UNIVERSITE TOULOUSE III – PAUL SABATIER
U.F.R. Sciences
T H E S E
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITE TOULOUSE III
Discipline : Physiopathologie moléculaire, cellulaire et intégrée
Présentée et soutenue par
Chrystelle Bonnart
Le 20 novembre 2007
Etude fonctionnelle de LEKTI et de sa nouvelle cible,
l’élastase 2 pancréatique
Directeur de thèse : Pr Alain Hovnanian
JURY
Pr Alain Hovnanian, Président Pr Pierre Dubus, rapporteur Pr Michèle Reboud-Ravaux, rapporteur Dr Heather Etchevers, examinateur 2 Heureux sont les fêlés, car ils laissent passer la lumière…
Michel Audiard
3 REMERCIEMENTS
Tout d’abord, mes remerciements s’adressent à mon directeur de thèse, Alain Hovnanian, pour m’avoir accueillie dans son équipe, pour m’avoir rapidement fait confiance en me laissant une grande autonomie et pour m’avoir encouragée à participer à des congrès internationaux. Je tiens à remercier Pr Pierre Dubus et Pr Michèle Reboud-Ravaux pour m’avoir fait l’honneur d’évaluer ce travail de thèse. Je remercie également Dr Heather Etchevers pour sa présence dans le jury de thèse. Je remercie vivement les enseignant-chercheurs et professeurs de l’UPS que j’ai eu l’occasion de croiser pendant mon monitorat. Tout d’abord, merci à Estelle Espinos, tu as assumé ton rôle de tutrice avec brio, tu as été à mes côtés dans mes débuts hésitants, merci pour ta disponibilité. Merci à Martine Briet et Pascale Bélenguer, qui m’ont fait bénéficier de leur grande expérience de l’enseignement. Un merci particulier à Nathalie Ortega, que j’ai eu la chance de rencontrer dans ma dernière année de monitorat. Nathalie, j’ai été ravie de partager ces longs moments de discussion avec toi, merci pour tes précieux conseils. Marie, je te remercie pour ton obstination pour identifier la fameuse protéase inconnue… Elle nous a tenues en haleine pendant une année entière, mais on l’a finalement démasquée ! Ce fut un plaisir et une chance inouïe de pouvoir travailler avec toi, puisque tu es avant tout une véritable amie ! J’en profite pour remercier Bernard Monsarrat et toute son équipe, en particulier Carine. Je tiens à remercier vivement Anne et Sylvie du service de transgenèse pour leur grande implication dans le projet qui nous a réunis, pour leurs compétences de haute voltige qu’elles dissimulent sous leurs combinaisons intégrales. Merci à Florence Capilla, qui, à elle toute seule, effectue un travail remarquable. Mes remerciements s’adressent aussi à Sophie Allart pour sa gentillesse et sa disponibilité, ainsi qu’à Isabelle Fourquaux et Nacer Benmeradi de la plate-forme de microscopie électronique de Rangueil. Un grand merci aux personnes de l’étage bleu : Delphine, Léon, vous formez un duo irremplaçable ! Heureusement que Valérie est là pour vous remettre dans le droit chemin. Heather, merci pour ta bonne humeur et nos discussions scientifiques… Idem pour Jean-Claude ! Merci Dominique pour ton dévouement pour la communauté. Pep, vérifies toujours que tu n’aies pas de peignes dans la poche ! Zulma, que la cosa siga bien! Courage aux thésards actuels, Olivier, Audrey, Marilena, Marie-Laure… une pensée à ceux que j’ai côtoyés jadis (Pascal, Pierre, Bruno, Céline…). Merci à celles et ceux plus récemment arrivés, Magalie, Stéphane (attention à la surconsommation de pizza), Angélique, Alexandra. Lucette, merci pour ton sourire enjoué qui met de bonne humeur… Gilbert, boire du café empêche de dormir, par contre, dormir empêche de boire du café (Philippe Geluck). J’espère un jour aller marcher sur vos traces au Mali, et vous envoyer une carte de là-bas moi aussi ! Je vous souhaite une excellente fin de carrière puis une bonne retraite bien méritée. Audrey, un grand merci pour ton temps passé à me couper des lames. D’ailleurs, si j’oublie, rappelle-moi que je te dois un pot de nutella ! Valérie, merci pour ton calme apaisant et ta bonne humeur.
4 Gégé, présidente ! Avec Gégé, plus de voiture dans les rues, tous à vélo. Avec Gégé, pas d’hypocrisie, on se parle avec franchise. Gégé, tu iras loin avec tes qualités humanistes, toi, tu penses vraiment à la planète. Je voterai pour toi ! Matthias, tu m’as aidée plus d’une fois à sortir de l’obscurantisme informatique. Je te remercie une fois de plus (mais jamais assez) pour ces nombreux sacrifices ! Je te souhaite la meilleure des carrières de chercheur, tu la mérites tellement. José, mais quel est ton secret ? Ta patience est impressionnante. Merci pour tes précieux conseils en biologie moléculaire et pour le support informatique 24h/24 ! Laure, la reine de la pipette ! Discrète, tu caches un dévouement certain pour l’aide à la communauté. Grâce à ton sourire permanent, tu remplis de quiétude tout l’étage bleu ! J’ai beaucoup apprécié de travailler en ta compagnie. Laetitia, tu es le pilier de notre équipe. Nous avons une chance ENORME de t’avoir à nos côtés. Bonne vie en cocc’ ! Matthieu, tu es arrivé peu de temps avant que je ne termine, mais je dois m’incliner devant tes compétences en post-production vidéo… Ravie de t’avoir rencontré ! Anaïs, merci pour tes fabuleux origamis, certains m’ont observée pendant de longs moments, suspendus en haut des étagères, je les conserverai précieusement. J’espère que le SID 2008 te donnera l’occasion de découvrir un pays qui te tient à cœur! Courage pour la poursuite de ta thèse, je suis sûre que tout se déroulera bien. Aurélie, tu ne gagneras pas ta course contre le temps. Ce qu’il faut, c’est l’apprivoiser. Et m’dis pas que c’est pas vrai !… Merci pour ta bonne humeur, ton humour, ton dévouement à la science, et surtout, nos expériences partagées sur nos chats respectifs… Céline B, la tornade ambulante… Où trouves-tu l’énergie nécessaire à tes prouesses journalières ? C’est peut-être dans l’eau naturelle des montagnes d’Auvergne ? Merci pour ton sourire au quotidien, tes expressions bien de chez toi, ton investissement à corps perdu dans cette belle histoire scientifique… Tu iras loin, me prédit ma boule de cristal ! L'expérience est une lanterne qu'on porte dans le dos et qui n'éclaire jamais que le chemin parcouru disait Oscar Wilde. Céline, dès notre rencontre, ta lanterne n’a cessé de m’éclairer tout au long de ces cinq années. Elle m’a tellement appris que je ne sais comment te remercier. Je garde un souvenir indélébile de nos conversations aussi scientifiques qu’extra-professionnelles sur la terrasse ensoleillée à l’odeur de souris, du temps où l’accès y était permis… Tout ce que j’espère, c’est que nos chemins se recroisent car c’est un plaisir de travailler à tes côtés ! Merci pour tout, vraiment. Avec toi, j’ai gravi des cols, j’ai franchi des rivières, j’ai traversé la Corse de la mer à la mer, j’ai dormi aux bords de lacs sauvages, j’ai assisté au spectacle magique d’un tournoiement de vautour dans le silence des hauteurs pyrénéennes, j’ai entendu des avalanches, j’ai affronté des tempêtes de neige glaciales, j’ai appris à voyager dans un petit coucou et je suis toujours vivante, plus que jamais ! Merci Vincent, car supporter une thésarde n’a pas dû être facile tous les jours…
5 AVANT-PROPOS
Lors de mon premier entretien avec celui qui allait devenir mon directeur de thèse, j’ai appris une chose importante qui m’a profondément marquée : les patients souffrant de maladies rares sont plus nombreux que ceux qui sont atteints de maladies fréquentes…
Une maladie est qualifiée de rare ou orpheline lorsqu’elle affecte moins d’une personne sur 2000. Actuellement, environ 8000 maladies rares sont recensées mais de nouvelles sont décrites régulièrement dans la littérature médicale. Elles constituent un groupe hétérogène de pathologies qui peuvent affecter pratiquement toutes des fonctions vitales de l’organisme. Si certaines maladies rares sont relativement bénignes, d’autres sont extrêmement graves voire invalidantes sur les plans physique et/ou psychologique. Mais surtout, face au nombre élevé de maladies rares et le peu de patients affectés par chacune d’entre elles, c’est à pas de fourmi que les chercheurs progressent.
Lorsque l’on s’intéresse à une maladie génétique rare, la première étape consiste à en identifier le gène causal. Ensuite, il est nécessaire d’étudier la fonction de la protéine codée par le gène afin de comprendre dans quelle voie biologique elle est impliquée. Enfin, il est important de comprendre comment l’altération de l’expression protéique peut expliquer les anomalies phénotypiques observées chez les patients. A ce niveau de l’étude, les modèles animaux mimant des maladies humaines sont extrêmement informatifs. A plus long terme, une connaissance précise des dérégulations moléculaires impliquées dans la physiopathologie de la maladie peut déboucher sur des stratégies thérapeutiques adaptées pour les patients. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les thématiques du laboratoire, qui s’intéresse à plusieurs génodermatoses (maladies génétiques de la peau) dont le syndrome de Netherton.
6 Le syndrome de Netherton (SN) est une maladie génétique rare de la peau classée dans le groupe des ichtyoses. La période néonatale est particulièrement critique en raison de la déshydratation importante et du risque d’infections qui menacent sérieusement le pronostic vital des nouveau-nés. Une étape primordiale a
été franchie avec l’identification du gène par l’équipe d’Alain Hovnanian en 2000. Les sept années qui ont suivi ont permis de décortiquer les événements physiopathologiques principaux impliqués dans le SN et grâce à ces avancées, des solutions thérapeutiques plus adaptées pour les patients commencent aujourd’hui à se dessiner.
7 TABLE DES MATIERES
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX ...... 10 LISTE DES ABRÉVIATIONS...... 11 GLOSSAIRE DES TERMES DERMATOLOGIQUES OU MÉDICAUX ...... 12 INTRODUCTION ...... 13
PARTIE A - L’ÉPIDERME : STRUCTURE ET FONCTION ...... 15 I - Généralités...... 15 II - Les cellules constitutives de l’épiderme: nature, structure et fonction...... 16 II-1 Les kératinocytes ...... 16 II-2 Les mélanocytes...... 16 II-3 Les cellules de Langherans...... 18 II-4 Les cellules de Merkel...... 18 II-5 Les fibres nerveuses...... 19 III - Stratification épidermique...... 20 III-1 La couche basale...... 20 III-2 La couche épineuse...... 21 III-3 La couche granuleuse ...... 21 III-4 La couche cornée...... 22 IV - Les mécanismes moléculaires de la différenciation épidermique...... 23 V - Les annexes épidermiques...... 27 V-1 Les follicules pilo-sébacés...... 27 V-2 Les glandes sébacées ...... 31 V-3 Les glandes sudoripares...... 32 VI - La fonction barrière de l’épiderme ...... 32 VI-1 Systèmes d’adhésion intercellulaire ...... 35 VI-2 L’enveloppe cornée...... 38 VI-3 Les lamelles lipidiques intercornéocytaires ...... 43 VI-4 Défense antimicrobienne...... 50 VI-5 Pathologies liées à une perte de la fonction barrière de l’épiderme...... 52
PARTIE B – ACTIVITÉ PROTÉASIQUE DANS L’ÉPIDERME ...... 59 I - Les protéases ...... 59 I-1 Définition...... 59 I-2 Activité des protéases...... 59 I-3 Les différentes classes de protéase : Mécanisme catalytique – Fonction biologique...... 60 I-4 Régulation de l’activité protéasique ...... 67 II - Les inhibiteurs de protéase...... 67 II-1 Les inhibiteurs de protéases à sérine de type Kazal ...... 68 II-2 Paramètres cinétiques d’interaction et d’inhibition des complexes protéases / inhibiteurs...... 71 III - La balance protéases - inhibiteurs de protéases dans l’homéostasie épidermique...... 75 III-1 La desquamation...... 75 III-2 Cornification...... 76 III-3 Immunité cutanée innée...... 79 III-4 Conclusion ...... 80
PARTIE C - LE SYNDROME DE NETHERTON ...... 83 I - Clinique du syndrome de Netherton ...... 83 II - Histologie de la peau des patients SN...... 89 III - Analyse ultrastructurale de la peau de patient SN...... 90 IV - Traitements du SN...... 92 V - Physiopathologie...... 94 VI - LEKTI ...... 96 VI-1 Structure biochimique ...... 96 VI-2 Fonctions inhibitrices de LEKTI ...... 98 VII - SPINK5 et la dermatite atopique ...... 99
OBJECTIFS DE LA THÈSE...... 101
8 RÉSULTATS...... 103
CHAPITRE A : MATURATION PROTÉOLYTIQUE DES PRÉCURSEURS DE LEKTI ET CAPACITÉ INHIBITRICE DES FRAGMENTS...... 105 Article 1 ...... 105 Article 2 ...... 107 CHAPITRE B : IDENTIFICATION DES PROTÉASES-CIBLES DE LEKTI...... 109 Article 3 ...... 109 CHAPITRE C : CARACTÉRISATION D’UNE NOUVELLE PROTÉASE ÉPIDERMIQUE ...... 111 Article 4 ...... 111 DISCUSSION GENERALE ...... 113
CHAPITRE 1 - DIVERSITÉ STRUCTURALE ET FONCTIONNELLE DES FRAGMENTS DE LEKTI...... 114 I - Diversité de transcrits ...... 114 II - Diversité structurale des fragments protéolytiques...... 117 III - Diversité fonctionnelle des fragments protéolytiques ...... 120 IV - D1, le mystère reste entier...... 124 V- Conclusion...... 126 CHAPITRE 2 - QUELS SONT LES RÔLES BIOLOGIQUES POTENTIELS DE LEKTI ?...... 127 I - LEKTI contrôle le processus de desquamation...... 127 II - LEKTI contrôle la morphogenèse du follicule pilo-sébacé...... 128 III - LEKTI est un acteur de l’immunité innée...... 129 III-1 LEKTI contrôle la maturation de la cathélicidine...... 130 III-2 Rôle antimicrobien direct de LEKTI : une hypothèse… ...... 131 IV - LEKTI joue un rôle anti-inflammatoire / anti-allergique ...... 132 IV-1 Un rôle anti-inflammatoire / anti-allergique direct ?...... 132 IV-2 Un rôle anti-inflammatoire indirect ?...... 136 IV – LEKTI joue un rôle dans le développement du système immunitaire ...... 137 V – LEKTI régule la maturation protéolytique de l’hormone de croissance ...... 137 VI – Conclusion...... 138 CHAPITRE 3 - IDENTIFICATION D’UNE NOUVELLE PROTÉASE ÉPIDERMIQUE HYPERACTIVE EN L’ABSENCE DE LEKTI ...... 139 I - Une identification difficile, pourquoi ? ...... 139 II- Ela2 : une nouvelle cible (indirecte) de LEKTI...... 140 III – Rôle de l’élastase 2 in vivo et contribution dans le développement du phénotype SN...... 141 III-1 La surexpression de l’Ela2 induit des anomalies cutanées sévères...... 141 III-2 Quelles sont les cibles de l’Ela2 ?...... 142 III-3 Ela2 est-elle impliquée dans d’autres pathologies cutanées ? ...... 142 IV – Conclusion...... 144 CHAPITRE 4 - STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES DU SYNDROME DE NETHERTON : PERSPECTIVES...... 145 I – Choix de la cible thérapeutique ...... 146 I-1 KLK5 ...... 146 I-2 KLK7 ...... 147 I-3 KLK14 ...... 147 I-4 Ela2 ...... 148 I-5 Conclusion...... 148 II – Identification d’inhibiteur de protéase pour une thérapie de substitution du SN...... 149 II-1 Criblage à haut débit et « docking »...... 149 II-2 Criblage secondaire et validation in vivo...... 150 III – Conclusion...... 152 CONCLUSION GENERALE ...... 155 BIBLIOGRAPHIE...... 157 ANNEXES...... 169
ANNEXE 1 ...... 171 ANNEXE 2 ...... 173 ANNEXE 3 ...... 175 ANNEXE 4 ...... 177 ANNEXE 5 ...... 179 ANNEXE 6 ...... 181
9 Liste des figures et tableaux
Figure 1 – Schéma de la peau humaine...... 14 Figure 2 – Stratification épidermique ...... 17 Figure 3 - Le follicule pilo-sébacé (FP) : Structure schématique et histologie ...... 26 Figure 4 - Morphogénèse et cycle du follicule pilo-sébacé (FP)...... 29 Figure 5 - Représentation schématique des jonctions intercellulaires de l’épiderme..34 Figure 6 - Ultrastructure d’un desmosome et d’un cornéodesmosome...... 36 Figure 7 - Formation séquentielle de l’enveloppe cornée ...... 40 Figure 8 - Céramides de la couche cornée ...... 45 Figure 9 - Structure des lamelles lipidiques intercornéocytaires...... 46 Figure 10 - Structure lipidique en double-feuillet dans les corps lamellaires ...... 49 Tableau 1 – Anomalies de la kératinisation ...... 54 Tableau 2 – Modèles murins présentant un défaut de barrière cutanée ...... 56 Figure 11 - Représentation schématique des résidus impliqués dans l’interaction protéase - substrat...... 58 Figure 12 - Mécanisme catalytique des protéases à sérine...... 61 Figure 13 - Poche catalytique des sous-classes de protéase à sérine ...... 62 Figure 14 - Niveaux de régulation de l’activité protéasique ...... 66 Figure 15 - Séquence et structure tridimensionnelle du domaine 3 de l’ovomucoïde.69 Figure 16 - Structure tridimensionnelle du complexe PSTI - trypsinogène...... 70 Figure 17 - Balance des protéases et des inhibiteurs de protéase dans l’homéostasie épidermique...... 74 Figure 18 - Caractéristiques cliniques du syndrome de Netherton...... 82 Figure 19 - Pathogenèse du cheveu Bambou...... 84 Figure 20 - Histologie de la peau des patients SN et immunodétection de LEKTI.....88 Figure 21 - Ultrastructure de l’épiderme des patients SN...... 91 Figure 22 - Organisation de SPINK5 et LEKTI...... 95 Figure 23 - Structures tridimensionnelles des domaines D1 et D6 de LEKTI et du domaine D3 de l’ovomucoïde...... 97 Figure 24 - Les trois précurseurs de LEKTI...... 115 Tableau 3 – Propriétés inhibitrices des fragments de LEKTI ...... 121 Figure 25 - Représentation tridimensionnelle des domaines D1, D1-caméléon et D6 de LEKTI ...... 125 Figure 26 - Conséquences de l’altération de la barrière chez les patients SN...... 134 Figure 27 - Structure de GR143783 et représentation tridimensionnelle du complexe entre l’élastase 2 pancréatique porcine et GR143783 ...... 151 Figure 28 - Cascades protéolytiques régulées par LEKTI dans l’épiderme...... 154
10 Liste des abréviations
CC : Couche Cornée
CG : Couche Granuleuse
CL : Cellules de Langhérans
CM : Cellules de Merkel
DA : Dermatite Atopique
EC : Enveloppe Cornée
EIC : Erythodermie Ichtyosiforme Congénitale
Ela2 : Elastase 2 pancréatique
FP : Follicule Pilo-sébacé (ou Follicule Pileux)
GK : Grains de Kératohyaline
ILC : Ichtyose Linéaire Circonflexe
IP : Inhibiteur de Protéase
KLK : Kallikréine
KO : Knock Out
LEKTI : Lympho-Epithelial Kazal Type Inhibitor
PAR : Protease-Activated Receptor
SCCE : Stratum Corneum Chymotrypsin-like Enzyme
SCTE : Stratum Corneum Trypsin-like Enzyme
SKALP : SKin-Derived AntiLeucoProteinase
SLPI : Secretory Leucocyte Protease Inhibitor
SPC : Subtilisin-like Proprotein Convertase
SPINK5 : Serine Protease INhibitor Kazal Type 5
TGase-1 : TransGlutaminase 1
TI : Trichorrhexis Invaginata
Wnt : Wingless-type MMTV integration site family member
11 Glossaire des termes dermatologiques ou médicaux
Acanthose : épaississement de la couche épineuse de l’épiderme
Atopie : prédisposition génétique à développer une hypersensibilité allergique qui s’accompagne d’un taux sanguin d’IgE élevé
Érythème : rougeur cutanée disparaissant à la vitropression
Érythrodermie : rougeur diffuse de la peau, de type inflammatoire
Hyperkératose : épaississement de la couche cornée
Ichtyose : peau sèche caractérisée par une desquamation visible de la couche cornée
Orthokératose : caractère normal de la couche cornée (antonyme : parakératose)
Parakératose : par opposition à l’orthokératose, la parakératose est un terme histologique décrivant la persistance anormale de noyaux dans la couche cornée
Papillomatose : élongation des papilles dermiques et formation de longues invaginations de l’épiderme dans le derme
Spongiose : dilatation des espaces intercellulaires
Trichorrhexie : anomalies morphologiques d’un poil ou d’un cheveu
12 INTRODUCTION
13 Pore sudoral Epiderme
Membrane basale Glande sébacée Muscle pilo-arrecteur Derme Canal excréteur de glande sudoripare
Follicule pileux Racine pilaire
Glande sudoripare Fibre nerveuse Vaisseaux sanguins Hypoderme
Figure 1 - Schéma de la peau humaine La peau comporte deux feuillets contigus, l’épiderme en surface et le derme sous-jacent, qui reposent sur un tissu adipeux, l’hypoderme. L’épiderme est un épithélium pluri-stratifié kératinisé qui comprend des annexes épidermiques dont une partie importante est logée dans le derme. Le corps humain est recouvert de follicule pileux excepté au niveau des régions palmo-plantaires (paume des mains et plante des pieds). Le follicule pilo-sébacé inclut un follicule pileux associé à une glande sébacée. Les glandes sébacées sécrètent du sébum qui assure la lubrification du poil. Chaque follicule pileux est relié à un muscle pilo-arrecteur qui contrôle le mouvement du poil. Les glandes sudoripares servent à évacuer la transpiration via le canal excréteur qui débouche au niveau des pores sudoraux à la surface de la peau. Le derme est richement vascularisé, et contient des fibres nerveuses qui se prolongent jusque dans l’épiderme. Ces différentes structures permettent à la peau d’assurer des fonctions protectrices, sensitives et thermorégulatrices. (Schéma modifié à partir de http://bio.m2osw.com/index.htm).
14 Partie A - L’épiderme : structure et fonction
I - Généralités
La peau est l’organe le plus étendu et le plus lourd du corps humain (15 % du poids total d’un adulte). La peau recouvre la totalité du corps et est en continuité avec les muqueuses au niveau des orifices naturels. Elle associe différentes structures tissulaires (épithéliales, conjonctives, vasculaires, musculaires et nerveuses) qui assurent de nombreuses fonctions indispensables à la vie terrestre
(sensitives, protectrices, thermorégulatrices, immunitaires et métaboliques) (1).
La peau comprend deux compartiments distincts, l’épiderme et le derme, séparés par une membrane basale (figure 1). L’épiderme, d’origine ectodermique, est un épithélium pluristratifié en contact direct avec l’environnement, et dont la fonction fondamentale est d’assurer une barrière de protection semi-perméable entre l’extérieur et l’intérieur de l’organisme. L’épiderme comprend des annexes
épidermiques logées en grande partie dans le derme et l’hypoderme : les follicules pileux (FP), associés étroitement aux glandes sébacées, et les glandes sudoripares.
Le derme est un tissu conjonctif innervé et vascularisé composé de fibroblastes dont le rôle est la synthèse de fibres de collagène et d’élastine responsables de la résistance mécanique et de l’élasticité de la peau. Grâce à une communication moléculaire importante, le derme joue un rôle important dans l’homéostasie
épidermique.
La peau repose sur un tissu adipeux profond, l’hypoderme, caractérisé par la présence d’adipocytes, cellules spécialisées dans le stockage des lipides. Ce tissu joue un rôle de réserve énergétique et d’isolant thermique.
15 II - Les cellules constitutives de l’épiderme: nature, structure et fonction
II-1 Les kératinocytes
L’épiderme est un épithélium pluristratifié et kératinisé où différents types cellulaires coexistent, les kératinocytes étant largement majoritaires (90%). Comme leur nom l’indique, ces cellules sont spécialisées dans la synthèse des kératines, protéines fibreuses de la famille des filaments intermédiaires. Elles sont organisées en tonofilaments qui s’associent avec les microfilaments d’actine et les microtubules pour former le cytosquelette intracellulaire. Au cours de la différentiation
épidermique, les kératinocytes migrent de la profondeur vers la superficie, au sein des quatre couches cellulaires successives que sont la couche basale, la couche
épineuse, la couche granuleuse et la couche cornée. Au cours de leur migration, les propriétés structurales et fonctionnelles des kératinocytes se modifient et concourent
à la formation de la couche cornée, selon le processus de cornification (figure 2A).
II-2 Les mélanocytes
Dérivant de la crête neurale, les mélanocytes représentent 3 à 5% de la population cellulaire épidermique. Leur fonction est la synthèse du pigment naturel de la peau, la mélanine, dont l’organite de stockage est le mélanosome. Les mélanocytes sont localisés dans la couche basale de l’épiderme, où ils interagissent avec les kératinocytes par l’intermédiaire de leurs dendrites, qui peuvent se prolonger entre les kératinocytes suprabasaux (2). Les mélanocytes transfèrent leurs mélanosomes aux kératinocytes avoisinants, où ils forment une calotte supranucléaire protégeant le matériel génétique des effets mutagènes des rayonnements ultraviolets (effet protecteur contre le développement de cancers cutanés). Les mélanocytes présents dans le FP sont responsables de la pigmentation du poil ou du cheveu. Le degré de pigmentation cutané, déterminé par
16 A
Cornéocyte Lipides intercellulaires Couche cornée Cornéodesmosome Grain de kératohyaline Couche granuleuse Jonction serrée Corps lamellaire Desmosome
Couche épineuse
Filaments intermédiaires de Kératines
Jonction adhérente
Couche basale
Noyau
Hémidesmosome
Lame basale
B Grains de C kératohyaline
Couche cornée Couche granuleuse Epiderme Couche épineuse Couche basale
Couche basale Derme
Figure 2 - Stratification épidermique (A) Schéma des différentes couches de l’épiderme et des éléments structuraux essentiels des kératinocytes. (B) Histologie d’une coupe de peau humaine après coloration à l’hématoxyline et à l’éosine, permettant la coloration du cytoplasme en rouge et des noyaux en bleu. Les quatre couches épidermiques sont indiquées sur la gauche. Les flèches montrent les mélanocytes logés entre les kératinocytes basaux. L’agrandissement montre les grains de kératohyaline caractéristiques de la couche granuleuse. (C) Modèle de division symétrique (gauche) ou asymétrique (droite) des cellules basales de l’épiderme. (A) et (C) : modifiés à partir de Fuchs (2007) ; (B) : modifié à partir de Lin and Fisher (2007).
17 la teneur en mélanine, représente un outil de prédiction performant pour évaluer le risque de cancer cutané dans la population générale. Ceci justifie de mieux connaître la biologie du mélanocyte pour la prévention des cancers et le développement de traitement anti-tumoral (3).
II-3 Les cellules de Langherans
Les cellules de Langherans (CL) sont des cellules dendritiques mobiles qui représentent 3 à 5% des cellules épidermiques. Issues de précurseurs hématopoïétiques CD34+ de la moelle osseuse, les CL sont des cellules présentatrices d’antigène qui forment un réseau de sentinelles surveillant en permanence le compartiment épidermique (4). Leur fonction est de capter, d’apprêter et de présenter les antigènes exogènes pénétrant dans l’épiderme aux lymphocytes
T, via le complexe d’immunohistocompatibilité de classe II (CMH II). Le contact avec un antigène exogène permet d’activer les CL immatures en cellule matures qui relaient l’information antigénique au système immunitaire adaptatif. Au plan moléculaire, les CL épidermiques expriment les antigènes CD1a, CD207 (langérine) de manière spécifique. Enfin, les CL contiennent un élément structural cytoplasmique spécifique, le granule de Birbeck qui se présentent sous la forme d’un petit bâtonnet se terminant quelquefois par une petite vésicule (aspect de raquette)
(1 , 2 , 5).
II-4 Les cellules de Merkel
Les cellules de Merkel (CM), découvertes en 1875 par Friedrich-Sigmund
Merkel, constituent la population cellulaire minoritaire de l’épiderme, et sont localisées au niveau de la couche basale de l’épiderme (2). Les CM dérivent de la crête neurale de l’épiderme (6). Elles possèdent à la fois des caractéristiques
épithéliales comme l’expression spécifique de la cytokératine 20 ou la formation de
18 desmosomes avec les kératinocytes voisins, et des caractéristiques neuronales comme la présence de vésicules neuro-sécrétoires cytoplasmiques. Les CM sont généralement considérées comme des mécanorécepteurs, capables de détecter la déformation tissulaire. Les CM libèrent alors des neurotransmetteurs qui agissent sur les terminaisons nerveuses adjacentes. Certaines CM sont associées à la région du bulge du follicule pileux, et exerceraient une fonction endocrine jouant un rôle dans le développement du poil (7). Une meilleure connaissance de la biologie des CM devrait permettre de mieux comprendre les mécanismes de leur transformation maligne qui peut conduire à des carcinomes très agressifs (8).
II-5 Les fibres nerveuses
Longtemps controversée, la présence de fibres nerveuses dans l’épiderme a
été mise en évidence grâce à des techniques immunohistochimiques et en microscopie électronique. L’innervation de l’épiderme permet de transmettre des signaux sensoriels de la perception du toucher, des variations de température, et de la douleur. Ces trois sensations sont assurées par différentes populations de neurones sensoriels : les mécanorécepteurs, les thermorécepteurs, et les nocicepteurs, respectivement. On peut observer une ramification des fibres nerveuses afférentes au niveau des follicules pileux, des couches épineuse et granuleuse ainsi qu’au niveau des CM. La capacité des kératinocytes à sécréter des substances chimiques modulant l’activité neuronale et à exprimer des récepteurs impliqués dans la sensation de douleur ou de chaleur suggère leur implication dans la transmission du signal sensoriel (9). Enfin, des fibres nerveuses ont été observées en contact avec les cellules de Langherans, dont elles pourraient moduler la fonction de présentation antigénique (10).
19 III - Stratification épidermique
La stratification épidermique repose sur la migration des kératinocytes au sein de quatre couches successives : la couche basale, la couche épineuse, la couche granuleuse et la couche cornée (figure 2A,B).
III-1 La couche basale
La couche basale est une monocouche de kératinocytes prolifératifs qui permettent le renouvellement constant de l’épiderme. De forme cuboïdale, les cellules basales synthétisent spécifiquement le couple de kératines 5 et 14, lesquelles sont reliées aux desmosomes (jonctions d’adhésion intercellulaire) des cellules adjacentes ou aux hémidesmosomes qui ancrent les cellules à la membrane basale. La division des cellules basales permet l’entrée en différenciation des kératinocytes dans la couche immédiatement supérieure, selon deux modèles qui coexistent (11) (figure 2C). Le premier modèle implique une division symétrique des cellules, où les deux cellules-filles se retrouvent adjacentes sur un plan horizontal dans la couche basale après division. L’une d’elles serait capable de se détacher de la membrane basale sous-jacente pour rejoindre le compartiment supérieur, entrant alors en différenciation, alors que l’autre resterait dans la couche basale en conservant son pouvoir prolifératif. Le second modèle s’appuie sur la capacité des progéniteurs à se diviser asymétriquent, en orientant leur fuseau mitotique de manière à ce qu’une des cellules-filles se localise dans le compartiment épineux alors que la première est maintenue dans la couche basale. Dans la peau adulte,
85% des divisions cellulaires observées sont asymétriques (12).
20 III-2 La couche épineuse
La couche épineuse est composée de cinq à dix strates de kératinocytes.
Dès l’entrée dans la couche épineuse, les kératinocytes cessent de se diviser. La couche épineuse (ou malpighienne) doit son nom aux nombreux desmosomes qui joignent les cellules et qui leur donnent un aspect épineux sur coupe histologique. La morphologie des cellules épineuses se modifie au cours de leur migration, avec un accroissement de leur taille dans les couches les plus superficielles. Les kératinocytes épineux sont caractérisés par la synthèse des kératines 1 et 10, qui remplacent les kératines basales 5 et 14 (13). Les connexions kératines - desmosomes garantissent aux kératinocytes une cohésion importante et leur confèrent une forte résistance mécanique (11). D’autres types jonctionnels (jonctions adhérentes), renforcent davantage cette cohésion cellulaire. Les cellules épineuses progressent vers la couche granuleuse par la poussée des cellules sous-jacentes.
III-3 La couche granuleuse
La couche granuleuse (CG) est la dernière couche vivante de l’épiderme. Elle est formée d’une à trois couches de kératinocytes aplatis, disposés parallèlement à la surface cutanée. Les kératinocytes granuleux renferment des granules cytoplasmiques particuliers, les grains de kératohyaline (GK), très facilement identifiable sur coupe histologique après coloration conventionnelle à l’hématoxyline et éosine (figure 2B). Dépourvus de membrane et de taille variable (0,5 à 2 μm), les
GK correspondent à des agrégats protéiques hautement insolubles. En microscopie
électronique, ils apparaissent comme des structures amorphes aux formes irrégulières, denses aux électrons. Chez les rongeurs, il existe deux types de GK qui se distinguent par leur morphologie et leur contenu protéique : les grains de grande taille, de type F, contiennent la profilaggrine, alors que les grains de petite taille, de type L, renferment la loricrine. Contrairement au rongeur, il n’existe que des grains
21 de type F chez l’homme, la loricrine étant majoritairement dispersée dans le cytoplasme des cellules granuleuses (14).
De nombreuses réactions biochimiques de natures très diverses se produisent dans le cytoplasme des cellules granuleuses, afin d’assurer la formation des structures essentielles de la couche cornée, c’est-à-dire l’enveloppe cornée et les lamelles lipidiques extracellulaires. L’enveloppe cornée correspond à une macrostructure protéique très rigide qui va renforcer la membrane plasmique des cellules de la couche cornée. Cette structure repose sur l’expression de précurseurs protéiques (involucrine, loricrine et profilaggrine) qui seront déposés le long de la face interne de la membrane avant d’être liés de manière covalente par l’action de la transglutaminase-1 essentiellement (15).
Synthétisés dans la partie supérieure de la couche épineuse, les corps lamellaires ou kératinosomes sont des structures vésiculaires qui occupent une grande partie du cytoplasme des kératinocytes granuleux. Ils contiennent un ensemble de molécules de natures protéique et lipidique qui sont sécrétées par exocytose dans l’espace intercellulaire à l’interface entre la couche granuleuse et la couche cornée (16). La transition entre ces deux couches se caractérise par la dissolution du noyau et des organelles, ainsi que l’agrégation du réseau de filaments de kératine en macrofibrilles.
III-4 La couche cornée
Les dernières étapes de la différenciation terminale donnent naissance à des cellules anucléées et dépourvues d’organelles appelées cornéocytes. La couche cornée (CC), ou stratum corneum (SC), est composée de cinq à dix assises de cornéocytes. Ces cellules très aplaties renferment une matrice fibreuse de kératine séquestrée à l’intérieur des cornéocytes grâce à l’enveloppe cornée. Les lipides intercellulaires dérivés des corps lamellaires sont maturés enzymatiquement afin de
22 former des structures lamellaires parallèles en continuité avec la membrane plasmique.
L’ultime étape de la différenciation épidermique correspond à l’élimination des cornéocytes les plus superficiels, par le processus de desquamation. Certaines enzymes protéolytiques déversées dans l’espace intercornéocytaire par les corps lamellaires vont progressivement digérer les cornéodesmosomes, systèmes jonctionnels reliant les cornéocytes entre eux. L’intensité de cette action enzymatique est d’autant plus importante que l’on s’approche de la superficie, et permet l’élimination des cornéocytes les plus superficiels uniquement. Ce processus de desquamation est invisible à l’œil nu dans une peau normale (16).
IV - Les mécanismes moléculaires de la différenciation épidermique
L’homéostasie épidermique repose sur un contrôle finement régulé de la balance entre la prolifération et la différenciation. Une diminution de la prolifération entraîne l’amincissement de l’épiderme et une perte de fonction protectrice ; inversement, une augmentation de la prolifération peut conduire à des états pathologiques comme le psoriasis ou le cancer.
Des études in vitro ont permis de montrer le rôle primordial du calcium dans l’activation de la différenciation des kératinocytes primaires. Cultivés en faible concentration de calcium (< 0,07 mM), les kératinocytes prolifèrent, ne forment pas de contacts intercellulaires, ne présentent pas de stratification, et produisent peu d’enveloppes cornées. L’augmentation du calcium à 1,2 mM dans le milieu de culture induit une redistribution rapide des protéines desmosomales (cadhérines, desmoplakine, plakoglobine…) du cytoplasme à la membrane plasmique, permettant l’assemblage fonctionnel des desmosomes, et donc la formation de contacts intercellulaires. Les kératinocytes initient la synthèse des kératines K1 et K10 au détriment des kératines basales K5 et K14. L’expression des marqueurs de la
23 différenciation comme la profilaggrine, l’involucrine, la loricrine et la transglutaminase
1 est augmentée, et l’enveloppe cornée devient apparente (17 , 18).
D’un point de vue mécanistique, le calcium extracellulaire se fixe sur les récepteurs transmembranaires sensibles au calcium (type récepteurs couplés aux protéines G). Cela induit l’activation de la voie de la phospholipase C (PLC), qui clive un lipide membranaire, le phosphatidylinositol 4,5 biphosphate (PIP2) en diacylglycérol (DAG) et Inositol triphosphate (IP3). L’IP3 induit le relargage de calcium
à partir des stocks du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi, augmentant ainsi le calcium intracytoplasmique. Ceci a pour effet d’ouvrir des canaux calciques membranaires, permettant un flux entrant de calcium augmentant encore davantage la concentration calcique intracellulaire. Le DAG ainsi que le calcium intracellulaire vont conduire à l’activation de la protéine kinase C (PKC). Celle-ci peut activer par phosphorylation des facteurs de transcription de la famille fos et jun capables de se fixer sur les sites AP-1 des régions promotrices des gènes de la différenciation. In vivo, il existe un gradient positif de calcium de la couche basale à la couche granuleuse, qui concorde parfaitement avec l’état de différenciation des kératinocytes (19). Le gradient de calcium épidermique joue donc un rôle majeur dans le contrôle de la différenciation terminale de l’épiderme. Le psoriasis est une pathologie cutanée caractérisée par un déséquilibre de la balance prolifération/différenciation. L’épiderme psoriasique présente un gradient de calcium anormal avec une concentration très faible dans la couche basale et très élevée dans les couches suprabasales (20).
La vitamine D (forme 1,25 dihydroxy) est un autre régulateur bien connu de la différenciation des kératinocytes. Localisée dans le cytoplasme, elle peut activer les récepteurs transmembranaires sensibles au calcium et induire ainsi des effets similaires à ceux du calcium seul. De plus, la vitamine D peut avoir un rôle direct sur l’activation génique en se fixant sur les éléments de réponse VDRE (Vitamin D
Response Element) présents sur les promoteurs des gènes des marqueurs de la
24 différenciation. Ainsi , le calcium et la vitamine D peuvent agir de manière synergique sur l’induction de la différenciation des kératinocytes (17).
D’autres facteurs, tels que le TGF- et l’acide rétinoïque, sont connus pour moduler la différenciation épidermique. Le TGF- inhibe la prolifération des kératinocytes basaux tout en induisant une différenciation anormale (de type cicatrisation), alors que l’acide rétinoïque régule négativement la différenciation en réprimant l’expression de certains marqueurs de la différenciation (21).
Différentes études ont mis en évidence le rôle primordial du facteur de transcription p63 dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation
épidermique. p63 est un membre de la famille de protéines p53 qui code deux isoformes différant par la présence (isoforme TAp63) et ou l’absence (isorforme