Synthèse de l'histoire du château des Allymes Par Paul Cattin

"Après la conquête du par la Savoie, en 1354, Nicod François, trésorier des Comtes, prend possession du Château des Allymes. Sa petite-fille, Claudine, épouse Humbert de Lucinge. Leur descendant, René de Lucinge, ambassadeur de Savoie en auprès d'Henri III de 1585 à 1589, fait du Château des Allymes sa résidence familiale. Ecrivain distingué, humaniste, René de Lucinge s'est rendu célèbre par de nombreux écrits. Historien, il analyse les causes des luttes qui déchirent la France et l'Europe à la fin du XVIème siècle, entre autres avec le "Dialogue du François et du Savoisien", "Lettres sur le début de la Ligue", "Lettres sur la Cour d'Henri III", qui ont été édités pour la première fois de nos jours.

De ses ouvrages publiés à Paris, le plus important offre une étude pertinente sur l'Empire des Turcs : "Naissance, durée et chute des Estats" (1588). En 1601, René de Lucinge appelé comme plénipotentiaire par le duc de Savoie, négocie avec les envoyés d'Henri IV le Traité de Lyon (le 17 janvier), qui mettait fin à la guerre et réunissait la Bresse, le Bugey, le Valromey et le Pays de Gex à la France, formant ainsi l'actuel département de l'.

* * * Un territoire contesté

Le vaste territoire qui, entre la Bresse et le Bugey s’étendait du nord au sud, depuis le Jura actuel jusque sur les bords du Rhône, formait ce qu’on appelait la « Manche de Coligny » et appartenait aux seigneurs du même nom, peut-être issus de comtes carolingiens. Mais peu à peu cette seigneurie fut démembrée au hasard des mariages au profit des filles et des gendres. Ainsi en 1232, une grande partie de la Manche fut apportée en dot par Béatrice de Coligny à son mari Albert de la Tour du Pin. Dans ce territoire se trouvait compris à la fois le Revermont et les régions d’Ambronay, d’Ambérieu et de Lagnieu, jusqu’au Rhône près duquel se dressait la fameuse pierre de Coligny. Par la suite, cet ensemble passa à Humbert de la Tour, frère d’Albert puis au Dauphin de Viennois, sauf le Revermont qui avait servi à désintéresser Robert de Bourgogne et qui fut acquis en 1289 par le comte de Savoie.

Ainsi la Bresse acquise peu auparavant, en 1272, par le mariage d’Amédée V avec Sybille de Bâgé et le Revermont formaient désormais un vaste ensemble qui apparaissait comme le plus beau fleuron des possessions savoyardes « en deçà des monts », mais il se trouvait malencontreusement isolé des autres terres du Comté, d’une part par les terres du seigneur de Thoire-Villars qui s’étendaient sur la rive gauche de l’Ain (de Thoirette à Poncin et Cerdon) et au sud par les possessions dauphinoises (Ambronay, Ambérieu). Il était donc vital pour la Savoie d’acquérir un passage sûr pour accéder en toute sécurité à ces nouvelles terres. Il suffisait d’ailleurs de bien peu de chose pour mettre fin à cette solution de continuité, car entre le molard de Luisandre, situé à l’extrémité nord ouest de le terre de Saint-Rambert, savoyarde depuis 1196, et le sud de la région Bresse-Revermont, à Pont-d’Ain, il n’y a qu’une dizaine de kilomètres, ou une seule paroisse : Ambronay.

En plaçant son abbaye sous la protection savoyarde en 1282 et en 1285, l’abbé d’Ambronay avait permis le rattachement de la Bresse au reste du Comté, mais du même coup il avait trahi la cause du clan dauphinois. En effet, si la région d’Ambronay apparaissait vitale pour le comte de Savoie, elle l’était tout autant pour le Dauphin qui, en perdant ce territoire, se trouvait désormais séparé de ses alliés effectifs ou potentiels tels que les sires de Chalon ou les comtes de Genève établis à Varey depuis 1240, et, vitale, cette même région l’était plus encore pour le sire de Thoire-Villars car elle séparait totalement ses terres de (Villars) de ses terres de la Montagne.

Dans ces conditions la guerre était inévitable et elle éclata effectivement dès 1283, d’autant qu’elle avait de nombreux autres mobiles tant la frontière delphino-savoyarde se trouvait enchevêtrée sur presque toute sa longueur et tant les enclaves étaient nombreuses de part et d’autre.

Localement cette guerre fut particulièrement intense à partir de 1290 environ : le dauphin pris Ambronay que le comte de Savoie fit ravager et incendier par ses hommes d’armes qui brûlèrent aussi Varey. Puis la guerre ne cessa plus et la région commença à se hérisser de constructions militaires. En mai 1299, le comte qui voyait le dauphin rassembler ses troupes importantes à Crémieux et qui craignait une attaque contre son pont sur l’Ain (Pont-d’Ain) et même une incursion jusqu’à Bourg, renforça la garnison d’Ambronay et commença à fortifier Pont-d’Ain ou il construisit une ville nouvelle. En fait c’était sur tous les fronts que le comte dut bientôt faire face : au nord et à l’est, contre Jean de Chalon et contre le sire de Thoire-Villars, au sud contre le dauphin, et au sud-est contre l’archevêque de Lyon lui-même, Louis de Villars, qui envoya des troupes sur Richemont et sur Ambronay.

La bâtie de Luisandre Parfois la lutte se calmait un peu et on essayait d’établir une frontière nette entre les territoires les plus contestés. (…) Mais la région de Luisandre qui se trouvait aux confins des terres de Saint- Rambert (à la Savoie) et des terres de Saint-germain (au Dauphiné) était elle aussi le sujet de contestations, or c’était là que passait le trajet le plus court pour aller de la cluse de Saint-Rambert et de la Savoie à Ambronay et de là à Pont-d’Ain et en Bresse. (…) C’est sans doute pour défendre cette frontière mal définie et plus encore pour protéger cette voie de passage mal assurée à travers la montagne, que le comte de Savoie décida de fortifier le sommet du molard de Luisandre qui, en s’élevant à 804 mètres, dominait toute la contrée. (…)

La bâtie des Allymes Pendant ce temps le Dauphin ne resta pas inactif : il tentait de reprendre Ambronay, il importunait les ouvriers de Luisandre, et surtout, pour s’opposer à la bâtie de comte de Savoie il en construisait une, le plus près possible : les Allymes.

C’est vers 1310, qu’il faut placer le début de la construction de la bâtie dauphinoise des Allymes. Elle était située sur un « molard » très proche de celui de Luisandre (800 mètres à vol d’oiseaux), mais dans un site moins avantageux puisque moins élevé de près de 150 m. La construction fut certainement très difficile car, si le rassemblement de juin 1312 semble avoir eut pour but la protection de la bâtie de Luisandre, le second qui eut lieu peu après, pendant une semaine était destiné à s’opposer à l’édification des Allymes et même à en faire le siège. Ce siège fut sans doute un échec, mais à la fin de l’année 1312, quatre clients de la châtellenie de Saint-Rambert mirent le feu aux « loges » de la bâtie. On entendait alors par loges, des maisons d’habitation faites de bois et couvertes de paille placées à l’intérieur d’une bâtie. Leur toiture les rendait particulièrement vulnérables. Dans le même temps d’autres troupes savoyardes tentèrent de pénétrer dans la ville d’Ambérieu et de s’en emparer, ce qui eut sans doute pour conséquence d’affaiblir la pression dauphinoise dans la région de Luisandre.

Lorsque les deux bâties furent édifiées, une trêve fut conclue entre les ennemis. Les négociations avaient commencé dès avant l’achèvement des travaux grâce à l’entremise du « Précepteur de la maison de Saint-Antoine de Chambéry, de Pierre de Celle-Neuve (Sallenove ?) et d’Antoine de Clermont ». Aux termes de cet accord (fin 1312 – début 1313), on ne devait pas faire de nouvelles constuctions aux bâties, et c’est pour cette raison qu’en juillet-août 1313, le châtelain de Saint- Rambert envoya aux Allymes le chevalier Pierre Maréchal, accompagné du seigneur de Bussy « pour surveiller les édifices de la bâtie, afin que rien ne puisse être édifié ». On peut donc être certain qu’en 1313, il n’y avait encore tant à Luisandre qu’aux Allymes que deux « bâties », donc deux constructions faites principalement de terre et de bois.

Le château de Luisandre La trêve de 1313 fut vite violée (…). Cette liberté tacite d’accroître les fortifications incita donc les adversaires en présence à transformer chacun sa bâtie en un château de pierre afin d’assurer par là une meilleure défense de sa frontière. Cette nouvelle campagne de construction eut sans doute lieu exactement à la même date dans chacun des deux camps.

La construction de Luisandre débuta en août 1315 (… ) ; les travaux furent à peu près terminés en 1320. La technique mise en œuvre, bien connue grâce aux détails des comptes, (…) fut exactement la même technique qui fut employée pour la construction du château des Allymes : location de nombreux ânes pour le transport des matériaux, fabrication de sacs de « bourrat » (chanvre grossier) pour porter le sable, taille de la pierre, approvisionnement en eau, établissement de « rafour » pour produire la chaux, édification des murs par des maçons spécialisés ou encore construction de charpente ou creusement des fossés.

La construction du château des Allymes La bâtie des Allymes, construite vers 1310-1312, eut donc une existence très brève en tant que telle, puisque dès 1315, elle fut transformée en un château de pierre. Malheureusement les comptes dauphinois sont beaucoup moins détaillés que ceux des châtelains savoyards, mais ils permettent toutefois de se faire une idée assez précise de la chronologie de la construction.

Du mois de décembre 1315 à novembre 1316, les travaux de l’ «œuvre » des Allymes, commencés peut-être un peu auparavant, battent leur plein grâce aux sommes considérables que le Dauphin y consacre. Les matériaux, principalement de la pierre, de la chaux et du sable, s’amoncellent en quantité sur l’emplacement du château, apportés par des muletiers, des chars et des porteurs. Un forgeron reste à demeure pour entretenir les outils ou forger les serrures, tandis qu’un charbonnier lui procure le combustible nécessaire. Des charpentiers taillent et assemblent les poutraisons des étages, font les portes, construisent à neuf les chars pour le transport des matériaux, ou encore édifient une maison couverte de chaume pour abriter le blé ou les denrées provenant des alentours.

Mais les maîtres d’œuvre de ce vaste chantier sont les deux maçons Perronnet et Guillemet d’Hières (Hières-sur-Amby, sur la rive gauche du Rhône) et le Dauphin en personne vient à plusieurs reprises examiner l’avancement des travaux. (…).

Les comptes suivants, de 1319, rendus par Pierre de Dreyns pour la châtellenie de Sablonnière et ceux de Perret de La Fontaine, châtelain des Allymes, laissent supposer que les travaux étaient alors à peu près terminés. (…) Ensuite les comptes, qui présentent une nouvelle lacune (1320- 1321), reprennent en septembre 1321, et font alors état de la couverture de la « tour carrée » et de l’ouverture d’une « poterne pour entrer dans le manteau ». A cette date le château avait donc son aspect définitif car le fait de parler de « la » tour carrée (et non d’ « une » tour carrée), signifie qu’il n’y avait qu’une seule tour de ce type et si l’on précise bien qu’elle était carrée, c’était pour l’opposer à une tour d’une autre forme, donc à la tour ronde.

Ainsi, le gros œuvre fut édifié de 1315 à 1320, c’est à dire exactement à l’époque où le comte de Savoie construisait le château de Luisandre.

Les bourgs du château des Allymes et de Luisandre La « poterne pour entrer dans le manteau » dont il est question dans les comptes de 1321-1322, peut être identifiée avec celle qui fait communiquer le château à l’ancien bourg. En effet, au nord du château on avait édifier une sorte de basse-cour, on disait aussi à l’époque un « récept » (receptum) destiné à abriter une petite population que l’on faisait venir pour occuper en quelque sorte le pays, ou qui venait se réfugier là en temps d’hostilités. (…) Il était protégé du côté de Luisandre par une forte courtine qui prenait appui sur la tour ronde du château et au nord sur une autre tour ronde en partie conservée. Les autres côtés étaient bien moins défendus puisqu’ils ne présentent que de faibles murs qui ne servaient peut-être que de bases pour des palissades de bois. Cette solide protection du côté de l’est indique clairement que ce bourg fut construit à l’époque où l’on redoutait une attaque de Luisandre, donc entre 1315 et 1335. (…) A cette même date on construisait d’ailleurs des « bourgs » auprès de la plupart des châteaux : à Pont-d’Ain, à Ambérieu, à Saint-Rambert et surtout à Luisandre. (…) Dans les documents postérieurs et en particulier dans les terriers du XVe siècle, ce bourg est désigné sous le nom de « Burgum novum », par opposition sans doute à l’ancien village des Allymes. Ce bourg fut habité au moins jusqu’au XVIe siècle.

Les Allymes à l’époque dauphinoise

Le château des Allymes ne resta dauphinois que pendant une courte durée, de 1315 environ à 1335, soit pendant une vingtaine d’années. Mais au cours de cette période il eut jouer un rôle important car il était situé en bordure de la plaine d’Ambronay qui apparaissait alors comme la zone la plus disputée en raison de l’importance stratégique et politique que l’on a évoqué. (…) Les années suivantes, le conflit sembla s’apaiser un peu dans la région, mais vers 1320, il reprit de plus belle, et en 1321, le comte de Savoie s’emparait, par ruse, de la principale place forte dauphinoise de la région : Saint-Germain, et prenait d’assaut la ville elle-même d’Ambérieu dont il réparait les murailles pour mieux la conserver. L’étau se resserrait donc sur les Allymes qui se trouvait être désormais l’un des derniers bastions dauphinois sur la rive droite de l’Albarine, presque isolé au milieu des terres de l’ennemi. (…)

Cette position très critique du château des Allymes explique que la vie y fut souvent difficile comme on l’entrevoit à la lecture des comptes (…).

Les Allymes, château savoyard

Cette interminable guerre delphino-savoyarde sembla prendre fin à la suite de la mort accidentelle du Dauphin Guigue devant le château de La Perrière (1333). Grâce à la médiation du roi de France, un traité fut signé à Lyon le 7 mars 1335 et confirmé le 7 novembre. (…) C’est en vertu de ce traité que le châtelain Guy de Lutrin remit le Château des Allymes au comte de Savoie le 23 novembre 1335. (…)

Le château avait perdu beaucoup de son importance stratégique initiale, mais le comte le retenait dans son domaine direct car l’insécurité restait grande tant en raison de la présence des dauphinois sur la rive gauche de l’Albarine que de la menace éventuelle qui pouvait venir du comte de Genève et du sire de Thoire toujours solidement établis à Varey et à Poncin. Les contestations sur les frontières de l’Albarine restaient d’ailleurs très vives (…). Les négociations se multipliant, on aboutit au traité de paix définitif de 1355, signé à Paris le 5 janvier par le roi Jean le Bon et son fils Charles, Dauphin de Viennois depuis 1349, et par Amédée VI de Savoie.

Localement ce traité eut une portée capitale car il repoussait la frontière delphino-savoyarde sur les bords du Rhône. Du même coup le château des Allymes, qui avait été placé quelques années plus tôt aux avant-postes dauphinois, se trouvait maintenant relégué dans la montagne, loin de la frontière, perdant ainsi tout intérêt stratégique.

Les Allymes propriété des François

La guerre avait donné naissance au château des Allymes, la paix aurait pu signer son arrêt de mort, car devenu inutile militairement, il ne pouvait plus être désormais qu’une vaine charge financière pour le comte de Savoie. C’est pour remédier à cette situation que le comte (Amédée VI) le remit en fief, avec tous les droits de justice sur les alentours, à l’un de ses vassaux, Nicod François, dès juillet 1354, c’est à dire quelques mois avant le traité de paix. Dès lors le château et sa seigneurie relevèrent du domaine privé de la famille François et disparaissent des archives publiques savoyardes (…). Nicod François mourut vraisemblablement peu avant 1379.

Sur les fils de Nicod François, Pierre et Louis, nous ne possédons que très peu de renseignements. A la génération suivante un autre Louis François, sans doute le fils de Pierre, (…) fut châtelain de Montluel et bailli de Valbonne, puis exerça cette fonction à Pont-d’Ain, de nouveau à Montluel, puis à Saint-Germain, où il cumula le titre de bailli et de Novalaise. (…)

Son fils, Amédée, seigneur des Allymes et de Montverd, épousa Louise de Marsey, dont il n’eut qu’une fille, Claude ou Claudine, qui en épousant Humbert de Lucinge en 1477, fit passer le château des Allymes dans cette célèbre famille. (…)

On sait peu de choses sur l’histoire du château lui-même à l’époque où il fut posséder par la famille François, c’est à dire de 1354 à 1477. D’ailleurs il est probable qu’il n’ait pas subi de transformations notables : les propriétaires devaient y résider peu souvent car nous avons vu qu’ils exerçaient des charges importantes pour le comte de Savoie et celles-ci devaient les tenir très souvent éloignés des Allymes.

La famille de Lucinge aux Allymes

C'est donc par le mariage de Claudine, fille et unique héritière d'Amédée François, avec Humbert de Lucinge, que le château entra dans cette famille. Les nouveaux époux furent investis de cette seigneurie le 16 septembre 1477, et depuis cette époque, cette branche de la famille de Lucinge écartela ses armes avec celles des François. (...)

Humbert fut ambassadeur de Savoie en France en 1478 et accomplit d'importantes missions en Bresse. Il eut pour fils Bertrand de Lucinge, conseiller du duc de Savoie, et pour petit-fils Charles de Lucinge.

Charles fut un personnage haut en couleurs à qui l'on prête, alors qu'il résidait au château des Allymes, d'avoir fait tuer les amants de sa femme, la volage Péronne de Beauvoir, et d'avoir occis lui-même, de son épée, l'un de ses serviteurs. On lui prête aussi d'avoir transformé les Allymes en un repaire de bandits qui allaient piller et rançonner les habitants du plat pays. (...)

De sa seconde femme, Anne de Lyobard, qu'il avait épousée en 1550, Charles eut pour fils le célèbre René de Lucinge, écrivain estimé et homme politique influent (...).

Le château des Allymes au temps de René de Lucinge La signature du traité de Lyon, qui rattachait les pays de Bresse, Bugey et de Gex à la France, entraîna comme l'on sait, une profonde discorde entre le duc de Savoie, Charles -Emmanuel, et son ambassadeur René de Lucinge à qui il reprochait de n'avoir pas assez défendu sa cause lors des négociations. René se retira donc dans son château des Allymes, désormais en terre Française, et prêta hommage au roi Henri IV, dès le mois de décembre 1601. Mais le duc le poursuivit de son ressentiment et lui envoya un héraut d'armes pour le sommer de rentrer en Savoie, de se "mettre à la merci de sa justice", de lui rendre les archives qu'il pouvait détenir concernant ses précédantes missions, et de lui prêter hommage pour ses terres du Faucigny. René de Lucinge refusa et préféra abandonner ses terres savoyardes plutôt que de venir se livrer à son puissant ennemi.

Le procès verbal de la démarche du héraut, faite dans toutes les règles de chevalerie du temps, contient des indications topographiques rares mais précieuses, qui permettent d'entrevoir l'état du château à cette époque et un aperçu de son mobilier (...).

On voit ainsi que le château est alors non seulement très habitable, mais même doté d'une chapelle et suffisamment pourvu de pièces pour abriter le seigneur lui-même, sa famille et une grande compagnie de "gentilshommes et de serviteurs". On peut ainsi supposer, comme l'indique le texte, que la cour intérieure actuelle était divisée en deux parties elles-mêmes bâties sur une partie de leur pourtour. Les Allymes au XVII et XVIIIe siècle

L'historien de la Bresse et du Bugey, Samuel Guichenon, écrivait en 1650: "René de Lucinge, seigneur des Alymes et de Montrosat, Conseiller d'Etsat et Maistre d'Hostel du duc de Savoye Charles-Emmanuel, fils aîné du dit Charles de Lucinge, estant mort engagé à cause des grandes dépanses qu'il avoit esté contraint de faire pendant plusieurs embassades et négociations où il avoit esté employé par son Altesse de Savoye, ses créanciers firent mettre la seigneurie des Alymes en discussion, en suitte de quoy Ren" de Lucinge de Gères, seigneur de La Motte son neveu, l'achepta. Aujourd'hui en jouyt Claude de Rochefort d'Ailly, seigneur de Saint-Point, baron de Seneret et de Montferrand, pour les deniers dotaux d'Anne de Lucinge son épouse".

Le château des Allymes passa ensuite, avec celui de Luisandre qu'avait acquis René de Lucinge de La Motte, à la famille de Suduyraud qui possédait également la tour de Gy.

En 1731 François de Suduyraud, premier syndic de la noblesse de Bugey, vendit ses seigneuries à Jacques Estienne, écuyer de Lyon, qui mourut vers 1743. Elles passèrent ensuite à Dominique Dujast, à sa veuve Marie-Anne Bottu de Saint-Fonds (1747), à sa fille Lucrèce d'Areste d'Albonne, puis au mari de cette dernière, Pierre Dujast d'Ambérieu, écuyer, demeurant à Lyon (1765) qui en était encore possesseur lorsque survint le Révolution, et qui portait alors le titre "d'écuyer, seigneur du mandement de Saint-Germain d'Ambérieu, les Alymes, Luisandre, Cleysieux, Villeneuve et d'autres lieux, sindiq gébéral de la noblesse du Bugey".

La restauration au XIXe siècle

Sous la Révolution, Pierre Dujast fut inquiété en tant que Lyonnais, et les scellés furent mis sur ses biens d'Ambérieu dont on fit un inventaire détaillé, mais nul part il n'est fait mention de château des Allymes, qui devait être devenu totalement inhabitable. Après la Révolution Pierre Dujast fut réintégré dans ses biens; il mourut en 1821, à l'age de 82 ans. La château se trouvait alors dans un état assez précaire, comme on le constate sur une gravure romantique de l'Album pittoresque de l'Ain, réalisée vers 1835 par un certain M.D.T. (Monsieur de Tricaud ?) (...).

A la mort d'Abraham Dujast, fils de Pierre, en 1847, le château ainsi que ses autres biens passèrent à son neveu Adolphe de Tricaud d'Ambérieu, qui entreprit très vite la restauration des Allymes. Les courtines sont relevées et pourvues d'un nouveau chemin de ronde, la tour ronde est à nouveau couverte, et à l'intérieur est aménagé en un véritable musée que se plaisent à décrire les érudits et "antiquaires" de l'époque. (...) " ... leur propriétaire, Monsieur de Tricaud (...) a rassemblé une centaine d'armures, de meubles et d'ustensiles du Moyen Age, et en a meublé la pièce principale. La cheminée de cette pièce est colossale, et garnie d'un tronc de chêne entier ; le manteau est orné d'emblèmes de chasse et de guerre. Il ne manque rien, si ce n'est d'y voir des chevaliers et leurs varlets...".

Les restaurations contemporaines, l’archéologie

La famille de Tricaud vendit le château en 1959 à Monsieur Peyre. Peu après, le 20 juillet 1960, il fut classé Monument Historique, puis les ruines de l'enceinte extérieure furent inscrites à l'Inventaire supplémentaire le 21 août 1967.

Entre temps le propriétaire avait signé une convention avec la nouvelle association fondée en 1960, Les Amis du château des Allymes, pour la mise en valeur du site.

Les résultats obtenus grâce au dévouement des membres, furent spectaculaires et on ne compte plus les expositions, les concerts, et même les spectacles qui se sont déroulés depuis 30 ans dans ce haut lieu. Mais il faut ajouter surtout que ce monument a été, depuis cette date, visité par des milliers de personnes et qu'il a bénéficié d'importantes restaurations de la part des Monuments Historiques, du Conseil général de l'Ain et de la commune d'Ambérieu devenue propriétaire en 1984. (…)

La première tranche réalisée en 1964, a consisté dans la restauration du donjon (...), et du logis gothique (...), soit 6 salles aménagées aussitôt pour les expositions. La deuxième tranche, en 1977, a permis la restauration de la toiture te de la charpente de la Tour ronde.

La troisième tranche, favorisée par l'achat du château par la commune en 1984, a porté sur la couverture des quatre courtines, ce qui a permis, en 1990, la pose de glaces pour fermer les ouvertures.(...) Cette tranche comprenait aussi la couverture de la grange qui, adossée à l'extérieur de la courtine sud, pourra être aménagée bientôt en une salle de conférence et de concert, tout en gardant son caractère rural.

En 1991, la barbacane de l'entrée principale a été rétablie dans son aspect d'origine, et le grand mur de la basse-cour, avec sa tour, furent consolidés. Une ligne électrique nouvelle permit aussi l'éclairage extérieur de l'édifice. Enfin l'Office National des Forêts commença à mettre en valeur les abords en aménageant des sentiers de découverte de la faune et de la flore locales.

Ainsi, en trente ans, le château a retrouvé, avec la restauration des ses lignes pures et harmonieuses, un nouveau souffle de vie qui lui permettra d'accomplir efficacement sa nouvelle mission, celle de veiller pacifiquement, du haut de ses tours sept fois séculaires, au respect et à la conservation historique de notre région, dont il est le meilleur symbole.

Paul CATTIN. Texte extrait de la monographie Château des Allymes, 1991