molti, troppi versi affine. Non importa se la sua predicazione è una goccia in un deserto, non importa se non riesce a penetrare nell’indifferenza dei nuovi adepti dei consumi che guardano distratti il martirio del Santo in mezzo al traffico della periferia

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di una grande città della modernità: l’importante è che “in quel mondo di acciaio e di cemento è risuonata (o è tornata a risuonare) la parola di ‘Dio’” (Pasolini, 1977, p. 12)7.

BIBLIOGRAFIA

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TESTORI G. (1991b), sdisOrè, Milano, Longanesi, 1991.

NOTE

1. “Io sono ateo, ma il mio rapporto con le cose è pieno di mistero e di sacro. Per me niente è naturale nemmeno la natura.” (Da un’intervista a La Stampa del 12 luglio 1968) 2. I riferimenti bibliografici forniti in corpo testo in forma abbreviata si trovano sciolti nell’elenco bibliografico di fine articolo. 3. Si vedano a tal proposito gli articoli polemici e sferzanti che appaiono nelle testate con cui collabora in questo momento Pasolini, Il Corriere della Sera e Il Mondo, che confluiranno poi nelle Lettere luterane e negli Scritti corsari. 4. In realtà all’inizio dell’Abbozzo l’autore dichiara che l’antica Gerusalemme è sostituita da Parigi negli anni tra il ‘38 e il ‘44, cioè sotto l’occupazione nazista. Si può dunque approssimare un lasso di tempo entro il quale si collocano la vita e le vicende di Paolo, cioè tra gli anni ‘30 e metà anni ‘70; d’altra parte anche gli Atti degli Apostoli prevedono che il racconto si collochi in un certo arco temporale, all’incirca tra il 30 e il 63 d.C. 5. Queste le parole di Pasolini in proposito nella citata intervista (De Giusti, 1974, p. 159): “Il film è una cosa violentissima contro la Chiesa e contro il Vaticano, perché faccio un san Paolo doppio,

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cioè schizofrenico, nettamente dissociato in due: uno è il santo […] l’altro invece è il prete, ex- fariseo, che recupera le sue situazioni culturali precedenti e che sarà il fondatore della Chiesa. Come tale lo condanno; come mistico va bene, è un’esperienza mistica come altre, rispettabile, non la giudico, e invece lo condanno violentemente come fondatore della Chiesa, con tutti gli elementi negativi della Chiesa già pronti: la sessuofobia, l’antifemminismo, l’organizzazione, le collette, il trionfalismo, il moralismo. Insomma tutte le cose che hanno fatto il male della Chiesa sono già tutte in lui.” 6. Pasolini dichiara in versi: “Tuttavia, sia pure a parole, non si è mai dimenticata, / essa Chiesa, della Carità. Anzi, ci son esempi (tra i piccoli: / no, no, non certo qui in Vaticano) di pura carità. // La Chiesa vi contribuì dunque perché? Perché essa è, diletti figli, / istituzione!! / […] // In quanto istituzione la Chiesa ha così contribuito / a sopprimere di fatto, la carità nel comportamento.” (Pasolini, 1971, pp. 17-18) 7. Un esperimento sulla comparsa del sacro nel deserto della modernità, contemporaneo alla prima realizzazione dell’abbozzo sul San Paolo e di cui questo si può ritenere la prosecuzione, è rappresentata dal racconto cinematografico Teorema (poi effettivamente diventato film) che rispetto al microcosmo sociale descritto nella vicenda di Paolo, prende invece in considerazione il microcosmo di una famiglia della ricca borghesia milanese: il sacro, rappresentato in questo caso dall’irresistibile ospite-messaggero divino, si insinua nella coscienza borghese della famiglia e diventa un pericolo per le convenzioni e gli ipocriti conformismi. È lo scandalo attraverso il quale ogni membro della famiglia deve constatare il crollo di tutte le certezze in precedenza garanti dell’identità personale e sociale fino a scoprirsi diverso, inautentico. A testimonianza dell’affinità fra i due lavori vanno chiari rimandi tematici come ad esempio la descrizione in Teorema dell’esperienza mistica vissuta da Paolo sulla via di Damasco in analogia con la folgorazione religiosa del capofamiglia (non a caso di nome Paolo) che finisce per spogliarsi di ogni bene per percorrere le strade della Milano moderna e industriale, nell’attesa di sentire ancora una volta lo sconvolgente appello del sacro (cfr. Pasolini, 2001, pp. 963-964; la sezione 27 di Teorema, Gli Ebrei si incamminarono verso il deserto, è tutta incentrata sulla figura di Paolo). L’analogia si fa ancora più esplicita attraverso le parole stesse del protagonista che performativamente commenta il suo cammino di “folgorato” per le strade della città (cfr. Pasolini, 2001, pp. 1053-1054).

AUTORE

SILVIA GIULIANI EPHE Paris e Università di Pisa

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Alessandro Piperno : du judaïsme à la judéité. À la recherche du juif perdu

Sophie Nezri-Dufour

1 L’un des derniers événements littéraires italiens est la sortie du roman très controversé d’Alessandro Piperno, auteur du best-seller Con le peggiori intenzioni, publié chez Mondadori en 20051. Dans ce roman iconoclaste, sarcastique, impertinent, Piperno a élaboré un personnage haut en couleur : protagoniste-narrateur, Daniel Sonnino est un jeune juif de la bourgeoisie romaine qui décortique et analyse avec délectation et masochisme sa propre judéité. Masochisme en effet car peut-on parler de judéité dans le cas de ce jeune Woody Allen romain ? Au sens strict du terme, et selon la loi juive, il n’est pas juif puisque sa mère ne l’est pas. C’est d’ailleurs là que réside le drame de tout le roman et que se situent les ressorts de la tragi-comédie que Piperno met alors savamment en place et dans laquelle, sans tomber dans le piège qui constituerait à identifier totalement Sonnino à Piperno, il est évident que des similitudes frappantes existent entre les deux individus : la mère de Piperno elle-même n’est pas juive, et Piperno n’est donc pas considéré comme tel aux yeux des autorités rabbiniques.

2 Sous un certain angle, on pourrait même considérer son roman comme une sorte de lettre ouverte aux autorités religieuses, écrite par un individu qui revendique sa judéité, marginale certes, mais profondément ancrée en lui.

3 Si Daniel Sonnino, l’alter ego de Piperno, se sent en effet profondément juif, c’est parce qu’il se sent lié à un judaïsme qu’il considère non pas tant comme une religion que comme une culture à laquelle il se sent indéniablement attaché, tout en la jugeant avec une profonde ironie et un regard qui se veut désacralisateur, démythificateur. Piperno sait bien que le judaïsme n’est pas qu’une réalité religieuse, mais également historique et culturelle : il s’engouffre alors avec fierté et insolence dans cette brèche salvatrice qui va lui ouvrir les portes du Paradis. Et pourtant, quel paradis ! Un paradis juif digne des plus belles comédies de Woody Allen, ou, plus sérieusement, des plus frappantes contradictions que connaît le juif depuis qu’il vit en Diaspora.

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4 Avec Piperno, le lecteur se retrouve en effet dans une véritable reconstruction identitaire très personnelle où le judaïsme offre un visage particulièrement surréaliste. Car chez Piperno s’impose avec force et paroxysme un phénomène qui existe depuis la sortie des ghettos, à savoir une dissociation exacerbée des diverses composantes du judaïsme, dans laquelle certaines d’entre elles, culturelle ou politique, priment largement sur la dimension religieuse, voire s’affirment contre elle. Ainsi, comme un certain nombre de juifs, le juif pipernien, bien que ne répondant à aucun des critères religieux ordinairement exigées, et ne pratiquant nullement le judaïsme, ne s’en réclame pas moins vigoureusement juif2.

5 Comme nous allons le voir en effet dans le roman de Piperno, le lecteur assiste à un glissement très net entre judaïsme et judéité, une judéité en outre schizophrénique, c’est-à-dire à la fois très iconoclaste et très soucieuse d’intégration et de reconnaissance. L’obsession du protagoniste est en effet d’être considéré comme juif, envers et contre tout, même s’il ne l’est pas. Et de nombreuses scènes du roman tournent autour de ce drame que Piperno nous présente toujours sous forme désopilante et sarcastique, refusant tout pathos, un pathos qui serait étranger à sa position de râleur patenté. Ainsi, lorsque le grand-père juif du protagoniste, décédé, est mis en terre, la cérémonie religieuse ne peut avoir lieu car, malgré la présence de plusieurs dizaines de personnes, il devient impossible de réunir un minian, c’est-à-dire le quorum nécessaire composé de dix juifs pour réciter la prière du kaddish : Solo alle soglie del kaddish ci si accorge che tra i convenuti ci sono soltanto nove ebrei adulti. Ne manca uno per comporre il minian, numero minimo di dieci maschi adulti per poter eseguire le funzioni. Mio fratello e io siamo esclusi, non essendo ebrei. Mio padre e mio zio sono costernati, mentre il rabbino Perugia […] torna a fare la conta nella speranza di trovare qualcuno che abbia i requisiti. Ma lo spettacolo è […] all’occhio d’un vero ebreo, avvilente: una banda di marrani, convertiti, sangue misto a iosa, atei d’estrazione marxista […]. (Piperno, p. 43)

6 La farse continue lorsque le jeune protagoniste, Daniel, qui n’est pourtant pas juif selon la loi mosaïque, offre sa participation au minian : « E’ ora di farsi avanti! mi intima imperiosamente una voce interna. “Ci sono io!” azzardo, e lo dico con un insorgente orgoglio. » Avec quel résultat ? Son père se plie littéralement en deux, victime d’un terrible fou- rire (Piperno, p. 45). À travers cette scène qui se veut comique, et qui l’est en partie, Piperno souligne l’existence en Italie et en Europe d’une véritable réalité sociologique, vécue parfois douloureusement par de très nombreux enfants de père juif et de mère chrétienne, non intégrés dans la communauté ancestrale, et pourtant très attachés à cette culture qui fait partie de leur identité : Mio padre è stato chiaro. Tu non sei ebreo! Non è la prima volta che se ne esce così […] che mi insulta in questo modo […]. Un’esecrabile corruzione nel DNA stava sfrattando un povero bambino di dieci anni dal suo spicchio di eternità! […] devo ingoiare questo rospo assurdo: semplice cruda verità storica: Tu non sei ebreo! […] Questa è semplicemente la tua condanna: essere ebreo per i gentili e gentile per gli ebrei! Né c’è da stupirsi che qualcuno, benché ancora adolescente, desideri ardentemente essere ebreo. Non c’è da sbalordirsi che un bambino voglia essere come suo padre. Un ebreo come tanti altri (p. 46-47), ajoute le narrateur ironiquement. Ironiquement en effet car l’Histoire a bien changé. Alors qu’il était plutôt préférable à une époque ne pas être ou tout au moins ne pas se révéler juif, il est aujourd’hui très à la mode, en Italie en tout cas, de se déclarer comme tel : « Perché oggi è uno spasso essere ebrei. Compianto, accudito, esaltato: ecco la troika verbale per definire la condizione dell’ebreo contemporaneo » (p. 48), écrit Piperno, avec beaucoup

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de discernement et de sarcasme en même temps. Car il sait qu’il traite un thème à la mode, qui a mis du temps à s’imposer dans la Péninsule, mais qui, aujourd’hui, fait recette. Il l’exploite donc, sans s’en cacher, mais dans une perspective humoristique et iconoclaste systématique : « C’è gente che, contro ogni logica », écrit-il, fa ricerche per accreditare la propria discendenza, non dall’ennesimo conto o marchese imparruccato, ma da un pio israelita cinquecentesco. Un tipetto alla Montaigne, tutta casa e famiglia. Da non crederci. Un ebreo nell’albero genealogico: il grande sogno distintivo del ventunesimo secolo. L’araldica del Nuovo Millennio. La griffe capace di renderti dolentemente salottiero e civilmente provocatorio (p. 48).

7 Ce qui n’empêche pas au narrateur, à plusieurs reprises, d’affirmer sa fierté d’appartenir à une famille juive, malgré le regard critique qu’il jète sur ceux qui exploitent ce filon. Il n’y a qu’à lire certains passages comme celui de la rencontre entre la famille juive paternelle et la famille chrétienne de la mère de Daniel : l’ambiance est évidemment électrique et les préjugés antisémites fusent. Ainsi, le grand-père chrétien d’expliquer à la belle-famille : Avremmo preferito […] che Fiamma sposasse un ragazzo italiano! Italiano? In che senso? Perché, Luca non sarebbe italiano? Beh, insomma, ha capito cosa intendevo… D’altronde mi ha detto mia figlia che Luca non ha fatto il militare… e neanche lei, se mi permette […]. È vero; né io né mio figlio abbiamo fatto il militare. Ma per motivi affatto diversi da quelli che lei evidentement immagina. E non certo perché non siamo italiani… Anche se potrà stupirla, noi siamo italiani tanto quanto lei! E allora? A me lo hanno impedito le leggi razziali. Ma credo di aver servito il mio Paese. Io sono stato partigiano. (p. 111)

8 Le drame de Daniel est ainsi de n’être à sa place nulle part. Non intégré dans la communauté juive, il est rejeté par les non-juifs qui eux le considèrent beaucoup trop juif. Son grand-père maternel, donc chrétien, a lui-même beaucoup de mal à le considérer comme faisant partie de sa descendance : […] vedeva in me, forse per la mia somiglianza con mio padre, forse per i tratti ebraici che portavo scolpiti sul mio volto, il figlio della colpa. L’incarnazione stessa dello sbaglio di mia madre […] d’un tratto mi guardava e diceva a mia madre: “Daniel è furbo, stai attenta, è furbo, già ti sei fatta infinocchiare una volta… Hai visto che naso? […] Lo stesso naso di suo padre e di suo nonno…” E non la smetteva di ridere di questa constatazione fisionomica che gli sembrava così ineccepibilmente rivelatrice.

9 Non-juif chez les juifs, juif chez les non-juifs, le pauvre Daniel Sonnino vit une contradiction identitaire tragi-comique qu’il tente d’évacuer à travers le rire : « Credo di essere il primo ebreo della storia dell’umanità », explique-t-il, « ad aver subito discriminazioni dal proprio stesso nonno. Il primo ebreo della storia con un nonno antisemita » (p. 107-108). Mais Piperno a fait son choix, qui est de se rattacher malgré le regard iconoclaste qu’il lui porte, à un univers juif dans lequel il trouve un territoire culturel historique et identitaire qui lui convient, au point de s’opposer aux penchants assimilationnistes de certains juifs. Ne regrette-il pas en effet l’attitude de la mère de David, fille de déportés, qui pour oublier le traumatisme de la Shoah, tente d’occulter son appartenance au judaïsme, alors qu’elle est pourtant mariée à un juif : Karen si è imposta due missioni tra loro collegate : da un lato degiudaizzare Amos [il marito], dall’altro creare dal nulla un rispettabile pedigree per Dav […] Karen sta esagerando: che faccia pure di suo figlio un gentile, che lo mandi a scuola dai preti,

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che gli faccia osservare il Natale, la Pasqua, il mercoledì delle Ceneri, che gli faccia frequentare tutte quelle insipide biondine, che riempia la casa di tutti quei chiusi snob; ma perché la sua tracotanza deve estendersi al punto di impedire a lui, Amos Ruben, di vivere a suo modo, così come gli hanno insegnato? […] Lui è ebreo. E’ fuggito da un Paese e da un’epoca nei quali tale pecularietà era considerata un problema. Proprio per questo ora non permetterà a nessuno […] di impedirgli di vivere come tale. Sente l’esigenza di onorare le feste comandate e di sostenere economicamente i suoi parenti sparsi per l’Europa. (p. 171)

10 Les pires intentions de Piperno, pour reprendre le titre de son roman, sont donc d’apporter un nouveau souffle à une réflexion sur l’identité juive dépourvue de tabous et de sous-entendus. De proposer un roman où l’individu juif, au-delà des stéréotypes positifs ou négatifs qui l’entourent, soit considéré comme un italien à part entière, avec ses limites, ses névroses et ses particularités. Piperno veut intégrer le juif dans la réalité italienne, et dans la toute nouvelle littérature italienne, en en faisant un citoyen de la Péninsule comme les autres, avec son histoire particulière certes, mais dans une perspective qui le sorte de cette mythification liée à la Shoah qui faisait du juif un personnage toujours victime, sympathique, mais difficilement acteur de son existence. Piperno offre en effet une réflexion sur la judéité sans fausse pudeur, volontairement iconoclaste, désacralisatrice, sans crainte de froisser les susceptibilités. Car les juifs, dans son roman, sont particulièrement désinvoltes et privés de toute morale. Prétentieux, érotomanes, aimant l’argent et la bonne chère, ils sont loin d’être les représentants modérés et vertueux d’une éthique juive que l’on peut retrouver dans certaines pages d’un Primo Levi ou d’un Bassani.

11 Comme nous l’avons vu, la réalité juive est volontairement démythifiée par Piperno, sans doute pour qu’un hybride tel que lui y fasse plus facilement sa place. Car le but de Piperno est non seulement d’être reconnu comme un membre de la communauté juive, mais aussi comme un nouvel écrivain juif italien. N’évoque-t-il pas le profond sentiment de se sentir « parte di qualcosa di più grande di [lui], una sorta di ultimo discendente di questa famiglia-tribù, di questi nani, rancidi bizantini alla mercé della loro ultima stagione, questi gagà semiebrei scampati allo sterminio ». Il se définit en effet, à leur égard, « un bilioso curatore testamentario […] uno di quegli etilisti pellerossa che bivaccano nelle sempre più anguste riserve americane nel culto e nel vagheggiamento di tempi che non possono più tornare » (p. 42-43).

12 Cette référence à l’Amérique n’est pas sans nous rappeler également la présence sous- jacente des écrivains juifs américains qui ont été, selon Piperno lui-même, « i numi tutelari » de son roman. Comment en effet ne pas reconnaître l’influence de Philip Roth, à travers son protagoniste fétichiste des dessous féminins, nourrissant des rapports problématiques avec son identité juive et la communauté dont il fait partie, mais qu’il tourne en ridicule. Sa veine ironique, et auto-ironique, caustique, révèle une empreinte judéo-américaine évidente : avec Piperno, la provocation, le sarcasme et l’auto- flagellation font partie d’une démarche et d’un style destinés à mettre à nu et en spectacle, sans aucun respect mais finalement avec beaucoup de tendresse cachée, un univers juif qu’il offre à la curiosité du lecteur peu habitué, en Italie, à voir chez les écrivains juifs, une telle désinvolture et, finalement, un tel optimisme.

13 La réélaboration identitaire du juif Piperno se fait donc à plusieurs niveaux : bien que non-juif stricto sensu, il recrée une réalité et un univers juifs dans lesquels il s’inclut de plein droit et dont il montre connaître les ressorts et les enjeux à travers des thèmes tels que la Shoah, l’assimilation, Israël, l’antisémitisme ; au niveau littéraire aussi, en

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offrant l’exemple d’un voyage dans l’univers juif à l’égard duquel il porte un regard certes iconoclaste, mais finalement profondément empathique.

NOTES

1. A. Piperno, Con le peggiori intenzioni, Milan, Mondadori, 2005, 304 p. 2. J.-C. Attias et E. Benbassa, Dictionnaire de la civilisation juive, Paris, Larousse-Bordas, coll. « Les référents », 1997, p. 127-128.

AUTEUR

SOPHIE NEZRI-DUFOUR Université Aix-Marseille 1

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Erri De Luca, en mal de la foi

Nicolas Bonnet

1 Erri De Luca, cette figure atypique dans le panorama de la littérature italienne contemporaine, entretient avec le judaïsme et le christianisme des rapports singuliers et paradoxaux. Pour quelles raisons cet ancien militant d’extrême gauche, qui n’a pas abjuré sa foi dans les idéaux révolutionnaires de sa jeunesse et continue à se définir comme incroyant, a-t-il appris l’hébreu en autodidacte et pratique-t-il l’herméneutique biblique depuis une vingtaine d’années ?

2 On peut ici risquer l’hypothèse que l’adhésion à Lotta Continua et la vocation d’exégète ont une même origine : la culpabilité. Aux yeux de De Luca, le manquement de ceux qui, contemporains de la nazification de l’Europe, n’ont opposé aucune résistance à la barbarie est proprement inexpiable. La faute historique des pères retombe sur leur descendance (AA, p. 32 ; A, p. 52 ; OP, p. 119 ; TM, p. 108 ; APDR, p. 23)1. C’est le poids de cette faute héréditaire qui pousse le jeune De Luca à épouser la cause d’une gauche extraparlementaire qui prétend dans les années 1970 renouer avec l’esprit de la Résistance pour abattre un État démocrate-chrétien qu’elle considère comme substantiellement fasciste ; et c’est la persistance de ce sentiment de culpabilité qui le pousse, après l’épuisement du mouvement révolutionnaire et sa problématique issue, à participer à différentes missions humanitaires dans le tiers-monde ou dans l’ex- Yougoslavie. C’est encore et surtout la culpabilité liée à la mémoire de la Shoah qui explique l’identification empathique de De Luca à la condition de la victime par antonomase et sa vocation sui generis de commentateur de la Thora et du Talmud. L’engagement politique, l’action humanitaire et l’apprentissage de l’hébreu et du Yddish relèvent de la même logique réparatrice. Il s’agit dans tous les cas de « corriger » l’irrémédiable2.

3 De Luca s’efforce dans ses premiers travaux d’exégète d’oublier à travers une ascèse radicale le logos hellénique, de se tenir « loin d’Athènes », matrice de la métaphysique occidentale (UNCT, p. 77-81), et de se mettre à l’écoute d’une voix « première » irréductible aux dogmes élaborés par les religions. On relève toutefois dans le parcours exégétique de l’écrivain un glissement progressif de l’Ancien au Nouveau Testament. Si la référence aux Évangiles est pratiquement absente de ses premiers écrits, elle devient majoritaire dans ses dernières publications. In nome della Madre, tout entier centré sur

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le thème de la virginité mariale est un texte dogmatiquement irréprochable du point de vue de la théologie catholique et qui semble d’une inspiration quasi claudélienne dans ses meilleurs passages.

4 Comment peut-on rendre raison de ce passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance ou plutôt de ce retour, de cette « reconversion » au catholicisme ? Bien qu’il ne s’en explique nulle part, on peut supposer qu’il s’agissait pour De Luca, dans un premier temps, de prendre ses distances par rapport à une Église qui s’était rendue complice – ne fût-ce que par son silence – du génocide. La dernière production correspond au contraire au moment de réconciliation de De Luca avec « la religion de ses pères », et peut-être exprime-t-elle le souci de l’auteur de se réinscrire dans la filiation spirituelle qu’il avait reniée.

Croyance et incroyance

5 De Luca souligne que le terme « croyant » dérive d’un participe présent, que le croyant renouvelle sans cesse son credo (OP, p. 7). La foi est sujette à des variations de degrés, elle se mesure à une augmentation de température qui peut aller jusqu’à l’embrasement de l’être (A, p. 118). Ce n’est pas un état stable et l’homme de foi passe nécessairement par toutes les « positions » allant du sentiment de déréliction à « la puissante certitude que Dieu est près de soi » (A, p. 115). De Luca se définit négativement comme « quelqu’un qui ne croit pas ». C’est un agnostique qui refuse la dénomination d’athée (OP, p. 7). « J’attache de la valeur à l’usage du verbe aimer et à l’hypothèse qu’il existe un créateur » soutient le poète (OSA, p. 98). Loin de professer comme Gianni Vattimo la foi « restreinte » du demi-croyant (Vattimo, CDC, p. 77), il se proclame sans ambiguïté « incroyant » mais se dit aussi mû par « l’aiguillon du manque » et l’insatiable soif de sens que nulle explication ne saurait combler (A, p. 104). On pourrait parler dans son cas, en renversant la proposition de Saint Anselme, d’un intellectus quaerens fidem, d’une raison en quête de la foi. De Luca se défie de la rationalité et fustige la crédulité de ceux qui, cessant de croire « en de grandes choses », versent dans les formes modernes de l’idolâtrie et de la superstition que favorise notre civilisation sécularisée et techniciste (A, p. 51). Étranger à la néo- scolastique autant qu’au modernisme chrétien, il refuse toute réponse rationnelle à la question ontologique, toute tentative d’explication scientifique de la genèse, fût-elle en accord avec l’enseignement des Écritures : « Sono poco sensibile ai punti di contatto tra la scienza e la scrittura sacra. Quella storia è più grande di una sua dimostrazione scientifica. Non è riducibile a verifica » (A, p. 16). De Luca se rattache à la tradition fidéiste : la foi, à ses yeux, est « sans preuves » : Non riesco a partecipare del fervore di disputa intorno a un frammento che daterebbe un po’ all’indietro il vangelo di Marco o il tessuto della sindone. Le notizie delle sacre scritture obbediscono a un’altra legge di verifica: se hai fede o no. Esse contengono articoli non addomesticabili a prove. Prendere o lasciare, ma non secondo le ultime perizie medico-legali. Se invece si cercano segni, allora la parola è a Marco (8, 10). “Perché questa generazione chiede un segno? Vi dico in verità che nessun segno sarà dato a questa generazione.” (A, p. 76)

6 Bien qu’il n’emploie pas le terme de grâce, De Luca définit la foi comme un don de l’Esprit reçu indépendamment de toute initiative du sujet : La fede non è una cosa automatica, la fede è come quella specie di pala al vento che ho montato quando sono stato in Africa. Uno strumento molto semplice, molto

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rudimentale, che serve a tirare fuori l’acqua dai pozzi; però anche molto potente, che non ha bisogno di nessun tipo di manutenzione: non è necessario azionarla, va da sola, ha bisogno solo di vento. Ecco la fede è così, chi la prova è perché è stato messo in moto tutto insieme da questo impatto col vento. (APDR, p. 56)

Obstacles et médiations

7 Dans la préface à Noccciolo d’oliva, De Luca fait état de deux obstacles qu’il rencontre dans son cheminement vers la foi. Le premier tient à son incapacité à pratiquer la prière. Il se définit comme « quelqu’un qui ne sait pas s’adresser à Dieu » (NDO, p. 6), qui ne parvient pas à l’interpeller, fût-ce pour récriminer ou blasphémer, comme le fait Job (OP, p. 9-11). Seul le croyant est capable de ce tutoiement qui réduit, sans l’abolir, la distance entre le Créateur et sa créature (A, p. 36) : L’ultima volta che quel tu mi ha fatto sobbalzare fu mentre accompagnavo, con una piccola folla, alla sepoltura una bambina di dieci anni morta di cancro. Nel fruscio dei passi del piccolo corteo si levò d’improvviso il grido terribile del padre di quell’unica figlia, un muratore mio compagno di lavoro. Gridò: “Torturatore, me l’hai fatta torturare per un anno, mi fai schifo”, gridò dritto al cielo le sue bestemmie guardando in alto e poi sputando in terra, lui ateo di sempre. Era il “tu” di un uomo a Dio, un tu antico che veniva dagli urli dei profeti e dopo un lungo sonno s’impennava nelle mie orecchie in un fiato di puro dolore. Quel “tu” era così forte che dimostrava l’esistenza di Dio almeno in quell’ora e in quell’uomo. (OP, p. 79-80)

8 Par la force de l’apostrophe, par la vertu performative de la prière, le sujet fait advenir Dieu. C’est aussi ce qu’affirme Rav Daniel dans Montedidio : « Rafaniello dice che a forza di insistere Dio è costretto a esistere, a forza di preghiere si forma il suo orecchio, a forza di lacrime nostre i suoi occhi vedono, a forza di allegria spunta il suo sorriso » (M, p. 57). À défaut de pouvoir parler « directement » à Dieu 3, De Luca parle de Dieu 4 ce qui place tout son discours sous le signe de « la séparation » radicale (OP, p. 8-10 ; NDO, p. 5-6). Le deuxième obstacle est le pardon : L’altro inciampo è il perdono. Non so perdonare e non posso ammettere di essere perdonato. È bestemmia per il credente, per lui non c’è colpa che non possa essere sollevata da Dio. […] Nella mia vita c’è una soglia dell’imperdonabile. Non posso ammettere di essere perdonato, non so perdonare quello che è commesso. Ecco le mie pietre di inciampo per le quali resto fuori dalla comunità dei credenti. (OP, p. 7-8)

9 Ce deuxième obstacle est plus inattendu. À la différence de la prière qui n’a de sens que dans l’ordre du religieux, le pardon est aussi une action éthique et pourrait parfaitement se concevoir dans une perspective « horizontale », purement laïque, hors de toute référence à la transcendance. Mais pour De Luca, proche sur ce point de la tradition janséniste, sans la médiation de celui « qui enlève les péchés du monde », il ne saurait y avoir de véritable rémission C’est une position de principe d’ordre métaphysique qui ne prend en considération ni l’attitude de l’offenseur (son éventuelle repentance) ni celle de l’offensé (sa liberté de concéder le pardon). Aux antipodes de Derrida qui voit dans le pardon « impossible », dans le pardon de l’impardonnable, le seul acte conforme à son concept en tant que « perfection du don » (Derrida, FES, p. 101-133), De Luca considère ainsi toute faute comme irrémissible (NDO, p. 8 ; ICDU, p. 59-61). Son pessimisme fait écho sur ce point à celui de l’Ecclésiaste5. Telle est la condition d’une créature privée de la grâce : misère pascalienne de l’homme sans Dieu.

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10 À défaut d’avoir reçu la grâce, De Luca a foi par procuration, il a foi en la foi d’autrui : « Io non sono stato toccato da questo vento però la vita di certi uomini di fede mi convince, credo che loro abbiano una ragione, una notizia, una verità che io non ho. Credo alle vite, alle loro vite » (APDR, p. 56 ; voir aussi P, p. 52). Celui qui n’a pas la foi peut au moins reconnaître dans celui qui en est animé « l’empreinte digitale, la trace de la chaussure de Dieu » et, devenant par là « témoin indirect », annoncer qu’il a vu « dans un autre la nouvelle » (IAAS, p. 124 ; NDO, p. 39).

Vocation

11 De Luca se montre proche de l’esprit de la réforme en ce qu’il invite à un dialogue direct avec les Écritures, mais il n’est certainement pas luthérien au sens où il considérerait que le salut dépend de la « seule foi ». Il ne cesse en effet de revenir dans ses essais sur la nécessité des œuvres. L’absence de vocation qui affecte les nouvelles générations est profondément mortifère. Les désespérés et les suicidaires d’aujourd’hui seraient, à l’opposé des premiers chrétiens qui aspiraient au sacrifice et au martyre afin de témoigner de leur foi, les « oubliés d’un appel » (A, p. 121)6. De Luca souligne le caractère paradoxal de l’élection. Les Écritures sont pleines d’individus requis par le Seigneur contre leur gré et sommés par lui d’accomplir une mission à laquelle ils ne sont nullement préparés (ibidem, p. 40) ; tous ces appelés « sans qualification » sont des figures « donquichottesques » ante litteram7. Bien qu’il affirme ne pas avoir lui-même la vocation, De Luca marche sur les pas de ceux qui ont répondu à l’appel. C’est en ces termes qu’il évoque sa participation aux missions humanitaires aux côtés des volontaires de la Caritas : « Vado con loro perché da solo non avrei mai trovato o nemmeno cercato la pace, la pista per metterci i passi. Credo che quelli come loro hanno eseguito l’ordine del comandante Davide: “Cerca pace e inseguila” » (A, p. 64 ; voir aussi p. 72). En bon théologien, De Luca refuse de réduire la charité à une simple éthique. Il sait que si l’acte n’est pas porté par la foi, transcendé par la grâce, il reste inachevé, privée de sa dimension eschatologique : Gli amici della carovana pregano il loro rosario ogni giorno, ascoltano messa, salgono sulla collina delle apparizioni. Calcano cose sacre nei passi e nella voce. Sento la differenza da loro in questo strano spessore che i miei gesti non hanno. Il mio scaricare casse è solo quello, non porta altro, il loro scaricare casse è invece come un coccio di vetro che da terra rifrange luce in tutte le direzioni, ma soprattutto in cielo. Hanno da dire questo: che le opere, la buona volontà è ancora niente, un’ombra appena, mentre a me paiono tutto e sono venuto con loro solo per quelle cose. Perciò intendo a mio modo, poco, che i loro gesti durano ei miei no. Sono solo uno che legge la Bibbia, loro sono quelli che la reggono. (P, p. 93-94) Le bibliste incrédule ne se satisfait pas d’un évangile sécularisé et demeure dans l’attente de la grâce.

Sacré

12 Conscient que le religieux est réapparu sous sa forme la plus sectaire et la plus intolérante, et que les hommes se font la guerre « au nom de Dieu » (A, p. 61), De Luca distingue nettement la foi du fanatisme et fustige la prétention de chaque communauté à être seule détentrice de la vraie foi :

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Avanza con cenni sicuri un secolo che viene a innalzare armi e versetti. Prima che nuovi agitatori del sacro vengano con la Bibbia in pugno ad arrostire genti sforzando le sue pagine a dettare massacri, racconto quello che ho trovato leggendo quel libro nella sua lingua madre. / Presto alcuni nomi di Dio issati su opposte bandiere e i popoli saranno nemici per una volta ancora, in nome del cielo. Prima dei regni delle fedi armate, ognuno s’affretti a leggere la Bibbia a modo suo, con fervore e freddezza, in buona o cattiva sorte. (UNCT, quatrième de couverture)

13 Si le texte n’appartient à aucune communauté d’interprètes, l’interprète peut au contraire éprouver son appartenance au livre : c’est en ces termes que l’essayiste s’exprime dans Altre prove di risposta : « Non mi sento di appartenere ad alcuna gente e comunità, ma a quel libro sì, a quello appartengo » (APDR, p. 59). Toutefois, dans Nocciolo d’oliva, De Luca ne se définit plus comme un « résident » mais comme un simple « passant » des Écritures (NDO, p. 39) et dans Napòlide, il va jusqu’à renverser sa première assertion : « Non ho cercato asilo in quella lingua, né appartenenza. […] Arrivavo all’ebraico delle Scritture per bisogno di starmene lontano » (N, p. 22). Bien qu’il prétende rester au seuil de la Révélation, il s’exprime souvent dans ses livres comme s’il l’habitait – en était habité –, sa posture improbable est celle du sceptique qui s’identifie au mystique, son langage sentencieux, aux accents prophétiques, est celui, contradictoire, d’un prêcheur agnostique.

14 De Luca se définit comme quelqu’un qui « n’arrive pas à la foi » et « s’arrête à la beauté des histoires qu’il lit et relit tous les jours » (OP, p. 18). Il ne doute pas toutefois que cette beauté soit au service d’un dessein transcendant : les Écritures, incomparables aux autres livres, ne sauraient être l’objet d’une jouissance purement esthétique : « […] la Bibbia mi ha insegnato a correggere la vanità dei libri, collocandoli all’altezza del suolo, tra i piedi, le scarpe e le scope » (P, p. 13)8. De Luca affirme « la priorité de l’écoute » (NDO, p. 40-41) ; la réception doit s’entendre ici dans son acception la plus littérale : il s’agit de faire le vide en soi et de s’isoler de la rumeur du monde (A, p. 18) pour « accueillir » la Révélation (UNCT, p. 9). Pour rendre compte de son expérience de lecteur, De Luca affirme qu’il se laisse envahir par le texte : « Ogni mattino a testa vuota e lenta accolgo le parole sacre. Capirle per me non è afferrarle, ma essere raggiunto da loro, essere così quieto da farsi agitare da loro, così privo d’intenzione da ricevere la loro e così insipido da farsene salare » (OP, p. 6). De Luca se dit docile, soumis au texte : « Non ho adattato il testo ad una interpretazione, ne sono stato invece piegato » (UNCT, p. 9). On est aux antipodes de l’anti- essentialisme et du pragmatisme radical d’un Richard Rorty qui identifie utilisation et interprétation et pour qui tout lecteur façonne le texte et produit le sens en fonction de ses fins (Rorty, COP). De Luca revendique une lecture littérale de la Bible (UNCT, p. 10), il veut témoigner de « la plus stricte obédience à la surface révélée » (OP, p. 8), n’entendre que « la lettre nue » (ibidem, p. 13), recevoir « l’immensité du sens même en restant à la surface des mots » (NDO, p. 8). En tant que traducteur, il appartient à la famille des « sourciers » : « Provo un attaccamento molto forte a quella lingua al punto da volerla tradurre, da voler provare a tradurla nella maniera più piatta possibile… » (APDR, p. 59). Ce souci de littéralité implique la pratique du calque syntaxique (NDO, p. 40) et l’emploi dans la langue cible d’un lexique réduit à cinq mille mots (ibidem, p. 47). On aura beau jeu de taxer De Luca de naïveté philologique, de rappeler le paradoxe du cercle herméneutique en vertu duquel toute lecture est nécessairement déjà interprétation, c’est-à-dire construction du sens selon l’intentionnalité du lecteur et l’horizon de la communauté des interprètes à laquelle il appartient (cf. E. Garroni, in Lavagetto, ITL, p. 245-282).

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15 Le premier chapitre de Una nuvola come tappeto consacré à Babel semble apporter un démenti au littéralisme programmatique de De Luca : le commentateur réinterprète le texte, c’est-à-dire qu’il lui donne un nouveau sens en renversant, comme le fit avant lui George Steiner dans After Babel, la tradition exégétique : dans cette perspective paradoxale, la multiplication des langues n’est plus perçue comme une malédiction mais comme une bénédiction. Or, on ne voit pas que la lettre du texte autorise une telle lecture qui est loin de tomber sous le sens9. Dans le langage de David Hirsch, on pourrait dire que la signification qu’acquiert le texte à l’occasion de sa nouvelle réception ne coïncide pas avec son sens philologique (Hirsch, p. VII). Toutefois, la lecture littérale, telle que l’entend De Luca, n’est pas une lecture univoque et définitive : le texte doit s’entendre, selon l’expression rimbaldienne, « à la lettre et dans tous les sens ». C’est donc une lecture qui n’a rien de « fondamentaliste » mais se veut « ouverte ». Le lecteur se retrouve dans le texte qui s’adresse à lui : Leggere i libri sacri dà a volte la sorpresa di trovare se stessi in certi versi. Allora ci si sente raggiunti come d’estate dal frammento di cometa che s’incendia proprio davanti ai nostri occhi spalancati al buio / […] Perché il libro, anche il sacro, appartiene a chi lo legge […]. Perché ogni lettore pretende che in un rotolo di libro ci sia qualcosa scritto su di lui. (A, p. 117)

16 De Luca affirme à propos de sa pratique du texte : « questa frequentazione è tutta l’autorità di cui dispongo » (UNCT, p. 12). On est proche, à première vue, de la position calviniste qui ne reconnaît d’autorité qu’au Texte et exhorte les fidèles à une pratique directe du Livre en rejetant la médiation de l’Église et en disqualifiant la communauté des docteurs dépositaires du sens et garants de l’interprétation. Toutefois, De Luca souligne qu’au caractère sacré que présente en soi la Bible « s’ajoute » celui que lui confère la tradition herméneutique millénaire dont elle est l’objet : Per molti la Bibbia è un testo sacro. Ma mi commuove più di quel valore in sé, il sacro aggiunto, l’opera degli innumerevoli lettori, commentatori, sapienti che hanno dedicato a quel libro il tempo migliore della loro vita. Il sacro in sé della Bibbia è diventato attraverso di loro una civiltà. (UNCT, p. 9-10)

17 De Luca prétend « suivre le sillon » tracé par la tradition en « ajoutant quelque chose » que le texte « contenait » mais qui « n’avait pas encore été exprimé » (ibidem, p. 10) : le sens découvert par l’interprète est bien à ses yeux une propriété de l’œuvre. Chacun est ainsi susceptible d’apporter sa contribution en actualisant un sens virtuellement présent dans le texte. Non seulement le travail herméneutique est un processus ad infinitum mais l’interprétation ignore le principe de non-contradiction et n’est soumise à aucune procédure de validation, bien que les références aux autorités rabbiniques, véritables garde-fous, abondent dans l’exégèse deluchienne de la Thora (NDO, p. 50, 80 et 88). Il Talmud è pieno di interpretazioni diverse di uno stesso verso e nessuna annulla l’altra. Perché la rivelazione non si interrompe mai, offre scoperte nuove anche all’ultimo dei suoi lettori. Anche lui può aggiungere il suo lume al verso che gli è toccato in sorte d’incontrare. È la sua eredità e lui è l’eredità di quel verso. Aggiunge il suo commento all’infinita stesura non con la pretesa di aumentare conoscenza, ma testimoniare della propria riconoscenza. (A, p. 27)

18 Même « le dernier venu » peut grappiller la vigne et trouver son bonheur après les vendanges (OP, p. 19-21 ; NDO, p. 119-121). La gratitude du lecteur naïf s’oppose à l’orgueil du spécialiste qui se croit maître du sens, oubliant que le texte n’est la propriété de personne (A, p. 90).

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19 Alors que Gianni Vattimo se pense fidèle à l’enseignement du Christ en rejetant les prescriptions bibliques qu’il estime en contradiction avec « le commandement suprême de la charité », noyau irréductible à ses yeux du message évangélique (Vattimo, CDC, p. 76), De Luca refuse d’exercer un tel inventaire. Son attitude à l’égard des préceptes des Écritures est aux antipodes de l’approche déconstructionniste pratiquée par Derrida et ses disciples s’attaquant au « phallogocentrisme » biblique. S’il est vrai qu’il évoque « la maternité » de Dieu, proposition audacieuse qui implique que l’on s’écarte pour une fois de la lettre, c’est en accord avec la théologie de Vatican II (A, p. 68-69). Afin de trouver une justification au fait que la deuxième personne est au masculin dans le texte du décalogue, il risque l’hypothèse que le choix du genre tient à la différence des rôles impartis aux deux sexes par le créateur : il appartiendrait à la femme de transmettre la vie et à l’homme la loi : « Questa è solo una mia ipotesi di spiegazione circa l’uso del tu maschile nel decalogo. La nomino insieme a un tempo in cui i sessi non giocavano a scambiarsi i vestiti » (A, p. 28). L’expression : « un temps où les sexes ne jouaient pas à s’échanger leurs vêtements » révèle que de Luca n’envisage pas la conception judéo- chrétienne des identités sexuelles dans la perspective historique de l’anthropologie culturelle mais comme un absolu : « Nella scrittura sacra i sessi sono ben separati e la loro unione è la più forte alleanza tra creature » (NDO, p. 53). De tels exemples illustrent la limite du commentaire deluchien – limite parfaitement assumée – : le refus de tout rapport critique au texte ; celui-ci, « irréductible à l’œuvre d’auteurs variés » (NDO, p. 7), n’est interrogé qu’en tant qu’il est supposé délivrer une vérité universelle : « Alcune pagine, alcune parole mi hanno rivelato qualcosa della loro verità e mi hanno istigato a darne notizia » (UNCT, p. 9)10. Il n’est jusqu’au casse-tête philologique imputable à une probable corruption du texte qui ne recèle quelque « intention sacrée » : Credo che anche i pezzi gualciti, ammaccati, facciano parte della provvidenza di quelle scritture. Anche l’errore, se di esso si tratta, custodisce un’intenzione sacra. Nella mia lettura, quando non capisco, lascio in bianco. Attribuisco volentieri l’incomprensione alla mia debolezza d’intendere. Infine credo che tutte le parole zoppe delle scritture siano lì per apparecchiare il riso di Iod / Dio, l’autore. Attraverso dei copisti un poco ciechi e sordi ha fatto deragliare qualche parola: quando le sente pronunciare, ride. Perciò non dobbiamo correggerle, inseguire la probabile esattezza. Dobbiamo far ridere Dio: ci riusciamo solo noi. (A, p. 105)

20 La tradition herméneutique est une perpétuelle dérive et le retour aux sources s’avère proprement impossible. Le narrateur d’Aceto, Arcobaleno ne présente pas la transmission en termes d’accroissement mais au contraire de graduelle et inéluctable exténuation du sens : Molte volte ho pensato con nostalgia che le generazioni si sono trasmesse questo medesimo libro leggendo in esso sempre qualcosa in meno, proprio come se un unico dito, scorrendo una sola copia, lentamente ne cancellasse le righe. Essere molto sfiorato: la somma di molte carezze è un’abrasione. Ma prima che essa si compia sorge una generazione di fedeltà che prova a ricalcare quelle preziose lettere consunte. In molti punti dovrà ricostruirle con immaginazione. La più intensa lealtà, osando il restauro dell’irreparabile, coincide con la contraffazione. Stanotte questo pensiero non mi intristisce, non temo più le rovine dell’originale: ora vi riconosco l’opera di una provvidenza che attraverso la nostra cecità riscrive il suo libro. Così la perdita ha un vincolo di scambio con l’acquisto, le parole scomparse riaffiorano altrove. (AA, p. 72)

21 Le sens originaire du Texte est définitivement perdu et la tentative de restauration philologique est une illusion créatrice. Toutefois, De Luca (ou du moins le narrateur du roman) n’est pas gadamérien : bien que la validité de l’interprétation s’inscrive dans

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l’horizon d’une époque, elle ne saurait à ses yeux se fonder exclusivement sur le consensus de la communauté des interprètes. La réinterprétation du legs de la tradition en fonction du nouvel horizon n’est pas un processus historique immanent car « la réécriture du Livre » est « l’œuvre de la providence ». C’est pourquoi la réactualisation n’est pas une trahison de l’intention originaire mais participe au contraire du déploiement de la révélation : l’interprète s’exprime toujours sous le contrôle de l’auteur.

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NOTES

1. Dans le commentaire de sa traduction de l’Exode, De Luca écrit : « I figli sono tenuti a disdire l’eredità paterna di una colpa, cancellandola dal proprio agire come dal patrimonio genetico. La colpa dei padri ha facilità di ricadere sui figli per imitazione, per predisposizione a ereditarla come una malattia. Ai figli incombe correggere in loro l’eventuale lascito negativo paterno. » (E/N, XXXIV, 7, note 433, p. 143) 2. On peut se demander si la dette héréditaire, liée à une faute historiquement déterminée, ne masque pas, dans l’imaginaire deluchien, une culpabilité plus radicale, proprement originaire. Le narrateur du premier roman de De Luca, Non ora, non qui, raconte qu’enfant, à force d’écouter sa mère lui faire part des malheurs qui accablent le monde, il s’était persuadé, dans un délire paranoïaque d’inspiration vaguement gnostique, qu’il n’était autre que le Verbe incarné, le Fils abandonné sur cette terre par le Père impuissant, et comptable du mal inhérent à la création : « Allora, non so proprio come fu, io capii che non ero testimone di tutto quel male e del mondo, ma responsabile. Tu lo enumeravi e me ne chiedevi conto solo nominandolo. Sì mamma, sotto il silenzio assorto un bambino credette di essere l’ultimo pezzo di Dio, frammento scollato d’un creatore al quale l’opera era sfuggita di bocca e di mano. Non sapeva più che fare o che dire, il Dio in quel bambino, tranne ascoltare. » (NONQ, p. 58-59) 3. Ce n’est que par la médiation de la fiction que De Luca peut adopter le langage de la prière. Le narrateur de Nave di Esilio, imagine qu’il fait parti des rescapés de la Shoah, de ces survivants à la fois « reste » et « principe », « rebut » et « début » d’un nouveau peuple (A, p. 96), et qu’il s’est embarqué, « voyageur illégal », parmi les passagers de l’Exodus à destination de la Palestine. Il adresse à Dieu la prière Écoute Israël qu’il paraphrase et commente en assumant dramatiquement la première personne chorale, le « nous » de la communauté juive (OP, p. 119-125). 4. Le récit à la troisième personne n’est pas la seule modalité narrative qu’exploite De Luca : dans l’un de ses textes, l’auteur qui par ailleurs reproche au Thomas Mann de Joseph en Égypte d’avoir usurpé la place du Créateur et « parodié » la Bible (A, p. 66) n’hésite pas à prêter sa voix au Verbe Incarné, à raconter à la première personne sa Passion et sa Résurrection dans Dal fresco di una cantina di un sepolcro (NDO, p. 27-31). 5. En note de sa traduction du 15 e verset du livre I de l’Ecclésiaste (Un torto fatto non potrà raddrizzarsi. E ciò che manca non potrà essere contato) De Luca commente : « […] un’ ingiustizia commessa non si può pesare, né misurare. Nessun risarcimento riscatta il male fatto. È distanza abissale dal pentimento e dall’assoluzione. K. Sa che il torto è irrevocabile » (K/E, I, 15, note 23, p. 25). Le narrateur de Non ora, non qui affirme : « Il male è irreparabile e non c’è modo di risanare un torto qualunque cosa si faccia dopo. Non c’è rimedio al di fuori di non commetterli e non commetterli è opera la più ardua e segreta in mezzo al mondo. » (NONQ, p. 26) 6. Les suicidés semblent s’être chargés de tout le mal du monde, pour en alléger autrui, et avoir succombé sous son poids (ibidem, p. 47). 7. De Luca propose dans Chisciottimista une interprétation à rebours du Quichotte (très proche de la lecture « aberrante » d’Unamuno auquel il ne se réfère toutefois jamais et qu’il ignore peut- être), transformant l’extravagant héros de Cervantès en une figure messianique (C, p. 8-10). 8. Bien qu’il ne mette pas la littérature profane sur le même plan que la Bible, De Luca, renouvelant le topos de l’artiste inspiré, assimile le poète au prophète. Celui-ci est, comme celui-

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là, traversé par des voix (A, p. 87), il doit, écrit De Luca, « se laisser jouer sans la prétention d’être l’instrumentiste, le compositeur » (ibidem, p. 93). La littérature, dans cette perspective sacralisante, peut s’offrir comme un ultime recours, comme un substitut de la grâce : « Chi è messo alle strette o ha il cielo o ha i libri in tutti e due i casi la sua solitudine è invasa dalle voci più belle del mondo. » (APDR, p. 24) 9. En dépit de la subtile mais peu probante analyse lexicale exposée dans Voce del verbo scendere in E. De Luca et G. Matino, Sottosopra, p. 41. 10. On mesure à ce propos l’ambiguïté d’une démarche qui consiste à mettre son propre verbe au service d’une révélation à laquelle on prétend ne pas adhérer soi-même, à se faire le porte-voix de la nouvelle sans y prêter personnellement foi.

AUTEUR

NICOLAS BONNET Université de Bourgogne

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La prima pietra tirata. Religion et politique chez Erri De Luca

Jean-Claude Zancarini

1 Dans Aceto arcobaleno, le personnage qui, le premier, vient raconter son histoire de violence et de sang au narrateur utilise une expression évangélique pour nommer le destin qui lui est échu. Il déclare que son sort était joué dès le jet de la première pierre : « nella mia prima pietra tirata era già incluso l’uccidere e l’essere ucciso1. » Question brûlante pour une génération, celle qui, lors des années 1968, à vingt ans, pensa la politique en termes d’affrontement et estima qu’il était légitime de dire sa colère et son désir de changement en lançant des pavés ou des sampietrini. Personne alors ne pensait à la phrase du Christ devant la femme adultère « que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre2 ». Quel sens donner à cette traduction dans les mots du fils de l’homme de ce qui était alors pensé dans les termes de la politique radicale ? Erri De Luca veut-il laisser entendre qu’il y eut dans cette génération, dans sa génération, la présomption d’être sans péché qui permet de jeter la première pierre, présomption que n’eurent pas les scribes et les Pharisiens devant la femme adultère ? Le passage à la lutte armée serait alors la conséquence nécessaire de cette présomption, l’acte qui en découle – le jet de la première pierre – contenant en germe la virtualité de la mort donnée ou reçue.

2 La question de la violence et des rapports qu’elle entretient avec l’aspiration à la révolution est fréquemment posée par Erri De Luca. Il précise son sens dans un passage de Lettera da una città bruciata : la violence n’est pas une fin, le révolutionnaire ne se définit pas par son usage ; la violence est une nécessité qui naît de la volonté de résister, de faire durer une communauté – à laquelle il donne, en d’autres passages, le nom de communisme vécu. Il s’agit donc, non d’une violence politique que seul l’État déploie, mais d’une « contreforce », d’une « force de résistance ». Cette contreforce, cette force de résistance, cette violence qui devait exprimer une « volonté de vérité et de justice » Erri De Luca estime que lui et ses camarades l’ont transformée en « volonté de puissance »3.

3 Cette lecture d’un moment historique se fait l’écho de débats de fond qui traversaient la gauche radicale des années 1968 ; celle-ci affirmait, sur la base des thèses marxistes,

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que la violence est l’accoucheuse de l’histoire, mais n’estimait pas forcément que le moment de la lutte armée était à l’ordre du jour. Ainsi, Lotta continua, le groupe dans lequel Erri De Luca militait, établissait-elle une distinction entre violence de masse et violence d’avant-garde et tendait-elle à se méfier de cette dernière, au nom du lien nécessaire avec le mouvement social. Cette difficulté théorique se résolvait alors dans les termes léninistes de l’analyse concrète d’une situation concrète : en telle ou telle circonstance est-il « juste » (entendre « politiquement efficace ») de prendre les armes ? Erri De Luca semble y donner une réponse globale avec sa phrase sur la transformation collective de la volonté de vérité et de justice en « volonté de puissance ». Cette volonté de puissance pourrait être le nom laïc de la présomption de se croire sans péché, une façon de laisser de côté l’analyse politique et d’y substituer des caractéristiques morales. Notons que cette substitution de la morale à l’analyse politique peut avoir une conséquence importante dans la façon de donner un sens au moment historique considéré, façon qui peut d’ailleurs se lire en filigrane dans la phrase « nella mia prima pietra tirata era già incluso l’uccidere e l’essere ucciso ». On pourrait en effet voir dans cette phrase, au-delà de la trajectoire individuelle du personnage qui la prononce, une parabole pour une génération entière, les actes de révoltes et de refus ayant pour conséquence directe le choix de (ou les dérives vers) la lutte armée. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que cette vision téléologique des événements me paraissait fausse et que précisément il n’y avait pas de lien nécessaire entre le mouvement, fût-il violent dans ses actes et dans ses attendus théoriques, de contestation de l’autorité et le développement de la lutte armée4. La lecture morale des événements historiques, dont je ne récuse pas la valeur, ne doit pas faire l’impasse sur l’analyse politique des forces en présence et de leurs initiatives : ni la présomption de pureté ni la volonté de puissance ne peuvent expliquer à elles seules le choix massif de la lutte armée dans l’Italie des années d’après 1968.

4 Notons un autre point, indiqué par l’usage de la métaphore du volantino pour définir la force de résistance (i.e. la violence) de sa génération : « Era la matrice di un volantino, non le parole scritte sopra. » La violence comme stencil donc, comme substrat nécessaire pour que des paroles puissent y faire leur trou, cela au sens strict, puis, ronéotypées et distribuées, aller de l’un et de l’une à l’autre, faire sens, faire communauté, le cas échéant communisme. Bien qu’un peu datée et peut-être difficile à comprendre pour qui n’a jamais tourné la manivelle d’une ronéo, la métaphore est belle et efficace. Elle met en évidence un point fondamental : au-delà de la violence (et de toute « technique5 »), ce sont bien les paroles qui comptent, celles qui peuvent donner sens à l’interrogation morale sur le sens d’une expérience que De Luca partage avec des milliers de garçons et de filles de sa génération. Ce qui se dit dans cette métaphore est bien la nécessité de l’étude et peut-être de l’écriture.

5 Dans In alto a sinistra la question du livre, de l’étude et de la filiation est centrale. Le titre du livre désigne à la fois la page suivante, la lecture qui se poursuit « en haut à gauche » et aussi, comme le rappelle l’auteur, la possibilité que quelque part existe « un’antica uscita di emergenza », une sortie de secours, une issue pour le questionnement. Commençons par l’héritage du père : les livres que le père laisse à son fils sont le seul lieu du sens possible à donner à l’expérience vécue, le seul lieu où l’on peut trouver les paroles qui donnent ce sens (« l’unico posto dove l’esperienza che uno fa nel mondo trova le parole d’accompagnamento »), le seul lieu où le passé (« l’angelo del tempo trascorso ») se lit lui-même en regardant par dessus l’épaule de celui qui écrit6. La question du livre et de l’étude est liée à la question du père, comme dans la religion

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hébraïque ; et on ne s’étonnera pas de voir apparaître, derrière le père, la présence de Dieu. Car Dieu a écrit, comme l’Exode en fait foi (« duas tabulas testimonii lapideas, scriptas digito dei7 »), et Erri De Luca nous dit avoir reconnu cette empreinte du doigt de Dieu, non dans la pierre des tables de la Loi mais dans les vies de certains catholiques qu’il a cotoyés (dont ses amis de la Caritas, avec lesquels il convoyait de l’aide en Bosnie au cours de la guerre en ex-Yougoslavie). Pour dire ce témoignage indirect, il utilise l’expression « impronta digitale ». Dans In alto a sinistra (1994), cette empreinte du doigt de Dieu dans les vies est nettement comparée à celle que l’on peut déceler dans les textes sacrés : « In alcune vite di quelle persone ho visto l’impronta digitale di Dio, così come resta nei libri sacri del loro credo8. » Il y revient dans Nocciolo d’oliva (2002), dans une phrase qui met en parallèle les paroles de l’Ancien Testament et les vies de ses amis catholiques : « Sono un testimone indiretto: vedo le parole dell’Antico testamento non riducibili a opera di autori vari, vedo le vite degli amici cattolici non riducibili a una buona loro indole o volontà ma scavate da un’impronta digitale. » C’est dans ce même passage qu’il affirme ne pas pouvoir aller au-delà de ce témoignage indirect et ne pas croire en Dieu car il ne sait ni prier ni pardonner9.

6 Sans doute les premières lectures bibliques d’Erri De Luca visaient-elles à trouver dans les textes sacrés des analogies, des comparaisons avec son expérience vécue ; on peut trouver des exemples de ces lectures « analogiques » dans Una nuvola come tappeto (1991), lorsque la tentative d’ériger la tour de Babel est présentée comme l’archétype des actions collectives à venir10 ou lorsque la distribution de la manne céleste au cours de l’exode est définie comme une expression du « socialisme divin » qui servira de modèle à la pensée socialiste du XIXe siècle11. Mais au-delà de ces comparaisons qui sont aussi des clins d’œil, le sérieux de l’engagement dans la lecture et la traduction des textes sacrés, le caractère nécessaire que prennent l’une et l’autre, le noyau d’olive que l’on tourne dans sa bouche, tout cela me semble à mettre en rapport avec le questionnement moral mis en évidence plus haut. Le rapport au sacré, aux livres puis au Livre, a pour fonction de trouver les paroles qui donnent sens à une expérience ineffable, inouïe : cet « étrange bonheur12 » qu’a fait naître pour une génération le communisme vécu « entre un coucher de soleil et une aube ». Dans Annuncio mai spedito, un des récits de Il contrario di uno (2003), Erri De Luca raconte la solidarité active des habitants du quartier populaire de la Garbatella avec « la meglio zoventù della città di Roma » attaquée par la police au cours d’une manifestation contre l’OTAN : Quella gente fa il suo ordine pubblico mettendosi con la meglio zoventù e facendola felice. Perché felicità per noi è stato un quartiere insorto all’improvviso a fianco e intorno. Chiamavamo quelle cose comunismo, ma tiravamo ad indovinare, quella era soprattutto una felicità aspra, affumicata13.

7 Dans un texte antérieur, publié dans Lettere da una città bruciata, il avait déjà fait allusion à la Garbatella insurgée. Il revendiquait le nom de communisme pour ce moment exceptionnel : Per una notte quel territorio era la libertà ottenuta, il comunismo avuto tra un tramonto e un’alba. Non ci credi, non posso chiamarla così una notte di fuochi e di lampadine accese? Dammi torto, non l’ho capito mai il comunismo se non era quella comunità coinvolta, capace di contagio, di suscitare affetto e furia nel popolo d’intorno, che produceva gesti non chiamati, non voluti, solo fraternità brusca, efficace e sciolta subito al mattino, con un saluto indelebile. Ne avremmo avuti ancora di comunismi lunghi una notte intera14.

8 Cette interrogation sur la façon dont il faut nommer ce qui s’est passé – il est certain que ce fut un bonheur, mais cet étrange bonheur fut-il réalisation du communisme ? –

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se dit autrement encore : peut-on trouver « une occupation qui ne semble pas privée de sens » quand on a vécu à vingt ans les moments les plus importants de sa vie ? Cette question – qu’il commente abruptement et sans hésitation : « è difficile » – il la pose dans un texte intitulé Fare il mestiere, également publié dans Lettere da una città bruciata15. Il faut faire un détour, au moins apparent, par cette expérience de vie qu’Erri De Luca nomme « gli anni di madrevita operaia di uno che nacque in borghesia16 ».

9 Le choix d’aller travailler comme ouvrier lorsqu’on est un intellectuel n’a pas été seulement un choix individuel ; il y a eu un mouvement vers les usines, théorisé en particulier par les militants se réclamant du maoïsme et appliquant les indications contenues dans l’intervention de Mao-Tsé-Toung à la conférence nationale du Parti communiste chinois sur le travail de propagande du 13 mars 1957 qui invitait les intellectuels à partager « deux ou trois ans voire plus » la vie des « masses ouvrières et paysannes ». En France, du fait de la traduction française de ce discours qui parlait de « s’établir », ce mouvement s’est appelé « établissement ». Dans les débats de l’époque et par la suite dans les travaux universitaires qui ont pris ce mouvement d’établissement pour objet la question s’est posée du sens de cet engagement : s’agissait-il d’une décision essentiellement politique, visant à faire du « travail d’organisation dans la classe ouvrière » ou bien fallait-il voir essentiellement dans ce choix une volonté de transformation de l’identité intime des intellectuels, « une expérience de réforme individuelle ». Les deux citations qui précèdent et synthétisent deux façons opposées de concevoir l’établissement sont tirées du livre de Robert Linhart, L’établi, publié en 1978. Robert Linhart, l’un des fondateurs d’un des groupes d’extrême-gauche de l’avant 68, l’Union des jeunesses communistes marxistes- léninistes, fut l’un des promoteurs en France du mouvement d’établissement et fut lui- même établi à l’usine d’automobile de Citroën-Choisy de septembre 1968 à juillet 1969. Dans son livre, il revendique clairement la première attitude : Je ne suis pas entré chez Citroën pour fabriquer des voitures mais pour faire du travail d’organisation dans la classe ouvrière, pour contribuer à la résistance, aux luttes, à la révolution. Dans nos débats d’étudiants, je me suis toujours opposé à ceux qui concevaient l’établissement comme une expérience de réforme individuelle : pour moi, l’embauche d’intellectuels n’a de sens que politique17.

10 Sa conception de l’établissement n’était cependant pas la seule et d’autres établis revendiquaient sans doute « la réforme individuelle » voire la nécessaire rééducation des intellectuels par les masses. C’est cet aspect que souligne (unilatéralement, me semble-t-il) Marnix Dressen, qui a tiré deux ouvrages de sa thèse de doctorat sur les établis18 : il insiste sur le don de soi, le sacrifice, la foi des établis, leur volonté d’expier la situation de domination de la classe ouvrière. Il applique des postulats théoriques fondés sur l’anthropologie religieuse et sur l’hypothèse d’une « religion sécularisée » qu’il emprunte à Raymond Aron. Cette façon d’analyser – qui minimise l’aspect politique revendiqué par une partie des établis et dont Linhart se faisait le porte parole – met donc l’accent sur le caractère d’emblée religieux de cette posture. Qu’en est-il du parcours ouvrier d’Erri De Luca ?

11 Erri De Luca périodise lui-même assez nettement son expérience de vie ouvrière. S’il se définit comme « uno che ha passato il frattempo tra il ‘77 e il ‘95 a fare mestiere di operaio19 », il explicite qu’il faut distinguer les premières années « che rientrano ancora in una specie di scelta » et la suite ; il précise d’ailleurs que ces premières années commencent après la dissolution de Lotta continua en 1976 et que le moment après lequel il ne s’agit plus de faire une vie d’ouvrier par seul choix politique est l’automne 1980, « dopo le notti

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passate davanti al cancello undici di Mirafiori a bloccare a oltranza la fabbrica d’Italia20 ». Dans Aceto arcobaleno, le personnage qui se présente comme s’étant enrôlé dans la lutte secrète et ayant tué des hommes explique qu’il a choisi de continuer à mener une vie d’ouvrier après les années de politique, ce « fare convulso » qui contenait en lui les germes d’un « monde futur21 » : Poi la gente fu stanca di urti e d’improvviso non ci fu altro da aggiungere. Le migliaia che fummo si sparsero prima a gruppi, poi a polvere. Chi tornò alle professioni di prima, chi agli studi sospesi, mentre altri si sfondavano le vene o si arruolavano in guerre clandestine, io fui tra questi. Sono rimasto a fare l’operaio, là dove avevo cominciato. Mi spinge a questo mestiere solo il desiderio di restare a farlo fino all’ultimo giorno22.

12 La fiction amène à faire le lien entre choix de la lutte armée et choix de la vie ouvrière23, mais ce qui m’intéresse ici est la confirmation d’un choix de vie amené par une transformation de la qualité des temps : devenir ouvrier c’est encore faire de la politique, même dans un moment de repli. La question qui se pose est celle de l’après, des raisons qui poussent à rester ouvrier quand les motivations politiques semblent avoir disparues ou, pour être plus précis, quand la défaite paraît acquise : après la grève de la Fiat à l’automne 1980. À n’en pas douter, cette grève qui échoua fut « la fin d’une époque ». Paul Ginsborg rapporte les paroles – épitaphe pour une génération ouvrière – prononcées, lors d’une assemblée générale des grévistes tenue le 15 octobre 1980 au cinéma Smeraldo de Turin, par Giovanni Falcone, délégué de la section carrosserie de Mirafiori : […] un compagno, poche sere fa, mi diceva: “È un fatto storico, un altro compagno come noi, aveva parlato nel ‘69, oggi parli tu e si chiude un’epoca.” Allora si apriva, ora si chiude… Mi lascia l’amaro in bocca questo. Perché per me dodici anni di lotta non sono stati soltanto dodici anni così, ma è stata una lunga esperienza politica, lo è stata per tutti. […] Almeno ho la soddisfazione di aver chiuso in bellezza e sono contento di tutte le lotte che ho fatto, al di là che il padrone non mi riprenda più24.

13 « Almeno ho la soddisfazione di aver chiuso in bellezza… » Il y a bien la certitude de quelque chose qui se termine, qui se ferme… c’est précisément cette idée que quelque chose s’est fermé qu’Erri De Luca reprend à diverses reprises, dont une fois en utilisant le verbe « chiudere » : « Sono stato uno che ha passato il frattempo tra il ‘77 e il ‘95 a fare mestiere di operaio come può intenderlo chi s’imbarca marinaio: per tenersi al largo e alla larga del mondo che gli si è chiuso dietro25. » Un monde donc s’est fermé. Après, plus rien n’importe, même pas ce qui peut advenir de la vie personnelle : « Non mi è più importato un accidente di quello che mi è capitato dopo l’autunno dell’8026. » Seuls restent une fidélité, un souvenir qu’évoque le personnage d’Aceto arcobaleno : In altri tempi insieme ad altri avevo vegliato davanti ai cancelli di una fabbrica per sbarrare all’alba l’ingresso, oppure nelle case vuote che avevamo preso, aspettando la truppa che sarebbe venuta a sgombrarci. Erano le notti dell’insonnia comune in cui uno nel freddo poteva sentire il proprio fiato salirsene in cielo dritto e caldo come un incenso acceso. In quell’autunno di Francia, Natale del nord, cosa stavo facendo? Reclamavo dei soldi, battendomi per averli e non li desideravo. Cosa mi legava a quegli uomini, oltre la necessità? Solo il ricordo del fiato di quelle altre notti27.

14 Un lien fait du souvenir d’un souffle qui monte au ciel comme un encens. La dimension spirituelle paraît indubitable. Il y a, dans la volonté de maintenir ce lien en demeurant à la dernière place (« sono rimasto a fare l’operaio comune, al rango più basso della gerarchia28 ») comme un destin que l’on ne peut qu’accepter : « Poi uno si trova a trent’anni senza studi e non sa fare altro e così quel mestiere si appiccica adosso e lo si fa perché

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quella è la porzione in terra che è toccata. » Cette phrase dit le destin (la part qui m’est échue29) mais aussi la nécessité : or la nécessité c’est un élément de l’analyse politique, ça relève de l’analyse concrète d’une situation, la conscience de la nécessité c’est ce qui peut inciter à agir, c’est même, pour Machiavel, ce qui peut rendre les hommes bons ! Il y a là le signe d’une aporie possible, un risque de blocage : mais nous savons – Erri De Luca nous l’a dit – qu’existe une issue de secours, « en haut à gauche »… sur la page à lire et à écrire.

15 Fidélité à l’expérience de sa génération ayant vécu le communisme dans l’espace-temps libéré de quelques nuits partagées d’émeute et de résistance et volonté de trouver « les paroles d’accompagnement » de cette expérience dans la lecture nécessaire des textes sacrés : si l’on définit ainsi une des caractéristiques de l’écriture d’Erri De Luca, on accepte de dépasser ce qui peut apparaître comme une contradiction, on inscrit son écriture dans une tension. On pourrait, mutatis mutandis, reprendre à son propos le jugement de Machiavel sur Laurent de Médicis : « si vedeva in lui essere due persone diverse, quasi con impossibile coniunzione congiunte ». Et il est vrai que dans l’œuvre d’Erri De Luca, l’intérêt pour l’empreinte du doigt de Dieu dans les vies et les textes et la fidélité à l’expérience révolutionnaire cœxistent. Cette cœxistence n’allait pas de soi car d’autres chemins étaient possibles et ont été (et sont) parcourus. Ainsi, en France, Benny Lévy, un des fondateurs d’un groupe radical des années 1968, la Gauche prolétarienne, avait, au terme d’un parcours de réflexion partant de cette expérience révolutionnaire, choisi définitivement la voie de l’étude religieuse et son dernier livre, Le Meurtre du pasteur. Critique de la vision politique du monde30, dénonçait l’impasse du chemin politique qu’il avait parcouru avec d’autres. À l’opposé, on pouvait tenter de lire les années 1968 en s’appuyant sur la méthode historique critique et ses instruments de lecture des archives et des textes31, sans estimer que seul le Livre peut donner du sens. Mais cette cœxistence « presque impossible » qu’Erri De Luca tente de maintenir a des effets sur sa propre lecture de son passé et de l’histoire de sa génération. Dans Nocciolo d’oliva, Erri De Luca fait parler Jésus qui déclare le caractère infructueux d’une révolution « quand elle est seulement politique » et prône une « révolte d’âmes en flammes, d’êtres sans défense passionnés de sainteté32 ». Dans certains textes où il affirme sa solidarité avec ses vieux camarades, il fait passer au second plan l’analyse politique et historique pour insister sur l’empathie et l’amour33. La voix de la caritas, de l’amour à fondement divin, tend parfois à couvrir celle du révolté et on peut se demander s’il continuera à parler de Dieu à la troisième personne, en témoin indirect ou s’il sera à son tour « marqué d’une empreinte digitale ». Jusqu’à présent cette tension entre vision politique et religieuse de l’époque historique qu’il a vécue avec passion à vingt ans, lui a permis de trouver dans la littérature et l’étude des textes sacrés « une occupation qui ne semble pas privée de sens ».

NOTES

1. E. De Luca, Aceto Arcobaleno, Milano, Feltrinelli, 1992, p. 32. 2. Jean, 8, 7.

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3. E. De Luca, Lettere da una città bruciata, Napoli, Libreria Dante & Descartes, 2002, p. 94-96 ; je cite une partie de ce passage, p. 96 : « […] la controforza non è rivoluzionaria, è solo una penosa e faticosa necessità di praticare esempi di resistenza. […] La nostra forza di resistenza non era un valore in sé, non fondava una comunità, cercava solo di farla durare. Era la matrice di un volantino, non le parole scritte sopra. Ridotta a questi termini posso finalmente dire che non l’abbiamo saputa usare. Abbiamo trasformato la nostra volontà di verità e di giustizia in una volontà di potenza. » 4. Dans deux articles écrits en collaboration avec Jean-Louis Fournel : « Des historiens peu prudents. L’enjeu historiographique de l’affaire Bompressi, Pietrostefani, Sofri », Les Temps modernes, n° 596, novembre-décembre 1997 et « Une histoire italienne », Laboratoire italien. Politique et société, n° 2, 2001, p. 127-138. 5. E. De Luca, Lettere da una città bruciata, op. cit., p. 96 : « […] intendo ridurre la nostra fitta capacità di contrasto militare a una tecnica. » 6. E. De Luca, In alto a sinistra, Milano, Universale economica Feltrinelli, 2005 [1re éd. 1994], p. 123-124 : « I libri sono il sempre. Chi li scrive può credere di lasciarli ai contemporanei, ai posteri, ma mentre scrive tutto il passato è dietro le sue spalle a leggere. Se non c’è questo angelo del secolo trascorso, se non c’è il suo artiglio sul collo del pœta, le sue parole sono subito cenere. Se non si scrive per essere letto dagli antenati, non resta impresso niente sulla pagina. » 7. Exode, 31, 18. 8. In alto a sinistra, p. 124. 9. « Con tutto questo rimango uno che parla di Dio in terza persona. Il mio piede urta ogni giorno in questa pietra della preghiera, non la può scavalcare perché la preghiera è la soglia. L’altro inciampo è il perdono. Non so perdonare e non posso ammettere di essere perdonato. » (Nocciolo d’oliva, Padova, Edizioni Messaggero di sant’Antonio, 2002, p. 7) 10. E. De Luca, Una nuvola come tappeto, Milano, Universale economica Feltrinelli, 2004, [1re éd. 1991], p. 15 : « La macchina-torre che accampava il cielo è il simbolo araldico segreto che sta nel risvolto di bandiera di ogni impresa comune, perché almeno una volta nella vita una persona viene a trovarsi iscritta insieme ad altre nell’ombra di una torre, prima che divenga Babele e disperda i suoi membri. » 11. Ibidem, p. 92 : « Da qui, dal verso diciotto, capitolo sedici del libro dell’Esodo, il socialismo mutuerà la regola morale del fornire a tutti l’indispensabile » ; p. 93 : « Il socialismo divino era efficiente, le razioni abbondanti. » 12. « […] quella strana felicità », Annuncio mai spedito, in E. De Luca, Il contrario di uno, Milano, Feltrinelli, 2003, p. 55 ; l’expression est également utilisée dans Una storia di strada in Lettere da una città bruciata, op. cit., p. 14. 13. Ibidem, p. 54. 14. Lettere ad Angelo Bolaffi sull’anno sessantottesimo del millenovecento [1998], in Lettere da una città bruciata, op. cit., p. 32. 15. « […] su scala molto ridotta rientro in quella considerazione che Hanna Krall fa a proposito di Marek Edelman, uno dei comandanti della Resistenza nel ghetto di Varsavia. Lei scrive in margine a una intervista con lui: “Quando si vivono a vent’anni i momenti più importanti della propria vita è difficile trovare un’occupazione che non sembri priva di senso. È difficile”. » (Fare il mestiere [1996], in Lettere da una città bruciata, op. cit., p. 47-48) 16. In alto a sinistra, op. cit., quarta di copertina. L’hapax madrevita indique sans doute un lien possible entre la vie et la langue. 17. R. Linhart, L’établi, Paris, Minuit, 1978, p. 60. 18. M. Dressen, De l’amphi à l’établi. Les étudiants maoïstes à l’usine (1967-1989), Paris, Belin, 2000 et Les établis, la chaîne et le syndicat. Évolution des pratiques, mythes et croyances d’une population d’établis maoïstes (1968-1982). Monographie d’une usine lyonnaise, Paris, L’Harmattan, 2000. 19. Lettera da una città bruciata, op. cit., p. 77. 20. Ibidem, p. 47-48. 21. Aceto arcobaleno, op. cit., p. 20.

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22. Ibidem, p. 21. 23. Pour être précis, le personnage devient ouvrier après avoir quitté le lycée et il est ouvrier pendant ses « sept années de politique » (p. 19-20) ; il déclare être resté à l’usine après le brusque repli qu’il décrit (p. 21), puis abandonne le travail salarié lorsqu’il passe dans la clandestinité (p. 35) ; après l’échec de la lutte clandestine, il reprend son métier d’ouvrier (p. 34). Le lien fictionnel est fort entre vie ouvrière, lutte politique, lutte armée. 24. P. Ginsborg, Storia d’Italia dal dopoguerra a oggi, Torino, Einaudi, 1989, p. 544-545. 25. Lettera da una città bruciata, op. cit., p. 77. 26. Ibidem, p. 48. 27. Aceto, arcobaleno, op. cit., p. 23-24. 28. Lettera da una città bruciata, op. cit., p. 47. 29. Notons qu’il pourrait s’agir d’une réminiscence biblique ; ainsi, pour donner un exemple, l’édition CEI rend Isaïe, 57, 6 par une expression très proche : « Tra le pietre levigate del torrente è la parte che ti spetta / esse sono la porzione che ti è toccata. » 30. B. Lévy, Le Meurtre du pasteur. Critique de la vision politique du monde, Paris, Grasset/Verdier, 2002. 31. Je pense par exemple, pour l’Italie, au livre d’un autre ancien militant de Lotta continua qui fait l’histoire de la période des années 1968 : G. Crainz, Il paese mancato. Dal miracolo economico agli anni ‘80, Roma, Donzelli, 2003. 32. Nocciolo d’oliva, p. 28 : « Non porta frutto la rivoluzione quando è solo politica. I deboli, i poveri, gli offesi devono armarsi d’altro. Solo una rivolta d’anime in fiamme, di inermi infervorati di santità può scalzare dai troni le molte Roma del mondo. » 33. Lettera da una città bruciata, p. 76 : « Mi sono a lungo distolto dagli abbracci, ora non più. »

AUTEUR

JEAN-CLAUDE ZANCARINI ENS LSH, UMR Triangle

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Sollecitazioni buddhiste nell’opera di Calvino

Claudia Nocentini

1 Fra le particolarità di Calvino come scrittore italiano quella che forse ha suscitato meno interesse è la provenienza laica della sua tradizione familiare. Forse perché per contrasto all’attività scientifica dei genitori, maggiormente teorica quella materna e più applicata quella del padre, l’identità non cattolica e anzi la sostanziale non appartenenza ad alcun credo religioso non ha lasciato che tracce pressoché intangibili, documentate al massimo da qualche ricordo dell’autore. Il quadro più particolareggiato affiora nell’intervista del 1960 intitolata Autobiografia politica giovanile quando Calvino spiega che: I ragazzi sono istintivamente conformisti, perciò l’accorgersi d’appartenere a una famiglia che poteva sembrare fuori del comune creava uno stato di tensione psicologica con l’ambiente. La cosa che più contrassegnava l’anticonformismo dei miei genitori era l’intransigenza in materia di religione. A scuola essi chiedevano che fossi esonerato dall’insegnamento religioso e che non partecipassi mai a messe o altri servizi di culto. Fin tanto che frequentai una scuola elementare valdese o fui allievo esterno d’un collegio inglese, questo fatto non mi causò alcun problema: gli ebrei protestanti, cattolici, e russi ortodossi erano mescolati in varia misura. San Remo era allora una città con templi e sacerdoti d’ogni confessione, e strane sette allora in voga come gli antroposofi di Rudolf Steiner, e io consideravo quella della mia famiglia una delle tante possibili gradazioni d’opinione che vedevo rappresentate intorno a me. Ma quando andai al ginnasio statale, l’assentarmi dalle lezioni di religione, in un clima di grande conformismo (già il fascismo era al secondo decennio del suo potere) mi esponeva a una situazione di isolamento e mi obbligava talora a chiudermi in una sorta di silenziosa resistenza passiva di fronte a compagni e professori. Alle volte l’ora di religione era tra due altre lezioni e io aspettavo in corridoio; nascevano equivoci coi professori e i bidelli che passavano e mi credevano in punizione. Coi compagni nuovi succedeva sempre che, per via del mio cognome, mi credevano protestante; io lo smentivo ma non sapevo come rispondere alla domanda: “E allora cosa sei?” Detta da un ragazzo, l’espressione “libero pensatore” fa ridere; “ateo” era una parola troppo forte per quei tempi; così mi rifiutavo di rispondere1.

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2 Nonostante questi apparenti svantaggi, la valutazione che dà della propria esperienza è positiva: Insomma, mi trovavo spesso in situazioni diverse dagli altri, guardato come una bestia rara. Non credo che questo mi abbia nuociuto: ci si abitua ad avere ostinazione nelle proprie abitudini, a trovarsi isolati per motivi giusti, a sopportare il disagio che ne deriva, a trovare la linea giusta per mantenere posizioni che non sono condivise dai più. Ma soprattutto sono cresciuto tollerante verso le opinioni altrui, particolarmente nel campo religioso, ricordandomi come era fastidioso sentirsi preso in giro perché non seguivo le credenze della maggioranza. E nello stesso tempo sono rimasto completamente privo di quel gusto dell’anticlericalismo così frequente in chi è cresciuto in mezzo ai preti. (Ibidem, pp. 2737-2738)

3 All’apertura di vedute che caratterizza Sanremo segue il clima altrettanto aperto e laico della casa editrice Einaudi i cui collaboratori appartengono a tradizioni religiose differenti, prevalentemente quella cattolica ed ebraica, e tuttavia sono intenti a contribuire a una trasformazione culturale ed etica civile anche attraverso la pubblicazione di studi di religione, mitologia e teologia2.

4 Forse non vale neppure la pena di sottolineare come nelle opere narrative le distanze dal mondo cattolico siano rese evidenti fin dall’inizio, ma appena segnalate. “Un’aria falsa che sembra allevato dai preti”, si dice di Pin ne Il Sentiero, battuta genericamente anticlericale di sapore fra il risorgimentale e il progressista. Infantilmente bonario nonché retorico è il prete don Grillo di Desiderio in novembre del 1949, in cui è messo in scena il confronto fra la generosità istituzionalizzata parareligiosa e la spontanea generosità laica. Il racconto Un pomeriggio, Adamo del 1949 è centrato sul contrasto fra l’identità cattolica tradizionale e meridionale di Maria Annunziata costruita sulla devozione tutta esteriore dei riti paesani e il laicismo progressista di Libereso le cui abitudini personali e familiari sono basate sull’accettazione della natura, il vegetarianesimo e la non violenza.

5 Tuttavia mi pare davvero che nei confronti delle religioni in genere domini una fondamentale tollerante e rispettosa distanza come nell’affermazione autoriale citata sopra. In Lettere ad Amelia sui dischi volanti (1950, ora in Racconti esclusi da I Racconti) il punto di vista ironico della voce narrante si trova a parlare in difesa di tibetani e pigmei come esempi di minoranze, consapevole che, come quello religioso, ogni tratto dell’identità è passibile di esclusione e persecuzione. In particolare il narratore non si capacita che i tibetani siano stati scelti per le esplorazioni su Marte: Forse perché sono già lassù in quel loro Tibet, più vicini di noi a Marte e hanno da fare meno strada. O forse si prevede che in quei loro squallidi visi tibetani, in quei loro mantelli neri i marziani riescano a riconoscere una parentela, un’affinità umana, una simpatia, mentre sarebbe lor più difficile trovarsi con tipi come noi, troppo impazienti e ironici3. E il bozzetto prosegue: Se ne stanno da migliaia d’anni in cima al Tibet, come uccelli appollaiati sulle travi d’un tetto, tutt’intorno a quel loro Dalai Lama. Ed ecco che arriva uno a dire: “Finalmente abbiamo trovato come utilizzarvi; andrete a Marte.” E uno per uno vengono scagliati nello spazio, da cui nessuno forse tornerà mai vivo. […] Così il progresso si ricorda per la prima volta di costoro4.

6 Questa citazione ci dà un’idea delle limitate conoscenze che il Calvino degli anni ‘50 quantomeno attribuisce a una voce narrante media circa la civiltà tibetana, ma anche per ricordarci come sia ancora “ruvido” e caricaturale – Guido Fink dirà alla Renato Rascel5 – l’umorismo del primo dopoguerra anche a dispetto dell’umanità degli obiettivi

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che si pone come propri. Il 1950 è anche l’anno in cui Calvino scrive a Mario Motta su Cultura e realtà “Una lettera sul ‘paradiso’” in risposta a un commento sulla possibilità di paradisi immanenti nato dal dibattito seguito alla pubblicazione di Il Dio che è fallito. Sei testimonianze sul comunismo6. Dichiarando subito che si trattava di un libro che non aveva intenzione di leggere, Calvino spiega come il tema l’ha fatto riflettere: Come “vedo” la rivoluzione, il socialismo, la società che auspico e per attuare la quale, “nel mio piccolo”, lavoro. Mi venivano alla mente immagini dettate da quel poco d’esperienza che ho di momenti di risveglio democratico e d’attività organizzata ed efficiente: momenti in cui in ognuno si moltiplicano gli interessi per ogni aspetto della vita, ma con effetti tutt’altro che “paradisiaci”: un subisso di cose da fare di responsabilità di “grane”; tu che mi credi pigro riderai. Ciò che mi spinge in questa direzione non è un “paradiso” da raggiungere – mi sembra – è la soddisfazione a vedere le cose che a poco a poco si mettono ad andare nel loro verso, il sentirsi in una posizione più adatta per risolvere i problemi man mano che si presentano, per “lavorare meglio”, l’aver più chiarezza in testa e il senso di essere sempre più al proprio posto tra gli uomini, tra le cose, nella storia7.

7 Se “la rivoluzione, il socialismo, la società che auspico” sono paragonati al “paradiso” è da sottolineare che la loro realizzazione non è questione di “fede”, bensì di faticosa virtù8. Il “paradiso” da raggiungere (con gli angioletti oppure l’albero delle salsicce: fa lo stesso) è il modo sbagliato di porre il problema dell’uomo che non si sente in mano le chiavi del proprio inserimento nel mondo: invece di cercare queste chiavi, di imparare a usarle, si vagheggia (o ci si pone come “mito” d’azione, sprecando anni e fatica) un mondo senza serrature, un non-mondo, una non-storia, uno “stato umano assoluto”. Laddove il problema è proprio quello di prendere coscienza del proprio esser relativo, e imparare a esserne padrone, a – con questo relativo – saperci fare9.

8 Non siamo lontani dalle considerazioni dell’anonimo protagonista di La nuvola di smog (1958) in conversazione con Omar Basaluzzi, operaio licenziato e futuro sindacalista: Mi rendevo conto che a lui, venisse o non venisse quel giorno, gli importava meno di quel che si potesse credere, perché quel che contava era la condotta della sua vita, che non doveva cambiare. “Grane ce ne saranno sempre, si capisce… Non sarà il paradiso… Come noialtri non siamo mica santi…” Cambierebbero vita i santi se sapessero che il paradiso non c’è?10

9 Fra i “paradisi” della lettera del ‘50, Calvino mette la psicoanalisi, la memoria, il surrealismo, l’ermetismo, ossia tutto quello che consideri l’interiorità come una dimensione separata e separabile dall’azione, dal contatto con l’esterno. Non giudica invece l’aspetto consolatorio di questa dimensione dato che anzi le annette anche tutti gli inferni, altrettanto assoluti.

10 Ma se inferni o paradisi sono una finzione, quest’ultima è tutt’altro che insensata: è nella bellissima introduzione a Le fiabe italiane del 1956 che Calvino spiega qual è la motivazione etica del suo lavoro di scrittore, o anzi, in questo caso, di trascrittore, nell’atto di fede esplicito che: […] le fiabe sono vere. Sono, prese tutte insieme, nella loro sempre ripetuta e sempre varia casistica di vicende umane, una spiegazione generale della vita, nata in tempi remoti e serbata nel lento ruminìo delle coscienze contadine fino a noi; sono il catalogo dei destini che possono darsi a un uomo e a una donna, soprattutto per la parte di vita che appunto è il farsi d’un destino: la giovinezza, dalla nascita che sovente porta in sé un auspicio o una condanna, al distacco dalla casa, alle prove per diventare adulto e

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poi maturo, per confermarsi come essere umano. E in questo sommario disegno, tutto: la drastica divisione dei viventi in re e poveri, ma la loro parità sostanziale; la persecuzione dell’innocente e il suo riscatto come termini d’una dialettica interna ad ogni vita; l’amore incontrato prima di conoscerlo e poi subito sofferto come bene perduto; la comune sorte di soggiacere a incantesimi, cioè d’essere determinato da forze complesse e sconosciute, e lo sforzo per liberarsi e autodeterminarsi inteso come un dovere elementare, insieme a quello di liberare gli altri, anzi il non potersi liberare da soli, il liberarsi liberando11; la fedeltà a un impegno e la purezza di cuore come virtù basilari che portano alla salvezza e al trionfo; la bellezza come segno di grazia, ma che deve essere nascosta sotto spoglie di umile bruttezza come un corpo di rana; e soprattutto la sostanza unitaria del tutto, uomini bestie piante cose, l’infinita possibilità di metamorfosi di ciò che esiste12.

11 Appena velata dall’apparente paradosso della verità delle fiabe questa è una formulazione del proprio credo in un altruismo attivo, che non intende e non può prescindere dall’azione13.

12 È questo l’atteggiamento antimistico con cui quattro anni dopo, in Il cavaliere inesistente, descriverà i cavalieri del Gral nelle tinte più fosche. In contrapposizione alla stesura del racconto, opera della laboriosità tutta concreta di suor Teodora che scrive “per penitenza” come “modo di guadagnarsi la salvezza eterna”, e senza la convinzione che l’atto in sé le salvi l’anima14, i cavalieri, seppure assolti dal reato di seduzione di minorenne con cui erano stati introdotti nel testo, si rivelano “permalosi, gelosi, suscettibili” (ibidem, p. 1050) nonché ipocriti all’interno del gruppo e vessatori odiosi e crudeli dei contadini Curvaldi all’esterno. L’intero capitolo X è dedicato allo smantellamento delle illusioni di Torrismondo nei confronti del colpevole e inutile misticismo dei Cavalieri fino al suo schierarsi contro di loro dalla parte dei Curvaldi oppressi.

13 Per quanto riguarda invece la rappresentazione delle pratiche spirituali a cui Torrismondo si sottopone nel suo breve apprendistato, la meditazione sulla goccia di rugiada è tratta dagli esercizi suggeriti da Rudolf Steiner come introduzione all’antroposofia, mentre il ruotare di spade dei Cavalieri più avanzati s’ispira agli apologhi Zen, ed è la stessa postfazione alla raccolta de I nostri antenati a spiegare che i Cavalieri del Gral rappresentano “l’esistere come esperienza mistica, d’annullamento nel tutto, Wagner, il buddismo dei samurai15”.

14 Il diario di viaggio negli Stati Uniti, successivo alla scrittura de Il cavaliere e anteriore alla postfazione, testimonia come Calvino osservi con disincantato interesse sociologico e preoccupazione adulta la presunta rivoluzione giovanile dei beatniks. Con parole quasi identiche a quelle del diario, in I Beatniks e il sistema, una conferenza del 1962, spiega come dietro all’efficienza tecnologica della provincia statunitense sia “l’angoscia, la vertigine”: [Era] come se dietro a tutto questo fosse il vuoto, il nulla, e tutt’a un tratto, ecco: avevo capito la beat generation, il no assoluto, il rifiuto di tutto questo, avevo capito la portata – anche quantitativa – come fatto sociale di questo sciamare verso le metropoli di giovani che invece d’affrettarsi a trovare il loro posto nel meccanismo della prosperity e delle carriere prestabilite, s’insabbiano in sudici quartieri, si rifiutano di lavorare, abborracciano in modo dilettantesco un’attività letteraria o artistica, e cercano non il successo o il potere ma un al di là, un nirvana, cercano con i mezzi che il terreno gli offre – teorie sessuali e pratiche mistiche, jazz freddo, buddismo zen, testi religiosi medioevali, sigarette alla marijuana, esercizi yoga – qualcosa che non è una trasformazione del mondo, ma una trasformazione del modo di stare al mondo16.

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15 La comprensione del fenomeno è lontana dall’essere un’approvazione: l’autore conclude la conferenza augurandosi che l’Italia riesca a evitare una beat generation, ma taglia la pagina appena citata, e l’implacabile stroncatura di Ginsberg e Kerouac (ibidem, p. 2938) che le segue, dalla successiva pubblicazione in Una pietra sopra (1980). Inoltre, fra le carte del fascicolo intitolato a Calvino nell’archivio Einaudi è conservata una recensione di John Clellon Holmes, Non sono dei nichilisti, pubblicata in italiano all’epoca dell’uscita di Beats, un’antologia di testi poetici curata da Seymour Krim, nella quale è sottolineato in rosso: I beatniks s’immergono nel sottosuolo più ricco e genuino dell’americanismo, e soffrono di restare individui, aspirando alla pace con il cosmo e all’armonia, in umiltà, con il mondo a cui appartengono: tale è il carattere della beat generation la quale è stata il fenomeno più interessante apparso nella civiltà americana del dopoguerra.

16 Per quanto non sia detto esplicitamente, la scelta di traduzioni riportate dei cori 113 e 182 da I Blues di città del Messico enfatizza in particolare il legame tra la poesia di Kerouac e il Veicolo del Diamante della tradizione Mahayana, mentre Kaddish di Ginsberg, al di là del titolo ispirato da un rito ebraico, come compianto della morte di tutte le madri attraverso quella della propria, è una delle meditazioni classiche del buddhismo tibetano17. Non è chiaro perché Calvino abbia conservato queste pagine di giornale che tematicamente si possono ricollegare solo a scritti non rivisitati, ma si può ipotizzare che intendesse correggere la mira di quanto aveva affermato sulla San Francisco Renaissance al ritorno dagli Stati Uniti in uno scritto dal tono marcatamente più sociologico che letterario.

17 Nel 1963 Calvino aveva pubblicato La giornata di uno scrutatore, un testo in cui è centrale la riflessione sull’umanità e la storia. A partire dalla perversione contingente che origina lo scritto, ossia l’immoralità politica che approfitta del voto dei malati mentali del Cottolengo, gli interrogativi che pone al lettore sono di natura etica sul concetto di responsabilità storica. Tanto il punto di vista laico quanto quello religioso vengono chiamati in causa nelle riflessioni di Amerigo sul legame fra la sofferenza e la storia, o addirittura sulla sofferenza come motore della storia, in particolare attraverso la citazione di un passo dai Manoscritti giovanili di Marx, forse più influenzati dallo studio di Epicuro e Democrito, in cui si sottolinea l’interdipendenza fra uomo e natura, vedendo “la natura come corpo inorganico dell’uomo18” per concludere che “l’umano arriva dove arriva l’amore, non ha confini se non quelli che gli diamo” (ibidem, p. 69).

18 L’atteggiamento laico di cui si fa portavoce è rispettoso delle attività caritatevoli ispirate da principi religiosi, ma non riconosce alle organizzazioni religiose il monopolio sulla compassione. Nei confronti dell’atteggiamento compassionevole, retto, delle suore, nutre ammirazione che non riesce a esprimere riconoscendosi in polemica con la necessità assoluta della loro scelta. Anche Amerigo avrebbe voluto dirle parole di ammirazione e simpatia, ma quel che gli veniva da dire era un discorso sulla società come avrebbe dovuto essere secondo lui, una società in cui una donna come lei non sarebbe stata considerata più una santa perché le persone come lei si sarebbero moltiplicate, anziché star relegate in margine, allontanate nel loro alone di santità, e vivere come lei per uno scopo universale, sarebbe stato più naturale che vivere per qualsiasi scopo particolare, e sarebbe stato possibile a ognuno esprimere se stesso, la propria carica sepolta, segreta, individuale, nelle proprie funzioni sociali, nel proprio rapporto con il bene comune… (Ibidem, p. 68)

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19 La polemica è nei confronti di una rinuncia all’individualità, forse, paradossalmente, nei confronti di una rinuncia alle sofferenze dell’individualità introdotta dal confronto dell’espressione prevalentemente beatifica delle fototessere sui documenti delle suore e degli idioti completi, rispetto a quella stralunata e poco rappresentativa dei “sani” e dei malati meno gravi. Guardando la riuscita di queste foto Amerigo riflette: Le monache […] posavano di fronte all’obiettivo come se il volto non appartenesse più a loro: e a quel modo riuscivano perfette. Non tutte, si capisce, […] bisognava avessero passato come una soglia, dimenticandosi di sé, e allora la fotografia registrava quest’immediatezza e pace interiore e beatitudine. È segno che una beatitudine esiste? Si domandava Amerigo (questi problemi per lui poco consueti, era portato a connetterli con il buddismo, il Tibet), e, se esiste, allora va perseguita? Va perseguita a scapito d’altre cose, d’altri valori, per essere come loro, le monache?19

20 L’accenno al buddhismo è brevissimo, ma l’atteggiamento è riconoscibilmente cambiato; per quanto distante il tema è inquadrato da un sostanziale rispetto.

21 Chiave di volta nell’arco della produzione calviniana, La giornata è seguita da opere in cui il sé del narratore e dei protagonisti sono progressivamente più sottili e le sollecitazioni buddhiste diventano sempre più strutturali. In Le cosmicomiche (1965) le metamorfosi, o reincarnazioni del narratore Qfwfq raccontano un universo che si trasforma secondo il pensiero e il desiderio dei soggetti che lo compongono in una continuità organica tra uomo, animali, materia. Si pensi in particolare al brano centrale di Tutto in un punto, in cui la creazione dello spazio è la risposta al desiderio della signora Ph(i)Nkº di fare agli altri le tagliatelle, che viene addirittura citato come meditazione sulla interdipendenza fra umanità e natura in World as Lover, World as Self, un testo del 1995 di Joanna Macy, studiosa buddhista20. Oppure alla conclusione di La spirale, in cui l’io del narratore, trasformato in immagine, si riflette, moltiplica e dissolve “nell’ultramondo che s’apre attraverso la sfera semiliquida delle iridi, il buio delle pupille, il palazzo di specchi delle rètine, nel nostro vero elemento che si estende senza rive né confini21”. O ancora alla meditazione sul tempo centrale a Ti con zero (1965) in cui il paradosso di Zenone di Elea sull’infinita divisibilità dello spazio applicata al continuo temporale permette di giungere a una visione delle cose staccata dal sé22.

22 Se si può obiettare che l’origine di questi scritti è filosofico-letteraria, va ricordato che in Leggerezza23 è lo stesso Calvino a paragonare il Pitagora di Ovidio a Buddha e a spiegare: Anche per Ovidio tutto può trasformarsi in nuove forme; anche per Ovidio la conoscenza del mondo è la dissoluzione della compattezza del mondo; anche per Ovidio c’è una parità essenziale in tutto ciò che esiste, contro ogni gerarchia di poteri e di valori. (Ibidem, p. 637)

23 Se pensiamo ai testi di Calvino dalla metà degli anni ‘60 e ancor più dagli anni ‘70 in poi dal punto di vista concettuale non ci sarebbe bisogno di chiamare in causa il buddhismo. Lo stesso Calvino rimanda a Breve storia dell’infinito, un testo di Paolo Zellini del 1980, per un’appassionante ricognizione del territorio che spazia fra filosofia, matematica e letteratura. Temi come l’infinito e l’indefinito, l’uno e il molteplice abbondano nella filosofia occidentale e il concetto che per cambiare il mondo il saggio deve dedicarsi a investigare il sé credo che si perda nella notte dei tempi, ma viene ripreso quantomeno da Plotino, e citato a più riprese nell’incipit intitolato In una rete di linee che s’intersecano di Se una notte24.

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24 Sono le associazioni e la lingua con cui Calvino descrive questa problematica filosofica, che, almeno a me, suonano decisamente orientaleggianti. In Le città invisibili è in parte una scelta obbligata dalla cornice, ma tanto Kublai quanto Marco meditano a più riprese sulla realtà dell’esserci (ibidem, p. 377). Marco s’imbatte in sé ipotetici (ibid., p. 378) – come del resto il protagonista del primo incipit di Se una notte – e un’intera sezione del libro, intitolata Le città e il cielo, instaura rapporti tra micro- e macrocosmi25, il continuo bilanciamento fra ottimismo e pessimismo alla ricerca dell’equanimità e fra continuità e discontinuità come modi di un inarrestabile divenire. Infine sono orientaleggianti le scelte sia di usare la metafora centrale dell’arco e le pietre, vera e propria kan sul rapporto fra unità e molteplicità, sia di concludere il testo con una dichiarazione etica.

25 Perfino la centralità del vuoto in La taverna dei destini incrociati, nella conclusione provvisoria di Parsifal, rimanda, attraverso il tao, al tema della vacuità, cardine dell’insegnamento buddhista26. Il nocciolo del mondo è vuoto, il principio di ciò che si muove nell’universo è lo spazio del niente, attorno all’assenza si costruisce ciò che c’è, in fondo al gral c’è il tao, – e indica il rettangolo vuoto circondato dai tarocchi27.

26 Che almeno a livello di modelli narrativi lo Zen affascini Calvino non c’è dubbio: nei testi di Collezione di sabbia dedicati al viaggio in Giappone dice di aver letto i testi di Suzuki28, e ne riracconta apologhi sia qui sia in Lezioni americane. Il motivo del rapporto fra maestro e discepolo viene ripreso da Sul tappeto di foglie illuminato dalla luna in Se una notte, dove, a scanso di equivoci moralisti, l’attenzione impassibile si applica in un’atmosfera che lo schema autoriale chiama “il romanzo della perversione29”.

27 Alla riflessione sul cambiamento e lo sfacelo della realtà e alla trappola del desiderio in cui è calato il soggetto rimandano tanto Le città invisibili quanto Se una notte, fino a diventare la pratica di osservazione di Palomar, le cui meditazioni sottolineano la dimensione creativa della compassione e della solidarietà, e, in Il mondo guarda il mondo, la sostanziale, nonché paradossale, unità fra soggetto e mondo.

28 Studi recenti sottolineano il legame fra la letteratura italiana e il pensiero orientale: John Stella analizza le influenze buddhiste nelle opere di Pirandello e Moravia30, Jon Usher il concetto di metempsicosi in Petrarca e Boccaccio31. Ma, dovendo azzardare delle ipotesi di influenze dirette su Calvino, credo che, dopo le reazioni ambigue alla scoperta dei Beats, sia l’esempio di Borges, autore con Alicia Jurado di Què es el budismo (1976) e impareggiabile manipolatore di questi concetti filosofici, a essere determinante.

NOTE

1. I. Calvino, Saggi 1945-1985, a cura di M. Barenghi, Milano, Mondadori, 1995, pp. 2736-2737. 2. A sostegno della mia lettura, in particolare è utile ricordare la pubblicazione da parte di Einaudi di due testi di Mircea Eliade, Tecniche dello yoga (1952) e Trattato di storia delle religioni (1954) entrambi con prefazione di Ernesto De Martino.

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3. I. Calvino, Romanzi e racconti, III, a cura di M. Barenghi e B. Falcetto, Milano, Mondadori, 1994, p. 879. 4. Ibidem, p. 880. Si noti la somiglianza con le argomentazioni di Lettera a una professoressa della scuola di Barbiana di Don Milani degli anni ‘60. 5. G. Fink, “Ti con zero”, Paragone, a. XIX, 216 (n. 36), febbraio 1968, pp. 149-153. 6. Il Dio che è fallito. Sei testimonianze sul comunismo, a cura di R. H. S. Crossman, Ivrea, Ed. di Comunità, 1950. La posizione di Calvino nel dibattito si può leggere ora in Lettere 1940-1985, a cura di L. Baranelli, Milano, Mondadori, 2000, pp. 279-285. 7. Ibidem, p. 280. Benché Calvino sia quasi certamente inconsapevole della vicinanza alla dottrina delle sue posizioni quando scrive, il migliorare le condizioni in modo che migliorino i risultati rientra senz’altro nell’ottica di coproduzione condizionata in un universo senza creatore. Si veda R. Gnoli, La rivelazione del Buddha, Milano, Mondadori, 2004, vol. II, p. XXIII. 8. Come specificherà nel 1973 in chiusura a Le città invisibili, “attenzione e apprendimento continui” (Romanzi e racconti, II, p. 498) che corrispondono a due delle sei perfezioni lungo la strada dell’illuminazione secondo la Condensed Perfection of Wisdom Sutra; le altre sono la generosità, la disciplina morale (o gentilezza), la pazienza e la saggezza. Cfr. Geshe Kelsang Gyatso, Joyful Path of Good Fortune, New Kadampa Tradition (NKT) England, 1990, pp. 447-448. E anche Gnoli, p. XXIII. 9. I. Calvino, Lettere, p. 281. 10. I. Calvino, Romanzi e racconti, I, a cura di M. Barenghi e B. Falcetto, Milano, Mondadori, 1991, p. 944. 11. Corsivo nostro. 12. I. Calvino, Fiabe Italiane, Torino, Einaudi, 1956, p. XVIII. La sottolineatura è mia. 13. Secondo Enrico De Vivo la verità delle favole ha antecedenti nella Scienza nuova di Giambattista Vico. Si veda il suo recente “Costruire miti per spiegare miti”, in Letteratura come fantasticazione: a colloquio con Gianni Celati, University of Leicester, 2-4 May 2007. 14. I. Calvino, Romanzi e racconti, I, p. 1009. 15. Nota 1960 a I nostri antenati, in Romanzi e racconti, I, p. 1217. Si veda anche la lettera a Mondo Nuovo del 21 marzo 1960, in Lettere, p. 644. 16. I. Calvino, Saggi, p. 2940. Si confronti “L’istituzione dei ‘Beatniks’” parte di “Cartoline dall’America” apparso su ABC, giugno-settembre 1970, ora in ibidem, pp. 2590-2594. 17. L’articolo pubblicato sulle pagine centrali di una rivista non datata e intitolata, forse, Il Punto su La filosofia dei Beats, è conservato nella scatola 34/1, cartella 537/4, nn. 781-782. Il testo a cui fa riferimento è l’antologia poetica Beats a cura di S. Krim e introduzione di M. Bulgheroni, Milano, Lerici, 1966. 18. I. Calvino, Romanzi e racconti, II, a cura di M. Barenghi e B. Falcetto, Milano, Mondadori, 1992, pp. 49-50. 19. Ibidem, p. 34. Per una lettura della dimensione religiosa di questo testo, si veda J. Usher, “The Grotesque as Metaphor in Calvino’s Giornata di uno scrutatore”, Bulletin for the Society of Italian Studies, n. 21, 1988, pp. 2-14. 20. Si noti che il testo, consultabile anche online , cambia il nome del personaggio protagonista che da signora Ph(i)Nkº si trasforma in signora Pavacini, con una perdita di astrazione e leggerezza paradossale in un’analisi che ne vorrebbe mettere in risalto l’impalpabilità. 21. I. Calvino, Romanzi e racconti, II, p. 221. 22. Vedi anche Se una notte in ibidem, p. 626, su Zenone d’Elea. E ancora sulla reversibilità del tempo, il far tornare indietro gli orologi fino a essere senza passato e cioè un altro, p. 631, o l’impossibilità di trovare un vero e proprio inizio, a p. 761. 23. I. Calvino, Saggi, p. 638. 24. Id., Romanzi e racconti, II, p. 769.

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25. Andria, ibidem, p. 485. 26. La spiegazione più chiara che conosco di questo concetto è di G. Tucci: “Shunya significa letteralmente: “vuoto”. Il più antico buddismo […] aveva predicato la non esistenza dell’anima, intesa come un’entità metafisica immutabile, ma non aveva negato quei punti-istanti, quei minimi nel tempo e nello spazio, continuamente succedentisi attraverso un ininterrotto processo di creazione, durata e distruzione che sono a base dei fenomeni psicologici dell’individuo e dei fatti fisici del mondo della materia designati nel linguaggio tecnico col nome di dharma. Il Mahayana, o grande veicolo, estende la negazione anche a questi punti-istanti e formula appunto il principio della vacuità dell’essere, che è il perno intorno a cui si aggira tutta la dommatica e la mistica delle scuole mahayaniche e che costituisce uno degli aspetti più difficilmente comprensibili della dottrina. Questo principio di vuoto non significa già che il sistema debba ridursi ad una specie di nihilismo filosofico […]. Questo vuoto non è il nulla, ma un concetto limite, la negazione cioè di tutti i possibili predicati, quell’esperienza ineffabile cui il santo assurge nel processo mistico e nel medesimo tempo il fondo indefinibile dell’essere. Il vuoto diventerà infatti per i continuatori di Nagarjuma il puro pensiero, il pensiero senza pensato, l’intelligenza suprema che è al di là di ogni determinazione positiva e pure è la base e la ragione prima delle infinite apparenze del mondo fenomenico.” (In Nirvana [1931], ora in Il paese delle donne dai molti mariti, Vicenza, Neri Pozza, 2005, p. 117) 27. I. Calvino, Romanzi e racconti, II, p. 589. 28. I. Calvino, Saggi, p. 590. Stando alle informazioni in nota a Collezione di sabbia, il viaggio di Calvino in Giappone risale a prima della fine del 1976, dato che l’autore pubblica nel Corriere della Sera i primi articoli su quest’argomento nel dicembre di quell’anno. Cfr. ibidem, p. 2955. 29. I. Calvino, Romanzi e racconti, II, pp. 1394-1395. Così come è ironico che Ukko Ahti muoia scrivendo il saggio sulle reincarnazioni di Buddha, a p. 678. 30. Si veda M. J. Stella, Self and Self-Compromise in the Narratives of Pirandello and Moravia, New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien, Peter Lang, 2000, pp. 5-6. La frequentazione di tali concetti da parte di Pirandello risale alla pubblicazione di testi dal pali e dal sanscrito filtrati probabilmente dalla filosofia di Schopenhauer nella Germania del 1891, l’ambiente in cui fece gli studi di dottorato, e furono disponibili in italiano solo dall’inizio del secolo successivo con Il Buddha e la sua dottrina (1903) e Filosofia e buddhismo (1913) di Alessandro Costa, per non citare che i primi. Più estese senz’altro le fonti disponibili a Moravia dopo l’interesse nei confronti delle religioni orientali rinato in Italia negli anni Sessanta che gli fece pronunciare in un’intervista con : “Ora a me il monoteismo non mi garba affatto. Non corrisponde ad un mio bisogno. Se dovessi proprio scegliere una religione, preferirei il Buddismo, che è piuttosto una filosofia.” (A. Moravia, Io e il mio tempo. Conversazioni critiche con Ferdinando Camon, Padova, Nord-Est, 1988, p. 86) 31. J. Usher, “Metempsychosis and ‘Renaissance’ between Petrarch and Boccaccio”, Italian Studies, vol. 60, n. 2, 2005, pp. 121-133.

AUTORE

CLAUDIA NOCENTINI University of Edinburgh

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Le thème religieux dans la prose des auteurs musulmans de la littérature migrante italienne : entre présence et absence

Alessandro Pannuti

[…] Mia madre probabilmente oggi, guardando mio figlio, si chiede quale Dio pregherà, che vita farà, quale lingua parlerà. Ma mio figlio le lingue le sta imparando tutte: l’arabo, il francese e l’italiano; e spero che possa crescere serenamente, prendendo, di qua e di là, tutto ciò che potrà renderlo felice. Ma mi auguro, soprattutto, che il futuro gli dimostri che bianco e nero non sono altro che sfumature. N. CHORA, Volevo diventare bianca, Roma, e/o, 1993, p. 133.

1 Notre postulat, dans ce travail et en général face à la littérature migrante, est le suivant : l’écriture des auteurs migrants ou « créoles1 », puisqu’elle apparaît dans la langue du pays de réception, reflète leur volonté de communiquer avec ce pays et constitue un acte qui ambitionne d’affirmer leur identité et leur altérité, au lieu qu’ils se laissent « traduire » par celui-ci2.

2 Or l’Italie, à part d’éventuelles considérations d’ordre juridique, n’est pas un pays laïc : ni dans son génie historique ni dans sa sociologie. L’émergence du phénomène de l’immigration et des débats qui le concernent éloigne plus que jamais la laïcité du devant de sa scène. En premier lieu les opposants de l’immigration, et non seulement les xénophobes les plus radicaux se regroupant sous la bannière d’Oriana Fallaci, semblent enclins à adhérer à l’idéologie huntingtonienne du choc des civilisations, qui fraie la voie à une islamophobie s’adressant surtout à l’égard des musulmans immigrés3. Mais aussi les plus efficaces des réseaux associatifs de solidarité œuvrant en faveur des

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immigrés tendent également à corroborer le religieux et l’antinomie christianisme/ islam en Italie. L’on connaît l’importance de la Caritas, reliée directement aux diocèses, dans son action humanitaire et même d’information sur l’immigration4. En même temps, les mosquées en Italie développent des organisations d’une grande envergure en complète autonomie par rapport aux pouvoirs publics italiens ; les spécialistes parlent désormais d’un « islam des mosquées » comme d’une forme spécifique – en vérité pas nécessairement très représentative – du religieux musulman péninsulaire5. C’est ce qui fait que la religion musulmane chez les immigrés devient un facteur radical d’altérité aux yeux des Italiens : pour certains une cause d’extranéité donc de rejet, pour la plupart un facteur identitaire jugé incontournable.

3 Cette note liminaire « civilisationnelle » me semble se justifier parce qu’elle explique une « traduction » italienne très largement diffuse selon laquelle les migrants musulmans seraient généralement des femmes et hommes religieux, c’est-à-dire ni laïcs ni désintéressés à leur foi. Du point de vue de leur expression littéraire, cette « traduction » a certainement créé des attentes et des curiosités chez le lectorat : on s’attend des auteurs musulmans à ce qu’ils s’expriment sur l’islam dans leurs œuvres, ne fût-ce que pour clarifier subjectivement l’importance de la foi dans leur propre identité. Cette attente a été renforcée par la circonstance que les premières œuvres de la littérature migrante italienne, les ouvrages de la « phase exotique » – littéraires ou para-littéraires, peu importe – relevaient très largement de cette « letteratura di emigrazione » autobiographique, ayant pour thème quasi exclusif les affres de la migration, voyage et première installation précaire voire clandestine6. Dans ce contexte, les références ne pouvaient certes pas manquer à l’approche à sa propre foi dans des conditions de vie si dramatiques, donc à l’islam dans l’Italie des immigrés. Effectivement l’autobiographie romanesque (sous forme de journal intime) Chiamatemi Alì de Mohamed Bouchane (1990) en est un paradigme, puisqu’elle comporte des références au religieux et aux différentes mosquées milanaises presque dans chaque page ; l’auteur correspond donc parfaitement à notre « traduction » nationale : […] A sorreggere moralmente Mohamed è soprattutto, se non esclusivamente, la sua fede. Le prime parole del suo diario sono: “Nel nome di Allah Clemente e Misericordioso”; e la fede è anche consapevolezza di una precisa identità culturale vissuta con orgoglio. Nel quotidiano, lacerante confronto con un altro stile di vita, con un’altra civiltà, si fa strada la percezione di una differenza e, con essa, la necessità di salvaguardare la propria dignità di uomo7.

4 À part la « traduction » au premier degré, mais allant dans le même sens, un autre élément du débat critique – ou plutôt poétique – de certains auteurs musulmans renforce le devoir-être du religieux dans leurs œuvres. L’Algérien Tahar Lamri, comme de nombreux Maghrébins et non sans rapport justement avec la littérature contemporaine de leur pays d’origine (cf. Abdelkebir Khatibi), revendique le devoir militant de prendre la parole au nom des compatriotes qui ne l’ont pas, de les représenter, de sortir de l’exotisme qui « fait plaisir à l’Occident » et qui en suit la tendance commerciale8. En bref, il endosse le rôle de médiateur culturel qui, dans le contexte actuel, devrait consister dans la correction de l’image déformée voire stigmatisée que l’on a de l’islam en Italie. Dans plusieurs textes littéraires on retrouve également l’injonction, venant des pays d’origine – par exemple dans la forme fictionnelle d’une lettre des parents à l’égard de leurs enfants émigrés – de se faire les porte-parole d’un message de réconciliation religieuse, car c’est parce que les Occidentaux ne connaissent pas les musulmans qu’ils ne les aiment pas : un refrain

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plutôt idéologique notoire. Cependant n’oublions pas que les Maghrébins sont bien loin d’être les plus nombreux parmi les auteurs musulmans en italien9.

5 C’est sans doute surtout comme premier acte d’émancipation et de révolte contre la « traduction » italienne qu’un certain nombre d’auteurs musulmans, qui par ailleurs sont pour la plupart réellement laïcs (c’est-à-dire pas des croyants militants), repoussent avec véhémence l’attribution du religieux dans leurs œuvres, du seul fait de leur identité d’origine. C’est souvent un refus sans appel lorsqu’on les interroge sur le sujet, comme j’ai eu l’occasion de le faire, presque une accusation implicite de racisme envers le « traducteur », comme si le fait de venir d’un pays musulman laissait une marque indélébile à l’écriture du « traduit ». De plus, il existe bien évidemment des écrivains positivement hostiles à la pratique religieuse du pays d’où ils viennent, particulièrement les réfugiés politiques iraniens, mais aussi certains Algériens, Égyptiens ou Libanais ayant leurs propres griefs contre l’islam politique. De la même manière, l’on imagine mal la présence de références religieuses dans les ouvrages parus dans une collection (de la maison d’édition Sensibili alle foglie) dirigée par Renato Curcio10…

6 On serait donc tenté de supposer, en écoutant les auteurs dans leur déni véhément, comme je l’ai fait moi-même au stade initial de cette recherche, que le religieux n’entre pas majoritairement dans la poétique des prosateurs musulmans italiens ; qu’il y serait même globalement absent, ou alors qu’il aurait été dépassé lui aussi dans l’évolution entre la « phase exotique » et la « phase karstique », par émancipation du regard « traducteur ». Pourtant, dans notre échantillon de 72 œuvres étudiées – dont 26 romans – on compte seulement 29 textes – dont 4 romans – dans lesquels les références religieuses sont entièrement absentes ou insignifiantes. De surcroît, en considérant dans ce nombre leurs auteurs, il n’y en a que 7 chez qui cette absence est systématique dans l’ensemble de la production considérée. Les premières impressions tirées des propres mots des « négateurs », de leur origine nationale, des circonstances de leur migration et de leurs opinions politiques s’avèrent donc tout aussi trompeuses que les hypothèses formulées à partir de la « traduction » au premier degré.

7 En poussant plus loin la réflexion sur la « traduction », l’on se rend compte qu’elle possède un second degré : celui de l’attente que les auteurs soient effectivement des représentants d’une communauté (nationale, religieuse, etc.) – selon la préconisation ou l’idéal maghrébins –, ou bien de la supposition et de l’affirmation qu’ils ne le sont pas. Dans ce sens, notre « traduction », même semi-consciente, s’attend encore à ce que les auteurs, en fait « incidemment » musulmans, soient eux-mêmes seulement en partie des « auteurs des musulmans ». S’ils ne le sont pas, ce serait bien pour cette raison que les références religieuses sont absentes chez eux. Le présupposé demeure le même – musulmans = non-laïcs – mais l’on n’est plus prisonnier de ses attentes et l’on croit pouvoir ainsi expliquer également l’absence du religieux chez certains auteurs. Cette forme de « traduction au second degré » est ce qui pousse vers une dichotomie entre simple présence ou absence du religieux dans les œuvres : je redoute que l’intitulé de ce texte n’y contribue involontairement lui aussi… Au contraire, différents facteurs de complexité survenus surtout ces deux dernières années – 2005-2006 – s’opposent à une telle dichotomie facile. Parcourons-les rapidement.

8 La littérature migrante italienne est devenue un objet d’étude extrêmement fertile, grâce à l’attention efficace d’un groupe de chercheurs italiens et italianisants à l’étranger, autant qu’à un milieu de rencontres et de débats aussi bien des auteurs entre

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eux qu’au sein d’un chapitre de chanoines fidèles dialoguant11 : prix littéraire « Eks&Tra » et bien d’autres plus récents ; sites Internet avec publications en ligne tels que Kúmá, Sagarana, El Ghibli ; congrès, séminaires et lectures publiques de vers et de prose en relation plus ou moins étroite avec les nombreuses initiatives sur « l’interculturel », diverses et variées, qui se multiplient avec le temps ; même l’intérêt incontestable de l’édition, manifesté par exemple par la série de présentations d’ouvrages de littérature migrante dans le cadre de « Lingua Madre » au Salon international du livre de Turin en mai 200612.

9 Sans doute grâce au cercle vertueux qui s’est ensuivi de ce milieu de dialogue, appelé de leurs vœux par les premiers spécialistes, notamment pas Gnisci, la production littéraire a également augmenté de façon vertigineuse au cours des deux dernières années, dépassant les 45 publications par an dans les différents genres13. Cela fait aussi de la littérature migrante un sujet extrêmement mouvant, qui se laisse difficilement enrégimenter dans une quelconque généralisation critique, comme les bornes géographiques (Africains, Maghrébins, Brésiliens, Balkaniques) ou civilisationelles (comme « notre » regroupement des musulmans), y compris donc sur la question du religieux. Dans cette explosion, les rôles de l’édition – moteur ou remorque ou encore délaissement dédaigneux de la littérature migrante – deviennent moins cruciaux, bien qu’il semble évident qu’ils se poursuivent tous14. Cependant, cette circonstance laisse indiscutablement davantage d’autonomie aux auteurs, davantage de possibilité de sortir de la semi-clandestinité de la « phase karstique » de leur production et de tenter leur propre voie au succès.

10 Ces deux dernière années, la nouvelle génération « créole », représentée en particulier par d’importants auteurs femmes et musulmanes comme Igiaba Scego et Ingy Mubiayi entre autres, a également commencé à constituer un sous-ensemble en tant que tel, notamment dans le recueil de nouvelles Pecore nere (2005)15. On se doute bien que leur approche aux problématiques identitaires et donc également au religieux est totalement différente de celle des migrants.

11 Par-dessus tout, le très grand nombre d’auteurs de la littérature migrante italienne, qui approche désormais 200, s’accompagne de façon croissante de leur besoin de se distinguer les uns des autres. En d’autres termes, cette prolifération à l’intérieur d’un milieu favorable empêche objectivement la formation d’une littérature de minorités, dans le sens que les auteurs, même s’ils étaient éventuellement mus par la motivation idéale de représenter leur communauté, sont nécessairement attirés à l’inverse vers l’insistance sur leur propre individualité, voire originalité d’écrivains. Nous avions montré que déjà depuis 2001 l’acceptation de l’appartenance même au « genre » de la littérature migrante était débattue et soumise à conditions de la part de certains auteurs16. L’acceptation de l’idée que le « dispatrio » soit une source intériorisée et une cause profonde de l’écriture – et qu’elle puisse être féconde et même la plus prometteuse de la littérature du monde, comme l’a soutenu Gnisci déjà en 200217 – fait encore l’objet de doutes et de perplexités chez certains écrivains. Celui qui refuse la qualification même d’auteur migrant, ainsi que les spécificités de la « poetica della migranza18 », comment voudra-t-il se faire la personnification d’un « musulman écrivain » ? Et nous, face à cette multiplicité et à cette complexité, comment pourrons- nous être manichéens au point de lui poser la question du religieux, dans notre lecture, simplement en termes de présence ou d’absence ?

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12 Lorsque le religieux est présent dans une œuvre, il faut d’abord rappeler qu’il s’enchevêtre souvent avec le côté presque anthropologique des traditions, ou bien parfois avec le politique : les deux doivent être pris en compte aussi. Évidemment avec l’évolution de la littérature migrante, les références religieuses sont de moins en moins didactiques ou informatives pour le public italien et de plus en plus inscrites dans la poétique de l’œuvre, selon la même logique que le passage à la « poetica della migranza », sous toutes les formes implicites possibles, même stylistiques : par exemple l’alternance de la prose et de la poésie plus ou moins ouvertement mystique – maqamat chez Tawfik19, ou l’introduction des chapitres par des rêves prémonitoires dans le roman Salam, maman de l’Iranien Hamid Ziarati (2006) 20. Depuis à peine quelques mois, nous disposons aussi pour la première fois de deux romans historiques où l’islam lui-même constitue le matériel romanesque – on pourrait parler de deux roman historiques coraniques –, sous la plume du Libanais Hafez Haidar, professeur de langue arabe à l’université de Pavie21.

13 D’autre part, c’est presque banal, le regard des auteurs se pose aussi bien sur l’islam que sur le christianisme, même dans le pays d’origine où il est peut-être minoritaire, comme dans « Le “pesti” di Djama » (1998) du Sénégalais Pap Khouma. Il peut concerner l’avant ou l’ après la migration, ou encore, le retour. Par conséquent, géographiquement, la référence religieuse peut se situer dans le lieu d’origine, dans le lieu d’arrivée ou dans un lieu tiers : par exemple dans le roman Il latte è buono (2005) du Somalien Garane Garane, on trouve aussi des pages intéressantes et significatives sur le protestantisme aux États-Unis et sur la façon dont le personnage principal y présente sa propre foi musulmane22.

14 Surtout, le sentiment envers le religieux peut concerner l’auteur, ou le narrateur, le héros ou parfois des personnages multiples dans des formes différentes voire opposées23, ou encore l’autre, dans toutes les disparates déclinaisons du terme. Malgré la relative rareté du récit autobiographique à présent, et la vigilance continuelle à ne pas prêter indûment trop de similitudes ou de représentations réciproques entre auteur et héros, très vite on arrive à se faire une impression, rarement ambiguë, sur un certain jugement de rapprochement ou d’éloignement contenu dans le texte par rapport au religieux auquel il se réfère. Par exemple les sentiments d’un héros migrant face à sa première expérience de l’art figuratif religieux en Italie ou des cimetières qu’il y aperçoit peuvent être classés comme un jugement d’extranéité chez un auteur musulman ; il en est de même pour les descriptions de traditions musulmanes dans le pays d’origine lorsque l’auteur les teinte de connotations superstitieuses, voire même qu’il exprime le sentiment de la supercherie de l’officiant, même si l’on ne sait pas a priori que l’auteur est laïc. Inversement, il suffit que ces pages soient marquées par la nostalgie pour comprendre qu’il y a là appropriation, adhésion lorsque le sentiment qu’irradie le personnage qui éprouve l’expérience religieuse ou dont il est témoin, ou la circonstance qui y fait référence sont présentés de façon positive dans le déroulement de la narration. Dans le doute, le texte et non l’auteur demeure le point central du jugement.

15 Compte tenu de ces distinguos, il nous semble significatif de retenir une classification des références religieuses selon un tableau à double entrée : d’une part selon le lieu, en distinguant entre origine (y compris les pays tiers) et destination (comprenant la religion vécue dans la migration italienne et la religion locale) ; d’autre part en séparant entre adhésion et extranéité. Il reste un nombre limité d’œuvres, cinq, présentant des

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références au religieux inclassables dans l’une ou dans l’autre dichotomie ou qui présentent des caractères d’une telle étrangeté qu’il m’a paru plus opportun de les placer dans un groupe résiduaire.

16 Faute de pouvoir rendre compte exhaustivement de la variété des références au religieux, deux exemples seront choisis dans les quatre cases du tableau à double entrée24, selon l’intérêt et la finesse mais aussi une certaine représentativité de leurs contenus.

Origine

17 Commençons par la case origine-adhésion : il s’agit donc de références au religieux dans le pays d’origine, et envers lesquelles le texte indique une sorte d’adhésion. Le premier texte sur lequel nous nous penchons est le chapitre initial du roman Il latte è buono de Garane Garane. C’est un choix d’originalité : son auteur est somalien ; son fil conducteur est à la fois l’histoire du pays au cours de trois générations, de la migration précoloniale des bergers nomades vers la côte, à l’anarchie actuelle post-guerre civile, et celle de l’exil (plurinational), du retour de héros au pays et de sa mort après avoir retrouvé son aïeule dont la naissance ouvre le récit. Il s’agit d’un ouvrage récent écrit dans un style qui est un essai de récupération des « images, de la rhétorique et de la prosodie puisées au patrimoine le plus ancien de la tradition pastorale25 ».

18 Le chapitre « La nascita di una regina » est donc un « aulò » de plus de 40 pages, une palabre pour établir sur la base d’arguments théologiques et généalogiques si Shakhlan Iman, l’enfant qui va naître mais qui s’exprime déjà, pourra être reine en dépit de sa féminité, en faisant valoir sa nature semi-divine liée à sa descendance du prophète Mohammed. Il en ressort la centralité de l’islam dans la culture somalienne, mais aussi le problème d’une dialectique complexe et d’un syncrétisme ardu entre la religion et les traditions à la fois pré-islamiques et patriarcales (sexistes), qui se matérialise dans la question même de la palabre : « Sua figlia [Shakhlan fille du roi Iman] non era halal, accettata o legale, secondo la Sacra Scrittura. Ma non era haram, proibita o illegale. Era mushbooh, sospetta, in dubbio » (p. 6), et d’autre part : « Ditemi, o popolo di Azania, discendenti del Profeta e della tribù dei Khuresh, cosa faremo della gerarchia maschile? » (p. 8). Des preuves de ce syncrétisme se trouvent dans la sorcellerie : « Gli stregoni di Azania, che usavano insieme la magia e il Corano, le cambiarono gli occhi » (p. 7), ainsi que dans le chapeau kofi « che non si doveva mettere di fronte ad Allah nelle moschee. Lo si poteva mettere di fronte al sacro, alla genealogia, che era il loro secondo Allah » (p. 9). Les éléments magiques relatifs à la reine-nourisson comprennent la gestation de sa mère durant vingt-quatre mois, pendant lesquels elle a tout vu, tout entendu, tout appris, et elle est désormais à même de répondre personnellement aux détracteurs de sa royauté. Ses yeux ont été remplacés par des yeux de lionne. Son sexe est à la fois féminin et masculin.

19 Du côté dialectique, à longueur de pages, la généalogie collective est remémorée, ponctuée d’invocations islamiques ; ensuite l’histoire de la révélation du Coran à Médine est récitée afin d’en dresser le parallèle avec la biographie de leur roi actuel… De même, le récit du développement historique de l’islam et de la succession du Prophète sert à attester la descendance directe entre Mohammed et la future reine. L’on pose la question du port du voile ; réponse négative : « Il velo è un costume sociale, lo portano gli schiavi. E non ditemi che non potete vedere la faccia di chi vi comanderà un giorno! » (p. 27). De même, la question de l’infibulation traditionnelle non prévue par le Coran

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est posée, et la conclusion est que la reine sera bien infibulée quand même. Le seul problème épineux (!) reste celui de sa place de guide lors de la prière : « “È duro vedere una donna da dietro!”, pensava Shakhlan. “Pregheranno di fronte a me. Tutto quello che chiederò è che i loro sederi siano puliti come quelli delle scimmie! […]” » (p. 10). L’adhésion du texte à l’égard de la pratique religieuse qu’il présente (y compris l’infibulation, quel que soit le jugement, en l’occurrence inexprimé, de l’auteur sur ce sujet) se déduit à la fois de l’absence de connotations négatives ou de références textuelles adverses, de l’importance du pays dans l’économie du roman – lieu de départ et de retour, de naissance et de mort, alpha et oméga de la narration –, d’une certaine nostalgie du passé traditionnel de celui-ci par rapport à sa période coloniale et au désastre de son présent ; enfin du rôle du personnage de Shakhlan, dont le petit-fils est le protagoniste du roman, celui qui, pour son âge et son vécu (migrations, études, profession, etc.), peut éventuellement être mis en relation avec l’auteur.

20 L’ouvrage très récent de Tahar Lamri qui s’intitule I sessanta nomi dell’amore (2006) possède une structure particulière : son cadre est composé d’une correspondance électronique entre un homme arabe et une Italienne, tous deux écrivains, entre lesquels se déroule une histoire d’amour, de l’éclosion à la rupture ; la correspondance est occasionnée par une requête de la femme au sujet des soixante mots arabes se rapportant au signifié « amour ». Les messages épistolaires s’alternent avec des nouvelles de l’auteur arabe, parmi lesquelles un certain nombre avaient été déjà publiées par Lamri – ce qui accentue l’identification entre l’auteur et le personnage masculin. On peut noter que l’œuvre dans son ensemble renferme en elle-même des références au religieux, car, comme l’explique l’écrivain arabe, de nombreux mots de sa langue liés à l’amour se réfèrent au divin. L’écrivain-auteur exprime aussi sa position personnelle sur les rites et les religions dans un interchapitre-mail26, mais ceci relève de notre catégorie destination. Cependant certaines nouvelles contiennent de nombreuses références explicites au religieux, qui rentrent de façon spécifique dans nos différentes catégories. Parmi elles, il y en a deux qui font le pendant au texte de Garane, car elles traitent le religieux dans le pays d’origine, remémoré comme dans notre premier texte, mais cette fois avec un clair jugement d’extranéité. Il s’agit de « L’henné » et de « Il figlio ». Choisissons la première. Elle relate l’histoire d’un homme qui a publiquement répudié sa femme mais s’en repent aussitôt. Ayant demandé conseil à un imam, il apprend que d’après la loi coranique il ne peut pas la reprendre en mariage, à moins qu’elle n’ait été mariée à quelqu’un d’autre, depuis, qui l’aurait répudiée lui aussi. Il décide donc de demander à son meilleur ami de se prêter à un mariage blanc de quelques jours avec son ex-femme, afin de la réobtenir ensuite. La manœuvre a lieu, mais la prescription religieuse mécontente tout le monde : la femme humiliée et réduite à objet sans volonté, son père coléreux car doublement déshonoré, l’ami hésitant et presque perçu comme coupable d’adultère, le mari se plaignant d’une jalousie totalement machiste pendant le mariage de sa femme avec un autre homme : « Non poté o non volle arrendersi all’evidenza che non serve a niente chiudere a chiave la propria donna se per riaverla, oltre all’umiliazione dell’inseguirla, bisogna anche offrirla a un altro uomo. » (p. 79)

21 Ces deux textes, respectivement dans l’adhésion et l’extranéité, appartiennent à la sous-catégorie de la remémoration du pays d’origine. Nous souhaitons ajouter un couple d’exemples dichotomiques appartenant à la sous-catégorie du retour au pays. Il faut préciser qu’il n’y a pas encore pléthore de récits du retour dans notre littérature migrante : les deux premiers ont été : « Solo allora, sono certo, potrò capire », encore

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de Tahar Lamri, daté de 1995, où le retour (de France en Algérie) d’un héros de seconde génération est totalement positif, et « L’impasto di una terra » (1997), d’un autre Algérien, Amor Dekhis, qui le décrit au contraire en termes très négatifs. Les deux nouvelles manquent entièrement de références au religieux. Par contre en 2005, après des années de quasi-silence, le Sénégalais Pap Khouma a publié le premier véritable roman du retour, Nonno Dio e gli spiriti danzanti, dont le titre anticipe déjà l’importance primaire du religieux dans le pays d’origine. Il appartient à notre catégorie de l’extranéité. Grazia Negri, dans son compte rendu de l’ouvrage, le caractérise en ces termes : « la storia di un mancato rispecchiamento nella propria terra, nelle persone che sono rimaste a vivere lì, nei valori della cultura d’origine ben evidenziati dal titolo : il senso religioso e la dimensione magica27. » Le religieux est omniprésent dans le roman, en premier lieu par l’invocation continuelle de « Nonno Dio » – « Nonno Dio è generoso », « Ringrazia Nonno Dio », etc. – : sans doute s’agit-il déjà d’une forme syncrétique entre l’islam et le culte des ancêtres. Le religieux renvoie à trois confessions : le protestantisme des missionnaires blancs, l’islam des « vieux de la mosquée » et l’animisme du grand rite magique exorciste du n’depp, qui occupe une trentaine de pages et revêt une importance primordiale vers le milieu du roman, joint à une autre description courte d’un enterrement traditionnel officié par un vieux serigne : « Il ritmo dei tamburi e i canti snervanti del n’depp si mescolano ai rintocchi delle campane della chiesetta vicina, ai richiami delle venditrici di pesce e a quelli per la preghiera dei muezzin » (p. 144). La coexistence des cultes n’est cependant pas facile et les incompréhensions sont nombreuses, par exemple celles de trois enfants locaux, des trois « pestes », vis-à-vis de la crucifixion de « Yousouf Christ » dont leur parlent les missionnaires28 : E il papà di Yousouf? Sempre assente. Le tre pesti erano arrabbiate con il signor Christ, il papà di Yousouf Christ, che non interveniva mentre la gente scagliava sassi contro il figlio. Sognavano Yousouf Christ che moriva, dopo ritornava alla vita, poi soffriva e moriva ancora. Anche se i pastori dicevano con gioia che Yousouf non era veramente morto (p. 59) ; mais surtout les incompréhensions des « vieux de la mosquée » qui finissent par s’insurger contre le rite prolongé du n’depp : “Aby Mané, la devi smettere col n’depp e con la tua mania d’infastidire gli spiriti. Il n’depp è un peccato inespiabile.” “Non infastidisco né spiriti né uomini. Non reco danno a nessuno. Curo persone disperate che mi chiedono aiuto, come si è sempre fatto da queste parti. […] I rap e il mondo invisibile fanno parte dei nostri miti. Ogni popolo ha i propri miti”, risponde serenamente la zia. “Voi pagani siete uguali ai massoni, tutti all’inferno”, affermano i vecchi. (p. 136-137)

22 Par rapport à ce cadre religieux, l’extranéité (voire par moment l’hostilité) se décline en deux formes différentes chez deux personnages : Elena Rossini, la femme italienne d’un médecin africain émigré, venue en vacance en famille pour connaître le pays et les parents de son mari, est d’abord ouverte et curieuse de tout, notamment du n’depp auquel elle participe. Son mari, sceptique et peu volontaire au départ, va bientôt être entraîné dans la transe du rite et s’y perdre pendant plusieurs jours. C’est là que les sentiments d’Elena tournent à la détresse, puis à la révolte, d’autant plus que sa belle- famille s’obstine à vouloir faire circoncire son fils et à ne lui laisser d’autre choix que d’être musulman comme son père. Dans ce manque de repères culturels vécu comme une trahison et une agression, avant de succomber elle-même au n’depp, elle trouve comme seul interlocuteur le héros du roman, Øg alias Dawuda Dem, aussi désorienté et révolté à cause de son « mancato rispecchiamento », lui aussi « italien en visite »

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désormais ; de ce fait le personnage féminin acquiert un rôle central car, par sa relation avec lui, le héros trouve son double chez l’Italienne.

23 Quant à la propre extranéité et intolérance progressivement croissantes de Øg à l’égard du religieux, elle commence par le refus de porter des gris-gris contrairement à la suggestion de sa mère, puis croît dans un sentiment d’indifférence et d’incommunicabilité avec les vieux du quartier assis devant la mosquée ; ce sentiment se transforme en hostilité ouverte lorsque ceux-ci viennent dans la maison de sa mère pour la donner en mariage contre son gré à un vague parent, prétextant des recommandations coraniques. Voyons comment cette dispute est fondée sur une critique religieuse réciproque : “[…] E noi anziani non ci lasceremo insultare e umiliare da un bambino che abbiamo circonciso. […] Finirai male, Dawuda Dem. Nonno Dio ti punirà, ragazzo. Andrai all’inferno.” “Ricattate e spaventate mogli e figli con il vostro inferno, nel frattempo ve la spassate senza vergogna. […] L’inferno sarà affollato e voi sarete in prima fila”, replica Øg. “[…] Non sei mai venuto a pregare alla moschea. All’inferno ci andrai comunque.” […] “Non me ne faccio nulla del vostro Dio permaloso.” “Sei pure ateo e probabilmente massone. Gli atei e i massoni finiscono all’inferno!” “Fuori!” (p. 124-125)

24 Enfin, terminons cette partie par une courte nouvelle du retour avec adhésion : « Rimorso » (2005) d’Ingy Mubiayi. Cette jeune auteure née en Égypte, de mère égyptienne et de père zaïrois, vit en Italie depuis sa petite enfance. Ses écrits présentent presque toujours des références religieuses, qui entrent dans nos différentes cases ; elle a également pris position ouvertement sur sa propre vision religieuse, d’autant plus intéressante qu’elle vient d’une des premières « créoles » adultes d’Italie29. La nouvelle est formée presque entièrement par une lettre envoyée par une jeune fille à son amoureux italien à qui elle annonce son soudain retour au pays d’origine, afin « d’affronter son passé », en lui demandant de ne pas l’attendre, car elle ne sait si elle reviendra ni si elle sera celle d’avant. Son sentiment dominant, le remord, est sans doute identitaire, par rapport à sa culture et même à sa langue d’origine presque perdues : Purtroppo o per fortuna, ancora non so, quelle parole entravano dentro di me, mi penetravano, violentavano quella struttura che avevo creato a fatica in tanti anni vissuti in un paese non mio, in un mondo al quale mi ero conformata, iniziando dal nome fino al pensiero. […] Il dubbio di aver vissuto male, di aver sbagliato traiettoria, di essermi venduta l’anima in cambio della conformità, non riesco a sopprimerlo. (p. 93-94)

25 Dans ce contexte, la rencontre se produit avec un homme, à la présence duquel elle a dû se voiler, et aussi la rencontre avec le religieux qui, de toute évidence, va se greffer dans les sentiments de remord indiqués : Ha tirato fuori il Corano da una tasca e […] ha iniziato a recitare, mentre la sua mano sinistra, prima appoggiata sulla mia testa, cominciava a diventare una morsa incandescente. Brividi mi hanno scosso tutto il corpo, paralizzandolo, sangue freddo mi circolava nelle vene schiantandosi contro il fuoco che divampava nella mia testa. E mentre immagini cupe affioravano dalla mia memoria, i rimorsi mi laceravano le carni. (p. 95)

26 Le jugement d’adhésion est ardu dans ce cas, surtout par rapport à l’auteure ; il y a surabondance de la métaphore sexuelle du viol et en général de la violence subie par l’héroïne, mais en même temps de sa réaction littéralement ambiguë. Il faut donc en juger à la cohérence du texte, surtout à son titre.

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Destination

27 Les références religieuses concernant l’Italie, notamment l’Italie des migrants, sont relativement plus abondantes que dans la catégorie précédemment étudiée : d’autant plus que certains ouvrages plus anciens et importants sur ce sujet sont également présents dans ce groupe. Nous allons donc nous tourner de préférence sur les œuvres les plus significatives. Lorsque la réflexion des auteurs est fine, le résultat est souvent une adhésion critique, analytique, conditionnelle, plurielle, aux différentes formes et pratiques de la religion dans la migration, ou bien une extranéité également problématique. Nous allons alterner encore les catégories adhésion-extranéité en choisissant comme sous-catégorie la distinction entre auteurs migrants et « créoles ».

28 Fiamme in paradiso (2000) de l’Algérien Abdel Malek Smari est thématiquement un « roman de migration » où, tout comme dans l’archétype paradigmatique Chiamatemi Alì, l’islam est omniprésent au premier niveau de lecture : comme religiosité personnelle dans l’expérience migratoire et comme insertion du héros auprès d’autres immigrés musulmans gravitant autour du centre d’agrégation que les mosquées représentent. Mais à la parution de Fiamme in paradiso dix ans se sont écoulés désormais depuis le témoignage de Bouchane : l’avancée en termes de « poetica della migranza » et donc la réflexion sur le religieux sont considérables. Le religieux est présent aussi à un niveau « structural » du texte : par l’antithèse des vocables contenue dans le titre, par le final constitué par la citation de la sourate de l’Amour, sur la mort et l’entrée au Paradis dénotant la mort du héros Karim, par le dernier noyau narratif, la rencontre du clochard qui s’avère être l’ange musulman de la mort, Azraïl. Il y a aussi une angoisse constante qui inquiète Karim comme un bourdon d’orgue : l’émigration cause (-t-elle ?) la corruption de la dévotion à l’islam. Ainsi le roman débute par une lettre commençant par la « Basmala » qu’il reçoit de son ami émigré : « Mahdi non ha dimenticato i nostri usi, pensò » (p. 8) et il s’en réjouit, alors qu’à la fin, lorsque le clochard-ange l’envoie lui acheter du vin dans un supermarché, il a des réticences vis-à-vis de son acte par rapport au regard d’un hypothétique « barbu » : « che avesse riconosciuto in lui [Karim] un arabo, un musulmano? Diventato ormai un kafir, un senza Dio, un senza legge, come quelli di qui, della ghorba [exil]? » (p. 157)

29 Dans une lecture sociologique comme celle des éditeurs du roman, le religieux peut y être entièrement considéré comme le regard critique, vu de l’intérieur, sur les communautés islamiques d’Italie qui affichent un refus entier et irrévocable de tout ce qui est italien, une fermeture bigote et intolérante pour quiconque ait une pensée sortant de l’orthodoxie ou même seulement du totalitarisme des dogmes, un attachement formaliste à des règles rigides et irrationnelles. Tout comme l’Italie est un lieu de mauvais accueil où le héros finit par tout perdre : son espoir de poursuivre ses études, sa dignité face à la police qui l’arrête et le maltraite, ses maigres économies, le soutien et l’estime de ses amis musulmans de la première heure, sa santé par la dénutrition, le froid et les coups, enfin la vie dans un accident inattendu et dans des circonstances étranges : les flammes…

30 Selon notre lecture, le roman est un cheminement tragique du héros vers la prise de conscience du fait de la migration, englobée dans un parcours religieux. En effet la migration est vécue comme étant inscrite dans son destin ; ne pas reculer représente l’acceptation de la volonté divine ; l’évaluation, pleine de reconnaissance, des bienfaits

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de ce destin – enrichissement d’expériences et d’ouverture d’esprit – est un acte profondément islamique de résignation ; la lutte pour survivre en Italie est son propre jihad, « “sforzo” per compiere la volontà di Dio » (p. 110, 131). Dans ce cadre, la religiosité de Karim évolue en sens critique envers l’orthodoxie et dans l’ouverture et l’acceptation d’autrui tout au long du roman, de la même manière que sa conscience sans cesse accrue de la tragédie de la migration.

31 Il y a opposition fictionnelle du personnage de Karim aux autres immigrés musulmans, notamment Bescir et Mahdi qui représentent une foi irréfléchie, crédule, intolérante et cruelle – « parlava la voce della certezza collettiva » (p. 79) –, tout comme celle des « barbus » ignorants de la mosquée hostile même aux livres de littérature de Karim – « poliziotti della coscienza » (p. 105) –, mais aussi au personnage de Kamel – le rusé, menteur, voleur – et à Kaled, le pieux et désenchanté rescapé d’Afghanistan et de Bosnie. Cette opposition, plus qu’à révéler ou dénoncer les différentes façons de pratiquer l’islam en Italie – ce serait trop fruste et trop « phase exotique »… – ou qu’à servir uniquement à la distinction du héros, contribue à faire avancer sa réflexion et à développer sa croissance morale : Parole di profonda e sentita fede uscite da Karim. Ma forse difficili per gli altri due. Da tempo avvertiva in se stesso un’eco dell’antica voce di Averroé, di quella distinzione tra verità della fede e verità della conoscenza […] Temeva, per quella via, di arrivare a una sorta di illuminismo scettico. E di ciò provava colpa. (p. 80-81)

32 Nous plaçons dans la case destination-extranéité l’excellent roman d’Amara Lakous Scontro di civiltà per un ascensore a Piazza Vittorio (2006) qui, pour la première fois dans la littérature migrante, a obtenu une acclamation du public outre les reconnaissances de la critique (notamment par le prix « Flaiano » 2006)30. Il s’agit d’un polar dont le principal suspect est l’énigmatique héros Amedeo, unanimement aimé par les habitants du quartier et de l’immeuble dans l’ascenseur duquel a eu lieu le meurtre, mais dont l’identité et l’origine étrangère restent incertaines jusqu’aux dernières pages, tout comme la raison de sa soudaine disparition ainsi que l’identité et le mobile du véritable assassin. Le suspense se fonde justement sur les multiples méprises et les fausses perceptions d’« étrangéité » de la part de chacun des personnages immigrés et italiens qui, successivement tout au long des 11 chapitres, disent leur « vérité » sur l’ascenseur, dans leur déposition absolutoire d’Amedeo – alias l’Algérien Ahmed. Amedeo-Ahmed intervient après chaque chapitre, afin de rectifier certaines méprises et préjugés réciproques ; mais surtout par un hurlement de loup, un « ululato » qui représente sa tentative de se libérer de sa propre mémoire opprimante, d’un passé de sang, d’une identité refoulée et remplacée par une intégration inconditionnelle à l’italianité, notamment à la langue italienne (son « lait ») et à la ville de Rome (la « louve »). Autant la rationalité de son intégration passe par le verbal, autant l’horreur de son passé pré- migratoire et les contradictions identitaires qui le hantent s’expriment et se libèrent par cette plainte nocturne, insoupçonnée de tout le monde : « La memoria è proprio come lo stomaco. Ogni tanto mi costringe al vomito. Io vomito i ricordi del sangue, ininterrottamente. Soffro di un’ulcera alla memoria. C’è un rimedio? Sì: l’ululato! Auuuuuuuuuu… » (p. 156)

33 Des références marginales à l’islam et au christianisme sont présentes dans les propos des personnages secondaires dans l’ensemble de l’ouvrage, mais soudain le style bascule entièrement dans le dixième ululato. Grazia Negro, auteure d’une critique intéressante du roman ne s’y méprend pas, sans toutefois en donner une explication entièrement satisfaisante :

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sembra invece che alla fine, a partire dal decimo ululato, il materiale narrativo sfugga di mano all’autore e tornino ad imporsi i ricordi algerini, con tutta la loro forza e violenza. Si assiste cioè ad un cambio di registro e all’emersione dell’inconscio, ben dominato precedentemente dal filtro della ragione. I dolci ricordi del Ramadan si sovrappongono a quelli cruenti, conditi dal sangue, della nascita, della circoncisione e dello sverginamento della sposa la prima notte di nozze, che poi altri non è che l’Algeria stessa, in un affastellarsi di immagini convulse, di sensazioni scomposte, di suoni non sempre facilmente comprensibili al lettore31.

34 Le fait est que le dixième chapitre – avant le fameux ululato – contient la déposition du poissonnier algérien Abdallah, le personnage du musulman orthodoxe intransigeant ; c’est surtout là qu’il révèle l’histoire refoulée d’Ahmed lorsqu’il est son voisin en Algérie, et qu’il lui reproche implicitement, au nom de la religion, son intégration à outrance symbolisée par le changement de prénom et d’identité. Après cette révélation, il devient évident que le refoulement de la mémoire du héros est inévitablement et irrémédiablement une question d’identité religieuse. Le dixième ululato correspond donc à l’autodéfense d’Ahmed vis-à-vis de ce côté de son identité et de sa mémoire qui demeure le plus troublant de tous : il est accablé par l’obligation de répondre à une attaque contre ce qu’il y a de véritablement crucial et douloureux dans son amnésie volontaire. Voici donc « l’emersione dell’inconscio ». À noter que le final de l’intrigue est aussi l’amnésie : dans le dernier chapitre l’enquêteur révélera que « Ahmed Salmi è tuttora in stato d’incoscienza, avendo riportato un grave trauma cerebrale a causa del quale potrebbe perdere la memoria » (p. 182).

35 Le religieux constitue donc une menace pour la mémoire : il ne peut être accepté car celle-ci est trop douloureuse ; donc le héros cherche de se protéger du religieux par sa nouvelle identité. Rapprochons-nous donc des mots d’Abdallah et des « réponses » d’Amedeo ; notons surtout l’insistance sur les connotations religieuses du prénom : Perché si è fatto chiamare Amedeo? […] Il suo vero nome è Ahmed, un nome preziosissimo perché è uno di quelli del profeta Maometto […] Francamente non apprezzo molto chi cambia il suo nome o rinnega le sue origini: ad esempio so che il mio nome è Abdallah [… io ho] giurato di non cambiarlo finché sono vivo. Non voglio disobbedire a mio padre che mi ha dato questo nome né a Dio che ci ha vietato di disobbedire ai genitori. Cambiare nome è un peccato capitale come l’omicidio, l’adulterio, la falsa testimonianza, come derubare gli orfani. (p. 159) Et encore, en relation avec un autre musulman ayant italianisé son prénom : « Dio ha detto nel Corano: “Gli ebrei e i cristiani non ti accetteranno finché non seguirai la loro religione.” Dio il grande ha ragione. Non sopporto quelli che rinnegano le loro origini » (p. 161). Puis la rencontre fortuite avec le héros, coïncidence inouïe : L’ho chiamato: “Ahmed! Ahmed!” Ma non mi ha risposto. Mi è sembrato facesse finta di non riconoscermi. […] Era in compagnia di una donna italiana, ho saputo solo dopo che era sua moglie. Ci siamo incontrati più volte al bar Dandini. Non era entusiasta di sapere le ultime notizie dell’Algeria, così ho deciso di non parlargli di argomenti che riguardavano il nostro paese per non infastidirlo. Non ho osato nemmeno consigliargli di abbandonare il nome Amedeo e di tornare al suo nome d’origine […] Si dice che tornare all’origine sia una virtù! (p. 163-164) Et enfin l’expression de la crainte presque inavouable : Ricordo ancora le paure che mi hanno assalito quando ho sentito la gente chiamarlo Amedeo. Ho temuto che avesse rinnegato l’Islam. Non ho esitato un istante, gli ho chiesto con angoscia e inquietudine: “Ahmed, ti sei convertito al cristianesimo?”, e lui mi ha risposto in modo sereno: “No” (p. 166-167).

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36 Amedeo, de façon tout à fait significative, ne retient que la fin de sa première rencontre avec Abdallah : Salutandomi mi ha detto: “Possiamo vederci venerdì prossimo alla grande moschea, così andiamo insieme in un ristorante marocchino lì vicino a mangiare il cuscus.” A quel punto mi sono ricordato di quella volta in cui, assalito dalla nostalgia del cuscus, sono andato in un ristorante arabo e dopo qualche cucchiaio ho vomitato tutto. Solo dopo mi è venuto in mente che il cuscus è come il latte della madre, e ha un odore particolare che si può sentire solo accompagnato da baci e abbracci. (p. 169) Et immédiatement après, c’est une longue page poétique scandée même métriquement de questions rhétoriques sur la nostalgie du Ramadan : È triste fare Ramadan lontano da Bàgia! A cosa serve rinunciare a mangiare e a bere, per poi mangiare solo? Dov’è la voce del muezzin? Dove il buraq? Dove il cuscus che preparava mamma con le sue mani? […] Il mese di Ramadan, la piccola festa, la grande festa e le altre feste riempiono di ansia il mio cuore. Mi hanno consigliato: “Perché non vai alla grande moschea di Roma per la preghiera della grande festa?” No, grazie. Non voglio vedere centinaia di bisognosi come me, bisognosi dell’odore dei loro cari. (p. 169-170) L’extranéité à la religion, et tout le reste, semble soudain bien clair…

37 Ayant vu un cas qui représente au plus près l’intersection entre le religieux et l’intégration, la transition est aisée avec les auteurs « créoles ». Chez Igiaba Scego chaque écrit narratif contient un emblème d’un aspect de l’identité créolisée ; il s’agit d’emblèmes connus et reconnaissables, ce qui en augmente la pertinence : dans « Salsicce » (2002) il s’agit de la nourriture « impure », dans le roman Rhoda (2004) de la sexualité, dans « Dismatria » (2005) des valises – par opposition aux armoires –, dans « L’igienista verbale » (2005) de la parole. Voyons la première nouvelle, où la référence religieuse est la plus explicite et ce que l’auteure dit elle-même de son choix de l’emblème : Ho scelto il tema delle salsicce perché è un tema storico, non so quanti racconti ebrei e musulmani ci sono su questo tema, se tu pensi ai moriskos. Io ho fatto la mia tesi di laurea sulla figura dell’arabo nella letteratura castigliana e ho trovato molti racconti in cui i moriskos dovevano mangiare carne di maiale per dimostrare di essere cristiani. […] Mangiare il maiale è abbandonare la propria tradizione, non mangiare il maiale è un modo per essere legati di più alla propria cultura, è un legame che ho con il mio paese. In questo racconto il vomito rappresenta un modo per riappropriarsi della propria identità32.

38 La narratrice a subi de nouveau, à l’oral d’un concours, le cauchemar de son enfance : « la domanda troglodita […] “Ami più la Somalia o l’Italia?” Gettonata anche la versione sul tema: “Ti senti più italiana o più somala?” » (p. 27). Dans une tentative d’autoanalyse de son identité multiple, elle rédige même une liste (p. 29-30) des treize cas où elle « se sent » plus somalienne et du nombre identique de cas où la réponse est inverse. Mais, bien évidemment, dans la solitude de son intimité, elle sait que l’élément identitaire crucial a trait à son appartenance religieuse musulmane. Ce n’est qu’à la troisième page d’un récit qui se questionne et se surprend de l’irrationnel de l’achat de cette nourriture taboue que la bonne question se pose à l’esprit de la narratrice : « […] ma ne vale veramente la pena? Se mi ingoio queste salsicce una per una, la gente lo capirà che sono italiana come loro? Identica a loro? O sarà stata una bravata inutile? » (p. 26). La détermination de la protagoniste ne fléchit pas : la cuisson avance ; la question du saut identitaire, de l’adhésion ou de l’extranéité à la religion ne passe désormais que par la déglutition :

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Infilzo con la forchetta la salsiccia più piccola, l’avvicino al naso. AGHHH, puzza! Chiudo gli occhi e avvicino l’immondità alla bocca. Comincio a sentire un sapore acido come vomito. Allora è questo il gusto della salsiccia, vomito? Poi qualcosa mi bagna il petto ed è allora che apro gli occhi. Con stupore noto di aver vomitato la colazione della mattina, una tazza di cereali con latte freddo e una mela. E la salsiccia? È ancora infilzata tutta intera sulla forchetta. (p. 31-32) Donc la conclusion (problématique) qui ne peut être que celle d’une « créole » : Guardo le salsicce e le getto nell’immondezzaio. Ma come ho potuto solo pensare di mangiarle? […] Sarei più italiana con una salsiccia nello stomaco? E sarei meno somala? O tutto il contrario? No, sarei la stessa, lo stesso mix. E se questo dà fastidio, d’ora in poi me ne fotterò! (p. 35)

39 Le contre-sujet – extranéité – chez l’autre auteure « créole » musulmane, Ingy Mubiayi, se trouve dans sa nouvelle « Concorso » (2005). L’intrigue principale est très indirectement liée au sujet de ce texte ; en revanche les dix premières pages présentent les deux personnages familiaux qui entourent la narratrice, née à Rome et inscrite à la faculté : sa mère immigrée égyptienne et sa sœur Magda également étudiante. Le point intéressant, c’est la « conversion » inattendue de Magda en musulmane pratiquante et militante, et les réactions négatives – de la perplexité, de la gêne au quotidien et de l’inquiétude – que cela provoque chez les deux autres femmes de la famille. Il est significatif de « croiser » ce récit avec « Rimorso », précédemment étudié, car la récupération identitaire par le religieux chez une jeune adulte de seconde génération – circonstance et thème narratif tout à fait nouveaux et inexplorés en Italie – est cette fois présentée avec un jugement opposé, par un récit à la troisième personne plutôt qu’à la première, et dans le contexte géographique inverse. La réprobation de cette démarche religieuse dans ce texte se déduit sans hésitation du style ironique voire sarcastique avec lequel les positions de Magda sont toujours contrées par des réponses de la narratrice ou des contre-arguments des deux. E adesso non so per quale motivo ha deciso di velarsi e dedicarsi anima e corpo a Dio e ai suoi figli. Ovviamente io e mia madre siamo rimaste di stucco. Vabbè le lotte giovanili in nome di ideali utopici che aiutano a formarsi una visione del mondo sana e una corretta interpretazione della realtà, favorendo contatti interpersonali durevoli scevri da ambigui e falsi presupposti ecc. (questo è il pensiero di mia madre tradotto in parole di mia sorella). Vabbè capire che non siamo tutti uguali e che è meglio affermare i propri ideali di pace e giustizia senza consumarsi troppo le belle e costose scarpe (questo invece è mio). Dico, vabbè tutto, ma da qui a portare il velo e andare tutti i giorni a pregare in moschea ce ne passa. (p. 110-111)

40 Suit une description longue et circonstanciée de la pratique religieuse de la mère dans son enfance et sa jeunesse en Égypte, en mettant l’accent surtout sur la laïcité de ce pays à l’époque et notamment sur l’absence du voile (réservé aux femmes âgées) : « quindi a mia madre, legata a quell’immagine del velo, fa un po’ strano che la figlia venticinquenne sia tutta bardata come sua nonna » (p. 112). Une autre longue et ironique symbolisation des conséquences de l’irruption de l’islam dans la vie de Magda concerne l’usage familial de la salle de bains, véritable lieu de confidences et de loisirs, surtout grâce au poste de radio. Mais les conversations sont désormais bannies et le poste déplacé, car « il Maligno predilige questi luoghi per manifestarsi » : la vie de famille en est donc gênée. Là encore le dialogue tourne en dérision les motifs religieux : la mère tente de s’opposer « dicendo che non le sembrava che il Corano proibisse di ascoltare il giornale radio » et la narratrice de renchérir : A questo punto sono sorte alcune questioni di importanza capitale: 1) al tempo del Profeta […] avevano bagni così come li intendiamo noi? Cioè, va inteso tutto così

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letteralmente? 2) Ammettendo che sia vero, fino ad ora cos’era successo con tutto quel vociare? Avevamo disturbato parecchi esseri? Si sarebbero vendicati tutti insieme invadendo casa quando una delle tre si fosse trovata sola, a mezzanotte, senza corrente e con il telefono isolato? 3) E ancora, sempre ammettendo che sia vero, che ci faceva il Maligno al bagno? (p. 114) Enfin l’inquiétude des deux femmes : Insomma, tutto quel fervore, quel modo di parlare per frasi fatte, ascoltate chissà dove e da chissà chi. Non è da lei. E poi quel Bisbigliatore [le Diable] sempre in agguato in ogni parola, atto o pensiero. E quel rigore da partito comunista dei bei tempi. […] Quell’ergersi a giudice e accusare tutto e tutti […]. (p. 118)

41 Le ton ne redevient sérieux que dans une phrase étant une tentative d’explication de la transformation soudaine de Magda. L’accent est posé sur l’imprévisibilité de la métamorphose, par rapport à une adolescence plutôt libre voire hédoniste – alcool, « incontro prematrimoniale con l’altro sesso » : « A un certo punto tutto ciò è stato cancellato. Come se si potesse di colpo eliminare una parte di sé che non piace più. O non è mai piaciuta. Io forse eliminerei il mio nome » (p. 118). Le labeur de recherche identitaire est donc partagé dans cette seconde génération de fiction. La complicité s’exprime de nouveau : elle constituera également le final de la nouvelle, où les trois femmes se retrouvent dans la salle de bains à lire et à discuter, « Alla faccia del Bisbigliatore »…

Conclusion

42 Ayant renoncé à formuler la question du religieux dans ces œuvres d’auteurs musulmans en termes trop faciles de présence ou d’absence, ayant également pris nos distances sur la question de l’auto – ou hétéro – référence entre l’auteur et le héros fictionnel ainsi que sur la représentation de sa communauté par un écrivain, dans le cadre que nous avons tenté de tracer règne la complexité. Nos multiples regroupements et répartitions entre religions dans les pays d’origine et de destination, entre jugements d’adhésion et d’extranéité, entre lieu remémoré et retour au pays d’origine, entre auteurs migrants et « créoles », n’ont aucunement réduit la variété des représentations, bien au contraire. Une variété d’images, de reproductions, de jugements, de sensibilités, d’allégories ont surgi, où le religieux est quand même beaucoup plus présent qu’on pouvait le penser, ou que les auteurs pour la plupart ne l’avouent, peut-être plus qu’ils n’en ont conscience, sans doute plus recourrant que bien d’autres thèmes.

43 Nous avons interprété l’expression littéraire des auteurs migrants comme étant d’abord un refus de et une réaction à la « traduction » de la société de réception. Il est alors logique de constater que la réaction à la « traduction » italienne vis-à-vis de l’islam, des immigrés musulmans en général et des auteurs en particulier, s’avère passer non pas par le silence et l’indifférence à la religion, mais par cette variété de références, donc, somme toute, par l’inattendu. L’extrême de l’inattendu dans ce contexte, c’est le blasphème : il existe un écrit conçu pour une mise en scène théâtrale intitulé I fiumi di altrove (2001) du peintre-écrivain irakien Yousif Latif Jaralla : texte inclassable, auteur méconnu. Il est formé de courtes saynètes, des variations en rapport d’assonance et de contenu avec le mot « cesso ». La première est politique, sur les leaders des pays arabes, sous la dénomination « cesso-successo ». Celle qui est (anti-) religieuse, presque blasphème, porte le nom de « cesso-ascesso » et c’est la parodie d’une cérémonie d’extrême-onction inter-religieuse pour un mourant hospitalisé, officiée par

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un immigré musulman, un curé défroqué et un gourou « indien » en réalité piémontais. Libre interprétation, évidemment, sur l’hypothèse que l’abcès puisse être la cause du décès, ou la cérémonie, ou le religieux…

44 Pourquoi donc cette variété, cette complexité, plutôt que la simple absence du religieux, qui serait la réaction la plus simple et immédiate à une « traduction » qui s’attend à sa présence et à la représentativité ? Cela renvoie à des questions d’identité et d’altérité. En réalité, c’est comme si les auteurs musulmans étaient obligés de prendre en compte leur altérité religieuse dans leur expression de leur propre identité. En effet, s’ils sont les seuls concernés, dans leur for intérieur, par le fait que le religieux soit ou ne soit pas un facteur radical de leur identité – et encore, peuvent-ils être vraiment si autonomes par rapport à l’identité ? – la circonstance que leur religion est un facteur radical d’altérité ne dépend pas d’eux. Cette radicalité du facteur religieux ne peut qu’agir sur une quête et sur une problématique identitaire réelle. L’on peut refuser de se soumettre à la « traduction », réagir, mais non y échapper, semble-t-il…

45 Certes, la problématique identitaire pourrait ne pas du tout se refléter dans l’expression littéraire des écrivains migrants. Une tendance de la critique semblait même supposer qu’il existerait une évolution unique de la littérature migrante allant dans le sens d’un nécessaire éloignement de l’autoréférence, puisqu’elle s’éloignait de l’autobiographisme et qu’elle introduisait l’imagination. En utilisant implicitement la distinction thématique entre « letteratura di migrazione » et « letteratura della migrazione »33, certains voulaient y voir une succession chronologique, une évolution même qualitative en termes de littérarité.

46 Quant à nous, nous avons refusé cet a priori chronologique ainsi que le jugement que la littérarité et même seulement la qualité des œuvres se mesureraient par l’éloignement de l’autoréférence, surtout sur des problématiques identitaires34. À l’inverse, nous estimons d’une part qu’une certaine répétitivité de ces thèmes – « lo stesso tema raccontato in infiniti modi » comme l’a dit Abdel Malek Smari – n’est pas blâmable mais bien plausible – y compris au sens étymologique du terme. D’autre part, lorsque nous sommes en présence de la « poetica della migranza », lorsque le fait de la migration est la cause profonde de l’écriture et qu’il est intériorisé jusqu’à prendre forme en du sens et en un style, l’expression intime des problématiques et des quêtes identitaires des écrivains n’est que gage de sincérité. Leur absence ne serait par contre que la preuve de formalisme et de stérilité de l’écriture. Voyons donc avec quelle urgence et quelle vigueur une certaine autoréférence revient chez les auteurs « créoles », justement au sujet de thèmes identitaires qui sont sans doute plus troublants encore pour eux que pour les migrants, même en dehors de la sphère du religieux et des « créoles » musulmanes.

47 En somme, c’est sans doute encore par un effet social induit et extra-littéraire que le religieux est un élément incontournable de la problématique identitaire des migrants musulmans, mais c’est un grand don de leurs auteurs que de transformer cette contrainte sociale en un facteur littéraire d’originalité, de variété : dans l’inattendu.

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BIBLIOGRAPHIE

Œuvres où les références religieuses sont absentes (ou insignifiantes) :

(* indique une absence totale, dans toutes les œuvres parues jusqu’à présent chez l’auteur)

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(* indique l’extranéité ; l’indication peut varier chez un même auteur d’une œuvre à l’autre)

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—, Salam, maman, Torino, Einaudi, 2006.

Œuvres avec références religieuses liées à la destination (islam vécu dans la migration ou christianisme local) :

(* indique encore l’extranéité)

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* —, « Dismatria », in Pecore nere, Bari, Laterza, 2005.

SMARI Abdel Malek, (Algérie), Fiamme in paradiso, Il Saggiatore, 2000.

TAWFIK Younis, (Irak), La straniera, Milano, Bompiani, 1999.

—, La città di Iram, Milano, Bompiani, 2002.

WAKKAS Yousef, (Syrie), « Bubaker va in paradiso », in La talpa nel soffitto [recueil de ses récits], Bologna, Ed. dell’Arco, 2005.

—, « O’ mariuolo contento », in ibidem.

* —, « La talpa nel soffitto » in ibidem.

Œuvres à références religieuses étranges/ inclassables :

DEKHIS Amor, (Algérie), « La salvezza », in G. Mozzi-M. Bastianello, Matriciana cuscus, Padova, Il Poligrafo, 2002.

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JARALLA Yousif Latif, (Irak), « I fiumi di altrove », in Parole di sabbia, Salerno, Ed. Il Grappolo, 2001.

LAMRI Tahar, (Algérie), « So che nell’ultima ora peccherò », in I sessanta nomi dell’amore, Rimini, Fara, 2006.

MASRI Muin Madih, (Palestine), Il sole d’inverno [roman], Milano, Lupetti & Fabiani, 1999.

WAKKAS Yousef, (Syrie), « Cronaca di un’eclisse », in Italiani per vocazione, Fiesole, Cadmo, 2005.

ANNEXES

Origine Destination

Remémoré Migrant Garane GARANE, Il latte è buono, 5) Abdel Malek SMARI, Fiamme in paradisio, 2000. Adhésion 2005. « Créole » Retour 7) Igiaba SCEGO, « Salsicce », 2002-2005. 4) Ingy MUBIAYI, « Rimorso », 2006.

Remémoré Migrant

Tahar LAMRI, « L’henné », 2006. 6) Amara LAKHOUS, Scontro di civiltà per un ascensore in piazza Vittorio, 2006. Extranéité Retour « Créole » Pap KHOUMA, Nonno Dio e gli spiriti danzanti, 2006. 8) Ingy MUBIAYI, « Concorso », 2005.

NOTES

1. Nous adoptons ici le terme d’Armando Gnisci, qui note avec justesse l’inadaptation du concept de « (n+1ème) génération » d’immigrés, la migration n’étant le fait que d’une seule génération (sauf si elle se répète). En France, en empruntant le terme au politique, on parlerait plutôt d’auteurs « issus de l’immigration », mais le terme introduit par Gnisci s’est sans doute déjà imposé dans la discipline. Cf. Armando Gnisci, Creoli meticci migranti clandestini e ribelli, Roma, Meltemi, 1998. 2. Cf. J.-C. Vegliante, « “Civilisation” et études littéraires – L’exemple de la littérature issue de l’immigration italienne en France », in Phénomènes migratoires et mutation culturelle Europe- Amérique, XIXe-XXe siècle, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1998. 3. Cf. B. Bozzo (notamment Di fronte all’Islam. Il grande conflitto, Genova, Marietti, 2001) et même G. Sartori (Pluralismo, multiculturalismo e estranei, Milano, Rizzoli, 2002) qui reprend pour son compte certaines affirmations du cardinal Biffi. Ce dernier, avec son concept d’« umanità estranea », d’impossibilité d’intégration des immigrés musulmans, sa critique radicale de la « cultura dell’accoglienza » de l’Église, en arrive à préconiser des quotas religieux d’immigration (cf. G. Biffi, Sull’immigrazione, Torino, Elledieci, 2000). L’on voit bien comment la xénophobie anti- immigrés s’imbrique à l’islamophobie. Pour une synthèse très précise du débat intellectuel sur l’islam en Italie, cf. R. Guolo, Xenofobi e xenofili. Gli italiani e l’Islam, Bari, Laterza, 2003. 4. Cf. les dossiers annuels de la Caritas, qui demeurent la source documentaire la plus complète sur l’immigration en Italie.

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5. En fait R. Guolo in Xenofobi e xenofili. Gli italiani e l’Islam, plus précisément dans son chapitre sur l’islam italien et en particulier « Lotta per il controllo del “campo verde” » décrit en détail les rivalités et les oppositions très importantes entre les différentes organisations musulmanes en Italie, plus ou moins soutenues par différents États étrangers, ou bien mises en place par des Italiens convertis. Leurs divisions ont empêché jusqu’à présent toute entente (concordataire ou de moindre envergure) avec le gouvernement italien. Voir aussi S. Allievi, Islam italiano. Viaggio nella seconda religione del paese, Torino, Einaudi, 2003. 6. L’identification de la « phase exotique » par opposition à la « phase karstique » de cette littérature est due à Gnisci. L’expression « letteratura di emigrazione » par opposition thématique à la « letteratura dell’emigrazione » appartient à J.-J. Marchand, La letteratura dell’emigrazione. Gli scrittori di lingua italiana nel mondo, Torino, Fondaz. Giovanni Agnelli, 1991. Pour une analyse de ces oppositions ainsi que des auteurs concernés, je me permets de renvoyer à mon article : « Cenni sulla letterarietà e sulle questioni di lingua nella letteratura migrante italiana » paru simultanément dans le site Kúmá (n° 12) et in Bloc Notes (n° 53, Genève) en octobre 2006. 7. Quatrième de couverture de l’ouvrage en question, sans doute rédigée par l’un de ses co- auteurs : Carla De Girolamo et Daniele Miccione. Toutes les références des œuvres littéraires sont contenues dans la bibliographie critique en annexe. 8. In D. Bergola, Da qui verso casa, Roma, Ed. Interculturali, 2002, p. 85-87. 9. Le bulletin de synthèse de la banque de données BASILI (Banca dati Scrittori Immigrati in Lingua Italiana, ) mise à jour le 30 juillet 2006, nous a permis le regroupement des origines des auteurs migrants selon les aires géographiques ainsi que le dénombrement suivants : Maghreb = 21 auteurs ; total Afrique du Nord = 25 ; Afrique sub-saharienne à majorité musulmane = 38 ; Moyen-Orient musulman = 23 ; total « monde musulman » (y compris Singapour et la Bosnie mais sans compter l’Albanie) = 92 ; total auteurs recensés par BASILI = 194 appartenant à 62 nationalités. 10. Le parcours d’un Erri De Luca, si tant est qu’il est sincère, n’étant pas la norme… 11. Pour ne parler que de la France, deux colloques internationaux importants ont eu lieu entre 2005 et 2006 : « L’italien, langue de migration : vers l’affirmation d’une culture transnationale à l’aube du XXIe siècle » à l’Université de Nantes, les 8-10 décembre 2005 et « Altri stranieri », Université de Paris X-Nanterre, les 18-20 mai 2006. 12. « Lingua Madre » est un concours littéraire national inauguré en 2005 sur initiative de la Région Piémont et du « Centro Studi e Documentazione Pensiero Femminile di Torino ». Sa première édition était réservée aux femmes étrangères résidentes en Italie, et le Salon du livre de 2005 l’a effectivement exposé dans ce format. Toutefois, au Salon du livre de 2006, les présentations d’ouvrages se sont élargies aux auteurs migrants des deux sexes et même à des auteurs migrants à l’étranger (traduits) : « gli scrittori delle periferie del mondo che per raccontarsi scelgono una lingua d’arrivo, una delle grandi lingue veicolari che, anziché appiattire, aiuta a salvare quella biodiversità culturale di cui il pianeta ha un gran bisogno. » (R. Picchioni dans la préface de l’opuscule contenant le programme du Salon 2006) 13. Tableaux tirés de BASILI sur la production par genre et par année de parution : LETTERATURA MIGRANTE IN ITALIANO

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14. Par exemple le roman Il profugo de Y. Tawfik (Milano, Bompiani, 2006) présenté au Salon de Turin en grande pompe par Vittorio Sgarbi (et édité par sa sœur, de même que les romans précédents de cet auteur) semble bien répondre à une demande (ou à une commande ?) précise de cette importante maison d’édition, ainsi que de la société italienne (ou au moins de la partie non négligeable de celle-ci que justement Sgarbi peut représenter…) de recevoir, de la part d’un Irakien, un témoignage sur la monstruosité du régime politique de Saddam Hussein et sur les violences même psychologiques qu’il a pu faire endurer à la famille du narrateur, y compris à un membre qui a adhéré au régime de façon inconditionnelle (un personnage négatif du roman). 15. Lucia Quaquarelli de l’Université de Modène a mis en évidence les spécificités de ce qu’elle appelle les « Scritture dell’immigrazione di seconda generazione » au cours du colloque international « Altri stranieri » de Nanterre. 16. Cf. notre « Cenni sulla letterarietà… ». 17. « Lettere migranti e diaspore europee », in A. Gnisci-N. Moll, Diaspore europee & Lettere migranti, Roma, Ed. Interculturali, 2002. 18. Concept introduit par Franca Sinopoli, cf. « Poetiche della migrazione nella letteratura italiana contemporanea: il discorso autobiografico », in Miscellanea comparatistica, fasc. n° 7 di studi (e testi) italiani, (a c. di A. Gnisci), Roma, Bulzoni, 2001. 19. C’était déjà le cas il y a longtemps chez Tahar Ben Jelloun, in La réclusion solitaire, Paris, Denoël, 1976. 20. Il faut savoir, comme l’a justement mis en évidence Maria Cristina Mauceri dans son compte rendu du roman (cf. Kúmá, n° 12, octobre 2006), que les rêves ont souvent une fonction prémonitoire dans le Coran. De plus, plusieurs des rêves en question ont des références religieuses très explicites, comme celui qui concerne la naissance du personnage principal et narrateur du roman, Alì, et le dernier qui est une représentation de l’Apocalypse. 21. Il custode del Corano (2006) est un roman sur le calife Omar, héritier spirituel du Prophète, donc sur la première diffusion de l’islam en milieu arabe païen ; dans Come sigillo sul tuo cuore (2006), en relatant la circonstance historique de la rencontre entre saint François et le sultan d’Égypte en 1219, l’auteur imagine que ce dialogue eut pour thème les récits d’amour contenus dans la Bible et dans le Coran.

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22. Voir aussi Tawfik et le Maroc : l’héroïne du roman de l’Irakien Tawfik La straniera (1999) est maghrébine et elle fait d’importantes allusions à la tradition-religion du Maroc ; cf. surtout son roman La città di Iram (2002), fortement imprégné d’islam mystique, même dans son titre ; l’action se déroule en grande partie au Maroc. 23. Cf. par exemple le roman Rhoda (2004) d’Igiaba Scego : tentatives et aboutissements d’intégration complètement opposés de la part de trois personnages féminins : l’héroïne Rhoda, sa petite sœur et sa tante. 24. Le tableau est reproduit en annexe. 25. L’idée de ce patrimoine culturel en voie de disparition est due à A. Waberi, « Garane Garane, il nomade d’Azania », postface du roman. 26. « I riti – quelli profondamente legati alla vita – non hanno niente a che fare con la religione, poiché i riti sono sempre liberatori, mentre la religione, qualsiasi religione, anche la religione del denaro e del potere, della ragione e del buon senso comune, come dice l’etimologia stessa della parola, cerca di legarti a qualcosa, di ri-legarti e, a volte, di legarti mani e piedi. Persino la scienza che voleva sottomettere e vincere la fede ha prodotto un nuovo cathechismo. Io credo di essere più vicino alla mistica della vita, la religione ufficiale e i suoi riti non mi interessano affatto e non mi interessa neanche il Dio ufficiale, preferisco il diavolo clandestino. Non il diavolo ufficiale, che rappresenta il male » (p. 62). On comprend aisément que Lamri, s’il veut toujours représenter une communauté ou une image de son pays d’origine, l’Algérie, représente en tous cas un intellectuel laïc et critique, fier de son patrimoine culturel (même religieux) arabe, mais non de sa pratique religieuse. L’on a également la preuve très claire par cet ouvrage que la laïcité d’un auteur n’a strictement rien à voir avec l’absence du religieux dans son œuvre. 27. In Kúmá, n° 12, octobre 2006. 28. L’épisode des trois enfants et des Révérends Pères Moody et Waterfield (p. 56-59) est repris de la nouvelle Le “pesti” di Djama de 1998. 29. « Ingy si autodefinisce molto lenta, musulmana e occidentale ma contraria al divieto francese del jihab, pazza per la pastasciutta, il suo lato più italiano. Segue con interesse l’evoluzione del mondo islamico e si commuove quando ascolta il canto del muezzin o i versetti del Corano, che la riportano all’atmosfera idilliaca dell’infanzia. » (Pecore nere, 2005, p. 96) 30. Traduit également en français aux éditions Actes Sud en automne 2007. 31. In Kúmá, n° 12, octobre 2006. Le roman de Lakhous ayant été d’abord écrit en arabe et publié avec le titre de Comment se faire allaiter par la louve sans qu’elle vous morde, puis réécrit en italien, l’intérêt principal de l’article de Negri qui maîtrise l’arabe consiste en la comparaison des deux versions, d’ailleurs sensiblement différentes. 32. Interview par M. C. Mauceri in El Ghibli, n° 4, juin 2004. 33. Dichotomie établie par Jean-Jacques Marchand. 34. Cf. Cenni sulla letterarietà.

AUTEUR

ALESSANDRO PANNUTI Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3

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In partibus infidelium

Lise Bossi

1 Leonardo Sciascia a sans doute été l’un des premiers écrivains italiens d’après-guerre à dénoncer le rôle de l’Église, ou plutôt de l’institution ecclésiastique, dans la société et surtout dans la pratique politique de la nouvelle République italienne. Cela tient sans doute au fait qu’il est Sicilien et que la Sicile a souffert plus que toutes les autres régions de la Péninsule des excès d’une Inquisition toute-puissante sous la domination espagnole, des abus de pouvoir d’un clergé dévoyé, dénoncé, de Pirandello à Camilleri, à travers Le tonache di Montelusa1, et surtout de la confusion des genres entre pouvoir politique et pouvoir religieux. Quoi qu’il en soit, nombreux sont les ouvrages où est stigmatisé le conflit d’intérêts, évident dans sa dénomination même, qui caractérise les objectifs du principal parti de gouvernement de la période qui nous intéresse : la Démocratie Chrétienne.

2 Cet aspect de l’œuvre de Sciascia lui a valu une réputation de mangiapreti et d’anti- clérical impénitent. Pourtant, son regard n’est pas que critique et son discours peut même se faire admiratif lorsqu’il lui est donné de rencontrer, rarement et le plus souvent par documents interposés, des hommes à la foi sincère dont la spiritualité profondément et évangéliquement vécue informe chacun des actes. C’est qu’il peut partager avec eux nombre de valeurs que les autres ont perdues. Cette communauté de valeurs a pu laisser croire à certains que Sciascia était passé de l’autre côté, du côté des fidèles. C’est l’avoir mal lu et avoir oublié que pour lui, les meilleurs chrétiens sont le plus souvent ceux que l’Église a relégués du côté des infidèles, in partibus infidelium.

3 Nous avons choisi de nous intéresser aux ouvrages de Sciascia dont les protagonistes sont des religieux et où le discours sur la religion prend le plus explicitement en compte tant les velléités temporelles de l’Église que les aspirations spirituelles de ceux qui, croyants ou non, au nom de la foi ou de la raison, luttent encore pour la vérité, la justice et la compassion. Nous examinerons donc, en tout premier lieu, Todo modo mais aussi Dalle parti degli infedeli et Morte dell’inquisitore et, pour finir, L’affaire Moro 2 parce que si Aldo Moro n’était pas un homme d’Église Sciascia a écrit sur lui et pour lui un livre religieux.

4 Même si Sciascia a dit que Todo modo est la préfiguration littéraire sinon le facteur déclenchant de l’affaire Moro, ce roman est une fiction. L’écrivain y met en évidence les

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troubles liens que l’Église entretient avec le pouvoir et les hommes politiques. Ces derniers, au prétexte de participer à des exercices spirituels, se réunissent chaque année dans un lieu où tout se décline sous le signe de l’ambiguïté et du dédoublement, depuis le bâtiment lui-même, à la fois ermitage et hôtel, en passant par Don Gaetano, le maître des lieux, un prêtre qui a lu tous les livres et porte les lunettes du Diable, jusqu’aux retraitants que le narrateur de Sciascia compare tantôt à des animaux voraces solidement installés sur « une avalanche de nourriture en décomposition » (TM, p. 44) dans laquelle ils s’agitent pour manger plus, plus vite et mieux que les autres, tantôt au radeau de la Méduse (ibidem, p. 48-49) : la « grande bouffe » des suppôts du pouvoir devenant une sorte de festin des Atrides où les hommes dévorent ou font dévorer leurs semblables pour assurer leur propre ignominieuse survie. C’est d’ailleurs Don Gaetano qui lui dévoile la vraie nature des présents et de leurs « activités » : – Vous vous trompez grandement en croyant que ceci est une espèce de congrégation : c’est un nœud de vipères. – Elles sont en train de se mordre entre elles ? – Vous ne vous en rendez donc pas compte ? (Ibidem, p. 76)

5 Le problème est de savoir pourquoi Don Gaetano, c’est-à-dire pourquoi l’Église, cautionne et favorise les agissements de cette classe politique qui a fait de l’abus de biens sociaux, de l’hypocrisie et du mensonge un signe de reconnaissance sinon une règle de vie. L’explication la plus simple, la première qui vient à l’esprit lorsque l’on examine l’histoire conjointe de l’Église et de l’État italien, c’est que l’Église à travers les hommes du parti qui se réclame d’elle et dont elle a voulu qu’il soit le parti de tous les catholiques, entend ainsi reprendre à l’État spoliateur du Risorgimento ce pouvoir temporel et cette influence sur la société italienne qu’elle a perdus après 1870. Et comme elle n’a pas réussi à détruire l’État, en bloquant ses institutions parlementaires grâce au Non expedit3 ou en attirant sur lui les foudres des grandes puissances catholiques – ce qui a eu pour seul effet de pousser l’Italie dans les bras des puissances protestantes en plein Kulturkampf – elle a choisi de se réconcilier avec lui, Patto Gentiloni4 à l’appui, pour préserver ses intérêts et ceux de ses fidèles face à la montée savamment orchestrée par Giolitti des idées marxistes et des protestations sociales.

6 La stratégie ayant fait ses preuves, l’Église est passée de la réconciliation à la conciliation, du Patto Gentiloni aux Patti Lateranensi et, par la même occasion, du parlementarisme au fascisme5.

7 Cette belle indifférence à la nature des régimes dont elle reçoit garanties et pouvoir lui a permis de bénéficier de la transposition pure et simple des Accords de Latran dans l’article 7 de la Constitution de la toute nouvelle République italienne opérée par un groupe de travail où siégeaient des communistes avant d’excommunier ces derniers et de faire siens les idéaux de la guerre froide au nom du combat contre l’Antéchrist. C’est d’ailleurs au nom de ce même combat qu’elle a vivement encouragé son clergé à voter et surtout à faire voter pour les représentants de ce qui est désormais son parti, comme Sciascia le montre et le dénonce non seulement dans Dalle parti degli infedeli, où Monseigneur Ficcara qui entend s’occuper de ses ouailles du seul point de vue de sa mission pastorale se voit réprimandé puis écarté, mais aussi dans de nombreux autres textes, comme par exemple dans le récit La zia d’America6, où même la communauté italo-américaine est mise à contribution pour prêcher la bonne parole en soutenant De Gasperi et les siens.

8 Ce n’est cependant pas ce retour en force de l’Église dans les rouages du pouvoir temporel en tant que tel qui inquiète Sciascia, c’est plutôt ce qu’il croit alors être, et qui

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est peut-être effectivement pour certains groupes politico-religieux tels Comunione e liberazione ou l’Opus dei, le but ultime de cette mainmise sur la chose publique.

9 Dans la fiction littéraire, c’est bien sûr Don Gaetano qui est chargé d’exposer, sous forme de boutade d’abord, ce que serait la fonction première des hommes de la Démocratie chrétienne dans une telle perspective : Messieurs – dit Don Gaetano au ministre et au président – j’espère que vous ne me m’infligerez pas la douleur de me dire que l’État existe encore… À mon âge et avec toute la confiance que j’ai eue en vous, ce serait une révélation insupportable. J’étais tellement sûr qu’il n’existait plus. (TM, p. 115)

10 Car Don Gaetano se réclame de l’Évangile de Luc : « Je suis venu apporter le feu sur la terre et que puis-je faire s’il brûle déjà » (TM, p. 103). Ce feu, la classe dirigeante qui gouverne et commande « avec [sa] bénédiction sinon avec [son] mandat » (TM, p. 104) l’a allumé et l’entretient et c’est pourquoi il la soutient, car elle contribue à détruire ce monde encore accroché à la raison et aux principes des Lumières auxquels certains de ceux qui ont gouverné l’Église du Christ ont commis l’erreur de s’identifier. Alors que, selon Don Gaetano, le triomphe de l’Église sera une épiphanie en forme d’apocalypse à laquelle vont contribuer les découvertes de la science, la satiété, la faim et l’ignorance. En effet, elles vont à tel point faire croître l’angoisse, celle que Pascal déjà éprouvait face à l’univers, qu’elles vont nous conduire à l’aube de l’époque la plus chrétienne que le monde puisse connaître. « Et l’angoisse cosmique, conclut-il, ne sera rien comparée à la peur que l’homme aura de lui-même et de ses semblables » (TM, p. 105). Ainsi, peu importent les moyens, les hommes, les partis, qui ne sont que des rouages interchangeables7, pourvu que ce triomphe puisse avoir lieu. Car comme le dit Don Gaetano « Dieu existe donc tout est permis » (TM, p. 76) dans la mesure où Dieu est la cause première de toute chose et où ce qui découle de lui, l’univers tout entier donc, est justifié par son existence y compris le délit, la douleur et la mort. Y compris l’injustice et l’iniquité. C’est que, pour citer encore Don Gaetano : La grandeur de l’Église, sa transhumanité, réside dans le fait qu’elle réalise la consubstantiation d’une espèce d’historicisme absolu : l’inévitable et précise nécessité, l’utilité certaine, de tout événement intérieur en rapport avec le monde, de chaque individu qui la sert et en porte témoignage, de chaque élément de sa hiérarchie, de tout changement ou succession… (TM, p. 48)

11 Pour les lecteurs de Sciascia, ces définitions de l’Église et de son rôle dans Todo modo font irrésistiblement penser au passage de Il contesto8, que nous allons tenter de résumer ici, où le président Riches parle de la justice par décimation ; celle où l’individu répond de l’humanité et l’humanité de l’individu parce que poursuivre le coupable, les coupables est devenu impossible car il ne s’agit plus de chercher une aiguille mais bien un brin de foin dans la botte de foin. De ce fait il n’y a plus d’individu ou de responsabilité individuelle et le déshonneur et le délit doivent être rendus à la multitude. C’est là le seul moyen de combattre ces délits contre la légitimité de la force que seule la force, en passant du côté du délit, peut effacer comme délits et s’incorporer sous la forme, inaltérablement prête à la recevoir, d’une entrée de Dieu dans le monde. La seule entrée que le monde permette à Dieu… (ibidem, p. 92).

12 Si nous rapprochons cette image de l’administration de la justice, c’est-à-dire, pour Sciascia, de l’injustice, telle qu’elle est pratiquée par les représentants d’un État que Don Gaetano méprise tout en le cautionnant, si nous la rapprochons de la définition de l’Église comme consubstantiation d’un historicisme absolu où l’antique prédestination

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et le moderne déterminisme s’associent pour aboutir à une espèce d’auto-référentialité, nous sommes amenés à penser que l’Église – comme institution au service du dieu de la force – est parvenue à intégrer au sein d’un ordre supérieur la justification des délits sur lesquels l’exercice de la force est fondé. En d’autres termes, le rapport consubstantiel entre l’Église et l’Histoire tel qu’il est défini par Don Gaetano, c’est que l’Histoire est devenue l’histoire d’un pouvoir qui se prétend légitimé par une volonté supérieure dans une chaîne de causalité prédéterminée. Et c’est pour briser cette chaîne de causalité que le narrateur de Todo modo décide d’accomplir un acte de liberté et de tuer don Gaetano, avec la bénédiction de Kant.

13 Pour comprendre l’acte du narrateur, il faut prendre conscience qu’avec Todo modo, Sciascia a travaillé sur deux plans qui comme toujours chez lui sont totalement imbriqués, le plan narratif et le plan philosophique, l’un reflétant métaphoriquement l’autre. Sur le plan narratif, ce récit qui apparaît comme la dernière des fictions policières de Sciascia après Il giorno della civetta, A ciascuno il suo9 et Il contesto, se présente en fait comme un anti-roman policier où l’enquêteur n’est plus un représentant de la loi et où il est même devenu un assassin. L’explication de ce renversement est à rechercher dans le passage de Il contesto que nous citions précédemment. Au cours de sa diatribe en faveur de la justice par décimation Riches y dit à Rogas : Votre métier mon cher est devenu ridicule. Il présuppose l’existence de l’individu et il n’y a pas d’individu, il présuppose l’existence de Dieu, le dieu qui aveugle les uns et illumine les autres, le dieu qui se cache, et il est resté caché si longtemps que nous pouvons présumer qu’il est mort10.

14 Pour mieux comprendre le sens et l’importance de l’articulation entre l’existence de Dieu et le métier d’enquêteur, il faut revenir à ce que Sciascia a écrit à propos du roman policier : Dans sa forme la plus originale et la plus autonome, le roman policier présuppose une métaphysique : l’existence d’un monde « au-delà du physique », de Dieu, de la Grâce – et de cette Grâce que les théologiens appellent illuminante. De la Grâce illuminante l’enquêteur peut même se considérer comme le porteur, à l’instar de sainte Lucie dans la Divina Commedia (« Lucia, nimica di ciascun crudele »). L’incorruptibilité et l’infaillibilité de l’enquêteur, sa vie presque ascétique […], le fait qu’il ne représente pas la loi officielle mais la loi dans l’absolu, sa capacité de lire le délit dans le cœur humain outre que dans les choses, c’est-à-dire dans les indices, et de le pressentir, l’investissent d’une lumière métaphysique, en font un élu. Et ce n’est pas un hasard si l’histoire du roman policier, la naissance de l’enquêteur, a dans la Bible ses premières origines11.

15 C’est à la fin de 1912+1, addition sous laquelle se cache superstitieusement l’année où le pacte Gentiloni a été signé, que se précise définitivement le système d’équivalence de Sciascia. Il y est fait allusion à un récit de Huxley « que l’on pourrait qualifier de policier : à ceci près que n’y est pas prononcé le nom de Dieu, que tout récit policier prononce d’ordinaire en l’englobant dans le mot justice12 ».

16 Ce qui signifie que Dieu n’est pas nommé voire qu’il est nié dès lors que justice et vérité sont absentes. Il n’est pas étonnant, du coup, que Todo modo soit la dernière des enquêtes proprement policières de Sciascia13, dès lors que la conscience du bien et du mal et, donc, les sentiments de culpabilité et de responsabilité qui en découlent, en ont complètement disparu. Sans doute parce que l’Église y prend clairement le parti du dieu de la force contre celui du dieu qui se cache ; le parti du dieu borgésien, indifférent à la destinée des hommes, contre celui de ceux qui voient « le siècle et le monde régis

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par la loi et la loi par Dieu même [s’ils lui donnent] d’autres noms » (TM, p. 77) : comme justice, ou vérité, justement.

17 Autrement dit, si Sciascia abandonne le roman policier après cet anti-roman policier qu’est Todo modo c’est qu’il a voulu marquer, sur le plan philosophique cette fois, que la justice et la vérité n’existent plus dans le monde de Don Gaetano et de ses protégés et qu’un genre littéraire qui a pour vocation de les restaurer est désormais tout aussi inutile et inopérant que le métier d’enquêteur.

18 C’est pourquoi il s’attache à les chercher dans une autre dimension qui est celle de la littérature et plus généralement de la chose écrite où elles sont contenues et préservées. La dimension où l’écrivain catholique Manzoni est allé avant lui retrouver, dans sa Storia della colonna infame, la trace d’une injustice qui pouvait être vue par ceux- là même qui la commettaient. Manzoni qui a « inventé » avec cet ouvrage méconnu le genre de l’enquête philologique comme réparation littéraire, fondée sur des présupposés éthiques, des injustices de l’histoire. Et c’est à ce nouveau genre que Sciascia se consacre désormais.

19 Il semble donc que l’on puisse en déduire que, comme dans les romans policiers où Son existence est postulée à travers la possible distinction entre le bien et le mal et la possible restauration du bien et donc de la justice, l’idée de Dieu est présente dans le principe des enquêtes philologiques que Sciascia conduit selon des présupposés voisins de ceux de Manzoni. Mais que l’on ne s’y trompe pas, si elle est présente c’est – la différence est de taille – dans les mots « vérité » et « justice » sur lesquels ces enquêtes se fondent et cela ne veut pas dire qu’à l’instar de son modèle littéraire Sciascia a l’intention ou la tentation de se convertir. En fait, plus que d’une idée de Dieu, il s’agit, pour Sciascia, de l’idée que la raison peut se faire de la vérité et de la justice à travers la connaissance du bien et du mal dont elle trouve en elle-même une définition. La volonté de faire le bien ne dépend plus, dans cette perspective, d’une référence à une entité transcendante révélée mais d’un devoir que la raison s’impose à elle-même et impose au sujet sous la forme d’un impératif catégorique. La conclusion kantienne de Todo modo, qui clôt la série des romans policiers et ouvre celle des enquêtes philologiques, laisse peu de doutes à ce sujet.

20 C’est dans cette perspective, plus rationnelle que métaphysique, au sens commun du terme, qu’il faut lire les deux ouvrages, que l’on peut aussi considérer comme des hommages, consacrés à des hommes d’Église. Le premier, Dalle parti degli infedeli, est une réflexion-commentaire sur les lettres échangées entre Angelo Ficcara, évêque de Patti, et la Sacra congregazione concistoriale. Ces lettres, insiste Sciascia, ont l’intérêt d’appartenir à une époque proche de la nôtre et elles montrent un juste, dont il entend prendre la défense, victime d’une persécution entièrement fondée sur le mensonge (DPDI, p. 79). Le point de départ est une circulaire de la Sacra congregazione où il est dit que « l’attention des évêques doit se porter sur le devoir pastoral d’instruire les fidèles à l’occasion et à proximité d’événements particuliers dont dépend le destin du Pays, particulièrement dans l’ordre moral et social ». Et l’on peut jusqu’ici admettre que l’Église se préoccupe de l’ordre moral même si elle empiète un peu trop sur l’ordre social. Mais, après tout, l’un découle souvent de l’autre. La suite en revanche est à la fois beaucoup plus claire et beaucoup moins défendable : Ce ministère veut encore répéter qu’il est nécessaire de faire part aux fidèles de façon claire et répétée [sic], à l’occasion des élections législatives ou administratives, des élections nationales ou régionales des règles suivantes : 1) Considérant les périls auxquels sont exposés la religion et le bien public dont la

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gravité exige la collaboration unanime des honnêtes gens, tous ceux qui ont le droit de vote […] sont en conscience strictement obligés d’en faire usage ; 2) Les catholiques ne peuvent donner leur voix qu’à ces candidats ou à ces listes de candidats dont on a la certitude qu’ils respecteront et défendront l’observance de la loi divine et les droits de la religion et de l’Église dans leur vie privée et dans la vie publique […] (DPDI p. 14) ; et ainsi de suite, comme pour mieux prouver que la réalité dépasse décidément toujours la fiction. Or, qu’a osé faire l’évêque de Patti : il a séjourné dans sa ville natale de Canicattì pendant la préparation des élections au lieu d’apporter sa contribution à la Démocratie Chrétienne et il a renvoyé à son vicaire une commission de femmes venues se plaindre de la conduite indigne du clergé. C’est pourquoi le représentant de la Démocratie Chrétienne, qui dénonce ces si graves manquements aux autorités politiques et religieuses dont il estime dépendre, abandonne son poste de combat non sans blâmer grandement « tous ceux qui ont trahi la Démocratie Chrétienne et donc l’Église » (DPDI, p. 16). Pour Monseigneur Ficcara c’est le commencement des ennuis et c’est désormais, selon Sciascia, à un véritable procès inquisitorial qu’il va être soumis (DPDI, p. 29). On va lui demander des comptes sur la conduite de ses prêtres, sur la diffusion du communisme, du protestantisme et de la franc-maçonnerie dans son diocèse, ainsi que sur le comportement de ses ouailles, sous les espèces de ce que Sciascia appelle ironiquement les âmes votantes. Puis on va lui apprendre qu’il souffre d’une baisse de ses facultés physiques et même mentales au point qu’on va lui adjoindre un auxiliaire car « l’époque exige une action pastorale prompte énergique et efficace » (DPDI, p. 37) et pour finir on décide de le promouvoir archevêque de Leontopoli de Augustamnica, in partibus infidelium, dans les contrées des infidèles ou, plus littéralement, du côté des infidèles. Et l’on goûtera le double sens que revêt cette expression dans un tel contexte. Car Monseigneur Ficcara est bien un infidèle, à l’Église du dieu de la force et à la Démocratie Chrétienne, et il dérange en conservant aux yeux de ses ouailles : le prestige de l’évêque qui se contente d’être évêque, l’influence de celui qui ne fait pas de politique, qui voit la politique comme autre et comme autre le parti démocrate chrétien et qui, sans préjugés religieux et en toute bonne foi, laisse que chacun soit libre d’être avec la D.C., contre elle ou en dehors d’elle. (p. 51) Mais pour cette même raison l’ampleur et la teneur des réseaux d’intérêts, la profondeur des racines et la force débordante du phénomène démocrate-chrétien lui échappent, comme lui échappe la solidarité qui conduit l’Église à s’identifier, dans ces années de guerre froide, à un parti politique. (p. 42) C’est que Monseigneur Ficcara croit en Dieu et pas dans le dieu qui décide que les personnes en bonne santé sont malades et que les justes doivent démissionner ; dans le Dieu de la vérité et dans le Dieu de la justice (p. 38). Et Sciascia imagine sa colère, sa révolte, et comprend qu’il ne puisse se résigner à ce que de l’Église, de son Église, lui viennent le mensonge et l’iniquité. (p. 39)

21 Que la compréhension et, disons-le, le respect de Sciascia pour cet homme d’Église, ou plutôt pour cet homme de foi, repose non pas sur une quelconque tentation religieuse ou sur une aspiration à la transcendance mais sur ces valeurs de justice, de vérité, de tolérance et de charité que, n’en déplaise à Don Gaetano, le christianisme et les Lumières ont en commun, cela est confirmé par Morte dell’inquisitore, l’autre enquête philologique dont le protagoniste est un religieux. Une enquête qui est en fait la première dans le temps, dont Sciascia nous dit : C’est, parmi les ouvrages que j’ai écrits, celui qui m’est le plus cher, le seul que je relise et à propos duquel je me tourmente encore. La raison en est que c’est effectivement un livre inachevé, que je ne finirai jamais, que je suis toujours tenté

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de réécrire et que je ne réécris pas dans l’attente de découvrir encore quelque chose : un nouveau document, une nouvelle révélation qui se dégagerait des documents que je connais déjà, quelque indice qu’il m’arriverait de découvrir entre veille et sommeil comme cela advient au Maigret de Simenon lorsqu’il est pris par une enquête. (p. 38)

22 Il convient déjà de noter que, avec cette déclaration, nous sommes sans conteste dans la double dimension de l’enquête et de la réparation littéraire manzonienne, c’est-à-dire dans la sphère où l’on présuppose l’existence de Dieu qui est lui-même englobé dans le mot justice. Pour le reste, l’histoire de fra Diego aurait pu être celle de Robin des bois s’il n’avait vécu en Sicile au milieu du XVIIe siècle, au moment où les nobles espagnols et la Sainte Inquisition étaient tout-puissants. Pour avoir sans doute professé une hérésie qui, sans participer d’un mouvement religieux déjà défini, faisait appel à certains principes sociaux de l’Évangile14 et pour en être arrivé de ce fait à la conviction non pas, explicitement, que Dieu était injuste mais qu’« il ne pouvait pas, sans être injuste, accepter l’injustice du monde » (p. 227), ce moine a été confié au Grand Inquisiteur en personne. Celui-ci s’est occupé de lui si paternellement et avec tant d’insistante bonté que fra Diego l’a tué en l’assommant avec ses propres chaînes. Pour le double crime d’hérésie et de meurtre sur la personne d’un représentant de l’Inquisition, il est condamné au bûcher, non sans avoir préalablement refusé de se rendre aux raisons de ses saints contradicteurs. De ces derniers Sciascia dit qu’ils resteront dans l’histoire du déshonneur humain pour leur intolérance et de fra Diego que c’est un homme qui affirme la dignité et l’honneur de l’homme, la force de la pensée, la ténacité de la volonté et la victoire de la liberté (p. 211). Il ne fait donc aucun doute que, ici comme ailleurs, les sentiments de Sciascia vis-à-vis de l’Église ou plus exactement des institutions ecclésiastiques sont on ne peut plus tranchés et négatifs. Mais son intérêt et son attachement jamais démentis pour fra Diego et son histoire sont-ils seulement pour Sciascia l’occasion d’une charge contre les excès de l’Inquisition et l’intolérance de l’Église ? L’occasion d’un hommage à ceux pour qui la justice et la vérité ont été un souci constant, religieux ou pas, même si les religieux ont plus de mérite à avoir conservé ces valeurs dans une Église qui ne les a pas ou qui ne les a plus ? Ou bien y a-t-il pour finir une part de l’écrivain qui s’identifie à fra Diego lorsqu’il formule l’hypothèse que, de la révolte contre l’injustice sociale, contre l’iniquité, contre l’usurpation des biens et des droits, [fra Diego] soit arrivé, au moment où il entrevoyait comme irrémédiable et sans espoir sa propre défaite et en identifiant son destin au destin de l’humanité, sa tragédie à la tragédie de l’existence, à accuser Dieu. Non pas à le nier mais à l’accuser ? (p. 226)

23 Manzoni lui-même n’en est-il pas venu à dire, à propos du comportement des juges qui ont condamné des innocents pour sorcellerie dans les procès contre les untori, qu’« en cherchant un coupable à qui s’en prendre à raison, l’esprit se trouve conduit avec effroi à hésiter entre deux blasphèmes, qui sont deux délires : nier la providence ou l’accuser15 » ?

24 D’ailleurs, toute enquête tendant à rendre justice à la victime contre le bourreau, dès lors qu’elle implique la contemplation de l’injustice en train de se perpétrer n’amène-t- elle pas l’enquêteur à se tourner vers Dieu et à lui demander raison ? C’est bien là le nœud du rapport que le laïc et le rationaliste Sciascia peut avoir non pas avec le dieu de la force mais avec le dieu caché, celui qui est englobé dans le mot justice. Parce que, comme il le fait dire à Don Gaetano :

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Le laïcisme n’est que le revers d’un excès de respect pour l’Église et pour nous autres prêtres. Vous nous appliquez et vous appliquez à l’Église une sorte d’aspiration à la perfection : mais en restant confortablement en-dehors d’elle. Pour vous répondre, nous ne pouvons que vous inviter à venir à l’intérieur et à essayer, avec nous, d’être imparfaits. (TM, p. 39)

25 Et c’est pourquoi, selon la vision de l’Église que défend Don Gaetano : Les bons prêtres sont les mauvais. La survivance et, plus que la survivance, le triomphe de l’Église à travers les siècles, sont dus plus aux mauvais prêtres qu’aux bons. C’est derrière l’image de l’imperfection que vit l’idée de la perfection : le prêtre qui contrevient à la sainteté ou qui, dans sa façon de vivre, va jusqu’à la dévaster ne fait que la confirmer, l’élever et la servir. (TM, p. 47-48)

26 C’est, à l’inverse, pourquoi Sciascia s’intéresse à ceux qui, dans la classification de Don Gaetano, sont les mauvais prêtres, ceux que l’Église a rejetés, exclus et tenté de faire disparaître, physiquement, par la torture et le bûcher, comme le fra Diego de Morte dell’inquisitore ou moralement, par la persécution mentale et la relégation In partibus infidelium, comme Monseigneur Ficcara. Et il ne le fait pas, comme le prétendrait Don Gaetano, parce qu’il voudrait réprimer en lui tout ce qui le porterait vers l’Église (TM, p. 106), même s’il avoue ressentir, de façon très contrariée et avec une grande méfiance, une nostalgie pour une certaine Église et pour son mystère : « Cette religion m’est toujours apparue comme un port sûr, un lieu et un refuge, une plage tranquille sur laquelle m’endormir, moi qui ne suis qu’un mécréant16. » Un mécréant, le mot est clair ; et qui a choisi de ne pas dormir, de ne pas se reposer, car il pense comme le peintre de Todo modo que « beaucoup de choses en nous, que nous croyons mortes, sont comme dans une vallée du sommeil : une vallée sans aménité, une vallée qui n’a rien d’ariostesque. Et [que] sur leur sommeil la raison doit toujours veiller » (TM, p. 26). En fait, la confusion quant à une éventuelle tentation catholique chez Sciascia vient de ce qu’il a, outre la préoccupation d’une claire définition du bien et du mal – qui est la condition nécessaire au triomphe de la justice –, au moins deux sentiments en commun avec les croyants sincères : la pensée de la mort et la pitié. S’agissant de la pensée de la mort, elle est, selon l’écrivain, l’essence même du christianisme. C’est pourquoi il s’étonne qu’il n’en soit pas question lors d’un congrès de catholiques auquel il lui a été donné d’assister (congrès dont le souvenir lui inspirera le décor et certaines péripéties de Todo modo) : Que le monde catholique […] ait renoncé à utiliser « le crucifix comme objet contondant* » […] me paraissait et me paraît un fait positif dont on doit se réjouir, mais à condition que le crucifix, cessant d’être une arme, soit une présence vivante et inquiétante, une passion, une « agonie ». L’agonie de Pascal : « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde et jusque-là on ne pourra plus dormir » ; l’agonie d’Unamuno. Voilà : la fin du monde. Mais on n’en parlait pas. Voilà : la mort. Mais, en deux jours, je n’ai jamais entendu ce mot tomber, même incidemment, dans les discours qui se sont faits17.

27 Pour sa part, Sciascia a constamment à l’esprit la pensée de la mort ; non pas parce que cette mort, sa mort, l’angoisse personnellement. Non. Si la pensée de la mort lui paraît fondamentale, c’est qu’elle est la mesure et le terme, un temps déterminé justement, pendant lequel il convient d’être pleinement « vivant, au milieu de tant d’“âmes mortes”18 ». C’est par là que, selon l’écrivain, la pensée de la mort est aussi une condition indispensable pour accéder au bonheur dont on a perdu jusqu’à la notion parce que, « en ayant perdu la notion de la mort, la pensée de la mort, on a perdu, en même temps, le sens de la vie19 ». En dehors de la pensée de la mort – à son propre usage, comme condition de la vie et non dans l’attente d’une autre vie –, Sciascia

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partage, ou semble partager, un autre sentiment avec les chrétiens : la pitié. Celle qu’il ressent pour Aldo Moro, par exemple ; celle qui lui fait dire qu’en écrivant L’affaire Moro il a écrit « un livre religieux. Le centre du livre est un sentiment de pitié pour cet homme seul, trahi, taxé de fou par ses propres amis20 ». Du moment où j’ai décidé d’écrire un livre sur l’affaire Moro [dit-il] et jusqu’à aujourd’hui, j’ai vécu et vis une expérience religieuse, comme un processus de réversibilité. Fils des Lumières, comme L’Unità m’étiquette, laïc et laïciste, incommensurablement éloigné du Moro catholique et du Moro démocrate-chrétien, j’ai ressenti religieusement le besoin de racheter Moro, prisonnier et victime des Brigades Rouges, de la vie où [on] l’a relégué21.

28 Relégué, Moro, dans la prison du peuple, parce que ses amis démocrates chrétiens ont découvert que dans leur chaîne de causalité à eux, dans l’historicisme absolu qui fait la grandeur de leur Église22, l’absence de l’onorevole Aldo Moro est plus profitable que sa présence. Relégué, fra Diego, chez les hérétiques pour avoir voulu donner une interprétation trop sociale de l’Évangile. Relégué, Monseigneur Ficcara, dans son archevêché fantôme de Leontopoli de Augustamnica, pour n’avoir voulu être que le pasteur de ses brebis chrétiennes. Et il semble bien que l’on puisse dire que c’est par cette relégation qui les rapproche qu’ils se rapprochent de Sciascia, qu’ils le rejoignent ou qu’il les rejoint. C’est parce qu’ils ont été exclus de l’Église du dieu de la force et parce qu’ils croient encore dans le Dieu caché – et seulement pour cela – que Sciascia peut voir en eux des coreligionnaires et des compatriotes, c’est-à-dire des hommes évangéliquement respectueux de la justice et de la vérité qui se retrouvent comme lui, et parfois malgré eux, du côté des infidèles, en toute ambiguïté sémantique, in partibus infidelium.

NOTES

1. Le tonache di Montelusa, sous-titre des nouvelles Difesa del Mèola, I fortunati et Visto che non piove… du recueil Scialle nero de Luigi Pirandello, où les ecclésiastiques sont dépeints sous un jour particulièrement sombre. Camilleri s’en souvient dans les portraits qu’il fait de ces mêmes hommes d’Église dans sa réinvention de Montelusa. 2. Respectivement, L. Sciascia, Todo modo, Torino, Einaudi, 1974 ; id., Dalle parti degli infedeli, Palermo, Sellerio, 1979 ; id., Morte dell’inquisitore, Bari, Laterza, 1964 ; id., L’affaire Moro, Palermo, Sellerio, 1978. Ci-dessous TM, DPDI, MDI et AM. 3. Né eletti, né elettori, pena la scomunica, document publié le 13 octobre 1874 par lequel le pape Pie IX interdit aux catholiques toute participation à la vie politique du Royaume d’Italie. 4. Signé en 1913, il peut être considéré comme une préfiguration des accords de Latran, en particulier dans son heptalogue où le Royaume d’Italie s’engage à préserver les intérêts et les valeurs de l’Église et des catholiques. 5. Très représentatives de ce goût pour le consensus, les pages où Sciascia évoque ces divers accords « contre nature », in 1912+1, Milano, Adelphi, 1986, p. 21-22. 6. La zia d’America in Gli zii di Sicilia, Torino, Einaudi, 1958. 7. On retrouve cette idée en particulier in TM, p. 41 et 102. 8. Torino, Einaudi, 1971.

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9. Respectivement, Il giorno della civetta, Torino, Einaudi, 1961 et A ciascuno il suo, Torino, Einaudi, 1966. 10. Il contesto, p. 90. 11. Cruciverba, Torino, Einaudi, 1983, p. 218. Il est bien sûr question ici de l’épisode où Daniel confond les vieillards qui accusaient mensongèrement Suzanne. 12. 1912+1, p. 86. 13. En fait Sciascia écrira une toute dernière enquête policière, en forme de testament désespéré, Una storia semplice, Milano, Adelphi, 1989, dont l’exergue est une citation du Justice de Friedrich Dürrenmatt : « Ancora una volta voglio scandagliare scrupolosamente le possibilità che forse ancora restano alla giustizia. » 14. Ibidem, p. 221. Sciascia suppose que c’est justement cette référence à l’Évangile qui est à l’origine de la relative indulgence de l’Inquisition envers fra Diego lors de sa première arrestation (ibidem, p. 199-200). 15. Ibidem. On notera que les termes de la phrase, tirée de l’introduction à la Storia della colonna infame, sont repris mot à mot par Sciascia, qui établit ainsi une continuité dans l’horreur entre le supplice de fra Diego et celui des supposés untori milanais mais aussi, dans la dénonciation de cette horreur, une continuité entre Manzoni et lui. 16. L. Sciascia, La Sicile comme métaphore, Paris, Stock, 1979, p. 111. Phrase curieusement absente de l’édition italienne (La Sicilia come metafora, Milano, Mondadori, 1979). 17. L. Sciascia, Nero su nero, Torino, Einaudi, 1979, p. 56. * L’expression est de Gide. 18. Idem, La Sicile comme métaphore, p. 139 (p. 88, pour l’édition italienne). 19. Idem, La palma va al Nord, Roma, Ed. Quaderni radicali, 1981, p. 71. 20. Ibidem, p. 144. 21. Ibidem, p. 78. 22. Cf. supra, note 16.

AUTEUR

LISE BOSSI Université de la Sorbonne - Paris 4

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Le teologie comunicanti di Giuseppe Bonaviri, autore delle Novelle saracene

Maria G. Vitali-Volant

1 Le Novelle saracene, scritte da Giuseppe Bonaviri nel 1980, cominciano con il racconto di Gesù e Giufà dove: Maria nella sua bottega vendeva brocche, brocchette, bòmboli, vasi e vaselli che i carrettieri portavano in paesi stranieri […]. Un giorno diventò incinta, aspettava un figlio, e la sua anima si perdeva per lumi di luna su cespi e rovi. Lasciò la bottega e si recò su un monte dove adorando Dio voleva partorire in solitudine. Il padre forse era Milùd [In lingua libica, significa Natale], arabo, figlio di Zacri […]. “E come lo chiamo?” si disse. Fuori in tempesta era la notte. Sentì una voce: “Chiamalo Gesù” (Bonaviri, 1995, p. 15).

2 Il bimbo della storia viene abbandonato e allevato da una pecora. Ormai grandicello, arriva nel villaggio dove incontra il fratello di Maria, lo scarparo Michele Gabriele che “spiegava [ai bambini] come nasce l’Ora, come muore l’Uomo, e dopo se ne va a camminare nel prato asfodelo, insegnava i movimenti dei mondi sparsi per il cielo” (ibidem, p. 20), uno scarparo cherubino, o divinità dalle scarpe alate, piuttosto, che porta il nome dello zio dell’autore, il calzolaio Michele emigrato in America. Non a caso quindi, quando i bambini saraceni vedono Gesù per la prima volta in compagnia di Michele Gabriele, cantano “Bambinello, balla, balla, / tutta l’aria è tutta tua; / dove metti il tuo pieduzzo / nasce menta e basilicò” (ibid., p. 17). Nelle Novelle saracene la gente parla molto: “Ciù, ciuciù, pipipì, ciùciùciù, rococò” e questo parlare, consigliare, intervenire, partecipare al e nel racconto testimonia della vitalità popolare; è l’omaggio dell’autore alla sua gente in contrapposizione al silenzio delle genti di Sciascia murate nell’omertà. Oltre al parlare c’è il canto: quando i poveri del paese sanno che Giufà-Gesù cambia le pietre in pane: “Turi Cacuòcciula (Carciofo), / e Ciccio Pisciacane, / Iano alliccapòsperi (leccafiammiferi) / e Puddo lu sgummàto (gobbo); / Peppi ’Mpalaporte (Impalaporte) / e Matteu l’ugghiulàru (venditore d’olio) / e Iano sucaspàrici

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(succhiasparagi) / e Angiuzzu ’u cicuraru (il cicoraio)” (ibid., p. 28) cantano la loro storia in questi termini: Quando, Gesuzzo, nascemmo noi sventurati, / fu nostra la mala ventura. / Per tre giorni stette il sole nascosto / e per quattro giorni non uscì la luna. / Chi sventurato nasce / in quello stato muore; / chi ventura non ha, / non ne può avere. (Ibidem)

3 Così pregano, lo sollecitano per avere pane, quindi lo riconoscono come “adorabile” essere divino che interviene nella loro realtà e a loro beneficio. Un senso del religioso che esula dai misteri, che non conosce la paura degli idola e si allaccia ai bisogni materiali dell’esistenza. Quando, nella storia di Gesù, Maria infine ritrova suo figlio, le donne saracene cantano: “O ferita dolorosa / diventata ormai gioiosa! / O amor divino, o amore / dilettabile e amabile! / O Gesù nostro agnello bello!” (ibid., p. 18). Qui le donne sacralizzano l’amore della madre, un tema che sta alla base della religiosità bonaviriana e mediterranea ancestrale. Con un ritmo di favola familiare, di melopea e laude jacoponiana, comincia la storia dove si intrecciano tutte le mitologie, i racconti del sogno di avventure e di gloria e le teologie, dal mondo classico al Vangelo, passando per i testi sacri del mondo arabo ed ebraico. Ma la storia è una e sempre quella e comincia in un paese lontano lontano, ma così vicino all’autore perché si tratta di Minèo sui monti Erei, dove egli è nato nel 1924. Un villaggio di una Sicilia pietrosa, legata alla tradizione dell’ulivo, del carrubo e alle divinità ctonie. In questo paese, i contadini sono angariati dal loro signore e anche dagli altri signorotti del luogo, ci si mette anche il Papa e la lotta per la sopravvivenza si fa sempre più dura; per vincere la paura e sconfiggere la fame e il dolore, si raccontano storie che prendono origine dai testi tramandati oralmente da generazioni di uomini pii e sapienti dei ritmi della vita: i testi sacri e i poemi epici, uniche fonti di ispirazione dei poveri. Sul loro canovaccio si intessono i fili di seta del tappeto animato che il poeta siciliano s’incanta a ricreare pescando nella memoria dei racconti che sua madre gli faceva da piccolo. Nella nota al testo l’autore dice: Con questi racconti mi pare ritrovare con la mia gente e con mia madre un preciso punto di incontro nel nostro profondo sentire. Difatti il novellare è un perpetuo inseguimento del Desiderio, e nella mia terra rappresentava un sacrale e smarrente involucro, quasi una placenta, dentro cui attraverso il narrare orale di artigiani e contadini finivamo col ritrovarci. […] la loro matrice siciliana si trova in una solarità mediterranea che vi è diffusa, nelle funambolerie delle ballate, e ballatelle, nelle laude irridenti, o drammatizzate, in vibrazioni mitologiche. (Ibidem, Nota, p. 193) La gran parte di queste novelline fanno parte d’un patrimonio etnografico euro- asiatico, per non dire universale, ma indubbiamente hanno subito varianti notevoli, cadenze, recitativi tipicamente siciliani. Come, d’altronde, si può notare nella prima parte di questo libretto dove si trovano moltissime stratificazioni storico-etniche, e magiche, di un epos cavalleresco del contado siciliano. Così, madruzza, troviamo il candido [nel senso volterriano, diciamo noi] Giufà accanto ad Orlando, che era simbolo di peregrinante forza, e insieme a Gesù reso nella sua originaria figura di saraceno giramondo: come se il nostro villano, fermo per secolare destino tra borgo e terre vicine, si fosse voluto creare una Divina Trinità da eterodossi personaggi pronti, sempre nel loro girovagare, a fare storia o con la spada durlindana, o col buffo candore, o con un apparente gioco di miracoli fiorenti in modo perenne dalla mente del villano-Gesù. Al punto che re Federico II di Svevia […] perseguita questo Gesù saraceno, sottoponendolo in ultimo a tortura, con i falchi, assieme a Giufà e a Orlando [infine sottomessa la Sicilia nelle sue tre anime popolari, ancora noi]. Insomma si rovescia la usuale posizione cristiana – e del pensiero cristologico – per rifarsi ad un dramma pagano, o forse pre-cristiano, quando s’ebbero a scontrare

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due culture, due egemonie, due opposte mitografie. Ogni cosa subisce un rovesciamento [un altro, fra i mille giochi del rovescio della nostra letteratura, sempre noi], in questo caso, persino il tempo e lo spazio e il modo d’intendere il Divino. (Ibid.)

4 Le novelle di questo medico-narratore-poeta si ispirano infatti alla tradizione popolare di tutto il Mediterraneo e l’itinerario letterario di Bonaviri si snoda attraverso una affabulazione trasversale in cui le influenze arabe, giudaiche e cristiane disegnano strani percorsi narrativi e toccano al sacro come esperienza comune, come vissuto di popoli pre-religiosi. La parola-suono di Bonaviri è il canto del pastore Gesù, del calzolaio Giufà o la melopea di Michele Gabriele. Un mondo che Renan farebbe risalire al Kitab-et-Aghani ( Livre des Chansons), immagine della vita araba libera prima di Maometto, in cui si ritrovano le scene e i personaggi delle Leggende patriarcali (Renan, pp. XVI-XVII) giudaiche. La narrazione fiabesca di Bonaviri tesse legami e inventa favolose teologie comunicanti di un popolo di umili che si identifica nelle sue divinità, “creature naturali, esseri corporei, ragionevoli ma diversi” (Veyne, p. 425), che coabitano con gli uomini nello stesso mondo. Bonaviri, alla ricerca dell’identità e delle origini, viaggia indietro nel tempo per ricostituire il poema dell’epifania della sua terra. Mosso dal mito etico ed estetico di chi crede nella bellezza e nella verità che si cela nelle usanze e detti e canti e favole della povera gente illetterata, Bonaviri si ispira, per le sue fonti siciliane, alle opere di un altro celebre medico-studioso: Giuseppe Pitré. Ma se quest’ultimo inserisce la ricerca insulare nella corrente degli studi europei, Bonaviri estende la ricerca al di là dell’Europa e sconfina nelle terre dei nemici di sempre, gli infedeli invasori, adoratori del dio Macone, divinità antagonista che troviamo nei Poemi cavallereschi dell’Aretino, nel Morgante del Pulci, nella Gerusalemme liberata del Tasso (Tasso, II, 2, v. 1), nell’Orlando innamorato del Boiardo (Boiardo, passim) e poi nel rifacimento del Berni che, come Bonaviri, architettava un “mondo capovolto” in cui il più debole nel “secol d’oro” potesse vivere nel “celeste / stato innocente primo di natura” (Berni, Capitolo primo della peste). Il genio poetico di Bonaviri avvicina ciò che la storia ha diviso e divide ancora, fa convivere nel microcosmo di Minèo le divinità e gli eroi dei popoli che si affacciano sul mare comune, così come utilizza i generi diversi della tradizione popolare: l’apologo sempre legato alle circostanze pratiche del vivere, la leggenda spesso legata ai luoghi, l’agiografia, il racconto moralistico di stampo volterriano e la fiaba che mette in primo piano i capovolgimenti dello spirito cristiano attuati dal costume popolare. Nel suo libro Sulla fiaba, Calvino nota che nelle opere Canti popolari della Contea di Modica (1876) e La parità e le storie morali dei nostri villani (1884) del siciliano Serafino Guastella, nobiluomo letterato della fine dell’Ottocento “che scrive solo di costumi contadini” (Calvino, pp. 65-81; qui p. 66) troviamo un cristianesimo rovesciato con incarnazioni inaspettate: san Paolo è un barbiere erudito e profeta, san Gerlando fa il ladro di mestiere, san Giuseppe va a rubare i fichi con Gesù bambino (ibid., p. 74). Per Bonaviri san Pietro suona il violino, san Giovanni la trombetta e Gesù suona la bombarda in una banda contadina che annuncia la buona novella a Qàlat- Minaw (Zangrilli, p. 41), Minèo in arabo, dove si vive la “malannata” (Bonaviri, 1995, p. 51). Un ennesimo segno che, nel mondo rurale universale, il leggendario delle divinità si capovolge e addomestica, in una rappresentazione delle necessità umane: all’ascetismo e al martirio si sostituiscono le astuzie per la sopravvivenza in un mondo precario in cui le disgrazie sono già la sorte collettiva. Le scelte letterarie di Bonaviri, la sua scrittura narrativa, sigillano il suo stile d’autore, la sua autonomia rispetto alla prosa erudita, e fissano l’originalità dello stile eclettico, che predilige i toni della lirica,

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le sfumature ironiche e la parodia, lo stile delle fiabe metafisiche e cosmogoniche, o della poesia burlesca del secolo dei Lumi, innovatrice e sincretica, e anche della prosa scientifica del Settecento siciliano: i trattati di zoologia e di mineralogia di Gioeni, per esempio. Il tutto, sempre ispirandosi a una letteratura fra “il primitivo e l’arcadico, dove il valore poetico viene dal senso delicatamente cosmico con il quale rappresenta il piccolo mondo di Minèo” (Bonaviri, 1954, p. 12) come diceva Vittorini nella presentazione del Sarto della stradalunga del 1954 (primo romanzo edito di Bonaviri). Eppure in questo paese sperduto si trova la “pietra della poesia”: una roccia animata intorno alla quale si riunivano i poeti contadini e artigiani da ogni parte della Sicilia, per gareggiare recitando versi. “C’è da pensare – dice Bonaviri – che questa pietra riportasse a una religione non solare, celeste, bensì sotterranea, fondata sulla convinzione che le divinità risiedessero nella terra” (Tiberia, p. 5). Intorno a questa pietra sacra si è formato il “cerchio delle fate” della poesia di Bonaviri, poesia-verbale, suoni che preesistono alle cose come le divinità ctonie dell’episodio la Luna di Gesù dove “Dio è una pietra-calamita: attrae e allontana le cose, non ha sensi, né respiro, né gioia” (Bonaviri, 1995, p. 49) o dell’altra fiaba cosmica La divina foresta del 1969, in cui parlano gli animali o le metamorfosi dell’umano nel divino della natura, e il ragno-femmina Isinera, si: […] presentava come un essere ctonio che in quanto tale, non credeva né nel numero, né nella causa, né nell’acqua, né nel fuoco […] ma nelle emanazioni oscure e nelle tenebre che si trovano sempre sotto terra […]. Nel suo regno non si incontrava nessuno, salvo le tenebre che nella loro innocenza rappresentano il prologo e la fine di tutte le cose. (Bonaviri, 1969, p. 95)

5 Nelle Novelle, Bonaviri celebra l’epifania degli: […] Dii: […] piccoli, piccolissimi, tutt’aggrondati e travagliati […]. Quelli là, gli Dii, ruotarono, fecero inverno, primavera, ma erano tutti in paura, gliela aveva tramandata il Padre. […] Non potevano controllare la infidezza del loro gonfiare, sprofondavano nel mare delle cose. Fili lunghissimi li univano per grani di forte paura, erano tutta una paura; gridavano per spavento, senza intelletto o virtù divina. Si spappolavano in scintille, lasciavano nell’aria zampe, corsaletti, occhi, ali, alucce, polvere in gran splendenza. Ma morivano; in primis il Dio Padre, dopo il Dio Figlio, poi quelle Dee Femmine, e le femmine delle femmine; diventavano semplicetta fiamma in mezzo alle stelle. Appena uno moriva, ne nasceva un altro, differente, s’aggomitolava in fumo, era sussurro, spiga, gli dii-femmine si inanellavano, erano tanti spiritelli piangenti. Così diceva Gesù. Così sia. (Bonaviri, 1995, p. 50)

6 Questo Gesù di Bonaviri è saraceno, e si sdoppia nel magico Giufà protagonista del folklore narrativo arabo-islamico col nome di Djuha che diventa il Giochà ebraico, l’innocente che cammina sulle acque (Di Leo, 1996, nota 20, p. 141). La cultura saracena ha lasciato in Sicilia tracce di una civiltà prestigiosa, alla corte palermitana di Federico II di Svevia, il tiranno delle Novelle, venivano accolti e onorati grandi scienziati e artisti saraceni, sicché la tradizione cristiana si mescolò con quella musulmana. Bonaviri però ritrova questa ecclesia federiciana nel “popolo dei vinti” dove non ci sono scienziati ma maghi come Giufà o poveri cristi come Gesù. Il Giufà di Bonaviri è un personaggio contradittorio, una divinità che si manifesta in astuzie, furberie, bricconate insensate, miracoli, oracoli e profezie di saggezza sopranaturale; dorme trecento anni in fondo a un pozzo e, con le pietre che gli sono cadute addosso “criptio, fermezio, tellurio, iridio, nubilio in tristezza…” (Bonaviri, 1995, p. 32) – il linguaggio-suono (Bonaviri, 1969, p. 8) di Bonaviri diventa gergo alchemico – crea la luna che in “dolce lamento cammina sotto” (Bonaviri, 1995, p. 46) il pianeta-cosmo Minèo. Il percorso narrativo di Bonaviri

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ritorna sempre al punto di partenza. Nella novella Il fratello di Gesù, Egli, stanco di camminare per il mondo sempre in pena e in guerra in compagnia di Gioacchino e di san Francesco, resuscita tre amici d’infanzia saraceni che re Vittorio (all’improvviso ci troviamo nel Risorgimento) aveva fatto condannare a morte e, per salvarsi dai gendarmi, si trasforma nel ferro rovente della porta di Bacco di Minèo. Insomma, la pratica religiosa di Bonaviri si concentra nel tempio delle origini, nel materno recinto sacro, in una religione panica, nei culti della terra che interpretano la rinascita ma anche la morte. E la malinconia e la morte sono i numi tutelari di tutta l’impresa narrativa di Bonaviri. La morte bonaviriana mette in contatto con un soprammondo indefinibile, imprecisabile di vaganti energie, è un’immissione del divino sia nelle religioni solari che in quelle sotterranee. Morte concreta e corporale del figlio del Sarto della Stradalunga e morte del mondo per opera di Gesù scontento di sé e degli uomini; morte sacra, rito sacrificale estremo per Giufà, Gesù e Orlando1, simboli dello spirito della Sicilia popolare che viene frainteso, sradicato e annientato dalla violenza dei dominatori di sempre.

7 Le Novelle saracene rappresentano, in chiave altamente poetica ma in una dimensione profondamente umana, la sintesi di una civiltà composita e di una storia fuori del tempo. Anche se si situano in un luogo – la Sicilia – appartengono ai “[…] racconti di meraviglie magiche, che non ammettono d’essere situate nel tempo” (Calvino, p. 110). Non sono fiabe per ragazzi, ma suggeriscono la lettura evangelica dei fanciulli che possiedono le chiavi del Regno. Il Logos bonaviriano delle Novelle è frutto di un impasto linguistico di una creatività barocca nel senso datole da Genette (Genette, p. 89) di amplificazione del racconto in forma di poesia, di lamento, orazione funebre, laude, filastrocca, che accentuano la drammatizzazione nel tessuto narrativo, come nel racconto della Resurrezione di Giufà dove sua madre Maria Maddalena e anche la “signa Maria madre di Gesù” gridano a Giufà, capo dei villani impegnati in una battaglia tellurica contro le armate di “Recàne”, alias, il solito Federico di Svevia: “O figlio del mio ventre, / meraviglia di nuova gente, / di Sicilia e Castiglia Re, / uccidi Federico, fallo defunto subito!” (Bonaviri, 1995, p. 35), oppure quando Giufà si fa apostolo di Gesù per imparare di nuovo a fare miracoli prima di diventare re di Sicilia al posto dello Svevo: “Nessuno ebbe più fame, / tutti furono in sogni, / schietti (non sposati) e maritati! / Ognun si lusingò, / la fame se ne andò, / tutti in bellezza, / senza vecchiezza” (ibid., p. 39). Gesù è simmetrico di Giufà, quest’ultimo nato “con difetto di cervello, non capiva bene, pensava solo a mangiare pane spalmato con olio e pepe” (ibid., p. 19), una sorta di semidio greco o romano, un Ercole – jiin tutto forza debordante e insensata, l’incarnazione della natura, che è insieme benevola e malefica, dea delle stagioni e dei raccolti ma anche portatrice di carestie. Il mitema (Calvino, p. 111) Giufà e Gesù rimanda al mito di Cerere e Proserpina, due facce della stessa divinità, in bilico fra umano e sovrumano. Continua Bonaviri: “[Gesù] non aveva la potenza di Giufà. Diceva per esempio al passero: ‘Diventa merlo’. Ma quello in lode di dio Macone restava passero. Diceva a una pietra ‘fatti pane’, la pietra in piangente cuore s’alzava ma non si trasformava in pane” (Bonaviri, 1995, p. 27), la potenza di Giufà è contrapposta alla dolcezza di Gesù, alla sua soave malinconia, che si manifesta nell’opera di Bonaviri Gesù e il bambinello del 1987, in cui ritorna il tema narrativo dell’erranza del Nazareno insieme agli apostoli, ma in un contesto urbano, dove, a contatto del dolore umano in un ospedale pediatrico, egli non potrà intervenire come nelle Novelle saracene sotto forma di Giufà o grazie agli incantesimi di Michele Gabriele, e il solo miracolo di questo dio invecchiato, pieno di acciacchi, seguito da apostoli

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anche loro incanutiti e fragili, piangenti e deboli, sarà la contentezza, lo stato di grazia degli spiriti innocenti e l’attesa, come nel Giardino degli Ulivi, dell’intervento del Padre.

8 I punti storici di riferimento della favola di Gesù e di Giufà sono tre: Minèo; re Federico perché nei canti popolari è il sovrano più celebrato in Sicilia; Orlando perché è l’eroe dei cantastorie siciliani. Gesù, Giufà e Orlando costituiscono dunque la Trinità, crocifissa su tre alberi di ulivo. Qui il mito riprende la crudeltà del reale e trova applicazione, in maniera evidente, quel realismo delle immagini che si lega alla tradizione letteraria ottocentesca in Sicilia, dove la favola diventava fiaba, cioè fantasia. Bonaviri cita spesso Luigi Capuana autore di fiabe e anche lui nato a Minèo nel 1834. Per Bonaviri tutto diventa favola nel senso aristotelico di “imitazione dell’azione” o trasformazione della natura, onde il verosimile si assimila al vero come voleva il Tasso, nel caso di Bonaviri un verosimile ingenuo e primitivo. Calvino, in una lettera a Bonaviri del 1969, a proposito della Divina foresta, si felicita con l’autore perché con lui “[…] la letteratura italiana ritrova quella che era la sua vocazione specifica nei suoi primi secoli: letteratura come ‘filosofia naturale’” (Uno scrittore come Bonaviri, p. 8).

9 Nelle Novelle, nonostante le apparenze, non c’è ombra di volontà blasfematoria ma una profonda religiosità che si esterna nella compassione, nel senso di “comunanza di dolore”2, una pietas contadina rispettosa della memoria dei padri assunta da Bonaviri nella commemorazione del padre, punto di irradiazione di tutta la sua opera, don Nané: il “sarto della stradalunga” di Minèo, il poeta di Arcano, raccolta di versi rispettosamente e amorosamente trascritti dal figlio nel 1975. Una religiosità filiale che accomuna la madre mediterranea, dea della vita e della morte, signora della parola narrata, alla figura del padre, divinità sovrana, “più grande che in natura” (Piaget, p. 297, p. 317), ma sempre compassionevole.

10 Per l’autore, il raccontare instaura uno spazio di resistenza, di riscatto, costruisce un lessico di opposizione alla cultura dominante. Bonaviri si ritrova spesso in una dimensione militante, che gli deriva anche dalle sue scelte politiche: nel 1944, aderisce al Partito Comunista. Scelta importante perché “dissacrante, fu come un risvolto aggressivo-pensoso verso la realtà che il fascismo, e il tardo Ottocento, ci lasciava” (Zangrilli, p. 90). L’impegno di Bonaviri si manifesta in una visione della Sicilia ricca di religiosità e di comprensione umana, arcaica, dolente e saggia. In questo universo, che affonda le sue radici nel mondo contadino, i drammi si “consumano” lentamente e le lotte si vivono all’interno della comunità rurale, familiare. Gli uomini di Bonaviri non sono mai soli e non perdono la speranza. Questa coralità trasversale, che abbraccia tutta la sua opera, prende le voci e gli idiomi di tutti coloro che esprimono il desiderio della parola come comunicazione e messaggio salvifico. Il suo è un canto orfico dalle cadenze dialettali siciliane, arabizzanti o giudaiche, espresso in un italiano-sabir, poetico e musicale, quasi una lingua rabelesiana dalle risonanze mediterranee. In questo narrare ricco di metafore, asindeti e ossimori, si evocano per contrasto le immagini di un paesaggio arso dal sole, di rari corsi d’acqua, di valli scoscese dove prendono corpo, e parola, piante, metalli, animali in forma di allucinazioni fiabesche, evocazioni animistiche, e anche odori: di spezie, di fiori, del cibo, soprattutto del pane che evoca il nutrimento celeste ma che è anche il solo “dolce amico” dei poveri. Questo lessico “sensista” (nel senso dell’esperienza sensibile del sensismo settecentesco) e sensuale è di una estrema modernità e testimonia della volontà dell’autore di avanzare nella ricerca linguistica su strade mai percorse prima: un’avventura espressionista che disloca piani e superfici narrative, con l’intenzione di perturbare la tradizione dello

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scrivere ma non il sacro tessuto della memoria. Siamo arrivati alla fine con un “Basta”, parola di sospensione del racconto, ampiamente utilizzata da Bonaviri e dai cantastorie quando il tempo stringe.

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NOTE

1. La morte di Gesù, in Bonaviri, 1995, pp. 62-70. Orlando, Gesù e Giufà vengono catturati da re Federico e crocefissi a tre alberi di olivo, sottosposti alla tortura dei falchi come Prometeo; quando muoiono, i poveri cantano “O Nostra Trinità, Gesù, Giufà, Orlando, ve ne andate nella fossa oscura. Il mondo non ci sarà più”. 2. Dal latino cristiano compassio, derivato di patire.

AUTORE

MARIA G. VITALI-VOLANT Université du Littoral-Côte d’Opale (Dunkerque)

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La religiosità immanente nella narrativa di Giuseppe O. Longo

Tiziana Piras

1 Un compendio significativo della visione metafisica ed etica di Giuseppe O. Longo si trova nel romanzo L’acrobata, dove a causa dei suoi tragici difetti (e soprattutto per la presenza del dolore, manifestazione particolare ma culminante del male) questo mondo è visto come una “prova generale” del mondo vero che verrà. Un demiurgo malvagio o incapace ha creato un mondo imperfettissimo1, tanto da meritarsi il biasimo delle sue creature: Nessuna forma di riconoscenza, nessuna giustificazione, nessuna indulgenza può esservi per questo terribile sbaglio: l’odio delle creature fu tale che il creatore dovette soccombere. La sua disastrosa creazione tuttavia non perì con lui, proseguì la sua esistenza colpevole con un’inerzia tanto più terribile in quanto è arduo immaginare che cosa possa interromperne il corso, se non la sua progressiva degenerazione: le crepe si allargano, i difetti s’ingigantiscono, il mondo sprofonda in sé stesso. Dalle sue ceneri potrebbe allora, per un atto che non è dato immaginare, e forse neppure sperare, da parte di un principio finora silente, potrebbe sorgere finalmente il mondo nuovo, un mondo che non sia il capriccio di un demiurgo folle e impotente, bensì una creazione assoluta, perfetta, un cosmo che non avrebbe neppure bisogno della materia per esistere in eterno. (Longo, 1994, cap. V, p. 82)

2 Di questa forte visione di sapore gnostico va in particolare sottolineato il processo di smaterializzazione, che sembra indicare nello spirito una realtà superiore (il titolo stesso del romanzo allude alla leggerezza del mondo vero, un mondo che trascenda la corporeità, ma su questo torneremo subito). La superiorità dello spirito rispetto alla materia è affermata insieme all’incapacità della scienza di fornirci il senso della vita: “È per questo,” disse, “che bisogna trascendere la carne e la corporeità. È per questo che bisogna cercare la leggerezza. Perché altrimenti non c’è speranza, la vita non avrebbe alcun senso, come non ne ha per la tua scienza. Per la tua scienza la vita è un tragico scherzo formale, il risultato di migliaia, di milioni di combinazioni aleatorie e fortuite, scavi nella carne e trovi altra carne, non c’è un nucleo trasparente dove si annidi l’essenza vera della vita, per la tua scienza la vita non ha perché, non ha fine, non ha significato, non ha un centro. Forse è vero: la vita non ha senso, e i miei discorsi sul demiurgo ne hanno ancor meno. Ma che cosa ci dà la

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scienza in cambio di questa disillusione? Quando tutte le questioni di cui si occupa la scienza fossero state risolte, i problemi veri della vita non sarebbero stati neppure sfiorati. La scienza, si dice, ci dà la verità, ma quale verità? Non certo quella di cui abbiamo bisogno”. (Longo, 1994, cap. VI, p. 102)

3 È interessante notare come nell’opera di Longo l’anelito alla trascendenza e alla spiritualità emerga, senza negarlo, da un fondo di corporeità e di pesantezza materica. Nello stesso Acrobata c’è un’esplicita dichiarazione sulla centralità del corpo, ma è un corpo per così dire affinato e sublimato dal mistero che lo avvolge: Tutto avviene nel corpo, con il corpo e per il corpo, si nasce e si muore con il corpo, con il corpo si soffre e si patisce e si gode, la vita si genera con un atto rapido del corpo […]. Che le cose più importanti, l’amore, la vita, il nutrimento, la morte avvengano per e nel corpo aggiunge mistero al mistero dell’esistenza. (Longo, 1994, cap. VII, p. 117)

4 Il progressivo riconoscimento dei limiti della scienza come fonte di verità spinge l’autore a ricercare altre sorgenti di assoluto, quell’assoluto di cui gli umani sembrano avere un bisogno incoercibile. Si potrebbe parlare di religiosità, ma è una religiosità, quella di Longo, che ha poco a che fare con le forme della tradizione: è filtrata da una visione sistemica che l’avvicina al panteismo, è passata al vaglio di una razionalità di cui pure denuncia i limiti. Il bisogno di assoluto, sembra dire Longo, ci spinge a cercare senza sosta la fonte del senso profondo della vita, impenetrabile allo scientismo computante. E la fonte del senso è il sacro, inteso come la terra incognita del silenzio e del rispetto, la regione dove si sospende la chiarezza comunicativa esplicita: è il luogo dove gli stolti si precipitano e gli angeli temono di posare il piede, come dice Alexander Pope in un verso, “For fools rush in where angels fear to tread”, ripreso poi da un pensatore molto caro a Longo, Gregory Bateson2. Nella scrittura di Longo a volte il sacro e il senso sembrano celarsi in paesaggi consueti, che subito però si allargano a visioni sconfinate, prolungando un dolore o preludendo a uno struggimento d’amore che sospinge in alto: Gli prese la mano e lo condusse lentamente per il vialetto fino al cancello. Lui lasciò fare, perché di fronte al regno oscuro del riscatto tutto è incerto, ogni ragione, ogni tempo, ogni calcolo sono vaghi e dubitosi. Giunti al cancello, gli mostrò con ampio gesto la collina disseminata di villette, come se lì, in quelle ondulazioni verdi, ci fosse la spiegazione di tutto e col suo sorriso confortava le svolte della stradina che scendeva verso la città. Ma quel sorriso gli parve stranamente piccolo, insufficiente alla prova che l’attendeva. Nel cielo vi erano dei segni rosati, relitti forse del tramonto, e gli parve che indicassero una serie infinita di trasmigrazioni e di Angeli, al cui termine doveva pur esserci qualcosa. Qualcosa di teso, misericorde e compiuto, come il viso silente di Dio. (La stagione dei viaggi, Longo, 2001, pp. 65-66)

5 Il silenzio di Dio sembra dirci che il senso della vita consiste proprio nel cercare il senso della vita, ma questo senso non si troverà, se non forse alla fine: Si è rotto un centro antico che pareva saldissimo, tutto si è frantumato e galleggia nell’aria con una sonnolenza intrisa di spietata dolcezza. Cerco di ricostruire la vita intorno a qualcuno dei frammenti più grossi, mi lego ai rottami come un naufrago. Continuo a non trovare risposte. C’è solo questa lunga catena di persone fatte di carne e di sguardi, che continuano a muoversi a cercare a chiedere. E da un giorno all’altro, da un anno all’altro, tutto, tutto: da via Gualtieri a Trieste, da Ferrara a Parigi, a Pechino a San Francisco. Da un sorriso in una vecchia fotografia a mio padre in divisa con la sigaretta in bocca sulle sabbie della Libia a mio fratello grasso e calvo con tutti i suoi figli alla musica di Mahler… Così negli anni, nei giorni, tutto tutto. (Una semplificazione del dolore, Longo, 2006, p. 18)

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6 Nell’Acrobata il mondo che vediamo è preludio del mondo vero, di cui si predica l’avvento in un futuro imprecisato. All’idea di una doppia realtà dislocata su piani temporali successivi fa riscontro l’immagine di due realtà, disposte, qui e ora, su piani spaziali distinti, di cui una, la realtà sensibile, nasconde l’altra, più vera ma invisibile. La realtà vera non appartiene alla trascendenza, ma è qui, immanente e tuttavia celata dall’altra e s’intravede, a volte, per le crepe e gli spiragli che fendono la realtà sensibile. Tipica è l’immagine ricorrente del “cielo doppio”: sotto il cielo che vediamo, ce ne sarebbe un altro, quello vero e tremendo come un urlo: Provava una fredda inquietudine, come se dentro il cranio sentisse battere l’ala della follia. Si sentiva prigioniero, vedeva come dal basso un cielo lontanissimo, di un colore azzurro e fermo, un cielo così teso che da un momento all’altro poteva spaccarsi per mostrare una realtà enorme e spaventosa, una realtà accartocciata e tagliente che poteva mangiarsi il mondo in un attimo. (Longo, 1998, cap. IV, p. 154) O ancora: Apparve nel cielo mirabile una visione, squarciando le nubi, insostenibile, inarcata sulla terra e sul mare, trionfante, mozzando il respiro. (Longo, 1998, cap. V, p. 158)

7 A volte invece la visione del cielo ulteriore è rasserenante e rappresenta quasi una promessa di beatitudine e di grazia: Aveva visto quell’occhio ceruleo qualche mese prima, una sera dopo il temporale, mentre passeggiava nel Giardino Pubblico. Si era aperto improvvisamente verso l’oriente, sopra i colli, mentre dall’altra parte un faticoso tramonto affocava le nubi grigioporpora. Quell’azzurro gli era parso il vestibolo del paradiso, la soglia che poteva condurlo nell’impero della luce, una luce liquida e soffusa, trascorrente dai pianeti come l’acqua dell’eternità. A lungo aveva contemplato quello squarcio, intorno al quale le nubi fluttuavano in una strana e animata immobilità, sfioccandosi e tendendosi come palpebre per conservarne la forma: e dentro, dentro, un’iride lontanissima e trasparente fatta anch’essa di azzurro, ma più intenso e più fondo, che lasciava immaginare un’altezza. Un cielo così Guido l’aveva sempre desiderato. (Longo, 1998, cap. VIII, pp. 294-295)

8 Nella Gerarchia di Ackermann le considerazioni cosmologiche: Ha capito, ha capito adesso? Adesso che Le ho detto come stanno veramente le cose, ha capito perché mi voglio svincolare dal tempo e dallo spazio, perché voglio contemplare l’universo, ma non il nostro piccolo miserabile universo, voglio contemplare quello grande, quello che racchiude tutti gli altri, voglio camminare sulla superficie esterna, non sulla fodera del mantello, voglio vedere la luce. Aspetti, aspetti, ecco qua: il principio antropico. Lei si è mai chiesto perché il ghiaccio galleggia sull’acqua? Se il ghiaccio affondasse, la vita sulla terra non sarebbe possibile. E quante coincidenze di questo tipo sono state necessarie perché nascesse l’uomo su questo pianeta, alla periferia della galassia, accanto a una stella insignificante come il sole? Il numero di queste coincidenze è impressionante. L’età dell’universo, la sua velocità di espansione, la formazione del carbonio nelle supernove, la natura delle forze nucleari, il valore delle costanti universali, la costante di Planck, la carica elementare. In questa visione, pensi, l’uomo diventa un principio di selezione per gli universi possibili. Puro caso? Non ci credo, non ci posso credere. L’unica spiegazione è che esistono tanti universi, ciascuno con le sue caratteristiche, ciascuno con le sue costanti, in alcuni c’è la vita, in altri no, in alcuni c’è l’uomo, in altri c’è solo il tirannosauro, in altri solo il basalto. (Longo, 1998, cap. VIII, p. 276)

9 Sfociano in una ripresa del tema gnostico dei demiurghi, non più malvagi o impotenti come nell’Acrobata, bensì impegnati nella costruzione di mondi incomunicanti: È la solita storia dei demiurghi che costruiscono il mondo, ciascuno a modo suo costruisce un mondo, ma tra questi mondi non ci sono rapporti, sono mondi

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incommensurabili. Uno è il mondo in cui viviamo noi, un altro è il mondo di Parsifal e ce ne sono infiniti altri. Passare dall’uno all’altro di questi mondi è difficilissimo, solo a volte, per una di quelle coincidenze che alcuni vogliono attribuire a Dio, si apre una porta, si scorge un paesaggio vertiginoso, un cielo di diaspro solcato da grandi vascelli o da pterosauri di sogno, ghiacciai e foreste, una selva di grattacieli, figurine minuscole che si affacciano con curiosità sul nostro mondo da quella lucida convessità. Quali domande si fanno su di noi quegli esseri, sognano anch’essi di fuggire nel nostro universo, come noi nel loro, per scampare alle miserie quotidiane? Basta essere infelici perché si apra davanti a noi una di queste porte fatali? (Longo, 1998, cap. VIII, p. 276)

10 Nella Gerarchia Dio compare esplicitamente, ma con caratteristiche antropomorfe e quasi familiari, che gli tolgono qualsiasi alone di trascendenza. Si tratta piuttosto di un alter ego del protagonista, che dialoga con lui con bonaria condiscendenza: Lo invase una voglia di spazio, involarsi per agevoli strade, incontrare volti di donna, sorrisi, tornar giovane, ecco, riprovare la vita con cauta saggezza, questa volta, chiedere al Signore un’altra prova, che un angelo lo circondasse di ali, lo chiudesse in una bolla protetta dal tempo e lo riportasse indietro. “Ma per farti tornare indietro,” disse il Signore, “dovrei creare un nuovo universo, un universo identico a questo, in cui tu fossi più giovane di vent’anni e però ricordassi ciò che ti è accaduto qui, altrimenti non servirebbe a niente”. “Non lo puoi fare?” chiese Guido. “E tu, che faresti? Torneresti a Budapest. Parleresti nel ristorante con Farkas. Incontreresti sua moglie. A che punto la tua saggezza e i tuoi ricordi t’imporrebbero di cambiare il corso degli eventi? Accetteresti la chiave da Kühlmorgen? Accompagneresti Eva dal neurologo? Ascolteresti il Castello di Barbablù? Il solco già tracciato sarebbe molto invitante.” E il Signore con un sospiro si affacciò sul mondo. […] Scosse leggermente la testa, sorrise e tornò a sonare il sassofono con i suoi angeli. Guido capì che il Signore non l’avrebbe esaudito. (Longo, 1998, cap. IX, p. 310)

11 Il tema della ricerca del senso pervade anche tutto il primo romanzo di Longo, Di alcune orme sopra la neve, che affronta esplicitamente e con grande finezza il tema del rapporto tra scienza e senso, mettendo ancora una volta in luce i limiti della ragione nella ricerca della verità. Chi si affida alla sola ragione rischia non solo di non cogliere il senso della vita ma anche di perdere la gioia e la rivelazione: “Come ti stavo dicendo, un volta che il fisico abbia accettato che l’universo visibile non è fatto né di spirito né di materia, bensì di energia più o meno strutturata, allora è libero di costruirsi una metafisica, ma una metafisica vera, non stravagante e congetturale come quella dei filosofi. I filosofi, della realtà, non hanno mai capito niente… Solo la fisica, la fisica degli ultimi cinquant’anni, o sessanta, ci dà qualche idea precisa sull’universo in cui ci troviamo a vivere.” […] Enrico ascoltava il collega, di qualche anno più anziano, e quelle parole si accordavano con ciò che era venuto imparando negli anni d’università e in quelle prime settimane lì al Centro. Pure era come se le udisse ora per la prima volta nel loro significato profondo: e ciò suscitava in lui, in una zona delicata e sensibile del suo essere, una specie di disagio, o rimorso, faceva rinascere certi ricordi d’infanzia, fatti di nulla, forse, ma che d’improvviso resistevano tenaci all’avanzata rigorosa e trionfale della razionalità. Se veramente, come diceva Fayard, il mondo, e quindi anche la nostra vita, non era che il risultato della rottura di antiche simmetrie che solo le condizioni eccezionali dei primissimi istanti dell’universo erano state in grado di sostenere ma che poi erano crollate nel degradarsi dell’energia e nel nascere della materia; se veramente, come pure diceva Fayard con una frase allusiva e incomprensibile, l’universo non era che un’estrinsecazione del nulla, nel quale poteva in ogni istante ripiombare; se l’unicità di questo mondo non consentiva se non la rappresentazione unica di un atto unico e irripetibile; se questa dolorosa consapevolezza di unicità corrispondeva

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a un’assenza totale di significato, come Fayard sosteneva ora togliendosi gli occhiali e massaggiandosi lentamente e a lungo col pollice e l’indice la gobba arrossata del naso; se tutto si riduceva a un vacuo incidente provocato da un Dio distratto e impotente; allora non era forse meglio, rifletteva Enrico, rifugiarsi nelle candide fiducie di un tempo, che ponevano l’uomo al centro di una vasta creazione, perfetta e regolata, sotto la mano sapiente e sollecita di un Dio severo e onnipotente e buono e onnisciente e dotato insomma di tutti gli attributi che un Dio vero deve avere? Non era forse più rassicurante credere che questo mondo non è che la copia imperfetta e pallidissima, ma pur sempre eccellente e benigna, dell’altro, in cui i buoni potranno godere le meraviglie del Paradiso in una luminosa eternità priva d’angoscia e di disordine? Ma queste candide ingenuità Enrico non se le poteva più permettere: aveva imparato troppe cose, la sua conoscenza delle leggi della fisica era troppo vasta ormai per consentirgli di vivere, come altri, nel duplice mondo della scienza e della religione, entrambe lontane, entrambe incapaci di esercitare una pressione troppo forte sulla nostra mente e sulla nostra quotidianità. Aveva mangiato il frutto della conoscenza e, dopo, il mondo non poteva più essere lo stesso: doveva fare delle scelte. La vita è veramente un atto unico, che si recita una volta sola in un teatro che non presenta mai due volte lo stesso spettacolo e che, a rappresentazione conclusa, si riempie di un buio totale, invincibile, dal quale non emergono né gli atti di bontà né le lacrime di commozione né gli occhi innamorati con cui ci guardano talvolta le donne, quando la vita canta. (Longo, 1990, cap. I, pp. 15-16)

12 Ma non c’è solo lo strumento della ragione, la ricerca del senso si può compiere anche attraverso il corpo e il sesso, magari attraverso un’esperienza umiliante, come se anche i contatti più turpi potessero essere fonte di rivelazione. L’apparente dicotomia tra corpo e mente, tra istinto e ragione, tra materia e spirito sembra risanarsi in nome dell’importanza fondamentale del mistero e della ricerca: Lei andò verso il letto e cominciò a spogliarsi, ammucchiando gli abiti sul pavimento sabbioso. Sentiva su di sé gli occhi del guardiano, ma evitava di guardarlo perché temeva di non farcela. Si sdraiò e lui le fu addosso. Mentre lo aiutava, nella mente continuava a risonarle quella serie ininterrotta di domande che non riusciva a formulare e che si traducevano in tanti perché. Era lì, stava facendo qualcosa col corpo, ma le sembrava anche di essere altrove, in una dimensione diversa e più alta e tra i due luoghi c’erano legami che a lei sfuggivano ma che il suo corpo in qualche modo riusciva a comprendere. “Che cosa significa possedere un corpo?”, si chiese ancora mentre l’uomo si muoveva in lei e la schiacciava col suo peso. Come un animale, pensò, ma poi capì che in fondo non c’era differenza tra il guardiano e Inoue, che tutto era congegnato in un certo modo che non consentiva scampo, che certe forme e certe leggi erano state fissate una volta per tutte. Il guardiano mugolava per un piacere che la stupiva e un poco anche le ripugnava, ma così forse qualcosa avrebbe capito di quella vasta rete di oggetti colori suoni, le dune e il vento e il faro a precipizio sulle onde e lo sguardo fisso concentrico del gabbiano e il treno che adesso portava Inoue a casa, e poi sua moglie, la notte precedente, quelle che sarebbero venute, la folla innumerevole delle città, i canti e gli anni degli uomini, i sorrisi e le morti senza fine lungo la catena perpetua della vita. “Perché, perché, perché…” le domande adesso uscivano dalla sua bocca in suoni ritmici e convulsi e ottenevano infine una risposta nell’urlo del guardiano che si abbatteva rantolando su di lei, un urlo che veniva dalle profondità del tempo, dalle caverne, dai tiepidi mari della preistoria, dal brulicare indifferente e voglioso del caos. Quella era la risposta della vita, la vita che conteneva lei e il guardiano e Inoue e tutto. (Il Museo del mare, Longo, 1997, pp. 66-68)

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13 Accanto alla ricerca scientifica, c’è dunque un’altra ricerca, che si fa con strumenti diversi dal rigore scientifico, strumenti che includono il corpo e la narrazione, ma che comprendono anche il silenzio e la sospensione. In fondo tra questi strumenti e la razionalità computante tipica della scienza non c’è opposizione quanto piuttosto complementarità, contiguità e operosa collaborazione. E la ricerca sembra inseguire e corteggiare una realtà intima ed elusiva, che non è solo quella soggettiva dell’io, ma è quella misteriosa e soggiacente che avvertiamo esistere nel profondo, una realtà che ci attrae per quel tanto di inspiegato, inspiegabile e indicibile che avvertiamo ovunque: “Perché, in fondo, l’indicibile è l’unica cosa di cui c’interessa parlare.” (Ricordo di viaggio, Longo, 1995, p. 70)

14 Si avverte infatti nell’opera di Longo la presenza di una realtà nascosta sotto quella sensibile, pronta a scaturire nei momenti di dolore e di stanchezza, a palesarsi nei punti dove la tessitura del reale si allenta, mostrando fessure, lacerazioni, allentamenti, sfiancature, lacune. Quando ciò accade, la realtà ordinaria sembra rivelarsi per ciò che è: una quinta teatrale, un fondale posticcio: È mezzanotte passata, vado alla finestra e contemplo la solita piazza, i lampioni, le panchine. Questa città sembrava vasta e profonda, invece è sottile come un foglio di carta, le persone sono disegnate, non mi fanno più male. Il brusio sommesso della notte, il mite chiarore, il cielo ondulato di leggerissime nubi, è un vasto teatro animato, una gran macchina, congegni e ingranaggi segreti, quinte e fondali si allargano fino all’Istria, fino al Tagliamento e ancora più in là. (Longo, 1998, cap. X, p. 352)

15 Questa scoperta, improvvisa anche se presagita, può dare un senso di allucinato straniamento (Isola fortificata, Longo, 1997, pp. 141-152) o produrre un esplicito sconvolgimento delle coordinate spazio-temporali (La ferita del tempo, Il fuoco completo, Longo, 1986, pp. 42-47 e 35-41; Congetture sull’inferno, Longo, 1995, pp. 26-35) oppure una confusione di piani con forti dosi di visionarietà (Avvisi ai naviganti, Longo, 2001, pp. 7-31, oppure il dramma Il cervello nudo, Longo, 2004, pp. 7-67).

16 Il tema della ricerca del senso è dunque declinato da Longo in diverse forme. Dell’altra realtà non ci sono soltanto nostalgie o presentimenti, ci sono anche visioni più compiute, addirittura la rivelazione piena, come in Angelo a Veronica (Longo, 1995, pp. 57-64), dove tuttavia la rivelazione naufraga nelle pieghe dell’oblio, lasciandosi dietro uno sfarinio di rimpianto. Le enigmatiche parole della rivelazione angelica sono una suggestiva mistura di poesia “statistica” e di termodinamica: Sciogliendomi dalle inflessibili trajettorie traboccanti d’amore per l’ordine e l’eternità un’alea virtuosa mi ha tratto nel vostro mondo sublunare brulicante della vita che un giorno arbitrario si è raggrumata nell’alfa e nell’omega per generare dai ciclici pozzi del tempo lo sprazzo effimero e ardente della tua desolata coscienza smarrita nel delirante abisso delle molteplici riflessioni di sé stessa che con misurato stupore si chiede come perché tutto e il tremore dei segni recanti da lontananze invincibili il rombo degli universi che si sfaldano nei misericordi fossati del pianto ripetutamente ti allevia d’amore per la tua vita ancora oscillante sulle fornaci del caso. (Longo, 1995, p. 59)

17 In un’epoca come la nostra, in cui riprende vigore il dibattito sui rapporti tra letteratura e scienza, o, se si vuole ricorrere a una locuzione un po’ trita ma ancora efficace, sulle “due culture”, l’opera di Longo si distingue. Entrambe fonti di sapere, letteratura e scienza sono tuttavia profondamente diverse quanto al tipo di conoscenza che producono. E ciò resta valido anche se oggi la visione che abbiamo della scienza ha subito cambiamenti profondi, che preludono forse a una convergenza tra le due forme

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di sapere, quella scientifica e quella letteraria, sotto il comune denominatore della narrazione: ed è questa convergenza che tenta Longo con risultati suggestivi.

18 E non è da credere che il narratore Longo dimentichi il suo debito con la scienza: i suoi rigorosi studi di fisica e matematica sono tutti presenti in filigrana. Tuttavia è una presenza filtrata, una sorta di aura o proiezione luminosa che giunge sulla terra da un cielo lontano e impassibile (come il cielo a cui rivolge lo sguardo pieno d’inutile implorazione la protagonista di Aviatore al tramonto, Longo, 2003, pp. 5-22). Ma forse non è un cielo trascendente, bensì immanentissimo, quello che si rivela in una sorta di miracolo e in cui per un istante fuggevole può penetrare lo sguardo indagatore dell’uomo, scoprendo attraverso rare e preziose epifanie la verità ontologica del mondo.

19 Grazie a questa ipervisione metafisica, che ci è concessa dalla benevola concomitanza di circostanze improbabili, siamo a volte sul punto di cogliere la realtà vera che sta “oltre” la superficie delle cose. È una concezione squisitamente panteistica della natura: il “sacro” è in ogni dove, un sacro che si avvolge nel silenzio, nella luce abbagliante del meriggio, sulle vaste spiagge e nelle distese desolate dei racconti del Fuoco completo (Longo, 1986). È un sacro che chiede rispetto e pazienza, che si può cogliere nell’attesa perseverante, un sacro immanente in tutte le cose, che può disvelarsi in ogni momento a chi sappia interrogarlo con assiduità ma senza insistenza, senza fretta, senza violenza, con un atteggiamento molto diverso dall’irrequieta curiosità dello scienziato. E poi il sacro, rivelatosi per un istante, si dilegua, lasciando un palpito tiepido e commosso, che invita a perseverare nella ricerca, a farne lo scopo della vita.

20 Non sorretta da una fede codificata e tradizionale, la ricerca di Longo resta vera ricerca, spesso angosciata e angosciosa, quasi sempre solitaria, non guidata da precetti o da verità rivelate. E l’angoscia, giunta a un limite intollerabile, si tramuta, a volte, in leggerezza, in ironia, in sarcasmo. La mancanza di fede, o meglio il rifiuto di ogni ortodossia, si manifesta non attraverso un rozzo ateismo, bensì attraverso un cauto ed esitante agnosticismo, in cui trovano posto aneliti e slanci verso un’ulteriorità che non diviene mai trascendente, ma si incanala piuttosto nel sentimento panico del mistero diffuso. È una religiosità particolare, che inclina al mistero e non si accontenta di soluzioni facili.

BIBLIOGRAFIA

I testi citati sono stati tratti da:

LONGO, 1986, Il Fuoco Completo, Pordenone, Studio Tesi (seconda edizione riveduta Faenza, Mobydick, 2000). Raccolta di quattordici racconti: Il romanzo circolare; Il gioco del Gundor; Il calcolatore biologico; Le cinque lapidi; Il fuoco completo; La ferita del tempo; Il pianeta del cuore; Il guardiano della Torre; Lo scioglimento dell’enigma; I segni della sera; I giorni giganteschi; Machina dolens; Alle soglie della verità; In un sogno perpetuo.

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LONGO, 1990, Di alcune orme sopra la neve, Udine, Campanotto (seconda edizione riveduta Faenza, Mobydick, 2007).

LONGO, 1994, L’acrobata, Torino, Einaudi, (tradotto in francese da Jean e Marie-Noëlle Pastureau: L’acrobate, Paris, Gallimard, 1996; prix “Laure Battaillon” 1997).

LONGO, 1995, Congetture sull’inferno, Faenza, Mobydick. Raccolta di quattordici racconti: E finalmente vennero; Una sera di novembre; Congetture sull’inferno; Fantasmi di stoffa; Dopo le esequie; Angelo a Veronica; Ricordo di viaggio; Il silenzio della città; Il sindaco di Riva; La portoghese; Di sera in un vicolo; Il dono della cometa; Dinamica dei fluidi; La piccola Inge.

LONGO, 1997, I giorni del vento, Faenza, Mobydick. Raccolta di undici racconti: All’insegna dell’Uomo Armato; I giorni del vento; Il Museo del Mare; Il casellante; I pianeti della stella Polare; Mentre noi, in America…; Le scarpe di ferro; La Casa Gobba; Il Consigliere; Isola fortificata; Le tracce interiori.

LONGO, 1998, La gerarchia di Ackermann, Faenza, Mobydick (tradotto in francese da Patrick Vighetti, prefazione di Luisa Ricaldone: La hiérarchie d’Ackermann, Bernin, À la Croisée, 2004).

LONGO, 2001, Avvisi ai naviganti e altre perturbazioni, Faenza, Mobydick (tradotto in francese da Daniel Mandagot: Avis aux navigateurs, Bernin, À la Croisée, 2005). Raccolta di dodici racconti: Avvisi ai naviganti; La verità amabile; La stagione dei viaggi; Non mi piacciono le cose troppo dolci; Rosa al confine; Per la greca del Maryland; La moglie del fornaciaio; Con quelle gambe troppo secche; Saturno dal tetto del bunker; Il fiore del viandante; Brasato per tre; A Zenoburg.

LONGO, 2003, Prove di città desolata, Faenza, Mobydick. Raccolta di dodici racconti: Aviatore al tramonto; Varani a Comodo; L’aveva rosagrigio; Atlantico, forse; La storia centrale; I sogni viventi; Dune, gabbiani; Andavano a sud; Che cosa fare a Denver quando si è morti; Variazioni con boia; Questo lo facciamo dire a Postuma; Prove di città desolata.

LONGO, 2006, La camera d’ascolto, Faenza, Mobydick. Raccolta di dieci racconti: Una semplificazione del dolore; Rumpelzimmer; La legge di Ohm; Amuleto; Paesaggio con rovine; Vera Lipanje; Madre; Famiglia; La camera d’ascolto; Gli Svizzeri di famiglia.

Longo si è dedicato anche alla scrittura teatrale, brillante e drammatica, in parte raccolta nel volume Il cervello nudo:

LONGO, 2004, Il cervello nudo, prefazione di Ugo Morelli, Rovereto, Nicolodi. Raccolta di quattro drammi: Il cervello nudo; Il casellante; Sulla rotta di Città del Capo; Era una roccia, il colonnello.

Longo ha poi tradotto i saggi di Gregory Bateson:

BATESON Gregory, 1976, Verso un’ecologia della mente (Steps to an ecology of mind), traduzione di Giuseppe Longo, Milano, Adelphi (seconda edizione ampliata, Milano, Adelphi, 2000).

BATESON Gregory, 1984, Mente e natura. Un’unità necessaria (Mind and nature. A necessary unity), traduzione di Giuseppe Longo, Milano, Adelphi.

BATESON Gregory, BATESON Mary Catherine, 1989, Dove gli angeli esitano. Verso un’epistemologia del sacro (Angels fear. Towards an epistemology of the sacred), traduzione di Giuseppe Longo, Milano, Adelphi.

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BATESON Gregory, 1997, Una sacra unità. Altri passi verso un’ecologia della mente (A sacred unity. Further steps to an ecology of mind), traduzione di Giuseppe Longo, Milano, Adelphi.

Ai rapporti fra senso e narrazione Longo ha recentemente dedicato il saggio Il senso e la narrazione:

LONGO, 2008, Il senso e la narrazione, Milano, Springer Italia.

NOTE

1. Nel romanzo L’acrobata il protagonista, discutendo con l’amico Tommaso la teoria che il mondo abitato dagli uomini sia una “prova generale” di un altro mondo, afferma (Longo, 1994, p. 80): “Io sono convinto che questo mondo non sia l’opera di un essere buono e misericordioso, bensì di un demiurgo cattivo. Alla base della creazione c’è un principio malvagio, la creazione stessa è una colpa, e questo spiega molto meglio di tutte le dottrine proposte finora la colpa dell’uomo, dell’uomo come specie e dell’uomo come singolo individuo. Le colpe degli uomini sono un’emanazione, se non addirittura un’imitazione, della colpa originale che sta alla radice del mondo, la colpa del creatore.” 2. Gregory Bateson (1904-1980) è stato uno dei maggiori studiosi delle discipline che fanno capo al concetto di informazione. Antropologo, sociologo, cibernetico e psicologo, tentò con grande efficacia di tracciare una mappa concettuale che unificasse mente e natura. Giuseppe O. Longo ha tradotto in italiano quattro suoi libri, tra cui il più significativo è Verso un’ecologia della mente.

AUTORE

TIZIANA PIRAS Università di Trieste

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Entre superstition, sensualité et fatalisme : le sens du religieux dans Il bastardo di Mautàna de Silvana Grasso

Flaviano Pisanelli

1 Publié en 1994 par la maison d’édition Anabasi et puis en 1997 par Einaudi, le roman Il bastardo di Mautàna (BM) de Silvana Grasso plonge d’emblée le lecteur dans un espace et un temps qui évoquent à plusieurs reprises l’ambiance et les sonorités d’un certain nombre de pages de l’Enfer de Dante : A scirocco si sentiva un latrato di cagne tra i pistacchi dell’Accia, dove la roccia imbruniva d’una macchia di rovi e del pelo dei conigli, secco e leggiero come la bava delle lumache dopo la pioggia. […] Era un gemito scarno quale il suono dell’organo impiallicciato di mogano, nel convento delle Chiarine, appresso a cui donzelle orfane, col fiato forte di notte e di giorno, e gli occhi gonfi di sonno, la mattina alla messa delle sei cantano Vi prego Maria salvate l’anima mia. (BM, p. 9)

2 Dès les premières pages du texte, Grasso retrace ex abrupto le profil d’une Sicile rurale et païenne, en employant de manière ambiguë les notions de sacré et de profane, de légitime et d’illégitime, de superstition et de fatalisme, de culpabilité ancestrale et de rédemption, qui contribuent à forger et à développer l’imaginaire, les habitudes et la culture de cet hortus conclusus insulaire. Nous signalons par ailleurs que nous retrouvons une représentation similaire de la Sicile dans un certain nombre d’ouvrages de Giovanni Verga, de Leonardo Sciascia et de Gesualdo Bufalino, auxquels les écrivains siciliens contemporains font allusion lorsqu’ils reviennent sur les dynamiques, les espaces et le patrimoine culturel et ancestral de l’île.

3 Sur les plans linguistique et structural, Il bastardo di Mautàna révèle plusieurs caractéristiques propres aux textes littéraires post-modernes diffusés en Italie dès la fin des années 19701. Quant à la construction temporelle de l’ouvrage, nous remarquons que les cinq parties qui composent le roman ne suivent pas la succession chronologique des événements et sont souvent présentées par l’emploi de la technique du flash-back.

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Dans le texte, nous relevons également l’emploi fréquent d’un langage expressionniste qui donne lieu à des descriptions hyperboliques et parfois caricaturales des espaces et des personnages, ainsi qu’une utilisation très particulière du dialecte sicilien et d’archaïsmes. Grasso poursuit un mélange évident des genres littéraires, jusqu’à réaliser un véritable plurilinguisme s’exprimant à la fois à travers l’emploi de prose et de poésie, et d’un langage proche du registre oral. Cette « écriture de l’oralité » s’appuie essentiellement sur la présence de la répétition lexicale, d’une syntaxe fondée sur la juxtaposition de phrases et sur l’évocation de dictons d’origine populaire et/ou de dérivation religieuse. Du point de vue narratif, le roman reparcourt l’histoire d’une famille propriétaire d’une vaste exploitation agricole, qui vit dans un espace en même temps hyper et hypo déterminé de la campagne sicilienne, qui se situe entre le domaine de Mautàna, la propriété de la famille Verderame, et Terranova, le village où les nombreux personnages masculins et féminins au comportement souvent extravagant agissent.

Espace sacré et espace profane : le fatalisme et la superstition face à la religion

4 Silvana Grasso, bien qu’elle situe les événements entre juin 1921 et 1948, période qui comprend grosso modo les années de la dictature fasciste et de l’après-guerre, met en place une narration qui manque totalement de références explicites ou implicites à l’histoire du pays. Le lecteur se trouve face à une écriture irrévérencieuse et parfois dérangeante qui, en mettant surtout en évidence les caractéristiques anthropologiques des personnages et de leur communauté, se focalise sur la culture, sur les rapports sociaux et sur la religiosité d’une Sicile enfermée dans son espace insulaire géographique et mental. Il s’agit essentiellement d’un espace se fondant sur les principes et les règles d’un catholicisme païen2 qui s’exprime à la fois par la répétition de rites collectifs, par un sentiment de fatalité et une superstition capables de rythmer le quotidien individuel et les habitudes comportementales de la population. La notion de sacré est par conséquent subordonnée à des espaces habités par toutes sortes de malédictions et de bénédictions ainsi qu’aux sentiments du deuil et de la mort inéluctable, de la maladie et du péché, qui semblent à tout moment se manifester dans les corps des personnages et dans leurs existences fragiles.

5 Le domaine de Mautàna et le village de Terranova s’imposent comme des espaces soumis à des attitudes et à des manies douteuses (parfois malsaines) et comme des lieux habités par des femmes et des hommes aux corps bestiaux puant le sang et la sueur. La vie de chacun semble vouée au culte de l’argent, qui nous rappelle la célèbre roba de la tradition littéraire sicilienne. La communication entre les différents individus est très limitée, le langage qui domine est celui des odeurs, qui détermine le profil physique et psychologique des personnages : Ovunque a Mautàna s’avvertiva, forte, l’odore del sangue di Stinca neanche il temporale neanche il malupirtùsu […] riusciva a spazzarlo via. […] Era uno degli odori forti di Mautàna. Il fango nella porcilaia, lo sterco delle giumente nelle stalle, l’acro rezzo della mandorla amara, le stoppie al tramonto sul campo falciato, e il sangue di Stinca. (BM, p. 121)

6 Les maisons, les rues, les places et les personnages dégagent une sorte de « beauté rude » qui fascine et fait peur, qui attire et répugne, qui transforme sans cesse les

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habitants de cette terre en saints et en diables. Les espaces immenses au bord de la mer ou à la montagne, désolés et vagues, suscitent un sentiment de fatalisme absolu qui exprime plus un manque total de volonté individuelle et de présence divine qu’une confiance sincère envers la providence : A Mautàna, il feudo di Don Giachino Verderame, dalla terra buona – il grano era grande come chicchi d’uva – la vita somigliava alle zucche d’inverno, quelle giallarancio, grandi enormi che bastano per tutto un inverno e oltre. […] Poi con le sementi seccate al sole si fanno le altre per il prossimo inverno, e poi così ancora all’infinito. […] Morire nascere ammalarsi erano fatti comuni come la semina in autunno, il raccolto d’estate e il porco in agosto. Nessuna attesa, né batticuore. Tutto, gioia o dolore, era accolto nella fattoria senza eccessi, senza frastorno né fragore. (BM, p. 12 et 13)

7 Toutefois, ces espaces homogènes et ces temps éternels subordonnés à un fatalisme ne prévoyant aucune rupture, aucune discontinuité, connaissent dans le roman de Grasso la présence d’une religiosité païenne intense et enracinée, qui anime l’univers de Mautàna, ses personnages et leurs comportements. Mircea Eliade reconnaîtrait dans ces espaces une manifestation du « cosmos », à savoir un espace irréligieux et dépourvu de toute théophanie, de toute manifestation du sacré, en opposition à ce qu’il définit « monde », c’est-à-dire le territoire réel, habité et fondé par l’homme, où « la découverte ou la projection d’un point fixe, le “centre”, équivaut à la Création du Monde » (Eliade, p. 26).

8 Les nombreux toponymes (« Piano delle Vergini », « San Giovanni Battista delle Monache », « Scesa della Passione », « Largo delle Croci », « Convento delle Chiarine ») et le recours fréquent à l’onomastique font souvent référence à la sphère du sacré (« Vangeli », « Rosario », « le vergini », « prete », « predicatori della città », « confessionale », « chierici »), aux saints du catholicisme (« San Giorgio », « Sant’Agostino », « Santa Rita », « Tabernacolo di San Vincenzo »), aux différents moments liturgiques (« Natale », « Pasqua », « Corpus domini », « domenica delle Palme », « Passione del Venerdì Santo »), ainsi qu’aux fêtes religieuses et populaires (« Processione dei Flagellanti », « Festa di Maria Bambina di Terranova ») qui occupent une place importante dans la vie quotidienne de Mautàna. Les différentes expressions du sacré sont cependant exclusivement liées aux formes les plus archaïques d’un catholicisme païen qui repose sur des croyances populaires et ancestrales. Il s’agit de rites qui, tout en forgeant une identité et une morale spécifiques, se traduisent dans le quotidien en une superstition au sein de laquelle le sacré et le profane cohabitent et s’opposent.

9 Dans ce roman, les notions de sacré et de profane ne se mélangent jamais ; au contraire, elles constituent toujours une double polarité où se situent et se fixent les actions et la psychologie de chaque personnage. Établissant les rôles, les fonctions et les relations sociales entre les univers masculin et féminin, définissant le « centre » et la « périphérie » et, enfin, fonctionnant de discrimen entre le sacré et le profane, la sainteté et la damnation, le bon et le mauvais, ce type de religiosité païenne, rurale et collective, d’une part, se porte garante des valeurs sociales et morales traditionnelles, d’autre part, affaiblit les caractères et la volonté des personnages que l’auteur met en place. Effectivement, personne n’échappe à l’échec, à l’autodestruction, à la mort, au péché ou, au moins, au jugement collectif de ceux qui croient vivre pieusement dans cette terre-prison.

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L’univers féminin : le sentiment du religieux face au fatalisme, entre obéissance et révolte

10 Des destins tragiques, qui évoquent les rapports de force classiques entre dominant et dominé, victime et bourreau, créateur et créature, semblent peser sur l’histoire de tous les personnages pieux ou pécheurs du roman. C’est le cas, pour commencer par les personnages féminins qui acceptent passivement leur sort, de Mariannina, la bonne de la famille Verderame et mère de Lupo, le bâtard de Don Giachino. Elle passe toute sa vie à s’occuper du Palazzo Rosso, la résidence des Verderame, et de ses enfants légitimes et illégitimes. La triste existence de Mariannina est proche de celle de Semenza, la sœur de Stinca. En raison de sa condition de malvoyante qui l’empêche de se marier (les garçons du village n’épousent que des femmes solides et en pleine santé, aptes à travailler la terre et à s’occuper des enfants et de la maison), elle est l’une des rares femmes célibataires de Mautàna. À défaut d’une vie conjugale traditionnelle, Semenza consacre sa vie à son neveu Janìa et, sous le regard attentif de Canaria, la sorcière du village, apprend à utiliser les herbes nécessaires à la préparation des remèdes censés soigner les maladies les plus graves. À cette typologie de femme appartient également la noble Leonora Macaluso, qui passe son temps à broder, à rédiger des épigrammes funéraires et à haïr Tano, son mari et fils de Don Giachino. En effet, Tano ne cessait de suivre Stinca à la Rocca dell’Accia, où il se soumettait à ses martyres et à ses extravagantes pulsions sexuelles.

11 À ces femmes obéissantes, religieuses et pieuses, qui font de la dévotion leur « centre » moral et comportemental, et qui poursuivent dans leur existence « un signe pour mettre fin à la tension provoquée par la relativité et à l’anxiété nourrie par la désorientation, en somme, pour trouver un point d’appui absolu » (Eliade, p. 31), s’opposent des femmes différentes qui remettent en cause les notions traditionnelles et païennes du sacré et de la religiosité. Il s’agit, en particulier, de Canaria, de Mimina la Santa et surtout de Stinca. Canaria est la « scinziata », la « dottora », la guérisseuse, la femme qui évoque par sa constitution physique, sa nature de séductrice et son activité de « nettatrice di ventri femminili » la force diabolique du péché : La Canaria, spavalda nella caviglia spavalda, il passo di gatta selvaggia, il petto pieno come mela che rosseggia sul ramo più alto, per lo più praticava aborti nella masseria. E arrivava all’Angelo, tra i fumi allappati della zolfara di Macalùbba, con lo scialle su i riccioli saracini, quando veniva per nettare le viscere delle contadine, pur se la gravidanza era già avanti nel tempo e bisognava tirarlo, a pezzi, il piccolo feto racchiuso nell’utero. (BM, p. 17)

12 Ce personnage met en évidence le rôle primordial que la superstition et le péché (opposés aux principes catholiques) revêtent au sein de cet espace et de ce temps insulaires immuables, dirait-on éternels, qui sont brisés de temps à autre par une épiphanie du sacré se manifestant grâce à un certain nombre de rites collectifs, tels que la Processions des Flagellants ou les liturgies de Noël ou de Pâques. Mimina la Santa, au contraire, extériorise le rapport complexe que le sacré et le profane instaurent entre eux dans cette Sicile mythique et rurale que Grasso met en place dans ce roman. Ayant grandi dans le Couvent des Chiarine et après avoir assisté pendant longtemps les prostituées syphilitiques qui étaient hébergées dans l’Ospizio delle Pentite, Mimina la Santa devient la directrice du bordel de Terranova. L’éducation pieuse et orthodoxe qu’elle avait reçue aboutit à une activité tout à fait interdite par la morale catholique.

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Dans ce personnage, le sacré et le profane cohabitent, tel un oxymoron, sans qu’ils ne se superposent jamais l’un à l’autre : Il suo bordello – Mariasantissima guai a chiamarlo bordello – era più – precisava col Rosario in fuga dal grembiule, ruminando avemmarie – ospizio ricovero quasi un convento. […] Ricamava con dita d’angiolo Mimina e ovunque, nel suo bordello, c’erano preziosi pizzi al tombolo e cadute con smerli a festone. […] Il palazzetto più una sagrestia sembrava e ricami e lini bianchi immacolati non poco confondevano i clienti, garzoni, terrazzieri, macellai pecorai dell’agro di Terranova. […] Mimina, nel suo bordello ricamava ruminava orazioni e intascava denari ché anche al buon Dio dalle cannate del cielo piaceva il tintinnio delle monete. (BM, p. 97)

13 Toutefois, le personnage féminin qui plus que les autres bouleverse l’équilibre social et le sentiment religieux de la communauté de Mautàna est sans doute celui de Stinca aux cheveux crépus, touffus et roux, au visage criblé de taches de rousseur, à la taille fine et aux jambes longues et bien faites. Stinca appartient à « un’altra razza » (BM, p. 40), comme le prouvent les nombreuses épithètes qui la concernent : « diàvula », « occhiodiciàula », « indemoniata », « assassina », « buttana », « ladra », « seme del male ». Depuis son enfance, Stinca vole les hosties consacrées, hait les cloches des églises, séduit les prédicateurs qui se rendent à Mautàna pendant la Semaine Sainte, pousse un jeune moine au suicide et, enfin, séduit et torture Tano jusqu’à la mort, alors qu’il avait décidé de la tuer avant qu’elle ne le tue. Le profil particulier de Stinca révèle aussi sa différence par rapport aux autres femmes du village, dont le seul but était de se marier et de fonder une famille : Era un uccello, e si posava qua e là proprio come gli uccelli, a caso. Stava con chi voleva, come voleva, dove voleva, quando voleva, a provare che era lei la più forte. (BM, p. 137)

14 Son caractère différent et son attitude irrévérencieuse sont mis également en évidence par certains traits psychologiques et comportementaux, par sa manière particulière de communiquer et d’exprimer son affection aux autres. Par ses gestes, elle s’approche plus de l’univers animal que de celui des êtres humains : Stinca non parlava quasi mai. Non domandava non rispondeva non chiamava. Un verso, ogni tanto, una specie di latrato, o garrito o nitrito. Per lo più si faceva capire dagli occhi. […] Lei non piangeva non gridava non pregava non amava. Ma questo Tano lo sapeva assai bene come sapeva che non c’era da fidarsi di lei e che un’unica cosa si poteva fare con Stinca. Ammazzarla, o esserne ammazzati. (BM, p. 120 et 140)

15 Dans une étude consacrée à cet ouvrage, Margherita Marras soutient que la désobéissance morale et esthétique de Stinca représente presque un antidote à la violence sociale et au conformisme religieux de l’univers-prison de Mautàna3. Aux pressions sociales et morales que les hommes exercent sur les femmes, Stinca oppose une sexualité obsédante et dominante, agressive et violente dont Tano sera l’une des victimes. Sur le plan proprement moral et religieux, Stinca oppose au fatalisme et aux préceptes catholiques une forme irrévérencieuse de liberté qui frappe l’Église, ses représentants officiels et l’ensemble des rites religieux collectifs, sur lesquels les habitants de Mautàna bâtissent leur identité et retrouvent leur temps sacré. Il s’agit d’un temps sacré qui à travers le rite revient à s’actualiser dans un présent éternel et rassurant4.

16 La profanation de la vie et du sentiment de la maternité dont Stinca fait preuve lorsqu’elle met au monde et abandonne Janìa5, enfant illégitime de Tano, ainsi que la profanation de tous les représentants de l’Église, à partir du jeune moine de l’ordre des Capucins, qui subit la violente séduction de Stinca jusqu’à en arriver au suicide, sont les

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signes non équivoques de sa double résistance au fatalisme et à la morale catholique conventionnelle : Voleva averlo a tutti i costi, ne voleva provare il fermento del sesso intatto, che solo nel pallido lino del letto, di notte e involontariamente, si abbandonava a schizzi improvvisi, trasparenti come rugiada. Lo trovarono al carrubo, di mattina presto, con la corda al collo di seta, gli occhi immoti al cielo tra confuso sciame d’api. (BM, p. 41)

17 Le défi que Stinca lance à l’Église officielle et à son autorité morale revient comme un leitmotiv dans ce roman. Tous les représentants ecclésiastiques sont visés grâce aussi à l’emploi d’un langage caricatural et paroxystique, comme dans le passage suivant où Grasso évoque la mère supérieure de l’Ospizio delle Pentite : Quelle natiche, abbandonate sul punto croce e il Bambin Gesù, l’avevano sfinito il cuscino perché fiati, grevi di minestra di ceci, soffiavano dal culo della vecchia come il vento tramontano nella Fastuchèra della Chiudìa. L’orifizio della Superiora era slabbrato, senza tensione di nervi, lento come i calzini vecchi quando non più si stringono alla caviglia. (BM, p. 99)

18 L’Église devient une fois de plus la cible privilégiée du roman lorsque Don Giachino Verderame, en s’adressant à Mariannina, fait allusion à la richesse matérielle du clergé dans le but de la convaincre qu’il vaudrait mieux que Lupo (leur enfant illégitime) suive son conseil de poursuivre la carrière ecclésiastique jusqu’à devenir l’évêque de Piazza Armerina : Sai se la passano bene i preti… fatica poco e tasca piena… i Vescovi poi… altro che terre e poderi… i padroni sono… ti dico… i padroni… Dio in cielo e loro in terra. (BM, p. 56)

L’univers masculin : l’emprise du fatalisme ancestral et des conventions religieuses

19 L’importance du fatalisme et d’une certaine morale catholique, bien qu’elle soit présente chez les personnages féminins du roman, agit particulièrement sur les personnages masculins, qui semblent incapables de réaliser le moindre projet personnel et également d’afficher leur véritable individualité au sein du paysage humain de Mautàna. Un lourd héritage de codes sociaux et éthiques, traditionnels et archaïques, conditionne les mentalités et les comportements des hommes, jusqu’à les conduire à l’échec définitif et irréversible. Ce triste destin n’épargne pas non plus la riche famille Verderame. La gloire et la mémoire de leur ancêtre, Rosolino Verderame, lieutenant charismatique et valeureux, seront progressivement effacées par les vicissitudes privées d’une descendance qui fait constamment preuve d’immoralité, d’intempérance et d’ineptie.

20 Don Giachino Verderame, au corps défiguré par une hernie monstrueuse et prêt à se livrer aux actes les plus dissolus, meurt « vomitando sangue una domenica delle Palme, a Terranova » (BM, p. 60). Son fils Lupo, né d’un rapport extraconjugal avec Mariannina, poursuit malgré lui la carrière ecclésiastique souhaitée par son père qui, dans le but de s’affranchir de son péché de jeunesse, veut que Lupo devienne évêque de la ville de Piazza Armerina. Jusqu’à la mort de Don Giachino, Lupo vit avec le seul désir de voir crever son père-bourreau, à qui il aurait voulu crier, sans jamais y parvenir : No non mi ci voglio prete, […] non li voglio i vostri corredi… la tonaca l’orticaria mi fa… il seminario è buio… puzza di capra morta il fiato del Padre Rettore… mandateci

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vostro figlio Tano a farsi Vescovo… io voglio stare al Pontile e sentirlo il mare… e vedere i fuochi della festa… e le pupe di zucchero la domenica in piazza. (BM, p. 52)

21 Tano, fils légitime de Don Giachino et héritier de toute sa fortune, subit également le mépris que les habitants de Mautàna et son père ne cessent de lui renvoyer. Don Giachino, en particulier, le considère comme une bête complètement soumise à la mauvaise influence et à la sensualité déroutante de Stinca. Visé par son sort pendant toute sa vie – car il est victime d’un père indifférent à son égard et d’une femme qui le hait – et au moment de sa mort – puisqu’il décède « en crachant du sang noir comme la sauce aux seiches » au lieu d’être tué par Stinca comme il l’avait prévu – Tano reproduit le schéma de vie de son père qu’il détestait tant. Comme Don Giachino, Tano aura un fils illégitime, Janìa, un enfant muet et malade et également un fils légitime, Rosolino, qu’il « vedea con fastidio, quasi con ribrezzo, quel ragazzino dalla pelle bianca slavata fina e pallida tale e quale sua madre. Più femmina che maschio, le gambe corte e magre, il torace stretto di chi soffre il mal di petto » (BM, p. 111-112). Lorsque Tano meurt, Rosolino ressent un sentiment de libération, de renaissance, le même que Tano (fils légitime de Don Giachino) avait ressenti après le décès de son père. Prenant à cœur la vie politique et économique de Terranova, il succèdera à son père au poste de maire. Quant à Rosolino, qui porte le prénom de son ancêtre valeureux, il se consacrera exclusivement à la musique classique et à la fanfare de Terranova, sa véritable passion-obsession. Cette activité le portera à gaspiller rapidement toute la fortune familiale pour rembourser ses dettes, au point qu’il devra vendre aussi le Palazzo Rosso, la demeure historique des Verderame.

22 Si une partie des personnages féminins du roman (Semenza, Mariannina et Leonora) continuent à perpétuer les modèles ancestraux d’une société qui situe le sens du sacré et le sentiment religieux dans un « centre » capable de sauvegarder une identité prédestinée et un espace immuable, Stinca, Canaria et Mimina la Santa s’opposent fortement à leur monde en élaborant une identité et un espace qui s’expriment à travers un « sacré profané » et un « profane sacralisé » (Marras, p. 73). Les personnages masculins, au contraire, se limitent à suivre passivement un fatalisme qui ne présente aucun caractère sacré et qui perpétue l’idée d’une religion sans dieu.

23 Mettant en place une représentation tragique de la vie, sur laquelle pèse l’ombre du péché et de la faute ainsi que le lien mystérieux et indicible qui rattache et oppose le créateur et la créature, le père et le fils, l’univers masculin se porte garant dans ce roman d’un système anthropologique, social, culturel, moral et religieux insulaire, qui reste immunisé contre toute sorte d’évolution temporelle et spatiale. Dans un texte consacré à l’écriture des femmes de la Méditerranée, Grasso, précisant la relation étroite qui s’instaure entre les notions de temps, d’espace, de culture, de religion, de langue et l’idée d’île, écrit : L’isola vive la cesura dal Continente come ius-privilegio, roccaforte a difesa della sua arcana mitostorica singolarità. L’isola è per sé caput mundi, riserva di fauna, animale e umana, flora e lingua. Immune dalla iattura della contaminazione e dell’omologazione antropico-linguistica. Il tempo dell’isola è metareale: anticipazioni visionarie, epilli profetici, posdatazioni sfrattano la miseria dell’hic et nunc, dei tempi generali, dei verba generalia. (Grasso, p. 55)

24 La religion et le sens du sacré peuvent ainsi contribuer à préserver l’espace géographique, poétique et mental de l’île. Il pourrait s’agir d’une protection à double tranchant : l’immuabilité apparente de l’histoire mythique, empêchant le temps d’agir et de faire évoluer le « poids spécifique » d’une identité collective, pourrait malgré tout

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la livrer simplement (et peut-être inutilement) à l’homologation anthropologique, culturelle et linguistique que nous tous avons appris à connaître dans notre époque.

BIBLIOGRAPHIE

ELIADE M., Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965 (ELIADE M., Das Heilige und das Profane, in Rowohlts Deutsche Enzyklopädie, Hamburg, Rowohlt Taschenbuchverlag GmbH, 1957).

GANERI M., Postmodernismo, Milano, Editrice bibliografica, 1998.

—, Il romanzo storico in Italia. Il dibattito critico dalle origini al post-moderno, Lecce, Piero Nanni, 1999.

GRASSO S., La scrittura tra confine e confino, in Femmes de Méditerranée, M. Marras (éd.), Toulouse, Éditions Universitaires du Sud, coll. « L’Italie aujourd’hui », 2002, p. 55-59.

—, Il bastardo di Mautàna, Torino, Einaudi, 1997.

MARRAS M., Formes, modalités et paradoxes de la séduction dans Il bastardo di Mautàna de Silvana Grasso, in Cahiers d’études italiennes, n° 5, Grenoble, ELLUG, 2006, p. 69-80.

NOTES

1. Dans deux de ses études consacrées à l’analyse du roman post-moderne italien, M. Ganeri précise les caractéristiques formelles et structurales de ce type d’ouvrages. Elle parle en particulier de la tendance à mélanger les différents genres littéraires traditionnels et de la mise en place d’un hyper-roman à structure mixte, s’appuyant sur un réseau de citations et de références intertextuelles. 2. Nous entendons par « catholicisme païen » toute sorte de rites, de croyances et d’expressions religieuses populaires qui intègrent le culte catholique officiel. Il s’agit de formes religieuses que l’institution ecclésiastique a souvent considérées comme hétérodoxes et parfois blasphèmes. Ce type de religiosité est très répandue dans les villages de l’Italie méridionale et insulaire. 3. « Par cette désobéissance d’ordre moral et esthétique, entraînant un comportement qui manque à la décence, elle impose au regard d’autrui les signes de sa sexualité, rempart de son émancipation, ce qui lui permet de s’éloigner des modèles féminins établis. […] Mais pour aboutir à ce résultat, le personnage doit mener un combat contre tous ceux qui (et tout ce qui) entravent son chemin. Elle s’attaque ainsi à l’Église et au clergé, responsables à Mautàna d’une division draconienne des rôles légitimant la domination masculine. Pour s’affranchir de cette emprise, Stinca s’oppose à tous les préceptes chrétiens et viole la sacralité des espaces ecclésiastiques (symboliques et matériels). » (Marras, p. 72-73) 4. « Quelle que soit la complexité d’une fête religieuse, il s’agit toujours d’un événement sacré qui a eu lieu ab origine et qui est rituellement rendu présent. Les participants deviennent les contemporains de l’événement mythique. En d’autres termes, ils “sortent” de leur temps historique – c’est-à-dire du Temps constitué par la somme des événements profanes, personnels et inter-personnels – et rejoignent le Temps primordial, qui est toujours le même, qui appartient à l’Eternité. » (Eliade, p. 79)

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5. « Poi si levò da terra veloce come un animale, senza gemito, senza lamento, come se avesse ripreso più forze di prima. Non uno sguardo al pezzo di carne che, fuori dal suo ventre, annegava tra il sangue accosto ai sugheri. […] Lo lasciò ai rapaci della notte che lo finissero a beccate e ne spolpassero il cervello. » (BM, p. 124-125)

AUTEUR

FLAVIANO PISANELLI Centre de Recherche Circe, Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3

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Il senso del religioso nella narrativa di Tabucchi, Celati e Bufalino

Charles Klopp

1 Il pensiero cattolico in Italia è stato sempre una parte fondamentale della vita intellettuale del paese. Oggi, dopo un periodo di relativo disinteresse per argomenti religiosi da parte di molti pensatori di sinistra, c’è un nuovo interesse per i problemi tradizionali della religione. Molti dei commentatori su argomenti religiosi di questi giorni non si considerano cattolici o, in alcuni casi, affatto credenti – anche quando trattano argomenti come l’esistenza di Dio, la natura del peccato e l’importanza dell’incarnazione. I libri, gli articoli e le interviste di questi autori, inoltre, sono spesso indirizzati non a lettori specializzati ma al lettore generale – un pubblico di massa. Quasi tutti trattano gli argomenti in questione da punti di vista specificatamente non religiosi o religiosi soltanto in un senso culturale molto ampio (Croce).

2 Due degli esempi più noti di recenti pubblicazioni di questo tipo sono Credere di credere di Gianni Vattimo (Vattimo, 1996), e In cosa crede chi non crede? di Umberto Eco e Carlo Maria Martini (Eco e Martini, 1996). Nel suo breve libro, Vattimo racconta la storia del suo incontro da bambino con la fede e la Chiesa, le sue disillusioni durante l’adolescenza e il ritorno, da uomo maturo, alla riconsiderazione della possibilità di riabbracciare la fede che conosceva da bambino, seppure adesso in un modo diverso e tutt’altro che ortodosso. Il libro di Eco e Martini non contiene una confessione personale come quello di Vattimo. È, invece, un dialogo a volte abbastanza spiritoso da parte di due interlocutori diversi fra di loro ma allo stesso tempo rispettosissimi delle altrui posizioni. Gli avversari o interlocutori amichevoli di questo libro sono il noto semiologo, narratore e commentatore culturale – il “non credente” Eco – e l’arcivescovo di Milano e ovviamente credente Martini. Altri libri recenti o recentissimi che affrontano problemi di questo tipo da simili punti di vista includono Il cristianesimo di un non credente di Salvatore Natoli (Natoli, 2002), e Abramo contro Ulisse. Un itinerario alla ricerca di Dio di Filippo Gentiloni. Natoli è un filosofo e accademico, Gentiloni un giornalista che scrive spesso su argomenti religiosi.

3 In aggiunta alle sue moltissime pubblicazioni scientifiche, Gianni Vattimo ha dedicato un certo numero dei suoi scritti più recenti ai problemi della fede. In questi libri, il

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filosofo presenta le sue riflessioni su una materia di solito considerata parte del pensiero religioso – in particolare l’importanza dell’incarnazione per il pensiero cristiano. Nei suoi saggi e libri su questi e altri argomenti, Vattimo sottolinea l’importanza del declino delle grandi narrative filosofiche, per lo più derivate dall’Illuminismo, che in anni passati stavano alla base del pensiero moderno ma che al giorno d’oggi hanno perduto molto della loro forza persuasiva. In un clima intellettuale in cui le grandi narrazioni di una volta non sono più ritenute valide, la fede religiosa – o almeno la possibilità di una fede religiosa – è diventata una prospettiva più allettante di quanto non fosse dalla fine del Settecento fino a oggi. Uno dei testi in cui Vattimo spiega la sua posizione è Religione, un’opera scritta insieme a Jacques Derrida e Hans- Georg Gadamer (Vattimo, Derrida e Gadamer, 1996). Un altro suo libro su argomenti simili, questa volta scritto con il filosofo Pierangelo Sequeri e il giornalista Giovanni Ruggeri, è Interrogazioni sul cristianesimo. Cosa possiamo ancora attenderci dal Vangelo? (Vattimo, Sequeri e Ruggeri, 2000). Ancora più recentemente, c’è la raccolta di saggi scritti interamente da Vattimo, Dopo la cristianità: per un cristianesimo non religioso (Vattimo, 2002). E proprio nei giorni precedenti a questo convegno ne è uscito un altro, questa volta in chiave autobiografica e scritto con Piergiorgio Paterlini: Non essere Dio (Vattimo e Paterlini, 2006).

4 È evidente già dai loro titoli che in questi libri Vattimo e gli altri pensatori menzionati vogliono a tutti i costi evitare l’etichetta di “cristiano” o “credente” in favore di altri termini che possano più chiaramente indicare la distanza fra le loro riflessioni e il discorso religioso convenzionale. Natoli definisce la sua fede “la cristianità di un non credente”. Eco, che parla nel corso del suo libro della sua “religiosità laica” (p. 70), si domanda “che cosa crede chi – come lui – non crede”. E Vattimo propone una “cristianità non religiosa”.

5 Nei libri di questi autori laici o non credenti o non religiosi è evidente una nuova enfasi non tanto su articoli di fede acquistati da una tradizione secolare o dalle proprie esperienze personali, quanto sulla speranza di qualche cosa che si auspica accada nel futuro. Quasi tutti gli scrittori in questione esprimono la loro diffidenza verso sistemi totalizzanti – siano essi politici, filosofici o religiosi. Gentiloni, forse lo scrittore più politicamente militante del gruppo e abituale collaboratore al quotidiano Il Manifesto, insiste che: “Il Dio della certezza è totale, metafisico, senza incrinature” mentre “il Dio della speranza è povero, insicuro, contraddittorio come ogni speranza che, insieme, ha e non ha” (p. 32). Nel suo caso, almeno, l’agnosticismo religioso va a pari passo con un senso della necessità di stabilire un’umana solidarietà con i poveri e abbandonati, ovunque si trovino nel mondo.

6 La diffidenza da parte di questi scrittori per il potere e la religione istituzionalizzata deriva in parte dal loro rifiuto di sistemi totalizzanti di qualsiasi tipo, ma in parte anche da una loro valutazione spassionata delle attività della Chiesa attraverso i secoli. “Il Dio totale, onnipotente,” scrive Gentiloni, “è il Dio idolo che molte pagine della Bibbia rifiutano, ma che le chiese hanno la continua tentazione di far rivivere” (p. 31). “Un Dio totale,” continua, “un Dio sicuro e la sicurezza è la maggiore forza che esista. Spesso è anche la peggiore, è la fonte di tutti i totalitarismi e di tutte le oppressioni” (p. 30).

7 Come Gentiloni, anche Vattimo vorrebbe distanziarsi da un passato dominato da sistemi religiosi forti. Da esponente del pensiero debole, auspica un’era di “emancipazione attraverso la consumazione delle strutture forti – del pensiero, della coscienza individuale, del potere politico, dei legami sociali, della stessa religione”. Una

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tale liberazione, per Vattimo, fornirà “un modo di trascrivere, in termini di filosofia della storia, il messaggio cristiano dell’incarnazione di Dio, che in san Paolo si chiama anche kenosis, cioè abbassamento, umiliazione, indebolimento di Dio” (Vattimo, 2002, p. 97).

8 Qui e altrove nei libri di questi pensatori, il totalitarismo nella politica è considerato l’equivalente di sistemi totalitari nei campi della storiografia, della filosofia e della religione.

9 Per molti di questi scrittori, il rifiuto del totalitarismo e della metafisica porta a una nuova enfasi sull’etica. “Chi non crede,” scrive Eco, “ritiene che nessuno lo osservi dall’alto e quindi sa anche che – proprio per questo – non c’è neppure qualcuno che possa perdonare. Questo lo sa, dall’intimo delle sue fibre, e quindi sa che dovrà in anticipo perdonare gli altri. Altrimenti come si potrebbe spiegare che il rimorso sia un sentimento avvertito anche dai non credenti?” (p. 77). Come Eco in questo passo, anche Vattimo, Gentiloni e Natoli insistono sulla necessità, in un mondo post-metafisico ma non perciò senza una dimensione etica, dell’amore e della tolleranza nei confronti del prossimo e del diverso.

10 In questi testi, Dio si presenta molto spesso come una mancanza inquietante piuttosto che una presenza rassicurante. Tale mancanza, però, presuppone la possibilità di una presenza, esattamente come la nostra constatazione dei limiti dell’umano suggerisce la possibilità di un ente senza limiti. Per Natoli “non c’è infatti finitezza senza infinito […] ma l’infinito attuale è solo di Dio, ammesso che un Dio esista” (Natoli, 2004, p. 47). Per Vattimo, in termini simili, proprio perché il Dio-fondamento ultimo, e cioè la struttura metafisica assoluta del reale non è più sostenibile, perciò stesso è di nuovo possibile credere in Dio. […] Se non c’è più una filosofia (storicistica, come lo hegelismo e il marxismo; o positivistica, come le varie forme di scientismo) che ritiene di poter dimostrare la non esistenza di Dio, noi siamo di nuovo liberi di ascoltare la parola della Scrittura (Vattimo, 2002, p. 9).

11 Oppure, nelle parole di Natoli, “se l’uomo guarda in se stesso, lui, fatto ad immagine, dovrebbe in qualche modo vedere Dio, cogliere i tratti del suo volto” (Natoli, 1999, p. 17). Questo è vero anche se Dio si fa percepire all’uomo. “Nell’uomo Dio non si rende manifesto in presenza, ma è, come dire, immagine dell’assenza. Più esattamente, è l’esperienza della mancanza. Dio si imprime nell’uomo come bisogno, desiderio. Dio è lo Streben dell’uomo, è il suo spasmodico tendere.” (Ibidem)

12 Nella narrativa italiana degli ultimi decenni c’è stata una simile svolta nell’atteggiamento degli scrittori verso temi e problemi religiosi. Già nel 1978, in una conferenza ad Amherst College nel Massachusetts, Italo Calvino aveva descritto i cambiamenti profondi nel pensiero europeo e americano durante il periodo appena concluso. Per lui si trattava di una specie di rivoluzione: “qualcosa che ha cambiato in profondità molti dei concetti con cui avevamo avuto a che fare, anche se si continua a chiamarli con gli stessi nomi” (Calvino, pp. 286-287). Tali concetti, per Calvino, includevano “quelle che sembravano essere categorie antropologiche stabili: ragione e mito, lavoro ed esistenza, maschio e femmina, e perfino le polarità delle topologie più elementari: affermazione e negazione, sopra e sotto, soggetto e oggetto” (ibidem). Questi cambiamenti aprivano le porte all’entrata nel mondo narrativo italiano di temi e preoccupazioni non trattati durante l’epoca del neorealismo e anni seguenti.

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13 Anche gli storici della letteratura del periodo hanno notato questi cambiamenti di atteggiamento. Nella sua Storia letteraria del ‘900 italiano, Massimiliano Capati si trova d’accordo con ciò che è stato detto da altri a proposito della non più pertinenza della tradizione illuministica e marxista per gli scrittori di oggi. Per Capati, il tramonto delle tradizioni illuministiche e razionali era il preludio di un nuovo periodo in cui l’irrazionale e anche il sacro avanzavano sul palcoscenico. “Oscurato,” scrive Capati in termini che ricordano quelli di Vattimo, “da una lunga tradizione razionalista – illuminismo, idealismo, laicismo, marxismo – tornava a riaccendersi l’interesse per il sacro, la teologia, l’irrazionale, le superstizioni” (Capati, p. 218). Similmente, ma avvicinandosi all’argomento da una prospettiva diversa – quella della storia della stampa in Italia invece di quella della letteratura – un altro storico del mondo delle lettere italiane, Giovanni Ragone, ha anche lui identificato nella narrativa degli ultimi anni del secolo scorso un analogo, significativo “orientamento verso la realtà extra- semiotica, il comportamento, il corpo, l’inconscio” (Ragone, p. 227).

14 Anche se diversissimi l’uno dall'altro in stile e approcci letterari, i tre romanzieri che vorrei chiamare in causa qui – Antonio Tabucchi, Gianni Celati e Gesualdo Bufalino – fanno parte di questa svolta verso l’irrazionale, lo spirituale, il religioso. I loro scritti, sebbene in modi talmente diversi l’uno dall’altro da suggerire che qui forse succeda qualche cosa di più generale, trattano spesso argomenti che possiamo chiamare religiosi o parareligiosi.

15 Ecco, per esempio, cosa dice il non religioso Tabucchi a proposito degli argomenti etici che si trovano così frequentemente al centro dei suoi libri. Spiega in un’intervista recente a Carlos Gumpert : Io sono un laico, non un cattolico. Tuttavia credo che esistano delle regole che bisogna rispettare e queste regole, in fondo, le ha inventate la religione, l’etica religiosa basata sui dieci comandamenti, che sono stati il fondamento di tutte le etiche posteriori, perfino di quelle a carattere laico. Questi dieci comandamenti mantengono ancora il loro potere di seduzione su di me (Gumpert, pp. 101-102).

16 Nei libri di Tabucchi queste regole sono alla base delle tante riflessioni di questo autore sulla presenza del male nel mondo, l’inevitabilità del rimorso (menzionato anche da Eco) e il senso di colpa che tutti sentono nei confronti di questo male, insieme alla necessità di trovare espiazione per aver fatto del male – se non in un contesto istituzionale, magari nel foro più laico e secolarizzato della letteratura. La disamina di coscienza, inoltre, che Tabucchi propone non si limita ai suoi personaggi o al suo io narrante, ma si estende con grande insistenza anche ai suoi lettori, nei quali l’autore vorrebbe stimolare una “inquietudine” morale che li costringa a esaminare le loro coscienze a proposito dei problemi sollevati dalle sue narrazioni. “Di una sola cosa forse posso essere orgoglioso,” dice nella stessa intervista con Gumpert, “di non essere uno scrittore che placa le coscienze, perché credo che chiunque mi legga riceva per lo meno una piccola dose di inquietudine e chissà che un giorno questa inquietudine non finisca per germogliare e dare i propri frutti” (ibidem, p. 104). Dentro il confessionale costruito dal Tabucchi nei suoi racconti sta un lettore costretto dalle provocazioni dei testi tabucchiani a esaminare la propria coscienza e forse agire diversamente nel futuro (cfr. ibidem, p. 74).

17 Gli scritti di Gianni Celati possono apparire forse meno impegnati eticamente che non quelli di Tabucchi. Ma essi contengono, nondimeno, molti passi che alludono a presenze extra-umane che forse si potrebbero collegare a “l’immagine dell’assenza” e

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“l’esperienza della mancanza” menzionate da pensatori come Gentiloni, Vattimo e Natoli. Esempi nella produzione narrativa di Celati comprendono la storia della casalinga che decide che c’è qualche cosa al di fuori della vita che ha vissuto finora quando un meteorite cade nel suo giardino; il viaggiatore in Africa che intuisce delle presenze al di là dalla sua comprensione che sono intrinseche alle terre e alle culture che sta visitando ma che non riesce a descrivere; oppure i giovani “pascolanti” presi nei legami di un “desiderio che s’affaccia assieme ad ansia e disagio” anche se poi capiscono che “se i piaceri potessero parlare direbbero com’è deserto il mondo” (Celati, 1987; 1988, p. 99; 2006, pp. 44-45).

18 In queste e altre allusioni a presenze misteriose nell’ambito quotidiano delle esperienze più banali, Celati sta cercando, direi, non tanto di identificare la cosa a cui si riferiscono o alludono in questi passi, quanto di specificare in quali circostanze lo “ Streben” o “spasmodico tendere” descritto da Natoli possa accadere. Nelle sue riflessioni sulla desacralizzazione della vita contemporanea e la resistenza umana a un tale impoverimento spirituale – non importa se in Africa, il paese fantastico dei Gamuna, o il territorio più familiare di Ferrara e la Valpadana – Celati non auspica un ritorno ai valori religiosi tradizionali. Propone piuttosto la sua arte come un ponte verso l’ignoto, la testimonianza di una mancanza profondamente sentita da esseri umani di diverse classi sociali e provenienze nazionali – anche se quasi tutti loro (lo scrittore, forse, incluso) non siano in grado di identificare di che cosa sono stati testimoni e tanto meno identificare questo qualcosa con precisione.

19 Dei tre scrittori considerati qui, Gesualdo Bufalino è colui che si definisce più facilmente scrittore religioso. Negli scritti di Bufalino l’io parlante non è mai secondario come nella narrativa di Celati. Tanto meno riesce un co-investigatore tutt’altro che disinteressato e magari colpevole anche lui come negli scritti di Tabucchi. Al contrario, i narratori bufaliniani sono sempre delle presenze fortissime che manipolano il testo e i lettori per fini particolari determinati dall’autore. I lettori di Bufalino si trovano perciò forzati da narratori energici e insistenti ad affrontare direttamente e ripetutamente questioni di grande importanza quali l’esistenza di Dio e le possibilità umane di raggiungere uno stato autentico di grazia. Gli scritti di Bufalino sono altamente teatrali, perfino melodrammatici, caratterizzati da un lessico ricchissimo e pieni di metafore spesso azzardate – eccessivi, perciò, in tutti i sensi. Ma è anche evidente che una tale prosa trasgressiva e ai limiti dell’ostilità è analoga all’atteggiamento trasgressivo di questo autore nei confronti della fede religiosa. L’atteggiamento blasfemo di Bufalino è quello di un credente, ex-credente, oppure para-credente. È stato suggerito che Bufalino è ossessionato dalla “sacralità della parola” (Acunti, citato in Spunta, p. 299). Ma è anche uno che diffida di, e forse detesta, tutto ciò che è sacro: non solo la parola sacra della Bibbia e del discorso tradizionale religioso, ma anche le parole che si sente costretto a scrivere lui stesso.

20 Sarebbe possibile elencare altri scrittori italiani delle ultime generazioni che fanno parte di questo ritorno a un “senso del religioso” – uno sarebbe il “cannibale bianco” Giulio Mozzi, i cui scritti sono ben noti al collega e organizzatore di questo convegno Alain Sarrabayrouse – ma i lavori di Tabucchi, Celati, e Bufalino documentano sufficientemente la svolta in questa direzione dalla parte almeno di questi tre scrittori importantissimi per la narrativa degli anni ‘80, ‘90 e oltre. In aggiunta alla posizione importante di questi argomenti religiosi in senso lato nei loro scritti, Tabucchi, Celati e Bufalino condividono anche altre posizioni artistiche e intellettuali. Una è il loro rifiuto

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della Storia come metanarrativa, la loro diffidenza per asserzioni che la storia proceda in una direzione specifica. Un’altra è il senso di impaccio o sconforto che sperimentano a proposito dei propri scritti, specialmente quando trattano argomenti religiosi come quelli che ho cercato di documentare. Infine, in tutti questi scrittori c’è un vivo senso dei limiti del rappresentabile e della quasi impossibilità di fare altro che alludere al vero oggetto delle loro meditazioni. I filosofi e altri scrittori menzionati all’inizio di questo intervento descrivono Dio come mancanza o assenza. Per parte loro, Tabucchi, Celati, e Bufalino dirigono l’attenzione dei loro lettori all’ineffabile o l’indicibile che sta dietro o fuori o comunque dall’altra parte dei loro racconti. Secondo Celati nel suo racconto I lettori di libri sono sempre più falsi, la funzione delle parole nelle comunicazioni normali è di “sbarrare il passo ad un’apparenza estranea e senza facoltà di parola che spuntava là fuori” (Celati, 1987, p. 88) – un’apparenza che le sue parole cercano nondimeno di rendere misteriosamente presente. Le tante conclusioni inconclusive di Tabucchi, le attività non rivelate ai lettori di molti dei suoi personaggi suggeriscono che anche nel suo mondo immaginario ci siano certe presenze che lui, come Pereira davanti al suo inquisitore, preferirebbe non indicare direttamente. Anche Bufalino è sensibile ai limiti delle sue creazioni artistiche, limiti che lo fanno soffrire, come dice egli stesso con un’espressione caratteristicamente forte, dal “dubbio, scrivendo, di castrarsi irrimediabilmente, costringendosi a comprimere fra due costole di libro un magma infinito” (Bufalino, p. 6). Questo magma, vorrei suggerire in conclusione, non è altro che l’assenza/presenza, mancanza/infinito descritta da scrittori come Natoli, Vattimo, Gentiloni ed Eco, che costituisce il senso percepibile anche se non descrivibile “del religioso” (cfr. Parmeggiani, passim).

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AUTORE

CHARLES KLOPP Ohio State University

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Un refus fasciné – L’ambivalence du religieux chez Tabucchi

Fabrice De Poli

1 Quand on lui demande quels livres il emporterait sur une île déserte, Tabucchi répond : « L’un de ceux-là, bien que je sois agnostique, serait, sans aucun doute, les Évangiles […], livre mystérieux, indéchiffrable même » (AE, p. 82)1. Quelle place peuvent prendre dès lors la religion et le religieux chez un auteur non religieux mais fasciné par les mystères et notamment par le plus grand de tous ? Si Tabucchi, qui se définit tour à tour agnostique, sceptique ou non croyant, récuse le dogmatisme religieux, il n’en construit pas moins des personnages travaillés par la question du sens et des récits de quête suffisamment ambigus pour susciter (comme il le suggère lui-même) une lecture spiritualiste, d’autant que se multiplient, précisément dans les récits les plus centrés sur la question du sens, les références religieuses.

2 Une des caractéristiques de l’œuvre tabucchienne est de rappeler continûment le caractère fondamentalement mystérieux de la vie. Tabucchi parsème dans ses textes des interrogations métaphysiques sur un hypothétique sens ou ordre des choses. Les questions sont parfois sans point d’interrogation chez lui parce qu’elles n’attendent pas de véritable réponse (« Come vanno le cose. E cosa le guida. Un niente2 » – PE, p. 71). L’homme, pour Tabucchi, est incapable de connaître l’ordre des choses et parfois même incapable de savoir si ordre il y a (« ma le cose hanno un ordine? » se demande le narrateur de Voci portate da qualcosa, impossibile dire cosa – AN, p. 20). Quand les personnages tabucchiens affirment l’existence d’un sens, ils dénoncent aussitôt les prétentions des hommes à pouvoir le comprendre3. L’histoire du XXe siècle marquée, comme l’explique notre auteur, par les désastres humains et le triomphe du relativisme dans les sciences, fait du scepticisme « la plus saine des attitudes à avoir dans un monde comme le nôtre » et conduit à une méfiance de principe par rapport aux « systèmes fondés sur des croyances et des convictions arrêtées » (AE, p. 133). Cette méfiance se traduit notamment par une critique du dogme religieux, critique d’autant plus incisive qu’elle est exprimée par des personnages liés de près à l’institution religieuse. Le prêtre du premier roman de Tabucchi, Piazza d’Italia (1975), est un prêtre socialisant qui

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s’attaque aux dogmes en eux-mêmes, dans un chapitre intitulé Il Vangelo secondo Don Milvio : “Verrà il giorno”, diceva, “in cui non esisteranno più dogmi, perché non ce ne sarà più bisogno. Don Milvio detestava i dogmi, che trovava anticaritatevoli. Amava la religione alla stessa maniera dell’idraulica, e gli piaceva vederne chiaro tutti i meccanismi”. (PI, p. 65)

3 Son exigence de rationalité l’amènera dans la dernière partie de sa vie à rompre avec l’institution religieuse et à renoncer à la prédication pour vivre en ermite silencieux – la rupture s’opère symboliquement lorsqu’il déchire la feuille sur laquelle il recopiait une épître de saint Paul (parangon de prédicateur chrétien) aux Corinthiens. L’unique assertion que les villageois soutireront à Don Milvio est une critique sans nuances du dogme de l’infaillibilité papale : « l’infallibilità del papa non è più un dogma e chi ci crede è bischero » (PI, p. 116).

4 Le roman Sostiene Pereira propose à nouveau un prêtre anticonformiste, « padre António » ; il refuse de confesser Pereira et préfère une discussion « come amici » (SP, III, p. 19) ; surtout, il fustige le Vatican pour ses positions franquistes lors de la guerre d’Espagne (SP, XIX, p. 146-147). La critique de la religion instituée est plus nette encore à travers les doutes du personnage principal, Pereira, un « buon cattolico » qui cependant n’accepte pas le dogme de la résurrection de la chair (SP, I, p. 8) et récuse la culpabilité fondamentale de l’être humain, préférant trouver des réponses rationnelles à ses troubles intérieurs en se confiant non plus au père António, mais à un médecin, le « dottor Cardoso » : Il fatto che lei abbia studiato psicologia mi incoraggia a parlare con lei, disse Pereira, forse farei meglio a parlarne con il mio amico padre António, che è un sacerdote, però forse lui non capirebbe, perché ai sacerdoti bisogna confessare le proprie colpe e io non mi sento colpevole di niente di speciale, eppure ho desiderio di pentirmi, sento nostalgia del pentimento. (SP, XVI, p. 121)

5 Les personnages de Don Milvio, padre António et Pereira illustrent une attitude ambivalente par rapport à la religion : d’un côté ils participent à la vie de l’institution (comme officiants ou comme pratiquants), de l’autre ils en contestent certains dogmes et manifestent une exigence de rationalité étrangère au dogmatisme4. Ce tiraillement entre l’attrait pour les questions spirituelles et l’exigence de raison se manifeste dans la psyché de certains personnages tabucchiens mais aussi dans la confrontation des personnages entre eux. Dans Sostiene Pereira, le jeune Monteiro Rossi évoque son éducation « un po’ all’inglese, con una visione pragmatica della realtà » et déclare ne pas s’intéresser au problème de la résurrection que lui pose Pereira, lequel à l’inverse tressaille et se trouve réconforté à la simple énonciation du mot « anima » (SP, IV, p. 30-31). On notera que Pereira voit dans Monteiro une image de lui-même à ses temps de jeunesse5 ; Tabucchi propose donc une opposition entre une position pragmatique et une position spiritualiste à travers deux personnages dont il souligne par ailleurs la parenté profonde : n’est-ce pas là un indice supplémentaire que ce dualisme est profondément ancré en une même personne, l’auteur ? Dans Notturno indiano, l’étrange dialogue entre Roux, le narrateur homodiégétique, et un vieil Indien jaïniste met en relief une opposition analogue (NI, p. 41-42). L’Indien s’étonne d’avoir si souvent entendu en Angleterre les adverbes « actually » et « practically » et voit dans ces tics langagiers des signes d’orgueil, de cynisme ou bien de peur – dire « actually », « en vérité », sous-entendrait qu’on connaît la vérité ; dire « practically », « pratiquement », conduirait à ramener tout discours au monde pratique, comme si était implicitement

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niée ou crainte la dimension du mystère, de l’esprit. Le narrateur reconnaît qu’il est lui- même sujet à la peur (« comunque nel mio caso è praticamente paura ») ; la confession est d’autant plus importante que Tabucchi, lors d’une interview, s’est explicitement identifié à son personnage : « l’io narrante di Notturno indiano, che per tutto il libro dice “io”, sono io, o lo sono stato in un determinato momento della mia vita » (CT, p. 37).

6 En rappelant continûment le mystère des choses et l’ignorance des hommes, Tabucchi sape les dogmes de tout poil, que ces dogmes soient religieux ou qu’ils nient la religion. Ainsi, la « lettre » Il fiume du recueil Si sta facendo sempre più tardi exprime le refus patent d’une pensée niant la possibilité d’un au-delà de notre monde sensible. Tabucchi explique qu’une des sources d’inspiration de son texte est une Ennéade de Plotin « dove si legge di un fiume infinito che è insieme Principio e Assenza, emanazione primordiale e impossibilità di determinazioni misurabili » (SF, p. 226). Le narrateur y évoque, entre autres lieux, une taverne en Grèce où il vit une photographie de la tombe de l’écrivain nihiliste Nikos Kazantzakis dont l’épitaphe le bouleverse profondément : « Non credo a niente. Non spero in niente. Sono un uomo libero » (SF, p. 27-28). Il précise que c’est justement à cause de cette phrase qu’il a décidé de s’arrêter devant une petite église de campagne « quasi che [cercasse] lì qualcosa che si potesse opporre a quelle parole superbe che mi terrorizzavano » (et l’on retrouve ici la peur évoquée dans Notturno indiano). Tout comme l’adverbe « actually » constituait pour le jaïniste de Notturno indiano « una parola che indica superbia » (NI, IV, p. 41), les mots de Kazantzakis sont des mots « d’orgueil » : ils affirment le néant quand, pour un agnostique comme Tabucchi, ne peut s’affirmer que le mystère. Tabucchi se montre allergique à toutes les affirmations absolues ; le jaïniste de Notturno indiano, qui est croyant, égratigne aussi bien le pragmatisme que la religion : la sienne tout d’abord, qu’il considère « molto bella e molto stupida » (NI, IV, p. 40), la religion chrétienne, ensuite, quand il qualifie les Évangiles de livre « pieno di superbia » (ibidem, p. 42), précisant qu’il fait allusion au Christ – probablement parce que Jésus, dans les Évangiles, se proclame Fils unique de Dieu.

7 Si Tabucchi renvoie dos à dos les tenants du pragmatisme et les religieux dogmatiques, son scepticisme nourrit cependant, à travers l’histoire et la quête de plusieurs personnages, l’interrogation insistante sur le mystère – non révélé – de l’existence. Pereira est obsédé par la question de la mort et de la résurrection (SP, I, p. 7-8), Roux dans Notturno indiano lit des auteurs mystiques ( NI, VI, p. 57), Spino dans Il filo dell’orizzonte s’interroge sur « le infinite combinazioni della vita » (FDO, p. 48), cherche un « niente […] che dia significato a tutto » (p. 71) et quand un prêtre lui demande pourquoi il recherche avec tant d’insistance l’identité d’un mort inconnu, il répond : « Perché lui è morto e io sono vivo » (p. 46), comme si le fait même d’être vivant imposait le questionnement métaphysique. Les protagonistes de Notturno indiano et du Filo dell’orizzonte recherchent des personnes elles-mêmes sujettes aux questionnements métaphysiques voire religieux : le mort du Filo dell’orizzonte avait passé deux mois dans un couvent à discuter et à lire beaucoup avec les moines (FDO, VIII, p. 45) ; l’ami recherché dans Notturno indiano, Xavier, ne trouvait plus d’intérêt que dans la Théosophie (NI, I, p. 21).

8 Qualifier la quête de personnages tabucchiens, comme Roux ou Spino, est entreprise délicate car l’écriture tabucchienne est volontiers ambiguë, allusive, autorisant ainsi plusieurs interprétations des récits les plus centrés sur la question du sens. Tabucchi est bien conscient de cette ambiguïté, comme en témoigne sa réflexion critique sur le final du court roman Il filo dell’orizzonte et ses multiples possibilités interprétatives6, ou

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comme l’indique une nouvelle unique en son genre, La frase che segue è falsa. La frase che precede è vera, publiée en 1987 dans le recueil I volatili del Beato Angelico, trois ans après Notturno indiano. Cette nouvelle présente une correspondance entre « Antonio Tabucchi », auteur de Notturno indiano, et un Maître de Théosophie indien qui aurait inspiré un personnage du roman. Chacun des correspondants propose sa propre interprétation de Notturno indiano. Le Maître de Théosophie pense que Tabucchi a voulu développer consciemment des thématiques tirées de la gnose ; il récuse ainsi les interprétations « occidentales » qui ont été faites du roman tabucchien : Era evidente che la critica occidentale non poteva interpretare il suo libro se non in una maniera occidentale. […] Ma io sospetto che lei volesse dire altre cose; e sospetto anche che quella sera a Madras quando mi confessò di non conoscere affatto il pensiero induista, lei, per una ragione che ignoro, stesse mentendo (dire menzogne). Credo infatti che lei conosca il pensiero gnostico orientale e anche i pensatori occidentali che hanno intrapreso il cammino della gnosi. (VBA, p. 45)

9 On retrouve dans ce portrait de l’auteur de Notturno indiano la même ambiguïté qui caractérise le narrateur, Roux, quand on lui demande de définir la nature de sa quête et de ses intérêts : d’un côté, il se déclare catholique mais précise que « tutti gli europei sono cattolici » et dit faire un pèlerinage « ma non nel senso religioso del termine », de l’autre il hésite à dire qu’il n’est pas gnostique et affirme qu’il a « qualche curiosità », curiosités qui l’ont amené à lire de grands auteurs ayant traité du mysticisme (« Swedenborg […], Schelling, Annie Besant » – NI, VI, p. 57) ! Il semble que Tabucchi, à travers un personnage comme Roux ou une nouvelle comme La frase che segue è falsa. La frase che precede è vera, veuille brouiller les cartes et laisser son lecteur dans l’incertitude – le titre même de cette nouvelle suggère d’ailleurs le refus d’affirmer la primauté d’une interprétation sur une autre. Tabucchi joue avec son lecteur ; son personnage d’écrivain, « Antonio Tabucchi », écrit dans ses lettres que les écrivains sont « di solito persone poco fidate » et que lui-même mérite « la massima sfiducia » (VBA, p. 47). Si, d’un côté, le personnage « Antonio Tabucchi » récuse dans ses lettres au Maître de Théosophie la « profondità religiosa » (ibidem) qu’on veut bien prêter à son roman, force est de constater, de l’autre, que le Maître, probable créature fictive de notre auteur, donne une interprétation religieuse de Notturno indiano tout à fait persuasive. Au bout du compte, Tabucchi autorise pour son roman aussi bien une lecture « occidentale » (attentive au thème du double) qu’une lecture « orientale » (sensible à la dimension religieuse), d’une part en affirmant clairement que la valeur de son roman est liée aux possibilités d’interprétation qu’une « anima vasta » peut y trouver7, d’autre part en offrant des clés pour une lecture spiritualiste de Notturno indiano.

10 Le Maître de Théosophie de La frase che segue è falsa. La frase che precede è vera explique, en citant des écritures sacrées orientales, que la recherche de l’autre dans Notturno est en réalité une recherche de soi qui débouche sur une recherche du Soi : en trouvant dans la figure de son double une image de soi-même, c’est l’être universel que le personnage trouve en l’autre et en lui-même, découvrant que « non c’è reale differenza fra l’essere in me e la totalità universale » (VBA, p. 48). Cette analyse vaut aussi bien pour Notturno indiano que pour Il filo dell’orizzonte, publié deux ans plus tard, en 1986. Spino dans Il filo dell’orizzonte cherche l’identité d’un mort ; Roux dans Notturno indiano recherche un ami disparu. Dans les deux cas, la personne recherchée est progressivement présentée comme le double du protagoniste. Spino ressemble physiquement au mort (« con la barba e venti anni di meno potresti essere tu » lui dit sa fiancée – FDO, V, p. 32) et devant une vieille photo de famille de ce mort, il lui semble

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retrouver un passé enfoui au fond de sa mémoire. Dans Notturno indiano, une série de précisions permettent progressivement d’identifier le protagoniste qui ressemble à l’ami recherché (ressemblance physique – NI, II, p. 25 –, surnom équivalent – III, p. 36 ; XI, p. 91 –, lien de fraternité ambigu – VIII, p. 78) si bien qu’au dernier chapitre le lecteur ne sait si Roux voit enfin l’ami recherché, s’il se voit lui-même dans une sorte de miroir, ou s’il raconte à la femme qui l’écoute le récit purement fictif d’une rencontre avec le double. Spino et Roux recherchent une personne qui leur ressemble mais qui dans le même temps semble, sous la plume de Tabucchi, n’être personne : le mort du Filo dell’orizzonte s’appellerait (personne dans le roman n’est sûr de son identité) Carlo Nobodi (évoquant l’adverbe anglais nobody, personne) ; Xavier, l’ami recherché par Roux, signe ses lettres par un « X » et Roux, en rêve, tandis qu’il se trouve dans un couvent chrétien, voit un mystérieux personnage lui crier ce qui semble bien être la vérité profonde de sa recherche : « Xavier non esiste » (NI, VIII, p. 78). La recherche de l’autre s’avère dans les deux romans comme une recherche d’identité essentielle, une recherche de soi qui semble dans le même temps recherche de personne (de « X », de « nobody »), suggérant qu’elle est recherche du « Soi » qui habite en chacun. Le Maître de Théosophie de La frase che segue è falsa. La frase che precede è vera rattache cet effet de miroir procuré par la vision d’un autre soi-même à cette philosophie religieuse qu’est le taoïsme : Prendiamo dunque uno specchio in mano e guardiamo. […] Ci guarda da fuori ma è come se ci frugasse dentro, la nostra vita non ci è indifferente, ci intriga e ci turba come quella di nessun altro: i filosofi taoisti la chiamarono lo sguardo ritornato. (VBA, p. 46)

11 Cette analyse tabucchienne vaut pour Notturno indiano (le thème du miroir y apparaît d’ailleurs plusieurs fois – NI, I, p. 17-18 ; V, p. 49 ; XII, p. 106) mais aussi pour Il filo dell’orizzonte et surtout pour tous les récits ou passages fondés sur la thématique parente du « rovescio » à partir de laquelle Tabucchi élabore tout un recueil, Il gioco del rovescio. La nouvelle qui donne son titre au recueil se termine par une évocation du miroir placé au fond du fameux tableau de Vélasquez, Las Meninas, et par une question que le narrateur adresse à une amie défunte : « Che cosa si vede da questa parte? » Ce regard « inversé », qui permettrait au narrateur de se voir d’en haut ou de savoir comment il est vu, est utilisé également dans le recueil Sogni di sogni (dans le Sogno di Giacomo Leopardi, pœta e lunatico, Leopardi se dédouble et se voit, depuis la lune, dormir dans sa chambre – SDS, p. 45-46) et dans Sostiene Pereira où le regard inversé n’est pas celui d’une défunte mais l’hypothétique regard de Dieu : alors qu’il danse avec une jolie jeune fille, Pereira se sent minuscule, « confuso con l’universo », il imagine ce qu’on pourrait voir de lui depuis le ciel (« C’è un uomo grasso e attempato che balla… ») et se demande si, de là-haut, on le regarde (« e forse qualcuno ci guarda da un osservatorio infinito » – SP, p. 28-29).

12 La possibilité d’une lecture spiritualiste de certaines œuvres tabuchiennes est d’autant plus forte que Tabucchi multiplie les références religieuses précisément dans les récits centrés sur la quête de sens. Dans Il filo dell’orizzonte, un chapitre entier est consacré à une « gita domenicale » consistant en une visite des églises romanes de la zone (FDO, VIII, p. 41-48). L’évocation de ce lieu religieux (avec l’« immagine votiva » devant laquelle le bus s’arrête, la pierre commémorative et les « quadretti votivi » dans l’église qui rappellent les miracles de la Madonne) ainsi que la discussion de Spino avec un prêtre sur la mort et le destin tendent à renforcer le caractère spirituel de la recherche menée par le protagoniste (dont Tabucchi nous dit par ailleurs que le nom peut être lu comme

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un diminutif de Spinoza – FDO, p. 107). Spino et le prêtre se rapprochent en outre par le fait d’avoir une « pietà » commune et un besoin de sacré explicité ailleurs par Tabucchi : C’est un livre qui, malgré son caractère laïque, reflète sans doute la nécessité d’un sentiment de piété envers les restes mortels. […] Spino, qui n’est pas croyant en apparence, ressent le besoin de donner une sépulture au corps d’un inconnu, avec ce sens du sacré, aujourd’hui perdu, que réclame le cadavre. (AE, p. 214)

13 On trouverait plus largement beaucoup de signes religieux dans ce court roman comme l’image du clocher qui apparaît quatre fois, souvent de manière inattendue8, ou le cimetière dans lequel Spino a un rendez-vous mystérieux avec quelqu’un qui ne viendra, près d’un monument où sont sculptés une chouette et un ange ; là, il voit une inscription tombale et comprend que « qualcuno » l’a mystérieusement poussé à la lire – et l’inscription (« Muore il corpo dell’uom, virtù non muore ») sonne comme un avertissement religieux (d’autant que « virtù », dans un sens ancien, pouvait signifier « miracolo »).

14 La dimension religieuse de Notturno indiano se signale avant tout par le choix des personnages rencontrés, dont la plupart représentent une religion différente : sont ainsi représentées le sikhisme, l’hindouisme, le jaïnisme, le christianisme et la théosophie. Surtout, ces rencontres, et notamment les rencontres avec des personnes religieuses, vont orienter la recherche de Roux vers la spiritualité : il apprend d’abord la vanité de la recherche scientifique (avec la figure d’un médecin indien, athée, qui voulut percer le secret du cœur, entendu comme organe – médecin qui dit s’appeler Ganesh, comme la divinité hindoue – chapitre II) ; Roux apprend ensuite que le corps n’est qu’un véhicule (avec le jaïniste – chapitre IV), que le corps cache une réalité intérieure mystérieuse (avec le Maître de Théosophie – chapitre VI) ; plus tard, avec un devin difforme qui lit par-delà les apparences (chapitre VII) il apprend, fasciné, que cette réalité intérieure est l’atma (l’âme) opposée à Maya (l’apparence du monde, l’illusion) et au karma (la somme de nos actions). Enfin, dans un couvent chrétien (chapitre VIII), un personnage, en rêve, l’oblige à reconnaître que le véritable objet de sa recherche n’est pas Xavier. Le roman se présente ainsi comme une initiation progressive à des mystères proprement mystiques. Le récit, outre qu’il constitue un écho aux voyages initiatiques que de nombreux occidentaux vont mener en Inde à partir des années Soixante, rappelle également, par la variété des religions « sollicitées » et l’importance thématique donnée à la Théosophie, le désir de syncrétisme typique du New Age ou « Nouvel Âge », mouvement spiritualiste et mystique né au XXe siècle et prônant la valeur intrinsèque de toutes les religions.

15 La thématique de la mort est également connotée dans le roman ; si Roux est confronté à des symboles ou des représentations de mort (des corbeaux mangeurs de cadavres – au chapitre III –, la photo d’un homme à peine touché par une balle mortelle – au chapitre XII), les hommes qui illustreront cette thématique sont liés à la religion : le jaïniste, qui souligne que le corps n’est que le véhicule d’une essence appelée à vivre d’autres vies, déclare qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre et qu’il s’en va mourir à Bénarès (NI, IV, p. 42-43) ; dans une salle d’hôpital, Roux est frappé par la vision d’un « sâdhu », un ascète errant, lequel, bien qu’ayant les yeux grands ouverts, « sembrava morto » (NI, II, p. 29-30). Dans ce contexte aux fortes connotations religieuses, le nom du dernier personnage rencontré, Christine, n’est peut-être pas innocent, surtout quand on connaît la charge symbolique des prénoms chez Tabucchi – rappelons que les femmes associées au mystère et à la mort portent chez lui souvent des noms à

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consonance religieuse : « Maria » et « Miriam », dérivés de l’hébreu « Maryam » ; « Maddalena » et « Magda », dérivés de l’hébreu « Magdalene »9.

16 Les personnages tabucchiens les plus assoiffés de connaissance recourent donc, à leur manière, à des figures religieuses. Dans la nouvelle Il fiume, c’est dans une petite église toscane où l’attend, à sa grande surprise, une mystérieuse vieille femme, que le narrateur va chercher une lumière. Là, un rayon de soleil vient battre contre une carte de l’univers où est inscrite une citation dantesque : « ma per seguir virtute e canoscenza » (SF, p. 30). La nouvelle se termine sur l’image du fleuve plotinien dont l’auteur nous dit en note qu’il est « insieme Principio e Assenza » (SF, p. 226).

17 L’œuvre de Tabucchi manifeste un rapport problématique à la religion et au religieux qui nous semble typique des sociétés occidentales modernes, marquées depuis les Lumières par un déclin constant de l’institution et des dogmes religieux mais travaillées dans le même temps par le manque de sens et la question, toujours vivante, du mystère. Il n’est pas étonnant dès lors de trouver chez d’autres artistes occidentaux du XXe siècle un rapport au religieux aussi ambigu que celui de Tabucchi. , autre romancier et nouvelliste se déclarant non croyant, exprima également dans son œuvre un anticléricalisme latent doublé cependant d’une fascination pour la question du mystère et de l’au-delà10. Federico Fellini, pour le cinéma, fit pareillement montre d’anticléricalisme dans une œuvre traversée pourtant par un sentiment religieux, comme nous l’explique de manière emblématique le personnage du metteur en scène dans 8½, Guido Anselmi, double de son auteur : il protagonista della mia storia ha avuto un’educazione – come tutti noi del resto – cattolica, che gli crea certi complessi, certe esigenze non più sopprimibili. Un principe della Chiesa gli appare come il depositario di una verità che non riesce più ad accettare benché lo affascini. E allora cerca un contatto, un aiuto, forse una folgorazione. (8½, 56e minute)

18 Cette contradiction entre le doute et l’espoir, entre le refus d’accepter une réponse religieuse à la question du mystère et la fascination pour cette (im)possible réponse, correspond pleinement aux personnages tabucchiens que nous avons évoqués : c’est au nom de la vérité qu’ils récusent les prophètes, trop humains ; c’est par soif de vérité qu’ils cherchent un « contact », une « aide », désespérément.

BIBLIOGRAPHIE

Romans, recueils et interviews de Tabucchi :

AA : Autobiografie altrui: poetiche a posteriori, Milano, Feltrinelli.

AE : TABUCCHI Antonio, GUMPERT Carlos, L’atelier de l’écrivain, conversations avec Antonio Tabucchi, Genouilleux, La passe du vent, 2001.

AN : L’angelo nero [1991], Milano, Feltrinelli, 2005.

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CT : Conversazione con Antonio Tabucchi: dove va il romanzo?, Roma, Omicron, 1985.

FDO : Il filo dell’orizzonte [1986], Milano, Feltrinelli, 2006.

NP : Notturno indiano [1984], Palermo, Sellerio, 1986.

PE : Piccoli equivoci senza importanza [1985], Milano, Feltrinelli, 1989.

PI : Piazza d’Italia [1975], Milano, Feltrinelli, 2005.

SP : Sostiene Pereira, Milano, Feltrinelli, 1994.

SF : Si sta facendo sempre più tardi, Milano, Feltrinelli, 2001.

TM : Tristano muore [2004], Milano, Feltrinelli, 2006.

VBA : I volatili del Beato Angelico [1987], Palermo, Sellerio, 2005.

SDS : Sogni di sogni [1992], Palermo, Sellerio.

Autre :

BELLASPIGA L., “Dio che non esisti ti prego” – Dino Buzzati, la fatica di credere, Milano, Ancora, 2006.

NOTES

1. Les références bibliographiques des ouvrages cités ainsi que le code attribué à chacune d’entre elles sont indiqués à la fin de l’article. Toutes les citations sont de Tabucchi ; elles sont tirées soit de ses livres, soit d’interviews publiées. Pour les citations tirées des romans, le numéro des chapitres a été indiqué en chiffres romains. 2. Cette double interrogation métaphysique constitue l’incipit de la nouvelle Anywhere out of the world du recueil Piccoli equivoci senza importanza (PE, p. 71) et se trouve reprise quinze ans plus tard dans le recueil Si sta facendo sempre più tardi où Tabucchi l’utilise dans la « lettre » Il fiume (SF, p. 27) et pour l’incipit de Forbidden games (SF, p. 41). 3. À l’image du protagoniste de Tristano muore : « Chi la conosce la malizia della materia? Gli scienziati? Voi scrittori? Potete conoscere i meccanismi delle cose, ma il loro segreto non lo conosce nessuno. » (TM, p. 15) 4. On pourrait retrouver une ambivalence voisine chez le personnage du docteur Cardoso qui, pour expliquer les tourments et atermoiements de Pereira, recourt à la théorie de la « confederazione delle anime », usant ainsi d’une notion, l’âme, qui renvoie non pas à la psychologie mais à la religion. 5. « Gli sembrò di riconoscersi in quel giovanotto, gli sembrò di ritrovare il se stesso dei tempi di Coimbra, perché in qualche modo gli assomigliava. » (SP, III, p. 21) 6. Voir l’analyse de Tabucchi sur son propre roman : Ma cosa ha da ridere il signor Spino?, in Autobiografie altrui: poetiche a posteriori. 7. S’adressant au Maître de Thésophie, le personnage « Antonio Tabucchi » écrit : « Lei conferisce al mio piccolo libro, e dunque alla visione del mondo che da esso traspare, una profondità religiosa che non credo, purtroppo, di possedere. Ma, come dice il poeta che entrambi conosciamo, “tutto vale la pena se l’anima non è angusta”. E dunque il mio libro vale la pena, non tanto in sé, ma per quello che un’anima vasta riesce a leggervi. » (VBA, p. 48) 8. « Di lassù si vede […] il campanile rosato di una chiesa stretta fra muri e case, invisibile da altri punti, insospettata » (FDO, II, p. 13) ; « All’improvviso il campanile rosa e bianco è sbucato tra i lecci » (VIII, p. 43). Voir aussi : XIV, p. 73 et XIX, p. 97.

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9. La défunte à l’identité plurielle s’appelle « Maria » dans la nouvelle Il gioco del rovescio ; la femme qui disparaît et laisse le personnage dans la peine s’appelle « Miriam » dans Rebus (in Piccoli equivoci senza importanza) ; la femme aimée de tous et qui à la fin de la nouvelle, telle Charon, semble conduire les amis dans l’au-delà s’appelle « Maddalena » dans la nouvelle Piccoli equivoci senza importanza ; la femme qui eut « un ruolo d’amore » dans la nouvelle Voci portate da qualcosa, impossibile dire cosa du recueil L’angelo nero (p. 24) et qu’on retrouve dans Notturno indiano (III, p. 36) s’appelle « Magda ». 10. Nous renvoyons pour cette question à l’ouvrage éclairant de Lucia Bellaspiga, “Dio che non esisti ti prego” – Dino Buzzati, la fatica di credere, Milano, Ancora, 2006, p. 222.

AUTEUR

FABRICE DE POLI Université de Haute-Alsace, Mulhouse

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Riscrivere i Vangeli tra eclissi e ritorno del sacro: sei riscritture italiane dei Vangeli

Elisabetta Lo Vecchio

1 Per comprendere a pieno il ruolo che la religione ha nella cultura italiana della fine del Novecento, e, più in specifico, nella narrativa, proporrei una definizione del “senso del religioso” partendo dal concetto di religiöse Sinn dell’idealismo tedesco, come dimensione essenziale della natura umana, anche là dove, vedi l’ateismo della modernità, tale dimensione è negata. L’uomo è homo religiosus, così com’è stato messo in evidenza da Rudolf Otto. Anche nell’epoca della presunta emancipazione dal sacro, l’uomo si pone sempre a confronto con la religione in positivo come in negativo. Non è, quindi, un caso che proprio negli anni in cui la cultura italiana si crede libera dal giogo della vetusta metafisica e della religione, di fronte al rinnovarsi della Chiesa post- conciliare, in campo letterario persista la presenza della religione come tema. La figura e l’opera di Mario Pomilio sono sicuramente, da questo punto di vista, esemplari. Così negli Scritti cristiani (1979) egli oppone al “dogmatismo del rifiuto” dei “settori non cristiani” il “liberatorio discorso sul Cristo”, che tiene, invece, accese le esigenze metafisiche e gli interrogativi intorno al senso dell’esistenza […], lascia aperto il versante della problematicità, e con ciò stesso introduce in una storia tutta dominata dai vari scientismi e dai vari materialismi un reattivo che porta a salvamento ciò che è irrinunciabile, l’uomo stesso, l’uomo come senso, come valore, come fine1.

2 “Le esigenze metafisiche” sono per Pomilio parte stessa dell’essenza dell’uomo, la cui rinuncia porta a conseguenze ben poco gaie, per non dire tragiche. La storia degli ultimi venti anni sembra avergli dato ragione: il ritorno del sacro in forme violente e prevaricatrici è proprio il segno di questo legame imprescindibile che vincola l’uomo al bisogno di trascendenza.

3 Cosa significa dunque riscrivere il Vangelo tra il trionfo della secolarizzazione e il ritorno del sacro? Ricercare un senso perduto, un’identità perduta? La ricerca di senso attraverso forme e strutture dell’immaginario preesistenti, come può essere il Vangelo

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o il mito, è una strada già percorsa nella storia della letteratura. Il Cristo secolarizzato si presta fortemente a un’interpretazione in prospettiva antropologica. Per Cristo secolarizzato intendiamo il Cristo frutto di una progressiva de-sacralizzazione, il Cristo non più vere homo et vere Deus, ma l’archetipo dell’uomo inabitato da Dio e il Cristo pasoliniano tantum homo maestro di saggezza. La ricerca di questa presenza di Dio nella coscienza come ricerca del vincolo originario tra l’uomo e Dio è, appunto, l’elemento che fa di Gesù l’immagine paradigmatica dell’uomo alla ricerca di senso. Il Cristo secolarizzato è Figlio di Dio, Logos incarnato, come tutti gli uomini. In questo senso la sua storia è per l’età moderna e contemporanea emblematica: Cristo è l’immagine mediatrice e risolutrice del rapporto interrotto tra l’uomo e Dio non solo sul piano dell’esistenza, ma anche su quello dell’immaginario. La sua vicenda insegna, esemplifica, più profondamente del mito, la storia dell’uomo, nelle sue cadute e nei suoi avanzamenti nei confronti di Dio, ovvero “l’uomo come senso” (ibidem, p. 62), senso e fine della creazione. Riscrivere il Vangelo significa, dunque, riscrivere la storia dell’uomo, come ricerca di senso, senso che si realizza, appunto, direbbe Schleiermacher, nella coscienza inabitata da Dio e nell’insegnamento morale di colui che prima di ogni altro, più di ogni altro, ha rappresentato l’uomo realizzato nella sua finitezza.

4 Alla luce di queste premesse i sei testi presi in esame – L’opera del tradimento (1975) di Mario Brelich, Il Quinto Evangelio (1975) di Pomilio, La Gloria (1978) di Giuseppe Berto, Getsèmani (1980) di Giorgio Saviane, La notte del lupo (1989) di Sebastiano Vassalli e Il Vangelo di Giuda (1989) di Roberto Pazzi – sono sicuramente testimonianze di questa crescente esigenza di senso in un’epoca priva di fondamento. In maniera diversa i sei autori elaborano attorno alla vicenda di Gesù una struttura narrativa che mira a ricostruire quello che Pomilio definisce come “il quinto evangelio”, fino alla denuncia dell’impossibilità di tale ricerca da parte di Pazzi. Il “quinto evangelio” è il Vangelo mai rinvenuto, e, forse, mai scritto, ma borgesianamente ricercato, è il Vangelo che ciascuno vorrebbe scrivere, il Vangelo di ciascuno. Il potenziale epico dei Vangeli è, come hanno osservato sia Borges che Pomilio, infinito. “Ciascuna generazione,” rileva Pomilio, “ha potuto avvicinarli come se si trattasse di libri appena apparsi riaprendo da capo il discorso intorno ad essi e quasi, in pratica derivandone un suo vangelo” (ibidem, p. 111). Da qui ha origine l’idea del “quinto evangelio […] il libro nascosto il quale soggiace in perpetuo ne modifica e ne amplifica il senso, trasformandone la verità in una sorta di meta mobile” (ibid.), idea, tutta moderna e ben poco cattolica, di un’ermeneutica individuale della Parola. Secondo una concezione secolarizzata della Scrittura, esso è il Vangelo di ciascuno, vale a dire il Vangelo di cui ogni individuo si appropria, dandone una versione che va a colmare, solo in parte, gli interstizi vuoti nelle pieghe del racconto canonico. Le sei riscritture prese in esame sono anch’esse parte di questo Libro, tasselli che vanno a completare il quadro inattingibile del “quinto evangelio”, “il libro dei Libri o l’Apocrifo degli Apocrifi […] perpetuamente inseguito e perpetuamente nascosto” (ibid.). A un primo sguardo ciò che più colpisce è il rilievo che tutte e sei danno a una figura che la cristianità da sempre ha tenuto ai margini della vicenda di Gesù, quella del traditore, Giuda Iscariota. L’immaginario moderno da Thomas De Quincey (XIX sec.) in poi ha riscoperto il vincolo originario tra la vicenda di Gesù e quella del suo traditore: senza Giuda non possono esservi, infatti, né Passione né resurrezione. Il male ha dunque avuto un ruolo decisivo all’interno dell’opera di redenzione: Dio ha abbandonato il Figlio sulla croce, come Giuda ha tradito il suo maestro, tutto in vista della salvezza del genere umano. Fu allora vero tradimento?

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5 L’opera del tradimento di Brelich sembra rispondere a tale interrogativo. Il romanzo è il resoconto di una meticolosa indagine poliziesca, compiuta da un celebre personaggio della letteratura noir, l’investigatore Auguste Dupin di Edgar Allan Poe, sul come e il perché del tradimento in rapporto all’opera di redenzione. Costruito su due piani temporali, l’illud tempus dei Vangeli e l’hic et nunc di Dupin, L’opera è una trasposizione secondaria in cui i Vangeli, l’ipotesto, rimangono sullo sfondo per diventare oggetto di interpretazione, mentre la diegesi si struttura come una glossa. A conclusione del romanzo l’autore inserisce una riscrittura del racconto evangelico dell’ultima cena in forma di novella, redatta dallo stesso Dupin, come a tirare le somme dell’inchiesta attraverso la messa in scena in presa diretta dell’opera del tradimento. Nello sviluppo della narrazione l’inchiesta sul tradimento si amplia fino a diventare un’inchiesta su Dio, fino all’elaborazione di una teologia che si rivela come una metafisica del male: il male, a rigor di logica secondo Dupin, è l’imprescindibile condicio sine qua non del bene, il tradimento della redenzione. Ma il discorso di Brelich non è, al contrario di quello di Berto e Pomilio, un discorso sul rapporto tra l’uomo e Dio, bensì un discorso sull’uomo, sul suo immaginario e sui suoi tabù, con forti echi freudiani e junghiani. Dio e Gesù sono qui rappresentati come proiezioni dell’inconscio collettivo, come archetipi dell’immaginario. Il conflitto in atto tra il Padre e il Figlio è la rappresentazione sul piano metafisico del dramma umano troppo umano del complesso edipico, portato a estreme conseguenze. Brelich utilizza il racconto evangelico considerandolo un mito nel senso freudiano del termine. Il sacro diventa, quindi, secondo i parametri dell’antropologia contemporanea, oggetto di studio per comprendere l’uomo e il suo rapporto con l’altro da sé, con quell’entità che l’uomo, autoalienandosi, chiama Dio, ma che, secondo quanto affermava Feuerbach, non è altro che una proiezione di se stesso. Il dramma di Giuda è appunto il dramma dell’uomo tradito da questa entità esterna che è l’uomo stesso.

6 L’attività ermeneutica che ruota attorno ai testi biblici, “infinita2”, sembra perciò diventare centrale. Ri-scrivere il Vangelo significa prima di tutto ri-leggerlo e ri- ascoltarlo, coglierne echi nascosti, re-interpretarlo attraverso la rappresentazione. In un’epoca ermeneutica come quella post-moderna, ri-scrivere il Vangelo non s’identifica più soltanto nella messa in scena della vicenda di Gesù, lasciandosi dietro le spalle il lavoro interpretativo da cui trae origine la rappresentazione, ma svelare in primis quell’attività ermeneutica, “infinita”, che produce la rappresentazione, mostrarla. È così che, come L’opera del tradimento, Il Quinto Evangelio di Pomilio è prima di tutto il racconto di una quête dell’autentico significato del messaggio di Gesù, una ricerca non solo filologica e storica ma anche esistenziale, intrapresa dall’americano Peter Bergin nelle maglie del tempo e dei testi, nell’utopico progetto di riportare alla luce il Quinto Vangelo. Dietro le quinte del romanzo troviamo il Concilio Vaticano II, come lo stesso Pomilio ha ammesso. La centralità della Scrittura riaffermata dal Concilio diventa il motore della narrazione: solo nei quattro Vangeli storici possiamo ricostruire in sintesi l’autentico messaggio di Cristo, “il quinto evangelio”. L’avventura ermeneutica di Bergin ha dunque inizio e compimento nei Vangeli. Il “quinto evangelio” non è che l’Urtext che soggiace ai quattro testi, l’insegnamento, le parole di Cristo, il Cristo stesso che è il Logos incarnato. Il dramma teatrale Il Quinto Evangelista, che va a concludere il romanzo, è appunto questa Parola che si fa carne, si fa rappresentazione. Si tratta di una transattualizzazione dei Vangeli: esso ha per protagonisti personaggi della contemporaneità, i quali, in una sala parrocchiale nel 1940, mettono in scena la Passione, assumendo ciascuno le vesti di un personaggio del Vangelo. Il dramma si

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configura pirandellianamente come una doppia messa in scena, come un dramma nel dramma, in un riflusso continuo tra l’hic et nunc della diegesi e l’illud tempus della Passione. Lo spirito pirandelliano che lo anima si palesa nel finale, con il disvelamento dell’identità dell’enigmatico personaggio del quinto evangelista, il quale non è che Cristo. Principale interlocutore di Gesù è Giuda, un Giuda rabbioso e polemico nei confronti della sua predestinazione al male. Pomilio mostra il lato umano di Giuda, dimensione che ritroveremo in seguito in Berto. Giuda rivendica con rabbia la salvezza promessa dal Cristo, e si rivolge spontaneamente all’evangelista-Gesù. Giuda è condannato non per aver tradito, ma per la sua aridità di cuore, spiega l’evangelista, agostinianamente per la mancanza di fede nella misericordia divina, in nome della diffidenza e dell’orgoglio. Proprio in Giuda si attualizza e s’incarna la condizione della società moderna nei confronti di Dio, affamata d’amore, ma incapace di corrisponderlo a sua volta. Il Cristo redivivus di Pomilio, celato dietro la maschera del quinto evangelista, ha, quindi, il compito di riportare alla luce il senso originario del suo messaggio, per riappropriarsi del ruolo di mediatore tra Dio e l’uomo, in una società, come quella contemporanea, che ha ghettizzato Dio, condizione che Pomilio negli Scritti cristiani definisce come “apartheid di Dio”. La ricerca storico-filologica del Quinto Evangelio non è altro che la riscoperta del kerygma così come Gesù lo ha dettato. Il senso perduto si manifesta finalmente in quel dialogo concitato tra Giuda, portavoce dell’umanità contemporanea, e Gesù, l’unico, in realtà, a poter scrivere il Quinto Vangelo, in quanto Verbo divenuto carne.

7 Porta al paradosso l’identificazione della Parola divina in Gesù Pazzi nel Vangelo di Giuda, romanzo in cui il mito del Quinto Vangelo si disvela come un’utopia. Parafrasando Nietzsche, per Pazzi non c’è un Urtext, ma solo interpretazioni. Ognuno offre una propria versione della Parola divina, del Cristo, in totale dissenso con le altre. È così che Pazzi elabora un romanzo polifonico a struttura polisemica, in cui la vicenda di Gesù viene narrata da più voci all’imperatore Tiberio in un collage di tre racconti che hanno esiti finali differenti. Quale versione è più attendibile? Non c’è risposta. Dietro al moltiplicarsi dei punti di vista e delle voci si cela il reale intento dell’autore, mettere in scena la scrittura nella sua essenza mortifera. La parola scritta è, infatti, un oggetto plasmabile. Ogni narratore modifica anche involontariamente la realtà degli eventi raccontati. La scrittura è, quindi, secondo Pazzi, tradimento, un tradimento più grave di quello di Giuda: l’ironia dell’autore si scaglia evidentemente contro quel potere demagogico che fa della parola scritta una minaccia alla libertà. Il Vangelo di Giuda è, rispetto agli altri testi presi in esame, un romanzo post-moderno, in cui l’autore gioca con l’archetipo letterario di Cristo, con il Cristo quale Verbo incarnato, per decostruire la storia narrata nei Vangeli, moltiplicando le voci e i finali, al fine di dimostrare il proprio assioma, la scrittura come morte. E in effetti la scrittura dei Vangeli viene dopo la morte di Cristo (d.C.). Se la Parola divina s’incarna e muore in croce non può che risorgere moltiplicandosi e contaminandosi. Pazzi risponde così all’enigma degli enigmi, perché Gesù non abbia mai scritto un suo Vangelo. “Il grande tradimento verso la vita,” scrive Pazzi, “è scrivere”3, in quanto la scrittura è sempre menzogna e falsificazione.

8 Il discorso sul rapporto tra l’uomo contemporaneo e Dio è centrale nella Gloria di Berto. La scelta del punto di vista, quello del traditore, si accorda perfettamente con l’idea derivata dal libro dell’Apocalisse della realtà della morte come autentico messaggio di Cristo. La genesi della Gloria è preceduta da un periodo di circa dieci anni, durante il quale Berto si approssima in due occasioni alla figura di Cristo: in L’uomo e la sua morte

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(1962), un testo teatrale dalla scrittura poco fluida e piuttosto retorica, e nell’atto unico con prologo La Passione secondo noi stessi (1972). La scelta del teatro come luogo per rappresentare la figura di Cristo è sicuramente indicativa, non solo per il richiamo alla tradizione dei Misteri medievali, ma, soprattutto, per l’immediatezza offerta dalla rappresentazione scenica così affine al realismo dei Vangeli. Nel personaggio centrale di L’uomo e la sua morte, il bandito Salvatore, tradito dal suo luogotenente, Berto proietta l’immagine di Gesù tradito da Giuda. Lo stesso Salvatore, poco prima di essere consegnato ai carabinieri, s’interroga sulle ragioni per cui Giuda tradì Cristo. Il dilemma della ragione autentica del tradimento ritorna in La Passione secondo noi stessi non più dal punto di vista di Cristo-Salvatore, ma da quello di Giuda. Il dramma di Giuda nasce da una profonda lacerazione tra il sentimento di amore nei confronti di Gesù e il proprio agire. La disperazione e l’angoscia del traditore animano l’ultima parte del dramma, in un crescendo di pathos fino al grido lacerante del traditore all’udire le ultime parole di Gesù sulla croce. Costruita, come Il Quinto Evangelio, su due piani temporali differenti e lontani, l’illud tempus del Vangelo e l’hic et nunc dell’oggi, La Passione mette in scena il confronto tra i personaggi della contemporaneità, un sociologo, un giurista, uno psicoanalista, e l’autore, e il racconto dei Vangeli mediante i loro personaggi, il confronto tra la società contemporanea e il messaggio di Cristo. Anche qui come in Pomilio la figura di Giuda non ha un valore meramente storico- letterario, bensì simbolico. Nel suo dramma viene, infatti, proiettata, come in Pomilio, l’immagine dell’umanità contemporanea, tragicamente condannata a non comprendere a pieno i disegni divini.

9 Nella Gloria è Giuda stesso a narrare in prima persona la propria Bildung di giovane rivoluzionario ebreo, figlio di un mercante di Gerusalemme, posto di fronte alla scoperta del valore supremo della morte, che è poi l’unico punto di vista che per Berto dia senso alla vita e stabilisca un rapporto religioso tra la vita e la morte. La tenacia con cui Gesù persegue il suo disegno di morte colpisce Giuda, come già Berto, il quale in La mia lettura dei vangeli (1966) scriveva: “La prima cosa che salta fuori evidente dalla lettura dei vangeli è la volontarietà della morte di Cristo: egli è andato alla propria morte si potrebbe perfino dire con spavalderia, con ostinazione, e almeno fino a un certo punto, con straordinaria fermezza4.” Attorno al tema della morte si sviluppa quindi il Vangelo secondo Giuda di Berto. Il messaggio apostolico di Giuda non è la vita eterna, bensì la morte come unica realtà della condizione umana. Già Pasolini, nel Vangelo secondo Matteo (1964), poneva l’accento sulla morte come realtà unica dell’essere umano. Berto conclude il suo racconto con l’immagine della crocifissione del Figlio di Dio, l’uomo, abbandonato da Dio al suo autentico destino, in quanto essere finito, in quanto creatura. Il crocifisso non è l’immagine di Dio che muore e risorge, ma la tragica scoperta di Dio come morte. L’autentica opera di redenzione è, allora, il disvelarsi della morte come unico destino dell’uomo. È questa la Gloria promessa dalle Scritture: la morte, l’oblio, il ritorno all’Uno. Giuda, e come Giuda ogni uomo, pur avendo fede in Dio, non può e non sa capire. Le parole del sedicente Dio incarnato sono misteriose ed enigmatiche, i suoi atti spesso contraddittori, e l’ombra dell’inganno si annida ovunque. Tuttavia, l’ultimo atto d’amore di Giuda è la rinuncia a se stesso e alla logica in nome della fede. Per sempre il suo nome sarà macchiato dall’infamia di un tradimento che non ha deciso di compiere, poiché parte di un oscuro progetto del suo Dio. A un livello ulteriore è possibile rileggere La Gloria non solo come una rappresentazione della tragedia dell’esistenza contemporanea, ma soprattutto come un rovesciamento parodico di tutto ciò che la tradizione cristiana dai Vangeli in poi ha

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affermato sulla vicenda di Gesù. Non è forse possibile intendere Giuda non più come il traditore per eccellenza, ma come un uomo tradito, tradito da Dio e dal suo Figlio? È dunque l’impossibilità di un confronto tra i disegni imperscrutabili di Dio e il senso di una singola e finita esistenza umana che Berto mette in scena, attraverso il punto di vista del reietto. La tragica condizione dell’uomo è rappresentata dall’incapacità di comprendere ciò che l’Eterno ha in serbo per lui, e, in primis, ciò che l’Eterno è. L’unica soluzione sembra essere paradossalmente la fede in un Dio che è pronto in ogni momento a tradire il suo unico Figlio, l’uomo.

10 L’assenza della Chiesa all’interno dei testi appena presi in esame non è certamente casuale. Tale silenzio ha il valore di un’aspra critica rivolta a un’istituzione ritenuta ormai obsoleta e fuori dallo spirito di un’epoca emancipata dai dogmi. La necessità di una fede senza Chiesa, di un Vangelo Eterno così come già affermava Lessing, è per la cultura post-moderna fondamentale. Così Giorgio Saviane in Getsèmani e Sebastiano Vassalli in La notte del lupo sembrano proporre un modello di religiosità e di fede, un “senso religioso” svincolato dalle istituzioni storiche, puramente spirituale e morale, una religione senza Chiesa. Cosa rimane del cristianesimo se non il messaggio d’amore, racchiuso nel Discorso della montagna, tanto caro a Bonhoeffer? “L’etica,” rileva Carmelo Dotolo, per la cultura post-moderna “[…] è rottura e distacco dall’attaccamento a se stesso, nell’esercizio arduo, quasi ai limiti dell’impossibile, dell’amore dell’altro e per l’altro5”. Il tema centrale di Getsèmani è appunto l’amore per l’altro, la charitas e la pietas perseguite a costo del sacrificio. È, quindi, nella figura del Cristo del Calvario che Saviane rinviene il modello di comportamento a cui conformarsi: “il dolore […],” afferma il Cristo di Saviane, “è forse l’unica emozione di Dio per essere, per sentire di esistere. Senza il dolore non sapresti della felicità6”. Al bene assoluto come amore e charitas, incarnato in un Gesù moderno, Saviane oppone il male come invidia e rancore, rappresentato paradigmaticamente dall’immagine dello storpio guarito, sul quale l’autore proietta la figura di Giuda. La scelta di Saviane di modernizzare la vicenda di Gesù, collocandola in un orizzonte temporale contemporaneo al lettore, mira ad attualizzare la figura del Figlio di Dio e il suo messaggio inteso esclusivamente in orizzonte etico. Il “cristianesimo possibile” di Saviane è, infatti, un cristianesimo senza Chiesa, e, quindi, senza sacro. Analogamente Vassalli, mediante una narrazione a focalizzazione interna nella coscienza di Giuda, oppone il messaggio originario di Gesù, rappresentato dal traditore, al messaggio del cristianesimo storico della Chiesa, erede della tradizione ebraica. Come Caino in Genesi, così Giuda è condannato a errare nel tempo imprigionato nel proprio ruolo di vendicatore, “immemore di ciò che era stato nel passato7”. L’ultima maschera da lui assunta è quella dell’attentatore di Giovanni Paolo II, il lupo grigio Alì Agca. La notte del lupo è l’eterna notte in cui il traditore si converte e ripudia il ruolo del traditore assegnatogli dai Farisei, per vendicarsi dell’autentico tradimento di Cristo che è quello degli Apostoli. Da qui inizia un’opera di evangelizzazione contraria al messaggio dei Padri apostolici della Chiesa, che trasformerà Giuda nell’eretico degli eretici, colui che si oppone a Roma. Vassalli attraverso il dramma di un Giuda immemore prigioniero del tempo – evidente il richiamo alle Tres versiones de Judas di Borges – tradito nei suoi ideali, la Torah da parte di Cristo e il kerygma da parte delle Chiesa, rappresenta l’espressione di un disagio talvolta provato dall’uomo posto di fronte al Vangelo e a ciò che la Chiesa è stata ed è. La transattualizzazione del dramma di Giuda, come la modernizzazione della vicenda di Gesù di Saviane, ha appunto la funzione di attualizzare il dialogo con il messaggio di Cristo, rendendolo presente, resuscitandolo.

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11 Ri-scrivere il Vangelo è per questi autori quindi un modo per rinnovare, per adeguarlo alle istanze di una società emancipata dai dogmi, dando vita a un “cristianesimo possibile”, in risposta all’eclissarsi del sacro e al suo ritorno in nuove forme. Il rinnovato “senso religioso” è innanzi tutto un’esperienza individuale di rapporto con la Scrittura e con Gesù, esperienza che dà vita a un nuovo interesse ermeneutico nei confronti dei Vangeli, a un discorso sull’uomo e sul rapporto che intrattiene con l’altro, e a un rifiuto dell’istituzione secolare della Chiesa. All’interno di questo “senso religioso” tutto post-moderno si colloca la figura di Giuda, come se nella figura del reietto gli autori proiettassero l’immagine reale dell’uomo contemporaneo nei suoi limiti e nelle sue imperfezioni. Ri-scrivere il Vangelo dal punto di vista di Giuda significa, quindi, tracciare i confini tra un messaggio come quello cristiano, per certi versi paradossalmente inattingibile per la ragione, e l’uomo, un essere finito, fragile, dominato dalla morte.

BIBLIOGRAFIA

BERTO G., La Gloria [1978], Milano, Mondadori, 2001.

—, La Passione secondo noi stessi, Milano, Rizzoli, 1972.

—, L’uomo e la sua morte [1962], Brescia, Morcelliana, 1964.

BOITANI P., Ri-Scritture, Bologna, Il Mulino, 1997.

BORI P. C., L’interpretazione infinita, Bologna, Il Mulino, 1987.

BRELICH M., L’opera del tradimento [1975], Milano, Adelphi, 1992.

DOTOLO C., Un cristianesimo possibile. Tra post-modernità e ricerca religiosa, Brescia, Queriniana, 2007.

PAZZI R., Il Vangelo di Giuda [1988], Milano, Baldini e Castoldi, 1999.

POMILIO M., Il Quinto Evangelio [1975], Milano, Mondadori, 1982.

—, Scritti cristiani, Milano, Rusconi, 1976.

SAVIANE G., Getsèmani, Milano, Mondadori, 1980.

VASSALLI S., La notte del lupo, Milano, Baldini e Castoldi, 1989.

NOTE

1. M. Pomilio, Scritti cristiani, Milano, Rusconi, 1976, p. 60. 2. P. C. Bori, L’interpretazione infinita, Bologna, Il Mulino, 1987. 3. R. Pazzi, Il Vangelo di Giuda [1988], Milano, Baldini e Castoldi, 1999, p. 226. 4. G. Berto, “La mia lettura dei vangeli”, Il Resto del Carlino, 18 dicembre 1966. 5. C. Dotolo, Un cristianesimo possibile. Tra post-modernità e ricerca religiosa, Brescia, Queriniana, 2007, p. 119.

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6. G. Saviane, Getsèmani, Milano, Mondadori, 1980, p. 145. 7. S. Vassalli, La notte del lupo, Milano, Baldini e Castoldi, 1989, p. 121.

AUTORE

ELISABETTA LO VECCHIO Università di Bologna

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Olimpo e paradiso all'inferno. Lo spazio del sacro nelle catabasi infernali di aldo nove

Chiara Lombardi

1 La catabasi agli inferi – avventura ricorrente di conoscenza e tramite con l’Aldilà per gli eroi dei poemi epici classici (Odisseo e Enea tra i più noti) e per le figure mitologiche come Orfeo – viene implicitamente riproposta negli autori contemporanei con la funzione di indicare un percorso in una realtà terrena tanto dolorosa e aliena da essere percepita e descritta in forma non realistica, ma deformata e visionaria, come un incubo o, più propriamente, come un vero e proprio viaggio in inferno. Sto pensando, ad esempio, a Conversazione in Sicilia di Elio Vittorini, in cui il ritorno nel cuore dell’isola natale (“in quelle solitudini”, “così lontano nello spazio”, in quella “terribile estate” senza un’ombra, con “le cicale scoppiate al sole, le chiocciole vuole, ogni cosa al mondo diventata sole”, pp. 224-225), ha per il protagonista, Silvestro, il significato allegorico di una visione infernale (Bianconi Bernardi, 1966, pp. 164-165; Shapiro, 1975). Ed è in quel “mondo offeso” che egli discende, guidato dalla madre, per fare la conoscenza degli emblematici personaggi che lo rappresentano (risvegliando così la propria coscienza sopita, gli “astratti furori”, verso “altri doveri”).

2 Una simile rappresentazione della realtà ricorre nell’opera di Aldo Nove ad animare quel “realismo visionario” che gli viene riconosciuto come carattere distintivo (Pagliarani, 2003, p. 7; Senardi, 2005, pp. 46-55 e 76) – “realismo alterato”, lo definisce Gemma Gaetani nella Postfazione alla raccolta di poesie Fuoco su Babilonia, “emotivo e ‘neo-orfico’” (Gaetani, 2003, p. 139). Su questa discesa orfica, però, ritengo vadano fatte alcune precisazioni, che distinguono la catabasi di Nove proprio da quella tradizione precedente a cui si è fatto riferimento. Innanzitutto, credo che l’aspetto più originale dei suoi testi di prosa e, soprattutto, di poesia (perché su questi ultimi, a mio avviso di gran lunga più efficaci dei romanzi, concentrerò la mia attenzione) non consista soltanto nella rappresentazione visionaria e allucinante – come del resto è nella pop art e nella maggior parte delle esperienze letterarie del secondo Novecento – di una realtà dove si è confusa la distinzione tra coscienza e oggetto, tra per sé e in sé, per dirla con

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Sartre, ancora netta e centrale nella catabasi di Conversazione in Sicilia. Piuttosto, negli scritti di Nove non solo l’inferno coincide con tutta quella realtà mercificata in cui lo scrittore stesso sprofonda (dove tutto, uomini compresi, è in sé), ma soprattutto si nota come gli inferi siano stati “colonizzati” a un tempo dagli dèi pagani e dalle figure del paradiso cristiano. Entrambi, seppure in modo diverso, formano la realtà e generano visioni.

3 In un tale paesaggio infernale, sono le merci, trionfanti attraverso la pubblicità e la televisione (Montani, 2001-2002; Hofmeister, 2001), ad avere subito una metamorfosi in potenti idoli pagani che guidano le nostre vite, mentre le immagini sacre costituiscono un “principio speranza” che in quell’inferno ha lasciato solo una diffusa e confusa traccia memoriale, una nostalgia impossibile e soffocata, oppure un desiderio di ordine che però sfocia sempre nel caos presente e lì, confondendosi, si dissolve. Nel romanzo Amore mio infinito (2000), ad esempio, quando l’infanzia – narrata con l’artificio della regressione tipico della letteratura realista (niente di molto nuovo, quindi, sotto questo aspetto) – finisce, il punto di vista cambia bruscamente e il protagonista dapprima esprime il sogno di tornare al ventre materno, poi propone uno strano flashback in cui tutta la storia dell’umanità passa tra le mani di Dio. Nel primo caso, il desiderio è affidato a una macchina. Ciò evidenzia l’accettazione di quella inevitabile convivenza tra il potere dell’idolo meccanico e la sacralità vergine e incontaminata della madre perduta (la cui morte è narrata nel romanzo stesso): Mi chiamo Matteo. Ho quasi ventotto anni. Penso. Vorrei che ci fossero delle macchinette per tornare nell’utero, come quelle per farsi le fotografie per la carta d’identità, tu ti siedi inserisci i soldi e torni nell’utero, sei dentro tua madre e per cinque minuti devi ancora nascere, non hai la minima idea di dover pagare l’affitto ma senti gli scambi di liquido c’è soltanto l’immenso respiro di tua madre non hai nessuna idea di niente non ti interessa sapere che ci sono i saldi al Coin non ti interessa sapere per quale motivo la Fiat è stata venduta alla General Motors sei nella pancia di tua madre hai un diametro visibile tra i quindici e i venticinque centimetri un peso di cinquecento seicento grammi la base cribriforme dell’osso etmoide del tuo cranio comincia a prendere forma […] mentre tua madre respira respiri non ci sono ancora stati il panico di avere cinque anni di trovarsi completamente soli non hai ancora pensato di avere speso inutilmente le tredicimila lire di un biglietto di un film […] dall’arteria dalla vena uterina arrivano appena velate informazioni chimiche del mondo che ti aspetta pieno di numeri di telefono cotolette puntate dello Zecchino d’oro incidenti stradali proteine vitamine silenzio. (AMI, p. 133-134)

4 Il pensiero prodotto dalla visione a posteriori – un po’ banalmente reso dalla solita diffusissima procedura joyciana del monologo interiore di Molly Bloom senza punteggiatura – sancisce anche l’impossibile ritorno alla purezza, a una Stimmung silenziosa e solitaria tra la madre (e la Natura) e il figlio, proprio perché il desiderio è affidato a un dio pagano, a una macchina, ed è inquinato dai pur rimossi (ma doppiamente presenti e ingombranti) grandi miti del consumismo contemporaneo, Coin, Fiat e General Motors, da cotolette e Zecchino d’oro che pure presentano un significato di inevitabile piacevolezza.

5 Alla permanenza e all’uscita dal ventre materno, rappresentate con la lucidità di un linguaggio spietatamente scientifico, da libro di biologia, che segue il formarsi del corpo fino alla sua morte (e il suo intrecciarsi con quegli orizzonti di inevitabile

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mercificazione che sempre vi si fondono), corrispondono le poche pagine in cui Dio stringe sotto le sue mani tutta la storia: Dio muove le mani sopra le acque prova il ritmo delle glaciazioni la forma delle successioni delle stagioni le caratteristiche morfologiche del paesaggio la fusione dei ghiacciai quaternari che hanno sommerso vasti tratti di costa in tutto il mondo scatenando circa settantamila chilometri cubici di pioggia […]. (AMI, p. 139)

6 Ironicamente, però, l’orizzonte si restringe sempre di più è la storia su cui Dio muove le proprie mani diventa quella della Lombardia, di una piccola porzione di “milanesità” e dintorni: dalle glaciazioni al popolo gallico dei Biturgi, dall’età del ferro ai Goti e ai Longobardi, Milano non cessa di imporsi, anche tra le mani di Dio, come un crogiolo di sacralità e di commerci. Così, in questo allucinato e visionario excursus storico – una sorta di visione dall’alto delle rovine e degli avanzi di civiltà, come nel volo del topo nei Paralipomeni di Leopardi – si dice che: tra continue instabilità tumultuose inquietudini si impiantavano botteghe artigiane si tenevano fiere e mercati in occasione di feste religiose si scambiavano pelli carni salate formaggi tra il VI e il V secolo a.C. (ibidem).

7 In un unicum che è storia, esistenza, inferno e paradiso, ulteriormente si ridisegna l’immagine di sacro nella stridente convivenza delle figure di Dio e della Madonna con quei feticci o idoli che sono i veri e propri dèi di questo olimpo, orditori del nostro destino e delle nostre avventure ben di più delle consuete figure della teologica “provvidenza”.

8 Di conseguenza, come la prospettiva del testo leopardiano rovescia ogni antropocentrismo di fronte al misero finale di tutte le civiltà, anche il punto di vista del personaggio di Amore mio infinito segna uno spazio dove, oggi più che mai, l’uomo stesso è poca, pochissima cosa, per sé e per Dio, il quale sembra non potersi curare di lui, ma preferisce lasciare spazio all’azione degli dèi pagani. È forse per questo che Nove, nell’intervista con Senardi, dichiara di non essere interessato all’“umanesimo” come fenomeno astratto. Anche in rapporto con l’uomo, infatti, il suo dio resta absconditus e confuso con tutto il resto, come testimoniano ancora più chiaramente le liriche di Santi, Pornostar & (1992-1995), o – soprattutto – di Madre di Dio (1995). È qui invocata – e desiderata, sin dal perentorio esordio Voglio e fino al finale liturgico Madre di Cristo ascolta: “una madre grande / e troia come un fiume / di luce che si slaccia / dal sole e cade dentro / questa giornata morta: // Che spacchi le vetrine dei negozi, che si contorca dentro / il cuore dei passanti, / inondato di sangue / il centro di Milano e l’universo” (FB, p. 116). Anche le preghiere si confondono con l’urgente violenza di un reale che si impone d’abord, sempre e comunque, così come in esso sprofonda (e vi si dissolve dimenticandosi) l’Eterno: L’Eterno facilmente si trascura… L’Eterno facilmente si trascura negli occhi arrossati degli astri affogati in una coppa di champagne, in una coppa di champagne… L’Eterno facilmente si abbandona, facilmente si abbandona nei titoli di coda di una trasmissione di Rete 4 a mezzanotte l’Eterno si sovrappone

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ai titoli di coda di una trasmissione di Rete 4 la vita si dimentica di L’Eterno si trascura facilmente, si dimentica di L’Eterno facilmente si trascura, non esce dal suo cerchio di La vita si dimentica. (FB, p. 120)

9 Il Salve Regina, nelle sue formule tipiche appena variate (“Eterna regina, nostra avvocata, / madre di misericordia salve”), è pronunciato “Sgranando / rosari e / treni, abissi // conti correnti liste della spesa” (FB, pp. 118-119). Alla Madre è inoltre invocata l’Apocalissi (intesa come distruzione) che dà il titolo alla raccolta; a lei, assente ma vista “nei gorghi dei millenni”, si implora un’improbabile salvezza che riporti al silenzio (come prima, nello stesso ventre materno) con un furore distruttivo, da violenza veterotestamentaria: Fuoco su Babilonia! Fuoco sopra le case viggiutesi, su Nabucodonosor e Milano come un rostro potente il fuoco scenda […] Divampino le fiamme sugli abbracci, sugli amori di plastica cancella nulla di quanto scivola nel nulla […] Fuoco su Babilonia, su Castagna e Cecchetto, su Prodi e Claudia Schiffer: brucino ad una ad una le mie vene, il giorno si inabissi nel silenzio […]. (FB, pp. 121-122)

10 La Madre invocata con formula da rosario è, infine, ironicamente coincidentia oppositorum, nel senso che è “Madre di Clivio e di Gerusalemme, / Madre di Betsabea e Baranzate, / Madre delle Bustecche e di Betlemme, / Madre del Monte Nero e di Malnate”, congiunzione di città bibliche e mitiche da una parte e, nuovamente, dall’altra, di quei meschini centri lombardi e varesotti, di quella “Svizzera dei poveri” protagonista dei microcosmi narrati anche in Woobinda e Superwoobinda (rispettivamente 1996 e 1998), e in Puerto Plata Market (1997).

11 Ma ancora una poesia fissa questo connubio. Questa volta è tratta dalla sua prima raccolta, My Nation Underground (1984-1986), ed è ambientata nel ristretto orizzonte di Mendrisio: Mio zio litiga sempre con mia zia; mia zia litiga sempre con mio zio, perocché in fondo in fondo esiste Dio, e tutto torna sulla retta via. Mio zio lavora in Svizzera, a Mendrisio, non sa nulla di Kant né di Platone, ma non è deficiente né coglione, e nell’Olimpo opta per Dionisio (infatti beve): troppo descrittivo? Come poesia, però, non è scadente: almeno testimonia che sono vivo e che ragiono, o forse no (la gente capisce poco di quello che scrivo ma quello che capisce è sufficiente). (FB, p. 21)

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12 Non è certo questo uno dei migliori componimenti di Nove, ma è interessante che si tratti di un sonetto (come la lirica successiva e come molte nella raccolta Santi, Pornostar &) con schema ABBA / CDDC / EFE / FGF, in cui “zio” fa rima con “Dio”, “Platone” con “coglione”, “Mendrisio” con “Dionisio”, sempre in questa “infernale” dialettica di contrasti, o “rollio degli opposti”, come scrive Gaetani nella Postfazione all’intera raccolta (FB, p. 137). D’altronde la parola, quella poetica in particolare, da Tornando nel tuo sangue (1988-1989), tocca a Prometeo, il dio colpevole di avere rubato il fuoco, condannato a vedersi rodere il fegato, che per Camus – nel racconto L’Été – diventa il simbolo della dura “ostinazione” dell’uomo nella ribellione contro gli dèi e nella lotta. Anche in questo componimento è colui il quale, discendendo nella tomba (e, ancora, all’inferno), riporta la parola dolorosamente alla luce, poiché “A fegato puntualmente roso, / vieppiù calando nella tomba, / bisogna parlare” (FB, p. 27).

13 Nella lirica O lapide, da questa stessa raccolta, la regressione al concepimento e alla nascita, quindi la vita stessa, implica ancora una volta l’invocazione di una contraddittoria corrispondenza tra preghiera che si trasforma in bestemmia e viceversa, e così la stessa reversibile metamorfosi tocca a spiritualità e brutale mercificazione, come a segnare un destino dove la speranza, in terra, si dilegua non appena è evocata: […] O lapide Gesù, nel paradiso untuoso dei bollettini cristiani della nonna come crescevi nel suo suicidio gentile, fatto di pere cotte e preghiere con l’urinale per la notte, la porta chiusa a chiave dell’esistenza battezzata. O lapide puttana E leccata mentre pensava alla tariffa da applicare, tra le cosce della fuga dal mondo citofonavi. E padroni dell’intermezzo che dura per sempre, fino a che il sangue fiotta alla bocca dei pronipoti, un’arte qualunque spiega, scendiamo vent’anni o una morte. (FB, pp. 29-30)

14 Sono queste le “metafore ossessive” (Mauron, 1976) di Aldo Nove che accorpano mitologie cristiane e pagane e le buttano tutte a un solo tempo in quel calderone che è la vita e la dannazione di ogni uomo.

15 Una seconda operazione compiuta da Aldo Nove è quella di considerare questo inferno l’unico spazio possibile in cui l’uomo si adatta a vivere come un animale mutato geneticamente. Per quanto non sia quello il suo habitat naturale, finisce per aderirvi, proclamando – certo in modo paradossale e provocatorio: “io ti amo vuoto immenso / io ti amo mia vita” (FB, p. 85), quand’anche il dio sia Berlusconi, come in Poeta di regime da Santi, Pornostar &, invocato dopo avere messo “120 grammi / di penne Buitoni” nel piatto: “O Berlusconi, dio mio, dammi // le 200 cosce dei miei sogni / quotidiani! Supplicai” (FB, p. 100). Ed è in questa raccolta, come si diceva, che trovano maggiore spazio gli idoli del commercio e del denaro, gli dèi pagani a cui consacrare l’esistenza, anche laddove non dovrebbero esistere, cioè nell’adolescenza e nell’amore (L’amore al

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tempo delle discoteche), popolati invece da Den Harrow e Toyota, borse Mandarina Duck e Naj Oleari, Timberland, Craxi e tutto l’indistinto universo di paninari e anni Ottanta. Sono loro che decidono.

16 La distruzione auspicata in Madre di Dio non si verifica e gli idoli pagani continuano a esistere, a convivere con la trinità guidando il mondo. In merceterna (l’ultima raccolta di Fuoco su Babilonia, 1990-1996) i formaggini Tigre creano la triplice sinestesia “dalla rifrazione / volatile di creme al latte un caldo / frastuono alle narici / perviene”. Sono le loro allucinazioni a definire l’umanità che li desidera: Allora la massa è più vago tumore tattile alla vista infrangersi di tigri gialle svizzere come pacchi. (FB, p. 128)

17 Non c’è da stupirsi, quindi, nel racconto che apre Superwoobinda, della tragedia grottesca in cui si uccide per il bagnoschiuma Vidal, per un idolo, per un dio pagano in cui il protagonista identifica la libertà (Gagliano, 2001). Idolo non per la sua forza, ma per la sua pigra e indifferente inevitabilità, indiscussa come la televisione, che incanta e impigrisce, fagocita. Orfeo è qui ancora il (benché Super) Woobinda, come scrive Ottonieri: “Quasi un novello Kaspar Hauser […] (il ragazzo svizzero perso nella savana della serie televisiva), uscito da una savana quasi-svizzera dalle parti di Malnate o di Viggiù, sempre sul punto di scomparirvi di nuovo in una rapinosa attrazione all’anonimo, all’afasico, auto dissolto.” (Ottonieri, 2000, p. 115; Matas Gil, 2000)

18 Anche in Puerto Plata Market (1997), la piattezza di prospettive in cui si cala (o verso cui vola, ma non fa molta differenza) Michele, il protagonista, assorbe altri due spazi identificati come paradisi: Santo Domingo e l’Ikea. Nel primo fugge, in crisi amorosa dopo avere sorpreso la donna amata impegnata in un atto di sesso orale in un parcheggio con un altro, nella speranza di trovare “un equilibrio”, e soprattutto una donna diversa da quella italiana, che trasmette “disagio”, sempre intenta – come “quella troia di Marina” – a parlare di sé, “che ha sempre in testa di vivere nella performance”: MARINA PARLAVA SEMPRE DI SE STESSA, del suo lavoro, di quello che avrebbe fatto. Marina, viveva nello spettacolo della sua vita. (PPM, p. 17)

19 Santo Domingo è il “principio speranza”, il sogno di tutti, dove “chi non ha mai chiavato chiava più di Sgarbi e di Ratz Degan”, dove è ancora l’uomo a decidere di chi innamorarsi, e quando trova la novia, allora la sposa (PPM, p. 18). In questo paradiso, ovviamente, non c’è un rovesciamento degli idoli di partenza, ma una loro esaltazione, in un ulteriore abbrutimento fatto di cataloghi di prostitute e di nuove epifanie memoriali di dèi occidentali (le cose buone del Mulino Bianco: biscotti locali che ricordano Grisbì, Bounty, Mars e Ciocorì: PPM, pp. 64-66). E anche qui, tra paradisi agognati e “inferno” (così definito il turismo sessuale di Sosua, PPM, p. 69), come in Amore mio infinito in fondo la storia – che pure chiama in causa Carlo V e Cristoforo Colombo – finisce per dare a quello spazio l’identità di “una piccola e deliziosa svizzera dominicana” (PPM, p. 85).

20 Poi, finalmente, parafrasando Dante, si esce “a riveder le stelle”. Michele torna da Santo Domingo e conquista l’ultimo, reale paradiso: Made in Heaven. Ikea – il capitolo con cui si conclude il romanzo, e nel quale si celebra il matrimonio di Michele con la dominicana Francis. Un paradiso che sancisce nuovamente il rovesciamento, tramite la loro

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estrema affermazione, di tutte le utopie, i sogni, gli idoli di questo olimpo trasformato in centro commerciale: non solo Ikea, ma McDonald’s, e ancora Armani, Permaflex e Le Ore, pornografia devastante e ipocrisie New Age. Le visioni dantesche e orfiche si trasformano in continua negazione – e, se vogliamo, bergsoniana o freudiana doppia affermazione – di luoghi comuni.

21 E quindi resta un dubbio: che dopo la indiscutibile originalità e verve delle liriche, dopo Woobinda, a poco a poco quell’apparente “bassa risoluzione autoriale” di cui parla Ottonieri non nasconda una certa povertà di immaginazione, ma anche un punto di vista estremamente snobistico, per quanto così sapientemente occultato da questo artificio della regressione che arriva al grado zero dei corpi e del linguaggio. Insomma, che dietro questi uomini mutati geneticamente così vicini alle cose, che nel loro ristretto orizzonte hanno assorbito e confondono inferno e paradiso, ci sia un narratore onnisciente, nettamente distinto e colto, che si diverte a stigmatizzare i luoghi comuni degli ignoranti del Varesotto o del Canton Ticino, e molto altro non lasci immaginare fuori dal ricordo dei mitici anni Settanta e Ottanta. A questo proposito non posso che condividere, infatti, quanto scrive Barenghi nella recensione, pubblicata sull’Indice dei libri del mese, a La più grande balena morta della Lombardia (2004), ovvero che per quanto Nove rimanga “comunque uno degli scrittori più ragguardevoli in circolazione oggi in Italia”, tuttavia a conti fatti, di cose da raccontare non ne ha poi gran che. E quando ci fa provare l’emozione di trovare sulla pagina di un libro Einaudi i nomi dei giocattoli o dei giornalini di quando eravamo bambini anche noi, compie un’operazione non molto diversa da quella di un Fabio Fazio che invitava a Quelli che il calcio l’interprete (cinquantenne, ormai) di Pippi Calzelunghe.

22 Il problema si estende comunque a un’intera generazione: una generazione intera che, dopo aver nutrito un’ingenua fiducia nelle proprie capacità di cambiare il mondo, ora cede un po’ troppo spesso e un po’ troppo volentieri alla tentazione di ripensarsi in chiave ironico-nostalgica, di rappresentarsi in un’indulgente luce di elegia che qualche lampeggio di violenza o cattiveria non basta a riscattare. È un gioco che può piacere, per un poco, che diverte, anzi: ma è bene interromperlo in fretta. Primo, perché espone al rischio del troppo facile, anche sul piano della scrittura: valga ad esempio una certa maniera di rimboccare il periodo su se stesso […]. Secondo, perché quando si comincia a invecchiare, raccomandano concordi i dietologi, è bene limitare il consumo di zuccheri; e niente aumenta la glicemia quanto gli indugi sentimentali sul passato.

23 In questa indulgenza nel reale (e nel realismo, inevitabilmente), inoltre, si perdono aspetti che, forse fuori dal Varesotto e da Milano (ma credo anche lì), fuori dal provincialismo (per usare un termine decisamente fuori moda: “disimpegnato”) della disoccupazione italiana (Mi chiamo Roberta, ho 40 anni, guadagno 250 euro al mese, 2006) esistono ancora: la passione, la fantasia – pur nell’ironia della loro impossibilità di successo (come nella scrittura di John M. Coetzee e in Philip Roth, ad esempio) – oppure quella folle ostinazione del Prometeo di Camus che i versi di Nove lasciavano balenare.

24 Anche rispetto alle qualità messe in luce da Senardi e da Ottonieri, quindi, pur con il rispetto delle solide premesse filosofiche e letterarie da cui parte la prosa di Nove (da Labriola ad Adorno, da Folengo a Beckett, Ballard, Sanguineti, Palazzeschi, ecc.: Senardi, 2005, p. 161), c’è il rischio sia di un rovesciamento di queste stesse premesse intertestuali, sia di una progressiva perdita di efficacia: il rischio che, in sintesi, la pietas diventi accondiscendenza, la monologia del grado zero si trasformi in noia, in quei discorsi da sabato sera in birreria che fanno inorridire persino Caparezza (nella

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canzone rap Fuori dal tunnel (del divertimento): “Ricostruisco gli argini di una giornata ai margini della disco / e mi stupisco / quando si uniscono al banchetto che imbastisco che dopo mischiano il brachetto e non capisco / com’è che si finisce a parlare di Jeeg Robot e delle Strade di San Francisco”).

25 Insomma, i cannibali non fanno più molta paura, né i loro dèi, né i loro idoli. E dopo le catabasi, ci si aspetta qualche nuovo slancio, forse accogliendo quella sfida lanciata da Julia Kristeva nel saggio Au risque de la pensée, dove è espressa la necessità che la letteratura continui a rivendicare la libertà di pensare, di sospettare, e (perché no?), di domandarsi “che cosa siano il bene e il male”, senza adattarsi semplicemente “alla logica di causa ed effetto”. C’è da sperare, infine, che il linguaggio letterario (soprattutto nella letteratura italiana contemporanea, che a mio avviso troppo indugia nel marcio sociale, attraverso ipocrite ma compiaciute forme mimetiche) abbia ancora forza di inventare qualcosa di nuovo, senza limitarsi a una forma di compiaciuto camaleontismo mimetico che inevitabilmente lo trascina in quel soffocante vortice delle cose – televisive e pubblicitarie – che tentano di assorbirlo distruggendolo.

BIBLIOGRAFIA

Opere di Aldo Nove:

AMI: Amore mio infinito, Torino, Einaudi, 2000.

FB: Fuoco su Babilonia. Poesie 1984-1996, Milano, Crocetti, 2003.

PPM: Puerto Plata Market, Torino, Einaudi, 1997.

Altri testi citati:

BARENGHI M., “La scomparsa dei dinosauri”, L’Indice, n. 6, 2004, p. 12.

BIANCONI BERNARDI F., “Parola e mito in Conversazione in Sicilia”, Lingua e Stile, vol. I, n. 2, 1966, pp. 161-190.

GAETANI G., Postfazione ad A. Nove, Fuoco su Babilonia. Poesie 1984-1996, Milano, Crocetti, 2003, pp. 137-141.

GAGLIANO R., “Il protagonista-consumatore e la merce-segno: il percorso iper-consumistico di Aldo Nove ne Il bagnoschiuma”, Narrativa, n. 20-21, 2001, pp. 285-296.

HOFMEISTER A., “‘Dentro la televisione ci siamo noi’. Zur Intermedialität der letteratura cannibale: Fernsehen und Pop-Musik in Aldo Noves Puerto Plata Market”, Horizonte, n. 6, 2001, pp. 63-89.

KRISTEVA J., Au risque de la pensée [2001], tr. it. Il rischio del pensare, Genova, Il Melangolo, 2006.

MATAS GIL P., “El personaje en la narrativa de Aldo Nove”, Cuadernos de Filologia Italiana, n. 7, 2000, pp. 967-976.

Cahiers d’études italiennes, 9 | 2009 218

MAURON C., Des métaphores obsédantes au mythe personnel : introduction à la psycocritique [1962], tr. it. Dalle metafore ossessive al mito personale: introduzione alla psicocritica, tr. di M. Picchi, Milano, Garzanti, 1976.

MONTANI A., “Una tradizione per Aldo Nove”, The Italianist, n. 21-22, 2001-2002, pp. 271-287.

OTTONIERI T., “‘Bassa risoluzione’ autoriale. Ancora una parola su 9”, in La plastica della lingua – stili in fuga lungo un’età postrema, Torino, Bollati Boringhieri, 2000, pp. 114-117.

PAGLIARANI E., Introduzione ad A. Nove, Fuoco su Babilonia. Poesie 1984-1996, Milano, Crocetti, 2003, pp. 7-11.

SENARDI F., Aldo Nove, Roma, Cadmo, 2005.

SHAPIRO M., “The Gran Lombardo: Vittorini and Dante”, Italica, vol. 52, 1975, n. 1, pp. 70-77.

VITTORINI E., Conversazione in Sicilia [1941], Milano, BUR, 1995.

AUTORE

CHIARA LOMBARDI Università di Torino

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Severina di Ignazio Silone (1981). Vocazione e ribellione di suor Severina

Bruno Mancini

1 Il soggetto del mio intervento sarà, per riprendere il tema di questo convegno, lo spazio della religione e il senso del religioso nell’opera di Ignazio Silone, passando in rassegna, rapidamente e a ritroso, le sue opere a cominciare quindi dal suo ultimo romanzo: Severina. L’autore abruzzese ne cominciò la stesura nel 1977, ispirandosi alla figura di Simone Weil e al suo ardente, fervido messaggio religioso e sociale. Severina è l’ultima, ma anche l’unica, eroina protagonista di un romanzo siloniano. Ma l’interesse di questo romanzo risiede nel fatto che esso è anche, in un certo senso, il riepilogo, il punto di approdo della riflessione che Silone, “cristiano senza Chiesa e socialista senza partito” (Exp, 1961), ha condotto tutta la sua vita a proposito della difficile coesistenza, in una coscienza cattolica, tra fede, morale e istituzione religiosa (ma potremmo dire, come vedremo qui di seguito, tra fede, morale e istituzioni tout court). Tutta l’opera dunque, nonché tutta l’esistenza dell’autore fu imperniata intorno al “fatto religioso”. Già a quindici anni, orfano a causa del terremoto della Marsica del 1915, fu attirato dalla figura di Don Orione, fra i primi coraggiosi soccorritori delle vittime. Un prete “straordinario” che viveva il cristianesimo in modo autentico e che osò, senza chiedere, utilizzare le macchine del seguito del re in visita nella Marsica per accompagnare gli orfani del terremoto a Roma o addirittura suggerire all’allora papa Benedetto XV un’iniziativa cristiana per indurre i governi impegnati nella guerra a porre immediatamente fine al conflitto. Ciò che invece il giovane Silone non sopportava era l’ipocrisia e l’eccesso di formalismo di alcuni rappresentanti della Chiesa. Un bell’aneddoto ci è fornito proprio dalla biografia dell’autore. Un giorno egli assiste a una rappresentazione di marionette insieme alla sua classe di catechismo e ovviamente al parroco: si parla delle “drammatiche peripezie di un bambino perseguitato dal diavolo”. A un certo punto il bambino-marionetta appare sulla scena tremando dalla paura e per evitare che il diavolo lo trovi si nasconde sotto il letto. Il diavolo giunto a questo punto sulla scena si rivolge direttamente ai giovani spettatori e domanda loro se

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per caso hanno visto dove si sia nascosto il bambino che sta cercando. I ragazzi, sorpresi da questa domanda, spontaneamente dicono che è andato via. La reazione del prete è immediata: dopo lo spettacolo fa loro la morale perché, anche se a fin di bene, hanno detto una bugia. Ma il parroco di certo non si aspetta la domanda del giovane e perfido Ignazio che gli chiede: “Se invece di un bambino qualsiasi si fosse trattato di un prete, che dovevamo rispondere al diavolo?” Il prete lo farà restare in ginocchio fino alla fine della lezione. Dopodiché gli domanda: “Sei pentito?” e lui caparbiamente risponde: “Certo, se il diavolo mi chiede il vostro indirizzo, glielo darò senz’altro.” (UdS, pp. 806-808)

2 Più tardi l’autore ricorda che, dopo aver avuto un’educazione religiosa, si allontanò dalla Chiesa a causa [dell’]insofferenza contro l’arretratezza, la passività, o il conformismo dell’apparato clericale di fronte alle scelte serie imposte dall’epoca. […] In quel periodo di confusione massima, di miseria e disordini sociali, di tradimenti, di violenze, di delitti impuniti e d’illegalità d’ogni specie, accadeva che le lettere pastorali dei vescovi ai fedeli persistessero a trattare invece, di preferenza, i temi dell’abbigliamento licenzioso delle donne, dei bagni promiscui sulle spiagge, dei nuovi balli d’origine esotica e del tradizionale turpiloquio. […] Come si poteva rimanere in una simile Chiesa? (Quel che rimane, pp. 561-562)

3 Nel 1956, in un articolo apparso su Tempo presente, Silone parla del suo interesse nei confronti dell’ordine religioso dei Petits frères du père Charles de Foucauld: Questo è un singolare ordine che ha il suo noviziato […] nel deserto dell’Algeria, nell’oasi di Elobiot. Di lì i confratelli sono poi mandati per il mondo, non a rinchiudersi in monasteri o collegi, ma a vivere in mezzo alle maestranze operaie dei grandi centri industriali. Essi vi costituiscono piccole comunità di tre o quattro religiosi, a immagine della casa di Nazareth: ciascuno deve guadagnarsi il pane da sé, con un mestiere manuale, qualunque fosse l’attività che prima svolgeva. Non portano saio, né altri segni esteriori di distinzione, vestendo i panni adatti alla loro condizione proletaria. Né, tra gli operai, essi svolgono propaganda religiosa o altre forme d’apostolato, limitandosi a vivere con loro. (Agenda, p. 194)

4 Queste citazioni ci fanno intuire l’essenza del “credo” siloniano: la sua è una religione vissuta intimamente, lontana dalle istituzioni, non contaminata da esse, e di cui egli critica spesso gli indegni rappresentanti (memorabili sono le pagine dei romanzi di Silone in cui la satira religiosa si attacca ai cattivi preti ingordi, opportunisti, affaristi, eccetera: Don Abbacchio in Fontamara, il suo primo romanzo, ne è un esempio palese).

5 L’interesse per il fatto religioso diventa preponderante negli ultimi anni della sua vita visto che una decina d’anni prima di cominciare a scrivere Severina Silone pubblica un dramma teatrale dal titolo L’avventura di un povero cristiano, che narra la difficile scelta di Pietro da Morrone (papa Celestino V o il papa “che fece per viltade il gran rifiuto”, come lo definì Dante nel canto III dell’Inferno). Anche suor Severina, che ha enormi dubbi circa la sua vocazione, si trova di fronte a una scelta a dir poco difficile: testimoniare il falso per non perdere “il posto”. Purtroppo l’autore abruzzese morì l’anno seguente all’inizio della stesura di quello che Silone stesso definì (e che la cattiva sorte confermò) come il suo “ultimo romanzo”. In effetti, durante una conversazione con sua moglie Darina, verso la metà di giugno 1977, l’autore disse: “Sai, ho cominciato a scrivere il romanzo. […] Sarà il mio ultimo romanzo, una cosa breve, ma lo devo scrivere.” Alla reazione stupita (ma probabilmente fino a un certo punto, dato l’aggravarsi del suo stato di salute) della moglie: “Perché l’ultimo?” Egli rispose: “Non ho più romanzi in me. Dopo scriverò altre cose. Ma per ora penso solo al romanzetto”

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(Sev, p. 133)1. E fu proprio sua moglie Darina che lo pubblicò postumo nel 1981, riprendendo e decifrando gli appunti, riorganizzando e ritrascrivendo i ricordi delle conversazioni avute con suo marito; tutto ciò secondo quanto è stato riportato dalla stessa consorte nel documento allegato all’edizione Mondadori nella collezione “Scrittori italiani e stranieri” dal titolo: Storia di un manoscritto.

6 Severina racconta la parabola dell’omonimo personaggio, per essere più precisi suor Severina, insegnante di latino e letteratura italiana all’Istituto Femminile “San Camillo de Lellis” in un piccolo e antico borgo abruzzese. Un giorno la giovane religiosa assiste, unica testimone oculare estranea ai fatti, all’atroce massacro perpetrato su un giovane “sovversivo” appartenente alla lega operaia del paese, da parte delle forze dell’ordine. Carabinieri e poliziotti in borghese intervengono durante un’assemblea della suddetta lega, non prima però di aver bloccato tutte le vie d’uscita della piazzetta sulla quale si affacciano i locali affidati dal comune alle leghe operaie. Tutto il terzo capitolo racconta il giorno in cui la giovane suora decide di testimoniare davanti al giudice che ha deciso di compiere un sopralluogo sulla piazzetta dov’è avvenuto il fattaccio. La testimone- chiave racconta che dall’interno del palazzo, adibito a sede della lega operaia, si sentirono “grida, lamenti e gemiti” (Sev, p. 45) e che altri agenti furono mandati dentro di rinforzo: Gli uomini accorsi nell’interno riapparvero poco dopo sulla porta […]. Due di essi reggevano di peso, da sotto le ascelle, un giovane che non si teneva più in piedi. […] Appena fuori, il giovane così malridotto fu preso in consegna da altri del servizio d’ordine, che lo finirono a pugni e a calci. Sembrava che ognuno avesse il dovere di colpirlo. Egli non si difendeva più. Probabilmente era già morto. (Sev, p. 46)

7 Fin qui tutto sembra normale: una giovane suora assiste a un linciaggio e la sua coscienza sembra non esitare un istante affinché giustizia sia fatta. Ma facciamo un passo indietro e cerchiamo di scoprire cosa succede in realtà. La Madre Superiora convoca Severina prima che quest’ultima renda testimonianza e le fa capire che se vuole salvare l’Istituto, che da anni cerca invano di ottenere la parificazione con le scuole statali, deve firmare il documento preparato ad hoc dal capo della polizia. Si tratta evidentemente di una falsa testimonianza, sotto forma di ricatto, che scagionerebbe i colpevoli e permetterebbe all’Istituto di ottenere la tanto auspicata parificazione. Severina, ultima creatura siloniana, non ha scelta: come tutti gli eroi dei precedenti romanzi di Silone è assetata di verità e di giustizia. Ma la reazione delle autorità ecclesiastiche non si fa attendere. La mattina dell’interrogatorio del giudice, la Madre Superiora convoca la giovane suora per parlarle: Mi chiamò nello studio e inveì contro di me, ordinandomi di mettermi in ginocchio. Mi accusò di disobbedienza, di superbia, di arroganza, di esibizionismo, d’infatuazione diabolica, con una voce aspra che non le conoscevo. (Sev, p. 76)

8 Comportamento quantomeno paradossale quello di una religiosa che prepone al trionfo della verità e della giustizia interessi di tipo “politico”. Inutile dire che la fede di suor Severina, dopo questo episodio, vacilla. Anche la sua vocazione, come quella del suo padre spirituale Don Gabriele2, si dimostrerà una mera illusione. La risposta della giovane alla confessione di Don Gabriele è: Anch’io da molto tempo non credo in Dio. Forse non ci ho mai creduto. Mi ci sforzavo, come lei. Mi sono illusa, se no non sarei entrata in convento. […] Per ora, non mi preoccupo più: non può essere peccato seguire la propria coscienza. Penso che la verità sia più grande di noi […]. Di sicuro è che io l’amo, e appena una minima particella d’essa mi si rivela, una minima certezza, mi sforzo di servirla. […] Penso

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che la verità ci è [sic] in gran parte sconosciuta perché gli uomini non l’amano abbastanza. (Sev, p. 56)

9 Il quarto capitolo è fondamentale per comprendere i dubbi che sono alla base del coraggioso voltafaccia dei due personaggi nei confronti del clero regolare3. L’opinione di Severina è che la Chiesa ha sostituito alla sete di giustizia il culto del quieto vivere […]. Dov’è la sua indignazione morale contro i veri scandali del mondo? […] Non riconosco alla Chiesa il diritto di dominare la mia ragione. L’oppressione che esercita la Chiesa è una storia antica ma è altrettanto antico lo spirito rivoluzionario da essa provocato e credo che i protagonisti attraverso i secoli di questa rivoluzione, e mi limito a citare solo alcuni dei nostri – Jacopone da Todi, Tommaso Campanella, Giordano Bruno – abbiano servito meglio la causa di Cristo. D’altronde Cristo stesso fu un rivoluzionario, è banale dirlo (Sev, p. 57).

10 Quest’ultima citazione ci sprona a fare due considerazioni: la prima concerne la delusione dell’autore rispetto al ruolo della Chiesa ma anche, come abbiamo visto, di ogni istituzione che finisce prima o poi “con l’identificarsi col proprio fine e con l’anteporre sé al proprio fine” (Luce, p. 70). Dietro questa delusione si cela in realtà l’idea che l’autore ha dell’engagement: [Nell’impegno] che si lega ad una organizzazione, si nasconde una gravissima insidia: la tendenza ad identificare l’ideale, l’assoluto, il bene, il bello ad una qualsiasi istituzione; cioè a confondere la letteratura, la poesia, la verità con un partito, con una chiesa, con uno stato. […] La vera condizione di esterno è la sola che permetta all’intellettuale un vero impegno. (Todisco, 1963)

11 La seconda considerazione, che non è altro che il corollario della prima, è il ritorno ab origine, il ritorno ai valori fondamentali del cristianesimo promulgati dagli assetati di verità, di giustizia e di solidarietà. Come Severina, che preferisce testimoniare e abbandonare il velo, o come Pietro da Morrone, che una volta eletto papa resiste poco più di tre mesi e abdica quando scopre che il suo compito avrebbe dovuto essere quello “di ripartire equamente i privilegi, le dispense, le sinecure, gli appalti, le altre ruberie alle varie fazioni rappresentate nella curia” (Avventura, p. 667). I romanzi di Silone sono pieni di questo tipo di personaggi che non si piegano e che ancor meno si “sottomettono”, preferendo piuttosto “andare allo sbaraglio”: essi sono chiamati, sia dai “cafoni” che dai borghesi, i “pazzi”. Simone la faina, uno dei personaggi di un altro romanzo siloniano, Il seme sotto la neve, dice a proposito: Non si può eliminare la pazzia tra gli uomini […]. Se è scacciata dalle strade si rifugia nei conventi; se è scacciata dai conventi si rifugia sotto terra; e se è scacciata da sotto terra si rifugia nelle scuole; o nelle caserme, o che so io. Pazzi, […] ve ne saranno sempre. (Seme, p. 888)

12 E “pazzi” sono considerati i vari Berardo Viola, Pietro Spina, Rocco de Donatis, Andrea Cipriani, Celestino V e persino Severina4. Essi appartengono, ed è qui l’originalità dell’opera siloniana, alle due sfere: quella politica e quella religiosa. La loro vita è fatta di dubbi, di incertezze e il loro cammino spesso solitario, ma non per questo egoistico, oscilla attirato alternativamente ora dal “rosso”, ora dal “nero”. È l’itinerario dell’ultima creatura di Silone, Severina, che scopre di essere paradossalmente “perseguitata per aver detto la verità5” e che, liberata da una erronea vocazione, trova la morte durante una manifestazione di piazza. La stessa sorte toccherà a Pietro da Morrone, che nonostante il “gran rifiuto” sarà braccato, imprigionato e molto probabilmente fatto uccidere dal suo successore Bonifacio VIII. È infine l’itinerario di Pietro Spina, l’esule rivoluzionario antifascista protagonista dei due romanzi, Vino e

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pane e Il seme sotto la neve che, rientrato di nascosto in Italia, si traveste da prete e prende il nome di Don Paolo Spada (e qui il nome è il simbolo evidente della sua lotta) per sfuggire alla cattura. Ma in fin dei conti, l’itinerario dei suoi personaggi non è altro che quello dell’autore stesso: l’apparente dicotomia politica/religione si fonde in una sorta di sincretismo che darà luogo a uno slancio rivoluzionario e anarchico di cui i personaggi dei suoi libri sono le chiavi di lettura. La realtà religiosa e quella laica sono due aspetti consustanziali dell’opera e della biografia dello scrittore abruzzese. Non dimentichiamo che Ignazio Silone era originariamente uno pseudonimo scelto dall’autore. Dapprima, nel 1923, scelse il cognome, Silone, dal nome del capo della resistenza dei Marsi contro Roma, Poppedius Silo (simbolo dunque di rivolta, di autonomia e di libertà). In seguito, volle aggiungere Ignazio, ispirato da Ignazio di Antiochia e Ignazio di Loyola, “al fine di battezzare il cognome pagano” (Cronologia, LXXV). Ecco che la sintesi simbolica da lui sempre auspicata finalmente si realizzava: l’unione della realtà spirituale con quella terrena.

13 Per concludere, l’interesse di Silone nei confronti della religione è presente fino alla fine della sua vita. Leggiamo quello che potrebbe essere considerato il testamento spirituale dell’autore: (Credo) Spero di essere spoglio d’ogni rispetto umano e d’ogni altro riguardo di opportunità, mentre dichiaro che non desidero alcuna cerimonia religiosa, né al momento della mia morte, né dopo. È una decisione triste e serena, seriamente meditata. Spero di non ferire e di non deludere alcuna persona che mi ami. Mi pare di aver espresso a varie riprese, con sincerità, tutto quello che sento di dovere a Cristo e al suo insegnamento. Riconosco che, inizialmente, m’allontanò da lui l’egoismo in tutte le sue forme, dalla vanità alla sensualità. Forse la privazione precoce della famiglia, le infermità fisiche, la fame, alcune predisposizioni naturali all’angoscia e alla disperazione, facilitarono i miei errori. Devo però a Cristo, e al suo insegnamento, di essermi ripreso, anche standone esteriormente lontano. Mi è capitato alcune volte, in circostanze penose, di mettermi in ginocchio, nella mia stanza, semplicemente, senza dire nulla, solo con un (forte) sentimento d’abbandono; un paio di volte ho recitato il Pater noster; un paio di volte ricordo di essermi fatto il segno della Croce. Ma il “ritorno” non è stato possibile, neanche dopo gli “aggiornamenti” del recente Concilio. La spiegazione del mancato ritorno che ne ho dato, è sincera. Mi sembra che sulle verità cristiane essenziali si è sovrapposto [sic] nel corso dei secoli un’elaborazione teologica e liturgica di origine storica che le ha rese irriconoscibili. Il cristianesimo ufficiale è diventato un’ideologia. Solo facendo violenza su me stesso, potrei dichiarare di accettarlo; ma sarei in malafede. (Et in hora mortis nostrae, Sev, pp. 159-164)6

BIBLIOGRAFIA

Exp: Intervista a L’Express, 23 gennaio 1961.

UdS: SILONE I., Uscita di sicurezza [1949], in Romanzi e saggi, vol. II (1945-1978), a cura di B. Falcetto, Milano, Mondadori, “I Meridiani”, 1999, pp. 797-863.

Quel che rimane [1967], in I. Silone, Romanzi e saggi, vol. II, pp. 561-565.

Cahiers d’études italiennes, 9 | 2009 224

Agenda: SILONE I., “Agenda”, Tempo Presente, giugno 1956.

Sev: SILONE I., Severina, Milano, Mondadori, 1981.

Sev manoscritto: Il manoscritto di Severina, in I. Silone, Romanzi e saggi, vol. II, pp. 1596-1599.

Luce: Lettera di Ignazio Silone a Luce d’Eramo del 5 marzo 1970, in L. d’Eramo, Ignazio Silone, Rimini, Editori Riminesi Associati, 1994.

Todisco: Intervista di A. Todisco, Il Corriere della Sera, 4 agosto 1963.

Avventura: SILONE I., L’avventura di un povero cristiano [1968], in I. Silone, Romanzi e saggi, vol. II, pp. 535-745.

Seme: SILONE I., Il seme sotto la neve, in I. Silone, Romanzi e saggi, vol. I (1927-1944), a cura di B. Falcetto, Milano, Mondadori, “I Meridiani”, 1998, pp. 515-1013.

Cronologia: FALCETTO B., Cronologia, in I. Silone, Romanzi e saggi, vol. I, pp. LXV-CVIII.

NOTE

1. Per quanto riguarda il manoscritto del romanzo, esso è conservato, dopo la donazione della vedova di Silone, al Centro Studi Ignazio Silone di Pescina. Un esame attento di questo manoscritto è presente, oltreché, come abbiamo accennato, nelle pagine che Darina Silone ha dedicato alla genesi del romanzo, nel secondo dei due volumi editi da Mondadori per “I Meridiani” (Sev manoscritto). 2. Don Gabriele racconta a Severina che in realtà la sua vocazione non era altro che quella di sua madre che volle a tutti i costi che egli entrasse al seminario. Poco prima della morte della madre però, andò dal vescovo e gli confessò: “Non credo; la fede cattolica mi appare una finzione inaccettabile.” (Sev, p. 55) 3. In realtà, secondo Darina Laracy Silone, dietro la valorosa scelta di Severina si cela quella dell’autore stesso in un altro campo però: quello politico. Per confermare la sua idea cita l’episodio di cui il nostro autore fu protagonista nel maggio 1927 a Mosca insieme a Togliatti. I due esponenti del PCI si rifiutarono di condannare un documento di Trockij nel quale quest’ultimo denunciava gli errori della politica staliniana in Cina, semplicemente perché non ebbero mai la possibilità di leggere tale documento. Stalin, di fronte all’opposizione di Silone e Togliatti, promise di ritirare il progetto di risoluzione contro Trockij. Più tardi i giornali diedero notizia dell’approvazione del progetto all’unanimità. Insomma, secondo la vedova di Silone, il convento sta a Severina come il Partito sta a Silone: per entrambi la verità concerne l’uomo e nessuna istituzione, nessuna fede, politica o religiosa che sia, può prescindere dalla coscienza del singolo individuo. 4. Sono rispettivamente i protagonisti dei seguenti romanzi di Ignazio Silone: Fontamara, Vino e pane e Il seme sotto la neve, Una manciata di more, L’avventura di un povero cristiano e Severina. 5. Sono le parole pronunciate dalla stessa Severina che una volta uscita dal convento cerca lavoro come insegnante e ogni volta si deve rassegnare a sentirsi rispondere che non è possibile. Qualcuno di molto autorevole non contento della sua testimonianza le sta mettendo i bastoni tra le ruote. 6. Questo documento, pubblicato dalla vedova di Ignazio Silone insieme al romanzo, è un autografo dell’autore che risale probabilmente al periodo 1963-1966. Darina Silone lo trovò nell’aprile 1977 in una busta indirizzata a lei. Nella busta c’era anche un altro foglio, scritto anch’esso dall’autore, che conteneva le sue volontà circa il luogo della sepoltura.

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AUTORE

BRUNO MANCINI Université Nancy 2

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Mésaventures de la religion-fiction : Roma senza papa de Guido Morselli

Pierre Laroche

1 Œuvre posthume, comme tous les romans de Guido Morselli (1912-1973), publiée en 1986, Roma senza papa1, datée de 1966 par l’auteur, se situe à Rome en juin 199… Senza papa, non qu’il n’y ait plus de pape, mais Jean XXIV, successeur de Paul VI et Libero Ier, a décidé de s’installer avec les institutions et organismes pontificaux à Zagarolo, à 36 kilomètres de Rome. Il y vit dans une résidence semblable à un ensemble de motels et s’y complaît dans la solitude et le silence. Personne ne sait pour quelles raisons ce bourg a été préféré à d’autres (RSP, p. 152). Zagarolo, du XIe au XVIIe siècle, et effet sous la domination de la famille Colonna ; Pie IX lui a conféré le statut de città en 1858. Quand Morselli écrivait Roma senza papa, cette ville comptait environ 6 500 habitants (actuellement 13 000).

2 Morselli fait état du mécontentement des ecclésiastiques exilés dans ce bourg, de celui des Gardes suisses, armée dissoute de but en blanc, et des plaisanteries amères des Romains insatisfaits, en particulier du fait de la perte de revenus due à la chute de l’activité touristique de la Ville éternelle : le peuple romain se sent abandonné et les policiers sont inquiets pour leur emploi du fait qu’auparavant les voitures immatriculées S.C.V. représentaient, dit l’un d’eux au narrateur, Walter, la moitié de la circulation romaine. Ce narrateur relève des éléments de continuité et parle avec humour de la saleté : « i locali […] afosi e sporchetti circa come allora » (p. 10), « la bambinocrazia [p. 17-19], […] il calcio […] motore della vita nazionale2 » (p. 52), le goût du bruit : « il bisogno […] di sonorizzarsi » (p. 60). Pour lui, « questa città continua a fingere una delle possibili propedeutiche all’inferno » (p. 12). Walter est un prêtre suisse d’Einsiedeln, dans le canton de Schwytz, né en 1943, marié à Lotte qui considère qu’il est fidèle même dans ses rêves ; il est venu à Rome, parcourant à pied les trente derniers kilomètres, pour une audience du pape. L’audience se fait attendre plusieurs jours pendant lesquels il parcourt la Ville éternelle, où il a vécu trente ans auparavant, entre 1968 et 1972, et où il rencontre ou retrouve divers personnages, des ecclésiastiques pour la plupart, qui commentent de diverses façons les changements en cours dans le monde et surtout dans l’Église en cette fin fictionnelle du XXe siècle.

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3 Ces discussions traitent des mutations de la société, des techniques, des mœurs, de la situation politique mondiale et surtout des changements en cours, espérés ou redoutés dans l’Église à la suite du IIe concile œcuménique de Vatican II3, ouvert par Jean XXIII en 1962 et clos par Paul VI en 1965, un peu plus de trente ans avant le moment où est censé se situer le roman de Morselli, mais peu de temps avant sa rédaction. Ce concile, généralement caractérisé par l’ouverture du catholicisme au monde moderne, a traité des rapports de l’Église catholique avec les autres religions et avec la société contemporaine. Il intervenait dans une décennie marquée par des tentatives de libération politique, sociale et culturelle, en Afrique où la décolonisation ouvrait des espoirs de développement indépendant, en Europe occidentale et en Amérique du Nord où s’esquissait une remise en question des rapports de domination et d’exploitation, en Amérique du Sud surtout, pour ce qui concerne notre propos. La théologie de la libération, que l’on s’accorde à faire commencer en 1957 avec la création des communautés de base au Brésil, propose que la religion ait pour objet la liberté et la solidarité, contre l’aliénation économique et sociale. En 1984-1986, elle sera contestée par les travaux de la congrégation Propaganda Fide, engagés à la demande de Jean- Paul II, au prétexte que cette réflexion d’une partie importante des catholiques et du clergé d’Amérique du Sud liait la question de la rédemption à l’engagement politique et à la violence contre les dirigeants. Toutefois le pape Jean-Paul II, de même que le cardinal Ratzinger, reconnut dans les années 1990 que cette approche pouvait avoir des aspects positifs.

4 Roma senza papa porte donc sur des questions qui mettent en cause l’Église catholique dans son nouveau cours, dont le départ de Rome n’est après tout qu’un épiphénomène.

5 Morselli prend le risque de l’anticipation qui, à la différence de l’utopie, ne prétend pas imaginer les buts et les voies d’une société idéale, mais le monde tel qu’il deviendrait si les choses continuaient à évoluer de la façon dont, selon l’auteur, elles le font à l’heure où il écrit. Roma senza papa développe donc à sa manière les résultats des travaux de Vatican II. Cette extrapolation situe la fin du XXe siècle dans un monde où la haute technologie pénètre les rites, les sacrements, avec la création de confessionnaux automatiques, un monde où règnent des usages qui dépassent certaines revendications qui s’exprimeront en 1968 : marijuana en vente libre, hallucinogènes prescrits médicalement comme stimulants intellectuels – et la « Compagnia », conformiste, condamne l’anticonformisme de ceux qui s’abstiennent d’en prendre (p. 27). Selon certains, les changements de l’Église catholique la rapprochent du protestantisme : elle se veut fondée sur la tolérance, vise l’œcuménisme « che tende a diminuire le differenze tra le varie accezioni cristiane » (p. 39) ; elle recherche le rapprochement avec le bouddhisme ; l’Église anglicane, mettant fin à un schisme de quatre siècles, a regagné l’Église catholique ; on intègre la psychanalyse dans la théologie et certains prêtres posent la question du mal de façon toute nouvelle, non comme résultat du péché originel, fruit du Malin, mais comme dû à l’inconscient ; l’athéisme est accepté comme foi, la foi est tenue pour une éthique et l’Église « ha mandato in pensione il Diavolo » (p. 157). En France et en Belgique, pour être ordonné prêtre, il faut un diplôme de métallurgiste. On dit la messe à Sélénopolis sur la Lune, et l’on procède à l’évangélisation des Vénusiens : on est loin de la polémique contre Galilée à propos de l’homme centre de la création4. Les jésuites instaurent en Italie du Sud une économie soviétiste efficace. Le mariage des prêtres est la norme. Sans parler du projet de pontificat à durée limitée ou, mais c’est à mettre au compte de l’humour du narrateur

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et de l’auteur, la pratique de certains prêtres, Américains abstèmes, qui remplacent le vin de messe par du Coca-Cola.

6 Cet humour tend à caricaturer la recherche de modernité de la part de l’Église qui cherche l’innovation avec une désinvolture acritique quand l’un des interlocuteurs de Walter déclare (p. 35) : « ci deve essere una teologia dell’acculturazione, una teologia dell’automazione […] Tante teologie quante sono le vie di Dio. Magari un po’ meno, ma insomma… » Walter l’interrompt « con intenzione sarcastica. Anche una teologia sportiva. E un’altra, alimentare », ou quand Morselli copie le langage de la publicité, créant un Centurvat (Centro turistico vaticano), donne une image de la carrière ecclésiastique qui repose largement sur l’arrivisme et la recommandation. Caricature assumée quand le narrateur reconnaît qu’il a évoqué sa carrière « col tono del carrierismo superficiale, da professionista della vocazione » (p. 13).

7 Inutile de poursuivre sur ce terrain : comme la science-fiction, la religion-fiction est démentie par la réalité ultérieure ; l’évolution historique ne se fait pas de façon mécanique en fonction de prétendues tendances lourdes, elle inclut des imprévus et des impondérables, l’action ou l’inaction des individus et des collectifs, des forces et des faits économiques, sociaux, politiques, culturels, idéologiques, moraux. Traitant des besoins de programmation en matière d’emploi et de formation universitaire, le sociologue François Dubet écrit « que les anticipations […] restent très incertaines » (in « le Snesup », mai 2006, p. 15). Que dire alors de l’entreprise de Morselli qui porte sur une projection concernant un ensemble culturel, idéologique et moral de l’envergure d’une des principales religions dites monothéistes ? On peut constater par exemple que Morselli n’imagine pas dans sa fiction que ce qui marquera dans le réel la période où il la situe n’est pas l’évolution de la religion catholique, mais les rapports entre les religions, entre les religions et les sociétés, les religions et les États, dans un contexte où ce que certains appellent « l’empire – ou l’axe – du mal » n’est plus le même. Les rapports entre chrétienté et islam, entre christianisme, islam et religion juive, entre politique et religion, n’ont pas dans ce roman la place qu’ils ont prise dans la politique mondiale après sa rédaction (la guerre des Six Jours intervient un an après la date de 1966 donnée par Morselli pour l’écriture de son roman). Si Morselli a déjà une idée de ce qui est devenu la mondialisation, il ne fait aucune place aux problèmes environnementaux et n’entrevoit pas plus que tous ses contemporains la disparition des systèmes politiques d’Europe de l’« Est », alors qu’on vient de passer à l’ère Brejnev après la période où Khrouchtchev dirigeait l’Union soviétique. Et le narrateur affirme sa certitude mathématique que, en l’an 2000, le PCI accèdera légalement au pouvoir en Italie alors qu’il s’est auto-dissout en 1991. Et Morselli ne prévoyait certainement pas que, en 1998, dans la période où il situe Roma senza papa, un ministre des Finances allemand Theodor Waigel, parlerait, à propos de l’Italie et des pays de l’Europe du Sud, de « pays du club Méd ». Et pourtant, « edificata l’Europa », écrit Morselli, « gli Italiani si sentono tutti indistintamente retrocessi a “Sud” […]. Ci hanno detto […] che le nostre fabbriche di auto, di frigoriferi erano relitti di un passato autarchico. “Da voi, solo il sole” » (RSP, p. 11).

8 Il ne s’agit donc pas de découvrir que Morselli s’est trompé dans cette tentative de religion-fiction. Comme tout bon humoriste, il doit être pris au sérieux, mais pas pris au mot et il ne croit certainement pas au futur qu’il dessine. Il ne raconte pas une allégorie ou un apologue. À peine une histoire. En supposant pour la fin du XXe siècle des évolutions de la religion qui se poursuivraient dans le sens qu’il croit ou prétend voir aux évolutions liées à Vatican II et aux questions qui se posent à l’Église, sur elle-même,

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sur les rapports sociaux, la sexualité, la mort, Morselli est amené à des réflexions qui sont de l’ordre du rationnel mais portent sur des domaines qui ne sont pas de cet ordre. Ces réflexions sous-entendent un jugement sur les évolutions de l’Église comme sur celles de la société où elle intervient, mais Morselli exprime, sans doute plus ou moins volontairement, des incertitudes sur ces points.

9 Le pape de son roman, Jean XXIV, est un Irlandais entre deux âges, fiancé à une théosophe de Bangalore. Notre prêtre suisse trouve quelque chose d’oriental à ce pape qui a été délégué apostolique en Irak où il a fréquenté le patriarche des nestoriens5 et l’un de ses objectifs est d’arriver à résoudre les différences entre ces deux Églises pour ramener les nestoriens, puis l’Église orthodoxe, « alla comune fonte cristiana » (p. 156-157)6. En effet, si une motivation du déménagement du siège pontifical est le souci d’alléger les procédures – « se durava troppa fatica a anna’ dal Papa. Doveva esse’ più semplice, più alla portata » dit un Garde suisse mis à la retraite (p. 54-55). La préoccupation de Jean XXIV est qu’en restant « romain », le pape ne peut être « catholique » au plein sens du terme ; le transfert à Zagarolo et l’hypothèse d’une mobilité constante, y compris hors d’Italie, jusqu’à la grotte de Bethléem (p. 154), entre donc dans sa conception du rôle universel de l’Église7. On apprend bientôt qu’il vient d’obtenir la responsabilité mondiale de la répartition des zones d’influence, y compris sur la Lune, entre les États-Unis et l’Union soviétique, et la fin du roman fait de cette Église catholique inattendue « una terza potenza a vantare dei diritti » (p. 183). On pourrait certes dire que Jean-Paul II a réellement fait, ou refait, de l’Église une puissance qui a pesé sur l’évolution politique du monde, mais sans rien à voir avec le roman de Morselli, lequel n’explique rien de ce qui permet à l’Église de Jean XXIV de devenir cette « troisième puissance » : son pragmatisme, sa conception œcuménique de la religion ? On ne sait pas par quelles voies, théologiques, culturelles, idéologiques, politiques, économiques cette démarche a pu progresser. Walter le pressent quand il tente de définir les raisons qui ont présidé au choix du nom de Jean XXIV : après deux papes, Paul VI et Libero 1er, qui ont choisi « una santità e bontà di accesso indiretto », plus intellectuelle en quelque sorte, il revient à la « bontà un po’ facile » de Jean XXIII (p. 176).

10 Walter, très traditionaliste, continue à revêtir les habits sacerdotaux, à commencer la messe par l’Introibo, et voit en Pie XII « l’ultimo papa che sia stato a tutti gli effetti regnante » (p. 24). Il se sent témoin, mais non participant, de la fin d’une période historique. La ville suisse d’où il vient est connue pour son abbaye du XVIIIe siècle mais, plus encore, pour son Carnaval dont les masques sont des diables et Walter confirme qu’il continue de croire au Diable. Il voit aussi dans le « bric-à-brac » des miracles, non « la superstizione […] ma la pretta, l’antica, la venerabile cattolicità del senso e del sentimento, irriflessa e dunque diretta, autentica » (p. 100) ; Morselli le met d’ailleurs en contradiction avec les faits le jour où il voit défiler un cortège de cardinaux et de gardes suisses sur la Place Saint-Pierre, cortège qui disparaît soudain parce qu’il s’agit d’une sorte d’hologramme virtuel : est-ce la technique humaine qui accomplit les miracles ? Walter est surtout l’auteur d’une Difesa dell’Iperdulìa8, dont il attend – en vain, il le sait – que la revue Civiltà cattolica donne « una mezza colonna di recensione ». Il veut, grâce à son ouvrage, « vedere l’ortodossia prendere posizione di fronte all’eresia. Non si può continuare con i polls e le interviste a discutere se la Madonna sia un’ebrea convertita come tante altre, o nella migliore ipotesi una santa » (p. 15). De façon générale, il conteste plus ou moins explicitement non seulement les abandons de l’Église dans les domaines pastoral et doctrinal, mais le fait que ces questions deviennent « argomento di pubblica opinione » (p. 15), débattu à la télévision, par des laïcs : il n’accepte pas « la

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volgarizzazione o laicizzazione della sfera ecclesiastica e religiosa » (p. 16). Pour lui, conformément aux conceptions conservatrices d’une Église conçue non pas comme assemblée des fidèles mais fondée sur la séparation entre le clergé et le peuple, la religion s’adresse à tout un chacun, mais la théologie, le dogme, le rite, « una fondamentale tradizione, e istituzione », sont l’affaire de « i legittimi, e cioè i competenti », parmi lesquels il se range, lui, « il modesto teologo d’Einsiedeln » (p. 16) où le contact entre il et modesto a tout d’un oxymore. Il n’est cependant pas le seul à constater et juger les évolutions de l’Église. Et quand deux jeunes prêtres exposent la « socialidarietà », le doute s’insinue en lui : il reconnaît in petto qu’il est attiré par cette proposition qui, dit- on, sera l’un des principaux champs de bataille du Concile Latran VI, « il Concilio del Duemila », mais on perçoit dans ses hésitations les échos des débats sur la théologie de la libération. Walter commente : « quando si è capito che tutti i paesi erano solidali di fatto […] allora gli aiuti sono cominciati sul serio » (p. 71). Mais il constate aussi que la charité est perdante dans cette mutation qui s’inspire non de l’Évangile mais du « gretto istinto della mutualità, hodie tibi, cras mihi […]. La psicoanalisi, novant’anni fa, ha liquidato quel poco che restava dell’esorcistica ». La socialidarietà, feint de s’interroger l’un des tenants de ce projet, « farà lo stesso con quello che rimane della carità cristiana? ».

11 On peut alors soupçonner Walter d’être un peu le porte-parole de Morselli. Les argumentations de celui-ci, contrairement à ce qu’il a dit, répété et écrit dans ses carnets9 sur le rôle prédominant de l’idéologie, laissent parfois penser qu’il croyait quand même à une place centrale de l’économie dans le malheur du monde. Dans Dissipatio H. G. (pour humani generis)10, il parle de la ville de Crisopoli, ville de la richesse comme son nom l’indique, « le sue radici attingono l’æternum del capitale, quintessenza della realtà » (p. 36-37). La plus grave faute des hommes a été « se non di cominciare la Storia, di proseguirla ». Les fautes les plus graves qu’il reproche à l’histoire des hommes ne sont pas d’ordre idéologique, mais ce sont « l’Imbruttimento, l’Inferocimento (con eufemismo, la “violenza”). L’inflazione (senza eufemismo: la peste monetaria) » (p. 65). Il s’agit alors non d’une question théologique mais philosophique et politique : si la mondialisation n’est pas une relation entre égaux, ce n’est pas qu’on n’ait pas compris que « la crisi dell’acciaio inglese fa pagare più tasse ai contribuenti americani » (p 69) ou que, si « un linfogranuloma [viene] curato e guarito in un ospedale di Tokio, è una notizia che reca sollievo a Lei a Roma, a me in Svizzera » (p. 73), mais qu’il y a peut-être des intérêts économiques qui motiveraient des résistances politiques et idéologiques à la socialidarité. Mais Walter juge que, désormais, structure et superstructure ne se distinguent plus : « quello che ha i piedi nell’economia ha il capo o il busto intero nella morale. O nella religione » (p. 70), faisant de l’économie, par cette métaphore, ce que certains appellent la base, et de la morale et la religion des superstructures.

12 Que Walter – et donc Morselli – soit réticent voire critique devant certaines tendances nouvelles de l’Église et prenne parfois des positions pour le moins conservatrices, on peut en avoir la confirmation chez le protagoniste de Dissipatio, réfractaire même à la doctrine sociale de l’Église, telle qu’elle remonte à l’encyclique Rerum Novarum (1891) qui voyait dans le travail et non dans le capital, « la source féconde » de tous les biens, précisant que « le travail a une telle fécondité et une telle efficacité, que l’on peut affirmer sans crainte de se tromper que, seul, il donne aux nations la prospérité », ce qui met en porte-à-faux l’affirmation de Morselli selon laquelle le capital serait « la quintessence de la réalité ». Walter relève bien d’autres contradictions entre les positions traditionnelles et celles qu’exprime récemment l’Église : comment Paul VI pouvait-il dire que la paix est le bien suprême ? « Una volta, ben supremo era la fede […]

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anche a costo della guerra » (p. 86). Ses hésitations et ses doutes, comme sans doute les inquiétudes de Morselli, ne touchent pas que le domaine pastoral, le rôle du Pape et de l’Église catholique sur le monde, mais le domaine doctrinal, proprement théologique : même s’il reprend des débats vieux comme le christianisme ou peut-être même plus, Roma senza papa aborde vraiment, avec sérieux, des questions qui touchent au dogme, sous l’angle des raisons de la foi, dans ses rapports avec la raison, bien que les religions exigent toujours un sacrifice de l’intellect : la nature de Dieu (est-il bon, est-il juste, est- il tout-puissant, raisonnable, compréhensible ?), qui a le droit de le juger dans ses contradictions, quels rapports entre Dieu et l’homme, entre toute-puissance divine et libre arbitre de l’homme, quelle est l’origine du mal ? Sur toutes ces questions, il relève ou laisse apparaître des contradictions ou l’absence de réponses.

13 La question du mal est, sans doute pour des raisons autobiographiques, la guerre notamment, l’objet d’une réflexion récurrente chez Morselli au plan philosophique. Ici, c’est de l’origine du mal qu’il traite, d’un point de vue théologique, en liaison encore avec son expérience personnelle : cette question occupe notamment plusieurs pages sous couvert d’un débat entre deux machines qui sont censées discuter de la virginité de Marie, mais l’un de ces engins (appelons-les « ordinateurs »), devenu incontrôlable, sort du sujet et pose explicitement la grande question : Unde malum? omniprésente dans le roman (p. 48-49, 91-92, 143-146). Adam, créature parfaite d’un auteur parfait, ne pouvait concevoir le mal. Si on déplace la responsabilité sur le serpent, le Diable, on n’a rien résolu : Dieu ne peut avoir créé le Diable. Ou alors, il est absurde de dire « délivre- nous du mal » si, comme le dit Isaïe, c’est Dieu qui a voulu et créé le mal (p. 91). Et « un creatore in ipotesi perfetto, può forse commettere ingiustizie nella creazione? » (p. 143) : pourquoi alors des papillons ont-ils des tumeurs et pourquoi les châtaigniers sont-ils « scomparsi dalla faccia della Terra, distrutti da un morbo inarrestabile che chiamiamo fitocancro » (p. 146) ? En expiation de quoi et avec quel espoir de rédemption ? Ils n’ont quand même pas commis le péché originel dont les hommes ne se sont rendus coupables qu’après la création des végétaux et des animaux (p. 145).

14 Le regard de Morselli sur les évolutions de la société, et surtout sa virulence dans le rappel de questions et contradictions qui surgissent du christianisme ne supposent donc pas une acceptation de ce qui est. Il hésite entre contestation du catholicisme traditionnel et critique des changements en germe qu’il traite – de façon parfois un peu sommaire – par la dérision, sans doute parce qu’il les trouve dérisoires. L’humour de Walter ne porte pas que sur les évolutions de l’Église et de la religion, mais aussi sur lui- même, ses doutes, sur les autres religions, sur l’humanité. À travers le regard ironique qu’il porte sur les Italiens, les Suisses, les prêtres de toutes nationalités, il y a sans doute l’amertume devant la vanité de toute chose et de tout geste, la déception existentielle qu’il a explicitement déclarée dans ses carnets11. Une déception qui a peut- être parmi ses causes les constantes déceptions que lui ont valu ses œuvres littéraires, et dont on peut parfois lire la trace dans le roman12.

15 Au dernier chapitre de Roma senza papa, Walter est finalement reçu, dans un groupe de douze prêtres, par le Pape qui leur délivre un message sibyllin : contestant implicitement la phrase de la Genèse (1 : 27) selon laquelle « Dieu créa l’homme à son image », Jean XXIV déclare : « Invece bisogna persuadersi che Dio è diverso, Dio non è prete […] e nemmeno frate » (p. 176-177). Cette affirmation de la différence absolue de Dieu laisse tous ces prêtres désorientés ; Walter en est troublé au point de chanceler physiquement. Jean XXIV met une limite à la fonction pastorale du Pape et de l’Église,

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s’en remettant ainsi totalement à la Grâce. Walter ne peut plus que se soustraire à ce qu’il appelle son « fluttuare interno, più che mai insidioso in questo estremo di crisi che il mondo spirituale attraversa, in questa incertezza di ogni credente creatura » (p. 181).

16 Le pessimisme de Morselli, enraciné dans son expérience et dans sa réflexion, ne se satisfait pas de l’humanité, de son passé ni de son présent et le futur ne lui dit rien qui vaille : quand il réécrit les suites de la Première guerre mondiale (Contropassato prossimo), quand il feint d’écrire l’histoire à venir (Roma senza papa), quand il écrit, pour sa dernière œuvre, la disparition de l’humanité (Dissipation H. G.), en abolissant, non la vie, mais seulement les hommes, on peut penser que, pour lui, les refus systématiques, ou qui peuvent paraître tels, de la part des éditeurs, ne sont qu’une métaphore de ce que l’humanité a de décevant, cette humanité qu’il qualifie de « banale » : Walter juge son attachement à Rome « profano, banale oltretutto. Umano » (RSP, p. 9) et le narrateur de Dissipatio se demandant s’il ne vit pas un rêve, commente « la domanda è banale e umana come uno sbadiglio » (p. 57). L’humanité est sans recours. L’histoire est sans recours (p. 26). Même la religion a déçu dans le passé et s’annonce comme décevante dans le futur ; elle ne vaut pas de vivre et ne permet pas de vivre : le pape, avec ou sans Rome, n’offre pas de perspective13. En ce sens, sans qu’on veuille y trouver une dimension prémonitoire, les doutes et réticences de Morselli dans ce roman sont probablement indicatifs des doutes et réticences qui ont accueilli Vatican II et qui éclairent certaines évolutions de l’Église depuis Jean-Paul II.

NOTES

1. Milano, Adelphi, 1986. Dans la suite de cet article : RSP. 2. Le gouvernement italien ayant décidé de réduire les émoluments des footballeurs professionnels, « da Ferrara a Siracusa, la piazza insorse. A Roma […] fu proclamata autonoma della Lazio » (RSP, p. 58). 3. XXII e concile œcuménique de l’Église catholique romaine, environ un siècle après Vatican I (1869-1870), lequel avait été convoqué par Pie IX – près de 300 ans après le précédent concile œcuménique de l’Église catholique romaine, le concile de Trente – et avait été marqué par les discussions sur les rapports entre la raison et la foi ainsi que sur la définition de l’infaillibilité pontificale, mais, interrompu par la guerre franco-prussienne, n’avait pu mener à leur terme les travaux portant sur l’Église elle-même. 4. Morselli revient sur cette question dans Dissipatio H. G. : « non esiste escatologia che non consideri la permanenza dell’uomo come essenziale alla permanenza delle cose. Si ammette che le cose possano cominciare prima, ma non che possano finire dopo di noi » (p. 56). 5. Église syro-araméenne, issue du conflit du Ve siècle (au centre notamment du Concile de Chalcédoine en 451) entre dyophysites et monophysites, portant sur la question de savoir si le Christ a deux natures, une divine et une humaine, ou une seule nature qui réunit ces deux composantes. Nestorius trancha le débat en faisant de Marie, non la mère de Dieu ou la mère de l’homme, mais la mère du Christ. L’Église nestorienne en tire comme conséquence le refus de la Trinité et se place hors de l’Église de Rome, tout en gardant le titre de catholicos pour le patriarche de l’Église arménienne. Les schismes n’étaient pas réglés au sein de cette Église au

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moment où Morselli rédigeait Roma senza papa : ce n’est qu’en 1995 que le catholicos de Cilicie, installé à Beyrouth, a été élu patriarche suprême et catholicos de tous les Arméniens. Morselli se réfère-t-il à cette « querelle byzantine » sur la nature du Christ quand il qualifie la Vierge de « theotokos, madre di suo figlio » ? (RST, p. 143) 6. Est-ce une référence à la rencontre de Paul VI, lors de son premier voyage à l’étranger, à Jérusalem, en janvier 1964, avec le patriarche œcuménique de Constantinople (Église orthodoxe de Constantinople), Athénagoras Ier ? 7. Et non pas le souci de réduire les frais du Vatican, ni celui de s’éloigner des communistes de la mairie de Rome (« ils y sont depuis si longtemps », dit Walter, qui, comme Morselli, n’y a pourtant vu ni Giulio Carlo Argan, ni Luigi Petroselli, ni Ugo Vetere, maires communistes de Rome dans les années 1970-1980) ou de la proximité du Général des Jésuites : il Papa nero n’a pas besoin d’être proche : il fait deux fois par jour le trajet Rome-New York et retour (RSP, p. 153-154). 8. Hyperdulie : culte rendu à la Vierge, à la différence de « dulie », culte rendu aux saints, et de « latrie », culte rendu à Dieu. 9. Cf. la thèse de D. Vittoz, La quête d’identité d’un intellectuel italien entre fascisme et après-fascisme : écriture d’essai et écriture de fiction chez Guido Morselli (1912-1973), 2 vol., Grenoble, 1995, p. 567. 10. Milano, Adelphi, 1977. 11. La thèse de D. Vittoz, op. cit., débute par ce constat (p. 2). 12. Par exemple, le protagoniste de Dissipatio H. G. est soumis aux clauses léonines des contrats des éditeurs (p. 89). 13. Les réserves formulées par Walter sur Paul VI portent sur un pape non fictif dont Morselli a vécu une bonne partie du pontificat (1963-1978).

AUTEUR

PIERRE LAROCHE Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3

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