Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Granges pyramidales en Pays Fort

1 Notes méthodologiques et état du savoir existant...... 2 1.1 Problématique ...... 2 1.1.1 Objectif...... 2 1.1.2 Approche ...... 2 1.2 Réunir un matériau d’étude ...... 2 1.2.1 Bibliographie...... 2 1.3 Augmenter le matériau d’étude...... 3 1.3.1 Netgraphie ...... 3 1.3.2 Autres sources ...... 3 2 Définir la grange pyramidale ...... 4 2.1 Qu’appelons-nous « grange pyramidale » ...... 4 2.1.1 Notion de volumétrie...... 5 2.1.2 Quelle volumétrie ...... 5 2.1.3 Géographie...... 12 2.1.4 Histoire...... 12 2.1.5 Structure ...... 13 2.1.6 Construction ...... 13 2.1.7 Ethnologie...... 14 2.1.8 Origine de l’application du terme « pyramidal » aux granges...... 15 2.2 Liste de tous les objets rencontrés et matériaux disponibles ...... 17 3 L’analyse...... 21 3.1 Corpus d’étude codifié ...... 21 3.2 Implantation des objets...... 22 3.3 Caractéristiques des objets ...... 22 3.3.1 Note sur la présentation de l’analyse ...... 22 3.3.2 Note sur la construction de la base de données ...... 22 3.3.3 Base de données ...... 22 3.3.4 Classification et codification thématique ...... 23 3.3.5 Table thématique ...... 23 3.4 Synthèse des résultats ...... 23 3.4.1 Note sur la fiabilité des résultats ...... 23 3.4.2 Le type / ses variantes...... 23 3.4.3 Murs hauts / murs bas et ouvertures ...... 25 3.4.4 Les altérations ...... 25 3.4.5 Travées et cornalier ...... 27 3.4.6 Construction du « tabouret »...... 28 3.4.7 De la logique constructive ...... 29 3.4.8 De la logique agricole ...... 29 3.4.9 Hypothèses plus hasardeuses ...... 30 4 Conclusion...... 31

1/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

1 Notes méthodologiques et état du savoir existant

1.1 Problématique

1.1.1 Objectif L’objectif de mon travail est de mieux connaître les granges dites « pyramidales » : à travers les ca- ractéristiques qui leur donnent une identité de groupe, et à travers leurs différences.

1.1.2 Approche N’y a-t-il qu’un type de granges pyramidales, ce qui justifierait leur regroupement en un seul ensemble comme c’est le cas aujourd’hui avec une appellation à la fois populaire et touristique ? Je tenterai de répondre à cette question par une analyse morphologique.

Quelles sont les particularités de la (des) charpente(s) de ces granges ? Quel est son (leur) niveau de pertinence ? Y a-t-il des faiblesses récurrentes ? Ces questions ayant trait à la structure seront re- groupées dans les derniers paragraphes de l’analyse morphologique. Le sujet demanderait une étude mécanique qu’il m’est impossible de réaliser dans le temps de cet enseignement, malgré les moyens disponibles à l’école.

1.2 Réunir un matériau d’étude

1.2.1 Bibliographie ▼ Pierre Bailly « Notes sur l’habitat traditionnel dans le nord du département du », in Cahiers d’archéologie et d’histoire du Berry, n°16, Société d’archéologie et d’histoire du Berry, , mars 1969

▼ Christian Zarka Corpus de l’architecture rurale française : l’architecture rurale du Berry, Berger-Levrault, Paris, 1982

▼ Jean-Yves Hugoniot Maisons paysannes en Berry, Royer, 1994

▼ Centre de Recherches sur les Monuments historiques (CRMH) Sous la direction de Patrick Hoffsummer : Les charpentes du 11e au 19e siècle : typologie et évolution en du Nord et en Belgique, Cahier du Patrimoine n° 62, Monum, Editions du patrimoine, Paris, juin 2002 Sous la direction de Daniel Bontemps : Charpentes de la Région Centre du 12e au 13e siècle, Monum, Editions du patrimoine, Paris, 2002

▼ EDF-U.R. PACT du Centre Le bâti ancien en Berry, février 1984 Le bâti ancien en Beauce et Sologne, octobre 1984

▼ Denizet et alii Le Berry, Bonneton, édition de 1982

▼ CAUE du Cher Habitat traditionnel du Cher : 1- Restaurer en Pays-Fort Sancerrois, Bourges, 1984 Habitat traditionnel du Cher : 2- Restaurer dans la Marche et le Boischaut, Bourges, 19 ?? Etude dans le cadre du programme européen Leader II

▼ Service de l’Inventaire des Monuments Historiques de la région Centre (MM. Vincent et Toulier) « Le pré-inventaire : fécondité d’une prospection systématique de l’habitat traditionnel / Les granges du Pays-Fort », rapport, Orléans, 1973

2/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

▼ Secrétariat régional du Centre à l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France Architecture et tradition en Pays-Fort, pré-inventaire du canton de Vailly-sur- (Cher), catalogue d’une exposition au château de Boucard préparée et présentée avec le Comité départemental du Cher, Orléans, 1975

▼ CRDP de l’Académie d’Orléans-Tours Habitat rural de la Région Centre : la bordure orientale, 1980 ? Habitat rural de la Région Centre : synthèse, réédition de 1983 Les Granges en Région Centre, carnet de diapositives et commentaires, 1988

▼ DRAC du Centre Protection systématique du patrimoine rural du Centre : les granges et les fermes du Pays-Fort, rap- port de présentation de l’ITHAQUE pour la DRAC, Paris, octobre 1986

▼ Syndicat Mixte du Pays -Sologne « Carnet de route du Circuit des Granges Pyramidales », brochure touristique, 2003 ? « L’étrange Histoire des Granges Pyramidales », brochure touristique, 2003 ?

▼ Syndicat Intercommunal pour la mise en valeur économique et touristique du Pays-Fort, Sancerrois, Val-de- « Le Pays des Granges Pyramidales », dossier d’informations touristiques, 2003 ?

▼ Jean-Luc Flohic (sous la direction de) Le Patrimoine des Communes du Cher, Flohic Editions, Paris, février 2001

▼ Paul Poitevin « Des granges et des granges pyramidales du nord-est du Berry », Extrait du Bulletin n°10-2001 de l’association CASTELLIO, Châtillon-sur-Loire, 2001

▼ Béatrice Bernardin-Benetruy « Inventaire des granges à charpente sur poteaux du Pays Fort », TPFE, EA Paris La Défense, juin 2000

▼ Revue Le Berry « Les granges pyramidales du Pays-Fort », été 1998, n°46, pp 36-40 « Du sommet de cette pyramide… », automne 2000, n°55, pp 24-29

▼ Revue La Sologne « Mieux connaître les granges », avril 1988, n°60, pp 5-19

1.3 Augmenter le matériau d’étude

1.3.1 Netgraphie Rien d’exploitable. La DRAC met en ligne sa base de données Mérimée et rend ainsi accessible l’Inventaire des Monu- ments Historiques, qui répertorie plusieurs milliers de granges, mais cette base ne distingue pas les différents types de granges qui existent, et les descripteurs utilisés sont insuffisants pour déterminer quelles granges pourraient être considérées comme « pyramidales ». Un journaliste du Berry cherche des infos tout en montrant quelques unes de ses photos, avec droits d’auteur. Un particulier est lui aussi à la recherche de passionnés susceptibles de l’aider. Un autre donne quelques informations vérifiées…ou non.

1.3.2 Autres sources Aux Archives départementales du Cher : Cadastre dit napoléonien (de 1833 à 1837 pour les communes étudiées) Assigny : sections B1, C1, D1, D2

3/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Aubigny-sur-Nère : « Aubigny-village » en une seule section, et section C6 Subligny : sections B1, C2, D2 : sections B2, B4, C2, E2, E4, F1, F2 : section A2 Communes à faire : , Savigny, Dampierre, Cernoy…

En mairie : Cadastre actuel (datant du dernier remembrement). 2 Définir la grange pyramidale

2.1 Qu’appelons-nous « grange pyramidale » Une brochure touristique, présentée par l’Office de tourisme de Vailly (chef-lieu du canton de Vailly, au cœur du Pays Fort) et le Syndicat mixte du Pays Sancerre-Sologne, propose un parcours de décou- verte d’une dizaine de granges « pyramidales » dans le canton. « Une architecture typique : toit interminable, grenier servant de fenil, large nef centrale flanquée de bas-côtés et deux avancées de toit pour les animaux »

Des articles parus dans les journaux régionaux (Le Journal de Gien, Le Berry Républicain, La Voix du Sancerrois) rappellent occasionnellement l’existence d’une trentaine de granges « pyramidales » à la toute fin du 20ème siècle, lors d’opérations de sauvegarde ou d’événements liés aux politiques locales de mise en valeur du patrimoine.

Les revues locales (Berry Magazine, La Sologne) ont consacré des dossiers sur les granges en géné- ral et les granges « pyramidales » en particulier, qui proposent un bref développement historique, ethnologique et architectural, avant tout à destination d’un public non spécialiste.

Le site web du CAUE du Cher présente des images d’une dizaine de granges « pyramidales » que l’on suppose sélectionnées sur des critères explicites. « …il existe des bâtiments agricoles très anciens dont la forme se compose d'une base carrée et d'un toit à quatre pentes. Ce sont des granges pyramidales. »

Les descriptions courantes sont toujours aussi sommaires, tant l’évidence de la forme de ces granges subjugue l’observateur.

Pierre Bailly, dans un bulletin local d’archéologie et d’histoire, mentionne simplement « une vaste grange à toit pyramidal haut de 9,15 m et retombant très bas ». Suivent quelques lignes sur la cons- truction et l’usage de cette grange. Et plus loin la description d’une maison, « de plan carré d’environ 11 m de côté [et] recouverte d’un vaste toit pyramidal dont le sommet atteint 8,75 m ».

Jean-Yves Hugoniot présente une typologie des granges très détaillée mais sans commentaire : c’est le seul dans les livres accessibles au grand public, à distinguer plusieurs variantes du type de grange « pyramidal », d’ailleurs classé non pas parmi les granges sur poteaux ou les granges sur murs por- teurs, mais dans une catégorie indépendante : « sur poteaux gras ». Selon lui, trois variantes, déter- minées d’après la position des portes d’étables, existent.

Christian Zarka parle de grange « à cornalier » : « construite en pans de bois, [elle] caractérise le Pays Fort, et la Sologne du Cher. Les plus vieux spécimens présentaient une toiture à quatre ver- sants, parfaitement pyramidale, abritant un bâtiment sur plan carré qui assurait sous le même toit toutes les fonctions de l’exploitation et était cloisonné en conséquence. Le dernier spécimen connu, celui de , a récemment été démoli. La toiture à quatre versants est toujours répandue dans cette partie du Berry, mais le toit n’est plus pyramidal [!?]. » On peut comprendre qu’un toit à quatre versants peut ne pas être pyramidal, mais l’illustration qui en est donnée (Le Simord, qui d’ailleurs s’appelle en fait Les Simards) est une grange à deux versants. Mais continuons : « Une échancrure, découpée dans l’un des versants de la toiture qui descend très bas, forme l’entrée charretière. Il est fréquent de trouver dans ces granges des cloisonnements, dont le plus usité consiste à délimiter les étables sur le devant du bâtiment. Ce type de grange se distingue enfin par l’extrême complexité de sa charpente. »

4/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Plus loin, il décrit la toiture et la charpente d’une grange (Les Bourdoiseaux) considérée par toutes les sources qui la mentionnent comme pyramidale, mais sans employer ce terme : « toit à deux versants et deux grandes croupes (55° de pente) ; charpente sur poteaux utilisant des arbalétriers courbes ». Toute la méthode de sélection de spécimens représentatifs est expliquée par Zarka en début d’ouvrage, ce qui confère à son travail une valeur particulière, malgré le genre d’approximations révé- lé plus haut. Il figure dans toutes les bibliographies de mes prédécesseurs… Mais comme l’objet de l’ouvrage de Zarka est l’habitat du Berry, le corpus est trop sélectif pour un travail sur les granges, a fortiori un type particulier de granges.

Le déplacement au Service régional de l’Inventaire et au CAUE s’impose alors.

On trouve dans les archives de ces deux organismes une somme impressionnante de documents aussi pertinents, chacun dans son approche particulière, que disparates et parfois redondants. Si un syndicat de tourisme se préoccupe de son aire d’action, en fonction de son statut et de sa puis- sance de publicité, et un journaliste de l’actualité politique à l’origine de son article, un historien, un géographe, un architecte, un ethnologue ont eux aussi leurs préoccupations, liées à leur discipline, à leur mission et au temps imparti pour cette mission. Les critères de sélection des spécimens exemplifiés peuvent donc être aussi circonstanciels : par exemple, un institut mandaté pour élaborer une stratégie de sauvegarde tient compte de l’état de conservation et de la prédisposition d’un propriétaire à accepter une certaine ingérence administrative et à entreprendre une restauration. Tandis qu’un historien sera peut-être intéressé par un édifice même s’il a déjà disparu.

Les typologies les plus poussées seront vues en détail dans les prochains paragraphes. Elles sont proches les unes des autres mais ne coïncident pas exactement. Rien n’interdit de ne pas se satis- faire des spécimens illustrant les types. Mais il faut bien admettre que les classifications sont fiables, car les critères sont explicites.

La question est la suivante : peut-on se contenter de ces définitions interférentes, admises par défaut, des granges « pyramidales » ? La réponse est non : elles sont suffisantes pour une typologie des granges, puisqu’elles permettent de différencier un type homogène dit « grange pyramidale » des autres types de granges (« grande halle », etc.). Mais pas pour la typologie plus ciblée que je me propose de réaliser.

C’est pourquoi j’ai listé, dans les paragraphes qui suivent, mes propres critères de sélection des ob- jets, pour débuter mon travail sur une base objective.

2.1.1 Notion de volumétrie L’évidence du terme « pyramidal », au premier regard, fait de la volumétrie un point de départ vala- ble, à condition de ne conserver dans un premier temps qu’une seule de ses dimensions : l’idée de volume global, ou de volume englobant. Cette idée suffit en effet à faire une distinction immédiate entre les granges dites pyramidales et toutes les autres granges, et suffit donc à délimiter le corpus. Bien sûr, la morphologie ne saurait se limiter à la volumétrie ou à la géométrie. Mais il faut bien un point de départ. Une fois le corpus délimité, l’apparente homogénéité des objets qui le constituent ne résistera pas à une observation plus précise. Les autres dimensions du terme volumétrie retrouveront leur intérêt : nombre, taille relative et absolue, disposition, orientation des éléments, leurs relations, etc. Les autres dimensions du terme morphologie également.

2.1.2 Quelle volumétrie Mes critères de sélection se basent sur trois éléments : • la définition de la pyramide • mes premières inspections sur le terrain • les travaux de recherche précédents Ils sont illustrés par les trois schémas en page suivante.

5/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Schéma 1 : le type de base Schéma 2 Schéma 3 : les variantes Les granges que nous ap- Exemples de granges ex- Exemples de granges inté- pellerons pyramidales ré- clues du corpus : grées au corpus, bien que pondront dorénavant à ces Murs hauts, toit à deux tous les critères ne soient seuls critères : pans. pas remplis. 1-Le toit est à deux versants Variante 1 : et deux croupes et se ter- 2 pans, 1 croupe et 1 pignon mine en pointe ou sur un Variante 2 : court faîtage horizontal (res- 2 pans, 2 ½ croupes triction aux toits « à corna- Variante 3 : lier », et d’un faîtage long 2 pans, ½ croupe et 1 pi- d’une travée maxi). gnon 2-La surface de toiture est Variante 4 : majoritaire par rapport à la 2 pans, 1 croupe et ½ surface de murs (en consé- croupe quence, le toit descend près S’agit-il de variantes du type du sol relativement à la hau- de base, ou faut-il les consi- teur de l’édifice). dérer comme des types à 3-Plan indifféremment rec- part entière ? tangulaire ou carré.

Remarque : Le Petit Dicobat illustre le toit en pavillon par un toit à deux versants et deux croupes, donc avec un faîtage horizontal. C’est une erreur si l’on en croit l’étymologie du mot donnée par Le Petit Robert et l’illustration proposée par Gallimard dans l’Encyclopédie Visuelle Bilingue. Le cornalier est le dispositif technique qui permet d’éviter la convergence de tous les chevrons à la pointe que formerait un véritable pavillon. Nous le verrons en détail une fois le corpus défini.

Si l’on retient plus de dimensions, on risque d’écarter des granges à cause d’une seule caractéristique disqualifiante, et ce malgré l’analogie de leur volume global avec une pyramide, et malgré toutes les similitudes qu’elles présentent avec d’autres granges intégrées, elles, sans aucun doute au corpus. Même si la caractéristique disqualifiante est importante, elle ne justifie pas forcément une exclusion du corpus. Par exemple, la grange de Boucard n’a pas été exclue car son plan (élancement et organisation), sa charpente (sur poteaux), son rapport surface de toiture / surface de murs ne sont pas singulièrement différents de ceux du type de base. Comme elle ne répond pas strictement aux critères de base, elle est considérée comme une variante du type de base. Il n’est pas déraisonnable de penser que cette variante nous sera utile, comme les autres objets du corpus de base, dans la caractérisation morpho- logique des granges pyramidales.

Les cinq pages qui suivent reviennent sur les trois éléments évoqués plus haut, sur lesquels se ba- sent mes critères de sélection.

6/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

La définition de la pyramide : « Polyèdre qui a pour base un polygone quelconque et pour faces latérales des triangles possédant un sommet commun formant une pointe. » D’après Le Petit Robert, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2003 « Polyèdre dont toutes les faces sont des triangles, à l’exception de l’une d’entre elles, la base, qui peut être un polygone quelconque. » D’après Le Petit Dicobat, Jean de Vigan, Arcature, Paris, 1994

La confrontation avec l’observation sur le terrain : A propos des conditions sur le plan. • Le plan pouvait-il être triangulaire ? • Dans l’absolu, la définition est claire : le triangle étant un polygone, alors le tétraèdre est une pyramide, d’ailleurs dite « à base triangulaire ». Mais je n’ai, et c’était prévisible, rencontré au- cun spécimen à base triangulaire, donc nous n’avons même pas à nous prononcer. • Le plan pouvait-il être un quadrilatère quelconque ? • Là encore, la définition est claire : le quadrilatère étant un polygone, on peut trouver des py- ramides sur la base d’un quadrilatère, même quelconque ; elles sont d’ailleurs dites « quadrangulaires ». Mais tous les spécimens rencontrés sont sur la base d’un quadrilatère particulier, dont les quatre côtés forment trois angles droits (donc obligatoirement quatre) ou, pour le décrire autrement, dont les quatre côtés sont parallèles deux à deux (ce qui en fait un parallélogramme) avec un angle droit (donc obligatoirement quatre). Bref, tous les spécimens ont un plan rectangulaire. Fin du rappel de géométrie. La question est plutôt de savoir si ce plan rectangulaire tend vers le carré, comme certains l’affirment. • Fallait-il se limiter au plan carré ? • Si oui, alors il fallait trouver un moyen, autre que la définition géométrique absolue, de distin- guer un plan carré d’un plan non carré. Ou plutôt de distinguer un plan approximativement carré qu’on aurait admis comme étant carré, d’un plan qui ne l’était manifestement pas. En ef- fet, aucune des granges déjà repérées dans le Pays Fort, sur la base des deux premiers critè- res déjà fixés, n’a un plan exactement carré, ce qui rend possible des erreurs d’interprétation. On aurait pu déterminer une valeur limite du rapport entre longueur et largeur, L/l, au-delà de laquelle le rectangle du plan eut été trop allongé pour considérer la grange construite sur un plan carré. Comment fixer cette valeur limite ? Le rapport L/l des plans des granges existantes est toujours compris entre 1,X et 1,X. Cela ne signifie pas que toutes les granges qui ont dis- parues avaient un rapport compris dans cet intervalle. Si non, alors le rapport L/l n’a pas à intervenir dans la constitution du corpus. Et c’est non. Le carré étant un polygone régulier, son seul effet est de rendre la pyramide élevée sur lui régu- lière (symétrie axiale selon l’axe passant par le centre de la base carrée et la pointe de la py- ramide). Il n’y a donc pas de raison géométrique pour écarter des granges dont le rapport d’« élancement horizontal » sortirait d’un certain intervalle. D’ailleurs, il n’y a pas non plus d’autres raisons, comme on le verra plus loin dans le paragraphe « ethnologie ». Remarquons tout de même que, du fait d’une pente de toiture presque constante (liée au système de cou- verture), la ligne de faîte s’allonge à mesure que le plan s’allonge, et donc que l’analogie avec la pyramide est de moins en moins évidente. A propos des conditions sur la toiture. • Le toit devait-il se terminer en pointe ? • La définition est claire mais aucune grange n’a de toiture qui se termine exactement en pavil- lon : elles ont toutes une courte ligne de faîte horizontale. C’est ce qui justifie la tolérance géométrique du critère 1. Au-delà, nous tombons dans des successions de fermes plus clas- siques, où les croupes ne sont plus l’égal des versants. • Pourquoi imposer un rapport de surface entre toiture et murs ? • Ce critère est basé sur la perception visuelle. Si l’on scinde le volume global de la grange en deux, avec d’une part la toiture, et de l’autre, les murs qu’elle surplombe, on voit bien que c’est le volume englobant la toiture qui se rapproche de la pyramide, non le volume parallélé- pipédique englobant les murs bas. Si les murs prédominaient sur la toiture, ou si la toiture et les murs présentaient à l’œil une surface équivalente, alors le caractère pyramidal de la grange disparaîtrait probablement. Pyramidal signifie « propre à la pyramide, en forme de py- ramide ». Mais Le Petit Robert ajoute une acception apparue au début du 19ème siècle : « colossal », ce qui renvoie à « énorme », « étonnant ». Le fait que la toiture descende près du sol, relativement à la hauteur de l’édifice, joue certainement en la faveur de cet effet im- pressionnant.

7/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Les travaux de recherche précédents (1)

▼ Extrait 1 : Exposition des MH en 1975 : « …Il est possible de distinguer quatre types principaux de granges en fonction : - du parti de plan - de la forme de toiture - de la disposition de la porte. Type 1 : ferme du Joliveau à Assigny - plan carré ou rectangulaire massé, - toiture en pavillon (pyramidal ou à deux croupes), - porte échancrant un versant avec, devant celle-ci, aire de battage couverte par l’avancée du toit formant auvent. Le bétail est logé dans les deux avancées, de part et d’autre de la porte, et dans les bas-côtés (sur un côté ou sur tout le pourtour du bâtiment). Des ouvertures pratiquées dans les cloisons permettent le remplissage des rateliers à partir du volume central. Type 2 : grange du bourg à Subligny [dénommée La Chenevière] La différence essentielle d’avec le type précédent est la présence d’un mur postérieur à pignon. Celui- ci est fréquemment construit en pans de bois, alors que les autres murs sont appareillés en grès dans près de deux tiers des exemplaires étudiés. […] » Source : Secrétariat régional du Centre à l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France Architecture et tradition en Pays-Fort, pré-inventaire du canton de Vailly-sur-Sauldre (Cher), catalogue d’une exposition au château de Boucard préparée et présentée avec le Comité départemental du Cher, Orléans, 1975

▼ Commentaire : Le type 1 correspond à notre type de base, excepté le fait que nous tolérerons toute disposition pour la porte. Le terme « rectangulaire massé » pose la même question que nous avons soulevé pour le carré, c’est-à-dire celle de « l’élancement horizontal », ou de la « compacité » du plan. Jusqu’à quelle limite un plan peut-il être jugé carré ? Jusqu’à quelle limite un rectangle est-il massé (c’est-à-dire pro- che du carré) plutôt que quelconque ? Le type 2, qu’un TPFE nomme semi-pyramidal (voir extrait 3 ci-dessous), est une des variantes admi- ses dans notre corpus. Deux autres types de granges sont définis mais ils ne nous intéressent pas ici.

8/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Les travaux de recherche précédents (2)

▼ Extrait 2 : Pré-inventaire des MH de 1973 : L’exposition de 1975 étant basée sur le pré-inventaire, on retrouve la description du type 1 au mot près. La description du type 2 est légèrement différente : « Type B (4 exemplaires) : Ce second type n’est en fait qu’une variante du type précédent, la diffé- rence ne résidant que dans la forme de la toiture : - plan massé, - toit en bâtière avec une seule croupe sur la face antérieure échancrée par la porte et un mur pignon sur la face postérieure ; cette disposition semble d’origine, mais dans un cas au moins (La Grande Métairie à Subligny), il apparaît clairement que la construction du pignon résulte d’un agrandissement du volume primitif. La distribution intérieure est analogue à celle du type A. » Source : Service de l’Inventaire des Monuments Historiques de la région Centre « Le pré-inventaire : fécondité d’une prospection systématique de l’habitat traditionnel / Les granges du Pays-Fort », Orléans, 1973

▼ Commentaire : Notre description d’un type de base et de variantes coïncide avec cette description qui insiste sur les similitudes qui existent entre les granges sur poteaux, au-delà d’un simple pan de toiture ajouté, sup- primé, plus ou moins échancré, ou d’une demi-croupe plus ou moins marquée. Le terme « bâtière », d’après Le Petit Dicobat, est plutôt utilisé pour les clochers. Nous resterons sur les dénominations « 2 pans » ou « 2 versants » employées jusqu’ici. L’inventaire des MH reprend la typologie du pré- inventaire.

9/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Les travaux de recherche précédents (3)

▼ Extrait 3 : Résumé d’un TPFE : « Aspects communs aux granges du canton de Vailly-sur-Sauldre : - plan massé - 4,5, ou 6 travées, - dimensions moyennes : 4 travées, 12,5 m x 13,5 m ; 5 travées, 12,9 m x 17,6 m ; 6 travées, 14,4 x 22,5 m, - charpente sur poteaux.

Type A : la grange pyramidale (Les Quaires) - toiture 2 pans et 2 croupes - faîtage d’autant plus petit que le plan au sol est proche du carré, c’est-à-dire avec 4 travées - l’accès principal échancre l’une des deux croupes du toit - murs bas

Type B : la grange semi-pyramidale (Les Chenuets) - toit à 2 pans et 1 croupe - l’accès principal échancre la croupe - murs bas sauf [évidemment] le pignon - aucune ouverture dans le mur pignon » D’après : Béatrice Bernardin-Benetruy « Inventaire des granges à charpente sur poteaux du Pays Fort », TPFE, EA Paris La Défense, juin 2000

▼ Commentaire : Charpente et Distribution / Répartition des fonctions sont également des aspects communs identifiés par l’étudiante (voir paragraphes « structure » et « ethnologie »). Les types C et D distingués par l’étudiante ne nous intéressent pas ici. Le terme échancrure ne convient pas car il décrit un creusement ou une découpe en arrondi ou en V (le décolleté d’un corsage), ou l’élargissement d’un évidement conique (évasement d’un tuyau pour un raccord que le plombier nomme « emboîture à épaulement »). L’emboîture (pas celle du plombier mais celle du menuisier) est plus fidèle à la réalité de nos granges (une sorte de rainure) mais nous ne sommes pas dans une situation d’assemblage : trop ambigu et spécialisé. Optons pour un terme plus générique : évidement. Certaines affirmations sont à vérifier. Attention : Paul Poitevin utilise lui aussi le terme semi-pyramidal, mais de façon erronée : « rectangulaires en plan et non carrées bien que le rapport longueur sur largeur reste faible : 1.18 pour la grange des Bois Ronds ». Lui aussi a eu l’intuition de ce que j’appelle « l’élancement horizon- tal » du plan mais il en tire une remarque erronée. « Semi » renvoie à « demi », qui désigne la division par deux ou le caractère incomplet, imparfait (Source : Le Petit Robert). Or, comme on l’a vu précé- demment, une pyramide, même sur plan rectangulaire, reste une pyramide. Par contre, le remplace- ment d’une croupe par un pignon rend bien la pyramide incomplète (une sorte de soustraction boo- léenne), ce qui donne raison à l’étudiante.

10/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Les travaux de recherche précédents (4)

▼ Extrait 4 : Inventaire des granges du Pays Fort par l’ITHAQUE « Type A : grange dite « pyramidale » - plan : massé - toit : à 2 croupes et 2 pans ou à 2 pans et 1 croupe - porte : échancrant l’une des croupes - murs : bas - distribution :… [cf. paragraphe ethnologie] - nombre recensé : 16 » Source : DRAC du Centre Protection systématique du patrimoine rural du Centre : les granges et les fermes du Pays-Fort, rapport de présentation de l’ITHAQUE pour la DRAC, Paris, octobre 1986

▼ Commentaire : Tout d’abord, une remarque inquiétante : « nous avons tenté d’isoler quatre types » (dans l’introduction de la typologie). Faut-il se rassurer en constatant que ces quatre types s’imposaient d’eux-mêmes et qu’il n’a pas fallu forcer les objets à entrer « au chausse-pied » dans la classifica- tion ? Ou être tenté de croire que certains objets récalcitrants ont été volontairement négligés pour ne pas nuire aux quatre types établis a priori ? Puis une remarque anecdotique : l’orthographe des Chênués est identique à celle donnée par l’IGN, mais pas à celle du TPFE ni du circuit touristique. Une précaution est prise sur la dénomination (« dite « pyramidale » »). Le TPFE mentionne que l’ITHAQUE ne fait pas de distinction entre le type pyramidal de base et ses variantes. C’est vrai, c’est dommage et ça peut rendre dubitatif vis-à-vis des autres informations. D’ailleurs, pour citer une erreur : Le Château Sury-ès-Bois n’est pas de type B comme légendé sur une carte de localisation mais de type A (en respectant cette typologie).

11/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

2.1.3 Géographie Dans un premier temps, on peut retenir l’implantation communément admise de nos spécimens. Nous nous limiterons donc au Pays Fort, où la concentration des objets est dite la plus importante : un paysage de bocage, limité à l’ouest et au nord-ouest par l’étendue boisée de la Sologne, à l’est et au nord-est par le segment de la Loire compris entre Sancerre et Gien (Sancerre, Cosnes-Cours-sur- Loire, Châtillon-sur-Loire, Briare et Gien), et au sud par les collines de vignobles du Sancerrois. D’ors et déjà la présence de granges « pyramidales » a été signalée notamment dans le Sancerrois, en Sologne, en Bresse, dans le Morvan, en Ecosse et en Allemagne. Cependant, même s’il s’avère au cours du travail que l’implantation est autre que celle communément admise, le Pays Fort a de toute façon une cohérence d’un point de vue géographique, si l’on consi- dère la géologie, le relief, le réseau hydrographique et la végétation, et d’un point de vue anthropolo- gique, si l’on considère le peuplement (un terroir, une agriculture, une économie, un habitat).

« Le fait que ces constructions ne se rencontrent que dans un certain périmètre pourrait peut-être s'expliquer par la géologie. L'abondance de la terre à tuiles favorisant les couvertures faites dans ce matériau, la proximité de zones boisées (Sologne) pour la confection des charpentes et enfin l'ab- sence de pierre à bâtir, largement compensée par les limons argileux qui abondent et servaient à fabriquer le torchis. » Source : Francis Cahuzac, site Internet Pour des informations plus précises : cf. Architecture et tradition en Pays-Fort, Inventaire Général des Monuments Historiques, sous la direction de Jean-Yves Ribault, 1976, disponible à la Bibliothèque des Quatre Piliers, à Bourges.

Comparaison avec la zone prospectée par MM. Vincent et Toulier : « …territoire des cinq communes de Sury-ès-Bois, Assigny, Subligny, Jars, et Le Noyer, c’est-à-dire la moitié orientale du canton de Vailly-sur-Sauldre situé au nord du département du Cher, aux confins du Loiret. Sise sur le revers occidental des Monts du Sancerrois, elle est traversée du sud-est au nord- ouest par la et par son affluent la Salereine. De sol argilo-calcaire, avec ça et là des grès ferrugineux, elle présente un paysage vallonné de bocages… » Source : Service de l’Inventaire des Monuments Historiques de la région Centre « Le pré-inventaire : fécondité d’une prospection systématique de l’habitat traditionnel / Les granges du Pays-Fort », Orléans, 1973

2.1.4 Histoire Les objets n’ayant pas tous été datés avec précision, il règne encore un grand doute sur l’origine his- torique des granges pyramidales, et la période de leur multiplication dans le Pays Fort. Deux charpen- tes datées par dendrochronologie auraient été construites l’une à la fin du 15e siècle, l’autre au début du 16è siècle. Mais des granges pyramidales ont été érigées jusqu’au 19e siècle.

Des questions peuvent découler de la présence simultanée de granges en Ecosse et en France à la fin du 15e siècle : mobilité des hommes et des savoir-faire durant la Guerre de Cent Ans (sachant que les deux nations étaient alliées contre l’Angleterre) ? Mais n’y a-t-il pas de grange pyramidale signalée en Angleterre à cette époque ? Et s’il y en a, comment expliquer la présence simultanée de ces gran- ges dans des pays ennemis ? La forme pyramidale a-t-elle migré malgré les conflits ? Ou grâce aux conflits (qui sont peut-être aussi la confrontation de cultures constructives qui ne se seraient jamais croisées autrement, ou plus tard) ? La forme pyramidale existait-elle avant même le conflit dans les différents pays impliqués ? Des hypothèses plus ou moins hasardeuses mériteraient peut-être d’être formulées, mais non exploitées pour la constitution d’un corpus. Les hypothèses émises avant moi ont plutôt l’allure de vagues intuitions : « Venues de la nuit des temps pour certains, inspirées de la hutte néolithique pour d’autres, ou encore ressemblance avec les constructions d’influence germanique ou nordique des 5ème et 6ème siècles, nées des grands courants d’invasion, les origines restent à préciser ». (source : plaquette touristique du Syndicat Mixte du Pays Sancerre-Sologne et du Syndicat Pays Fort, Sancerrois, Val-de-Loire).

Paul Poitevin propose une comparaison, sans commentaire, à un habitat semi-collectif Viking, Laissons de côté le critère historique pour éviter le risque, lorsque l’on prend un intervalle entre deux dates, d’écarter des objets intéressants. De toute façon, comment choisir deux dates pertinentes ?

Lire également la préface de Denis Boullier, dans le recueil de diapositives intitulé « Les Granges en Région Centre », de l’Union pour la Promotion des Arts et Traditions Populaires en Région Centre, et

12/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004 du CRDP de l’Académie d’Orléans-Tours, sous la direction de Christian Chenault et Michel Mouy (1988).

2.1.5 Structure Toutes les granges « pyramidales » ont une charpente bois et sont sur poteaux, c'est-à-dire que les charges de la charpente, de la couverture et du foin ne sont pas reportées uniquement sur les murs périphériques, mais sur une trame de poteaux qui divisent l’espace intérieur. Ce qui évite de trop lourds travaux de fondations et se prête bien à l’emploi d’éléments dont la longueur est limitée, comme dans toute charpente en bois massif (pas de Séquoias géants dans le Berry et pas de BLC…). Or il existe d’autres types de granges sur poteaux, sans analogie possible avec une pyra- mide. L’idée d’un « tabouret », proposée par Paul Poitevin pose également problème : selon lui « le tabouret typique est constitué de trois portiques [et des éléments les reliant pour fermer « l’assise » du tabou- ret] à deux traverses [deux poutres, dont un entrait] soit 6 poteaux principaux ». Or toutes les granges « pyramidales » n’ont pas ce tabouret typique, et il existe d’autres granges utilisant ce principe de tabouret.

Ces constations font du critère « structure » un critère insuffisant pour différencier une grange pyrami- dale d’une grange autre. Insuffisant, et pas nécessaire compte tenu des 3 points du paragraphe 213 « quelle volumétrie ». En revanche, c’est un critère intéressant pour différencier les granges pyramida- les entre elles. Nous y reviendrons en partie 3.

Nota : Zarka vs. Lacroix. Alors, simple ou complexe, la charpenterie ?

2.1.6 Construction Les murs en pans de bois ont un remplissage en torchis, tandis que les murs maçonnés utilisent diffé- rents types de moellons (silex, calcaire, grès ferrugineux, liés avec de la chaux aérienne) en fonction de la disponibilité locale des matériaux. « La dominante de l’architecture rurale, c’est l’utilisation des matériaux disponibles à proximité. » Dominique Lacroix, architecte à Boucard Or toutes les granges du Pays Fort et à plus large échelle, du Berry, répondent à la même idée d’économie de moyens dans l’extraction et le transport des matériaux. Cette constatation fait du « matériau des murs » un critère inadéquat pour différencier une grange pyramidale d’une grange autre, et pour différencier les granges pyramidales entre elles. MM. Vincent et Toulier le confirment, pour une autre raison, dans le pré-inventaire des MH : « Pour […] la classification [des grandes granges « à nef avec bas-côtés »], le matériau ne s’est pas révélé significatif : il n’influe pas sur la structure, puisqu’une grange est essentiellement un ouvrage de char- pente, les murs ne servant guère qu’à clore le périmètre ou à cloisonner. » Source : Service de l’Inventaire des Monuments Historiques de la région Centre « Le pré-inventaire : fécondité d’une prospection systématique de l’habitat traditionnel / Les granges du Pays-Fort », Orléans, 1973 Et l’exposition qui suivit le pré-inventaire en 1975 : « Ces bâtiments sont essentiellement des ouvra- ges de charpente dans lesquels les murs ne jouent pas de rôle structural, et ne servent qu’à clore le périmètre et à cloisonner l’espace intérieur. Le matériau dont ils sont constitués – pans de bois ou maçonnerie – ne permet donc pas de définir une typologie satisfaisante, alors qu’il est possible de distinguer quatre types principaux de granges… » Source : Secrétariat régional du Centre à l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France Architecture et tradition en Pays-Fort, pré-inventaire du canton de Vailly-sur-Sauldre (Cher), catalogue d’une exposition au château de Boucard préparée et présentée avec le Comité départemental du Cher, Orléans, 1975

Les toitures sont généralement de tuile (petites tuiles plates artisanales) mais parfois d’ardoise, ou même de chaume (aucun spécimen survivant). Mais les couvertures ont souvent subi des modifica- tions, en fonction des techniques disponibles et des budgets (tuiles industrielles, tôle galvanisée au 20ème s !), et il paraît difficile de se fier à la seule observation visuelle.

Les matériaux de chaque spécimen, méritent cependant d’être relevés, dans la mesure du possible, pour disposer de l’information dans le cas où elle se révélerait utile.

13/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

2.1.7 Ethnologie « Les granges du Pays-Fort constituaient un instrument à fonctions multiples où l’on battait le grain, où l’on conservait la paille et où l’on remisait une partie du matériel lourd tels que tombereaux et char- rettes. De plus, on y logeait une partie du bétail à proximité immédiate des réserves de fourrage : tou- tes les granges observées comportent en effet, selon divers agencements, une partie aménagée en étables, écuries et porcheries. » Source : Secrétariat régional du Centre à l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France Architecture et tradition en Pays-Fort, pré-inventaire du canton de Vailly-sur-Sauldre (Cher), catalogue d’une exposition au château de Boucard préparée et présentée avec le Comité départemental du Cher, Orléans, 1975

« Sous son vaste toit recouvert de tuiles aux quatre flancs, une grange pyramidale est constituée d'un important fenil étagé qui surmonte un rez-de-chaussée réparti autour d'une aire principale de battage. Celle-ci est entourée d'une étable, d'un cochonnier, d'une bergerie ainsi que de plusieurs autres com- partiments tels les balliers, les mangeoires ou réserves diverses. » Source : Francis Cahuzac, site Internet

Il me semble que l’ethnologie, avec les autres sciences de l’homme, intervient au moment de l’explication du pourquoi et du comment des formes, c’est-à-dire de l’explication des causes et des finalités, et du mode d’apparition, de développement et de disparition des formes. A la suite ou paral- lèlement à la description, à la différenciation et à la classification des formes.

Mais elle est difficile à exploiter pour constituer un corpus. En revanche, elle permet d’ouvrir un ques- tionnement qui pourrait tenir compte de mon analyse morphologique.

Usage de la grange Faut-il s’intéresser à d’autres types d’édifices qui ont en commun avec nos objets une toiture pyrami- dale, mais d’un usage ou d’une culture différents ? D’autres bâtiments, dans les fermes ou ailleurs, à l’époque de plein développement de ces granges (si toutefois il y a eu « une époque »), ont peut-être joué de cette configuration pyramidale, et pour les mêmes raisons (idée d’un bon ratio effort constructif / service rendu, silhouette rassurante qui est prê- tée à ces « sentinelle du Pays-Fort »). Bien sûr il ne faut pas s’écarter du sujet (les « granges » pyra- midales) mais il ne faut pour autant se satisfaire d’un corpus tout prêt. Mon corpus fait donc abstrac- tion de l’usage et de la définition conceptuelle de la grange. Les granges pyramidales ne sont pas que des granges. Certaines granges, du moins, ne sont pas des granges intégrées à une ferme, isolée dans le dédale de champs et de haies plessées du bocage. Elles sont au cœur des villes. Ainsi la grange « dîmière », ou granges aux dîmes, à Aubigny-sur-Nère, est sélectionnée. C’est là que l’Eglise y percevait avant la Révolution, le dixième de la récolte que chaque exploitant lui devait. Le bâtiment avait donc bien une fonction d’engrangement, de stockage. Mais ne s’agissait-il pas aussi d’un lieu de rassemblement ? Ainsi la grange de Villegenon, qui était aussi une habitation, dès sa construction, ou qui est devenue une habitation. Qui peut le dire ? Elle a été détruite en 1969. La volumétrie prime sur l’usage marginal de ces deux granges et elles figurent dans le corpus.

Faut-il s’intéresser à des édifices d’un autre type de volumétrie, qui ont en commun avec nos objets un usage ? Par exemple d’autres granges sur poteaux, sur des exploitations de même envergure, mais qui ne répondent pas aux critères de sélection. A mon avis il ne faut pas y être indifférent. Néanmoins, ils ne peuvent figurer dans le corpus. Contrairement à mes prédécesseurs qui s’intéressaient à un ensemble de granges sélectionnées pour leur localisation géographique, je m’intéresse à un type de grange en particulier, sélectionné sur des correspondances morphologiques.

Symbolique spatiale Nous avons déjà parlé du plan carré et de son incidence sur la volumétrie, du moins sur le volume global, de la grange. Interrogeons nous aussi sur le lien entre ce type de plan et la scène sociale qui s’y déroule. Le plan carré nie en général toute orientation puisqu’il est centré sur lui-même, ou ouvert sur l’extérieur mais de façon équivalente dans toutes les directions, et présente de toute part le même côté. Est-ce vrai- ment le cas de nos granges ? La notion d’axialité sous-tendue par les termes « nef » et « bas-côtés », introduits par Bernard Edeine, est employée par plusieurs sources.

14/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

La disposition spatiale nous incite tout autant que la géométrie à sélectionner les granges à plan rec- tangulaire au même titre que celles à plan carré.

2.1.8 Origine de l’application du terme « pyramidal » aux granges Rien ne dit que « nos » granges pyramidales correspondent exactement aux granges aujourd’hui dé- nommées pyramidales par la population locale et les guides touristiques. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si le terme pyramidal est d’abord apparu dans la langue locale (le Berrichon, presque dispa- ru en deux générations), dans le français moderne des Berrichons d’aujourd’hui, dans les guides tou- ristiques, ou dans les travaux « savants » (le premier semble être celui de P. Bailly en 1969). Dans tous les cas, cela n’aura pas d’incidence sur ce mémoire. Et ce que nous entendrons par pyramidal ne sera pas dépendant des ambiguïtés du terme courant. A partir de cette ligne les locutions [grange « pyramidale »] (pyramidale entre guillemets) et [grange dite pyramidale] sont à distinguer de [grange pyramidale] (sans guillemets, c’est la grange qui répond à nos critères objectifs).

15/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Sologne, Pays Fort, Sancerrois. (fichiers joints sur CD-R pour une meilleure lisibilité)

16/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

2.2 Liste de tous les objets rencontrés et matériaux disponibles Légende du tableau : Identification des sources (se reporter à la bibliographie) : 1 TPFE Bernardin-Benetruy Paris La Défense (juin 2000) 2 Rapport de l’ITHAQUE pour la DRAC (octobre 1986) 3 Pré-inventaire des Monuments Historiques (1973) et exposition (1975) 4 Cahier d’archéologie (1969) 5 Maisons paysannes Hugoniot (1994) 6 Corpus habitat rural Zarka (1982) ou direct base ATP 7 Documentation CAUE du Cher (constituée par le CAUE). Ex : étude pour prog. européen Leader II 8 Inventaire 18 Ed. Flohic 9 Le Berry n°46 et N°55 10 La Sologne n°60 11 CRDP 12 Autres (sources orales, photos de particuliers, repérages personnels, coupures de presse) Nature des informations : p = plan schématique, p* = plan avec étalon ou coté m = plan masse, m* = plan masse avec étalon l = plan de situation, l* = plan de situation avec étalon c = coupe(s) schématique(s), c* = coupe(s) avec étalon ou cotée e = élévation(s) schématique(s), e* = élévation(s) avec étalon ou cotée i = image(s) (photo, croquis, schéma) t = texte d = détail ? = commune citée mais grange non précisée o = source orale n = cadastre napoléonien + = autres

Nota : des images non identifiées sont présentes sur le CD-R joint à ce rapport.

N° Lieu 0 1 2

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1

e e e e e e e e e e e e c c c c c c c c c c c c r r r r r r r r r r r r u u u u u u u u u u u u o o o o o o o o o o o o S S S S S S S S S S S S PAYS FORT, TYPE DE BASE Assigny, li l i La Métairie Rouge Assigny, i La Vallée Assigny, li l ip*c* i m* + i Le Joliveau Assigny, li l ip*ec i Les Trois Thiots Assigny, t Les Amelots Assigny, t Le Tureau Assigny, t La Tuilerie Aubigny, i + i Av. de la Grange des Dîmes

17/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

N° Lieu

0 1 2

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1

e e e e e e e e e e e e c c c c c c c c c c c c r r r r r r r r r r r r u u u u u u u u u u u u o o o o o o o o o o o o S S S S S S S S S S S S Aubigny, i 6, Rue des Marro- niers Aubigny, ? i La Mercerie , + Badineau Barlieu, li i La Grande Cour Dieu Beaulieu-sur- i Loire, Les Brosses Beaulieu-sur- i Loire, La Puébauderie Cernoy-en-Berry, ? ? Concressault, li ? i Le Château Concressault, li l i Le Moulin au Riche Concressault, li Les Grands Bar- dins Concressault, li L’Enfourné , ? i Les Châtelains Ennordres, i io La Tuzerie , i Boisbelle Henrichemont, i o Les Gimonets Jars, li + i Le Gué des Rues- ses Jars, lipc li + i Les Chênués e Jars, li ie*c* Les Ruellés-d’en- p* Bas Le Noyer, li ? i Chézal-Berger Le Noyer, li li Château de Bou- card Le Noyer, t Moulin de Boucard

18/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

N° Lieu

0 1 2

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1

e e e e e e e e e e e e c c c c c c c c c c c c r r r r r r r r r r r r u u u u u u u u u u u u o o o o o o o o o o o o S S S S S S S S S S S S Léré, i Le Bourgeonnois Oizon, i La Métairie Neuve Oizon, + i Le Breuzé Oizon, t + i Ragis Oizon, i i Le Gué Oizon, t Les Péans Oizon, t La Licorderie Oizon, n Les Laurents o Oizon, io Le Plessis Santranges, l i ? Le Bois Rond Santranges, l it m ? i La Grande Tuilerie Santranges, t Les Buissons Savigny-en- li Sancerre, Bissiols-d’en-Bas Savigny-en- l i i Sancerre, Bissiols-d’en-Haut Savigny-en- ce l*m*p pc Sancerre, * e Les Bourdoiseaux c*e*i Savigny-en- lp p*c* t Sancerre, * La Vallée-au-Paré Savigny-en- i Sancerre, Le Gravereau Savigny-en- t Sancerre, La Roptière Savigny-en- t Sancerre, Beaufou

19/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

N° Lieu

0 1 2

1 2 3 4 5 6 7 8 9 1 1 1

e e e e e e e e e e e e c c c c c c c c c c c c r r r r r r r r r r r r u u u u u u u u u u u u o o o o o o o o o o o o S S S S S S S S S S S S Subligny, li l pc i + i La Chenevière Subligny, li Le Papillon Subligny, li + Villedon Sury-ès-Bois, li l Charpignon Sury-ès-Bois, li l Le Château Sury-ès-Bois, li li + Les Beauchetières Sury-ès-Bois, lipc l i + Les Quaires e Thou, li l iecp* + La Métairie d’Aubigny Villegenon, ip*c* tip* ip i « La Maison Car- e* e rée » route de Vail- ly (détruite en 1969) HORS PAYS FORT, POUR LA SUITE DU TRAVAIL : SOLOGNE Clémont, io Les Affouards Dhuizon, i La Jarnault Cerdon, i Grange du Cierge (grange halle) Salbris, i Les Bois Sennely, i Villechaume Nouan-le- i Fuselier, L’aubrette Selles-Saint- i Denis, La Modellerie HORS PAYS FORT, POUR LA SUITE : SANCERROIS ET CHAMPAGNE BERRICHONNE , La Ba- i nie Crézancy-en- i Sancerre, Vauvre- don Montigny, t Poulasnon , Chevèze Jalognes, ?

20/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

3 L’analyse

3.1 Corpus d’étude codifié GRANGES PYRAMIDALES DU PAYS FORT 011 Assigny, La Métairie Rouge 012 Assigny, La Vallée 013 Assigny, Le Joliveau 014 Assigny, Les Trois Thiots 021 Aubigny, 6 Rue des Marroniers 022 Aubigny, Av. de la Grange des Dîmes 023 Aubigny, La Mercerie 031 Barlieu, La Grande Cour Dieu 041 Concressault, Le Château 042 Concressault, Le Moulin Riche 043 Concressault, L’Enfourné 044 Concressault, Les Grands Bardins 051 Ennordres, La Tuzerie 052 Ennordres, Les Châtelains 061 Henrichemont, Boisbelle 071 Jars, Le Gué des Ruesses 072 Jars, Les Chênués 073 Jars, Les Ruellés-d’en-Bas 081 Le Noyer, Château de Boucard 082 Le Noyer, Chézal-Berger 091 Léré, Le Bourgeonnois 101 Oizon, La Métairie Neuve 102 Oizon, Le Breuzé 103 Oizon, Le Gué 104 Oizon, Le Plessis 105 Oizon, Ragis 111 Santranges, La Grande Tuilerie 112 Santranges, Le Bois Rond 122 Savigny-en-Sancerre, Bissiols d’en Haut 123 Savigny-en-Sancerre, La Vallée-au-Paré 124 Savigny-en-Sancerre, Le Gravereau 125 Savigny-en-Sancerre, Les Bourdoiseaux 132 Subligny, La Chenevière 133 Subligny, Le Papillon 134 Subligny, Villedon 141 Sury-ès-Bois, Charpignon 142 Sury-ès-Bois, Le Château 143 Sury-ès-Bois, Les Beauchetières 144 Sury-ès-Bois, Les Quaires 151 Thou, La Métairie d’Aubigny 161 Villegenon, « La Maison Carrée » route de Vailly (détruite en 1969) Tous les objets répertoriés dans le tableau précédent ne sont pas sélectionnés dans ce corpus d’étude. Il s’agit donc d’un échantillon, qui peut difficilement se prétendre représentatif de l’ensemble pour tirer des statistiques fiables. En effet, il est constitué, pragmatiquement, des seuls objets pour lesquels des informations sont disponibles au moins pour les thèmes 0 et 1 (cf. paragraphes 334, 335). Voir le paragraphe 341.

21/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

3.2 Implantation des objets Voir carte de localisation ci-jointe, au format A3 (1/100000). Le fichier correspondant est sur le CD-R (PDF et JPEG).

3.3 Caractéristiques des objets

3.3.1 Note sur la présentation de l’analyse L’analyse se présente sous trois formes : -une base de données -une arborescence thématique qui rassemble toutes les caractéristiques prises en compte dans la base -une table thématique illustrant cette arborescence

Dessiner (à la main) permet de repérer les discontinuités majeures, « les traits de caractère », les « lignes de force ». Une représentation unifiée et schématisée permet de comparer sur un pied d’égalité tous les spécimens. J’ai d’abord cru devoir reprendre les plans de tous les objets avec un même code graphique et à la même échelle, et juxtaposer les axonométries de tous les objets sur une plaquette lisible, au trait, noir sur blanc, là encore à la même échelle. J’ai donc d’abord croqué quelques granges pour lesquelles j’avais des informations « graphiquement exploitables », en vue de choisir quelle projection et quel niveau de détail était nécessaire pour pré- senter plus tard le corpus à un œil non averti, sur une planche synthétique. Cela m’a aidé à identifier des points importants qui permettent de reconnaître un spécimen. Mais très rapidement, il m’a paru superflu de dessiner chaque nouveau spécimen rencontré : la classification s’est mise en place pro- gressivement, des mots sont venus définir les différences significatives. Pousser plus loin le travail de représentation revenait à jouer à l’architecte, au géomètre ou au gra- phiste. Il s’agit d’une analyse morphologique. Le rendu sous forme de fichier informatique, de texte et de tableaux est assez rébarbatif si l’on ne fait pas l’effort de se plonger dedans. Mais nul besoin de produire quantité de relevés complets et cotés, de croquis démonstratifs, d’images d’exposition, pour obtenir un résultat.

3.3.2 Note sur la construction de la base de données Voici quelques questions, notées en cours de « fabrication ». Ces questions ne seront utiles qu’à ceux qui voudraient modifier et améliorer la base. Thème 0 Volume englobant et Thème 1 Altérations du volume La volumétrie de l’ensemble de l’édifice, au-delà du simple volume englobant ayant permis de délimi- ter le corpus, suffit à constituer une table déjà efficace. Il n’y a pas d’intérêt à analyser la volumétrie d’une partie ou de parties de chaque édifice avec notre problématique. Thème 2 Structure Par contre, pour la structure il est intéressant de se focaliser sur certains assemblages. Car si l’on en reste à l’ossature générale, on n’a pas tout vu. Ce thème est peu renseigné par manque de temps et d’informations (photos intérieures notamment). Thème 3 Construction Ce thème est très peu renseigné par manque de temps principalement. Thème 4 Autres Voici une ouverture possible pour des explications d’ordre ethnologique et historique. Les tables sont prêtes et quelques champs sont renseignés dans la base, à titre indicatif.

3.3.3 Base de données Le fichier Access est joint sur le CD-R. Il est tout à fait possible de faire évoluer la base en ajoutant ou supprimant des tables de données, et en modifiant leurs relations. La structure des relations entre les tables est imprimée est convertie en PDF et JPEG sur le CD-R et imprimée au format A3.

22/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

3.3.4 Classification et codification thématique Voir la nomenclature Excel jointe sur CD-R, convertie en PDF et JPEG et imprimée au format A3.

3.3.5 Table thématique Voir le fichier PDF ou JPEG joints sur CD-R, prévus pour une impression au format A1, et l’impression réduite au format A3 jointe.

3.4 Synthèse des résultats

3.4.1 Note sur la fiabilité des résultats Grâce à la base de donnée interrogeable par l’intermédiaire de requêtes, que tout utilisateur Access connaît bien, il est possible d’obtenir de multiples informations quantifiées et mises en jour en continu, à mesure que de nouvelles données sont entrées dans les tables de données. Mon travail ne pouvait s’arrêter à construire et fournir la base, sans en tirer aucun bénéfice. J’ai donc créé quelques requêtes simples pour des essais d’interrogation dont les résultats sont véri- fiables manuellement. D’emblée je me suis heurté à un problème : beaucoup de champs ne sont pas renseignés. Pour un résultat fiable, on ne peut interroger la base que sur des champs renseignés pour l’ensemble des objets. C’est-à-dire pour les thème 0 et 1.

Exemple : Chaque spécimen est entré dans la table « CORPUS Objets ». Le champ « Type de toiture » de la table « CORPUS Objet » fait appel aux caractéristiques 01 02 03 04 stockées dans la table « VOLUME Types de toiture ». Ce champ est rempli pour tous les objets. On peut donc obtenir un résultat fiable pour notre corpus. Exemple 2 : En revanche, très peu d’objets ont leur champ « Type d’encastrement du tabouret » rempli, même si les caractéristiques sont prêtes dans la table « CONSTRUCTION Types d’encastrement ». Dire que XX% des granges ont tel encastrement ne signifie rien, que l’on se réfère au corpus entier ou seulement aux seules granges renseignées, si la plupart des granges ont été écartées du comptage parce que l’information est absente. Pour donner une image, et sans vouloir faire autorité en matière de statistique (c’est loin d’être mon domaine !) : dire qu’un piéton sur deux emprunte le trottoir nord d’une rue en se basant sur les deux seuls piétons d’un lundi soir désert, ne signifie rien sur la réalité de la rue, quand 350 des 400 piétons du samedi après-midi empruntent le trottoir sud !

Il n’y a qu’un moyen d’améliorer les performances de la base et de l’exploiter : visiter systématique- ment toutes les granges du corpus et en relever scrupuleusement toutes les informations manquan- tes. Ce qui nécessiterait quelques semaines sur les routes…

Il ne faut pas oublier que la fiabilité serait encore très relative car le corpus « échantillon » n’offre qu’une image de l’ensemble des granges connues. Pourquoi alors ne pas étendre le corpus à l’intégralité des granges connues ? Les objets à étudier passeraient de 41 à potentiellement presque une soixantaine…on ne compte plus la mission en semaines mais en mois. De plus, rien ne dit que le manque d’informations qui m’a fait les écarter du corpus aujourd’hui pourrait être comblé demain. Contentons nous de ce que nous avons à disposition : n’oublions pas qu’après transformations et disparitions, nous ne pourrons jamais prétendre connaître toutes les granges, telles qu’elles ont été construites, et de tous temps.

3.4.2 Le type / ses variantes Question : La grange « pyramidale » est-elle un mythe ? Il était possible dès le départ, grâce au savoir existant, de confirmer ce qu’avançaient mes prédéces- seurs, à savoir une quantité importante de « granges pyramidales » et une concentration élevée dans le Pays-Fort, c’est-à-dire une quantité importante de ces granges relativement à l’ensemble des gran- ges du Pays-Fort. Ce fait est probablement de moins en moins vrai depuis deux siècles, à mesure que des « granges traditionnelles d’un autre type » ont été construites, tandis que la construction de « granges pyramida-

23/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004 les » prenait fin. Aujourd’hui, on pourrait dire qu’il y a une toujours une forte concentration de « granges pyramidales » au sein des granges « traditionnelles de tous types », mais que la concentra- tion de toutes ces granges relativement à l’ensemble des « granges de tous types et toutes dates » (c’est-à-dire y compris les hangars métalliques modernes) du Pays-Fort, tend à baisser à mesure que les hangars, remplissant aujourd’hui des fonctions similaires à celles des granges hier, se multiplient. Quoi qu’il en soit, la « grange pyramidale » existe, même si de plus en plus diluée dans la solution de tous les édifices agricoles, en quelque sorte. Soit. Mais quelle « grange pyramidale » ? Les granges dites « pyramidales » ou la grange pyramidale qui correspond à nos critères longuement expliqués en partie 2 ? Sur les 41 granges du corpus, toutes dites « pyramidales », 24 granges correspondent à notre type de base, le seul qui tende vers la pyramide, soit 61%.

Autres V4

V3 V2

Type V1

Type et variantes.

Le type de base est donc majoritaire pour notre corpus. Admettons que ce fait soit valable pour l’ensemble des granges du Pays-Fort, au-delà de notre corpus, qu’en est-il dans les aires géographi- ques voisines ? C’est la suite du travail à mener en Sologne, Sancerrois ou Champagne berrichonne, une fois ce résultat validé.

La part importante de la variante 1 (21%), qui diffère seulement par son pignon à la place d’une des deux croupes, montre qu’il est tout à fait justifié de la présenter comme un type à part entière, comme mes prédécesseurs n’ont pas manqué de le faire avec leur type 2 ou B (semi-pyramidal). La variante 4, plus proche du type de base que la variante 1 (1/2 croupe à la place d’une des deux croupes), est assez répandue mais ne mérite pas d’être mentionnée comme type « à part entière » (13%). D’autant qu’elle compte des granges transformées et certaines d’entre elles (la Mercerie, le Bourgeonnois) n’ont peut-être pas toujours été des V4.

On peut regretter que le parcours touristique ne fasse pas état de ces deux variantes et rassemble sans distinction toutes les granges sous une même appellation simpliste. Et s’étonner que la variante 4 soit si peu considérée dans les travaux précédents.

L’essentiel est que le type de base est suffisamment écrasant et ses variantes suffisamment minoritai- res, pour en conclure qu’il y a une façon de construire « pyramidal », avec des adaptations mineures, circonstancielles. Les variantes entrent dans le cadre de ces adaptations, comme à Boucard, ou bien elles sortent de la façon de construire « pyramidal », comme à Ragis. Cette dernière ne diffère pas du type de base que par sa demi-croupe, mais aussi par ses travées multiples qui, selon moi, en font presque une variante de grange halle, qui aurait la particularité d’avoir une demi croupe sur son pi- gnon d’entrée. Si, au contraire, le type avait été noyé dans des variantes où les versants, les croupes, les ½ croupes s’assemblent dans des configurations toujours différentes, la conclusion aurait été plus difficile.

24/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

3.4.3 Murs hauts / murs bas et ouvertures Le comptage du critère 02 indique que toutes les granges sauf une, celle du Plessis, ont des murs extrêmement bas relativement à la hauteur de l’édifice. Ce critère a été introduit par intuition : je pen- sais différencier les toitures qui touchent presque le sol, des toitures nettement plus relevées. Selon moi, les premières devaient se tenir à distance du sol seulement pour des raisons de durabilité (pro- jections d’eau), et les secondes, être pensées pour faciliter l’ouverture d’accès fonctionnels dans les murs périphériques. Dans les deux cas, le toit devait rester largement prédominant sous peine d’annihiler l’effet « pyramide ». Après analyse, la réalité semble plus simple : les murs sont toujours très bas. Néanmoins, ils permet- tent souvent l’ouverture de petites portes. Le mur est-il pensé comme tel, ou comme un moyen simple de combler le vide entre sol et toiture ? Difficile de savoir. Le cas du Plessis est particulier : les transformations sur le versant d’entrée permettent de présumer au moins pour ce côté d’une ancienne toiture arrivant plus bas. Pour les autres côtés, les murs fonc- tionnent manifestement comme des murs, c’est-à-dire des parois verticales d’une hauteur d’étage, qui permettent de recevoir de la lumière et de percer de vraies portes. Vu la nature et la disposition de la porte et des deux fenêtres en façade arrière, il se peut que cette particularité résulte d’un usage mar- ginal, comme pour la grange-habittation de Villegenon. Pour les cas courants, il arrive que l’ouverture d’une porte s’accompagne d’une altération de toiture. Exemple de cette interférence : les Trois Thiots avec un rampant comme on en trouve sur certaines lucarnes.

Exemple de porte latérale à toiture rampante (Les Trois Thiots)

3.4.4 Les altérations Il est nécessaire de séparer le type et ses variantes, ces dernières ayant un pignon, entamé ou non d’une demi-croupe. Le percement d’un pignon ne peut être comparé à l’évidement dans une croupe.

1100 1102 1102

1101

1103

1101

Diag. 1 - Type Diag. 2 - Variantes Face altérée pour l’entrée principale

25/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

L’accès se fait dans l’axe de la ligne de faîte dans 80% (indicateur 1101) des granges pyramidales, ce qui corrobore la notion de nef et bas-côtés introduite par Edeine (cf.218. ethnologie : symbolique spa- tiale). Les constructeurs ne semblent donc pas s’être focalisés sur les propriétés particulières du plan carré et la symbolique qui a pu leur être associée dans des circonstance différentes (Renaissance, architecture religieuse, architecture moderne). Paul Poitevin (voir bibliographie) affirme même : « cette distribution [le plan carré] n’est pas favorable pour une disposition intérieure ». Mais l’ouverture dans les murs gouttereaux, observée dans 20% des cas, sème le trouble. Il n’est jamais fait état de ce fait dans tout ce j’ai consulté. Cela ne bouleverse pas nécessairement l’organisation du plan, puisqu’on retrouve les édicules du cochonnier, de l’étable ou de l’écurie en avant, du côté entrée. Pour les variantes, la dominante est à l’ouverture en croupe mais là encore, ce n’est pas systémati- que.

1200 1206 1200

1202

1208 1201

1207 1201 1202

Diag. 3 - Type Diag. 4 - Variantes Type d’altération de l’entrée principale

Parmi les 24 granges pyramidales, 22 (91%) présentent une entrée sous la forme d’un évidement (indicateurs 1201 et 1202). Parmi ces 22 granges évidées, 20 profitent de la toiture (versant ou croupe) « entaillée » et placent la double-porte en retrait pour ménager un espace extérieur couvert, soit 91% (83% p.r. aux 24 granges). Cet espace protégé est la prolongation de l’aire de battage inté- rieure. Le dispositif naît donc d’un usage particulier confirmé par toutes les sources. Que penser alors des granges dont les portes s’ouvrent directement sur l’extérieur, même si c’est sur un espace « en creux », cadré de part et d’autre par les édicules d’élevage (cochonnier, étable, écurie, suivant les cas) ? Attention aux chiffres cependant. Car si 4% (indicateur 1206) des granges ont une entrée en saillie, à la manière d’une grande lucarne avec toiture jacobine, cela ne concerne en fait, sur un total de 24 granges,…qu’une seule grange (La Vallée) ! S’agit-il d’une exception ? Si nous retrouvions d’autres granges, rencontrerions-nous à nouveau ce cas particulier ? La grange du Moulin au Riche, compte tenu du peu d’images à ma disposition, porte l’indice 1200, avec son entrée en avancée formant por- che et flanquée d’édifices exclusifs. Parmi les 17 variantes, toutes celles ouvertes sur la croupe jouent l’évidement (critères 1201 et 1202) avec une majorité créant un auvent, tandis que parmi celles ouvertes côté pignon, un dispositif de protection n’est pas toujours prévu (qu’il s’agisse d’un auvent rapporté comme à Boucard ou d’un dépassement de la rive comme à Ragis). Les premières s’inscrivent donc dans la tendance à l’évidement observée avec le type de base.

26/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

1300

1301

1302

Position de la porte

Il ne semble pas y avoir de règle dans la position de la porte d’entrée principale : les granges parfai- tement symétriques dans leur découpe (1301) sont moins fréquentes que celles à porte décentrée (1302). On peut faire faire l’hypothèse que le placement centré correspond à un statut particulier, mais pour la valider, des recherches sont nécessaires (données foncières et économiques). La part d’inconnu n’empêche pas de conclure : si les objets répondant à l’indicateur 1300 (inconnu) se révè- lent être des 1301 (porte décentrée), il y aura autant de portes centrées que de portes décentrées. Si en revanche, ces objets mal renseignés répondent à l’indicateur 1302, les 1301 deviendront franche- ment minoritaires, mais pas négligeables. La priorité, en tout cas, n’est pas à la composition de fa- çade.

La base de donnée est conçue pour observer aussi le type et la répartition des portes latérales, fronta- les, donnant à l’arrière ou à l’avant sur l’aire de battage. Mais les données manquent. Il serait donc possible de vérifier l’affirmation d’Hugoniot illustrée ci-dessous d’après son ouvrage.

Croquis d’après Maisons paysannes en Berry, illustrant l’hypothèse de Jean-Yves Hugoniot

3.4.5 Travées et cornalier Il est possible, d’après les cas observés, de faire une relation entre le nombre de tabourets et le trai- tement du faîtage, comme illustré sur la table analytique, avec le schéma du critère 21. Cette affirma- tion demande à être validée au regard de l’intégralité des objets. Le cornalier n’est propre qu’aux granges à deux tabourets, soit trois portiques, qui ne comptent donc qu’une ferme transversale, au centre. Le dispositif est constitué d’une courte panne faîtière appuyée en son milieu sur la ferme, et stabilisée à ses extrémités par deux aisseliers. Dans le cas avec trois tabourets, donc un nombre pair de portiques (4), une panne faîtière de la lon- gueur de la travée centrale relie les deux seules fermes. La ligne de faîte est plus longue mais l’analogie avec la pyramide est toujours évidente. Les deux dispositifs ont une incidence sur la perception de l’espace central de remise : le centre exact du plan est surmonté soit d’un « plein » (un portique et sa ferme) soit d’un « vide ». Le problème du nombre impair et du vide semble plus préoccuper les architectes que les paysans : je pense aux faça- des académiques pour lesquelles on préconisait aux Beaux-Arts un nombre impair de baies, afin de faire coïncider l’axe de symétrie central et le « vide » de l’entrée principale. Bien sûr, cette remarque n’a pas valeur de comparaison pertinente. Au-delà, nous retombons dans un système de fermes répétitives.

27/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

3110 3111

3112

Travée et cornalier.

Le cornalier (indicateur 3111) permet de réaliser les toitures les plus proches de la pyramide parfaite, mais il est loin d’être majoritaire.

3.4.6 Construction du « tabouret » La question des assemblages : Les encastrements entre deux pièces perpendiculaires sont souvent rigidifiés par un aisselier, du fait de l’impossibilité d’assurer la rigidité par l’assemblage à tenon et mortaise seul. Le critère 312 étudie l’encastrement entre les trois pièces suivantes : poteau, entrait et panne longitu- dinale, qui forment un trièdre. Le portique est généralement renforcé d’un aisselier, rigidifiant le trièdre dans le plan vertical transver- sal. La panne intermédiaire repose sur le portique, souvent en appui simple. On ne peut pas dire que la panne soit équivalente à l’entrait et conçue pour fermer l’assise du tabouret. Pourtant un second aisselier entre poteau et panne est parfois ajouté, montrant que le charpentier a bien notion de la né- cessité de contreventer dans plusieurs plans : en effet, ce second aisselier ne soutient pas seulement la panne qui travaille en flexion, il stabilise aussi les portiques (les pannes seules, en tant qu’entretoises, ne peuvent éviter la bascule des portiques). Sauf exception, il n’y a pas de gousset dans le plan horizontal. A partir de ces observations, peut-on vraiment parler de tabouret du point de vue de la structure ? Faisons l’hypothèse qu’un assemblage réalisé en trois plans et avec des éléments homogènes révèle bien une façon de penser le tabouret dans sa globalité, dans son volume. Alors il semble plutôt que notre système soit pensé en termes de fermes classiques élevées côte à côte et entretoisées. Ceci pourrait nourrir la réflexion amorcée plus haut à la fin du paragraphe 342. On trouve aussi des assemblages, non pris en compte dans la base de données, avec deux aisseliers dans le même plan.

Double aisselier (Chézal-Berger). Trièdre avec aisseliers dans deux plans (Ragis). Trièdre avec aisseliers et gousset supplé- mentaire dans le plan horizontal (La Métairie Neuve), non utilisé pour tous les portiques. L’équerre quasi-systématique entre poteau et entrait est exclusive à Ragis, du moins en l’état de l’étude.

28/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

La question du portique : L’entrait est parfois doublé d’une poutre sur laquelle reposent les chafauds, ces sortes de solives non équarries qui forment un plancher ajouré pour stocker le foin avec une bonne ventilation. Le charpentier y voyait-il également un intérêt pour la stabilité du portique et la lutte contre le flambe- ment des poteaux ?

3.4.7 De la logique constructive Ce n’est pas parce que la construction ne présentait pas d’intérêt pour la sélection du corpus et la typologie qu’elle ne peut pas participer de la morphologie de la grange. Le fait de minimiser la surface des murs au profit de grandes toitures, qui nécessitent un important volume de bois de charpente, ne peut pas être anodin. Le bois ne manque pas en Pays-Fort, bien qu’il n’y existe pas de véritable forêt (comme celle d’Orléans, d’Ivoy-le-Pré ou de ) mais pour- quoi reporter tous les efforts sur l’ouvrage de charpenterie ? Mes prédécesseurs s’accordent sur le fait que le choix des matériaux était fonction des ressources disponibles localement, du moins pour l’architecture vernaculaire (dans d’autres architectures, on pourra poser des contre-exemples : certains châteaux ne s’enorgueillissent-ils pas de leur charpente dont le bois a traversé les océans ?). Cette constatation n’explique pas l’usage de certains matériaux plutôt que d’autres, lorsque ceux-ci sont tous disponibles, mais elle explique au moins notre cas. La charpente est donc privilégiée pour éviter l’érection de murs hauts, nécessitant beaucoup de moel- lons, dont certains de grande dimension pour garantir la stabilité de l’ouvrage. Le Pays Fort n’offre qu’une terre lourde dont on ne peut extraire, à force d’efforts et de temps, que du silex, du calcaire ou du grès. Au contraire, les grandes surfaces de toiture ne sont pas un problème, car la couverture peut être réalisée en petites tuiles de terre cuite, or leurs constituants sont disponibles et les tuileries im- plantées sur place.

La construction ne se résume pas au choix d’un matériau accessible. Le matériau est transformé, les éléments assemblés, et avec des hommes, selon des techniques plus ou moins complexes et nouvel- les, avant ou sur un chantier, et sur un sol. C’est l’ingéniosité, la maîtrise des temps et des flux (les coûts sont plutôt du ressort de l’économie mais cette discipline, tout comme la structure, est étroite- ment liée à la construction). Pourquoi les constructeurs d’antan n’auraient-ils pas considéré ces para- mètres ? L’intérêt de la charpente sur poteau, et de la charpente couverte de 4 pans de toiture en particulier, réside bien sûr dans la répartition de la charge au sol, mais aussi dans le fait que les tâches qui res- tent à exécuter après le passage du charpentier, sont limitées à des opérations exécutables par les saisonniers et les paysans eux-mêmes : remplissage des pans de bois, comme l’a montré la recons- truction de la grange de Thou à Vailly, où les enfants d’écoles locales ont participé à la mise en œuvre du torchis, et pourquoi pas la couverture.

3.4.8 De la logique agricole Nous avons déjà parlé du lien entre l’usage et la forme, entre la fonction de l’édifice et son organisa- tion spatiale. C’est ici la question d’un déterminisme de la forme lié à la fonction qui est posée. Dire de la forme pyramidale qu’elle est la solution la plus intelligente à l’enjeu d’une grange, à savoir utiliser le moins de bois de charpente et de surface d’enveloppe pour un volume utile maximum, adapté au stockage du foin, et avec des portées adaptées aux activités de battage du grain, d’abritement et d’alimentation des animaux, et de dépôt de matériel, revient à dire des autres solutions qu’elles ne le sont pas ou le sont moins. En fait, les autres solutions le sont peut-être autant, mais avec un problème posé diffé- remment (ressources humaines, matérielles, énergétiques et taille d’exploitation différentes, etc.), et des solutions meilleures existeront peut-être mais elles n’ont pas encore été imaginées (au moment de la construction, compte tenu du niveau de développement du moment).

29/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

Décrochement de toiture favorisant la ventilation (Le Joliveau)

Il est évident qu’une certaine rationalité est recherchée : le fenil suit de façon optimum l’empilement du foin en tas (même si ce n’est pas un objectif qui régit la forme, c’est un fait). La disposition périphéri- que des modules en plan facilite les transferts de matière, de véhicules, d’outils, d’animaux. Elle ga- rantit aussi un niveau de température idéal pour la conservation du foin en utilisant la chaleur dégagée par le bétail. Peut-on parler alors d’une vision climatique ? Je n’ai pas fait de lien direct entre l’orientation des granges, leur forme, et leur contexte physique : phénomènes climatiques (le vent, l’influence de la Loire), effets de masque (arbres, bâtiments alentours), relief.

3.4.9 Hypothèses plus hasardeuses La forme des granges pyramidales résulte probablement de leur usage agricole particulier, mais peut- être pas ou pas seulement : référence plus ou moins consciente à l’abri primitif mythique ? Tradition perpétuée d’une forme issue d’un mouvement migratoire ? Métaphore de l’abondance, de la ri- chesse ? La volumétrie résulterait-elle, par la persistance des formes initiales malgré l’évolution tech- nique, de la technique du chaumier ?

30/31 Sébastien Dangin - Granges pyramidales en Pays Fort - EAL Département Héritage Architectural 2004

4 Conclusion Ce travail a été produit dans le cadre d’un enseignement, dont l’un des objectifs était d’initier les étu- diants à la recherche telle qu’elle se pratique au LAF. Une attention particulière a été portée ici à la méthodologie. L’analyse en son état actuel ne donne aucun résultat extraordinaire. Je ne le vois pas comme un pro- blème en soi, puisque le but n’est pas l’effet d’annonce spectaculaire. Elle ne donne pas non plus de résultat quantifié fiable, ce que je regrette. Comme avec la météo ou la bourse, les « tendances », même certaines, restent floues. Néanmoins, il me semble qu’au-delà des résultats quantitatifs, l’analyse en elle-même pointe un certain nombre d’aspects qui n’avaient pas été visés jusqu’à pré- sent. La « grange pyramidale » était traitée jusqu’à présent au sein d’un ensemble plus large, celui des granges, ou des granges sur poteaux. Le phénomène « grange pyramidale », complexe malgré l’évidence volumétrique des édifices, mérite d’être étudié spécifiquement. Des granges ont été relevées ou photographiées, comme nous l’avons vu, par des universitaires, des professionnels ou des passionnés de tous horizons, mais la décomposition des édifices en éléments simples et distinctifs, à partir des données disponibles de toutes dates et d’un minimum d’investigation sur le terrain, n’avait pas, à ma connaissance, été réalisée. Mon ébauche est à voir comme une invitation à l’approfondissement du problème.

31/31