Chapitres 2-3 – Du sang contre du temps 13 au 20 juin 1940

La guerre en Méditerranée et en Afrique du Nord Prémices de riposte

13 juin La guerre en Méditerranée Vado – Huit Bloch 210 des GB II/11 et I/23 attaquent les réservoirs d’essence, mais seul un avion trouve la cible, tandis qu’un autre s’écrase à l’atterrissage. ……… Vénétie – Après une ultime mission au-dessus l’Allemagne trois jours plus tôt (Rostock), le Farman 223-4 Jules-Verne bombarde la zone industrielle située près de Venise. Il incendie un réservoir d’essence de la raffinerie de Porto Marghera. ……… Tunisie – Trois terrains d’aviation sont attaqués par des SM.79 et des CR.42 venus de Sicile (les chasseurs italiens ont fait escale à Pantelleria). L’attaque est un échec : deux CR.42 sont perdus sur collision, deux bombardiers sont endommagés par la DCA et par un MS-406 et un autre SM.79 s’écrase à l’atterrissage. Côté français, la faible réaction de la chasse est préoccupante, le système d’alerte doit être sérieusement amélioré. ……… Méditerranée Occidentale – Deux Cant Z.501 attaquent le sous-marin français Archimède au large de l’île du Levant, lançant quatre bombes. Les Italiens revendiquent la destruction du submersible, mais celui-ci sort indemne de l’escarmouche. Au large du cap Palos (sur la côte espagnole, non loin de Carthagène), le sous-marin italien Dandolo repère une escadre française composée des croiseurs La Galissonnière, Jean-de- Vienne et Marseillaise et des torpilleurs Brestois et Boulonnais. Il lance deux torpilles contre le Jean-de-Vienne, qui réussit à les éviter de justesse. Les Italiens jouent décidément de malchance ce jour-là : au large de Bizerte, le sous-marin français Pascal est lui aussi attaqué par un bombardier italien, mais les dégâts sont peu importants. ……… Méditerranée Centrale – Le sous-marin britannique Grampus, après avoir mouillé une cinquantaine de mines au large d’Augusta (Sicile), attaque sans succès deux unités italiennes, le sous-marin Giovanni Bausan et le torpilleur Polluce. ……… Malte – Un nouveau raid italien vise l’île. Un SM.79 est à nouveau endommagé par un Gladiator, tandis qu’un autre s’écrase à l’aube près de Catane, en raison du mauvais temps. Dans la journée, trois Hurricane se posent à Malte, mais ils repartent vers l’Egypte après un bref repos. ……… Méditerranée Orientale – En début d’après-midi, la 7e Escadre de croiseurs rejoint à l’ouest de la Crète le groupe principal de l’amiral Cunningham, qui ordonne de mettre le cap sur Alexandrie. Il détache bientôt une nouvelle fois le groupe de Tovey pour ratisser les côtes de Cyrénaïque en direction de l’est, dans l’espoir de surprendre un navire italien. Les croiseurs devront toutefois naviguer à distance des côtes pour éviter les champs de mines. Les destroyers HMAS Voyager et HMS Decoy surprennent le sous-marin italien Foca, en plein mouillage de mines devant Alexandrie. Le submersible s’échappe, malgré le grenadage du Voyager. La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – La Ridotta Maddalena tombe aux mains des Anglais. Comme pour les autres points-forts secondaires, sa garnison s’élevait à une compagnie d’infanterie, une compagnie de mitrailleuses de position, un peloton de canons anti-chars (4 x 47/32) et un peloton de canons anti-aériens (4 x 20 mm).

Le Duce s’en va-t’en guerre Londres – Le gouvernement norvégien rompt ses relations diplomatiques avec l’Italie, sans toutefois lui déclarer formellement la guerre.

14 juin La guerre en Méditerranée Châteauroux – En fin de matinée, escorté par une escadrille de Hurricane, l’avion de Dudley Pound se pose à Châteauroux-Deols. Le Premier Lord de l’Amirauté est conduit à la mairie où il rencontre l’amiral François Darlan. Au bout d’une réunion de deux heures en présence de Sir Alexander Cadogan et de Roland de Margerie, réunion « semblable à la négociation d’un contrat de mariage par-devant notaire » (J. Lacouture, De Gaulle, t.II, op.cit.), le protocole de coopération entre la Marine Nationale et la Royal Navy est signé. Il inclut l’engagement britannique d’envoyer en Méditerranée « dès qu’il sera opérationnel » le porte-avions Illustrious et l’engagement français de mettre à disposition de la Home Fleet une escadre constituée autour du Richelieu, dès que le cuirassé sera lui aussi opérationnel. Les deux amiraux tombent également d’accord sur la nécessité d’adopter une attitude résolument offensive en Méditerranée. Il faut rechercher et au besoin provoquer une rencontre avec la Regia Marina avant que celle-ci n’ait mis en ligne tous ses cuirassés modernes ou modernisés. Différentes opérations sont évoquées. Les convois dont le passage est prévu à travers la Méditerranée pourraient représenter des appâts, ils seront solidement escortés 1. Des opérations de bombardement naval du territoire italien pourraient aussi offrir des occasions d’affrontement 2. Et si ces tentatives sont infructueuses et que les Italiens refusent la confrontation ? Pound expose alors à Darlan sa « botte secrète ». Comme ancien commandant de la Mediterranean Fleet, il a étudié des plans pour contrer la Regia Marina. Parmi ces projets, le plus prometteur était celui élaboré par le commandant du porte-avions Glorious, le C.V. Arthur L. St.G. Lyster : une attaque contre la flotte italienne à son mouillage de Tarente, au moyen des avions-torpilleurs embarqués Fairey Swordfish. Il y a un mois à peine, Pound a chaudement recommandé ce plan à son successeur, l’amiral Andrew Cunningham. Ce qui semblait possible avec un unique porte-avions le sera bien davantage avec deux, puisque l’Illustrious va rejoindre l’Eagle. « D’ailleurs, suggère Pound, vous avez un porte-avions, votre Béarn – ne pourrait-il participer à une telle opération? » Darlan hésite. Le Béarn était jugé inapte aux opérations de combat, car trop lent pour accompagner les navires de ligne, mais ce handicap disparaît s’agissant d’une frappe purement aéronavale comme celle étudiée par les Anglais (dont l’Eagle n’est guère plus rapide que le Béarn). Reste la question des avions embarqués. Darlan finit par promettre que ses services étudieront la reconstitution du groupe aérien du Béarn. ………

1 Ce seront les opérations Hats, Caps et Chapeaux. 2 La plus importante sera BQ. Méditerranée Occidentale, 02h00 – Le sous-marin italien Giuseppe Finzi passe sans encombre le détroit de Gibraltar pour aller patrouiller dans le triangle Casablanca-îles Canaries-Madère. En application des plans prévoyant l’envoi de sous-marins océaniques opérer dans l’Atlantique, ce submersible et le Comandante Cappellini avaient été pré- positionnés à Cagliari, officiellement comme renforts pour le VIIe Groupe de sous-marins. Le Finzi a quitté ce port pour se diriger vers Gibraltar le 5 juin, donc plusieurs jours avant la déclaration de guerre. Peu avant 04h00 – Une escadre de la Marine Nationale (MN) commandée par l’amiral Duplat et partie la veille de Toulon, arrive au large de la côte ligure. C’est l’opération Samoyède. Celle-ci aurait du avoir lieu le 12 juin, mais le gouvernement avait annulé l’ordre dans la nuit. C’est finalement le bombardement de Bizerte par les Italiens dans la même journée qui a permis à l’amiral Duplat d’obtenir l’autorisation de bombarder la côte italienne. Les sous-marins Iris, Vénus et Pallas font barrage devant La Spezia, tandis que l’Archimède couvre le passage Gorgone-Capraia. Les escadrilles AB2 et AB4 doivent fournir une protection à distance contre les navires italiens, les escadrilles AB3 puis HS5 sont chargées de la protection anti-sous-marine, tandis que l’escadrille de chasse AC3 doit assurer la couverture aérienne. Le groupe “Gênes” (croiseurs lourds Dupleix et Colbert, contre-torpilleurs Vautour, Albatros, Guépard, Valmy et Verdun) bombarde les installations pétrolières de Gênes, les usines, les chantiers Ansaldo et les batteries côtières de Gênes et de Sestri Ponente, sans grand résultat, mais l’Albatros est endommagé par un obus italien. Le groupe “Vado” (croiseurs lourds Algérie et Foch, contre-torpilleurs Vauban, Lion, Aigle, Tartu, Chevalier-Paul et Cassard) a reçu l’ordre de s’en prendre à d’autres objectifs situés à Vado, Savone, Albissola, Zinola et Quiliano. L’Algérie ouvre le feu à une distance de 14 500 m et touche les réservoirs de combustible de Vado, qui prennent feu, en dégageant une fumée intense, tandis que le Foch vise les usines métallurgiques de Savone et les batteries côtières italiennes. Le train armé 120/3/S (4 canons de 120/45 mm), posté à Albissola (entre Savone et Gênes), tire 93 obus sur les navires français. Ses obus et/ou ceux d’au moins une batterie côtière de Savone encadrent l’Algérie, très légèrement endommagé par des éclats. Après quinze minutes de bombardement, l’escadre française repart vers Toulon (où elle jettera l’ancre à 11h30). Le torpilleur italien Calatafimi et les MAS de la 13e flottille (MAS-434, 435, 438, 439) tentent courageusement, mais sans succès, de prendre les navires français à partie. Les MAS lancent six torpilles sans résultat ; la MAS-435 est légèrement avariée par l’Aigle. Dix SM.79 du 46e Stormo tentent de localiser les navires français, mais ces derniers sont masqués par le mauvais temps. De même, les sous-marins Sebastiano Veniero, Neghelli (qui se trouve encore en mer), Scirè et Iride (les deux derniers venant de La Spezia) arriveront trop tard. Il est difficile aux Italiens de réagir beaucoup plus énergiquement, avec le redéploiement récent d’une grande partie des forces de la 2e Escadre italienne à Naples et à Messine. L’opération Samoyède, sans résultat marquant, semble toutefois intimider la Regia Marina. En fin de journée, la 12e division de torpilleurs (Aldebaran, Altair, Andromeda, Antares) va quitter sa base sicilienne de Trapani pour rejoindre La Spezia. Ce détachement ne durera cependant que quelques semaines. ……… 06h30 – Quatre Chance-Vought 156F (SB2U Vindicator en dénomination américaine) de l’escadrille AB3 surprennent le sous-marin italien Gondar. Celui-ci navigue en surface vers La Spezia, au terme d’une mission de surveillance des routes d’accès au golfe de Gênes, mission à laquelle participent également les sous-marins Neghelli, Ettore Fieramosca et Mocenigo. Le Gondar, plongeant en urgence, évite quatre bombes. Dans la soirée – Les avions de l’Aéronavale attaquent La Spezia, tandis que les Swordfish du Sqn 767 bombardent Gênes (où les pilotes affirmeront avoir touché des hangars, une station électrique et les chantiers Ansaldo). Trois LeO-451 attaquent les usines Fiat à Turin, mais un avion s’écrase au retour à cause du mauvais temps. ……… Italie du Nord – Le Farman 223-4 Jules-Verne repart en mission : il incendie un réservoir d’essence à Livourne après avoir orbité au-dessus de la ville pendant une heure (la DCA étant totalement inefficace). Pendant ce temps, l’Arcturus bombarde la base navale de La Spezia. ……… Alger – Des avions italiens venus de Sardaigne survolent Alger en plein midi, sans subir de perte, malgré les tirs de DCA. De tels vols de reconnaissance ont commencé dès le lendemain de la déclaration de guerre. ……… Méditerranée centrale – La 8e Division de torpilleurs (Bordelais, Trombe et L’Alcyon) récupère dans le canal de Sicile un cargo grec précédemment dérouté vers Messine par des torpilleurs italiens (qui ne sont pas restés pour l’escorter) et le conduit à Bizerte. Plus au nord, le sous-marin Vengeur patrouille aux abords de Palerme et du Stromboli. Dans la nuit du 13 au 14, le sous-marin britannique Odin tente d’attaquer les croiseurs Fiume et Gorizia dans le golfe de Tarente. Le submersible est coulé au canon et à la torpille par les destroyers italiens Strale et Baleno. Les Britanniques croiront dans un premier temps que le submersible a été victime d’une mine. ……… Alexandrie – La flotte britannique rentre au port, escortée par quatre hydravions Sunderland et les quatre Loire-130 du Lorraine. La flottille française du Levant arrive à peu près au même moment. Faisant le bilan de cette première opération, l’amiral Cunningham pointe la faiblesse des reconnaissances aériennes, qui constitue un obstacle sérieux à l’engagement de l’ennemi, d’autant que ce dernier dispose d’unités rapides et n’est pas disposé à combattre frontalement. Les quelques avions embarqués à bord de l’Eagle ne peuvent effectuer à la fois des reconnaissances à courte et longue distance. Le meilleur remède, selon Cunningham, serait de disposer d’une base dans les îles grecques, de préférence en baie de Suda (côte nord-ouest de la Crète). À défaut, la Méditerranée Centrale ne sera pas contrôlée de façon efficace, l’ennemi pouvant agir en toute impunité pendant trois jours après le retour de la flotte vers Alexandrie (le bombardement de Sollum par la marine italienne le lendemain lui donnera raison sur ce point). En conclusion, l’amiral britannique, tout en regrettant que la flotte n’ait pu établir le contact avec l’ennemi, estime que les opérations ont permis de d’évaluer la force de l’adversaire et sa volonté de se battre, de roder les procédures au sein d’une flotte composée d’éléments très hétérogènes et de causer quelques soucis aux Italiens. ……… Kousseir (Liban) – Les hommes du GC I/7 piaffent et enragent d’impatience. Depuis qu’ils ont appris la destitution de leur ancien “patron au Levant, le général Weygand, les événements semblent se précipiter… en métropole du moins, car la situation au Liban est d’une tranquillité qui semble insupportable. Parmi les pilotes, un officier reste calme… en apparence seulement. Le capitaine Tulasne a compris que l’heure des choix allait sonner. L’homme a déjà une histoire peu commune. En 1935, le sous-lieutenant Tulasne est affecté à la 15e escadrille d’aviation lourde d’Avord, étant sorti de l’école avec un classement insuffisant pour être versé dans la chasse. Vexé, il mène à sa manière son entraînement sur Bloch 200, faisant accomplir à ce pesant bimoteur d’impressionnants loopings. Enfin, il obtient sa mutation – “La chasse bordel !” Le 10 avril 1937, le lieutenant Tulasne rejoint la première escadrille du GC I/3, à Dijon, où il est vite noté « excellent pilote de jour comme de nuit ». En août 1938, au CEAM de Reims, il pilote de nouveaux avions, comme l’un des premiers Potez 63. Fin 1939, Tulasne est affecté au GC I/7, équipé de Morane 406, qui est envoyé au Liban. Le groupe arrive à Beyrouth le 23 février et s’installe sur la base de Rayak, dans la plaine de la Bekaa. Mais, l’inactivité mettant les nerfs à rude épreuve, les pilotes deviennent nerveux. Tulasne, éprouvant les mêmes frustrations, reste fidèle à lui même. Le 23 avril, il démontre la maniabilité du Potez 63 lors d’une revue du général Weygand : au terme de… 45 minutes d’acrobaties, les hélices de l’appareil portent des traces d’herbe à chameau ! Devenu chef de la 2e escadrille, déployée début juin sur le terrain avancé de Kousseir, le capitaine Tulasne trompe l’attente par des séances d’acrobatie, faisant grosse impression sur les villages voisins, au point que le chef des Druzes demande comme pilote personnel « cet homme pire que le tonnerre et l’éclair »… sans succès, on s’en doute. Tel est donc l’homme qui apparaît à ses hommes ce matin du 14 juin partagé entre la joie et l’inquiétude, en tout cas moins exubérant qu’à son habitude – quelque chose de grave s’est produit. Tulasne est parvenu à obtenir des informations sur le Conseil des ministres de la nuit précédente par son oncle, le général Joseph Tulasne, dont la famille réside à Tours. Le sort en est jeté. La Bataille de France semble déjà perdue, mais la France refuse de capituler. La lutte continue et bientôt viendra le temps de l’action en Méditerranée. Tulasne affirmera par la suite que, si le gouvernement avait décidé de capituler, il n’aurait pas hésité à exploiter l’ordre de mission que son groupe venait de recevoir pour appuyer les Britanniques en Egypte, afin que ses hommes poursuivent le combat. Il disposait assurément d’assez de fidèles parmi les pilotes et les mécaniciens pour tenter un tel coup.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Cyrénaïque) – Des troupes britanniques anéantissent la garnison de 3, malgré l’intervention de trois Ca.310bis de la 159e escadrille d’attaque au sol, transférée en urgence de Tripolitaine. Malgré la couverture assurée par six CR.32 du 8e Gruppo, trois Gladiator coiffent les avions italiens et abattent un CR.32 ainsi qu’un des Caproni, qui se pose en catastrophe au beau milieu des blindés britanniques. Cet épisode révèle l’inadaptation du Ca.310bis pour l’attaque au sol ; il sera bientôt remplacé dans ce rôle par le Ba.65, qu’il avait pourtant détrôné quelques jours plus tôt et qui ne se révélera guère plus utile… Sidi Azeiz est également assailli. Un Ca.309 du 2e groupe de reconnaissance est envoyé évaluer la situation, mais il est endommagé par trois Gladiator et doit se poser sur le terrain déjà encerclé par les Britanniques. Le tenente Adriano Visconti parvient à l’aide de la mitrailleuse avant de son appareil à tenir l’adversaire en respect, avant d’être secouru par un autre avion de son unité. Finalement, la garnison de Sidi Azeiz (constituée d’éléments de la 1ère Division Libyenne) doit abandonner ses positions et se retire vers Bardia. Un avion anglais isolé (et malchanceux) bombarde la piste d’aviation de Giarabub ; il est abattu par la DCA.

Le Duce s’en va-t’en guerre Turin – Devant une foule très importante, Mussolini prononce un discours au cours duquel il proclame que « Nice sera à nous ! » Mais si quelques militants fascistes scandent « Nice, Nice ! », une grande partie des participants couvrent la voix du Duce en criant « Pace, pace ! » (la paix, la paix).

3 Sans doute identique à celle de Giarabub : une compagnie d’infanterie, une de mitrailleuses portées, un bataillon de forteresse libyen, quatre compagnies de mitrailleuses fixes, un peloton de canons anti-chars renforcé (6 x 47/32), un peloton de DCA renforcé (6 x 20 mm), un peloton d’artillerie d’accompagnement (2 x 65/17). 15 juin La guerre en Méditerranée Italie du Nord – Dans la soirée, huit Bloch 210 des GB II/11 et GB I/23 doivent attaquer l’aérodrome de Novi Ligure, mais le temps exécrable empêche une partie des avions de décoller et disperse les autres. Plus tard dans la nuit, huit Wellington du Bomber Command basés à Salon de Provence sont envoyés contre Gênes, mais un seul appareil largue ses bombes au-dessus de la cible. Le Farman 223-4 Jules-Verne repart en mission au-dessus de l’Italie : il va larguer des tracts au-dessus de Rome – les gros paquets de tracts sont même déliassés pour ne blesser personne au sol ! Le texte de ces tracts est presque conciliant : « Le Duce a voulu la guerre ? La voilà ! La France n’a rien contre vous. Arrêtez-vous ! La France s’arrêtera. Femmes d’Italie ! Per- sonne n’a attaqué l’Italie ! Vos fils, vos maris, vos fiancés ne sont pas partis pour défendre l’Italie. Ils souffrent, ils meurent pour satisfaire l’orgueil d’un homme. Victorieux ou vaincus, vous aurez la faim, la misère, l’esclavage. » ……… Corse – Des SM.79 venus d’Italie et de Sardaigne attaquent les terrains de Calvi, Ghisonaccia et Campo dell’Oro, mais le mauvais temps empêche leur action d’être efficace. Un des groupes est escorté par des Fiat G.50 du 22e Gruppo (51e Stormo), récemment redéployé en Ligurie et à Turin. ……… Méditerranée Occidentale – Le Comandante Cappellini, qui a quitté Cagliari le 6 juin, a suivi les traces du Finzi et tente à son tour de passer Gibraltar, mais il est repéré par le chalutier armé HMS Artic Ranger et le destroyer HMS Vidette, qui le prennent en chasse. Poursuivi par les deux Anglais, le Cappellini parvient à se réfugier dans le port neutre de Ceuta. Incapable de repartir dans les délais prévus par les règlements internationaux, il va y être interné, sous la surveillance attentive des espions anglais et sous celle, beaucoup plus lâche, des autorités espagnoles. En Mer Tyrrhénienne, le Vengeur patrouille devant Capri et Salerne. Méditerranée Centrale – En patrouille au large de Bizerte, l’arraisonneur-dragueur Ville de Tipaza (AD270) détecte la présence d’un sous-marin ennemi qu’il poursuit sans succès avec l’aide du torpilleur La Pomone. Il s’agit selon toute vraisemblance de l’Alagi. Malte – Venus de Sicile, dix SM.79 du 11o Stormo escortés par neuf MC.200 s’en prennent à plusieurs cibles. Un bombardier italien est légèrement endommagé par un Sea Gladiator.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Tripolitaine) – Six Martin 167 du GB I/61 attaquent , sans résultat notable. ……… Libye (Cyrénaïque) – Les Italiens décident de réagir aux incursions britanniques. Pour cela, avec des unités stationnées dans la région de Bardia, ils forment un groupement (raggruppamento) ou colonne mobile. Placé sous le commandement du colonel Lorenzo D’Avanzo, ce Groupement rassemble un bataillon libyen motorisé, fourni par la 1ère Division Libyenne, une compagnie plus un peloton de chars L3 provenant du IXe Bataillon de chars légers et une section d’artillerie motorisée : en tout 200 hommes, 4 canons de 77mm 4, 16 tankettes 5 et 30 camions. La flotte italienne met un point d’honneur à réagir elle aussi. Trois contre-torpilleurs de la 1ère escadrille, les Turbine, Nembo et Aquilone, sortis la veille de Tobrouk, bombardent en pleine nuit, de 03h49 à 04h05, la ville de Sollum, tirant 220 obus de 120 mm.

4 Ces canons de 77/28 ex-autrichiens ne pouvaient être tractés dans le désert et devaient donc voyager sur un plateau de camion, d’où un plus long temps de mise en batterie. 5 3e compagnie : 12 engins ; peloton de la réserve de commandement : 4 engins. 16 juin La guerre en Méditerranée Italie du nord – L’aviation française bombarde le terrain de Novi Ligure (au nord de Gênes) et divers autres objectifs, mais les nécessités de l’évacuation mettront vite fin à ces opérations. Décollant de Salon de Provence, 22 Wellington attaquent Gênes et , mais seuls 14 d’entre eux trouvent leurs objectifs. L’Arcturus déverse 3 tonnes de bombes sur les établissements chimiques de Rosignano Solvay, près de Livourne. Les quatre nuits suivantes, cet appareil et le Jules-Verne bombarderont Alghero, Livourne, Rosignano et La Spezia. ……… Méditerranée Occidentale – Le sous-marin italien Provana tente de s’en prendre à un convoi français entre Oran et Marseille. Malheureusement pour lui, une de ses torpilles marsouine et l’autre coule avant d’atteindre sa cible. Remontant les sillages, l’aviso La Curieuse, assisté de son jumeau Commandant Bory, le force à faire surface en le grenadant, puis l’éperonne et le coule. La Curieuse, présentant deux brèches importantes à bâbord et tribord avant, rentre à Oran en marche arrière sous escorte du Commandant Bory. ……… Corse – Des SM.79 et des Ba.88 venus de Sardaigne attaquent les terrains de Campo dell’Oro, Bonifacio, Porto-Vecchio, Travo et Ghisonaccia. ……… Sardaigne – Le podestá (plus haut magistrat) d’Olbia informe ses supérieurs à Rome que si les Français décident de débarquer par le nord de l’île, il n’y a rien ni personne, sauf les carabiniers, pour les arrêter. Mais ce rapport sera soigneusement caché à Mussolini. Au reste, le podestá d’Olbia 6 exagère quelque peu. La défense de l’île relève du XIIIe Corps d’armée (général Augusto De Pignier), ainsi que du XIIIe Corps territorial. Celui-ci se compose de neuf bataillons de défense côtière, dont la plupart sont justement déployés dans le nord de l’île (mais peut-être le podestat considère-t-il qu’ils ne sont pas supérieurs aux carabiniers). Quant au général De Pignier, il peut aligner en principe deux divisions d’infanterie, dont une, la 31e Calabria (général Carlo Petra di Caccuri), déjà présente dans l’île dans les années précédant la guerre, est stationnée au nord, à Sassari et Tempio Pausania. Mais les régiments de cette division sont loin d’être à plein effectif, tout comme ceux de la 30e Sabauda (général Ubaldo Scanagatta), déployée au sud, près d’Iglesias et de Cagliari (les dépôts divisionnaires ne sont pour le moment qu’à 20 ou 25% de leur niveau requis). Ces deux grandes unités doivent en outre être complétées chacune par une légion de Chemises Noires de recrutement local, respectivement la 176e Cacciatori di Sardegna pour la Sabauda et la 177e Logudoro pour la Calabria, mais ces légions n’existent encore que sur le papier. L’aviation aligne une brigade de bombardement sur SM.79 et hydravions Cant Z.506bis, un groupe de chasse sur Fiat CR.32, un groupe d’attaque au sol sur Ba.88, un de reconnaissance maritime sur Cant Z.501, une escadrille de recherches et secours sur SM.66 et une escadrille d’observation équipée de vieux biplans Ro.37. Quant à la marine, elle a basé à Cagliari huit torpilleurs (Antonio Mosto, Cairoli, Canopo, Cascino, Cassiopea, Chinotto, Montanari, Papa), quatre vedettes rapides MAS et onze sous-

6 NDE – La ville n’avait pas encore retrouvé son nom antique et s’appelait Terranova Pausania (ou, plus brièvement, Terranova). Pour plus de clarté, nous emploierons ici son nom actuel. marins : les Adua, Alagi, Aradam, Axum, Diaspro, Medusa et Turchese 7, plus les Ascianghi, Neghelli, Scirè et Gondar 8, redéployés de La Spezia. Dans l’après-midi, comme pour illustrer les propos pessimistes du magistrat d’Olbia, six bombardiers légers Martin 167 du GR I/61 attaquent Cagliari-Elmas. Si, sur l’aérodrome, un seul SM.79 est endommagé, en revanche, sur l’hydrobase, une bombe touche un hangar type Savigliano “B”, incendiant un Cant Z.501. Les flammes se propagent aux hydravions voisins. Bilan : six Z.501 détruits (quatre de la 183e escadrille et deux de la 188e), un autre gravement endommagé ; on compte aussi sept tués, dont un pilote. Les unités aériennes italiennes avaient pourtant reçu l’ordre dès l’ouverture des hostilités de disperser les appareils au sol, mais à Cagliari les avions avaient été à nouveau rassemblés pour recevoir les nouveaux insignes nationaux (une croix blanche sur la dérive). ……… Tunisie – L’Aéronautique de Sardaigne réplique à l’attaque de Cagliari en envoyant cinq SM.79 du 8e Stormo de Villacidro-Trunconi et quatre Cant Z.506 du 31e Stormo d’Elmas bombarder de nuit Bizerte. Un hydravion CAMS, basé à Karouba, repère une épave reposant à une vingtaine de mètres de fond, en bordure du barrage de mines français qui protège l’entrée de Sfax, près des Îles Kerkennah. Cette épave sera identifiée comme celle du sous-marin français Morse. Celui-ci a probablement pénétré par erreur dans le barrage dont une mine a disparu, entre le 13 et le 16, alors qu’il devait être relevé par le Souffleur. En patrouille dans le golfe d’Hammamet, au nord-est de Sousse, le sous-marin Durbo (L.V. Armando Acanfora) lance en vain deux torpilles contre une unité légère, probablement l’un des torpilleurs de 600 tonnes de la 12e DT. L’échec de l’attaque est attribué à l’état de la mer. ……… Méditerranée Centrale – Dans la nuit du 15 au 16 juin, la 8e Division de torpilleurs part de Bizerte au-devant du cargo grec Arkhangelos afin de lui faire franchir le Canal de Sicile. Chargé de 5 000 tonnes de minerai de manganèse destinées aux Alliés, ce bateau avait été dérouté vers une rade maltaise à l’annonce de la déclaration de guerre italienne. Dans la journée, navigant à bonne vitesse en ligne de front, les trois torpilleurs, contournant Lampedusa avant de pointer sur Malte, passent à travers l’extrémité nord-est du barrage LK. Une explosion en profondeur secoue L’Alcyon, mais sans lui causer d’avaries. Le trajet retour du petit convoi (à 9 nœuds, vitesse maximale du cargo), dans la nuit du 16 au 17 juin et la journée du 17, va se passer sans problèmes en empruntant une route plus directe entre Lampedusa et Pantelleria. ––– Le sous-marin britannique Grampus est coulé par les torpilleurs italiens Circe, Clio et Polluce au large d’Augusta. La Royal Navy le croira coulé par une mine italienne. ……… Malte – Nouveau raid de l’aviation italienne basée en Sicile. Un SM.79 du 41o Stormo est endommagé par un Sea Gladiator. ……… Méditerranée Orientale – En début d’après-midi, 12 destroyers britanniques, répartis en trois groupes, appareillent d’Alexandrie pour ratisser l’est de la Méditerranée à la recherche de sous-marins ennemis. Deux autres destroyers sont déjà en mer, couvrant des pétroliers en transit entre Port-Saïd, Alexandrie et Haïfa.

La campagne d’Afrique du Nord

7 Le Corallo, normalement basé à Cagliari, est en réparations à Monfalcone, en Adriatique. 8 Le Scirè sera affecté aux opérations spéciales dès août 1940 ; le Gondar le rejoindra après la chute de la Sardaigne. Libye (Tripolitaine) – Quelques bombardiers français venus de Tunisie s’en prennent au port de Tripoli, atteignant la jetée. ……… Libye (Cyrénaïque) – Le Groupement D’Avanzo est envoyé de Gabr Saleh vers la zone Sidi Omar-Fort Capuzzo pour en chasser les unités de raid anglaises. En arrivant à Nezuet Ghirba, il se jette droit sur une force blindée britannique comprenant des automitrailleuses, des chars légers et deux chars moyens. A la suite d’une série d’erreurs tactiques, le Groupement est pratiquement anéanti. Les douze tankettes de la 3e compagnie et les quatre pièces de 77 mm sont mises hors de combat, sans compter une bonne partie des camions. Quant à l’infanterie, si une partie se retire en bon ordre, le reste se débande. Le colonel D’Avanzo est tué dans l’action ; il recevra la Medaglia d’oro al Valore militare à titre posthume. L’affrontement a cruellement mis en lumière les graves faiblesses des petits L3 (le Vickers Mark VI anglais ne vaut guère mieux, mais à l’époque, le L3 est le seul engin plus ou moins blindé dont disposent les Italiens en Libye). La tankette italienne sera encore bien souvent le cercueil de ses équipages… Peu de temps après, le 11th Hussars capture deux voitures d’état-major, donc l’une transporte le général Lastrucci, commandant le génie de la 10e Armée italienne. Ce dernier a en sa possession les plans des fortifications de Bardia et Tobrouk. En dépit de ce succès, les forces anglaises se retirent peu après vers l’Egypte, mais gardent le contrôle du Fort Capuzzo et de la Ridotta Maddalena. Plus au sud, d’autres unités britanniques lancent une première attaque contre le secteur fortifié de Giarabub 9, mais elles sont repoussées. Devant ces événements, le haut commandement italien d’A.S.I. décide de transférer en Cyrénaïque les deux divisions de Chemises Noires du XXIIIe Corps, stationnées en Tripolitaine.

17 juin La guerre en Méditerranée Italie du Nord –Dans la nuit du 17 au 18, treize bombardiers en piqué LN-401/411 des escadrilles AB2 et AB4 de l’Aéronavale attaquent divers objectif. Deux avions sont perdus. Cette mission sera la dernière effectuée par ces avions à partir de la Métropole. Dans les jours suivants, ils sont évacués en Afrique du Nord. ……… Méditerranée Occidentale – Le convoi attaqué vingt-quatre heures plus tôt par le sous-marin Provana est cette fois la cible de l’Adua. Le Florida, déjà visé la veille, est atteint par une torpille… qui n’explose pas. Le sous-marin Redoutable patrouille le canal de Galite, qui sépare l’archipel d’origine volcanique du même nom de la côte nord de la Tunisie. ……… Corse – Cinq SM.79 escortés par six G.50 attaquent l’aérodrome de Borgo. ……… Malte – Cinq SM.79 sont pris en chasse au-dessus de Grand Harbour par un Sea Gladiator. Ce dernier tente de s’en prendre à un des bombardiers qui a perdu de l’altitude, mais il est à son tour pris à partie par les mitrailleuses ventrales mobiles des autres appareils ennemis. Le chasseur britannique s’en tire avec des dégâts superficiels. ………

9 Sous-secteur 30C de la Guardia alla Frontiera, regroupant, outre Giarabub même, les points-forts de Uescechet el Eira, Garn ul Grein et Barra Arrascia. Méditerranée Orientale – À Beyrouth, les transports Baalbeck et Sidi Aïssa, escortés par les torpilleurs Basque, Forbin et Le Fortuné, arrivés la veille d’Alexandrie, embarquent pour Famagouste le 3e bataillon du 24e RIC, qui doit renforcer la défense de Chypre. Le croiseur léger Gloucester gagne l’est de la Méditerranée. Quatre navires légers suspects sont signalés au nord-est de Chypre en milieu de journée, mais les forces dépêchées sur place ne repèrent rien.

18 juin Le Duce s’en va-t’en guerre Munich – Hitler rencontre Mussolini, venu lui rendre visite pour demander à participer au partage des dépouilles françaises, et même anglaises. Nice, la Savoie, la Tunisie, Malte, les Somalies… Le Duce est plein d’appétit. D’assez mauvaise humeur, le Führer répond qu’il est ouvert à toute discussion… à condition que les forces italiennes remportent des succès sur le terrain. « De toute façon, confie-t-il à un de ses conseillers, si les Français étaient venus me demander l’armistice au lieu de choisir cette attitude suicidaire, je n’aurais sûrement pas essayé de les obliger à céder quoi que ce soit à l’Italie ! » Néanmoins, dans sa déclaration officielle à l’issue de la réunion, le Führer affirme que si la France refuse d’accepter sa défaite, l’Allemagne occupera intégralement son territoire « avec le concours de l’Italie ».

La guerre en Méditerranée Rome – Dans les bureaux de Supermarina, une réunion d’état-major examine les derniers développements de la guerre contre la France et Royaume-Uni, commencée il y a tout juste une semaine. Les discours radiodiffusés des ministres français annonçant la poursuite des combats semblent peu réalistes par rapport à la situation militaire et à l’avancée profonde des troupes allemandes en France ; néanmoins, une intense activité est signalée dans les ports français, tant sur l’Atlantique que sur la façade méditerranéenne, avec de nombreux chargements vers l’Afrique du Nord. L’explication la plus vraisemblable est que les Français, en prévision d’un prochain armistice, tentent de mettre le maximum de troupes et de matériels à l’abri des futurs vainqueurs… Le chef d’état-major de la Regia Marina, l’amiral Domenico Cavagnari, voit là l’occasion de participer à la victoire de l’Axe et d’acquérir du prestige à peu de frais en attaquant les convois français en Méditerranée Occidentale. Néanmoins, désireux d’éviter tout risque inutile pour son corps de bataille face à une flotte française qui risque d’être très agressive car n’ayant plus rien à perdre, comme l’a montré le raid du 14 contre Gênes, il ordonne que l’effort principal soit porté par les 116 sous-marins du vice-amiral Falangola, qui commande l’état-major de la flotte sous-marine italienne (Maricosom). La flotte de surface doit ses montrer prudente : le corps de bataille restera à Tarente et seule la IIe Flotte du vice-amiral Paladini doit organiser, avec le concours des forces légères de Sicile, un raid contre les convois entre Sardaigne et Baléares. Enfin, le support de la est sollicité, tant pour le repérage et l’attaque des convois français que pour le bombardement des aéroports de Corse, qui font peser une menace sur la sortie de la IIe Flotte.

La campagne d’Afrique du Nord Libye (Tripolitaine) – Le 13e Groupe de Chasse, qui devait faire mouvement vers la Cyrénaïque pour faire face à la montée en puissance des attaques britanniques, voit son ordre de redéploiement annulé. Les reconnaissances italiennes au-dessus de la Tunisie ont en effet décelé l’arrivée et la concentration progressive des unités de l’Armée de l’Air en provenance de France. Une attaque française est donc à craindre dans les prochains jours. ……… Libye (Cyrénaïque) – Le grand sous-marin italien Zoea arrive à Tobrouk en provenance de Naples. Il transporte 60 tonnes de munitions, principalement des obus de 20, 37 et 47 mm, dont l’Armée a le plus grand besoin. La Regia Aeronautica participe également à l’effort de ravitaillement de la Libye : cinq SM.82 du 149e Gruppo Trasporti débarquent des canons antichars et des équipements radio à Tobrouk. Deux jours plus tard, l’oasis de Giarabub pourra être ravitaillé de la même façon. ……… Egypte Des avions italiens larguent des tracts sur les positions britanniques de Mersa Matruh, tandis qu’une douzaine d’appareils attaquent Buq Buq ; trois d’entre eux sont abattus et un capturé intact (avec son pilote, un colonel !).

19 juin La guerre en Méditerranée Toulouse, 09h30 – L’état-major français est informé que les Britanniques viennent de décider d’envoyer un important convoi vers Alexandrie. Ce convoi doit quitter l’Angleterre le 8 juillet. Le Royaume-Uni demande le soutien de la Marine Nationale et de l’Armée de l’Air pour lui garantir de passer sans encombre le Détroit de Sicile. En réponse, les Français informent les autorités britanniques que trois cargos rapides se joindront à ce convoi au large d’Oran, avec du matériel et des munitions pour installer en Egypte les groupes aériens français envoyés en renfort. En ce qui concerne les opérations terrestres en Afrique du Nord, il est convenu que les Britanniques attaqueront la Cyrénaïque au plus tard le 15 août. En attendant, ils doivent continuer à harceler les positions ennemies de la frontière, pour empêcher les Italiens de transférer des troupes vers la Tripolitaine avant l’attaque française. En effet, les Français doivent attaquer de leur côté un mois plus tôt. Sans forcément rechercher une percée immédiate, cette attaque doit empêcher l’ennemi de renforcer ses positions, épuiser ses stocks de munitions (pour l’artillerie lourde notamment) et lui interdire de recevoir des renforts par le port de Tripoli, en l’occupant ou en le coupant du reste du pays. Cependant, les deux alliés sont bien conscients de l’importance d’assurer la défense des principaux ports par où doit s’effectuer l’évacuation française. Or, de puissantes attaques aériennes sont à prévoir contre les ports du Midi. C’est pourquoi, sur décision de Churchill, désireux de démontrer la bonne volonté britannique, la Royal Navy propose à l’Armée de l’Air de baser à Marseille un croiseur anti-aérien, le HMS Carlisle. Cette proposition est acceptée avec joie. Le navire, qui se trouve pour le moment à Aden, doit appareiller dès le lendemain pour la Méditerranée. En échange, les forces aériennes françaises basées à Malte doivent être fortement accrues. Une partie de l’escadrille AC1, qui vient de toucher 13 Dewoitine 520 à Toulouse-Francazal 10, doit renforcer l’AC2 (15 Potez 631), et l’escadrille T2 doit rejoindre la T1 (soit en tout 18 Laté 298). Ces forces s’ajoutent aux escadrilles B3 et B4 (12 bombardiers Martin-167 chacune). Par contre, l’Armée de l’Air ne pourra finalement pas fournir de groupe de chasse pour Malte dans l’immédiat, du fait du début des opérations contre la Libye. ……… Corse – Les attaques aériennes italiennes se multiplient contre les aérodromes, mais elles

10 L’AC1 sera la seule unité à utiliser le D-520 en opérations hors de France métropolitaine jusqu’au mois de septembre, car tous les D-520 doivent être “mis en réserve” dès leur arrivée en Afrique du Nord, entre autres parce qu’il faut encore monter sur un bon nombre d’avions certains équipements militaires pour qu’ils soient pleinement opérationnels. manquent de précisions et tombent le plus souvent dans le vide, car les avions français de passage ne s’attardent pas. ……… Méditerranée Occidentale – L’escadrille 3S6, basée à Aspretto, entame des patrouilles armées sur la côte est de la Corse et au nord de la Sardaigne ; ses six vieux Levasseur PL-15 sont renforcés dans la journée par trois Laté 298 envoyés de Karouba. Deux autres escadrilles sur Laté 298 (HB1 et HB2) patrouillent à l’ouest de la Sardaigne pour protéger le trafic naval entre l’Afrique et la France. ……… Méditerranée Centrale – Les sous-marins français et britanniques commencent à effectuer des missions d’interdiction pour couper la Sardaigne et l’Afrique du Nord de l’Italie continentale. Dans le cadre d’une de ces missions, le sous-marin britannique Orpheus est coulé au nord de Tobrouk par le destroyer italien Turbine. Les sous-marins italiens ne restent pas inactifs, mais le Fieramosca, qui patrouille devant les côtes françaises, est victime de l’explosion d’une batterie d’accumulateurs et doit regagner sa base. La 11e escadrille de CT (Artigliere, Aviere, Camicia Nera, Geniere) quitte Augusta (Sicile) vers 21h00 pour livrer du ravitaillement à Benghazi. ……… Malte – Trois en transit pour l’Egypte se posent à Malte, seuls rescapés sur les douze ayant quitté la Grande-Bretagne la veille, en raison notamment du très mauvais temps régnant sur une bonne partie de la France.

La campagne d’Afrique du Nord Riposte Front Sud-tunisien – Un petit poste frontière italien à l’ouest d’Abu Kammash (ou Pisida), en Tripolitaine, est détruit par un détachement de supplétifs français, en riposte à l’attaque du 10 juin contre Tin Alkoun. Mon cher Üwe Comme tu me l’avais prédit, je me suis retrouvé dans un fortin perdu au milieu de nulle part, au cœur du Sahara – les Français appellent ça le Territoire des Oasis. Tu avais raison : engagé volontaire dans la Légion ou pas, ils préfèrent me voir loin de mes frères allemands. Le légionnaire Klaus Müller, 5e bataillon du 1er Régiment Etranger d’Infanterie, leur semble plus à sa place au fin fond du désert qu’en première ligne contre les soldats de la Wehrmacht. Le premier moment de déception passé, je me suis fait une raison. C’est très beau, le désert, et puis c’est vrai, tuer des Allemands, dans le fond… C’est alors que Benito Mussolini a décidé de se mêler de ce qui ne le regardait pas et d’entrer en guerre au côté de son élève si doué, Herr Hitler. Branle-bas de combat ! Surtout que les Italiens ont eu l’audace, il y a quelques jours, de s’en prendre à un poste français quelque part dans les sables. Mesure pour mesure : ma compagnie a été désignée pour attaquer et détruire un petit poste frontière italien à l’ouest de Pisida, en Tripolitaine. Appuyés par un groupe de supplétifs ravis de participer à une bagarre légale, nous avons rondement mené l’affaire et ce soir, nous campons parmi les ruines du poste italien. Mieux encore, je crois que je n’ai tué personne. Les Italiens ont couru bien trop vite ! Pourtant, j’étais en pointe. Tellement en pointe que le sous-lieutenant Carlus m’a félicité pour mon allant, qu’il a dit que j’étais un exemple et qu’il m’a promis que je serais nommé caporal. Quosque non ascendet ! aurait commenté en riant notre vieux prof de latin, Herr Goldberg. J’espère que les SA n’ont pas profané sa tombe, au moins, il paraît qu’ils ont fait ce genre de choses dans beaucoup de villes. Bref – il y a quelques jours, je pensais que j’allais devoir déserter et filer en Angleterre ou aux Etats-Unis, mais aujourd’hui, j’ai l’impression que les Français ne sont pas prêts à jeter le manche après la cognée. Prends soin de toi, Üwe. (A mon Frère Ennemi – Lettres d’un Légionnaire allemand, par Klaus Müller. Manuscrit rassemblé et présenté par Uwe Müller – Paris, 1959 ; Munich, 1968)

Libye (Cyrénaïque) – Les Anglais continuent de harceler Giarabub. En application des décisions prises ce même jour à Toulouse, ils transformeront peu à peu leurs pointes offensives en un véritable siège, qu’ils tiendront jusqu’au début juillet. La Regia Aeronautica tente toujours de perturber les attaques britanniques. Cinq Ba.65 et neuf CR.32 équipés de bombes légères sont envoyés attaquer les véhicules circulant entre Sollum et Sidi El Barrani, escortés par cinq CR.42. Mais les Italiens commettent une erreur en passant trop de temps à chercher des cibles, permettant à la RAF d’intervenir. Quatre Gladiator et un Hurricane coiffent les CR.42, en détruisant deux pour la perte d’un Gladiator, tandis qu’un Ba.65 s’écrasera à l’atterrissage.

Partie de cartes Jérusalem – Le général Sir Archibald P. Wavell (chef des forces armées du Commonwealth au Moyen-Orient) reçoit l’Air Marshal Longmore (son adjoint pour l’aviation), le général Mittelhauser (chef des forces françaises au Proche-Orient 11) et le général Jeaunaud (qui commande les unités de l’Armée de l’Air dans la région). « Nous sommes quatre, Gentlemen, observe Wavell, que diriez-vous d’un bridge ? » Cette conférence est restée dans l’Histoire comme “la Partie de Bridge de Jérusalem”, mais les seules cartes utilisées y sont des cartes d’état-major, pour la première ébauche d’intégration tactique et stratégique alliée sur un théâtre d’opérations. Dans cette intégration, les unités françaises sont nettement moins nombreuses que celles du Commonwealth, mais leur équipement est souvent plus moderne 12. Le maréchal Wavell est préoccupé par la faiblesse de la RAF en Egypte et en Palestine. Une patrouille double de Morane 406 (six avions) va donc être envoyée à Alexandrie pour protéger la Flotte, et une autre sera stationnée à Haïfa pour protéger les raffineries. Neuf Martin 167 et six Potez 63-11 seront basés au Caire-Ouest pour appuyer les troupes britanniques et les unités françaises envoyées en renfort. Les quatre hommes décident en effet de transférer en Egypte le 63e BCC, soit 45 R-35 et 80 autres véhicules, pour soutenir les forces britanniques face aux Italiens. Les R-35 sont considérés comme de bons engins pour le soutien rapproché de l’infanterie, grâce à leur blindage (40 mm de face et sur les flancs) et à leur armement (un 37 mm court et une mitrailleuse) ; mais ils manquent de capacité antichar. Le général Mittelhauser en est bien conscient. Il explique à Wavell que d’ici mi-juillet, si quelques bateaux peuvent être affectés au transport des forces françaises de Beyrouth en Egypte, il pourra ajouter aux R-35 du 63e BCC ceux du 68e BCC, le 8e Groupe d’automitrailleuses, une batteries de canons de 47 mm antichars tractés par camions, une batterie d’obusiers de 155 mm (4 canons) tractés par camions et une batterie de cinq canons de 75 mm montés sur des camions Dodge (un “bricolage” local). Ces unités seraient placées sous commandement britannique.

11 Le Proche-Orient des Français n’est autre que le Moyen-Orient, Middle-East, des Anglais. 12 L’Armée française en Syrie et au Liban compte trois divisions d’infanterie (86e DI, type Outre-Mer, catégorie A ; 191e et 192e DI, type OM, cat. B) ; la Brigade d’Infanterie de Montagne des Carpathes (polonaise) ; les 63e et 68e Bataillons de Chars de Combat (45 et 50 R-35), le 8e Groupe d’automitrailleuses (40 AMD Whyte), le 3e groupe d’escadrons du 4e Régiment de Spahis tunisiens (monté) et le 352e Régiment d’Artillerie lourde (36 x 105 mm). Il faut y ajouter des unités coloniales spéciales : bataillons coloniaux de pionniers, cavalerie tcherkesse et circassienne à cheval, forces de police, recrues locales… Si les Français continuent de pouvoir disposer des transports, il devrait être possible dès le 14 juillet d’aligner sur la frontière égypto-libyenne la 86e DI et le 352e Rgt d’Artillerie Lourde. La 191e DI pourrait être disponible à partir du 15 août. Elle pourrait être utilisée soit en Libye, soit – à condition de pourvoir à son transport – contre l’Afrique Orientale Italienne. La 192e DI et la Brigade de montagne polonaise pourront être gardées en réserve, au Liban ou à Chypre, avec la compagnie de chars dont l’envoi a été décidé la veille à Toulouse. Enfin, au moins deux bataillons d’infanterie légère peuvent être constitués d’ici fin septembre à partir d’un recrutement dans la population druze. Ces mouvements ne laisseront pas la région sans protection : ils ne concernent que le corps expéditionnaire prépositionné sur place quelques mois plus tôt pour être prêt à soutenir… la Roumanie, si elle avait décidé de se ranger dans le camp allié.

20 juin La guerre en Méditerranée Méditerranée Occidentale – Les Laté 298 des escadrilles T3 et T4, escortés par les chasseurs du GC III/6, poursuivent leurs attaques des communications ferrées et routières entre Gênes et la frontière, le long de la côte, tandis que l’aviation italienne se contente d’effectuer une mission de reconnaissance au-dessus de la frontière avec les Alpes maritimes. La Marine Nationale assure la protection des convois qui font la navette entre l’Angleterre et l’Afrique du Nord et entre les deux rives de la Méditerranée [voir rubrique La Bataille de France]. Au large de Tobrouk, le sous-marin britannique Parthian torpille et coule le sous-marin italien Diamante.

Malte – Douze avions torpilleurs Swordfish se posent à Hal Far après un long périple. Ils doivent former le Sqn 830 de la FAA, chargé d’attaquer les navires italiens. Le porte-avions Argus avait convoyé les 18 avions du Sqn 767 dans le sud de la France, où ils se sont entraînés au large de Hyères et ont mené quelques missions contre les Italiens. Le 17 juin, les Swordfish se sont envolés pour Bône, d’où 6 d’entre eux sont repartis pour rejoindre le porte- avions Ark Royal. Les 12 autres ont transité vers Malte via la Tunisie. A La Valette, le dock flottant, endommagé par les raids italiens du 11 et du 15, se brise en deux lors de la tentative de renflouement.

Rayak (Liban) – Les nouvelles qui parviennent de Métropole sont toujours aussi sombres – l’Armée française y livre un combat désespéré, même si elle fait payer le prix du sang à la Wehrmacht. Mais une annonce est arrivée à point pour remonter le moral du GC I/7 : son ordre de mission court toujours, le Groupe combattra au côté des Britanniques. Hourras, vivats et taïauts ! des pilotes, ravis. Toutefois, les trois escadrilles seront déployées différemment : la 1ère et la 3e partiront pour l’Egypte ou pour Haïfa, la 2e, commandée par Tulasne, doit se déployer à Chypre pour renforcer la défense aérienne de l’île. Tulasne et ses hommes n’ont pas besoin de consulter une carte : non loin de Chypre, il y a Rhodes ! Enfin de l’action en perspective !

La campagne d’Afrique du Nord L’Armée de l’Air en position de force ! Libye – C’est à l’Armée de l’Air, en Afrique du Nord, que revient la tâche de rendre aux Français le goût de la victoire. Elle prépare fébrilement son offensive contre la Regia Aeronautica en Libye. Bien qu’il soit nécessaire d’économiser le matériel et que les échelons au sol de la plupart des unités dont les avions viennent de traverser la Méditerranée ne soient pas encore arrivés en Afrique du Nord, il va bientôt être possible (sans compter les unités de l’Aéronavale, ni les escadrilles de chasse de nuit équipées de Potez 631) d’engager environ 600 avions modernes – et une centaine d’autres seront disponibles dans les semaines qui suivent. Quatre Groupes de Chasse équipés de Curtiss H-75 (plus un cinquième fin juillet) et quatre GC sur MS-406 (plus deux autres fin juillet). Cinq Groupes de Bombardement équipés de Martin 167, cinq sur LeO- 451, deux sur DB-7 (plus deux autres début juillet) 13. Quatre Groupes de reconnaissance, observation et attaque légère : deux sur Potez 63-11, un sur Martin 167 et un sur MB-175 (plus un en juillet), auxquels il faut ajouter un Groupement de Marche des Armées de Tunisie, qui rassemble une cinquantaine de Potez 63-11 et 631. Deux Groupes de Reconnaissance lointaine ont été formés sur MB-174/5/6 et sur Amiot 351/4 pour la couverture de l’ensemble du théâtre des opérations. ……… C’est bien supérieur à ce que les Italiens peuvent mettre en ligne en ASI. Au 20 juin, le Commandement de la Regia Aeronautica en Libye, basé à Tripoli, n’aligne que 301 avions (90 chasseurs : 38 Fiat CR.32 et 52 Fiat CR.42, 103 bombardiers : 83 SM.79 et 20 SM.81, 34 avions d’appui au sol : 23 Ca.310bis et 11 Ba.65, 91 avions de reconnaissance : 59 Ca.309 et 32 Ro.37bis). « L’inquiétude de Sir Wavell à propos de la puissance aérienne italienne n’était pas justifiée par l’état de la plupart des unités de l’aviation du Duce – encore que le commandement allié l’ignorât à cette époque, et que l’Armée de l’Air se lançât dans l’inconnu. Tout le programme de rééquipement de la chasse italienne avait pris du retard en raison des problèmes survenus avec le tout nouveau Macchi MC.200. L’avion avait subi fin avril deux accidents mortels inexpliqués et avait été provisoirement interdit de vol 14. Les ingénieurs de chez Macchi avaient fini par relier ces accidents à un décrochage vicieux des extrémités d’aile, et le problème allait être corrigé assez vite, mais l’avion – de loin le chasseur le plus moderne de la Regia Aeronautica – n’allait pas pouvoir être remis en service opérationnel avant la fin du mois d’août. Ces ennuis avaient provoqué une profonde désorganisation de la chasse italienne, et le rééquipement des escadrilles de chasse basées en Afrique (Libye et Afrique Orientale) en avait beaucoup souffert (ainsi, les unités de chasse sur Fiat CR.32 commençaient seulement à recevoir des Fiat CR.42). Du côté des bombardiers, si le trimoteur Savoia-Marchetti SM.79, le meilleur appareil en service dans l’aviation italienne, avait de bonnes qualités, la Libye manquait de pièces détachées, de munitions et même de bombes. Ces facteurs expliquent la relative passivité de la Regia Aeronautica en Africa Settentrionale Italiana. Après la guerre, certains historiens ont écrit que les escadrilles italiennes avaient été inférieures aux forces alliées durant l’été 1940 en raison de leur manque d’initiative et d’agressivité. Un tel jugement est dans une large mesure biaisé, même si les réactions du haut commandement italien étaient lentes et prévisibles. En réalité, le principal problème posé aux forces aériennes italiennes en ASI fut qu’elles n’étaient pas prêtes à la guerre quand Mussolini décida d’entrer en guerre au côté de l’Allemagne et que le poids combiné des forces navales et aériennes des Alliés leur interdit très rapidement toute possibilité de renforcer les unités déjà déployées sur le continent africain. Le Regio Esercito (armée de terre) n’était d’ailleurs pas mieux loti. Il n’y avait que très peu de canons anti-chars (d’ailleurs peu efficaces contre le blindage des chars français R-35, H- 35, H-39 et D1), l’artillerie manquait de munitions, les troupes manquaient d’entraînement…

13 Il faut y ajouter deux groupes sur Farman 222 et 223, anciens mais opérationnels, et un sur de vieux MB-200 et LeO-257, dépassés. 14 Même si quelques unités continuèrent à l’utiliser jusqu’à fin juin. Si la France avait cessé le combat en juin 1940, il est tout à fait possible que les forces italiennes en Afrique aient pu être substantiellement musclées et ravitaillées, au point de pouvoir lancer une offensive contre l’Egypte au mois de septembre. Mais en septembre, le sort de l’ASI était déjà réglé. Comme le maréchal devait l’écrire dans son ultime lettre à son épouse : “Le Duce nous a abandonnés, nu-pieds et sans défense, face à deux armées ayant l’expérience de la guerre moderne, avec un matériel tout juste bon pour combattre les Senoussis et juste assez de ravitaillement pour nous faire tuer dans l’honneur. Puisse-t-il être damné, lui et tous ses valets pro-allemands.” » (Patrick Facon, Histoire de l’Armée de l’Air dans la Deuxième Guerre Mondiale, Ed. Larivière, Paris, 1999) Disposant d’une supériorité substantielle et s’inspirant… de l’exemple allemand, comme elle s’en est inspirée dans la chasse (où les formations par paires ont remplacé les trios), l’Armée de l’Air va cesser d’employer son aviation de bombardement par petits paquets peu efficaces. Dans l’offensive contre la Libye, les forces aériennes françaises concentreront leurs moyens offensifs. L’aviation italienne ne pourra pas grand chose pour empêcher les bombardiers français de s’attaquer aux installations logistiques de Tripolitaine et de Cyrénaïque, à commencer par Tripoli et Benghazi. Celles-ci sont très limitées ! Il n’y a à ce moment à Tripoli que cinq postes d’amarrage pour cargos, quatre pour transports de troupes et… un seul et unique pour pétrolier. A Benghazi, les chiffres sont de trois pour les cargos et deux pour les transports de troupes ; il n’y a pas de dépôt de carburant et il faut jusqu’à quatre semaines pour décharger un pétrolier. A Tobrouk, il n’y a que des grues légères et, comme à Benghazi, trois postes d’amarrage pour des cargos et deux pour des transports de troupes. Le long du golfe de Syrte, il n’y a rigoureusement aucun port. Or, ces médiocres installations logistiques, qui seules pourraient permettre aux troupes de Libye de recevoir des renforts, sont pour la plupart à portée des bombardiers français, et les autres sont à la merci des avions anglais… ……… Cyrénaïque – Les CT de la 11e escadrille (Artigliere, Aviere, Camicia Nera, Geniere), partis la veille au soir d’Augusta, accostent en milieu de matinée à Benghazi. Le déchargement du ravitaillement débute aussitôt. En fin d’après-midi, un Amiot 351, dont la conversion en avion de reconnaissance à l’AIA d’Alger est pratiquement achevée, survole le port et note la présence des quatre navires. La nouvelle ne suscite pas de réaction particulière côté allié : l’offensive aérienne de l’Armée de l’Air contre la Libye doit en effet débuter le lendemain et un raid est justement prévu contre Benghazi. De plus, la flotte d’Alexandrie, qui doit pilonner Bardia tôt le lendemain, pourra dépêcher quelques navires pour coincer les Italiens si ceux-ci sont assez téméraires pour ne pas lever l’ancre rapidement. Cependant, les raids de la RAF sur les aérodromes et les postes frontière se poursuivent : un Bristol Blenheim et deux Bombay attaquent El Adem et Bir El Gobi, incendiant six bombardiers et en endommageant d’autres. Un Bombay est perdu.