Un Territoire Contesté
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Synthèse de l'histoire du château des Allymes Par Paul Cattin "Après la conquête du Bugey par la Savoie, en 1354, Nicod François, trésorier des Comtes, prend possession du Château des Allymes. Sa petite-fille, Claudine, épouse Humbert de Lucinge. Leur descendant, René de Lucinge, ambassadeur de Savoie en France auprès d'Henri III de 1585 à 1589, fait du Château des Allymes sa résidence familiale. Ecrivain distingué, humaniste, René de Lucinge s'est rendu célèbre par de nombreux écrits. Historien, il analyse les causes des luttes qui déchirent la France et l'Europe à la fin du XVIème siècle, entre autres avec le "Dialogue du François et du Savoisien", "Lettres sur le début de la Ligue", "Lettres sur la Cour d'Henri III", qui ont été édités pour la première fois de nos jours. De ses ouvrages publiés à Paris, le plus important offre une étude pertinente sur l'Empire des Turcs : "Naissance, durée et chute des Estats" (1588). En 1601, René de Lucinge appelé comme plénipotentiaire par le duc de Savoie, négocie avec les envoyés d'Henri IV le Traité de Lyon (le 17 janvier), qui mettait fin à la guerre et réunissait la Bresse, le Bugey, le Valromey et le Pays de Gex à la France, formant ainsi l'actuel département de l'Ain. * * * Un territoire contesté Le vaste territoire qui, entre la Bresse et le Bugey s’étendait du nord au sud, depuis le Jura actuel jusque sur les bords du Rhône, formait ce qu’on appelait la « Manche de Coligny » et appartenait aux seigneurs du même nom, peut-être issus de comtes carolingiens. Mais peu à peu cette seigneurie fut démembrée au hasard des mariages au profit des filles et des gendres. Ainsi en 1232, une grande partie de la Manche fut apportée en dot par Béatrice de Coligny à son mari Albert de la Tour du Pin. Dans ce territoire se trouvait compris à la fois le Revermont et les régions d’Ambronay, d’Ambérieu et de Lagnieu, jusqu’au Rhône près duquel se dressait la fameuse pierre de Coligny. Par la suite, cet ensemble passa à Humbert de la Tour, frère d’Albert puis au Dauphin de Viennois, sauf le Revermont qui avait servi à désintéresser Robert de Bourgogne et qui fut acquis en 1289 par le comte de Savoie. Ainsi la Bresse acquise peu auparavant, en 1272, par le mariage d’Amédée V avec Sybille de Bâgé et le Revermont formaient désormais un vaste ensemble qui apparaissait comme le plus beau fleuron des possessions savoyardes « en deçà des monts », mais il se trouvait malencontreusement isolé des autres terres du Comté, d’une part par les terres du seigneur de Thoire-Villars qui s’étendaient sur la rive gauche de l’Ain (de Thoirette à Poncin et Cerdon) et au sud par les possessions dauphinoises (Ambronay, Ambérieu). Il était donc vital pour la Savoie d’acquérir un passage sûr pour accéder en toute sécurité à ces nouvelles terres. Il suffisait d’ailleurs de bien peu de chose pour mettre fin à cette solution de continuité, car entre le molard de Luisandre, situé à l’extrémité nord ouest de le terre de Saint-Rambert, savoyarde depuis 1196, et le sud de la région Bresse-Revermont, à Pont-d’Ain, il n’y a qu’une dizaine de kilomètres, ou une seule paroisse : Ambronay. En plaçant son abbaye sous la protection savoyarde en 1282 et en 1285, l’abbé d’Ambronay avait permis le rattachement de la Bresse au reste du Comté, mais du même coup il avait trahi la cause du clan dauphinois. En effet, si la région d’Ambronay apparaissait vitale pour le comte de Savoie, elle l’était tout autant pour le Dauphin qui, en perdant ce territoire, se trouvait désormais séparé de ses alliés effectifs ou potentiels tels que les sires de Chalon ou les comtes de Genève établis à Varey depuis 1240, et, vitale, cette même région l’était plus encore pour le sire de Thoire-Villars car elle séparait totalement ses terres de Dombes (Villars) de ses terres de la Montagne. Dans ces conditions la guerre était inévitable et elle éclata effectivement dès 1283, d’autant qu’elle avait de nombreux autres mobiles tant la frontière delphino-savoyarde se trouvait enchevêtrée sur presque toute sa longueur et tant les enclaves étaient nombreuses de part et d’autre. Localement cette guerre fut particulièrement intense à partir de 1290 environ : le dauphin pris Ambronay que le comte de Savoie fit ravager et incendier par ses hommes d’armes qui brûlèrent aussi Varey. Puis la guerre ne cessa plus et la région commença à se hérisser de constructions militaires. En mai 1299, le comte qui voyait le dauphin rassembler ses troupes importantes à Crémieux et qui craignait une attaque contre son pont sur l’Ain (Pont-d’Ain) et même une incursion jusqu’à Bourg, renforça la garnison d’Ambronay et commença à fortifier Pont-d’Ain ou il construisit une ville nouvelle. En fait c’était sur tous les fronts que le comte dut bientôt faire face : au nord et à l’est, contre Jean de Chalon et contre le sire de Thoire-Villars, au sud contre le dauphin, et au sud-est contre l’archevêque de Lyon lui-même, Louis de Villars, qui envoya des troupes sur Richemont et sur Ambronay. La bâtie de Luisandre Parfois la lutte se calmait un peu et on essayait d’établir une frontière nette entre les territoires les plus contestés. (…) Mais la région de Luisandre qui se trouvait aux confins des terres de Saint- Rambert (à la Savoie) et des terres de Saint-germain (au Dauphiné) était elle aussi le sujet de contestations, or c’était là que passait le trajet le plus court pour aller de la cluse de Saint-Rambert et de la Savoie à Ambronay et de là à Pont-d’Ain et en Bresse. (…) C’est sans doute pour défendre cette frontière mal définie et plus encore pour protéger cette voie de passage mal assurée à travers la montagne, que le comte de Savoie décida de fortifier le sommet du molard de Luisandre qui, en s’élevant à 804 mètres, dominait toute la contrée. (…) La bâtie des Allymes Pendant ce temps le Dauphin ne resta pas inactif : il tentait de reprendre Ambronay, il importunait les ouvriers de Luisandre, et surtout, pour s’opposer à la bâtie de comte de Savoie il en construisait une, le plus près possible : les Allymes. C’est vers 1310, qu’il faut placer le début de la construction de la bâtie dauphinoise des Allymes. Elle était située sur un « molard » très proche de celui de Luisandre (800 mètres à vol d’oiseaux), mais dans un site moins avantageux puisque moins élevé de près de 150 m. La construction fut certainement très difficile car, si le rassemblement de juin 1312 semble avoir eut pour but la protection de la bâtie de Luisandre, le second qui eut lieu peu après, pendant une semaine était destiné à s’opposer à l’édification des Allymes et même à en faire le siège. Ce siège fut sans doute un échec, mais à la fin de l’année 1312, quatre clients de la châtellenie de Saint-Rambert mirent le feu aux « loges » de la bâtie. On entendait alors par loges, des maisons d’habitation faites de bois et couvertes de paille placées à l’intérieur d’une bâtie. Leur toiture les rendait particulièrement vulnérables. Dans le même temps d’autres troupes savoyardes tentèrent de pénétrer dans la ville d’Ambérieu et de s’en emparer, ce qui eut sans doute pour conséquence d’affaiblir la pression dauphinoise dans la région de Luisandre. Lorsque les deux bâties furent édifiées, une trêve fut conclue entre les ennemis. Les négociations avaient commencé dès avant l’achèvement des travaux grâce à l’entremise du « Précepteur de la maison de Saint-Antoine de Chambéry, de Pierre de Celle-Neuve (Sallenove ?) et d’Antoine de Clermont ». Aux termes de cet accord (fin 1312 – début 1313), on ne devait pas faire de nouvelles constuctions aux bâties, et c’est pour cette raison qu’en juillet-août 1313, le châtelain de Saint- Rambert envoya aux Allymes le chevalier Pierre Maréchal, accompagné du seigneur de Bussy « pour surveiller les édifices de la bâtie, afin que rien ne puisse être édifié ». On peut donc être certain qu’en 1313, il n’y avait encore tant à Luisandre qu’aux Allymes que deux « bâties », donc deux constructions faites principalement de terre et de bois. Le château de Luisandre La trêve de 1313 fut vite violée (…). Cette liberté tacite d’accroître les fortifications incita donc les adversaires en présence à transformer chacun sa bâtie en un château de pierre afin d’assurer par là une meilleure défense de sa frontière. Cette nouvelle campagne de construction eut sans doute lieu exactement à la même date dans chacun des deux camps. La construction de Luisandre débuta en août 1315 (… ) ; les travaux furent à peu près terminés en 1320. La technique mise en œuvre, bien connue grâce aux détails des comptes, (…) fut exactement la même technique qui fut employée pour la construction du château des Allymes : location de nombreux ânes pour le transport des matériaux, fabrication de sacs de « bourrat » (chanvre grossier) pour porter le sable, taille de la pierre, approvisionnement en eau, établissement de « rafour » pour produire la chaux, édification des murs par des maçons spécialisés ou encore construction de charpente ou creusement des fossés. La construction du château des Allymes La bâtie des Allymes, construite vers 1310-1312, eut donc une existence très brève en tant que telle, puisque dès 1315, elle fut transformée en un château de pierre.