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Elisapie Isaac North Star singer Elisapie Isaac, dubbed the Norah Jones of the North, has adapted to a new life “down south.” A portrait of a polar beauty with a warm heart.

Beauté nordique Surnommée la Norah Jones du Nord, la chanteuse inuite Elisapie Isaac s’est transformée avec le temps et sa nouvelle vie dans le « Sud ». Portrait d’une beauté polaire au cœur chaud.

By // Par Nathalie Petrowski photo yves médam

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When I met Elisapie, she was a shy, quiet Inuk who was going through a major culture shock and was wary of this new culture. Then, slowly, she spread her wings and really blossomed. —friend Nathalie Pelletier

The first time Elisapie Isaac “went south,” La première fois qu’Elisapie Isaac est descendue she wasn’t travelling to Cancún, Cuba, or even Miami. It dans le Sud, ce n’était ni à Cancún, ni à Cuba, ni même à Miami. was City, and it was the dead of winter. She was C’était à Québec en plein hiver. Elle avait 12 ans et n’était jamais 12 and had never before left her birthplace, the village sortie de Salluit, son village natal du , dans le Grand Nord of Salluit in Nunavik, near the northernmost tip of Que- québécois, aux confins de la baie d’Ungava et de la baie d’Hud- bec. Her surroundings featured great snowy expanses, son. Son quotidien était meublé de vastes étendues enneigées, permafrost, and violent squalls powerful enough to lift de toundra figée dans la glace et de bourrasques de vent qui la her off the ground, making her feel like she was flying. soulevaient de terre et lui donnaient l’impression de voler. Imaginer Different places seemed unimaginable. qu’il pût en être autrement ailleurs lui semblait impossible. And then came a phone call. It was her biological fath- Et puis le téléphone a sonné. C’était son père biologique, un er, a Newfoundlander who, wanting to get to know his Blanc de Terre-Neuve, qui, dans une tentative de rapprochement, daughter, suggested spending a weekend together “down lui proposait une fin de semaine dans le « Sud ». La petite Inuite south.” The smiling, freckle-faced young Inuk said yes aux yeux rieurs et au visage criblé de taches de rousseur a tout right away, even though she hadn’t the slightest idea de suite dit oui : oui, même si elle n’avait pas l’ombre d’une idée where she was really going. d’où elle s’en allait exactement. “I can pinpoint the moment when I developed my taste « Si je devais dater mon goût du luxe et du raffinement, je dirais for luxury and refinement: it was that weekend, when qu’il remonte précisément à cette fin de semaine là, quand j’ai vu I saw my room in the Château Frontenac and explored ma chambre au Château Frontenac et que je me suis promenée that wonderful city. I’d discovered a world that was com- dans cette ville magnifique. J’ai découvert un monde qui m’était pletely unknown to me, and it just blew me away. We complètement inconnu et qui m’a immédiatement émerveillée. weren’t poor up north, but we didn’t have much. In the Dans le Nord, nous n’étions pas pauvres, mais nous n’avions pas south, everything seemed beautiful, plentiful, and very grand-chose. Dans le sud, tout me semblait, beau, abondant et refined,” says Elisapie in an Old Montreal restaurant on a si raffiné », raconte Elisapie dans un restaurant du Vieux-Montréal day that seems almost too hot for the eternal northerner par une journée presque trop chaude pour l’indomptable nordi- in her. que en elle. The singer, musician, and filmmaker has lived in Installée à Montréal depuis bientôt dix ans, la chanteuse, mu- Montreal for almost a decade, but has never become fully sicienne et cinéaste ne s’est jamais complètement habituée à la acclimated to the city’s sticky summers and the crushing torpeur des étés montréalais ni à la chaleur humide qui s’abat weight of its hot, humid days. “I do find the summer op- sur elle comme un étau. « C’est vrai que l’été j’étouffe et que je pressive, and I’m not in my element. Winter is my coun- ne suis pas dans mon élément. Mon pays, c’est l’hiver, comme try, to paraphrase Gilles Vigneault’s famous song. I’m dans la chanson de Gilles Vigneault. Je suis toujours surprise d’en- always surprised to hear city people say how much they tendre les gens de la ville dire combien ils détestent l’hiver. Moi, hate winter. I hated the heat for a long time, but I came to pendant longtemps, c’est la chaleur que j’ai détestée, mais je me terms with it. Now I have a better understanding of the suis adaptée. Maintenant, je comprends un peu plus le plaisir de joys of wearing a summer dress, sipping a glass of rosé, porter une petite robe légère, de boire du rosé, de faire la fête socializing around a patio table. The more time goes by, attablée à une terrasse. Reste que plus le temps avance et plus I feel like even more of a northern girl precisely because I j’ai l’impression d’être une fille du Nord, précisément parce que live down south full time.” je vis à temps plein dans le Sud. » She still has a dark, even gaze, and her face still has Le regard est à la fois sombre et velouté, le visage toujours those freckles, but at 32, Elisapie Isaac is not the same criblé de taches de rousseur, mais, à 32 ans, Elisapie Isaac n’est shy, quiet, ultra-sensitive girl who arrived in Montreal in plus tout à fait la même jeune fille timide, silencieuse et sensible 1999 to study communications at Montreal’s John Ab- jusqu’à l’extrême, qui a débarqué à Montréal, en 1999, pour bott College. étudier en communication au Cégep John-Abbott, dans le West At the time, her plan was to become a filmmaker, an Island. actress, or both. She also wanted to sing, but was too shy. À l’époque, elle voulait devenir cinéaste ou actrice ou les Thanks in part to an NFB grant, she started out in film, deux. Elle voulait chanter aussi, mais elle n’osait pas. Alors, grâce making a short documentary as a tribute to her grand- à une bourse de l’ONF, elle a commencé par faire un film, un

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is sallvit, nunavik, her native village in quebec’s great north // salluit, nunavik : son village our natal dans le grand nord québécois e du T tèr n / Minis or enb tt ko Wiko © Hei

father and his friends, a group of Inuit dissenters who court métrage documentaire en hommage à son grand-père et refused to sign the James Bay Agreement. If the Weather à ses compagnons, un groupe de dissidents qui ont refusé Permits earned the young director a half dozen awards in de signer la Convention de la baie James. Intitulé Si le temps le Canada and the U.S., including the award for best short permet, le film a valu à la cinéaste en herbe une demi-douzaine documentary from the Fargo Film Festival, two awards de prix au Canada et aux États-Unis, dont le prix du meilleur court of excellence at the Indian Summer Awards in Wiscon- métrage documentaire au Fargo Film Festival, deux prix d’excel- sin and, in Quebec, a Jutra for best up-and-coming film- lence à l’Indian Summer Awards au Wisconsin et, au Québec, le maker. prix du Meilleur espoir en cinéma au gala des Jutra. Despite honours and recognition from non-aboriginal Néanmoins, malgré les honneurs et la reconnaissance de la society, the young Inuk was obsessed with questions société blanche, la jeune Inuite ne pouvait taire les questions exis- about her future, her identity, and her true goals in life. tentielles qu’elle se posait sur son avenir, sur son identité et sur ce She had dabbled in radio back in Salluit. She had done so- qu’elle avait vraiment envie de faire de sa vie. Elle avait déjà tâté cial work with young Inuit in her village and in Kuujjuak. de la radio à Salluit. Elle avait fait du travail social auprès des And film was still appealing to her. What to do? jeunes Inuits de son village et ceux de Kujuak. Le cinéma l’attirait As always when Elisapie asked herself questions, life encore. Que faire ? sent a messenger. This time it was Alain Auger, the com- Comme toutes les fois où Elisapie s’est posé des questions, la poser and musician who had scored her film. They came vie lui a envoyé un messager. Il s’appelait Alain Auger. C’était un together more or less by accident. He was looking for a compositeur et musicien qui avait signé la musique de son film. voice, she was looking for moral support. After listening Ils se sont retrouvés un peu par hasard. Lui cherchait une voix, to the demo of a few songs she’d recorded at home, Auger elle cherchait quelqu’un pour lui donner du courage. Après avoir suggested they become professional partners. Their as- écouté le demo de quelques chansons qu’elle avait enregistrées sociation produced Taima, named for an ex- toute seule dans son coin, Alain Auger l’a demandée en ma- pression meaning “enough.” Taima is both the name of riage : professionnellement s’entend. Leur union fut célébrée avec their duo and the title of their debut album. Elisapie’s la naissance de Taima, une expression qui en inuktitut veut dire melancholy, ethereal vocals in French, English, and Inuk- « assez, ça suffit ». Taima, c’était à la fois le nom de leur duo et le titut earned her the nickname of the Norah Jones of the titre de leur premier album où la voix mélancolique et envoûtante North. d’Elisapie, mêlant le français, l’anglais et l’inuktitut, lui valut le sur- With impetus from the growing chorus of critical nom de Norah Jones du Nord. praise, Taima’s debut album led to a long tour that took Encensé par la critique qui salua le métissage inspiré du duo, them to places as far-flung as Greenland, Glastonbury, le premier album de Taima ouvrit la voie à une longue tournée

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Quand je l’ai connue, c’était une Inuite farouche et silencieuse qui se méfiait de la culture des Blancs. Puis, lentement, Elisapie a déployé ses ailes et s’est épanouie comme un papillon. — Son amie Nathalie Pelletier

Brazil, Norway, and Finland. When it was over, Elisapie, qui les entraîna du Groenland jusqu’à Glastonbury en Angleterre who had already fallen in love with Quebec actor Patrice en passant par le Brésil, la Norvège et la Finlande. Au retour, Robitaille, discovered she was pregnant with Lili Alacie. Elisapie, qui était déjà tombée amoureuse de l’acteur québécois “It’s been almost five years since we formed Taima,” Patrice Robitaille, tomba enceinte de Lili Alacie. she says. “Five years when I grew up, became a woman, « Entre le début de Taima et aujourd’hui, raconte-t-elle, presque became the mother of a little girl who’ll be 3 in May. I cinq ans se sont écoulés, cinq années où j’ai grandi, je suis deve- lost my adoptive parents and my biological father. So a nue une femme, puis la mère d’une petite fille qui aura trois ans en lot of things have happened to make me grow. The big- mai. J’ai perdu mes parents adoptifs. Bref, il s’est passé beaucoup gest difference between then and now is that I’ve learn- de choses qui m’ont fait évoluer. La grande différence entre hier ed to stand up for myself and take charge of my own et aujourd’hui, c’est que j’ai appris à m’assumer, à m’affirmer et à business.” oser faire mes propres affaires. » She is referring to the solo album for which she wrote Par ses propres affaires, Elisapie entend en fait un CD solo lyrics and music during her maternity leave, then record- dont elle a écrit les paroles et les musiques pendant son congé ed this fall in a studio in St. Sauveur, north of Montreal, de maternité et qu’elle a enregistré cet automne dans un studio with producer Éloi Painchaud. de Saint-Sauveur, dans les Laurentides, avec le réalisateur Éloi “That doesn’t mean Taima is dead and buried,” she Painchaud. stresses. “Just that I needed some freedom and to feel like « Cela ne veut pas dire que Taima est mort et enterré, précise- I was in charge. Deep down I’m a very moody person, t-elle. Seulement que j’avais besoin de liberté et de sentir cette and I wanted to express that side of my personality with- fois que j’étais le seul maître à bord. Je suis à la base une fille out making any compromises.” très mélancolique et je voulais pouvoir exprimer ce côté-là de ma Her friend Nathalie Pelletier, a cultural journalist and personnalité sans faire de concessions. » media host, has known Elisapie since her arrival in Mont- Nathalie Pelletier, journaliste et animatrice culturelle, a connu real. “Her transformation over the years just amazes me. Elisapie alors qu’elle venait d’arriver à Montréal. When I met her, she was a shy, quiet Inuk who was go- « Sa transformation au fil des ans m’épate. Quand je l’ai ing through a major culture shock and was wary of this connue, c’était une Inuite farouche et silencieuse qui vivait un new culture. Then, slowly, Elisapie spread her wings and grand choc culturel et qui se méfiait de la culture des blancs. really blossomed. Now she’s vocal, she expresses her- Puis, lentement, Elisapie a déployé ses ailes et s’est épanouie self, she isn’t afraid to give her opinion. She has both feet comme un papillon. Aujourd’hui, elle parle, elle s’affirme, elle n’a planted in our culture and modern life, but she still has pas peur de ses opinions. Elle a les deux pieds dans notre culture deep roots in Inuit culture. It’s really great to see!” et dans la vie moderne, tout en restant profondément enracinée Singer-songwriter Martin Léon is also a good friend of dans la culture inuite. C’est vraiment beau à voir ! » Elisapie. “She’s very connected to the immensity of life. L’auteur-compositeur-interprète Martin Léon est un grand ami She’s intensely affected by wonderful things and mortal- d’Elisapie. « C’est une fille très connectée sur l’immensité de la ity, the inspiring and the mundane. She’s also someone vie, qui ressent intensément aussi bien le merveilleux, le fatal, who always faces things head on, never backing down. l’inspirant que la grisaille, dit-il. C’est aussi quelqu’un qui fait face Those are rare qualities.” à tout et qui ne contourne jamais rien. C’est rare. » For Mariouche, the fashion designer and recycled-fur Pour la créatrice de mode et reine de la fourrure recyclée Ma- entrepreneur behind Harricana, Elisapie is more than just riouche, de chez Harricana, Elisapie n’est pas qu’une amie. C’est a friend, she’s a muse. “Elisapie is a very genuine person. une muse : « Elisapie, dit-elle, est quelqu’un de vrai. C’est aussi une She’s also an artist in her soul. She’s sensitive and has in- artiste dans l’âme, quelqu’un de sensible, qui dégage un charme credible charm and charisma. I’ve worked with fantastic et un magnétisme incroyables. Et même si j’ai travaillé avec des actresses and the most beautiful models in Montreal, but actrices magnifiques et les plus beaux mannequins de Montréal, when Elisapie agreed to model for Harricana, I couldn’t quand Elisapie a accepté de faire des photos pour Harricana, have dreamed of working with a more beautiful woman. je ne pouvais rêver d’une plus belle femme qu’elle. C’est mon She’s my feminine ideal.” idéal féminin. »

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You might think that such a torrent of praise would go Tous ces compliments qui ne cessent de pleuvoir sur Elisapie to Elisapie’s head. Not so. At 32, she’s still making her auraient pu lui monter à la tête. Il n’en est rien. À 32 ans, la belle way with a deep-rooted shyness and lack of confidence continue d’avancer avec un fond de timidité et de manque d’as- that make her work all the more touching. surance qui la rend encore plus touchante. “I’ve always had a deep need to express myself. But « J’ai toujours eu un grand besoin de m’exprimer, mais, avant, before, I was afraid of revealing myself and being judged. j’avais peur de m’exposer et finalement peur d’être jugée. Mais Now, I try to make peace with my fears by telling myself aujourd’hui, j’essaie de faire la paix avec mes peurs en me disant that nobody’s perfect and what matters is being open and que personne n’est parfait et que l’important c’est d’être ouvert… sincere.” et sincère. » During the two years she took off after having her Pendant les deux années de son congé de maternité, Elisa- daughter, Elisapie took the time to live and enjoy her new pie a pris le temps de vivre et d’apprivoiser sa nouvelle vie de family life, while listening to plenty of music by her fa- famille tout en écoutant beaucoup de musique et ses chanteuses vourite singers: Carole King, Dionne Warwick, and Feist. préférées : Carole King, Dionne Warwick et Feist. Ses premiè- She wrote her first songs at home, between bottles and res chansons sont nées à la maison entre un biberon et deux diapers. And yet few of them make direct or even indirect changements de couche. Pourtant, peu parlent directement ou mention of Lili Alacie. indirectement de Lili Alacie. “I’m deeply devoted to my child, but my child is my « Je suis très dévouée à mon enfant, mais mon enfant, c’est child. She’s part of my life, but not the only part. That’s mon enfant. C’est une partie de ma vie, mais pas la seule. C’est why I’ve always made a point of making time for myself pour ça que j’ai toujours tenu à prendre du temps pour moi en as a woman and a singer. At the end of the summer, I tant que femme et en tant que chanteuse. À la fin de l’été, je suis went to Quebec City and Winnipeg to sing, without my allée chanter à Québec et à Winnipeg sans ma fille. Je me suis daughter. I missed her, of course, but that feeling is less ennuyée d’elle, c’est sûr, mais l’ennui est moins grand quand on intense when you love what you’re doing.” aime ce qu’on fait. » Twice a year—in fall and spring—Elisapie visits her Deux fois par année, à l’automne et au printemps, Elisapie family and friends in Salluit. She is especially fond of late retourne à Salluit voir sa famille et ses amis. Elle aime particuliè- September, when the snow starts to fall and the water rement la fin septembre, quand la neige arrive et que l’eau qui that hasn’t yet frozen over is shiny and black. For ten n’a pas encore eu le temps de geler se pare de reflets noirs et days, together with little Lili (to whom she speaks only lustrés. L’espace de dix jours, avec sa petite Lili à qui elle ne parle Inuktitut), she becomes the girl of a decade ago—the pro- que l’inuktitut, elle redevient la fille d’avant, celle qui, farouche et foundly shy and quiet one who would sit out on the tun- silencieuse, se plantait au milieu de la toundra et laissait le vent dra and let the wind lift her. When she gets back to the la soulever. Au moment de retourner dans le Sud, une vague city, she is invariably flooded with conflicting emotions. d’émotions contradictoires l’envahit immanquablement. D’un côté, On the one hand, she hates to leave behind her family elle a le cœur lourd de quitter sa famille et ses racines ; et de and her roots, on the other she’s happy to return to her l’autre, l’esprit léger à l’idée de retrouver, sa liberté, là-bas dans independent life in the big city. la grande ville. When it’s time for goodbyes, she stows her melancholy Au moment des adieux, la mélancolie se glisse dans sa valise away in her suitcase and it stays there for the whole trip. et l’accompagne pendant tout le voyage. Mais quand l’avion se But when the plane lands, no matter the time, place, or pose sur la piste, peu importe le lieu, l’heure ou la saison, Elisapie season, Elisapie knows that there is only one country. A sait qu’elle n’a qu’un pays, et que ce pays ce n’est pas un pays. country that is not a country, it’s winter. C’est l’hiver.

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