Quaestiones Meâii Aevi Novae
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/I /l0I77~ - »i. Quaestiones Meâii Aevi Novae vol. 12 + 2007 HISTORIOGRAPHY Fundacja Centrum Badari Historycznych SOCIETAS VlSTULANA Warszawa 2007 O~(fl/lS-1I QUAESTIONES MEDnAEVI NOVAE (2007) I. HISTORIOGRAPHY· GEORGES PON, SOLINE KUMAOKA PomERS PARIS L'HISTORIOGRAPIDE POITEVINE AU XIE SIÈCLE ET AU DÉBUT DU XIIE SIÈCLE "Après le martyre de saint Adalbert, des marchands trouvèrent le saint trésor et l'exposèrent en Esclavonie. En l'apprenant, le roi d'Esclavonie nommé Boleslav, qu' Adalbert avait lui-même baptisé, leur donna de grands présents, reçut avec respect le chef et le corps, et fit construire en son honneur un très grand monastère [... ]"1. Grâce à la Chronique d'Adémar de Chabannes, les Poitevins du début du XIe siècle avaient entendu parler de la Pologne. L'article qui va suivre entend faire connaître les historiens poitevins du XIe siècle et du début du siècle suivant aux lecteurs d'une revue polonaise. Le sujet a déjà été abordé par Edmond-René Labande dans une communication aux Semaines de Spolète mais dans le cadre beaucoup plus vaste de la France de l'Ouest'. On se limitera ici au Poitou et à ses marges, car la question traitée ici a été en partie renouvelée par de nouvelles éditions des principaux textes et de nombreuses recherches. Le Chronicon d' Adémar de Chabannes a fait l'objet d'une édition critique publiée dans le Corpus • The section edited by Tomasz jasiriski. 1 Ademari Cabannensis Chronicon, éd. P. Bourgain avec la collaboration de R. Landes et G. Pon, Turnhout 1999 (plus loin: Chronicon, éd. P. Bourgain), p. 152; Adémar de Chabannes, Chronique, trad. Y. Chauvin et G. Pon, Introduction par G. Pon, Turnhout 2003 (plus loin: Chronique), p. 238. 2 Ed.-R. Labande, L'historiographie de la France de l'Ouest aux X' et XI' siècles, dans: La storiografia altomedievale, 10-16 Aprile 1969, Settimane di Studio dei Centro Italiano di Studi sull'Alto Medioevo, II, Spolète 1970, p. 751-791. 6 GEORGES PON, SOLlNE KUMAOKA christianorum et d'une traduction en français', L'histoire du moine Pierre de Maillezais, qui raconte l'histoire de son abbaye créée à la fin du Xe siècle sur une île du Golfe des Pictons, a été également publiée", comme le sera bientôt la Chronique du moine Martin qui est un récit de la fondation du monastère clunisien de Montierneuf par le comte de Poitou Guy-Geoffroy Guillaume. Nous avons entrepris l'édition d'un autre récit de fondation, celui d'un prieuré de La Chaize-le-Vicomte dépendant de l'abbaye ligérienne de Saint-Florent de Saumur. La Chronique de Saint-Maixent, publiée et traduite par Jean Verdon en 19795, a fait plus récemment l'objet des recherches de Saline Kumaoka pour sa thèse de doctorat soutenue à Paris en 2006. L'exposé qui va suivre repose donc sur de solides bases textuelles. Toutes ces œuvres appartiennent à des genres très divers. Le Chronicon d'Adémar est une "histoire" de France autant qu'une "chronique" d'Aquitaine et une "histoire mondiale". C'est aussi de l'Historia que relève le récit de fondation du moine Pierre, une histoire en partie légendaire, alors que le moine Martin préfère qualifier son ouvrage de chronicalis descriptio. La même expression pourrait être utilisée pour la Chronique de La Chaize-le-Vicomte qui suit l'ordre chronologique et qui s'appuie sur des archives bien classées, des souvenirs et des témoignages précis. Ces trois dernières œuvres sont des "récits de fondation" d'une abbaye, mais fort différents les uns des autres tant dans la forme que dans la fonction que leurs auteurs leur conféraient. Dans de telles conditions, renonçant à fonder cette étude sur une typologie des genres historiques, nous avons choisi un plan chronologique qui permet de dégager trois moments principaux: - les années 1025-1030, qui sont les dernières années du principat de Guillaume le Grand, comte de Poitou et due d'Aquitaine (995-1030), voient la composition de la Chronique d'Adémar et d'un texte plus difficile à définir, le Conuentumr, qui retiendra assez longuement notre attention, même s'il n'est pas du tout certain qu'il appartienne vraiment à Clio; - la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle est le temps des récits de fondation d'abbayes et de prieurés. Bien que limités, semble-t-il, à l'histoire 3 Voir supra, n. 1. 4 La fondation de J'abbaye de Maillezais. Récit du moine Pierre, éd. et trad. Y. Chauvin et G. Pon, sous la dir. d'Ed.-R. Labande, La Roche-sur-Yon 2001 (plus loin: Le récit du moine Pierre). 5 Chronique de Saint-Maixent, 751-1140, éd. et trad. par J. Verdon, Paris 1979. 6 G.T. Beech, Y. Chauvin et G. Pon, Le Conventum (vers 1030). Un précurseur aquitain des premières épopées, Genève 1995 (plus loin: Le Conventum). Cet ouvrage comporte l'édition (p. 123-138) et la traduction en français et en anglais du texte (p. 139-153). Dans la suite de l'article, on fera référence à cette édition dont les lignes sont numérotées et à la traduction française, même si, sur quelques points, la traduction de ce texte très difficile mériterait quelques corrections. L'HISTORIOGRAPHIE POITEVINE AU XIE SIî:CLE ET AU DÉBUT DU XIIE SIî:CLE 7 d'un établissement monastique, ces textes sont riches et apportent des informations de grand intérêt non seulement sur l'histoire des monastères mais aussi sur les rapports entre moines et laïcs dans la seconde moitié du XIe siècle. Ce siècle ne se limite pas aux œuvres conservées. Soline Kumakoa a su retrouver la trace d'annales aujourd'hui perdues qui vont nourrir au début du siècle suivant la rédaction d'une œuvre plus ambitieuse, la Chronique de Saint- -Maixent compilée en 1124 et achevée en 1141. 1. LE CONVENTUM: LE DÉSACCORD DES HISTORIENS Bien que le Conventum ait déjà été publié par l'historien Jean Besly dans la première moitié du XVIIe siècle - c'est cet érudit qui lui a donné le titre sous lequel il est connu - ce curieux texte a été longtemps presque ignoré par les grands historiens de la société féodale: si Jacques Flach! y a fait une brève référence, ni François-Louis Ganshof, ni Marc Bloch n'en ont parlé - et seuls des travaux d'histoire régionale d'Alfred Richard", de Marcel Garaud 10, puis de George Beech!' l'ont utilisé. La parution d'une nouvelle édition par Jane Martindale" a réveillé l'intérêt des chercheurs pour ce texte, comme le montrent les pages que lui ont consacré Georges Duby!', jean-Pierre Poly et Éric Bournazel" et Stephen WhitelS• Au même moment, une "littéraire", Mary Hackett, attirait pour la première fois l'attention sur la langue du Conuentum+. 7 J. Besly,Histoire des comtes de Poictou et des dues de Guyenne, Paris 1647, p. 288-294. 8 J. Flach, Les origines de l'ancienne France, Paris 1893-1917, IV, p. 569-570. 9 A. Richard, Histoire des comtes de Poitou, l, Paris 1903, p. 157 et suiv. 10 M. Garaud, Un problème d'histoire. A propos d'une lettre de Guillaume à Fulbert de Chartres, dans: Études d'histoire du droit dédiées à Gabrielle Bras, I, Paris 1965, p. 589 et suiv.; idem, Les châtelains du Poitou et l'avènement du régime féodal, XI'-XIl' siècles, Poitiers 1967, "Mémoires de la Société des Antiquaires de l'Ouest" 4· sér., VII (1964), p. 45 et suiv. It G.T. Beech, A Feudal Document of Early l l'" Century Poitou, dans: Mélanges offerts à René Crozet, l, Poitiers 1966, p. 203-213. 12 J. Martindale, Conventum inter Guil/elmum Aquitanorum Comes et Hugonem, "English Historical Review" LXXXIV (1969), p. 528-548. Cet article a été repris par l'auteur dans: J. Martindale, Status, Authority and Regional Power. Aquitaine and France 9th to 12th Centuries, Variorum 1997, VIIb, avec une traduction du texte latin en anglais. 13 G. Duby, Le Moyen Age de Hugues Capet à Jeanne d'Arc, Paris 1987, p. t02-111. t4 J.-P. Poly, É. Bournazel, La mutation féodale, XIe-XIl' siècles, Paris 1980, p, 137 et suiv. ts S.D. White, Stratégie rhétorique dans la Conventio de Hugues de Lusignan, dans: Mélanges offerts à Georges Duby, II: Le tenancier, le fidèle, le citoyen, Aix-en-Provence 1992, p. 147-157. t6 W.M. Hackett, Aspects de la langue vulgaire du Poitou d'après un document latin du Xl' siècle, dans: Mélanges offerts à Rita Lejeune, Gembloux 1969, p, 13-22. 8 GEORGES PON, SOLINE KUMAOKA Une nouvelle édition accompagnée d'un essai de traduction en anglais et en français de ce texte difficile, a paru en 1995, précédée d'une introduction de George Beech". Ce dernier entendait démontrer que le Conventum, n'était pas, comme on l'avait cru jusque là, un texte historique, un memorandum juridique, une conuenientia, mais un "texte littéraire" assez surprenant, écrit dans un latin vulgaire farci d'oralité en même temps que très savamment construit. Avec des arguments très pertinents il risquait l'hypothèse qu'il s'agissait d'un "précurseur aquitain des premières épopées"!", pour reprendre le sous-titre de l'ouvrage, et plus précisément d'une sorte d'ancêtre des chansons de révolte du vassal fidèle contre un seigneur perfide, comme dans le Raoul de Cambrai. Cette hypothèse n'a pas été rejetée par tous les spécialistes mais elle a immédiatement suscité le courroux et les critiques de plusieurs historiens de renom, notamment Stephen White, Jane Martindale et Dominique Barthélemy. Ce dernier rejette l'hypothèse comme "inadmissible" et reproche à notre collègue "de retirer le Conventum aux historiens".