Anne-Marie Cocula Photographies D’Alain Bordes
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Périgord Anne-Marie Cocula Photographies d’Alain Bordes En pages précédentes : En vigie, sur les bords de la Dordogne, Castelnaud-la-Chapelle. En pages 142-143 : Quand le château de Commarque joue à cache-cache avec celui de Laussel. Périgord © Copyright 2010 – Éditions Sud Ouest. Ce livre a été imprimé par Pollina à Luçon (85). La photogravure couleur est de Labogravure Image à Bordeaux (33). ISBN : 978-2-81770-068-7 – Éditeur : 30698.01.05.09.10 – Nº d’impression : Anne-Marie Cocula Ouvrages d’Anne-Marie Cocula : Brantôme, Amour et Gloire aux temps des Valois, Albin Michel, 1986 Montaigne, maire de Bordeaux, rédaction de la partie historique, l’Horizon Chimérique, 1992 L’Estuaire, « Rivière de Gironde », en collaboration avec E. Audinet, J.-L. Chapin et J.-C. Ittel, L’Horizon Chimérique, 1991 Étienne de La Boétie, Éditions Sud Ouest, 1995 La Dordogne des bateliers, Tallandier, rééd., 1995 Histoire de Bordeaux, Le Pérégrinateur, 2010 Périgord Photographies d’Alain Bordes Ouvrages d’Alain Bordes : Périgord sur Dordogne, Chêne-Hachette, 1981 France du terroir, (collectif) Chêne-Hachette, 1983 Cité d’Islam (collectif), Arthaud, 1987 La Dordogne, Privat, 1995 Jardins Ouvriers, Flammarion, 1998 Jardins Bio, Flammarion, 2000 Eugène Le Roy, regards sur le Périgord, Éditions Sud Ouest, 2000 À Beyrouth, Vivre le Bois des Pins, Dar An Nahar Beyrouth, 2004 Vallée de la Dordogne (collectif), Gallimard, 2005 Un Périgord ou des Périgords ? En préambule cette question mérite d’être posée à celles et ceux qui ont en charge les intérêts Aux yeux des historiens du Périgord, la réalité est à l’opposé de ces distinctions ou de ces ten- Le bourg de Limeuil, à la de cette belle contrée. Ainsi, au ministère de l’agriculture, on propose une division du dépar- tations d’écartèlement : pour eux, c’est parce qu’il existe une unité forgée à travers les siècles et les confluence de la Dordogne et de la Vézère, dont les eaux se côtoient tement de la Dordogne en sept « régions naturelles » : au nord, le Ribéracois et le Nontronnais, épreuves que les Périgourdins peuvent se permettre d’insister sur leur diversité, voire d’afficher avant de se mêler. au centre, le Périgord blanc, de loin le plus étendu, à l’ouest, les massifs forestiers de la Double leurs différences ou leurs divergences. Pareille cohésion n’est ni le fruit du hasard, ni la conséquence et du Landais, au sud, le Bergeracois, enfin, au sud-est, le Périgord noir. Plus poétiquement, les de découpages administratifs. Elle résulte d’un très long parcours historique, jalonné d’étapes La place du marché de Sarlat où auteurs de guides touristiques décrivent quatre Périgords en couleurs : au nord, le Périgord vert, et scandé par des périodes dont la durée se réduit à mesure qu’elles se rapprochent de nous. La se presse la foule à l’ombre des parasols colorés. qui doit sa teinte d’espérance à l’abondance de ses prairies et de leur maillage de ruisseaux. Au première, de loin la plus longue, englobe les naissances successives de la province avec, pour Telle une couleuvre périgorde, la centre, le Périgord blanc en référence aux teintes claires de ses falaises calcaires entaillées par le origine, l’implantation de la nation gauloise des Pétrucores qui ont donné leur Vézère serpente entre les hautes falaises criblées de grottes et en- cours des rivières. Au sud, le Périgord pourpre qui reflète le paysage automnal des vignes du Ber- nom au Périgord. Viennent ensuite les siècles du Moyen Âge qui se terminent taillées d’abris sous roche. geracois. Au sud-est, le Périgord noir qui doit son appellation aux massifs des yeuses ou chênes en 1453 à la fin de la guerre de Cent Ans, à l’issue de la bataille de Castillon, verts dont le feuillage sombre recouvre été comme hiver les livrée à la frontière du Périgord et du Bordelais. Les trois siècles suivants sont coteaux du Sarladais. Quant aux spécialistes du climat, il leur ceux de l’élaboration d’une identité périgourdine. Celle-ci se construit à force plaît d’insister sur de fortes nuances météorologiques au sein de résistances contemporaines des guerres de Religion et des révoltes des cro- d’un département pourtant bien tempéré : si le flanc ouest du quants du XVIIe siècle, avant de s’affirmer au « siècle des Lumières » malgré la Périgord reste ouvert aux influences océaniques qui remontent persistance d’ombres tenaces, sociales et économiques. Les débuts de la Révolu- le cours de la Dordogne, sa partie orientale connaît des étés tion de 1789 n’apportent qu’une satisfaction partielle à la revendication d’une plus chauds et plus secs annonciateurs de ceux du Quercy. autonomie provinciale, ardemment souhaitée dans les cahiers de doléances. La Côté nord, le département est sensible à la rigueur des hivers création du département de la Dordogne, en 1790, n’est qu’une consolation limousins tandis qu’au sud il bénéficie de l’ensoleillement et sur le parcours jamais interrompu de la centralisation française. La troisième de la moindre humidité des pays de la moyenne Garonne. Les et dernière étape, qui mène jusqu’à nos jours, est celle de la reconnaissance bien géographes, quant à eux, sont davantage sensibles au tracé encadrée d’une identité périgourdine. Elle résulte de plusieurs facteurs, tantôt des rivières – La Dronne, l’Isle, l’Auvézère, la Dordogne et la hérités du passé, tantôt issus des révolutions du XIXe siècle. À cette époque se Vézère – qui découpent le Périgord en « pays » divers et variés produisent les grandes découvertes des sites préhistoriques permises par les avec, pour point commun, des contrastes toujours renouvelés progrès de la science et l’audace des pionniers de l’exploration des grottes. Leur entre coteaux et vallées. Pour clore cette revue des Périgords, datation permet de reculer les origines du Périgord jusqu’à « la nuit des temps », il peut être tentant de rappeler les rivalités qui ont opposé, à faisant de lui, en un raccourci saisissant, le pays de l’Homme. Est-il meilleure travers siècles, leurs trois principales cités : Bergerac, Périgueux consécration d’une identité ? et Sarlat. Introduction | 9 La gabarre du port de Bergerac dans un face-à-face coloré avec le pont sur la Dordogne. 10 | Périgord Introduction | 11 Le lent affaiblissement de l’Empire met en péril cet équilibre en accentuant la menace de l’invasion de peuples « barbares », longtemps contenus aux fron- tières du limes. Pour se protéger, les habitants de Vesunna édifient à la fin du IIIe siècle des remparts avec les pierres de leurs monuments. Leur ville, comme tant d’autres, notamment Bordeaux, n’est plus qu’une peau de chagrin par rap- port à la cité des premiers siècles. Ce faisant, en laissant hors les murs l’essentiel de leur territoire, les Pétrucores ont permis le maintien de leur ville comme capitale de leur nation. Bientôt l’expansion du christianisme renforce leurs résistances : Naissances du Périgord au milieu du IVe siècle, l’implantation d’un diocèse et l’installation d’un évêque renforcent la solidarité des habitants face aux invasions, notamment celle des Germains en 407. Si les remparts de Vesunna n’ont pas résisté à ces guerriers avides de butin, Le jardin des arènes de Périgueux, l’évêque Pegasius aurait, selon le témoignage de Paulin de Nole, fait preuve d’un grand courage longtemps après les jeux du cirque. pour sauver les habitants de la cité. Une seconde vague d’invasions, celle des Wisigoths, convertis à l’arianisme, fut moins brutale et plus durable. Installés en Aquitaine au Ve siècle, ils cohabitent avec les populations locales sous l’autorité de l’administration impériale. La chute de l’empire romain d’Occident, en 476, les prive de ce soutien et les expose au ressentiment des évêques Nation et territoire des Pétrucores catholiques qu’ils ont persécutés. Le roi des Francs, Clovis, nouvellement converti, exploite cette situation pour faire valoir son ambition de conquérant. En 507, vainqueur à Vouillé d’Alaric II, le Ils entrent dans l’histoire en 52 av. J.-C., lors de la guerre des Gaules conduite par César, au roi des Wisigoths, il annexe l’Aquitaine. En même temps qu’elle, le Périgord fait son entrée dans le moment où Vercingétorix, assiégé dans Alésia, réclame aux tribus gauloises des renforts. Celle royaume franc. Il a conservé de l’occupation des Wisigoths une toponymie révélatrice de grands des Pétrucores doit lui envoyer 5000 hommes : soit un chiffre élevé qui révèle l’importance de domaines dont l’implantation prolonge l’exploitation agricole des villas gallo-romaines avec une cette nation dans la Gaule. À cette date le territoire des Pétrucores correspond à celui du Péri- faveur similaire accordée au décor champêtre de mosaïques subtilement colorées. Sans surprise, gord d’aujourd’hui. Belle pérennité de plus de deux mille ans, soulignée par Jean-Pierre Bost, ils se trouvent concentrés à proximité des rivières, voies primordiales de circulation et d’échanges. historien de l’Antiquité : « Malgré quelques modifications intervenues au fil des siècles, le cadre La tour de Vésone, antique cella ainsi défini s’est perpétué à travers la cité d’époque romaine puis le diocèse médiéval, jusqu’au du temple de Vesunna. département actuel de la Dordogne. » Une fois vaincus, les Pétrucores n’abdiquent pas et leurs vainqueurs apprendront, après la conquête, à composer avec eux. Vesunna, musée gallo-romain de Périgueux Ainsi, en 16 avant J.-C., l’intégration du territoire des Pétrucores Photo Denis Nidos. dans la province romaine d’Aquitaine reconnaît la dignité des vain- cus en les mettant à l’abri d’un asservissement. Une preuve en est Vesunna, musée gallo-romain de Périgueux donnée par le choix du nom de leur capitale : elle s’appellera Vesunna en honneur d’une de leurs divinités, associée comme tant d’autres au D’emblée, l’harmonie de l’ensemble l’emporte sur tout le reste.