Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 1— Mars 2000

servir du Roi de France pour faire construire du royaume. Les cris de tous les infortunés, Le Sacré-Cœur de un temple où serait placée l’image du divin les gémissements de la religion opprimée Cœur de son Fils, afin d’y recevoir la retentissent à mes oreilles, et une voix JÉSUS et la France consécration et les hommages du Roi et de intérieure m’avertit encore que peut-être toute la Cour. votre justice me reproche toutes ces calamités, parce que, dans les jours de ma « De plus, ce divin Cœur veut se rendre le puissance, je n’ai pas réprimé la licence du 9 protecteur et le défenseur de sa personne peuple et l’irréligion, qui en sont les sacrée contre tous ses ennemis visibles et principales sources ; parce que j’ai fourni invisibles. Il l’a choisi comme son fidèle ami, moi-même des armes à l’hérésie qui Mgrde Ségur, Le Sacré-Cœur pour obtenir du Saint-Siège Apostolique les triomphe, en la favorisant par des lois qui ont de Jésus, 10e édition, Paris : privilèges qui doivent accompagner la doublé ses forces et lui ont donné l’audace de dévotion de ce divin Cœur. C’est par le Cœur tout oser. Tolra, libraire-éditeur, 1876, de JÉSUS qu’il lui départira les trésors de ses pp. 177-192. grâces, et répandra ses bénédictions sur « Je n’aurai pas la témérité, ô mon DIEU ! de toutes ses entreprises. » me justifier devant vous ; mais vous savez que mon cœur a toujours été soumis à la foi et aux Hélas ! quel compte nos Rois ont-ils tenu règles des mœurs ; mes fautes sont le fruit de xxx de ces magnifiques et consolantes ma faiblesse et semblent dignes de votre promesses ? DIEU sait si une fidélité plus grande miséricorde. Vous avez pardonné au grande n’eût pas épargné à la France les roi David, qui avait été cause que vos ans les magnifiques révélations de la scandales du dix-huitième siècle et les ennemis avaient blasphémé contre vous ; au Bienheureuse Marguerite-Marie, il épouvantables catastrophes qui en ont été la roi Manassès, qui avait entraîné son peuple Dest question des destinées de la conséquence et le châtiment. dans l’idolâtrie. Désarmé par leur pénitence, France et du tribut spécial d’adoration vous les avez rétabli l’un et l’autre sur le trône qu’elle devra rendre au Cœur de JÉSUS . La pieuse Reine Marie Leckzinska, épouse de Juda ; vous les avez fait régner avec paix et de Louis XV, comprit davantage le vœu du gloire. Seriez-vous inexorable aujourd’hui Le 17 juin 1689, la Bienheureuse Sœur Sauveur. Elle obtint de l’Assemblée générale pour un fils de saint Louis, qui prend ces rois écrivait : « Le divin Cœur désire entrer avec du Clergé de France, en 1765, que le culte pénitents pour modèles, et qui, à leur magnificence dans la maison des Princes et public, la Messe et l’Office du Sacré-Cœur exemple, désire réparer ses fautes et devenir des Rois, pour y être honoré autant qu’il y a fussent officiellement établis dans tous les un Roi selon votre cœur ? été outragé, méprisé et humilié en sa Passion. diocèses du royaume ; mais c’était au Roi, et Il faut qu’il ait autant de joie à voir les grands non à la Reine, que le Fils de DIEU avait fait « O JÉSUS -C HRIST ! divin Rédempteur de de la terre humiliés devant lui, qu’il a senti appel ; et cette fois encore, tout en laissant toutes nos iniquités, c’est dans votre Cœur d’amertume à se voir anéanti à leurs pieds. faire, le Roi de France n’avait rien fait. Le Roi adorable que je veux déposer les effusions de n’intervenait pas comme Roi, la France mon âme affligée. J’appelle à mon secours le « Et voici les paroles que j’entendis à ce n’intervenait point comme nation ; Notre- tendre Cœur de MARIE , mon auguste sujet : Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré-Cœur Seigneur voulait davantage. protectrice et ma mère, et l’assistance de qu’il obtiendra sa naissance de gloire éternelle par saint Louis, mon patron et le plus illustre de sa consécration à mon Cœur adorable. Mon Cœur Enfin, en 1792, l’infortuné Louis XVI, mes aïeux. veut triompher du sien, et, par son entremise, de prisonnier aux Tuileries, sous les yeux, ou celuidesgrandsdelaterre. plutôt sous les griffes de la Convention « Ouvrez-vous, Cœur adorable, et par les révolutionnaire, qui allait bientôt l’immoler, mains si pures de mes puissants « Mon cœur veut régner dans le palais du Roi de fit cet acte de consécration, réclamé depuis intercesseurs, recevez avec bonté les vœux France,êtrepeintdanssesétendardsetgravésurses plus d’un siècle. Hélas ! il était trop tard, non satisfactoires que la confiance m’inspire et armes, afin de les rendre victorieuses de tous ses peut-être pour la France, mais pour le Roi de que je vous offre comme l’expression naïve ennemis,etdetouslesennemisdelasainteÉglise. » France. de mes sentiments.

JÉSUS lui-même appelle le Roi de France « le Ce fut dans les premiers mois de cette « Si, par un effet de la bonté infinie de Fils aîné de son Sacré-Cœur. » Quel nom ! quel année fatale que Louis XVI consacra la DIEU , je recouvre ma liberté, ma couronne et titre ! A quel autre Prince la munificence France au Sacré-Cœur, sous l’inspiration du ma puissance royale, je promets divine l’a-t-elle jamais conféré ? Et quel pieux successeur du P. Eudes, M. Hébert, solennellement : honneur pour la France elle-même ! martyrisé aux Carmes, le 2 septembre suivant. Voici le texte même du vœu du Roi- « 1o De révoquer le plus tôt possible toutes Ce que JÉSUS demande ici au Roi de sa martyr : les lois qui me seront indiquées, soit par le France, aucun de nos Princes ne l’a encore Pape, soit par un Concile, soit par quatre suffisamment compris. Demandons au « Vous voyez, ô mon DIEU ! toutes les plaies Évêques choisis parmi les plus éclairés et les Cœur de JÉSUS qu’il nous donne bientôt le qui déchirent mon cœur, et la profondeur de plus vertueux de mon royaume, comme vrai Fils aîné du Sacré-Cœur, un Roi l’abîme dans lequel je suis tombé. Des maux contraires à la pureté et à l’intégrité de la foi, véritablement très-chrétien. sans nombre m’environnent de toutes parts. à la discipline et à la juridiction spirituelle de A mes malheurs personnels et à ceux de ma la sainte Église catholique, apostolique, Au mois d’août de la même année 1689, la famille, qui sont affreux, se joignent pour romaine, et notamment la Constitution civile Bienheureuse Marguerite-Marie revient sur accabler mon âme, ceux qui couvrent la face du clergé ; le même sujet. « Le Père éternel entend se 2 Les documents contrerévolutionnaires no 1 — Mars 2000

« 2o De prendre, dans l’intervalle d’une La Restauration, malgré la piété si sincère encore tourner le projet sauveur. année, tant auprès du Pape qu’auprès des de la famille royale, ne fit pas ce que Notre- Évêques de mon royaume, toutes les mesures Seigneur avait demandé. On fit quelque Le culte du Cœur de JÉSUS n’avait pas cessé nécessaires pour établir, suivant les formes chose, sans doute ; mais on ne fit pas tout ; les de se développer dans le cœur des pieux canoniques, une fête solennelle en l’honneur engagements de Louis XVI ne furent pas fidèles, parmi les membres du clergé, et du Sacré-Cœur de JÉSUS , laquelle sera tenus. surtout au sein des Communautés célébrée à perpétuité dans toute la France, le religieuses. premier vendredi après l’octave du Saint- JÉSUS s’en plaignit à diverses reprises à une Sacrement, et toujours suivie d’une très-sainte Religieuse de la Congrégation de Vers 1840, une œuvre admirable prenait procession générale, en réparation des Notre-Dame qui vivait alors au couvent des naissance, l’œuvre de l’APOSTOLAT DE LA outrages et des profanations commises dans Oiseaux, rue de Sèvres, à Paris. Cette sainte PRIÈRE , qui n’est autre chose que la Ligue des nos saints temples, pendant le temps des fille, nommée en religion Sœur Marie de cœurs chrétiens unis au Cœur de JÉSUS pour troubles, par les schismatiques, les Jésus, était embrasée d’amour pour le divin le triomphe de l’Église et le salut des âmes. hérétiques et les mauvais chrétiens ; Cœur, ne vivait que pour lui : Cette Association, dont la France fut le berceau, embrasse aujourd’hui l’univers, et « 3o D’aller moi-même en personne, sous « Abîmée dans un océan de lumière, écrit le compte ses membres par millions. trois mois, à compter du jour de ma vénérable Père Ronsin, son confesseur, elle y délivrance, dans l’église Notre-Dame de voyait clairement les désirs de ce Cœur Aussi n’est-il pas étonnant qu’en 1870, à Paris, ou dans toute autre église principale du adorable tout embrasé d’amour pour les l’heure des désastres inouïs de notre France, lieu où je me trouverai, et de prononcer, un hommes, et les desseins particuliers de sa les croyants aient tourné les yeux vers ce jour de dimanche ou de fête, au pied du miséricorde sur la France. Il lui fut dit et Cœur adorable, d’où doit venir notre salut. maître-autel, après l’offertoire de la messe, et souvent répété par JÉSUS -C HRIST même, Un vœu a été formulé par un grand nombre entre les mains du célébrant, un acte solennel dans ses extases, que le vœu de consécration de fidèles, dans le but de préparer enfin la de consécration de ma personne, de ma de la France au Sacré-Cœur, attribué à Louis réalisation du vœu de Louis XVI. En voici le famille et de mon royaume au SACRÉ -C ŒUR XVI, était bien véritablement de lui ; que texte : DEJ ÉSUS , avec promesse de donner à tous c’était lui-même qui l’avait composé et mes sujets, l’exemple du culte et de la prononcé. Le divin Sauveur avait ajouté qu’il « En présence des malheurs qui désolent la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable ; désirait ardemment que ce vœu fût exécuté, c’est-à- France, et des malheurs plus grands peut- dire que le Roi consacrât sa famille et tout son être qui la menacent encore ; « 4o D’ériger et de décorer à mes frais, dans royaume au Sacré-Cœur, comme autrefois Louis l’église que je choisirai pour cela, dans le XIII à la Sainte-Vierge ; qu’il en fît célébrer la fête « En présence des attentats sacrilèges cours d’une année à compter du jour de ma solennellement et universellement tous les ans, le commis à Rome contre les droits de l’Église délivrance, une chapelle ou un autel qui sera vendredi après l’octave du Saint-Sacrement ; et et du Saint-Siège et contre la personne sacrée qu’enfin il fît bâtir une chapelle et ériger un autel du Vicaire de JÉSUS -C HRIST ; dédié au Sacré-Cœur de JÉSUS , et qui servira de monument éternel de ma reconnaissance en son honneur. » A cette condition, le divin et de ma confiance sans bornes dans les Sauveur promettait pour le Roi, la famille royale « Tout en reconnaissant que notre mérites infinis et dans les trésors et la France entière les plus abondantes malheureuse patrie a mérité les châtiments inépuisables de grâce qui sont renfermés bénédictions. de DIEU par les scandales dont elle a été le dans ce Cœur Sacré ; théâtre, par les encouragements qu’elle a Le 21 juin 1823 ces manifestations se donnés à l’esprit révolutionnaire dans le renouvelèrent avec un redoublement de monde, et en particulier par le coupable « 5o Enfin, de renouveler tous les ans, au lieu clarté. Il lui fut dit en termes formels : « LA abandon de la cause du Souverain-Pontife et où je me trouverai, le jour qu’on célébrera la FRANCE EST TOUJOURS BIEN CHÈRE A MON de l’Église, abandon qu’elle n’a que trop fête du Sacré-Cœur, l’acte de consécration DIVINC, ŒUR ET ELLE LUI SERA CONSACRÉE . facilement accepté ; exprimé dans l’article troisième, et d’assister MRAIS IL FAUT QUE CE SOIT LE OI LUI-MÊME à la procession générale qui suivra la messe de QUI CONSACRE SA PERSONNE, SA FAMILLE ET « Pour faire amende honorable de nos ce jour. TOUT SON ROYAUME A MON DIVINC; ŒUR et péchés, pour en recevoir le pardon par qu’il lui fasse, comme je l’ai déjà dit, élever un l’intervention miséricordieuse du Cœur « Je ne puis aujourd’hui prononcer qu’en autel,ainsiqu’onenaélevéunaunomdelaFrance, sacré de Notre-Seigneur JÉSUS -C HRIST , et secret cet engagement, mais je le signerais de en l’honneur de la Sainte-Vierge.JE PRÉPARE A obtenir, par la même intervention, les mon sang s’il le fallait ; et le plus beau jour de LAF RANCE UN DÉLUGE DE GRÂCES secours extraordinaires qui seuls peuvent ma vie sera celui où je pourrai le publier à LORSQU’ELLE SERA CONSACRÉE A MON DIVIN délivrer le Souverain-Pontife, faire cesser les haute voix dans le temple. C.—ŒUR Eh quoi ! reprit Notre-Seigneur, les malheurs de la France et amener sa outrages faits à la majesté royale ont été réparés rénovation religieuse et sociale, nous «OCŒUR ADORABLE DE MON SAUVEUR ! publiquement ; et les outrages sans nombre que j’ai promettons, lorsque ces grâces nous auront Que j’oublie ma main droite et que je reçus dans le sacrement de mon amour n’ont pas été accordées, de contribuer, selon nos m’oublie moi-même, si jamais j’oublie vos encore été réparés ! On craint de parler au Roi ; on moyens, à l’érection à Paris d’une église bienfaits et mes promesses, si je cesse de vous craint qu’il ne soit pas disposé à entendre parler de consacrée au Sacré-Cœur de JÉSUS , érection aimer et de mettre en vous ma confiance et ce double bonheur pour lui, aussi bien que pour sa qui sera demandée à l’autorité ecclésiastique toute ma consolation. Ainsi soit-il. » famille et pour son royaume ! Ah ! Je tiens tous les compétente. » cœurs dans ma main, et celui du Roi est disposé à Ce cri de prière et de détresse n’eut pas son faire tout ce qu’on lui demandera pour ma gloire. En même temps que cette généreuse idée plein effet : pourquoi ? peut-être parce que Tous les jours il en donne des preuves. La demande se répandait partout comme une flamme, Louis XVI n’était plus roi que de nom, quand qu’on lui a faite de travailler à la béatification de l’honneur des armées françaises, si il prit cet engagement solennel : DIEU veut la Mère Marguerite-Marie Alacoque n’a-t-elle tristement compromis dans nos récentes que la France soit consacrée au Cœur de pas été parfaitement accueillie ? Que N*** parle, et luttes, trouvait un asile inviolable dans le JÉSUS , par son Souverain réel agissant comme il verra. JE PRÉPARE TOUTES CHOSES : LA cœur des intrépides volontaires de Charette Souverain ! Du moins le pieux monarque FRANCE SERA CONSACRÉE A MON DIVIN et de Cathelineau. Ces braves, revenant aux puisa-t-il à cette divine source l’héroïsme du CŒUR, ET TOUTE LA TERRE SE RESSENTIRA grandes traditions de la première Vendée, martyre ; et son appel ne resta pas sans écho. DES BÉNÉDICTIONS QUE JE RÉPANDRAI SUR ELLE.L A FOI ET LA RELIGION REFLEURIRONT suivaient au combat l’étendard rajeuni du Peu de temps après, la Vendée se levait, et Sacré-Cœur, qu’ils empourpraient de leur l’on sait bien que « cette race de géants, » les ENF RANCE PAR LA DÉVOTION A MON DIVIN C.»ŒUR sang généreux aux champs de Loigny et du Bonchamps, les Cathelineau, les Lescure, les Mans ; et, grâce à la puissance de la foi, les La Rochejaquelein et tous les autres, On espéra un moment arriver à soldats du Pape se trouvaient être les meilleurs gentilshommes et paysans, se faisaient gloire soldats de la France. d’aller à la bataille, avec l’image du Sacré- l’accomplissement solennel du vœu de Louis Cœur sur la poitrine ! XVI par l’entremise de son auguste et sainte fille. Mais les événements de 1830 firent Un jour, à Rennes (c’était le samedi, veille 3 Les documents contrerévolutionnaires no 1 — Mars 2000 de la Pentecôte, au moment même où blessés. moindres symptômes du péril social, et les finissait à Paris le règne exécrable de la dénoncer, avec un courage qui ne transigea Commune), ces vaillants défenseurs du « O JÉSUS , dans les dangers et dans les jamais, dans ses publications populaires, Saint-Siège et de la France se consacrèrent souffrances, c’est de votre divin Cœur que dont Pie IX admirait la merveilleuse clarté. solennellement au Sacré-Cœur de JÉSUS . nous attendons votre plus puissant secours. En face des ennemis de la foi ou des Il sera notre refuge, lorsque tous les appuis adversaires des saines doctrines, il n’a rien Ce fut un spectacle sublime. Le brave humains nous manqueront, et notre dernier craint et a tout osé. Partout où il a rencontré général de Charette, à peine remis de ses soupir sera notre dernier acte d’espérance l’erreur ou la haine, l’illusion ou la faiblesse, il blessures, entouré de ses glorieux dans la miséricorde infinie. a revendiqué avec énergie les droits de la compagnons d’armes, debout devant le saint vérité méconnue et de la conscience autel, à côté du drapeau déployé des zouaves, « Et vous, ô divine MARIE , que nous avons opprimée. Il savait trop ce que les grandes sur lequel était brodé le Sacré-Cœur choisie pour notre Mère, à vous aussi nous institutions catholiques doivent attendre des couronné d’épines et entouré de la légende : avons rendu témoignage. gouvernements athées ; il savait trop que les CJ,F!lutàŒUR DE ÉSUS SAUVEZ LA RANCE nations ont chacune leur mission spéciale, haute voix cet acte de consécration. Il venait « Nos champs de bataille ont vu le long assignée dans les desseins providentiels, et de le recevoir du très-chrétien et très- cortège des mères, des épouses et des sœurs que, pour notre bien-aimée France en valereux général de Sonis, retenu au loin par en deuil ; et lorsque de pieuses mains particulier, si l’Etat sans Dieu est un contre- les suites d’une amputation mille fois remuaient la terre qui recouvre la mort on sens et une apostasie, l’Etat chrétien est une glorieuse : savait reconnaître les nôtres à votre question de vie ou de mort. » (Lettre du comte scapulaire. de Chambord au marquis de Ségur, citée par « O JÉSUS ! vrai Fils de D IEU , notre Roi et Mgr Fèvre,in Abbé Rohrbacher, Histoire notre Frère, rassemblés tous ici au pied de « Soyez donc notre protectrice, et obtenez- universelle de l’Église catholique, Paris : vos autels, nous venons nous donner nous la grâce de nous tenir chrétiennement Librairie Louis Vivès, 1904, vol. XV, livre pleinement à vous et nous consacrer à votre unis à vous dans le Sacré-Cœur de JÉSUS , 95e , p. 619.) divin Cœur. durant la vie et à la mort, pour le temps et pour l’éternité. Ainsi soit-il. » « Vous le savez, Seigneur, nos bras se sont 9 armés pour la défense de la plus sainte des Et le général de Charette, regardant et causes, de la vôtre, Seigneur, puisque nous montrant le drapeau du Sacré-Cœur teint du Les ouvrages suivants peuvent être sommes les soldats de votre Vicaire. sang de ses zouaves, dit d’une voix posée, commandés à SA D.P.F., BP 1, 86190 Chiré- claire et fortement accentuée : en-Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; « Vous avez permis que nous fussions fax : 05 49 51 63 50 ; http://sadpf.com/ : associés aux douleurs de PIE IX, et qu’après « A l’ombre de ce drapeau, teint du sang de avoir partagé ses humiliations, nous fussions nos plus nobles et plus chères victimes, moi, • Mgr de Ségur, La Révolution expliquée aux violemment séparés de notre Père. baron général de Charette, qui ai l’insigne jeunes gens, 1862, réédition Éditions du honneur de vous commander, je consacre la Trident, 1997. « Mais, Seigneur, après avoir été chassés de légion des Volontaires de l’Ouest, les cette terre romaine où nous montions la zouaves pontificaux, au Sacré-Cœur de • Mgr de Ségur,L’enfer , réédition 1982. garde au tombeau des Saints-Apôtres, vous JÉSUS ; et, avec ma foi de soldat, je dis de • Mgr de Ségur,La Révolution , réédition nous prépariez d’autres devoirs, et vous toute mon âme, et vous demande de le dire 1960. permettiez queles soldats du Pape devinssent tous avec moi : CŒUR DE J ÉSUS , SAUVEZ LA lessoldatsdelaFrance. FRANCE !!! » 9 « Nous avons paru sur les champs de Et tous, d’un même cœur et d’une seule bataille, armés pour le combat. Votre Cœur voix, poussèrent le cri du salut de la patrie : Prière à saint Michel Archange adorable, représenté sur notre drapeau, CJ,F!ŒUR DE ÉSUS SAUVEZ LA RANCE abritait nos bataillons. Saint Michel Archange, défendez-nous dans Le jour où la France entière le répétera, le le combat ; soyez notre secours contre la « Seigneur, la terre de France a bu notre jour où le Roi très-chrétien, le petit-fils de méchanceté et les embûches du démon. sang, et vous savez si nous avons bien fait à la saint Louis, le répétera à la face du ciel et de la « Que Dieu lui commande », nous le patrie le sacrifice de notre vie. terre, obéissant enfin aux ordres demandons en suppliant ; et vous, Prince de miséricordieux du Roi des rois, la France sera la céleste, repoussez en enfer, par la « Beaucoup de nos frères sont morts ; vous sauvée, et, par la France, Rome et l’Église ! puissance divine, Satan et les autres esprits les avez rappelés à vous parce qu’ils étaient mauvais qui rôdent dans le monde pour mûrs pour le ciel. Cœur adorable de JÉSUS ! faites luire au perdre nos âmes. Ainsi soit-il. plus tôt ce grand, ce beau jour. « Mais nous, nous restons, et nous ignorons (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la le sort que vous nous réservez. récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du xxx SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) « Faites, mon DIEU , que la vie que vous nous avez laissée soit tout entière consacrée 9 à votre service. Biographie Les documents contrerévolutionnaires « Nous portons tous sur nos poitrines reproduisent des textes de doctrine et Louis-Gaston de Ségur (1820-1881), d’histoire contrerévolutionnaires. Face au l’image de votre Sacré-Cœur ; faites que nos chanoine de Saint-Denis, était fils de la cœurs en soient l’image encore plus vraie ; déferlement de littérature révolutionnaire à comtesse de Ségur. Devenu aveugle en 1856, vil prix qui outrage la majesté divine, détruit rendez-nous dignes du titre de soldats il se consacra à la prédication et à chrétiens. la morale chrétienne, incite aux pires péchés, l’évangélisation par la presse (Œuvre de et perd les âmes par millions, c’est le devoir Saint-François de Sales). S. S. Pie IX l’avait « Faites que nous soyons soumis à nos des catholiques de redoubler d’effort pour nommé prélat de sa maison et lui avait diffuser la saine littérature catholique. chefs, charitables pour le prochain, sévères accordé personnellement l’usage des pour nous-mêmes, dévoués à nos devoirs et insignes pontificaux. Le comte de Toutereproductionestautorisée. prêts à tous les sacrifices. Chambord écrivait de lui : Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- « Faites que nous soyons purs de corps et « Plus la Révolution redoublait d’audaces d’âme, qu’ardents dans le combat, nous des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. contre l’Eglise, plus il redoublait de vigilance Email : [email protected]. URL : devenions tendres et compatissants pour les et de perspicacité pour surprendre les http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

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Cardinal Pie

Numéro 2— Avril 2000

terre contre le ciel. timidité, s’arrêtent à mi-chemin. Il y a La Révolution ensuite le radicalisme, qui nous menace en ce Mgr de Ségur,Le Sacré-Cœur de Jésus , 10e moment : la doctrine de ceux qui, par passion édition, Paris : Tolra, libraire-éditeur, 1876, ou par logique, iront jusqu’au bout. Et enfin il xxx p. 50. y a le socialisme qui s’affirme timidement et attend l’avenir. Et, en dépit de toutes les 99 dénégations, les trois ne font qu’un. Le [...] la Révolution est satanique dans son premier engendre le second, qui engendre le essence [...] [...] la Révolution française [...] est une troisième. doctrine et une doctrine radicale, une doctrine qui est l’antithèse absolue du Mgr Bougaud, Le christianisme et les temps Cardinal Pie,Lettre à M. de l’Estoile , 12 juillet e 1846, cité par le chanoine Étienne Catta, La christianisme. présents, 4 édition, Paris : Librairie doctrine politique et sociale du Cardinal Pie, Poussielgues Frères, 1890, Tome 4ee , 3 Nouvelles Éditions Latines, 1959, réédition Mgr Freppel,La Révolution Française , 1889, partie, chap. II, pp. 386-387. 1991, p. 105. réédition Éditions du Trident, 1997, p. 21. 99 99 99 La philosophie sans foi et sans loi du XVIIIe « La Révolution, siècle a passé des spéculations dans l’ordre « La Révolution pratique ; elle est constituée la reine du c’est Satan » monde et elle a donné le jour à la politique veut tuer Dieu » sans Dieu. La politique ainsi sécularisée, elle Les principes de la Révolution desserviront a un nom dans l’Evangile : on l’appelle « le La Révolution nie Dieu et affirme l’homme. toujours et partout les intérêts de l’Église, prince de ce monde, le prince de ce siècle » ou L’homme, affublé du triple droit de penser, parce que la lutte contre l’Église catholique, bien encore « la puissance du mal, la de dire et de faire, ce qu’il juge vrai, bon et apostolique et romaine est la raison d’être et puissance de la Bête » et cette puissance a utile, l’homme est le Dieu de la terre. [...] La l’essence même de la Révolution. Leur reçu un nom aussi dans les temps modernes, Révolution à tous les degrés est athée et doit opposition n’est pas accidentelle, due aux un nom formidable qui, depuis soixante-dix l’être ; elle veut tuer Dieu, c’est-à-dire ceux circonstances, aux lieux, aux contingences ans, a retenti d’un pôle à l’autre : elle s’appelle qui y croient pour établir ce qu’il lui plaît d’un moment... Ce sont des ennemis la Révolution. Avec une rapidité de conquête d’appeler « le bonheur sur la terre ». essentiels. On a dit : « L’Église est le bien qui ne fut jamais donnée à l’islamisme cette absolu. La Révolution est le mal absolu. » puissance émancipée de Dieu et de son Mgr Fèvre, Préface du tome XV,in Abbé C’est vrai autant que cela peut l’être. Car Christ a subjugué presque tout son empire, Rohrbacher, Histoire universelle de l'Église l’Église, c’est Jésus-Christ. Et la Révolution, les hommes et les choses, les trônes et les lois, catholique, Paris : Librairie Louis Vivès, c’est Satan. les princes et les peuples. 1904, tome XV, pp. 7-9. Chanoine A. Roul, L’Eglise Catholique et le Cardinal Pie, Discours pour la solennité de la Droit Commun, Éditions Doctrine et Vérité, réception des reliques de saint Emilien, in 99 1931, p. 517. Œuvres, t. III, p. 516-518, cité par le La Révolution n’est pas née de l’Évangile ; chanoine Étienne Catta, La doctrine politique elle est née contre l’Évangile, des passions et sociale du Cardinal Pie, Nouvelles Éditions que réprouve l’Évangile. Elle en est la 99 Latines, 1959, réédition 1991, pp. 106-107. contradiction et la haine. [...] L’Église [...] a Depuis 89, tout s’agite, tout roule sur la condamné vingt fois la Révolution ; elle la Révolution. La Révolution nie Dieu, Jésus- 99 condamnera jusqu’à la fin. [...] Christ et l’Eglise, elle affirme l’homme avec Entre l’Église et la Révolution il n’y [...] a la légitimité de ses passions et la prépotence [...] la Révolution est, ou plutôt serait la point [de moyen de s’entendre]. Ou l’Église absolue de son droit dans l’organisation de la destruction totale de l’ordre divin sur la tuera la Révolution, ou la Révolution tuera société. Il s’agit toujours d’établir l’ordre terre, le règne parfait de Satan dans le l’Église. C’est un duel à mort. Qu’est- ce donc social en dehors de l’ordre religieux, et même monde. que la Révolution ? D’abord la Révolution est en opposition à toute révélation une idée ; sans cela elle n’agiterait pas le surnaturelle. Mgr de Ségur, La Révolution expliquée aux monde. Ensuite c’est une idée opposée à la jeunes gens, 1862, réédition Éditions du doctrine formelle de l’Église ; c’est une Abbé Rohrbacher, Histoire universelle de Trident, 1997, p. 15. hérésie comme l’arianisme , le pélagianisme ; l’Église catholique, Paris : Librairie Louis qui aura son cours comme ces grandes Vivès, 1904, tome XIV, livre 92e , p. 10 99 hérésies ; qui fera peut-être plus de mal, parce qu’elle s’attaque aux fondements [...] Satan allait susciter Voltaire, Rousseau, mêmes des sociétés ; mais qui disparaîtra 99 la Franc-Maçonnerie, l’athéisme comme ces hérésies sous les foudres toutes- [...] la révolution française [...] est satanique philosophique, enfin la Révolution puissantes de l’Église. Dans l’évolution dans son essence [...] proprement dite, c’est-à-dire la grande complète de l’idée révolutionnaire, il y a trois Révolte de la société contre l’Eglise, de degrés successifs. Ilyalelibéralisme : la Comte ,Du Pape , 1820, l’homme contre le Fils de l’homme, de la doctrine de ceux qui, par bon sens ou par in Œuvres choisies, Paris : A. Roger et F. 2 Les documents contrerévolutionnaires no 2 — Avril 2000

Chernoviz éditeurs, 1909, pp. 40-41. l’affranchir de toutes les servitudes et de coffre-fort du capitaliste et la caisse constituer ainsi la société parfaite : voilà le d’épargnes de l’ouvrier. Pour elle rien n’est but unique que la révolution poursuit en ce sacré : ni l’ordre religieux, ni l’ordre social, ni 99 moment avec une frénésie de rage dont rien les droits acquis, ni la conscience, ni la Et qu’est-ce, d’ailleurs, que [...] la jusqu’à présent ne peut donner l’exemple. liberté, ni même la vie. Elle hait tout ce Révolution, sinon le droit de l’homme qu’elle n’a pas fait, et tout ce qu’elle n’a pas affranchi du contrôle de Dieu ? Et qu’est-ce C. F. Chevé,L’armée antichrétienne , in L’écho fait elle le détruit. Donnez-lui aujourd’hui la qu’un tel droit, sinon le retour à la barbarie ? de la France, Vol. V, Montréal, 1867, pp. victoire, et ce qu’elle fut hier vous verrez [...] La Révolution est la dernière barbarie 399-407. qu’elle le sera demain. [...] Aussi, le triomphe ou la défaite de la Antoine Blanc de Saint-Bonnet, 99 Révolution est la question intime, qui tient L’infaillibilité, 1861, Paris : Nouvelles [...] on entend par Révolution une négation tous les esprits en suspens. Pour elle ou Éditions Latines, 1956, pp. 29-31. de toutes les valeurs d’Etre. [...] Tout ce qui contre elle, tous agissent et parlent sous son va à l’encontre de la dignité de l’homme et influence. Elle entre dans tous les calculs, elle porte préjudice à ses vrais droits ou à pèse sur toutes les vies. Pendant que l’Église 99 l’accomplissement de ses devoirs, est prie pour empêcher une victoire justement La Révolution n’est autre chose que le l’expression d’une révolte contre l’ordre redoutée, les gouvernements ont l’œil mensonge mis en action, et le mensonge mis naturel ; c’est laRévolution . toujours ouvert sur la marche de la en pratique c’est le crime doublé du ridicule Révolution. Dans le monde industriel et [...] Colonel Pierre Chateau-Jobert, Doctrine commercial, on ne vend plus, on n’achète d'action contrerévolutionnaire, Éditions de plus, on ne forme plus de spéculations tant Ch. Barthélémy, Erreurs et mensonges Chiré, 1986, pp. 15-16. soit peu importantes, sans regarder à historiques, 4ee série, 4 édition, Paris : Ch. l’horizon ; et les chances favorables ou Blériot, 1875, p. 1. défavorables à la Révolution, devenues le 99 régulateur de la confiance, modifient les Pour tout dire d’un seul mot : l’émancipation transactions et se cotent à la Bourse. Tous 99 progressive de l’Europe de la tutelle du comprennent que la Révolution La Révolution se met à la remorque du catholicisme, sa sortie de l’ordre divin et la triomphante ou vaincue est le dernier mot du peuple et le pousse à l’abîme [...] La substitution, en toutes choses, de la duel à outrance qui se livre sous nos yeux, et Révolution, c’est-à-dire l’État sans Dieu [...] souveraineté de l’homme à la souveraineté de qui peut finir, par la victoire de la Dieu : voilà le caractère distinctif de l’époque Révolution, d’un moment à l’autre. R. P. A. Berthe,Garcia Moreno , Paris : moderne ; voilà ce que nous appelons la Retaux-Bray, 1888, 4e édition, chap.XIII et Révolution ; voilà le mal ! [p. 7] Mais qu’est-ce que la Révolution ? Poser XIV, pp. 397-399. une semblable question c’est en montrer Avant de parler de la Révolution française, l’importance. indiquée en première ligne comme cause du 99 mal actuel, il est nécessaire de dire ce qu’est Si, arrachant le masque à la Révolution, laRévolution en général. Cela est nécessaire, vous lui demandez :Qui es-tu ? elle vous dira : « La Révolution est d’une part, afin de bien connaître la nature de « Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup cette puissance redoutable qui, épiant la parlent de moi, et bien peu me connaissent. la Contre-Église » société comme le tigre sa proie, se promet de Je ne suis ni le carbonarisme qui conspire la broyer sous ses dents de fer et de réaliser le dans l’ombre, ni l’émeute qui gronde dans la chaos ; d’autre part, afin de savoir avec rue, ni le changement de la monarchie en Haine contre Dieu, Son Christ et Son Eglise ; certitude quelle est sa véritable origine et république, ni la substitution d’une dynastie haine contre les prêtres ; les caractères quels sont les nouveaux Palus-Méotides d’où à une autre, ni le trouble momentané de sataniques de la Révolution, pourtant, ne sont sortis les barbares dont elle nous l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des s’arrêtent pas là. [...] avilir, corrompre, menace, de manière à ne pas nous tromper Jacobins, ni les fureurs de la Montagne, ni le anéantir cette humanité jusqu’où le Fils de sur les moyens de la combattre et à mesurer combat des barricades, ni le pillage, ni Dieu voulut descendre, telle est la frénésie nos efforts à la grandeur du péril. l’incendie, ni la loi agraire, ni la guillotine, ni démoniaque. D’où un incoercible besoin de les noyades. Je ne suis ni Marat, ni détruire et de corrompre. Destruction Il n’y a pas aujourd’hui deux questions en Robespierre, ni Babeuf, ni Mazzini, ni morale, destruction intellectuelle, Europe, il n’y en a qu’une : c’est la question Kossuth. Ces hommes sont mes fils, ils ne destruction politique et sociale, destruction révolutionnaire. L’avenir appartiendra-t-il, sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, physique pure et simple de la vie corporelle oui ou non, à la Révolution ? Tout est là. elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces elle-même. Encore une fois, caractère choses sont des faits passagers, et moi je suis satanique, mais n’est-ce pas là le caractère La Révolution ! ce mot devenu populaire se un état permanent. même de la Révolution ? [...] répète en même temps à Paris, à Londres, à Berlin, à Madrid, à Vienne, à Naples, à Si le mot de « contre-église » mérite d’être Bruxelles, à Fribourg, à Turin, à Rome, et employé, la Révolution, avec toutes ses partout il retentit comme le bruissement de « Dieu détrôné et ramifications ou séquelles doctrinales et la tempête. Excepté ceux qui l’ont gravé sur tactiques, est, à cette heure, la « Contre- leur front comme signe de ralliement, ce mot l’homme à sa place » Eglise ». fait instinctivement frissonner tout homme qui aux souvenirs du passé rattache les Jean Ousset,Pour qu’Il règne , Paris : La Cité prévisions de l’avenir. « Je suis la haine de tout ordre religieux et Catholique, 1959, pp. 144-169. social que l’homme n’a pas établi et dans Cet instinct n’est pas trompeur : la lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble ; Révolution n’est ni morte ni convertie. Elle je suis la proclamation des droits de l’homme 99 n’est pas morte : mille voix proclament son contre les droits de Dieu ; je suis la Tuer dans l’humanité tout élément existence : elle-même la révèle fièrement philosophie de la révolte, la politique de la supérieur, religieux et divin, en faire devant les cours d’assises chargées de frapper révolte, la religion de la révolte ; je suis la disparaître de ce monde jusqu’au dernier ses adeptes. Elle n’est pas convertie : quoi négation armée( Nihilum armatum ) ; je suis la vestige, y substituer le culte de l’homme qu’elle en dise, la révolution est toujours la fondation de l’état religieux et social sur la animal et terrestre, la religion de la chair et même : l’essence des êtres ne change pas. volonté de l’homme au lieu de la volonté de des appétits immondes et infâmes, livrer Dans sa haine toujours ancienne et toujours Dieu ; en un mot, je suis l’anarchie ; car je suis l’homme à l’esclavage le plus hideux de la nouvelle, la Révolution menace également le Dieu détrôné et l’homme à sa place. Voilà matière et des sens, sous prétexte de trône des rois et la borne des champs, le pourquoi je m’appelleRévolution , c’est-à-dire 3 Les documents contrerévolutionnaires no 2 — Avril 2000 renversement, parce que je mets en haut ce soi-disant gouvernementales. constitution, dans la hiérarchie sociale, qui, selon les lois éternelles, doit être en bas, pourquoi reconnaîtrait-elle le privilège de la et en bas ce qui doit être en haut. » Nous disonsdepuis quatre siècles . A cette propriété ? Et si elle entreprend de remettre époque, en effet, la Révolution, c’est-à-dire tout à neuf, religion, État, famille, commune, Cette définition est exacte ; la Révolution la théorie païenne de la souveraineté absolue peuple et constitution, pourquoi de ce elle-même va nous le prouver en énumérant de l’homme,se formule chez les nations remaniement universel exclure la propriété ? ses exigences. Qu’a toujours demandé et que chrétiennes. Partie d’en haut pour descendre demande encore la Révolution ? en bas, elle nous présente trois phases Voilà ce dont l’Europe est aujourd’hui distinctes. Depuis la Renaissance jusqu’en menacée. La Révolution a toujours demandé, elle 1789, elle estroyale ; en 1789 elle devient demande encore ladestruction de l’ordre bourgeoise ; aujourd’hui elle tend à devenir Mgr Gaume,La Révolution , Paris : Gaume social et religieux existant. Elle l’attaque populaire. Frères, 1856, Vol. 1, pp. 7-21. incessamment, sur tous les points et de mille manières : par l’injure, par la calomnie, par le Inspirés par l’esprit de l’antiquité païenne, sarcasme, par la violence ; elle l’appelle la plupart des rois chrétiens ont voulu se faire xxx esclavage, superstition, dégradation. Elle Césars ; et l’histoire nous les montre veut tout détruire, afin de tout refaire. poursuivant pendant trois siècles, comme Les ouvrages suivants sont disponibles à SA dernier mot de leur politique, D.P.F., BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil, La Révolution demande lasouveraineté de l’affaiblissement et la destruction de toute France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 05 49 51 63 l’homme, Roi, Sénat, ou Peuple, dans le but puissance capable de contrebalancer leur 50 ; http://www.sadpf.com : d’établir soit le despotisme d’un seul, soit le pouvoir absolu, ou d’en gêner l’exercice. Ils despotisme de la multitude, soit une ont voulu se fairePapes , de là l’oppression • Mgr de Ségur, La Révolution expliquée aux monarchie dans laquelle le roi est esclave du systématique de l’Église, la spoliation de ses jeunes gens, 1862, réédition Éditions du parlement, et le parlement esclave de biens et la proclamation de maximes tendant Trident, 1997. l’opinion, et l’opinion esclave de quelques à consacrer leur affranchissement de son hommes. autorité sociale. • Mgr de Ségur,La Révolution , réédition 1960. La Révolution demandela liberté , c’est-à- A la fin du dernier siècle, les classes • Mgr Freppel,La Révolution Française , direle laisser faire en toutes choses, sauf, plus moyennes réagissent avec une épouvantable 1889, réédition Éditions du Trident, 1997. tard, à ne rien laisser faire sans sa permission : énergie contre le paganisme monarchique, le le morcellement et l’aliénation illimités de la renversent et le confisquent à leur profit. A • Chanoine Étienne Catta, La doctrine propriété, la liberté illimitée de la l’exemple des rois, les révolutionnaires de 89 politique et sociale du Cardinal Pie, Nouvelles concurrence ouvrière, la liberté illimitée de se fontCésars , ils se font Papes . Nous les Éditions Latines, 1959, réédition 1991. la parole, des cultes et du divorce. voyons, en conséquence, faire table rase de • Comte Joseph De Maistre,Du Pape , 1820, ce qui restait de l’état religieux et social ; et, La Révolution demande l’égalite , c’est-à- du milieu des ruines, on les entend proclamer réédition 1966. dire l’abolition de tous les droits acquis, de à leur profit la souveraineté absolue de • Jean Ousset,Pour qu’Il règne , réédition toutes les hiérarchies sociales, de toutes les l’homme sur tout ordre donné. D.M.M. autorités établies, de toutes les supériorités, au profit du nivellement complet. Le peuple, dont le bras a exécuté la • Colonel Pierre Chateau-Jobert, Doctrine Révolution, le peuple, pour qui on disait d'action contrerévolutionnaire, Éditions de La Révolution demande la séparation de qu’elle était faite, et qui en a été la victime ; le Chiré, 1986. l’Église et de l’État, afin de ruiner l’influence peuple, à son tour, aspire auCésarisme et à la sociale de cette dernière, la dépouiller Papauté, et, d’une voix de plus en plus 99 impunément, faire absorber le pouvoir terrible, il crie à la bourgeoisie : Ote-toi de là, spirituel ou de Dieu, par le pouvoir temporel quejem’ymette! Ainsi, après avoir été royale et Prière à saint Michel Archange ou de l’homme, de manière à réaliser sa bourgeoise, la Révolution menace de devenir maxime favorite : l’Église doit être dans populaire. « La sauterelle mangera les restes l’État, et le prêtre dans la sacristie. Saint Michel Archange, défendez-nous dans de la chenille ; le ver, les restes de la le combat ; soyez notre secours contre la sauterelle ; la nielle, les restes du ver, et il ne méchanceté et les embûches du démon. La Révolution demande la reconnaissance restera rien (Joel . 1, 4). » Telle sera, si Dieu n’y politique et la protection de tous les cultes, afin de « Que Dieu lui commande », nous le met la main, la dernière phase de la demandons en suppliant ; et vous, Prince de mettre sur la même ligne l’erreur et la vérité, Révolution. de les rendre aux yeux des peuples l’objet la milice céleste, repoussez en enfer, par la puissance divine, Satan et les autres esprits d’une égale indifférence, de les confondre En effet, ce que le paganisme royal et le dans un commun mépris, et par là de mauvais qui rôdent dans le monde pour paganisme bourgeois ont demandé pour eux, perdre nos âmes. Ainsi soit-il. substituer à la religion révélée de Dieu la le paganisme démocratique le demande pour religion naturelle, fabriquée par l’homme, lui, à savoir : la suprématie absolue de l’homme (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la interprétée et sanctionnée par lui. dans l’ordre religieux et dans l’ordre politique.La récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du suprématie absolue entre les mains de la SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) La Révolution demande unecharte , c’est-à- multitude, c’est la destruction universelle ; dire l’anéantissement de la constitution par conséquent l’abolition de la propriété, 9 naturelle, historique, telle qu’elle s’est pour arriver, comme le peuple l’entend, et il Les documents contrerévolutionnaires formée et développée, durant des siècles, par ne s’en cache pas, au communisme, et du reproduisent des textes de doctrine et les traditions et coutumes nationales, afin de communisme à lajouissance . d’histoire contrerévolutionnaires. Face au la remplacer par une nouvelle constitution, déferlement de littérature révolutionnaire à faite d’un trait de plume , dans le but d’abolir Comment se faire illusion sur ce point ? La vil prix qui outrage la majesté divine, détruit tous les droits antérieurs, excepté ceux qui propriété est-elle autre chose qu’un privilège la morale chrétienne, incite aux pires péchés, sont contenus dans cette nouvelle charte, et de possession donné de Dieu à l’un plutôt et perd les âmes par millions, c’est le devoir uniquement parce qu’ils y sont. qu’à l’autre, soit par la naissance et l’hérédité, des catholiques de redoubler d’effort pour soit par le travail réussi, soit par des diffuser la saine littérature catholique. Telles sont les principales demandes de la spéculations heureuses ? La sainteté de la Révolution. Depuis quatre siècles, ses propriété est-elle autre chose que la Toutereproductionestautorisée. organes, dans toute l’Europe, ne cessent de soumission à la loi de Dieu qui défend le vol ? les renouveler tantôt une à une, tantôt toutes Si donc la Révolution ne reconnaît pas la loi Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- ensemble, quelquefois d’une manière divine comme obligatoire dans la religion, des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Email : [email protected]. URL : impérieuse, le plus souvent sous des formules dans l’autorité, dans la famille, dans la http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 3—Mai 2000

Chanoine A. Roul, L’Eglise propre, sinon opposer doctrine à doctrine, Denotrecœurd’abord. idéal à idéal ? Sinon, contre la pensée de la Catholique et le Droit Révolution, dresser l’entière pensée Se dire qu’il y a toujours en ce monde les catholique ? deux cités : celle de Dieu et celle du démon — Commun, Éditions Doctrine les deux traditions : celle du péché originel et et Vérité, 1931, pp. 521-532. celle de la Rédemption — les deux partis : Contre la pensée de celui de l’ordre et celui du désordre. la Révolution, xxx Se dire que la cité de Dieu, la tradition dresser l’entière rédemptrice, le parti de l’ordre sont toujours incarnés dans l’Église catholique et dans pensée catholique. l’ordre social chrétien — tandis que la cité du aurès a dit, un jour, parlant de l’attitude démon, la tradition du péché, le parti du Jdes Catholiques lors de la discussion sur la désordre sont présentement — et depuis loi de Séparation [de l’Église et de l’État] : cent-cinquante ans — incarnés dans la Mais il ne suffit pas que les chefs parlent. Révolution et dans l’ordre social « Nos adversaires nous ont-ils répondu ? révolutionnaire. « Ont-ils opposé doctrine à doctrine, idéal Ilfautquelestroupessuivent. à idéal ? Se dire qu’entre les deux il n’y a pas de « Ont-ils eu le courage de dresser, contre la Elles n’ont pas toujours suivi — même des neutralité permise, ni de neutralité possible. pensée de la Révolution, l’entière pensée troupes d’élite. catholique, qui revendique pour Dieu, pour « Il faut choisir, écrit M. PAUL B OURGET : le Dieu de la Révélation chrétienne, le droit A plusieurs, l’entière pensée catholique a ou les gens de 1789 avaient raison, et tout non seulement de guider et d’inspirer la paru trop forte pour notre siècle malade. l’antique édifice social doit tomber ; ou bien société spirituelle, mais de façonner la Ils l’ont adoucie. ils avaient tort, et c’est leur œuvre qu’il faut société civile ? Ils l’ont estompée. détruire pour restaurer la France » (Au « Non, ils se sont dérobés. Ceux-là aussi étaient en vue. Servicedel’Ordre, page 83). « Ils ont chicané sur des détails Ceux-là aussi étaient des chefs. d’organisation. Se dire qu’ils avaient tort, complètement « Ils n’ont pas affirmé nettement le Et Jaurès a pu dire, avec quelque apparence tort, — quelaRévolution,c’estlemal , le mal des principe qui est comme l’âme de l’Église » de vérité, ce qu’il a dit. peuples, le mal des familles, le mal des âmes, (cité par laSemaine religieuse de Cambrai , 8 le mal des corps, — que « l’œuvre de la juillet 1905). LOUIS V EUILLOT , bien avant, avait écrit : Révolution dure toujourset que les accalmies « Nous périssons peut-être plus de vérités dans ses bouleversements sont les moments C’est un grand malheur qu’un tel jugement que les bons n’ont pas le courage de dire que où elle prépare pour la corruption des bons, les ait pu être prononcé avec quelque apparence des erreurs que les méchants ont su sans ruines les plus fatales»( Vers un Ordre social de vérité. mesure multiplier... Ce n’est pas la religion que chrétien, page 237) — qu’il faut donc la vous leur rendez aimable, ce sont vos personnes,et combattre toujours, qu’il faut à tout prix Certes, il serait profondément injuste de la peur de cesser d’être aimable finit par vous détruire son œuvre — et qu’on ne le peut généraliser. Il est faux que la Révolution n’ait ôter tout courage d’être vrai. Ils vous louent, qu’avec l’Église, par l’Église, avec et par les trouvé en face d’elle que des chiens muets et mais de quoi ? De vos silences et de vos principes de l’Église. fuyants. reniements... « Voilà le mal, proclamait en 1878 M. DE Qu’a donc fait Pie VI, face à la Révolution « Ce n’est pas la République de 1870 qui MUN , et il ne sera guéri que par un retour aux naissante ? Qu’a donc fait Grégoire XVI, au vous a tués, disait-il plus fortement encore, principes contraires. » temps de l’Avenir ? Qu’a donc fait Pie IX, ce n’est pas non plus l’empire, ni même le promulguant leSyllabus ? Qu’a donc fait Léon régime précédent, quoiqu’il n’y ait pas nui. « Il faut attaquer, avait déjà proclamé le XIII, en ses immortelles encycliques ? Qu’a Toutes les formes et les systèmes ne sont que Cardinal PIE , il faut démolir les citadelles donc fait Pie X, condamnant la loi de des figures diverses du même ulcère ennemies pour sauver nos propres Séparation, le modernisme, leSillon ? Qu’a provenant du même sang vicié. Nous mourons forteresses, il faut renverser les doctrines donc fait Pie XI, instituant la fête du Christ- de la Révolution et tous plus ou moins nous avons étrangères pour maintenir la foi des peuples à Roi et condamnant à tant de reprises les lois voulu retenir ce mal dans nos veines. Si nos doctrines : Destruenda sunt aliena ut nostris laïques ? Qu’a donc fait le Cardinal Pie, au l’effroyable traitement que nous endurons l’y credatur» ( Œuvrespastorales , III, page 473). long de son ministère pastoral ? Et Mgr laisse, on peut se dispenser de clouer le Freppel, à la Chambre ? et tant d’autres ? Et, cercueil, nous n’en soulèverons pas les Et ailleurs : « Quelques expédients humains récemment encore, l’Épiscopat français, planches, il ne reste plus qu’à pourrir... (cité que vous ayez fait mouvoir, disait-il, rien ne dans sa déclaration du 10 mars 1925 ?... Qu’a par le MarquisDE LA T OUR - DU -P IN , Vers un tiendra de ce que vous aurez posé en dehors donc fait cette élite de sociologues ordresocialchrétien, p. 234). me de l’élément chrétien, du principe chrétien, catholiques qu’a vu fleurir le XIX siècle : les de l’esprit chrétien » (Œuvres pastorales , IX, Joseph de Maistre, les de Bonald, les le Play, Que faire pour éviter pareil désastre ? page 567). les Donoso Cortès, plus récemment les La Un seul moyen : « bannir de notre cœur, Tour-du-Pin ? comme de l’esprit public, tout ce qui en fut le En conséquence entrer dans le parti de dissolvant » (Vers un Ordre social chrétien , page Dieu, dans le parti de l’Église, contre le Qu’ont-ils fait, chacun avec son autorité 436). démon, contre la Révolution... 2 Les documents contrerévolutionnaires no 3 — Mai 2000

Et, le choix étant fait, être, comme dit M. Christo» ( Actes de PIE X (B. P.), V, page 127). page 506). BOURGET , de son parti tout bonnement. En être à fond. « Toutefois, reprenait-il, que les prêtres ne Puis, cette restauration menée à bonne fin En être d’esprit, de cœur, de langage, se laissent pas égarer, dans le dédale des en nous-mêmes, l’entreprendre autour de d’action. opinions contemporaines par le mirage d’une nous, en refoulant par tous les moyens fausse démocratie ; qu’ils n’empruntent pas à la possibles l’erreur révolutionnaire, en Avant tout, d’esprit. rhétorique des pires ennemis de l’Église et du propageant par tous les moyens possibles la Se libérer l’esprit de toutes les fumées peuple un langage emphatique plein de vérité catholique. révolutionnaires et libérales. « Ce n’est pas promesses aussi sonores qu’irréalisables. tout que de reconnaître l’erreur, a dit l’auteur Qu’ils soient persuadés que la question Lutter et affirmer avec franchise. deVers un Ordre social chrétien : il faut sociale et la science sociale ne sont pas nées Lutter et affirmer avec force. l’abjurer ». L’abjurer, c’est-à-dire briser avec d’hier ; que de tous temps l’Église et l’État, Lutter et affirmer avec fierté. elle sans réserve et sans retour. heureusement concertés, ont suscité dans ce Il y a mieux à faire, cependant : restaurer en but des organisations fécondes ;que l’Église , « L’humilité nous sied à tous, disait le soi, dans leur vigoureuse intégrité, les idées et qui n’a jamais trahi le bonheur du peuple par Cardinal PIE , nos fautes personnelles nous la lesprincipescatholiques. des alliances compromettantes, n’a pas à se commanderont toujours assez. Toutefois, ne dégager du passé et qu’il lui suffit de reprendre, soyons pas humbles au détriment de Jésus-Christ » Restaurer en soi l’idée catholique dubien et avec le concours des vrais ouvriers de la (Œuvrespastorales , II, page 410). dumal , et de leur distinction adéquate : du restauration sociale, les organismes brisés Même quand l’ennemi nous opprime, nous bien qu’il faut aimer, du mal qu’on n’a le droit par la Révolution et de les adapter, dans le sommes supérieurs à l’ennemi, parce que la ni d’aimer ni de vouloir ni de faire, mais même esprit chrétien qui les a inspirés, au vérité est supérieure au mensonge, le bien au seulement de haïr. nouveau milieu créé par l’évolution mal... Il ne convient donc pas que nous ayons Restaurer en soi l’idée catholique de la matérielle de la société contemporaine ; car moins d’assurance que lui et de fierté, ni que véritéet de l’ erreur et de leur distinction les vrais amis du peuple ne sont ni révolutionnaires nous adoptions jamais une attitude, un adéquate : de la vérité, qui est le bien de ni novateurs, mais traditionalistes»( Actes dePIE langage, une mentalité de vaincus... l’intelligence, de l’erreur qui est son mal, et le X (B. P.), V page 139). mal de l’homme et le mal des peuples. Ainsi se constituera une élite vivante et Enfin s’assimiler, autant qu’il est possible, agissante, avec laquelle le mal et les Restaurer en soi l’idée catholique de laloi , la vérité catholique tout entière et toute puissances du mal seront obligés de compter. qui est juste ou qui n’est pas. pure. Ainsi se réalisera, avec la grâce de Notre Restaurer en soi l’idée catholique dudroit , Car c’est elle qu’il faut, et rien d’autre ne Seigneur, la seule unité et la seule paix qui de sa conformité nécessaire à la fin dernière, suffit. vaille :l’unitéetlapaixdanslavérité . de sa primauté sur la force physique qui doit «Avec un demi-christianisme , disait le Œuvre des vertus théologales de foi et le servir, non l’asservir, qui est faite pour le Cardinal PIE ,on ne sauvera rien : les demi- d’espérance et de cette charité qui est autre protéger, qui ne le remplace pas. moyens et les demi-remèdes n’ont plus chose que l’humanitarisme. Restaurer en soi l’idée et le principe d’efficacité. Je déclare qu’avec un minimum Œuvre des vertus morales de force et de catholique d’autorité qui sont à la base de de religion, le salut public est devenu prudence surnaturelles. l’ordre surnaturel comme de l’ordre naturel, impossible. Etre franchement, pleinement Œuvre aussi de patience. de l’Église comme de l’État, comme de la chrétien, dans la croyance comme dans la « Nous ne nous flattons pas, disait PIE X, famille — le substituant au principe faux et pratique — affirmer toute la loi doctrinale de sainte mémoire, de pouvoir accomplir ce criminel de la liberté révolutionnaire. comme toute la loi morale : c’est nécessaire, que n’ont pu Nos illustres Prédécesseurs, Restaurer en soi l’idée catholique de mais ce nécessaire sera efficace » (Œuvres c’est-à-dire établir sur les erreurs et sur les hiérarchie, la substituant au concept funeste pastorales, IX, page 227). injustices répandues en tout lieu le triomphe de l’égalité révolutionnaire : hiérarchie des universel de la vérité ; et, pourtant, c’est à droits, le droit divin étant au-dessus de « Je n’en doute pas plus que vous, écrivait cette œuvre que nous consacrerons tous nos l’humain, le droit ecclésiastique au-dessus du de son côté le ComteDE C HAMBORD au efforts. Que si nos vœux ne peuvent se droit civil — hiérarchie des personnes et des Comte de Mun, la vérité nous sauvera, mais réaliser complètement, nous avons du moins sociétés, l’infidèle étant au-dessous du fidèle, la vérité tout entière... Oui, l’avenir est aux l’assurance que Dieu nous accordera de voir l’État au-dessous de l’Église, l’Église au- hommes de foi, mais à la condition d’être en l’empire de la vérité s’affermir parmi les bons et dessous du Christ et Dieu au-dessus de tout. même temps des hommes de courage, ne s’étendre à beaucoup d’autres dont les craignant pas de dire en face à la Révolution intentions valent mieux que les actes. » triomphante ce qu’elle est dans son essence, Restaurer en soi et à la contre-Révolution ce qu’elle doit être dans son œuvre de réparation et 99 l’idée catholique d’apaisement » (Lettre du 20 novembre 1878). detradition . «Il n’y a de réfection sociale possible qu’à la DÉCLARATION DE condition d’être totale, proclamait plus L’ASSEMBLEE DES récemment le Marquis de la Tour-du-Pin... CARDINAUX ET Restaurer en soi l’idée catholique de L’axiome : Res eodem modo conservantur quo tradition. Relire à cet effet la Lettre de Pie X generantur peut nous servir de guide en un ARCHEVÊQUES DE à l’Episcopat français sur leSillon . double sens : si l’on conserve les principes de FRANCE « Non, Vénérables Frères, écrivait le Saint la Révolution — tels que ceux dits des Droits Pape — il faut le rappeler énergiquement en de l’homme — on continuera d’en ressentir sur les lois dites de laïcité et sur les mesures ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, les effets antisociaux dans tout ce qu’on à prendre pour les combattre (10 mars 1925) où chacun se pose en docteur et en entreprendra pour en endiguer les législateur — on ne bâtira pas la cité conséquences. Si, au contraire, on pense I. INJUSTICE DES LOIS DE LAICITE autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on mieux en toutes choses, et pas en quelques- n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette uns seulement, l’instinct de conservation, 1. Les lois de laïcité sont injustes, d’abord, les bases et ne dirige les travaux ; non, la dont Dieu a pourvu les sociétés humaines parce qu’elles sont contraires aux droits civilisation n’est plus à inventer,nilacité non moins que chaque homme en formels de Dieu. Elles procèdent de nouvelle à bâtir dans les nues. Elle a été, elle particulier, prendra le dessus sur l’esprit de l’athéisme et y conduisent, dans l’ordre est ; c’estla civilisation chrétienne , c’est la cité destruction qui vient de l’ennemi du genre individuel, familial, social, politique, catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et de humain et suggérera les moyens, non pas de national, international. Elles supposent la la restaurer sans cesse sur ses fondements retourner à tel ou tel régime d’un autre méconnaissance totale de Notre-Seigneur naturels et divins contre les attaques moment historique, mais d’adapter au mieux Jésus-Christ et de son Evangile. Elles toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de les principes éprouvés aux conditions tendent à substituer au vrai Dieu des idoles la révolte et de l’impiété : Omnia instaurare in contemporaines (Vers un Ordre social chrétien , Les documents contrerévolutionnaires no 3 — Mai 2000 3

(la liberté, la solidarité, l’humanité, la contra legem divinam : et tales leges nullo modo davantage la reconnaissance du domaine science, etc.) ; à déchristianiser toutes les vies licet observare, quia sicut dicitur, (Act. IV), divin sur nous et le champ de nos droits et de et toutes les institutions. Ceux qui en ont « obedire oportet Deo magis quam hominibus. » (S. nos libertés. Ces pensées frapperont inauguré le règne, ceux qui l’ont affermi, Th.,ibid. ) singulièrement quiconque se rappellera la étendu, imposé n’ont pas eu d’autre but. De série des lois dont nous sommes les victimes, ce fait, elles sont l’œuvre de l’impiété, qui est II. MESURES A PRENDRE POUR quiconque invoquera le témoignage de l’expression de la plus coupable des COMBATTRE LES LOIS DE LAICITE l’histoire pendant le dernier demi-siècle. injustices, comme la religion catholique est l’expression de la plus haute justice. Deux tactiques. La première consisterait à ne pas heurter de front les législateurs laïcs ; à On déclare la 2. Elles sont injustes ensuite, parce qu’elles essayer de les apaiser et d’obtenir qu’après guerre au laïcisme sont contraires à nos intérêts temporels et avoir appliqué leurs lois dans un esprit de spirituels. Qu’on les examine, il n’en est pas modération, il finissent par les laisser tomber et à ses principes. une qui ne nous atteigne à la fois dans nos en désuétude. Il est possible qu’avec certains biens terrestres et dans nos biens hommes investis du pouvoir et moins mal surnaturels. La loi scolaire enlève aux parents disposés, cette méthode ait quelque chance C’est pourquoi la majorité des catholiques la liberté qui leur appartient, les oblige à de succès. On citerait des cas dans l’histoire vraiment attachés à leur foi demande qu’on payer deux impôts : l’un pour l’enseignement où elle a réussi. De plus, elle aurait l’avantage adopte une attitude plus militante et plus officiel, l’autre pour l’enseignement de ne point exaspérer les adversaires et de ne énergique. Elle demande que sur tous les chrétien ; en même temps, elle trompe point provoquer de leur part des mesures terrains, dans toutes les régions du pays, on l’intelligence des enfants, elle pervertit leur d’autant plus redoutables qu’elles seront déclare ouvertement et unanimement la volonté, elle fausse leur conscience. La loi de inspirées par un sentiment plus irrité. guerre au laïcisme et à ses principes jusqu’à Séparation nous dépouille des propriétés qui Cependant, cette tactique présente l’abolition des lois iniques qui en émanent ; nous étaient nécessaires et apporte mille plusieurs inconvénients graves. que, pour réussir, on se serve de toutes les entraves à notre ministère sacerdotal, sans armes légitimes. compter qu’elle entraîne la rupture officielle, 1° Elle laisse les lois debout. A supposer publique, scandaleuse de la société avec qu’un ministère ou plusieurs ministères n’en III. MOYENS A EMPLOYER l’Église, la religion et Dieu. La loi du divorce usent qu’avec bienveillance, ou même sépare les époux, donne naissance à des cessent d’en user contre les catholiques, il Ces moyens peuvent se ramener à trois : 1° procès retentissants qui humilient et dépendra d’un nouveau gouvernement de les Action sur l’opinion;2° Action sur les législateurs ; déclassent les familles, divise et attriste tirer de l’oubli, de leur rendre leur vigueur et 3°Actionsurlegouvernement . l’enfant, rend les mariages ou partiellement leur efficacité. Danger qui n’est pas ou entièrement stériles, et de plus elle imaginaire, car de notre temps le pouvoir 1° Action sur l’opinion. — L’action sur autorise juridiquement l’adultère. La passe continuellement d’un parti l’opinion s’exercera par la propagande de la laïcisation des hôpitaux prive les malades de relativement tolérant à un parti extrême. Il vérité ; par la dénonciation des préjugés qui ces soins dévoués et désintéressés que la suffit que le premier se soit montré un peu égarent le peuple en l’aveuglant ; par les religion seule inspire, des consolations conciliant pour que le second, par réaction, démonstrationsextérieures. surnaturelles qui adouciraient leurs ne garde à notre endroit aucun ménagement. souffrances, et les expose à mourir sans Depuis des années, nous assistons à ce flux et a) La propagande sera féconde si elle est sacrements. à ce reflux de la persécution religieuse qui, au persévérante ; si, tous d’accord, les fond, s’est toujours aggravée. Elle habitue les catholiques font retentir partout la même On pourrait développer ces considérations esprits, fussent-ils sincèrement catholiques, note de réprobation contre l’injustice de la à l’infini, y ajouter et montrer que le laïcisme, à regarder comme justes, comme législation : neutralité (mensongère d’ailleurs dans toutes les sphères, est fatal au bien privé compatibles avec la religion les lois de laïcité ; et impossible), et laïcité de l’enseignement, et public. elle favorise ces hommes qui, oscillant école unique, divorce, spoliation du clergé, perpétuellement entre le laïcisme et le ostracisme des Congrégations, athéisme de Dès lors, les lois de laïcité ne sont pas des catholicisme, sont prêts à toutes les l’Etat et des institutions domestiques, lois. Elles n’ont de la loi que le nom, un nom concessions pour gagner des voix à droite et à sociales, charitables, politiques ; si les Lettres usurpé ; elles ne sont que des corruptions de gauche, pour entrer dans un ministère, et, épiscopales, lesSemaines religieuses , les la loi, des violences plutôt que des lois, dit n’essayant que d’atténuer quelques effets du Bulletins paroissiaux, les revues, la presse, les saint Thomas : Magis sunt violentiae quam leges laïcisme, en laissent subsister le principe, et affiches, les conférences, les catéchismes, (Ia, IIae, q. 96, art. IV). en pratique lui sacrifient à peu près donnent le même son de cloche. complètement le catholicisme. On dira Ne nous nuiraient-elles que dans l’ordre qu’une attitude de conciliation nous a valu Après avoir montré que les individus, les temporel,en soi , elles ne nous obligeraient quelques faveurs particulières. Petits familles, les nations doivent à Dieu et à pas en conscience, tales leges (scil. leges avantages, quand on songe à l’immense Notre-Seigneur un culte officiel, intérieur, contrariae bono humano), non obligant in foro courant d’erreur et de mal qui envahit les extérieur ; une soumission de l’intelligence, conscientiae. (Ibid.) Elles ne pourraient nous âmes et les entraîne à l’apostasie ! Petits de la volonté, de l’activité, il sera bon et obliger qu’au cas où il faudrait céder un avantages qui nous enchaînent et nous nécessaire de faire ressortir les avantages intérêt purement terrestre pour éviter des empêchent de réagir contre nos adversaires ! temporels qu’apporte, dans tous les ordres, la troubles et des scandales. (Cf. S. Th.,ibid. ) religion catholique, les maux sans nombre Mais comme les lois de laïcité attentent aux 2° Les plus malfaisantes de ces lois que causent, à cet égard, les lois de laïcité. Par droits de Dieu, comme elles nous atteignent continuent à agir, quelles que soient les exemple, la foi en une autre vie et en un Juge dans nos intérêts spirituels ; comme, après intentions des ministères successifs. Au suprême, l’éducation et la morale avoir ruiné les principes essentiels sur moment des accalmies apparentes chrétiennes, la doctrine évangélique du lesquels repose la société, elles sont auxquelles nous avons eu trop de confiance, mariage et de son indissolubilité sont les ennemies de la vraie religion qui nous les écoles athées fonctionnaient sans arrêt ; ennemis du fléau de la dépopulation ; ordonne de reconnaître et d’adorer, dans on préparait des dossiers contre les Ordres l’incrédulité, l’école laïque, le divorce en sont tous les domaines, Dieu et son Christ, religieux, et l’attribution des biens les complices. Aucune loi n’est aussi d’adhérer à leur enseignement, de nous ecclésiastiques se poursuivait sournoisement favorable à l’éducation des jeunes esprits et soumettre à leurs commandements, de et sûrement. des jeunes cœurs que la loi chrétienne, tandis sauver à tout prix nos âmes, il ne nous est pas que la science et la morale ont gravement permis de leur obéir, nous avons le droit et le 3° Cette politique encourage nos perdu en brisant avec l’Eglise. L’application devoir de les combattre et d’en exiger, par adversaires, qui, comptant sur notre des lois de laïcité a coûté à la France des tous les moyens honnêtes, l’abrogation. Leges résignation et notre passivité, se livrent milliards qui auraient pu être épargnés, servir possunt esse iniustae per contrarietatem ad bonum chaque jour à de nouveaux attentats contre au soulagement des malheureux, accroître la divinum, sicut leges tyrannicae inducentes ad l’Eglise. En somme, les lois de laïcité se sont richesse et les réserves du pays, lui assurer au idololatriam vel ad quodcumque aliud quod sit multipliées au point de réduire chaque jour dehors un prestige grandissant. Malgré ces 4 Les documents contrerévolutionnaires no 3 — Mai 2000 dépenses ruineuses, les malades, les précision, de compétence, de force, de laïcisme au paganisme » ? orphelins, les pauvres, les vieillards n’en ont clarté ; qu’en particulier ils étudient les été que plus mal soignés. Que sont devenues, traités de la foi, de l’Eglise, des relations de Assurément, l’œuvre est immense et sous le régime du laïcisme, l’impartialité des l’Eglise et de l’Etat. difficile, mais le propre de la vertu de force tribunaux, la liberté des individus, des est d’affronter les obstacles et de braver le familles, des officiers, des magistrats, des c) Action sur l’opinion par les manifestations danger. De plus, nous disposons de troupes instituteurs, des fonctionnaires, des extérieures. — En cet ordre, la prudence nous dont le nombre et le courage égalent au mourants ; la participation des meilleurs prescrit de procéder suivant ses préceptes, moins le nombre et le courage des autres citoyens aux emplois publics, la justice d’éviter la témérité, de prendre toutes les groupements, car une multitude de commutative ou distributive, les relations précautions nécessaires. Mais il est sûr que chrétiens, à compter seulement ceux qui des classes, l’unité, la paix intérieure, la les manifestations extérieures, bien sont fervents et agissants, sont impatients conscience professionnelle, etc. ? Léon XIII préparées, impressionneront la foule en lui d’engager la lutte. Nos cadres — paroisses, revenait souvent à ces considérations qui donnant l’idée, qu’elle n’a pas, de notre diocèses, provinces ecclésiastiques, — sont émeuvent la multitude. nombre, de notre unité, de notre puissance préparés. Ce qui a trop manqué jusqu’ici aux et de la volonté inébranlable où nous catholiques, c’est l’unité, la concentration, sommes, de revendiquer nos droits jusqu’à la l’harmonie, l’organisation des efforts. La société doit au victoire. « L’opinion, disait dernièrement un N’auront-ils pas assez d’abnégation pour de nos cardinaux, se prononce pour ceux qui former un corps compact qui travaillera avec vrai Dieu des se battent bien. » Elle abandonne ceux qui ensemble sous la direction de leurs s’abandonnent eux-mêmes. supérieurs hiérarchiques ? On dira que cette adorations et attitude nous expose à des retours offensifs un culte. 2° Action sur les législateurs. — Cette et impitoyables de nos adversaires. Ce n’est action peut aboutir à quelques résultats pas certain ; en tout cas, à quelles calamités heureux : ne nous expose pas l’attitude contraire ? Quel avenir nous attend si, satisfaits d’une légère b) Il faudrait encore confondre les préjugés a) Par des pétitions envoyées aux députés, et artificielle détente, nous nous qui égarent le peuple en l’aveuglant. En voici sénateurs de chaque département. Il endormons ? Jamais peut-être, depuis quelques uns : La loi, juste ou injuste, est la loi ; conviendrait que ces pétitions vinssent de cinquante ans l’heure n’a paru aussi propice ; on est tenu de lui obéir.— Les lois de laïcité sont tous les groupements : groupements de pères à la laisser passer sans en profiter, il semble intangibles (alors que toutes les autres de famille, d’anciens combattants, de bien que nous trahissions la Providence. peuvent être changées et que les Parlements Jeunesse catholique, de cheminots, de passent leur vie à les changer). — Attaquer les veuves de guerre ; des Ligues féminines lois laïques, c’est attaquer la République (comme catholiques, des personnalités les plus xxx si la législation et la Constitution n’étaient considérables de la banque, de l’industrie, du pas distinctes ; comme si les républicains les commerce, etc. Ces pétitions seraient moins suspects n’attaquaient pas les lois adressées à tous les parlementaires, sans Prière à saint Michel Archange qu’ils ont eux-mêmes votées, et jusqu’à la exception, et si un ministre appartenait à la Constitution dont ils sont les auteurs. La contrée, on aurait soin de lui faire tenir ces Saint Michel Archange, défendez-nous dans vérité est que les catholiques devront protestations et ces réclamations. le combat ; soyez notre secours contre la toujours combattre le laïcisme, quel que soit méchanceté et les embûches du démon. le régime — régime monarchique ou b) Des personnages considérables « Que Dieu lui commande », nous le républicain — qui l’aura mis en vigueur). — voudraient qu’on allât plus loin et que l’on demandons en suppliant ; et vous, Prince de Il faut séparer la religion et la politique. (Il ne donnât à tous les catholiques la consigne de la milice céleste, repoussez en enfer, par la faut pas les séparer, il faut les distinguer et les refuser leurs voix aux candidats qui ne puissance divine, Satan et les autres esprits concilier.) —La religion est affaire privée. (La seraient pas, en théorie et en pratique, les mauvais qui rôdent dans le monde pour religion est affaire privée, affaire adversaires du laïcisme et des œuvres perdre nos âmes. Ainsi soit-il. domestique, affaire publique. La société, neutres. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la comme l’individu, doit au vrai Dieu des récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, adorations et un culte.) — La religion n’a rien à Dans l’esprit de ces hommes graves, la communion, visite d’une église avec prière aux intentions du voir dans la politique. (La religion laisse à théorie du moindre mal, poussée au delà des SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) chacun la liberté d’être républicain, royaliste, bornes, nous a valu des échecs et des impérialiste, parce que ces diverses formes malheurs de plus en plus irréparables que 9 de gouvernement sont conciliables avec elle ; nous aurions pu conjurer, au moins en partie, Au terrible torrent de boue constitué par les elle ne lui laisse pas la liberté d’être socialiste, par une attitude plus ferme. livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, communiste ou anarchiste, car ces trois sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sectes sont condamnées par la raison et par 3° Action sur le gouvernement. — Ce qui sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et l’Eglise. A moins de circonstances remue l’opinion et les Chambres atteint déjà d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en particulières, les catholiques sont tenus de le gouvernement, mais il faut l’aborder peut être assuré, est de leur opposer des écrits servir loyalement les gouvernements de fait directement. Socialistes, communistes, salutaires et de les répandre. aussi longtemps que ceux-ci travaillent au fonctionnaires, ouvriers, commerçants nous bien temporel et spirituel de leurs sujets ; il donnent l’exemple. Quand une loi ou un S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827 ne leur est pas permis de prêter leur concours décret leur déplaît ou leur nuit, ils n’estiment 9 aux mesures injustes ou impies que prennent pas suffisantes les interpellations de leurs Les documents contrerévolutionnaires les gouvernements ; ils sont obligés de se représentants à la Chambre ou au Sénat, ils reproduisent des textes de doctrine et rappeler que la politique, étant une partie de s’adressent eux-mêmes au pouvoir. Ils se d’histoire contrerévolutionnaires. Face au la morale, est soumise, comme la morale, à la rendent en masse aux portes des mairies, des déferlement de littérature révolutionnaire à raison, à la religion, à Dieu). C’est d’une préfectures, des ministères ; ils envoient aux vil prix qui outrage la majesté divine, détruit façon analogue qu’il convient de réfuter les titulaires de l’autorité des protestations, des la morale chrétienne, incite aux pires péchés, autres préjugés répandus dans la population. délégations, des ultimatum ; ils multiplient et perd les âmes par millions, c’est le devoir les démarches, voire les grèves ; ils assiègent des catholiques de redoubler d’effort pour A cette action sur l’opinion par la et ils harcèlent le gouvernement qui, presque diffuser la saine littérature catholique. propagande se rattache la question des toujours, finit par céder à leurs instances. publicistes et des conférenciers. Il est très Pourquoi, autant que nous le permettent Toutereproductionestautorisée. désirable que ceux-ci soient formés et notre morale, notre dignité, notre amour de préparés sérieusement ; qu’ils ne se la paix, fondée sur la justice et la charité, ne Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- contentent pas de formules universelles, des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. les imiterions nous pas, afin d’effacer de Email : [email protected]. URL : generalia non movent, de phraséologies vagues notre code les lois qui suivant l’énergique http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html et vides, mais qu’ils fassent preuve de parole d’un de nos évêques, nous mènent « du Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 4— Juin 2000

R. P. Fr.-Xav. Gautrelet, ses ministres, et fait de tout cela son but vigoureuse, plus intolérante , plus rapace et plus principal, l’objet de ses infernales tendances affamée que jamais. » (F\ [Frère en S. J., La franc-maçonnerie et la et le terme final de son action diabolique. maçonnerie] Frantz-Faider. — V. A. N. I, p. Révolution, Lyon : Briday, Oui, Monsieur, la Me\ , tolérante pour 281.) e toutes les fausses religions, est intolérante libraire-éditeur, 1872, 22 pour la Religion chrétienne. Aussi , 1° rien n’est omis pour contrecarrer son action régénératrice. «C’est beaucoup , lettre, pp. 175-182. Elle ne se permettra pas de parler mal de écrivent les FF\\ MM [francs-maçons] de Mahometet de blâmer l’ Islamisme ; elle n’aura Londres auxLibres Penseurs de Belgique , c’est garde de plaisanter sur le compte des beaucoup que d’être parvenu dans une xxx hérétiques calvinistes ou luthériens. Ledéiste , proportion notable, à enlever les morts à lematérialiste , le fataliste , l’ athée même l’Église ; mais ce n’est là que le trouveront grâce à ses yeux et place dans son commencement d’une grande œuvre qui ne l est temps de pénétrer dans ce que l’on a sein ; lemarabout turc , le rabbin juif , le ministre sera complétée que le jour où l’on sera si justement appelé le laboratoire de la protestant recevront de sa part des parvenu également à arracher les vivants des I témoignages de respect. Mais il en va tout mains du prêtre. Nos FF\ dont les efforts ont Révolution, jusqu’au sanctuaire le plus intime de la Me\ [Maçonnerie]. Là autrement de l’Église et des prêtres. La été si heureusement couronnés de succès seulement nous sera révélé le secret liberté accordée à tous est refusée au dans l’organisation des sociétés pour mystérieux que parmi les adeptes très-peu catholique. Le droit commun n’existe pas l’enterrement civil, ne croient-ils pas qu’il sont jugés dignes de connaître. Là nous pour lui ; il est hors la loi. La Me\ combat à serait bientôt temps pour eux, profitant de la recueillerons, de la bouche même des outrance la religion et l’Église de Jésus- latitude que leur laisse une constitution principaux chefs de la secte, les instructions Christ. Est-il besoin de le prouver ? Mais libérale, de faire un pas de plus dans la voie confidentielles qui doivent diriger les quand je l’ai montrée niant la révélation et qu’ils viennent d’ouvrir. » (Chaîne d’union à travaux des ouvriers ; là enfin nous pourrons rejetant le surnaturel, blasphémant Jésus- Londres. — V.Patrie de Bruges, 15 sept. 1865.) apprécier le but suprême de la Me\ , l’objet Christ, travestissant indignement sa doctrine, se riant de ses mystères ; quand constant de ses efforts et la raison même de 2° Sa doctrine est odieusement travestie. son existence. nous l’avons entendue abjurer toute morale, méconnaître l’immortalité de l’âme ; quand La Me\ qui nie la divinité de Jésus-Christ, sa bouche sacrilège a osé dire que Dieu enseigne que sa naissance, sa vie et sa mort La franc-maçonnerie n’existe pas et qu’il n’y a ni providence, ni sont des figures, des apparences solaires ; que justice, ni vertus, ni vices, ni récompenses, ni sa doctrine est celle des hiérophantes de veut peines, ni bien, ni mal, que faisait-elle autre l’Égypte, etc. (Lettre 10.) Elle traite le culte chose, sinon renverser les fondements de catholique et les sacrements de l’anéantissement de toute religion et anéantir à la fois le dogme, le fantasmagories idolâtres. culte et la morale ? Je le comprends l’Église et de la néanmoins, Monsieur, dans une question 3° Elle professe un profond mépris pour ses Religion catholique. aussi grave que celle qui nous occupe, vous ministres. Elle a pour eux une haine qui tient désirez quelque chose de plus spécial. Il ne de la rage ; elle n’a pas assez d’injures et de me sera pas difficile de vous satisfaire. calomnies pour le prêtre et pour le religieux. Quelle est donc la fin de la F\\ Me [Franc- L’Église devait partager avec son fondateur Le prêtre, en effet, c’est l’Église enseignant, Maçonnerie] ? La voici en deux mots : Elle et son chef la haine de l’enfer et les sanctifiant, sauvant le monde. Aussi veut l’anéantissement de l’Église et de la Religion persécutions de l’impiété qu’elle condamne écoutez : catholique, et le renversement des trônes. Et sur et qu’elle force à rougir : cette gloire ne lui a les ruines de la religion et des monarchies, jamais manqué. Le croiriez-vous, Monsieur, « Leplus grand obstacle à l’affranchissement elle veut établir l’Indépendance absolue, et pouvait-on pousser plus loin l’injustice et physique, intellectuel et moral de l’homme, universelle de toute autorité divine et l’insolence ? des écrivains dont la plume estsans contredit le Prêtre . Le Prêtre, tel que humaine. Je me bornerai dans cette lettre à déhontée ne distillait que le blasphème et l’Église le fait, est l’artisan, le propagateur le vous montrer comment la Me\ est l’ennemie l’ordure ont eu l’impudence de donner à plus puissant, le plus redoutable des préjugés, de déclarée de la Religion et de l’Église qui en est la l’Église de Jésus-Christ le nom d’Infâme et de l’ignorance et de la superstition. Or, avec les formule vivante et la véritable lui déclarer une guerre à mort.Voltaire , préjugés, l’ignorance et la superstition, point personnification. Sa devise, je le sais, semble Diderot, Helvétius , etc., traitant l’Église de liberté possible. Sous prétexte d’enseigner à lui imposer comme un devoir une tolérance d’Infâme !!! Eh bien ! ce que le philosophe l’homme la route qui doit le conduire au générale ; laliberté de conscience, le libre examen , impie de Ferney, et ses dignes acolytes ont bonheur dans une vie future et qu’elle proclame si solennellement, ne dit, ce qu’ils ont fait, la F\\ Me l’approuve problématique, il s’empare de lui dès sa doivent-ils pas rassurer tous les cultes, toutes et l’exalte. Elle se fait gloire de marcher sur naissance, et lui inculque, sous forme les religions, toutes les croyances ? Ne fait- leurs traces, elle aussi ; la sainte Maçonnerie d’enseignement, un poison intellectuel qui le elle pas profession dans ses constitutions de (nous avons dit quelle était sa morale) appelle dispose pour la servitude et pour l’oppression, respecterlafoireligieusedechacundesesmembres? l’Église Infâme! pourlatyrannieoul’esclavage.» Qu’arrive-t-il cependant ? Non-seulement elle ne tolère pas, mais elle combat la « L’Église, disait l’un d’eux, il y a quelques « C’est tout naturel, le prêtre prend l’enfant Religion chrétienne ; elle s’efforce de années, l’Église ayant sa tête à Rome et ses à sa naissance, et à l’ombre du sacrement de renverser l’Église de Jésus-Christ, elle la bras partout, si formidable par sa discipline baptême ; puis, plus tard, au nom de la poursuit de sa haine, elle calomnie et insulte et ses richesses, l’Infâme renaît plus communion, passe avec les parents une sorte de contrat par lequel il s’assure l’exercice 2 Les documents contrerévolutionnaires no 4 — Juin 2000 d’un pouvoir dont les effets pernicieux Il n’est pas difficile de comprendre le contraire, elle la condamne, la flétrit, la demeurent le plus souvent indestructibles. résultat produit dans les masses populaires repousse. Que la Me\ qui démolit et détruit, Qui ne sait que des premières impressions par ces odieuses diatribes. Si le lecteur donne la main à tous les démolisseurs, cela se auxquelles l’homme a été soumis dans l’âge judicieux jette avec indignation ces feuilles comprend ; ils travaillent à une œuvre tendre, dépend presque toujours sa dégoûtantes d’impiété, l’artisan crédule les commune : mais qu’elle s’allie avec une destinée ? Le prêtre, expert, astucieux dans dévore et s’en nourrit. C’est dans la lecture de institution qui bâtit, qui édifie et qui pour l’art de la domination, connaît toute la ces écrits d’où l’injure et la calomnie cela pose les fondements de la vérité, de la portée de cette vérité ; c’est pourquoi il tient débordent que s’allument les haines aveugles foi, de la soumission à Dieu, à l’autorité, c’est tant à s’emparer de l’homme dès son enfance et féroces qui, au jour de l’émeute, ce qu’elle ne peut faire sans se renier, sans et à exercer sur son esprit les premières transformeront l’ouvrier, et quelquefois la abjurer son principe constitutif et fouler aux impressions. » (Chaîne d’Union , citée plus femme et l’enfant en autant de sicaires et pieds sa devise chérie. Entre l’Indépendance haut.) d’assassins. Le mépris et la haine du prêtre maçonnique, ou le Non serviam de Satan, et la conduisent droit au mépris et à la haine de la soumissionde l’intelligence et de la volonté , qui Ces paroles n’ont pas besoin de religion ; la F\\ Me le sait, et c’est ainsi est la loi fondamentale de l’Église catholique, commentaires. Elles nous révèlent assez qu’elle poursuit son œuvre de destruction. non seulement il ne peut y avoir d’accord, clairement, si nous ne les connaissions déjà, D’injustes défiances, des accusations fausses mais il y a nécessairement une opposition les intentions de la Me\ et son plan infernal ; et ridicules, semées par elle, divisent la directe, une irréconciliable inimitié. ces odieuses et sottes accusations société en deux camps ennemis ; et les renferment, ce me semble, un des plus beaux fureurs révolutionnaires, longtemps excitées Le premier cri de la Me\ c’est guerre à éloges que l’on puisse faire du clergé par les journaux dévoués au parti, l’Église [...] catholique, et suffiraient pour justifier la n’attendent qu’un signal pour se livrer aux tendre sollicitude de l’Église en ce qui derniers excès et répandre à flots un sang concerne l’éducation de la jeunesse. innocent. 99 Poursuivons : «L’hydre monacale , si souvent Vous reste-t-il encore, Monsieur, quelques écrasée, nous menace de nouveau de ses têtes doutes sur le plan de la F\\ Me et le but hideuses, dit le F\ Frantz-Faider (cité plus qu’elle se propose ? J’ai de quoi dissiper ces INSTRUCTION DE LA haut). Le prêtre est pour le F\\ M une doutes, ou plutôt la F\\ Me se charge elle- VENTE SUPRÊME DU odieuse personnification de la superstition même de vous fixer complètement sur cette CARBONARISME A et du fanatisme : ce sont les prêtres qui ont question ; voici ce qu’elle nous dit par la inventé le ciel et l’enfer, la crainte des peines futures bouche de ses premiers chefs : « Notre but TOUTES LES VENTES et l’espérance des récompenses, et qui ont imaginé final est celui de Voltaire et de la Révolution (XIXe siècle) la confession pour établir leur gouvernement, » française : l’anéantissement à tout jamais du etc. catholicisme et même de l’idée chrétienne qui, restée Depuis que nous sommes établis en corps debout sur les ruines de Rome, en serait la d’action, et que l’Ordre commence à régner « Quant aux ministres de la religion, dit un perpétuation plus tard. » (Instruction de la au fond de laVente la plus reculée comme au FM,\\la mauvaise conduite du sacerdoce en Haute Vente... On la trouvera reproduite sein de celle la plus rapprochée du centre, il général, la scélératesse d’un grand nombre de est une pensée qui a toujours profondément particuliersqui le composent, dégradent la préoccupé les hommes qui aspirent à la majesté du premier être qu’on suppose,et La franc-maçonnerie régénération universelle : c’est la pensée de anéantissent le respect que le préjugé lui l’affranchissement de l’Italie , d’où doit sortir, à dévoue. » (M. de St.-Alb., p. 275.) en veut à la religion un jour déterminé, l’affranchissement du monde entier, la République fraternelle et « Les prêtres et les tyrans ligués pour la catholique ; elle est l’harmonie de l’humanité. Cette pensée n’a pas destruction du genre humain sont souvent encore été saisie par nos frères d’au-delà des forcés d’implorer eux-mêmes le secours de la son ennemie Alpes. Ils croient que l’Italie révolutionnaire raison qu’ils dédaignent, ou de la nature avilie déclarée, elle lui fait ne peut que conspirer dans l’ombre, qu’ils écrasent sons le poids de leurs divinités distribuer quelques coups de poignard à des mensongères. » (Ib. 280.) C’est dans ces termes une guerre à mort. sbires ou à des traîtres, et subir que la F\\ Me parle des prêtres. tranquillement le joug des événements qui s’accomplissent au-delà des monts, pour Voulez-vous encore un échantillon du style plus complètement plus loin.) l’Italie, mais sans l’Italie. Cette erreur nous a de ces forcenés ? Voici ce que nous lisons Concluons. La F\\ Me en veut à la déjà été fatale à plusieurs reprises ; il ne faut dans un des journaux de l’Internationale : Religion catholique ; elle est son ennemie pas la combattre avec des phrases, ce serait la déclarée, elle lui fait une guerre à mort ; des propager ; il faut la tuer avec des faits. Ainsi, « Regardez le paillasse qui se démène dans fondements de l’édifice jusqu’au faite, il n’est au milieu des soins qui ont le privilège un tonneau, comme le diable dans un pas une assise, pas une pierre qu’elle d’agiter les esprits les plus puissants de nos bénitier, pour insinuer à l’aimable troupeau n’ébranle et qu’elle ne cherche à renverser. Ventes, il en est un que nous ne devons jamais rassemblé que son baragouin est de la plus Elle en veut à l’Église de Jésus-Christ ; elle oublier. pure et saine morale émanant d’une s’attaque audacieusement à son divin chef et puissance surnaturelle. Ce paillasse aux lui décerne insolemment le brevet LaPapauté a exercé de tout temps une allures lugubres tonne dans son tonneau d’Imposteur ; elle s’attaque à ses ministres action décisive sur les affaires de l’Italie. Par comme la foudre, grimace et se contorsionne qu’elle s’efforce de traîner dans la boue et de le bras, par la voix, par la plume, par le cœur comme un épileptique, trépigne de fureur et couvrir de ses injures les plus grossières ; elle de ses innombrables Évêques, prêtres, s’élève comme uncacafougna tragique, prêt à s’attaque à sa doctrine, à ses mystères, à ses moines, religieuses et fidèles de toutes les sauter à pieds joints sur ses auditeurs ahuris, sacrements ; elle veut l’anéantir à tout jamais, latitudes, la papauté trouve des dévouements qui écoutent sans sourciller les platitudes et la détruire de fond en comble : tel est son but sans cesse prêts au martyre et à les tirades ennuyeuses de son répertoire final, comme ce fut le but de Voltaire et de la l’enthousiasme. Partout où il lui plaît d’en tragi-comique... De pareils bélîtres vous Révolution. évoquer, elle a des amis qui meurent, d’autres soulèvent l’âme d’indignation. Tous leurs qui se dépouillent pour elle. C’est un levier actes sont arbitraires, empreints de perfidie J’ajoute qu’elle fait cela en vertu même de immense dont quelques papes seuls ont et de scélératesse, » etc., etc. Nous ferons ses principes, logiquement et officiellement. apprécié toute la puissance (encore n’en ont- grâce à nos lecteurs d’autres amabilités plus En effet, Monsieur, que la Me\ soit ils usé que dans une certaine mesure). remarquables encore et trop remarquables tolérante pour l’erreur, cela se conçoit, cela Aujourd’hui il ne s’agit pas de reconstituer pour trouver place dans un ouvrage sérieux. doit être, car l’erreur est tolérante pour elle ; pour nous ce pouvoir dont le prestige est (Mirabeau , n° du 17 av. 1870, à Verviers.) mais qu’elle tolèrela vérité , cela ne se peut, momentanément affaibli : notrebut final est car la vérité ne la tolère pas ; tout au celui de Voltaire et de la Révolution française : Les documents contrerévolutionnaires no 4 — Juin 2000 3 l’anéantissement à tout jamais du catholicisme, et Alexandre VI, avec tous ses crimes privés, ne mémoire du peuple. Quand les journaux même de l’idée chrétienne, qui, restée debout sur les nous conviendrait pas, car il n’a jamais erré étrangers recueilleront par nous ces récits ruines de Rome, en serait la perpétuation plus tard. dans les matières religieuses. Un Clément qu’ils embelliront à leur tour inévitablement, Mais pour atteindre plus certainement ce XIV, au contraire, serait notre fait, des pieds par respect pour la vérité, montrez ou plutôt but et ne pas nous préparer de gaieté de cœur à la tête.Borgia était un libertin, un vrai faites montrer, par quelque respectable des revers qui ajournent indéfiniment et sensualiste du XVIIIe siècle, égaré dans le imbécile, ces feuilles où sont relatés les noms compromettent dans les siècles le succès XVe . Il a été anathématisé, malgré ses vices, et les excès arrangés des personnages. d’une bonne cause, il ne faut pas prêter par tous les vices de la philosophie et de Comme la France et l’Angleterre, l’Italie ne l’oreille à ces vantards de Français, à ces l’incrédulité, et il doit cet anathème à la manquera jamais de ces plumes qui savent se nébuleux Allemands, à ces tristes Anglais qui vigueur avec laquelle il défendit l’Église. tailler dans les mensonges utiles à la bonne s’imaginent tous tuer le catholicisme, tantôt Ganganelli se livra, pieds et poings liés, aux cause. Avec un journal dont il ne comprendra avec une chanson impure, tantôt avec une ministres des Bourbons qui lui faisaient peur, pas la langue, mais où il verra le nom de son déduction illogique, tantôt avec un grossier aux incrédules qui célébraient sa tolérance, délégat ou de son juge, le peuple n’a pas sarcasme passé en contrebande, comme les etGanganelli est devenu un très-grand pape. besoin d’autres preuves. Il est dans l’enfance cotons de la Grande-Bretagne. Le C’est à peu près dans ces conditions qu’il du libéralisme, il croit aux libéraux, comme catholicisme a la vie plus dure que cela. Il a vu nous en faudrait un, si c’est encore possible. plus tard il croiraennousnesavonstropquoi . de plus implacables, de plus terribles Avec cela, nous marcherons plus sûrement à adversaires, et il s’est souvent donné le malin l’assaut de l’Église qu’avec les pamphlets de Ecrasez l’ennemi quel qu’il soit, écrasez le plaisir de jeter de l’eau bénite sur la tombe nos frères de France, et l’or même de puissant à force de médisances ou de des plus enragés. Laissons donc nos frères de l’Angleterre. Voulez-vous en savoir la calomnies ; mais surtout écrasez-le dans l’œuf. ces contrées se livrer aux intempérances raison ? c’est qu’avec cela, pour briser le C’est àla jeunesse qu’il faut aller ; c’est elle qu’il stériles de leur zèle anti-catholique ; rocher sur lequel Dieu a bâti son Église, nous faut séduire, elle que nous devons enchaîner, permettons-leur même de se moquer de nos n’avons plus besoin de vinaigre annibalien, sans qu’elle s’en doute, sous le drapeau des sociétés Madones et de notre dévotion apparente. plus besoin de la poudre à canon, plus besoin secrètes. Pour avancer à pas comptés, mais Avec ce passeport, nous pouvons conspirer même de nos bras : nous avons le petit doigt sûrs, dans cette voie périlleuse, deux choses tout à notre aise et arriver peu à peu au terme du successeur de Pierre engagé dans le sont nécessaires de toute nécessité. Vous proposé. complot, et ce petit doigt vaut, pour cette devez avoir l’air d’êtresimples comme des croisade, tous les Urbain II et tous les saint colombes, mais vous serezprudents comme le Donc, la papauté est depuis seize cents ans Bernard de la chrétienté. serpent. Vos pères, vos enfants, vos femmes inhérente à l’histoire de l’Italie. L’Italie ne elles-mêmes doivent toujours ignorer le secret peut ni respirer ni se mouvoir sans la Nous ne doutons pas d’arriver à ce terme que vous portez dans votre sein ; et s’il vous permission du pasteur suprême : avec lui, elle suprême de nos efforts ; mais quand ? mais plaisait, pour mieux tromper l’œil a les cent bras de Briarée ; sans lui, elle est comment ? L’inconnue ne se dégage pas inquisitorial,d’aller souvent à confesse , vous condamnée à une impuissance qui fait pitié. encore. Néanmoins, comme rien ne doit êtes comme de droit autorisés à garder le Elle n’a plus que des divisions à fomenter, nous écarter du plan tracé, qu’au contraire silence le plus absolu sur ces choses. Vous que des haines à voir éclore, que des tout y doit tendre, comme si le succès devait savez que la moindre révélation, que le plus hostilités à entendre surgir de la première couronner dès demain l’œuvre à peine petit indice échappé au tribunal de la chaîne des Alpes au dernier chaînon des ébauchée, nous voulons dans cette pénitence ou ailleurs, peut entraîner de Apennins. Nous ne pouvons pas vouloir un instruction, qui restera secrète pour les grandes calamités et que c’est son arrêt de pareil état de choses : il importe donc de simples initiés, donner aux préposés de la mort que signe le révélateur volontaire ou chercher un remède à cette situation. Le Vente suprême des conseils qu’ils devront involontaire. remède est tout trouvé. Le pape, quel qu’il inculquer à l’universalité des frères, sous soit, ne viendra pas aux sociétés secrètes ; forme d’enseignement ou dememorandum . Il Or donc, pour vous assurer un pape dans c’est aux sociétés secrètes à faire le premier importe surtout, et par une discrétion dont les proportions exigées, il s’agit d’abord de lui pas vers l’Église dans le but de les vaincre tous les motifs sont transparents, de ne jamais façonner, à ce Pape, une génération digne du deux (le pape et l’Église). laisser pressentir que ces conseils sont des règne que nous rêvons. Laissez de côté la ordres émanésde la Vente . Le clergé y est trop vieillesse et l’âge mûr ; allez à la jeunesse, et si Le travail que nous allons entreprendre directement mis en jeu pour qu’on puisse, à c’est possible, jusqu’à l’enfance. N’ayez n’est l’œuvre, ni d’un jour, ni d’un mois, ni l’heure qu’il est, se permettre de jouer avec jamais pour elle un mot d’impiéte ou d’un an : il peut durer plusieurs années, un lui comme avec un de ces roitelets ou de ces d’impureté :Maxima debetur puero reverentia ; siècle peut-être ; mais dans nos rangs le principicules sur lesquels on n’a besoin que n’oubliez jamais ces paroles du poète, car de souffler pour les faire disparaître. elles vous serviront de sauve-garde contre des licences dont il importe essentiellement Ce que nous devons Il y a peu de chose à faire avec les vieux de s’abstenir dans l’intérêt de la cause. Pour chercher et attendre, cardinaux ou avec les prélats dont le la faire fructifier au sein de chaque famille, caractère est bien décidé ; il faut laisser les pour vous donner droit d’asile au foyer c’est un pape incorrigibles à l’école deConsalvi , ou puiser domestique, vous devez vous présenter avec dans nos entrepôts de popularité les armes toutes les apparences de l’homme grave et selon nos besoins. qui rendront inutile ou ridicule le pouvoir moral. Une fois votre réputation établie dans entre leurs mains.Un mot qu’on invente les collèges, dans les gymnases, dans les habilement et qu’on a l’art de répandre dans universités et dans les séminaires, une fois soldat meurt et le combat continue. certaines honnêtes familles choisies pour que vous aurez capté la confiance des Nous n’entendons pas gagner les papes à que de là il descende dans les cafés, et des professeurs et des étudiants, faites que ceux notre cause, en faire des néophytes de nos cafés dans la rue ; unmotpeutquelquefoistuerun principalement qui s’engagent dans la milice principes, des propagateurs de nos idées. Ce homme. Si un prêtre arrive de Rome pour cléricale aiment à rechercher vos entretiens. serait un rêve ridicule, et de quelque manière exercer quelque fonction publique au fond Nourrissez leurs esprits de l’ancienne que tournent les événements, que des des provinces, connaissez aussitôt son splendeur de laRome papale : il y a toujours au cardinaux ou des prélats, par exemple, soient caractère, ses antécédents, ses qualités, ses fond du cœur de l’Italien un regret pour la entrés de plein gré ou par surprise dans une défauts surtout. Est-it d’avance un ennemi Rome républicaine. Confondez habilement ces partie de nos secrets, ce n’est pas du tout un déclaré ? unAlbani , un Palotta , un Bernetti , un deux souvenirs l’un dans l’autre. Excitez, motif pour désirer leur élévation au siège de della Genga, un Rivarola ? Enveloppez-le de échauffez ces natures si pleines Pierre. Cette élévation nous perdrait ; tous les pièges que vous pouvez tendre sous d’incandescence et de patriotique orgueil. l’ambition seule les aurait conduits à ses pas ; créez-lui une de ces réputations qui Offrez-leur d’abord, mais toujours en secret, l’apostasie, le besoin du pouvoir les forcerait effraient les petits enfants et les vieilles deslivres inoffensifs , des poésies à nous immoler. Ce que nous devons femmes : peignez-le cruel et sanguinaire ; resplendissantes d’emphase nationale, puis demander, ce que nous devons chercher et racontez quelques traits de cruauté qui peu à peu vous amenez vos dupes au degré de attendre, comme les Juifs attendent le puissent facilement se graver dans la cuisson voulu. Quand sur tous les points à la Messie, c’est un pape selon nos besoins. fois de l’État ecclésiastique, ce travail de tous 4 Les documents contrerévolutionnaires no 4 — Juin 2000 les jours aura répandu nos idées comme la pêche plus miraculeuse que la sienne. Le Publications du « Courrier de Rome », 1999. lumière, alors vous pourrez apprécier la pêcheur de poissons devient pécheur sagesse du conseil dont nous prenons d’hommes ; vous, vous amènerez des amis • , La conjuration des l’initiative. autour de la Chaire apostolique. Vous aurez Illuminés, 1979. pêchéunerévolutionentiareetenchape,marchant • Les enseignements originaux des Papes sur la Les événements qui, selon nous, se avec la croix et la bannière, une révolution qui franc-maçonnerie, Pierre Téqui éditeur, 1998. précipitent trop vite, vont nécessairement n’aura besoin que d’être un tout petit peu appeler, d’ici à quelques mois, une aiguillonnée pour mettre le feu aux quatre coins • Jean-Claude Lozac’hmeur, Fils de la Veuve intervention armée de l’Autriche. Ilyades dumonde. (Essaisurlesymbolismemaçonnique), 1990. fous qui, de gaieté de cœur, se plaisent à jeter les autres au milieu des périls ; et cependant Que chaque acte de votre vie tende donc à • Jean-Claude Lozac’hmeur et Bernaz de ce sont ces fous qui, à une heure donnée, la découverte de cette pierre philosophale. Karer, De la Ré-volution (essai sur la politique entraînent jusqu’aux sages. La Révolution Les alchimistes du moyen âge ont perdu leur maçonnique), 1992. que l’on fait méditer à l’Italie n’aboutira qu’à temps et l’or de leurs dupes à la recherche de des malheurs et à des proscriptions. Rien ce rêve. Celui des sociétés secrètes n’est mûr, ni les hommes, ni les choses, et s’accomplira par la plus simple des raisons : c’est 99 rien ne le sera encore de longtemps ; mais de qu’il est basé sur les passions de l’homme. Ne ces malheurs vous pourrez facilement tirer nous décourageons donc ni pour un échec, ni Prière à saint Michel Archange une nouvelle corde à faire vibrer au cœur du pour un revers, ni pour une défaite ; jeune clergé: ce sera la haine de l’étranger . Faites préparons nos armes dans le silence des Saint Michel Archange, défendez-nous dans que l’Allemand (il Tedesco), soit ridicule et Ventes ; dressons toutes nos batteries, flattons le combat ; soyez notre secours contre la odieux avant même son entrée prévue. A toutes les passions, les plus mauvaises comme les méchanceté et les embûches du démon. l’idée desuprématie pontificale , mêlez toujours plus généreuses, et tout nous porte à croire « Que Dieu lui commande », nous le le vieux souvenir des guerres du sacerdoce et de que ce plan réussira un jour au-delà même de demandons en suppliant ; et vous, Prince de l’empire. Ressuscitez les passions mal éteintes nos calculs les plus improbables. la milice céleste, repoussez en enfer, par la desGuelfes et des Gibelins , et ainsi vous vous puissance divine, Satan et les autres esprits arrangerez, à peu de frais, une réputation de (V. Crétineau-Joly, L’Église Romaine en face mauvais qui rôdent dans le monde pour boncatholiqueetdepatriotepur. delaRévolution, tom. II, p. 82, etc.) perdre nos âmes. Ainsi soit-il. Cette réputation donnera accès à nos (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la doctrines ausein du jeune clergé , comme au 99 récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du fond des couvents. Dans quelques années, ce Notes SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) jeune clergé aura, par la force des choses, envahi toutes les fonctions ; il gouvernera, il 1. Le carbonarisme (ou charbonnerie) était administrera, il formera le conseil du une société secrète de type maçonnique au souverain ; il sera appelé à choisir le Pontife dix-neuvième siècle. Elle était organisée en qui devra régner, et ce Pontife, comme la loges appelées « ventes » et dirigées par une plupart de ses contemporains, sera Vente Suprême ou Haute Vente. L’objectif nécessairement plus ou moins imbu des du carbonarisme était celui de toutes les principes italiens et humanitaires que nous sectes : la destruction de la religion allons commencer à mettre en circulation. catholique. Le Vatican réussit à percer les C’est un petit grain de sénevé que nous mystères de la charbonnerie, notamment en confions à la terre, mais le soleil des justices saisissant des instructions de la Haute Vente le développera jusqu’à la plus haute (voir J. Crétineau-Joly, L’Église romaine en face puissance, et vous verrez un jour quelle riche de la Révolution, 1859). L’instruction reproduite ci-dessus atteste de la perfidie de la secte, qui avance masquée sous une peau Que le clergé marche de mouton. On ne peut que constater, plus d’un siècle après, le succès de l’association sous votre étendard infernale.

en croyant toujours 2. L’instruction satanique reprend les marcher sous la accusations habituelles de libertinage et de Au terrible torrent de boue constitué par les crimes contre le pape Alexandre VI (Borgia, livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, bannière des chefs pape de 1492 à 1503). Ces accusations furent sans autre but, sous leur forme éloquente et leur inventées de toutes pièces par les ennemis de sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et apostoliques. ce pape qui mena fermement la barque de d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en Pierre en des temps difficiles. En vérité, Sa peut être assuré, est de leur opposer des écrits Sainteté Alexandre VI « fut un digne pontife salutaires et de les répandre. moisson ce petit grain produira. et un grand roi », « à la hauteur de ce qu’il y a Dans la voie que nous traçons à nos frères, de plus beau dans l’histoire des papes » (Ch. S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. il se trouve de grands obstacles à vaincre, des Barthélémy, membre de l’Académie de la 9 difficultés de plus d’une sorte à surmonter : religion catholique de Rome, Erreurs et Les documents contrerévolutionnaires on en triomphera par l’expérience et la mensongeshistoriques, 3ee série, 4 édition, Paris : reproduisent des textes de doctrine et perspicacité ; mais le but est si beau qu’il Ch. Blériot, 1874, pp. 34-68). d’histoire contrerévolutionnaires. Face au importe de mettre toutes les voiles au vent déferlement de littérature révolutionnaire à pour l’atteindre. Vous voulez révolutionner vil prix qui outrage la majesté divine, détruit l’Italie?de cherchez le Pape dont nous venons xxx la morale chrétienne, incite aux pires péchés, faire le portrait. Vous voulez établir le règne des et perd les âmes par millions, c’est le devoir élus sur le trône de la prostituée de Babylone? Que Les ouvrages suivants sont disponibles à SA des catholiques de redoubler d’effort pour le clergé marche sous votre étendard, en croyant D.P.F., BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil, diffuser la saine littérature catholique. toujours marcher sous la bannière des chefs France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 05 49 51 63 apostoliques. Vous voulez faire disparaître le 50 ; http://www.sadpf.com : Toutereproductionestautorisée. derniervestigedestyrans,desoppresseurs ? tendez vos filets comme SimonBarjone . Tendez-les au Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- • J. Crétineau-Joly, L’Égliseromaineenfacede des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. fond des sacristies, des séminaires et des couvents, laRévolution, 1859, réédition C. R. F., 1976. plutôt qu’au fond de la mer ; et si vous ne Email : [email protected]. URL : précipitez rien, nous vous promettons une • Epiphanius,Maçonnerie et sectes secrètes , http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 5— Juillet 2000

Jeanne étonne et séduit. Devant elle on moins percer. Sainte Jeanne tombe à genoux pour lui baiser les pieds, et on ne peut se retenir de lui donner des noms Elle fut brave comme une épée de d’Arc et très tendres de « sœur, » de « petite sœur. » chevalier, et si douce dans la bataille, si Elle est très haut au-dessus de nous, et généreuse, si apôtre ! Jamais elle n’a frappé l’Eucharistie néanmoins nous la sentons comme très personne. Elle se poussait au plus fort de la voisine de nous. Elle est la Jeanne mêlée, souriante, son étendard à la main, et miraculeuse de l’épopée et du Paradis ; elle elle disait : « Suivez-moi. » Glacidas, le 9 est la Jeannette de Domrémy. « C’est un commandant des Tourelles, l’avait insultée agneau et un lion, » a écrit Pie X, traduisant abominablement. Le 7 mai 1429 au soir, elle admirablement la nature contrastée de cette l’apercut, se défendant, dit un chroniqueur, enfant. comme s’il eut été « immortel. » L’enfant vit Mgr Touchet, évêque que le formidable soldat était perdu. d’Orléans, discours au XXIe « Glacidas, lui cria-t-elle, tu m’as insultée, tu Elle priait Dieu, la m’as appelée.... Mais j’ai pitié de ton âme. Congrès Eucharistique Rends-toi ! Rends-toi au Roi du ciel ! » International, Montréal, 6- Vierge, Notre- Connaissez-vous, Messieurs, bien des cris de saints, pathétiques à l’égal de celui-là ? 11 septembre 1910, in XXIe Seigneur avec une Dans sa mort, elle imita de très près la Congrès Eucharistique candeur de foi que passion du Christ. International, Montréal : rien ne troubla. Trahie comme lui, vendue comme lui, Librairie Beauchemin Ltée, jugée comme lui, exécutée comme lui, au 1911, pp. 124-133. Elle fut pure comme un lys, humble comme milieu des cris de la haine et des larmes de une marguerite de ses vallées meusiennes. pitié, après avoir été la foi, la charité, la Elle priait Dieu, la Vierge, Notre-Seigneur justice, la vérité, l’honneur même, avec au avec une candeur de foi que rien ne troubla. front le rayon des prophètes et sur ses YYY Elle aimait ses compagnons, les malheureux, épaules la pourpre de son sang ; après avoir ses frères, ses sœurs, son rude et honnête représenté la France en ce que la France a de père, sa mère, sa « pauvre mère, » ainsi qu’elle plus exquis, et l’humanité en ce que eanne d’Arc, la bienheureuse Jeanne s’exprimait, à plein cœur. l’humanité a de plus haut : après avoir été Jd’Arc ! A son culte j’ai voué ma vie. Depuis Jeanne d’Arc ! seize ans, je l’étudie. Plus je l’ai connue, Elle se meut dans le surnaturel comme plus je me suis enfoncé dans la passion nous dans l’air où nous respirons. Sept années Toutefois, dans cet ensemble de vertus qu’elle m’inspira. Elle m’a pris la moitié de durant, elle fut en contact quotidien, dont se souvient l’histoire et qu’a couronnées mes jours et une part de mes nuits ; elle m’a perpétuel avec saint Michel, sainte l’Eglise, il en est une qui marque d’un trait causé des sollicitudes de tout genre, plus Catherine, sainte Marguerite. plus profond sa physionomie morale, d’une alarme, plus d’une lutte : ce n’est pas précisément parce qu’elle porte toutes les trop, ce n’est pas assez, tant elle est belle ! Prodigieuse mystique, la plus prodigieuse autres : c’est la vertu de force. des mystiques par quelque côté, par exemple Ce goût ne m’est pas exclusivement la fréquence de ses visions, il lui suffisait Enfant, elle a la force d’enfermer en soi, personnel. Godefroy Kurth, l’illustre d’appeler son ange, ses saintes, pour qu’ils entre soi et Dieu, le secret qui doit l’étouffer, historien belge, avait déposé devant moi, lors fussent là. Elle les nomma d’un mot de sa mission et de ses apparitions ; la force du procès de béatification de Jeanne. Nous admirablement trouvé, elle les nomma « ses de vaincre les impatiences de son âge, les donnant de sa science qui est vaste et de son voix. » Une voix, quelque chose d’immatériel instincts pervers dont le péché d’origine a cœur qui est chaud, il nous avait tracé de et de sensible ; quelque chose qui caresse et déposé le germe vivace chez les meilleurs, ses Jeanne un beau portrait vivant, vrai, net. qui épouvante ; quelque chose de si discret terreurs de la vie des camps, sa tendresse Quant il eut fini, je dus lui demander ce qu’il que l’oreille le perçoit à peine, et de si sonore filiale passionnée, laquelle l’eût détournée de pensait de notre tentative de faire béatifier que l’espace en résonne ; une voix, quelque répondre à l’appel de Dieu. « J’aurais eu cent l’héroïne. Il se leva, et gravement : chose qui éveille le courage, berce le chagrin, pères et cent mères, disait-elle, je serais « Monseigneur, me dit-il, je ne connais pas ébranle la volonté, chante, pleure, partie ! » l’histoire. Personne ne la connaît. Il y a commande ; leDies irae du sublime inconnu ; cependant quarante années que je l’étudie. leRequiem de Mozart, la Marseillaise de Inspirée, elle eut la force de lutter contre Eh bien, me souvenant que j’ai prêté serment Rouget de l’Isle ; une voix : presque rien, tout les suspicions des clercs, les répugnances des tout à l’heure entre vos mains, je puis vous cela va sans laisser trace et tellement tout que hommes d’armes, la pusillanimité, sinon pire, dire ceci : Depuis le Christ et la Vierge l’Eglise a épuisé son effort de louange à des conseillers de la couronne. Marie, personne ne m’apparaît, sur ce l’égard du Saint-Esprit quand elle a dit : « il a théâtre que j’ai tant fréquenté, qui soit plus la science de la voix. » Sans ses Voix, des voix Guerrière, elle eut la force de grouper et digne des autels que Jeanne d’Arc. » personnelles, des voix réelles, Jeanne est une d’entraîner à sa suite Armagnacs, Bretons, énigme inexplicable. Avec ses Voix, elle est Manceaux, Beaucerons, Richemond et Gille Et cela est la vérité. seulement mystérieuse, comme tout ce que de Rais, les Laval, d’Alençon et Dunois. Elle le divin enveloppe d’un nuage que nos yeux les pacifia, les évangélisa, en convertit plus ne sont pas habitués à regarder, encore d’un. 2 Les documents contrerévolutionnaires no 5 — Juillet 2000

Chevauchant à travers la France morte, elle que Jeanne semble avoir prévu quand elle osa dignité morale est excellente. eut la force de la ressusciter. direàBeaudricourt:«Ilfautquejeparte,il faut que ce soit aujourd’hui plutôt que La fidélité des consciences libres à la loi est demain ; les jours me pèsent comme à une souvent gênée, soit par notre aptitude Pour ressusciter la femme enceinte. » Bref, elle devint la mère de intérieure à défaillir, soit par notre aptitude à la patrie, a dit Rome, « Jure dicta Mater subir les tentations du dehors. Nous France, il faut Patriae.» connaissons tous ce phénomène ; il produit nos luttes morales et trop souvent nos d’abord ressusciter Et maintenant, regardons-la ! regardons-la chutes. donc s’avancer dans un tourbillon de son roi. victoires, d’Orléans à Jargeau, de Beaugency Or, dans ces luttes, nous pouvons appeler à à Patay, de Patay à Troyes, de Troyes à notre secours la force absolue, éternelle, Oui certes ! Pour ressusciter la France, il Reims. Or, sa courte vie compte exactement surabondante ; Dieu lui-même l’a ainsi voulu, faut d’abord ressusciter son roi. Isabeau dix-neuf ans, cinq mois et vingt-quatre jours. ainsi réglé. l’avait tué sur ses genoux, dans ses bras Quand elle opérait les prodiges que je viens d’adultère, lui versant un doute de rappeler, elle avait deux ans de moins, elle La prière et les sacrements ont cette empoisonneur, mais trop naturel, sur la avait dix-sept ans et demi ! puissance de nous faire communier à lui et de légitimité de sa naissance et de ses droits. doubler notre infirmité d’êtres finis des France, jette-lui à pleines mains des énergies de l’Etre infini. A ce dauphin inquiet et apeuré qui ne lauriers et des roses. Angleterre, ne lui refuse rêvait que fuite vers Toulouse ; plus loin, vers ni les roses ni les lauriers. Il fallait qu’il Mais parmi tous les sacrements, l’Espagne ; plus loin, vers le , elle subsistât une France et une Angleterre dans l’Eucharistie, nourriture par le pain et le vin refit une âme, un cœur, un sang. l’univers. Grâce à Jeanne, ni celle-ci, ni celle- mystiques, signifie et réalise plus là ne disparurent : la France ne périt pas ; excellemment que nulle autre l’union de la Pourquoi se désespérait-il ? Pourquoi l’Angleterre demeura l’Angleterre. Toutes suprême Puissance avec notre suprême songeait-il à l’exil ? « Ayez confiance, ayez les deux avec leur destin, toutes les deux avec faiblesse. « Celui qui mange ma chair et qui confiance, gentil dauphin. Je vous conduirai leur mission spéciale à travers les siècles, boit mon sang vivra. Ma chair est vraiment à Reims afin que vous y receviez votre digne toutes les deux attendent, nous en avons la une nourriture : mon sang est vraiment un sacre. » confiance, l’heure que prophétisa de breuvage, dit Jésus. » Maistre, disant : « Quand la France sera Pourquoi ce tourment qui le tuait ? « Je te le redevenue chrétienne et l’Angleterre Mangez ! Buvez ! Vivez ! dis de la part de Dieu. Tu es vrai fils de roi et catholique, le monde verra de grandes celui à qui le royaume doit appartenir ! » choses. » Cette heure, Messeigneurs Vie et force sont ici posées en équation. Et d’Angleterre, Messeigneurs de la catholicité, par le fait notre vie en tout ordre physique, Petit à petit, le fils des Capétiens se laissait on la paierait cher. Mon Dieu, faites que intellectuel, moral, est proportionnelle à prendre par l’enthousiasme de la sublime l’Angleterre redevienne catholique, que la notre force, et notre force est paysanne. Il finit par croire à soi, à la France, France redevienne chrétienne ! Prenez nos proportionnelle à notre vie. à Orléans, où battait alors le cœur de la vies... Mais faites vite !... patrie, à Dieu. Elle enfanta son roi : Mulier Les âmes très fortes mangent saintement le circumdabit virum, porte le texte dans son Initialement cela est dû à la force de corps du Christ et boivent son sang. Là où énergique crudité. Jeanne. n’est pas le corps du Christ, ilyaencore de belles âmes ; on cherche les âmes héroïques, Elle ressuscita les chevaliers. Depuis Je ne vous montrerai pas comment, sans en trouver.... Azincourt, ils montaient encore à cheval, martyre, elle fut forte. C’est inutile. mais sans entrain et comme s’ils eussent été L’Eglise catholique fait et donne le corps voués d’avance à la défaite irrémédiable. Ils du Christ ; c’est pourquoi, nous le disons sans s’ensevelissaient dans le pressentiment que la D’où provient cette orgueil, mais avec fermeté, elle produit les fin du royaume approchait ; or un tel force à cette enfant ? Saints, les Lallemand, les Brébeuf, les Jogues rayonnement de surnaturelle vigueur, une dont la fin, belle comme l’antique, nous telle « vertu » sortait de Jeanne qu’ils De l’hostie surtout. reporte aux supplices de Polycarpe de revinrent à la confiance. « Avant Jeanne, dit Smyrne et d’Ignace d’Antioche ; les Jeanne Dunois, dix Anglais auraient battu deux Mance, les Marguerite Bourgeoys, douces cents Français, avec Jeanne, dix Français D’où provient cette force à cette enfant ? créatures dont la charité s’éleva jusqu’à auraient battu deux cents Anglais. » De l’hostie surtout, répond hardiment l’oubli total et à l’immolation parfaite du l’Eglise dans la liturgie qu’elle lui a consacrée ; cher et égoïste moi humain. Enfin elle ressuscita ce qui est plus que les Pane cœlesti qui toties beatam Johannam aluit ad chevaliers et plus que le roi ; elle ressuscita victoriam. De l’hostie... Eh quoi, de l’hostie ? Fils et filles de l’Eucharistie, je vous salue l’antique opprimé, l’antique écrasé, celui que L’Eglise le dit. Croyons. Norma credendi, humblement, car je ne l’ignore pas, si, son oppression même, son écrasement formaprecandi. Comprenons aussi. logiques comme vous le fûtes, nous même rendaient indifférent aux destins du correspondions comme vous correspondîtes pays : le peuple. Que lui faisait à lui d’être Messieurs, dans tout l’ordre des choses, au Dieu caché qui s’approche de nous, la Armagnac, Bourguignon, Anglais, Français ? nous ne connaissons que deux forces grâce qui s’épanouit chez vous en sainteté, En serait-il moins battu et moins volé ? Mais autonomes libres : la première est absolue, s’épanouirait chez nous en la même floraison quand il eut vu cette petite fille sortie de lui, éternelle, surabondante : nous l’appelons sacrée. Aidez-nous ! frères et sœurs aînés, quand il eut ouï ses appels, quand il eut Dieu. Les secondes sont relatives, aidez-nous ! discerné, dans le ciel qu’elle ouvrait au- immortelles, subordonnées : ce sont les dessus de sa tête, les figures sacrées de consciences libres, anges et hommes. Jeanne fut une âme eucharistique comme Charlemagne et de saint Louis en prière, ceux que je viens de nommer, comme sainte comme elle disait, il se retrouva, notre Les consciences libres sont des forces Julienne, comme sainte Catherine de Sienne, peuple ! Il se passionna d’autonomie. Les vraiment : nous le sentons. Elles peuvent dire comme saint Stanislas Kostka, et elle fut vieux glaives, les vieilles masses d’armes non, et résister ; elles peuvent dire oui, et forte. qu’avaient maniés les Jacques sortirent de agir, elles sont donc des forces. leur rouille. Un souffle de nationalisme Sa petite maison de Domrémy jouxtait l’agita, le purifiant des terreurs et des Leur dignité est proportionnelle à la valeur l’Eglise. Seul, un étroit pourpris l’en séparait. lâchetés de la guerre de Cent Ans, comme les de leur activité ; la valeur de leur activité est Elle se composait, dans la partie consacrée à vents frais et doux purifient l’océan de ses déterminée par la conformité de celle-ci à la l’habitation de deux pièces, d’inégale miasmes et de ses brouillards. Et il advint ce loi. Plus une conscience libre opère, plus son grandeur, au rez-de-chaussée, et d’un fenil opération est conforme à la loi, plus sa au-dessus. La grande pièce était tout Les documents contrerévolutionnaires no 5 — Juillet 2000 3 ensemble la cuisine et la chambre à coucher y ait été enfermée. Des juges sauvages la ennemis. de Jacques d’Arc et de sa femme Isabelle harcelèrent d’interrogatoires féroces. Elle Romée, Jeanne y naquit. Les trois garçons se semble avoir été en butte à plus d’un attentat Consciences libres, mais consciences retiraient au fenil pour y dormir. Les deux duquel son ange seul la défendit. Cela dura défaillantes, nous tombons parce que nous filles occupaient un cabinet de 3 mètres de sans interruption entre cent cinquante et sommes seuls. Appelons à notre secours la large sur 5 mètres de long, éclairé par une très cent soixante jours. force infinie, surabondante, nous étroite fenêtre. marcherons d’un pas ferme par les plus rudes La fière enfant ne demanda rien à ses chemins. Je me suis agenouillé devant cette fenêtre : bourreaux, rien ! Ni plus de lumière, ni plus j’y ai prié plus d’une fois, longuement. Je me d’air, ni moins de chaînes, ni l’éloignement Entendons la voix de Pie X qui nous convie trouvais bien à cette place. J’ai cherché la des promiscuités abominables. Ils n’eurent à la communion fréquente, loyalement faite. trace des larmes de Jeanne et celle de ses pas la joie déshonorante de lui tirer une Celui qui communie ainsi n’est plus un, il est mains sur la planche de chêne qui forme plainte. Elle ne leur fit qu’une prière. Elle eût deux. Deux, et s’il est faiblesse, l’Autre est appui, car elle a prié là, elle a pleuré là, j’en voulu assister à la messe, y communier. Pas force ; car l’autre, c’est celui dont le nom suis sûr. De là, quand le jour avait baissé, elle de messe ! Pas de communion ! Cela c’était domine l’histoire, dont la figure domine apercevait la lueur de la lampe sacrée, à trop ! l’humanité, dont la croix domine le monde, travers les baies ogivales de la vieille petite dont l’autel désarme le bras de Dieu, met un église. Là elle est venue s’abîmer durant les Ils essayèrent de « jouer » de la messe et de peu de sainteté sur la terre, réjouit le ciel, nuits qui ont précédé son départ pour la la communion pour la décider à renier ses adoucit le purgatoire. C’est le Maître glorieuse et formidable aventure. Qu’a-t-elle voix. Si elle disait ne pas les avoir entendues, adorable, Jésus-Christ, l’Homme-Dieu, à qui dit de là, à Notre-Seigneur Jésus-Christ, elle irait à la messe ! Elle communierait ! soit louange, honneur, amour et gloire dans tandis que Jacques d’Arc et Isabelle Romée, L’homme a des ressources et des réserves les siècles des siècles ! Catherine, Jacques, Jacquemin, Pierre, d’infamie qui font trembler. dormaient, tout près, leur confiant sommeil ? Est-ce que je terminerai sans jeter un Qu’a-t-elle dit et que lui a répondu Jésus : O Le 31 au matin, deux heures avant le regard vers vous, ô mon pays ? Est-ce que je tristesses ! O encouragements ! O timidités ! supplice, Pierre Cauchon dit : « Donnez-lui ne demanderai pas une prière pour lui devant O ordres ! « Va, Fille de Dieu, va ; va ! » Car si tout ce qu’elle demandera. » On lui apporta l’Hostie sainte à tous ceux qui m’écoutent ? Michel, l’ange, parlait ainsi, Jésus le maître l’Hostie ; elle la reçut, et elle pleura. ne parlait pas différemment. Quels drames se C’est un noble pays, Messieurs, jouent dans l’âme des saints ! Elle remercia jusqu’à neuf heures et demie missionnaire généreux, chevaleresque, trop dans sa prison. Elle remercia sur la charrette généreux même, car il oublie facilement ce Une plaque avertit le voyageur qui passe de du bourreau Thierrache, pendant sa voie qu’il devrait ou ne pas oublier, ou bien la maison à l’église, que la table où Jeanne fit douloureuse, de l’enceinte castrale à la place oublier difficilement. Méchante tête parfois, sa première communion était posée sous le du Vieux-Marché. Elle remercia tandis que mais si brave cœur ! Il serait presque parfait, porche actuel. On lui montre un anneau de Nicolas Midy la prêchait interminablement, s’il avait une conception plus exacte, plus fer qui la scellait au mur. Supposé qu’il ait la que l’évêque de Beauvais l’abandonnait au pleine de la vie civique. Nous catholiques, foi (et même ne l’eût-il pas), il essaie de se bras séculier, et que le bailli la livrait au feu. nous prêtres, nous, évêques, nous représenter l’enfant à deux genoux, sur l’une Elle remercia en gravissant le bûcher que les travaillerons à lui donner cette conception. de ces dalles ; l’enfant, qui a déjà connu juges avaient fait très haut, à la taille de leur l’extase, qui a vu l’archange, qui a été baisée haine. Elle remercia quand, la torche funèbre En attendant, son Eglise, notre Eglise y au front par sainte Catherine et sainte s’étant approchée des fascines sèches, s’éleva traverse une période décisive de sa destinée ; Marguerite, qui a su la grande pitié du la colonne terrible de fumée suffocante et de elle a subi un choc redoutable, et elle y livre royaume de France. Il essaie de discerner les sombre flamme. Elle remercia encore quand une bataille magnifique. battements de ce cœur candide qui n’en a pas Jésus, probablement venant au-devant de sa moins d’inscrutables profondeurs. Il voit le martyre, elle cria, comme si elle avait aperçu A Québec j’ai expliqué en détail le curé, Messire Fronte, déposer l’hostie sur les quelque chose, quelqu’un, de longtemps comment et le pourquoi de ces deux lèvres de Jeanne, lentement, comme le matin attendu, d’une voix qui remplit la ville de affirmations. dépose une goutte de rosée sur la corolle d’un Rouen : « Jésus ! Jésus ! » Elle remerciait lys. Il regarde.... puis il ne voit plus rien, rien ; quand, inclinant la tête, elle remit son âme à Le choc a consisté en ceci, qu’on a essayé car la pensée lui défaille, quand il s’agit son auteur. Elle ne finit son remerciement de nous diviser : fidèles, curés, évêques, d’imaginer le premier contact de Jeanne et qu’au Paradis ! suprême Pontife. Mais la chaîne d’airain qui de Jésus. nous unissait était trempée dans notre commune foi et dans un commun amour. A dater de ce jour, Jeanne communia L’Eucharistie et Elle a résisté, rien ne l’a mordue ; rien ne la souvent, si souvent qu’au village on la mordra. trouvait un peu trop dévote. Jeanne ne se divisent Tout a été sacrifié plutôt que de briser une Au cours de ses campagnes, elle entendait pas. C’est par hiérarchie établie par le Christ et de violer un la messe quotidiennement plutôt deux ou ordre du Pape. trois fois qu’une, et s’approchait du l’Eucharistie que Sacrement autant qu’elle pouvait. On pourrait compter sur les doigts d’une Jeanne fut. seule main, et encore y aurait-il trop de Ses purifications de conscience doigts, les prêtres qui en cette circonstance préparatoires étaient vigilantes ; ses actions ont oublié leur serment d’obédience. Les de grâce émues. Le chanoine Compaing L’Eucharistie et Jeanne ne se divisent pas. Celle-là créa celle-ci. C’est par l’Eucharistie cinquante ou soixante mille autres n’ont atteste qu’elle n’assistait pas à un salut sans jamais perdu de vue ce Vatican d’où vient la fondre en larmes. que Jeanne fut. Le Pain sacré mit aux veines de la vierge un sang de vigueur, que ne purent lumière, le commandement et le courage. pâlir aucun danger, aucune torture. Elle ne Vous savez tous sa fin. Un jour de En quatre ans, nous avons reconstitué décembre 1430, elle fut conduite à Rouen, au prononça pas le mot de Sonis : « Quand on porte Dieu dans sa poitrine, on ne capitule notre outillage, bâti ou acheté des donjon bâti par Philippe-Auguste. On l’y séminaires, bâti ou acheté des évêchés, bâti enferma sous trois clefs. On la remit à cinq pas, » elle le vécut : pane qui fortius Beatam Johannamaluitadvictoriam. ou acheté des collèges. Nous avons nourri soldats infâmes appelés « housepailleurs » qui nos prêtres, pas richement, il est vrai, mais ne la quittaient ni jour ni nuit. On la ferra par suffisamment. Quand donc, d’ailleurs, avec les pieds, les mains, la ceinture, et on riva sa Chrétiens, consciences libres, mais consciences tentées, nous pouvons nous notre maigre budget des cultes, avions-nous chaîne à une lourde pièce de bois jetée dans été riches ? Ni prêtres, ni évêques, n’ont un coin du cachot. Dans un autre coin on restaurer du même pain que Jeanne, et comme Jeanne triompher de tous nos geint de cela. Nous nous sommes trouvés apporta une cage de fer. Je ne crois pas qu’elle bien avec notre plat de lentilles et la liberté 4 Les documents contrerévolutionnaires no 5 — Juillet 2000 reconquise. Un plat de lentilles et la liberté, • Marie-Madeleine Martin, Présence de Messieurs, quoique je ne souhaite ce régime Jeanned’Arc, 1989. Disponible à SA D. P. F. à personne — je le répète, puisque je l’ai dit ailleurs, — c’est exquis ! Nous avons soutenu • R. P. J. B. J. Ayroles, Jeanne d’Arc sur les nos écoles libres. Il n’y en a pas un demi-cent autels et la régénération de la France, réédition qui aient été fermées en France. Et toutes ces Éditions Saint-Rémi, 2000. Disponible aux formations, nous les avons réussies en pleine Éditions Saint-Rémi. crise, pour ainsi dire, sous le feu de l’ennemi. Adresses

Nos catholiques ont été admirables. Nos - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- clergés ne l’ont pas été moins. Souffrez que Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : j’envoie mon admiration, oui, mon 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. admiration à ces curés de campagne, notamment, que rien n’a pu décourager, que - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 rien n’a pu fléchir, que rien n’entamera, que Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; leurs épreuves, au contraire, exaltent http://www.litoo.com. présentement dans une évangélisation, qu’il faut bien l’avouer, les ligotages du Concordat rendaient difficile, et que les libertés de la 99 rupture rendent opportune et presque aisée.

Tous les clergés catholiques du monde Prière à sainte Jeanne d’Arc posés dans les mêmes conjonctures que nous eussent agi comme nous ; comme nous, en O Dieu, qui, d’une manière admirable, avez face de la porte du tabernacle, ils se seraient suscité la bienheureuse Vierge Jeanne pour dit que le plus grand honneur que Dieu protéger la foi et la patrie : faites par son puisse faire à un prêtre, c’est de l’appeler à intercession, nous vous en prions, que votre partager un instant la croix de Jésus. Encore, Église triomphe des embûches des ennemis cependant, est-ce nous qui sommes et jouisse d’une paix durable. Par Notre- actuellement à cette fête austère. Priez donc Seigneur Jésus-Christ votre Fils, qui, étant tous pour nous. Dieu, vit et règne avec vous, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Priez pour nos fidèles, nos prêtres, nos Ainsi soit-il. clercs. Priez pour nos évêques. Priez Jésus- Christ, source de force. Que, force de Jeanne (CollectedelamessedesainteJeanned’Arc,30mai.) la Française, ils deviennent la force de l’Eglise de France : De inimicis nostris victores 99 efficiat! Prière à saint Michel Archange Une telle prière sera la poignée de main par-dessus l’Océan des héritiers de Jacques Saint Michel Archange, défendez-nous dans Cartier, de Samuel de Champlain, de le combat ; soyez notre secours contre la d’Iberville, de Montcalm, de Lévis, de méchanceté et les embûches du démon. Salaberry à leurs frères de France. Et cette « Que Dieu lui commande », nous le poignée de main vaillante et chaude comme demandons en suppliant ; et vous, Prince de vos cœurs, Messieurs, je n’ai pas à vous dire la milice céleste, repoussez en enfer, par la que nous l’estimerons un encouragement, puissance divine, Satan et les autres esprits une cause de joie et un honneur. mauvais qui rôdent dans le monde pour perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la YYY récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, Ouvragesrecommandés sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et • R. P. Eugène Couet, Les miracles d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en historiques du Saint Sacrement, 1898, réédition peut être assuré, est de leur opposer des écrits D. F. T., 1998. Disponible à SA D. P. F. salutaires et de les répandre. • R. P. Martin de Cochem, Explication du S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. Saint Sacrifice de la Messe, 1899, réédition 9 1987. Disponible à SA D. P. F. Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et • Abbé Daniel Joly, La messe expliquée aux d’histoire contrerévolutionnaires. Face au fidèles.Disponible à SA D. P. F. déferlement de littérature révolutionnaire à • R. P. Coube, S. J., HoméliesurSainteJeanne vil prix qui outrage la majesté divine, détruit d’Arc, 1899. Disponible à SA D. P. F. la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir • Pierre Virion,Le Mystère de Jeanne d’Arc , des catholiques de redoubler d’effort pour réédition Pierre Téqui, 1995. Disponible à diffuser la saine littérature catholique. SA D. P. F. Toutereproductionestautorisée. • Mgr Henri Delassus, La mission posthume de Sainte Jeanne d’Arc et le règne social de Notre- Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- Seigneur Jésus-Christ, réédition Éditions des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Sainte Jeanne d’Arc, 1983. Disponible à SA Email : [email protected]. URL : D. P. F. et aux Éditions Saint-Rémi. http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 6— Août 2000

ambitieux desseins pour faire voir à toutes les postérité ne puisse manquer à suivre nos Le vœu de Louis nations que, comme sa providence a fondé volontés en ce sujet, pour monument et cet Etat, sa bonté le conserve et sa puissance marque immortelle de la consécration XIII le défend. présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de Tant de grâces si évidentes font que pour l’église-cathédrale de Paris, avec une image n’en différer pas la reconnaissance, sans de la Vierge qui tiendra entre les bras celle de 9 attendre la paix, qui nous viendra sans doute son précieux fils descendu de la croix ; nous de la même main dont nous les avons reçues, serons représentés aux pieds du fils et de la et que nous désirons avec ardeur pour en mère, comme leur offrant notre couronne et Ordonnance du Roi Louis faire sentir les fruits aux peuples qui nous notre sceptre. XIII, 10 février 1638 sont commis, nous avons cru être obligés, nous prosternant aux pieds de la majesté Nous admonestons le Sr. archevêque de divine, que nous adorons en trois personnes, Paris, et néanmoins lui enjoignons que tous à ceux de la Sainte Vierge, et de la sacrée les ans, le jour et fête de l’Assomption, il fasse YYY croix, où nous révérons l’accomplissement faire commémoration de notre vœu à la des mystères de notre Rédemption par la vie grande messe qui se dira en son église- et la mort du fils de Dieu en notre chair, nous cathédrale, et qu’après les vêpres du dit jour il ouis, par la grâce de Dieu roi de France consacrer à la grandeur de Dieu par son fils, soit fait une procession en la dite église, à et de Navarre, à tous ceux qui ces rabaissé jusqu’à nous, et à ce Fils par sa Mère, laquelle assisteront toutes les compagnies L élevée jusqu’à lui, en la protection de laquelle souveraines et le corps de ville, avec pareille présentes lettres verront, salut. Dieu qui élève les rois au trône de leur grandeur, nous mettons particulièrement notre cérémonie que celle qui s’observe aux non content de nous avoir donné l’esprit qu’il personne, notre Etat, notre couronne et tous processions générales plus solennelles, ce départ à tous les princes de la terre pour la nos sujets, pour obtenir par ce moyen celle de que nous voulons aussi être fait en toutes les conduite de leurs peuples, a voulu prendre un la Sainte Trinité par son intercession, et de églises, tant paroissiales que celles des soin si spécial, et de notre personne et de toute la cour céleste par son autorité et son monastères de la dite ville et faubourgs, et en notre état, que nous ne pouvons considérer le exemple. Nos mains n’étant pas assez pures toutes les villes, bourgs et villages du dit bonheur du cours de notre règne sans y voir pour présenter nos offrandes à la pureté diocèse de Paris. Exhortons pareillement autant d’effets merveilleux de sa bonté, que même, nous croyons que celles qui ont été tous les archevêques et évêques de notre d’accidents qui nous pouvaient perdre. dignes de la porter les rendront hosties royaume, et néanmoins leur enjoignons de Lorsque nous sommes entrés au agréables, et c’est chose bien raisonnable faire célébrer la même solennité en leurs gouvernement de cette couronne, la faiblesse qu’ayant été médiatrice de ses bienfaits elle églises épiscopales et autres églises de leur de notre âge donna sujet à quelques mauvais le soit de nos actions de grâces. diocèse, entendant qu’à la dite cérémonie les esprits d’en troubler la tranquillité ; mais cours de Parlement et autres compagnies cette main divine soutint avec tant de force souveraines, et où il n’y aurait compagnies la justice de notre cause, que l’on vit en même Prenant la très sainte et souveraines, les principaux officiers des villes temps la naissance et la fin de ces pernicieux y soient présents. desseins. très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale Et d’autant qu’il y a plusieurs églises qui ne En divers autres temps, l’artifice des sont point dédiées à la Vierge, nous hommes et la malice du diable ayant suscité de notre royaume, nous exhortons les dits archevêques et évêques, en et fomenté des divisions non moins lui consacrons ce cas, de lui dédier la principale chapelle des dangereuses pour notre couronne que particulièrement notre dites églises, pour y être faite la dite préjudiciables au repos de notre maison, il lui cérémonie, et d’y élever un autel avec un a plu en détourner le mal avec autant de personne, notre Etat, ornement convenable à une action si célèbre, douceur que de justice. La rébellion de notre couronne et et d’admonester tous nos peuples d’avoir une l’hérésie ayant aussi formé un parti dans dévotion particulière à la Vierge, d’implorer l’Etat, qui n’avait autre but que de partager nos sujets. en ce jour sa protection, afin que, sous une si notre autorité, il s’est servi de nous pour en puissante patronne, notre royaume soit à abattre l’orgueil, a permis que nous ayons couvert de toutes les entreprises de ses relevé ses saints autels en tous les lieux où la A ces causes, nous avons déclaré et ennemis, qu’il jouisse longuement d’une violence de cet injuste parti en avait ôté les déclarons que, prenant la très sainte et très bonne paix, que Dieu y soit servi et révéré si marques. Si nous avons entrepris la glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de saintement que nous et nos sujets puissions protection de nos alliés, il a donné des succès notre royaume, nous lui consacrons arriver heureusement à la dernière fin pour si heureux à nos armes, qu’à la vue de toute particulièrement notre personne, notre Etat, laquelle nous avons tous été créés. l’Europe, contre l’espérance de tout le notre couronne et nos sujets, la suppliant de monde, nous les avons rétablis en la nous vouloir nous inspirer une si sainte possession de leurs Etats dont ils avaient été conduite, et défendre avec tant de soin ce YYY dépouillés. royaume contre l’effort de tous ses ennemis, que soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou Si les plus grandes forces des ennemis de jouisse des douceurs de la paix, que nous cette couronne se sont ralliées pour demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne Mgr Moussaron, évêque de conspirer sa ruine, il a confondu leurs sorte point des voies de la grâce, qui conduisent à celles de la gloire. Et afin que la Cahors, Sermon prononcé à la 2 Les documents contrerévolutionnaires no 6 — Août 2000 basilique Notre-Dame, in très glorieuse Vierge pour patronne spéciale de l’éclat même des Anges et des Saints. de son royaume, il lui consacrait Souveraineté de Marie particulièrement sa personne, son État, sa Marie le sait bien et voilà pourquoi, malgré son humilité ou plutôt à cause d’elle, devant (Congrès marial de Boulogne- sa cousine qui salue en elle la Mère de son sur-mer 1938), Paris : Desclée C’était la France Dieu, elle ne peut s’empêcher de chanter son «Magnificat ». Elle remercie le Tout-Puissant de Brouwer, 1938, pp. 480- elle-même qui qui vient de faire en elle de si grandes choses, 499. qui a exalté sa bassesse, transformé en de s’agenouillait devant telles richesses son dénuement, et l’a la Vierge pour comblée d’un bonheur que proclameront otre histoire ne manque pas toutes les générations. d’événements dont nous puissions reconnaître sa N A sa Maternité divine la Sainte Vierge doit être fiers et qui nous ménagent d’utiles leçons. Il n’en est guère cependant royauté, se placer d’être Reine d’abord par sa beauté. Certes dont la commémoration ait été fêtée avec avant elle et surtout après elle, de autant d’ampleur et de solennité que celle du sous sa protection magnifiques fleurs de sainteté se sont vœu de Louis XIII. épanouies sur la terre. Israël a célébré la et se donner à Elle. piété, la vertu, le courage des femmes qui Ce n’est pas seulement quelques jours et l’ont sauvé et qui s’avancent au cours des sur quelques points du territoire que l’on a couronne et ses sujets » ; lorsque le 15 août siècles comme des figures annonciatrices de célébré ce souvenir trois fois centenaire. Il y suivant dans l’Église des Minimes, à la beauté de Marie. Le Christianisme a élevé aura bientôt un an, comme un immense Abbeville, entouré du cardinal de Richelieu, par centaines sur ses autels les héros de la cortège s’est ébranlé en son honneur à travers de plusieurs Évêques, de toute la cour, des virginité, de la pénitence, de l’apostolat et du tout le pays et jusque par delà les mers, dans capitaines de l’armée en campagne et d’une Martyre. Mais il n’y a qu’une créature à qui le nos colonies. Les unes après les autres on a vu grande foule de soldats et de serviteurs, il ciel et la terre osent dire : « Tota pulchra es... et entrer dans cette procession vibrante de prononçait lui-même l’acte de consécration macula non est in te. Vous êtes toute belle et il cantiques et d’Ave toutes les églises devant le Saint-Sacrement exposé et, le soir, n’y a pas de tache en vous (Cant. IV, 7). » C’est françaises, aussi bien celles qui abritent leurs suivait la première procession annuelle qu’il qu’il n’y a qu’une créature dont le rôle fidèles sous un pauvre toit de chaume au fond avait prescrite, il y avait là plus qu’un geste de surhumain ait exigé une beauté totale. Du de la forêt africaine que celles qui accueillent dévotion personnelle provoqué par les soucis moment que Marie devait écraser de son notre prière sous la majesté de leurs coupoles du moment. C’était la France elle-même qui, talon la tête du serpent, ne fallait-il pas ou de leurs voûtes. Et maintenant voici officiellement, dans la personne de son chef, qu’elle fût à l’abri de ses morsures ? La Mère qu’ayant parcouru toute la terre, où à côté de s’agenouillait devant la Vierge pour de Dieu ne devait-elle pas avoir une âme sans la croix flottent les trois couleurs, et après reconnaître sa royauté, se placer sous sa souillure et dans cette âme toutes les vertus s’être chargée dans sa marche de tout ce que protection et se donner à Elle. ne devaient-elles pas se donner rendez-vous la piété mariale et le souci patriotique ont pu avec leur parfum et leur éclat ? Elle était susciter de ferveur, elle vient, sur l’invitation A celle que sa beauté, sa dignité, sa chargée de réparer avec Jésus-Christ et par de Mgr l’évêque d’Arras, s’arrêter cette puissance, son amour élèvent au-dessus de lui le monde dévasté par la chute : ne semaine dans un sanctuaire particulièrement toutes les créatures, la France disait alors : convenait-il pas que ce monde primitif se désigné par son antiquité et son « O Reine du ciel et de la terre, je vous salue. révélât en elle, tel qu’il était sorti en sa rayonnement pour la recevoir. Salve Regina. » Mais en même temps, à richesse intacte et sa fraîcheur matinale des l’adresse de celle qui dans son empire mains du Créateur ? Représentée par ses cardinaux, ses universel a daigné distinguer entre la évêques, un grand nombre de ses prêtres, Manche et les Pyrénées, l’Océan et les Alpes, Et de fait, parce qu’elle sera Mère de Dieu, l’élite de ses fidèles, toute la France une terre pour lui témoigner plus d’amour et par un privilège insigne et en prévision des Catholique va être là pour revivre cette lui porter plus de secours, notre patrie mérites de son Fils, elle sera conçue sans lointaine page de nos annales. Plus que cela. ajoutait en lui tendant son cœur et son péché et dans l’harmonieuse nature de Le Pape lui-même a voulu en être. Certes, Pie avenir : « Reine de France, je vous salue. Salve l’Immaculée où la matière sera totalement XI avait beaucoup fait déjà pour cette année Regina.» soumise à l’esprit, où l’esprit se laissera mariale en l’enrichissant des grâces si conduire par la charité, où tout chantera précieuses du jubilé. Ajoutée à tant d’autres, Ainsi, un hommage et une donation ; un l’amour du Créateur, où tout voudra sa cette nouvelle preuve de l’affection hommage inspiré par la foi, une donation gloire, dans la pureté splendide d’une pensée paternelle du Pontife glorieusement régnant dictée par la reconnaissance et par le besoin : et d’un cœur où rien ne troublera le reflet du pour la nation qu’il se plaisait à appeler ces tel fut le vœu de Louis XIII et voilà ce qui lui ciel, et où la grâce surabondante puisée au jours-ci encore la Fille aînée de l’Église, donne son sens religieux et sa portée contact même du Créateur et servie par une aurait suffi à faire jaillir de notre cœur à son nationale. Il nous sera bon de le méditer afin générosité sans défaillance, enfantera de adresse la reconnaissance la plus vive. Mais qu’à ce double point de vue nous lui telles merveilles que toutes les perfections lui ne s’en est pas contenté. Il a décidé d’être demeurions fidèles. des Saints et des Anges réunies ne sauraient au milieu de nous par un autre lui-même rivaliser avec elle ; enfin dans le charme présidant ce Congrès, nous parlant, nous La royauté universelle de Marie à laquelle même d’un corps que sa noble délicatesse a bénissant dans la personne de son Légat, le vœu de Louis XIII a voulu être d’abord un adapté au rôle de tabernacle divin, et à donnant ainsi à notre fierté et à notre joie la hommage, découle de sa Maternité divine. travers lequel l’âme qui l’a modelé, laisse plus haute consécration, à nos prières et à C’est à l’heure où en réponse au message de passer ses rayons, Dieu pourra comme au nos espoirs l’encouragement le plus sûr. l’archange elle a prononcé son «Fiat », qu’elle premier jour contempler son œuvre et la s’est établie avec Jésus au centre du monde et trouver bonne. Pouvait-on, Mes Frères, souligner plus de l’histoire, et que l’éternité elle-même avec fortement qu’au regard de la piété comme du l’infini de ses desseins et de ses réalisations Reine de l’Univers, Marie l’est encore par patriotisme, le fait historique dont le s’est mise, pour ainsi parler, à tourner autour sa dignité. souvenir nous rassemble est d’une d’elle. La jeune paysanne de Nazareth est importance exceptionnelle et que, même devenue alors la femme, qu’un jour, le Elle habite, nous dit saint Thomas, sur les après trois cents ans, l’intérêt n’en est pas Voyant de Pathmos devait apercevoir confins mêmes de la Trinité. Les liens les amoindri ? comme un grand signe dans les cieux, revêtue plus étroits et les plus sacrés l’unissent aux comme d’un soleil de la gloire divine, ayant personnes divines. Fille préférée du Père, « il En effet, lorsque le 10 février 1638, dans un sous la forme d’un croissant de lune aux l’a portée dans son amour dès le édit daté de Saint-Germain-en-Laye, Louis splendeurs voilées l’Église de la terre sous ses commencement de ses voies (Prov . 8-22) ». Le XIII déclarait que « prenant la très sainte et pieds, et couronnée ainsi que douze étoiles Saint-Esprit peut la revendiquer pour épouse, puisqu’elle a été sa chaste Les documents contrerévolutionnaires no 6 — Août 2000 3 collaboratrice dans le mystère de soit mis par votre amour à notre service, et acharnée de la royauté de Marie, c’est de l’Incarnation. Surtout elle est la Mère du Fils qu’en vous nommant notre Reine nous lèvres de chez nous que s’élève avec une de Dieu fait Homme. Celui que le monde ne puissions aussi vous nommer notre Mère : particulière ferveur l’hymne à cette Royauté. peut contenir, elle l’a porté dans son sein. «».SalveRegina,Matermisericordiae C’est une des caractéristiques de l’École Celui dont la parole toute puissante a fait mystique qu’on a appelée à cause de ses jaillir du néant toutes les variétés et toutes les Car nous savons un peu, — on ne le sait représentants et de son esprit, l’École splendeurs de la vie, elle l’a nourri de son lait. jamais tout à fait, — ce qu’est une mère, et française. Si personne ne s’y place avant le Celui devant lequel s’inclinent les Saints et qu’un cœur de mère est parmi les hommes le cardinal de Bérulle, dont Bossuet déclare que les Anges, s’incline devant elle et la nomme sa chef-d’œuvre de Dieu, ce qui, ici-bas, nous « même la pourpre romaine n’a rien ajouté à Mère. Pareillement associée à la vie et à parle le mieux de lui. Mais alors, que doit être sa dignité et qu’il a fait luire à toute l’Église l’œuvre des personnes divines, comment ne la Mère du ciel, elle qui nous connaît à fond gallicane les lumières les plus pures et les plus le serait-elle pas aussi à leur souveraineté ? puisqu’elle nous voit dans la pensée même de sublimes du sacerdoce et de la vie Dieu, elle dont aucune faiblesse ne vient ecclésiastique (BOSSUET : Orais. fun. du R. P. A cette souveraineté d’ailleurs elle a des limiter ou égarer l’attachement, elle qui veut Bourguoing.) », jamais non plus, avant lui, la titres personnels. Elle est Reine par droit de notre bien dans toute sa vérité, elle qui nous langue française n’avait parlé avec tant de conquête. aime d’autant plus que nous lui avons coûté précision, d’abondance, d’élévation et de plus cher. tendresse, des grandeurs de Marie découlant Ah ! nous savons bien que lorsqu’elle a du mystère de l’Incarnation. Et cette piété accepté de devenir la Mère de Dieu, elle ne Ajoutez d’ailleurs que cette Mère qui veut liée si fortement au dogme, de Bérulle elle s’est point fait d’illusion sur le sort qui tout notre bien peut tout aussi pour nous passe dans les Carmels qu’il vient l’attendait. Avec la pénétration d’une l’obtenir. Et sans doute tel doit être déjà d’introduire en France, dans le cœur et dans intelligence que la tare originelle n’avait l’effet d’une prière que ses perfections et son les écrits de ses illustres disciples, les point émoussée, avec sa connaissance des autorité de Mère de Jésus rendent Condren, les Olier, les Vincent de Paul qui, à Saintes Écritures longtemps méditées à irrésistible. Mais c’est à cause même du rôle leur tour, en pénètrent les clercs qu’ils sont l’ombre du Temple, elle a vu tout de suite qu’elle a joué dans la Rédemption que son en train de former et les familles religieuses quelle héroïque perspective ouvrait devant intercession est toute puissante. Parce que dont ils sont les fondateurs. On l’a justement elle ce nom de Jésus. Si le Messie doit être les dons de Dieu sont sans repentance, la remarqué, avec eux, c’est Marie, Reine du l’Homme des Douleurs, elle sera, elle, la grâce qui nous a été donnée une première ciel et de la terre, qui mène en France le Mère des Douleurs. Aussi n’a-t-elle pas fois par elle, continue à nous arriver sous ses renouveau religieux à la victoire. Louis XIII besoin d’attendre que le vieillard Siméon le différentes formes par elle. Plus encore que ne connaîtra pas de gloire plus pure que d’y lui prédise pour sentir la pointe du glaive lui les mères de la terre qui ne se contentent pas avoir contribué. entrer dans le cœur. Et désormais, chaque de mettre au monde leur enfant mais veillent jour, à mesure qu’elle se rapprochera de la sur lui, même lorsque l’âge les rend Quoi d’étonnant qu’il se soit laissé prendre, Croix, le glaive s’enfoncera davantage. Mais, incapables de se défendre elles-mêmes, lui aussi, au charme de la dévotion mariale ? Il chaque jour aussi, elle redira pour notre salut, Marie reste auprès de nous pour protéger et était naturellement pieux. Il trouvait le culte comme à l’heure de l'Annonciation, le «Fiat » faire grandir la vie que nous tenons de son de la Sainte Vierge très vivant au cœur de de l’acceptation et de l’offrande. Elle le redira amour. Universelle Médiatrice, elle demeure ceux qui l’entouraient, le servaient et jusqu’à l’heure d’agonie qu’elle connaîtra au pour nous la Porte du Ciel. l’aimaient, en particulier Richelieu que les Calvaire, mêlant ses larmes au sang de son soucis de la politique n’empêchaient pas de Fils. « Vous avez été rachetés à un grand prix, De tout temps, pour faire plus vaillamment faire oraison, le P. Joseph qui, entre deux dit saint Paul, en songeant à Jésus (I. Cor. 6- son rude pèlerinage sur les routes de la terre, missions diplomatiques, trouvait le temps 20) » Ne peut-on pas tenir le même langage l’humanité a aimé lever les yeux vers cette d’écrire des livres de spiritualité et de fonder en songeant à sa Mère ? radieuse vision que la Maternité divine a une congrégation en l’honneur de Notre- couronnée de beauté, de puissance et Dame du Calvaire, enfin la touchante Louise Mais voici qu’au moment où le d’amour. Reine, Marie l’a été pour l’Église de Lafayette à qui l’admiration de la Cour et dévouement de Marie pour nous atteint au naissante, alors que les Apôtres cherchaient l’amour même du roi n’avaient pu barrer la plus haut point de l’héroïsme, il reçoit aussi auprès d’elle comme le parfum attardé de la route du cloître. Bérulle lui-même dont le sa plus grande fécondité. Les larmes qui nous présence de Jésus et le courage de continuer crédit avait été grand auprès de Henri IV et rachètent, nous engendrent. Marie n’est pas son œuvre. Reine, elle l’a été pour les siècles de Marie de Médicis, et qui avait été sur le seulement notre Rédemptrice, elle devient de persécution, alors que les Martyrs point de devenir le précepteur du Dauphin, notre Mère. regardaient vers la Mère des douleurs pour avait dû exercer sur lui une influence directe. ne point faiblir au milieu des supplices. Marie notre Mère ! Oh, certes, nous nous Reine, elle l’a été pendant la période des Aussi le vœu de Louis XIII consacrant sa réjouissons avec fierté, Vierge bénie, de voir grandes luttes doctrinales, alors que Pères de personne et son royaume à la Sainte Vierge que devant votre royauté comme devant l’Église, Docteurs, Conciles défendaient ses nous apparaît-il tout d’abord comme celle de votre Fils, tout genou fléchit dans le prérogatives contre l’hérésie. Agenouillés l’expression officielle d’un sentiment ciel, sur la terre et dans les enfers. Nous devant les timides ébauches de la Vierge- unanime. Ce qui s’affirme là, c’est la piété sommes heureux de savoir que votre corps Mère que peut-être la main d’un martyr a profonde d’un monarque et d’un peuple virginal ayant échappé à la corruption du tracées sur les parois des catacombes ou heureux de reconnaître et de vénérer dans la tombeau, tout de suite après votre mort, le devant les vieilles icones au front desquelles Mère du Verbe Incarné une Souveraineté ciel s’est ouvert devant vous et que vous y l’Église d'Orient ne savait mettre de plus universelle. avez reçu des mains de Jésus, aux riche diadème que le mot vainqueur acclamations de la cour céleste, une d’Éphèse,qeotokos , Mère de Dieu, ou Nous ne saurions, Mes Frères, célébrer couronne dans laquelle vos prérogatives et devant les Vierges couronnées et vêtues en dignement un tel souvenir sans lui garder ce vos vertus ont serti de tels diamants que les impératrice qu’on peut admirer encore aux même sens religieux. Il serait vain et déplacé nimbes les plus brillants des Apôtres, des murs des antiques basiliques romaines, ou que notre actuelle démarche s’inspirât d’un Martyrs, des Confesseurs et des Vierges, et la devant les Vierges en majesté que le moyen entraînement superficiel ou d’un culte beauté même des Anges pâlissent devant âge sculptait au portail de ses cathédrales et aveugle du passé. Pour l’honneur de la Vierge elle. Cela nous rassure et nous venge, faisait flamboyer dans leurs verrières, ou et pour notre bien, il faut au contraire qu’elle qu’ayant vaincu une première fois le serpent, devant les Madones dues au pinceau ou au émane d’une conviction éclairée et fervente. vous continuiez à défendre victorieusement ciseau de la Renaissance, les fidèles de toutes Ce devra être un des principaux bienfaits de contre lui la vérité et la vertu. « Specie tua et les époques ont été heureux de saluer dans la ce Congrès que nous en sortions résolus à pulchritudine tua intende, prospere, procede et Mère de Jésus la Reine de l’Univers : Salve connaître davantage notre divine Mère pour regna. Avec votre gloire et votre beauté Regina. la mieux aimer, à étudier avec plus de soin et avancez, marchez victorieusement et régnez à méditer avec plus de cœur les titres de sa (Ps. 44, 5) » Mais ce qui nous touche surtout, Mais quelle fierté de constater qu’après les royauté et la miséricorde avec laquelle elle c’est que tant de grandeur et de puissance jours sombres de la Réforme, ennemie l’exerce, afin que nous devenions ses sujets 4 Les documents contrerévolutionnaires no 6 — Août 2000 encore plus soumis et confiants. Nous ce pays. Royaume de Marie, nous l’étions Qui donc, Mes Frères, rien qu’à considérer n’abandonnerons pas pour autant les bien avant Louis XIII. Nous le sommes ces onze premiers siècles de notre histoire, pratiques extérieures recommandées en son devenus davantage depuis que par son vœu se pourrait douter que la Sainte Vierge ne s’y honneur. Elles y gagneront, au contraire, de trouve inscrit dans un acte public ce qui soit fait la réputation, si flatteuse pour nous, devenir plus conscientes, plus aimées et plus l’était déjà dans les faits. de Reine de France ? A vrai dire, nos pères l’y bienfaisantes. Au lieu d’être le cierge de ont bien aidée. « Tu es, ô notre Vierge, s’écrie qualité inférieure qu’on pique parfois d’une Si l’on en croit une véritable tradition, nous Mistral, Notre-Dame de France, un nom que main distraite devant une statue de la Vierge étions les sujets de Marie avant même nous t’avons fait. » et qui y fait moins de lumière que de fumée, qu’aient commencé son histoire et la nôtre. notre piété mariale voudra monter comme Elle n’était pas encore née et nous n’étions Oui, Mes Frères, ce nom, Notre-Dame de une flamme pure et ardente où se consume nous-mêmes qu’une poussière de peuplades France, nous le lui avons fait, et d’abord avec toute une vie faite de foi, d’imitation et que s’affirmaient déjà des affinités nos pierres. Depuis que saint Pothin donna d’amour. Plus encore que nos lèvres, ce annonciatrices de notre vocation. De même pour abri à l’image de Marie qu’il avait seront nos sentiments et nos actes qui diront que les Athéniens avaient dressé un autel au apportée de l’Orient la crypte actuelle de à la Reine du ciel et de la terre : SalveRegina. Dieu inconnu, nos pères les Gaulois, Saint-Nizier de Lyon, depuis que dans une vénéraient, eux, au fond de leurs forêts « la faille pittoresque de nos Causses saint Salve Regina. Ce salut de notre piété à Vierge qui devait enfanter ». Ainsi dès notre Amadour bâtit le sanctuaire qui a été Marie, Reine de l’univers, notre patriotisme entrée dans l’histoire nous avions pris la pendant des siècles un des plus fréquentés de n’aurait-il pas le droit de l’adresser à Marie, route providentielle qui mène à Dieu : « A la chrétienté, combien d’autres, modestes ou Reine de France ? Jésus par Marie ». De toutes les nations magnifiques, ont jailli de notre sol à la gloire modernes, la France fut la première à de Marie ! C’est pour elle surtout que selon le Il fut un temps où volontiers on le disait recevoir le baptême, devenant ainsi la fille mot gracieux d’un de nos plus anciens chez nous. La vieille et douce affirmation : aînée de Marie en même temps que la Fille annalistes, notre terre « s’est couverte d’un «Regnum Galliae, regnum Mariae ,»onaimait aînée de l’Église. Et Clovis était tellement blanc manteau d’églises ». Elles ont été, au la faire sonner comme un chant de gloire et convaincu qu’avec la main de Clotilde la XIIIe siècle, si nombreuses et si belles, et d’espérance. Que de cœurs se sont émus, que main de la Vierge l’avait conduit au baptême elles sont nées du sentiment si profond de d’enthousiasmes se sont allumés au contact qu’il fit aussitôt bâtir en son honneur, aux tout un peuple, qui mettait là, avec son de cette conviction ! Que de courages ont été frontières du royaume, le sanctuaire qui argent, ses sueurs ou son génie, le meilleur de par elle entraînés à l’effort et au sacrifice. On devait devenir un jour Notre-Dame de son âme, que Michelet a pu dire de ce siècle ne sait pas tout ce que nous lui devons. Strasbourg. qu’il « était un acte de foi à la Vierge traduit en pierre ». Mais il semble que depuis quelques années, Ce fut le premier ex-voto que la piété cette belle flamme avait été mise en veilleuse. reconnaissante de nos aïeux à l’égard de Notre-Dame de France, un nom que nous La royauté de Marie sur la France était un Marie accrocha à la terre de France. lui avons fait aussi avec notre sang, sang qui thème quelque peu délaissé. C’était chez le L’occasion n’allait pas leur manquer d’en s’impatientait déjà dans les veines de Clovis plus grand nombre prudence et délicatesse offrir d’autres à leur céleste Souveraine. Car écoutant le récit de la Passion, et qui n’a cessé excessives. En rappelant que Marie « n’en a chaque fois qu’un danger grave les menacera, de couler sur les champs de bataille où les pas autant fait pour les autres nations » on elle sera avec eux. Voyez plutôt. Elle est avec ennemis du Christ, de sa Mère, ou de son avait peur de donner un aspect chauvin à eux lorsque Charlemagne triomphe des Église mettaient leurs droits en péril. notre dévotion mariale et de paraître vouloir Saxons païens, des Arabes musulmans et des confisquer à notre profit un amour maternel Lombards persécuteurs du Saint-Siège. Elle Notre-Dame de France, un nom que nous sur lequel tous les pays doivent pouvoir est avec eux moins d’un siècle plus tard, lui avons fait avec le savoir et la piété des compter. lorsque sous les murs de Chartres, les docteurs et des saints qui sont nés chez nous Normands, réputés jusque-là invincibles, ou sont venus y chercher le théâtre de leur Félicitons-nous de ce que ce centenaire reculent en désordre devant son voile porté enseignement ou de leur apostolat. Saint soit venu triompher de ces timidités et en guise d’étendard. Elle est avec eux dans Irénée, Alcuin, Saint-Hilaire, saint Bernard, remettre en pleine lumière une vérité l’épopée des Croisades, puisque c’est d’une saint Albert le Grand, Vincent de Paul, historique qui nous attache encore plus à la église de Notre-Dame, à Clermont, qu’ils Hugues de Saint-Victor, saint Thomas, saint Sainte Vierge et nous inspire au service de la partent pour la première fois à la conquête Bonaventure, Duns Scot et la Sorbonne qui patrie un dévouement plus fier et plus des Lieux Saints et qu’ils mêlent le chant du se croisèrent avec un élan si chevaleresque confiant. Au surplus ce n’est pas à nous «Salve Regina » au cri de « Dieu le veut ». Elle pour défendre l’Immaculée-Conception, les souvenir de ces antiques et pures traditions est avec eux en 1214, à Bouvines, accordant la contemporains de Louis XIII que nous que nous risquerons de nous hérisser contre victoire à Philippe-Auguste qui, ayant senti nommions tout à l’heure, en attendant l’étranger, à l’exemple de ceux qui cherchent passer le vent de la défaite, a eu le geste de Bossuet dont l’éloquence sans rivale a si bien à se rajeunir en se replongeant dans leurs Clovis et l’a appelée au secours. Elle est avec chanté la gloire de Marie et le Bienheureux origines païennes. Tout au contraire, au eux au XIIIe siècle, pour barrer la route à Grignion de Montfort à la dévotion si point de vue national comme au point de vue l’hérésie albigeoise, remportant avec le ardente et si confiante : quel magnifique individuel, la dévotion à la Mère commune pacifique rosaire de saint Dominique plus de hommage de la France à sa Souveraine ! ne peut-être que génératrice de paix et de victoires que Simon de Montfort avec son fraternité. S’il se trouve un pays auquel Marie épée. Elle est avec eux durant tout le moyen Moins que personne Louis XIII ne pouvait témoigne plus d’amour, il a le devoir de se âge où, affinant, attendrissant, élevant l’âme ignorer ces séculaires faits d’assistance montrer plus dévoué pour les autres. A barbare, elle y fait fleurir cette merveille maternelle et de gratitude filiale, qui l’exemple de la Vierge elle-même, il ne reçoit d’idéalisme qu’est la Chevalerie et, ayant unissaient la Sainte Vierge à notre Patrie. En que pour donner. écouté la prière de Blanche de Castille, l’année 1636 surtout, il lui était opportun de donne à la France le plus saint et le plus aimé s’en souvenir. Sans doute le péril protestant de ses rois. Elle est avec eux lorsque, pour était conjuré. Mais la noblesse en révolte Royaume de Marie, nous sauver d’être anglais et donc de devenir tantôt sournoise tantôt déclarée, menaçait hérétiques, elle exauce la prière des pèlerins toujours la paix intérieure, cependant que les nous l’étions bien de Notre-Dame-du-Puy et de Notre-Dame Impériaux avaient forcé notre frontière et de Roc-Amadour, et suscite la pure et poussé leurs coureurs jusqu’aux portes de la avant Louis XIII. vaillante héroïne dont l’étendard étoilé des capitale. Si on venait de leur reprendre noms de Jésus et de Marie flotte sur des Corbie, on n’avait tout de même pas oublié Nous le sommes victoires miraculeuses. Elle est avec eux, l’émotion, pour ne pas dire la panique, qui devenus davantage. lorsque, ayant déjà découragé les armées s’était emparée de la capitale à leur approche. protestantes devant Notre-Dame de l’Épine D’ailleurs notre armée piétinait encore et Notre-Dame de Chartres, elle accueille devant leurs lignes dans les boues de la Or, il est incontestable que nous sommes pour le sacre dans cette dernière cathédrale, Somme et de l’Artois. Henri IV qui a abjuré. Les documents contrerévolutionnaires no 6 — Août 2000 5

D’autre part comment ne pas trembler, principalement sur notre pays. La voici à La Depuis que les Bergers et les Mages ont surtout, parmi les intrigues continuelles, Salette, pour nous prêcher la pénitence. La reconnu et adoré Jésus entre ses bras, elle ne pour le sort de la couronne, alors qu’au bout voici à Pontmain pour nous annoncer, en fait point autre chose que le montrer et le de vingt-trois ans de mariage le roi demeurait 1871, la fin de nos défaites. La voici surtout à tendre aux hommes, afin qu’en l’adorant et le sans héritier ? Lourdes où, depuis trois quarts de siècle, elle servant, non seulement ils s’acquittent du fait revivre les scènes évangéliques, donne devoir le plus évident et le plus sacré, mais Se tourner dans de telles conjonctures vers aux négations de l’incrédulité orgueilleuse réalisent aussi la première condition du bien Marie, Reine de France, paraissait d’autant d’éclatants démentis, et attire de tous les de leur patrie. Aussi, est-ce dans la mesure plus indiqué que plus d’une fois déjà, coins de l’univers d’immenses caravanes aux où, selon le vœu de Mgr d’Arras, « la notamment pour la prise de la Rochelle et à pieds de Jésus-Hostie. Ah ! Mes Frères, n’y reconnaissance de la royauté de Marie nous l’occasion d'une très grave maladie, Louis aurait-il que Lourdes dans toute notre conduira à l’affermissement sur nous de la XIII avait expérimenté personnellement histoire, — et je viens de vous montrer tout royauté de Jésus », que l’Année Mariale et ce l’efficacité de ce recours. De plus une ce que la Vierge y a mis, — ce serait assez Congrès travailleront au redressement et à la révélation faite à une religieuse de l’Ordre du pour que nous ayons le droit de répéter : défense du pays. Calvaire et transmise par le P. Joseph « Non, Marie n’en a pas autant fait pour les pressait le roi de se mettre par un vœu, lui et autres nations. » Que de fois, aux jours De quoi, en effet, la France a-t-elle besoin son royaume, sous la protection de la Sainte angoissés de la dernière guerre, cette pensée pour être mise à l’abri des convoitises qui la Vierge. nous a sauvés du découragement. Nous guettent ou seulement pour se défendre n’avions pas tort. C’est devant Notre-Dame contre sa propre décadence ? Avant tout de Voilà quelles furent les causes immédiates de la Marne que l’effort de l’envahisseur fut foyers, de berceaux, de conscience et de paix de la déclaration du 10 février 1638 et de la brisé. sociale. Là où, au lieu de familles stables, on manifestation du 15 août de la même année. ne rencontre que des unions éphémères En prenant, ainsi qu’il le dit lui-même, la comme le caprice qui les a fait naître, Vierge « pour protectrice spéciale de son « Le royaume de l’armature nationale ne tient plus, car ce n’est royaume et en lui consacrant sa personne, pas d’individus mais de familles que la patrie son État, sa couronne et ses sujets », Louis France, parce qu’il se compose. Là où découragée par l’égoïsme, XIII entend, d’une part, remercier Notre- la race hésite devant la vie, là où les berceaux Seigneur et avec lui Marie, médiatrice de est le royaume de sont vides, une loi historique contre laquelle tous ses bienfaits, du passé glorieux que nous Marie, ne périra ne peuvent rien ni les soldats, ni les venons d’évoquer et au cours duquel leur diplomates, ni les entreprises de sécurité amour pour la France s’est fait si visiblement jamais. » collective, appelle fatalement l’invasion. Là sentir, et d’autre part, il confie à la sollicitude où la conscience ne commande plus et cède la maternelle de la céleste Reine le destin de la place à la cupidité, à l’ambition ou au plaisir, France avec le sien propre, afin que, déclare- Pardonnez-moi, Mes Frères, de vous avoir ce n’est pas seulement la dignité du pays qui t-il, « le royaume ne sorte pas des voies de la rappelé trop longuement, peut-être, une est atteinte, c’est aussi sa richesse. Enfin si, grâce qui conduisent à celles de la gloire ». histoire dont vous avez plus d’une fois quand elles devraient s’aimer, les classes se Cette donation s’ajoutant à ce merci confère savouré la gloire. Mais ne vivons-nous pas déchirent en luttes fratricides, l’ennemi n’a au vœu toute sa portée nationale. une heure où notre patriotisme a besoin, qu’à paraître pour pousser au tombeau ce comme celui de Louis XIII, de regarder vers fantôme de nation. Marie ne tarda pas à montrer à quel point le passé pour y chercher plus haut que la terre cet acte de gratitude et d’attachement l’avait l’espérance qui si souvent nous a souri ? Or, Mes Frères, des foyers, des berceaux, touchée. L’année même du vœu, Louis XIV Parmi les dangers trop évidents qui des consciences, la paix sociale, cela ne se venait au monde et moins de cinq ans après, continuent à planer sur la sécurité de nos crée pas uniquement par des textes de lois, non seulement le royaume était débarrassé frontières et la paix intérieure, rien ne peut des subventions, des tribunaux et des agents de ses ennemis mais il s’était enrichi du nous réconforter autant que de penser que de police. Il y faut avant tout le sentiment du Roussillon et de presque toute l’Alsace. Marie est à un titre spécial Reine de France, devoir poussé, au besoin, jusqu’au sacrifice. Encore un coup la Vierge s’était montrée puisque d’ailleurs Pie XI, ratifiant en 1922 le Mais pensez-vous, que s’il ne s’appelle que la Reine de France. vœu de Louis XIII, nous l’a donnée comme pâle abstraction de l’impératif catégorique, patronne officielle, et que cette année ou la voix timide de la conscience Elle n’a jamais cessé de l’être. On pourrait encore il écrivait au cardinal Archevêque de individuelle, ou la recette douteuse de la en douter au moment où prenant la place des Paris : « qu’elle répand sur notre Patrie des science des mœurs, le devoir aura cette nobles gestes de jadis, les désordres de la trésors de miséricorde et de paix dont puissance ? Ne croyez-vous pas au contraire monarchie finissante, les blasphèmes de la l’abondance ne tarit jamais, parce que jamais que s’il n’est que cela, aux heures obscures et bourgeoisie voltairienne et les impiétés l’amour qui l’inspire ne saurait se refroidir ». banales où il s’affronte sans témoin avec la sanguinaires de la Révolution mettent sur En présence de ces affirmations qui passion, il sera vaincu ? Si l’on veut que le notre histoire une tache humiliante. Mais ne rejoignent celle, bien connue, de Benoît devoir triomphe et avec lui la justice et la croyez pas que Marie s’est retirée. La France XIV : « Regnum Galliae regnum Mariae bonté, il faut lui rendre son vrai visage et coupable a dû expier ses prévarications. numquam peribit. Le royaume de France, l’appeler de son vrai nom, de ce nom en Maintenant la Mère miséricordieuse est là, parce qu’il est le royaume de Marie, ne périra dehors duquel il n’est point de salut, pas plus voulant panser ses plaies et l’aider à relever jamais », se trouverait-il un pessimiste qui ne pour les collectivités que pour les individus. les ruines. C’est en la fête de son Assomption se reprit à espérer ? Il doit se montrer armé de la puissance même que le culte sera rétabli. De nombreuses de Jésus-Christ et paré de sa beauté. congrégations enseignantes, écloses au On commettrait cependant une faute bien souffle de sa dévotion, vont préparer à nos lourde en même temps qu’on ferait preuve Et de même, tant que victimes des foyers des femmes chrétiennes. Le culte du d’une singulière indélicatesse, si de ces négations matérialistes, les classes en conflit Sacré-Cœur dont Marie elle-même, au leçons de l’histoire et de ces déclarations des n’apercevront au-dessus de leur tête qu’un témoignage de Jésus, a formé la messagère, Papes on prétendait conclure qu’il n’y a plus ciel fermé, et meurtriront leurs aspirations nous sauvera du Jansénisme et infusera à la qu’à attendre, les bras croisés, de la Reine de aux frontières étroites de la terre, la loi vie catholique un sang plus riche. France le miracle sauveur. Comme son divin brutale de la jungle continuera à régler leurs Fils, elle a trop le respect de notre liberté et le rapports. Ce n’est que le jour où elles La Reine de France pourtant, estime souci de notre bien pour vouloir se passer, en lèveront les yeux vers le Père commun qui est n’avoir pas encore assez fait pour sa terre de vue de l’œuvre du salut national, de notre aux Cieux et où elles se jetteront ensemble prédilection. Il faut qu’elle y descende, loyale et vaillante collaboration. D’ailleurs dans les bras de son Fils Jésus mort pour tous qu’elle s’y montre, qu’elle y parle, afin que nul que vaudrait la reconnaissance de sa royauté, les hommes, qu’elles retrouveront le respect n’ignore que le royaume de France est sans un engagement sérieux de notre part à de la personne humaine et le sens de la toujours le royaume de Marie. Et la voici nous conduire comme ses fidèles sujets ? Or, fraternité. Les forces spirituelles auxquelles apparaissant à une Fille de la Charité, les nous savons quelle est la volonté de notre on fait appel de tant de côtés pour que mains pleines de rayons qui tombent Reine en même temps que sa raison d’être. l’union et la force soient rendues à notre 6 Les documents contrerévolutionnaires no 6 — Août 2000 pays, les voilà, et ce sera le résultat d’un culte la force de vivre, la douceur de se sentir aimée no 8 (La Révolution anti-Mariale), Les Amis de marial plus éclairé et plus fervent d’en et la confiance dans l’avenir : Vita, dulcedo et saint François de Sales, 1999. Disponible aux donner la révélation et le désir. spes nostra, salve. Nous n’ignorons pas que si à Amis de saint François de Sales et à SA D. P. cette heure, elle est dans la peine et dans les F. C’est en effet par la foi que l’on va d’abord à larmes, c’est principalement pour avoir Notre-Seigneur. Mais n’avez-vous pas oublié la vocation magnifique dont vous remarqué que la plupart des convertis l’avez marquée dès son baptême et pour être Adresses célèbres du siècle dernier, ceux qu’on a sortie « des voies de la grâce qui conduisent à appelés les témoins du renouveau celles de la gloire » et où Louis XIII avait - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- catholique, se sont agenouillés devant la voulu, par son vœu, la fixer. Mais vous, l’Eve Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : Vierge avant d’apporter leurs adorations à nouvelle, dont c’est la raison d’être de vaincre 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. Jésus-Christ ? La raison en est, comme le péché et d’en guérir les blessures, n’est-ce l’écrivait Péguy, que dans son voisinage, pas que vous ne serez point insensible aux - Amis de saint François de Sales, C.P. « l’âme est vraiment tout ce qu’elle était ». appels, aux gémissements et aux pleurs de la 2016, CH-1950, Sion 2, Suisse. Tél : 41- Entendez qu’auprès de cette blancheur patrie repentante : Ad te clamamus exsules filii 027/323.25.71 ; fax : 323.25.44. immaculée, comme sur la neige inviolée des Evae. Ad te suspiramus gementes et flentes in hac sommets, les voix d’en bas ne montent pas, et lacrimarumvalle. que soustraits à leurs fausses séductions, 99 nous reprenons conscience de notre destinée Allons ! Si souvent vous êtes intervenue en d’enfants de Dieu, et qu’aux vérités du Credo sa faveur ; si souvent votre éloquence Prière pour la France nous faisons un accueil d’autant plus facile irrésistible a gagné sa cause. Laissez-nous lire que Marie en est un article central et d’un dans votre regard plein de maternelle O Dieu, qui, après avoir élevé la charme si prenant. tendresse que de nouveau vous allez plaider bienheureuse Vierge Marie, votre Mère, au- pour elle au tribunal du Souverain Maître des dessus des chœurs des Anges, l’avez donnée Pour aller à Jésus et lui conduire nos frères, nations : Eia ergo, advocata nostra, illos tuos pour patronne à vos fidèles : daignez jeter il nous faut encore du courage. Mais peut-on misericordes oculos ad nos converte. Le remède à votre regard miséricordieux sur la France que regarder la Mère qui a accepté pour nous nos maux, nous savons bien où il est. Vous le la piété d’un de ses rois a mise, par un vœu d’avoir le cœur si cruellement déchiré et a tenez dans vos bras. Et c’est parce qu’elle en perpétuel, sous la protection de cette soutenu debout sa terrible agonie, sans se est convaincue que, dans tous les milieux et puissante Vierge : Vous qui vivez et régnez sentir entraîné aux efforts les plus pénibles et particulièrement parmi les jeunes, une élite dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. même, si Dieu les attend, aux immolations de plus en plus nombreuse et ardente les plus généreuses ? s’efforce, pour rendre à la France sa place (Collecte de la messe de la fête du vœu de Louis XIII, dimanche dans le monde, de rendre à Jésus-Christ sa dansl’octavedel’Assomption.) Enfin le règne de Jésus-Christ exige, pour place dans la France. Déjà, ô Notre-Dame, s’établir parmi nous, qu’à la haine qui jette vous avez permis que des succès consolants 99 tant de nos concitoyens les uns contre les aient couronné cet apostolat. Tandis que des autres, succède la charité. Du culte marial adversaires d’hier et non des moindres Prière à saint Michel Archange nous devons attendre encore cette rendent de publics hommages à la valeur transformation. Souvenez-vous des premiers sociale de l’Évangile et à l’action bienfaisante Saint Michel Archange, défendez-nous dans siècles de notre histoire. Si l’âme barbare qui, de l’Église, tandis que le Souverain Pontife le combat ; soyez notre secours contre la elle aussi, ne croyait qu’à la force et réglait ses reçoit chez nous, dans la personne de ses méchanceté et les embûches du démon. conflits, le javelot ou la francisque à la main, représentants, des honneurs dont notre « Que Dieu lui commande », nous le est devenue sensible à l’honneur et à la pitié ; traditionnelle courtoisie ne suffit pas à demandons en suppliant ; et vous, Prince de si l’épée du chevalier s’est mise au service de expliquer l’ampleur et la délicatesse, tous les la milice céleste, repoussez en enfer, par la la faiblesse et du malheur ; si la guerre elle- milieux de travail, même ceux qui jusqu’ici puissance divine, Satan et les autres esprits même a connu des limites, j’allais dire des leur paraissaient irréductiblement fermés, se mauvais qui rôdent dans le monde pour pudeurs, aujourd’hui oubliées, c’est que les laissent pénétrer par la connaissance et perdre nos âmes. Ainsi soit-il. hommes de cette époque s’étaient l’amour du Sauveur. Cependant, que de rapprochés autour de Marie leur Mère nuages encore à dissiper, de barrières à (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, commune et que quelque chose était passé abattre, de haines à étouffer, de larmes à communion, visite d’une église avec prière aux intentions du en eux de la bonté de celle que d’un même sécher, d’abus à réparer. Pour que le Christ SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) cœur, ils saluaient du nom de Notre-Dame : règne dans nos idées, nos mœurs et nos SalveRegina. institutions, et avec lui la justice et l’amour Au terrible torrent de boue constitué par les qu’il a apportés à l’humanité, nous avons livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, Salve Regina. Écoutez, ô Marie. Cette besoin de le voir davantage. Montrez-le sans autre but, sous leur forme éloquente et leur acclamation de la France des Croisades, des donc, ô Divine Mère aux Fils de la France, sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et Cathédrales, de Saint-Louis, de Louis XIII, montrez-le-nous à travers les voiles de la foi, d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en cette acclamation qui a si souvent retenti afin qu’il soutienne notre effort, en peut être assuré, est de leur opposer des écrits entre ces murs depuis que sur l’aile des flots attendant que vous nous le montriez dans la salutaires et de les répandre. vous êtes venue, Étoile de la Mer, à cette cité, pleine lumière de la gloire où il sera notre la France du XXe siècle vous la redit. A la récompense : Et Jesum, benedictum fructum S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. vérité, elle ne s’est jamais tue sur ses lèvres. ventris tui, nobis post hoc exilium ostende. Par ce 9 Congrès la France vous le demande, ô vous si Les documents contrerévolutionnaires Mais avec quel élan, cette année et surtout reproduisent des textes de doctrine et cette semaine, nous la poussons vers vous. clémente, si bonne, si douce Vierge Marie : O clemens,opia,odulcisVirgoMaria! d’histoire contrerévolutionnaires. Face au Ah ! certes, nous ne saurions assez vous dire à déferlement de littérature révolutionnaire à quel point nous sommes fiers de ce que, vous, vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la Reine du ciel et de la terre, vous avez voulu la morale chrétienne, incite aux pires péchés, être la Reine de la France. Mais quelle YYY et perd les âmes par millions, c’est le devoir douceur surtout de penser que vous êtes des catholiques de redoubler d’effort pour aussi sa Mère, une Mère pleine d’indulgence diffuser la saine littérature catholique. et de bonté et que, de même que vous vous Ouvragesrecommandés êtes penchée sur son berceau, que vous avez Toutereproductionestautorisée. guidé ses premiers pas, que vous l’avez prise • Marquis de la Franquerie, La Vierge Marie dans vos bras aux heures du péril, vous lui Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- tendez encore vos mains secourables : Mater dansl’histoiredeFrance, 1939, réédition Résiac, 1994. Disponible à SA D. P. F. des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Misericordiae. Où donc plus sûrement qu’à Email : [email protected]. URL : vos pieds et sur votre cœur irait-elle chercher • Documentation sur la Révolution dans l’Église http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 7— Septembre 2000

et contre la société, ce sont encore tous ces On a écrit bien des volumes pour établir très- Vive le Roi ! hommes qui, lors même qu’on leur imparfaitement ce que vous démontrez en supposerait la plus entière bonne foi et les quelques pages avec une merveilleuse clarté. intentions les plus droites, caressent les 9 doctrineslibérales que le Saint-Siège a « Je ne m’arrête point aux jugements trop souvent désapprouvées : « Doctrinis bienveillants portés sur ma personne. Mais LIBERALIBUS blandiuntur sæpe ab hac Sancta ce qui me frappe, ce qui saisit toutes les âmes Sede improbatis. » Ces doctrines, qui de bonne foi, c’est l’enchaînement et la Mgr de Ségur,Vive le Roi ! , in favorisent les principes d’où naissent toutes puissance de votre argumentation, la sûreté e les révolutions, sont d’autant plus de votre doctrine, l’évidence de vos Œuvres, Paris : Tolra, 1877, 2 pernicieuses peut-être que, de prime abord, démonstrations. série, tome VI, pp. 423-494. elles paraissent plus généreuses. Les principes évidemment impies ne peuvent « Je voudrais, dans l’intérêt de la vérité et de atteindre, en effet, que les esprits notre chère et malheureuse France, que ce corrompus ; mais des principes qui livre fût dans toutes les mains, et j’engage Y Y Y s’enveloppent du voile du patriotisme et du mes amis à le faire pénétrer partout, dans zèle de la Religion, des principes qui mettent l’atelier, dans les salons, dans la chaumière. C’est en Bretagne, pendant les horreurs de la en avant les aspirations des honnêtes gens, On ne se livrera jamais à une propagande plus Commune, que Mgr de Ségur a composé ce petit séduisent aisément les gens de bien et les utile et plus féconde. écrit de circonstance. C’était le cri de la France détournent, à leur insu, des vraies doctrines catholique et monarchique, de la vraie France aux pour les incliner vers des erreurs qui, prenant « Je ne saurais assez vous dire la abois. Les libéraux d’abord, puis les catholiques- bientôt de plus larges développements et reconnaissance dont je me suis senti pénétré libéraux ont étouffé ce cri et plongé la patrie dans traduisant en actes leurs dernières en recevant la chaleureuse expression de les abîmes où nous la voyons aujourd’hui (avril conséquences, bouleversent tout l’ordre votre dévouement et de vos vœux. Il vous 1874 ). L’opuscule a été imprimé à Poitiers. Plus de social et perdent les peuples. était réservé de prolonger ainsi les douces soixante mille exemplaires ont été écoulés en émotions que je rapportais de France, et rien quelques mois. Le Saint-Père d’une part, et le Roi, « A coup sûr, bien-aimé fils, si, par votre ne pouvait me toucher plus profondément. de l’autre, c’est-à-dire les deux personnifications opuscule vous avez le bonheur d’amener à suprêmes de l’autorité légitime ici-bas, ont daigné résipiscence bon nombre de ceux qui, jusqu’à « Je me recommande tout spécialement à féliciter l’auteur et recommander son œuvre à tous ce jour, ont été dans l’erreur, votre vos prières. Dieu exauce de préférence celles les gens de bien, aux véritables hommes d’ordre. A récompense sera bien belle. que lui adressent les humbles de cœur et les ce titre, c’est à un million d’exemplaires qu’il eût été âmes ferventes. C’est à ce titre que je compte répandu si, dans notre pauvre France, les « C’est de tout cœur que Nous vous sur les vôtres. Je vous renouvelle l’expression conservateurs déployaient le même zèle que les souhaitons cette grâce, et, en attendant, de tous mes sentiments de reconnaissance et révolutionnaires. Les principes que contient et comme gage de la bénédiction deDIEU , de constante affection. expose ce petit écrit sont de tous les temps, comme la comme témoignage de Notre paternelle vérité, comme le droit ; voilà pourquoi il aura bienveillance, Nous vous accordons avec « HENRI. » toujours, quoi qu’il arrive, plus ou moins amour la Bénédiction Apostolique. d’actualité. « Le 12 juillet 1871. » « Donné à Rome, près Saint Pierre, le 31 juillet 1871, vingt-sixième année de notre Y Y Y Pontificat. Y Y Y «PIE IX, PAPE .» Bref de notre Très-Saint Trois mots sur la politique. Père le Pape Pie IX Y Y Y apolitique est la direction du mouvement social, dans l’ordre Ltemporel ; c’est la direction des idées, « Pie IX, Pape. Lettre de M. le comte de des aspirations, des forces vives d’une nation. « Bien-aimé fils, Salut et Bénédiction Chambord La politique d’un gouvernement est bonne Apostolique. et sage, lorsque ce gouvernement dirige, « C’est en revenant de Chambord que j’ai selon la vérité et la justice, les idées, les « Nous avons reçu avec plaisir votre nouvel trouvé à Bruges, Monseigneur, votre aspirations, les forces vives de la nation. Au opuscule, et nous lui souhaitons de tout admirable lettre et l’hommage qui contraire, sa politique est fausse et mauvaise, notre cœur de dissiper chez les autres les l’accompagne. J’ai reçu l’un et l’autre avec un lorsque la direction imprimée au pays n’est erreurs que vous-même, éclairé par les véritable bonheur. pas selon la vérité et la justice, ou, plus malheurs de votre patrie, vous avez eu le simplement encore selon la volonté de DIEU , bonheur de rejeter. « Ce petit livre, auquel votre modestie qui est le souverain Maître du monde et qui donne le nom d’opuscule, est le traité le plus veut que tout dans le monde tourne au vrai « En effet, ce ne sont pas seulement les complet et le plus lumineux qu’on puisse lire bien et au salut de ses enfants. sectes impies qui conspirent contre l’Église sur ce grand sujet de la souveraineté royale. 2 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000

Touchant à chaque instant aux intérêts de Profondément bonne, mais profondément « Oui, bientôt, j’en ai la ferme confiance, la Religion, la politique,à ce point de vue , égarée, la pauvre France revient à la tous les bons esprits et tous les nobles cœurs intéresse directement l’Église ; et le Pape, les monarchie légitime, comme le pauvre enfant Évêques, les prêtres, lorsqu’ils s’occupent des prodigue, lui aussi égaré par de folles questions politiques à ce grand point de vue passions, est revenu à la maison paternelle. « L’unique port de religieux, exercent un droit sacré et L’excès de sa misère l’a fait rentrer en lui- remplissent le premier de leurs devoirs. même ; il s’est aperçu que lui, le noble enfant, salut est dans la n’était couvert que de haillons, qu’il ne monarchie En effet, quoi de plus dangereux pour le gardait que de vils animaux, et qu’il ne salut des âmes qu’une direction pouvait y tenir plus longtemps. Confus, héréditaire et antichrétienne donnée par un pouvoir repentant, il se dit : « Je me lèverai, et j’irai quelconque aux idées d’une nation, à ses trouver mon père ; j’avouerai ma faute, et il traditionnelle. » institutions publiques, à son éducation, à ses me pardonnera ! » Et généreux dans le bien lois, à ses mœurs ? Par une politique, par une comme il avait été ardent dans le mal, il se direction publique contraire à la loi divine leva sans plus tarder, et prit le chemin de reconnaîtront que, pour notre chère patrie, dont l’Église, et l’Église seule, est la cette maison qu’il n’eût jamais dû quitter. l’unique port de salut est dans la monarchie gardienne ici-bas, le mal s’opère en grand et héréditaire et traditionnelle, la seule dans des proportions effrayantes. Au Telle est aujourd’hui notre pauvre chère véritable, la seule qui, en renouant l’antique contraire, rien de plus favorable au salut des France. Séduite par Voltaire et par alliance de la royauté et de la liberté, peut âmes qu’une direction chrétienne et vraie, Rousseau, par les idéologues du dernier ouvrir encore à la France une nouvelle ère de donnée par le pouvoir à toute une société. siècle, elle a rejeté l’autorité de ses prospérité, de bonheur et de gloire Souverains légitimes ; elle a renié tout son (Correspondance , p. 197). C’est uniquement à ce point de vue que glorieux et religieux passé, pour l’Église s’occupe des questions sociales et s’abandonner aux premiers-venus, et même à « Aujourd’hui, comme il y a dix-sept ans, politiques. C’est aussi à ce point de vue que des scélérats, à des infâmes tels que écrivait-il encore en 1869, je suis convaincu et j’écris ces quelques pages, dictées, ce me Robespierre et Marat. Elle s’est jetée dans j’affirme que la monarchie héréditaire est l’unique port de salut, où, après tant d’orages, semble, par la foi et le bon sens, où la passion toutes sortes d’aventures, républicaines, demeure étrangère, et où je m’adresse à la la France pourra retrouver enfin le repos et le dictatoriales, constitutionnelles, parle- bonheur. bonne foi du lecteur. mentaires, bourgeoises, démocratiques, césariennes, socialistes : partout, à chaque Élevé, comme tant d’autres, dans un siècle « Poursuivre, en dehors de cette nouveau gouvernement, elle a cru trouver la monarchie, la réalisation des réformes de révolutions et dans un milieu libéral, je paix ; elle n’a trouvé que la ruine. n’ai pas toujours eu le bonheur de connaître légitimes que demandent avec raison tant d’esprits éclairés, chercher la stabilité dans aussi clairement qu’aujourd’hui les Punie par où elle avait péché, la France, importantes vérités que j’expose ici, et dont les combinaisons de l’arbitraire et du hasard, après avoir abandonné sa monarchie bannir le droit chrétien de la société, baser le simple énoncé me paraît être la traditionnelle, en est arrivée à ces abîmes démonstration la plus convaincante. A la sur des expédients l’alliance féconde de sans nom, où l’on voit tombées les l’autorité et de la liberté, c’est courir au- lueur des événements si graves qui, depuis malheureuses qui se laissent séduire par un quelques années, ébranlent la société, devant de déceptions certaines étranger et qui, de faute en faute, en arrivent ( , p. 268) . » beaucoup d’esprits sincères ont vu à la ruine totale et au déshonneur. Correspondance distinctement ce que jusqu’alors ils n’avaient II fait qu’entrevoir, ou même ce qu’ils avaient Du fond de l’abime où nous ont entraînés ignoré. Je suis de ce nombre ; et c’est pour les erreurs révolutionnaires, despotiques et Comment et en quel sens Henri V est, faire profiter les autres de ce que j’ai reçu, que anarchiques, nous ouvrons enfin les yeux, de droit, le légitime Souverain de la je prends la plume pour exposer simplement, nous reconnaissons humblement que nous France. telles que je les comprends, ces vérités de nous sommes trompés, et nous voulons salut public et de réorganisation de notre réparer nos fautes. chère France. Depuis cent cinquante ans, on a fait tout ce qu’on a pu pour enlever à la France et la foi Voilà pourquoi nous revenons au principe religieuse et la foi politique. On a mis tout en Quoique les questions que je touche ici monarchique et à celui qui seul le représente soient grosses comme le monde et sujettes à œuvre pour lui faire perdre ce qu’on pourrait à savoir Henri V, chef de la maison royale de appeler « », c’est-à-dire les des développements, à des discussions sans France. le sens de l’autorité nombre, le peu que j’en dis me semble vraies notions et l’amour de l’obéissance. Les suffisant pour satisfaire les esprits honnêtes, incrédules et les francs-maçons du dernier « Je ne doute pas, écrivait ce Prince en 1861, siècle sont parvenus à lui faire oublier ce chez qui la foi et la bonne foi ont conservé le je ne doute pas que tous les bons esprits et sens du vrai. qu’elle devait et à son DIEU et à son Roi. Ses tous les nobles cœurs, éclairés par les vieilles et nobles traditions de fidélité à événements et l’expérience, ne l’Église et de fidélité à la monarchie ont été Je leur offre ce petit travail, en priant DIEU reconnaissent bientôt que la violation du de les bénir et de les convaincre. tournées en dérision, et on lui a persuadé grand principe de l’hérédité royale a été pour qu’elle pouvait à son gré être fidèle ou la France et l’Europe un immense malheur, et I infidèle, être chrétienne ou athée, que le retour à cette loi fondamentale est monarchique ou révolutionnaire. Elle en a l’unique port de salut où elles peuvent enfin essayé ; elle a goûté de l’indépendance ; et elle Pourquoi, après cinq ou six essais, trouver le repos. plus misérables les uns que les autres, s’est si bien habituée à n’avoir pour loi que ses caprices, à ne plus rien respecter, à faire et à la France tourne enfin ses regards « En effet, comment ne pas voir défaire ses Souverains, qu’elle ne peut pour vers le principe monarchique, aujourd’hui, après tant de mécomptes et ainsi dire plus concevoir un Roi qui se représenté par Henri V. d’essais infructueux, que la monarchie présente à elle avec des droits qu’il ne tient traditionnelle, appuyée sur le droit pas d’elle, qu’elle n’a point par conséquent le Parce qu’elle ne voit plus de salut que là. héréditaire et consacrée par le temps, peut droit de discuter, encore moins de nier et de seule rendre au pays, avec un gouvernement renverser. Parce que l’expérience lui fait comprendre régulier et stable, cette sécurité de tous les enfin qu’on ne peut point bâtir sur le sable droits, cette garantie de tous les intérêts, cet mouvant de principes qu’on a forgés soi- Tel est, devant la France, Henri V, chef de accord nécessaire d’une autorité forte et la maison royale de Bourbon, héritier même, et qu’en politique comme en religion d’une sage liberté, qui sont les plus solides il y a des vérités auxquelles il faut revenir bon légitime, et seul légitime, de la couronne de bases de l’ordre public et les plus sûrs gages saint Louis, d’Henri IV et de Louis XIV. gré mal gré, si l’on ne veut être sans fin le du bonheur des peuples (Correspondance de M. jouet ou plutôt la victime des révolutions. lecomtedeChambord,Genève, 1871, p. 206). Il ne s’impose pas à la France ; il se propose. Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 3

Mais il se propose comme le seul Souverain titre légitime, c’est-à-dire conforme à la loi qu’on respecte le droit, le « droit divin » n’est- légitime, tenant ses droits de sa naissance de DIEU et aux traditions du pays. Violer il pas au contraire une doctrine parfaitement même et d’une antique constitution cette propriété royale, c’est voler ; et le vol raisonnable, la conséquence évidente des nationale, que nulle violence n’avait le droit est interdit par les lois divines et humaines. principes les plus certains ? de renverser. En fait de souveraineté comme en fait de IV Il ne s’impose pas, parce que, pour être propriété, ledroit humain est sanctionné par stable, toute autorité morale doit être ledroit divin, s’appuie sur lui, devient une Comment on peut reconnaître avec librement reconnue et acceptée ; mais, une seule et même chose avec lui : de telle sorte certitude sur qui repose le droit divin. fois donnée cette reconnaissance solennelle qu’il est à la fois humain et divin. de son droit, Henri V se présente à la France D’abord, au moyen des événements et des au nom de Celui de qui procède tout droit et Remarquons-le d’ailleurs : le droit divin du circonstances, qui manifestent les vues de la toute souveraineté légitime. Roi légitime n’est pas, comme on se Providence sur tel ou tel Prince ; puis, par l’imagine, un fait isolé dans la société. La l’examen approfondi des principes qui sont Que la France eût été heureuse, si, au lieu société repose sur une foule de faits humains ou qui seront la base du gouvernement de ce de se laisser séduire par de chimériques donnant lieu au droit divin. C’est de droit Prince ; puis enfin, par les fruits de salut et de promesses et par de grands mots, elle était divin que je possède ma maison, mon champ, véritable bonheur qui résultent ou qui restée fidèle à son Roi ! et tous les fruits de mon travail ; c’est de droit résulteront des principes de son divin que je possède ce dont je suis devenu le gouvernement. Henri V est Roi de France, non en vertu de propriétaire légitime, à la suite et par l’effet la capricieuse volonté du peuple, mais en de faits humains, de conventions purement Lorsque cestrois conditions se trouvent vertu de l’ordre établi de DIEU ; il est Roi de humaines. réunies sur la tête d’un Souverain, on peut France de droitdivin. affirmer, sans crainte de se tromper, que ce Il n’en est pas autrement du droit du Souverain est le dépositaire des droits de III Souverain légitime à sa couronne. Bien que DIEU pour le bien du pays qu’il gouverne ou ce droit résulte de faits humains, comme qu’il gouvernera. Et si, par-dessus le marché, Ce que c’est que ledroit divin , dont on nous le disions tout à l’heure, il n’en est pas la sainte Église prend en main ses droits, le se moque avec tant de légèreté. moins divin ; et dès lors on peut et on doit protégeant de ses sympathies et de sa divine dire que c’est de droit divin qu’il possède sa autorité, la certitude, du moins pour les Il n’y a que l’ignorance qui s’en moque. « Le couronne. chrétiens, devient telle que le doute ne droit divin », quand on sait ce que c’est, est la semble plus permis. chose du monde la plus simple et la plus Or, il n’y a pas de droit contre le droit. vénérable. Contre le droit à la fois humain et divin de la Je dis d’abord que la légitimité d’un Prince souveraineté légitime, il n’y a pas plus de droit et la volonté de DIEU qui l’a établi ou qui veut Ainsi que le mot l’indique, le « droitdivin » qu’il n’y en a contre le droit à la fois humain et l’établir à la tête d’une nation se manifestent c’est le droit de DIEU . Que D IEU , souverain divin en vertu duquel tout propriétaire par les événements. La Providence mène, en Maître de toutes choses, aitle droit de diriger légitime possède ce qu’il possède. — De effet, d’une manière souveraine les choses du les sociétés et les peuples, cela est plus clair grâce, méditons bien ces choses. Elles sont, monde, et fait souvent servir à ses desseins que le jour. DIEU n’est-il pas le Roi suprême je le sais, un peu abstraites ; elles choquent les les événements les plus imprévus, de tous les rois et de tous les peuples, le idées courantes, vulgarisées par la quelquefois même les crimes et les injustices Seigneur souverain et absolu de toutes les Révolution ; mais elles sont vraies ; et des hommes. Elle punit les péchés d’un sociétés ? Son droit est au-dessus de tous les aujourd’hui plus que jamais, il est peuple, en lui retirant tel ou tel bon Prince droits ; et tous les droits légitimes viennent indispensable de le bien comprendre. dont il n’est plus digne ; elle punit les péchés de lui, comme toutes les gouttes d’eau d’un de telle et telle famille royale, en laissant ruisseau viennent de la source. Tout droit En résumé, pour un Souverain quelconque, déchoir du trône ses descendants et ses véritable est donc un droitdivin , une régner de « droit divin », c’est tout héritiers. Dans sa colère ou dans sa communication du droit de DIEU . simplement régner légitimement, en vertu miséricorde, elle chasse ou elle ramène les de droits légitimes ; c’est être le représentant dynasties, elle suscite une dynastie nouvelle ; En matière de souveraineté, cette légitime de DIEU pour le gouvernement et alors c’est surtout par les événements communication, pour être réelle, n’a d’une société, d’un peuple. De là cette qu’elle exprime ses volontés. Rien de plus nullement besoin d’être surnaturelle ni formule célèbre, qui fait tant crier les impies certain que ce principe, dont la fameuse miraculeuse : il n’est pas nécessaire que le et les ignorants :régnerparlagrâcede DIEU . théorie moderne des « faits accomplis » n’est bon DIEU apparaisse en personne ou envoie que la caricature. Ordinairement, ce n’est un Ange pour dire à un peuple : « Voici le Donc, quand nous disons qu’Henri V est qu’avec le temps et de loin que l’on peut juger Souverain que je te donne ; voici la race de « droit divin » le Roi de France, nous avec certitude le véritable caractère de ces royale qui te gouvernera. » Non, ce n’est pas voulons dire que, d’après la loi de DIEU , et événements, touchant la légitimité du ainsi que DIEU mène les sociétés et choisit d’après les plus vénérables traditions de la pouvoir qui en est issu. Jusque-là, on n’a que les dépositaires de ses droits. Pour France, le droit de ce Prince à la couronne des présomptions. — Comme on le voit, ces communiquer ses droits souverains sur tel ou repose sur des titres légitimes, inattaquables, événements providentiels nedonnent pas le tel peuple, le bon DIEU se sert de faits et sur une prescription huit fois séculaire, droit ; ils ne font que le manifester. humains, parfaitement suffisants pour qu’il est le dépositaire de l’autorité établir le droit divin : la naissance, par souveraine de DIEU , lequel est le Maître exemple, et le droit de succession ; ou bien suprême du peuple français comme de tous Rien de ce qui est encore une élection régulière. Le droit à la les peuples ; qu’il est ainsi le Roi légitime à couronne est, en effet, un véritable droit de qui la France doit obéir, si elle veut faire la révolutionnaire ne propriété, qui s’acquiert comme toutes les volonté de DIEU , si elle ne veut point se saurait venir de DIEU . propriétés : par naissance, par héritage, par révolter contre le droit de DIEU . conquête, par donation, enfin par Voilà une pierre de prescription. La prescription a toujours la Voilà ce que c’est que le « droit divin ». touche pour éprouver vertu de légitimer le titre primordial lorsqu’il est vicieux, de le confirmer lorsqu’il est Est-ce là, dites-moi, chose si étrange ? Est- la légitimité des droits légitime. ce là surtout quelque chose d’absurde, de d’un prétendant ridicule, d’intolérable comme l’affirment Oui, la couronne — je ne dis pas le depuis cent ans nos petits bavards à la couronne. royaume, mais la couronne, c’est-à-dire le démocrates de la libre-pensée et du droit de commander et de régner — est une journalisme ? propriété ; une propriété que nul n’a le droit Je dis en second lieu que la légitimité, le droit divin d’un Souverain se reconnaît à la de ravir à celui qui la possède en vertu d’un Du moment que l’on croit en DIEU et 4 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 nature des principes sur lesquels repose son été souvent très-difficile de sacrilège sur le Vicaire de JÉSUS -C HRIST , se pouvoir. Rien de ce qui est contraire à la loi déterminer de quel côté se trouvait le découronna de ses propres mains et fut rejeté divine, à la foi et à la morale catholiques, à droit divin. de DIEU et de la France, comme chacun sait. l’enseignement du Saint-Siège, au respect des droits souverains de JÉSUS -C HRIST sur le En pratique, la légitimité n’est pas toujours En 1830, le droit divin était trop monde ; rien de ce qui est contraire à la facile à déterminer ; du moins, pas aussi facile évidemment du côté de la branche aînée des justice, à l’honnêteté, au droit des gens ; rien que, par la grâce de DIEU , elle l’est Bourbons ; la Révolution trouva plus de ce qui est révolutionnaire ne saurait venir aujourd’hui. Et c’est là ce qui explique les commode de le supprimer dédaigneusement, de DIEU . Voilà une pierre de touche très- hésitations, pour ne pas dire les divisions de et d’asseoir tant bien que mal la royauté de simple, très-pratique, pour éprouver la beaucoup de gens de bien, dans les temps de Louis-Philippe sur un prétendu droit légitimité des droits d’un prétendant à la révolutions et d’ébranlements politiques. exclusivement populaire. couronne. Dans les principes sur lesquels s’appuie la revendication de ses droits, il faut Il y a des temps où le droit divin, la En 1852, beaucoup de gens de bien, effrayés que tout soit conforme, ou du moins ne soit légitimité du véritable Souverain, est un fait des menaces de l’anarchie et croyant trouver, point contraire à ce que la loi et la raison nous évident. Ainsi, en France, avant 1789, la loi dans un nouveau régime impérial, des montrent comme la volonté de DIEU . — fondamentale du royaume était tellement éléments très-sérieux de salut et de bonheur Notons-le bien, je parle ici des principes et claire relativement aux droits de succession pour la France, espérèrent en Napoléon, et non des actes : les principes doivent être au trône ; les principes sur lesquels s’appuyait oublièrent ce qui devait inspirer des craintes. absolument vrais, absolument conformes à la la monarchie étaient tellement conformes à La cause d’Henri V, si claire en théorie, leur volonté de DIEU ; les actes, au contraire, sont la foi catholique et au droit des gens ; la semblait alors une vérité dont la pratique toujours plus ou moins imparfaits, à cause de prospérité et la force qui en découlaient pour était devenue impossible ; et beaucoup se la faiblesse humaine. Si, pour être légitime, la France étaient si évidentes, que, pendant disaient que ce noble et vertueux Prince était un gouvernement devait être parfait, il de longs siècles, pas une difficulté, pas un sans doute, comme Louis XVI et Louis faudrait renoncer à en trouver un ; et la doute sérieux n’ont pu s’élever à cet égard. XVII, une victime expiatoire des fautes de société civile, livrée à l’anarchie ou au ses aïeux. L’impossibilité de son retour despotisme, s’effondrerait bientôt dans le En outre, la France étant essentiellement paraissait « un fait accompli » ; et puis, la gouffre des révolutions. catholique, l’autorité suprême de l’Église et France régicide avait-elle suffisamment du Saint-Siège était toujours là pour décider expié son crime de 93 ? Enfin la légitimité et l’origine sacrée du au besoin et d’une manière souveraine les droit d’un Prince au gouvernement d’une grands cas de conscience sociaux et Mais la Providence, qui a ses moments nation peut et même doit se reconnaître aux politiques qui auraient pu diviser la nation. marqués, semble nous dire aujourd’hui : fruits de salut qui résultent ou devront C’est ce qui eut lieu deux fois en douze ou « Vous vous êtes trompés ! Je vous ai réservé, nécessairement résulter de son avènement treize siècles, à l’avènement de la dynastie dans ma miséricorde, un Souverain selon au pouvoir. « Aux fruits jugez de l’arbre », Carlovingienne et à celui la dynastie mon cœur ; un Souverain qui, régnant d’après nous dit Notre-Seigneur dans l’Évangile. Capétienne. Un instant le calvinisme mes lois et se glorifiant d’être avant tout mon Lorsqu’il estévident que le vrai bien d’une d’Henri IV suscita un doute ; mais il fut serviteur, vous tirera de l’abîme des nation, son salut, sa paix, son bonheur bientôt résolu, et l’abjuration du Roi y mit fin révolutions, et fera refleurir, sur la terre de résulteront du gouvernement d’un Prince, on de la manière la plus heureuse pour le pays. France, la paix véritable et le véritable peut affirmer également, sans crainte bonheur. » d’erreur, que ce Prince est élu de DIEU pour En dehors de ces cas exceptionnels, gouverner cette nation, et que par nécessairement très rares, la loi C’est à force de souffrances que nous en conséquent il en est le Souverain légitime. constitutionnelle de la France, telle que sommes venus à entendre, à comprendre DIEU veut, en effet, le bien, le bonheur des l’avaient réglée et la Providence et l’Église et cette grande voix. DIEU parle au monde par sociétés comme des individus ; il ne confie les instincts de la nation, suivait son cours les événements, disions-nous tout à l’heure. l’autorité que pour procurer ce bien et ce comme un beau fleuve, paisible, profond, Ceux de ces dernières années sont tellement bonheur ; et dès lors que l’expérience montre majestueux. Mais, depuis un siècle, tous les éloquents, les châtiments ont été si terribles, qu’un Souverain procure, par la sagesse et la principes, religieux, politiques et sociaux, l’unique espoir du salut est si évidemment force de son gouvernement, le bien véritable ont été, sinon renversés, du moins dans le retour à la monarchie légitime et d’un pays, tout doit faire conclure à la profondément ébranlés dans notre pauvre héréditaire de la race de saint Louis, à une légitimité, au droit divin de ce Souverain. — France ; à l’ancienne lumière ont succédé de souveraineté qui repose sur des principes Je ne saurais trop le répéter : pas plus que les tels brouillards, qu’on n’y voyait pour ainsi chrétiens et anti-révolutionnaires, deux premières, cette troisième condition ne dire plus à dix pas devant soi, et que la foi qu’aujourd’hui le doute ne semble plus suffirait, à elle seule, pour manifester le droit politique, si ferme jadis et si simple, ne se permis. divin ; d’autant plus qu’en pareille matière, trouvait plus que dans un petit nombre on peut facilement s’abuser, prendre d’esprits très-fermes et de cœurs très-élevés. Oui, le fils de saint Louis, le chef de la l’apparence pour la réalité et regarder maison de Bourbon, est notre Roi légitime, comme solide et durable un bien-être Ce qu’il avait été si facile de déterminer le Roi que DIEU nous prépare, que D IEU a purement passager. dans des temps meilleurs était devenu sinon daigné nous réserver. Acclamons-le sans très-difficile, du moins beaucoup plus crainte. Bien que, en matière politique, la J’ai ajouté, et il n’est pas besoin de le difficile dans ces temps-ci. C’est ainsi qu’en certitude pratique du droit divin ne puisse prouver longuement, que si l’autorité des 1801 Pie VII, voyant les affreuses ruines pas être aussi absolue que lorsqu’il s’agit du sympathies de l’Église vient se joindre à ces religieuses de la France et se rappelant peut- Pape, chef de l’Église, ou du père, chef de la trois signes très-probables, moralement être les fautes (nous ne cherchons point à le famille, néanmoins lorsqu’il y a certitude certains, de la volonté de DIEU sur un Prince nier) que les Bourbons avaient commises ou morale on peut, on doit même se prononcer et sur un peuple, le doute n’est plus guère laissé commettre contre la sainte Église, put et ne pas hésiter. permis à la conscience d’un catholique. croire un instant que Napoléon était suscité de DIEU pour commencer une dynastie C’est ce qui a lieu relativement au droit Appliquons ces principes aux pouvoirs qui nouvelle ; et il crut pouvoir le sacrer. Les faits d’Henri V à la couronne de France ; et c’est se disputent en ce moment le droit de montrèrent bientôt que, si DIEU avait daigné ce qui fait que nous n’hésitons pas à le gouverner la France. N’est-il pas évident se servir de cet homme extraordinaire pour reconnaître comme notre seul Roi légitime. qu’Henri V remplit seul les conditions du relever en France les ruines de son Église, il programme ? ne régnait point par lui ni en lui. Le doute qui VI avait pu s’élever un instant à cet égard, V Napoléon se chargea de le dissiper lui- Pourquoi la France ne parvient pas même : foulant aux pieds tous les droits, se constituer en République. Comment et pourquoi, depuis le mettant son ambition au-dessus des lois commencement de notre siècle, il a divines et humaines, il porta une main Eh ! mon DIEU ! Pour une raison fort Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 5 simple : une femme blonde a beau se teindre Les faits sont là. Toutes les fois qu’elle a pu peut, à son gré, le mettre à la porte, et se les cheveux en noir ou même en rouge, elle voter librement, l’immense majorité de la choisir un autre commis. n’en demeure pas moins en réalité, une nation a repoussé la république et proclamé blonde. Pour un temps, elle semble brune ; la monarchie. Or, comme en dehors du droit D’après l’Église, le Roi ne règne et ne pour un temps, elle semble rousse ; mais, bon divin, il n’y a que la souveraineté nationale, gouverne qu’au nom de DIEU et comme gré mal gré, les cheveux repoussent toujours c’est là une décision sans appel, une preuve exerçant les droits de DIEU ; et l’Église est blonds. sans réplique. toujours là pour lui rappeler ses devoirs et l’empêcher d’abuser de sa puissance. D’après La France est monarchique dans sa On est si monarchique en France que dès la doctrine révolutionnaire, le Roi ne règne constitution même ; elle a le sang qu’on est tombé en république, on cherche et ne gouverne qu’au nom du peuple ; la monarchique, comme elle a le sang immédiatement un dictateur : témoins, le volonté nationale, c’est-à-dire, en bon catholique et militaire. C’est un fait dont général Bonaparte, à la fin du dernier siècle ; français, les caprices de la multitude aveugle l’évidence est attestée par l’histoire et, au le général Cavaignac, en 1848 ; et Thiers en et du suffrage universel sont sa règle unique, besoin, par les efforts impuissants que cette 1871. sa lumière et sa morale ; son seul frein, c’est la pauvre France fait depuis un siècle, pour crainte de déplaire au peuple et de perdre sa changer son tempérament. Non, la France n’est pas, ne sera pas place. républicaine ; elle ne peut pas, elle ne veut pas l’être. Instruite par l’expérience, elle veut C’est cette doctrine sociale et politique de Dieu a élu la France vivre ; elle veut revivre aujourd’hui, et comme la Révolution qui a présidé, plus ou moins jadis, plus que jadis, donner au monde ses directement, à tous les gouvernements de fait pour être le bras droit belles fleurs et ses excellents fruits. que nous avons eus depuis lagrande , c’est-à- de son Vicaire. dire la terrible révolution française ; tous ont Donc, revenons enfin à cette maison plus ou moins régné et gouverné au nom des paternelle d’où nous sommes follement fameux principes de 89, qui ne sont autre Et pourquoi notre belle et bonne France sortis, en dehors de laquelle nous n’avons chose que les principes sociaux et politiques est-elle essentiellement catholique, trouvé que des déceptions ; rentrons-y : nous de la Révolution. On les appelle essentiellement monarchique, y retrouverons la paix, le bonheur et le repos. ordinairementimmortels ; c’est mortels qu’il essentiellement militaire ? Ah ! c’est que faut dire. DIEU , qui l’a élue entre toutes les autres VII nations de la terre pour être le bras droit de En effet, tous les pauvres gouvernements son Vicaire ici-bas, l’a façonnée à l’image et Ce que c’est que la Révolution, qui se sont appuyés sur ces principes, en sont ressemblance de son Église. L’Église est adversaire du droit divin et par morts. Le droit de la force les avait amenés : catholique, monarchique et militante : la conséquent de la cause d’Henri V. le droit de la force les a fait partir. Toutes nos France, « qui a été faite par les Évêques, révolutions viennent des principes comme une ruche est faite par les abeilles », Il ne faut pas confondre ce qu’on appelle en révolutionnaires ; et tant que la cause selon l’expression d’un célèbre historien général « la Révolution » avec la révolution subsistera, les effets subsisteront aussi. protestant, la France est née catholique ; elle française de 1789. La Révolution proprement Qu’on applique ces principes de bonne ou de ne peut cesser de l’être, sans cesser d’être la dite est plus qu’un fait : c’est une doctrine, un mauvaise foi, il importe peu ; qu’on les France ; elle est née monarchique, et a été ensemble de principes et de théories sociales applique avec plus ou moins d’habileté, il baptisée comme telle par saint Rémy, en la et politiques, que l’Assemblée nationale de importe peu encore : du moment qu’on les personne de Clovis, son vrai premier Roi ; on 1789 n’a fait qu’appliquer à la France ; et cette applique, on est perdu tôt ou tard ; de même aura beau faire, elle est et elle sera toujours doctrine qu’on a appelée justement la qu’on meurt tôt ou tard, quand on avale un monarchique ; enfin la France est née Révolution, c’est-à-dire la grande révolte, est poison mortel. Impossible de faire de l’ordre militaire et guerrière : Clovis était soldat ; un immense blasphème et une théorie avec du désordre. Charlemagne, Philippe-Auguste, saint abominable. C’est la négation impudente du Louis, Henri IV, Louis XIV, tous nos grands droit de DIEU sur les sociétés, et du droit « Le mal, écrivait Henri V, vient des Souverains ont été des soldats. qu’il a donné à son Église d’enseigner et de atteintes portées, depuis plus d’un demi- diriger les rois et les peuples dans la voie du siècle, aux grands principes sur lesquels Telle est la constitution intime de la salut. repose tout l’ordre social et politique ; et le France ; tel est l’ordre providentiel qui régit remède, c’est le retour à ces principes sacrés. les destinées de notre patrie, et auquel elle ne C’est une doctrine nouvelle, née des Tout ce qui pourrait encore être essayé hors saurait déroger impunément. D’autres révoltes protestantes, de l’incrédulité de là n’aboutirait qu’à des révolutions nations, autrement organisées, peuvent et voltairienne et des conspirations de la franc- nouvelles et au triomphe plus ou moins même doivent peut-être vivre en république, maçonnerie. Elle déclare que l’Église de prochain, mais infaillible, des fatales parce que tel est leur tempérament social et DIEU n’a aucun droit d’enseigner ni de doctrines dont le but est le bouleversement politique ; mais, pour nous, il n’en est pas diriger les sociétés, d’inspirer les lois, de et l’entière destruction de la société ainsi : pour la France, cesser d’être une s’interposer entre les Souverains et les (Correspondance , p. 99). » monarchie, c’est descendre du trône où peuples pour empêcher l’injustice et DIEU et l’Église l’ont miséricordieusement maintenir les droits de la vérité. D’après la Il n’est pas nécessaire d’être bien fin pour placée ; c’est déroger ; c’est quitter un état doctrine révolutionnaire, les Souverains et voir que le droit divin est en opposition meilleur pour un état moins parfait et moins leurs gouvernements relèvent, non plus de directe avec la théorie révolutionnaire et la noble. Saint Thomas établit, en effet, que la DIEU , mais du peuple ; D IEU n’est plus le prétendue souveraineté du peuple ; et c’est forme monarchique est, dans la société Maître suprême de la nation : c’est le peuple parce que l’esprit révolutionnaire s’est chrétienne, la forme gouvernementale la plus qui seul est son propre maître ; de là les noms infiltré dans presque toutes les têtes depuis parfaite : c’est pour cela sans doute que le de « peuple souverain », et de « souveraineté un siècle, qu’il est devenu si difficile de faire Seigneur l’a choisie et pour l’Église et pour la du peuple ». De là encore la fameuse et comprendre aux gens la vérité en matière famille, c’est-à dire pour les deux sociétés absurde théorie du suffrage universel, où le sociale et politique. qu’il a instituées lui-même, non-seulement peuple-roi, trompé, conduit par le bout du quant au fond, mais encore quant à la forme. nez par le premier-venu, vote sans savoir ce Sachons-le bien : c’est principalement qu’il veut, sans comprendre ce qu’il fait, sans parce qu’elle est l’ennemie jurée de DIEU et Quoi qu’il en soit de la perfection relative connaître les élus pour qui on le fait voter. de son Église, que la Révolution est de la forme monarchique, le fait est, quant à l’ennemie de la royauté légitime, de la la France, qu’elle ne peut vivre ni prospérer Dans ce beau système, le Souverain n’est monarchie très-chrétienne, aujourd’hui en dehors du terrain de la monarchie. DIEU plus le délégué, le représentant de DIEU , représentée par Henri V. sait, et le démon aussi, combien de tentatives chargé par lui de procurer le vrai bonheur du infructueuses ont été faites depuis cent ans, peuple : le Souverain, dans le système Tout ce qui, à un degré quelconque, est pour transporter la pauvre France dans des révolutionnaire, est le commis, le révolutionnaire en France est contraire à la terrains autres que celui où DIEU l’a plantée ? représentant du Peuple-Souverain, lequel cause d’Henri V : c’est la preuve la plus 6 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 splendide de la légitimité, de la sainteté de autres. Aucun gouvernement issu de la chrétien, ami de l’ordre et du bonheur cette cause. Révolution n’est viable. publics, éclairé et conduit par la loi de DIEU , dirigé par les lumières de la foi dans le droit VIII La monarchie légitime, la monarchie sentier de la justice ? Autant est abominable vraiment catholique qu’il s’agit de relever, le type du tyran et du despote, autant celui du Que l’antique monarchie chrétienne diffère par son essence de tous ces Roi chrétien est noble, attrayant et digne de qu’il s’agit de restaurer en France gouvernements. Le Roi Henri V, qui, par la respect. diffère essentiellement de tous les grâce de DIEU , la comprend et la représente, pouvoirs qui nous ont gouvernés s’appuie sur un droit qu’il tient de DIEU et La monarchie française, telle que l’avaient depuis 89. que confirme l’enseignement catholique le constituée et l’Église et les siècles, était plus traditionnel, le plus autorisé. S’il garantie contre ses propres faiblesses, autant Ce qui fait qu’un pouvoir est légitime, ce ne revendique la couronne, c’est qu’elle lui que peut l’être ici-bas une institution sont ni les intentions ni les qualités de celui appartient par sa naissance ; c’est qu’elle est à humaine. D’après cette constitution qui l’exerce : ce sont les principes sur lesquels lui, d’après l’antique et vénérable incomparable, le Roi avait d’abord pour il s’appuie. De même, ce qui fait qu’un constitution française, que les passions et premier conseiller et, pour ainsi dire, pour pouvoir est révolutionnaire, ce ne sont ni les l’incrédulité ont seules fait oublier à notre lumière et conscience, l’Église, la foi, la loi intentions ni la perversité de ceux qui pauvre France, et s’il ne fait que se proposer à divine, représentée par les Évêques et, au l’exercent, mais bien les principes la libre acceptation de son peuple, le droit, le besoin, par le Pape. Quelle plus puissante révolutionnaires qui lui servent de base. droit divin au nom duquel il nous dit à tous : garantie contre les écarts de l’orgueil et du Cette distinction est fondamentale. « Je suis votre Roi », s’impose à notre esprit, despotisme ? comme toute vérité. Depuis 1789, tous les gouvernements de Ensuite, le Roi était entouré des sommités fait qui se sont succédé et qui ont dirigé la Donc, indépendamment de toute de la France, des plus puissants et des plus France, se sont tous, comme nous l’avons dit, considération personnelle, la royauté riches seigneurs du pays, qui, après l’Ordre appuyés plus ou moins sur les principes d’Henri V repose sur des principes vrais, du clergé, formaient le second Ordre de la mensongers de la souveraineté du peuple et certains, immuables, catholiques ; tandis que nation. Les seigneurs, par leur puissance de l’indifférence politique en matière de les autres gouvernements que nous avons eus même, tempéraient ce que l’autorité royale religion. Pour ce motif, tous ont été plus ou depuis près d’un siècle reposaient sur la base pouvait avoir de trop puissant, garantissaient moins révolutionnaires. essentiellement fragile de principes erronés, ainsi le peuple contre les abus de pouvoir révolutionnaires, condamnés par la foi et, on toujours possibles par cela seul qu’un Roi est peut bien l’ajouter, par la saine raison et un homme ; et en même temps ils couvraient La liberté, ou plutôt, l’expérience. le Roi contre les révoltes également possibles de ses sujets. la licence de la La légitimité est essentiellement une question de principes ; il ne faut jamais en Enfin, le peuple proprement dit, presse, est la grande faire, comme on le fait presque toujours, une fortement organisé au moyen de nombreuses arme de la question de personnes. institutions municipales et ouvrières, jouissait de libertés très-étendues et très- Révolution. IX réelles, protégées par l’Église et aussi vieilles que la France elle-même. Si, en remontant sur le trône de La Restauration elle-même, tout en France, le Roi y fera monter avec lui Lorsque le besoin s’en faisait sentir, les maintenant le vrai principe monarchique, « le despotisme et la tyrannie ». représentants du clergé, des seigneurs et des avait fait à l’esprit du temps des concessions communes, librement élus par leurs pairs, se qui l’ont perdue en l’affaiblissant. Elle avait Les aveugles adversaires de la monarchie rassemblaient autour du Roi et portaient à sa conservé trois éléments de mort : légitime ont trois vieillesrengaines , qui connaissance toutes les plaintes, tous les l’Université napoléonienne, qui était et qui alimentent, depuis cent ans, toute la presse désirs de la France. C’était ce qu’on appelait est toujours l’école, la pépinière de la révolutionnaire, celle qui porte l’habit noir lesAssemblées des notables ou les États généraux Révolution ; la liberté, ou plutôt, la licence de comme celle qui porte la blouse. La première du royaume. Malheureusement pour la la presse, qui est la grande arme de la de ces rengaines, qui ne mérite pas même France et pour la monarchie elle-même, ces Révolution ; enfin la franc-maconnerie, qui qu’on s’y arrête, c’est l’accusation de grandes assises nationales furent supprimées est l’armée organisée de la Révolution. La « théocratie ». On confond, parce qu’on le de fait, à partir de Richelieu. Révolution a perdu Charles X, comme elle veut bien, et parce qu’on ne sait pas ce dont avait perdu Louis XVI. on parle, la théocratie, qui est le Tant que les États généraux purent se gouvernementdirect et immédiat de DIEU , réunir, la monarchie chrétienne et française « Je suis la Révolution, » disait un jour, de er avec la soumission archi-légitime d’un fut le premier et le plus magnifique pouvoir lui-même, Napoléon I . Louis-Philippe eût Souverain et de son gouvernement à la de l’Europe ; et, sauf des perfectionnements pu en dire autant, quoique à un autre point de volonté de DIEU . Le gouvernement de Moïse et des changements de forme nécessités par vue. Nos deux républiques, plus encore, s’il était un gouvernement théocratique ; le le changement des temps, c’est à ce type se peut ; et chacun sait comment le second gouvernement que nous demandons est tout excellent que nous voudrions revenir. Ce Empire, malgré la modération habituelle, simplement un gouvernement chrétien et n’est point là rétrograder : c’est remonter à pour ne pas dire l’hypocrisie, de ses procédés soumis à la loi de DIEU . une hauteur d’où nous ont fait descendre le avait inscrit, en tête de sa constitution « les protestantisme d’abord, puis l’absolutisme immortels principes de 89, la souveraineté La seconde rengaine révolutionnaire, ce de Richelieu et de Louis XIV, puis enfin les nationale et le suffrage universel ». sont les grands mots dedespotisme et de honteuses doctrines de l’incrédulité tyrannie. Tout roi est un despote ; tout prince voltairienne et de l’impiété révolutionnaire. Le premier Empire était la Révolution est untyran . Ici encore, ils ne savent ce qu’ils militaire ; le gouvernement de Juillet, la disent ; ou plutôt ils ne le savent que trop : ils Rien n’est plus opposé au despotisme et à Révolution parlementaire, bourgeoise ; les mentent, pour séduire le pauvre peuple. la tyrannie que la vraie monarchie chrétienne trois Républiques, la Révolution et traditionnelle de la France. Cette démocratique ; le second Empire, la Undespote est un homme qui gouverne, monarchie est le pouvoir le plus juste, le plus Révolution diplomatique et soi-disant commande, défend, en suivant ses caprices, fort, et tout à la fois le plus réglé qu’il soit pacifique. sans tenir compte de la justice ni du droit. Un possible de concevoir. En le redemandant à tyran est un despote cruel, un despote qui DIEU et aux hommes, nous demandons, non Tous ces pouvoirs, bâtis sur le sable, ne non-seulement gouverne arbitrairement, l’esclavage, mais la délivrance de notre patrie. pouvaient durer : le souffle de la colère de mais qui, de plus, opprime, écrase le pauvre Nous voulons l’autorité, non le despotisme ; DIEU les a renversés les uns après les autres, peuple. Quel rapport, dites-moi, y a-t-il entre nous voulons la liberté, non la licence ; nous les uns comme les autres, les uns sur les ces deux idées et celle d’un Roi légitime, voulons le règne de DIEU sur la France, parce Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 7 que ce règne, oublié depuis trop longtemps, catholiques de la France, et à sa vieille monarchie très-chrétienne, nous n’est que le règne de la vérité, de la paix, de constitution si sage et si forte. n’entendons pas le moins du monde le retour l’ordre et de la vraie liberté. à l’arbitraire, à l’omnipotence de la Cour, au Quant au despotisme et à la tyrannie, nous Sous Louis XIV, la France s’absorba de règne du bon plaisir et du caprice royal. Nous laissons cela aux révolutionnaires et à ces plus en plus dans l’autorité personnelle du entendons, et le Roi Henri V l’entend ainsi le pouvoirs de toute couleur, nés de la Roi. Sous la Régence du duc d’Orléans, tout premier, le retour à une autorité, légitime en Révolution, qui ne parlent si haut de la était soumis aux influences et même aux son essence, forte mais toujours juste en son liberté que parce qu’elle fait défaut à la intrigues de la Cour ; et cet état de choses exercice ; le retour à une autorité soumise à la pauvre France et que ne pouvant lui donner continua sous le règne de Louis XV. suprême autorité de DIEU , éclairée et la chose, ils cherchent à la satisfaire avec le sauvegardée par l’enseignement de la sainte mot. Église, tempérée et tout ensemble soutenue Cette abominable par de fortes institutions provinciales et par Le Roi de France nous apportera, DIEU des libertés municipales, qui remplaceront aidant, la vraie liberté, en même temps que la tyrannie, ces scènes les anciennes institutions emportées par le vraie autorité. Voilà pourquoi nous hideuses, ces vent des révolutions. soupirons après son retour. meurtres, ces échafauds Voyez si le programme royal que Henri V a Voici ce que, du fond de son exil, dit et sanglants, ces ruines de tracé de sa propre main ressemble en quoi répète ce tyran d’un nouveau genre : « La que ce soit à l’absolutisme de « l’ancien France réclame à bon droit les garanties du tout genre, cet épou- régime ». « Mes dispositions, écrivait-il dès gouvernement représentatif, honnêtement, vantable régicide, ces 1856, dans un manifeste que toute la France a loyalement pratiqué avec toutes les libertés connu, mes dispositions sont toujours les et tout le contrôle nécessaires. Elle désire forfaits sans nom seront mêmes et ne changeront jamais. une sage décentralisation administrative, et une protection efficace contre les abus à jamais le stigmate du « Exclusion de tout arbitraire ; — le règne d’autorité. Un gouvernement qui fait de règne de la Révolution. et le respect des lois ; — l’honnêteté et le l’honnêteté et de la probité politique la règle droit partout ; — le pays sincèrement invariable de sa conduite, loin de redouter représenté, votant l’impôt et concourant à la ces garanties et cette protection, doit, au De là naquirent une quantité d’abus, qu’on confection des lois ; — les dépenses contraire, les rechercher sans cesse appelle aujourd’hui les abus de « l’ancien sincèrement contrôlées ; — la propriété, la (Correspondance , p. 269). » régime ». Une lettre de cachet suffisait pour liberté individuelle et religieuse inviolables envoyer un homme en prison, sans aucun et sacrées ; — l’administration communale et Non assurément, ni l’Église catholique, ni jugement ; c’était un acte essentiellement départementale sagement et la monarchie traditionnelle ne sont hostiles arbitraire, qui ne devait amener aucune progressivement décentralisées ; — le libre aux doctrines de tolérance et de liberté ; et, justification, aucune défense ; un acte dont accès pour tous aux honneurs et aux loin d’être les ennemis de tout progrès bien les conséquences étaient indéfinies, que rien avantages sociaux : telles sont à mes yeux les entendu, elles en ont souvent pris la sage ne contrôlait, qui ouvrait la porte à toutes les véritables garanties d’un bon gouvernement ; initiative et toujours favorisé le salutaire injustices et qui était justement odieux. Les et tout mon désir est de pouvoir un jour me développement. charges les plus importantes de l’État et dévouer tout entier à l’établir en France, et même de l’Église s’obtenaient trop souvent assurer ainsi à ma patrie le repos et le « Il est utile, ajoute le Prince, de rappeler par des favoris ; on vendait et on achetait les bonheur (Correspondance , p. 157). » cette vérité à ceux qui l’oublient (Ib ., p. 210). » charges de la magistrature, etc. La Révolution, il est vrai, en a fait cent fois, cent Et, dix ans après, il disait plus X mille fois plus. Qu’est-ce, en effet, que ces explicitement encore : « Un pouvoir fondé abus, en comparaison de cette abominable sur l’hérédité monarchique, respecté dans Que la monarchie chrétienne tyrannie, de ces scènes hideuses, de ces son principe et dans son action, sans faiblesse représentée par Henri V n’a rien de meurtres, de ces échafauds sanglants, de ces comme sans arbitraire ; — le gouvernement commun avec « les abus de l’ancien ruines de tout genre, et, par-dessus tout, de représentatif dans sa puissante vitalité ; — les régime ». cet épouvantable régicide, de ces forfaits dépenses publiques sérieusement sans nom qui seront à jamais le stigmate du contrôlées ; — le règne des lois ; — le libre La troisième rengaine, qui revient à tout règne de la Révolution ? accès de chacun aux emplois et aux propos sous la plume et sur la langue des honneurs ; — la liberté religieuse et les ennemis de la monarchie, c’est ce qu’on est Mais enfin les abus de l’absolutisme étaient libertés civiles consacrées et hors d’atteinte ; convenu d’appeler « les abus de l’ancien réels, étaient criants, et la nécessité d’une — l’administration intérieure dégagée des régime ». réforme sérieuse était sentie de tous, à entraves d’une centralisation excessive ; — la commencer par le bon et honnête Louis propriété foncière rendue à la vie et à Ici, il faut distinguer entre « l’ancien XVI. l’indépendance par la diminution des charges régime », et « le régime très-ancien », ou, pour qui pèsent sur elle ; — l’agriculture, le parler plus clairement, le régime très- Si la terrible révolution qui fit expier à commerce, l’industrie constamment chrétien. Louis XVI et à toute la famille royale les encouragés ; — et, au-dessus de tout cela, une fautes de ses devanciers n’éclata point plus grande chose : l’honnêteté ! L’honnêteté qui En effet, à l’époque de la Révolution tôt, ce fut à cause de la puissante vitalité que n’est pas moins une obligation dans la vie française, une modification fatale s’était la monarchie française avait puisée dans sa publique que dans la vie privée ; l’honnêteté opérée insensiblement dans le régime vieille et chrétienne constitution. La France qui fait la valeur morale des États comme des intérieur de la France. Le Cardinal de vivait de son passé. Elle finit pourtant par particuliers (Correspondance , p. 254). » Richelieu, craignant sans doute d’être gêné succomber. Les voltairiens, les francs- dans les plans de sa politique par les États maçons et les autres révolutionnaires Voilà le très-ancien et très-chrétien régime généraux, parvint à les empêcher de se réunir attaquèrent la royauté par son côté dont nous saluons d’avance le retour. pendant le règne de Louis XIII, ou, pour vulnérable ; ils parvinrent, en ajoutant le mieux dire, pendant tout son règne à lui- mensonge aux exagérations, à détacher le XI même. En même temps, il comprima, il peuple de son Roi ; ils lui firent oublier ses abaissa tant qu’il put la puissance des nobles traditions de foi et de fidélité ; ils S’il est vrai que le règne d’Henri V seigneurs et la liberté des Évêques, contre- circonvinrent le Roi lui-même, paralysèrent serait le règne d’une caste privilégiée, poids si utile, si indispensable de l’autorité ses efforts, et finirent par le faire passer du le règne de la noblesse et de la Cour. royale. Louis XIV suivit son exemple. Il put trône à la prison du Temple, et du Temple à bientôt dire cette parole devenue célèbre : l’horrible échafaud du 21 janvier. C’est le Prince lui-même qui va répondre à « L’État, c’est moi » : axiome gros de dangers, ce préjugé par trop démocratique. contraire aux droits de DIEU , aux traditions Quand nous parlons d’un retour à la « Je me suis constamment efforcé, écrivait- 8 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 il y a plus de vingt ans, de prouver par mes à remonter un jour sur le trône de mes pères, D’abord savez-vous ce que c’est que la paroles comme par ma conduite, que, si la je n’aurai pas trop du concours de tous les dîme ? Sur cent qui s’en épouvantent, il y en a Providence m’appelle à régner un jour, je ne cœurs qui aiment sincèrement leur patrie, quatre-vingt-dix-neuf qui ne savent pas ce serai pas le Roi d’une seule classe, mais le Roi pour m’aider à remplir les grands devoirs qui que c’est, et le centième ne le sait pas non ou plutôt le père de tous. Partout et toujours, me seront imposés (Ib. , p. 126). » plus. La dîme était une redevance annuelle je me suis montré accessible à tous les que payaient autrefois à l’Église les braves Français, sans distinction de classes et de Après cela n’est-il pasévident que le règne gens qui vivaient sous sa protection dans les conditions. Je les ai tous vus, tous écoutés, d’Henri V serait le règne d’une caste domaines ecclésiastiques. C’était une espèce tous admis à se presser autour de moi. privilégiée, le règne de la noblesse et de la d’impôt qui se payait en nature, et qui Cour ? Qu’en dites-vous ? constatait le devoir imposé par Notre- « Comment après cela pourrait-on encore Seigneur au peuple chrétien de subvenir aux me soupçonner de ne vouloir être que le Roi XII besoins temporels de ceux qui se dévouent à d’une caste privilégiée, ou, pour employer les ses besoins spirituels. termes dont on se sert, le Roi de l’ancien Quelle est la vraie liberté que la régime, de l’ancienne noblesse, de l’ancienne France attend de son Roi. Dans les temps de foi, cette redevance Cour ? J’ai toujours cru, et je suis heureux de paraissait toute naturelle. Quoi de plus me voir ici d’accord avec les meilleurs esprits, Sur ce point encore, nous avons sa parole : simple, en effet, que la reconnaissance que désormais la Cour ne peut plus être ce « Aujourd’hui, a-t-il dit, relever tout à la fois effective envers cette Église bienfaisante, qu’elle était autrefois. l’autorité royale et la liberté, en les fortifiant dont les ministres abandonnent tout pour se l’une par l’autre pour les préserver de ces dévouer au salut des âmes, à l’instruction et à « J’ai toujours cru également qu’il faut que cruels retours, de ces fatales alternatives l’éducation du peuple fidèle, à toutes les classes de la nation s’unissent pour d’anarchie et de despotisme, de licence et de l’administration des sacrements, à la prière travailler de concert au salut commun, y servitude, voilà le problème. J’ai la ferme publique et au soin des pauvres ?Dîme veut contribuant, les unes par leur expérience des confiance qu’il me sera donné de contribuer diredixième , l’Église et la coutume avaient, en affaires, les autres par l’utile influence au moins à le résoudre (Correspondance , p. effet, fixé au dixième la part qui devait qu’elles doivent à leur position sociale. Il faut 193). revenir au clergé sur les fruits et produits de que toutes soient engagées dans cette lutte la terre. du bien contre le mal ; que toutes y apportent « Fasse le ciel que bientôt, sortant de mon le concours de leur zèle et de leur inaction forcée, je puisse me sacrifier tout La Révolution s’indigne contre la dîme, coopération ; que toutes y prennent leur part entier au triomphe du droit sur l’iniquité, de parce que la dîme avait un caractère de responsabilité, afin d’aider loyalement et la vérité sur le mensonge, de l’ordre et de la essentiellement religieux, parce qu’elle était efficacement le pouvoir à fonder un liberté sur la licence et l’oppression : en un un acte de foi et de soumission à cette Église gouvernement qui ait tous les moyens de mot, de la civilisation chrétienne sur la abhorrée dont la destruction est le but final remplir sa haute mission, et qui soit durable. barbarie révolutionnaire. C’est mon désir de la grande conspiration révolutionnaire. ardent et ma ferme espérance (Ib. , p. 199) ». Mais que la dîme soit chose bonne ou « Toujours aussi j’ai eu l’intime conviction mauvaise, juste ou injuste, où a-t-on pris qu’il n’y a que la monarchie restaurée sur la La licence, la barbarie révolutionnaire, qu’Henri V pense à la rétablir ? Ces sortes base du droit héréditaire et traditionnel qui, nous les voyons à l’œuvre depuis cent ans, à d’accusations sont tellement ridicules que, répondant à tous les besoins de la société, chacune de nos révolutions. Les orgies pour toute réponse, il suffit de hausser les telle que l’ont faite les événements accomplis sanglantes de 93, les massacres et les épaules. depuis plus d’un demi-siècle, puisse concilier proscriptions de la Terreur, les barricades de tous les intérêts, sauvegarder tous les droits juillet, les assassinats des Princes et des Rois, Ce sont les sociétés secrètes et les mauvais acquis, et mettre la France en pleine et les horreurs des journées de juin, et, par- journaux qui ont inventé ces stupidités et qui irrévocable possession de toutes les sages dessus tout, le règne sanglant et ignoble de la les font avaler au peuple « le plus spirituel du libertés qui lui sont nécessaires. Commune en 1871, avec la guerre civile, le monde » (vieux style). pillage organisé et l’incendie de Paris : voilà « J’apprécie tous les services qui ont été les fruits de cette licence qui a osé s’appeler la Il en est de même de ces fameux droits rendus à la patrie ; je tiens compte de tout ce liberté. féodaux, qu’Henri V, disaient-ils, va rétablir. qui a été fait à différentes époques, pour la Encore une chimère ; encore une calomnie préserver des maux extrêmes dont elle était Henri V nous apportera la liberté, la bonne absurde ! et dont elle est encore menacée. liberté du bien et du vrai ; et c’est parce qu’il aimera la liberté, qu’il détestera, qu’il « Les droits féodaux » n’étaient guère que « J’appelle tous les dévouements, tous les réprimera la licence. des redevances, souvent très-peu onéreuses, esprits éclairés, toutes les âmes généreuses, ou encore certains hommages, insignifiants tous les cœurs droits, dans quelques rangs Cependant, que les nigauds se rassurent : le en eux-mêmes, qu’imposaient les seigneurs à qu’ils se trouvent, et sous quelque drapeau Roi très-chrétien ne persécutera, ne brûlera leurs vassaux, en échange des terres dont ils qu’ils aient combattu jusqu’ici, à me prêter personne ; seulement, il empêchera de son leur abandonnaient les fruits ou même la l’appui de leurs lumières, de leur bonne mieux le démon et ses bons amis de faire propriété. Dans un temps où l’orgueil et volonté, de leurs nobles et unanimes efforts leurs mauvais coups, de perdre les âmes et l’envie n’avaient pas encore été surexcités pour sauver le pays, assurer son avenir, et lui d’empoisonner le pauvre peuple. parmi les ouvriers et les paysans, ces droits préparer, après tant d’épreuves, de seigneuriaux n’avaient rien de choquant ; et il vicissitudes et de malheurs, de nouveaux Le retour du Roi légitime, c’est donc au ne faut pas juger de ces anciens usages avec jours de gloire et de prospérité. fond le retour de la liberté légitime, qui seule l’esprit de folle indépendance qui relâche et mérite le beau nom de liberté. bouleverse aujourd’hui tous les liens sociaux. « Telles ont été dans tous les temps, et telles sont encore mes dispositions et mes XIII Maintenant le seigneur universel, vues (Correspondance , p. 106) ». insatiable et invisible, qui s’appelle l’État, a Si Henri V va rétablir, comme on veut jeté son grappin redoutable sur la France ; il Plus tard, Henri V insistait sur le même le faire croire, « la dîme et les droits lui suffit d’une loi, d’un décret portant sujet. « Loin de repousser personne, disait-il, féodaux ». l’étiquette de « l’utilité publique », pour je serai heureux, au contraire, d’accueillir prendre tout ce qui lui plaît, pour violer sans tous les hommes utiles, dans quelque Voilà encore une de ces niaiseries, plus appel la propriété individuelle ; par la situation politique qu’ils se soient trouvés, à grosses qu’une montagne, et que l’on avale conscription, il prend de force nos enfants, quelque nuance d’opinion qu’ils sans sourciller, sous les pieuses exhortations les arrache au foyer et au bonheur appartiennent, pourvu qu’ils apportent au des francs-maçons et des démocrates, qui domestiques, les jette brutalement ou dans la service de l’État un zèle éclairé et un véritable n’en croient pas un mot. corruption des casernes, ou sous les canons dévouement. Car, si la Providence m’appelle de l’ennemi ; du matin au soir, du Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 9 commencement jusqu’à la fin de la vie, il chrétiennement les enfants des familles l’ordre avec du désordre, de l’autorité avec les foule aux pieds les droits les plus sacrés de la chrétiennes, à faire connaître et à faire servir principes qui sapent l’autorité par sa base. Il famille et de la conscience, sans compter le bon DIEU ; mais , comme l’Église elle- faut qu’ils choisissent ou le Roi, ou la ceux de DIEU et de l’Église. même , il n’obligera personne à être chrétien. Révolution ; ou le droit, ou le caprice ; ou le Ceux-qui voudront aller en enfer auront blanc ou le rouge. Il n’y a plus de place pour le Et les misérables qui ont jeté et qui toujours la liberté d’y aller ; seulement les tricolore, lequel est doublé de rouge, nous ne maintiennent notre France dans cet empoisonneurs publics n’auront plus toute le voyons que trop depuis 89. esclavage osent accuser un passé qui avait liberté de séduire, de calomnier, de pervertir. contre lui des abus sans aucun doute, mais Est-ce là un mal, je vous prie ? Le Roi Henri V a l’honneur insigne de dont les institutions fondamentales étaient représenter, et de représenter seul excellentes, protectrices de toutes les Ayant pour base le droit et la justice, le aujourd’hui, le grand principe de la libertés vraies, essentiellement conformes à règne d’Henri V sera le règne de l’honnêteté légitimité. C’est pour cela qu’il tient en ses la loi de DIEU . et du bien. Voilà pourquoi il est digne des mains le salut de la France ; c’est pour cela sympathies, des respects de tous les que tous les véritables hommes d’ordre, tous Presque tout ce qu’on a dit de ces horribles honnêtes gens. les gens de bien doivent se ranger sous sa « droits féodaux » sont de pures inventions ou bannière. des exagérations grossières, uniquement Savez-vous quel est le véritable éteignoir ? dictées par la haine de l’autorité légitime et C’est l’autocratie aveugle de l’État XVI par l’impiété. révolutionnaire, qui opprime et qui supprime arbitrairement ce qui lui déplaît et, Comment, chez un très-grand nombre De grâce, gardons-nous une bonne fois de avant tout, la liberté catholique, mère et de gens de bien, appartenant aux cette école de mensonge qui nous séduit, qui protectrice de toutes les autres libertés. anciens partis politiques, le retour de nous perd depuis plus d’un siècle, et la monarchie légitime n’est que la demandons à DIEU de rendre au peuple XV réalisation de ce qu’ils ont vainement français le sens du vrai que la Révolution cherché jusqu’ici. semble lui avoir enlevé si profondément. Pourquoi tous les hommes d’ordre doivent saluer avec bonheur le retour Parmi les anciens libéraux, à l’époque de la Henri V ne songe pas plus à rétablir la dîme d’Henri V. révolution française, et même parmi les et les droits féodaux qu’à nous faire marcher républicains modérés, il y avait bon nombre la tête en bas, ou à remplacer le chassepot par Henri V, s’il m’est permis de parler ainsi, d’hommes fort sincères, qui, choqués outre les vieilles arbalètes du temps de saint Louis, n’est pas tant un homme qu’un principe : mesure des abus de l’absolutisme royal, ne et les canons rayés par les vénérables C’est le principe du droit, qui vient se virent, dans la révolution qui s’opérait en catapultes des Étrusques. substituer à l’absence de tout principe, ou, ce France et à laquelle ils travaillaient avec qui est pis encore, aux principes erronés, enthousiasme, qu’un retour aux anciennes XIV chimériques, délétères, de la souveraineté du libertés nationales et la cessation du régime peuple et de l’athéisme politique. de l’arbitraire. Le fait est certain. Si Henri V forcera tout le monde d’aller à la Messe et à confesse. Henri V, c’est l’ordre, l’ordre stable et vrai, De même, quelques années plus tard, succédant à cette apparence d’ordre fait avec lorsque Napoléon Ier releva le trône brisé, et, Dans celles de nos provinces qui sont du désordre, dont nousjouissons depuis 1789. mêlant le faux avec le vrai, constitua encore chrétiennes, les sociétés secrètes font l’Empire, beaucoup de gens honorables se peur aux pauvres gens en les menaçant de la Nous l’avons dit, nous en sommes arrivés à rallièrent au nouvel ordre de choses, parce dîme et des droits féodaux. Dans les un tel point, qu’il n’y a plus maintenant de qu’ils n’y voyaient qu’un élément d’autorité provinces, trop nombreuses hélas ! où la milieu possible pour ces partis mitoyens, et de force, capable de réparer les ruines de la Révolution a fait son œuvre et a demi-vrais, demi-faux, qui croyaient pouvoir Terreur. déchristianisé les masses, on leur dit : « Le vivre avec des fragments de vérité sans être jour où Henri V arrivera au pouvoir, il vous obligés de rompre avec les fameux principes Sous la Restauration, on salua les Bourbons forcera d’aller à la Messe et à confesse. Ce de 89, marotte de notre siècle. Pas plus en comme représentant le principe sera le règne des curés, des jésuites, des politique qu’en religion ces tiers-partis ne monarchique héréditaire et les antiques capucins. Nous n’aurons plus la liberté de sont possibles aujourd’hui. Si on veut le traditions de la France ; mais on ne se penser. Nous serons sous l’éteignoir clérical. rétablissement de l’ordre, il faut le vouloir préoccupait pas, ou du moins pas assez, du Donc, honnêtes moutons, ajoutent-ils, votez tout entier, non-seulement avec ses venin libéral et gallican, qui était répandu pour nous. Soyez des nôtres. » conséquences, mais aussi avec son principe, dans la charte de 1815 et dans l’ensemble de c’est-à-dire avec le retour d’une monarchie nos lois athées. Et il y a des gens, beaucoup de gens assez évidemment légitime, dont le droit est bêtes (qu’on me pardonne cette expression indiscutable et supérieur aux caprices et aux Malgré son origine si évidemment qui rend exactement ma pensée), oui, assez oscillations du peuple. révolutionnaire, malgré ses tendances bêtes pour le croire. irréligieuses et libérâtres, le régime de Juillet compta également parmi ses partisans bon Non, Henri V n’obligera personne à aller à Il faut choisir : ou nombre d’hommes honnêtes qui croyaient la Messe ni à confesse. Non, il n’opprimera sincèrement à la liberté du libéralisme et qui personne ; il ne lésera aucun des droits de bien être homme voulaient de très-bonne foi le bien public. votre conscience. Ce qu’il fera, ce sera de protéger tout ce qui est bon contre tout ce d’ordre avec le Roi Il en fut de même sous la république de qui est mauvais ; de protéger les pauvres gens, légitime ; ou bien 1848 ; sans être républicains, quantité beaucoup plus nombreux qu’on ne pense, qui d’hommes d’ordre crurent trouver dans la sont actuellement privés de liberté être franchement république une forme d’institutions plus religieuse, par les exigences odieuses et large, plus simple, plus adaptée aux exigences arbitraires d’une quantité de patrons ou de révolutionnaire. du moment. Ils purent donc se rallier très- maîtres sans conscience. loyalement, très-sincèrement à cette pauvre Il faut choisir : ou bien être homme d’ordre république. Parce qu’il sera un Souverain sérieusement (grand mot dont on a bien abusé depuis cent chrétien, sérieusement catholique, le Roi ans), être homme d’ordre avec le Roi A son tour et malgré certains « points empêchera, autant qu’il pourra, les scandales légitime ; ou bien être franchement noirs » qui dès lors apparaissaient à l’horizon, publics de l’impiété ; et par ses exemples révolutionnaire. Lesmétis , qu’on appelle « les le rétablissement du second Empire put être d’abord, puis par l’influence d’une autorité libéraux », sont des révolutionnaires qui regardé par les hommes d’ordre comme un prudente et ferme, il aidera l’Église à faire le s’ignorent, qui croient qu’on peut faire de bonheur pour la France, d’autant plus bien, à combattre les vices, à élever facilement que les premières années du règne 10 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 de Napoléon III parurent empreintes d’un rétablissement de la monarchie au dire de bien des missionnaires, c’est une caractère de modération ferme et de respect légitime. dégradation inconnue chez les nègres et les pour la Religion, qui faisait bien augurer de sauvages. l’avenir. Esprits conservateurs, ils trouvaient Parce que la monarchie légitime est seule dans le régime impérial un élément capable de rétablir tout de bon l’ordre et la Quoique les travailleurs de la campagne vigoureux d’autorité, nécessaire, semblait-il, paix ; parce que les révolutions qui sont nées soient moins malheureux, ils sont tombés pour réprimer l’anarchie. précisément de l’oubli des principes sur bien bas aussi ; ils ont perdu le sens chrétien, lesquels repose la vraie monarchie, enlèvent le respect du prêtre et des choses saintes ; ils Ces hommes étaient véritablement des aux pauvres travailleurs le nécessaire, le pain ont perdu la simplicité, la bonne et joyeuse hommes d’ordre, des gens de bien. Ce qu’ils de chaque jour. naïveté d’autrefois. Eux aussi s’occupent de ont cherché, ce qu’ils ont cru trouver dans politique ; le café et le cabaret ont remplacé ces différents régimes, c’était la sécurité, la Avec nos belles révolutions modernes, les bienfaisantes réunions à l’Église. Trop paix publique, la prospérité du pays : toutes nous passons notre temps à renverser souvent l’instituteur semble n’avoir d’autre choses excellentes. aujourd’hui ce que nous avons bâti hier. Il n’y mission que de paralyser l’influence du curé, a plus de sécurité dans les esprits, plus de de pervertir la foi des enfants et de préparer Mais ces biens si désirables ne se trouvent stabilité dans les affaires, et par conséquent il ainsi des générations de plus en plus que là où la Providence les a mis comme en n’y a pas d’affaires ; le travail est interrompu à révolutionnaires. dépôt : dans la vraie et légitime autorité, dans tout propos : or le travail, qu’est-ce pour la vraie et légitime liberté : dans la vraie l’ouvrier et le pauvre peuple, sinon le pain Le retour à la monarchie chrétienne et autorité, qui seule peut sérieusement quotidien, le strict nécessaire ? Pour le riche, légitime sera, tout le monde le sent fort bien, réprimer la licence ; et dans la vraie liberté, les révolutions sont sans doute fort le retour à un état de choses tout différent. qui seule n’est pas un danger pour l’autorité. désastreuses aussi ; mais enfin elles ne le L’ordre, remis à la base même des privent que du superflu. A l’ouvrier, au institutions du pays, se fera bientôt sentir Or, dans la monarchie très-chrétienne, que pauvre travailleur, elles enlèvent tout ; elles le jusque dans les détails : il en sera de la France représente Henri V et qu’il s’agit de rendre à réduisent à la misère, et le poussent trop comme d’un arbre à moitié desséché, auquel notre France, nous trouverons ce que nous souvent à des extrémités détestables, car la la vie est rendue peu à peu par l’eau avons vainement, quoique honnêtement, misère est mauvaise conseillère. bienfaisante qui vient baigner ses racines : il cherché ailleurs. reverdit, il pousse de nouvelles branches ; il Autrefois, lorsque les bases de la société retrouve bientôt son ancienne vigueur et sa En devenantlégitimistes , c’est-à-dire étaient affermies par le respect de notre fécondité première. partisans de la monarchie légitime, nous ne antique et chrétienne monarchie, l’ordre faisons que saisir l’idéal après lequel nous n’était jamais troublé qu’à la surface. Un Roi Cette métamorphose bienheureuse peut avons inutilement couru sur la terre succédait à un Roi ; le Roi ne mourait pas. Un s’effectuer en beaucoup moins de temps étrangère. Nous faisons comme le voyageur changement de règne ne changeait rien à la qu’on ne pense : si la France rappelait qui, après avoir pris, sans le savoir, et à France ; c’était simplement un grand deuil de aujourd’hui et acclamait son Roi, en peu plusieurs reprises, des chemins qui ne le famille, auquel s’unissait une grande joie de d’années le crédit, le commerce, les grandes menaient point à son but, reconnaît enfin famille. Alors comme toujours, il y avait des et les petites affaires reprendraient avec son erreur, et rentre sans hésiter dans le vrai misères, sans aucun doute : il y aura toujours d’autant plus d’ardeur qu’on pourrait enfin chemin, dès qu’il vient à le connaître. des misères ici-bas, et les meilleurs régimes compter sur l’avenir. Les méchants ne font que les diminuer ; mais la santé de la pourraient cette fois trembler tout de bon, Nous faisons comme ces pauvres âmes que France n’était pas atteinte par ces maux les méchants qui sont les seuls véritables le malheur de leur naissance et de leur accidentels ; la prospérité, la foi, l’honneur et ennemis du pauvre peuple ; et les bons, c’est- éducation a fait grandir ou dans le bonheur du peuple demeuraient intacts. à-dire les vrais amis, les seuls bienfaiteurs de l’indifférence ou dans le schisme ou dans la classe laborieuse, pourraient enfin se l’hérésie, et qui embrassent avec autant de L’esprit démocratique et révolutionnaire, rassurer et mettre la main, sans hésiter, à la droiture que de bonheur la foi catholique dès introduit en France par le calvinisme, ne reconstruction du grand édifice social. Les que leurs yeux s’ouvrent à sa lumière. cessa de battre en brèche, pendant plus de sources du vice et de l’irréligion, qui sont les deux cents ans, cette belle et excellente principales sources de la misère, seraient En politique comme en religion, comme en monarchie française qui servait de taries, autant du moins que le permettent et toutes choses, ne faut-il pas mettre avant fondement à la paix et à la prospérité du pays. l’imperfection de toutes les choses de ce tout l’amour de la vérité ? Du moment que la En 1789, l’édifice s’écroula ; et depuis, nous monde et la difficulté des circonstances. vérité politique se montre à nous, comme avons vécu de ruines et au milieu de ruines. elle le fait en ces temps-ci, claire et Dans son long exil, Henri V a beaucoup lumineuse, rallions-nous sans hésiter autour A qui, dites-moi, ont profité les douze ou étudié les grandes questions qui intéressent de son drapeau, et bénissons DIEU qui nous treize révolutions qui, depuis 89, se sont la classe ouvrière, soit dans les villes, soit dans permet enfin de saluer la réalisation de nos succédé sans interruption ? Est-ce aux les campagnes. Il a sur ce point les idées les plus chères, de nos plus légitimes espérances. pauvres gens ? Est-ce aux ouvriers de nos plus généreuses, les plus arrêtées. Voici grandes villes ? De plus en plus exploités par comment, dans un document public, Rallions-nous à la monarchie héréditaire l’industrie, beaucoup d’entre eux se trouvent spécialement consacré à cette grave d’Henri V, afin d’être de vrais gens, de vrais réduits à une espèce d’esclavage qui question, il résumait ses pensées : « En hommes d’ordre. Si l’on nous accuse d’être ressemble fort à l’état lamentable des présence des difficultés actuelles, ne semble- inconséquents avec notre passé, nous aurons esclaves du paganisme. Pour ces pauvres t-il pas que, fidèle à toutes les traditions de la consolation bien supérieure d’être gens, plus de liberté religieuse : sous peine de son glorieux passé, la royauté vraiment conséquents avec notre conscience et avec mourir de faim, ils sont forcés de travailler le chrétienne et vraiment française doive faire des instincts d’honnêteté qui grâces à DIEU , dimanche, d’oublier D IEU , de vivre sans aujourd’hui, pour l’émancipation et la ne nous ont jamais fait défaut, mais qui, religion, loin de l’Église. Avec la liberté du prospérité morale et matérielle des classes jusqu’à ce jour, n’étaient point guidés par une dimanche, ils ont perdu et l’esprit de famille, ouvrières, ce qu’elle a fait en d’autres temps lumière suffisante. et le bonheur tranquille du foyer, et le repos pour l’affranchissement des communes ? nécessaire à la vie ; les cabarets, la mauvaise N’est-ce pas à cette royauté qu’il appartient En politique comme en religion, passer du presse, les sociétés secrètes, les associations d’appeler le peuple du travail à jouir de la camp de l’erreur dans le camp de la vérité, ce politiques et révolutionnaires sont venues liberté et de la paix, sous la garantie n’est pas apostasier, c’est se convertir, c’est compléter l’œuvre, et les épouvantables nécessaire de l’autorité, sous la tutelle remplir un véritable devoir de conscience. excès qui déshonorent depuis quelque temps spontanée du dévouement et sous les la plupart de nos grandes villes font toucher auspices de la charité chrétienne XVII du doigt la profondeur du mal où la (Correspondance , p. 239) ? » Révolution a jeté la classe ouvrière. Quant Pourquoi les ouvriers et les paysans aux mœurs de tout ce monde-là, il n’en faut Le retour d’Henri V au trône de France sont tout spécialement intéressés au point parler : c’est quelque chose d’effrayant ; serait pour tous, mais surtout pour le peuple Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 11 proprement dit, le commencement d’une ère Révolution ont fini par produire leur effet ; « Français, écrivait le Prince le 9 octobre nouvelle, d’une ère vraiment chrétienne, puis, parce que quantité de gens de bien sont 1870, vous êtes de nouveau maîtres de vos vraiment heureuse. despleutres . destinées.

XVIII Quantité de gens de bien croient et « Pour la quatrième fois depuis moins d’un espèrent en la monarchie ; mais il n’osent pas demi-siècle, vos institutions politiques se Si cela vaut la peine de rappeler Henri le dire tout haut. — Oh ! que de petites sont écroulées et nous sommes livrés aux plus V, puisqu’il n’a pas d’enfants. lâchetés chez les gens de bien ! Tout douloureuses épreuves. dernièrement un homme d’esprit les appelait Il n’a pas d’enfants, mais il a des héritiers ; « lesgens de bien peu de cœur ». Pour la cause « La France doit-elle voir le terme de ces et ces héritiers lui succéderaient de la monarchie comme pour la cause de la agitations stériles, source de tant de légitimement, sans aucune secousse, d’après Religion, quatre-vingt-dix personnes sur malheurs ? C’est à vous de répondre. la foi fondamentale de la monarchie cent rougissent de la vérité, et ont la française. déplorable faiblesse de ne pas affirmer « Durant les longues années d’un exil hautement leurs convictions. immérité, je n’ai pas permis un seul jour que Depuis bientôt neuf cents ans, ce cas s’est mon nom fût une cause de division et de présenté six fois déjà ; et jamais cela n’a fait trouble ; mais aujourd’hui qu’il peut être un l’ombre d’une difficulté. Reprenons la même Jusqu’à quand les mé- gage de conciliation et de sécurité, je n’hésite loi. Rentrons dans les mêmes traditions ; et pas à dire à mon pays que je suis prêt à me nous retrouverons la même paix, chants seront-ils seuls dévouer tout entier à son bonheur. récompense des mêmes vertus sociales et à montrer de l’énergie, politiques. Ne l’oublions pas ; Henri V est, « Oui, la France se relèvera si, éclairée par avant tout, un principe. Devant ce principe, à s’entendre, à agir, à les leçons de l’expérience, lasse de tant toutes les questions personnelles l’emporter presque d’essais infructueux, elle consent à rentrer disparaissent. Quant à ses héritiers légitimes, dans les voies que la Providence lui a tracées. nous ne voyons plus en eux que des partout, malgré leur descendants de saint Louis et d’Henri IV, infime minorité ? Quoi ! « Chef de cette maison de Bourbon, qui, des princes de la race royale de France, que le avec l’aide de DIEU et de vos pères, a droit de leur naissance, que le droit divin nous avons pour nous constitué la France dans sa puissante unité, je appelle au trône. devais ressentir plus profondément que tout la vérité ; DIEU est autre l’étendue de nos désastres, et mieux Et puis, lors même qu’Henri V n’aurait avec nous : et nous qu’à tout autre il m’appartient de les réparer. aucun héritier, ni direct ni indirect, il n’en resterait pas moins indispensable de avons peur ! « Ne l’oubliez pas : c’est par le retour à ses reconnaître son droit et de rentrer dans les traditions de foi et d’honneur, que la grande voies d’où la Révolution nous a fait sortir. nation, un moment affaiblie, recouvrera sa Jusqu’à quand les méchants seront-ils seuls Cette soumission serait devant DIEU et puissance et sa gloire. devant les hommes le témoignage de la vérité à montrer de l’énergie, à s’entendre, à agir, à de notre repentir ; elle nous attirerait pour l’emporter presque partout, malgré leur « Je vous le disais naguère : gouverner ne l’avenir les miséricordes divines. Après infime minorité ? Quoi ! nous avons pour consiste pas à flatter les passions des peuples, Henri V, on aviserait. nous la vérité ; DIEU est avec nous : et nous mais à s’appuyer sur leurs vertus. avons peur ! Quelle anomalie ! « Ne vous laissez plus entraîner par de Point de salut pour Il y en a qui craignent qu’Henri V ne soit fatales illusions. Les institutions trop consciencieux, trop chrétien. Oui, il y républicaines qui peuvent correspondre aux la France, tant en a, et beaucoup, même parmi les gens de aspirations des sociétés nouvelles, ne bien, si réellement honnêtes, si bons et si prendront jamais racine sur notre vieux sol qu’elle demeurera nombreux. C’est insensé : un Souverain peut- monarchique. loin de son DIEU et il être trop chrétien, trop consciencieux, surtout dans un temps comme le nôtre, où il « Pénétré des besoins de mon temps, toute de son Roi, s’agit de relever les caractères énervés par la mon ambition est de fonder, avec vous, un corruption, et de remonter le moral de la gouvernement vraiment national, ayant le hors de l’Église. France ? Ces pauvres disciples de M. droit pour base, l’honnêteté pour moyen, la Prud’homme ne se doutent pas du mal grandeur morale pour but. incalculable qu’ils font au pays : leur La grande affaire pour nous, c’est de inintelligence et leur faiblesse ouvrent à deux « Effaçons jusqu’au souvenir de nos rentrer dans les voies du droit, et de nous battants les portes aux révolutionnaires et dissensions passées, si funestes au débarrasser une bonne fois de ces haillons aux révolutions. développement du véritable progrès et de la ensanglantés qui nous déshonorent et qu’on vraie liberté. appelle les principes révolutionnaires. Point Un peu d’énergie ! Et demain, si nous le de salut pour la France, tant qu’elle voulons, la cause du Roi sera populaire, sera « Français, qu’un seul cri s’échappe de notre demeurera loin de son DIEU et de son Roi, gagnée ! cœur : hors de l’Église, pour courir d’aventures en aventures, et tomber de monarchies frelatées XX « Tout pour la France, par la France et avec la en républiques impossibles. France! Comment Henri V vient de faire lui- Dans le principe de la légitimité, nous même, à deux reprises, appel au bon « HENRI. » retrouverons le double trésor que nous avons sens et à la bonne foi de la France. perdu : l’autorité véritable et la véritable Plus récemment encore, le descendant de liberté. Au mois d’octobre dernier, pendant que saint Louis écrivait, pour qu’on les rendît l’invasion allemande ensanglantait, écrasait publiques, les lignes suivantes, qui ont XIX la France ; pendant que l’ennemi assiégeait et produit sur tous les esprits honnêtes un affamait Paris, Henri V a cru devoir faire un incroyable effet. Ce nouveau manifeste Si la cause d’Henri V est bonne et appel au bon sens et à la bonne foi du pays. résume, en le revêtant d’une autorité vraie, pourquoi donc n’est-elle pas Ses paroles si simples, si nobles, achèveront vraiment royale, les considérations plus populaire ? de convaincre les esprits qui pourraient renfermées dans le présent travail. douter encore. D’abord, parce que les calomnies de la « Comme vous, mon cher ami, j’assiste 12 Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 l’âme navrée, aux cruelles péripéties de cette elle ne fera jamais qu’une halte dans le nations. Ce n’est qu’aux époques de ses plus abominable guerre civile, qui a suivi de si près désordre ; elle oscillera perpétuellement grands malheurs que la France a abandonné les désastres de l’invasion. entre le césarisme et l’anarchie, ces deux ce glorieux patronage. formes également honteuses des décadences « Je n’ai pas besoin de vous dire combien je païennes, et n’échappera pas au sort des « Croyez-le bien, je serai appelé non- m’associe aux tristes réflexions, qu’elle vous peuples infidèles à leur mission. seulement parce que je suis le droit, mais inspire, et combien je comprends vos parce que je suis l’ordre, parce que je suis la angoisses. « Le pays l’a bien compris, il a choisi pour réforme, parce que je suis le fondé de pouvoir mandataires des hommes éclairés comme nécessaire, pour remettre en sa place ce qui « Lorsque la première bombe étrangère vous sur les besoins de leur temps, mais non n’y est pas, et gouverner avec la justice et les éclata sur Paris, je ne me suis plus souvenu moins pénétrés des principes nécessaires à lois, dans le but de réparer les maux du passé que des grandeurs de la ville où je suis né : j’ai toute société qui veut vivre dans l’honneur et et de préparer enfin un avenir. jeté au monde un cri de douleur qui a été dans la liberté. entendu ; je ne pouvais rien de plus, et « C’est pourquoi, mon cher ami, malgré ce « On se dira que j’ai la vieille épée de la aujourd’hui comme alors, je suis réduit à qui reste de préjugés, tout le bon sens de la France dans la main, et dans la poitrine ce gémir sur les horreurs de cette guerre France aspire à la monarchie. Les lueurs de cœur de Roi et de père qui n’a point de parti. fratricide. l’incendie lui font apercevoir son chemin ; elle sent qu’il lui faut l’ordre, la justice, « Je ne suis point un parti, et je ne veux pas « Mais ayez confiance, les difficultés de l’honnêteté ; et qu’en dehors de la monarchie revenir pour régner par un parti. Je n’ai ni cette douloureuse entreprise ne sont pas au- traditionnelle, elle ne peut rien espérer de injure à venger, ni ennemis à écarter, ni dessus de l’héroisme de notre armée. tout cela. fortune à refaire, sauf celle de la France, et je puis choisir partout les ouvriers qui voudront « Vous vivez, me dites-vous, au milieu « Combattez avec énergie les erreurs et les loyalement s’associer à ce grand ouvrage. d’hommes de tous les partis, préoccupés de préventions qui trouvent un accès trop facile savoir ce que je veux, ce que je désire, ce que jusque dans les âmes les plus généreuses. « Je ne ramène que la Religion, la concorde j’espère. et la paix. Je ne veux exercer de dictature que « On dit que je prétends me faire décerner celle de la clémence, parce que, dans mes « Faites-leur bien connaître mes pensées un pouvoir sans limite. Plût à DIEU qu’on mains seulement, la clémence est encore la les plus intimes, et tous les sentiments dont n’eût pas accordé si légèrement ce pouvoir à justice. je suis animé. ceux qui, dans les jours d’orage, se sont présentés sous le nom de sauveurs ! Nous « Voilà, mon cher ami, pourquoi je ne « Dites-leur que je ne les ai jamais trompés, n’aurions pas la douleur de gémir aujourd’hui désespère pas de mon pays, et pourquoi je ne que je ne les tromperai jamais, et que je leur sur les maux de la patrie. recule pas devant l’immensité de la tâche. demande, au nom de la civilisation, au nom du monde entier, témoin de nos malheurs, « Ce que je demande, vous le savez, c’est de « La parole est à la France, et l’heure à d’oublier nos dissensions, nos préjugés et nos travailler à la régénération du pays ; c’est de D.IEU rancunes. donner l’essor à toutes ses aspirations légitimes ; c’est, à la tête de toute la Maison « HENRI. « Prémunissez-les contre les calomnies de France, de présider à ses destinées, en répandues dans l’intention de faire croire soumettant avec confiance les actes du « 9 mai 1871. » que, découragé par l’excés de nos infortunes, gouvernement au sérieux contrôle de désespérant de l’avenir de mon pays, j’ai représentants librement élus. Je plains le cœur français, qui, devant de renoncé au bonheur de le sauver. pareils accents, ne laisserait point échapper « On dit que la monarchie traditionnelle notre vieux cri national : « Il sera sauvé, le jour où il cessera de est incompatible avec l’égalité de tous devant confondre la licence avec la liberté ; il le sera la loi. «VIVE LE ROI !» surtout quand il n’attendra plus son salut de ces gouvernements d’aventure, qui, après « Répétez bien que je n’ignore pas à ce CONCLUSION quelques années de fausse sécurité, le jettent point les leçons de l’histoire et les conditions dans d’effroyables abîmes. de la vie des peuples. Comment tolérerais-je « Et si, malgré tout cela, Henri V ne des privilèges pour d’autres, moi qui ne remontait point sur le trône ? Si, pour une « Au-dessus des agitations de la politique, il demande que celui de consacrer tous les raison ou pour une autre, les faits venaient à y a une France qui souffre, une France qui ne instants de ma vie à la sécurité et au bonheur ne pas répondre à vos principes et à vos veut pas périr, et qui ne périra pas ; car de la France, et d’être toujours à la peine espérances ? » lorsque DIEU soumet une nation à de avant d’être avec elle à l’honneur? pareilles épreuves, c’est qu’il a encore sur elle — Eh bien ! répondrais-je, ces principes de grands desseins. « On dit que l’indépendance de la Papauté n’en seraient pas moins certains en eux- m’est chère, et que je suis résolu à lui obtenir mêmes, et la question de la monarchie d’efficaces garanties. On dit vrai. chrétienne et légitime n’en resterait pas « L’abandon des moins en elle-même une grande, une sainte principes est la « La liberté de vérité, digne de tout respect. Si ce malheur arrivait, de deux choses vraie cause de l’Église est la l’une : ou bien la Providence, dans les secrets impénétrables de sa toute-puissance, nos désastres. » première condition réserverait à la France des voies de la paix des esprits extraordinaires de salut que la sagesse « Sachons reconnaître aussi que l’abandon humaine ne peut absolument pas prévoir ; — des principes est la vraie cause de nos et de l’ordre ou bien la pauvre France serait perdue sans désastres. retour, et irait s’effondrer totalement dans dans le monde. » les abîmes sur le bord desquels nous la voyons « Une nation chrétienne ne peut pas penchée. impunément déchirer les pages séculaires de son histoire, rompre la chaîne de ses « La liberté de l’Église est la première Espérons mieux, et de la bonté de DIEU , et traditions, inscrire en tête de sa constitution condition de la paix des esprits et de l’ordre de la protection de la très-sainte Vierge, à qui dans le monde. Protéger le Saint-Siège fut la négation des droits de DIEU , bannir toute la France est consacrée. Espérons mieux du pensée religieuse de ses codes et de son toujours l’honneur de notre patrie, et la cause bon sens de notre France, qui, au fond, a de la enseignement public. Dans ces conditions, la plus incontestable de sa grandeur parmi les foi et du cœur, et dont les bonnes œuvres Les documents contrerévolutionnaires no 7 — Septembre 2000 13 crient miséricorde devant le trône du intéresser, comme son roi, à le renouveler : si Seigneur. vous y voyez des scandales, aidez-nous à les retrancher. Pour ma part, je m’estimerais heureux si la lecture de ces quelques pages pouvait Étendez surtout votre protection sur notre affermir dans la vérité ceux qui ont eu le auguste monarque. C’est votre fils, c’est le bonheur de la professer toujours, et ramener chef de votre maison, c’est l’imitation de vos quelques-uns de ceux qui ont eu, comme vertus, c’est la vive image de vos héroïques et moi-même, le malheur de l’ignorer royales qualités : car il est comme vous le zèle longtemps. de Dieu, il est comme vous le protecteur de la vraie religion, le restaurateur des autels, Que DIEU sauve la France ! Que D IEU et sa l’exterminateur de l’hérésie. Mère lui rendent son Roi ! Obtenez-lui les grâces et les lumières dont il a besoin pour achever les grands desseins que Dieu lui inspire ; que cet esprit de Y Y Y sainteté qui vous a dirigé dans toutes vos voies, vienne reposer sur lui ; qu’il nous anime nous-mêmes, et qu’il nous conduise tous à Ouvragesrecommandés l’éternité bienheureuse. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Ainsi soit-il. • Henri, Comte de Chambord, Textes politiques, réédition 1995. Disponible à SA (P. Bourdaloue (1633-1704), S. J., Sermon pour D. P. F. la fête de Saint Louis, in Œuvres complètes, Paris : Méquignon-Havard, 1825, tome XI, • Jean Vaquié, Les origines et les finalités pp. 164-165.) surnaturelles de la monarchie française, réédition Éditions Saint-Rémi, 2000. Disponible aux Éditions Saint-Rémi. 99 • Jean Vaquié,Bénédictions et malédictions , Dominique Martin Morin, 3e édition, 1987. Prière à saint Michel Archange Disponible à SA D. P. F. Saint Michel Archange, défendez-nous • Bernard Basse, La constitution de l’ancienne dans le combat ; soyez notre secours contre France, Dominique Martin Morin, 1986. la méchanceté et les embûches du démon. Disponible à SA D. P. F. « Que Dieu lui commande », nous le demandons en suppliant ; et vous, Prince de • Marquis de la Franquerie, LeSacré-Cœuret la milice céleste, repoussez en enfer, par la la France, Éditions Résiac, 3e édition, 1988. puissance divine, Satan et les autres esprits Disponible à SA D. P. F. mauvais qui rôdent dans le monde pour • Marquis de la Franquerie, La mission perdre nos âmes. Ainsi soit-il. divine de la France, 1955. Disponible à SA (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la D. P. F. récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du • Pierre Virion, Le Christ qui est Roi de SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) France, Éditions Téqui, 1995. Disponible à SA D. P. F.

Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- Au terrible torrent de boue constitué par les Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; peut être assuré, est de leur opposer des écrits http://www.litoo.com. salutaires et de les répandre. S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 Les documents contrerévolutionnaires 99 reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au déferlement de littérature révolutionnaire à Prière à saint Louis, Roi de France vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, Regardez-nous du haut du ciel, ô saint et perd les âmes par millions, c’est le devoir monarque ! et dans cette félicité éternelle des catholiques de redoubler d’effort pour que vous possédez, soyez sensibles à nos diffuser la saine littérature catholique. misères : tout indignes que nous sommes de votre secours, ne nous le refusez pas. Abonnement gratuit sur demande.

Regardez d’un œil favorable ce royaume Toutereproductionestautorisée. que vous avez si sagement gouverné, et si tendrement aimé. Si, par la corruption des Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- vices qui s’y sont introduits depuis votre des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. règne, la face vous en paraît défigurée, que Email : [email protected]. URL : cela même soit un motif pour vous http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 8— Octobre 2000

canonnades, les assauts durèrent cinq mois, voyant une foule d’habitants venir au secours Lépante depuis le dix-huit mai jusqu’à la mi- du grand maître, commencent à se retirer, septembre. La descente des Turcs se fit le sans ralentir leur feu. Tous les chevaliers 7 octobre 1571 vingt mai ; la tranchée s’ouvre devant le fort tremblent des périls auxquels s’expose Saint-Elme quatre jours après, et dure Lavalette : plusieurs se jettent à genoux, et le jusqu’au 22e de juin. Frère Lavalette y avait 9 placé cent trente de ses religieux. Deux fois ces braves, voyant leur petit fort foudroyé « Puis-je finir ma vie par l’artillerie turque, mandent à leur général plus glorieusement que la place n’est plus tenable. Mais, un Abbé Rohrbacher, Histoire religieux, de la famille de Scanderbeg, qu’avec mes frères, universelle de l’Église soutient qu’on peut encore y tenir, et s’offre au grand maître pour la défendre. Lavalette pour le service de Dieu catholique, Paris : Librairie agrée cette proposition courageuse : de et la défense de Louis Vivès, 1904, Tome XI, concert avec l’évêque de Malte, il avance de son argent les sommes nécessaires pour faire notre sainte religion ? » livre 86e , pp. 614-618. de nouvelles levées dans l’île. Une foule de Maltais s’enrôlent à l’envi. Le grand maître écrit alors aux réfractaires que, pour un conjurent de ne pas compromettre chevalier qui paraissait rebuté de soutenir davantage une vie si précieuse. Le héros, YYY plus longtemps le siège, dix braves montrant les enseignes des Turcs, répond demandaient à s’enfermer dans le fort. qu’il ne se retirera, qu’après les avoir abattus. « Revenez au couvent, mes frères, ajouta-t-il, Le combat s’engage avec une nouvelle n 1565, à l’issue du concile de Trente, vous y serez plus en sûreté, et de notre côté fureur ; les étendards sont renversés, et les lorsque Soliman II menaça la nous serons plus tranquilles sur la Turcs s’éloignent en désordre. Le grand E maître, convaincu que leurs chefs les chrétienté d’une ruine entière, en lui conservation d’une place d’où dépend le salut enlevant son dernier boulevard, ni de l’île et de tout notre ordre. » Les chevaliers ramèneront bientôt au combat, témoigne la l’empereur d’Allemagne, ni le roi de France, confus s’écrièrent tous d’une voix : résolution de passer la nuit au poste où il ni le gouvernement d’Angleterre Comment soutiendrons-nous la vue du grand avait si vaillamment combattu. Les n’envoyèrent un homme ni un écu au secours maître et les reproches de nos frères ? Tous, chevaliers lui représentent combien cet de la chrétienté menacée. Elle ne dut son ils jurent de se faire tuer jusqu’au dernier, endroit est exposé à l’artillerie des ennemis. salut qu’aux Papes et à des moines. Ces Papes plutôt que de céder leur poste à une milice « Puis-je, leur répondit Lavalette, à l’âge de furent Pie IV et Pie V : ces moines, les nouvelle ; et, dans une lettre respectueuse, ils soixante-onze ans, finir ma vie plus religieux militaires de Saint-Jean de témoignent à leur héroïque et vénérable chef glorieusement qu’avec mes frères, pour le Jérusalem, nommés depuis chevaliers de tout leur repentir. Lavalette leur accorda service de Dieu et la défense de notre sainte Rhodes, et enfin chevaliers de Malte, comme une grâce la permission de continuer religion ? » gouvernés par frère Jean Parisot de à défendre le fort. Il y eut de la part des Turcs Lavalette. Le dix-huit mai 1565, la flotte des des assauts plus terribles les uns que les Le lendemain, dans un nouvel assaut, le Turcs parut devant Malte. Elle était autres. La plupart des ¢hevaliers et de leurs grand maître reçut une blessure à la jambe ; composée de cent cinquante-neuf vaisseaux soldats se firent tuer sur la brèche. Enfin le mais, dissimulant ses souffrances, il ne cessa de guerre chargés de trente mille janissaires, vingt-trois de juin, après avoir perdu huit de donner l’exemple aux plus braves. Le 23, la plupart Chrétiens apostats et suivis d’un mille hommes, les Turcs entrèrent dans le les Turcs renouvelèrent leurs attaques sur grand nombre de bâtiments qui portaient la fort Saint-Elme. Mustapha, leur général, tous les points : on combattit jusqu’à la nuit, grosse artillerie et les munitions. Frère pour intimider les Chrétiens, fit arracher le et le grand maître, malgré toutes ses Lavalette avait reçu de Pie IV un secours cœur aux chevaliers qui respiraient encore. batteries, ne put les empêcher de se loger sur d’argent considérable. Philippe II, roi Par une dérision sacrilège, les infıdèles la brèche. Le conseil de l’ordre était d’avis d’Espagne, avait promis des troupes du fendirent en croix le corps de ces héroïques d’abandonner ce poste, après en avoir fait royaume de Naples ; mais ces troupes martyrs ; puis, après les avoir liés sur des sauter les fortifications ; mais Lavalette n’arrivaient pas. A l’armée formidable des planches, on les jeta à la mer, dont les flots les rejeta cet avis avec indignation : « C’est ici, Turcs, qui s’augmentait encore de jour en transportèrent au pied du château Saint- mes chers frères, dit-il, qu’il faut que nous jour par des renforts, frère Jean Lavalette Ange. Par représailles, le grand maître lança mourions tous ensemble ou que nous avait à opposer sept cents religieux de son dans le camp de Mustapha les têtes des chassions nos ennemis. » Et, pour prouver ordre plus les frères servants et huit mille prisonniers turcs, et ordonna de ne plus faire aux chevaliers combien il était éloigné de se cinq cents hommes, tant soldats de de quartier à l’avenir. retirer au château Saint-Ange, il passa toute profession qu’habitants enrégimentés. A la la nuit avec la garnison à construire de vue du péril, qu’il ne leur dissimule pas, il Le dix huit août, les Turcs entraient dans nouveaux retranchements. Lui-même engage ses frères à renouveler avec lui leurs un autre fort, celui de Castille ; déjà ils ont conduisit ces ouvrages avec tant d’art et de vœux au pied des autels, et à puiser à la sainte arboré leurs enseignes sur un pan de muraille. capacité, qu’on fut en état de tenir encore sur table un généreux mépris pour la mort. On engage le grand maître à se retirer dans le ce point. Fortifiés de cette manne céleste comme les château Saint-Ange, mais l’intrépide premiers martyrs, les nouveaux Machabées vieillard, sans se donner le temps de mettre sa Enfin, le 7 septembre, le secours espagnol abjurent toute faiblesse, toute division, toute cuirasse, s’avance fièrement, la pique à la si longtemps attendu parut devant Malte, haine particulière, et se dévouent au secours main, au-devant des infidèles : suivi des sous la conduite du vice-roi de Naples, don de la chrétienté. Le siège, les attaques, les chevaliers, il les charge avec fureur ; ceux-ci, Garcie de Tolède. Après avoir présidé au 2 Les documents contrerévolutionnaires no 8 — Octobre 2000 débarquement, qui se fit dans un endroit Herzogwine, ainsi que Pertew, Hersekogli et franchise turque, tandis que la diplomatie opposé à celui que les infidèles gardaient Dukaginogli ; Albanais et Croates, Rustan et européenne y met généralement plus de avec vigilance, le vice-roi se remit aussitôt en son frère Sinan, les vizirs Ferhad Ahmed, mode et de circonlocution. Elle voudrait mer pour aller chercher encore quatre mille Daud, conquérant de l’Yémen, et bien vous enlacer et vous étrangler avec un soldats ; mais ce nouveau renfort ne fut pas Sinanpacha ; Bosniaques, le grand vizir cordon de soie. Il fut donc notifié à la nécessaire. Les généraux turcs, craignant de Mohamed Sokolli, le visir Mustapha, république de Venise que, si elle voulait la voir fondre sur eux les principales forces de la Chosrewpacha, la famille Jajaoghli, Jailak continuation de la paix avec le sultan, elle chrétienté, levèrent le siège et se Mustapha, Sal Mohammed, Maktul devait lui céder le royaume de Chypre, rembarquèrent avec précipitation. Lavalette Mohammedberg, Baltaschi Ahmed ; attendu que cette île appartenait autrefois à ne vit pas plus tôt les Turcs s’éloigner, qu’il fit Dshenabi Ahmed, Temerrud-Ali et Sophi l’Egypte, dont le sultan était maître. C’est par combler leurs tranchées et ruiner leurs Alipacha : Russes, Hasanpacha, gouverneur le même droit que certains empereurs ouvrages ; et sa prévoyance préserva l’île d’un de l’Yémen et l’eunuque Dchaaferpacha. Les Teutoniques prétendaient à la souveraineté nouveau siège. En effet, informé par un chefs de la marine et des corsaires turcs de tous les royaumes, attendu que César- esclave que le secours qui avait fait fuir seize étaient : Salipacha, renégat grec des plaines Auguste était maître de tout l’univers connu. mille Ottomans n’était composé que de six de Troie ; le renégat hongrois ou croate, La république de Venise s’y étant refusée, la mille hommes accablés de fatigues, Pialipacha ; le renégat calabrais, Ochiali ; conquête de Chypre fut résolue, et le renégat Mustapha revint de sa terreur panique : il enfin, le fameux roi des forbans, de Bosnie Mohammed pacha, chargé de remit son armée à terre et alla au-devant des Barberousse, était Grec d’origine. La plupart l’entreprise. troupes auxiliaires de Sicile, mais les Turcs, des femmes du harem étaient des filles qu’il avait fallu forcer à coups de bâton de chrétiennes, emmenées captives ; plusieurs La ville de Nicosie, après un siège de sept quitter leurs vaisseaux, combattirent sans des eunuques du sérail, plusieurs des semaines, fut prise d’assaut le 9 septembre courage et livrèrent aux Chrétiens une facile adolescents prostitués des sultans étaient de 1570 : les habitants se prosternèrent à victoire. Mustapha, abandonné de ses jeunes Chrétiens emmenés en esclavage. Le genoux, en demandant la vie ; ils furent tous soldats fut réduit à faire comme eux, après plus funeste de ces renégats fut un Juif relaps, massacrés. La garnison, avec le commandant avoir perdu trente mille hommes à ce siège Joseph Nassy : de Juif devenu Chrétien en et les autres magistrats, s’était retirée dans le (Biog.univ. , t. XLVII. Lavalette). Portugal, de Chrétien devenu Juif à palais : le pacha leur offrit la vie sauve, s’ils Constantinople, il s’était insinué dans les mettaient bas les armes ; ils le firent, et furent bonnes grâces de Sélim, encore prince hachés en morceaux. Vingt mille victimes Un supérieur de héréditaire, en lui fournissant des ducats de furent égorgées par les conquérants : deux Venise et des vins de Chypre. Dès lors il mille esclaves de l’un et l’autre sexe réservés à moines, secondé par représentait au futur sultan que, par la leurs plaisirs. Des mères tuèrent leurs conquête de Chypre, il aurait l’un et l’autre enfants et elles-mêmes, pour ne pas devenir le Pape, sauva en abondance. Un jour, dans l’ivresse, Sélim le jouet de leurs brutales passions. Une l’embrassa et lui dit : En vérité ; si mes vœux femme se vengea, elle et sa patrie, d’une l’Europe chrétienne. s’accomplissent tu seras roi de Chypre ! Et le manière moins désespérée. Le renégat Juif fit peindre en sa maison les armes de ce Mohammed, grand vizir, ayant chargé trois royaume, avec cette inscription : Joseph , roi vaisseaux de ce qu’il y avait de plus précieux La nouvelle de la délivrance de Malte de Chypre. Sélim, devenu Sultan, le nomma dans le butin, entre autres mille personnes du répandit la joie dans toute la chétienté. Le duc de Naxos et des Cyclades. Mais le sexe réduites en esclavage, une d’elles mit le nom de Lavalette fut célébré dans toute royaume de Chypre tenait encore plus au feu au magasin de poudre, le vaisseau l’Europe. Le pape Pie IV lui offrit le chapeau cœur du Juif. Il est vrai, les Vénitiens en principal sauta en l’air, et mit le feu aux deux de cardinal. Soliman, au contraire, outré de étaient paisibles possesseurs depuis quatre- autres (Ibid. ). cet échec, se prépare à revenir en personne, vingts ans. Il est vrai que Sélim venait de l’année suivante 1566, contre Malte. Il fait confirmer la paix conclue avec les Vénitiens La prise de Famagouste fut encore plus construire une nouvelle flotte pendant par son père ; mais un Juif, directeur de la horrible. Tant le blocus que le siège durèrent l’hiver. Le grand maître trouve moyen de conscience d’un sultan, ne s’arrêtait guère à onze mois, depuis le 19 septembre 1570 faire mettre le feu dans l’arsenal et les ces scrupules. D’autant que Sélim venait de er chantiers du sultan. En même temps, il forma jusqu’au 1 août 1571. En ce jour, n’ayant plus conclure la paix pour huit ans avec que sept barils de poudre, les assiégés le dessein de bâtir une ville nouvelle sur l’empereur d’Allemagne : ainsi, rien à l’emplacement du fort Saint-Elme. Le Pape, demandèrent à capituler. Leur demande fut craindre de ce côté. De plus, l’arsenal accordée le jour même. Libre à eux de se c’était Pie V, les rois d’Espagne et de maritime de Venise venait d’être incendié, Portugal fournissent des sommes retirer avec leurs biens, cinq canons, et les peut-être par les émissaires du Juif. Le trois chevaux des trois principaux chefs : à considérables pour un si grand ouvrage. La moment était favorable. D’ailleurs, le mufti première pierre de la ville nouvelle, appelée ceux qui voudraient demeurer, sécurité répondit en ces termes à la consultation de pleine et entière pour leur honneur, leurs laCité Valette , fut posée le 18 mars 1566 ; et Sélim : « Le prince de l’Islamisme ne peut pour qu’elle fût plus tôt achevée, Pie V biens et leur vie : quarante navires reçurent légitimement conclure la paix avec les les émigrants pour les transporter ; il ne permit qu’on y travaillât même les jours de infidèles que quand il résulte utilité et fête. Et voilà comme un supérieur de moines, restait à terre que les principaux avantage pour l’universalité des Musulmans. commandants. Le 5 août, le gouverneur secondé par le Pape, sauva l’Europe Si l’utilité générale n’est pas atteinte, la paix chrétienne. vénitien Bradagino, accompagné de trois n’est pas légitime. Dès qu’il se présente une commandants, se présente devant utilité, soit durable, soit passagère, on doit, Soliman II, l’empereur le plus fameux des Mustapha, pour lui remettre les clefs. Il est en temps opportun, rompre la paix. Ainsi le reçu d’une manière amicale. Mais tout à coup Ottomans, mourut de la fièvre le 14 prophète conclut la paix avec les infidèles septembre 1566, et eut pour successeur son Mustapha exige plus qu’il n’est porté dans la dans la sixième année de l’hégire jusqu’à la capitulation. Bradagino s’y refuse : aussitôt fils, Sélim II, surnommé l’Ivrogne, dont la vie dixième, et Ali en rédigea le traité ; et la mort justifièrent le surnom. L’empire Mustapha fait égorger les trois cependant il trouva plus dangereux de commandants, couper le nez et les oreilles au turc se soutint néanmoins sous son règne, rompre la paix l’année suivante, d’attaquer non par la force ou le génie des Turcs, mais gouverneur. Dix jours après, il le fit hisser aux les infidèles en la huitième année de l’hegire, vergues d’un navire, et plonger dans la mer ; il des renégats ou Chrétiens apostats, les et de s’emparer de la Mecque (De Hammer, mêmes qui, sous le règne de son père, le contraint de porter de la terre pour Hist. des Ottomans t. III, livre 36, p. 566, en construire deux bastions ; enfin, il le traîne l’avaient porté au plus haut point de sa allemand). » puissance. C’était, au pied de la lettre, sur la place principale, et le fait écorcher vivant. Au milieu de ce cruel supplice, l’empire de l’apostasie. Les premiers Comme on voit, ce fetfa du mufti de généraux et ministres de Soliman et de Sélim Bradagino ne proféra pas une plainte : il Constantinople exprime très clairement la priait, il récitait tout haut leMiserere . Quand furent des renégats. Sur dix grands vizirs de politique moderne, que l’on se plaît à cette époque, il y en eut huit : Ibrahim et il dit ces paroles : O Dieu ! créez en moi, un cœur nommer machiavélisme : l’intérêt y est seul la pur, il rendit son âme à Dieu. Trois cents l’eunuque Soliman étaient Grecs ; Ajas, Lutsi règle. Toute la différence qu’il y a, c’est que la et Ahmed, Albanais ; Ali le Gros, de Chrétiens, qui se trouvaient dans le champ, politique ottomane s’exprimait avec une furent égorgés. Ceux qui avaient été Les documents contrerévolutionnaires no 8 — Octobre 2000 3 embarqués d’après la capitulation furent parcesigne. Les deux armées restèrent quelque temps à traînés en esclavage. Non content de la mort se considérer l’une l’autre avec une ignominieuse de Bradagino, il fit couper son Pendant les lenteurs des négociations et admiration réciproque. L’amiral turc rompit corps en quatre, et clouer ses quartiers à des préparatifs, on apprit les désastres de le silence par un coup de canon, don Juan y l’affût des plus gros canons. Quant à sa peau, Nicosie et de Famagouste, et le ravage répondit par un autre ; la bataille commença il la fit remplir de paille, et promener par le d’autres îles par les Turcs. Pie V n’en pressa sur toute la ligne. C’était vers quatre heures camp et par la ville, avec une image de la que plus vivement l’expédition, à laquelle il après midi. Les Chrétiens avaient le soleil, le passion, également remplie de paille, et donna pour rendez-vous général le port de vent et la fumée dans les yeux, ce qui donnait attachée sur le dos d’une vache. Enfin, il Messine. Il manda au généralissime que aux Turcs un double avantage, outre leur plus envoya l’un et l’autre au sultan, avec les têtes l’unique moyen de salut était une bataille ; il grand nombre. Peu à peu le soleil donna dans salées de Bradagino et de ses trois collègues. lui prédisait la victoire, mais en lui les yeux des infidèles ; le vent, changé tout à A Constantinople, la peau du martyr fut recommandant de s’y préparer coup, leur envoyait la fumée de l’artillerie. suspendue en spectacle aux esclaves chrétiennement, et de renvoyer de son Vers quatre heures et demie, l’amiral turc chrétiens du bagne (De Hammer, Hist. des armée tous les gens de mauvaise foi. Tous les s’élança entre le vaisseau amiral de don Juan Ottomans t. III, livre 36, p. 566, en allemand. chefs suivirent les conseils du Pape et et l’amiral Veniero. On se battit avec On peut voir aussiLes quatre martyrs , par M. résolurent d’aller chercher l’ennemi. acharnement corps à corps, pendant une Rio). Aussitôt, le huit septembre 1571, Nativité de heure entière : enfin un boulet blessa l’amiral la sainte Vierge, on indique un jeûne de trois turc ; un soldat espagnol monté à l’abordage Tel est le sort que les renégats de jours ; toute l’armée se confesse, communie, lui coupa la tête et la mit au bout d’une lance. Constantinople firent éprouver aux et reçoit les indulgences du vicaire de Jésus- La défaite des Turcs fut générale : ils Chrétiens de Chypre. Tel est le sort qu’ils Christ : les ennemis se réconcilient, et ne perdirent trente mille hommes, deux cent préparaient aux Chrétiens d’Allemagne, de songent plus qu’à vaincre ou à mourir vingt-quatre vaisseaux, dont quatre-vingt- France et d’Angleterre ; d’autant plus que ensemble. D’excellents prêtres et religieux, quatorze furent poussés contre la côte et d’autres renégats [les protestants] y faisaient distribués parmi la flotte, y entretenaient le brûlés : ils ne purent sauver que quarante déjà endurer des traitements semblables à bon ordre et la piété, et distribuèrent aux galères. Mais ils perdirent bien plus que tous quiconque ne voulait pas, comme eux, renier soldats des chapelets et desAgnus Dei bénits les navires, savoir, leur réputation d’être la foi de leurs pères. par le saint Pontife. D’ailleurs, Juan invincibles sur mer : depuis cette époque, d’Autriche tenait sévèrement à la discipline. leur empire comme leur renommée a Qui donc empêchera les renégats de Deux misérables ayant été convaincus toujours été en décadence. Les Chrétiens l’Orient de se joindre aux renégats de d’avoir proféré des blasphèmes, il les fit victorieux firent trois mille quatre cent l’ pour étouffer le christianisme et pendre tous deux : ce qui répandit une soixante-huit prisonniers, mais surtout ils l’humanité dans toute l’Europe, dans tout le crainte salutaire dans toute l’armée. rompirent les chaînes de quinze mille monde ? C’est un moine, un moine Chrétiens réduits en esclavage. Ils eurent à dominicain assis sur le siège de saint Pierre, regretter la perte de quinze galères et de huit sous le nom de Pie V. Juan d’Autriche mille braves, parmi lesquels l’amiral vénitien Barbarigo, qui mourut le troisième jour de Les Vénitiens, ainsi menacés par l’empire parcourut toute la ligne ses blessures. Michel Cervantes, écrivain des apostats, en informèrent le chef de dans un esquif, célèbre d’Espagne, combattit à Lépante, et l’Eglise, le suppliant de venir à leur secours et eut le bras gauche emporté. Dans le butin se d’y exciter les autres princes. Pie V fit de tenant à la main un trouvèrent cent dix-sept gros canons et deux grand cœur l’un et l’autre. Il dispose sa flotte crucifix. Tous les cent cinquante-six de plus petits, avec les sous le commandement de Marc-Antoine étendards des pachas, les fanaux d’or, et les Colonne pour renforcer celle de Venise. Il Chrétiens, à haute voix, pavillons de pourpre avec des inscriptions envoie des légats aux rois d’Espagne, de invoquèrent la Sainte d’or et d’argent, des étoiles et des croissants Portugal, de France, de Pologne, aux princes (De Hammer,Hist. des Ottomans t. III, livre d’Italie, à l’empereur d’Allemagne, au Trinité et saluèrent 36, p. 566, en allemand. ). souverain de Moscou ; il leur représente que la sainte Vierge. ce n’est pas seulement le royaume de Chypre Cependant le saint Pontife Pie V qui est en péril, mais tous les royaumes de multipliait ses austérités et ses aumônes. Il l’Occident ; il leur propose une sainte ligue Enfin, s’étant embarqués à Messine le seize avait organisé des prières perpétuelles dans contre les Turcs, pour la défense commune septembre, ils arrivèrent, le samedi sept les maisons religieuses de Rome. Lui-même de la chrétienté ; les rois de Portugal, de octobre, à une heure et demie après midi, persévérait nuit et jour dans l’oraison, et France, de Pologne, l’empereur d’Allemagne dans le golfe de Lépante, à la vue des Turcs, lorsque la nécessité du repos ou des affaires s’en excusent sous divers prétextes ; seuls, le disposés au combat. C’était dans les mêmes l’en empêchait, il confiait à des hommes roi d’Espagne et les princes d’Italie parages qu’avait eu lieu la bataille d’Actium, d’une dévotion exemplaire le soin de prier à concluent avec le Pape et les Vénitiens une entre Octave et Antoine. La flotte des Turcs sa place. Un jour, le trésorier, nommé ligue sainte, une croisade, pour le salut montait à trois cents vaisseaux de guerre, Bussoti, vint l’entretenir au Vatican, selon le commun de l’Europe chrétienne, avec celle des Chrétiens à deux cent neuf. Don devoir de sa charge, et lui soumettre, en invitation aux autres souverains d’y prendre Juan d’Autriche se plaça au centre, ayant à sa présence de plusieurs prélats, un travail part. Pour maintenir la bonne intelligence droite Marc-Antoine Colonne, amiral du important. Tout d’un coup Pie V lui impose parmi les confédérés, le Pape fut déclaré chef Pape, à sa gauche Sébastien Veniero, amiral le silence de la main, il se lève brusquement, de la ligue. Pie V nomma généralissime des de Venise : l’aile droite était commandée par se dirige vers la fenêtre, l’ouvre, et y demeure troupes don Juan d’Autriche, fils naturel de André Doria, amiral génois ; l’aile gauche, par quelques minutes dans une profonde Charles-Quint et frère de Philippe II roi le Vénitien Barbarigo ; le marquis de Santa- contemplation. Son visage, son attitude d’Espagne, lequel avait déployé de grands Cruz commandait la réserve. Juan décelaient une profonde émotion ; puis, se talents militaires en plusieurs occasions. Il d’Autriche parcourut toute la ligne dans un retournant transporté, il s’écrie : Ne parlons reçut à Naples, de la main du cardinal de esquif, tenant à la main un crucifix, et plus d’affaires : ce n’en est pas le temps ! Granvelle, l’étendard envoyé par le Pape. On exhortant du geste et de la voix les chefs et les Courez rendre grâces à Dieu dans son église, y avait brodé en or et en argent le Sauveur soldats à faire leur devoir. Au même temps notre armée remporte la victoire ! Ces mots à crucifié ; et en bas, les armes du Pontife dans les prêtres, le crucifix à la main, entendaient peine achevés, il congédia les assistants le milieu, celles du roi Philippe à droite, brièvement les confessions, donnaient grandement surpris, et ils n’étaient pas celles du sénat de Venise à gauche, avec celles l’absolution générale, avec l’indulgence encore sortis, que le saint Pontife se du généralissime suspendues à de petites plénière du Pape. Enfin, au signal donné par précipitait, baigné de larmes, à genoux dans chaînes. Marc-Antoine Colonne, général des le généralissime, les trompettes sonnèrent : son oratoire. Bussoti et les prélats témoins galères pontificales, avait reçu du Pape tous les Chrétiens, à haute voix, invoquèrent privilégiés de ce miracle, allèrent le confier même son étendard, représentant le Sauveur la Sainte Trinité et saluèrent la sainte Vierge. aux cardinaux les plus considérés dans Rome, en croix, avec les images de saint Pierre et de Pie V l’avait ainsi ordonné. et aux personnes les plus éminentes en piété. saint Paul, et cette inscription : Tu vaincras Tous ensemble notèrent le jour et l’heure de 4 Les documents contrerévolutionnaires no 8 — Octobre 2000 la vision du Saint-Père : 7e jour d’octobre, Rémi. cinquième heure après midi. C’était bien le jour et l’heure où triomphait la croix dans le golfe de Lépante. Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- En reconnaissance de Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : cette victoire, le saint 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. Pape voulut que l’on - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; célébrât la fête du http://www.litoo.com. Rosaire le premier dimanche d’octobre, et inséra dans les litanies 99 de la sainte Vierge Reine du très saint Rosaire, cette invocation : Secours des Chrétiens, priez pour nous.

priez pour nous ! (Indulgencede300jours.Pén.,24novembre1933.)

En reconnaissance de cette victoire, le saint Pape voulut que l’on célébrât la fête du Rosaire le premier dimanche d’octobre, et 99 inséra dans les litanies de la sainte Vierge cette invocation : Auxilium Christianorum, Prière à saint Michel Archange Secours des Chrétiens, priez pour nous ! Les prisoniers détenus pour une dette au- Saint Michel Archange, défendez-nous dans dessous de cent vingt ducats furent mis en le combat ; soyez notre secours contre la liberté aux frais du trésor pontifical. Enfin, méchanceté et les embûches du démon. les Romains furent autorisés à décerner les « Que Dieu lui commande », nous le anciens honneurs du triomphe au demandons en suppliant ; et vous, Prince de commandant de la flotte pontificale, Marc- la milice céleste, repoussez en enfer, par la Antoine Colonne (Vita S. Pii V , l. IV et V. puissance divine, Satan et les autres esprits Acta SS.,25 maii. — Falloux, Hist. de S. Pie V , l. mauvais qui rôdent dans le monde pour 2, c.XXV et XXVI ). perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la L’année suivante, Pie V se préparait à récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, profiter de la victoire remportée sur les communion, visite d’une église avec prière aux intentions du infidèles lorsqu’il mourut de la pierre, le 1er SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) mai 1572. Il était âgé de soixante-huit ans trois mois et quinze jours. Il fut béatifié par Clément X en 1672, et canonisé par Clément XI en 1712. Son corps est dans l’église de Sainte-Marie-Majeure. La mort de Pie V fut pleurée à Rome et dans toute la chrétienté : les Turcs en firent des réjouissances à Constantinople. [...]

La défense de Malte et la victoire de Au terrible torrent de boue constitué par les Lépante, frère Lavalette et don Juan, livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, terminaient sous un rapport l’œuvre des sans autre but, sous leur forme éloquente et leur croisades, l’œuvre de Charles-Martel, de sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et Charlemagne, de Godefroi de Bouillon, de d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en Tancrède, de saint Louis ; la défense de peut être assuré, est de leur opposer des écrits l’humanité chrétienne, de la société salutaires et de les répandre. universelle ou catholique, contre la barbarie mahométane. S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 Les documents contrerévolutionnaires YYY reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au déferlement de littérature révolutionnaire à Ouvragesrecommandés vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, • Jean Dumont,Lépante, l’histoire étouffée , et perd les âmes par millions, c’est le devoir 1997. Disponible à SA D. P. F. des catholiques de redoubler d’effort pour diffuser la saine littérature catholique. • Vicomte de Falloux,SaintPieV , réédition Éditions de Chiré, 1978. Disponible à SA D. Toutereproductionestautorisée. P. F. Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- • R. P. Fr. Charles-Antoine Joyau, Saint Pie des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. V, Pape du Rosaire, réédition Éditions Saint- Email : [email protected]. URL : Rémi, 2000. Disponible aux Éditions Saint- http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 9— Novembre 2000

seraient légitimées, les résistances les plus « Peuples, obéissez à celui qui vous De la résistance héroïques des peuples se trouveraient commande. Vous dites que son autorité a été condamnées, le monde serait livré au pur usurpée, nous ne le nions pas ; mais aux l’usurpateur, par cela même qu’il a atteint son but, a aussi acquis un droit. C’est un voleur gouvernements Non, elle n’est point qui vous a assailli sur le chemin ; il a dérobé vraie, cette dégradante votre argent ; mais par cela seul que vous avez de fait été forcé de le lui livrer, aujourd’hui qu’il le doctrine qui décide de possède, respectez cet argent comme une la légitimité par le propriété sacrée. C’est un vol, mais ce vol est 9 unfait consommé , il ne vous est plus permis de résultat de l’usurpation. remettre ce fait en question. » Présentée sous ce point de vue, la doctrine Abbé Jacques Balmès, Le empire de la force. Non, elle n’est point vraie, du fait se montre tellement contraire aux protestantisme comparé au cette dégradante doctrine qui décide de la notions le plus communément admises, légitimité par le résultat de l’usurpation, qui qu’aucun homme raisonnable ne saurait catholicisme, 8e édition, Paris : dit à un peuple vaincu et subjugué par un l’accepter. Je ne nierai point qu’il n’existe usurpateur : « Obéis à ton tyran ; ses droits certains cas où, même sous un gouvernement Vaton Frères, 1870, Tome sont fondés sur sa force, et ton obligation illégitime, il est à propos de recommander III, chapitres LV et LVI, pp. envers lui sur ta faiblesse. » Elle ne peut être aux peuples l’obéissance : lorsqu’on prévoit, vraie, cette doctrine qui effacerait de notre par exemple, que la résistance sera inutile, 148-183. histoire une de ses plus belles pages, qui qu’elle ne conduira qu’à de nouveaux flétrirait la nation espagnole luttant six ans désordres et à une plus grande effusion de pour son indépendance, et finissant par sang. Mais, en recommandant au peuple la Y Y Y vaincre le vainqueur de l’Europe. Si le prudence, ne mêlez point de fausses pouvoir de Napoléon se fût établi parmi doctrines au langage de la prudence ; afin de nous, le peuple espagnol n’en aurait pas calmer l’exaspération de la multitude, moins gardé le droit en vertu duquel il se gardez-vous de répandre des erreurs es questions jusqu’ici traitées, souleva en 1808 ; la victoire n’aurait pu touchant l’obéissance due au pouvoir, subversives de tout gouvernement, de toute L légitimer l’usurpation. Les victimes du 2 mai société. sont très-graves ; cependant la ne légitimèrent point le commandement de question derésistance contre ce pouvoir est Murat ; et lors même que chaque coin de la encore plus grave. Il est à remarquer que tous les pouvoirs, Péninsule eût présenté les horribles scènes même les plus illégitimes, ont un instinct du Prado, le sang des martyrs de la patrie, plus sûr que les gens qui soutiennent de Peut-il être permis, en aucun cas, en couvrant d’une ineffaçable ignominie aucune hypothèse, de résister par la force pareilles maximes. La première chose que l’usurpateur et ses satellites, n’aurait fait que fait tout pouvoir, dans le premier moment de physique au pouvoir ? Ne peut-on trouver sanctionner le droit sacré de se soulever pour nulle part le droit d’ôter le pouvoir ? A quelle son existence, c’est de proclamer sa la défense du trône légitime et légitimité. Il la cherche dans le droit divin et limite les doctrines catholiques s’arrêtent- l’indépendance de la nation. elles en cette matière ? Tels sont les points humain, il l’établit sur la naissance ou sur extrêmes que nous allons examiner. l’élection, il la fait émaner de titres Il faut le répéter : le simple fait ne crée le historiques ou du développement subit droit, ni dans l’ordre privé, ni dans l’ordre d’événements extraordinaires ; mais tout Certaine doctrine voudrait qu’on dût public ; le jour où un pareil principe serait obéissance à un gouvernement, par cela seul aboutit au même point : savoir, la prétention reconnu, ce jour même les idées de raison et à la légitimité. Ce n’est point lui qui se sert du qu’il est , en considérant uniquement le fait , et de justice disparaîtraient du monde. Certains même en supposant cefait illégitime ; il faut, motfait ; l’instinct de sa propre conservation hommes, peut-être, eurent en vue de flatter lui dit qu’il lui suffirait de le prononcer pour avant tout, établir la fausseté de cette les gouvernements par cette doctrine ; ils ne doctrine : elle est contraire à la saine raison et ôter toute force à son autorité, pour dissiper songèrent pas qu’ils les ruinaient par la base son prestige, indiquer au peuple le chemin de n’a jamais été enseignée par le Catholicisme. et répandaient une semence féconde L’Église, en prêchant l’obéissance aux l’insurrection, se tuer lui-même. Ceci est la d’usurpations et d’insurrections. Qu’y aura-t- condamnation la plus explicite de la doctrine puissances, parle des puissances légitimes ; il d’assuré ici-bas, si nous établissons le cette absurdité, qu’un simple fait puisse que nous combattons : les usurpateurs les principe que le succès décide de la justice ? plus déhontés savent mieux respecter qu’elle créer le droit, ne saurait faire partie du N’est-ce point exciter les hommes à dogme catholique. S’il était vrai que l’on dût ne le fait le bon sens et la conscience mépriser toute notion de droit, de raison, de publique. obéissance à tout gouvernement établi, justice ? En vérité, les gouvernements qui se même illégitime ; s’il était vrai qu’on ne pût trouvèrent défendus par un enseignement si lui résister, il serait également vrai que le Parfois, les doctrines les plus erronées se étrange, devaient peu de reconnaissance à couvrent du voile de la douceur et de la gouvernement illégitime aurait le droit de leurs insensés protecteurs. Cette défense commander ; car l’obligation d’obéir est mansuétude chrétienne ; nous devons n’en est point une, c’est une insulte ; plutôt dissiper les arguments qui pourraient nous corrélative au droit de commander ; par que d’y voir une apologie, on devrait la conséquent, le gouvernement illégitime se être opposés par les partisans d’une aveugle regarder comme un cruel sarcasme. Savez- soumission à tout pouvoir établi. « L’Écriture trouverait légitimé par le seul fait de son vous, en effet, à quoi cela se réduit, et existence. Dès lors toutes les usurpations sainte, diront-ils, prescrit l’obéissance envers comment l’on peut formuler cette doctrine ? les puissances, sans distinction aucune ; le 2 Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000 chrétien ne doit pas faire plus de distinction, A l’époque dont nous parlons, aucune des l’Église militante, a écrit ceci : « Jésus-Christ, mais se soumettre avec résignation à celles conditions que nous venons de mentionner par sa nette et énergique réponse : Rendez à qu’il trouve établies. » n’existait ; l’unique parti qu’eussent à César ce qui est à César, a suffisamment déclaré prendre les gens de bien était de se résigner qu’il suffit du seul fait qu’un gouvernement Je vois contre cette objection les réponses tranquillement aux calamités de leur temps, existe, pour convaincre les sujets qu’ils sont suivantes, toutes décisives. 1° La puissance et d’élever leurs prières vers le ciel pour qu’il légitimement obligés d’obéir à ce illégitime n’est point puissance : l’idée de prît pitié de la terre. Lorsque les armes gouvernement. » Ce que j’ai dit plus haut pouvoir implique l’idée de droit, sans quoi il décidaient de tout, qui pouvait établir que tel détruit assez, ce me semble, une pareille n’y a qu’un pouvoir physique, c’est-à-dire la ou tel empereur s’était légitimement élevé ? assertion ; comme d’ailleurs je compte force. Donc, lorsque la sainte Écriture Quelles règles présidaient à la succession revenir sur l’opinion de cet écrivain et sur les prescrit d’obéir aux puissances, elle parle des impériale ? Où était la légitimité qu’on aurait raisons dont il l’appuie, je ne m’étendrai puissances légitimes. 2° Le texte sacré, dû substituer à l’illégitimité ? Résidait-elle point ici à la combattre. J’émettrai toutefois expliquant pourquoi nous devons nous dans le peuple romain, baisant les chaînes du une observation : l’ouvrage de l’archevêque soumettre à la puissance civile, nous dit premier tyran qui lui offraitdu pain et des jeux ; de Palmyre a été prohibé à Rome : quels que qu’elle est ordonnée de Dieu même, qu’elle dans l’indigne postérité de ces patriciens qui soient les motifs de cette prohibition, on est leministre de Dieu lui-même ; il est clair jadis avaient donné des lois à l’univers ; dans peut assurer que, lorsqu’il s’agit d’un livre qui que l’usurpation ne se trouve jamais revêtue les fils ou la famille de tel ou tel empereur développe une pareille doctrine, tous les d’un si haut caractère. L’usurpateur sera, si assassiné, lorsque les lois n’avaient point peuples jaloux de leurs droits pourraient l’on veut, l’instrument de la Providence, le réglé la succession héréditaire, lorsqu’il souscrire au décret de la sacrée fléau de Dieu, comme s’intitulait Attila, non arrivait si fréquemment que l’empereur Congrégation. son ministre. 3° La sainte Écriture prescrit victime de l’usurpation n’était lui-même l’obéissance aux sujets par rapport à la qu’un usurpateur, monté au trône sur le Puisque l’occasion nous y invite, disons puissance civile, de la même manière qu’elle cadavre de son rival ? Résidait-elle dans les quelques mots sur lesfaits consommés ou la prescrit aux esclaves par rapport à leurs anciens droits de ces peuples conquis, accomplis, qui se rattachent si intimement à la maîtres. Or, de quels maîtres s’agit-il ? maintenant simples sujets de l’Empire, doctrine qui nous occupe.Consommé , Évidemment, de ceux qui avaient un dépouillés de tout esprit de nationalité, accompli, signifie une chose parfaite dans son domaine légitime, tel qu’on l’entendait alors, ayant perdu jusqu’au souvenir de ce qu’ils genre ; ainsi, un acte seraconsommé lorsqu’il conforme à la législation et aux mœurs avaient été, sans pensée propre à leur servir aura été porté à son complément. Ce mot régnantes ; s’il n’en était pas ainsi, il faudrait de guide dans l’œuvre de leur émancipation, appliqué aux délits est opposé àtentative . On dire que le texte sacré fait un devoir de la et impuissants à trouver des ressources dira qu’il y a eu tentative de vol, d’assassinat, soumission, même aux esclaves réduits en contre les forces colossales de leurs maîtres ? d’incendie, lorsque l’entreprise de servitude par un pur abus de la force. Ainsi Qu’on réponde de bonne foi : Quel objet commettre ces crimes s’est révélée par donc, de même que l’obéissance à l’égard des pouvait se proposer celui qui, dans de telles quelque acte ; par exemple, on a rompu la maîtres, prescrite par les Livres saints, ne circonstances, aurait osé quelques tentatives serrure d’une porte, on a attaqué avec une prive point de son droit l’esclave injustement contre le gouvernement établi ? Lorsque les arme meurtrière, on a commencé de mettre retenu en servitude, de même l’obéissance légions, à leur gré, élevaient et assassinaient le feu à une matière combustible ; mais le envers les autorités établies ne doit être successivement leurs maîtres, que pouvait, délit n’est dit consommé que lorsqu’on a entendue que des autorités légitimes, ou que devait faire le chrétien ? Disciple d’un réellement commis le vol, donné la mort, lorsque la prudence le conseille pour éviter le Dieu de paix et d’amour, il ne lui était point réussi à allumer l’incendie. De même, dans trouble et le scandale. permis de prendre part à des scènes l’ordre social et politique, on appellera faits criminelles ; l’autorité se trouvait incertaine, consommésou accomplis , une usurpation qui A l’appui de la doctrine dufait , on allègue la flottante ; ce n’était pas lui qui devait décider aura complètement renversé le pouvoir conduite des premiers chrétiens. « Ils si elle était légitime ou illégitime : il ne lui légitime, et au moyen de laquelle l’usurpateur obéissaient, dit-on, aux autorités restait d’autre parti que de se soumettre à la aura déjà pris sa place ; une mesure qui sera constituées, sans s’inquiéter si elles étaient puissance généralement reconnue. exécutée sur tous les points, comme la légitimes ou non. A cette époque, les suppression du clergé régulier en Espagne et usurpations étaient fréquentes ; le trône Les chrétiens, en se mêlant aux troubles l’incorporation de ses biens au trésor ; une impérial se trouvait fondé sur la force ; ceux politiques, n’auraient réussi qu’à discréditer révolution qui aura triomphé et qui qui l’occupaient tour à tour devaient la religion dont ils faisaient profession : ils disposera sans partage du sort d’un pays, telle fréquemment leur élévation à l’insurrection auraient donné aux faux philosophes et aux que celle de nos possessions d’Amérique. Cet militaire, ou à l’assassinat de leur idolâtres un fondement pour augmenter le éclaircissement nous fait voir que lefait , pour prédécesseur. Néanmoins, on ne voit pas que catalogue des calomnies dont ils êtreaccompli , ne change pas de nature ; c’est les chrétiens se soient jamais mêlés de la poursuivaient leur foi. Une rumeur publique un fait achevé, mais ce n’est jamais qu’un question de légitimité ; ils respectaient le accusait le Catholicisme d’être subversif des simple fait ; est-il juste ou injuste, légitime ou pouvoir établi ; lorsque ce pouvoir tombait, États, les chrétiens auraient fourni des illégitime, cela n’est nullement exprimé par ils se soumettaient sans murmure au nouveau prétextes à cette rumeur mensongère ; la cet adjectif. Des attentats horribles qui tyran. » On ne peut nier que cet argument ne haine des gouvernants et les rigueurs de la jamais ne prescrivent, qui jamais ne cessent présente, au premier coup d’œil, une persécution s’en seraient accrues. Cette de mériter l’ignominie et le supplice, sont difficulté grave : quelques réflexions situation, par hasard, s’est-elle reproduite aussi appelésfaitsaccomplis . cependant suffisent pour en démontrer la dans les temps anciens ou modernes ? La futilité. conduite des premiers chrétiens pouvait- Que signifient donc certaines phrases si elle, par exemple, ainsi que certains hommes fréquemment répétées ? « Il faut respecter les Pour que l’insurrection contre un pouvoir l’ont prétendu, servir de règle aux Espagnols, faits accomplis ; nous acceptons toujours les illégitime soit légitime et prudente, il faut lorsqu’il s’est agi de repousser l’usurpation de faits accomplis ; c’est une folie de lutter que ceux qui entreprennent de le renverser Bonaparte ? Peut-elle être imitée par quelque contre des faits accomplis ; une sage soient sûrs de son illégitimité, aient en vue de autre peuple en de semblables circonstances, politique se plie et se soumet aux faits lui substituer un pouvoir légitime, et et en fera-t-on un argument pour affermir accomplis. » Loin de moi d’affirmer que tous comptent d’ailleurs sur la probabilité du dans leur pouvoir toute sorte d’usurpateurs ? ceux qui établissent ces règles, professent la succès. Ces conditions venant à manquer, le Non, l’homme, parce qu’il est chrétien, ne funeste doctrine qu’elles font supposer. soulèvement manque d’objet ; ce n’est plus laisse pas d’être citoyen, d’être homme, Souvent nous admettons des principes dont qu’un emportement stérile, une impuissante d’avoir ses droits, et d’agir d’une manière nous repoussons les conséquences, et nous vengeance, qui, au lieu d’apporter quelque louable, lorsque, dans les limites de la raison donnons pour bonne une certaine ligne de avantage à la société, ne sert qu’à faire verser et de la justice, il se dévoue à la défense de ces conduite sans faire attention aux du sang, à exaspérer le pouvoir qu’on attaque, droits avec une intrépide audace. abominables maximes sur lesquelles elle et n’a d’autre résultat qu’un redoublement s’appuie. Dans les choses humaines le mal est d’oppression et de tyrannie. Don Félix Amat, archevêque de Palmyre, si près du bien, l’erreur si près de la vérité, la dans son ouvrage posthume intitulé Idée de prudence confine tellement avec la timidité Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000 3 coupable et l’indulgence avec l’injustice, gouvernement n’est point un simple qu’on y fasse attention, les principes qu’en théorie comme en pratique, il n’est pas particulier, mais un défenseur-né de tous les auxquels s’accommodent les toujours facile de se tenir dans les bornes intérêts légitimes ? A l’impossible nul n’est gouvernements. L’histoire et l’expérience prescrites par la raison et la saine morale. tenu. nous enseignent que les faits accomplis sont Parle-t-on du respect pour les faits respectés lorsqu’ils sont indestructibles, accomplis, des hommes pervers y Et remarquez qu’il n’est point nécessaire c’est-à-dire lorsqu’ils ont en eux-mêmes comprennent aussitôt la sanction du crime, en ce cas que l’impossibilité soit physique, il assez de force pour se faire respecter ; en tout le fruit du pillage assuré dans les mains suffit d’une impossibilité morale. Ainsi, lors autre cas, ils ne le sont point. Et rien de plus coupables, toute espérance de réparation même que le gouvernement aurait en ses naturel : ce qui ne se fonde point sur le droit, ôtée aux victimes et le bâillon mis sur leur mains les moyens matériels d’obtenir la ne peut s’appuyer que sur la force. bouche pour étouffer leurs plaintes. Mais je réparation, il suffirait, pour établir sais que d’autres, en prononçant ces mots, l’impossibilité morale, que l’emploi de ces De quelle manière est-il permis de n’ont pas de pareils desseins ; ceux-ci sont moyens dût amener de graves difficultés résister au pouvoir civil ? dupes d’une confusion d’idées qui vient de ce pour l’État, mettre en péril la tranquillité qu’ils n’ont point distingué entre les publique, ou répandre pour l’avenir des Il suit, de ce que j’ai dit dans les chapitres principes moraux et la convenance publique. semences de bouleversements : l’ordre et les précédents, qu’il est permis de résister par la Ce qu’il faut faire sur ce point, c’est donc de intérêts publics réclament la préférence ; ce force à un pouvoir illégitime. La Religion discerner et de fixer ; je le ferai en peu de sont les objets primordiaux de tout catholique ne prescrit point l’obéissance mots. gouvernement ; par conséquent, ce qui ne pourrait s’exécuter sans les mettre en péril, Un fait, par cela seul qu’il est consommé, doit être regardé comme impossible. Il est permis de n’est point légitime, et par conséquent n’est L’application de ces doctrines restera une point digne, par cela seul, de respect. Le question de prudence, sur laquelle on ne peut résister par la force voleur qui a dérobé n’acquiert point un droit rien établir de général. Cette application sur la chose volée ; l’incendiaire qui a réduit dépend de mille circonstances ; elle ne doit à un pouvoir une maison en cendres, n’est pas moins digne point être résolue par des principes abstraits, de châtiment, ne mérite pas moins d’être mais en vue des faits présents, appréciés par illégitime. forcé à des indemnités, que s’il s’était arrêté le tact politique. Ainsi se justifie un certain dans sa tentative : tout cela est si clair, si respect pour les faits accomplis. On envers les gouvernements de simple fait, car, évident, qu’il n’y a pas de réplique. Pour dire reconnaît l’injustice de ces faits, mais il n’en dans l’ordre moral, le simple fait n’est rien. le contraire, il faudrait être ennemi de toute faut pas méconnaître la force ; ne les point Cependant, lorsque le pouvoir est légitime morale, de toute justice, de tout droit ; il attaquer, ce n’est pas les sanctionner. en soi, mais tyrannique dans son exercice, faudrait proclamer l’empire exclusif de L’obligation du législateur est de diminuer le est-il vrai que notre foi défende, dans tous les l’astuce et de la force. Lorsqu’ils dommage le plus qu’il se peut, non de cas, la résistance par la force physique, de appartiennent à l’ordre social et politique, les s’exposer à l’aggraver en s’attachant à en sorte que ne point résister soit un devoir faits consommés ne changent pas de nature : vouloir une réparation impossible. Comme il prescrit par ses dogmes ? L’insurrection ne l’usurpateur, qui a enlevé la couronne au est extrêmement fâcheux pour la société que pourra-t-elle être jamais permise, en aucune possesseur légitime ; le conquérant qui, au de grands intérêts restent mal assurés, hypothèse, pour aucun motif ? Bien que j’aie seul titre de la force de ses armes, a subjugué incertains sur leur avenir, il faudra imaginer éliminé déjà bien des questions, il est encore une nation, n’acquièrent aucun droit par la des moyens qui, sans créer la complicité avec nécessaire de distinguer de nouveau, pour victoire ; le gouvernement qui aura dépouillé le mal, soient capables de prévenir les fixer exactement le point où s’arrête le injustement des classes entières de citoyens, dangers d’une situation douteuse, résultat de dogme, où commencent les opinions. exigé des contributions indues, aboli des l’injustice même. droits légitimes, ne justifiera point ses actes En premier lieu, il est certain qu’un par cela seul qu’il aura une suffisante force Une politique juste ne sanctionne point particulier n’a pas le droit de tuer le tyran, de pour consommer ces iniquités. Cela n’est pas l’injustice ; mais une politique sage ne sa propre autorité. Le concile de Constance, moins évident ; et s’il y a ici quelque méprise jamais la force des faits. Elle ne les session 15e , a condamné comme hérétique la différence, c’est sans doute que le délit est reconnaît point par une approbation ; elle ne proposition suivante : « Un vassal ou sujet d’autant plus grand qu’on a causé des les accepte point en s’en rendant complice ; quelconque peut et doit, licitement et préjudices plus graves, plus étendus, et qu’on mais s’ils existent, s’ils sont indestructibles, méritoirement, tuer tout tyran ; il peut a donné un scandale public. Tels sont les elle les tolère. Transigeant avec dignité, elle même se servir, à cet effet, d’embûches principes de la saine morale, morale de tire des situations difficiles le meilleur parti secrètes, de caresses trompeuses ou l’individu, morale de la société, morale du possible, et fait en sorte de marier les d’adulations, nonobstant tout serment ou genre humain, morale immuable, éternelle. principes de l’éternelle justice avec les vues pacte quelconque fait avec le tyran, et sans de la convenance publique. Rien de plus attendre la sentence ou l’ordre d’aucun juge. » Consultons maintenant la convenance facile que d’éclaircir ce point par un exemple. publique. Il y a des cas où un fait consommé, Après les grands maux, les énormes injustices (« Quilibet tyrannus potest et debet licite malgré son injustice, son immoralité, sa de la révolution française, comment était-il et meritorie occidi per quemcumque noirceur, acquiert une telle force, que, ne pas possible d’opérer une réparation complète ? vassallum suum vel subditum, etiam per vouloir le reconnaître, s’acharner à le De 1814 pouvait-on remonter à 1789 ? Le clanculares insidias et subtiles blanditias vel détruire, c’est amener une suite de troubles trône renversé, les classes sociales nivelées, la adulationes, non obstante quocumque et de bouleversements, et peut-être sans propriété mise en pièces, qui était capable de præstito juramento, sed confœderatione aucun fruit. Tout gouvernement est tenu de reconstruire l’ancien édifice ? Personne. factis cum eo, non expectata sententia vel respecter la justice, de faire que les sujets la mandato judicis cujuscumque. ») respectent ; mais il ne doit point s’entêter à Telle est ma manière de concevoir le commander ce qui ne serait point exécuté, respect pour les faits accomplis, qu’on ferait Cette décision du concile de Constance lorsqu’il se trouve privé des moyens d’assurer mieux d’appelerindestructibles . J’essayerai de condamne-t-elle toute espèce l’exécution de sa volonté. En une pareille présenter ma pensée sous une forme plus d’insurrection ? Non. Elle parle du meurtre situation, ne point attaquer les intérêts simple et plus sensible. Un propriétaire vient d’un tyran par la main d’un particulier illégitimes, ne pas s’efforcer d’obtenir d’être chassé de ses possessions par un voisin quelconque ; or, toutes les résistances ne sont réparation pour les victimes, ce n’est point puissant. Il manque des moyens nécessaires point le fait d’un simple particulier, et il ne de sa part commettre une injustice : le pour s’en rendre maître de nouveau. Il n’a ni s’agit pas, dans toute insurrection, detuer le gouvernement est alors dans la position d’un or ni influence, et le spoliateur en regorge. tyran. Cette doctrine ne fait que condamner homme qui, voyant des voleurs les mains S’il a recours à la force, il sera repoussé ; aux l’assassinat et prévenir une foule de maux qui encore chargées du fruit de leur larcin, se tribunaux, il perdra son procès : quel parti lui inonderaient la société, dès qu’il serait établi trouve impuissant à leur faire restituer ce reste-t-il ? Négocier pour transiger, obtenir que tout particulier peut, de sa propre fruit de leur crime. L’impossibilité une fois ce qu’il pourra, se résigner dans sa mauvaise autorité, donner la mort au chef suprême. supposée, qu’importe de dire que le fortune. Après quoi tout est dit. Ce sont là, Qui osera accuser ce principe d’être 4 Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000 favorable à la tyrannie ? La liberté des Reprocherez-vous à l’Église catholique propres ouvrages, c’était condamner des peuples ne doit point être basée sur le droit d’avoir mis une sorte de bouclier sur la écoles jusqu’à ce jour tenues pour de l’assassinat ; la défense de la société ne personne des rois, lorsque vous-mêmes irréprochables. (Affaires de Rome .) L’abbé doit point être confiée au poignard d’un déclarez cette personne inviolable ? Le sacre Gerbet, dans son excellente réfutation des frénétique. Les attributions du pouvoir des rois a été pour vous un sujet de risée, et erreurs de M. de Lamennais, après avoir public s’étendent si loin et sont si diverses, vous déclarez le roisacré . Il fallait qu’aux observé fort judicieusement qu’en que, nécessairement, quelques individus dogmes et à la discipline de l’Église fussent réprouvant les doctrines modernes, le doivent souvent s’en trouver blessés. mêlés, avec une éternelle vérité, des Souverain Pontife avait voulu couper court L’homme, enclin à la vengeance, grossit principes de politique bien éminents, au renouvellement des erreurs de Wiclef, fait facilement les dommages qu’il souffre. puisque vous êtes forcés d’imiter l’Église. remarquer qu’à l’époque de la condamnation Passant du particulier au général, il est porté L’unique différence est que vous présentez, de cet hérésiarque, les doctrines de saint à regarder comme des scélérats ceux qui lui comme l’ouvrage de la volonté des hommes, Thomas et des autres théologiens étaient nuisent ou le contrarient. Au moindre choc ce qu’elle montrait comme l’œuvre de la bien connues, et que néanmoins personne ne qu’il éprouve de la part du gouvernement, il volonté de Dieu. crut qu’elles fussent comprises dans la s’écrie que la tyrannie est insupportable ; condamnation. L’abbé Gerbet, estimant que l’acte d’arbitraire, réel ou imaginaire, Mais si le pouvoir suprême fait un abus cela suffisait pour ôter à M. de Lamennais le commis contre lui, devient, à l’entendre, une scandaleux de ses droits, s’il les étend au delà bouclier sous lequel il prétend abriter son des iniquités infinies qui se commettent, ou des justes limites, s’il foule aux pieds les lois apostasie, a omis de faire le parallèle entre les le commencement de celles qui vont avoir fondamentales, s’il persécute la religion, s’il deux doctrines. En effet, il suffit de cette lieu. Accordez à un particulier quelconque le corrompt la morale, s’il outrage la dignité réflexion pour convaincre tout homme droit de tuer le tyran ; dites au peuple que, publique, s’il attente à l’honneur des judicieux que les doctrines de saint Thomas pour consommer licitement et citoyens, s’il exige des contribution illégales ne ressemblent en rien à celles de M. de méritoirement un pareil acte, il n’est besoin et disproportionnées, s’il viole le droit de Lamennais. Néanmoins, il ne me semble pas ni de sentence, ni d’ordonnance du juge ; ce propriété, s’il aliène le patrimoine de la inutile d’offrir en peu de mots une crime horrible sera commis à chaque instant. nation, démembre les provinces, le comparaison des deux enseignements ; par le Les rois les plus sages, les plus justes, les plus Catholicisme, dans ces cas, prescrit-il encore temps qui court, et en ces matières, il est à cléments, périront victimes du fer ou du l’obéissance ? défend-il de résister ? oblige-t- propos de savoir, non-seulement que ces poison. Vous n’aurez donné aucune garantie il les sujets de rester comme l’agneau sous les doctrines diffèrent, mais en quoi elles à la liberté des peuples, et vous aurez exposé à griffes de la bête féroce ? Ne pourra-t-il diffèrent. des chances formidables les plus chers exister chez les particuliers ni dans les corps intérêts de la société. principaux, ni chez les classes distinguées des La théorie de M. de Lamennais peut se citoyens, ni dans la masse totale de la nation, résumer en ces termes : Égalité de nature L’Église catholique, par cette déclaration le droit de s’opposer, de résister, après que entre tous les hommes, et comme solennelle, a rendu à l’humanité un immense tous les moyens de douceur, de conséquences nécessaires : 1° égalité de service. La mort violente de celui qui exerce représentation, de conseil, de prière, auront droits, y compris, les droits politiques ; 2° le pouvoir suprême n’arrive point d’ordinaire été épuisés ? Dans des circonstances si injustice de toute organisation sociale et sans amener une effusion de sang et de désastreuses, l’Église catholique laisse-t-elle politique qui n’établit point cette égalité grands bouleversements ; elle provoque des les peuples sans espérance et les tyrans sans complète, ce qui a lieu en Europe et dans tout mesures de précaution soupçonneuse qui frein ? l’univers ; 3° convenance et légitimité de dégénèrent aisément en tyrannie : il en l’insurrection pour détruire les résulte qu’un crime, motivé par la haine Des théologiens très-graves opinent que la gouvernements et changer l’organisation excessive de la tyrannie, contribue à l’établir résistance, en de pareilles extrémités, est sociale ; 4° abolition de tout gouvernement plus arbitraire et plus cruelle. Les peuples permise ; mais les dogmes de l’Église ne pour terme du progrès du genre humain. modernes doivent être reconnaissants à descendent point à ces détails. L’Église s’est l’Église catholique d’avoir posé ce principe abstenue de condamner aucune des Les doctrines de saint Thomas sur les tutélaire et sacré ; pour ne point l’apprécier à doctrines opposées : dans des circonstances mêmes points se réduisent à ceci : Égalité de sa juste valeur, pour regretter les scènes si pressantes,ne point résister n’est pas une nature entre les hommes, c’est-à-dire égalité sanglantes de l’Empire romain ou de la prescription dogmatique. Jamais l’Église n’a d’essence ; mais, à côté, inégalités dans les monarchie barbare, il faudrait n’avoir que des enseigné une pareille doctrine ; qu’on nous dons physiques, intellectuels et moraux. sentiments bien pervers ou des instincts bien montre une décision de Concile ou de Égalité de tous les hommes devant Dieu, féroces. Souverain Pontife qui en fasse foi. Saint c’est-à-dire égalité d’origine en tant qu’ils Thomas d’Aquin, le cardinal Bellarmin, sont tous créés de Dieu ; égalité de fin en tant On a vu, nous voyons encore, de grandes Suarez et d’autres théologiens insignes qu’ils sont tous créés pour jouir de Dieu ; nations livrées à de cruelles angoisses par connaissaient à fond les dogmes de l’Église ; égalité de moyens, en tant qu’ils sont tous l’oubli de cette maxime catholique : l’histoire consultez leurs ouvrages, loin d’y trouver cet rachetés par Jésus-Christ, et qu’ils peuvent des trois derniers siècles et l’expérience de enseignement, vous y rencontrerez recevoir toutes les grâces de Jésus-Christ : celui-ci nous montrent que cet l’enseignement contraire. Or, l’Église ne les a mais, à côté, inégalités qu’il a plu au Seigneur enseignement auguste de l’Église fut inspiré point condamnés ; elle ne les a point d’établir dans les dons de la grâce et de la par la prévision des dangers qui menaçaient confondus avec ces écrivains séditieux qui gloire. les peuples. Ici point de flatterie pour les pullulèrent chez les protestants, ni avec les rois, car ils ne sont pas les seuls à profiter de révolutionnaires modernes, éternels 1°Egalité de droits sociaux et politiques . Cette cette doctrine : la proposition est générale ; perturbateurs de l’ordre social. Bossuet, égalité est impossible, d’après le saint elle comprend toutes personnes qui, sous un d’autres auteurs de réputation ne pensent Docteur. Il établit bien plutôt l’utilité et la titre quelconque, exercent le suprême point comme saint Thomas, Bellarmin, légitimité de certaines hiérarchies ; le pouvoir, quelle que soit la forme du Suarez ; c’est ce qui rend l’opinion contraire respect dû à celles qui sont établies par les gouvernement, depuis l’autocrate russe respectable, sans la convertir en dogme. Sur lois ; la nécessité que les uns commandent, jusqu’au président de la république la plus certains points de la plus haute importance, que d’autres obéissent ; l’obligation de vivre démocratique. les opinions de l’illustre évêque de Meaux soumis au gouvernement établi, quelle qu’en souffrent contradiction ; on sait que, soit la forme ; la préférence pour le Une chose digne de remarque, c’est que les précisément en ce cas d’un excès de tyrannie, gouvernement monarchique. 2° Injustice de constitutions modernes, sorties du sein des on reconnaissait au Pape, à une autre époque, toute organisation sociale et politique qui n’établit révolutions, ont rendu, sans y penser, un des facultés que Bossuet lui dénie. point l’égalité complète. Pour saint Thomas, solennel hommage à la maxime catholique ; c’est une erreur opposée à la raison et à la foi. elles ont déclaré la personne du monarque L’abbé de Lamennais, dans sa résistance Ilyaplus:s’ilestvrai de dire que l’inégalité inviolable et sacrée. Que signifie cela, sinon obstinée contre le Saint-Siège, a rappelé ces fondée sur la nature même de l’homme et de qu’il est nécessaire de placer cette personne doctrines de saint Thomas et de quelques la société se trouve être un effet et un sous une sauvegarde impénétrable ? théologiens, prétendant que condamner ses châtiment du péché originel, en ce que cette Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000 5 inégalité a d’injuste et de nuisible, violentes que ces sectaires se permettaient d’opposer une barrière aux excès du tyran. néanmoins, aux yeux du saint docteur, cette contre les princes, afin d’enflammer la inégalité n’aurait pas laissé d’exister dans multitude. De semblables égarements ne l’état d’innocence. 3° Convenance et légitimité sont considérés qu’avec horreur par les Si les gouvernements de l’insurrection pour détruire les gouvernements catholiques. De même ils considèrent avec et changer l’organisation sociale. Opinion effroi la doctrine anarchique de Rousseau, sortent du cercle de leurs erronée et funeste. On doit soumission aux établissant que « les clauses du contrat social attributions, leurs ordres, gouvernements légitimes ; il convient de sont tellement déterminées par la nature de comme dit saint Thomas, supporter patiemment ceux même qui l’acte, que lamoindre modification les abusent de leur pouvoir ; on est obligé rendraitvaines et de nul effet ... en sorte que sont plutôt des violences d’épuiser tous les moyens de prière, de chacun rentre alors dans ses premiers droits que deslois . conseil, de représentation, avant de recourir et reprenne saliberté naturelle .» (Cont. soc., à d’autres moyens ; il n’est licite d’employer la liv. I, ch.VI .) La doctrine des théologiens que force que dans des cas tout à fait extrêmes, nous avons cités ne renferme point ce germe « Si les gouvernements ne perdent point le très-rares, et encore ne le peut-on qu’avec d’insurrections et de désastres ; mais, d’un pouvoir par le fait seul qu’ils sont mauvais, des restrictions infinies, ainsi que nous le autre côté, ces théologiens ne sont comment concevoir, dira-t-on, qu’il soit verrons ailleurs. 4° Abolition de tout nullement pusillanimes lorsque se présente permis de leur résister ? » Assurément, cela gouvernement pour terme du progrès du genre la dernière extrémité. Ils prêchent la ne sera point permis lorsqu’ils ne font que humain. Proposition absurde, songe résignation, la patience, la longanimité ; mais commander dans le cercle de leurs irréalisable. Nécessité d’un gouvernement vient un moment où ils disent : C’est assez ! attributions ; mais s’ils en sortent, leurs dans toute réunion ; arguments fondés sur la S’ils ne conseillent pas l’insurrection, ils ne ordres, comme dit saint Thomas, sont plutôt nature de l’homme ; analogies tirées du corps l’interdisent pas ; en vain voudrait-on exiger desviolences que des lois . « Nul ne peut juger le humain, de l’ordre même de l’univers. d’eux d’enseigner, comme vérité pouvoir suprême, » cela est vrai ; mais au- Existence d’un gouvernement jusque dans dogmatique, l’obligation de ne pas résister dessus de ce pouvoir restent les principes de l’état d’innocence. dans des cas extrêmes. Ils ne peuvent raison, de morale, de justice, de religion ; le enseigner aux peuples comme dogme ce pouvoir, quoique suprême, ne laisse pas Voilà les doctrines : comparez et jugez. Il qu’ils ne reconnaissent pas pour tel. Ce n’est d’être obligé d’accomplir ce qu’il a promis, m’est impossible de rapporter les textes du point leur faute si la tempête éclate, si les d’observer ce qu’il a juré. Les sociétés ne se saint Docteur : ils rempliraient ce volume. vagues se soulèvent en mugissant : nulle main forment point en vertu du contrat idéal de Néanmoins, si quelque lecteur est bien aise ne saurait les apaiser que la main de Celui qui Rousseau ; mais il existe, en certains cas, de de les consulter, qu’il lise, outre les passages fait de l’aquilon son coursier et se joue avec la véritables pactes entre les princes et les insérés dans mon ouvrage, l’opuscule tout tempête. peuples, desquels ni les uns ni les autres ne entier :De Regimine Principum , les peuvent s’écarter. Commentaires sur l’Épître aux Romains, les Pendant plusieurs siècles on a professé et endroits de la Somme dans lesquels le saint pratiqué en Europe une doctrine, objet de Dans la célèbre Proclamation catholique à sa docteur traite de l’âme, de la création de vives critiques de la part de ceux qui n’ont pieuse Majesté Philippe le Grand, roi des l’homme, de l’état d’innocence, des anges et jamais pu la comprendre : l’intervention de Espagnes, empereur des Indes, par les conseillers et de leur hiérarchie, du péché originel et de ses l’autorité pontificale dans les différends le conseil des Cent de la ville de Barcelone,en effets, surtout le précieux Traité des Lois et entre les peuples et les souverains. Cette 1640, époque si profondément religieuse que celui de la Justice, où il discute l’origine du doctrine n’était autre chose que le ciel les conseillers allèguent comme un titre de droit de propriété et du droit de punir. On se intervenant, comme arbitre et juge, pour gloire le culte des Catalans pour la foi catholique, convaincra ainsi de l’exactitude de tout ce mettre un terme aux discordes de la terre. la dévotion des Catalans pour la Vierge Notre- que je viens de dire ; on verra combien M. de Dame et le très-saint Sacrement ; à cette époque, Lamennais a eu tort de présenter, comme La puissance temporelle des papes a été un si souvent taxée de fanatisme et de bassesse, complices de son apostasie, des écrivains thème de déclamations pour les ennemis de nos conseillers disaient au roi : « Outre illustres, des saints que nous vénérons sur nos l’Église ; mais cette puissance n’en est pas l’obligation civile, (les usages, les autels. moins un phénomène social qui a rempli constitutions et actes de la cour de d’admiration les hommes les plus Catalogne) obligent en conscience, et les Toute confusion dans des matières remarquables des temps modernes, y violer serait un péché mortel : car il n’est délicates amène l’erreur ; c’est pourquoi les compris certains protestants. point permis au prince de contrevenir au ennemis de la vérité ont intérêt à établir des contrat : on fait librement le contrat, mais on propositions générales, vagues, susceptibles L’Écriture sainte fait un devoir aux esclaves ne peut le révoquer sans injustice. Lors de mille sens. Ils cherchent avec inquiétude d’obéir à leurs maîtres, même fâcheux ou même que le contrat ne serait point soumis à un texte favorable à quelqu’une des injustes : tout ce qu’on peut induire de là la loi civile, il est soumis à la loi de raison. Et, nombreuses interprétations possibles, et relativement à l’ordre civil, c’est qu’un bien que le prince soit le maître des lois, il ne disent fièrement : « Voyez combien vous êtes prince, par cela seul qu’il est mauvais, ne perd l’est point des contrats qu’il passe avec ses injustes et ignorants : ce que nous disons, ce point l’autorité sur ses sujets, ce qui vassaux ; car, dans cet acte, il est personne que vous condamnez, les docteurs les plus condamne cette erreur, que le droit de individuelle, et le vassal acquiert un droit égal célèbres, les plus accrédités, l’ont dit il y a des commander dépend de la sainteté de celui au sien : le pacte, en effet, doit se faire entre siècles. » qui le possède. Un pareil principe est égaux. Ainsi, de même que le vassal ne peut anarchique, incompatible avec l’existence de licitement manquer à la fidélité envers son Comment donc ne s’est-il trouvé personne la société, s’il était une fois établi, la seigneur, de même celui-ci est tenu à ce qu’il à Rome pour avertir le Pape qu’en puissance resterait incertaine, flottante ; a promis par un pacte solennel ; c’est même condamnant les doctrines de l’apôtre de la chaque perturbateur déclarerait déchus de du côté du prince qu’on doit le moins Révolution, il condamnait aussi l’ange de l’autorité tous ceux qu’il lui plairait de présumer la rupture du pacte. Si la parole l’École et d’autres théologiens insignes ! En regarder comme coupables. La question que royale doit avoir force de loi, celle qui est vérité, M. de Lamennais comptait nous agitons est tout autre, et l’opinion des donnée dans un contrat solennel exige étrangement sur la crédulité de ses lecteurs. théologiens mentionnés par nous n’a rien à encore plus de solidité. » (Proclamation Probablement il n’a lu les théologiens dont il démêler avec cette erreur. Ces théologiens catholique, § 27.) parle qu’à la hâte et par fragments ; or, à disent aussi qu’il faut obéir aux princes, Rome, bien des gens ont consumé leur vie même injustes ou fâcheux ; ils condamnent Les courtisans poussaient le monarque à entière à les étudier. aussi l’insurrection qui n’a d’autre prétexte user de la force pour faire rentrer les Catalans que les vices des personnes exerçant le dans l’ordre ; l’armée de Castille se préparait On sait les déclamations fougueuses de suprême pouvoir : ils n’admettent pas qu’un à pénétrer dans la Principauté. En cette Luther, de Zwingle, de Knox, de Jurieu, de abus quelconque d’autorité suffise pour extrémité, après avoir épuisé les moyens de plusieurs autres coryphées du légitimer la résistance ; mais ils ne croient représentation et de prière, les conseillers Protestantisme pour soulever les peuples point contredire le texte sacré en admettant s’expriment ainsi : contre leurs princes ; on sait les invectives que, dans des cas extrêmes, il est permis 6 Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000

« Finalement, des hommes qui ont voué attention que cette doctrine s’étend à tous faire entendre des cris d’alarme, pour une inextinguible haine aux Catalans ont les pouvoirs suprêmes, sous toutes les formes présenter le Catholicisme comme une école travaillé avec tant de succès, par leurs de gouvernement. Les textes de l’Écriture, de maximes séditieuses. L’heure des continuelles persuasions, que l’on a détourné qui recommandent l’obéissance aux révolutions sonna, les circonstances aussitôt la rectitude et l’équité de Votre Majesté des pouvoirs, ne se rapportent pas uniquement changèrent. Les catholiques, naguère moyens de paix et de tranquillité proposés aux rois, mais en général aux puissances séditieux et rigides, furent alors déclarés par nous, et qui devaient être admis, ne fût-ce supérieures, sans exception ni distinction ; il fauteurs de despotisme, plats adulateurs de la qu’à titre d’expérience. Pour mettre le s’ensuit qu’on ne pourrait non plus, en aucun puissance civile. Naguère, les Jésuites, comble à la malice, on propose encore à cas, résister au président d’une république. d’accord avec l’infernale politique de la cour Votre Majesté, comme une obligation Dira-t-on que les droits du président sont romaine, minaient partout les trônes pour stricte, de poursuivre l’oppression de la déterminés ? Mais les droits du roi ne le sont- élever sur leurs ruines la monarchie Principauté au moyen d’une armée, qui ils pas aussi ? N’y a-t-il pas jusque dans les universelle du Pape ; mais le fil de l’horrible porterait partout le sac et le pillage, selon le gouvernements absolus des lois qui fixent les trame fut découvert ; le monde, sans cela, caprice du soldat. Ce qui mettrait ce pays limites du pouvoir ? Et n’entendons-nous pas était sur le point d’éprouver un épouvantable dans le cas de dire (n’étaient l’amour et la à chaque instant les défenseurs de la cataclysme. Or, tandis que les Jésuites sont fidélité qu’il a eus, qu’il a et aura toujours monarchie répondre cela à leurs adversaires, expulsés, qu’ils expient leurs crimes dans pour Votre Majesté) qu’un tel manquement qui confondent la monarchie avec le l’exil, la révolution française, prélude de tant à la foi jurée le laisse libre, chose à laquelle la despotisme ? « Mais, répliquera-t-on, le d’autres, éclate ; la face des choses change province ne veut seulement point penser et président d’une république n’est que pour un aussitôt. Les protestants, les incrédules, les qu’elle prie Dieu de ne pas permettre. Et temps. » Et s’il était à perpétuité ? D’ailleurs défenseurs de l’ancienne discipline, les zélés cependant la Principauté sait par expérience les facultés ne se trouvent ni agrandies, ni adversaires des abus de la cour romaine, que ces soldats n’ont de respect ni de pitié amoindries, par cela seul qu’elles ont plus ou comprenant à fond la nouvelle situation, s’y pour rien, ni pour personne, femmes moins de durée. Si un conseil, un homme, conforment à l’instant. Dès ce moment, les mariées, vierges innocentes, temples, ou une famille sont revêtus de tel ou tel droit, en Jésuites, les Catholiques, le Pape, ne sont Dieu lui-même, images des saints ou vases vertu de telle ou telle loi, avec telle ou telle plus ni des séditieux, ni des tyrannicides, sacrés de nos églises ; il n’est pas jusqu’au restriction, mais par certains contrats et avec mais des soutiens machiavéliques de la saint Sacrement de l’autel qui n’ait été deux certains serments, ce conseil, cet homme, tyrannie, des ennemis des droits et de la fois livré aux flammes cette année par ces cette famille, sont obligés à ce qu’ils ont liberté des peuples ; et de même qu’on avait stipulé et juré, quelle que soit l’étendue de découvert entre les Jésuites et le Pape une leurs facultés, quelle qu’en soit la durée, à ligue pour fonder la théocratie universelle, « La Principauté est partout temps ou perpétuelle. Ce sont là des on découvre, grâce aux investigations des sous les armes, afin de principes de droit naturel, si certains et si philosophes et des chrétiens sévères, défendre, par-dessus tout, simples, qu’il ne saurait y avoir de difficulté. incorruptibles, le pacte infâme des Papes avec les Rois pour opprimer, avilir, dégrader la les saints temples, les Les théologiens, même les plus attachés au misérable humanité. images sacrées et le très- Souverain Pontife, enseignent une doctrine saint Sacrement de l’autel, qu’il faut mentionner, à cause de l’analogie Voulez-vous le mot de l’énigme ? Le voici. qu’elle présente avec le point en discussion. Lorsque les rois sont puissants, lorsqu’ils loué soit-il à jamais ! » On sait que le Pape, reconnu infaillible règnent tranquilles sur leurs trônes, lorsque lorsqu’il parleex cathedra , ne l’est cependant la Providence tient enchaînées les tempêtes, pas comme simple particulier, et que, en et que le monarque, levant vers le ciel un soldats. Aussi la Principauté est-elle partout sous cette qualité, il pourrait tomber dans front orgueilleux, commande aux peuples les armes, afin de défendre, dans une extrémité si l’hérésie. Ce cas échéant, les théologiens d’un air altier, l’Église catholique ne le flatte pressante et sans espoir de remède, la fortune, la sont d’avis que le Pape perdrait sa dignité ; les point. « Tu es poussière, lui dit-elle, et tu vie, l’honneur, la liberté, la patrie, les lois, et par- uns soutenant qu’il faudrait le destituer, les retourneras en poussière ; la puissance ne t’a dessus tout, les saints temples, les images sacrées et le autres que la destitution résulte du seul fait point été donnée pour détruire, mais pour très-saint Sacrement de l’autel, loué soit-il à qu’il s’est écarté de la foi. Voici donc un cas édifier ; tes prérogatives sont vastes, mais jamais ! En pareil cas, les sacrés théologiens ne se où la résistance deviendra permise ; et elles ne sont pas sans limites ; Dieu est ton contentent pas d’établir que la défense est licite ; ils pourquoi ? parce que le Pape se sera juge, comme celui du dernier de tes sujets. » disent encore que, pour prévenir le mal, l’usage des scandaleusement éloigné de l’objet de son Alors l’Église est accusée d’insolence ; et si armes est permis à tous, depuis le laïque jusqu’au institution, aura foulé aux pieds la base des quelque théologien se hasarde à fouiller religieux ; que les biens séculiers et ecclésiastiques lois de l’Église, le dogme, et par conséquent l’origine du pouvoir civil, à marquer avec une peuvent et doivent contribuer à la défense ; que les aura frappé de caducité les promesses, les généreuse liberté les devoirs auxquels ce peuples envahis peuvent, puisque la cause touche serments d’obéissance qui lui ont été prêtés. pouvoir doit être soumis, à écrire, en un mot, tout le monde, s’unir, se confédérer, former des Spedalieri, en énonçant cet argument, sur le droit public avec prudence, mais sans juntes, afin de s’opposer avec prudence à ces observe que les rois ne sont certainement pas servilisme, les catholiques sont des séditieux. maux. » (§ 36.) d’une meilleure condition que les Papes, que la puissance leur a été accordée aux uns et aux La tempête éclate, les trônes sont Tel était le langage qu’on parlait aux rois à autresin ædificationem, non in destructionem ; renversés ; la révolution commande, verse à une époque où la religion dominait tout. Les ajoutant que, si les souverains pontifes torrents le sang des peuples, tranche des conseillers, selon l’usage du temps, avaient eu autorisent cette doctrine par rapport à eux, têtes augustes, le tout au nom de la liberté ; soin de citer en marge les sources où ils les souverains temporels ne peuvent s’en l’Église dit : « Ce n’est point là la liberté : ce avaient puisé, et je ne sache pas que leurs offenser par rapport à eux-mêmes. n’est qu’une suite de crimes ; jamais la doctrines aient jamais été condamnées fraternité et l’égalité, enseignées par moi, comme hérétiques. On ne pourrait, sans une Étrange et curieuse contradiction ! les n’ont été vos orgies et vos guillotines. » A ce insigne mauvaise foi, confondre ces protestants et les philosophes incrédules moment l’Église devient une vile adulatrice ; doctrines avec celles de plusieurs protestants font un crime à la Religion catholique d’avoir ses paroles, ses actions ont indubitablement et révolutionnaires modernes ; il suffit de permis de soutenir dans son sein qu’en révélé que le Souverain Pontife est le fauteur jeter un coup d’œil sur ces écrits pour certains cas les sujets peuvent être déliés du du despotisme, la Cour romaine s’est souillée reconnaître à l’instant combien les principes serment de fidélité ; tandis que d’autres par un pacte infâme. et les intentions diffèrent. philosophes de la même école lui reprochent d’avoir prêté appui au despotisme par sa Lorsqu’on soutient qu’en aucun cas, lors détestable doctrine de la non-résistance, comme même qu’il s’agirait de ce qu’il y a de plus s’exprime le docteur Beattie. Les puissances Y Y Y précieux et de plus sacré, il n’est permis de directe, indirecte, déclaratoire des Papes ont servi résister à la puissance civile, on croit fortifier d’épouvantail pour effrayer les rois ; les les trônes, car c’est presque toujours des principes dangereux des ouvrages de trônes qu’il est question ; mais il faut faire théologie étaient un excellent prétexte pour Les documents contrerévolutionnaires no 9 — Novembre 2000 7

Ouvragesrecommandés

• Saint Thomas d’Aquin, Petite somme politique, 1997. Disponible à SA D. P. F. • P. Jean-Jacques Marziac, Précis de la doctrine sociale de l’Église à l’usage des chefs d’état, Les éditions pontificales suppléantes, 1991. Disponible à SA D. P. F. • Robert Martel, La Contrerévolution en Algérie, Diffusion de la Pensée Française, 2e édition, 1972. Disponible à SA D. P. F. • Jean Sévillia,Le Chouan du Tyrol , Librairie Académique Perrin, 1991. Disponible à SA D. P. F. • Colonel Pierre Chateau-Jobert, Doctrine d’action contrerévolutionnaire, Éditions de Chiré, 1986. Disponible à SA D. P. F. • Colonel Pierre Chateau-Jobert, La Confrontation Révolution Contrerévolution, Diffusion de la Pensée Française, 1975. Disponible à SA D. P. F. • Yves-Marie Salem-Carrière, Quand l’espérance est militaire, Éditions du Cèdre, 1985. Disponible à SA D. P. F. • Yves Salem,SaintVincentdePauletl’armée , Éditions du Cèdre, 1974. Disponible à SA D. P. F.

Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. 99

Oraison contre les persécuteurs

Brisez, nous vous prions, Seigneur, l’orgueil de nos ennemis, et réprimez leur présomption par la force de votre bras. Par Notre-Seigneur Jésus-Christ votre Fils, qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, en l’unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des Au terrible torrent de boue constitué par les siècles. Ainsi soit-il. livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur 99 sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en Prière à saint Michel Archange peut être assuré, est de leur opposer des écrits salutaires et de les répandre. Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat ; soyez notre secours contre S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. la méchanceté et les embûches du démon. 9 Les documents contrerévolutionnaires « Que Dieu lui commande », nous le reproduisent des textes de doctrine et demandons en suppliant ; et vous, Prince de d’histoire contrerévolutionnaires. Face au la milice céleste, repoussez en enfer, par la déferlement de littérature révolutionnaire à puissance divine, Satan et les autres esprits vil prix qui outrage la majesté divine, détruit mauvais qui rôdent dans le monde pour la morale chrétienne, incite aux pires péchés, perdre nos âmes. Ainsi soit-il. et perd les âmes par millions, c’est le devoir (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la des catholiques de redoubler d’effort pour récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, diffuser la saine littérature catholique. communion, visite d’une église avec prière aux intentions du SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) Abonnement gratuit sur demande.

Toutereproductionestautorisée.

Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Email : [email protected]. URL : http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 10— Décembre 2000

triomphe par cette complète victoire. terre. Non ! des peuples inconnus La guerre au point commencent à s’agiter dans les neiges du Ainsi donc la guerre commença dans le Pôle, et le Sauveur du monde est né en de vue chrétien ciel ; voyons comment elle descend sur la Orient. L’humanité fait une halte, mais c’est terre. Le premier homme commet le premier pour marcher avec une nouvelle ardeur. Là péché, et peu après Caïn tue Abel et commet commencent à paraître les tribus tartares ; 9 le premiercrime : ce premier crime est le après elles viennent les peuples allemands. symbole de la guerre de l’homme avec Malheur aux Césars ! malheur au Capitole ! l’homme, de la guerre dans la famille. Les malheur à Rome ! allais-je dire : mais à Rome familles se dispersent dans le monde, et en se est le Pontife ; l’éternité que lui promirent Mgr Fèvre, La guerre au point dispersant elles en viennent aux mains les ses dieux, Dieu lui a donnée. de vue chrétien (Dissertations unes avec les autres. C’est le symbole de la e guerre entre lesnations . Thésée combat et Rome est esclave, mais à la voir si pleine de sur le livre 50 ), in Abbé dompte les bêtes féroces ; Hercule étouffe majesté au milieu de sa servitude, et regarder les serpents dans son berceau ; c’est le défiler les uns après les autres les peuples du Rohrbacher, Histoire symbole de la guerre avec lanature , de la Nord on dirait qu’elle est une reine et qu’elle universelle de l’Église guerre entre l’humanité et les monstres. les passe en revue. Cependant toutes les villes Voilà pour ce qui regarde la période sont à sac, toutes les provinces sont en feu ; catholique, Paris : Librairie primitive, la période héroïque des sociétés l’empire a les veines ouvertes et ses membres Louis Vivès, 1904, Tome V, humaines. séparés gisent çà et là. Déjà il n’y a plus ni Romains, ni Gaulois, ni Espagnols ni pp. 625-632. Les sociétés se constituent et s’établissent : Bretons ; tous ont passé comme des ombres. c’est toujours par la guerre qu’elles se A leur place le regard effrayé rencontre les mettent en contact les unes avec les autres et Goths, les Lombards, les Vandales, les Y Y Y étendent leur sphère d’action. L’Occident et Suèves, les Saxons et les Francs. Dans le l’Orient se connaissent, et, le jour où ils se monde tout est confusion, lamentations, connaissent, ils en viennent aux mains. La sang et guerre. Les conquérants se tournent a guerre est le phénomène le plus guerre de Troie est le symbole de la guerre les uns contre les autres après la victoire. Le général qui existe ; c’est un phénomène entre lesraces . L’Asie vaincue veut demander poignard ouvre le chemin au trône, le trône Lde tous les siècles et de toutes les compte du succès de ce jour à l’Europe est le chemin du couvent. Mahomet vient contrées, il s’étend jusqu’où s’étend l’espace ; victorieuse. Xerxès inonde la Grèce de ses alors, et les Arabes, obéissant à sa voix, se il se dilate jusqu’où se dilate le temps ; et, armées, couvre l’Hellespont de ses vaisseaux : répandent dans toutes les régions. L’Afrique lorsque je parle du temps, je ne parle pas la Grèce se venge de cette insolente tombe en leur pouvoir, l’Espagne sous leur seulement des temps historiques, mais du expédition à Marathon, à Salamine et à joug ; l’Italie est sur le point de succomber, temps en général contemporain de la Platée. Lorsque la Grèce n’a plus personne à l’Asie succombe. L’Orient et l’Occident en création ; de même, en parlant de l’espace, je combattre, elle tourne ses armes contre elle- viennent encore une fois aux mains, comme n’entends pas seulement le cercle de la terre, même : aujourd’hui c’est le jour de Sparte ; s’ils ne pouvaient avoir d’autres liens que mais l’espace en général, le cercle de toutes demain c’est le jour d’Alexandre. La Grèce le ceux de la guerre. Les Croisés fondent un les choses créées. reçoit comme son roi, l’Orient comme son empire dans les régions orientales ; Isabelle Dieu. Rome vient ensuite, et les fondements et Ferdinand arborent l’étendard de la croix I. La religion nous enseigne qu’avant qu’il y de la ville éternelle sont arrosés par Romulus sur les créneaux de Grenade ; Mahomet II eût des guerres entre les hommes il y en eut du sang de Rémus. Romulus est le symbole plante celui du prophète sur les murs de entre les substances célestes. L’ange déchu, de Caïn, de même que Rome est le symbole Constantinople. Colomb découvre un avant de tomber, fit la guerre à son Créateur ; du monde. Rome ne se fonde, ne se nouveau monde, et là aussi le sang coule à et son Créateur, après la victoire, l’arracha de constitue, ne grandit que par le moyen de la torrents. Viennent les guerres d’Italie : sa demeure et le précipita dans les abîmes. guerre et du sang. Le sang de Rémus préside à Espagnols et Français campent sur cette Cette croyance, qui est celle du chrétien, fut sa naissance ; le sang de Lucrèce et de terre de la gloire. Luther paraît ensuite, et les celle du monde. Tous les peuples primitifs Virginie à sa liberté ; le sang des peuples à sa guerres de religion occupent les princes et les conservaient la tradition d’une époque où les domination ; le sang de César à l’empire. peuples. Voici François Ier et Charles-Quint esprits supérieurs s’étaient levés en armes les Aujourd’hui elle se mesure avec l’Italie, et qui se divisent et jouent la monarchie uns contre les autres. Les Perses l’Italie est un lac de sang ; demain avec universelle au jeu des batailles. Après ces particulièrement reconnurent une divinité Carthage, et le monde apprend les noms imposantes figures commence à se dessiner créatrice de tout bien et une autre divinité formidables du Tésin, de la Trébie, de la physionomie sévère de Philippe II. Les créatrice de tout mal ; ces deux divinités Trasimène, de Cannes. Viennent ensuite la Pays-Bas se soulèvent et donnent à l’Europe étaient en guerre, et la guerre devait se guerre avec les Cimbres, la guerre avec les le premier exemple d’une révolution terminer par la victoire du bon principe sur le Grecs, la guerre avec les Macédoniens, et la politique. mauvais principe, de la divinité tutélaire sur guerre avec les peuples de l’Asie et les guerres la divinité malfaisante. L’Osiris Egyptien est civiles. Guerre entre Marius et Sylla, entre le Bientôt paraîtra Louis XIV, ce roi aussi un roi et un dieu civilisateur des hommes ; sénat et le peuple, entre les maîtres et les fameux par ses victoires que par ses revers, Typhon, qui est son frère et qui représente le esclaves ; entre César et Pompée, entre par ses amours que par ses malheurs. Nous mal, lui donne la mort ; mais Oros, fils du Antoine et Auguste. Auguste a vaincu, les voici maintenant en présence de Charles Ier premier et neveu du second, tue le meurtrier portes de Janus vont se fermer pour toujours, et de Cromwell, en présence de la seconde et venge son père, et le principe du bien car Auguste est maître de Rome et de la révolution politique de l’Europe, en présence 2 Les documents contrerévolutionnaires no 10 — Décembre 2000 du plus hypocrite des usurpateurs et devant car il l’a faitcréateur en le constituant libre . Sa qu’entre la Providence de Dieu et la le cercueil du premier roi décapité. Que de liberté explique l’existence du mal sur la conscience de l’homme, il y a un accord sang et d’horreur ! qui ne sentirait son terre. Le mal, sans la liberté de l’homme, nécessaire, une parfaite harmonie. Leur imagination épouvantée et son âme terrifiée serait un fait qui accuserait la Providence contradiction serait absurde, inexplicable, à ce spectacle ? Vient enfin la Révolution divine, un fait inexplicable. impossible. On voit par là que nous ne française, et ses massacres impies et ses pouvons faire un pas dans cette question sanglantes bacchanales. Le phénomène de la guerre lui-même sert à terrible sans heurter contre un de ces expliquer ma pensée. Considéré en général, il écueils : ou la négation de la Providence, si la Un peuple en démence déclare la guerre à est l’œuvre de Dieu ; mais, considéré comme guerre est un mal, ou la négation de la Dieu et abat la croix ; déclare la guerre aux un faitparticulier , il est l’œuvre du libre conscience, si la guerre est un bien ; et si, rois et abat leur trône ; déclare la guerre à arbitre de l’homme ; car l’Etre suprême, en pour sauver la Providence de Dieu et la l’Europe, lui jette comme défi la tête de son décrétant la guerre comme un fait nécessaire conscience de l’homme, nous disons qu’il n’y roi et répand ses armées sur toutes les en général, n’a pas décrété sa nécessité dans a pas contradiction entre la première et la nations. Voici Napoléon, aussi grand que les cas particuliers. Dieu est créateur de la seconde, nous ne les sauvons qu’en sacrifiant César et plus grand que tous les autres guerre, l’homme est créateur des guerres. la raison humaine. Césars, de qui on pourrait dire, comme L’homme n’a pas la puissance de supprimer Quinte-Curce d’Alexandre, qu’il touche la guerre, parce qu’elle est créature de Dieu, Je ne prendrai pas sur moi la tâche l’Orient de sa main droite, l’Occident de sa mais il peut éviterune guerre , parce que les téméraire de chercher l’explication main gauche, et le ciel de sa tête. Son aigle guerres sont de sa création. Cela étant ainsi, complète de cette mystérieuse énigme ; mon impériale vole sur toutes les capitales de la guerre, œuvre de Dieu, est bonne comme unique but est de soumettre aux hommes de l’Europe et sur les pyramides d’Egypte. ses œuvres sont bonnes ; mais une guerre raison ferme et de bonne volonté quelques Partout où son cheval pose le pied, il en jaillit peut être désastreuse et injuste, parce qu’elle observations qui me paraissent de la plus du sang. est l’œuvre du libre arbitre de l’homme. grave importance.

Tel est, historiquement considéré, le Je comprends et j’applaudis ceux qui Tout ce qui se rapporte à la guerre a un je ne phénomène de la guerre. Je vais le considérer condamnent une guerre particulière que sais quoi de singulier et de mystérieux, philosophiquement, et j’espère démontrer l’intérêt public ne justifie pas ; mais je n’ai comme la guerre elle-même. Lorsque, que le plus universel des phénomènes, il est jamais pu comprendre ceux qui ouvrant les pages de l’histoire, nous lisons le de tous pourtant le moins connu, et qu’il anathématisent la guerre. Cet anathème est récit des batailles des nations, la première renferme les problèmes les plus difficiles et contraire à la philosophie et à la religion : idée qui nous frappe naturellement est celle les mystères les plus profonds. ceux qui le prononcent ne sont ni de la dépopulation du monde, comme philosophes ni chrétiens. conséquence forcée de ces innombrables II. La guerre n’est pas un fait barbare, c’est- guerres. Or, l’économie politique et la à-dire propre aux époques de barbarie, Cependant on est forcé d’avouer que la statistique ont établi, et cela est aujourd’hui puisqu’il est également de toutes les périodes guerre, même considérée en général, paraît au rang des vérités démontrées, qu’en général historiques, puisqu’il naît dans la famille, se toujours, à la première vue, un fait contraire à les guerres n’ont pas pour résultat de réalise dans la tribu, se perpétue dans l’Etat, la raison ; un fait contre lequel la conscience diminuer d’une manière sensible la s’étend avec l’humanité et s’accomplit dans se soulève indignée ; un fait horrible tout à la population. Premier motif d’étonnement, toutes les régions. fois et inexplicable. Mais en même temps je lorsqu’on étudie le phénomène de la guerre. puis affirmer, du moins pour ce qui me Supprimez-le par la pensée et vous aurez regarde, que, lorsque j’ai pénétré plus avant La seconde idée qui s’offre à nous en supprimé l’humanité, et vous aurez fini avec dans cette question redoutable, j’ai senti poursuivant cette étude, c’est que la guerre l’histoire. Ouvrez les pages de cette histoire, diminuer mon horreur et vu s’éclaircir un peu tue les arts et les sciences qui fleurissent dans étendez vos regards sur le monde, interrogez cette mystérieuse énigme ; car, on ne peut la paix, et par conséquent la civilisation des les siècles : les siècles, le monde et l’histoire pas hésiter à le reconnaître, la guerre est une sociétés humaines. A l’idée de la guerre, vous parleront de la guerre. Son universalité énigme pour l’humanité, comme le sont tous même entre les peuple s civilisés, les hommes montre sa nécessité, et sa nécessité la les faits providentiels, à commencer par associent naturellement l’idée de constitue en un faithumain , c’est-à-dire l’humanité et par l’homme : et, dans l’homme vandalisme ; cette association s’explique, propre à la nature de l’homme. lui-même, tout ce que sa conscience atteste, puisque la guerre est le déploiement de la n’est-il pas énigme inexplicable, problème force physique et matérielle, et que cette insoluble ? Qui s’expliquera à soi-même sa force, s’il est permis de s’exprimer ainsi, est La guerre, qui est un sagesse et son ignorance, ses instincts de nature vandale. Et pourtant, s’il est un fait grossiers et ses pensées élevées, sa petitesse hautement proclamé par le monde et fait humain, nécessaire, et sa grandeur, ses inclinations terrestres et clairement attesté par l’histoire, c’est le fait éternel, est le fait de ses aspirations sublimes ? Quel homme, en se de l’action civilisatrice de la guerre, action considérant par un seul côté, n’a pas été tenté civilisatrice à un tel point que, si vous la Dieu, est un faitdivin . quelquefois de s’adorer comme un Dieu, et, supprimez par la pensée, tous les progrès en se considérant par un autre, ne s’est pas sociaux sont supprimés, toutes les méprisé comme la plus vile de toutes les civilisations anéanties. Arrêtons-nous ici Or, les faits de cette espèce n’ont pas pu choses créées ? Quel homme ne s’est jamais pour donner à la vérité que nous établissons être inventés et ne peuvent pas se supprimer ; dit, dans le secret de son âme : tout est toute la lumière de l’évidence. ils ne peuvent être sujets à discussion, parce mystère pour moi, à commencer par moi ? qu’ils ne tombent pas dans le domaine de Quoi d’étrange que la guerre soit aussi une de Un fait évident, consigné dans toutes les notre libre arbitre. Ils existent, parce qu’ils ces énigmes que la Providence se plaît à traditions populaires, et que jamais l’histoire existent : et leur existence est providentielle, mettre devant nos yeux, pour qu’ils soient n’a démenti, c’est que la civilisation ne naît nécessaire. Et comme tout ce qui existe témoins de la faiblesse de l’entendement pas, mais s’importe dans les sociétés nécessairement est éternel, et comme rien de humain ? humaines. Telle fut la croyance universelle ce qui a été fait pour l’éternité n’a été fait par de tous les peuples primitifs, croyance qui a l’homme et comme tout ce qui n’est pas le D’un côté, l’on ne peut, sans accuser la persisté dans les temps historiques ; et, si par fait de la liberté de l’homme est le fait de la Providence divine, affirmer que la guerre est hasard il s’est rencontré une exception, qu’on volonté de Dieu, la guerre, qui est un fait un mal, et, de l’autre, l’on ne conçoit pas veuille bien signaler le siècle et le peuple où la humain, nécessaire, éternel, est le fait de Dieu, comment l’effusion du sang peut être une civilisation est née d’elle-même. Ce fait est un faitdivin . chose bonne, sans tomber dans l’absurdité de universel démontre, pour le dire en passant, condamner d’un seul coup tous nos instincts, que la civilisation est née dans le monde Si la guerre est un fait divin, il estbon ; parce de bouleverser toutes nos idées, de d’une révélation faite de Dieu à un homme que le mal n’est pas l’œuvre de Dieu, mais du confondre toutes nos connaissances. Et chargé de la transmettre aux nations ; et par libre arbitre de l’homme. En effet, Dieu a fait cependant, pour ne pas tomber dans une là est expliquée aux yeux de la raison l’homme à son image et à sa ressemblance, autre absurdité plus grande, il faut affirmer humaine cette parole profonde de la sagesse Les documents contrerévolutionnaires no 10 — Décembre 2000 3 divine :Fides ex auditu . C’est pareillement un guerres de l’ltalie. La révolution française se amoureux comme des trouvères. Chose fait consigné dans les traditions populaires et jette sur l’Europe pour annoncer au monde étonnante, et qui n’a jamais été assez dans l’histoire, que la civilisation ne s’est l’avènement de l’idée démocratique armée admirée, la fleur la plus délicate est née sur jamais transmise à un peuple que par le des foudres révolutionnaires. L’Europe se les champs de la mort et a été arrosée de sang. moyen de la guerre. Qu’on ouvre les annales lève contre la France et change Paris en un La fleur de la chevalerie et le culte des qui renferment les traditions des nations camp de cosaques pour rappeler à un peuple femmes sont nés sur les champs de bataille. primitives, et l’on y verra que les peuples, en démence que l’arbre de la démocratie ne Les hommes habitués à s’ouvrir un chemin pour trouver l’origine de leur civilisation, la dérobera pas ses sucs à l’arbre de la par l’épée s’en allaient par le monde détruire cherchent dans un guerrier demi-dieu, venu monarchie, sous l’ombre duquel les les œuvres de la force. Les fils de la guerre on ne sait d’ou, né on ne sait de qui, lequel générations reposèrent longtemps encore. portèrent jusqu’à l’extravagance l’idéalisme s’est ouvert le chemin au trône avec l’épée, a De ce double enseignement il résulta que le de l’amour ; doux comme des agneaux dans dévasté les champs et désolé les nations. gouvernement des Bourbons restaurés, les villes, ils étaient des lions au combat dès différent de celui de tribuns de la révolution qu’il s’agissait du point d’honneur. Chose Si des temps fabuleux nous passons aux parce qu’il fut une monarchie, fut également singulière et pourtant évidente ! l’esprit temps historiques, nous observerons avec différent de celui des anciens Bourbons, guerrier enfanta, dans les siècles barbares, étonnement que l’histoire est la parce qu’il fut une monarchie démocratique. l’esprit de chevalerie, et l’esprit de chevalerie confirmation de la fable. La guerre et la dépouilla l’arbre de la civilisation de la rude conquête ont toujours été les instruments de écorce de la barbarie et les mœurs de leur la civilisation dans le monde ; mais elles l’ont Les veines du monde férocité :Emollitmores,necsinitesseferos . été de deux manières différentes. Quelquefois c’est le peuple civilisé qui s’est furent alors fermées, Je n’en finirais jamais si j’écrivais toutes les proposé d’appeler à la vie de la civilisation réflexions qui se présentent à mon esprit des peuples enfoncés dans la barbarie, en mais parce que les pour démontrer surabondamment ce qui est portant la guerre dans leurs entrailles. veines du fils de Dieu déjà démontré selon moi, à savoir que la D’autres fois lorsque le peuple civilisé s’est guerre est un phénomène d’un caractère si livré à un coupable repos, les peuples allaient s’ouvrir. singulier, qu’on en peut affirmer, sans crainte barbares l’ont secoué de son sommeil et se de se tromper, tout le contraire de ce qu’il sont jetés sur lui les armes à la main pour paraît être à la première vue. Au premier réclamer leur part dans le commun héritage, Non, depuis les temps fabuleux jusqu’à nos abord, on ne peut s’empêcher d’y voir un pour apaiser, à la source des eaux vives, la soif jours, nulle idée civilisatrice n’est apparue agent puissant de dépopulation ; mais, de civilisation qui les dévore sans qu’ils le dans le monde qu’elle n’ait été propagée par considéré plus attentivement, on reconnaît sachent. Les uns et les autres, en se mettant le moyen de la guerre, inoculée aux peuples qu’elle amène un résultat tout contraire. Au en mouvement, ont toujours cru qu’ils par le moyen du sang. En vain me citerait-on, premier abord, on dirait que c’est un élément s’agitaient pour donner un nouvel aliment à pour démontrer le contraire, l’exemple du barbare, et c’est un élément civilisateur. On leur ambition ou à leurs instincts féroces, christianisme, qui vint au monde au moment croirait qu’elle doit engendrer le ignorant que, dociles instruments de la main où, comme pour se préparer à le recevoir, le matérialisme, et c’est l’idéalisme qu’elle de Dieu, ils n’étaient point leurs propres monde, semblable à un pécheur repentant, répand sur la terre. On penserait qu’elle serviteurs, mais les serviteurs de l’humanité mettait un sceau à ses lèvres et déposait dégrade les âmes ; elle les exalte et les purifie. et de la Providence. Genséric obéissait sans humblement ses armes. Oui, c’est vrai : le Enfin, on dirait qu’elle rend les hommes plus doute à une inspiration instantanée et monde fut réduit alors à un solennel repos, à féroces, plus durs, et, au contraire, elle merveilleuse lorsque, interrogé sur la route un silence profond. Oui, c’est vrai : les veines adoucit les mœurs. qu’il voulait prendre, il mit sa colère aux du monde furent alors fermées, mais parce ordres de la colère de Dieu, prêt à frapper le que les veines du fils de Dieu allaient s’ouvrir Une dernière observation et un dernier peuple qui lui serait désigné et demandant au comme des sources inépuisables pour le mot. Tout-Puissant d’enfler ses voiles du souffle rachat du monde. Oui, c’est vrai : il n’y eut de ses fureurs. « L’homme s’agite et Dieu le plus alors de guerre de peuple à peuple, La mort de l’homme par la main de mène. » Voilà la formule de la philosophie de d’hommes à hommes, de nations à nations ; l’homme, est, chez le meurtrier, un acte de l’histoire. mais il y eut guerre entre le ciel et la terre, et frénésie qu’accompagne toujours un horrible les fils des hommes clouèrent le Fils de Dieu appareil de symptômes physiques et moraux. Les exemples de la première manière de à une croix infâme ; leurs langues souillèrent Le meurtrier est un malade tourmenté par les transmettre la civilisation sont : la guerre de sa gloire immaculée, et leurs mains son visage furies : la haine, la colère et la vengeance ont Troie, dans laquelle le peuple grec, le peuple sacré. Oui, c’est vrai : il n’y eut pas de sang sur pris possession de lui ; il palpite dans leurs civilisé, quitte sa demeure pour porter la les champs de bataille ; mais il y en eut sur le mains ; la soif du sang le dévore, et il faut guerre, et avec la guerre la civilisation aux Calvaire. Oui alors, comme avant et après, qu’avant de mourir il se baigne dans le sang. empires asiatiques ; la guerre d’Alexandre, plus qu’avant et plus qu’après, la loi de la Le meurtrier marche par le monde comme qui, précurseur du plus grand de tous les guerre et du sang fut accomplie ; mais le Fils marcha Caïn, marqué du doigt de Dieu, objet peuples, ouvre, par son épée, à la civilisation de Dieu, saisi de pitié pour nous, et voyant d’horreur à lui-même, objet d’horreur et de un passage en Orient ; les guerres que cette loi était trop lourde pour les compassion pour les hommes. A son aspect, gigantesques de Rome, dont la mission épaules du genre humain, voulut le soulager la nature humaine tremble, tout ce qui a vie providentielle était de s’assimiler le monde, en ce jour d’un tel fardeau et le prit sur ses est saisi d’effroi. Les pierres du chemin se en lui imposant l’empire de ses armes, de sa propres épaules. lèvent contre lui ; ses enfants ne le civilisation et de ses lois, en le disposant par connaissent plus, ses frères le repoussent ; sa magnifique unité à recevoir dans son sein L’action civilisatrice de la guerre est donc son père le maudit, et sa mère, qui ne peut le civilisateur de la terre, le sauveur du genre un second motif d’étonnement pour celui pas le maudire, maudit ses entrailles et humain ; les guerres des croisés, par qui médite profondément sur cette grave s’éloigne de lui. lesquelles les chevaliers de l’Occident matière. allaient prêcher sur la terre des prodiges, Le flot qui l’apporta recule épouvanté. asservie au joug musulman, le prodige d’une La troisième idée qui nous saisit en religion sainte qui portait en elle le germe contemplant ce phénomène, c’est que la Or on dirait que la profession de guerrier fécond de tous les progrès sociaux. Pour guerre doit endurcir le cœur du guerrier ; et est une profession de meurtrier, et qu’entre exemples de la seconde manière on a, dans les pourtant le caractère d’Alexandre est l’une et l’autre il n’y a aucune différence. Et temps anciens, la guerre de Xerxès avec les sympathique, celui de Scipion magnifique, pourtant les furies ne tourmentent pas le républiques naissantes de la Grèce ; à celui de César généreux, celui d’Hector idéal, guerrier ; ses nobles traits ne sont pas l’époque qui sépare les temps anciens des celui d’Enée religieux ; les chevaliers du défigurés par la haine, la vengeance ou la temps modernes, les invasions des peuples moyen âge étaient polis, sensibles, religieux, colère ; s’il verse le sang, il ne le porte pas à ses du Nord, précipités des neiges du pôle sur courtois ; ils se montraient résignés dans les lèvres, il n’en a pas soif. Le guerrier marche Rome comme un tourbillon aveugle et revers, modestes dans la victoire ; ils étaient dans le monde le front entouré d’une auréole irrésistible, et dans les temps modernes, les pudiques comme des vierges, tendres et de gloire ; les hommes poussent des 4 Les documents contrerévolutionnaires no 10 — Décembre 2000 acclamations sur son passage, ses fils sont l’homme et sur le genre humain. effet, ne parviennent jamais à voir dans les fiers de lui, ses frères l’honorent, son père le phénomènes physiques ou moraux qu’un ou bénit, sa mère sent un tressaillement de joie L’individu devait expier son péché en quelques-uns des éléments qui les dans ses entrailles fécondes ; sa patrie inscrit devenant sujet aux maux physiques, c’est-à- constituent : d’où il résulte que les opinions son nom sur le marbre pour le transmettre à dire aux souffrances ; au mal moral, c’est-à- philosophiques contiennent autant d’erreur la postérité. dire à ses passions ; enfin à la destruction, que de vérité ; pour l’ordinaire, elles ne sont c’est-à-dire à la mort. que des vérités incomplètes. D’où vient cette différence si profonde entre choses qui paraissent si semblables ? Les souffrances, les passions et la mort sont Si l’exemple que je viens de rappeler n’était L’humanité serait-elle injuste, lorsqu’elle en même temps l’œuvre de l’homme et pas une preuve suffisante de tout ce que je tresse des couronnes pour les guerriers, l’œuvre de Dieu ; de l’homme, parce qu’elles viens d’affirmer, j’en citerais un autre encore tandis qu’elle dresse des échafauds pour les n’existeraient pas sans le péché, qui est son plus remarquable, en exposant l’opinion des meurtriers ? En agissant ainsi, se met-elle en œuvre ; de Dieu, parce qu’elles n’existeraient philosophes qui considéraient l’homme contradiction avec elle-même ? Et si, en pas si les conseils de sa miséricorde n’eussent comme une créature si vile, qu’elle n’était pas agissant ainsi, l’humanité a raison, quelle prévalu sur les conseils de sa justice. digne de la vigilante providence du Créateur, puissante et secrète vertu est donc cachée et celle des philosophes qui estimaient dans ce phénomène merveilleux de la guerre Œuvre de Dieu et de l’homme tout à la fois, l’homme à un si haut point et le tenaient pour qui purifie le meurtrier, qui sanctifie la mort ? elles sont tout à la fois unbien et un mal ; un si excellent, qu’ils en faisaient une manière mal, parce qu’elles ouvrent la porte à toutes de Dieu, s’adorant lui-même dans son propre Ilyaunmystère dans ce phénomène, un lesdouleurs ; un bien, parce qu’elles ouvrent la sanctuaire. Le christianisme vint, et, mystère profond, une énigme terrible, un porte à toutes lesespérances . Elles sont un mal réunissant ces fragments de vérité, s’il m’est phénomène qui existe et qui ne porte pas en parce qu’elles sont unepeine , et un bien parce permis de parler ainsi, pour en composer la lui-même la raison de son existence, qui est le qu’elles sont une expiation ; un mal, enfin, vérité pure, il dit à l’homme qu’il était la contraire de ce qu’il paraît, et qui ne paraît parce qu’ellestorturent , un bien parce qu’elles première des créatures par la hauteur de son pas ce qu’il est ; qui, étant un mal considéré réhabilitent. origine, et la dernière par la bassesse de son en lui-même, est comme la condition péché. Il lui dit qu’il était une sorte d’ange ; nécessaire de tous les progrès sociaux ; qui Le christianisme est merveilleux en toutes mais, pour qu’il n’eût pas d’orgueil, il ajouta réunit en soi les caractères les plus opposés, choses, mais surtout dans ses explications. qu’il était un ange tombé : il lui dit que, et qui est le symbole de toutes les D’un seul mot il éclaire l’entendement, et lui comme un vil criminel, il avait été déshérité contradictions : c’est nécessairement un de donne la puissance de lire dans les desseins du ciel ; mais, pour qu’il ne s’abîmât pas dans ces mystères devant lesquels l’esprit humain de Dieu, dans la liaison et le concert des sa propre abjection, il ajouta que, pour y s’arrête contraint de reconnaître qu’ils sont choses, dans les mystères de l’homme. remonter, il lui laissait les ailes de insondables. l’espérance. Son explication est toujours si Le pourquoi de la guerre sera toujours la transcendante, qu’elle confond les Voilà, d’un coté, l’homme de la question de l’homme et le secret de Dieu ; et philosophes, et si simple, que les enfants la philosophie ; voilà, de l’autre, l’homme du cependant, quand l’homme se propose de comprennent ; si abstraite et si élevée au- christianisme. Chose singulière ! les rechercher la raison des choses, même de dessus des choses de la terre, sous un point de solutions que donne le christianisme à tous celles dont la nature intime est dérobée à ses vue, qu’elle paraît imaginée de Dieu pour les problèmes sont en même temps les plus yeux par le voile le plus épais, l’homme exercer l’entendement des purs esprits ; si acceptables dans la théorie et les plus accomplit sa destinée en ce monde. Dieu lui unie et même si vulgaire, sous un autre point convenables dans la pratique. L’homme de la a refusé la grâce de ses réponses, mais c’est de vue, qu’elle semble inventée pour le philosophie est un homme mutilé, celui du Dieu lui-même qui l’anime dans ses commun des mortels. christianisme est l’homme complet. laborieuses investigations, sans doute parce que le résultat de toutes doit être le C’est ainsi que Dieu tient tous les hommes Laissant de côté ces considérations qui sentiment de son humilité et la confusion de égaux devant lui, rendant l’innocence aussi m’entraîneraient trop loin de mon but, je son ignorance. savante que l’orgueil, l’ignorance que la reprends le fil de mon discours. Nous avons sagesse. vu l’expiation réservée à l’individu ; voyons Quel est donc le pourquoi de ce terrible maintenant celle qui est réservée au genre phénomène qui épouvante l’imagination et Que l’on compare les explications du humain. accable l’entendement ? christianisme avec celles des philosophes, et, pour ne pas aller plus loin, que l’on compare La loi de l’expiation, pour l’individu III. Lepéché , qui est le mal , œuvre exclusive leurs explications sur le sujet qui nous comme pour l’espèce est renfermée dans de l’homme, naquit le jour où l’homme, se occupe, et nous ne cesserons de nous étonner cette formule simple à la fois et sublime : Tu révoltant contre son Créateur, mangea le en voyant la distance qu’il y a entre les unes et gagnerastonpainàlasueurdetonfront. fruit défendu. les autres, même considérées sous l’aspect philosophique seulement. Appliquée à l’individu, cette formule veut dire : Tu reconquerras la demeure perdue en Dieu eût pu effacer Les stoïciens, ne pouvant expliquer le mal subissantlespassions,lessouffrances,lamort. lemal par la physique, le nient ; les épicuriens, ne pouvant se résigner à l’accepter, le condamnent Appliquée au genre humain, elle signifie : condamnation. Mais comme mauvais absolument et dépourvu de Tu te civiliseras, c’est-à-dire tu te perfectionneras tout élément de bien ; ces derniers parlemoyendelaguerre. il voulut l’effacer demandent à l’égoïsme la raison des choses, les premiers la demandent à l’orgueil ; En effet depuis que l’individu et l’espèce par le châtiment. l’égoïsme et l’orgueil s’appelaient la ont été souillés de la faute du père commun philosophie avant que la vraie philosophie ne de tous les hommes, l’expiation est la loi de Dieu eût pu effacer lemal par la fût venue au monde avec la vraie religion. l’univers : c’est la condition essentielle de la condamnation, et c’était l’objet de sa justice . perfection humaine. Mais il voulut l’effacer par lechâtiment ; ce fut Ce qui distingue souverainement le le conseil de samiséricorde . christianisme, c’est cette vaste Il y a dans l’humanité deux manières de compréhension de la nature complexe des perfections analogues et différentes : la Le châtiment est l’expiation ; l’expiation choses et des divers éléments qui les perfection de l’individu et la perfection des devait retomber sur le pécheur ; le pécheur constituent, qui seule peut donner d’elles sociétés. Dès lors il y a deux espèces était tout à la fois un homme et le père une explication complète et satisfaisante, d’expiations ; parce que, s’il n’y en avait pas commun des hommes ; l’expiation devait tandis que les vaines opinions des deux, il y aurait une perfection qui ne serait retomber sur l’individu et sur l’espèce, sur philosophes n’expliquent jamais rien d’une pas le résultat de l’expiation ; il y aurait une manière suffisante. Les philosophes, en perfection qui serait hors de l’atteinte de Les documents contrerévolutionnaires no 10 — Décembre 2000 5 l’anathème primitif,quodabsurdum . appellent sur eux la loi de la justice ; ils Quand un peuple montre cette horreur repoussent comme dure laloi de la terre , et civilisatrice pour le sang, il reçoit aussitôt le S’il y a une expiation pour les sociétés demandent comme douce et agréable la loi de châtiment de sa faute : Dieu change son comme pour l’individu, cette expiation est l’enfer. Malheur aux hommes, si Dieu, sexe ; il le dépouille du signe public de la nécessairement symbolisée par la guerre. écoutant leurs prières, leur accordait leur virilité, il le change en peuplefemme et lui Elle l’est en effet, parce que la guerre, prise en demande ! envoie des conquérants pour lui ravir son sens le plus général et le plus large, dans l’honneur. Le peuple chinois est un exemple son sens le plus philosophique, est pour la Il y eut deux révoltes après la création, celle vivant de cette vérité, ce peuple avili auquel société ce que les souffrances et les passions des anges et celle de l’homme ; deux l’idée du mouvement et de la guerre fait sont pour l’homme. sentences suivirent ces deux révoltes : Dieu peur : il est aujourd’hui ce qu’il a toujours été, condamna l’homme rebelle à l’expiation, et la fable et le jouet des nations. Nous en avons Il y a guerre lorsque les nations en viennent les anges rebelles à la mort de l’esprit. un autre exemple non moins insigne dans les aux mains, et lorsqu’elles se détruisent peuples asiatiques qui joignent à une sainte intérieurement par des partis et des Dieu éloigna de lui les anges déchus, pour horreur de la guerre la passion des combats discordes ; mais ce n’est pas alors seulement l’éternité ; et l’homme rebelle, pour un subtils du génie, c’est-à-dire de la guerre des qu’il y a guerre, il y a encore toutes les fois que temps ; il livra les anges au désespoir, et laissa esprits : dans ces vastes régions, les hommes la société entre enlutte avec un obstacle qui à l’homme la consolation et l’espérance. végètent, la civilisation périt, le soleil de s’oppose à sa perfection, toutes les fois qu’il l’humanité s’éteint, la vie meurt. Lorsque lui fautvaincre pour accomplir sa destinée. L’homme habita la terre ; les anges Mahomet II entra à Constantinople, il y habitèrent l’enfer. avait guerre dans la cité, mais c’était la guerre Cela étant ainsi, la société est dans un état desesprits : les esprits du Bas-Empire permanent de guerre, parce qu’il n’y a pas un Et cependant ces deux mondes furent luttaient sur la question de savoir si la seul point dans l’espace, une seule assujettis à une même loi, à la loi de la guerre ; lumière du Thabor était une lumière créée ou dans le temps où la société ne combatte mais entre la guerre de l’enfer et celle du incréée. Lorsque Socrate, buvant la ciguë, contre les obstacles qu’elle a toujours devant monde que nous habitons, il y a cette laissa Athènes livrée aux disputes elle. Sa perfection n’est incessante que parce différence : interminables de ses beaux esprits, c’est-à- que son expiation est continuelle. Supprimez dire de ses sophistes, l’horloge des temps l’obstacle, la résistance, la lutte, la guerre La guerre en ce monde se réduit, pour sonnait la dernière heure de la cité de enfin, vous avez supprimé l’expiation, et avec l’ordinaire,au combat des bras ; dans l’enfer, Minerve. elle toutes les civilisations. La vie se retirera c’est toujoursuncombatdesesprits . de l’univers ; l’univers ne sera plus que le tombeau de l’homme. La guerre, en ce monde, est pour Si la guerre pouvait l’ordinairesanglante ; dans celle de l’enfer, il Il suit de là que ceux qui demandent la n’y a pas de sang. disparaître, alors les civilisation sans la guerre demandent la civilisation sans sa cause ; ils demandent une S’il en est ainsi, il suit de là, comme hommes et les absurdité ; ils ne savent pas ce qu’ils conséquence forcée, que ceux qui veulent demandent. transformer la guerre desbras en guerre des esprits infernaux esprits, la loi du sang en une loi non sanglante , seraient tout un, la Mais, me répondra-t-on : la guerre, vous veulent changer, pour la loi quicondamne , la l’avez dit vous-même, ne consiste pas loi quirachète , la loi de l’ expiation pour la loi de terre disparaîtrait seulement dans la lutte de nation à nation ; lamort , la loi de la miséricorde pour la loi de la on peut flétrir cette espèce de lutte sans justice, la loi de la terre pour la loi de l’ enfer . aussi, il n’y aurait prétendre blâmer les autres, et, par conséquent, si l’on peut dire de ceux qui la Les peuples anciens, soit parce qu’ils plus que le ciel et flétrissent qu’ils condamnent uneespèce de étaient plus près que nous de l’origine du l’enfer, et entre guerre, on ne peut pas dire qu’ils monde, et par conséquent de la science condamnent la guerre, qu’ils aspirent d’une révélée, soit pour une autre cause qu’il n’est eux les abîmes. manière impie à s’émanciper de la loi de pas donné à l’homme de découvrir, eurent l’expiation dont la miséricorde divine a fait la une perception plus claire que la troupe des loi de l’univers. La guerre est nécessaire ; ils philosophes de lavertu expiatoire , et par Heureusement la loi de la guerre et du sang ne se révoltent pas contre cette nécessité ; conséquentbienfaisante du sang. Cette ne disparaîtra pas du monde ; elle est l’œuvre mais ils voudraient que la guerre (c’est-à-dire perception explique les sacrifices en usage de Dieu, et les œuvres de l’homme, seules, la lutte, le combat, car c’est ce que ce mot chez toutes les nations. disparaissent. Mais, si elle pouvait signifie dans son sens le plus étendu) fût disparaître, si Dieu pouvait prêter une oreille sujette aussi aux transformations que Mes arguments, dictés par la raison, sont favorable à nos prières insensées, alors les subissent toutes choses ; ils voudraient merveilleusement confirmés par l’histoire. hommes et les esprits infernaux seraient tout qu’elle se civilisât quand le monde se civilise, un, la terre disparaîtrait aussi, il n’y aurait qu’elle se perfectionnât quand le monde se plus que le ciel et l’enfer, et entre eux les perfectionne ; ils voudraient, en un mot, Quand un peuple abîmes. qu’au choc des armées, sur le champ de bataille, succédât le choc des partis, ou pour montre cette horreur mieux dire des idées dans la presse et à la civilisatrice pour le tribune ; que le combat des esprits succédât à Y Y Y celui des bras ; et, ne pouvant détruire lalutte , sang, Dieu change son ils voudraient arrêter le sang. Puisque la lutte sexe ; il le dépouille du constitue la guerre et la guerre l’expiation, la Ouvragesrecommandés loi de l’expiation serait accomplie par une signe public de la • Yves-Marie Salem-Carrière, Quand lutte sans effusion de sang. virilité, il le change en l’espérance est militaire, Éditions du Cèdre, 1985. Disponible à SA D. P. F. Non, cette loi ne serait pas accomplie, mais peuplefemme et lui une autre plus inexorable, plus dure, la loi de • Saint Bernard, Éloge de la nouvelle la condamnation, la loi que Dieu voulut envoie des chevalerie, 1990. Disponible à SA D. P. F. épargner au monde, lorsque les conseils de sa conquérants pour lui miséricorde l’emportèrent sur les conseils de • Léon Gautier,La chevalerie , 1884, sa justice. Incompréhensible aveuglement ! ravir l’honneur. réédition 1996. Disponible à SA D. P. F. Dans leur profonde ignorance, les hommes • Abbé Joseph Lémann, La religion de repoussent la loi de la miséricorde et 6 Les documents contrerévolutionnaires no 10 — Décembre 2000 combat, réédition Éditions Saint-Rémi, 2000. Disponible aux Éditions Saint-Rémi. • Gérard Bedel,La général de Sonis , D.E.L., 1997. Disponible à SA D. P. F. • Alain Denizot, Le Sacré-Cœur et la grande guerre, Nouvelles Éditions Latines, 1994. Disponible à SA D. P. F.

Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com.

- Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; http://www.litoo.com. 99 Sanctus, Sanctus, Sanctus Dominus Deus Sabaoth. Pleni sunt cœli et terra gloria tua.

Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des armées. Votre gloire remplit ciel et terre.

(Indulgence de 500 jours ; plénière, une fois par mois, pour la récitationquotidienne,auxconditionsordinaires.) 99

Prière à saint Michel Archange Au terrible torrent de boue constitué par les Saint Michel Archange, défendez-nous livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, dans le combat ; soyez notre secours contre sans autre but, sous leur forme éloquente et leur la méchanceté et les embûches du démon. sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et « Que Dieu lui commande », nous le d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en demandons en suppliant ; et vous, Prince de peut être assuré, est de leur opposer des écrits la milice céleste, repoussez en enfer, par la salutaires et de les répandre. puissance divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. perdre nos âmes. Ainsi soit-il. 9 (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la Les documents contrerévolutionnaires récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, reproduisent des textes de doctrine et communion, visite d’une église avec prière aux intentions du d’histoire contrerévolutionnaires. Face au SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour diffuser la saine littérature catholique.

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Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Email : [email protected]. URL : http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 11— Janvier 2001

régner sur nos intelligences ; le devoir de lui Ce serait ici le lieu, avant d’aller plus loin, Le dévouement du obéir, parce qu’il est la suprême autorité, et de vous dire tout ce que renferme ce mot : le qu’à ce titre il a droit de régner sur nos dévouement, et en particulier le dévouement à chrétien au Christ- volontés, le devoir de l’aimer, parce qu’il est Jésus-Christ. le souverain amour, et qu’à ce titre il a droit Roi de régner sur nos cœurs. Le dévouement ou le libre don de soi- même aux autres, le dévouement, alors qu’il Nier pratiquement un seul de ces trois est sincère et désintéressé, le dévouement 9 devoirs, c’est renier pratiquement Jésus- surtout poussé jusqu’au sacrifice, est, sans Christ : refuser de le croire, c’est renier le contredit, ce qu’il y a de plus grand, de plus Christ révélateur ; refuser de lui obéir, c’est sublime, de plus puissant et de plus fécond renier le Christ législateur ; refuser de dans l’humanité. R. P. Félix, S. J., La Royauté l’aimer, c’est renier le Christ-amour ; et de Jésus-Christ, Paris : P. récuser et repousser en Jésus-Christ ces trois C’est par son dévouement que l’homme attributs de sa royauté, c’est récuser et s’élève au-dessus de lui-même, atteint son Téqui, 1908, pp. 160-216. repousser le christianisme lui-même, parce plus haut sommet, et se couronne de la gloire qu’en fait le vrai christianisme, c’est la vérité, de ses bienfaits et de ses sacrifices. C’est par l’autorité et l’amour de Jésus-Christ régnant son dévouement que l’homme agrandit sa dans l’humanité. puissance et multiplie sa fécondité. Il n’y a Y Y Y dans l’humanité entière aucune chose Mais, Messieurs, Jésus-Christ n’est pas grande, féconde et vraiment salutaire qui ne seulement pour nous un Roi révélateur, soit l’œuvre d’un dévouement. Les actions et Labora sicut bonus miles Christi Jesu. législateur et amour, et, à ce triple titre, ayant les institutions qui ont laissé dans l’histoire le droit de régner sur nos intelligences, nos un sillon plus éclatant sont les actions et les Combats comme un vaillant soldat du volontés et nos cœurs ; il est un roi, chef et institutions inspirées par le dévouement ; et Christ Jésus. conquérant, et, à ce titre, il nous demande à ces arbres aux fruits d’or, que les générations (II Tim.II , 3.) nous, ses soldats, le service, et pour ce recueillent en passant, ont tous été plantés et service, notredévouement : notre dévouement fécondés par des mains dévouées. au triomphe de sa vérité, de son autorité et de ésus-Christ est Roi, et il a sur nous tous les son amour, notre dévouement absolu pour la Tout ce qu’il y eut et tout ce qu’il y a encore Jdroits qu’un souverain a sur ses sujets. défaite de tout ce qui fait, dans le monde, dans les individus, les familles et les sociétés, opposition à ces trois divines choses, et par d’exceptionnellement beau, puissant et Après avoir montré les témoignages qui elles à Jésus-Christ lui-même. salutaire, en quelque sphère de la vie que ce proclament, les titres qui fondent et les soit, tous les grands héroïsmes surtout, et caractères qui distinguent cette En deux mots, notre Christ-Roi et toutes les immolations volontaires les plus incomparable royauté, nous avons constaté conquérant nous demande un dévouement illustres, rendraient témoignage à cette l’opposition qui lui est faite dans l’humanité ; absolu et sans réserve : 1° pour le suivre lui et vérité : le dévouement est la plus haute cime opposition séculaire, opposition son drapeau, dans la guerre qu’il veut faire à de la vie, et il est le générateur de toutes les contemporaine et aujourd’hui plus grande Satan et à tous ses suppôts ; 2° pour vaincre vraies grandeurs humaines. que jamais. Envers cette royauté d’une part si Satan et son drapeau, dans la guerre qu’il magnifiquement attestée et proclamée et, déclare depuis le commencement du monde, Mais, si le dévouement se révèle si grand, d’autre part, si opiniâtrement contestée et et aujourd’hui surtout, à Jésus-Christ et à partout où il fait son apparition, et alors repoussée, nous avons tous, comme tous les siens. même qu’il ne s’élève pas plus haut que les chrétiens, des devoirs à remplir. sphères où se meut l’humanité, que dire du Bref, notre Christ-Roi nous demande, non dévouement à Jésus-Christ, c’est-à-dire du Nous avons, avant tout, à remplir vis-à-vis plus seulement de le croire, de lui obéir et de dévouement qui a pour objet la personne de sa souveraineté, le devoir général et l’aimer, il nous demande de nous dévouer à même de notre Christ-Roi, du Christ radical de la dépendance, parce que la lui sans réserve, pour restaurer et défendre, Homme-Dieu ? Qui ne voit que ce dépendance est corrélative à la souveraineté, contre tout ce qui l’attaque, son règne dans dévouement se couvre et s’empreint de la qui l’engendre nécessairement. l’humanité. grandeur même de celui qui en est l’objet, et comment ce dévouement, en montant Nous n’avons pas insisté sur ce devoir I jusqu’à l’Homme-Dieu, reçoit de lui un fondamental, qui fait dépendre tout sujet de caractère d’élévation, de puissance et son vrai souverain ; parce que ce devoir, qui Oui, Messieurs, notre dévouement absolu d’universalité qu’il n’aurait pas de lui-même résulte de la force même des choses, se révèle à notre Christ, capitaine et conquérant, pour en s’adressant à des êtres purement dans la lumière de sa propre évidence. Mais, le complet établissement de son règne dans humains ? venant au détail des devoirs qui naissent de l’humanité ; car, être des serviteurs et des cette dépendance elle-même, nous avons soldats dévoués même jusqu’à la mort, dans Mais, ce qu’il faut remarquer surtout ici, signalé hier trois grands devoirs, qui nous l’armée divinement conquérante dont il est dans le dévouement à Jésus-Christ, c’est son obligent, comme sujets, envers notre Christ- le général en chef, tel est le grand devoir qui caractère essentiellementchrétien . C’est Roi : le devoir de le croire, de lui obéir et de s’impose à tout chrétien, en tout temps et en qu’en effet, le dévouement à Jésus-Christ est l’aimer ; le devoir de le croire, parce qu’il est tout lieu, et tout particulièrement dans notre comme la quintessence du vrai l’infaillible vérité, et qu’à ce titre il a droit de temps et dans notre chère France. christianisme ; et on peut définir le 2 Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 christianisme, j’entends le christianisme soldat à la cause et au triomphe de son Roi. Je disais hier : Creusez en tous sens le pratique, ledévouementàJésus-Christ . christianisme, vous y découvrez l’amour, Oui, Messieurs, le dévouement qu’attend l’amour de Jésus-Christ ; je vous dis C’est qu’en effet, le chrétien, à le bien de nous notre Christ-Roi, c’est le maintenant : Creusez en tous sens le définir, est un hommevoué à Jésus-Christ, dévouement du soldat, prêt à le suivre, à le christianisme, et, vu sous tous ses aspects, le oui, voué à Jésus-Christ par son baptême, servir et à l’aider dans tous les combats. christianisme se révèle comme la lutte voué de nouveau par la rénovation de ce vœu organisée dans l’univers, et la lutte organisée du baptême, voué à Jésus-Christ par le dans l’homme : entre ces deux choses, sacrement de la confirmation et voué plus Le christianisme, l’amour et la lutte constituant le intimement encore à Jésus-Christ par le christianisme, il n’y a pas de contradiction ; mystère de la communion. Comment, en c’est la lutte, encore parce que l’amour de Jésus-Christ, qui en est effet, le chrétien qui, comme le mot le révèle, la lutte, et toujours le fond, est nécessairement, depuis la chute devient dans la communionun avec Jésus- originelle, un amour militant. Christ, pourrait-il ne pas être dévoué à Jésus- la lutte. Christ ? Comment, sans renier à la fois son Ah ! oui, le christianisme c’est la lutte. baptême, sa confirmation et sa communion, pourrait-il refuser à son Christ-Roi le C’est que le christianisme, c’est la lutte, J’en atteste sondogme qui en est la dévouement qu’il lui demande ? encore la lutte, et toujours la lutte, et la lutte révélation. En dehors du dogme chrétien, la dans des proportions, avec une profondeur, lutte, comme fait, subsiste, mais elle Voilà, Messieurs, ce que, comme une largeur, une durée qu’on n’avait pas demeure un mystère. préliminaire, j’ai cru devoir rappeler en peu connues de l’autre côté du Calvaire. Et c’est de mots : le dévouement, en général, est le une vérité qu’il faut bien entendre, un fait Pourquoi la lutte dans l’humanité ? plus haut sommet de la vie humaine, le qu’il importe tout d’abord de bien constater. Pourquoi surtout la lutte dans chaque dévouement à Jésus-Christ est la plus haute homme en particulier ? Pourquoi l’homme expression du christianisme, il est le La lutte, il est vrai, a toujours existé dans le est-il obligé de lutter contre lui-même ? christianisme pratique lui-même. monde depuis la chute primitive, et, il y a Pourquoi surtout, dans certaines situations, plus de trois mille ans, un homme l’homme est-il condamné à se frapper et à se Et voilà ce que notre Christ-Roi vous divinement inspiré nous révélait cette loi de blesser lui-même, et à porter au plus vif et au demande pour concourir à l’entreprise que l’humanité, alors qu’il s’écriait : Militia est plus sensible de son être les coups les plus médite ce Roi conquérant, l’établissement vitahominissuperterram (Job,VII , I ). C’est que violents et souvent les plus douloureux ? ou la restauration de son règne dans le patriarche de la terre de Hus, mieux Comment un Dieu sage, un Dieu juste, a-t-il l’humanité : le dévouement à sa personne, et encore que la sibylle de Cumes, entendait lui pu, en créant l’homme, mettre l’antagonisme par conséquent le dévouement à sa cause. venir de partout le bruit des luttes et des et la guerre au fond de ses entrailles ? Ou combats et que, lui aussi pouvait s’écrier : comment la nature pourrait-elle à ce point se Je ne m’arrêterai pas à vous rappeler tous Partout des guerres et d’horribles guerres, contredire elle-même ? Les philosophes, les droits essentiels que ce Roi conquérant a Bella,horridabella! depuis trois mille ans, ont scruté tous les de vous demander votre dévouement. Ce qui systèmes, pour essayer de résoudre ce fonde ces droits, c’est ce qui fonde sa royauté Telle est, en effet, l’immense et perpétuelle mystérieux problème de la lutte ; ils ont, pour elle-même. rumeur de l’histoire : des guerres, toujours y arriver, remué ciel et terre, mais, bon gré des guerres ; la lutte au dedans et la lutte au mal gré, le mystère subsistait ; et, à la fin, Nous avons montré, dans notre premier dehors. désespérant de l’expliquer, nos philosophes discours, les titres incontestables qui novateurs ont pris le parti de le nier, et ils ont fondent sa royauté sur nous. Or, tout ce qui Cette loi de la lutte est tellement l’histoire dit : Non, la lutte n’existe pas dans l’homme : démontre que Jésus-Christ est notre Roi et de l’humanité en général, et le fait de toutes la lutte c’est erreur, la lutte c’est préjugé ; notre Souverain démontre que nous sommes les sociétés, qu’un peuple, un seul peuple, dans l’homme il n’y a que l’harmonie. ses sujets ; et tout ce qui atteste que nous échappant aux agitations de la guerre et sommes ses sujets, atteste par le fait même jouissant des douceurs d’une perpétuelle Eh bien ! le christianisme, sur ce mystère que nous devons lui être dévoués. paix, est encore à trouver sur la terre. de notre vie, ne nie rien et il explique tout, et il justifie devant la sagesse et la justice de Et considérée dans chaque homme en Être dévoué au roi, c’était la loi et l’honneur, Dieu ce mystère de l’homme ; comment ? sous notre vieille monarchie chrétienne, et, particulier, la lutte contre lui-même, la lutte pendant de longs siècles, des générations entre sa raison et ses passions, entre son Par ces trois mots de son dogme entières ont rehaussé par ce dévouement leur esprit et sa chair, est tellement la nécessité et révélateur : la création, la chute et la dépendance devant l’autorité royale. Leur la loi de sa vie, que quiconque récuse la lutte, restauration. obéissance, en se transformant en s’amoindrit, se déshonore, se dégrade, et dévouement, donnait à leur soumission tombe au-dessous de l’homme. Car, La création, ce fut dans l’homme l’ordre et d’humbles sujets un caractère sublime. l’homme,vir , veut dire la force ; or, la force l’harmonie. grandit dans la lutte, et la virilité sort, armée Ce qui n’existe plus, hélas, dans l’ordre de force, des épreuves et des souffrances du La chute, ce fut dans l’homme le désordre purement humain, demeure et ne périra combat. et la ruine. jamais dans l’ordre chrétien proprement dit. Je n’insiste pas sur la réalité de cette lutte Le dévouement auChrist-Roi nous Et la restauration de l’ordre et de demeurera à jamais comme la loi, la pratique dans la vie humaine. Chacun de nous la porte l’harmonie, c’est moi, dit le christianisme ; et la gloire du vrai christianisme, et ce Roi au plus intime de son être, et sent en lui la moi, la réaction divine contre le désordre des rois traverse les siècles, environné d’une lutte perpétuelle des deux hommes dans humain ; moi, le drapeau du bien relevé aristocratie, qu’il se fait par son amour. Cette l’homme, luttant l’un contre l’autre au fond contre le drapeau du mal ; moi, la grande et aristocratie où la noblesse et la grandeur se de ses entrailles, comme Esaü et Jacob dans perpétuelle bataille de la vérité contre mesurent aux services rendus au divin Roi, le sein de Rébecca. l’erreur, de la justice contre l’iniquité, de c’est l’aristocratie desdévoués . l’ordre contre le désordre ; moi, Mais, Messieurs, si la vie simplement l’antagonisme éternel et divin de l’esprit Mais quel est le dévouement que notre humaine, c’est la lutte déjà, il est une vie contre la chair. conquérant nous demande surtout ? supérieure où la lutte se produit d’une manière plus intime, plus profonde et dans Oui, nous crie de toutes les manières notre Le dévouement dans l’humanité et dans le de plus vastes proportions : c’est la vie christianisme militant, entre l’esprit et la christianisme peut prendre des formes chrétienne. Le christianisme, c’est, de toutes chair la haine est irréconciliable, la lutte est indéfiniment variées. Celui que nous manières, la lutte agrandie. Il est, par inapaisable et la guerre est à mort : « La chair, demande ici notre divin capitaine, je l’appelle excellence, la religion militante. partout et toujours, convoite contre l’esprit le dévouementmilitaire , le dévouement du et l’esprit contre la chair : Caro concupiscit Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 3 adversus spiritum, spiritus autem adversus virtutis ejus. Revêtez-vous de l’armure de Ah ! l’engagement que vous avez pris, le carnem (Galat.,V , 17). » Or, la chair c’est le Dieu,induite vos armaturam Dei ; afin que serment que vous avez fait, c’est d’être de désordre, et l’esprit c’est moi ; la chair c’est vous puissiez tenir ferme contre les vrais chrétiens, donc, des soldats dévoués à Satan, et l’esprit c’est moi ; la chair c’est le embûches du diable, ut possitis stare contra votre Christ-Roi ; et la milice dans laquelle monde, le monde tout entier dans la malice, insidias diaboli. C’est que nous n’avons pas vous vous êtes enrôlés, c’est le christianisme, et l’esprit c’est moi ; moi, qui suis la lutte et la seulement à lutter contre la chair et le sang, c’est-à-dire lagrande armée toujours guerre ; moi, qui suis venu pour apporter au quoniam non est nobis colluctatio adversus carnem militante, la plus grande et la plus glorieuse monde non la paix, mais le glaive : Non veni et sanguinem ; nous avons à combattre les armée qui ait jamais été vue sous le ciel. pacemmitteresedgladium (Matt.,X , 34). princes du royaume des ténèbres et ceux qui y règnent, sed adversus principes et potestates, La grande armée ! Tel est le mot qui Ainsi, nous dit le christianisme par la voix adversusmundirectorestenebrarumharum. exprime le mieux la nature et l’histoire du de son fondateur, je viens, le glaive à la main, christianisme, et il n’y en a pas qui nous dise pour frapper dans l’humanité toutes les « Donc, prenez, pour ces combats, non pas mieux pourquoi nous devons au Christ, notre révoltes de la chair et des passions une arme quelconque, capable de se briser Roi, le dévouement dont nous avons parlé désordonnées ; c’est-à-dire toutes les entre vos mains, mais prenez l’arme de Dieu, tout à l’heure et que nous avons nommé le révoltes du mal contre le bien ; je viens, par le accipite armaturam Dei, afin qu’au jour dévouement militaire. C’est que la religion droit et la puissance de ma royauté mauvais, c’est-à-dire au jour où vous subirez que nous professons et à laquelle nous lient divinement légitime, relever dans les âmes le les attaques du mal, vous puissiez résister, ut d’inviolables serments est, dans le meilleur et trône de la vérité et de la justice, et je marche possitis resistere in die malo, et en toutes choses le plus sublime sens de ce mot, une armée, et dans la guerre pour arriver à la grande paix, demeurer parfaits,et in omnibus perfecti stare ; que la vie de cette armée est un perpétuel c’est-à-dire au repos des âmes et des cœurs, c’est-à-dire être de vrais soldats de notre combat ! Et c’est sur le spectacle grandiose dans la vérité, la justice et l’amour. Christ-Roi, dignes de la vocation guerrière que nous présente cette armée, que je vous qu’il vous fait (Ephes.,VI , 10-13). » prie d’arrêter un moment vos regards ; rien Ainsi, le christianisme, par son dogme de la ne pouvant mieux vous révéler la vocation chute et de la restauration, nous révèle le Ainsi a retenti, près du berceau du que nous fait notre Christ, en nous y mystère de la lutte et se proclame, lui, christianisme, la parole de l’apôtre, à la fois demandant notre service dévoué et vraiment comme la lutte permanente et universelle soldat et conquérant. En entendant cette militaire. dans l’humanité. parole, qui croiriez-vous entendre, ou la voix d’un prédicateur parlant aux fidèles du Ah ! cette incomparable armée, comment Ce qu’il nous révèle, par son dogme, il le Christ, ou la voix d’un capitaine appelant au vous la peindre et vous la montrer dans tout proclame, en effet, partout et toujours par sa combat ses soldats dévoués ? Eh bien ! la son harmonieux ensemble, et dans toute sa prédication. prédication chrétienne, c’est l’écho universel majestueuse et divine beauté ? et séculaire de cette voix de saint Paul. La voix de ses prédicateurs, qui se fait Cette armée a uneorganisation divinement entendre jusqu’aux extrémités de la terre, Et dans combien d’autres circonstances sublime et belle dans sa simplicité ; c’est ce cette voix, qui ne se tait ni jour ni nuit, si vous l’apôtre, sous diverses formules, ne redit-il que nous avons appelé la hiérarchie l’écoutez bien, retentit comme le son de la pas ses appels à la lutte et ses accents catholique ; la hiérarchie qui se déploie dans trompette et du clairon. Elle est l’universel et guerriers : « Travaille, dit-il à Timothée, l’univers, avec ses trois rangs superposés des permanent appel au combat, et aujourd’hui c’est-à-dire combats comme un vaillant pasteurs, des évêques et des pontifes : là, les encore, même au milieu de vous, nous, soldat de Jésus-Christ, labora sicut miles pasteurs sont comme les capitaines, les porteurs da la sainte parole, que faisons-nous Christi (II Timoth.,II , 3). » évêques, comme les généraux, et le pontife autre chose ? Et pourquoi moi-même suis-je suprême, comme le généralissime exerçant le dans cette grande chaire de Notre-Dame, si Et ailleurs : « Combats le bon combat de la commandement d’une manière visible, en ce n’est pour vous encourager à la lutte, à la foi,certa bonum certamen fidei (I Timoth.,VI , qualité de vicaire ou de lieutenant du Christ- lutte contre vous-mêmes, à la lutte contre le 12). On ne couronnera que celui qui aura bien Roi. Et, au-dessous de ce triple rang de monde, et pour vous donner, comme d’un combattu, non coronatur, nisi legitime certaverit l’autorité qui commande, marche, avec tous lieu élevé d’où l’on est entendu de loin, le (II Timoth.,II , 5). » ses groupes, aussi hiérarchiquement signal du combat ? disposés, la masse des soldats qui obéissent. Et, résumant lui-même sa vie d’apôtre, Et, nulle part, en aucune société et en aucune Jamais parole dans l’univers ne fut plus c’est-à-dire sa vie de luttes et de combats, armée, une telle harmonie ne se rencontre. guerroyante et n’eut des accents plus saint Paul se rend à lui-même ce témoignage belliqueux que la prédication catholique : du soldat vaillant, près de mourir : « J’ai Cette armée a undrapeau , un drapeau pour c’est quelque chose comme la voix d’un combattu le bon combat, bonum certamen guider et, au besoin, rallier l’armée tout capitaine, criant non à un groupe d’hommes certavi, et j’ai achevé ma carrière de soldat du entière ; un drapeau ouvrant la marche à tous seulement, mais à l’humanité tout entière : Christ,cursum consummavi (II Timoth.,IV , les courages et à tous les dévouements qui le Aux armes, soldats ! en avant marche ! et 7). » suivent : c’est le drapeau de la Croix, drapeau droit à l’ennemi ! du sacrifice, portant la trace du sang du divin Ainsi partout, les lettres de l’apôtre Immolé ; drapeau, sans comparaison aucune, Il serait curieux d’entendre tout ce que, guerrier respirent la lutte et le combat. Sa le plus vraiment glorieux qui se soit déployé depuis bientôt deux mille ans, l’éloquence de parole en est la perpétuelle prédication, et sa sous le ciel, et le seul qui fasse le tour du tous nos prédicateurs a fait entendre de vie en est la plus complète réalisation. monde. paroles guerrières, pour rappeler aux générations chrétiennes cette grande loi du Les autres apôtres font entendre les Bien autrement glorieux que le drapeau, christianisme, la loi de la lutte, et les exciter à mêmes accents et prêchent la même loi du dont on peut être fier et qui n’a fait pourtant combattre au dedans et au dehors toutes les combat, comme la loi essentielle du vrai que le tour de l’Europe, notre drapeau, le puissances du mal. christianisme. drapeau de notre divin crucifié, à la lettre, fait le tour du monde, laissant par derrière Ecoutez seulement, sur ce point, la voix du Quatre siècles plus tard, un autre vaillant lui, partout où il a passé, non pas, comme tant premier et du plus grand prédicateur du soldat de Jésus-Christ, saint Jean d’autres, des destructions et des ruines, mais christianisme ; écoutez la voix de saint Paul. Chrysostome, exposait avec une rare des vertus et des bienfaits et, en particulier, éloquence cette loi du christianisme : « O la civilisation, la vraie civilisation qui ne La religion de la lutte venait à peine de chrétien, montre ton courage et ta force, germe, ne fleurit et ne se maintient qu’à naître, que déjà ce grand apôtre disait aux exere vires, et combats, fortiter dimica . l’ombre de la croix. premiers soldats enrôlés sous la bannière du Souviens-toi de l’engagement que tu as pris, Christ-Roi : « Fortifiez-vous dans le Seigneur pactum quod spopondisti, et de la milice dans Cette armée a unearmure , l’armure de Dieu et dans la puissance qui vous vient de la force laquelle tu t’es enrôlé, militiam cui nomen si bien décrite par saint Paul, lorsque, après divine, confortamini in Domino, et in potentia dedisti.» avoir donné aux Ephésiens le mot d’ordre du 4 Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 combat contre leurs vrais ennemis, il les fois les siècles et les espaces ; combattant nous refusons de tenir notre place, de garder arme, pour ainsi dire de pied en cap, par ses partout et combattant toujours. Ses tentes et notre poste, fût-il même le plus périlleux, et paroles vraiment guerrières et dites tout ses pavillons se déploient sur tous les rivages, si, dans les combats qu’elle livre à chaque pas, exprès pour les vrais soldats du Christ-Roi : ses phalanges et ses bataillons luttent dans nous refusons de prendre notre part. Nous « Donc, debout ! soldats que vous êtes, les cinq parties de notre monde terrestre, et trahissons notre cause et notre Roi, et nous debout ! mettez autour de vos reins la deux mille ans bientôt de combats et de nous abdiquons nous-mêmes comme ceinture de la vérité, succincti lumbos vestros in victoires attestent sa marche perpétuelle chrétiens, car combattre pour Jésus-Christ veritate, et autour de vos poitrines, la cuirasse dans le temps, comme sa présence et avec Jésus-Christ, ce qui revient à dire : de la justice,induti loricam justitiæ . Chaussez universelle dans l’espace. Et bien que combattre avec l’Eglise et pour l’Eglise, c’est vos pieds pour ouvrir par la guerre la voie à la séparées par de longs siècles et par des pour tout chrétien le suprême devoir ! paix évangélique, calceati pedes in præparatione distances immenses, ses phalanges marchent Evangelii pacis. Et puis, portez partout le comme un seul homme dans l’unité d’un Dans cette bataille qui ne finit jamais que bouclier de la foi,sumentes scutum fidei , afin même commandement. pour recommencer toujours, les postes pour que vous puissiez repousser les traits les plus chaque soldat peuvent être différents, mais enflammés de l’ennemi. Placez sur vos têtes Cette armée, en effet, en quelque partie du la loi du combat est la même pour tous. Les le casque du salut,galeam salutis assumite , et, monde et à quelque point de la durée qu’elle dévouements peuvent s’y produire avec plus tandis que vous tenez à votre bras gauche le porte son drapeau, a un seul et mêmechef : au ou moins d’éclat, mais tous ont la vocation bouclier de la foi, prenez, dans votre main ciel le Christ-Roi, son chef invisible, et sur la d’y apporter un dévouement, et si tous, aux droite, le glaive, le glaive de l’esprit, qui n’est terre le Souverain Pontife, son chef visible et heures des grandes luttes, n’y combattent pas autre que la parole de Dieu, gladium spiritus, lieutenant de Jésus-Christ. Seul un vieillard, avec le même héroïsme, tous y doivent quodestVerbumDei (Ephes.,VI , 14-17). du haut du Vatican, commande en chef à combattre avec vaillance ; et ceux qui, parmi cette armée qui a pour champ de bataille les nous, ne montreraient pas au moins, dans le « Et, ainsi armés de toutes pièces, armés de espaces et les siècles, et compte dans ses combat, un courage, un dévouement et une la vérité et de la force même de Dieu, frappez rangs trois cent millions de combattants fidélité vulgaires, porteraient, écrit sur leur à droite et à gauche,a dextris et a sinistris ; sortis de toutes les conditions et de tous les front, aux yeux de tous, ce mot déshonorant : allez, dans la gloire ou l’ignominie, per gloriam degrés de l’humanité. A un signe de sa main, à lâches, et aux yeux de notre Christ-Roi, ce et ignobilitatem, dans l’infamie et la bonne une parole de ses lèvres, cette armée avance, mot plus déshonorant encore :traîtres ! Si, renommée,per infamiam et bonam famam ; et s’arrête ou recule, combat ou se repose, comme chrétiens, nous comprenons partout triomphez de vos ennemis par les conclut la paix ou la guerre, sans jamais autrement notre vie, nous avons cessé de armes de la justice,per arma justitiæ (II Cor., quitter tout à fait le champ de bataille où elle nous connaître et de nous comprendre nous- VI, 7-8). » se meut, toujours prête, au premier signal de mêmes. son chef, à braver tous les périls et à voler à la Telle est l’armure que nos soldats doivent mort pour donner la vie ! Enfin, Messieurs, notre armée — et c’est porter dans tous leurs combats : ceinture de ici le mot décisif, — avec tout ce que je viens la vérité, cuirasse de la justice, casque du Et voilà ce qui fait surtout l’incomparable de dire, avec ses soldats, son organisation, salut, bouclier de la foi, glaive de la parole. beauté de cette armée : c’est dans ces son drapeau, son armement et son immense Jamais avant l’Evangile, telle armure de proportions qui la font grande comme champ de bataille, a ce qu’on nomme, dans la guerre n’avait été portée dans les combats et l’espace, longue comme la durée, vaste guerre, unobjectif . n’avait pu même s’imaginer. Là, vous le comme l’humanité, et surtout dans cette voyez, ni le fer ni le feu ; là, nul engin de mort prodigieuse variété de légions, de phalanges Tout capitaine, tout commandant, tout ou de destruction ; là, non des armes qui et de bataillons, cette harmonieuse unité qui chef, à la tête d’une armée, doit avoir un blessent, mais des armes qui guérissent ; non les fait tous marcher sous les ordres d’un seul objectif déterminé, objectif variant selon les des armes qui tuent, mais des armes qui homme, représentant sur la terre le situations : tantôt tourner l’ennemi, tantôt le sauvent ; armes vraiment divines qui, au lieu souverain Maître qui est au ciel ! Oh ! grande surprendre, tantôt monter à l’assaut d’une de donner la mort, donnent la vie ! et magnifique armée de mon Christ-Roi, que cité, et tantôt la réduire par la famine, tantôt tes tabernacles et tes pavillons sont beaux ! porter la guerre chez l’ennemi et tantôt Cette armée a unchamp de bataille ; et ce Quam pulchra tabernacula tua et tentoria tua marcher droit sur sa capitale, etc. champ de bataille, c’est le monde entier. (Num.,XXIV , 5). Jamais les conquérants, même les plus L’armée chrétienne, elle aussi, a son illustres et les plus victorieux, n’ont eu pour Telle est, Messieurs, peinte en quelques objectif, varié quant à la manœuvre et à la champ de bataille toute la surface de la terre, traits trop rapides, l’armée de notre Christ- stratégie, mais en réalité toujours le même : et jamais leurs plus vastes conquêtes n’en ont Roi sur la terre. Elle marche à travers les propager et étendre le règne de Jésus-Christ, atteint, en tous sens, les extrêmes limites. orages, comme sous le ciel le plus serein ; elle et pour cela combattre l’ennemi qui Alexandre se trompait, lorsque, arrivé au traverse, au moins par quelques-unes de ses l’attaque, déjouer ses ruses, repousser ses terme le plus lointain de ses conquêtes, il légions, les contrées les plus âpres et les plus assauts, vaincre sur le champ de bataille soupirait, parce qu’il croyait n’avoir plus rien incultes, comme les plus cultivées et les plus toutes ses forces réunies. à conquérir. florissantes, les peuples les plus barbares et les plus sauvages, comme les plus polis et les Or, l’ennemi, l’antique et éternel Le rêve de la conquête universelle est plus civilisés. Le pas profond de cette adversaire de Jésus-Christ, c’est Satan, Satan encore plus chimérique que celui de immense armée remue le monde, et le bruit avec tous ses partisans et tous ses suppôts l’universelle royauté. Et ceux-là même à qui il qu’elle fait en marchant est le bruit même de recrutés sur la terre, Satan avec tout ce qu’il y a été donné d’étendre le plus loin leurs l’histoire ; c’est, depuis bientôt deux mille a d’impie, de pervers, de perfide, de méchant conquêtes, règle générale, n’ont pu se ans, la grande rumeur de l’humanité. dans l’humanité, Satan levant en face du maintenir dans les positions conquises, et drapeau de Jésus-Christ le drapeau de leur champ de bataille s’est resserré avec Eh bien ! je le répète, dans cette armée, l’antichristianisme. celui de leurs conquêtes. nous sommes tous soldats, oui tous, chrétiens que nous sommes, prêtres et Résister à l’antichris- Alors même que leurs victoires poussaient laïques, hommes et femmes, riches et plus loin dans l’espace, une chose leur pauvres, savants et ignorants, nobles et tianisme, partout où il manquait fatalement, c’est ce que bourgeois, princes et peuples, tous soldats attaque, et non seulement j’appellerais volontiers le champ de bataille dévoués de notre Christ-Roi et, comme tels, de ladurée ; et si, jusqu’à certaines limites, tous obligés d’être à notre poste, d’y porter, lui résister, mais l’atta- leur armée pouvait franchir les espaces, avec nos armes, notre dévouement et, au quer lui-même dans ses jamais elles n’ont pu franchir les siècles, et, besoin, un dévouement poussé jusqu’au souvent, leurs bataillons disparaissaient, ou sacrifice même de la vie. propres retranchements. peu s’en faut, comme la poussière que leur marche soulevait au chemin où ils passaient. Ah ! malheur à nous, si dans cette armée, Aussi, résister à l’antichristianisme, Eh bien ! voici une armée qui traverse à la dont nous avons juré de suivre le drapeau, partout où il attaque, et non seulement lui Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 5 résister, mais l’attaquer lui-même dans ses Bref, dans cette armée comme dans pieuvre dont les tentacules s’allongent propres retranchements, et jour par jour, de l’armée catholique, les postes et les jusqu’aux extrémités de la terre, pour y saisir bataille en bataille, le vaincre sur toute la ministères sont subordonnés les uns aux les âmes et les arracher à Jésus-Christ. ligne : voilà le grand et perpétuel objectif de autres ; les commandements et les mots l’armée chrétienne. Son mot d’ordre et son d’ordre circulent avec la rapidité de Cette armée a undrapeau , elle aussi, un cri de guerre est partout et toujours celui-ci : l’étincelle électrique ; et ces hommes, dont drapeau qu’elle élève partout Gloire à jamais au règne de Jésus-Christ, à les convictions personnelles se heurtent audacieusement devant le drapeau de la bas son implacable ennemi ! Allons, souvent à celles de ceux qui les touchent, croix. Ce drapeau que longtemps marchons, et partout renversons le règne de marchent quand même à leur rang assigné l’antichristianisme gardait enfermé dans ses Satan. Partout où il porte l’attaque, portons par la secte, et bien que divisés entre eux, conciliabules souterrains, il ose aujourd’hui le combat, et avec le combat, la victoire. comme à Babylone, par la confusion des le déployer au grand jour. On le voit flotter au idées et des langues, tous ces hommes, vent de toutes les révolutions, il apparaît C’est ce qu’il me reste à vous montrer : soumis au même commandement, et fidèles planté sur toutes les grandes ruines, il guide à comment l’antichristianisme de Satan au même mot d’ordre, se rencontrent et l’assaut de toutes les saintes choses, à la attaque le christianisme, et comment notre s’unissent dans la même pensée et la même consommation de toutes les grandes dévouement partout doit combattre et résolution, la pensée et la résolution iniquités et de tous les crimes exceptionnels. vaincre l’antichristianisme. d’anéantir sur la terre le règne de Jésus- Véritable drapeau noir, portant partout la Christ. mort et annonçant la guerre à tout ce qui II vivifie l’humanité, et digne à ce titre de Ainsi, grâce surtout à l’influence et à guider la marche de l’armée de Satan. Et avec Oui, Messieurs, Satan, lui aussi, a une l’action maçonnique, cette armée du mal a ce drapeau qui dirige l’armée entière de armée, l’armée de l’antichristianisme, avec une organisation : organisation à la fois l’antichristianisme, la secte antichrétienne laquelle il attaque partout et toujours l’armée publique et latente, dont une partie se par excellence étale les insignes qui la de Jésus-Christ ou le christianisme. découvre aujourd’hui à la lumière de la distinguent, et elle tend, ô Sauveur Jésus, à publicité, et dont l’autre demeure toujours les déployer jusque dans vos temples et au Mais, avant de préciser les points où Satan cachée dans l’ombre du mystère, et dans les milieu même de nos solennités, in medio porte, avec ses bataillons, ses principaux cavernes obscures d’où la secte envoie ses solemnitatis tuæ, posuerunt signa sua, signa.Etce coups, et où notre dévouement doit surtout mandats impératifs. cri des impies de l’antique Jérusalem : se déployer, il importe de dire, en peu de « Faisons cesser sur la terre toutes les fêtes de mots, ce qu’est cette armée que Satan Cette armée, elle aussi, a unearmure , mais Dieu » montre clairement où veut en arriver conduit à l’attaque du christianisme. quelle armure ? L’armure de Satan. Vous cette armée de l’antichristianisme, et quel venez d’entendre comment saint Paul décrit est son véritable objectif. Cette armée, elle aussi, a sessoldats , soldats ce qu’il nomme bien l’armure de Dieu, rangés en bataillons divers ; quels soldats et armaturam Dei : la ceinture de la vérité, la quels bataillons ! cuirasse de la justice, le casque du salut, le Le but de l’armée bouclier de la foi, le glaive de l’esprit et, avec satanique est certain, Et d’abord voici les bataillons portant, sous tout cela, la prière, la mortification, la bonté, l’objectif est déterminé : diverses couleurs, la bannière de toutes les la charité, etc. grandes erreurs : bataillons des sceptiques, en finir avec la religion des rationalistes, des matérialistes, des Mais voici, dans l’armée ennemie, des de Jésus-Christ. panthéistes et des athées. armes bien différentes : au lieu de la vérité, l’erreur, au lieu de la justice, l’iniquité, au lieu Après eux et avec eux viennent les de la foi, l’incrédulité, au lieu de l’esprit, la Cette armée en effet, elle aussi, a son bataillons du mal, du vice et de la corruption. matière, au lieu de la parole de Dieu, la parole objectif, et son objectif est celui-ci : Par tous de l’homme, au lieu de la prière, le les moyens possibles, ruiner et détruire le Imaginez tout ce qu’il y a dans l’humanité blasphème, au lieu de l’humilité, l’orgueil, au christianisme. Un opportunisme de plus pervers et de plus orgueilleux, de plus lieu de la bonté, la colère, au lieu de la machiavélique et une prudence satanique cupide et de plus sensuel, de plus voluptueux mortification, la sensualité, au lieu de la peut dissimuler plus ou moins l’attaque et et de plus impie : tout cela portant la charité, la haine !... Et puis ces armes obligées affecter, dans cette guerre déclarée au bannière du mal et marchant à l’attaque de et professionnelles de la secte franc- christianisme, une modération relative : mais tout bien. maçonne, à savoir : la ruse, la dissimulation, le but est certain, l’objectif est déterminé : en l’hypocrisie, le dénigrement, la calomnie et, finir avec la religion de Jésus-Christ, et le cri Et puis derrière eux, vous voyez venir, avec par-dessus tout, l’arme la plus familière et la de guerre, plus ou moins retentissant, est leurs couleurs et leurs nuances indéfiniment plus chère au prince des ténèbres, le partout et toujours le même : « A bas l’Eglise variées, les bataillons de toutes les révoltes et mensonge, cette arme préférée du grand catholique, à bas le christianisme ! » de toutes les insurrections : socialistes et impie, donnant aux soldats qu’il conduisait à communistes, possibilistes et anarchistes, l’assaut de l’Eglise ce mot d’ordre vraiment Et tel est le mot d’ordre donné pour le tous marchant à la fois à l’attaque de la satanique : « Mentons, mentons hardiment ; combat : Marchez, et dans la lumière ou dans société et du christianisme. il en reste toujours quelque chose. » les ténèbres, frappez sur tout ce qui est chrétien, et, en frappant, visez surtout ce Et derrière tous ces bataillons, marche, les Cette armée, elle aussi, a un champ de qu’il y a dans l’Eglise, de plus grand, de plus encourageant et les poussant tous à l’attaque bataille ; lequel ? Le champ de bataille de élevé, de plus respecté, de plus illustre par la de Jésus-Christ, une légion immense et à elle l’Eglise elle-même. dignité, par le talent, par l’éloquence, par le seule formant une sorte d’armée : c’est la génie, par l’influence. Que la ruine de cet légion essentiellement antichrétienne, la Chose remarquable, en effet, partout où édifice que nous avons juré d’abattre, franc-maçonnerie, la grande ennemie jurée l’Eglise porte, avec son drapeau, le règne de commence par ses sommets les plus hauts, en de notre Christ-Roi. notre Christ-Roi, cette armée marche sur ses attendant sa ruine totale et sa disparition pas, et partout la suit jusque dans les contrées complète. Cette armée, elle aussi, a uneorganisation . les plus reculées. Et pourquoi ? Pour Toutes les forces qu’elle conduit à l’attaque contredire sa parole, pour nier ses bienfaits, Voilà l’objectif réel de l’armée satanique, de l’Eglise sont hiérarchisées entre elles. Là pour paralyser ses dévouements et, autant voilà le point de mire montré et le signal aussi, il y a différents degrés de dignité, de qu’elle peut, anéantir l’œuvre de sa charité et donné à tous les soldats de fonction, de puissance et d’action. Là, sous de ses sacrifices. Ce n’est pas seulement le l’antichristianisme : frapper le Christ en des noms divers, étranges et bizarres parfois, protestantisme qui lutte, sur tous les rivages frappant les chrétiens, bref, anéantir avec le pour employer ici les vocables de la langue et du monde, contre les légions héroïques de christianisme le règne de Jésus-Christ. de la hiérarchie militaire, il y a des généraux, nos missionnaires, c’est aussi, et par-dessus des colonels, des capitaines et, au-dessous, tout, la secte par excellence anticatholique et Il n’est plus possible, sur ce point, de se des grades et des emplois inférieurs. antichrétienne, la franc-maçonnerie, cette faire une dernière illusion : le fait s’impose à 6 Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 la pensée, je pourrais même dire aux regards. Qui, parmi vous, ne peut entendre, dans la L’essence de la Révolution, comme nous le Naguère encore, lorsque du haut de nos grande rumeur du siècle, le bruit sourd ou disions il y a deux jours, consiste dans chaires chrétiennes nous signalions ce éclatant de cette satanique conspiration de l’opposition et la guerre que fait Satan au phénomène de l’antichristianisme en plein l’erreur contre la vérité chrétienne : ce qui Verbe-Autorité. christianisme, aux yeux de nos optimistes et revient à dire, contre notre Christ-Vérité lui- soi-disant modérés, nous exagérions, et nous même ? Eh ! qui donc parmi vous pourrait Oui, là gît le fond intime de ce qui s’appelle inventions, pour le combattre, un ennemi l’ignorer tout à fait, cette guerre à outrance aujourd’hui laRévolution ; non pas, chimérique, un être imaginaire. Aujourd’hui, faite, au grand jour, à la vérité chrétienne par remarquez-le bien, cette révolution ou cette à moins de fermer les yeux pour ne rien voir, la presse antichrétienne ? Guerre vaste et autre révolution politique, religieuse ou et les oreilles pour ne rien entendre, cette retentissante où le verbe humain sous toutes sociale, mais laRévolution , c’est-à-dire illusion n’est plus possible : le fait de les formes et de toutes les manières s’attaque l’antagonisme absolu et irréconciliable à l’antichristianisme est, pour tous, public, au Verbe divin, et avec quels mensonges, l’autorité, et très spécialement à l’autorité manifeste, tangible ; et son agression partout quelles calomnies, quels sarcasmes, quels divine personnifiée dans le Verbe incarné : et de toutes les manières se fait sentir à tous. blasphèmes ! Combien d’hommes c’est la quintessence de l’esprit ou du génie aujourd’hui, marqués encore au front du révolutionnaire. Mais, sur quels points surtout nous signe de leur baptême, consacrent leur vie et attaque-t-il et avons-nous à le combattre ? leurs talents à ce travail abominable : jour par Allez partout où se trouve un C’est ce qu’il importe ici de signaler avant de jour, et même heure par heure, faisant métier révolutionnaire dans le vrai sens de ce mot, finir. et profit de jeter l’injure, le mépris et creusez jusqu’au fond de son âme, vous y l’outrage au Christ-Vérité, et à tout ce qui trouverez une révolte plus ou moins Je pourrais dire, d’un seul mot qui par la parole, l’enseignement et la frémissante contre toute autorité, et en résumerait tout, qu’il nous attaque sur tous prédication le représente dans l’humanité ! particulier contre l’autorité de notre Christ- les points et sur toute la ligne. Mais il nous Roi. L’esprit révolutionnaire résume en lui attaque surtout sur les trois points capitaux Combien de mensonges et de calomnies, toutes les oppositions signalées, il y a deux que voici : il attaque notre Christ-Vérité par d’insultes et de blasphèmes, en un seul jour, jours, au règne de Jésus-Christ. Son la puissance de l’erreur, notre Christ- et rien que sur la terre de France, opposition est judaïque, elle dit comme les Autorité par la puissance de la révolution, s’impriment, se publient, se vendent et sont Juifs dans la Passion : « Nous ne voulons pas notre Christ-Amour par la puissance de la jetés par cent mille exemplaires aux qu’il règne sur nous. » Son opposition est haine. curiosités qui attendent... Il est horrible d’y césarienne. S’il dépendait de lui, il penser, plus horrible encore il serait de le soumettrait Jésus-Christ et tout ce qui le Ainsi, nous n’avons pas seulement, comme dire. Pour décrire, dans son ensemble et dans représente, aux despotismes de tous les nous le disions hier, le devoir d’embrasser, ses détails, cette guerre acharnée et vraiment Etats. Son opposition est hérétique et sous ce triple rapport, notre Christ-Roi ; démoniaque que la presse antichrétienne schismatique, car la Révolution est nous avons le devoir de ledéfendre et de fait, sous nos yeux, à notre Christ-Vérité, il l’universalité du schisme et de l’hérésie. Son vaincre l’ennemi qui l’attaque. faudrait plus qu’un discours. A quoi bon opposition est rationaliste, car la Révolution d’ailleurs vous la peindre et vous la décrire, est la plus complète expression et le dernier Sous ce triple rapport, nous avons tous, cette presse monstrueuse, alors que le mot du rationalisme ; rationalisme le plus chrétiens, à mettre au service de notre spectacle en est partout, et le retentissement radical et, comme celui de Voltaire, Christ-Roi ce que j’ai appelé le dévouement universel ? essentiellement antichrétien, car révolution militaire, c’est-à-dire le dévouement qui et antichristianisme ne sont qu’une même lutte, combat, et, quand il le faut pour sa Quoi ! nous chrétiens, nous assisterions chose sous deux noms différents. Impossible défense, sait mourir pour lui. sans en être émus, et les bras croisés, à cette de se méprendre désormais sur ce point : tous lutte immense, où le christianisme doctrinal nos révolutionnaires sont tous antichrétiens, La première agression de tout entier est en jeu et où tous les coups donc ennemis acharnés de l’autorité de l’antichristianisme contre le christianisme frappés par l’erreur antichrétienne sont Jésus-Christ ; et pour défendre efficacement est celle qui attaque notreChrist-Vérité par la dirigés contre notre Christ-Vérité ? Et nous l’autorité de notre Christ-Roi, il faut puissance de l’erreur, c’est l’attaque du Roi n’aurions pas un dévouement à mettre, sous combattre la Révolution. de la lumière par le prince des ténèbres ; et ce rapport, au service de notre Roi ? Nous c’est contre cette première attaque que n’aurions pas, pour le défendre, une parole à Et voilà, à l’heure qu’il est surtout, le notre dévouement doit défendre notre opposer à la parole, un journal à opposer au second service que Jésus-Christ réclame de Christ-Roi. journal, un livre à opposer au livre ? notre dévouement : combattre la Révolution par la défense courageuse de toute légitime Accepter pour le gouvernement de notre Arrière cette attitude lâche, autorité, et spécialement de l’autorité intelligence toute la doctrine de Jésus-Christ personnelle de Notre-Seigneur et de ses révélateur, c’est bien ; c’est, avons-nous dit, arrière cette molle insou- représentants officiels sur la terre, c’est-à- notre premier devoir envers notre Christ- ciance, qui assisterait, sans dire des pasteurs, des évêques, des pontifes. Roi. Mais ce n’est pas assez de croire à sa y prendre part, à ce combat divine vérité et de l’accepter tout entière, Eh ! qui donc, ici encore, voué par son nous devons combattre pour la défendre, décisif de l’erreur contre baptême au service de notre Christ-Roi, nous devons avec un indomptable courage la vérité, du prince des consentirait à se renfermer dans une repousser les ténèbres de l’erreur, que Satan ténèbres contre neutralité honteuse, alors que de tous côtés avec tous ses suppôts travaille à répandre l’ennemi s’attaque à l’autorité souveraine de dans le royaume de la lumière ; et mettre, le Roi de la lumière ! son divin Maître ? Qui n’aura, au contraire, la autant que nous le pouvons, au service et à la généreuse et vaillante ambition de travailler à défense de la vérité, un dévouement effectif. Arrière cette attitude lâche, arrière cette lui élever, s’il le peut, dans les âmes un trône Ce dévouement, c’est le dévouement à Jésus- molle insouciance, qui assisterait, sans y d’où son autorité commande à toutes, et où il Christ qui a dit de lui-même : « Je suis la prendre part, à ce combat décisif de l’erreur reçoive avec l’obéissance le respect et les vérité. » Combattre pour les vérités contre la vérité, du prince des ténèbres hommages de toute la terre ? qu’attaque l’antichristianisme, c’est contre le Roi de la lumière ! combattre pour Jésus-Christ. Mais comment, demanderez-vous peut- Mais là ne se borne pas l’attaque de être, défendre la divine autorité de Jésus- Il faut porter, dans cette lutte pour la l’antichristianisme satanique contre le Christ contre les agressions de défense de la vérité, un dévouement d’autant Christ et le christianisme : tandis qu’il l’antichristianisme et de la Révolution ? plus généreux et un courage d’autant plus attaque par la puissance combinée de toutes D’abord en faisant pour son propre compte, intrépide qu’une immense conspiration, les erreurs le Christ-Vérité, il attaque par vis-à-vis de cette autorité, le contraire de ce depuis plus d’un siècle déjà, est organisée et toutes les puissances de la Révolution le que font l’antichristianisme et la armée contre elle, dans notre France Christ-Autorité. Révolution : à l’insulte opposer l’hommage, à chrétienne surtout. l’outrage la louange, au mépris le respect et à Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 7 la révolte l’obéissance. constaté son passage, senti son souffle, et Telles sont, Messieurs, les trois puissances entendu ses menaces ? infernales que l’antichristianisme, c’est-à- Et puis, partout, dans l’école, dans la dire Satan dans l’humanité, déchaîne contre famille, dans l’atelier, dans le forum, faire à Mais, Messieurs, vous êtes de votre temps, Jésus-Christ et le christianisme. Puissance cette suprême autorité la place qui lui je pense. Eh bien ! dites-moi, cette haine, est- de l’erreur, de la Révolution, de la haine ; appartient, c’est-à-dire la première. Bref, à ce que vous ne la sentez pas frémir dans notre puissance de l’erreur s’attaquant au Christ- force de dévouement et de sacrifice, en tout atmosphère sociale ? Et ces livres, ces Vérité ; puissance de la Révolution, et partout, mettre sa parole, son action et journaux, ces revues, ces discours qui, à la s’attaquant auChrist-Autorité ; puissance de toute sa puissance, au service de cette divine lettre,suent la haine, est-ce que vous les la haine, s’attaquant auChrist-Amour . et royale autorité : tel est le second devoir du ignorez tout à fait ? Ah ! cette haine innomée, chrétien soldat devant son Christ-Roi. monstrueuse, moi je la sens comme l’air que Ces trois puissances, partout et toujours, je respire. Et de toutes les misères de ce comme par un instinct inné conspirent Nous avons enfin, comme soldats de notre malheureux temps, c’est la plus triste et la ensemble, et ensemble marchent à l’attaque Roi et Empereur, à combattre par un plus lamentable. de notre Christ-Roi. Et vous pouvez voir les dévouement effectif l’agression de la haine mêmes hommes ou des groupes d’hommes antichrétienne contre leChrist-Amour . Et maintenant, cette haine de Satan, qui incarnant à la fois ces trois infernales partout poursuit Jésus-Christ dans puissances, pervertis dans leur intelligence C’est qu’en effet l’antichristianisme l’humanité, comment la combattre et la par l’extrême erreur, pervertis dans leur déchaîne contre le Christ et les chrétiens vaincre ? Je réponds : par un dévouement volonté par leur révolte contre l’autorité, et cette infernale puissance qu’on appelle la sans borne, à notre Christ-Roi, et par un pervertis dans leur cœur par levirus de la haine, et quelle haine ! Haine exceptionnelle, redoublement d’amour envers ce Christ qui haine. Ils sont non seulementune fois, mais haine réservée, haine comme il n’y en a qu’en est amour. Oui, plus notre divin Maître est trois fois, animés contre le Christ et contre enfer ! haï, plus nous avons le devoir de l’aimer ; plus tous les saints. il est en butte aux persécutions et aux fureurs Qui ne sait ce que c’est que la haine sur la de la haine, plus nous devons lui donner par Et voilà pourquoi notre dévouement terre, alors même quelle n’a qu’un objectif notre dévouement l’éclatant témoignage de militaire doit opposer à cette triple agression purement humain ? Qui n’a vu parfois le l’amour, et, s’il le faut, pour le complément la triple résistance de sa divine vérité, de sa rouge de ses yeux et les frémissements de ses de son triomphe, pousser ce dévouement divine souveraineté et de son divin amour. lèvres ? Qui n’a entendu la férocité de ses cris jusqu’à la totale immolation de nous-mêmes, Oui, Messieurs, il faut qu’armé tout à la fois et l’horreur de ses menaces ? Elle est c’est-à-dire jusqu’au sacrifice de la vie. du glaive de cette divine vérité, du bouclier méchante, la haine, elle dénigre, elle déchire, de cette divine autorité, et de la force de ce elle calomnie. Ah ! ce dévouement jusqu’à la mort, dès le divin amour, votre dévouement lutte et lutte commencement le Christ-Roi l’a trouvé dans encore contre cette triple agression de Tout le mal qu’elle sait, elle le publie, elle ses fidèles et intrépides soldats. Des millions l’antichristianisme. l’exagère, elle le multiplie, et quand le mal et des millions de martyrs lui ont donné ce n’existe pas, elle l’invente, afin de mieux haïr ; sanglant témoignage de l’amour. Ah ! je le sais, et nous l’avons démontré, la haine, elle est ingrate, elle est vindicative, toujours, et dans tous les temps, les vrais elle est homicide ; faire le mal, tuer même, Tel est le prodigieux passage de Jésus- chrétiens, pour défendre leur chef, ont dû se c’est sa joie ; et sa suprême joie, c’est qu’on Christ à travers les siècles chrétiens : il couvrir de cette triple armure, et toujours n’ignore pas le mal qu’elle a voulu. Ainsi le marche comme entre deux haies, entre deux ont dû la porter sur ses pas. poète fait dire à une haine en fureur : Va, qu’il humanités, l’une à droite, l’autre à gauche, lui meure, entre les deux : à gauche tous ceux qui le Mais il est des heures où cette nécessité, haïssent, à droite tous ceux qui l’aiment, à plus que jamais, s’impose aux chrétiens. Et, si Et qu’il sache en mourant que c’est moi qui le tue. gauche tous ceux qui le maudissent, à droite je ne me trompe, le temps sonne pour nous tous ceux qui le bénissent, à gauche tous ceux l’une de ces heures, heure solennelle où Et un autre poète fait dire à une haine plus qui l’insultent, à droite tous ceux qui s’engage entre l’erreur et la vérité, entre là furieuse encore : l’exaltent, à gauche tous ceux qui le révolte et l’autorité, entre la haine et l’amour, persécutent, à droite tous ceux qui pour Voir le dernier Romain à son dernier soupir, lui la lutte la plus vaste, la plus profonde et la Moi seule en être cause et mourir de plaisir. souffrent persécution, à gauche, enfin, ceux plus ardente que l’on ait jamais vue. qui tuent ses disciples, à droite ceux qui Mais, Messieurs, remarquez-le bien, rien meurent pour la glorification du Maître. Oui, nous essayerions en vain de nous le ne ressemble dans un cœur humain à la haine dissimuler, la Providence nous ramène une qui a pour objet ledivin , c’est-à-dire Dieu et Ainsi Jésus-Christ, depuis dix-neuf siècles, de ces heures décisives, où le radicalisme de son Christ, et tout ce qui se rattache au marche dans l’humanité, ayant à sa gauche l’erreur se pose en face du radicalisme de la Christ et à Dieu ; cette haine a un caractère à toutes les haines et à sa droite tous les vérité, où l’extrême révolte, sous le nom part : à la lettre, c’est la hainesatanique . amours, à sa gauche toutes les persécutions, à d’anarchie, s’insurge contre la suprême sa droite tous les dévouements ; et tous les autorité, et où le paroxysme de la haine se Déjà de son temps, de Maistre, témoin des dévouements ont vaincu toutes les dresse devant la plus grande manifestation de haines que portait à notre divine religion persécutions, et tous les amours, plus ou l’amour, incarné dans notre Christ-Roi : l’antichristianisme révolutionnaire, s’écriait : moins, ont vaincu toutes les haines. Et ce Roi heure fatidique où, sous ce triple rapport, « Il n’y a que la vérité, la vérité divine, qui divin toujours haï et toujours aimé, toujours l’antichristianisme personnifié dans Satan puisse être haïe de la sorte. » Que dirait attaqué et toujours défendu, poursuit à est plus que jamais, et dans des proportions aujourd’hui ce grand chrétien, s’il entendait travers les siècles, et jusqu’à la fin du monde, plus grandes que jamais, aux prises avec le le cri de rage que la haine pousse contre notre une marche triomphale telle qu’on n’en a christianisme personnifié en Jésus-Christ. Christ-Roi et contre tout ce qui le suit, le sert jamais vu sur la terre, en attendant son et le défend ? Haine du prêtre, haine de éternel triomphe dans le ciel, alors que la Ah ! Messieurs, croyez-le bien, la lutte qui l’évêque, haine du pontife, haine de l’Eglise, haine ne sera plus que dans l’enfer, et que s’engage au sein de notre société moderne haine de ses temples et de ses cérémonies, dans le ciel il n’y aura plus que l’amour... n’est pas une lutte superficielle, une lutte haine enfin de tout ce qui exalte et glorifie d’un parti contre un parti, d’une opinion Jésus-Christ, haine sortie de l’enfer pour Mais, même avant l’avènement de cet contre une opinion. Ce n’est pas une lutte combattre et repousser sur la terre ce Christ éternel triomphe de notre Christ-Roi, à côté politique, ce n’est pas même une lutte Sauveur, dont l’amour est le fond du de la conspiration de toutes les haines et de purement sociale. La lutte est plus profonde, christianisme dans ce monde, comme il est toutes les fureurs qui frémissent autour de c’est la lutte religieuse, c’est la guerre non dans l’autre le fond du ciel et du paradis. lui, il faut qu’il y ait pour le défendre, la plus latente, organisée dans les ténèbres, conspiration de tous les amours et de tous les c’est la lutte publique, se produisant dans Vous me demandez où est cette haine, et dévouements rangés autour de lui, et tout l’éclat de la publicité. Que dirai-je ? C’est la sous quelles formes se produit cette haine... prêts, au besoin, à mourir pour lui. lutte fondamentale, c’est la lutte universelle, Qui a vu, qui a rencontré cette haine ? Qui a 8 Les documents contrerévolutionnaires no 11 — Janvier 2001 c’est la lutte centrale, la lutte où l’ennemi vise timides, aux hommes qui ne veulent d’autre Expéditions Pamphiliennes. surtout au centre et au sommet du drapeau que celui de l’effacement, et d’autre christianisme, c’est-à-dire à la personne attitude que l’attitude des bras croisés : • Mgr Delassus, La conjuration même de Jésus-Christ, Notre-Seigneur ! Allons, sortez, sortez enfin de votre antichrétienne, réédition Éditions Saint- indifférence et de votre sommeil, et comme Rémi, 1998. Aussi, en sentant le glaive de l’ennemi disait un orateur de la Rome antique, dans • Abbé Joseph Lémann, La religion de porter jusque-là sa pointe sacrilège, nous une situation analogue : Expergiscimini combat, réédition Éditions Saint-Rémi, 2000 avons tous tressailli, et nous nous sommes tandem ; réveillez-vous donc enfin. Quoi ! écriés : Chrétiens,debout , comme s’écriait Catilina est aux portes de Rome, et vous • François Marie Algoud, Histoire de la saint Paul,State ergo ; que chacun prenne son hésitez, et vous délibérez, Catilina in faucibus volonté de perversion de l’intelligence et des mœurs arme et qu’il marche au combat. Dans un tel urget, et deliberatis ! Mais, qu’est-ce que du XVIème siècle à nos jours, 1996. Disponible à moment et dans une telle situation, la l’agression de Catilina contre la Rome S. A. D. P. F. neutralité c’est la lâcheté, et s’abstenir, à la antique, devant l’agression de Satan contre le lettre, c’est trahir. christianisme et la Rome nouvelle ? Adresses N’eussions-nous à porter dans la lutte que Mon choix est fait, - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- la protestation de notre foi outragée et le cri Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : de notre cœur blessé, allons quand même, et, je prends le drapeau et 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. à notre manière, même sans autres armes, l’armure de mon divin répondre à l’appel de notre Christ-Roi, et lui - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 donner le témoignage de notre inébranlable Roi, et je marche à la Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; fidélité et de notre absolu dévouement. défense du règne de http://www.litoo.com. Ah ! je crois le voir d’ici, notre divin Jésus-Christ et à la - Expéditions pamphiliennes, B. P. 51, capitaine, nous conviant tous à la lutte et 67044 Strasbourg cedex, France. nous appelant à la défense de sa cause, à la destruction du règne propagation de son règne et à la glorification de Satan. de sa personne. Jamais, entre lui et 99 l’adversaire Satan, la lutte ne fut plus vaste, Aussi, tous vous direz, dans une résolution plus profonde et plus solennelle. A cette suprême : Ah ! pour nous chrétiens et heure même, notre Christ nous fait signe, car catholiques, l’hésitation ne peut pas être. Le Prière à saint Michel Archange il se prépare à prendre du monde des âmes drapeau de Satan se lève devant le drapeau de une possession nouvelle, et par la voix même Jésus-Christ ! Mon choix est fait, je prends le Saint Michel Archange, défendez-nous des événements qui lui ouvrent la route et drapeau et l’armure de mon divin Roi, et je préparent son triomphe, il nous crie : Que dans le combat ; soyez notre secours contre marche à la défense du règne de Jésus-Christ la méchanceté et les embûches du démon. tous ceux qui sont pour moi viennent avec et à la destruction du règne de Satan. moi. Que tous ceux qui portent mon signe « Que Dieu lui commande », nous le demandons en suppliant ; et vous, Prince de lèvent le front, et que tous ceux qui me Pour servir efficacement dans le combat la reconnaissent pour leur chef, marchent la milice céleste, repoussez en enfer, par la cause de notre Christ-Vérité, de notre puissance divine, Satan et les autres esprits après moi. Voués que vous êtes à mon service Christ-Autorité, de notre Christ-Amour, et et à l’extension de mon règne, suivez-moi, mauvais qui rôdent dans le monde pour pour vaincre sûrement avec Satan toutes les perdre nos âmes. Ainsi soit-il. même à travers tous les dangers, tous les puissances de l’erreur, de la Révolution et de travaux, toutes les fatigues, toutes les la haine, que l’antichristianisme déchaîne (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la souffrances, tous les sacrifices. Et pour contre nous, armons-nous de l’amour de récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, combattre et vaincre avec moi, prenez les communion, visite d’une église avec prière aux intentions du Jésus-Christ, notre capitaine et notre Roi. SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) armes que je porte moi-même, armes de Là, dans ce cœur royal et divin, nous l’esprit pour vaincre l’empire de la chair, trouverons la puissance de tout supporter, de armes de Dieu pour vaincre l’empire de tout braver, de tout vaincre, et de suffire à Satan. tout. Ah ! c’est que l’amour, même quand il n’est qu’humain, triomphe de tout, Mais pour assurer mon triomphe et le omnia Au terrible torrent de boue constitué par les ! Que ne fera pas, dès lors, cet vôtre, il faut que votre dévouement soit vincit amor livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, amour de Jésus-Christ, cet amour plus fort grand comme les combats auxquels je vous sans autre but, sous leur forme éloquente et leur que la mort, cet amour qui a tout à la fois la convie ; et que vous puisiez dans mon amour sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et plus grande force de l’humain et la toute la source divine de votre dévouement. d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en puissance du divin ? peut être assuré, est de leur opposer des écrits CONCLUSION salutaires et de les répandre. Donc, ouvrons-lui tout d’abord notre propre cœur, pour qu’il y règne et commande Voilà, Messieurs, les deux camps qui S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. à tout. Et puis, armés pour le combat de son divisent l’humanité vivante et, dans ces deux 9 incomparable force, ouvrons-lui dans tous camps ou armées en présence, voilà les deux Les documents contrerévolutionnaires les cœurs un chemin triomphal, et faisons drapeaux : d’un côté le drapeau de Jésus- reproduisent des textes de doctrine et qu’il y règne, pour leur bonheur et pour sa Christ, la croix, ce drapeau rouge du sang d’histoire contrerévolutionnaires. Face au gloire. . divin versé par le sacrifice d’un Dieu ; de Amen déferlement de littérature révolutionnaire à l’autre, le drapeau de Satan, drapeau rouge vil prix qui outrage la majesté divine, détruit aussi, mais rouge du sang humain versé par la morale chrétienne, incite aux pires péchés, l’égoïsme de l’homme. Y Y Y et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour Oui, les ennemis du Christ et de la société diffuser la saine littérature catholique. ont levé leurs étendards devant l’étendard du Ouvragesrecommandés Abonnement gratuit sur demande. christianisme et devant celui de la société • Jean Ousset,Pour qu’Il règne , réédition D. elle-même. Ici, comme je le disais naguère, M. M. Disponible à S. A. D. P. F. surtout ici les milieux sont impossibles et les Toutereproductionestautorisée. conciliations imaginaires ! Entre ces deux • Mgr Gaume, Abrégé du catéchisme de drapeaux, lequel des deux voulez-vous persévérance, réédition Expéditions Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- choisir ? des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Pamphiliennes. Email : [email protected]. URL : http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Ah ! dirais-je ici aux indifférents, aux • Mgr Gaume,La Révolution , réédition Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 12— Février 2001

mêmes, vivant au milieu de cette atmosphère laisse de côté ce champ hérissé de difficultés, Sur l’intolérance impure, n’en évitent pas toute la contagion ; et, m’attachant à la question proprement ils acceptent trop facilement bien des religieuse et théologique, j’exposerai ces doctrinale erreurs. Fatigués de résister sur les points deux principes : essentiels, souvent, de guerre lasse, ils cèdent sur d’autres points qui leur semblent moins 1° La religion qui vient du ciel est vérité, et importants, et ils n’aperçoivent pas toujours, elle est intolérante envers les doctrines. 9 et parfois il ne veulent pas apercevoir jusqu’où ils pourraient être conduits par leur 2° La religion qui vient du ciel est charité, et imprudente faiblesse. Parmi cette confusion elle est pleine de tolérance envers les Cardinal Pie, Sermon prêché à d’idées et de fausses opinions, c’est à nous, personnes. la cathédrale de Chartres : sur prêtres de l’incorruptible vérité, de nous jeter à la traverse, et de protester du geste et Prions Marie de venir à notre aide, et l’intolérance doctrinale, 1841 et de la voix ; heureux si la rigide inflexibilité de d’invoquer pour nous l’Esprit de vérité et de notre enseignement peut arrêter le charité : Spiritumveritatisetpacis.AveMaria. 1847, in Œuvres sacerdotales débordement du mensonge, détrôner des du Cardinal Pie, Librairie principes erronés qui règnent superbement Condamner la vérité religieuse H. Oudin, 1901, dans les intelligences, corriger des axiomes funestes qui s’autorisent déjà de la sanction à la tolérance, c’est Tome I,pp. 356-377. du temps, éclairer enfin et purifier une société qui menace de s’enfoncer, en la forcer au suicide. vieillissant, dans un chaos de ténèbres et de désordres où il ne lui serait plus possible de Y Y Y distinguer la nature et encore moins le I. Il est de l’essence de toute vérité de ne remède de ses maux. pas tolérer le principe contradictoire. L’affirmation d’une chose exclut la négation Unus Dominus, una fides, unum baptima. Notre siècle crie : Tolérance ! tolérance ! Il de cette même chose, comme la lumière est convenu qu’un prêtre doit être tolérant, exclut les ténèbres. Là où rien n’est certain, Il n’y a qu’un seul Seigneur, qu’une seule que la religion doit être tolérante. M. F., en où rien n’est défini, les sentiments peuvent foi, qu’un seul baptême. toutes choses rien n’égale la franchise ; et je être partagés, les opinions peuvent varier. Je viens vous dire sans détour qu’il n’existe au comprends et je demande la liberté dans les (Saint Paul aux Éphésiens, c.IV , V . 5.) monde qu’une seule société qui possède la choses douteuses :In dubiis libertas. Mais dès vérité, et que cette société doit que la vérité se présente avec les caractères nécessairement être intolérante. Mais, avant certains qui la distinguent, par cela même n sage a dit que les actions de d’entrer en matière, pour nous bien qu’elle est vérité, elle est positive, elle est l’homme sont les filles de sa pensée, et entendre, distinguons les choses, convenons nécessaire, et, par conséquent, elle est une et Unous avons établi nous-même que du sens des mots et ne confondons rien. intolérante :In necessariis unitas. Condamner tous les biens comme tous les maux la vérité à la tolérance, c’est la forcer au d’une société sont le fruit des maximes La tolérance peut être ou civile ou suicide. L’affirmation se tue, si elle doute bonnes ou mauvaises qu’elle professe. La théologique ; la première n’est pas de notre d’elle-même ; et elle doute d’elle-même, si vérité dans l’esprit et la vertu dans le cœur ressort, je ne me permets qu’un mot à cet elle laisse indifféremment la négation se sont des choses qui se correspondent à peu égard. Si la loi veut dire qu’elle permet toutes poser à côté d’elle. Pour la vérité, près inséparablement ; quand l’esprit est livré les religions parce qu’à ses yeux elles sont l’intolérance c’est le soin de la conservation, au démon du mensonge, le cœur, si toutefois toutes également bonnes, ou même encore c’est l’exercice légitime du droit de l’obsession n’a pas commencé par lui, est parce que la puissance publique est propriété. Quand on possède, il faut bien près de se livrer au démon du vice. incompétente à prendre un parti sur cette défendre, sous peine d’être bientôt L’intelligence et la volonté sont deux sœurs matière, la loi est impie et athée ; elle entièrement dépouillé. entre lesquelles la séduction est contagieuse ; professe, non plus la tolérance civile telle que si vous voyez que la première s’est nous allons la définir, mais la tolérance Aussi, mes Frères, par la nécessité même abandonnée à l’erreur, jetez un voile sur dogmatique, et, par une neutralité des choses, l’intolérance est partout, parce l’honneur de la seconde. criminelle, elle justifie dans les individus que partout il y a bien et mal, vrai et faux, l’indifférence religieuse la plus absolue. Au ordre et désordre ; partout le vrai ne supporte C’est parce qu’il en est ainsi, M. F., c’est contraire, si, reconnaissant qu’une seule pas le faux, le bien exclut le mal, l’ordre parce qu’il n’est aucune atteinte, aucune religion est bonne, elle supporte et permet combat le désordre. Quoi de plus intolérant, lésion dans l’ordre intellectuel qui n’ait des seulement le tranquille exercice des autres, la par exemple, que cette proposition : 2 et 2 conséquences funestes dans l’ordre moral et loi en cela, comme on l’a observé avant moi, font 4 ? Si vous venez me dire que 2 et 2 font 3, même dans l’ordre matériel, que nous nous peut être sage et nécessaire selon les ou que 2 et 2 font 5, je vous réponds que 2 et 2 attachons à combattre le mal dans son circonstances. S’il est des temps où il faut font 4. Et si vous me dites que vous ne principe, à le tarir dans sa source, c’est-à-dire dire avec le fameux connétable : Une foi, une contestez point ma façon de compter, mais dans ses idées. Mille préjugés sont accrédités loi ; il en est d’autres où il faut dire comme que vous gardez la vôtre, et que vous me priez au milieu de nous : le sophisme, étonné de Fénelon au fils de Jacques II : « Accordez à d’être aussi indulgent envers vous que vous s’entendre attaquer, invoque la prescription ; tous la tolérance civile, non en approuvant l’êtes envers moi ; tout en demeurant le paradoxe se flatte d’avoir acquis le droit de tout comme indifférent, mais en souffrant convaincu que j’ai raison et que vous avez cité et de bourgeoisie. Les chrétiens eux- avec patience ce que Dieu souffre ». Mais je tort, à la rigueur je me tairai peut-être, parce 2 Les documents contrerévolutionnaires no 12 — Février 2001 qu’après tout il m’importe assez peu qu’il y subtilisé sur le dogme. qu’Abraham parmi les divinités de son ait sur la terre un homme pour lequel 2 et 2 oratoire, comme on vit plus tard un autre font 3 ou 5. Le même sophiste dit ailleurs à son Émile : César proposer de lui rendre des hommages « Moi, je fais comme saint Paul, et je place la solennels. Mais la parole du prophète n’avait Sur un certain nombre de questions, où la charité bien au-dessus de la foi. Je pense que pas tardé à se vérifier : les multitudes vérité serait moins absolue, où les l’essentiel de la religion consiste, en pratique, d’idoles, qui voyaient d’ordinaire sans conséquences seraient moins graves, je que non seulement il faut être homme de jalousie des dieux nouveaux et étrangers pourrai jusqu’à un certain point composer bien, humain et charitable, mais que venir se placer à côté d’elles, à l’arrivée du avec vous. Je serai conciliant, si vous me quiconque est vraiment tel, en croit assez Dieu des chrétiens tout à coup poussèrent un parlez de littérature, de politique, d’art, de pour être sauvé, n’importe quelle religion il cri d’effroi, et, secouant leur tranquille sciences agréables, parce qu’en toutes ces professe ». Voilà certes, mes Frères, un beau poussière, s’ébranlèrent sur leurs autels choses il n’y a pas un type unique et commentaire de saint Paul qui dit, par menacés : Ecce Dominus ascendit, et déterminé. Là le beau et le vrai sont, plus ou exemple, que sans la foi il est impossible de commovebuntur simulacra a facie ejus. Rome fut moins, des conventions ; et, au surplus, plaire à Dieu ; de saint Paul qui déclare que attentive à ce spectacle. Et bientôt, quand on l’hérésie en cette matière n’encourt d’autres Jésus-Christ n’est point divisé, qu’en lui il n’y s’aperçut que ce Dieu nouveau était anathèmes que ceux du sens commun et du a pas le oui et le non, mais seulement le oui ; l’irréconciliable ennemi des autres dieux ; bon goût. Mais s’il s’agit de la vérité de saint Paul qui affirme que, quand par quand on vit que les chrétiens dont on avait religieuse, enseignée ou révélée par Dieu lui- impossible un ange viendrait évangéliser une admis le culte ne voulaient pas admettre le même ; s’il y va de votre avenir éternel et du autre doctrine que la doctrine apostolique, il culte de la nation ; en un mot, quand on eut salut de mon âme, dès lors plus de faudrait lui dire anathème. Saint Paul, apôtre constaté l’esprit intolérant de la foi transaction possible. Vous me trouverez de la tolérance ! saint Paul qui marche chrétienne, c’est alors que commença la inébranlable, et je devrai l’être. C’est la abattant toute science orgueilleuse qui persécution. condition de toute vérité d’être intolérante ; s’élève contre Jésus-Christ, réduisant toutes mais la vérité religieuse étant la plus absolue les intelligences sous la servitude de Jésus- Écoutez comment les historiens du temps et la plus importante de toutes les vérités, est Christ. justifient les tortures des chrétiens : ils ne par conséquent aussi la plus intolérante et la disent point de mal de leur religion, de leur plus exclusive. On a parlé de la tolérance des premiers Dieu, de leur Christ, de leurs pratiques ; ce ne siècles, de la tolérance des Apôtres. Mes fut que plus tard qu’on inventa des Mes Frères, rien n’est exclusif comme Frères, on n’y pense pas ; mais calomnies. Ils leur reprochent seulement de l’unité. Or, entendez la parole de saint Paul : l’établissement de la religion chrétienne a été ne pouvoir souffrir aucune autre religion que UnusDominus,unafides,unumbaptisma.Iln’ya au contraire par excellence une œuvre la leur. « Je ne doutais pas, dit Pline le Jeune, au ciel qu’un seul Seigneur :UnusDominus . Ce d’intolérance religieuse. Au moment de la quoi qu’il en soit de leur dogme, qu’il ne fallût Dieu, dont l’unité est le grand attribut, n’a prédication des Apôtres, l’univers entier punir leur entêtement et leur obstination donné à la terre qu’un seul symbole, une seule possédait à peu près cette tolérance inflexible : Pervicaciam et inflexibilem doctrine, une seule foi :Unafides . Et cette foi, dogmatique si vantée. Comme toutes les obstinationem. Ce ne sont point des criminels, ce symbole, il ne les a confiés qu’à une seule religions étaient aussi fausses et aussi dit Tacite, mais ce sont des intolérants, des société visible, à une seule Église dont tous déraisonnables les unes que les autres, elles misanthropes, des ennemis du genre humain. les enfants sont marqués du même sceau et ne se faisaient pas la guerre ; comme tous les Il y a chez eux une foi opiniâtre à leurs régénérés par la même grâce :Unum baptisma . dieux se valaient entre eux, c’étaient autant principes, et une foi exclusive qui condamne Ainsi l’unité divine, qui réside de toute de démons, ils n’étaient point exclusifs, ils se les croyances de tous les autres peuples : éternité dans les splendeurs de la gloire, s’est toléraient : Satan n’est pas divisé contre lui- Apud ipsos fides obstinata, sed adversus omnes produite sur la terre par l’unité du dogme même. Rome, en multipliant ses conquêtes, alios hostile odium. Les païens disaient assez évangélique, dont le dépôt a été donné en multipliait ses divinités ; et l’étude de sa généralement des chrétiens ce que Celse a garde par Jésus-Christ à l’unité hiérarchique mythologie se compliquait dans la même dit des Juifs, que l’on confondit longtemps du sacerdoce : Un Dieu, une foi, une Église : proportion que celle de sa géographie. Le avec eux parce que la doctrine chrétienne UnusDominus,unafides,unumbaptisma. triomphateur qui montait au Capitole, avait pris naissance en Judée : « Que ces faisait marcher devant lui les dieux conquis hommes adhèrent inviolablement à leurs Un pasteur anglais a eu le courage de faire avec plus d’orgueil encore qu’il ne traînait à sa lois, disait ce sophiste, je ne les en blâme pas ; un livre sur la tolérance de Jésus-Christ, et le suite des rois vaincus. Le plus souvent, en je ne blâme que ceux qui abandonnent la philosophe de Genève a dit en parlant du vertu d’un sénatus-consulte, les idoles des religion de leurs pères pour en embrasser une Sauveur des hommes : « Je ne vois point que Barbares se confondaient désormais avec le différente ! Mais si les Juifs ou les chrétiens mon divin Maître ait subtilisé sur le dogme ». domaine de la patrie, et l’Olympe national veulent se donner les airs d’une sagesse plus Rien n’est plus vrai, mes Frères : Jésus-Christ s’agrandissait comme l’empire. sublime que celle du reste du monde, je dirai n’a point subtilisé sur le dogme. Il a apporté qu’on ne doit pas croire qu’ils soient plus aux hommes la vérité, et il a dit : Si quelqu’un agréables à Dieu que les autres. » n’est pas baptisé dans l’eau et dans le Saint- Quand on eut constaté Esprit ; si quelqu’un refuse de manger ma l’esprit intolérant de Ainsi, mes Frères, le principal grief contre chair et de boire mon sang, il n’aura point de les chrétiens, c’était la rigidité trop absolue part dans mon royaume. Je l’avoue, il n’y a la foi chrétienne, c’est de leur symbole, et, comme on disait, point là de subtilité ; c’est l’intolérance, l’humeur insociable de leur théologie. Si ce l’exclusion la plus positive, la plus franche. Et alors que commença n’eût été qu’un Dieu de plus, il n’y aurait pas encore Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres la persécution. eu de réclamations ; mais c’était un Dieu prêcher toutes les nations, c’est-à-dire, incompatible qui chassait tous les autres : renverser toutes les religions existantes, pour voilà pourquoi la persécution. Ainsi établir l’unique religion chrétienne par toute Le christianisme, au moment où il apparut l’établissement de l’Église fut une œuvre la terre, et substituer l’unité du dogme (remarquez ceci, mes Frères, ce sont des d’intolérance dogmatique. Toute l’histoire catholique à toutes les croyances reçues chez aperçus historiques de quelque valeur par de l’Église n’est pareillement que l’histoire de les différents peuples. Et prévoyant les rapport à la question présente), le cette intolérance. Qu’est-ce que les martyrs ? mouvements et les divisions que cette christianisme, à sa première apparition, ne des intolérants en matière de foi, qui aiment doctrine va exciter sur la terre, il n’est point fut pas repoussé tout d’un coup. Le mieux les supplices que de professer l’erreur. arrêté, et il déclare qu’il est venu apporter paganisme se demanda si, au lieu de Qu’est-ce que les symboles ? des formules non la paix mais le glaive, allumer la guerre combattre cette religion nouvelle, il ne d’intolérance, qui règlent ce qu’il faut croire non seulement entre les peuples, mais dans le devait pas lui donner accès dans son sein. La et qui imposent à la raison des mystères sein d’une même famille, et séparer, quant Judée était devenue une province romaine ; nécessaires. Qu’est-ce que la Papauté ? une aux convictions du moins, l’épouse croyante Rome, accoutumée à recevoir et à concilier institution d’intolérance doctrinale, qui par de l’époux incrédule, le gendre chrétien du toutes les religions, accueillit d’abord sans l’unité hiérarchique maintient l’unité de la beau-père idolâtre. La chose est vraie, et le trop d’effroi le culte sorti de la Judée. Un foi. Pourquoi les conciles ? pour arrêter les philosophe a raison : Jésus-Christ n’a point empereur plaça Jésus-Christ aussi bien écarts de la pensée, condamner les fausses Les documents contrerévolutionnaires no 12 — Février 2001 3 interprétations du dogme, anathématiser les route conduit à Paris, je vous accorde cela ; autrement pour le français, toutes les propositions contraires à la foi. mais vous me devez des égards réciproques, religions sont mauvaises. Il faut pratiquer la et vous ne me contesterez pas que cette autre religion de son pays ; c’est-à-dire que la vérité route, la route de Bordeaux par exemple, en matière religieuse dépend du degré de Nous sommes donc conduise également à Paris. longitude et de latitude : vérité en deçà des intolérants, exclusifs monts, mensonge au delà des monts. Par En vérité, cette route de Paris serait bien conséquent, ce qui est encore plus grave, il en matière de intolérante et bien exclusive de ne pas faut ou n’avoir aucune religion sincère et vouloir qu’une route qui lui est directement faire l’hypocrite partout, ou, si l’on a une doctrine : nous en opposée conduise au même but. Elle n’a pas religion au fond du cœur, se rendre apostat et faisons profession ; un esprit conciliant ; jusqu’où ne se glisse pas renégat quand les circonstances le veulent. l’envahissement et le fanatisme ? M. F., et je La femme doit professer la même religion nous en sommes fiers. pourrais céder encore, car les routes les plus que son mari, et les enfants la même religion opposées finiraient par se rencontrer peut- que leur père ; c’est-à-dire que ce qui était Nous sommes donc intolérants, exclusifs être, après avoir fait le tour du globe, tandis faux et mauvais avant le contrat de mariage, en matière de doctrine : nous en faisons qu’on suivrait éternellement le chemin de doit être vrai et bon après, et qu’il serait mal profession ; nous en sommes fiers. Si nous ne l’erreur sans jamais arriver au ciel. Ne nous aux enfants des anthropophages de s’écarter l’étions pas, c’est que nous n’aurions pas la demandez donc plus pourquoi, quand les des pratiques estimables de leurs parents ! vérité, puisque la vérité est une, et par protestants avouent qu’on peut se sauver conséquent intolérante. Fille du ciel, la dans notre religion, nous nous refusons à Mais je vous entends me dire que le siècle religion chrétienne, en descendant sur la reconnaître que, généralement parlant et de l’Encyclopédie est passé, qu’une terre, a produit les titres de son origine ; elle a hors le cas de la bonne foi et de l’ignorance réfutation plus longue serait un offert à l’examen de la raison des faits invincible, on puisse se sauver dans la leur. anachronisme. A la bonne heure ; fermons le incontestables, et qui prouvent Les épines peuvent avouer que la vigne livre de l’Éducation. Ouvrons à sa place les donne des raisins, sans que la vigne soit tenue savants Essais qui sont comme la source irréfragablement sa divinité. Or, si elle vient e de Dieu, si Jésus-Christ, son auteur, a pu de reconnaître aux épines la même propriété. commune d’où la philosophie duXIX siècle dire : Je suis la vérité :Ego sum veritas ; il faut se répand par mille canaux fidèles sur toute la bien, par une conséquence inévitable, que M. F., nous sommes souvent confus de ce surface de notre pays. Cette philosophie l’Église chrétienne conserve que nous entendons dire sur toutes ces s’appelle éclectique, syncrétique, et, avec une incorruptiblement cette vérité telle qu’elle questions à des gens sensés d’ailleurs. La petite modification, elle s’appelle aussi l’a reçue du ciel même ; il faut bien qu’elle logique leur fait entièrement défaut, dès qu’il progressive. Ce beau système consiste à dire repousse, qu’elle exclue tout ce qui est s’agit de religion. Est-ce passion, est-ce qu’il n’y a rien de faux ; que toutes les contraire à cette vérité, tout ce qui la préjugé qui les aveugle ? C’est l’un et l’autre. opinions et toutes les religions peuvent être détruirait. Reprocher à l’Église catholique Au fond, les passions savent bien ce qu’elles conciliées ; que l’erreur n’est pas possible à son intolérance dogmatique, son affirmation veulent, quand elles cherchent à ébranler les l’homme, à moins qu’il ne dépouille absolue en matière de doctrine, c’est lui fondements de la foi, à placer la religion l’humanité ; que toute l’erreur des hommes adresser un reproche fort honorable. C’est parmi les choses sans consistance. Elles consiste à croire posséder exclusivement reprocher à la sentinelle d’être trop fidèle et n’ignorent pas qu’en démolissant le dogme toute la vérité, quand chacun d’eux n’en tient trop vigilante ; c’est reprocher à l’épouse elles se préparent une morale facile. On l’a dit qu’un anneau et que de la réunion de tous ces d’être trop délicate et trop exclusive. avec une justesse parfaite : c’est plutôt le anneaux doit se former la chaîne entière de la décalogue que le symbole qui fait les vérité. Ainsi, selon cette incroyable théorie, Nous vous tolérons bien, disent parfois les incrédules. Si toutes les religions peuvent il n’y a pas de religions fausses, mais elles sont sectes à l’Église, pourquoi donc, vous, ne être mises sur un même rang, c’est qu’elles se toutes incomplètes l’une sans l’autre. La nous tolérez-vous pas ? Mes Frères, c’est valent toutes ; si toutes sont vraies, c’est que véritable religion serait la religion de comme si les esclaves disaient à l’épouse toutes sont fausses ; si tous les dieux se l’éclectisme syncrétique et progressif, légitime : Nous vous supportons bien, tolèrent, c’est qu’il n’y a pas de Dieu. Et laquelle rassemblerait toutes les autres, pourquoi être plus exclusive que nous ? Les quand on a pu en arriver là, il ne reste plus de passées, présentes et à venir : toutes les étrangères supportent l’épouse, c’est une morale bien gênante. Que de consciences autres, c’est-à-dire, la religion naturelle qui grande faveur, vraiment ; et l’épouse est bien seraient tranquilles, le jour où l’Église reconnaît un Dieu ; l’athéisme qui n’en déraisonnable de prétendre seule à des droits catholique donnerait le baiser fraternel à connaît pas, le panthéisme qui le reconnaît et à des privilèges, dont on veut bien lui toutes les sectes ses rivales ! dans tout et partout ; le spiritualisme qui laisser une part, du moins jusqu’à ce qu’on croit à l’âme, et le matérialisme qui ne croit réussisse à la bannir tout à fait ! L’indifférence des religions est donc un qu’à la chair, au sang et aux humeurs ; les système qui a ses racines dans les passions du sociétés évangéliques qui admettent une Voyez donc cette intolérance des cœur humain. Mais il faut dire aussi que, révélation, et le déisme rationaliste qui la catholiques ! dit-on souvent autour de nous : pour beaucoup d’hommes de notre siècle, il repousse ; le christianisme qui croit le Messie ils ne peuvent souffrir aucune autre Église tient aux préjugés de l’éducation. En effet, ou venu, et le judaïsme qui l’attend toujours ; le que la leur ; les protestants les souffrent bien ! bien il s’agit de ces hommes, déjà avancés en catholicisme qui obéit au pape ; et le M. F., vous étiez dans la tranquille possession âge, et qui ont sucé le lait de la génération protestantisme qui regarde le pape comme de votre maison et de votre domaine ; des précédente ; ou bien il s’agit de ceux qui l’antéchrist. Tout cela est conciliable ; ce hommes armés s’y précipitent ; ils appartiennent à la génération nouvelle. Les sont différents aspects de la vérité. De s’emparent de votre lit, de votre table, de premiers ont cherché l’esprit philosophique l’ensemble de ces cultes résultera un culte votre argent, en un mot ils s’établissent chez et religieux dans l’Émile de Jean-Jacques ; les plus large, plus vaste, le grand culte vous, mais ils ne vous en chassent pas, ils autres, dans l’école éclectique ou progressive véritablement catholique, c’est-à-dire poussent la condescendance jusqu’à vous de ces demi-protestants et demi- universel, puisqu’il renfermera tous les autres laisser votre part. Qu’avez-vous à vous rationalistes qui tiennent aujourd’hui le dans son sein. plaindre ? Vous êtes bien exigeants de ne pas sceptre de l’enseignement. vous contenter du droit commun ! M. F., cette doctrine, que vous avez tous Jean-Jacques a été parmi nous l’apologiste qualifiée absurde, n’est point de ma création ; Les protestants disent bien qu’on peut se et le propagateur de ce système de tolérance elle remplit des milliers de volumes et de sauver dans votre Église ; pourquoi religieuse. L’invention ne lui en appartient publications récentes ; et, sans que le fond en prétendez-vous qu’on ne peut pas se sauver pas, quoiqu’il ait audacieusement enchéri sur varie jamais, elle prend tous les jours de dans la leur ? M. F., transportons-nous sur le paganisme qui ne poussa jamais aussi loin nouvelles formes sous la plume et sur les une des places de cette cité. Un voyageur me l’indifférence. Voilà, avec un court lèvres des hommes entre les mains desquels demande la route qui conduit à la capitale ; je commentaire, les principaux points du reposent les destinées de la France. — A quel la lui enseigne. Alors un de mes concitoyens catéchisme genevois, devenu point de folie sommes-nous donc arrivés ? — s’approche, et me dit : J’avoue que cette malheureusement populaire : Toutes les Nous en sommes arrivés, M. F., là où doit religions sont bonnes ; c’est-à-dire, logiquement en venir quiconque n’admet pas 4 Les documents contrerévolutionnaires no 12 — Février 2001 ce principe incontestable que nous avons fait à leur conduite et à leurs actions. Bientôt Nous proclamons, nous catholiques, que établi, savoir : que la vérité est une, et par vous reconnaîtrez que l’Église c’est une mère, l’interprétation authentique des saintes conséquent intolérante, exclusive de toute qui enseigne invariablement la vérité et la Écritures appartient à l’Église ; or savez-vous, vertu, qui ne peut jamais consentir à l’erreur M. F., par rapport à combien de versets de la ni au mal, mais qui s’industrie à rendre son Bible l’Église a usé de ce droit suprême ? La Vous cherchez la enseignement aimable, et qui traite avec Bible renferme trente mille versets environ, indulgence les égarements de la faiblesse. et l’Église n’a peut-être pas défini le sens de vérité sur la terre, quatre-vingts de ces versets ; le reste est Souffrez que je vous communique, M. F., abandonné aux commentateurs, et, je puis le cherchez l’Église une impression qui assurément ne m’est pas dire, au libre examen du lecteur chrétien, en particulière et personnelle, et qu’ont sorte que, selon la parole de saint Jérôme, les intolérante. éprouvée comme moi tous ceux de mes Écritures sont un vaste champ dans lequel frères qui se sont livrés avec loisir et réflexion l’intelligence peut s’ébattre et se délecter, et à l’incomparable étude de la science sacrée. où elle ne rencontrera que quelques barrières doctrine qui n’est pas la sienne. Et, pour çà et là autour des précipices, et aussi rassembler en quelques mots toute la Dès les premiers pas qu’il m’a été donné de faire dans le domaine de la sainte théologie, quelques lieux fortifiés où elle pourra se substance de cette première partie de mon retrancher et trouver un secours assuré. discours, je vous dirai : Vous cherchez la ce qui m’a causé le plus d’admiration, ce qui a parlé le plus éloquemment à mon âme, ce qui vérité sur la terre, cherchez l’Église Les conciles sont le principal organe de intolérante. Toutes les erreurs peuvent se m’aurait inspiré la foi si je n’avais eu le bonheur de la posséder déjà, c’est d’une part l’enseignement chrétien ; or le concile de faire des concessions mutuelles ; elles sont Trente voulant renfermer dans une seule et proches parentes, puisqu’elles ont un père la tranquille majesté avec laquelle l’Église catholique affirme ce qui est certain, et même déclaration toute la doctrine commun :Vos ex patre diabolo estis . La vérité, obligatoire, il n’a pas fallu deux pages pour fille du ciel, est la seule qui ne capitule point. d’autre part la modération et la réserve avec laquelle elle abandonne aux libres opinions contenir la profession de foi la plus tout ce qui n’est pas défini. Non, ce n’est pas complète. Et si l’on étudie l’histoire de ce O vous donc qui voulez juger cette grande concile, on reconnaît avec admiration qu’il cause, appropriez-vous en cela la sagesse de ainsi que les hommes enseignent les doctrines dont ils sont les inventeurs, ce n’est était également jaloux de maintenir les Salomon. Parmi ces sociétés différentes dogmes et de respecter les opinions ; et il est entre lesquelles la vérité est un objet de litige, pas ainsi qu’ils expriment les pensées qui sont le fruit de leur génie. tel mot que l’assemblée des Pères a rejeté et comme était cet enfant entre les deux mères, auquel elle n’a pas eu de repos qu’elle n’en ait vous voulez savoir à qui l’adjuger. Dites qu’on Quand un homme a créé un système, il le substitué un autre, parce que sa signification vous apporte un glaive, feignez de trancher, grammaticale semblait dépasser la mesure de et examinez le visage que feront les soutient avec une ténacité absolue ; il ne cède ni sur un point ni sur un autre. Quand il s’est la vérité certaine et dérober quelque chose prétendantes. Il y en aura plusieurs qui se aux libres controverses des docteurs. résigneront, qui se contenteront de la part épris d’une doctrine issue de son cerveau, il cherche à la faire prévaloir avec empire ; ne qui va leur être livrée. Dites aussitôt : celles- Enfin, l’incomparable Bossuet ayant là ne sont pas les mères. Il en est une au lui contestez pas une seule de ses idées : celle que vous vous permettez de discuter est opposé aux calomnies des protestants sa contraire qui se refusera à toute célèbre Exposition de la foi catholique, il se composition, qui dira : la vérité m’appartient précisément la plus assurée et la plus nécessaire. Presque tous les livres sortis de la trouva que cette même Église, que l’on et je dois la conserver tout entière, je ne accusait de tyranniser les intelligences, souffrirai jamais qu’elle soit diminuée, main des hommes sont empreints de cette exagération et de cette tyrannie. S’agit-il de pouvait réduire ses vérités définies et morcelée. Dites : celle-ci est la véritable nécessaires dans un corps de doctrine mère. littérature, d’histoire, de philosophie, de science ? chacun s’érige en oracle, ne veut beaucoup moins volumineux que n’étaient les confessions, synodes et déclarations des Oui, sainte Église catholique, vous avez la être contredit en rien ; c’est une affirmation perpétuelle ; c’est une critique étroite, sectes qui avaient rejeté le principe de vérité, parce que vous avez l’unité, et que l’autorité et qui professaient le libre examen. vous êtes intolérante à laisser décomposer mesquine, hautaine, absolue. La science cette unité. C’était là, M. F., notre premier sacrée, au contraire, la sainte théologie catholique offre un caractère tout différent. Or, je le répète, M. F., ce phénomène principe : La religion qui descend du ciel est remarquable qui ne se trouve que dans vérité, et par conséquent elle est intolérante, Comme l’Église n’a point inventé la vérité, mais qu’elle en est seulement dépositaire, on l’Église catholique, cette tranquille majesté quant aux doctrines. Il me reste à ajouter : La dans l’affirmation, cette modération et cette religion qui descend du ciel est charité, et par ne trouve point de passion ni d’excès dans son enseignement. Il a plu au Fils de Dieu réserve dans toutes les questions non conséquent elle est pleine de tolérance, définies, voilà, selon moi, le signe adorable quant aux personnes. Cette fois encore, je ne descendu sur la terre, en qui résidait la plénitude de la vérité, il lui a plu de dévoiler auquel je dois reconnaître la vérité venue du ferai guère qu’énoncer et n’entreprendrai pas ciel. Quand je contemple sur le front de le développement. Respirons un moment. clairement certaines faces, certains aspects de la vérité et de laisser seulement entrevoir l’Église cette conviction sereine et cette bénigne indulgence, je me jette entre ses II. C’est le propre de l’Église catholique, les autres. L’Église ne pousse pas plus loin son ministère, et, contente d’avoir enseigné, bras, et je lui dis : Vous êtes ma mère. C’est M. F., d’être ferme et inébranlable sur les ainsi qu’une mère enseigne, sans passion, principes, et de se montrer douce et maintenu, vengé les principes certains et nécessaires, elle laisse ses enfants discuter, sans exagération, avec une autorité calme et indulgente dans leur application. Quoi une sage mesure. d’étonnant ? N’est-elle pas l’épouse de Jésus- conjecturer, raisonner librement sur les points douteux. Christ, et, comme lui, ne possède-t-elle pas à Et ce caractère de l’enseignement de la fois le courage intrépide du lion, et la L’enseignement catholique a été tellement l’Église, vous le retrouvez chez ses docteurs mansuétude pacifique de l’agneau ? Et ne les plus éminents, chez ceux dont elle adopte représente-t-elle pas sur la terre la suprême calomnié, M. F., les hommes sont tellement accoutumés à le juger avec leurs préventions, et autorise à peu près sans restriction les Sagesse, qui tend à son but fortement et qui écrits. Augustin entreprend son immortel dispose tout suavement ? Ah ! c’est à ce signe que vous croirez difficilement peut-être à ce que je vais vous dire. Il n’y a pas une seule ouvrage de la Cité de Dieu qui sera jusqu’à la encore, c’est à ce signe surtout que la religion fin des âges un des plus riches monuments de descendue du ciel doit se faire reconnaître, science au monde qui soit moins despotique que la science sacrée. Le dépôt de l’Église. Il va venger contre les calomnies du c’est aux condescendances de sa charité, aux paganisme expirant les saintes vérités de la inspirations de son amour. Or, M. F., l’enseignement a été confié à l’Église ; or savez-vous ce que l’Église enseigne ? un foi chrétienne ; il sent au dedans de lui considérez l’Église de Jésus-Christ, et voyez bouillonner les ardeurs du zèle ; mais s’il a lu avec quels ménagements infinis, avec quels symbole en douze articles qui ne forment pas douze lignes, symbole composé par les dans les Écritures que Dieu est la vérité, il a lu respectueux égards elle procède avec ses aussi que Dieu est charité :Deus charitas est ; il enfants, soit dans la manière dont elle Apôtres et que les deux premiers conciles généraux ont expliqué et développé par comprend que l’excès de la vérité peut présente ses enseignements à leur devenir le défaut de la charité ; il se met à intelligence, soit dans l’application qu’elle en l’addition de quelques mots devenus nécessaires. genoux, et il envoie vers le ciel cette Les documents contrerévolutionnaires no 12 — Février 2001 5 admirable prière : Mitte, Domine, mitigationes pécheur elle le poursuit de sa tendresse, elle Tout symbole concernant les choses d’ici- in cor meum, ut charitate veritatis non amittam ambitionne de le rendre meilleur, de le bas est bien loin de nous ; mille opinions nous veritatem charitatis : Envoyez, Seigneur, réconcilier avec Dieu, de faire rentrer dans divisent et il n’y a plus de dogme humain envoyez dans mon cœur l’adoucissement, le son cœur la paix et la vertu. depuis longtemps, et je ne sais s’il s’en tempérament de votre esprit, afin reconstituera jamais un parmi nous. qu’entraîné par l’amour de la vérité, je ne Elle ne fait point acception de personnes : Heureusement le symbole religieux, le perde pas la vérité de l’amour : Mitte, Domine, il n’y a pour elle ni juif, ni grec, ni barbare ; dogme divin s’est toujours maintenu dans sa mitigationes in cor meum, ut charitate veritatis elle ne s’occupe point de vos opinions ; elle ne pureté entre les mains de l’Église, et par là un non amittam veritatem charitatis. Et, à l’autre vous demande pas si vous vivez dans une germe précieux de salut nous est conservé. extrémité de la chaîne des saints docteurs, monarchie ou dans une république. Vous Le jour où tous les Français diront : « Je crois entendez ces belles paroles du bienheureux avez une âme à sauver, voilà tout ce qu’il lui à Dieu, à Jésus-Christ et à l’Église », tous les évêque de Genève : La vérité qui n’est pas faut. Appelez-la, elle est à vous, elle arrive les cœurs ne tarderont pas à se rapprocher, et charitable cesse d’être la vérité ; car en Dieu, mains pleines de grâces et de pardon. Vous nous retrouverons la seule paix vraiment qui est la source suprême du vrai, la charité avez commis plus de péchés que vous n’avez solide et durable, celle que l’Apôtre appelle la est inséparable de la vérité. Ainsi, M. F., lisez de cheveux sur la tête ; cela ne l’effraie point, paix dans la vérité. Ainsi soit-il. Augustin, lisez François de Sales : vous elle efface tout dans le sang de Jésus-Christ. trouverez dans leurs écrits la vérité dans Quelques-unes de ses lois sont pour vous toute sa pureté et, à cause de cela même, tout trop onéreuses, elle consent à les empreinte de charité et d’amour. accommoder à votre faiblesse ; leur rigueur Y Y Y cède devant votre infirmité, et l’oracle de la O prêtre de Carthage, illustre apologiste théologie, saint Thomas, pose en principe des premiers âges, j’admire le nerf de votre que si nul ne peut dispenser de la loi divine, la Ouvragesrecommandés langage énergique, la puissance irrésistible condescendance au contraire ne doit pas être de votre sarcasme ; mais le dirai-je ? sous trop difficile dans les lois de l’Église, à cause • Pie XI,Encyclique Mortalium animos , l’écorce de vos écrits les plus orthodoxes, je de la suavité qui fait le fond de son (1928) réédition Expéditions Pamphiliennes. cherche l’onction de la charité ; vos syllabes gouvernement :Propter suave regimen Ecclesiæ . • Dom Sarda y Salvany, Le libéralisme est un incisives n’ont pas l’accent humble et doux Aussi, M. F. quand la loi civile est rigide et de l’amour. Je crains que vous ne défendiez la inflexible, autant la loi de l’Église est souple péché, 1884, réédition Expéditions vérité comme on défend un système à soi, et et pliable. Quelle autre autorité sur la terre Pamphiliennes. qu’un jour votre orgueil blessé n’abandonne gouverne, administre comme l’Église ? Suave • Mgr Baunard,Histoire du cardinal Pie , la cause que votre zèle amer avait soutenue. regimenEcclesiæ. réédition Éditions Saint-Rémi, 2000. Ah ! M. F., pourquoi Tertullien, avant de consacrer son immense talent au service de Ah ! que le monde, qui nous prêche la • Mgr Lefebvre, Dubia sur la déclaration l’évangile, n’a-t-il pas prié le Seigneur, tolérance, soit donc aussi tolérant que nous ! conciliaire sur la liberté religieuse, réédition comme Augustin, d’envoyer dans son cœur Nous ne rejetons que les principes, et le Éditions Saint-Rémi, 2000. les adoucissements, les tempéraments de son monde rejette les personnes. Que de fois • Chanoine Étienne Catta, La doctrine esprit ? L’amour l’aurait maintenu dans la nous absolvons, et le monde continue de politique et sociale du Cardinal Pie, Nouvelles doctrine. Mais parce qu’il n’était pas dans la condamner ! Que de fois, au nom de Dieu, Éditions Latines, 1959, réédition 1991. charité, il a perdu la vérité. nous avons tiré le voile de l’oubli sur le passé, Disponible à la S. A. D. P. F. et le monde se souvient toujours ! Que dis-je ? Et vous, ô célèbre apologiste de ces les mêmes bouches qui nous reprochent • Saint Augustin,La Cité de Dieu , réédition derniers jours, vous dont les premiers écrits l’intolérance, nous blâment de notre bonté 1994. Disponible à la S. A. D. P. F. furent salués par les applaudissements trop crédule et trop facile ; et notre unanimes de tous les chrétiens, vous le dirai- inépuisable patience envers les personnes est • Catéchisme du Concile de Trente, réédition je, ô grand écrivain, cette logique apparente presque aussi combattue que notre 1998. Disponible à la S. A. D. P. F. dans les étreintes de laquelle vous voulez inflexibilité contre les doctrines. • Les conciles œcuméniques (L’histoire, Les étouffer votre adversaire, ces raisonnements décrets), Les Éditions du Cerf, 1994. pressés, multipliés, triomphants dont vous M. F., ne nous demandez donc plus la Disponible à la S. A. D. P. F. l’accablez, tout cela me laisse à désirer tolérance par rapport à la doctrine. quelque chose ; votre zèle ressemble à de la Encouragez au contraire notre sollicitude à Adresses haine, vous traitez votre adversaire en maintenir l’unité du dogme, qui est le seul ennemi, votre parole impétueuse n’a pas lien de la paix sur la terre. L’orateur romain - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- l’onction de la charité ni l’accent de l’amour. l’a dit : l’union des esprits est la première Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : O notre infortuné frère dans le sacerdoce, condition de l’union des cœurs. Et ce grand 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. pourquoi faut-il qu’avant de consacrer votre homme fait entrer dans la définition même beau talent à la défense de la religion, vous de l’amitié l’unanimité de pensée par rapport - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 n’ayez pas fait au pied de votre crucifix la aux choses divines et humaines : Eadem de Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; prière d’Augustin ? Mitte, Domine, rebus divinis et humanis cum summa charitate http://www.litoo.com. mitigationes in cor meum, ut charitate veritatis junctaconcordia. non amittam veritatem charitatis. Plus d’amour - Expéditions pamphiliennes, B. P. 51, dans votre cœur, et votre intelligence Notre société, M. F., est en proie à mille 67044 Strasbourg cedex, France. n’aurait pas fait une si déplorable défection ; divisions ; nous nous en plaignons tous les la charité vous aurait maintenu dans la vérité. jours. D’où vient cet affaiblissement des affections, ce refroidissement des cœurs ? Et si l’Église catholique, M. F., présente à Ah ! M. F., comment les cœurs seraient-ils 99 nos esprits l’enseignement de la vérité avec rapprochés, là où les esprits sont si éloignés ? tant de ménagements et de douceur, ah ! c’est Parce que chacun de nous s’isole dans sa encore avec plus de condescendance et de propre pensée, chacun de nous se renferme Mon Dieu, faites l’unité des bonté qu’elle applique ses principes à notre aussi dans l’amour de soi-même. Voulons- esprits dans la vérité, et conduite et à nos actions. Incapable de nous mettre fin à ces dissidences sans supporter jamais les doctrines mauvaises, nombre, qui menacent de détruire bientôt l’union des cœurs dans la l’Église est tolérante sans mesure pour les tout esprit de famille, de cité et de patrie ? personnes. Jamais elle ne confond l’erreur Voulons-nous n’être plus les uns pour les charité. avec celui qui l’enseigne, ni le péché avec autres des étrangers, des adversaires et celui qui le commet. L’erreur elle la presque des ennemis ? Revenons à un (Indulgence de 300 jours. Enchiridion indulgentiarum, Preces et condamne, mais l’homme elle continue de symbole, et nous retrouverons bientôt la piaopera, Typis polyglottis Vaticanis, 1952. ) l’aimer ; le péché elle le flétrit, mais le concorde et l’amour. 6 Les documents contrerévolutionnaires no 12 — Février 2001

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Prière à saint Michel Archange

Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat ; soyez notre secours contre la méchanceté et les embûches du démon. « Que Dieu lui commande », nous le demandons en suppliant ; et vous, Prince de la milice céleste, repoussez en enfer, par la puissance divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.)

Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en peut être assuré, est de leur opposer des écrits salutaires et de les répandre.

S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour diffuser la saine littérature catholique.

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Toutereproductionestautorisée.

Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte- des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada. Email : [email protected]. URL : http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 13— Mars 2001

gardé aussi jalousement. Et, chose étrange, d’une entente fraternelle de plus en plus L’épopée mariale elles ont eu à lutter contre les mêmes féconde. ennemis : contre le paganisme, et elles l’ont de l’Espagne vaincu ; contre l’arianisme, et elles l’ont Puissent l’Espagne et la France resserrer ce vaincu ; contre le mahométisme, et elles l’ont lien sacré qui les unit en Dieu et en Marie ! vaincu ; contre le protestantisme, et elles Puisse la Reine des cieux étendre son l’ont vaincu. Elles luttent aujourd’hui contre manteau royal sur les deux nations sœurs de 9 la libre-pensée, et elles la vaincront ! la race latine, et leur garder le joyau de la vérité dont elles sont si justement fières ! Mais toutes deux aussi n’ont triomphé de Abbé Stéphen Coubé, ces erreurs que grâce à Marie. Leur histoire Certes, l’épopée mariale de la France serait Discours prononcé le 29 est une grande épopée religieuse, mais c’est belle, et je compte la dire un jour, s’il plaît à aussi une épopée mariale. Elles ont choisi la Dieu ; mais ici, au pied de la Vierge du Pilar, septembre 1908 pour la clôture Mère de Dieu pour gardienne de leur foi : c’est l’épopée mariale de ce royaume que je posuerunt me custodem : et vraiment elle a bien voudrais esquisser dans ses grandes lignes. du Congrès Marial de gardé ce précieux trésor. Elle a été pour vous Nous y verrons par quels bienfaits Marie a Saragosse, in Gloires et bienfaits la Virgen de las batallas qu’aimait à invoquer montré son amour à l’Espagne, et par quels votre saint Ferdinand de Castille ; elle a été hommages l’Espagne lui a témoigné sa de la Sainte Vierge, Paris : P. pour nous la Vierge des Victoires, à laquelle reconnaissance2 . Nous y verrons comment la Lethielleux, 1912,pp. 91-134. Louis XIII élevait un sanctuaire vénéré dans foi catholique, si vive et si féconde de ce pays, sa capitale. est sortie, grâce à Notre-Dame, victorieuse du paganisme avec saint Jacques, victorieuse L’Espagne, depuis Charles III, a choisi de l’arianisme avec saint Herménégilde, Y Y Y Marie pour sa patronne, sous le vocable de victorieuse de l’Islam avec saint Ferdinand et l’Immaculée-Conception ; la France, depuis les rois catholiques, victorieuse du Louis XIII, est spécialement consacrée à protestantisme avec saint Ignace et sainte Pulchra es, amica mea, suavis et decora, Marie, sous le vocable de l’Assomption, et la Thérèse, et comment elle doit encore terribilis ut castrorum acies ordinata. fête du 15 août est pour elle une fête triompher de l’impiété contemporaine. Ces religieuse nationale. belles victoires forment comme les chants Vous êtes belle et douce et charmante, d’une épopée. O Vierge del Pilar, donnez- ô ma bien-aimée, et terrible comme une moi de les rappeler en termes qui ne soient armée rangée en bataille. Marie est reine de pas indignes de Votre Majesté : Dignare me laudarete,Virgosacrata! (CANTIC . III . 3.) France ; mais elle est aussi reine de cette I. — Marie chasse le paganisme a Bien-Aimée que nous honorons dans Espagne qui l’a procla- d’Espagne et y fonde la foi catholique. ce magnifique temple del Pilar est belle Let douce, et charmante comme celle du mée généralissime de Le premier chant de cette épopée a pour Cantique des cantiques, mais elle n’est son infanterie. héros saint Jacques, et pour héroïne Notre- pas moins redoutable. Ces attributs qui Dame del Pilar. semblent s’exclure s’accordent, au contraire, parfaitement ; car, si une mère est tendre Marie est reine de cette France dont le Après l’Ascension de Notre Seigneur, la pour ses enfants, elle devient terrible quand il Pape Benoît XIV disait : Regnum Galliæ, Sainte Vierge s’était renfermée au Cénacle s’agit de les défendre contre leurs ennemis. regnum Mariæ ; mais elle est aussi reine de avec les Apôtres ; avec eux, elle reçut le Saint- cette Espagne qui l’a proclamée Esprit ; avec eux, elle pria pour la conversion Or, Marie est notre Mère, et les ennemis généralissime de son infanterie. Ne m’a-t-on du monde. Elle devint ainsi la Reine des que nous avons le plus à craindre sont ceux pas dit que très prochainement une Apôtres. qui attaquent notre foi, c’est-à-dire l’hérésie ordonnance royale prescrira de rendre à la et l’incrédulité. Aussi la Vierge a-t-elle Vierge del Pilar les honneurs militaires dus La tradition nous raconte que, lorsqu’ils se toujours combattu ces deux monstres. au capitaine général de l’armée ? séparèrent pour aller prêcher l’Évangile, les Contre eux, elle s’est dressée comme la tour compagnons de Jésus s’agenouillèrent de David,turris Davidica ; contre eux, elle Et vous-mêmes, mes Frères, dans une devant leur Reine et qu’elle leur donna sa s’est montrée le secours des chrétiens, chanson populaire bien connue, est-ce que bénédiction, pour eux et pour les peuples vous ne l’invoquez pas comme la Capitana de qu’ils devaient évangéliser. auxilium christianorum ; contre eux, elle a 1 toujours été terrible comme une armée latropaAragonesa ? rangée en bataille. Aussi les a-t-elle terrassés J’ose dire qu’elle eut un regard particulier dans tout l’univers : cunctas hæreses sola C’est un beau spectacle, mes Frères, que pour l’Espagne. Elle ne peut lui envoyer saint interemistiinuniversomundo. celui de ces deux grandes nations, qui Jean, son fils adoptif du Calvaire, que la oublient dans ce Congrès leurs querelles d’il y volonté de Jésus mourant a fixé auprès d’elle, Parmi les nations catholiques, en dehors de a cent ans, et qui ne rivalisent plus que mais elle lui députe un des favoris les plus la Pologne et de l’lrlande martyres, il n’en est d’amour envers la gardienne de leur foi. Il y a illustres du Sauveur, un des compagnons du pas qui aient mieux compris que l’Espagne et là pour elles, me semble-t-il, le gage d’un Thabor et du Jardin des Oliviers, le fils de la France le bienfait de la foi, ni qui l’aient avenir religieux de plus en plus splendide et Zébédée, le frère de saint Jean, saint Jacques 2 Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 le Majeur. auprès de Notre-Dame del Pilar. Il exalte sa prison, et, après trois ans de menaces et de maternité divine et sa victoire sur les mauvais traitements, désespérant de le voir Elle le bénit, elle le suit par la pensée, elle serpents venimeux de l’enfer. Porte-parole apostasier, il le fit décapiter. s’intéresse à son apostolat. Elle a pour de l’Espagne des quatre premiers siècles, il communiquer avec lui mieux que nos exprime sa foi et son amour pour Marie. Il est peu de figures aussi sympathiques et inventions modernes, la puissance du aussi chevaleresques que celle de saint miracle. Ainsi que le rapporte le pape saint Une foi prêchée par de tels apôtres, Herménégilde. A la fleur de l’âge, il renonce à Grégoire, encore vivante à Jérusalem, elle lui empourprée par de tels martyrs, chantée par une couronne terrestre pour garder sa foi, et apparaît une nuit sur les bords de l’Èbre, au un tel poète, est impérissable. Mais qui a il offre à Dieu son sang pour baptiser sa lieu même où nous sommes. Elle est donné à l’Espagne ces hommes illustres et patrie. Sa prière fut agréée. entourée de milliers d’anges. Elle se tient sur surtout le premier d’entre eux ? C’est la un pilier vénérable, qui deviendra le centre Reine des apôtres et des martyrs, Marie. Un an après son martyre, son père mourait, de la foi dans ce pays. Elle lui demande de lui C’est donc à vous, ô Vierge del Pilar, que ce regrettant son horrible crime, maudissant bâtir un temple où elle puisse prier par la pays doit cette foi catholique dont il est si l’arianisme et recommandant à saint Léandre pensée avec son peuple, durant sa vie, et le jaloux. Certes, il saura montrer de convertir Récarède, comme il avait protéger après sa mort. Elle l’assure que ce splendidement sa reconnaissance au glorieux converti Herménégilde. Récarède suivit sera un lieu de bénédictions pour tous ceux fils de Zébédée ; il lui élèvera, à Compostelle, l’exemple de son frère, il se fit catholique et qui viendront l’invoquer, et elle prophétise un temple célèbre, où l’on viendra de toutes entraîna toute la nation wisigothe dans la que ce temple restera debout, toujours les parties du monde. Mais il n’oubliera pas vérité. rempli d’adorateurs du Christ, jusqu’à la fin qu’il vous doit son grand Santiago ; il des siècles. Saint Jacques obéit, et c’est ainsi n’oubliera pas que vous êtes apparue en ce Ce fut un beau spectacle, mes Frères, que cette chapelle a été la première lieu, ô douce Étoile du matin, annonciatrice lorsque, en 589, au troisième concile de consacrée à la Reine du ciel dans tout du divin Soleil ; il reviendra ici, au cours des Tolède, Récarède, entouré de soixante- l’univers. siècles, chanter la foi de son baptême. Il quatre évêques et des grands du royaume, appellera toutes les générations en abjura solennellement l’hérésie et jura En posant son pied sur la terre espagnole, la pèlerinage pour vous proclamer fidélité à la foi d’Herménégilde, de Santiago Vierge en a pris à jamais possession. bienheureuse et pour vous vénérer sur cet et de la Vierge Marie. Ce fut une heure Désormais cette terre est acquise à son fils auguste pilier, où ont reposé vos pieds : émouvante, celle où le vénérable évêque de Jésus. En effet, l’apostolat de saint Jacques adorabimuseaminlocoubisteteruntpedesejus4. Séville, saint Léandre, se levant au milieu de qui, jusqu’alors, n’avait pas produit de grands l’auguste assemblée, célébra les bienfaits de fruits, devint bientôt plus fécond. Après son la vérité catholique, et, dans une inspiration départ d’Espagne et surtout après sa mort II. — Marie chasse l’arianisme prophétique, affirma que, tandis que glorieuse à Jérusalem, sa voix retentit avec d’Espagne et y rétablit la foi l’hérésie est une semence de discorde, la foi plus d’éclat. Répercutée par les sept évêques catholique. serait, pour l’Espagne, la condition de l’unité, qu’il a formés et que saint Pierre a consacrés, de la paix et de toutes les grandeurs. elle est vraiment cette voix de tonnerre que Victorieuse de l’infidélité, l’Espagne devait Jésus avait prédite en appelant les fils de l’être aussi de l’hérésie arienne : et elle doit Ce fut un de ces événements qui ont un Zébédée : Boanerges, enfants du tonnerre. A encore à la Vierge cette victoire, qui remplira retentissement indéfini dans l’histoire. cette voix les idoles tremblent, les temples le second chant de cette épopée. Aujourd’hui encore, ce pays s’en ressent pour païens s’écroulent, les chrétientés surgissent son bonheur. La nation wisigothe, mêlée aux du sol, la foi naît, couvrant de ses fleurs La nation wisigothe avait envahi à peu près Suèves et aux anciens habitants du pays, les sanglantes la vieille Ibérie. en même temps, au commencement du Ve Celtibères, les Cantabres, les Basques, allait siècle, l’Aquitaine et l’Espagne ; elle s’y était devenir cette grande nation espagnole, qui En effet, cette voix des apôtres est bientôt installée, grâce à la faiblesse de l’empereur n’a pas de plus cher joyau que la foi de ses renforcée par celle des martyrs. Or, rien ne Honorius, et y avait introduit l’arianisme pères. résiste à l’éloquence du sang. C’est le sang de qu’elle professait. saint Jacques lui-même, le premier des Or, cette insigne victoire sur l’erreur, apôtres qui ait été martyrisé pour le Sauveur ; La France eut le bonheur de se débarrasser proclamée au troisième concile de Tolède, c’est le sang du diacre saint Vincent, le la première de cette hérésie. En 507, Clovis c’est la Vierge qui l’avait remportée. prédicateur de Saragosse, le héros de écrasait, à Vouillé, le fameux roi arien Alaric L’arianisme, en attaquant la divinité de Jésus, Valence, dont le supplice effroyable rappelle et rétablissait le catholicisme dans toute la niait le plus beau titre de Marie, celui de ou dépasse celui du diacre saint Laurent ; Gaule. La lutte fut plus longue en Espagne : Mère de Dieu. Elle avait donc à venger sur lui c’est le sang de sainte Léocadie, la glorieuse elle se termina, en 586, par une victoire plus une injure personnelle. Elle conspira avec les vierge martyre, patronne de Tolède ; c’est le belle que celle de Vouillé, par la victoire du pieuses princesses Théodosia, Ingonde et sang de sainte Eulalie, la douce émule de martyre. sainte Florentine. Elle soutint sainte Agnès, immolée à l’âge de douze ans, Herménégilde dans sa lutte héroïque. et dont lacantilène sera le premier poème en Théodosia, illustre femme espagnole, sœur langue d’oïl balbutié par la France du Xe de sainte Florentine et des trois grands Comme pour bien marquer que c’était Elle siècle ; c’est le sang de sainte Engracia, une évêques, saint Léandre, saint Isidore et saint qui combattait, Elle voulut que le coup des patronnes de cette ville, qui lui a consacré Fulgence, avait épousé le roi Arien mortel fût donné à l’hérésie dans une de ses une église ; enfin, c’est le sang de ces Léovigilde. Elle en eut deux fils, saint églises, dans cette cathédrale de Tolède, qui « innombrables martyrs », qui partagent, avec Herménégilde, le roi martyr, et Récarède, lui avait été consacrée deux ans auparavant et sainte Engracia, l’honneur de son sanctuaire, qui devait être le premier prince catholique qui devait si souvent retentir de ses louanges. et auxquels vous avez élevé, sur une de vos d’Espagne. Elle n’eut pas la consolation de Ce fut Elle qui inspira ces grands apôtres de places publiques, un monument de foi et de voir ici-bas la conversion de son mari et de l’Église wisigothe, lumières de l’Église patriotisme3 . ses fils, mais elle alla la demander à Dieu, universelle, saint Léandre et saint Isidore de dans le ciel. Séville, avec leur frère saint Fulgence, avec Ces héros de la foi devaient trouver un saint Braulion de Saragosse, saint Jean de poète digne d’eux dans un des plus illustres Herménégilde, devenu roi de Séville du Biclar, saint Ildefonse et saint Julien de fils de l’Espagne, une des gloires de vivant de son père, avait épousé une Tolède. Saragosse, le grand poète latin Prudence. Né princesse franque, Ingonde, fille de Sigebert, un demi-siècle à peine après la grande roi d’Austrasie. Ému par les conseils de cette Ces illustres prélats, instruments de Dieu persécution, où l’horrible Dacien fit périr pieuse fille de France, nouvelle Clotilde, et dans la conversion de leur peuple, étaient de tant d’Espagnols, il a pu recueillir l’écho de éclairé par les instructions de son saint oncle fervents serviteurs de Marie. Que de fois leur leurs pensées. Or, en célébrant leur gloire, il Léandre, nouveau Rémy, il se fit catholique. voix s’éleva sur les bords de l’Èbre, du Tage n’a pas oublié celle de la Vierge immaculée, Son père, irrité, lui déclara la guerre, ou du Guadalquivir, pour célébrer ses interemeta Virgo ; on voit bien qu’il vécut s’empara de lui par trahison, le jeta dans une louanges ! Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 3

Saint Isidore, successeur de son frère Ce fut une lutte épique, gigantesque, qui magnifiques de l’histoire espagnole. Le Cid Léandre sur le siège de Séville, défend, dans dura près de huit siècles, pendant laquelle Campéador incarne la résistance chrétienne son livreContre les Juifs , la pureté sans tache l’Espagnol refoula, pied à pied, l’envahisseur, à Mahomet. Il se peut que la légende ait de la Vierge, en lui appliquant la prophétie de reconquit sa patrie, lambeau par lambeau, embelli son histoire : il se peut que le fameux la Tige de Jessé. Dans ses Questions sur la lutte féconde, où il aguerrit sa foi, trempa son Ruy Diaz de Bivar, chanté par le Romancero, Genèse, il chante la victoire de la femme qui caractère et puisa cette fierté chevaleresque écrasa la tête du serpent. Saint Isidore, avec qui le caractérise. C’est l’homme de la croisade son frère saint Léandre, est encore le principal auteur de cette belle liturgie Or, on peut dire que Marie se rencontre éternelle, qui n’a pas, com- mozarabe, que l’illustre cardinal Ximénès de partout, au cours de cette guerre, couvrant me les Français, à franchir Cisneros devait recueillir et sauver en 1500, de son égide les défenseurs de la religion, les mers pour rencontrer le en lui accordant une chapelle dans la intervenant par de nombreux bienfaits aux cathédrale de Tolède : c’est donc de son moments les plus critiques et donnant la Sarrasin, mais qui le trouve cœur que sont sortis ces accents de piété si victoire aux héros de laReconquista . à la porte de son manoir tendre et si filiale envers la Mère de Dieu, qui délabré et fonce sur lui, remplissent le Bréviaire et le Missel de ce rite Le premier de ces héros à qui elle fait sentir vénérable. sa protection, c’est Pélage, le porte-drapeau lance baissée, en invoquant du roi Rodrigue à la désastreuse bataille du Santiago et Santa Maria. Saint Braulion, votre bien-aimé pasteur, Guadalete. Les Maures, vainqueurs, ont disciple et ami intime de saint Isidore, couvert la péninsule, martyrisant les professe, lui aussi, un immense amour pour la chrétiens, et Pélage reste avec une poignée Guilhem de Castro et notre Corneille, Vierge. D’une main, il arrache l’ivraie de de braves, pour incarner l’idée espagnole et dépasse de beaucoup le personnage réel du l’arianisme dans son peuple, et de l’autre, il catholique. Mais il a pour lui la Vierge XIe siècle. Mais il représente une grande répand les fleurs de sa piété devant le saint guerrière. réalité, le type de chevalier chrétien tel que Pilar, au pied duquel il veut être enterré. l’Espagne l’a conçu et l’a réalisé dans de Il s’est retranché dans les Asturies, sur la nombreux guerriers. C’est le véritable Mais que dire du grand archevêque de montana de la Virgen : il invoque sa céleste hidalgo castillan et catholique, parangon de Tolède, saint Ildefonse, si populaire dans ce protectrice, il sort de la grotte de loyauté et d’honneur, toujours prêt à braver royaume ? Qui ne connaît son ardente Covadonga, fait pleuvoir sur les Sarrasins des la mort pour sa religion et sa patrie. C’est la dévotion envers Marie ? Il écrit un traité quartiers de roc et des troncs d’arbres. force au service du droit. C’est l’homme de la célèbresur sa perpétuelle Virginité , contre les Bientôt l’ennemi est en fuite, et le vainqueur croisade éternelle, qui n’a pas, comme les erreurs de Jovinien et d’Elvidius ; il compose est proclamé roi sur le champ de bataille. Français, à franchir les mers pour rencontrer des prières, des poésies et un office en son le Sarrasin, mais qui le trouve à la porte de honneur. Un matin, entendant des chants L’Espagne reconnaissante attribue à Marie son manoir délabré et fonce sur lui, lance avant l’heure usuelle, dans sa cathédrale, il y cette première victoire qu’elle a remportée baissée, en invoquant Santiago et Santa accourt ; mais quelle n’est pas son émotion sur les Arabes. La grotte de Pélage deviendra Maria. C’est le paladin de Notre Dame. de voir la Vierge assise sur un trône, vêtue un des plus célèbres pèlerinages de ce pays ; d’une chasuble plus blanche que la neige, en les foules y accourront chaque année, à Le véritable Cid fit, croit-on, partie d’une toile du ciel, comme dit la chronique, et l’ermitage de la Vierge, en sa fête du 8 Confrérie de l’Immaculée-Conception d’entendre les anges chanter l’office qu’il a septembre ; et les chevaliers chrétiens ne établie à Burgos, la plus ancienne du monde lui-même composé ! Bientôt Marie le fait s’élanceront dans la bataille qu’après avoir peut-être. Quand il est banni par Alphonse approcher et lui remet la merveilleuse invoqué Santiago et Notre-Dame de VI, il descend de cheval en passant devant chasuble, comme gage de sa protection Covadonga. l’autel de Santa Maria, et il lui demande sa maternelle. protection dans les combats qu’il va livrer LCE ID C AMPÉADOR aux Maures. Murillo a peint cette scène dans un magnifique tableau : mais je croie qu’elle est La victoire de Covadonga avait donné du Quant à l’autre Cid, formé à son image, gravée en traits plus indélébiles encore dans cœur et de la confiance aux chrétiens. Ils se celui qui fut légion en Espagne, il nous l’âme de tout Espagnol. Cette chasuble de mettent à la lutte avec une énergie et une apparaît toujours comme un serviteur de neige, cette toile du ciel, n’est-ce pas le obstination que rien ne lassera. Ils élèvent Marie. Il lui doit ce sens de la délicatesse et symbole de la foi immaculée et somptueuse, contre les Musulmans des châteaux-forts, de l’honneur, ce respect de la femme, ce dont l’Espagne, délivrée d’Arius, est ces fameuxcastillos , d’où la Castille a tiré son dévouement à la faiblesse qui sont comme redevable à la Sainte Vierge ? nom. l’âme de la chevalerie. Il lui doit aussi sa bravoure : car il a en Elle une absolue Les luttes sont de tous les jours. Tantôt confiance. Avant de partir pour la guerre, il III. — La Reconquista. — Marie c’est la défaite, et ils offrent à Dieu leur sang fait sa veillée d’armes devant un autel de la combat le Mahométisme en Espagne pour leur foi. Tantôt c’est la victoire, et ils en Vierge, à Montserrat, au Pilar, à Roncevaux, et y aguerrit la foi catholique. — reportent l’honneur à Marie. à Covadonga, aux pieds de la Virgen de la Première période, la défensive : de Antigua, à Tolède ; il prend pour protectrice Covadonga à Las Navas. C’est Elle qui soutient dans la lutte son et pour idéal, la Femme terrible, qui broie dévot chevalier, le grand Ferdinand sous ses pieds l’injustice et l’erreur. PÉLAGE ET N OTRE -D AME DE C OVADONGA Gonzalès, premier comte de Castille, seigneur de Burgos, vainqueur des Maures à LES ORDRES MILITAIRES Voici le cœur même de la grande épopée, Osma et à Simancas : il avait toujours l’image une chanson de geste grandiose, qui de sa Reine, pendant la bataille. De cette idée du chevalier chrétien sont demanderait, pour la chanter dignement, la nés ces Ordres religieux et militaires qui ont majesté d’un Homère et la foi naïve d’un C’est Elle qui, à la fameuse journée de joué un si grand rôle dans l’histoire de la troubadour. Calatanazor, en 998, assure le triomphe des Reconquête. Ce fut vraiment la fleur de la rois Bermude de Léon, Garcia de Navarre et chevalerie. Mais cette fleur a poussé aux De même que les ariens auVe siècle, les Sanche de Castille sur le fameux Almanzor. pieds de la Vierge des batailles. C’est une Musulmans, auVIIIe , envahirent presque institution mariale. simultanément l’Espagne et la France. La C’est Elle qui, en 1085, s’empare de Tolède France s’en délivra rapidement. Abder- avec le Cid, et, en 1118, entre Les chevaliers de Santiago, de Calatrava, Rhaman, écrasé par Charles Martel, triomphalement dans cette ville de d’Alcantara, de Roncevaux, de Notre Dame succombait avec ses troupes, en 732, dans les Saragosse, avec Alphonse le Batailleur. de Montesa, de Notre Dame de la Merci plaines de Poitiers. choisissaient Marie pour leur première Je viens de nommer le Cid. Voilà un nom patronne. Ils se distinguaient par leurs croix En Espagne, l’effort fut plus considérable. qu’il faut saluer très bas, comme un des plus rouges, vertes, or, noires, mais portaient, 4 Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 pour la plupart, le manteau blanc, la couleur prieur ayant déployé la bannière de Ainsi donc, à l’aurore de ce grand XIIIe de la Vierge et de saint Jacques, le chevalier à Rocamadour, l’image virginale qui y siècle, et à un an de distance l’une de l’autre, la blanche armure. rayonnait effraya les Maures. Ils prirent la deux victoires mariales écrasaient l’infidélité fuite, et bientôt cent mille de leurs cadavres et l’hérésie. A Tolosa, l’Espagne catholique Les chevaliers de Calatrava, d’Alcantara et jonchaient la plaine. Cette victoire fut le combattait sous une bannière de Marie, de Montesa ajoutaient aux trois vœux de salut de l’Espagne : comme plus tard celle de portée par un moine français de religion celui d’honorer particulièrement Lépante, elle eut un immense Rocamadour. A Muret, la France catholique l’Immaculée Conception de Marie. retentissement dans le monde. Elle porta un combattait sous l’égide de Marie, portée par coup mortel à la puissance musulmane qui, un moine espagnol, saint Dominique. Ceux de Roncevaux avaient pour centre, depuis lors, alla toujours déclinant au pays du dans cette ville, un pèlerinage célèbre de la Cid. A partir de ce jour, l’Espagne prend Vous avez donc bien raison, mes Frères, Vierge, où l’on envoya une partie des résolument l’offensive ; elle ne se contente d’aimer et d’honorer si magnifiquement le trophées de la bataille de Las Navas. plus de se défendre dans sescastillos , elle Rosaire. Tout à l’heure vous allez, dans une attaque, elle refoule l’infidèle. procession splendide, promener un Ceux de Notre-Dame de Montesa étaient gigantesque Rosaire vivant, dont les grains, plus particulièrement que les autres Or, tout l’honneur de cette journée revient représentés par de mouvantes lumières et consacrés à Marie, dont ils portaient le nom. à la Sainte Vierge. C’est Elle qui, au moment par des hommes, iront s’égrenant à travers les où tout semble perdu, vient au secours de ses rues de cette cité, au chant desAve Maria . La Quant à l’Ordre de la Merci, ce fut la Sainte enfants et se montre en leur faveur plus statue de Notre-Dame del Pilar, entourée Vierge elle-même qui le suscita. terrible qu’une armée rangée en bataille. d’anges, présidera ce cortège pittoresque : Apparaissant, en même temps, au roi Jacques C’est Elle que vos pères, dans leur belle c’est justice ! Si le Rosaire est catholique et Ier d’Aragon, à saint Raymond de Penafort et langue sonore, proclament la glorieuse universel par son esprit et par sa pratique si à saint Pierre Nolasque, elle leur commanda vencedora, l’immortelle triunfadora de Las populaire, j’ose dire qu’il est franco-espagnol de fonder un Ordre à l’imitation de celui de la Navas de Tolosa. par ses origines, et que nulle part il n’est plus Trinité, récemment institué en France, pour à sa place que dans ce Congrès, qui réunit aux la rédemption des captifs. Les membres LRE OSAIRE ET LA BATAILLE DE M URET pieds de Notre-Dame del Pilar les devaient s’engager, par vœu, à se livrer eux- compatriotes de saint Dominique et de mêmes en esclavage entre les mains des Mais comment passer ici sous silence une Simon de Montfort. Maures, si c’était nécessaire, comme caution autre victoire chrétienne, la victoire de des prisonniers chrétiens, délivrés sans Muret, qui, pour n’avoir pas été remportée SAINT F ERDINAND III DE C ASTILLE rançon. Les troncs destinés à recevoir les en Espagne, n’en est pas moins due à l’un des aumônes des fidèles pour le rachat des plus illustres Espagnols, saint Dominique de Voici un autre prince, défenseur de la foi, captifs portaient l’image de Marie tenant son Guzman, et à la Très Sainte Vierge ? Saint saint Ferdinand III, roi de Castille, lui aussi fils entre ses bras. Ainsi, après avoir soutenu Dominique, né à Calahorra, au royaume de grand paladin de la Vierge. ses enfants dans la lutte, la Mère de la divine Castille, est un des plus grands serviteurs de Merci ne les abandonnait pas dans l’esclavage Marie. On peut dire que rien n’a contribué Le vainqueur de Tolosa, Alphonse VIII, et les arrachait à la cruauté des Maures. autant que son Rosaire à populariser le culte avait eu deux filles, l’une, Blanche de Castille, de Notre-Dame et qu’il lui a ainsi formé, avec mère de saint Louis, roi de France, et l’autre, des milliards de cœurs humains, un collier Bérenguela, mère de saint Ferdinand. Saint IV. — La Reconquista. — Seconde d’honneur plus précieux que toutes les perles Louis et saint Ferdinand sont donc deux période, l’offensive : de Las Navas à la et pierreries du monde. cousins germains ; ils s’aiment tendrement ; prise de Grenade. ils sont dignes l’un de l’autre et dignes des Saint Dominique connaissait Alphonse peuples qu’ils gouvernent. LLNTA VICTOIRE DE AS AVAS DE OLOSA VIII, le vainqueur de Las Navas, et il a dû prier plus que personne pour le succès de Tandis que saint Louis va en Orient, pour Un des plus hauts faits de la grande guerre cette bataille. Mais c’est à la journée de combattre les Infidèles, saint Ferdinand les contre le croissant, le plus célèbre peut-être, Muret qu’il joue le plus grand rôle. Affligé de harcèle dans son propre pays. C’est une des ce fut la bataille de Las Navas de Tolosa, en voir les ravages de l’hérésie albigeoise dans le grandes figures de la Reconquista. Il bat 1212. Midi de la France, Dominique avait prié l’émir de Grenade, à Jérès, en 1233. En 1236, Marie et Marie lui avait révélé qu’il vaincrait après un long siège, il s’empare de Cordoue, Alphonse VIII, de Castille, battu à par le Rosaire. la vieille capitale des Kalifes. Il enlève Séville Alarcos, avait juré de prendre sa revanche. Il et Jaen, et ne laisse aux Maures que le petit se rendait compte, avec toute l’Europe, que Le Rosaire ! Qu’y a-t-il de plus faible et de royaume de Grenade. L’inscription arabe, la prochaine bataille serait décisive pour la plus enfantin aux yeux du monde ? Mais, qu’y jadis gravée sur son tombeau à la cathédrale chrétienté. Il fit appel à ses alliés. La France a-t-il de plus fort en réalité ? C’est une arme de Séville, l’appelle « un grand conquérant, le répondit à sa voix : mais elle lui envoya mieux plus terrible que l’épée, arme redoutée de plus noble des rois, le plus loyal, le plus que ses chevaliers, l’étendard de la Vierge de l’enfer, arme qui a rendu invincibles bien des généreux, le plus justicier, le plus hardi, le Rocamadour, porté par le prieur de ce héros chrétiens. C’est l’arme qui écrasa plus bienveillant, le plus magnifique, le plus célèbre monastère. l’Albigéisme à Muret, comme plus tard le humble devant Dieu et le plus fier devant les Mahométisme à Lépante. hommes au service de Dieu ».

Le prieur ayant déployé Humble devant Dieu, fier au service de Une main qui a égrené Dieu, je ne connais de plus belle devise pour la bannière de Rocama- un roi ! dour, l’image virginale le chapelet n’en manie qui y rayonnait effraya que plus brillamment Or, ce grand Conquistador était un enfant l’épée. très aimant de la Sainte Vierge. Il s’efforçait les Maures. Ils prirent de la glorifier et de la faire aimer de son peuple et de sa famille. Il éleva son fils la fuite, et bientôt cent La veille du combat, Simon de Montfort, le Alphonse le Sage dans ces sentiments, et ce mille de leurs cadavres champion de la foi catholique, et prince, aussi brillant poète que vaillant Dominique, son ami, récitaient humblement guerrier, devait écrire un jour, en l’honneur jonchaient la plaine. le Rosaire. Pendant la mêlée, le saint le de Marie, rose des roses, et fleur des fleurs, murmurait encore, en élevant la croix au- de charmantes cantilènes, en dialecte galicien, que nous a conservées le La rencontre eut lieu à Las Navas de dessus des combattants ; et Simon de Montfort montrait qu’une main qui a égrené Romancero. C’est saint Ferdinand qui Tolosa. Elle fut d’abord défavorable aux commença, à Burgos, cette incomparable chrétiens, qui commençaient à fuir. Mais le le chapelet n’en manie que plus brillamment l’épée. cathédrale, une des plus belles du monde, qui Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 5 porte si haut le nom et la gloire de Notre- Alarcon, a délicatement exprimé la haute enfin les portes de sa capitale aux souverains Dame. Sans cesse il invoquait sa céleste pensée qui présidait à ces transformations catholiques. N’était-ce pas à Marie qu’il Protectrice et lui attribuait tous ses succès. Il dans une jolie poésie intitulée La Virgen de las rendait ses clefs ? ne s’élançait jamais dans la mêlée sans porter, Angustias. attachée à l’arçon de sa selle, une figurine en Oui, c’était bien à Elle, et personne n’en ivoire de laVirgen de las Battallas , que l’on « Ici, dit-il, où, chargée de perles et de douta sur cette terre de foi. L’armée garde encore à la cathédrale de Séville. On parfums, la femme s’étendait, avilie et catholique le reconnut. En effet, lorsque, sur voit aussi dans la même cathédrale, sur l’autel esclave, ici où les Maures savourèrent leurs la haute tour de la Véla, à côté de la croix de la chapelle royale et sous un dais d’argent, amours et élevèrent parmi les fleurs le temple primatiale du nouvel archevêque de laVirgen de los Reyes , statue de Notre-Dame, du plaisir, au pied de la colline qui se montre Grenade, à côté des étendards de saint patronne de Séville, en robe de satin blanc, encore couronnée de l’Alhambra grenadine, Jacques et de Castille, un héraut d’armes eut couverte de bijoux, que saint Ferdinand avait palais de l’amour, les chrétiens ont élevé une jeté à la plaine ces paroles triomphales : reçue de saint Louis. Glorieuse époque, mes demeure plus divine, la maison de la Vierge, « Santiago ! Santiago ! Santiago ! Castilla ! Frères, où deux puissantes nations avaient à le temple de la douleur. » Castilla ! Castilla ! Granada ! Granada ! leur tête deux saints issus du même sang et où Granada ! », il ajouta aussitôt que Don un acte de foi et de piété mariale cimentait Ferdinand et Dona Isabelle avaient conquis l’amitié des peuples et des rois. Le monde V. — La Reconquista. — Fin de la ce nouveau royaume contre les Maures avec reverra-t-il jamais cette splendeur morale ? guerre ; la prise de Grenade. — l’aide de Dieu, de la glorieuse Vierge, sa Les siècles de progrès matériel valent-ils les Épilogue : la bataille de Lépante. Mère, et du bienheureux apôtre saint siècles de foi, et la grandeur des machines Jacques. peut-elle remplacer la grandeur des âmes ? LSES OUVERAINS CATHOLIQUES ET LA PRISE DEG RENADE Là voilà donc terminée, après huit siècles DJON AIME D ’A RAGON, LE environ de luttes héroïques, la grande CONQUISTADOR Enfin, nous arrivons au dernier épisode de Reconquista de l’Espagne. Huit siècles la lutte séculaire, la prise de Grenade, en durant, ses enfants ont versé leur sang en Don Jaime d’Aragon, le Conquistador, 1492. invoquant Marie. Huit siècles durant, des contemporain de saint Ferdinand, fut, lui gorges de Covadonga aux remparts de aussi, comme l’indique son surnom, un Grenade, du pauvre camp de Pélage aux brillant guerrier. Il conquit Majorque en L’honneur de l’Espagne tentes superbes de Santa-Fé, par-dessus les 1232, Minorque en 1242 ; il s’empara de sierras neigeuses et dans les plaines Valence et chassa les Maures d’un grand et de la croix demandait ensoleillées, la Vierge des batailles a nombre de villes. Or, sa dévotion à Marie qu’il ne restât plus un promené sa bannière et semé l’héroïsme avec était aussi ardente que celle de son illustre la victoire : et, au soir de cette journée voisin, saint Ferdinand de Castille, et il seul drapeau insulteur mémorable du 2 janvier, il me semble la voir, montra que, sur ce terrain de la piété mariale, du Christ et de sa Mère debout sur la tour de la Véla, jetant à la terre, comme sur celui de la valeur militaire, la Casa enfin délivrée, ce conseil maternel : Real de Aragonmarchait avec la Casa Real de sur la terre catholique. « Espagne, sois toujours fidèle à la foi que je Castilla. t’ai gardée. » Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, Il avait coutume de dédier au culte de la LLA BATAILLE DE ÉPANTE Vierge, sous le vocable de l’un de ses ayant réuni, par leur mariage, toutes les mystères, particulièrement de son terres et toutes les forces de l’Espagne sous Lorsque les derniers Musulmans eurent Assomption, la principale mosquée de toutes leur sceptre royal, résolurent de tenter un repassé sur la terre d’Afrique, il semble que les cités qu’il enlevait à l’ennemi. On dit qu’il suprême effort pour chasser l’envahisseur de l’Espagne triomphante ait eu le droit de se offrit ainsi plus de deux mille sanctuaires à la son dernier refuge. Ce n’était pas une reposer et d’oublier pour toujours cet odieux patronne de l’Espagne. Ce chiffre énorme vulgaire ambition qui les animait, c’était un Croissant qui ne la menaçait plus. honore à la fois et sa piété et sa valeur sentiment très noble de patriotisme et de guerrière, mais ne paraîtra pas religion. L’honneur de l’Espagne et de la Cependant elle ne voulut pas se invraisemblable si l’on songe qu’il enleva au croix demandait qu’il ne restât plus un seul désintéresser du salut de la chrétienté, et elle Croissant d’immenses territoires, entre drapeau insulteur du Christ et de sa Mère sur regardait parfois du côté de l’Orient, où autres les îles Baléares et le royaume de la terre catholique. Mahomet rassemblait toujours ses hordes Valence. pour les lancer sur l’Europe. Un jour un cri Les souverains se préparèrent à cette lutte d’alarme retentit. Pie V faisait appel aux par la prière ; mais ils s’adressèrent LES MOSQUÉES CONVERTIES EN CHAPELLES chrétiens, pour sauver la religion en péril. spécialement à Marie. Ils firent des vœux à la DEM ARIE L’Espagne vola à son secours. Vierge del Sagrario de Tolède, ils Cet usage ne fut pas particulier à Don invoquèrent Notre-Dame del Pilar, ils Un de ses princes, Don Juan d’Autriche, Jaime ; on le retrouve à toutes les époques de invoquèrent l’Immaculée Conception, à frère de Philippe II, fut mis à la tête de la la Reconquête. C’était une pensée délicate laquelle la reine avait une dévotion flotte catholique. Il commandait les de vos pères. En transformant les mosquées particulière, comme nous l’apprenons par un vaisseaux de l’Espagne, de Venise et du Pape. en sanctuaires de la Vierge, ils réparaient les bref du Pape Innocent VII, qui la loue de ce Il anéantit les forces turques dans les eaux de blasphèmes des Maures envers la Mère de sentiment. Lépante. Ce fut une belle victoire mariale, Dieu ; ils substituaient son culte très pur au puisqu’elle eut lieu le jour de la fête du culte sensuel de l’Islam ; enfin ils Marie ne pouvait manquer de se laisser Rosaire, au moment où le Pape et des reconnaissaient en Elle la patronne de leurs toucher. Elle avait toujours été la protectrice millions de fidèles invoquaient Marie, armes, à qui ils devaient leurs victoires. de la foi espagnole. Elle devait étendre sa secours des chrétiens. Mais ce fut aussi une protection sur l’armée réunie aux portes de belle victoire espagnole, et le fils de Charles C’est ainsi qu’une mosquée de Tolède Grenade, dans le village baptisé de ce beau V put suspendre, avec une légitime fierté, à devint Santa Maria la Blanca. La grande nom : Santa-Fé, la Sainte Foi. l’autel de Notre-Dame, dans la cathédrale de mosquée de Séville servit longtemps de Tolède, les sept bannières bleu et or des cathédrale sous le nom de Santa Maria del En effet par une coïncidence où apparaît galères chrétiennes et l’étendard triangulaire Sede, jusqu’au jour où, ébranlée par un clairement l’intention du Ciel, ce fut le du Prophète, orné de lettres rouges. tremblement de terre, elle fut remplacée, en vendredi 2 janvier ı492, jour où l’Église 1401, par l’immense cathédrale actuelle. A d’Espagne commémorait l’apparition de Tel fut, près d’un siècle après la prise de Grenade, une des mosquées fut dédiée à Notre-Dame à saint Jacques, alors que d’un Grenade, le splendide épilogue de la lutte Notre-Dame des Douleurs. bout à l’autre du pays une immense contre les Maures. Mais il nous faut revenir supplication montait vers la Vierge del Pilar, en arrière, au lendemain de la victoire des Un poète moderne, Pierre-Antoine que le souverain de Grenade, Boabdil, ouvrit souverains catholiques. 6 Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001

VI. — Le siècle d’or. — La foi « Ce jour-là, dit l’historien Antoine Herrera, chevaleresques. Comme tout gentilhomme espagnole, reconnaissante, loue Marie Colomb, pour honorer la fête de la de son temps et de son pays, il regrette de par la bouche des apôtres et des Conception de Marie, fit pavoiser ses n’avoir plus de Maures à pourfendre. Il saints. vaisseaux et tirer des salves d’artillerie. » demande, pour se distraire, des romans de cape et d’épée. Dans la vieilleCasa Solar de L’Espagne allait recevoir la récompense dc L’année suivante, il baptisait deux Antilles Loyola, on ne trouve que la vie des saints. ses luttes généreuses pour la foi. La même des noms de deux grands pèlerinages « Voilà, se dit-il, les vrais héros, les vrais année où elle reprenait Grenade, Dieu lui espagnols de la Vierge, laGuadeloupe et chevaliers ! » Il jure de les imiter. Marie lui donnait un nouveau monde, et, bientôt Montserrat. apparaît, tenant son Enfant dans ses bras, après, s’ouvrait pour elle cette ère de éclatante de lumière et de beauté. grandeur matérielle, intellectuelle et morale Or, ce grand serviteur de Marie était un Désormais, elle sera la Dame de ses pensées. que ses écrivains ont appelée leur siècle d’or, apôtre. C’était une pensée de foi en même Comme ses aïeux, les guerriers de la nuestroSiglodeoro. C’était l’époque où le soleil temps qu’une intuition de génie, qui l’avait Reconquête, il veut commencer sa carrière ne se couchait pas sur les États de Charles- poussé en avant : il voulait faire connaître le par une veillée d’armes aux pieds de la Quint et de Philippe II, l’époque où les nom de Jésus aux peuples d’outre-mer. Vierge. Il se rend au célèbre sanctuaire de apôtres, les saints, les docteurs et les artistes Quand on lui parlait des richesses des Indes Montserrat. Il dépose son épée sur l’autel de espagnols remplissaient le monde de leur occidentales, il répondait, en levant les yeux Notre-Dame, en la vigile de l’Annonciation. gloire. au ciel, que la véritable perle de l’Inde, c’est l’âme de l’Indien. Et sa seule consolation ici- Désormais il ne respirera plus que pour Or, ce siècle d’or fut un siècle marial. Marie bas, au milieu de ses épreuves et de ses Jésus et Marie. Longtemps il porte sur son le domine tout entier de son nom. D’une disgrâces, fut d’avoir frayé la voie aux cœur une image de Notre Dame du Cœur, part, Elle étend sa protection et son missionnaires. c’est-à-dire de Notre Dame au cœur influence sur les grands hommes et sur leurs transpercé d’un glaive, et il ne s’en dessaisit œuvres ; d’autre part, Elle les glorifie et Elle Bientôt, en effet, les missionnaires que par affection pour l’un de ses fils. Il fonde est glorifiée par eux. C’est ce que nous allons partaient pour la conquête des âmes : les uns sa Compagnie à Montmartre, le jour de la constater dans le domaine de l’apostolat et vers les nouvelles terres de l’Occident, les fête de l’Assomption. Il fait vœu, à Paris, de de la sainteté, de la science et de l’art. autres vers le vieux monde de l’Orient. Parmi défendre l’Immaculée Conception. Plus ces derniers, il en est un qui fut le géant de tard, à Rome, il fait de l’enseignement de L’APOSTOLAT : C HRISTOPHE C OLOMB, l’apostolat dans les temps modernes, un cette vérité une des règles du Collège F-XRANÇOIS AVIER nouveau saint Paul, François Xavier. Romain. Enfin, il honore d’une dévotion François Xavier fut le chevalier de la sainte toute spéciale Notre Dame della Strada, et Après avoir longtemps défendu la foi chez Foi, Santa Fé, nom béni qu’il donna au demande son image vénérée pour l’église de elle, l’Espagne allait la répandre dans le collège de Goa : mais il fut aussi un insigne sa Compagnie. monde. Elle allait produire des apôtres plus chevalier de Marie. Il écrivait : « J’ai trouvé généreux encore que ses vieux chevaliers, les peuples rebelles à l’Évangile toutes les fois Dans son lumineux sillage, les saints magnifiques conquistadors des âmes qu’ils que, à côté de la croix du Sauveur, j’ai omis de abondent : pour ne nommer que les plus devaient gagner à l’amour du Christ et à montrer l’image de sa Mère. » Quand il fit son illustres, et qui furent ses compatriotes, l’amour de Marie. entrée solennelle à la Cour du roi de Bungo quels noms que ceux de François-Xavier, au Japon, il fit porter devant lui en grande déjà nommé : François de Borgia, le célèbre Le nom de la Vierge se trouve associé d’une pompe une image de Marie, enveloppée dans duc de Gandie, ami de Charles-Quint, manière providentielle à la découverte de une riche écharpe de damas violet. Il finissait devenu un prodige d’humilité et de charité ; l’Amérique. Christophe Colomb avait donné toutes ses prédications par leSalve Regina , et saint Pierre Claver, l’héroïque apôtre des à sa caravelle amirale le nom de Santa Maria. il mourut en murmurant la touchante prière : nègres, et enfin saint Alphonse Rodriguez, Et c’est bien Santa Maria qui le portait vers sa Monstrateessematrem. une des âmes les plus naïvement et les plus sublime conquête. Mais il y a mieux : Santa tendrement dévouées à la Reine des cieux. Maria voulut montrer son intervention par A la suite de Xavier, des milliers et des Chacun de ces noms évoque, avec le souvenir une circonstance plus que singulière. milliers d’apôtres s’élancèrent des terres des services les plus glorieux rendus à l’Église, catholiques vers les terres infidèles, et celui d’une vie toute de dévouement ad Nous avons vu que Grenade avait été prise pendant deux siècles l’Espagne partagea avec majoremDeietMariægloriam. le 2 janvier, jour de l’apparition de la Vierge le Portugal la gloire de fournir les principales del Pilar. Or, ce fut le 12 octobre de la même missions du monde de héros et de martyrs. Elle est belle aussi, la phalange du Carmel ! année, en la fête liturgique de la même Ils s’en allaient par le monde, criant partout : A sa tête marche sainte Thérèse. Ce nom Vierge del Pilar, que Colomb planta la croix « Gloire au Christ et gloire à Marie. » Ils brille comme le soleil au ciel de la Castille. et la bannière espagnole sur le sol du semaient la vertu et la sainteté. Pierre Claver Thérèse, c’est à la fois le génie et la sainteté. Nouveau-Monde. L’incrédulité aura beau étonnait Carthagène par sa charité, San C’est la femme dans ce qu’elle a de plus crier : simple coïncidence ! Il est des Turibio édifiait Lima par son zèle épiscopal, délicat et le docteur de l’Église dans ce qu’il a coïncidences si curieuses que l’esprit humain et sainte Rose de Lima et la bienheureuse de plus sublime. C’est l’âme aux contrastes se refuse à y voir un hasard et qu’une secrète Marianne Parédès, le lis de Quito, faisaient étonnants et superbes, âme très humaine et logique lui dit : le doigt de Dieu est la ! Digitus aimer Marie par l’imitation de sa pureté très divine, très mystique et très Dei est hic ! La prise de Grenade et la virginale. Les Espagnols répandaient au chevaleresque ; c’est l’âme espagnole à sa plus découverte du Nouveau-Monde, deux des Mexique le culte de Notre-Dame de la haute puissance, éprise du sentiment de événements les plus considérables de Guadeloupe, dont le sanctuaire américain l’honneur, dont elle parle avec une fierté l’histoire mondiale, survenues la même devait surpasser la gloire de celui qu’elle toute castillane, et en même temps affamée année, aux deux fêtes de Notre-Dame del possédait dans la mère-patrie. d’humiliations et de sacrifices par amour Pilar, patronne de l’Espagne, ce sont là des pour Jésus crucifié. Aussi je comprends que coïncidences devant lesquelles il est LSA AINTETÉ : SAINT I GNACE , SAINTE l’Espagne en soit fière, et que sous Philippe impossible de ne pas s’écrier : digitus Mariæ T,.HÉRÈSE ETC IV, elle l’ait choisie pour sa patronne, après esthic! le doigt de Marie est là. Notre Dame et saint Jacques. L’éclosion la plus merveilleuse de ce temps, Christophe Colomb sut le reconnaître. Il ce fut celle des saints. Nous venons d’en Or, sainte Thérèse est embrasée d’amour donna le nom du Sauveur,San Salvador , à la nommer plusieurs, mais il y en a d’autres. pour la Mère de Dieu. Elle écrit de belles première terre où il aborda ; c’était justice, pages sur l’Ave Maria . Elle raconte que le car à tout Seigneur tout honneur. Mais il Voici d’abord Ignace de Loyola, avec sa Rosaire était sa consolation et sa force. Un donna à la seconde le nom du grand mystère glorieuse phalange. C’est un fier hidalgo et jour Notre Seigneur le lui prend et le lui rend, marial, il l’appela l’IledelaConception . un vaillant soldat. Il a héroïquement mais enrichi de quatre diamants incrustés combattu à Pampelune. Blessé et obligé au dans la croix d’ébène. Elle honore Le 8 décembre, il se trouvait à Espanola. repos, il rêve de croisades et d’exploits particulièrement l’Immaculée Conception Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 7 et l’Assomption. La fête du 15 août est, pour thèses sur la sainteté de la Mère de Dieu, Vierge, comme ces processions que les elle, un jour de grâces extraordinaires. Une comparée à celle des saints et des anges, sur confrères du Rosaire, en Catalogne, font de année, elle voit en extase la Vierge portée au Marie, considérée comme le canal de toutes grand matin, avant le lever du jour, munis de ciel par les anges, spectacle magnifique, les grâces dont Jésus est la source, sur lanternes, pour louer Celle qui fut l’aurore du qu’elle se déclare impuissante à reproduire. l’Immaculée Conception. Soleil éternel ! Une autre année, en ce même jour, Marie la revêt d’une robe éblouissante et lui met au Mais les défenseurs de ce dernier mystère L:ES ARTS LA POÉSIE, L’ARCHITECTURE, LA cou un collier d’or et de pierreries, symbole sont innombrables. C’est celui que la PEINTURE.—M URILLO, LE PEINTRE PAR des grâces dont elle la comble. théologie espagnole a soutenu avec le plus EXCELLENCE DEM ARIE d’abondance et le plus de ferveur. Les A côté de la Réformatrice du Carmel, se ouvrages qu’elle lui a consacrés forment L’Espagne n’avait pas attendu d’être dresse le Réformateur, saint Jean de la Croix. d’immenses bibliothèques. délivrée des Maures pour offrir à Marie des Il étonne le monde par la profondeur de sa œuvres d’art. mystique et conduit les âmes à travers la nuit Au concile de Trente, le cardinal Pacheco, de l’épreuve à la clarté de l’extase. Or, lui évêque de Jaen, appuyé par les Pères Jésuites De tout temps, ses poètes ont chanté la aussi est un noble serviteur de Marie, dont il Lainez et Salmeron, s’en fit le champion Vierge. Prudence avait entonné l’hymne parle avec un filial amour. Thérèse et Jean de infatigable. C’est grâce à lui que, dans la marial dans sa belle poésie latine. Saint la Croix sont deux âmes éminemment cinquième session, le 17 juin 1546, le concile Ildefonse l’avait continué dans l’idiome des mariales. Elles ont trouvé Marie sur la proclama, dans ses canons sur le péché Wisigoths. Les chroniques rimées du moyen montagne des Aromates ; elles l’ont suivie au originel, qu’il n’entendait pas comprendre âge et le Romancero leur font un long et Calvaire et au ciel. dans ce décret la bienheureuse et Immaculée charmant écho. Alphonse le Sage célèbre, en Vierge Marie. des cantilènes délicates, la Rose des roses. Et combien d’autres saints brillent, à cette Raymon Lulle, le docteur Illuminé, chante sa époque, comme des étoiles au ciel de De tout temps, l’Espagne s’est signalée par beauté dans la langue des trouvères. l’Espagne ! Saint Jean de Dieu édifie la ville son zèle pour ce privilège de la Mère de Dieu. de Grenade et son siècle par son héroïque Les confréries de l’Immaculée Conception Mais au siècle d’or, et aux siècles suivants, charité envers les malades. Saint Pierre remontent au Moyen Age. On croit qu’il y en dans tous les rythmes, dans tous les modes, d’Alcantara est le héros de la Pénitence. avait une à Burgos, dès leXe siècle, et que le d’innombrables poètes forment comme un Saint Thomas de Villeneuve est le modèle fameux héros Fernand Gonzalès, et plus tard immense orchestre en l’honneur de Marie. des pasteurs. C’est le prédicateur éloquent le Cid Campéador, en firent partie. que Charles-Quint aime à entendre, caché Gil Vicente a des accents d’amour pour la dans son auditoire. C’est l’aumônier Doncella du ciel si belle, si gracieuse, si généreux, que le Pape Paul V, en le Charles V fait broder charmante : béatifiant, ordonne de peindre avec une aumônière à la main au lieu de crosse. Saint sur son guidon et graver Muy graciosa es la Doncella. Louis-Bertrand défend avez zèle sur son armure l’image Como es bella y hermosa ! l’Immaculée Conception. Saint Pascal Baylon, que Léon XIII a déclaré patron de de Marie Immaculée. Les auteurs des Autos Sacramentales toutes les œuvres eucharistiques, a deux Philippe II la fait sculp- exaltent à la fois le Christ et sa Mère. Lope de grandes dévotions : la Sainte Hostie et Véga chante celle qu’il appelle la Pureté sans l’Immaculée Conception. Le bienheureux ter sur son écusson. tache et la Toison d’or. Caldéron écrit en son Jean d’Avila étonne sainte Thérèse elle- honneurle Lis et l’Iris , et la Première Fleur du même par sa piété et son zèle apostolique. Il Carmel. affirme que la sainteté de la Vierge dépasse Charles V est membre de la confrérie de celle de tous les saints et de tous les anges l’Immaculée, à Tolède. Il fait broder sur son L’architecture avait, elle aussi, consacré à réunis, belle pensée que Suarez lui emprunte guidon et graver sur son armure l’image de Marie d’incomparables monuments. La liste et développe avec éclat à l’Université de Marie Immaculée. Philippe II la fait sculpter serait infinie des églises, des chapelles, des Salamanque. sur son écusson. statues élevées en son honneur. La piété des fidèles y a accumulé les bijoux, les pierreries Toutes ces grandes âmes forment comme Les écoles se font gloire de soutenir ce et les perles. L’œil y est parfois ébloui, un collier de pierreries et d’or que Marie, mystère. Les Universités s’y obligent par comme à Notre-Dame del Pilar, du après l’avoir porté autour de son cou, vœu. Les corporations, les municipalités, les scintillement des brillants, des rubis et des suspend au cou de l’Espagne catholique, plus villes suivent cet exemple. De tous côtés, les saphirs qui forment les rayons de son auréole. précieux que celui dont elle orna un jour la Espagnols font un serment, qu’ils appellent La cathédrale de Burgos, commencée par vierge d’Avila. le serment sanglant,el voto sangriento , celui de saint Ferdinand, est un poème de pierre défendre jusqu’au sang l’Immaculée consacré à la Vierge, un des plus beaux qui Conception de Marie. soient au monde. Qui dira dignement les VII. — Le siècle d’or. — La foi merveilles de ce temple deSanta Maria , la catholique loue Marie par la voix des Aussi ne faut-il pas s’étonner que la majesté et l’élégance de ses flèches, la savants et des artistes. dévotion à la Vierge Immaculée ait jeté de si splendeur de ses nefs, et cette célèbre profondes racines dans la vie sociale balustrade ajourée en haut de sa façade, dont espagnole. Une des salutations populaires les LTA HÉOLOGIE MARIALE. les dessins représentent ces mots : tota plus répandues consiste à aborder ses amis D’EÉVOTION DE L SPAGNE POUR pulchraes! avec ce mot :Ave, Maria Purissima , auquel ils L’I MMACULÉE C ONCEPTION répondent :Sin pecado concebida . Une des La peinture n’a pas manqué d’apporter son Après la sainteté, il n’y a rien, ici-bas, de exclamations par lesquelles s’expriment le tribut à la Vierge Mère. Velasquez et plus excellent que la science. Et l’Espagne, plus souvent la crainte, ou la surprise, ou la Zurbaran, Ribera et Murillo, Juan de Juanes, ayant reçu ce don de Dieu, s’empressa d’en joie est celle-ci : Jésus ! Ave, Maria purissima ! Alonso Cano, Luis de Vargas, Martinez faire hommage à la Vierge. C’est encore la formule par laquelle on Montanes et combien d’autres lui ont proteste contre un blasphème. D’après un consacré des tableaux qui sont la richesse de C’est surtout par la théologie qu’elle s’est ancien usage, encore conservé dans bien des vos églises et que les étrangers se disputent à distinguée. Or, ses grands docteurs ont écrit villes, lesereno ou veilleur, chargé d’annoncer prix d’or. des pages admirables en l’honneur de Marie : les heures dans les rues pendant la nuit, ils ont développé, comme on ne l’avait jamais ajoute à chacune d’elles la pieuse prière : Ave, Mais entre tous les peintres de Marie, il fait avant eux, la théologie mariale. Suarez Mariapurissima! n’en est pas de plus illustre que Murillo. Il aimait tant Marie qu’il aurait, disait-il, donné semble qu’il ait eu le ciel pour atelier et la tous ses in-folio pour unAve Maria bien Que de coutumes pittoresques ou Vierge elle-même pour modèle. Il a su unir, récité. Il a exposé brillamment les plus belles charmantes on relèverait encore au pays de la pour la fixer sur sa toile, l’idéalisme le plus 8 Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001

élevé et le réalisme le plus sincère. Avec Fra Le protestantisme menaçait non Angelico, nul n’a mieux compris Marie. Ses seulement la religion, mais encore l’ordre, la Oui, nous vaincrons par Vierges si pudiques, si pures, dépassent, par paix, la tranquillité des peuples catholiques. Marie ; oui, nous garde- leur expression céleste, toutes celles de L’Espagne avait combattu des siècles pour Raphaël. Sa Vierge aux Anges, sa Vierge constituer son unité nationale. Elle entendit rons notre foi malgré douloureuse, sa Vierge au chapelet, sa Vierge rester maîtresse chez elle ; elle refusa de saint Ildefonse, sa Vierge de saint d’admettre un ferment de division et d’avaler tous les vents et tous les François d’Assise, sont des visions du le poison : c’était son droit. orages, contre toutes les paradis. Mais que dire de son immortel chef- d’œuvre, laConception de Marie ? Qu’il me Le Saint Office a épargné à ce pays les hérésies et toutes les suffise de rappeler que de tous les tableaux troubles, les guerres civiles, les massacres qui infidélités modernes. du monde c’est le plus populaire et le plus ont ensanglanté les autres parties de souvent reproduit. l’Europe. L’épopée mariale n’est pas finie. Méprise donc, ô grande nation, méprise les VIII. — Marie préserve l’Espagne du calomnies d’une histoire corrompue et protestantisme. falsifiée, méprise les injures de la libre- chez nous ; l’histoire y ajoutera de nouveaux pensée et du libéralisme, méprise les chants, de nouvelles victoires de Notre Tandis que l’Espagne duXVIee et du XVII criailleries des pharisiens et des hypocrites, Dame. O Vierge de Lourdes, ô Vierge del siècle illustrait sa foi par des œuvres méprise et sois fière ! Sois fière de la foi que Pilar, défendez vos enfants, protégez notre splendides, elle ne jouissait pas, dans le tu as gardée intacte ! Sois fière de foi et bénissez l’Espagne et la France ! Ainsi domaine religieux, d’une paix absolue. Elle l’intransigeance et de la sévérité de tes pères ! soit-il. devait se tenir sur la défensive.

Le protestantisme blessait au vif son IX. — Marie sauvera l’Espagne de Notes amour pour l’Eucharistie et pour la Sainte l’impiété moderne. Vierge. Il attaquait la religion catholique 1. Cette chanson, qui date, croyons-nous, dans ce qu’elle avait de plus cher à son cœur. L’erreur n’a pas désarmé de nos jours. Elle du siège de Saragosse en 1808, renferme une Après avoir versé son sang pendant huit prend toutes les formes, c’est l’hérésie, c’est petite pointe bien compréhensible contre la siècles pour la foi, l’Espagne n’était guère le modernisme, c’est la libre-pensée, c’est France révolutionnaire de cette époque. La disposée à l’abandonner sur les sommations l’athéisme, c’est l’impiété, c’est la franc- voici dans sa piquante saveur : orgueilleuses d’une nouvelle hérésie. Elle maçonnerie. Mais, sous ces noms divers, avait dit à Mahomet : « Va-t-en ! » Elle ne c’est toujours le serpent de la Genèse qui se La Virgen del Pilar dice pouvait dire à Luther : « Viens ! Je te livre redresse pour mordre le pied Virginal qui Que no quiere ser francesa mon Dieu et ma Mère ! » Elle avait chassé à l’écrase, c’est toujours la bête de Quiere ser la Capitana coups d’épée Mahomet, qui ne voulait pas l’Apocalypse qui veut dévorer la Femme De la tropa aragonesa. sortir, elle l’avait jeté à la mer du haut de la bénie entre toutes les femmes, avec son Sierra Nevada. Elle ne pouvait abaisser les enfant, le peuple catholique. La Vierge du Pilar dit qu’elle ne veut pas Pyrénées pour faire entrer les faux prophètes être française, mais qu’elle veut être la d’Allemagne et de Suisse. Au contraire, elle La Bestia est aujourd’hui déchaînée par le Capitane de la troupe aragonaise. éleva à sa frontière une barrière plus monde : elle rugit ses blasphèmes, elle vomit infranchissable que les Sierras dentelées de ses impudicités. Elle s’attaque surtout aux Il nous semble qu’aujourd’hui la Vierge del ses montagnes ; elle dit à Luther et à Calvin : deux grandes nations latines. Elle sait que, si Pilar ne parlerait plus comme au temps de « Vous ne passerez pas ! » elle pouvait déchristianiser l’Espagne et la nos divisions, et que, sans se dire ni française France, humainement la foi serait perdue sur ni aragonaise, elle accepterait peut-être, si Ce que fut cette barrière, vous le savez : elle la terre. elle ne le trouve pas un peu trop moderne, le fut double. Ce fut l’idée et ce fut la force : la titre de Vierge franco-espagnole. C’est bien polémique doctrinale et l’Inquisition. Mais loin de nous, chers frères d’Espagne, ce que signifia au Congrès de Saragosse la la crainte et le découragement ! La foi, chez petite manifestation toute sympathique, Les théologiens espagnols comptèrent vous comme chez nous, est intimement liée à faite de sourires et d’approbations parmi les plus ardents à réfuter les erreurs de l’amour de la Sainte Vierge. bruyantes, qui accueillit ces paroles de la Réforme. Ils appelèrent Marie à leur aide, l’orateur. car c’était sa cause qu’ils défendaient, en Elle veille, la Vierge de Lourdes ; elle veille, même temps que celle du Christ et de saint la Vierge del Pilar, et, sous ces deux noms, 2. L’Espagne se vante d’être la nation la plus Pierre. On sait quelle part brillante ils prirent c’est toujours la Vierge des batailles, c’est la aimée de Marie et celle qui lui est la plus au concile de Trente, et en particulier avec Senora des Victoires, la Vencedora, la dévouée. Je lis dans le livre España y la quelle attention l’illustre assemblée écouta Triunfadora, la grande tueuse d’hérésies ! Immaculada, par le P. Oller, S. J. : « Depuis les discours des célèbres Jésuites, Lainez et qu’elle vint en sa chair mortelle à Saragosse, Salmeron. Pendant ce temps, les autres Vous avez à Séville une merveille : c’est la la Vierge fut toujours pour l’Espagne la plus disciples de Loyola combattaient l’hérésie du Giralda, la tour svelte et puissante, qui caressante des mères, avec un amour si haut de toutes les chaires. Après avoir récité monte fièrement dans le ciel de l’Andalousie. particulier que nous pouvons bien dire, sans l’Ave Maria , ils avaient plus de force pour Elle porte à son sommet une statue colossale offenser personne, qu’elle n’a rien fait de expliquer leCredo . Un pape a dit de saint de la Foi, tenant à la main le labarum. Eh pareil pour les autres nations : non fecit taliter Ignace, converti la même année où Luther bien, il me semble que c’est un symbole. omninationi.» apostasiait, que Dieu l’avait suscité tout Marie est la Tour de David, la Tour d’ivoire, exprès pour l’opposer au protestantisme. Et qui se dresse au milieu de nous, sur la Le journalEl Pilar , du 26 septembre 1908, de graves historiens ont pu affirmer que, si la frontière de nos deux nations, plus haute que publié à Saragosse, appelle l’Espagne : « la moitié de l’Europe est restée fidèle à la foi, nos belles Pyrénées. Mais, comme la Giralda, nacion privilegiada de Maria ». Il rappelle le c’est à la Compagnie de Jésus, en grande elle garde et elle montre à tous les yeux la Foi mot dit par les délégués espagnols au partie, qu’elle le doit. catholique avec le Labarum : in hoc signo Congrès d’Einsiedeln : « La Virgen Maria no es vinces. francesa, ni alemana, ni polaca, ni italiana, ni de Mais l’Espagne, nation religieuse et ninguna nacion, y si de alguna pudiese ser y no de militaire comme ses vieux ordres de Santiago Oui, nous vaincrons par ce signe, frères todas, seria de... España. » Ce qu’il y a et de Calatrava, n’entendait pas se borner à bien-aimés ; oui, nous vaincrons par Marie ; d’intéressant, c’est que nous tenons en une opposition purement spéculative. Elle oui, nous garderons notre foi malgré tous les France exactement le même langage : nous résolut de repousser l’hérésie par la force, par vents et tous les orages, contre toutes les aussi, nous nous disons la nation privilégiée l’Inquisition. hérésies et toutes les infidélités modernes. et chérie de Notre-Dame. L’épopée mariale n’est pas finie chez vous ni Les documents contrerévolutionnaires no 13 — Mars 2001 9

Des deux côtés, on apporte pour preuves réédition Expéditions pamphiliennes. SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) d’insignes bienfaits de Marie et d’insignes hommages rendus à Marie. Marie seule • Abbé Alfred Monnin, Mater admirabilis pourrait trancher la question et dire quel est ou les quinze premières années de Marie celui des deux peuples qui l’a le plus honorée Immaculée, réédition Éditions Saint-Rémi, et qu’elle a comblé de plus de faveurs. Cette 1999. pieuse rivalité montre du moins combien la Mère de Dieu est aimée dans nos deux pays Adresses et nous fournit les éléments de deux belles épopées mariales. - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 3. Au milieu de la place de la Constitution à 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. Saragosse, se dresse sur un piédestal de pierre un groupe de bronze représentant sous la - Expéditions pamphiliennes, B. P. 51, forme d’un ange surmonté de la Croix, la foi 67044 Strasbourg cedex, France. catholique montrant le ciel de la main gauche, et de la droite soutenant un martyr ; - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 au pied de la statue on lit : Victrix Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; Cæsaraugustæ pietas innumeris martiribus pro http://www.litoo.com. fideetpatria. 4. Dans le sens strictement théologique du 99 mot, les catholiques n’adorent pas la Sainte Vierge, puisqu’ils ne voient en Elle qu’une créature sortie comme nous des mains de O Marie, ma douce Mère, Dieu ; ils réservent à Jésus le culte de latrie ou de l’adoration suprême. Et cette réponse combien je vous aime ! suffit pour anéantir la calomnie absurde des Cependant c’est bien peu ! protestants, qui nous accusent de mariolâtrie ou d’idolâtrie mariale. Mais le motadorare a Vous m’apprenez ce qu’il dans la langue latine et ses dérivées un sens secondaire celui devénérer ou de rendre faut connaître, car Vous hommage. Dans ce sens nous adorons Marie, comme nous adorons la Croix. Dans ce sens, m’apprenez ce que Jésus est le journalEl noticiero de Saragosse, numéro pour moi et ce que je dois du 30 septembre 1908, rendant compte de la cérémonie de la veille, dit que ce discours fut être pour Jésus. Mère bien- suivi de l’adoration à la Virgen et que todos los Prelados subieron à adorar à la Santissima aimée, combien Vous devez Virgen. S’effaroucher de ce mot, quand il est ainsi expliqué et compris, serait le fait d’une être proche de Dieu et toute ignorance puérile ou d’une mauvaise foi pharisaïque. remplie de Dieu ! A mesure que nous connaissons Dieu, nous nous souvenons de Y Y Y Vous. Mère de Dieu, obtenez-moi d’aimer mon Ouvragesrecommandés Au terrible torrent de boue constitué par les • Action Familiale et Scolaire, La geste de Jésus ; obtenez-moi de Vous livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, 1492. Disponible à la S. A. D. P. F. aimer! sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et • Jean Dumont, L’incomparable Isabelle la d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en Catholique, 1992. Disponible à la S. A. D. P. F. (Cardinal R. Merry del Val. Indulgence de 500 jours ; plénière, peut être assuré, est de leur opposer des écrits une fois par mois, pour la récitation quotidienne, aux conditions salutaires et de les répandre. • Saint Jean de la Croix, La montée du ordinaires. Enchiridion indulgentiarum, Preces et pia opera, Carmel, réédition 1972. Disponible à la S. A. Typis polyglottis Vaticanis, 1952.) D. P. F. S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 • Saint Ignace de Loyola,Exercices spirituels , Les documents contrerévolutionnaires réédition 1982. Disponible à la S. A. D. P. F. 99 reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au • Sainte Thérèse d’Avila, Le chemin de la déferlement de littérature révolutionnaire à perfection, réédition 1962. Disponible à la S. Prière à saint Michel Archange vil prix qui outrage la majesté divine, détruit A. D. P. F. la morale chrétienne, incite aux pires péchés, • Guy Augé,Les Blancs d’Espagne , 1995. Saint Michel Archange, défendez-nous et perd les âmes par millions, c’est le devoir Disponible à la S. A. D. P. F. dans le combat ; soyez notre secours contre des catholiques de redoubler d’effort pour la méchanceté et les embûches du démon. diffuser la saine littérature catholique. • Franck Lafage, L’Espagne de la Contre- « Que Dieu lui commande », nous le Révolution, Éditions L’Harmattan, 1993. demandons en suppliant ; et vous, Prince de Abonnement gratuit sur demande. Disponible à la S. A. D. P. F. Note : l’auteur la milice céleste, repoussez en enfer, par la n’est aucunement contrerévolutionnaire ; puissance divine, Satan et les autres esprits Toutereproductionestautorisée. exception faite des préjugés, le livre résume mauvais qui rôdent dans le monde pour bien la Contrerévolution carliste. perdre nos âmes. Ainsi soit-il. Correspondance : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des-Neiges, Montréal (Qc), H3T 2A5, • Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la Canada. Email : [email protected]. URL : Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html communion, visite d’une église avec prière aux intentions du Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 14— Avril 2001

Chili, la République Argentine, érigés en c’est que les radicaux par amour de l’État, Garcia Moreno États indépendants, avaient adopté dans ses voudraient tuer l’Église afin de se débarrasser grandes lignes la fameuse constitution de à jamais de ses revendications, tandis que les Cucuta, basée sur la souveraineté du peuple libéraux consentent à la laisser vivre, sauf à la 9 et la subordination de l’Église à l’État. Le jeter en prison toutes les fois qu’elle oppose Brésil, avec sa monarchie parlementaire trop les lois divines aux ukases du peuple souvent dirigée par une majorité de francs- souverain. Il y a plus : ces principes maçons, et, par delà les Antilles, la grande rationalistes ont tellement pénétré l’opinion R. P. A. Berthe, Garcia fédération des États-Unis exaltant les droits qu’on voit nombre de catholiques s’y rallier : Moreno, Paris : Retaux-Bray, de l’homme et du citoyen, se trouvaient en chrétiens, l’Église est leur mère, ils e parfait accord avec les républiques sœurs du consentent à lui obéir ; citoyens, ils la 4 édition, 1888,pp. 81-93. Pacifique. Malheur à qui dès lors eût osé, sur regardent comme une étrangère dont ils le continent de Colomb, médire du peuple n’acceptent pas la suprématie. Que l’Église souverain, le grand dieu des deux Amériques, catholique soit libre comme le ou affirmer que l’Église est au-dessus de protestantisme, le judaïsme, le Y Y Y l’État ; la loi évangélique, au-dessus des mahométisme ; mais que l’État soit libre décrets du parlement. aussi, et absolument indépendant. Ce droit moderne constitue pour ces politiques un n dépit du glorieux titre deLibertador , L’ancien monde, infatué plus que le progrès dans la civilisation, de sorte qu’on ne Bolivar ne fut donc pas un vrai nouveau des conquêtes de 1789, tendait la peut plus même travailler à rétablir le droit Elibérateur. S’il chassa de l’Amérique les main aux révolutionnaires d’outre-mer. Sous ancien sans mériter l’épithète de tyrans qui l’opprimaient au nom de les noms barbares de sécularisation, de réactionnaire et de rétrograde. l’omnipotence royale, ce fut pour la livrer à laïcisation, euphémismes qui signifient une horde de tyranneaux qui l’écrasèrent au répudiation, les peuples européens n’ont-ils Comment donc faire remonter le courant nom du peuple souverain ; s’il lui donna pas tous, comme les américains, brisé les révolutionnaire à ce monde épris de 1789 ? La l’indépendance, « ce fut au prix de tous les liens qui les unissaient à Jésus-Christ et à son solution du problème qui désespérait autres biens, » comme lui-même l’avouait à la Église ? S’il existe encore des princes Bolivar, apparaîtra plus difficile encore si l’on fin de sa carrière. Pour sauver l’Amérique, il chrétiens dans leur conduite privée, vous considère l’inanité des efforts tentés depuis fallait un autre Bolivar, assez fort pour n’en trouvez plus un seul qui, en tant que un siècle pour désabuser les princes et les chasser les révolutionnaires, assez chrétien législateur et chef d’État, accepte la peuples. La première autorité de ce monde, pour remplacer la souveraineté du peuple par direction de l’Église. On a remplacé le Dieu l’Église, n’a pas manqué de s’opposer de tout la souveraineté du Christ et les droits de en trois personnes par cette divinité à sept ou son pouvoir aux envahissements de la l’homme par les droits de Dieu. Mais est-il huit cents têtes qu’on appelle le parlement, Révolution. Chaque pontife en passant a jeté possible aujourd’hui de détrôner le peuple déclaré le Sinaï moins respectable que la l’anathème à cette grande hérésie non moins souverain pour replacer la société sur la base tribune des députés, et abrogé le Décalogue antisociale qu’antichrétienne. Pie VI, dès divine ? Bolivar ne le pensait pas. En voyant éternel pour lui substituer le Bulletin des lois. 1791, flétrit « les prétendus droits de les éléments de discorde qui bouillonnaient L’Europe entière en est là, aussi bien dans les l’homme, la liberté absolue, le droit de dans la fournaise, les hommes qui attisaient monarchies que dans les républiques, à professer n’importe quelle opinion le feu, le combustible dont ils disposaient, Londres comme à Paris, à Rome comme à religieuse, le pouvoir de penser, d’écrire et son impuissance à réagir en faveur de l’ordre Madrid. Les quelques empereurs encore même d’imprimer arbitrairement en matière et de la religion, il prophétisa que les debout devant le peuple souverain, mettent de religion ce qui plaît à chacun. » Pie VII républiques nées du démembrement de la en avant, non pas la souveraineté de l’Église, reproche à Napoléon de rompre l’union de Colombie aboutiraient comme la Colombie mais leur propre omnipotence. Du reste, la l’Église et de l’État en soumettant l’Église à elle-même, à un épouvantable cataclysme. démocratie entend bien les courber tous à l’esclavage des articles organiques. En 1814, à « L’Amérique est ingouvernable, disait-il peu ses pieds, vivants ou morts. Parlementarisme l’aurore de la Restauration il réprouve un de jours avant sa mort ; travailler sur ces ou nihilisme, constitution ou dynamite : Sire, projet de constitution dans lequel, au lieu de peuples, c’est labourer sur les flots. faites votre choix ! reconnaître les droits exclusifs de l’Église à la L’américain n’a qu’une chose à faire : protection des lois, on autorise la liberté de émigrer. Ces pays vont tomber sous les coups Ce n’est donc pas un monde, comme le conscience, et l’on promet appui et d’une populace sans frein, et passer ensuite disait Bolivar, ce sont les deux mondes qui se protection aux ministres de ce qu’on appelle aux mains d’imperceptibles rongeurs qui les dresseraient devant l’homme assez les cultes, mettant ainsi au rang des sectes dévoreront sans pitié comme sans vergogne. audacieux pour replacer une nation dans son hérétiques et de l’impiété judaïque, l’Épouse S’il se pouvait qu’une partie du globe état normal, c’est-à-dire à genoux devant immaculée du Christ (Lettre de Pie VII à retombât dans le chaos primitif, telle serait la Dieu. Les partis qui divisent l’opinion se Mgr de Boulogne, 29 avril 1814). « Les princes dernière phase des révolutions américaines. réuniraient en une armée compacte pour et les puissances, s’écrie Léon XII, sont Tout est perdu, et perdu pour toujours : que sauver le principe sacro-saint de la établis de Dieu pour défendre la foi, protéger peut un homme contre un monde ! » souveraineté du peuple, le palladium des l’Église, et procurer par tous les moyens sociétés modernes. Sans doute, libéraux et convenables la soumission aux Constitutions De fait, tout le continent américain, du radicaux se font la guerre pour savoir qui apostoliques. » Dans une Encyclique Pacifique à l’Atlantique, des plaines de La gouvernera l’État, mais ils s’entendent à mémorable, Grégoire XVI condamne Plata aux forêts du Haut-Canada, exaltait la merveille pour proclamer la suprématie solennellement l’indifférentisme en matière Révolution. Le Vénézuela, la Nouvelle- absolue de l’État et son divorce avec l’Église. de religion, et ne craint pas de qualifier de Grenade, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie, le La seule différence entre ces frères et amis, délire, « cette fausse et pernicieuse maxime 2 Les documents contrerévolutionnaires no 14 — Avril 2001 qu’on doit procurer et garantir à chacun la plutôt comme le lunatique de l’Évangile. Elle Révolution, lui tendait la main par-dessus la liberté de conscience et la liberté absolue des aussi tombe du mal caduc depuis son frontière. Cette fois encore, il se présenta opinions (EncycliqueMirari vos , 15 août enfance ; c’est-à-dire depuis l’origine du droit pour prendre les rênes, mais comme roi très 1832). » De nos jours enfin, Pie IX et Léon révolutionnaire. Elle le sait, elle voit son état chrétien, comme fils de saint Louis. XIII ont poursuivi l’erreur libérale jusque d’épuisement, de temps en temps elle jette « L’avenir est aux hommes de foi, écrivait-il, à dans ses ramifications les plus éloignées. Le un cri comme pour appeler l’homme qui la condition d’oser dire à la Révolution Syllabus a foudroyé ce naturalisme maudit pourrait la sauver de ses propres fureurs ; triomphante ce qu’elle est dans son essence qui prétend gouverner la société humaine puis, la crise passée, elle s’étourdit en et dans son esprit, et à la contre-révolution ce sans tenir plus compte de la religion que si poussant de nouveau des hourrahs qu’elle doit être dans son œuvre de elle n’existait pas, ou du moins sans faire frénétiques en l’honneur du progrès et de la réparation et d’apaisement. Je veux sauver la aucune différence entre la religion vraie et les liberté. Deux faits, aussi étranges l’un que France, mais il faut que Dieu y rentre en religions fausses. « Aujourd’hui comme aux l’autre, prouvent jusqu’à quel point princes et maître pour que j’y puisse régner en Roi. » Les siècles passés, lisons-nous dans ce célèbre peuples subissent la fascination du serpent représentants de la France lui préférèrent un document, il est expédient de déclarer la révolutionnaire. bourgeois révolutionnaire. Quand Thiers eut religion catholique religion de l’État à reconduit le pays sur le bord de l’abîme, le l’exclusion des autres cultes. La liberté civile En 1852, à deux doigts de sa ruine, la France Roi cria encore : « Ouvrez, je suis le sauveur ! de tous les cultes et le pouvoir accordé à éperdue se jeta dans les bras de Napoléon — Abdiquez le vieux droit, lui cria-t-on de chacun de manifester publiquement ses III. Acclamé par huit millions de suffrages, toutes parts, et prenez en main l’étendard de idées et ses opinions corrompt les mœurs, Napoléon pouvait tout, puisqu’il osa 1789. — Jamais, répondit-il, je ne serai le roi pervertit l’esprit, et propage le fléau de restaurer l’empire ; il recula cependant légitime de la Révolution. — Restez donc en l’indifférence. Aussi le pontife romain ne devant une restauration chrétienne de la exil ; la France aime mieux retomber dans le peut ni ne doit se réconcilier ou transiger société, ne se croyant pas de force à lutter chaos primitif que d’être gouvernée par un avec le progrès, le libéralisme et la civilisation contre l’Université, les sociétés secrètes, et saint Louis. » moderne (Derniers articles duSyllabus ), l’opinion publique travaillée par ces deux c’est-à-dire avec les principes de la formidables puissances. Le célèbre évêque Non, la Révolution n’a pas Révolution. Résumant les définitions de ses de Poitiers essaya de lui donner du courage : prédécesseurs (Lire sur ce sujet l’Encyclique « Ni la Restauration, ni vous, lui dit-il un jour, tellement assujetti et abêti Immortale Dei, 1er novembre 1885), le docteur n’avez fait pour Dieu ce qu’il fallait faire, les peuples qu’un Hercule du XIXe siècle, Léon XIII, les harmonise et parce que ni l’un ni l’autre n’avez relevé son chrétien ne puisse encore les fait resplendir dans sa magistrale trône, parce que ni l’un ni l’autre n’avez renié les arracher à son joug pour Encyclique sur la Constitution chrétienne des les principes de la Révolution, parce que États, où la philosophie, le droit canonique et l’Évangile social dont s’inspire l’État est leur rendre Jésus-Christ l’histoire prêchent d’un commun accord la encore la Déclaration des droits de l’homme, et son Église. nécessité de rétablir l’union entre le laquelle n’est autre chose que la négation des sacerdoce et l’empire, union qui a fait droits de Dieu. Notre constitution n’est pas l’Europe si l’on ne veut aboutir à celle d’un État chrétien et catholique. Notre La conclusion qui semble s’imposer d’épouvantables catastrophes. droit public établit bien que la religion comme la résultante forcée de cet état des catholique est celle de la majorité des esprits, n’est-ce point celle de Bolivar : les Voilà donc le libéralisme d’État réprouvé Français, mais il ajoute que les autres cultes peuples doivent périr parce qu’aucun par les papes comme attentatoire aux droits ont droit à une égale protection. N’est-ce pas homme au monde n’est assez fort pour les de Jésus-Christ et de son Église. Devant les proclamer équivalemment que la tirer des griffes de la Révolution ? — J’écris anathèmes pontificaux, la Révolution a-t- constitution protège également la vérité et ce livre pour protester contre cette elle reculé ? Non. Les avancés ont rejeté le l’erreur ? » conclusion désespérante et pourtant si droit chrétien au nom de la thèse naturaliste, logique en apparence. Non, la Révolution n’a et les modérés l’ont déclaré de tout point L’Empereur répondit par l’argument des pas tellement assujetti et abêti les peuples inapplicable, vu l’hypothèse des divisions faibles : « Croyez-vous que l’époque où nous qu’un Hercule chrétien ne puisse encore les religieuses et politiques au sein desquelles se vivons comporte cet état de choses et que le arracher à son joug pour leur rendre Jésus- meut le monde moderne. Sans doute, on moment soit venu d’établir le règne Christ et son Église, et c’est précisément trouve encore des catholiques qui ne feront exclusivement religieux que vous me pour relever nos courages abattus que Dieu jamais leur deuil de la constitution demandez ? Ne pensez-vous pas que ce serait suscita, dans la seconde moitié du dix- chrétienne des États ; des politiques qui, tout déchaîner les mauvaises passions ? » neuvième siècle, ce phénomène politique qui en distinguant le fait et le droit, travaillent de s’appelle Garcia Moreno. toutes leurs forces à la restauration des vrais L’Évêque avait d’autres idées, lui qui principes sociaux ; mais, pour accabler ces écrivait un jour : « Jamais je n’accepterai pour Il y a dix ans, les journaux signalèrent la revenants d’un autre âge, quelle rage et quelle la France la nécessité absolue et définitive de mort d’un personnage étrange. Il était entente de tous les partis ! Peu s’en faut que ce qu’on appelle l’hypothèse, en haine de la président de la République de l’Équateur, un ces champions du droit ne soient rendus thèse chrétienne. J’estime trop mon pays de ces États révolutionnaires que nous avons responsables des maux qui désolent l’Église pour le croire irrémédiablement assis dans le vus naître du démembrement de la et le monde. mensonge. La France n’est point apostate à Colombie. Trente ans seulement après toujours. On ne parle ainsi qu’auprès d’un Bolivar, sans aucun respect pour les Nous étonnerions peut-être nos lecteurs moribond désespéré ou d’un criminel immortels principes, cet homme avait par un en affirmant que l’instinct révolutionnaire incorrigible. » Cependant, ne voulant point coup de force balayé les misérables qui l’emporte, dans les classes dirigeantes, non entamer de controverse, il se contenta de s’engraissaient au dépens du peuple seulement sur l’esprit catholique que les cette prophétique réponse : « Sire, le souverain, installé dans son pays un pontifes tâchent en vain de réveiller, mais moment n’est pas venu pour Jésus-Christ de gouvernement aussi catholique que celui de même sur l’instinct naturel de la régner : alors le moment n’est pas venu pour saint Louis, et tiré la nation du chaos où elle conservation. Toujours prophètes, les papes les gouvernements de durer (Le cardinal Pie , expirait. En 1862, en dépit des libéraux et des ont dépeint la Révolution comme le puits de par Mgr Baunard, tom. 1, pages 668-669). » émeutiers, il signait un concordat qui l’abîme d’où jaillit, au milieu d’affreuses restituait à l’Église son entière liberté, et, en convulsions, la lave impure qui obscurcit le Le second fait est plus caractéristique 1867, une constitution destinée à faire de son soleil. Convulsions de 1789 et de 1793, encore. En 1870, la Révolution mit à la porte peuple, au milieu des nations sans Dieu, le convulsions de 1800 et de 1815, convulsions l’homme qui avait tremblé devant elle : vrai peuple du Christ. En 1870, il eut la de 1830 et de 1848, de 1852, et de 1870 ; Napoléon eut le sort de Bolivar, et la France hardiesse de protester seul contre déchirements intérieurs, pillages, incendies, tomba dans cette effroyable anarchie qu’on l’envahissement des États pontificaux, alors commune de Paris ; catastrophes militaires, appelle la Commune. Sur le point d’expirer, que, par la reconnaissance officielle d’un telles que Waterloo et Sedan : la France elle chercha un sauveur. Depuis un demi- pouvoir usurpateur, les rois se faisaient les s’agite comme une bacchante échevelée, ou siècle, au moment des grands périls, le noble complices des brigandages italiens ; il obtint descendant des rois de France, exilé par la même du congrès, en 1873, un subside Les documents contrerévolutionnaires no 14 — Avril 2001 3 national en faveur du pontife captif et cette inscription : « A l’excellentissime dépouillé. En même temps, il consacrait la Garcia Moreno, le plus grand des enfants de Y Y Y République au Sacré-Cœur de Jésus, et l’Équateur, mort pour la religion et la patrie, ordonnait de placer aux frais de l’État dans la République reconnaissante (Décret du toutes les cathédrales une pierre Congrès, 16 septembre 1875) ! » Ouvragesrecommandés commémorative de ce grand événement. Dans un pays pauvre et ruiné, il trouva Il est donc possible de vaincre la • Pie VI, Écrits sur la Révolution française. moyen de réaliser en dix ans, au point de vue Révolution et d’arracher les peuples à ses Disponible aux Expéditions Pamphiliennes. matériel et intellectuel, des prodiges tels que mortelles étreintes, puisque Garcia Moreno, • Abbé Lémann, Dieu a fait la France l’imagination la plus audacieuse n’eût osé les dans cette Amérique anarchiste qui concevoir. Naturellement les démocrates désespérait Bolivar, l’a tenue quinze ans guérissable, Éditions Saint-Rémi, 1998. qu’il avait évincés du gouvernement, et frémissante à ses pieds. Seulement, pour • Jacques d’Arnoux, Les sept colonnes de même les théoriciens de l’Église libre dans délivrer les peuples de cette robe l’héroïsme. Disponible à la S. A. D. P. F. l’État libre firent rage contre lui ; mais son empoisonnée dont la Déjanire de 1789 les a bras de fer les écrasa toutes les fois qu’ils revêtus, il ne faut point qu’Hercule, je veux Adresses ouvrirent leurs serres pour ressaisir leur dire Bolivar, porte lui-même la tunique proie. Enfin, comme le peuple reconnaissant dévorante ; autrement, il mourra comme son - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- envers son bienfaiteur venait de lui confier peuple dans les convulsions d’une affreuse Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : une troisième fois la suprême magistrature, agonie ; il faut un Hercule chrétien, un 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. sa mort fut décrétée dans les loges Garcia Moreno, couvert de l’armure du maçonniques. Il l’apprit, et écrivit au pape Christ, c’est-à-dire des vérités sociales dont - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 cette parole sublime : « Puissé-je être jugé l’Église seule a le dépôt. Le vrai, le seul Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; digne de verser mon sang pour la cause de libérateur, c’est Jésus-Christ, parce qu’il est http://www.litoo.com. l’Église et de la société ! » la vérité, et que la vérité seule peut délivrer les peuples :Veritasliberabitvos . - Expéditions pamphiliennes, B. P. 51, Dieu l’en jugea digne : le 6 août 1875, il 67044 Strasbourg cedex, France. tomba sous le poignard de la Révolution. Sa dernière parole fut le cri du martyr : « Dios no Seul de tous les chefs muere, Dieu ne meurt pas ! » A l’Équateur, des d’états, depuis le péché jours de deuil et de désespoir suivirent originel de 1789 et la 99 l’exécrable assassinat. En Europe, aussi bien qu’en Amérique, retentit le nom à jamais déchéance des sociétés qui Prière à saint Michel Archange mémorable de Garcia Moreno. Pie IX éleva en a été la suite, Garcia une statue au nouveau Charlemagne dans Moreno a restauré le Saint Michel Archange, défendez-nous cette Rome dont il avait si noblement dans le combat ; soyez notre secours contre revendiqué les droits, et le congrès de gouvernement chrétien. la méchanceté et les embûches du démon. l’Équateur lui décerna ce solennel hommage : « Que Dieu lui commande », nous le Seul de tous les chefs d’états, depuis le demandons en suppliant ; et vous, Prince de « Considérant que l’excellentissime péché originel de 1789 et la déchéance des la milice céleste, repoussez en enfer, par la seigneur don Gabriel Garcia Moreno, par sa sociétés qui en a été la suite, Garcia Moreno puissance divine, Satan et les autres esprits puissante intelligence comme par ses hautes a restauré le gouvernement chrétien et mauvais qui rôdent dans le monde pour vertus, a mérité d’occuper la première place mérité le nom glorieux de régénérateur de la perdre nos âmes. Ainsi soit-il. entre tous les enfants de l’Équateur ; patrie ; seul, au milieu des rois soliveaux, des (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la princes décrépits, des vils flatteurs d’une vile récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, « Qu’il a consacré sa vie et son génie à la populace, en dépit des calomniateurs et des communion, visite d’une église avec prière aux intentions du régénération et à la grandeur de la assassins, il a donné au monde le noble exemple SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) République, en basant les institutions d’une inébranlable fermeté dans l’accomplissement politiques sur le fondement solide du du devoir ; seul, au milieu des tyrans et des principe catholique ; anarchistes qui s’abattent tour à tour sur les peuples pour vider leur bourse, leur esprit et « Qu’avec la magnanimité des grands leur cœur, il a comblé sa nation d’immenses et Au terrible torrent de boue constitué par les hommes, il affronta sans crainte la impérissables bienfaits dans l’ordre matériel, livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, diffamation, la calomnie et les sarcasmes intellectuel, moral et religieux ; seul enfin, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur impies, donnant ainsi au monde l’exemple héroïque martyr de la civilisation catholique, sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et unique d’une inébranlable fermeté dans il a donné son sang pour la noble cause qu’il a d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en l’accomplissement du devoir ; défendue : il apparaît donc comme le grand peut être assuré, est de leur opposer des écrits politique du dix-neuvième siècle, comme le salutaires et de les répandre. « Qu’il aima la religion et la patrie jusqu’à type trop longtemps perdu d’un sauveur de souffrir le martyre pour elles, léguant à la peuples. S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. postérité une mémoire illustrée de 9 l’immortelle auréole dont le ciel couronne les Voilà pourquoi nous avons cru que Garcia Les documents contrerévolutionnaires vertus héroïques ; Moreno ne devait point comme un météore reproduisent des textes de doctrine et passer au milieu de ses contemporains, sans d’histoire contrerévolutionnaires. Face au « Qu’il combla la nation d’immenses et laisser de trace après lui. Ne pas mettre en déferlement de littérature révolutionnaire à impérissables bienfaits dans l’ordre matériel, lumière une telle personnalité, ce serait ravir vil prix qui outrage la majesté divine, détruit intellectuel, moral et religieux ; à Dieu la gloire de ses œuvres, et à cet homme la morale chrétienne, incite aux pires péchés, de Dieu l’immortalité, à laquelle il a droit, et perd les âmes par millions, c’est le devoir « Et qu’enfin la nation doit gratitude, même sur cette terre. De plus, ce serait des catholiques de redoubler d’effort pour honneur et gloire aux citoyens qui, sous priver l’humanité d’un grand secours, car diffuser la saine littérature catholique. l’inspiration du plus pur patriotisme, savent l’histoire de Garcia Moreno donne au monde ainsi l’ennoblir et la servir : une leçon providentielle, la dernière peut- Abonnement gratuit sur demande. être avant le cataclysme que tout le monde « L’Équateur, par la voix de ses législateurs, prévoit et que lui seul a essayé de conjurer. Toutereproductionestautorisée. donne à Garcia Moreno le titre de Daigne le Dieu « qui ne meurt pas » rendre Régénérateur de la patrieet de Martyr de la fécond le sang du noble martyr, et susciter Correspondance : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 civilisation. Afin de recommander ce noble Côte-des-Neiges, Montréal (Qc), H3T 2A5, sur sa tombe d’autres régénérateurs assez Canada. Email : [email protected]. URL : héros à l’estime et au respect de la postérité, intelligents pour le comprendre, assez http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html il lui sera élevé une statue en marbre, portant courageux pour l’imiter ! Au nom et à la gloire de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, Fils de la Très Sainte Vierge Marie au Cœur Immaculé, Roi des rois, Seigneur des seigneurs, devant qui tout genou doit plier, au Ciel, sur terre et en enfer : Charte contrerévolutionnaire

Nous, soldats du Christ, enfants dévoués de la Sainte Église Catholique, Apostolique et Romaine, fils des Croisés qui délivrèrent la Terre Sainte, des Vendéens qui combattirent pour Dieu et le Roi Très-Chrétien, des Carlistes qui s’armèrent pour l’Espagne catholique et le Roi légitime, des Zouaves Pontificaux qui défendirent le Vicaire du Christ, des Cristeros qui luttèrent pour le Christ-Roi, nous refusons la Révolution, satanique par essence, qui s’efforce depuis des siècles de ruiner la civilisation chrétienne, et nous voulons que Jésus-Christ règne sur nous, sur les nations, sur le monde.

• Nous rejetons 1789, ses principes athées de • Nous reconnaissons qu’il n’y a de salut, pour liberté, d’égalité et de fraternité, de les hommes et pour les nations, que dans Jésus- souveraineté du peuple, ses droits de l’ homme Christ, et dans la soumission à Sa volonté dont révolutionnaires, sa démocratie maçonnique, l’Église catholique est l’unique interprète. ainsi que toutes leurs conséquences. • Nous reconnaissons que la Sainte Église • Nous refusons 1789 dans l’Église, le Catholique, Apostolique et Romaine est une modernisme, ainsi que tout aggiornamento société parfaite fondée par Notre-Seigneur révolutionnaire de notre foi entrepris par de Jésus-Christ, supérieure à toute autre société, et faux pasteurs, comme contraire à la gloire de nous lui reconnaissons tous les droits que Dieu Dieu et au salut de nos âmes. lui a conférés, notamment celui d’enseigner aux nations. • Nous haïssons le péché, le mal et l’erreur et nous ne leur reconnaissons aucun droit, pas plus • Nous cherchons uniquement la gloire de qu’à l’hérésie, à l’impiété, aux fausses religions. Dieu et les intérêts du Christ-Roi ; nous nous engageons à faire triompher, selon nos moyens, • Nous rejetons le libéralisme, le naturalisme, les droits de Dieu et de Son Église, et à ne le laïcisme, l’indifférentisme, le socialisme, le prendre de repos que lorsque le Sacré-Cœur de communisme intrinsèquement pervers, le Jésus et le Cœur Immaculé de Marie régneront national-socialisme, le nationalisme xénophobe sur le monde. et toute autre doctrine ennemie de Notre- Seigneur Jésus-Christ. • Nous reconnaissons à la vérité le droit d’user de la force pour s’imposer face aux erreurs. • Nous refusons à la volonté générale le droit de faire la loi ; nous rejetons toutes les lois • Nous reconnaissons que tout pouvoir décrétées par les démons à face humaine et légitime ne vient que de Dieu ; en présence de contraires à la Très Sainte Loi de Dieu comme toute usurpation du pouvoir, nous professons nulles et non avenues. qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes.

• Nous refusons la séparation de l’Église et de • Nous voulons un État catholique qui l’État ainsi que la laïcité de l’État. remplisse son premier devoir en rendant à Dieu le culte public qui Lui est dû, qui favorise la • Nous combattons les sectes maudites issues religion, protège l’Église Catholique et réprime de l’enfer, notamment la franc-maçonnerie, et l’hérésie et l’impiété ; nous reconnaissons que toutes les conjurations impies. Rois et chefs d’État sont avant tout serviteurs de Dieu et lieutenants du Christ. En présence des fureurs exercées par le démon dans le monde entier, l’armée chrétienne doit combattre.

Saint Léon le Grand Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 15— Mai 2001

toutes les révolutions suspendues sur nos Nous ne le pensons pas. Le prélat allègue Du pouvoir têtes, celle qui ressusciterait cet ordre bien ici que les Anglais s’attendaient à être politique périmé est la moins à craindre ou à traités plus civilement par la cour de Rome, indirect des papes espérer, comme on voudra. Mais il existe parce qu’on était déjà loin du temps de encore des individus chrétiens dans ces Boniface VIII. En effet, il s’écrie : « Et après nationalités qui ne sont plus constituées même que le protestantisme fut venu 9 chrétiennement, et il appartient au pape de changer si profondément l’état de l’Europe, décider, dans des cas multiples, ce que ces Paul III, dans la fameuse bulle qui individus doivent à César et ce qu’ils doivent excommuniait Henri VIII, » etc. Mais il y a à Dieu. ici un anachronisme patent. Du temps Abbé Jules Morel, Somme d’Henri VIII, du temps de la bulle de Paul contre le catholicisme libéral, Résumons déjà. Si le pouvoir indirect n’a III qui l’excommuniait, en 1537, quinze ans aucun rapport avec le privilège de après que Luther avait brûlé la bulle de Léon Société générale de librairie l’Infaillibilité personnelle, et si la république X sur la grande place de Wittemberg, non, le catholique, 1876, tome II, chrétienne n’existe plus et ne pourrait protestantisme n’avait pas changé si ressusciter que par un miracle auquel profondément l’état de l’Europe. La pp. 545-564. personne ne croit, ni les amis ni les ennemis, déclaration de guerre était faite sans doute, le comment se fait-il que Mgr Dupanloup protestantisme s’annonçait au monde cherche son principal argument contre comme la plus puissante déformation que l’opportunité de la définition pendante, dans l’Église aurait à subir. Mais l’hérésie Y Y Y l’usage que les papes ont fait autrefois de leur luthérienne était naissante, elle avait encore pouvoir très-direct sur le temporel des rois, si la faiblesse de l’enfance, et avec un peu l’on considère l’effet qu’ils se proposaient, et d’entente entre les princes et un peu de zèle gr Dupanloup met au nombre des très-indirect néanmoins, si l’on compare la religieux au milieu de leurs intérêts Mplus grands épouvantails qui manière dont ce pouvoir leur est échu, avec la divergents, il était facile de l’étouffer dans devraient rendre inopportune la délégation qui leur a été faite son berceau. Rien n’était changé dans l’état définition de l’Infaillibilité personnelle, le immédiatement par le Christ du pouvoir de l’Europe « profondément. » Le maintien souvenir toujours vivant et toujours souverain sur les personnes et les choses de l’antique unité catholique s’offrait inquiétant, suivant lui, du pouvoir indirect ecclésiastiques ? Car c’est là toute la raison du naturellement aux esprits comme le résultat des papes sur le temporel des rois. Suivant démêlé d’un jour qui a existé entre Sixte- certain d’une première campagne conduite nous, l’Infaillibilité personnelle n’a rien à Quint et Bellarmin, au sujet de ces diverses avec prudence et bravoure. voir en cette affaire, puisque le pouvoir dénominations. indirect ne relève aucunement de la Le droit public chrétien s’affirmait dans prérogative pontificale en question. Les Quoi qu’il en soit, le prélat cite à ce propos toute sa splendeur, connu, professé et admis papes, qui en ont usé plus qu’ils n’en useront, la bulle de Paul III, qui déclare Henri VIII, partout ; contesté, oublié ou périmé nulle se sont-ils jamais crus infaillibles dans le autrefois décoré par Léon X du titre de part. Comment en eût-il été autrement ? Il y jugement pénal qu’ils portaient sur tel ou tel Défenseur de la foi, déchu de la couronne et avait moins d’un siècle que les Pères de souverain prévaricateur ? Nullement, car ils ses sujets déliés du serment de fidélité pour Constance et de Bâle l’exprimaient dans agissaient, en pareille occurrence, comme cause de persécution que le tyran faisait subir toute sa verdeur, et l’appliquaient sans le juges d’un fait, et les papes n’ont jamais à cette même foi. Une passion d’adultère que moindre ménagement aux princes, aux rois, prétendu à l’Infaillibilité sur les faits, sauf six mariages, entremêlés d’échafauds, ne aux empereurs ; témoin la conduite de ces deux exceptions, les faits dogmatiques et les purent assouvir, avait changé le fidèle assemblées envers les Hussites, et les faits de canonisation, l’une sans laquelle leur croyant et militant en hérésiarque croisades qu’elles prêchèrent contre les infaillibilité doctrinale serait illusoire, et persécuteur. Mgr Dupanloup affirme que hérétiques d’une grande partie de l’autre sans laquelle ils ne pourraient pas cette bulle imprudente du Farnèse irrita l’Allemagne. Quelle meilleure preuve, pour le même affirmer la sainteté de la liturgie. profondément les Anglais, attachés à un faire remarquer en passant à Mgr prince si intéressant, et que cette bulle, aussi Dupanloup, de la disjonction qui existe Le pouvoir indirect sur le temporel des rois inopportune dans le temps que l’infaillibilité visiblement entre l’infaillibilité personnelle relève donc uniquement de cette fonction du pape dans le nôtre, fut probablement la du pape et la doctrine consacrée par la bulle spirituelle des papes qui remet entre leurs cause de la défection de l’Angleterre. Mais Unam Sanctam ! Car les Pères des conciles mains la décision suprême de tous les cas de Mgr Dupanloup ne sait pas tout, nous nous suisses, d’ailleurs exemplairement conscience, en fait comme en droit. Le pape trompons, il ne veut pas tout dire. Il a voulu décennaux, Constance, Bâle et Lausanne, a été de tout temps le préfet de cette sacrée- ménager Rome, qui est bien plus coupable au n’étaient pas ultramontains que nous congrégation de la Pénitencerie, pour les regard de l’Angleterre, si tant est qu’elle soit sachions ; ce qui ne les empêcha pas de laisser affaires ecclésiastiques extraordinaires, et il a coupable. Nous, nous dirons toute la vérité, le pouvoir indirect intact entre les mains de encore occasion d’y faire apparaître sa rien que la vérité. Martin V, d’Eugène IV, et même, faut-il le primauté de juridiction, fréquemment dire, entre les mains débiles du pontife invoquée dans ces derniers temps, Paul III, qui a attaché son nom à la savoyard de la villa Ripaille, l’antipape Félix ! relativement à ce qu’on est convenu convocation du concile de Trente et à la d’appeler « les cas de conscience politiques. » fondation de la sainte et glorieuse Or le premier article de cette constitution Il est vrai que ces cas de conscience ne Compagnie de Jésus, avait-il donc pu tant catholique de l’ancien monde, respecté des s’appliquent plus à la légitimité ou à scandaliser les Anglais en arrachant d’une schismatiques comme des autres, portait l’illégitimité du souverain, puisqu’il n’existe tête infâme la couronne de saint Édouard ? qu’un prince hérétique opiniâtre ne pouvait plus de république chrétienne, et que, de 2 Les documents contrerévolutionnaires no 15 — Mai 2001 régner sur aucun peuple chrétien, et ce point a plus de saints papes canonisés que saint que de souffrir davantage, thaumaturge après était tellement avoué, que, dans tous les Célestin V, un saint anachorète qui convint sa mort comme pendant sa vie. Avez-vous démêlés semblables entre les couronnes et la lui-même de son insuffisance au bien cette fois la sainteté unie avec la papauté, les royaux accusés ne se défendaient gouvernement de la chrétienté ; et après papauté, et toutes les deux couronnées par la saint Pie V, il n’y a plus de saints papes, non plus vaste intelligence ? Sachez maintenant Le premier article de cette plus, dans la plénitude du mot, quoiqu’il y en ou souvenez-vous que saint Pie V a fait tout ait toujours qui ont gardé une bonne part de ce qui vous offusque dans la bulle de Boniface constitution catholique de ses vertus, avec ou sans son nom. VIII. Il a distribué des couronnes, témoin la l’ancien monde portait couronne grand-ducale posée sur la tête des qu’un prince hérétique Cette position unique de saint Pie V en fait Médicis pour services exceptionnels évidemment un type dans l’Église, un phare, pendant la campagne contre l’islamisme, et il opiniâtre ne pouvait régner ou plutôt une colonne de feu. Il n’est plus du a arraché la couronne à une bâtarde qui ne sur aucun peuple chrétien. moyen âge qu’avait ouvert saint Grégoire méritait pas de la porter, malgré son grand VII, il appartient à la fâcheuse Renaissance, cerveau de princesse ; oui, saint Pie V a et il ouvre les temps modernes. Si l’on veut déposé Elisabeth d’Angleterre ! pas autrement qu’en niant qu’ils fussent connaître l’esprit de l’Église, et s’orienter hérétiques. Aucun d’eux n’avait encore osé dans ces fallacieux arcanes de la philosophie Si donc il y a dans la liste des papes un dire : Je suis hérétique et je reste roi ! Il n’y de l’histoire, qui ont trompé plusieurs têtes successeur de Pierre, à qui les admirateurs de avait donc rien de bien étonnant qu’au trop attachées à leur propre sens, il faut Bossuet et du premier article de la premier moment ou un pareil état de choses absolument interroger saint Pie V. Eh bien, Déclaration puissent reprocher d’avoir était menacé de dislocation, à l’aurore de la qu’est-ce que pensait saint Pie V du aliéné l’esprit des Anglais de toute idée de prétendue réforme, le pape régnant alors se « fougueux Hildebrand, » des prétentions de retour à l’obédience du Saint-Siège, s’ilyaun soit conformé aux vieux us, et ait lancé la cour de Rome sur le temporel des rois, du auteur du No-popery sur les bords de la contre Henri VIII l’anathème auquel il droit public invoqué dans la bulle Unam Tamise, n’allez pas chercher le coupable dans s’attendait, avec les conséquences qui sanctam et appliqué dans les lettres la personne de Paul III, de ce Farnèse qui suivaient toujours en pareil cas. Un pape apostoliquesAusculta, fili mi ? Il en pensait avait commencé par la vie conjugale, qui agissant autrement eût bien plus surpris les exactement comme saint Grégoire VII et avait une famille à pourvoir selon son rang, et Anglais que Paul agissant comme il le faisait. l’indomptable Boniface VIII. qui devait être si mal récompensé de ses largesses envers son sang, jusqıı’à ce qu’il en Mais cette île, qui consultait depuis Cependant il n’ignorait pas plus les fût sorti cet héroïque Alexandre dont la longtemps ses intérêts égoïstes et restait mal infirmités du dixième siècle que l’illustre gloire supérieure faisait le dépit du Béarnais, jointe avec le corps de la chrétienté, cette Baronius, et il ne s’en croyait pas plus Paul III qui avait tant de côtés magnanimes, race anglo-saxonne, qui voulait se faire une empêché dans l’usage de ses prérogatives que avait encore trop de côtés humains pour situation indépendante de l’Europe, se son incomparable devancier du onzième désespérer la politique anglaise, toujours si gouverner d’après la sagesse de Rome siècle. Il ne croyait peut-être pas tout le mal habile à les exploiter. Mais prenez-vous en à païenne et accroître la domination de sa que les Luitprand, les Guichardin et autres, saint Pie V, qui n’a point de famille, qui n’a marine libre, au point d’exploiter le globe qui ne s’accordent guère avec le vénérable point de faiblesse, lui, le pontife virginal, qui sans concurrence, ce à quoi elle a trop bien Flodoard, avaient dit de ce siècle de fer. Mais arrive à la papauté quand l’Angleterre a réussi pour sa gloire temporelle et le malheur enfin il avait étudié les misères de cet âge, où consommé son schisme, qu’elle s’est repentie du reste du monde ; en un mot, la fière et une nouvelle humanité chrétienne se de ses velléités de conversion pendant la jalouse aristocratie britannique espérait bien pétrissait des restes décrépits de la légation du cardinal Polus, qu’elle s’est que, grâce à son crédit, à son opiniâtreté, à civilisation romaine avec la sève sauvage des débarrassée de sa reine Marie, et que tout ses ressources déjà prépondérantes, peuples du Nord : incubation gigantesque sourit dans les fait accomplis au triomphe de l’Angleterre se maintiendrait dans son qui devait renouveler la race et la sanctifier son crime national, sous une reine horrible et isolement hérétique et appellerait à l’imiter peu à peu sans lui faire perdre ses énergies adulée ; en un mot, comme on pourrait le dire d’autres peuples dont elle se ferait un primitives. Il connaissait de même ses cette fois sans anachronisme, « après que le rempart contre Rome chrétienne, et que prédécesseurs moins pieux de la fin du protestantisme fut venu changer si cette assiette une fois prise dans le concert quinzième siècle. Il avait lu le journal de profondément l’état de l’Europe. » Voilà le des grandes puissances, elle ferait tomber la l’Infessura plus attentivement que nos Janus coupable, le vrai coupable, s’il y en a un à prétention des papes à gouverner la moralité contemporains, et cependant il ne contestait Rome. Voilà celui que les Anglais ont dû de la république du Christ, elle supplanterait pas plus à Alexandre VI son bon droit d’avoir regarder comme l’expression adéquate du le droit des gens catholique par celui de partagé le nouveau monde entre les système papal dans ses rapports avec les Grotius et de son école, elle frapperait de Espagnols et les Portugais qu’à saint États. Pour eux, Paul III est peu de chose, désuétude les lois du moyen âge, et que les Grégoire VII d’avoir déposé Henri IV Boniface VIII, venu pour d’autres temps, successeurs de Paul III, devant cet d’Allemagne, quand cet impie fut descendu n’est pas beaucoup plus à redouter. Mais amoncellement d’impossibilités, ne au fond de l’abîme de tous les maux. C’est saint Pie V est tout le mal à leurs yeux, tout songeraient pas plus aux armes rouillées de qu’il était trop théologien pour ignorer que la dans leurs préoccupations hostiles ; lisez les l’excommunication des rois que si elles sainteté, qui est bonne, très-bonne dans un annales de leur parlement et de leur n’étaient jamais sorties des musées de pape, n’est nullement nécessaire à la diplomatie, elles rendent témoignage de l’époque gothique, où les touristes vont les possession et à l’exercice des droits leurs soucis en cent endroits divers, et c’est visiter aujourd’hui. apostoliques. Le saint pape et le pape qui ne saint Pie V que vous devez nommer, si vous l’est pas ne sont que des vicaires, et Jésus- avez le courage de vos opinions gallicanes. Cependant les choses ne se passèrent pas Christ est toujours le souverain pontife et tout à fait de la sorte. Trente ans après Paul roi. Cependant, prenez garde, sachez bien à III, au moment où finissait le concile de quoi vous vous engagez en faisant de saint Pie Trente, si cahoté dans son existence, que ce Mais enfin, puisqu’on veut un pape saint V l’obstacle insurmontable à la conversion pape avait inauguré, on vit monter sur la pour user des droits les plus exorbitants de l’Angleterre. Saint Pie V a-t-il été avoué chaire de saint Pierre un homme de grêle attachés aux clefs de saint Pierre, nous en ou désavoué par l’Église ? Toute la question apparence qui allait devenir le plus grand tenons un de la plus unanime renommée, est là dorénavant entre vous et nous. homme du monde moderne. Il porte le nom saint Pie V, religieux mendiant, vainqueur de Ouvrons les registres de l’histoire des de saint Pie V. Arrêtons-nous devant cette Lépante, sanctificateur de Rome néo- seizième, dix-septième, dix-huitième et dix- figure, non pas autant qu’il faudrait pour la païenne, plus grand que saint Grégoire VII, neuvième siècles. contempler, mais de grâce, un instant ! Saint par la haute magistrature de l’Inquisition que Pie V constitue un étrange phénomène, un celui-ci n’exerça pas, rénovateur du bréviaire Le cardinal Félix Perretti, qui avait préparé phénomène bien significatif dans l’Église de romain que toute l’Église latine récite déjà, et la bulle de déchéance d’Elisabeth, devenu à Jésus-Christ. Il arrive cinq cents ans après que Mgr Dupanloup va bientôt réciter, son tour Sixte-Quint, tient, à l’occasion saint Grégoire VII et trois cents ans avant réformateur des ordres religieux, martyr des d’Henri de Navarre, la même conduite que Pie IX. Entre saint Grégoire VII et lui, il n’y plus intolérables douleurs, sans autre vœu son ancien protecteur saint Pie V. Clément Les documents contrerévolutionnaires no 15 — Mai 2001 3

VIII les imite tous les deux. Les évêques et assiste à la révolution de 1830, et adresse son dire, l’honneur des races chrétiennes exigeait les abbés autrefois demandés par Boniface bref aux évêques de la province du Rhin pour cette démonstration, même quand il se VIII pour s’entendre au sujet des affaires de les prémunir contre ceux dont la sagesse fourvoyait. Faire croire à des races courbées France, se succèdent sans relâche sur les adultérine voudrait rendre l’Église humaine : sous le joug des idoles et de l’esclavage voies qui conduisent à Rome, et le pape ne humanam faciunt Ecclesiam. Enfin, quand invétéré que les despotes par leur naissance reconnaît Henri de Bourbon pour roi des l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, accomplissent, sont de droit divin, à tel point qu’ils peuvent Français qu’après l’absolution des censures, les dernières, leur sécession définitive du faire de leurs sujets tout ce qu’ils veulent sans et la pénitence imposée au prince relaps en la droit chrétien, Pie IX est là debout, son perdre un rayon de leur diadème, et que personne de ses procureurs, d’Ossat et du Syllabus à la main, qui ressemble d’autant l’humanité ne pourra être délivrée de ces Perron. Le cardinal archevêque de Sens non- mieux aux doctrines de saint Grégoire VII et monstres qu’autant que leur dynastie seulement se soumit à cette sentence, mais de saint Pie V, qu’on le regarde de plus près : s’éteindra dans la stérilité, c’est déjà une encore il en exalta la doctrine dans sa réponse Accuratius. grande œuvre d’obscurantisme et de à Messieurs du tiers-état, aux états généraux pacification à tout prix. Mais essayer de de 1614. Paul V continua les traditions Ainsi, saint Pie V a dominé bien transporter « ces excès dans le dogme », au romaines et universelles dans sa bulle réellement les temps nouveaux, et il a trouvé sein des nations qui ont jadis vécu sous le monitoriale à la république de Venise, des héritiers vraiment fidèles de ses droit chrétien, et qui en gardent malgré tout ingrate et imprévoyante ! traditions et de son courage. Aujourd’hui des vestiges, est-ce possible, est-ce prudent, tout est écroulé et les ruines mêmes est-ce modéré ? Cependant des Français, atteints déjà de disparaissent. Non-seulement il n’y a plus de cette anglomanie qui les remit sur la piste des république fédérative chrétienne, mais il n’y Mgr Dupanloup parle du mauvais effet prétentions de Philippe le Bel, parlent de a plus nulle part, dans toute l’étendue de la produit par une opinion romaniste qui aspire revenir à la séparation absolue du spirituel et mappemonde, une seule nation constituée à devenir un dogme, sur l’esprit des fidèles du temporel. Des évêques de cour chrétiennement, et tout ce qu’ilyadeplus qui ne sont pas théologiens. Il excelle à faire accueillent cette ouverture timidement impossible à prévoir, c’est la résurrection miroiter cet esprit sincère et indépendant d’abord. Plus tard, ils découvrent dans les d’un empire chrétien. On ne peut pas même qui s’effraye, se cabre et pourrait bien victoires de Louis XIV des arguments qui espérer une Sainte Alliance comme celle de reculer, si on ne capitulait pas à propos, avec fortifient leur conviction. Les quatre articles 1814, cette pauvre Sainte-Alliance, composée opportunité. Qui ne reconnaîtrait à cette sont rédigés et signés ; mais ils sont répudiés d’hérétiques, de schismatiques et de photographie l’original de ces catholiques par tous les clergés catholiques de l’Europe, catholiques, Anglais, Russes et Autrichiens, éminents de l’Église enseignée dont l’esprit et la Déclaration est anathématisée par qui, voulant remercier le Dieu des armées et savant et lettré fait à l’Église enseignante des Innocent XI, vénérable, et par Alexandre des victoires par une cérémonie religieuse, offres de services dangereuses à refuser ? VIII, sur son lit de mort. Le dix-huitième célébrée sur la place de la Concorde, et Nous savons qu’après avoir été siècle, qui devait être le tombeau de la trouvant les catholiques trop chrétiens, les ultramontains, ils sont redevenus gallicans, monarchie infidèle à sa mission, s’inaugure anglicans trop peu, fut obligée de faire par horreur de la dictature, même dans le par la Régence. Rome reste fidèle à la sienne. monter à un autel de parade autour duquel pape. Alors nous demandons à Mgr Elle place saint Pie V sur les autels par les s’agenouillèrent les souverains alliés, quoi ? le Dupanloup, qui les connaît bien, comment mains de Clément XI et saint Grégoire VII rebut des hommes d’Église, des popes ! ces chatouilleux de dignité politique par celles de Benoît XIII. Elle les inscrit tous s’arrangent si aisément du dogme de les deux au missel et au bréviaire romains, Mais, grâce à la sainte Église romaine, les l’inamissibilité des couronnes défini par avec des légendes telles, qu’elles font principes subsistent. L’histoire, la grande Bossuet, et comment ils concilient ce dogme frissonner d’horreur les oreilles gallicanes, histoire du monde, n’a d’honneur et de avec leur chère théorie de la pondération amies de la prudence et de la modération. Au logique qu’en suivant leur fil conducteur, et parlementaire et du gouvernement du pays fait, il est impossible d’exprimer en termes si vous prétendez que des nations ont des par lui-même ? Il est clair qu’ilyaune plus énergiques la théorie du droit pontifical griefs plausibles contre la papauté, des solution de continuité dans leur synthèse, et sur la conduite des sujets et des souverains motifs avouables de persister dans leur chute qu’ils procèdent ici par amalgame, suivant baptisés. Les nouveaux saints sont exclus du que l’ultramontanisme aurait préparée, à peu leur coutume déjà ancienne. paradis gallican, tel que les évêques partisans près comme celle du père Hyacinthe, alors de cette erreur entendent le composer. Des n’équivoquez pas, allez droit au suprême Mais l’histoire de l’humanité est plus mandements paraissent pour justifier cette délinquant, évoquez le nom de saint Pie V, et logique. Elle poursuit sa marche à travers les expulsion, et le pape les met à l’index, sans faites-lui son procès ; à moins que vous rancunes académiques et les amour-propres s’inquiéter autrement de la colère des prélats n’aimiez mieux placer sur la sellette notre de coteries, comme un fleuve à qui le niveau condamnés. bien-aimé Pie IX, qui a brûlé les bréviaires fléchissant du terrain trace son lit entre les gallicans et remis entre nos mains obstacles de collines et de montagnes. Aussi Maintenant, voyons venir la Révolution sacerdotales le vrai bréviaire de saint Pie V, qu’avons-nous vu, et que sommes-nous qui s’avance, fille et héritière de la réforme avec sa légende non mutilée et la légende menacés de voir encore ? Les papes ne jugent protestante. La papauté, vaincue par le aussi entière de saint Grégoire VII. Telle est plus les rois, au contraire, les rois jugent les protestantisme dans la moitié de l’Europe, la portée véritable de l’acte d’accusation que papes : Très-saint Père, votre gouvernement va-t-elle capituler devant la Révolution qui vous avez puisé dans la Défense de la est détestable, prenez donc ce code, faites en emporte l’autre moitié, et qui menace de Déclaration, et que vous prétendiez ceci, ne faites pas cela. On a même entendu se venger sur Rome de tous les anciens griefs restreindre à l’ombre inoffensive de Paul III. en plein sénat une jeune Altesse conclure un accumulés d’âge en âge en remontant Il vous suffisait de viser à hauteur de pape, et long discours contre le régime des États jusqu’aux Gibelins ? Ange Braschi est élu au voilà que vous avez tiré à hauteur de saint : romains par une péroraison dont le premier conclave de 1775 et prend le nom sans Sanctissimus Pontifex Pius quintus, comme dit mot traduit en latin devrait être : Ausculta, équivoque de Pie VI. Il donne la bulle la sixième leçon de l’office du 24 mai, tracée Patermi! — Très-bien, mais parce que les rois Auctorem fidei à laquelle une partie trop par la main de Pie VII reconnaissant ! ne sont plus jugés par les papes et que les grande du clergé français a le tort de faire la papes sont jugés par les rois, est-ce que pour sourde oreille, parce qu’elle découle de la Après avoir posé la question telle qu’elle cela les rois ont cessé d’être jugés ? Au même source que la bulleUnam sanctam . La est dans la sincérité, adressons-nous à Mgr contraire, ils n’ont jamais tant été jugés et Révolution éclate dans sa fureur. Pie VI en Dupanloup, et demandons-lui de vouloir jugés si mal ; et ils le deviendront de plus en devient la victime, ce qui ne l’empêche pas de bien répondre, la main sur la conscience. plus jusqu’à l’extinction non-seulement des condamner lesDroits de l’homme par un bref Peut-il espérer qu’en délivrant les monarques rois, mais de la royauté ! aux Avignonnais, et il meurt à Valence entre du tribunal des papes, il va raffermir la les mains des démagogues. Cette fin couronne sur leurs têtes, et la rendre Ce déplacement de la haute juridiction misérable aux yeux du monde n’intimide inamovible ? Nous savons bien que telle est la internationale devant qui comparaissent les guère son successeur, qui semble vouloir prétention du premier article de 1682. Mais rois, a commencé avec le dépècement de la s’assurer les mêmes outrages en prenant le l’histoire a bien démontré que cette république chrétienne par le protestantisme, nom de Pie VII. On sait le reste. Pie VIII prétention était une chimère, et, il faut le et a suivi diverses phases jusqu’à la révolution 4 Les documents contrerévolutionnaires no 15 — Mai 2001 qui grandit toujours. Charles Ier et Louis XVI catholique un serment que nous n’avons pas irréparable au gouvernement de la sainte sont descendus à la barre de conventions prêté, et dont le refus devrait rassurer tous Église, qu’ils avaient pleine puissance de nationales, qui cédaient à l’envie de s’élever les souverains du monde, mieux que ne régir, quand il les accuse de s’être mis en dans leur orgueil en abattant des têtes si feraient tous les serments raffinés qu’ils travers « du grand œuvre d’illumination et de hautes dans l’opinion des peuples. Or cette proposent à notre allégeance. On peut voir pacification religieuse » dont ils devaient être espèce de blason, qu’elles voulaient se dans une excellente revue de Florence : les instruments, alors tout catholique peut donner en s’investissant d’une magistrature Archivio dell’ Ecclesiastico, la collection très- intervenir dans le débat, et mieux encore le usurpée, les inclinait au moins à respecter un complète des serments présentés au clergé premier prêtre ultramontain venu. D’autres long simulacre de formes judiciaires. Mais la catholique depuis la Réforme jusqu’à la prêtres l’ont fait avant nous, à leur risque et source de tout respect était tarie, et bientôt Révolution, comme conditionsine qua non de péril : témoins ces quatre docteurs de on se passa de cette hypocrisie fatigante. l’exercice de son ministère. Dans ce Sorbonne, quatre seulement ! qui allèrent L’insurrection de la populace devint le plus volumineux dossier, on trouve une formule expier dans l’exil leur répulsion pour l’œuvre saint des devoirs et le seul religieusement célèbre sous le nom de Serment de haine à la révolutionnaire de 1682. Cette maxime du accompli. Aujourd’hui le décret qui frappe royauté, proposée par la République française droit hiérarchique sera la règle de notre un souverain de déchéance et de mort est après la terreur. Or, le gallicanisme, conduite, jusqu’à ce que le pape en ait décidé réduit à la plus simple formalité. Il est porté représenté par ses docteurs les plus autrement. dans une vente de Carbonari ; le poignard ou respectables, inclinait à accepter cette la bombe se charge de l’exécuter. Souvent formule aussi courtisanesque envers la En résumé, peut-être sans y penser, mais à même les souverains ne valent plus la peine République impie, que le premier article de coup sûr dans la réalité, Mgr Dupanloup a d’un assassinat, judiciaire ou non. Ils courent la Déclaration avait été servile devant la lancé un trait de blâme par derrière et par- à la frontière sans qu’on les poursuive de trop monarchie césarienne de Louis XIV. Déjà dessus la tête de Paul III, à la face auguste de près. Ils se sauvent comme des faillis dont la plusieurs avaient faibli, suivant en cela saint Pie V, et nous, nous avons voulu réparer spéculation monarchique a mal tourné ; et si l’hérésie du moindre mal, quand les à la hâte, avant l’ouverture du Concile, l’on ne songeait aux millions qu’ils ultramontains, les théologiens de la bulle l’auréole blessée du patron choisi par le pape emportent peut-être dans leur portefeuille, Unam sanctam intervinrent. Pie VI approuva qui va le présider. on rirait plutôt qu’on ne s’indignerait de leur la décision qu’ils donnaient de ce cas de fuite. « Les rois s’en vont ; » encore un qui conscience politique, et les prêtres français, part ! dociles à cette voix papale qu’ils recherchent avec amour dans la pratique tout en la 99 Et c’est dans ce piteux état qu’ils contestant quelquefois en théorie, se prendraient peur des papes ! vouèrent de nouveau à l’exil et à la persécution, plutôt que d’assumer sur leur Bulle Unam Sanctam L’histoire des papes n’est- tête la responsabilité d’un anathème plein S. S. Boniface VIII elle pas faite pour montrer d’injustice et d’ingratitude. 18 novembre 1302 que le Saint-Siège est le A la fin de cette étude sur le pouvoir des véritable ami des rois, qu’il papes au moyen âge, conduite d’une manière tout opposée, nous l’avouons, à la théorie a foi nous oblige instamment à croire et en a maintenu des centaines sulpicienne de M. Gosselin qui prend l’effet Là tenir une Église, sainte, catholique et pour la cause, Mgr Dupanloup peut nous apostolique. Nous y croyons sur le trône pour quelques fermement, nous la confessons indignes qu’il en a fait demander pourquoi nous réveillons des souvenirs si intempestifs, et que le plus simplement. Hors d’elle, il n’y a pas de salut descendre ? vulgaire bon sens devrait nous persuader de ni de rémission des péchés, puisque l’époux laisser dans l’oubli, où ils ne demandaient proclame dans le Cantique : « Unique est ma qu’à disparaître. Nous lui répondrons que colombe, unique ma parfaite, l’unique de sa Les têtes encore couronnées se laisseront- mère, préférée de celle qui l’enfanta » [Ct 6, elles épouvanter par des chimères au rebours l’histoire est fouillée de nos jours comme le champ du père de famille de la fable, dans 9]. Elle représente l’unique Corps mystique du bon sens ? Iront-elles chercher des dont le Christ est la tête, Dieu étant celle du craintes là où il n’y pas sujet de craindre, et l’espérance impie d’y trouver un trésor d’objections invincibles sur l’action de la Christ. En elle, il y a « un Seigneur, une foi, un voudront-elles se rassurer là où tant de points baptême » [Ep 4, 5]. Unique fut, en effet, noirs sont menaçants à l’horizon ? L’histoire papauté dans le monde. Mais l’histoire, la vraie histoire ne nous fait pas peur comme à l’arche de Noé au temps du déluge ; elle des papes écrite sans passion, n’est-elle pas figurait par avance l’unique Église. Achevée faite pour montrer que le Saint-Siège est le lui. Nous ajouterons que tout ce que nous venons deprétendument révéler, se trouve « à une coudée » [Gn 6, 16], elle eut un unique véritable ami des rois, qu’il en a maintenu des pilote et un unique chef : Noé. Hors d’elle, centaines sur le trône pour quelques indignes équivalemment dans des ouvrages mal digérés et mal écrits, que l’Académie nous l’avons lu, tout ce qui existait sur terre qu’il en a fait descendre ? En tout cas les fut détruit. papes n’ont jamais été des irréconciliables. française n’en a pas moins primés On ne le sait que trop. dernièrement :les Martyrs de l’Inquisition , par Jules Bonnet de Lausaunne, les Fondateurs de Elle, l’unique, nous la vénérons, comme le la liberté de conscience, par Dargaud, un Seigneur dit par son prophète : « Dieu, La dynastie protestante d’Angleterre peut délivre mon âme de l’épée, et de la patte du voir en particulier quelle confiance elle doit chiromancien de nouvelle espèce qui devine tout sur les lignes du nez, sans parler de la chien, mon unique ! » [Ps 22, 21]. Car il a prié à accorder au clergé catholique, depuis qu’elle la fois pour l’âme, c’est-à-dire pour lui-même, a relâché les chaînes d’une législation longue et fausseHistoire de France , par Henri Martin. la tête, et pour le corps, puisqu’il a appelé le inconséquente à son principe. Qui devait corps son unique, c’est-à-dire l’Église, à cause être plus tenté que les prêtres irlandais de l’unité de l’Église en son époux, dans la foi, d’accueillir les offres du fénianisme des deux Il pourra aussi nous demander de quel droit un membre du clergé inférieur donne dans les sacrements et dans la charité. Elle mondes ? Et cependant ils ont résisté à cette est la tunique sans couture [Jn 19, 23] du séduction de vengeance jusqu’à risquer leur son avis doctrinal, une manière d’avertissement sur l’œuvre d’un prélat Sauveur, qui n’a pas été déchirée, mais tirée popularité. Ces garanties spontanées valent au sort. mieux, si les ministres de la couronne agissant dans l’exercice de ses fonctions britannique sont intelligents, que des pastorales. A Dieu ne plaise que nous ajoutions un flot de plus à ce débordement C’est pourquoi cette Église, une et unique, serments rédigés de façon à déshonorer ceux n’a qu’un corps, une tête, non deux têtes qui seraient forcés de les prêter. Car le d’insoumission qui monte toujours ! Si Mgr Dupanloup n’avait mis en cause que ses comme les aurait un monstre : c’est le Christ serment suppose la délicatesse de la et Pierre, vicaire du Christ, et le successeur conscience, et quand cet esprit de délicatesse subordonnés, sa dignité eût imposé silence à nos réclamations. Mais quand un évêque s’en de Pierre, selon ce que le Seigneur a dit à s’évanouit, il ne reste du serment que la lettre Pierre lui-même : « Pais mes brebis » [Jn 21, morte. On le voit tous les jours. prend à des papes d’heureuse ou de sainte mémoire, quand il les dénonce comme ayant 17]. Il dit « mes » en général, et non telle ou telle en particulier, ce qui fait comprendre Il y a d’ailleurs dans les archives de l’Église failli d’une manière grave et peut-être Les documents contrerévolutionnaires no 15 — Mai 2001 5 que toutes lui ont été confiées. Si donc les • Mgr Gaume,La peur du Pape , Éditions Grecs ou d’autres disent qu’ils n’ont pas été Saint-Rémi, 1999. confiés à Pierre et à ses successeurs, il leur faut reconnaître qu’ils ne font pas partie des • Vicomte de Falloux,SaintPieV , réédition brebis du Christ, puisque le Seigneur dit dans Éditions de Chiré, 1978. Disponible à la S. A. saint Jean : « Ilyaunseul bercail et un seul D. P. F. pasteur » [Jn 10, 16]. • Saint Alphonse de Liguori, Traité sur le Pape et sur le Concile, réédition 1975. Les paroles de l’Évangile nous Disponible à la S. A. D. P. F. l’enseignent : cette puissance comporte deux glaives, à savoir le spirituel et le temporel... Adresses Tous deux sont donc au pouvoir de l’Église, le glaive spirituel et le glaive matériel. Mais - Expéditions pamphiliennes, B. P. 51, celui-ci doit être manié pour l’Église, celui-là 67044 Strasbourg cedex, France. par l’Église. Celui-là par la main du prêtre, celui-ci par celle des rois et des chevaliers, au - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 consentement et au gré du prêtre. Le glaive Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; doit donc être subordonné au glaive et http://www.litoo.com. l’autorité temporelle soumise à l’autorité spirituelle... La puissance spirituelle doit - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- l’emporter en dignité et en noblesse sur toute Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : espèce de puissance terrestre, nous devons le 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. reconnaître d’autant plus nettement que les choses spirituelles ont le pas sur les temporelles... La vérité l’atteste : la puissance spirituelle peut établir la puissance terrestre 99 et la juger si elle n’est pas bonne... Si donc, la puissance terrestre dévie, elle sera jugée par Prière à saint Michel Archange la puissance spirituelle, mais si la puissance spirituelle inférieure dévie, elle le sera par la Saint Michel Archange, défendez-nous puissance supérieure. Si la puissance dans le combat ; soyez notre secours contre suprême dévie, Dieu seul pourra la juger et la méchanceté et les embûches du démon. non pas l’homme. L’Apôtre en témoigne : « Que Dieu lui commande », nous le « L’homme spirituel juge de tout et n’est jugé demandons en suppliant ; et vous, Prince de par personne » [1 Co 2, 15]. la milice céleste, repoussez en enfer, par la puissance divine, Satan et les autres esprits Cette autorité, bien que donnée à un mauvais qui rôdent dans le monde pour homme et exercée par un homme, n’est pas perdre nos âmes. Ainsi soit-il. de l’homme, mais de Dieu. Elle est donnée à (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la Pierre de la bouche de Dieu et fondée pour récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, lui et ses successeurs en celui que lui, le roc, a communion, visite d’une église avec prière aux intentions du confessé, lorsque le Seigneur dit à Pierre : SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) « Tout ce que tu lieras... » [Mt 16, 19]. Quiconque donc résiste à cette puissance ordonnée par Dieu « résiste à l’ordre de Dieu » [Ro 13, 2], à moins qu’il n’imagine deux principes comme Manès, opinion que nous jugeons fausse et hérétique, car, selon Moïse, ce n’est pas dans les principes, mais « dans le principe que Dieu a créé le ciel et la terre » [Gn 1, 1]. Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, Dès lors, nous déclarons, disons, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur définissons et prononçons qu’il est sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et absolument nécessaire au salut, pour toute d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en créature humaine, d’être soumise au Pontife peut être assuré, est de leur opposer des écrits romain. salutaires et de les répandre.

Source :La foi catholique , Paris : Éditions de S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. l’Orante,1975,pp.248-250. 9 Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au Y Y Y déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, Ouvragesrecommandés et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour • Abbé Giugni, Saint Pie V, le Pape de la diffuser la saine littérature catholique. SainteMesse, Expéditions Pamphiliennes. • R. P. Joyau,Saint Pie V, Pape du Rosaire , Abonnement gratuit sur demande. Éditions Saint-Rémi, 2000. Toutereproductionestautorisée. • Mgr de Ségur,Le pape est infaillible , Éditions Saint-Rémi, 2001. Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : • Mgr Gaume,A quoi sert le Pape ? , Éditions [email protected]. URL : Saint-Rémi, 1999. http://www.contrerevolution.org Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 16— Juin 2001

de sacrilèges. L’Espagne offre de délivrer science et de la richesse modernes à accroître Les zouaves Rome du joug des vandales de 1848. leur empire aux dépens de leurs voisins. Du L’Autriche occupe Ferrare, dans le Piémont. moment que la révolution universelle était pontificaux Les Napolitains passent la frontière et libre de diriger contre Rome toutes les forces pénètrent même jusqu’à Velletri, à dix lieues de l’Italie et qu’elle agissait avec la complicité de Rome. Mazzini, le chef des ou du moins avec l’assentiment de la France, révolutionnaires, veut tenir tête à l’Europe. la résistance pouvait paraître insensée. 9 Tout à coup, la France se réveille ; elle prend les devants et débarque des troupes à Civita- « Aussi, en même temps que les Vecchia, le 25 avril 1849. Napoléon III Autrichiens s’étaient concentrés sur le Commandant C.-E. occupe militairement un point en Italie, Mincio, les délégats du Saint-Siège s’étaient- Rouleau, La Papauté et les « afin de garantir l’intégrité du Piémont et de ils empressés d’évacuer les Romagnes. Avant sauvegarder les intérêts de la France » ; mais même qu’un danger sérieux les eût menacés, Zouaves Pontificaux, les catholiques de la fille aînée de l’Eglise ils abandonnèrent Bologne, Ravennes, demandaient au président de la république Ferrare et jusqu’à Pérouse à une poignée Québec : Le Soleil, 1905, pp. de rétablir le Pape sur son trône et de d’émeutiers et de soldats déguisés, envoyés 7-156. continuer à le protéger contre les par le Piémont. révolutionnaires. Le général Oudinot reçut alors l’ordre de marcher sur Rome, où il arriva le 30 avril. L’armée française ayant subi Y Y Y un échec, le général demanda des renforts, qui n’arrivèrent qu’au mois de juin. Le 22 du même mois, l’armée française donne un n 1848, la Révolution qui menaçait déjà premier assaut. Le 29, le général Oudinot de saper l’ordre social par sa base, se s’empare de l’ancienne ville des Césars, et le Edéchaîne sur Rome. Le 15 novembre, le colonel Niel est chargé de porter les clefs de comte de Rossi, le vaillant soutien de la Rome à Pie IX, qui se trouvait alors à Portici. Papauté et premier ministre du gouvernement papal, tombe sous le poignard Le Souverain-Pontife, ivre de joie, reprend, des adeptes du carbonarisme — société quelques mois plus tard, le chemin de Rome, secrète italienne. Le lendemain, une foule dans laquelle il fait son entrée triomphale le furieuse, inspirée par Mazzini, assiège le 12 avril 1850. Son retour fut salué par des palais du Quirinal, où Pie IX s’était réfugié salves d’artillerie, par le son de toutes les pour échapper au glaive des assassins. cloches de la ville et par les cris de « Vive Pie L’orage grandit ; on essaie d’incendier le IX ! Vive notre Saint-Père ! » Le peuple Quirinal. Les balles pleuvent ; l’une d’elles romain était au comble du bonheur. tombe dans la chambre où le Pape priait pour ses bourreaux, et blesse mortellement Sa Les révolutionnaires ayant été chassés de Grandeur Mgr Palma. Le Souverain-Pontife Rome, l’Eglise continua de gouverner le se croit à sa dernière heure, lorsqu’une monde catholique avec sa sollicitude femme courageuse, la comtesse de Spaur, ordinaire et de répandre partout les bienfaits forme avec son mari, le duc d’Harcourt, le de son ardente charité. projet de sauver le roi de Rome. L’héroïne Général Louis de La Moricière met son projet à exécution et le 24 au soir, Pie L’occupation de Rome par l’armée IX, déguisé, monte dans le carrosse de M. française procura à la Papauté une ère « Dans un moment de péril semblable, d’Harcourt, qui le transporte à Gaète, dans le apparente de paix et de tranquillité, qui dura saint Pie V n’avait pas craint de confier des royaume de Naples, où il est reçu à bras jusqu’en 1859, alors que Victor-Emmanuel pouvoirs illimités au général Marc-Antoine ouverts par le roi Ferdinand II. annexa les Romagnes au Piémont, tout en Colonna, qu’il mit à la tête de ses armées et protestant de sa fidélité et de son qui remporta sur les Turcs la victoire décisive Dans son exil, le Saint-Père ne cesse de dévouement au Saint-Siège. L’hypocrite ! il de Lépante. Pie IX suivit cet exemple. protester contre les spoliations de la se conduit comme un enfant qui, pour Résolu à ne pas céder sans combat la révolution. Il lance l’excommunication prouver son amour et son affection à l’auteur couronne qu’il avait juré de transmettre à ses contre les membres de laJeune Italie et de ses jours, lui enlève une partie de ses biens. successeurs, abandonné des grandes contre les révolutionnaires, qui saccageaient La France, gouvernée alors par Napoléon puissances, ne pouvant faire appel qu’au Rome, pillaient les églises et chassaient les III, laisse commettre ce vol sans faire dévouement individuel de ses enfants, il lui religieux de leurs monastères. L’iniquité entendre aucune protestation. « Depuis fallait avant tout un chef capable de porter s’était débordée sur la Ville Sainte, comme longtemps, dit un écrivain français, l’Etat un tel fardeau et d’organiser la résistance un torrent dévastateur. Mazzini poussa Pontifical n’était plus organisé de manière à avec les faibles ressources que présentait même l’impiété et le cynisme jusqu’à faire la guerre. Paternel et pacifique par sa l’Etat pontifical, et avec les éléments quelque parodier le Pape en montant dans la loge de la nature, ce gouvernement n’avait pu suivre le peu désordonnés qui viendraient s’offrir des basilique Saint-Pierre, où le Pontife romain développement de la centralisation et des quatre coins du monde. Il choisit pour cette donne la bénédictionurbietorbi . armées permanentes, qui livraient désormais mission le général de La Moricière. l’Europe aux convoitises de quelques grandes L’Europe s’émeut enfin de tant d’audace et puissances, employant les ressources de la « Mais accepterait-il ? Général illustre 2 Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 entre tous de la plus brave armée du monde, commandement de Cialdini, envahit le battre en retraite. Quatre cents hommes consentirait-il à devenir soldat du Pape, chef territoire de l’Eglise. Voici l’ordre du jour environ, conduits par La Moricière, se d’une armée qui n’existait pas et qui pouvait que le général Piémontais adressa à ses replièrent sur Ancône. Les Franco-Belges et être condamnée aux plus humiliantes troupes avant de franchir la frontière : le reste de la troupe papale se réfugièrent à défaites ? Ministre de Cavaignac, n’ayant Lorette, où ils durent déposer les armes, le qu’à demi ratifié l’expédition de 1849, dont il « Soldats, je vous conduis contre une bande soir même, après avoir pris l’engagement de avait ensuite refusé le commandement, imbu d’aventuriers que la soif de l’or et du pillage a ne pas servir dans l’armée du Pape pendant par Tocqueville de toutes les illusions amenés dans votre pays. Combattez, un an et de retourner dans leur pays. Les libérales de l’Europe, irait-il soutenir un dispersez inexorablement ces misérables Franco-Belges refusèrent de souscrire à cet pouvoir qu’on représentait comme un reste sicaires ; que, par votre main, ils sentent la engagement et s’enfuirent dans les de l’ancien régime, tout hérissé d’abus et force et la colère d’un peuple qui veut son montagnes ; plusieurs d’entre eux purent d’imperfections, et qui était le type de indépendance. Soldats ! Pérouse demande atteindre Ancône à la faveur des ténèbres. l’union parfaite de l’Eglise et de l’Etat. N’y vengeance, et bien qu’il soit tard, elle l’aura ! » avait-il pas là, au point de vue de sa gloire, un Castelfidardo ! si tu nous remets à la sacrifice au-dessus de ses forces, au point de Cialdini, ton nom figurera toujours dans mémoire de bien tristes souvenirs, tu nous vue de ses idées un obstacle l’histoire impartiale, non couvert de gloire et rappelles en même temps le nom d’un grand infranchissable ? » d’honneur, mais de honte et d’opprobre. capitaine, qui a étonné ses chefs par ses valeureux exploits, et frappé d’admiration Il fallait donc connaître les sentiments du C’est là un échantillon des invectives et des l’armée de Cialdini. Ce capitaine, tout le général La Moricière. Pie IX chargea de infamies dont les défenseurs du Pape ont été monde le connaît, c’est le baron de Charette, cette mission délicate M. de Corcelles, l’objet de la part des coryphées de la que nous avons été si heureux de recevoir ambassadeur français à Rome en 1849, et ami révolution ou des principaux dignitaires des dans nos murs lors de la célébration de notre dévoué de la Papauté. Le messager papal loges maçonniques. fête nationale en 1882. rencontra le général à Paris, au mois d’octobre 1859, et lui demanda, dans le cours Le général La Moricière qui, comme nous Pendant que les balles pleuvent et que les de la conversation, ce qu’il pensait du l’avons déjà dit, venait d’organiser la petite obus sillonnent l’air en tous sens et sèment la commandement de l’armée du Pape. « Je armée pontificale, avec le concours de Mgr terreur et la mort sur le champ de bataille, le pense, répondit-il, que c’est une cause pour de Mérode, s’empressa de voler au-devant capitaine de Charette, du corps de Franco- laquelle je serais heureux de mourir. » des Piémontais qu’il rencontra près de Belges, encourage ses soldats de la parole et Castelfidardo, le 18 septembre. de l’exemple. Son épée ne cesse de frapper, et Cette noble réponse fut aussitôt tous les coups qu’elle porte sont mortels. communiquée au Souverain Pontife, dont le Le célèbre général français fut rejoint par le cœur fut rempli de joie à la pensée d’avoir général de Pimodan à la tête de 2000 soldats ; bientôt à la tête de sa petite troupe le plus ce qui porta l’effectif de l’armée du Pape à grand guerrier des temps modernes. Mgr de 5000 hommes. Cialdini commandait 45.000 Mérode, ancien capitaine belge qui avait guerriers. Malgré cette énorme différence servi dans l’état-major de La Moricière en dans la force numérique des deux armées, La Afrique, reçut instruction d’aller demander Moricière n’hésita pas cependant à faire face immédiatement et officiellement le secours à l’envahisseur. La petite division de l’épée du nouveau Bayard français ; il commandée par M. de Pimodan, et dans arriva, le 3 mars 1860, au château de Prouzel, laquelle figurait avec honneur le corps des où il s’acquitta de la mission qu’il avait reçue 300 franco-belges qui devint plus tard le de Pie IX. Le général répondit à l’envoyé du régiment des Zouaves Pontificaux, fit des Pape : « Quand un père appelle son fils pour le prodiges de valeur. Pendant trois heures, défendre, il n’y a qu’une chose à faire, y aller. » cette poignée de braves tint en échec toute Mme La Moricière, femme chrétienne et une division piémontaise, en se barricadant courageuse, répondit aussi à Mgr de dans la ferme Crocette, qu’ils avaient enlevée Mérode:«Onnediscute pas l’appel d’un à l’ennemi à la pointe de la baïonnette. Ces père. » vaillants défenseurs de la Papauté s’étaient confessés et avaient reçu la sainte Le général La Moricière fit ses préparatifs communion avant le combat ; ils possédaient de voyage à la hâte et partit, le 19 mars, pour Dieu dans leur cœur ; le champ de bataille fut la ville des Papes, où il arriva dans la nuit du couvert de leur sang généreux et pur. Parmi 1er au 2 avril. Sa Sainteté Pie IX pressa sur ces illustres martyrs de la foi, nous trouvons son cœur le commandant en chef de l’armée le général de Pimodan et cent à cent papale et le fondateur du Régiment des cinquante franco-belges. Avant le combat, le Zouaves Pontificaux. [...] valeureux capitaine français s’était contenté Général-Baron Athanase de Charette de dire aux zouaves : « Souvenez-vous que Castelfidardo - 18 septembre 1860 vous êtes catholiques et Français. » Il reçut trois blessures coup sur coup, et à chaque Au lieu de reculer devant le nombre, il En 1859, Victor-Emmanuel avait enlevé les balle qui lui entrait dans le corps, il répétait : s’avance ; il s’avance toujours, jusqu’à ce qu’il Romagnes aux Etats de l’Eglise ; mais la «Dieu est avec nous. » Il mourut le soit sur le front de bandière de l’armée révolution n’était pas encore satisfaite — lendemain. ennemie. Là, il s’arrête, il promène un regard l’enfer n’est jamais rassasié. La Révolution de défi et de dédain sur ses adversaires, il les pousse le roi larron plus loin dans la voie de En apprenant le glorieux trépas de son invite, il les provoque à se mesurer avec lui : l’iniquité ; elle veut les Marches et l’Ombrie. mari, Madame de Pimodan, qui était restée mais personne ne bouge. Il brandit son épée Victor-Emmanuel se rend à son désir ; il écrit en France, prit son fils unique dans ses bras et avec colère et traite les Piémontais de lâches au Saint-Père de céder au Piémont ses deux le couvrit de baisers en lui disant : « Toi aussi, et de poltrons. Cette dernière apostrophe plus belles provinces, et cela, pour le plus tu seras soldat du Pape. » Il n’y a que l’amour produit son effet. Un officier piémontais, grand bien de l’Eglise ! chrétien qui puisse allier ainsi la sublimité à ayant nom Tromboni, sort des rangs et l’héroïsme. accepte le combat. Les deux armées Le fourbe ! il va même jusqu’à protester de s’arrêtent un moment pour contempler les son attachement à l’Eglise et à demander au Ecrasée par le nombre et amoindrie par la deux athlètes. Pape la bénédiction apostolique. défection de deux bataillons des chasseurs et du premier escadron des Dragons qui furent Les épées se croisent, et deux fois Quelques jours plus tard, en septembre pris de panique, malgré les efforts des Tromboni est touché et puis blessé 1860, sans aucune déclaration de guerre, colonels Allet et Cropt et du major grièvement. De Charette ne reçoit aucune l’armée piémontaise, sous le Odescalchi, la petite armée pontificale dut blessure. « Capitaine, s’écrie le vaincu, je vous Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 3 rends mon épée. » Le 11 septembre, le consul de France à Permettez-nous de citer quelques paroles Ancône, reçut de M. de Gramont, que le général de Charette prononçait sur la — Il est mon prisonnier, dit de Charette à ambassadeur à Rome, la dépêche suivante : bataille de Castelfidardo, en 1885, aux noces ses zouaves, ayez-en bien soin. « L’empereur a écrit de Marseille au roi de d’argent de notre régiment : Sardaigne que, si les troupes piémontaises Les Franco-Belges ou les zouaves, ivres de pénètrent sur le territoire pontifical, il sera « Le 17, nous bivaquions au-dessus de joie, acclament leur capitaine et le portent en forcé de s’y opposer. Des ordres sont déjà Lorette, et le 18 nous recevions, à triomphe. donnés pour embarquer des troupes à Castelfidardo, le baptême du feu. « La veille, Toulon, et ces renforts doivent arriver sans le commandant de Becdelièvre nous réunit : Les Piémontais courbent la tête de honte retard. Le gouvernement de l’Empereur ne « Messieurs, dit-il, demain, vous allez voir le et de dépit. Cialdini écume de rage. tolérera pas la coupable agression du feu pour la première fois ; afin d’être sûrs de gouvernement Sarde... » faire honneur à votre uniforme, passez au Le combat reprend plus acharné et plus confessionnal, j’en sors. meurtrier. Malgré ses prouesses, le corps des Jamais homme n’a affublé le manteau de la Franco-Belges est presque anéanti, et de fourberie avec autant d’aisance que « Je ne vous raconterai pas la bataille de Charette reçoit deux balles dans le corps. l’empereur Napoléon III. En effet, la vérité Castelfidardo ; je rappellerai seulement C’était la fin de cette sanglante tragédie. ne tarda pas à se faire jour. Après avoir pris l’ordre du jour du commandant de connaissance de cette dépêche, M. de Becdelièvre : « Nommez-les tous, ou ne Le baron de Charette venait de se montrer Quatrebarbes donna l’ordre à un employé du nommez personne, car tous ont fait leur ce qu’il a toujours été : un héros sans peur et consulat français d’aller communiquer cet devoir. sans reproche ; mais ce n’est pas la dernière important document au général Cialdini, fois qu’il sera donné à l’armée pontificale commandant en chef de l’armée « Une centaine de volontaires n’avaient pu d’admirer sa bravoure et ses glorieux piémontaise, et de le prier de cesser les rejoindre le bataillon à Terni, sous les ordres exploits. Voilà comment se bat le soldat qui hostilités. « Calmez-vous, répondit-il à du colonel de Mortillet, de MM. de Saisy et aime son Dieu et le Pape. l’envoyé français ; nous avons vu, il y a quinze Thomalé, ils firent une pointe sur Monte Ancône, défendue par 5200 soldats jours, votre Empereur à Chambéry, et nous Corvo. Quelques zouaves, après la bataille, pontificaux environ et assiégée par 45.000 savons à quoi nous en tenir. » rejoignirent Ancône : un seul revint à Rome hommes, 400 bouches à feu et une flotte avec armes et bagages, il s’appelle Rouleau. armée de canons rayés, capitula le 28 Cet aveu du général Cialdini ne laisse — C’était un Vendéen ! septembre, après un siège de dix jours et des aucun doute sur les dispositions de assauts meurtriers sans cesse renouvelés. Ce l’empereur des Français à l’égard du chef de « A Castelfidardo, ce sont des enfants fut avec la plus cruelle douleur que le général l’Eglise catholique. Comme Judas il l’avait comme d’Héliand qui tombent ! Sa mère, La Moricière donna l’ordre d’arborer le vendu au roi de la Sardaigne. Du reste, les apprenant sa mort, chante leTeDeum . drapeau blanc sur la citadelle ; on peut en documents officiels, publiés par le juger par les paroles suivantes du major de gouvernement français, prouvent que « Ce sont là de vieux zouaves d’Afrique, Quatrebarbes, gouverneur de la ville : Napoléon III rencontra Cialdini à c’est Colombeau qui meurt en criant : « Vive Chambéry et qu’il l’autorisa à envahir les la France ! » C’est un saint comme Guérin, « J’étais monté à la citadelle où je trouvai le Etats de l’Eglise, en lui disant : « Faites vite, » dont le cercueil, oublié dans une gare en général se promenant seul dans la casemate. et à écraser La Moricière avant qu’il ait eu le Autriche, est enfin rapporté à Nantes en Les officiers de l’état-major respectaient son temps d’organiser l’armée pontificale. C’est triomphe, et opère des miracles... » [...] silence. De temps en temps, il s’arrêtait, ses en conséquence de ce complot infâme que épais sourcils se contractaient, et ses yeux fut décidé le guet-apens de Castelfidardo. Les zouaves pontificaux noirs lançaient des éclairs. Dieu seul sait la Pour sauver les apparences et conserver lutte qui se passait alors dans son cœur. l’amitié des catholiques français, Napoléon Le premier soin du général La Moricière, feignit d’exercer une fausse protection sur en prenant le commandement de l’armée « Sur combien d’hommes puis-je compter, Rome, et pour cela il donna l’ordre de lui pontificale, fut de former un corps si la capitulation n’est pas acceptée ? me dit-il envoyer du renfort, mais seulement après d’infanterie légère semblable à ses chers en m’apercevant. — Sur mille ou douze cents que La Moricière, son ennemi personnel, zouaves d’Afrique. Ce corps fut constitué le hommes, mon Général. — C’est assez pour le aurait été vaincu et mis dans l’impossibilité 1er juin 1860 et prit le nom de Tirailleurs camp retranché et pour la citadelle, et nous de lui nuire dans l’accomplissement de ses Pontificauxou plutôt de Volontaires Franco- pourrions, en abandonnant la ville, prolonger projets anti-chrétiens. Sachant que tous ces Belges. M. de Becdelièvre, capitaine dans les au besoin la défense de quarante-huit heures. attentats ne manqueraient pas d’éveiller Chasseurs à pied, en fut le commandant, et Ce serait mon devoir, si nous avions l’opinion publique en France et de lui attirer M. le baron de Charette, le capitaine. seulement une vague espérance de secours... des reproches bien mérités, Napoléon III L’effectif de cette troupe d’élite, à la bataille Aujourd’hui, ce serait un suicide inutile. eut recours à la fourberie pour dissimuler sa de Castelfidardo, s’élevait à environ 300 complicité avec les révolutionnaires et les hommes. Le 6 octobre de la même année, M. « Je regardais avec une profonde émotion spoliateurs des Etats Pontificaux : au de Becdelièvre fut promu au grade de ce glorieux et loyal soldat, ce vainqueur moment même où les Piémontais mettaient lieutenant-colonel. Le bataillon comprenait d’Abd-el-Kader et des Arabes, qui n’avait le pied sur le territoire papal, il partait pour alors six compagnies. jamais connu la défaite, cet héroïque l’Algérie, où il voulait, disait-il, fonder un défenseur de la société et de la civilisation royaume arabe. Et quelques jours plus tard, Le 1er janvier 1861, le corps prit chrétienne aujourd’hui vaincu, prisonnier de l’iniquité était consommée. officiellement le nom de Zouaves guerre, à la merci d’un ennemi obscur qui ne Pontificaux. M. de Moncuit et M. de doit ses succès qu’au nombre et à la perfidie. » C’est en présence de tous ces faits Charette eurent l’honneur de porter les incontestables et incontestés que Son premiers l’uniforme de zouave, qui fut Oui, M. de Quatrebarbes avait raison de se Eminence le cardinal Pie, évêque de Poitiers, adopté par Pie IX, le général La Moricière et servir de l’expression de perfidie en parlant s’écria un jour, en parlant de l’empereur des Mgr de Mérode. de la France ; car la fille aînée de l’Eglise, Français : « Lave tes mains, ô Pilate ! » entraînée dans la voie de l’iniquité et de la M. de Becdelièvre donna sa démission, le trahison par l’empereur Napoléon III, Mais, ne l’oublions pas, la divine 21 mars 1861, et retourna en France. Il fut abandonna alors le successeur de Pierre à la Providence ne laisse jamais le crime impuni. remplacé comme lieutenant-colonel par M. fureur de ses ennemis et laissa consommer la En effet, dix ans après, Napoléon III était Allet, un des héros de Castelfidardo. Le trame ourdie quelques jours auparavant par fait prisonnier à Sedan et allait mourir sur capitaine de Charette fut élevé au grade de le roi d’Italie et l’empereur des Français. une terre étrangère, tandis que la France commandant. Au mois d’août suivant, le L’histoire nous en fournit des preuves perdait l’Alsace et la Lorraine. Le traître est bataillon fut porté à huit compagnies. Un des incontestables. disparu ; mais la Papauté vit encore et vivra soldats de M. Becdelièvre annonça la retraite jusqu’à la consommation des siècles. de son colonel dans les termes suivants : 4 Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001

« Notre brave colonel M. Becdelièvre nous catholique pour notre personne et pour le assurance, soyez fiers. a quittés à la suite de différends avec Mgr de Saint-Siège. J’y veux répondre et je pense à Mérode. Il ne m’appartient pas d’apprécier quelque coutume que nous avons ici. Il est « J’ose dire que vous vous présenterez avec les motifs qui ont dicté son départ... Trois ou d’usage, le saint jour de Noël, que nous sécurité au tribunal du Juge Suprême, devant quatre officiers ont cru devoir suivre le bénissions une épée. Elle doit être envoyée lequel ils devront paraître aussi ceux qui colonel dans sa retraite ; et il y a eu, cela va au prince qui a le mieux mérité de l’Eglise, et portent l’épée pour l’injustice et sans dire, un peu d’émotion et d’agitation qui s’en servira pour la cause de la justice. l’oppresseur. parmi nous. Mais ça n’a duré qu’un jour. Tous les esprits se sont vite calmés, grâce aux « Au milieu de tant de grandes nations « J’agrée donc avec bonheur l’expression de belles paroles du capitaine de Charette, qui armées, de tant de glaives tirés, je regarde et votre fidélité. Recevez en retour ma nous a déclaré que le désir du Saint-Père était je vois : je vois que cette épée de la justice, je bénédiction, qui vous confirme dans tous ces de nous voir rester sous son drapeau et qu’un dois la garder pour moi. C’est moi qui dois la bons sentiments ; qu’elle vous affermisse tel désir devait être pour nous plus qu’un ceindre, et c’est à vos mains que je la confie. dans les périls et qu’elle vous accompagne ordre. On a crié : « Vive Charette ! » Tout a toute votre vie. » continué à marcher avec le même entrain, et « Soyez fiers, marchez la tête levée devant nous avons fait le meilleur accueil à notre Dieu, soyez pleins de confiance parmi les Afin de « porter l’épée pour la justice et la nouveau colonel, M. Allet. M. Allet est hommes, parce que c’est vous, vous seuls, qui vérité, pour la dignité et la liberté du genre suisse, de très-noble famille et de très-vieux portez l’épée pour la justice et la vérité, pour humain » et « marcher la tête haute devant sang. Digne descendant du héros d’Ivry, la dignité et la liberté du genre humain. Vous Dieu », les zouaves se préparaient à auquel Henri IV donna le collier de nos êtes ainsi armés à l’encontre de ces hommes combattre les bons combats ; ils faisaient la Ordres sur le champ de bataille ; il a déjà malheureux qui ensanglantent leurs mains au manœuvre tous les jours, ils faisaient des trente ans de service dans l’armée du Pape, et profit des causes injustes, appuis de marches forcées, ils faisaient des guerres s’est magnifiquement conduit à l’iniquité, ennemis de Dieu qu’ils espèrent simulées, ils s’initiaient, en un mot, à l’art Castelfidardo. follement atteindre, oppresseurs de son militaire, tout en montant la garde auprès du Eglise et de ses ministres. trône du Pape et en priant pour les ennemis « Mgr de Mérode a nommé M. le capitaine de l’Eglise. Les zouaves s’élevaient ainsi dans de Charette, chef de bataillon, et nous avons « Je vous raconterai un trait de deux la considération et l’estime des catholiques : applaudi à cette nomination : « Mais c’est un officiers de deux armées différentes, l’un ils rendaient le bien pour le mal, en drapeau que vous donnez là aux zouaves, » lui général et l’autre capitaine de marine. pratiquant la charité chrétienne envers ceux a représenté quelqu’un à Rome. — « C’est M’ayant été présentés, ils me prièrent de qui voyaient leur présence d’un mauvais œil. vrai, a répondu Mgr de Mérode ; mais un poser mon pied sur leurs épées couchées à [...] drapeau qui a été percé de balles à terre, afin, disaient-ils, qu’ils ne les Castelfidardo et qui a le droit par conséquent portassent jamais que pour une cause juste. L’invasion garibaldienne d’être déployé en face du tombeau de Saint- Le général est mort dans une guerre dont je Pierre. » A la bonne heure ! Voilà qui est n’ai point à parler, et il a gardé son serment. Le 15 septembre 1864, Napoléon III signa parler en ministre des armes de Notre Saint- Quant au marin, depuis longtemps je l’ai une convention passée entre la France et Père le Pape Pie IX. » perdu de vue. J’espère qu’il vit encore ; l’Italie et en vertu de laquelle l’empereur des j’espère surtout qu’il se souvient de la Français s’engageait à retirer ses troupes des En 1865 parut l’annonce officielle du retrait promesse qu’il a faite à mes pieds et de la Etats Pontificaux, dans un délai de deux ans, des troupes françaises de Rome. La fille aînée bénédiction donnée. à charge pour le Piémont de respecter le de l’Eglise abandonnait encore une fois la territoire du Saint-Siège et de ne pas Papauté à la fureur des révolutionnaires et « Vous aussi, souvenez-vous de ne porter s’opposer à l’organisation d’une armée des sociétés secrètes. A cette nouvelle l’épée que pour la justice, et alors ne craignez papale. C’était livrer la Papauté aux mains alarmante, le général La Moricière résolut de aucun péril, levez la tête, vos cœurs auront la des révolutionnaires d’abord, et au roi partir immédiatement pour la Ville Eternelle paix. Victor-Emmanuel ensuite, comme l’histoire et de se mettre de nouveau à la tête de la va nous le démontrer. C’était afficher de petite armée pontificale, qui s’était épurée et « Il s’en est trouvé qui se sont laissé nouveau la politique de fourberie inaugurée fortifiée. Certains corps étrangers sur emporter par des idées d’erreur et de en 1859. C’était le règne des convoitises de lesquels on ne pouvait guère compter, mensonge, par des illusions de jeunesse, et ils l’Italie qui s’annonçait à courte échéance. En étaient retournés dans leurs pays respectifs. s’en sont allés servir dans une certaine effet, le gouvernement du Piémont tendait La petite troupe des zouaves pontificaux armée ; j’ai vu les lettres qu’ils écrivaient de là, secrètement la main à Garibaldi, le chef des avait vu son effectif s’élever au chiffre de j’ai vu leurs mères en pleurs, leurs pères révolutionnaires, tout en protestant de son 1500 hommes, sous la direction du colonel désolés. Ces pauvres enfants écrivaient : dévouement au Saint-Siège. Allet et du lieutenant-colonel de Charette. « Nous nous sommes fourvoyés, nous avons La gendarmerie formait un magnifique corps été trompés ; demandez notre pardon au Pie IX fit entendre sa voix pour dénoncer de 4500 à 5000 soldats réguliers et dévoués Pape, notre conscience ne nous laisse pas de la violation du traité de 1864 et les injustices au Saint-Siège. Avec les Dragons et les repos. Nous sommes dans l’avilissement, flagrantes dont il était l’objet. Les Chasseurs indigènes, l’armée pontificale dans l’esclavage ! »... et, suivant moi, ils sont catholiques de France tentèrent, mais en formait un total de 10.000 hommes aussi dans le péché. vain, d’obtenir de l’empereur un délai au parfaitement aguerris. C’est de cette troupe retrait de ses troupes : notre ancienne mère choisie que le général La Moricière se patrie devait continuer à descendre dans préparait à reprendre le commandement, « Portez l’épée, gardez l’abîme creusé par la politique néfaste et anti- lorsque la mort vint l’enlever subitement à l’épée pour la défense de chrétienne de Napoléon III. l’affection des siens et au service de l’Eglise la cause la plus juste, la catholique. [...] A la fin de l’année 1866, l’iniquité fut plus sainte, qui est celle de consommée : les troupes françaises Pendant les années de paix que la Papauté a l’Eglise de Jésus-Christ. » quittèrent Rome. A leur départ, Sa Sainteté traversées entre 1862 et 1867, on s’est souvent Pie IX leur adressa ces admirables paroles : posé la question suivante : « Mais vous, avec quelle consolation je vois « Allez, mes enfants ; partez avec ma « Que font les zouaves du Pape à Rome ? » votre respect, vos sentiments d’amour et de bénédiction, avec mon amour. Si vous voyez dévouement pour ce Saint-Siège ! Portez l’empereur, dites-lui que je prie chaque jour Nous trouvons la réponse à cette question l’épée, gardez l’épée pour la défense de la pour lui. On dit que sa santé n’est pas très dans le discours que Pie IX adressa à nos cause la plus juste, la plus sainte, qui est celle bonne, je prie pour sa santé. On dit que son officiers le 27 décembre 1865 : de l’Eglise de Jésus-Christ. âme n’est pas tranquille, je prie pour son âme. La nation française est chrétienne, son chef « Je me réjouis d’entendre si bien exprimer « Par là, quoiqu’il arrive, et pour la doit être chrétien aussi. Ne croyez pas que les sentiments de cette armée et du monde troisième fois, je le répète, marchez en vous me laissez seul, le bon Dieu me reste. » Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 5

Ne rencontrant plus d’obstacle à leur l’ordre d’ouvrir la porte et s’écrie : Emmanuel Dufournel avait 27 ans, et ambition, à leur cupidité et à leur rage, les « Chassons-les à la baïonnette ! » Et il se Adéodat, 29 ans. Leurs corps reposent dans bandes garibaldiennes se ruèrent, en 1867, précipite en frappant de son sabre un le cimetière de Saint-Laurent hors les murs. sur le territoire pontifical ; elles saccageaient garibaldien qui se tenait près de la porte ; les villages, elles pillaient les caisses mais le coup est si violent que la lame casse en Comprenant l’immense douleur que municipales, elles profanaient les couvents et deux et lui échappe des mains. Les ressentirait M. Dufournel, père, en présence les sanctuaires et rançonnaient les habitants. garibaldiens se jettent sur lui et lui portent de ces deux fins tragiques, arrivées presque Les zouaves et les gendarmes s’opposèrent à quatorze coups de baïonnette. Tout semble coup sur coup, notre Saint-Père Pie IX lui leurs déprédations et les repoussèrent sur la désespéré pour les zouaves ; mais il n’en est écrivit pour le consoler : « Vous m’avez frontière. Les garibaldiens passèrent à rien : Ferdinand de Charette, un des frères de donné deux soldats ; je vous rends deux travers les troupes italiennes, qui étaient notre lieutenant-colonel, et quelques autres saints. » Ces paroles du successeur de Pierre chargées, en apparence, de veiller à la sûreté zouaves accourent au secours de leur officier valent à elles seules tous les éloges que nous des Etats de l’Eglise, mais qui fermaient les et font une immense trouée parmi les pourrions faire de ces deux glorieux martyrs yeux sur les faits et gestes des garibaldiens, qui prennent la fuite. de la foi. révolutionnaires, et ceux-ci pénétraient librement dans le Piémont pour aller Le brave sous-lieutenant Dufournel, A Monte Libretti, le lieutenant Guillemin chercher des hommes et des munitions, qui mortellement blessé, fut transporté donne une nouvelle preuve de la valeur et de leur étaient fournis par le gouvernement de immédiatement à Valentano, où il expira le l’héroïsme des zouaves. Douze cents Victor-Emmanuel lui-même. L’histoire nous lendemain en remerciant Dieu de lui avoir garibaldiens occupaient cette forteresse, donne des preuves irréfutables de la procuré le bonheur de mourir pour sa sainte construite sur une montagne et dominant la complicité des autorités italiennes. mère l’Eglise catholique. route.

Le théâtre des hostilités que couvraient les Cette triste nouvelle fut télégraphiée à son Guillemin, avec ses quatre-vingt-dix bandes garibaldiennes, comprenait toute la frère Adéodat, capitaine adjudant-major zouaves, n’hésite pas à gravir la montagne au province de Viterbe. Comme on le voit, alors en garnison à Rome. Le frère bien-aimé milieu d’une grêle de balles et essaye c’était un vaste champ de bataille. Pour faire arriva le même soir à Valentano ; il se d’enlever à la baïonnette cette ville fermée et face au danger, les Zouaves Pontificaux et la prosterna la face contre le cercueil et donna défendue par un ennemi puissant en nombre, gendarmerie papale furent forcés de se l’ordre d’envoyer à Rome la dépouille commandé par Menotti Garibaldi. Les diviser en petits détachements et de se mortelle de son cher Emmanuel. zouaves ne peuvent réussir à enfoncer les porter à tous les endroits menacés. Malgré portes : mais les garibaldiens, effrayés de tant son infériorité numérique, l’armée Dix jours plus tard, Adéodat Dufournel de courage et d’audace, évacuent la ville pontificale était applaudie pour ses brillants était blessé à l’attaque de la villa Crecchina, à pendant la nuit et fuient devant les soldats du faits d’armes à Acquapendente, à Bagnorea, à Rome, et mourait le 5 novembre. Le matin de Pape. Nerola, à Farnèse, à Valentano, à Monte son trépas Adéodat avait entendu la messe Libretti et à quinze autres villes ou villages. qu’un de nos aumôniers, le R. Père de Au milieu de la mêlée, Guillemin est tombé Gerlache, avait dite à la confession de Saint- pour ne plus se relever : Dieu voulait une A Nerola, le lieutenant-colonel de Pierre. La messe terminée, le Père se victime pure. Ce brave des braves était mûr Charette battit les garibaldiens, qui étaient retourna, trouva le zouave la face contre pour le ciel ; car, le matin, il avait dit à trois fois plus nombreux que les zouaves ; il a terre et lui demanda la cause du l’aumônier : « Je me confesserais volontiers, eu son cheval tué sous lui, mais il a fait dix- rayonnement de toute sa figure : « Mon Père, mais je n’ai rien sur la conscience. » Ce héros huit prisonniers. j’ai demandé à la sainte Vierge la grâce de chrétien n’avait pas peur de la mort. mourir pour l’Eglise. » Cette grâce lui fut Le sous-lieutenant accordée le même soir. Voici ce que nous a Que de prodiges cette petite poignée de raconté au sujet d’Adéodat Dufournel, M. de soldats du Pape n’a-t-elle pas accomplis Dufournel tire alors son Clisson qui était à ses côtés quand il tomba pendant cet assaut meurtrier ! C’est alors que sabre et fait avec la lame le frappé d’une balle en pleine poitrine : le caporal de Jong s’est jeté au milieu des signe de la croix en disant : garibaldiens et qui, sans recevoir la moindre « Je me trouvais sur la place Saint-Pierre égratignure, en a assommé ou percé « Au nom du Père, du Fils et avec quarante hommes de ma compagnie, quatorze. Epuisé de fatigue, il se jeta à du Saint-Esprit, en avant ! » lorsque M. Dufournel vint et dit à M. Ledieu, genoux et attendit la mort avec calme, Et il s’élance suivi de notre lieutenant : « Rassemblez vos hommes, comme autrefois les martyrs du Colisée. Les nous allons tout près d’ici voir une villa où garibaldiens, furieux comme des démons, le ses zouaves. l’on prétend qu’il y a des garibaldiens. » Il criblèrent de coups de baïonnette. C’est ce nous fit diviser en bandes de huit hommes, jeune homme qui écrivait, un jour, à sa mère : A Farnèse, le sous-lieutenant Dufournel conduite chacune par un gradé chargé de les « Quand les protestants vous diront que la trouva la mort, le 19 octobre, dans les placer autour de la maison et de diriger le feu. chaire de saint Pierre est vermoulue, circonstances suivantes : Il partit à onze Il était cinq heures et demie du soir environ, répondez-leur que cela n’est pas vrai. Dites- heures du matin de Valentano pour chasser et la nuit était déjà descendue. Nous eûmes leur que Pierre Jong et son cousin Guillaume trois cents garibaldiens qui s’étaient emparés bientôt atteint la porte de la villa que nous l’ont vue, et ajoutez qu’elle est solide. » de Farnèse ; il n’avait que vingt zouaves sous devions visiter. A peine le premier zouave ses ordres. Le capitaine de ligne Sparacanna avait-il gravi les deux ou trois marches de Nous pourrions citer une foule d’autres l’accompagnait avec une trentaine de ses l’entrée, que des hommes se précipitèrent traits semblables ; mais ces citations hommes. En arrivant à un demi-mille de pour sortir du jardin. M. Dufournel s’élança retarderaientinutilement notre récit Farnèse, la petite troupe pontificale reçut en criant : « En avant ! » et c’est à ce moment historique. Nous disonsinutilement , parce soudainement des coups de fusil, partis d’une qu’il fut atteint par une balle. Je commandais que nous possédons le témoignage de Pie IX grande maison occupée par les garibaldiens. le second groupe ; voyant quelqu’un tomber, et des officiers de plusieurs armées de Le sous-lieutenant Dufournel tire alors son j’étendis la main, et ce n’est qu’alors que je l’Europe sur les exploits glorieux des Zouaves sabre et fait avec la lame le signe de la croix en reconnus celui que j’avais dans mes bras. Pontificaux depuis Castelfidardo jusqu’à leur disant : « Au nom du Père, du Fils et du Saint- Aidé d’un homme de ma compagnie, je le licenciement. [...] Esprit, en avant ! » Et il s’élance suivi de ses transportai dans la rue, et, m’étant assis par zouaves. Les garibaldiens ne peuvent résister terre, je l’appuyai sur mes genoux. Il ouvrit La bataille de Mentana à ce choc impétueux ; ils abandonnent la alors les yeux qu’il avait fermés un moment et maison dont ils s’étaient emparés et me dit en me pressant la main : « C’est fini, je Pendant ce temps-là, Garibaldi, l’ermite retraitent. Les zouaves s’installent dans la suis mort... » révolutionnaire de Caprera, sort de son île, même maison pour délibérer, mais ils sont située en face de Naples, se rend à Florence attaqués aussitôt par un corps de deux cents Transporté à l’hôpital, Adéodat Dufournel et, à la tête de 10.000 aventuriers et soldats, garibaldiens. Emmanuel Dufournel donne rendit son âme à Dieu le 5 novembre. fond comme un ouragan, le 3 novembre, sur Mentana, petite ville d’environ 1000 âmes, à 6 Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 cinq lieues au nord-est de Rome. Un fait qualificatif était bien choisi. précipitée ; c’est un torrent qui renverse tout historique important se rattache à cette sur son passage. D’un saut ils arrivent à la bourgade : c’est là que l’illustre Charlemagne Nous avons raconté la bataille de Mentana porte. Une nouvelle pluie de balles inonde eut une entrevue avec le pape Léon III, au pas de course ; mais n’allez pas croire que l’armée pontificale. Le lieutenant-colonel de lorsque l’empereur des Francs se rendait à la victoire a été gagnée aussi rapidement et Charette et les zouaves y répondent par les Rome, en l’an 800, pour y recevoir la aussi facilement que vous venez de le voir. cris de : « Vive le Pape ! Vive Pie IX ! » Ils couronne impériale. Non, la lutte a été acharnée et chaudement franchissent le mur, ils culbutent les contestée. Plusieurs zouaves sont morts garibaldiens et les chassent devant eux à Les étrangers qui visitent la Ville Eternelle victimes de leur dévouement à la cause de coups de crosse de sabre. Des centaines de se font un devoir d’aller à Mentana fouler le l’Eglise, et un grand nombre d’autres ont été garibaldiens tombent pour ne plus se relever. champ de bataille où l’armée pontificale plus ou moins grièvement blessés. La petite Plusieurs chemises rouges déposent les remporta, le 3 novembre 1867, une si brillante troupe des zouaves ne comprenait que 3000 armes, se jettent à genoux et demandent victoire sur le porte-étendard des hommes, et les garibaldiens étaient au grâce en criant : « Vive Pie IX, » et en révolutionnaires et des sociétés secrètes, nombre de 10.000 combattants, comme maudissant le monstre de Caprera. Garibaldi, le général en chef du bataillon ou nous l’avons déjà dit. La partie n’était donc du régiment des Chemises Rouges. A pas égale. Et puis l’ennemi occupait la ville, se Du même élan, les zouaves, toujours guidés l’approche de cet implacable ennemi de la tenant à l’abri des vignes et des collines qui par M. de Charette, pénètrent dans Mentana Papauté et de l’Eglise catholique, Rome entourent Mentana ; sa position était et mettent en déroute le reste de l’armée de trembla. La population était tellement excellente ; tandis que les zouaves Garibaldi. Les révolutionnaires prennent terrifiée qu’elle se préparait à s’enfuir vers les pontificaux se trouvaient en rase campagne, leurs jambes à leur cou et regagnent la montagnes en apprenant cette nouvelle n’ayant d’autre défense que leur courage et frontière. alarmante. Un deuil universel enveloppait la leur bravoure, stimulés par le vaillant ville aux sept collines. La crainte avait glacé le lieutenant-colonel de Charette. C’est le M. le baron de Charette venait, par un sang dans les veines des plus intrépides. Les héros de Castelfidardo que nous retrouvons coup de sublime audace, de décider du sort églises regorgeaient de fidèles implorant la ici. de la bataille et de sauver Rome de la protection du Très-Haut. Partout, à chaque domination sectaire. C’est le véritable soldat coin de rues, sur les places publiques, on Pendant cette bataille, le futur général de chrétien qui nous donne ainsi l’exemple d’un entendait des gémissements et des sanglots. Charette s’est conduit comme un digne fils courage de héros et se distingue par des actes Encore quelques heures, et Rome et le Père de la Vendée. Les garibaldiens avaient établi dignes des anciens Croisés, et lui seul peut se commun des fidèles seront au pouvoir des leurs quartiers-généraux dans la vigne battre en brave, parce qu’il ne craint pas la révolutionnaires, entre les mains d’un Santucci, à deux pas de Mentana, et c’est là mort. homme sans cœur et sans honneur. Quels qu’ils avaient concentré le gros de leur armée. maux vont fondre sur la ville des Papes ! Cette vigne était entourée d’un mur de Le colonel Allet ne se montra pas moins brique. C’était donc une véritable citadelle courageux que son lieutenant-colonel ; mais Mais, consolons-nous ; l’auguste vieillard pour l’ennemi. En profitant des accidents de il était moins bouillant que lui ; son sang- du Vatican avait prié pour l’Eglise et le Ciel terrain, les zouaves étaient parvenus à une froid excitait l’admiration de tous les avait exaucé sa prière. centaine de verges de cette forteresse et se zouaves. Les balles ne lui faisaient pas tenaient cachés derrière de petits arbres courber la tête, à celui-là. Voici un trait de Pie IX bénit sa petite mais vaillante armée disséminés ça et là, tout en continuant un feu bravoure qui vient à l’appui de notre thèse : et lui donne l’ordre de marcher au combat. de tirailleurs des mieux nourris. M. de Les zouaves volent à Mentana, taillent en Charette trouve que la besogne ne va pas Pendant la bataille,papa Allet, comme pièces les bandes garibaldiennes et rentrent assez vite. Il commande donc une charge à la nous l’appelions au régiment, se tenait au dans Rome couverts de lauriers et de baïonnette. Les zouaves se lancent de l’avant front et un peu à côté de son armée et suivait blessures. L’Eglise venait d’ajouter une comme des lions furieux ; accueillis par une les différentes péripéties de la mêlée, tout en nouvelle page glorieuse à sa glorieuse grêle de balles, ils s’arrêtent, ils hésitent en fumant tranquillement un cigare, lorsqu’il histoire, et le Canada avait arrosé de son sang présence d’un aussi grand danger ; mais ils ne aperçut un garibaldien qui le mettait en joue. pour la première fois le sol romain dans la perdent pas courage — les zouaves n’ont Sans laisser percer la moindre émotion, le personne de M. H. Murray de Québec, et de jamais donné ce triste spectacle. Les balles colonel Allet le regarde viser. Le garibaldien M. Alfred LaRocque, de Montréal, tous deux continuent de tomber dru comme mouches fait feu et... le colonel ne reçoit aucune décorés de la croix de Pie IX pour leur et commencent à faire des vides dans les blessure. Alors, se tournant vers les zouaves, bravoure, et dormant aujourd’hui leur rangs pontificaux. Allet dit en riant : « Oh ! qu’il est bête ! il me dernier sommeil, le premier sur la terre vise, il tire et il ne me tue pas.»—«Donne- d’Espagne, et le second dans le cimetière de « En avant les zouaves, moi ta carabine », ajoute-t-il en s’adressant à Montréal. Honneur à la nationalité franco- un zouave. Notre bon colonel épaule sa canadienne ! s’écrie de Charette, ou je me carabine, pointe le garibaldien, fait feu et le fais tuer sans vous. » Et, soldat à la chemise rouge tombe raide mort. Le combat avait duré cinq heures. agitant avec la pointe de son « Tiens, dit-il en remettant l’arme qu’il avait Garibaldi, bien plus poltron que brave, avait empruntée, c’est comme cela qu’on vise dans pris la fuite pendant la bataille, en laissant ses épée un bonnet rouge d’un l’armée pontificale. » Un tel sang-froid et un Chemises Rouges à leur triste sort. Se voyant chef garibaldien qu’il venait tel courage se passent de commentaires. cerné par les zouaves, il sauta sur son cheval de mettre hors de combat, et galopa vers Monte-Rotondo en disant à Ce sont les zouaves pontificaux, et non les ses officiers de le rejoindre dans cette ville. il se précipite sur l’ennemi. soldats de l’armée française, comme on Mais le fuyard fit tellement jouer les éperons l’enseigne faussement en France aujourd’hui, que sa monture prit le mors aux dents et ne M. de Charette réalise bientôt la situation. qui ont culbuté les garibaldiens en cette s’arrêta avec son cavalier, bien entendu, que Un seul moment d’hésitation peut faire journée mémorable. Voici, à ce sujet, le lorsqu’elle eut franchi la frontière du perdre la bataille et être la cause de la ruine témoignage d’un Français présent à cette Piémont. complète de l’armée du Pape. « En avant les bataille : zouaves, s’écrie-t-il, ou je me fais tuer sans Les officiers garibaldiens retournèrent à vous. » Et, agitant avec la pointe de son épée « Vers trois heures et demie, les Français Monte-Rotondo, suivant l’ordre de leur un bonnet rouge d’un chef garibaldien qu’il arrivèrent devant les murs de Mentana, général ; mais le triste sire avait pris la poudre venait de mettre hors de combat, il se s’annonçant d’une manière significative par d’escampette, comme nous venons de le voir. précipite sur l’ennemi. Ses paroles et son une décharge de cinq minutes. Quelle chose Les vainqueurs et les vaincus, en apprenant la exemple électrisent les zouaves, qui se ruent épouvantable que ces fusils chassepots ! fuite de cehéros — soulignons le mot —, au pas de charge sur la vigne Santucci, en s’écrièrent : « Le généralMontre-ton-dos a bondissant comme des cerfs dans la forêt. On aurait cru entendre un roulement de disparu. » C’est Monte-Rotondo qu’on avait Rien ne peut alors résister à leur élan tambour. C’était la première fois que nos changé enmontre ton dos , et, il faut l’avouer, le impétueux : rien n’arrête leur marche soldats se servaient de pareilles armes, et il Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 7 est heureux que l’expérience en ait été faite comme j’eus à le faire autrefois, au cœur de populations italiennes, conservât sur les rives sur les ennemis de la Papauté. Votre Sainteté. du Tibre un siège glorieux et indépendant de toute souveraineté humaine. « Certes ! loin de nous la pensée de « Un orage plein de périls menace l’Europe. diminuer le rôle de l’armée française et de lui A la faveur de la guerre qui désole le centre du « Votre Sainteté, en délivrant Rome de ravir la moindre parcelle d’une gloire bien continent, le parti de la révolution troupes étrangères, en l’enlevant au péril acquise. Mais il est bon de flétrir l’injustice cosmopolite augmente de hardiesse et continuel d’être le champ de bataille des de ceux qui s’obstinent à lui attribuer tout d’audace et prépare, spécialement en Italie esprits excessifs, aura accompli une œuvre l’honneur de la journée. Son drapeau fut et dans les provinces gouvernées par Votre merveilleuse, rendu la paix à l’Eglise, et comme une menace sur le champ de bataille Sainteté, les derniers coups contre la montré à l’Europe épouvantée par les et jeta l’épouvante au cœur des garibaldiens ; monarchie et la Papauté. horreurs de la guerre, comment on peut elle contint par sa présence les bataillons gagner de grandes batailles et remporter des piémontais campés à quelques milles du « Je sais, Très Saint-Père, que la grandeur victoires immortelles par un acte de justice terrain de la lutte : enfin, grâce aux habiles de Votre âme ne le céderait jamais à la et par un seul mot d’affection. manœuvres exécutées par elle aux abords de grandeur des événements, mais moi, roi Monte-Rotondo et dans la plaine, elle catholique et roi italien, et, comme tel, « Je prie Votre Sainteté de vouloir bien intercepta les renforts ennemis. Mais, gardien et garant, par la disposition de la m’accorder sa bénédiction apostolique, et je encore une fois, toutes les positions avaient divine Providence et par la volonté de la renouvelle à Votre Sainteté l’expression des été enlevées lorsqu’elle vint prendre une part nation, des destinées de tous les Italiens, je sentiments de mon profond respect. active à l’affaire. sens le devoir de prendre, en face de l’Europe et de la catholicité, la responsabilité du « Florence, 8 septembre 1870. « Les vaincus jugèrent moins humiliant de maintien de l’ordre dans la Péninsule et de la rejeter leur défaite sur les merveilles des responsabilité du Saint-Siège. « De Votre Sainteté, chassepots, et ce fut pour tous les ennemis de l’Eglise un dédommagement que d’exclure « Or, Très Saint-Père, l’état d’esprit des « Le très humble, très obéissant et très l’armée pontificale d’un triomphe acheté par populations gouvernées par Votre Sainteté dévoué fils, sa bravoure. » [...] et la présence parmi elles de troupes étrangères venues de lieux divers avec des «VICTOR E MMANUEL .» Le 20 septembre 1870 intentions diverses, sont un foyer d’agitation et de périls évidents pour tous. Le hasard ou La diffamation est consommée par un roi ; Montalembert écrivait au lendemain de l’effervescence des passions peut conduire à mais elle est repoussée avec indignation par l’invasion des Romagnes, en 1860 : des violences et à une effusion de sang qu’il un autre roi. Pie IX répondit à Ponza, après est de mon devoir et du Vôtre, Très Saint- avoir pris connaissance de ces impudents « La pièce s’est jouée en trois actes : la Père, d’éviter et d’empêcher. mensonges et de ces prétendues expressions diffamation, l’usurpation, la votation ; de dévouement à l’Eglise : « A quoi bon cet chaque acte a eu ses acteurs : les écrivains, les « Je vois l’inéluctable nécessité, pour la effort d’hypocrisie inutile ? Ne valait-il pas fantassins, les électeurs ; c’est un procédé sécurité de l’Italie et du Saint-Siège, que mes mieux me dire tout simplement qu’on voulait désormais connu. troupes, déjà préposées à la garde des me dépouiller de mon royaume ? » frontières, s’avancent et occupent les « On dénonce un souverain. Son positions qui seront indispensables à la Ponza ayant commenté la lettre de Victor- gouvernement est imparfait, intolérable ; ses sécurité de Votre Sainteté et au maintien de Emmanuel dans un sens favorable, le Pape lui sujets sont mécontents, opprimés, l’ordre. répliqua : « Mais enfin, vous parlez toujours exaspérés. Il ne se soutient plus que par les des aspirations des Romains ! Eh bien ! vous armes étrangères, il manque de force morale, « Votre Sainteté ne voudra pas voir un acte pouvez voir de vos propres yeux combien ils de force matérielle, il est perdu. Voilà le d’hostilité dans cette mesure de précaution. sont tranquilles. » Le comte Ponza se souverain diffamé, et si la dénonciation Mon gouvernement et mes forces se trouvait donc en présence d’un démenti tombe de haut, tous les matins deux mille restreindront absolument à une action formel. journalistes en répètent à deux millions de conservatrice et tutélaire des droits lecteurs l’écho retentissant. facilement conciliables des populations Lorsque Pie IX congédia le « commissaire romaines avec l’inviolabilité du Souverain- général des Etats romains, » il lui dit : « je puis « Tout d’un coup on affirme que ce Pontife, et de son autorité spirituelle avec bien céder à la violence, mais adhérer à souverain si faible est menaçant, qu’il songe à l’indépendance du Saint-Siège. l’injustice... jamais ! » attaquer, qu’il groupe quelques soldats ; il faisait pitié, il fait peur... Prenons nos « Si Votre Sainteté, comme je n’en doute Le comte Ponza di San-Martino était précautions, violons ses frontières ! C’est le pas, et comme son caractère sacré et la bonté arrivé à Rome le 9 septembre ; il s’en second acte : on envahit le territoire. de son âme me donnent le droit de l’espérer, éloignait le 11, avec la lettre suivante, que Pie est inspirée d’un désir égal au mien d’éviter IX adressait à Victor-Emmanuel, le roi « Puis, maître du pays, on consulte les tout conflit et d’échapper au péril d’une galant-homme. sujets. Etes-vous heureux ? — Non. Voulez- violence, Elle pourra prendre avec le comte vous le devenir ? — Oui. — Le malheur, c’est Ponza di San-Martino, qui lui remettra cette « Au roi Victor-Emmanuel, Pie IX ; le bonheur, ce sera Victor- lettre et qui est muni des instructions Emmanuel. Vive Victor-Emmanuel ! La opportunes par mon gouvernement, les « Sire, pièce est jouée, la toile tombe ; on s’endort accords qui paraîtront mieux devoir Romain, on se réveille Piémontais, mais conduire au but désiré. « Le comte Ponza di San-Martino m’a toujours contribuable, et, de plus, conscrit. » remis une lettre que Votre Majesté m’a « Que Votre Sainteté me permette adressée ; mais elle n’est pas digne d’un fils C’est la même comédie qui se joua en 1870. d’espérer encore que le moment actuel, aussi affectueux qui se fait gloire de professer la foi Le comte Ponza di San-Martino se chargea solennel pour l’Italie que pour l’Eglise et la catholique et se pique d’une royale loyauté. de jouer le premier acte en portant au Pape la Papauté, rendra efficace l’esprit de Je n’entre pas dans les détails de la lettre elle- lettre qu’on va lire, c’est un monument bienveillance qui n’a jamais su s’éteindre même, pour ne pas renouveler la douleur que d’hypocrisie : dans votre cœur, envers cette terre qui est sa première lecture m’a causée. Je bénis aussi Votre patrie, et les sentiments de Dieu, qui a permis à Votre Majesté de « Très Saint-Père, conciliation que je me suis toujours étudié combler d’amertume la dernière partie de ma avec une persévérance infatigable à traduire vie. Du reste, je ne puis admettre certaines « Avec une affection de fils, avec une foi de en actes, afin que, tout en satisfaisant aux demandes, ni me conformer à certains catholique, avec une loyauté de roi, avec un aspirations nationales, le chef de la principes contenus dans cette lettre. sentiment d’Italien, je m’adresse encore, catholicité, entouré du dévouement des J’invoque Dieu de nouveau, et je remets 8 Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 entre ses mains ma cause qui est entièrement Saint-Père. Défendre cinq provinces, avec lui, afin de cerner la petite armée pontificale la sienne. Je le prie d’accorder de nombreuses une poignée de soldats, contre trois corps commandée par notre brave lieutenant- grâces à Votre Majesté, de la délivrer des d’armée, c’eût été une folie et un sacrifice colonel. périls et de lui dispenser des miséricordes inutile de vies. Aussi, le général Kanzler, pro- dont Elle a besoin. ministre des armes, donna-t-il l’ordre Le baron de Charette, qui avait été mis au d’abandonner les provinces à l’approche de courant de la démarche du comte Ponza di « Du Vatican, le 11 septembre 1870, l’ennemi et de converger vers Rome, tout en San-Martino, avait averti tous les avant- laissant aux commandants la latitude de faire postes de se tenir prêts à se replier en cas « PIO PP. IX » une « honorable résistance. » Cet ordre fut d’attaque ; et tous les détachements avaient ponctuellement exécuté, comme nous le obéi à ses ordres. Les deux mille hommes C’est ainsi que parle le roi diffamé, et c’est verrons dans le cours de ce récit. échelonnés dans la province de Viterbe, ainsi que se termine le premier acte de la étaient donc alors réunis sous le pièce. Passons maintenant au second, c’est- La retraite des zouaves de la commandement du héros de Mentana. Mais à-dire à l’usurpation. quel parti prendre dans cette situation province de Viterbe, sous la périlleuse ? Combattre ou retraiter, pas Le même jour que le comte Ponza di San- direction du lieutenant- d’autre issue. M. de Charette, après avoir Martino quittait Rome, les troupes colonel de Charette, a été un mûrement réfléchi, se décide à la retraite. piémontaises franchissaient la frontière Pour exécuter cette manœuvre audacieuse, romaine et s’emparaient de Bagnorea et de des exploits les plus glorieux de Charette n’avait plus le choix des routes. Montefiascone, que les zouaves avaient et les plus hardis accomplis Cadorna devait nécessairement bloquer la évacuées quelques instants auparavant. par notre régiment. voie la plus directe : celle de Ronciglione et L’invasion était commencée, et cela sans de Monterosi. Il ne restait donc que celle de raison aucune et sans aucune déclaration de Civita-Vecchia par Vetralla ; c’était guerre. Ce n’est pas le motinvasion qu’il La retraite des zouaves de la province de parcourir la base d’un triangle dont Rome faudrait employer, mais bien l’expression de Viterbe, sous la direction du lieutenant- occupait le sommet. Mais il fallait bien voldeterritoire. Victor-Emmanuel représente colonel de Charette, a été un des exploits les passer par là pour ne pas tomber entre les ici le lion de la fable:«Jem’appelle lion, se plus glorieux et les plus hardis accomplis par mains de l’ennemi et priver ainsi Rome de dit-il ; par conséquent je prends le royaume notre régiment. Nous en ferons donc une l’élite de ses troupes. du Pape. » Et le nouveau Judas envoie le narration aussi fidèle que possible, en nous lieutenant-général Raffael Cadorna exécuter appuyant sur le témoignage de nos Ce parti pris, de Charette se prépare à la ses ordres iniques. camarades de la 6ème compagnie du 4ème retraite. Mais, pour ne pas paraître fuir bataillon à laquelle nous avons eu le bonheur devant l’armée piémontaise et lui laisser le Cadorna entre alors dans les Etats de d’appartenir, et sur celui du comte de champ libre, il prend la résolution de se l’Eglise avec cinq divisions et une réserve, Beaufort, témoin oculaire du vol commis par fortifier à Viterbe et d’y attendre Bixio. Le formant trois corps d’armée. Les forces Victor-Emmanuel. 12, à sept heures du matin, les barricades et piémontaises se répartissent comme suit : les autres travaux de fortification sont quatre-vingts bataillons d’infanterie, dix- Bixio, l’ancien lieutenant de Garibaldi, terminés. En un mot, la ville est mise en état sept bataillons de bersaglieri ; cent quatorze s’empare d’abord de Bagnorea, le 11 de défense. De Charette, placé dans pièces, cinq compagnies de train et une septembre, comme nous l’avons dit l’observatoire établi au sommet de la tour de compagnie de pontonniers. L’effectif de précédemment. Cette ville n’était défendue la caserne, examine les mouvements de l’armée s’élevait à 81.478 hommes. que par vingt zouaves commandés par le l’ennemi, qui était campé sur les hauteurs de lieutenant de Kervyn. Ce dernier, averti à Montefiascone et à Bagnorea, située à droite Cadorna, ayant trois divisions sous son trois heures par un courrier de Capraccia que de Montefiascone et à six milles environ de commandement, s’avançait du côté des l’ennemi s’avance, prend alors le parti de se Viterbe. Vers dix heures et demie, le brave Légations et de la Sabine. Bixio, à sa droite, replier sur Montefiascone ; mais, trompé par commandant des zouaves voit une colonne avec la 2ème division, menaçait les frontières un faux rapport, il retarde son départ et, piémontaise lever le camp et se diriger vers du côté de la Toscane, et Angioletti, à la surpris par les Piémontais, il est fait Toscanella et Carcanello dans le but évident gauche, quittait le royaume de Naples avec le prisonnier avec son détachement. On les de couper la route de Corneto, et une autre 3ème corps d’armée. Avant même de promena ensuite à travers l’Italie, dit M. de colonne se porter sur Viterbe. En même prévenir le Pape, l’armée piémontaise avait Beaufort, en butte aux mauvais traitements temps, des paysans arrivent à Viterbe et pris ses positions sur la frontière ; car, le 7 de leurs vainqueurs et aux insultes d’une préviennent de Charette que deux colonnes septembre, Bixio avait son quartier général à lâche populace. du corps de Cadorna s’avancent du côté Orvieto ; Cadorna, à Rietti ; Mazé de la d’Orte et de Soriano. Quelques minutes Roche, à Terni ; Ferrero, à Narni ; et Les Italiens marchent tout de suite sur s’étaient à peine écoulées, que les zouaves Angioletti, à Cassino. Montefiascone qu’ils croient surprendre : aperçoivent distinctement l’ennemi sur la mais le commandant de Saisy ayant reçu, la route de Ronciglione. Pendant que ces différents corps d’armée veille, l’ordre de retraiter sur Viterbe avec ses s’avançaient sur Rome, une flotte de douze deux compagnies de zouaves, « au dernier Il n’y avait plus à retarder le départ sans navires de guerre, commandée par le contre- moment et sans engager d’action, » quitte être complètement investi. De Charette amiral Del Caretto, se dirigeait vers le port cette ville à dix heures du soir alors que assemble alors son conseil de guerre, et il est de Civita-Vecchia. l’armée piémontaise pénètre dans résolu d’évacuer Viterbe immédiatement. Montefiascone par une porte opposée, et Des ordres sont donnés aux officiers, et les Telle était la position de l’armée arrive à Viterbe, la même nuit, sans avoir été troupes pontificales abandonnent Viterbe et piémontaise au commencement de inquiété dans sa retraite. Du reste, M. de se retirent au casino Polidori, à un mille et l’invasion. Rome était donc cernée de toutes Saisy avait pris ses mesures pour protéger sa demi de cette ville. Les habitants saluent leur parts. petite colonne en la flanquant de tirailleurs. départ par les cris de : « Corraggio, Zuavi ! L’arrivée de ces deux compagnies de zouaves Courage, zouaves ! Corraggio, figli ! Courage, Maintenant, quels moyens ou quelles à Viterbe fut saluée par les cris de : « Vive Pie enfants ! » Encore un démenti à la lettre de forces Pie IX avait-il à sa disposition pour IX ! » Victor-Emmanuel. Toute la petite troupe défendre son territoire de cinquante lieues pontificale se trouvait réunie au casino de longueur sur quinze de largeur en Bixio passe la nuit à Montefiascone. Le Polidori, à l’exception de quelques vedettes moyenne ? Treize mille six cent quatre-vingt- lendemain matin, il lève le camp, et, pour et de douze hommes de garde au poste de la quatre hommes de troupes — chiffre officiel, couper la retraite à de Charette et à ses Place qui avaient été faits prisonniers, parce — et encore disséminés dans les cinq zouaves qui se trouvaient alors à Viterbe, au que l’ordre de la retraite avait été mal provinces romaines savoir : Velletri, lieu de marcher sur cette dernière ville, il compris. Frosinone, Viterbe, Civita-Vecchia et prend un chemin à droite et se dirige sur Comarca. Plusieurs bataillons se trouvaient à Civita-Vecchia par la route de Toscanella et Le lieutenant-colonel de Charette donne Rome dans le moment pour protéger notre de Corneto, en laissant un bataillon derrière le commandement de marcher de l’avant. Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 9

Les troupes pontificales prennent la route de canons et la mitrailleuse ne peuvent passer, ayant enfin appris que ceux qu’il attendait lui Vetralla où elles arrivent à six heures du soir. on leur attache des cordes et on les hisse à avaient échappé, il ne songea plus qu’à Deux heures avant d’atteindre cette petite force de bras. Deux fois ainsi, l’on doit s’emparer de Civita-Vecchia. La flotte ville, des cavaliers piémontais ont rejoint la monter séparément les caissons et les pièces ; italienne, étant venue dans la journée sous troupe du Pape ; mais ils sont obligés de ailleurs, il faut aux six chevaux d’attelage Corneto, au Porto-Clementino, Bixio alla, rebrousser chemin en voyant l’attitude fière joindre une vingtaine de soldats. Pour les vers deux heures et demie, à bord du et menaçante des zouaves. bagages, il en est de même, et parfois on doit vaisseau-amiral « Roma, » se concerter avec les transporter et enlever en quelque sorte les l’amiral Caretto pour le siège de la place, et, Le 13 septembre, à 6 heures du matin, la chariots. Un ou deux se brisent, qu’on se portant lui-même en avant, le 15, il petite troupe pontificale sort de Vetralla et abandonne ; les autres passent, ainsi que les établissait son quartier-général à Torre- se dirige, par une chaleur suffocante, sur la canons, grâce aux efforts soutenus de la Orlando, devant Civita-Vecchia. petite ville de Monte-Romano, où elle fait troupe. son entrée à dix heures, au milieu des vivats « Vers le même temps, (au moment où de la population. De Charette accorde « Les hommes tombent de fatigue, mais Bixio eut un entretien avec le contre-amiral quelques heures de repos à ses soldats avant aucun ne se plaint, et le courage leur donne Del Caretto) le lieutenant-colonel de de commencer la célèbre retraite de Viterbe une force nouvelle, maintenue par le bon Charette partait avec ses troupes. Le train proprement dite. Les hommes tombent de esprit de tous et l’énergie que savent inspirer qu’il prit était le train ordinaire de Civita- fatigue ; une soif dévorante les brûle ; et le lieutenant-colonel de Charette et le Vecchia à Rome. Entre la première de ces pourtant ils sont encore pleins de courage. lieutenant d’artillerie Maldura. deux villes et une station voisine, il y eut un De temps à autre, on les entend crier : « Vive instant de sérieuse crainte. Le chemin de fer Pie IX ! » Après avoir récupéré leurs forces, « On avait encore à courir un autre risque : côtoyait de très près le rivage et l’on vit à une les zouaves se mettent en marche pour se une fois, dans la nuit, on aperçut du sommet faible portée de terre une frégate ennemie rendre à Civita-Vecchia ; mais la route qui d’une hauteur les feux de nombreux bivouacs embossée, et qui semblait prête à prendre en conduit de Monte-Romano à Corneto, par ennemis entre Corneto et Civita-Vecchia. écharne le train à son passage. Le danger était où ils doivent passer, est déjà occupée par les Ils étaient encore éloignés ; mais la route s’en réel et grand ; mais on n’en eut que la crainte ; Piémontais. Comment de Charette s’y prit-il approchait. A force d’efforts, on avait, en la présence de voyageurs civils dans le convoi pour sortir de cette impasse ? Pour répondre continuant cette marche nocturne, gagné et la certitude de tirer sur eux en même à cette question, nous laissons la parole à M. Allumiera et rejoint la route allant de temps que sur les troupes arrêtèrent-elles la de Beaufort : Bracciano à Civita-Vecchia, mais bientôt on frégate italienne ? Celle-ci ignorait-elle que vit qu’en la suivant on tombait au milieu des nos soldats étaient dans le train, crut-elle « Essayer de forcer le passage eût été Italiens : on était même si près d’eux qu’il qu’ils allaient suivre dans un train spécial, ou téméraire, vu l’infériorité numérique des n’était pas certain qu’on pût éviter leur bien n’eut-elle pas d’ordres ? Quoi qu’il en troupes romaines, et la forte position de rencontre. On fait une halte un instant ; de soit, le convoi poursuivit sa marche et fut Bixio à Corneto. Si l’on était obligé de Charette donne à voix basse ses instructions bientôt hors d’atteinte ; on arriva ainsi combattre pour s’ouvrir la route, mieux aux officiers pour le cas d’une attaque, et jusqu’aux portes de Rome. Au pont du Tibre, valait-il le faire le plus près possible de échange avec eux une poignée de main le train s’arrêta ; le triste souvenir de la Civita-Vecchia, où l’on trouverait des d’adieu ; puis, quittant de nouveau la route caserne Serristori et de tentatives analogues soutiens et un asile ; il fallait donc gagner frayée que suivent seuls les bagages et leur faisaient craindre que des mains criminelles Civita-Vecchia le plus tôt possible ; pour garde, on se jette à travers les champs, n’eussent essayé de miner le pont pour le cela, on n’avait qu’une route longue, difficile, traînant encore les canons sur un sol parsemé faire sauter au moment du passage des passant près des montagnes escarpées, de rochers jetés en désordre, et marchant troupes. Celles-ci descendirent du train, qui inconnues, et c’était pendant la nuit qu’on ainsi en ligne droite et le plus vite dans la poursuivit sans elles, et, suivant la rive droite, devait la suivre... direction de Civita-Vecchia. elles entrèrent dans Rome par la porte Porthèse. L’anxiété sur leur sort n’était pas « Le temps presse cependant. La troupe « Tant d’efforts furent récompensés, et moindre à Rome qu’à Civita-Vecchia ; la joie s’étant un peu reposée, M. de Charette l’ennemi ne s’aperçut pas de la proximité des de les revoir y fut égale. Le pro-ministre des adresse quelques mots à ses soldats, et, sans zouaves pontificaux. Bixio se promettait armes les attendait lui-même à la porte avec même avoir le temps d’achever le repas bien cependant de leur couper le passage. Il sa famille ; et ce fut au milieu des vivats et des commencé, par une accablante chaleur et au avait occupé par ses troupes la route de acclamations poussées par les troupes cri de « Vive Pie IX, » on commence, vers Corneto à Monte-Romano, et le pont du rangées près des murailles et par le peuple trois heures et demie, cette retraite de douze Mignone, où il les attendait au passage. Ce répandu dans les rues, que nos soldats de heures qui ne devait finir qu’à Civita- qu’il n’avait pas prévu, c’est que des chemins Viterbe firent leur entrée dans la capitale, où Vecchia, et qui serait admirée comme elle le impraticables les dérobaient à son atteinte. bientôt ils durent se rendre aux postes de mérite, si, exécutée en autre temps, elle eût combat qu’on leur avait assignés. » trouvé un historien digne d’elle. « Vers deux heures du matin, la petite troupe romaine entendit un bruit lointain ; Les jours suivants furent consacrés aux « A quelque distance de Monte-Romano, il c’était celui de la mer, on approchait de préparatifs de défense. Presque toute fallait quitter la grande route pour se jeter à Civita-Vecchia. Tout n’était pas sauvé l’armée pontificale avait pu retraiter sur gauche dans la traverse. Le chemin que l’on encore, et des fusées que l’on vit alors s’élever Rome : quelques détachements isolés, mais prit, mauvais dès l’abord, était cependant au-dessus de la ville, dans le ciel encore peu nombreux, avaient été faits prisonniers. praticable. Au bout de quelques milles, il sombre, et dont le sens était connu, cesse complètement ; c’est à gué, et de l’eau donnèrent bien quelques inquiétudes ; mais Les soldats pontificaux étaient rangés en jusqu’au dessus du genou, qu’on passe le petit celles-ci ne furent pas confirmées. La marche bataille, autour de Rome, en dedans et près fleuve du Mignone ; puis, on se trouve en se poursuivit heureusement : à trois heures, des murs. pleine montagne, dans des sentiers bons l’avant-garde atteignit les portes de la ville, et seulement pour des bêtes de somme. C’est le reste de la colonne arriva à trois heures et Le 20 septembre, l’armée piémontaise pourtant le seul chemin possible pour la demie dans Civita-Vecchia ; elle était en enveloppait la Ville Eternelle dans un cercle colonne ; il faut y faire passer l’artillerie ; et sûreté... de feu. Le général Cadorna avait placé les avec le jour qui baisse, augmentent les XIe et XIIe divisions et la réserve au nord- difficultés. Tantôt descendant au fond des « Pendant que les troupes de la province de est de la ville, en face des Portes Pia et ravins escarpés, tantôt gravissant des pentes Viterbe effectuaient avec tant de bonheur Salaria ; Ferrero se trouvait à l’est, près de la abruptes, tantôt par de brusques détours une retraite si périlleuse, le général Bixio, que porte Majeure ; Angioletti devait attaquer le contournant des saillies de rochers, gênés par nous avons laissé à Corneto avec sa division, y sud vers la porte Latine, et Bixio était chargé l’inégalité même d’un sol raboteux, hérissé de attendait toujours la colonne pontificale. Il y de la partie qui fait face au Transtévère. pierres aux arrêtes vives, on triomphe de tous demeura jusqu’au soir du 14. Ce jour-là, les obstacles. On avance là même où la cependant, il avait poussé sa cavalerie et les A cinq heures et dix minutes, le premier marche semble impossible ; quand les deux bersaglieri jusqu’en vue de Civita-Vecchia, et coup de canon est tiré par l’ennemi, et un 10 Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 boulet vient frapper le mur à droite de la « Hier, j’ai été à la maison où fut condamné nous séparer et abandonner par la force ce Porte Pia. C’est le signal de l’attaque. Bientôt Jésus-Christ ; j’ai monté la Scala-Santa, et service du Saint-Siège qui, plus que tout au la fusillade devient générale. Les Italiens c’était avec beaucoup de peine, et j’avais un monde, nous tient tant à cœur ! sont moissonnés par la mort, tandis que les soutien ; enfin, j’y suis parvenu. C’est cet pontificaux n’éprouvent que des pertes escalier qu’il a monté pour être condamné. « Rome est tombée ! mais, grâce à votre insignifiantes. Malgré l’active et courageuse En le montant, je me disais : peut-être courage, à votre fidélité, à votre admirable défense des assiégés, l’armée ennemie demain, moi aussi, je serai condamné par les union, elle est tombée avec honneur ! pratique une brèche dans le mur qui avoisine catholiques d’Italie, filii matris mea la Porte Pia. Les Piémontais essaient par pugnaverunt contra me. Il me faut beaucoup de « Quelques-uns d’entre vous se plaindront trois fois de pénétrer dans Rome par cette force, et Dieu me la donne ! DeoGratias! sans doute de ce que la défense n’ait pas été brèche ; mais, à chaque attaque, les plus prolongée ; mais une lettre de Sa bersaglieri, les meilleurs soldats des troupes « Les élèves du séminaire américain m’ont Sainteté éclaircira tout. Ce témoignage de assiégeantes, sont repoussés par les zouaves, demandé de prendre les armes, mais je les ai l’auguste Pontife sera la consolation de tous qui font des charges à la baïonnette des plus remerciés, et je leur ai dit de se joindre à ceux et la plus belle récompense que nous brillantes. Le général Kanzler envoie un qui soignent les blessés. » puissions obtenir dans les circonstances rapport au Saint-Père sur ce qui se passe à la actuelles. Je dois également vous faire Porte Pia. Le Pape, pour éviter une plus « Voici maintenant que Rome est connaître que, séparée, par la violence, de grande effusion de sang, arbore le drapeau enveloppée et que l’on commence à manquer son armée, Sa Sainteté a daigné vous délier de blanc à dix heures et dix minutes. L’armée de beaucoup de choses... tous vos serments militaires. pontificale obéit au successeur de Pierre : elle cesse le combat et se dirige vers la cité « Hier, en revenant de la Scala-Santa, j’ai vu « Adieu, mes chers compagnons d’armes ! Léonine. Rome capitule et tombe au pouvoir tous les drapeaux que l’on a mis dans Rome N’oubliez pas votre chef, qui conservera de du Piémont. pour se protéger. Il y en a des anglais, des vous tous un grand et impérissable souvenir. américains, des allemands, même des turcs. Nous ne vous parlerons pas des scènes Le prince Doria en a mis un anglais, je ne sais « Rome, le 21 septembre 1870. dégoûtantes et indignes d’un peuple civilisé, pourquoi. qui eurent lieu après la capitulation. Les « Kanzler. » Italiens ont manqué alors à toutes les lois de « Quand je suis revenu de Gaète, ajouta l’honneur et se sont conduits comme les tristement le Pontife, j’ai vu aussi sur mon Le colonel Allet adresse aussi quelques barbares des premiers siècles de l’Eglise. passage beaucoup de drapeaux qui avaient paroles d’adieu à ses chers zouaves. été mis en mon honneur. Aujourd’hui, c’est Nos pertes, dans cette journée tout-à-fait différent ; ce n’est pas pour moi qu’on les a Et l’heure de la séparation est arrivée. glorieuse pour les soldats du Pape, mis. s’élevèrent à seize tués et cinquante-huit Levant le bras vers le ciel, blessés ; celles de l’ennemi dépassèrent mille, « Ce n’est pas la fleur de la société qui tués ou blessés. Un écrivain allemand a dit : accompagne les Italiens quand ils attaquent Pie IX commence la « La perte de l’ennemi devant Rome, le 20, le Père des catholiques ; c’est une miniature bénédiction solennelle : monte environ à deux mille hommes tués ou de ce que faisaient les jeunes Romains qui se « Benedictio Dei Omni- blessés. Je sais ce que je dis et pourquoi je le rendirent au camp de César quand il passa le dis ; je sais aussi combien le Piémont a donné Rubicon. Le Rubicon est passé... Fiat potentis. » Le cri de « Vive dans ses journaux des pertes voluntastuaincœloetinterra...» Pie IX » s’échappe de mensongèrement petites ; mon calcul toutes les poitrines. s’appuie sur le dire des soldats ennemis. » Après avoir fait arborer le drapeau de la paix, Sa Sainteté dit aux ambassadeurs : Reportons-nous de quelques heures en Il se passe alors une scène que les soldats du arrière et voyons ce que faisait Pie IX « Je viens de donner l’ordre de capituler. Pape n’oublieront jamais. Tous les pendant que les Piémontais bombardaient On ne pourrait plus se défendre sans défenseurs de la Papauté auraient désiré voir Rome. répandre beaucoup de sang, ce que je ne veux encore une fois leur Père bien-aimé, et cette pas. Je ne vous parle pas de moi ; ce n’est pas faveur allait leur être refusée, — puisque Après avoir dit sa messe à sept heures et pour moi que je pleure, mais sur ces pauvres l’ordre de se mettre en marche était déjà demie et être resté en prières jusque vers enfants qui sont venus me défendre comme donné — lorsque tout-à-coup une fenêtre du neuf heures, le Pape passa dans sa leur Père. Vous vous occuperez chacun de Vatican s’ouvre. Et l’on voit apparaître dans bibliothèque particulière, où étaient réunis ceux de votre pays. Il y en a de toutes les l’embrasure, le véritable roi de Rome. Levant les membres du corps diplomatique au nations... Pensez aussi, je vous prie, aux le bras vers le ciel, Pie IX commence la nombre de dix-sept. Pie IX dit quelques Anglais et aux Canadiens, dont personne ne bénédiction solennelle : « Benedictio Dei mots aux ambassadeurs, mais sa voix est représente les intérêts ici... Omnipotentis. » Le cri de « Vive Pie IX » entrecoupée de sanglots. Voici quelques- s’échappe de toutes les poitrines. Les unes de ses touchantes paroles : « Je vous les recommande, je vous les zouaves sont ivres de joie et de bonheur : les recommande tous, pour que vous les uns lancent leurs képis en l’air : les autres « J’ai écrit au roi ; je ne sais s’il a reçu ma préserviez des mauvais traitements dont présentent les armes. lettre ; je l’avais envoyée cependant sous d’autres eurent tant à souffrir, il y a quelques l’adresse de son ministre des affaires années (en 1860.) Des balcons des résidences qui entourent étrangères. Je pense qu’elle lui sera parvenue, la place Saint-Pierre, des milliers de mais je n’en sais rien. « Je délie mes soldats du serment de fidélité personnes répètent : « Vive notre Saint-Père ! qu’ils ont fait, afin de leur laisser leur liberté.» Vive le Pape ! Vive Pie IX, notre roi ! » C’en « Bixio, le fameux Bixio, est là avec l’armée est trop pour le cœur du Souverain-Pontife. italienne. Aujourd’hui, il est général. Bixio, Le Pontife-Roi congédia ensuite les Succombant à l’émotion qui le suffoque, il du temps où il était républicain, avait formé membres du corps diplomatique ; il pleurait tombe évanoui dans les bras de ceux qui le projet de jeter dans le Tibre, quand il comme un enfant. l’environnent. La fenêtre se ferme, et les entrerait dans Rome, le Pape et les soldats pontificaux prennent la route de leur cardinaux... Il est là, à la porte San- La capitulation fut signée le 20, et le pays respectif, en versant d’abondantes Pancrazio ; ce côté-là est le plus exposé. Il y a lendemain, 21, le général Kanzler annonça le larmes sur le sort de l’auguste prisonnier du des maisons qui souffriront, entre autres licenciement de l’armée pontificale, dans les Vatican. celle de Torlonia. Les souvenirs du Tasse termes suivants : courent beaucoup de risques avec les Les Français furent recueillis à bord de la libérateurs de l’Italie ; mais ces gens-là s’en « Officiers, sous-officiers et soldats ! frégate française, l’Orénoque , en station à inquiètent peu... » Civita-Vecchia. « Le moment fatal est venu où nous devons Les documents contrerévolutionnaires no 16 — Juin 2001 11

Le commandant Briot les reçut avec les Serment de fidélité des • Claude Mouton-Raimbault,La Moricière , plus grands égards. Zouaves Pontificaux au 1990. Disponible à la S. A. D. P. F. « Le 25 septembre, qui était un dimanche, Saint-Siège Adresse écrit le capitaine Jacquemont, après la messe célébrée par leur aumônier sur le pont de la - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- frégate, les zouaves se rassemblèrent autour e jure à Dieu Tout-Puissant d’être Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : de leur colonel. Le capitaine de Fumel Jobéissant et fidèle à mon souverain le 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. déploya le drapeau du régiment, qu’il avait Pontife Romain, notre très Saint-Père le emporté en le cachant dans les plis de sa pape Pie IX et à ses légitimes successeurs. ceinture, et après avoir salué une dernière Je jure de le servir avec honneur et fidélité, et fois ce glorieux drapeau, troué des balles de de sacrifier ma vie même pour la défense de 99 Mentana, les zouaves se le partagèrent. sa personne auguste et sacrée, pour le soutien Chacun voulut en emporter un fragment et de sa souveraineté et pour le maintien de ses Prière à saint Michel Archange garder sur son cœur cette relique, talisman droits ; je jure de n’appartenir à aucune secte de la foi, du courage et de l’honneur. Selon ni civile ni religieuse, à aucune société Saint Michel Archange, défendez-nous l’expression du commandant d’Albiousse, secrète ou corporation, quelle qu’elle soit, dans le combat ; soyez notre secours contre c’étaient pour la plupart d’entre eux les ayant pour but directement ou la méchanceté et les embûches du démon. dépouillesopimesdeleurscampagnes. Ensuite, les indirectement, d’offenser la religion « Que Dieu lui commande », nous le zouaves passèrent du bord de l’Orénoque sur catholique et de corrompre la société. demandons en suppliant ; et vous, Prince de un paquebot des Messageries, l’Illissus qui la milice céleste, repoussez en enfer, par la était venu les chercher, et ils quittèrent Je jure de ne m’inscrire dans aucune secte puissance divine, Satan et les autres esprits aussitôt le port de Civita-Vecchia. ou société condamnée par les décrets des mauvais qui rôdent dans le monde pour Pontifes romains. perdre nos âmes. Ainsi soit-il. Le second acte du drame étant terminé, la (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la toile tombe. Je jure aussi à Dieu très bon et très grand de récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, n’avoir aucune intelligence directe ou communion, visite d’une église avec prière aux intentions du Le troisième acte fut joué le 2 octobre : indirecte avec les ennemis, quels qu’ils SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) c’est la votation ou le plébiscite. Affiches soient, de la religion et des Pontifes romains. mensongères, menaces, bulletins forgés ; tout a été employé par les partisans de la Je jure de ne jamais abandonner les insignes Révolution pour accomplir cette scène de du Souverain Pontife et le poste qui m’aura bouffonnerie, obtenir un vote unanime — les été confié par mes supérieurs. catholiques avaient reçu du Pape l’instruction de ne pas voter — et faire Je jure d’obéir à tous mes légitimes comprendre aux autres nations que « Victor- supérieurs, de les honorer, de les défendre et Emmanuel était aimé par tout le peuple d’exécuter sous leurs ordres en tout ce qui romain. » concerne l’observation de la religion et le fidèle service du Saint-Siège. Le drame était donc fini. Pie IX, le roi légitime, est dépouillé de sa couronne, et Je jure d’observer exactement les Victor-Emmanuel, le roi spoliateur, s’installe conditions de mon engagement, de me à Rome, au Palais du Quirinal appartenant au soumettre à tous les articles et à toutes les Pape. clauses des lois de l’État pontifical et des règlements militaires, et de me comporter toujours en valeureux et fidèle soldat dans 99 l’accomplissement de mes devoirs.

Que Dieu me vienne en aide et son saint Évangile, par Notre Seigneur Jésus-Christ - Ainsi soit-il. Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, Source : Jean Guenel, La dernière sans autre but, sous leur forme éloquente et leur guerre du pape, Presses Universitaires sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et deRennes,1998,pp.53-54. d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en peut être assuré, est de leur opposer des écrits salutaires et de les répandre.

S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. Y Y Y 9 Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au Ouvragesrecommandés déferlement de littérature révolutionnaire à • Maurice de Charette, Les zouaves vil prix qui outrage la majesté divine, détruit pontificaux, 1996. Disponible à la S. A. D. P. la morale chrétienne, incite aux pires péchés, F. et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour • Jean Guenel,La dernière guerre du pape , diffuser la saine littérature catholique. Commandant Charles-Edmond Presses Universitaires de Rennes, 1998. Rouleau Disponible à la S. A. D. P. F. Abonnement gratuit sur demande. • Jacques Crétineau-Joly, L’Église romaine en Toutereproductionestautorisée. Chevalier de Saint Grégoire le Grand et de Pie IX face de la Révolution, réédition Cercle de la Lieutenant-Colonel des zouaves pontificaux canadiens Président des zouaves pontificaux de Québec Renaissance Française, 1976. Disponible à la Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- S. A. D. P. F. Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : • Yves Chiron,Pie IX, pape moderne , 1995. [email protected]. URL : 99 Disponible à la S. A. D. P. F. http://www.contrerevolution.org Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 17— Septembre 2001

pièces arrangées à la luthérienne, on novembre 1534, tout cela fut rompu par le zèle Les crimes du inventait une messe nouvelle, la messe à sept indiscret de quelques-uns, lesquels ayant fait points. Peu à peu la nouvelle doctrine se dresser et imprimer certains articles, d’un style protestantisme répandit au dehors et fit des progrès, surtout aigre et violent contre la Messe, en forme de dans les classes lettrées de la société. placards, les semèrent et plantèrent par les François 1er fermait les yeux et se montrait carrefours et autres endroits de la ville de Paris, 9 même assez favorable aux prosélytes de la contre l’avis des plus sages ; mais en affichèrent un à nouvelle religion ; il acceptait la dédicace de la porte du roi alors étant à Blois, ce qui le mit en l’Institution Chrétienne de Calvin ; il travaillait telle fureur, ne laissant passer cette occasion, pour attirer Mélanchthon à Paris : tout cela ceux qui l’épiaient depuis longtemps et qui Abbé Lefortier, La Saint- montrait un prince qui voulait mettre en avaient son oreille, comme le grand maître Barthélémy et les premières pratique un système de tolérance commandé depuis connétable (Montmorency) et le du reste par des raisons politiques. Mais les cardinal de Bourbon, qu’il se délibéra de tout guerres de religion en France, nouveaux réformés, enhardis par cette exterminer, s’il eût été en sa puissance. » Ce Société Générale de conduite du roi à leur égard, fiers de la témoignage si explicite est cité par un célèbre historien protestant, de Sismondi, e protection de la reine Marguerite et confiant Librairie Catholique, 2 dans la Ligue de Smalkade, alors menaçante dans sonHistoire des Français, tome XVI, en Allemagne, ne cachèrent bientôt plus ni page 448. Sans ajouter une foi entière à ce édition, 1879, pp. 125-159. leur croyance, ni leurs pratiques. Peu à peu ils projet detout exterminer , que Bèze prête au devinrent railleurs, insolents envers les roi de France, il faut convenir que rien ne Catholiques, qu’ils ne désignaient que par les devait le jeter davantage dans une extrême Y Y Y noms dePapolâtres et de Théophages . Ils irritation, que cezèle indiscret de certains s’attaquaient aux temples, aux statues, aux novateurs. Quoi ! parce qu’il se montrait reliquaires, troublaient même les cérémonies patient et modéré, on venait le braver jusque les plus augustes du culte catholique. A dans son palais ? N’était-ce pas à la révolte ouvent l’humanité des historiens s’est Rouen, le jour de la Fête-Dieu, ils poussèrent ajouter l’insulte ? Aussi, à partir de ce Sapitoyée sur le sort des Huguenots en l’insolence jusqu’à mettre le désordre dans moment, François 1er conçut et arrêta la France ; ils nous les ont souvent une procession en jetant sur les prêtres des résolution de contenir ces sectaires par la représentés comme les victimes innocentes ordures et tout ce qu’ils trouvaient sous la terreur. Il fit dresser un bûcher où, suivant le de l’intolérance des Catholiques. Cependant main (Dom Pommeraye, Hist. des Arch. de témoignage de Bèze, « furent très l’impartialité de l’histoire nous force à dire Rouen, ap. Jager, t. XV, p. 281). En 1534, ils cruellement brûlés vifssix personnages avec que toujours les mauvais traitements dont ils vivaient encore en paix ; aucun édit n’avait merveilleuses huées du peuple, tellement ont été l’objet de la part des Catholiques, et encore été porté contre eux, et ils pouvaient ému, que peu s’en fallut qu’il ne les arrachât dont nous sommes loin d’approuver les se livrer tranquillement aux pratiques de leur des mains des bourreaux pour les déchirer excès, ont été amenés par les violences culte, à l’abri de la tolérance ou plutôt de (Saint Prosper,Hist. de Fr., t. II, p. 272). » La exercées par les Protestants sur leurs l’indifférence du gouvernement à leur égard. réflexion que cette exécution inspire à Bèze adversaires ; que les premières attaques ne Cependant, ils osèrent provoquer quand il dit « que si la fureur (du peuple) était partirent pas des rangs du Catholicisme, et publiquement l’indignation des Catholiques grande, la constance desmartyrs fut encore que ce fut le Protestantisme qui le premier se en faisant afficher dans tous les carrefours de plus grande, » restera comme la flétrissure de montra partout intolérant, provocateur, Paris, et jusqu’à la porte du roi, des placards la Réforme, qui ne rougit pas de profaner le violent jusqu’à la brutalité. Maimbourg injurieux contre la Messe et le Saint nom de martyrs en le décernant à ces commence ainsi son histoire du Calvinisme Sacrement. perturbateurs de la paix publique. Voilà en France : « Tout ce que la perfidie, l’avarice, quelles furent les premières rigueurs l’ambition, l’impiété, la cruauté, le désespoir Comme il s’agit ici d’actes qui ont été le exercées contre les Protestants en France ; et toutes les passions les plus tumultueuses et prélude des rixes sanglantes qui vont elles datent de l’année 1535 et furent, comme les plus farouches, ont inspiré de fureur et de déchirer le sein de notre malheureuse patrie ; on voit, et comme ils l’avouent eux-mêmes, rage aux plus scélérats des siècles passés, le comme il s’agit surtout de savoir à qui, des provoquées par les excès de leurs Calvinisme l’a renouvelé en ce royaume, pour Catholiques ou des Protestants, revient la coreligionnaires. s’y établir par le fer et par le feu, s’il eût pu, sur responsabilité de ces actes qui ont amené la les ruines de la Religion et de l’État (1). » rupture de la paix, c’est un devoir de Henri II suivit d’abord envers les Quelque exagérées que paraissent ces conscience pour l’historien de n’avancer rien Réformés la même politique que son père, et paroles au premier abord, cependant qui ne soit bien authentiquement avéré aux se montra fort disposé à la tolérance. l’histoire les a pleinement justifiées. yeux des Protestants eux-mêmes. Or, voici Souvent même, il paraissait au Pré-aux-

er un témoignage que nous empruntons à un Clercs avec sa femme et y chantait les Ce fut, comme on sait, sous François 1 que des chefs mêmes du Calvinisme, à Théodore psaumes de Marot ; en même temps il le Protestantisme pénétra en France, grâce à de Bèze. « Ayant, dit-il, le roi été gagné par prenait publiquement parti pour les la protection de la sœur du roi, Marguerite eux (les frères du Bellai) jusqu’à ce point qu’il Protestants d’Allemagne contre l’empereur, de Navarre, et de la duchesse d’Étampes. Ce délibéra de faire venir en France et d’ouïr en et se déclarait le défenseur des libertés fut au château de Pau, dans cette demeure présence ce grand et renommé personnage, germaniques. Enhardis par cette conduite du féodale, hérissée de tours et de ponts-levis et Philippe Mélanchthon, étant pour lors en roi, les Protestants faisaient, en dépit des où l’on était à couvert de la surveillance du Saxe, à Wittemberg, compagnon de Luther ; édits, des processions séditieuses ; les lieutenant général Morin, que se tinrent les mais d’un esprit beaucoup plus paisible et ministres et des émissaires de Calvin premières conférences sous forme de modéré que Luther. Mais environ le mois de parcouraient les provinces, répandant de conversation. Dans ces réunions, on lisait des 2 Les documents contrerévolutionnaires no 17 — Septembre 2001 tous côtés les écrits du maître, organisant des consommé, s’en réjouit comme d’une bonne Encyclop.cath., art. RÉFORME ). associations, faisant des collectes pour fortune, ne saurait être regardé comme favoriser le développement des doctrines complètement innocent aux yeux de Dans le Midi, tout semblait nouvelles, si bien qu’à la fin l’autorité royale quiconque n’a pas perdu toute notion de la irrévocablement perdu. L’hérésie y régnait s’alarma de leurs progrès, et interdit ces justice. en despote, protégée par le fanatisme des réunions clandestines par l’édit de grands et l’indifférence des autres. Presque Châteaubriant (1551), décréta même par En 1560, la mort de François II avait ôté le toutes les villes, Nîmes, Montpellier, l’édit d’Écouen la peine de mort contre les pouvoir aux Guises et l’avait laissé tout entier Montauban, Castres, Béziers, Sainte-Foy, religionnaires,car, disait le roi, partout où les entre les mains de Catherine de Médicis, etc., étaient complètement en leur pouvoir, nouvelles doctrines étaient prêchées, l’autorité déclarée régente pour son fils Charles IX, qui et partout où ils passaient on ne voyait que royaledevenaitmoindre. n’avait que dix ans et demi. La politique de la croix abattues, autels renversés, les trésors régente était de s’appuyer sur ceux de la des églises pillés, mis sous le séquestre, les Au commencement du règne de François Religion contre les Guises ; l’Hôpital profita prêtres et les religieux obligés de se dérober à II, ils inondèrent le pays d’un « grand nombre de cette disposition du Gouvernement pour la mort par la fuite. De la belle abbaye de de libelles diffamatoires contre l’autorité de faire rendre l’Édit de juillet (1561), qui Bellevaux, près Nevers, il ne resta pas pierre la reine mère et des princes de Guise, prononçait une amnistie générale, mais sur pierre ; tous les religieux y furent prétendant qu’ils n’avaient aucun droit de défendait les prêches et les levées d’hommes massacrés. La cathédrale de Pamiers fut prendre l’administration du royaume et en attendant la convocation des États et d’un également renversée, ainsi que l’évêché, qu’ils l’avaient usurpée contre les lois pour en Concile national. Les Huguenots ne tinrent plusieurs couvents et même deux hospices. A frustrer les princes du sang (Cont. de Fleury, aucun compte de cet Édit. N’ayant plus rien Montpellier, ils saccagèrent la cathédrale, liv. C, t. III). » La même année, ils à craindre du côté de la cour et forts de massacrèrent un grand nombre de inaugurèrent leur politique brutale en l’exemple et de la protection des princes, ils catholiques (deux cents suivant quelques assassinant le président Minard, catholique n’en observaient que ce qui leur en était historiens) et interdirent le culte catholique zélé, dont le crime, à leurs yeux, était d’être favorable, s’assemblaient dans les maisons dans les environs (Voy. Languet, Lettres, l’ennemi acharné d’Anne Dubourg, ce particulières où ils baptisaient, faisaient la passim). A Sainte-Foy, trois Cordeliers furent membre du Parlement brûlé vif pour avoir cène, la prière à la façon de Genève. « Toute précipités du haut de la tour d’une église où résisté à l’enregistrement de l’édit d’Écouen. leur force venait de leur audace, dit Suriano, ils s’étaient réfugiés. A Montauban, les Ce n’était là, du reste, que le prélude des et tout leur zèle était pour la sédition Calvinistes conduisaient le peuple au prêche assassinats sans nombre commis au nom de (Suriano,Rel. des Ambass. Vénit., p. 531). » à coups de fouet et de nerf de bœuf ; ceux qui la Réforme et par ses partisans. Deux ans Après le colloque de Poissy, qui ne fit résistaient étaient jetés en prison et fouettés plus tard, le chef et le défenseur du parti qu’irriter davantage les haines des deux jusqu’au sang (Lebret,Hist. de Montauban, t. catholique, le duc François de Guise tombait partis par des débats passionnés, les II). Enfin l’effroi était si général partout, que, sous les coups de Poltrot de Méré ; crime Protestants, devenus de plus en plus hardis, quelque temps avant l’affaire de Vassy, le auquel, s’il faut s’en rapporter aux osèrent publier que leur doctrine y avait été protestant Languet pouvait écrire à dépositions de l’assassin, l’amiral de Coligny approuvée, qu’ils y avaient confondu les l’Électeur de Saxe que dans le Languedoc, à n’aurait pas été étranger. Nous l’avouons Catholiques, et, forts de ce mensonge, ils se 40 lieues à la ronde, nul prêtre n’osait paraître, que cependant sans peine, nous ne voudrions pas mirent à prêcher plus haut que jamais et à partoutlesidolesétaientabattues. nous fier uniquement aux aveux de ce faire courir une quantité de libelles contre scélérat, pour condamner l’amiral comme leurs adversaires (Cont. de Fleury, t. XXXII, Les Huguenots enfoncent les son complice ou son instigateur ; mais les p. 166). Des désordres sans nombre furent la portes de l’église, renversent défenses, les propres aveux de Coligny, dans suite de cette violation de l’Édit. Alors la l’apologie qu’il fit pour se disculper, viennent France se remplit d’attentats inouïs et se ou tuent tous ceux qui se confirmer ce soupçon de la façon la plus couvrit de ruines. Les prêtres catholiques ne présentent à leur rencontre, accablante. Convenir en effet dans une lettre pouvaient plus dire la messe sans courir le abattent les images, brisent la à la reine, que depuis cinq ou six mois en deçà il n’a danger d’être insultés. A Rouen, on vit les chaire, déchirent les orne- pas fort contesté contre ceux qui montrèrent avoir Huguenots arracher de l’autel un religieux ments et foulent même aux telle volonté( Mém. de Condé, t. IV, p. 303 et pendant qu’il célébrait les saints Mystères, et suiv.) ; avouer qu’il avait eu avis que des le laisser à demi mort après l’avoir accablé de pieds les saintes espèces. personnes avaient été pratiquées pour le tuer ; coups. Quand ils ne s’emparaient pas des refuser de nommer ces personnes quoiqu’il églises pour leur usage, ils les saccageaient et Paris lui-même ne fut pas exempt de ces eût promis de le faire quand il serait temps ; souvent les réduisaient en cendres (Voy. scènes de désordre et de vandalisme. Les reconnaître dans ses réponses que Poltrot Jager, t. XV). Protestants, à force d’importunité, avaient s’avança jusqu’à lui dire qu’il serait aisé de tuer le fini par obtenir de la Régente la permission duc de Guise, mais que lui, amiral, n’insista jamais A Toul, où ils avaient des affidés parmi les de s’assembler en deux endroits près de la sur ce propos, d’autant qu’il l’estimait pour chose du soldats de la garnison, ils saccagèrent tout, capitale, à Popincourt et au faubourg Saint- tout frivole ; avoir fourni à Poltrot une somme enfoncèrent les portes des maisons de leurs Marceau, dans un lieu appelé le Patriarchat, de cent écus pour acheter un cheval qui fût adversaires, souillèrent de boue et d’ordures tout près de l’église Saint-Médard. Or un un excellent coureur, convenir que quand les statues des saints qui étaient sur les jour, au moment où le ministre Jean Malo Poltrot lui avait dit qu’il serait aisé de tuer le maisons ou au portail des églises (Benoist, commençait le prêche, on se mit à sonner les seigneur de Guise, il ne lui répondit rien pour lui Hist. eccl. et polit. de Toul). Dans les environs vêpres à Saint-Médard pour la fête de Saint- dire que c’était bien ou mal fait ; déclarer dans de Paris, la sédition ne fut pas moins ardente. Étienne. Les Huguenots irrités envoient au une lettre à la reine qu’il estimait que la mort du Aucune ville ne fut plus cruellement traitée curé l’ordre de cesser. Comme celui-ci n’en duc de Guise était le plus grand bien qui pût que celle de Meaux. La fureur des sectaires tenait aucun compte, furieux, ils quittent advenir au royaume et à l’Église de Dieu s’y traduisit par d’épouvantables ruines et leur prêche au nombre de quinze cents, personnellement au roi et à toute la maison des d’horribles sacrilèges. Après avoir abattu les enfoncent les portes de l’église, renversent Coligny; récuser les Parlements qui existaient croix, brisé les images, démoli les ou tuent tous ceux qui se présentent à leur alors et même le grand Conseil, disant que son monuments religieux, ils mirent en pièces les rencontre, abattent les images, brisent la fait ne devait être examiné que par gens faisant cloches, les baptistères, les vases sacrés, chaire, déchirent les ornements et foulent profession des armes : tout cela n’imprime-t-il brûlèrent les reliques, foulèrent aux pieds les même aux pieds les saintes espèces. pas sur la conduite de Coligny dans cette hosties consacrées, et l’évêque Louis de Dandelot, ajoute le continuateur de Fleury, circonstance un vernis de complicité, au Brézé, assailli dans son palais, ne dut son auquel nous empruntons ces détails, y parut moins passive, que les éloges d’un de nos salut qu’à la résistance héroïque des troupes et entra dans l’église à cheval, l’épée à la main poètes les plus fameux ne parviendront pas à que le roi avait envoyées à son secours (Hist. (Hist.del’Égl., liv. CLVII). effacer ? Un homme qui reçoit la confidence de l’Église de Meaux). A Orléans, les d’un assassin, qui ne fait rien pour le Calvinistes tirèrent sur les Catholiques Ces excès sont également racontés, avec détourner du criminel dessein qu’il a conçu, pendant la procession de la Fête-Dieu, et les mêmes circonstances, par Maimbourg et qui lui fournit même les moyens de s’installèrent dans le couvent des Carmes, Saint-Prosper. « Le Parlement informa de ces l’exécuter, et qui, une fois le crime après en avoir chassé les religieux (Orse, désordres, ajoute l’auteur des remarques sur Les documents contrerévolutionnaires no 17 — Septembre 2001 3

Davila, et les Huguenots furent convaincus avant de jeter ainsi les hauts cris, les fut tombée au pouvoir du prince de Condé d’en avoir été les auteurs (Dav. liv. III, p. 126, Protestants n’auraient-ils pas dû se rappeler en 1562. Les églises y furent dévastées, les note). » Les mêmes horreurs se produisirent la conduite qu’avaient tenue leurs autels mutilés, les vases sacrés livrés au dans beaucoup d’autres endroits, et nos coreligionnaires à Nîmes, à Montauban, à sacrilège et au pillage. La cathédrale fut histoires locales sont remplies des sanglants Saint-Médard, à Montpellier, où ils avaient convertie en écurie et en caserne pour les récits de ces barbaries. Calvin, du fond de sa massacré deux cents personnes, à Meaux, reîtres allemands que Condé avait à sa solde. retraite, triomphait à la vue de ces scènes etc. ? Tous ces exploits n’étaient pourtant A Saint-Aignan, après avoir livré aux tumultueuses.Elles faisaient, écrivait-il, sa pas tellement éloignés, puisqu’ils avaient eu flammes les reliques du saint évêque, ils consolation, sa joie et son bonheur( Prælect. in lieu l’année précédente, qu’ils n’eussent pu profanèrent horriblement la Sainte Danielem). Et pourtant à cette époque, en en conserver le souvenir. Eucharistie. Clouant les hosties consacrées 1561, les Protestants, loin d’être persécutés, sur la porte du tabernacle, ils en firent le but étaient plutôt tolérés. Malgré l’Édit de Le Calvinisme renouvela en de leur tir abominable. Les religieux de Saint- juillet, ils pouvaient se livrer en toute liberté Euverte avaient pris la fuite ; un seul, vieillard aux pratiques de leur culte et célébrer France toutes les horreurs octogénaire, n’avait pu les suivre ; il fut pris impunément leurs prêches. Les gouverneurs de l’Anabaptisme allemand, par les Huguenots, traîné par les rues, puis de provinces, il est vrai, ne pouvaient pas et, sous prétexte de se enfin attaché à un arbre d’où son cadavre leur l’ignorer ; mais ils fermaient les yeux et servit de cible. A Patay, lieu consacré par la laissaient faire, au grand scandale de tout le défendre, il couvrit le sol de victoire de Jeanne d’Arc sur les Anglais, les monde. Je ne veux pour preuve de ce fait notre patrie de ruines Calvinistes firent périr au milieu des qu’une lettre écrite le 6 septembre 1561, par et de carnage. flammes vingt-cinq personnes réfugiées dans Perrot Chantonnai, frère du cardinal le clocher. Tous ces affreux détails sont Granvelle, et qui représentait Philippe II racontés par Guyon, dans son Histoire auprès de la reine-mère. « Faites compte, Quoi qu’il en soit, cette affaire de Vassy fut d’Orléans. Dans tous ces exploits, c’était écrivait-il au roi d’Espagne, qu’aujourd’hui ce le signal d’une guerre civile atroce, dans surtout aux prêtres et aux religieux que les qui est loisible à Genève, tant aux presches, laquelle la barbarie, la cruauté, le pillage, Huguenots en voulaient davantage. Quand administration des sacrements, que choses l’assassinat, tous les crimes que peuvent ils pouvaient les saisir, ils les immolaient avec semblables, se peut faire autant impunément inspirer les passions les plus farouches, des raffinements inouïs de barbarie, les par tout ce royaume, commençant dès marchèrent de pair. Pendant cette lutte attachant à la queue des chevaux, les traînant l’hostel même du roi, et est tenu pour bête fratricide, le Calvinisme renouvela en France sur le pavé des rues et dans les plus sales qui n’y fait du pis qu’il peut (Mém. de Condé, t. toutes les horreurs de l’Anabaptisme immondices. Si, après ces horribles II, p. 17). » Languet lui-même, dans une de ses allemand, et, sous prétexte de se défendre, il traitements, ils respiraient encore, on leur lettres, avoue que les Catholiques couvrit le sol de notre patrie de ruines et de brisait les dents, on leur crevait les yeux, on s’efforçaient d’amener une paix mutuelle. Il carnage. Tous nos historiens sont pleins du les écorchait vifs, on leur coupait les mains, est donc clair et évident, d’après ces récit de ces lugubres tragédies ; quelques-uns les pieds, les oreilles, le nez ; ou, suspendus à témoignages contemporains, que jusqu’ici la même, bien connus pour leur penchant au des arbres, ils servaient d’amusement à leurs violence et le pillage sont du côté des pittoresque et à l’hyperbole, ont reculé bourreaux qui les criblaient de balles (Ibid. Calvinistes. devant l’énumération de tous les détails. « Je passim. Jager, t. XV, année 1562). n’entreprendrai pas, dit Maimbourg, de En 1562 le gouvernement, allant toujours raconter et de bien exprimer ici les Dans toutes les villes qui tombèrent au de concession en concession, rendit, encore abominables excès d’impiétés et de pouvoir des Huguenots, les mêmes atrocités à la sollicitation de l’Hôpital, l’Édit de sacrilèges, d’impuretés, d’avarice, de barbare se renouvelèrent sous des formes diverses. janvier, qui accordait aux Calvinistes la cruauté, et de tous les crimes exécrables que Au Mans, ils pillèrent également les églises et liberté de leur culte dans les campagnes et les commirent dans les villes et aux environs ces les monastères et y massacrèrent les prêtres faubourgs des villes, leur permettait d’y furies déchaînées..... Le récit en seroit avec les mêmes raffinements de cruauté (Le porter des armes et de tenir des synodes. insupportable et feroit trop d’horreur. Il Courvaisier,Hist. des Évêques du Mans ). Dans Deux mois s’étaient à peine écoulés que les suffit de dire, en un mot, qu’ils n’épargnèrent cette seule année 1562, quarante-six églises Protestants, profitant de la liberté qui leur rien, ni de sacré, ni de profane, ni temples, ni furent abattues dans la ville de Montpellier était accordée, provoquaient l’échauffourée statues, ni tout ce qu’ilyadeplus saint et de et les environs, et plus de trois cents dans la de Vassy, en troublant par leurs cris l’office plus auguste dans les saints Mystères (Hist.du Beauce (Orse,Encycl. cat., t. XVI). A Troyes, divin auquel assistait alors le duc de Guise. Calv., liv. IV, p. 244). » qu’ils prirent deux fois, ils commirent des Les gens du duc, irrités de cette insulte, infamies jusqu’alors sans exemple. Ils invitèrent les Huguenots à cesser, et sur leur Ce n’était pas seulement contre les violaient les femmes, tuaient les enfants, refus, ils firent usage de leurs armes. Le duc hommes que s’acharnait la fureur des exerçaient sur les habitants des brutalités de de Guise, de l’aveu de tous les historiens, fit Huguenots ; mais les objets d’art, les toutes sortes (Courtalon, Topog. histor. du son possible pour apaiser le tumulte ; mais les tableaux, les statues des saints furent partout diocèse de Troyes). A Bayeux, ils égorgeaient les Huguenots ne répondirent à ses paroles de brisés ou jetés au feu ; nos vieilles cathédrales prêtres ou les pendaient (Hermant, p. 433). conciliation que par des insultes et des coups furent pillées, profanées, mutilées, insultées Tours, Poitiers, Angers, Bourges, Évreux, de pierres, dont l’une l’atteignit à la joue. « A de mille manières ; quelques-unes même etc., furent le théâtre de scènes semblables ; cette vue, les gens du duc entrèrent en fureur, furent complètement détruites, et, parmi je n’en finirais pas, s’il fallait énumérer l’un et, sans attendre ses ordres, donnèrent tête celles qui restent debout, il en est peu qui ne après l’autre tous ces actes d’une barbarie baissée dans le temple, tuèrent environ portent encore aujourd’hui les traces de cet sauvage que Castelnau, historien soixante personnes et en blessèrent près de odieux vandalisme. Même la dépouille des contemporain, résume ainsi en quelques deux cents (Voy. Dav., liv. III, et Fleury, liv. morts n’était pas respectée, toutes les fois mots : « Les églises étoient saccagées et CLVIII). » Voilà ce que les Protestants ont qu’elle rappelait quelque souvenir de démolies, les anciens monastères détruits, appelé leMassacre de Vassy ; ce fut là sans vénération ou d’autorité. « Ils s’acharnoient, les religieux chassés, les religieuses violées, et doute une affaire déplorable, mais dans continue Maimbourg, sur les sépultures de ce qui avoit été bâti en quatre cents ans étoit laquelle l’emportement eut plus de part que nos rois ; ils violèrent le sépulcre de Jean, détruit en un jour sans épargner les la réflexion. « L’affaire de Vassy, dit l’auteur aïeul de François I, à Angoulême, des sépultures de nos rois et de nos pères (Cast., desRemarques sur Davila, contre laquelle les ancêtres des princes de Condé, à Vendôme, Mémoires). » Quand on reproche aux Huguenots ont si vivement déclamé, paraît du roi Louis XI, à Cléry, de la bienheureuse Catholiques romains, ajoute un écrivain avoir été une affaire de pur hasard, plutôt Jeanne, sa fille, à Bourges, de François II, à protestant, les massacres de Paris sous qu’un dessein prémédité. Il est vrai Orléans, où ils brûlèrent son cœur, qui était Charles IX, ils répondent en gémissant, que qu’Antoinette de Bourbon, mère du duc de dans la magnifique église de Sainte-Croix si leurs ancêtres se sont portés à de telles Guise, l’avait souvent prié de la délivrer du (Hist. du Calv., liv. IV, p. 244). » Mais il faut extrémités, c’est qu’ils étaient forcés de se voisinage des Protestants de Vassy ; mais il citer quelques détails. défendre contre leurs ennemis, prêts à n’en est pas moins certain que jamais le duc renverser leur religion et leur constitution. ne donna ordre de les attaquer ni de troubler Orléans ne perdra jamais le souvenir des N’ont-ils pas droit plutôt de reprocher aux leur assemblée (Dav.,ibid., p. 124). » Du reste, horreurs dont elle fut le théâtre, quand elle Protestants tout l’acharnement odieux et le 4 Les documents contrerévolutionnaires no 17 — Septembre 2001 criminel enthousiasme d’un esprit vindicatif, la citadelle, tandis que ses soldats les intolérant et persécuteur ? Les remontrances reçoivent sur les pointes de leurs hallebardes Dans les Michelades, les des Parlements font frémir par le tableau des avec des huées et des éclats de rire. On aurait égorgements se firent de horreurs qu’elles présentent. Les deux peine à ajouter foi à toutes ces horreurs, si sang-froid, procession- Conjurations d’Amboise et de Meaux, cinq elles n’étaient attestées par les historiens les guerres civiles allumées, des places fortes plus dignes de foi (Voy. Vie du baron des Adrets nellement, aux flambeaux. livrées par trahison, les églises et les par Allard ; Maimbourg, Castelnau, monastères pillés et brûlés, les prêtres, les Brantôme, Saint-Prosper). 1567 et 1569. Elles sont restées célèbres dans moines et les religieux égorgés, les simples l’histoire sous le nom deMichelades . Les fidèles mêmes, dans l’exercice de leur culte et Ces cruautés commises par le baron Adrets exécutions qui furent faites dans ces nuits pendant une procession solennelle et sainte, étaient si révoltantes, que Calvin lui-même fatales n’ont de semblables dans l’histoire cruellement massacrés dans les rues de s’en émut et crut devoir adresser des que les massacres de Septembre et peuvent Pamiers, Rodez, Valence, etc., sont des remontrances à ce féroce chef de brigands. figurer avec avantage à côté des horreurs de témoignages incontestables de la sanglante Dans une lettre qu’il écrivit au baron des la Saint-Barthélémy. Là, point de tumulte ni barbarie que les Huguenots ont exercée Adrets, il réclame contre les violences et les d’émeute, point de passions populaires sur le contre les Catholiques romains, soit en paix, pillages, le renversement des images, la compte desquelles on puisse rejeter les excès, soit en guerre (Fitz-William, Lettres d’Atticus, profanation des reliques, la spoliation des comme dans la nuit du 24 août 1572 ; dans les p. 115). C’est dans les histoires locales qu’il églises sous l’autorité publique. Il faut savoir Michelades, les égorgements se firent de faut lire les détails de tous les brigandages gré, sans doute, au chef du Protestantisme sang-froid, processionnellement, aux accomplis par le Protestantisme dans cette français d’avoir élevé la voix pour protester flambeaux, avec tout l’appareil des sacrifices de première année de la guerre civile. Nous contre ces excès ; mais ce n’était pas la Taurique, dit Caveirac. « Un affreux sommes obligé de les passer sous silence, de seulement ces brigandages qu’il fallait massacre, dit Cantù, fut organisé par les peur de trop allonger ce travail, et pour ne blâmer, c’était le principe qui les avait Protestants, le jour Saint-Michel, en 1567. pas nous condamner à des redites qui produits, c’est-à-dire la révolte contre Les Catholiques, renfermés sous bonne deviendraient fastidieuses. l’autorité royale et la guerre civile. Or pas un garde à l’Hôtel de ville, furent égorgés par mot à ce sujet dans sa lettre au baron des leurs ennemis avec une horrible régularité, Cependant il est un homme qui, par sa Adrets ; au contraire, il est permis, et même qui rappelle les boucheries de Septembre férocité, s’est fait un nom trop fameux dans l’on doit conclure de ses paroles qu’il pendant la révolution. On les faisait toute cette sinistre histoire, pour ne pas autorisait la guerre civile et l’approuvait. En descendre l’un après l’autre dans les caveaux mériter d’être cité ici, c’est le baron des effet, loin de reprocher à ce chef de révoltés de l’église, où les religionnaires les Adrets, qui se fit surnommer le nouvel Attila son injustice et son impiété en tournant ses attendaient pour les percer à coups de dague. par ses affreux massacres. Lieutenant de armes sacrilèges contre sa patrie et son Des hommes, munis de torches, étaient Coligny et de Condé dans le Midi, il s’empara souverain, il se contente de lui dire, comme placés sur la flèche et les fenêtres du clocher de Lyon le 1er mai 1562. Son premier acte fut saint Jean faisait aux soldats légitimement pour mieux éclairer cette scène de carnage, de déclarer que chacun serait libre de son enrôlés sous les étendards publics : Ne faites qui dura depuis onze heures du soir jusqu’à culte, et le second de supprimer la point de violences, contentez-vous de votre paye six heures du matin (Cantù,Hist. univ., t. XV, célébration de la messe. Deux fois la (LUC . II, 14). Or, dit Bossuet, les Catholiques notes). » Les mêmes excès se renouvelèrent semaine, il obligeait les Lyonnais à assister au et les Protestants concluent d’un commun en 1569. Tous les ecclésiastiques et les prêche, sous peine de 10 livres d’amende. Pas accord de cette décision de saint Jean, que la chanoines que les Huguenots purent saisir, une église n’échappa au pillage ; celle de guerre, sous un souverain légitime, est furent précipités dans le puits de l’évêché ; Fourvières fut détruite de fond en comble permise, puisque saint Jean n’en reprend que plusieurs habitants eurent le même sort, et (Voy. Cahour,Histoire de N.-D. de Fourvières ). les excès, d’où il s’ensuit qu’il en approuve le l’on montrait, à ce qu’il paraît, hors de la ville, A Grenoble, il tourmenta les religieux et les fond. Mais par là même on démontre un puits appelé dans le patois du pays lou religieuses pour les faire apostasier, défendit manifestement à Calvin qu’il autorisait la pouts de mal mort (La Popelinière, liv. XX). aux prêtres, sous peine de mort, de célébrer guerre civile (Déf.del’Hist.desVariat., n° XX). Terminons ce rapide exposé de la situation la messe, et établit de grosses amendes en citant les paroles d’un auteur contre ceux qui osaient y assister. La En 1563, après la victoire de Dreux, la Cour, contemporain : « Je trouvai ce royaume, Grande-Chartreuse ne fut pas épargnée. d’après le conseil de Michel de L’Hôpital, écrivait J. Correro, dans une très grande Trois capitaines, avec des soldats, furent publia, le 8 février, une amnistie complète en confusion... Les Huguenots craignaient, les envoyés par des Adrets pour piller cette faveur des insurgés. Mais loin de poser les Catholiques craignaient, le prince craignait, grande communauté, et ils mirent le feu aux armes, Coligny se porte sur la Normandie, les sujets craignaient. Pour dire la vérité, le cellules des religieux. La petite ville de prend Pont-l’Évêque, se rabat sur le Berry où prince craignait beaucoup plus, et beaucoup Mornas, en Provence, est restée surtout il met tout à feu et à sang. A Sully, suivant le plus craignaient les Catholiques que les célèbre dans l’histoire de ses cruautés. Des témoignage de l’historien protestant La Huguenots. Ces derniers, en effet, devenus Adrets, l’ayant prise d’assaut, fit passer toute Popelinière, il fit massacrer trente prêtres et hardis et même insolents, s’inquiétant peu des édits la population au fil de l’épée et fit précipiter en noya plusieurs autres dans la Loire. de pacification et des autres commandements du haut de la forteresse les trois cents soldats royaux, cherchaient par tous les moyens qui la défendaient. Le même sort fut réservé En 1568, les Huguenots devinrent maîtres possibles à propager et à étendre leur à Montbrison, qu’il abandonna à la brutalité de La Rochelle et y renouvelèrent tous les religion, prêchant en divers lieux prohibés et de ses soldats. Toute la nuit qui suivit la prise excès qu’ils commettaient partout. « On vit, jusque dans la ville de Paris où le peuple est si de la ville se passa en horribles massacres, et dit un auteur, les Catholiques et leurs prêtres dévot et tellement hostile envers eux, que je le soleil en se levant éclaira un spectacle que traités avec plus de cruauté et de barbarie puis affirmer avec toute raison, qu’il n’y a pas la plume se refuse à décrire. Plus de six cents que n’aurait fait une armée turque, si elle fût dans dix des plus grandes cités d’Italie, cadavres gisaient sur la place, qui ruisselait de descendue sur nos côtes (Manusc. de Jarnac, autant de dévotion ni autant de haine contre sang. On dit même que le sanguinaire auteur ap. Jager, t. XV). » les ennemis de notre foi. N’en tenant aucun de cette boucherie poussa la barbarie jusqu’à compte néanmoins, ils se permettaient de se « obliger ses deux fils à se baigner dans le sang En 1569, ils s’emparèrent de Parthenay, de réunir dans des maisons particulières, et, en des catholiques, comme s’il eût voulu, par cet Niort, de Fontenay, de Saint-Maixent, de place de cloches, ils s’appelaient la nuit à effroyable bain, faire passer dans leur âme Saintes, de Saint-Jean-d’Angély, coups d’arquebuse... (Rel. des Ambassadeurs toute sa cruauté (Maimbourg, Hist. du Calv., d’Angoulême, et partout ils se souillèrent des vénit., et ap. Cantù, t. XV, p. 219, note). » On p. 247). » Mais bientôt un raffinement de mêmes infamies. Angoulême garde encore le peut juger maintenant de quel côté partait férocité se présente à son esprit ; toutes ces souvenir de la barbare exécution du P. l’attaque, de quel côté étaient les victimes et exécutions ne se feront plus en masse, il lui Greslet, habile prédicateur de l’ordre des les agresseurs. faut un plaisir qui dure. Il choisit donc un Cordeliers, que l’amiral fit pendre à un certain nombre de victimes parmi les mûrier, pour lui avoir prédit que le sort de Voilà des faits et des dates qui prisonniers, les met en réserve, et chaque Jézabel lui était réservé. La ville de Nîmes appartiennent à l’histoire et qui sont jour, après son dîner, il ordonne à quelqu’un mérite surtout d’être signalée à cause des antérieures à la Saint-Bathélémy. On voit par de ces malheureux de se précipiter du haut de atrocités qu’y commirent les Huguenots en là de quelle manière et avec quelle brutalité Les documents contrerévolutionnaires no 17 — Septembre 2001 5 procédait le Protestantisme pour s’établir en sang répandu et sur les champs de bataille et Notes France. Après avoir ensanglanté l’Allemagne dans le sac des villes, les esprits se soient par ses violences, c’était aussi par la violence, enflammés de colère et d’indignation, et que (1)Hist. du Cal. , liv. 1, p. 1. Comme on a le brigandage et le sacrilège, qu’il prétendait les passions, une fois exaltées par de pareils quelquefois contesté l’exactitude de cet fonder son empire dans les États du roi très spectacles, n’aient pas su se contenir dans les historien, il ne sera pas inutile de rapporter chrétien. bornes du droit et de la justice ? Ne serait-ce les paroles d’un critique cité par Feller:«Les pas le contraire qui serait surprenant aux Protestants, dit-il, dont il avait peint la secte On pourra objecter que les Catholiques ne yeux de quiconque connaît la marche au naturel, l’ont décrié avec fureur ; sur quoi sont pas restés en arrière en fait de cruautés, ordinaire des choses humaines ? bien des orthodoxes l’ont jugé d’abord sans qu’ils ont bien fait payer à leurs adversaires examen. Sans l’approuver en tout, on rend les excès dont ils furent victimes, par les Quant à Montluc, nous le reconnaissons aujourd’hui plus de justice à sa fidélité dans sanglantes représailles qu’ils exercèrent volontiers, il n’eut que trop de ressemblance les citations. Ce qui empêche peut-être le contre les Calvinistes, et qu’enfin le nom de avec le baron des Adrets. Mais si la religion plus de dissiper les fortes préventions qu’on Montluc peut figurer avec honneur à côté de doit blâmer ses rigueurs, du moins peut-elle avait conçues contre lui, c’est la qualité de celui du baron des Adrets. se prévaloir hautement de n’en avoir pas été son style pompeux jusqu’à l’emphase, avec le motif et encore moins l’inspiratrice. une surcharge de traits pittoresques, qui, Le Catholicisme était sur le Montluc ne voyait dans la guerre civile dans le genre grave de l’histoire, ôtent à la qu’une révolte impie contre le roi. Il avait vérité l’air de la vraisemblance. » — Voltaire a pied de légitime défense, la reçu de la cour mission pour rétablir l’ordre dit en parlant de Maimbourg : « Il eut d’abord répression était juste en Guyenne. Il le fit d’une façon terrible, trop de vogue, et on l’a trop négligé ensuite. » contre des hommes qui inhumaine, barbare ; mais il le fit sans aucun zèle pour la question religieuse, qui du reste étaient des instigateurs de le touchait assez peu. Il se vantait même, trouble et de sédition dans avec une franchise que l’on prendrait Y Y Y l’État, et tendaient à aisément pour de l’indifférence, de n’être pas ruiner la religion. théologien. Ouvragesrecommandés Ainsi, pour résumer brièvement tout ce qui Il n’est que trop vrai, en effet, que le parti précède, quatre grandes batailles rangées • Pie XI, Encyclique Mortalium animos (sur catholique ne sut pas toujours se tenir dans (Dreux, Saint-Denis, Jarnac, Moncontour), l’œcuménisme), Expéditions Pamphiliennes. les limites d’une juste et légitime répression. deux ou trois cents combats sanglants, un Assurément loin, bien loin de nous la pensée grand nombre de villes prises, pillées, • Abbé Marie-Léon Vial, Jeanne d’Arc et la de vouloir justifier ou excuser les crimes saccagées, les églises renversées ou insultées, Monarchie, Expéditions Pamphiliennes. particuliers ou politiques qui ont souillé les objets du culte catholique profanés, les • Michel Feretti, Les victimes françaises du cette grande cause. Le Catholicisme, qui ne tombeaux des rois violés, les deux fanatisme huguenot, Éditions Saint-Rémi, les a jamais inspirés, ne cessera d’en gémir ; conjurations d’Amboise et de Meaux, les 2001. mais il faut remarquer que la position des édits des rois, ostensiblement déchirés, une deux partis était loin d’être la même. Le sorte de république établie dans la • La conférence entre Luther et le diable au sujet Calvinisme, en France, n’avait pas monarchie, plus d’un million de Français, dit delamesse, Éditions Saint-Rémi, 1998. commencé par être persécuté ; ce fut lui qui, Maimbourg, tués sur les champs de bataille le premier, se montra persécuteur, ou assassinés contre toute justice, dans des • Arnaud de Lassus, Connaissanceélémentaire intolérant, tyrannique et agresseur. Ce fait tourments horribles : tels sont les trophées du Protestantisme, 1995. Disponible à la S. A. est hors de doute, les témoignages que nous que la Réforme a su élever sur sa route pour D. P. F. avons cités en font foi. Les Protestants venir s’implanter en France. C’est à la lueur s’armaient des Édits de tolérance en leur des incendies et à travers les ruines souillées Adresses faveur pour provoquer l’indignation des du sang de nos pères, que l’on peut suivre les Catholiques, en s’attaquant aux objets de traces du Calvinisme dans notre patrie. On - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- leur culte, pour ourdir des complots, faire des conçoit facilement après cela quels trésors Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : séditions dans le but de s’emparer du pouvoir de colère et de vengeance avaient dû amasser 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. et d’asservir la France au joug de l’hérésie. dans l’esprit du peuple tous les excès commis Qu’on force tant qu’on voudra les par les Huguenots depuis douze ans, et que, - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 événements, qu’on fasse ressortir, avec une au moment où l’occasion favorable se Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; déplorable complaisance les excès des présenterait, les représailles seraient http://www.litoo.com. Catholiques, en couvrant ceux des terribles. Aussi sans entrer dans plus de Protestants, voilà le fond de l’histoire, voilà détails sur cette lamentable époque de notre - Expéditions pamphiliennes,B.P.51, la cause générale des rigueurs exercées histoire, ni sur les criminelles horreurs qui 67044 Strasbourg cedex, France. contre les Huguenots. « Ces excès énormes, ont précédé et amené la déplorable scène de on ne peut le dissimuler, dit Anquetil, la nuit du 24 août 1572, nous nous - Éditions Contrerévolutionnaires, C. P. 49604, 5122 Côte-des-Neiges, Montréal, Qc, vinrent de ce que les Calvinistes ne contenterons de citer comme conclusion de H3T 2A5, Canada. respectèrent pas assez dans les tout ce qui précède, les paroles d’un historien commencements, les reliques, les images et qui a porté sur tous ces événements le - Bibliothèque Saint-Michel, 201 rue les autres objets de la vénération des jugement le plus fortement motivé : « Pour Sainte Christine, 83000 Toulon, France. Catholiques (Esprit de la Ligue, t. I, p. 127). » tout esprit impartial, dit Segretain, au milieu Tél./Fax : 04 94 03 16 74. D’où nous concluons que le Catholicisme de ces violences permanentes, après un était alors sur le pied de légitime défense, que demi-siècle de guerres et de massacres, la la répression était juste contre des hommes Saint-Barthélémy n’est plus ce prodige qui étaient des instigateurs de trouble et de d’horreurs que l’on veut faire peser sur le 99 sédition dans l’État, et tendaient à ruiner la Catholicisme, comme le témoignage religion. Il a pu y avoir et ilyaeu irréfutable de son intolérance barbare : c’est le certainement des excès regrettables dans la jourdesreprésaillesdetantd’autresjoursfêtésdela Prière à saint Michel Archange manière dont cette répression s’est exercée ; même manière par les Huguenots. Elle reste mais c’est sur leur moralité, et non d’après l’accomplissement d’une politique perverse, Saint Michel Archange, défendez-nous leurs résultats, que l’histoire juge les actions mais d’une politique qui trouva son appui dans dans le combat ; soyez notre secours contre des hommes. Faut-il s’étonner, du reste, qu’à l’exaspération de tout un peuple qu’on n’eut guère la méchanceté et les embûches du démon. la vue de leurs églises abattues, des tombeaux qu’à lâcher sur sa proie, tant il avait soif de venger « Que Dieu lui commande », nous le de leurs ancêtres violés, des objets de leur sa religion si longtemps outragée et ses frères demandons en suppliant ; et vous, Prince de culte profanés le plus souvent avec le signe de massacrés(Segretain, Sixte-Quint et Henri la milice céleste, repoussez en enfer, par la la moquerie et de l’insulte, à la vue de tant de IV). » puissance divine, Satan et les autres esprits 6 Les documents contrerévolutionnaires no 17 — Septembre 2001 mauvais qui rôdent dans le monde pour perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.)

Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en peut être assuré, est de leur opposer des écrits salutaires et de les répandre.

S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour diffuser la saine littérature catholique.

Abonnement gratuit sur demande.

Toutereproductionestautorisée.

Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : [email protected]. URL : http://www.contrerevolution.org Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 18— Octobre 2001

Aux jeunes gens. vous disent bien ce que j’ai dans mon cœur. Le libéralisme Ce qui afflige votre pays et l’empêche de Mes amis, permettez-moi de vous faire mériter les bénédictions de DIEU , c’est ce catholique hommage de ce petit écrit qui n’est au fond mélange des principes. Je dirai le mot, et je ne qu’un appel à votre foi et à votre bonne foi. Il le tairai pas ; ce que je crains, ce ne sont pas ère renferme des choses très-importantes, et que tous ces misérables de la Commune de Paris, — 1 partie — la plupart d’entre vous ne connaissent vrais démons de l’enfer qui se promènent sur assurément pas, ou du moins qu’ils ont parfaitement oubliées. 9 « Ce que je crains, c’est cette Vous avez le bonheur d’être catholiques. malheureuse politique, ce Un catholique, vous le savez, c’est un enfant libéralisme catholique qui de l’Église de JÉSUS -C HRIST , qui croit d’une est le véritable fléau. » Mgr de Ségur, Hommage aux ferme foi tout ce que DIEU lui enseigne par la bouche du Chef de l’Église, lequel ne peut se jeunes catholiques-libéraux, in la terre. Non, ce n’est pas cela ; ce que je e tromper, du moment qu’il parle et enseigne Œuvres, Paris : Tolra, 1877, 3 officiellement. Pour un catholique, écouter crains, c’est cette malheureuse politique, ce le Pape, c’est écouter JÉSUS -C HRIST , c’est libéralisme catholique qui est le véritable fléau. série, tome X, pp. 345-405. entendre DIEU . Je l’ai dit plus de quarante fois ; je vous le répète, à cause de l’amour que je vous porte. Or, voici que tout récemment, au sujet Oui, c’est ce jeu... Comment dit-on en d’une question qui intéresse vivement tout le français ? nous l’appelons en italienaltalena ... Y Y Y monde, mais plus particulièrement encore la Oui, justement, ce jeu de bascule qui jeunesse catholique, le Pape vient de parler à détruirait la Religion. Il faut sans doute plusieurs reprises, de parler officiellement, pratiquer la charité, faire ce qui est possible . T. S. P. le Pape Pie IX, aux pieds de parler directement aux jeunes gens. Cette pour ramener ceux qui sont égarés : mais Nduquel j’avais déposé un des question, brûlante, s’il en fut, c’est le pour cela il n’est pas besoin de partager leurs premiers exemplaires de cet catholicisme libéral, ou, si on l’aime mieux, le opinions. » opuscule, a daigné l’agréer et m’a fait libéralisme catholique, c’est-à-dire le répondre, par son Secrétaire des Lettres libéralisme accepté, professé par des Voici donc déjà un point bien avéré : le Latines, Son Excellence Révérendissime catholiques. Vicaire de JÉSUS -C HRIST , le Docteur Monseigneur Nocella, quelques paroles de suprême de la foi, regarde le libéralisme félicitation. Et qu’en dit le Pape ? Certes, la chose vaut catholique comme le véritable fléau de notre la peine qu’on y fasse attention. Écoutez siècle et plus spécialement de notre pauvre Voici la partie de cette lettre qui concerne donc, mes amis ; écoutons tous. Celui qui patrie. l’Hommageauxjeunescatholiques-libéraux : parle, c’est le Vicaire de DIEU , c’est le Docteur suprême de l’Église. S’il ne définit Et, notez-le, mes bien chers amis : ce n’est « ... Devant les incessants témoignages du zèle point encore, il enseigne, il enseigne pas du libéralisme des politiques sans qui vous distingue dans la défense de la vérité et de officiellement. religion qu’il est ici question, c’est la Religion, Notre Très-Saint Seigneur le Pape directement et uniquement des libéraux PIXIE a pensé qu’il y avait lieu de vous envoyer I catholiques, c’est-à-dire de ces chrétiens, de une fois de plus ses félicitations. Sa Sainteté, en ces bons jeunes gens qui ont la foi, qui prient, effet, a reçu votre opuscule intitulé : Hommage Mais avant de mettre sous vos yeux les qui se confessent, qui communient, qui aux jeunes catholiques-libéraux ; et le Saint Actes Pontificaux que je viens de dire, s’occupent de bonnes œuvres, qui sont Père a vu par votre lettre que, dans ce nouvel écrit, laissez-moi vous rappeler une parole qui n’a souvent fort gens de bien. Il s’agit du mettant sous les yeux de vos lecteurs les Lettres pas sans doute le même caractère officiel, libéralisme des doctrines, des livres, des Apostoliques, écrites par Sa Sainteté pour mais dont l’importance, j’ose le dire, n’est pas journaux, des revues de tels personnages plus prémunir les fidèles contre les principes catholiques moindre aux yeux d’un chrétien. Je veux ou moins éminents, qu’il n’est pas besoin de libéraux et contre leurs fauteurs, vous vous êtes parler de la solennelle Allocution adressée nommer, mais qui se sont fait auprès de vous soigneusement appliqué à donner sur ce sujet aux par le Souverain-Pontife à la grande une réputation d’esprits éclairés et jeunes gens de précieux avis, capables de les députation des catholiques de France, au indépendants, que la foule applaudit et que préserverfortheureusementdecemalperfide. Vatican, au mois de juin 1871. les jeunes gens en particulier admirent et suivent comme leurs chefs de file, plus ou « Le Très-Saint Père a grandement loué votre A l’occasion du vingt-cinquième moins infaillibles. zèle à cet égard. En attendant qu’Elle puisse lire et anniversaire du Pontificat de Pie IX, cette goûter votre travail, Sa Sainteté est persuadée que députation venait de présenter à Sa Sainteté De grâce, qu’aucun catholique, que pas un si, par d’autres excellents écrits, vous avez eu déjà ses vœux et ses hommages. Mgr Forcade, d’entre vous ne se fasse illusion ; que le bonheur de faire du bien à vos concitoyens, vous alors Évêque de Nevers, avait lu une adresse personne ne ferme les yeux à la lumière, ni les avez acquis par celui-ci un nouveau mérite devant qui portait plus de deux millions de oreilles à la parole du Docteur de la vérité. DIEU, et une fois de plus vous aurez été signatures. Après avoir félicité la députation, sérieusementutileàvoslecteurs. après lui avoir dit combien il avait toujours « Mais, direz-vous peut-être, ce n’est là aimé la France, le Chef de l’Église a ajouté : qu’une simple Allocution, une parole « Rome, le 1er avril 1874. » improvisée ; cela n’a pas le caractère d’un « Mes chers enfants, il faut que mes paroles enseignement proprement dit. » — Sans 2 Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 doute ; mais, outre que cette parole étant frappé, les brebis soient dispersées. « A cette fin, Nous vous souhaitons solennelle du Souverain-Pontife a une portée l’efficacité du secours céleste et l’abondance sur laquelle il n’est pas besoin d’insister « Cependant, et bien que les enfants du des dons de la grâce d’en haut. Et comme autrement, elle sert comme de préliminaire, siècle soient plus habiles que les enfants de la présage de ces grâces, comme gage de Notre comme de préface à la paroleofficielle que le lumière, leurs ruses et leurs violences bienveillance paternelle, Nous vous Saint-Père a fait entendre, coup sur coup, à la auraient sans doute moins de succès si un accordons, chers fils, du fond de Notre cœur jeunesse catholique, plus spécialement grand nombre parmi ceux qui portent le nom la Bénédiction Apostolique. menacée par le susdit « fléau ». de catholiques, ne leur tendaient une main amie. Oui, hélas ! il y en a qui ont l’air de « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 6 Et d’abord, écoutez ce que le Pape a dit du vouloir marcher d’accord avec nos ennemis, mars de l’année 1873, de Notre Pontificat la libéralisme à la jeunesse catholique d’Italie. et s’efforcent d’établir une alliance entre la vingt-septième. lumière et les ténèbres, un accord entre la II justice et l’iniquité au moyen de ces doctrines « PIE IX, Pape. » qu’on appellecatholiques-libérales , lesquelles, Bref de N. T. S. P. le Pape PIE IX au s’appuyant sur les principes les plus Je le demande à tout homme de bonne foi : Cercle de la jeunesse catholique de pernicieux, flattent le pouvoir laïque quand il est-il possible de parler plus explicitement ? Milan. envahit les choses spirituelles, et poussent les Et comment, après cela, un chrétien peut-il esprits au respect, ou tout au moins à la resterlibéral ? Le 6 mars 1873, le Très-Saint Père a donc de tolérance des lois les plus iniques, nouveau élevé la voix, et cette fois le absolument comme s’il n’était pas écrit que Et cependant, cela n’a point suffi. Souverain-Pontife ne se borne plus à signaler personnenepeutservirdeuxmaîtres. Quelques mois après, le Souverain-Pontife a le danger comme en passant et dans une dû revenir sur le même sujet, et poursuivre en simple Allocution Pontificale ; c’est par un « Or, ceux-ci sont plus dangereux Belgique ce malheureux libéralisme, appuyé, Bref Apostoliquead hoc , par un Acte officiel, assurément et plus funestes que des ennemis il faut bien le dire, par quantité d’écrivains et qu’il flétrit le même libéralisme catholique. déclarés, et parce qu’ils secondent leurs personnages influents, même par des efforts sans être remarqués, peut-être même ecclésiastiques, même par des Religieux ! Ce Bref important est adressé au Cercle de sans s’en douter, et parce que, se maintenant Saint-Ambroise, à Milan, qui réunit toute la sur l’extrême limite des opinions Ce second Bref est du 8 mai de la même jeunesse chrétienne de cette grande ville. Le formellement condamnées, ils se donnent année 1873. Il est adressé à la Fédération des Pape insiste avec une force nouvelle sur les une certaine apparence d’intégrité et de Cercles catholiques de Belgique. condamnations déjà portées contre les doctrine irréprochable, alléchant les catholiques-libéraux. Nous le citons en imprudents amateurs de conciliation et Nous tenons à le citer également en entier entier. Chaque parole porte coup. trompant les gens honnêtes, lesquels se et nous prions le lecteur de peser révolteraient contre une erreur déclarée. De religieusement les paroles du Vicaire de « A nos chers fils le président et les associés du la sorte, ils divisent les esprits, déchirent J-C.ÉSUS HRIST Cercle de Saint-Ambroise de Milan. l’unité et affaiblissent les forces qu’il faudrait réunir pour les tourner toutes ensemble III « Pie IX, Pape. contre l’ennemi. Bref de N. T. S. P. le Pape PIE IX « Chers fils, Salut et Bénédiction « Toutefois vous pourrez facilement éviter adressé à la Fédération des Cercles Apostolique. leurs embûches, si vous avez devant les yeux catholiques de Belgique. cet avis divin : « C’est par leurs fruits que vous les « Au milieu de ces temps si douloureux connaîtrez » ; si vous observez qu’ils affichent « A Nos chers fils le sénateur de Cannaert pour l’Église, c’est assurément un grand leur dépit contre tout ce qui marque une d’Hamale, président, et les membres de la adoucissement à Notre douleur que le zèle obéissance prompte, entière, absolue aux Fédération des Cercles catholiques de Belgique. de ces catholiques qui, voyant les décrets et aux avertissements de ce Saint- persécutions auxquelles leur religion est en Siège ; qu’ils n’en parlent que « PIE IX, Pape. butte et les périls qui menacent leurs frères, dédaigneusement en l’appelant « Cour s’associent afin de professer plus romaine » ; qu’ils accusent tous ses actes « Chers fils, Salut et Bénédiction ouvertement leur foi, s’appliquent avec plus d’être imprudents ou inopportuns ; qu’ils Apostolique. d’ardeur à retirer leurs frères du danger, se affectent d’appliquer le nom d’ultramontains dévouent avec plus de zèle aux œuvres de et de jésuites aux fils de l’Église les plus zélés « Pendant que la situation de l’Église miséricorde et mettent leur gloire principale et les plus obéissants ; enfin que, pétris devient chaque jour plus pénible et qu’on à se montrer plus étroitement rattachés à d’orgueil, ils s’estiment plus sages que voit croître l’impudence avec laquelle on Nous et plus humblement soumis aux l’Église, à qui a été faite la promesse d’une foule aux pieds son autorité, ainsi que enseignements de cette Chaire de vérité et assistance divine spéciale et éternelle. l’opiniâtreté avec laquelle on travaille à de ce centre de l’unité catholique. dissoudre l’unité catholique et à Nous « Pour vous, chers fils, souvenez-vous que, arracher les enfants qui Nous appartiennent, « Cette attitude, en effet, est le signe sur la terre, le Pontife Romain tient la place Nous voyons en même temps, chers fils, auquel on reconnaît d’une façon indubitable de DIEU , et que dès lors, en tout ce qui briller d’un éclat toujours croissant votre foi, les vrais enfants de l’Église. C’est elle qui concerne la foi, la morale et le gouvernement votre amour de la Religion et votre constitue cette force inexpugnable de l’unité de l’Église, il peut dire avec le Christ : dévouement au Siège de saint Pierre. Dans le qui seule peut s’opposer victorieusement à la «»Quiconque ne recueille pas avec moi, disperse. but, non-seulement de faire échouer ces fureur, aux ruses et à l’audace de ses ennemis. Faites donc consister toute votre sagesse efforts de l’impiété, mais aussi de Nous Et c’est juste. Car, à quiconque considère le dans une obéissance absolue et dans une libre attacher les fidèles par des liens caractère de la guerre soulevée contre et constante adhésion à la Chaire de Pierre. constamment plus étroits, vous mettez en l’Église, il apparaîtra clairement que toutes Car, animés ainsi du même esprit de foi, vous commun vos lumières, vos forces et vos les machinations de l’ennemi visent à serez tous consommés dans l’unité des ressources. Ce que Nous louons le plus dans détruire la constitution de l’Église et à briser mêmes sentiments et des mêmes doctrines ; cette religieuse entreprise, c’est que vous les liens qui unissent les peuples aux Évêques vous affermirez cette unité qu’il faut opposer êtes, dit-on, remplis d’aversion pour les et les Évêques au Vicaire de JÉSUS -C HRIST . aux ennemis de l’Église ; et vous rendrez très- principescatholiques-libéraux , que vous Quant au Pape, ils l’ont dépouillé de son agréables à DIEU et très-utiles au prochain tâchez d’effacer des intelligences autant qu’il domaine temporel afin que, le soumettant à les œuvres de charité que vous avez est en votre pouvoir. une puissance étrangère, il fût privé de la entreprises, et vous apporterez une véritable liberté qui lui est nécessaire pour gouverner consolation à Notre âme, douloureusement « Ceux qui sont imbus de ces principes font la famille catholique. Et c’est pour cela qu’ils affligée des maux qui accablent l’Église. profession, il est vrai, d’amour et de respect s’attaquent surtout à lui afin que, le Pasteur pour l’Église, et semblent consacrer à sa Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 3 défense leurs talents et leurs travaux ; mais ils dogmatique encore plus explicite, s’il se contre l’arbitraire. n’en travaillent pas moins à pervertir son peut, que ceux qui devaient les suivre. esprit et sa doctrine, et chacun d’eux, suivant « Cette situation par trop lamentable la tournure particulière de son esprit, incline Ce Bref a été envoyé à l’Association des devrait, à elle seule, suffire pour faire à se mettre au service, ou de César, ou de catholiques allemands, en date du 10 février évanouir ce rêve détestable, si souvent ceux qui inventent des droits en faveur de la 1873, et il répondait à une Adresse où réprouvé et condamné, d’après lequel le fausse liberté. Ils pensent qu’il faut dominait cette pensée, que désormais les pouvoir civil serait la source de tout droit, et absolument suivre cette voie pour enlever la Associations catholiques ne pouvaient plus l’Église elle-même, par conséquent, soumise cause des dissensions, pour concilier avec se désintéresser des questions sociales et à l’omnipotence de l’État. Or, il n’y a pas un l’Évangile le progrès de la société actuelle et politiques. Le programme soumis au Pape chrétien qui ne sache d’abord, que Notre- pour rétablir l’ordre et la tranquillité ; était celui-ci : « La défense de la liberté et des Seigneur JÉSUS -C HRIST , « à qui tout pouvoir a comme si la lumière pouvait coexister avec droits de l’Église et le triomphe des principes été donné au ciel et sur la terre », a transmis ce les ténèbres, et comme si la vérité ne cessait catholiques dans la vie publique par tous les pouvoir à son Église, et cela précisément pas dès qu’on lui fait violence en la moyens moraux et légaux, et surtout en pour qu’elle enseignât tous les peuples de détournant de sa véritable signification et en invoquant les droits que la constitution l’univers, sans l’autorisation et même malgré la dépouillant de la fixité inhérente à sa garantit à tous les citoyens ». On voit dès lors les oppositions des princes ; et ensuite, qu’il a nature. l’importance de la réponse. condamné, sans en excepter les rois, tous ceux qui refuseraient d’écouter l’Église et « Cette insidieuse erreur est plus Le Bref aux catholiques allemands est le d’ajouter foi à ses enseignements. Aussi, dangereuse qu’une inimitié ouverte, parce premier de cette mémorable série avons-Nous appris avec douleur que cette qu’elle se couvre du voile spécieux du zèle et d’avertissements et d’enseignements qui erreur pernicieuse n’est pas seulement de la charité ; et c’est assurément en vous devaient faire de l’année 1873 une sorte de défendue aujourd’hui par les hommes efforçant de la combattre et en mettant un vivante réprobation du libéralisme étrangers à l’Église, mais qu’elle est même soin assidu à en éloigner les simples, que vous catholique. — L’Association des catholiques acceptée par quelques catholiques. extirperez la racine fatale des discordes et allemands a son centre à Mayence. Elle que vous travaillerez efficacement à produire compte plusieurs centaines de mille « C’est pourquoi vous qui, au milieu de la et à entretenir l’union étroite des âmes. membres, et a déjà eu les honneurs de la perturbation générale, êtes appelés par la persécution, de la part de M. de Bismarck. divine Providence à défendre l’Église et la « Sans doute, ce n’est pas vous qui avez Religion catholique et à venir ainsi en aide au besoin de ces avertissements, vous qui Voici ce Bref. clergé opprimé, vous n’outrepassez adhérez avec un dévouement si absolu à tous nullement votre mission en combattant sous les enseignements émanés de ce Siège- « Au président et à tous les membres de sa direction dans les premiers rangs de la Apostolique, que vous avez vu condamner à l’Association catholique des Allemands, à mêlée ; bien mieux, vous ne faites, en réalité, différentes reprises les principes libéraux ; Mayence. que rendre au clergé captif un service qui est mais le désir même de faciliter vos travaux et un devoir filial. d’en rendre les fruits plus abondants Nous a « PIE IX, Pape. poussé à vous rappeler le souvenir d’un point « Et, dans ce combat, vous n’entrez pas en si important. « Bien-aimés fils, Salut et Bénédiction lice pour votre liberté religieuse seulement et Apostolique. pour les droits de l’Église, mais encore pour « Au reste, continuez à combattre le bon votre patrie et pour l’humanité tout entière, combat que vous avez généreusement « Au moment où Nous voyons avec une lesquelles marchent fatalement à la commencé, et efforcez-vous chaque jour de extrême douleur s’élever presque partout la dissolution et à la ruine dès qu’on leur retire mériter de mieux en mieux de l’Église de persécution contre l’Église, Nous ressentons la base de l’autorité divine et de la Religion. DIEU , ayant en vue la couronne que Celui-ci une grande joie de voir que vous, Nos fils vous donnera en récompense. En attendant, bien-aimés, loin d’être abattus et découragés « Donc, en rendant grâces au Seigneur qui, Nous vous exprimons hautement toute par les assauts de l’ennemi, vous en êtes par vous et par tous les autres fidèles Notre reconnaissance pour les services que plutôt affermis. Vous ne vous laissez pas répandus sur la terre, vient au secours de la vous rendez, et Nous souhaitons à votre arrêter par les obstacles qui se dressent de sainte Église, son Épouse, si cruellement Association des développements toujours toutes parts ; et, bien que l’un de ceux qui, éprouvée et assaillie de toutes parts, Nous nouveaux, avec l’abondance des plus que tous les autres, auraient dû seconder prions de tout Notre cœur pour votre bénédictions célestes. Nous désirons que le votre entreprise, vous ait refusé son appui, Association ; Nous lui promettons les présage de ces faveurs soit la Bénédiction vous avez créé une Association catholique meilleures bénédictions du ciel et les dons les Apostolique, que Nous vous accordons avec qui, s’étendant sur l’Allemagne entière, plus précieux de la grâce, afin qu’elle ne beaucoup de tendresse, chers fils, comme pourra opposer à l’attaque de l’ennemi toutes s’écarte pas de la voie droite ; qu’elle ne refuse gage de Notre bienveillance paternelle. vos forces réunies. jamais à l’autorité ecclésiastique l’obéissance qui lui est due, qu’elle ne se laisse pas effrayer « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 8 mai « Cependant, votre Association ne saurait par la violence de la lutte et qu’à la longue elle 1873, en la vingt-septième année de Notre en ce moment atteindre son but, qui est de ne se relâche point de son zèle. Pontificat. défendre la doctrine et les droits de l’Église, ainsi que le libre exercice de ces droits dans « En attendant, comme gage de la grâce « PIE IX, Pape. » tout le domaine de la vie publique, si vous ne divine et comme témoignage de Notre franchissiez pas l’étroite limite des choses paternelle bienveillance, Nous vous Vous le voyez, mes amis : dans ce beau saintes, pour vous opposer, par tous les accordons avec amour, à vous et à votre Bref, si grave et tout ensemble si paternel, le moyens que vous fournit la constitution, à la entreprise, la Bénédiction Apostolique. Souverain-Pontife félicite les catholiques domination de l’arbitraire et à cette foule de fidèles, c’est-à-dire les catholiques tout lois injustes que l’on dirige contre l’Église. « Donné à Rome près Saint-Pierre, le 10 court, et stigmatise de nouveau ceux des février 1873, en la vingt-septième année de catholiques qui se laissent séduire soit par les « En effet, quand tous les droits de Notre Pontificat. préjugés de leur éducation soit par le milieu l’autorité ecclésiastique sont foulés aux social et politique où ils ont le malheur de pieds, quand la liberté de l’exercice du saint « PIE IX, Pape. » vivre. ministère est comprimée, quand on ferme la bouche au sacerdoce, si le peuple catholique, Ici, le nom de libéralisme catholique n’est IV fort de son droit sacré, ne se lève tout entier pas prononcé, comme dans les autres Brefs ; pour protéger sa religion, il n’y aura plus mais la chose y est en plein, et la doctrine Quelques semaines auparavant, le Pape personne qui soit assez puissant pour résister libérale, « acceptée par quelques avait adressé aux catholiques allemands un efficacement, sur le terrain de la légalité, aux catholiques, » stigmatisée par le Saint-Siège Bref Apostolique qui présente un caractère adversaires de l’Église et pour la défendre comme une « erreur pernicieuse, » n’est pas 4 Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 autre chose que le libéralisme catholique. secrètement dans votre esprit et y voyons avec joie se multiplier de toutes parts Nous y reviendrons tout à l’heure. Pour le dominaient, vous n’auriez certainement les Associations catholiques, qui sont tout moment, il nous suffit de faire remarquer le point à espérer cette fermeté et cette force ensemble les indices de la vigueur de la foi et caractère universel de ce Bref Apostolique : que peut seule vous apporter une parfaite les instruments les plus propres à la les enseignements et les directions que le adhésion à l’esprit et aux doctrines de la réchauffer et à la défendre, de même c’est Chef de l’Église y donne aux catholiques Chaire de Pierre ; et pour cette raison, non- avec la plus grande satisfaction que Nous d’Allemagne s’adressent, au même titre, aux seulement vous ne seriez pas en état de avons reçu la lettre des associés qui, sous catholiques du monde entier. Partout où le soutenir utilement la lutte que vous votre présidence, ont tenu leur première libéralisme étend ses pernicieuses entreprenez, mais vous causeriez peut-être réunion dans votre ville épiscopale. Nous influences, les vrais enfants de l’Église, non- un plus grand dommage à la cause que vous ayons parfaitement auguré de ce début, en seulement peuvent, mais doivent s’unir pour voulez défendre. voyant ces réunions catholiques commencer opposer au mal sous toutes ses formes une par une protestation de pleine et humble résistance à toute épreuve. « Soyez donc en garde contre cet ennemi soumission au Saint-Siège et à son magistère caché ; repoussez ses dangereuses infaillible ; car si leurs membres ne s’écartent V suggestions ; et, vous appuyant sur la pierre réellement, en aucune façon, de sa doctrine immuable établie par JÉSUS -C HRIST , pleins ni de ses enseignements, s’ils s’appuient Mais voici un document qui nous est plus de déférence pour votre illustre Pasteur, fermement sur ce fondement inébranlable, spécial encore, à nous autres Français. C’est marchez vaillamment contre les ennemis de conduits et soutenus par sa force divine, ils un Bref extraordinairement significatif, que toute autorité divine et humaine. DIEU travailleront à coup sûr efficacement et très- le Souverain-Pontife a cru devoir adresser à soutiendra vos forces et vous donnera la utilement à la cause sacrée de la Religion. Ils Orléans, en réponse à l’adresse du Comité victoire ; ce que Nous vous souhaitons de ne seront certes pas détournés de cette catholique qui venait de se fonder dans cette tout Notre cœur. obéissance par les écrits et les efforts des ville, et qui protestait au Pape de sa fidélité. ennemis de l’Église et de ce Siège de Pierre, Il est daté du 9 juin de cette même année « En attendant, comme gage de la faveur puisque c’est précisément contre eux qu’ils 1873, bien qu’il n’ait été publié qu’au bout de céleste, et en témoignage de Notre ont engagé la lutte ; mais ils pourraient dix mois ; il traite encore du catholicisme paternelle bienveillance, Nous vous trouver une voie glissante vers l’erreur dans libéral. Le voici. Inutile de dire pourquoi il accordons avec amour, bien-aimés fils, la ces opinions soi-disant libérales qui sont présente un intérêt tout particulier, et Bénédiction Apostolique. accueillies par beaucoup de catholiques, comment, à ce titre, il se recommande à honnêtes d’ailleurs et pieux, dont, par l’attention la plus religieuse de mes jeunes « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 9 conséquent, la religion et l’autorité peuvent lecteurs. juin 1873, vingt-septième année de Notre très facilement attirer à eux les esprits et les Pontificat. incliner vers des opinions très-pernicieuses. « A nos chers fils, le Vicomte de Morogues, Avertissez donc, vénérable Frère, les président, et à tout le Conseil du Comité « PIE IX, Pape. » membres de l’Association catholique que, catholique, à Orléans. dans les nombreuses occasions où Nous Ici encore, si le nom n’est pas prononcé, la avons repris les sectateurs des opinions « PIE IX, pape, chose saute aux yeux, et je serais curieux de libérales, Nous n’avons pas eu en vue ceux qui savoir de quelles lunettes se servirait un jeune haïssent l’Église et qu’il eût été inutile de « Cher et noble fils, Salut et Bénédiction catholique-libéral qui ne verrait pas son parti désigner ; mais bien ceux que Nous venons Apostolique. et les chefs de son parti directement de signaler, lesquels, conservant et désignés, pour ne pas dire photographiés, entretenant le virus caché des principes « Nous Nous réjouissons de ce que, vous dans le Bref d’Orléans. libéraux qu’ils ont sucé avec le lait, sous aussi, vous avez formé un Comité pour prétexte qu’il n’est pas infecté d’une malice combattre l’impiété qui travaille au VI manifeste et n’est pas, suivant eux, nuisible à renversement de tout ordre ; et Nous voyons la Religion, l’inoculent aisément aux esprits avec joie que vous avez à cœur de commencer Et ce n’est pas tout. Voyant que, dans et propagent ainsi les semences de ces vos luttes sous d’heureux auspices en notre France, malgré ces avertissements révolutions dont le monde est depuis demandant le secours et la bénédiction de ce redoutables, « beaucoup de catholiques, longtemps ébranlé. Siège Apostolique, à qui seul a été promise honnêtes d’ailleurs et pieux » continuaient à une constante victoire sur les puissances des être sympathiques aux opinions et aux « Si les associés ont soin d’éviter ces ténèbres. publications libérales, le Chef de l’Église a embûches et s’appliquent à diriger leurs voulu nous parler une fois de plus, et il a saisi principales forces contre cet insidieux « Mais, bien que vous ayez en effet à la première occasion qui s’est présentée à sa ennemi, ils mériteront certainement très- soutenir la lutte contre l’impiété, cependant vigilance pastorale. bien de la Religion et de la patrie. Et ils vous avez moins à redouter de ce côté, peut- atteindront tout à fait ce but si, comme ils en être, que de la part d’un groupe ami composé En réponse à l’Adresse que le vénérable ont pris la résolution, ils ne se laissent d’hommes imbus de cette doctrine Évêque de Quimper lui avait transmise au entraîner par aucun autre vent de doctrine équivoque, laquelle, tout en repoussant les nom des membres du Cercle catholique de sa que par celui qui souffle de cette Chaire de conséquences extrêmes des erreurs, en ville épiscopale, Notre Très-Saint Père le vérité. Nous présageons à leur entreprise un retient et en nourrit obstinément le premier Pape PIE IX renouvelle, avec une énergie et heureux succès, et, en attendant, comme germe, et qui, ne voulant pas embrasser la une netteté qui ne laissent aucune place à témoignage de la faveur divine, et comme vérité tout entière, n’osant pas non plus la l’équivoque, les sévères condamnations tant gage de Notre particulière bienveillance, rejeter tout entière, s’efforce d’interpréter de fois prononcées contre les catholiques- Nous accordons de tout cœur la Bénédiction les enseignements de l’Église de manière à les libéraux. Apostolique à vous, vénérable Frère, à tous faire concorder à peu près avec ses propres les membres de l’Association catholique et à sentiments. Ce cinquième Bref est daté du 28 juillet, tout votre diocèse. toujours de la même année 1873. « Car, aujourd’hui encore, il en est qui « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 28 adhèrent aux vérités récemment définies par Bref de N. T.-S. P. le Pape PIE IX, à sa juillet de l’année 1873, de Notre Pontificat la un pur effort de volonté, et cela pour éviter Grandeur Mgr l’Évêque de Quimper. vingt-huitième. l’accusation de schisme et pour abuser leur propre conscience ; mais ils n’ont nullement « PIE IX, Pape. « P IE IX, Pape. » « déposécettehauteurquis’élèvecontrelasciencede DIEU, ni réduit leur intelligence en captivité sous « Vénérable Frère, Salut et Bénédiction Ce Bref, et celui qui le précède, adressés l’obéissancedeJ-C.»ÉSUS HRIST Apostolique. tous deux aux catholiques de France, ont un cachet tout spécial, qui répond à la maladie « Si de telles opinions s’étaient glissées « De même, vénérable Frère, que Nous spéciale de nos jeunes catholiques-libéraux, Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 5 laquelle consiste à faire du libéralisme des un devoir de louer le dessein que votre lettre VIII questions de personnes bien plutôt que des Nous fait connaître, et auquel Nous avons questions de doctrines. Rien n’échappe à la appris que votre journal répond pleinement, « Il n’est donc plus permis en conscience sollicitude du Gardien suprême de la foi, du à savoir : de produire, de répandre, de mettre d’être catholique-libéral ? » Père et du Docteur des chrétiens. en lumière, de faire pénétrer dans les esprits tout ce que le Saint-Siège a enseigné contre Non ; cela n’estplus permis. Ilyauncertain Donc, cinq Brefs Apostoliques, cinq Actes des doctrines coupables, ou contre des nombre d’années, lorsque la question officiels du Saint-Siège, qui, en moins de six doctrines pour le moins fausses et reçues en plus d’un demeurait encore dans le vague, l’illusion mois, poursuivent, stigmatisent, réprouvent lieu, notamment contre le libéralisme catholique, libérale, qui a certains côtés brillants, pouvait avec une énergie croissante, et les doctrines qui tâche de concilier la lumière avec les ténèbres, se concevoir. Beaucoup n’y voyaient que des et les agissements du catholicisme libéral : lavéritéavecl’erreur. intentions généreuses ; et comme, au fond, Bref du 10 février, aux catholiques ils ne cherchaient que la liberté de l’Église, ils d’Allemagne ; Bref du 6 mars, à la jeunesse « Sans doute, vous avez entrepris là une ne s’occupaient guère que du côté pratique catholique d’Italie ; Bref du 7 mai, aux lutte bien rude et bien difficile, puisque ces de la question, n’approfondissant point le Cercles catholiques de Belgique ; Bref du 9 doctrines pernicieuses, qui ouvrent le côté doctrinal. Mais depuis, le jour s’est fait ; juin, au Comité catholique d’Orléans ; enfin, chemin à toutes les entreprises de l’impiété, l’arbre a porté ses fruits ; la distinction Bref du 28 juillet, au Cercle catholique de sont en ce moment soutenues avec violence chimérique entre leslibéraux et les libérâtres , Quimper, ou, pour mieux dire, à toute la par tous ceux qui se glorifient de favoriser le c’est-à-dire entre les libéraux qui avaient de jeunesse catholique de France. prétendu progrès de la civilisation ; par tous ceux bonnes intentions et les libéraux qui en avait qui, faisant consister la Religion dans les de mauvaises, a été écartée par le Saint- A un esprit droit, à une conscience actes extérieurs et n’ayant pas son véritable Siège ; et si jadis on pouvait excuser les honnête, que faut-il de plus ? « Qui habet aures esprit, parlent partout et très-haut de paix, catholiques qui donnaient dans le audiendiaudiat! » alors qu’ils ignorent la voie de la paix, et libéralisme, il faut reconnaître attirent à eux, par ce procédé, le nombre très- qu’aujourd’hui ils sont absolument VII considérable des hommes que séduit l’amour égoïste inexcusables. Ils ne peuvent alléguer que durepos. l’ignorance ; excuse peu flatteuse pour des Devant ces manifestations solennelles et gens qui se piquent d’être des esprits éclairés, répétées de la volonté du Saint-Siège au sujet « Nous vous souhaitons donc, en ces luttes des hommes d’intelligence et de progrès. de la grande erreur du dix-neuvième siècle, si graves, un secours particulièrement un certain nombre de catholiques belges, efficace ; afin d’une part que vous ne Théologiquement parlant, il est certain pleins de foi et de courage, ont résolu de faire franchissiez jamais les limites de ce qui est que dans la profession ouverte ou le maintien une guerre à mort au catholicisme libéral ; et, vrai et juste, d’autre part afin que vous secret des doctrines libérales et dans leurs pour la France non moins que pour la parveniez à dissiper les ténèbres qui différentes applications pratiques, il y a Belgique, ils ont fondé à Bruxelles un journal offusquent les esprits. matière à péché grave contre l’obéissance spécial, intitulé, « La Croix, » dans le double due à l’enseignement du Saint-Siège. Je ne dis but de combattre, sous les étendards de saint « En attendant, comme présage de la faveur pas que l’on pèche toujours gravement et Pierre, les blasphèmes révolutionnaires et les divine et comme gage de Notre paternelle formellement : c’est le secret de DIEU ; ce erreurs libérales. bienveillance, Nous vous accordons avec une que je dis, parce que cela est hors de doute, grande affection la Bénédiction c’est qu’ilyalàmatière à péché grave. Ayant exposé leur dessein au Souverain- Apostolique. Pontife et déposé à ses pieds les douze IX premiers numéros de leur journal, ces « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 21e hommes de foi ont eu le bonheur de recevoir jour de mai 1874, de Notre Pontificat l’année « Cependant, il n’y a pas eu de définition de de Sa Sainteté un Bref, que nous rapportons vingt-huitième. foi proprement dite ? » ici comme couronnement et confirmation de cet ensemble véritablement écrasant « PIE IX, Pape. » C’est vrai ; le libéralisme catholique n’a pas d’Actes Apostoliques. encore été formellement déclaré hérétique ; En France, les catholiques n’étaient pas mais il a été et il demeure flétri, réprouvé et Voici les paroles du Saint-Père. Elles restés sourds non plus à la voix du Chef de condamné comme un ensemble d’opinions contiennent une définition précieuse du l’Église. Le plus intrépide adversaire du « très-pernicieuses, » fausses, aussi libéralisme catholique, lequel, dit le Pape, est catholicisme libéral avait publié, sur les dangereuses pour l’Église que pour la société. la conciliation chimérique de la vérité avec agissements du parti libéral et de ses plus Franchement, de quel nom appeler un l’erreur. illustres chefs, des travaux qui ont fait grand chrétien à qui cela ne suffit pas ? Relisez les bruit (Les catholiques-libéraux ; Les incartades Brefs que nous venons de citer. « Les « A Nos chers fils, les rédacteurs du journal libérales. Suite de l’inscription de la Roche-en- opinions libérales, dit le Souverain-Pontife, intituléLa Croix, à Bruxelles. Brenil), et il en avait fait hommage à Sa s’appuyant sur les principes les plus Sainteté. Par la plume de son Secrétaire des pernicieux (Bref aux Milanais)... Ceux qui « PIE IX, Pape. Lettres latines, le Pape jugea opportun de sont imbus de ces principes s’efforcent de féliciter hautement le courageux défenseur pervertir la doctrine et l’esprit de l’Église « A Nos chers fils, Salut et Bénédiction « de la saine doctrine, contre les fausses (Bref aux Belges) ». Il dénonce « le virus caché Apostolique. prétentions de ceux que l’on nomme des principes libéraux (Bref de Quimper);»il catholiques-libéraux, illorum qui catholici félicite hautement les catholiques « fidèles « Vous faites justement remarquer, chers liberales dicuntur ; fausses prétentions qui, à d’être remplis d’aversion pour les principes fils, que le renversement de l’ordre religieux plusieurs reprises déjà, ont été réprouvées catholiques libéraux, » et il répète avec et politique est amené, encouragé et propagé par le Siège Apostolique (Lettre de Mgr énergie que les principes libéraux ont été par l’apostasie d’un grand nombre, par les Nocella à M. l’abbé Morel, en date du 7 « condamnés à diverses reprises par le Siège- transactions si fréquentes aujourd’hui entre la octobre 1874). » Apostolique (Bref aux Belges). » vérité et l’erreur et par la pusillanimité de la plupart ; vous faites voir que, pour repousser Il n’y a donc plus l’ombre d’un doute sur les Après cela, dites si, oui ou non, le l’invasion du désordre, il n’y a pas d’autre pensées, les volontés expresses du Siège libéralisme catholique n’est pas condamné, arme à employer que la force de la vérité, et Apostolique. Le catholicisme libéral est et par conséquent condamnable. qu’il faut absolument aller la chercher là où le réprouvé par l’Église. Christ a établi la Chaire de vérité. Qu’il soit réprouvé comme hérétique, ou Encore une fois, « qui habet aures audiendi simplement comme une opinion fausse, « Aussi, bien que Nous n’ayons pu lire votre audiat! » erronée, téméraire, menant au schisme et à journal, à cause des travaux dont Nous l’hérésie, comme une nouveauté pernicieuse, sommes accablé, c’est néanmoins pour Nous qu’importe, au point de vue pratique ? 6 Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001

Il y a d’autres péchés contre la foi que le Encyclique ou par une Bulle : ce qui importe vérité, s’y brise. Ilyalàunequestion de péché d’hérésie. « Tout ce qui est mauvais en uniquement, c’est de savoir s’il entend conscience et de salut. matière de doctrine, dit Bossuet, n’est point enseigner. Dans les cinq Brefs en question, la pour cela formellement hérétique. L’amour pensée pontificale ne saurait être douteuse, XI de la vérité doit donner de l’éloignement non plus que la portée magistrale que le Pape pour tout ce qui l’affaiblit ; et je dirai avec entend donner à sa parole. En effet, ainsi que « Mais qu’est-ce donc, dites-moi, que le confiance qu’on est proche d’être hérétique, le fait remarquer le docte et lumineux libéralisme catholique ? En quoi consiste-t- lorsque sans se mettre en peine de ce qui Évêque de Poitiers, « le Pontife Romain il?» favorise l’hérésie, on n’évite que ce qui est n’invoque rien moins ici que l’infaillibilité de précisément hérétique et condamné par son pouvoir doctrinal (Œuvres de Mgr Pie , Au fond, il consiste dans une fausse idée de l’Église (Défense de la Tradition et des saints Évêque de Poitiers, tome VII, page 570) ». Il laliberté (2), idée protestante acceptée par Pères, 1re partie, liv. I, chap. XXII). » réclame explicitement une « pleine et des catholiques. — Il y a ici à distinguer trois humble soumission au Saint-Siège et à son choses, souvent unies, mais parfaitement L’autorité du Saint-Siège a récemment et infaillible magistrature (Bref de Quimper) » ; distinctes, à savoir : un sentiment, un parti, et énergiquement confirmé ce principe. Dans et cela, au moment même où il va enseigner, une doctrine. sa célèbre Encyclique du 8 décembre 1864, dans un simple Bref, que les opinions libérales qui servit de préambule auSyllabus , le Pape sont des erreurs, des erreurs maintes fois Chez les uns, le libéralisme catholique est Pie IX a condamné « l’audace de ceux qui, ne réprouvées, dont il faut se défier plus que de une affaire de sentiment ; chez les autres, pouvant supporter la saine doctrine, l’impiété elle-même. c’est une affaire de parti ; chez d’autres enfin, prétendent que l’on peut, sans pécher et sans et c’est le très-petit nombre, c’est une affaire porter aucun préjudice à la foi catholique, Encore une fois, cinq Brefs, cinq Brefs de doctrine. refuser d’acquiescer et d’obéir aux jugements dogmatiques, se succédant à de si courts et décrets du Siège-Apostolique qui intervalles, s’adressant à l’Allemagne, à Le sentiment libéral regardent le bien général, les droits et la l’Italie, à la Belgique, à la France, exposant discipline de l’Église, sous prétexte qu’ils ne des principes et donnant des directions qui Pour les femmes et pour la plupart des touchent point aux dogmes de la foi et de la regardent tous les enfants de l’Église : jeunes gens, le libéralisme catholique n’est morale (Encycl. Quanta cura) ». franchement, que faut-il de plus pour qu’un sentiment, une espèce d’instinct manifester jusqu’à l’évidence, chez le irréfléchi ; pas autre chose. Certes, s’il est une chose qui touche souverain Docteur et Pasteur de l’Église, directement et à la foi et à la morale, c’est, à l’intention formelle d’enseigner, et C’est l’amour instinctif et, en un sens, tous ses degrés, la liberté systématique de d’enseigner officiellement ? légitime dela liberté ; mot magique, l’erreur et du mal, c’est-à-dire la liberté des entraînant, qui répond à ce qu’ilyade libéraux, c’est-à-dire le libéralisme, qu’il soit « Ces Brefs, ajoute l’Évêque de Poitiers, meilleur en nous et tout ensemble à ce qu’il y ou non porté par des catholiques. sortent du cadre des simples Lettres privées, a de plus mauvais, par cela même qu’il joint à tant par leur destination que par leur sa puissance quelque chose de vague, contenu. Les destinataires ne sont pas de d’indéterminé, dont le mal profite au moins Au fond, le libéralisme n’est simples individus, mais des Associations autant que le bien. La liberté, en effet, ayant pas plus catholique que le catholiques, auxquelles il est manifeste que le pour mission de rompre desliens , nous protestantisme. Si vous Chef de l’Église entend donner une direction apprécions diversement la liberté, suivant doctrinale. Le contenu est le développement que nous apprécions plus ou moins voulez rester libéral, et l’application de documents antérieurs, sainement ce qu’on appelle desliens . Pour le cessez de vous dire adressés à l’Épiscopat. Ces Brefs sont la catholique, pour le serviteur de DIEU , un catholique. condamnation explicite et motivée du lien, c’est tout ce qui gêne l’accomplissement libéralisme religieux, et il faut un singulier du devoir, l’accomplissement de la volonté entêtement pour vouloir concilier désormais de DIEU : pour le mondain, pour l’homme qui Au fond, le libéralisme n’est pas plus ce système avec l’orthodoxie catholique vit en dehors des idées de la foi, un lien, c’est catholique que le protestantisme. Si vous (Œuvres , tome VII, p. 568). » tout ce qui gêne ses passions et ses caprices. voulez rester libéral, cessez de vous dire — Cette distinction est fondamentale ici. catholique. Le libéralisme n’est qu’un rejeton Sans doute, il n’est pas encore question Elle explique comment le nom seul de liberté du protestantisme ; c’est l’enfant naturel du d’« articles de foi»;etpersonne ne dit que fait vibrer tous les cœurs, et pourquoi le fameux principe dulibre -examen. cette « direction doctrinale », toute sentiment de la liberté est si général, si souveraine et infaillible qu’elle est, constitue irrésistible. Oui, le libéralisme catholique est le libéralisme catholique à l’état d’hérésie condamné, quoiqu’il ne le soit pas encore formelle. Nous-même, tout à l’heure, nous Dans le sentiment libéral, qu’il ne faut formellement comme hérétique. Oui, il y a avons soigneusement distingué et dit le donc pas confondre avec le sentiment de la incompatibilité absolue entre le contraire. Ce que nous avons dit et ce que liberté, ilyadubonetdumauvais ; le bon, catholicisme et le libéralisme. Et désormais nous répétons ici, c’est que tout chrétien, c’est l’horreur de tout ce que l’on croit être de un chrétien, tant soit peu instruit, ne peut en ecclésiastique ou laïque, est tenu de la tyrannie ; c’est l’indignation très-légitime sûreté de conscience ni être ni se dire soumettre son jugement à l’enseignement contre ce que l’on regarde comme des abus catholique-libéral. apostolique contenu dans ces Brefs, qu’il y d’autorité et comme l’oppression de la est tenusub gravi , et qu’un confesseur ne conscience. Au fond, chez nos jeunes X pourrait admettre aux sacrements ceux qui catholiques-libéraux, il n’y a guère que cela déclareraient ne point accorder ici à dans leur répulsion pour les hommes et les « Mais les Brefs ne sont après tout que des l’enseignement et aux directions du institutions qui soutiennent énergiquement Brefs, disait tout dernièrement un jeune Souverain-Pontife la « pleine et humble le principe d’autorité. abbé fort entiché de libéralisme. Ce ne sont soumission », intérieure et extérieure, qui est pas des Bulles dogmatiques, et ce qu’ils due « au Saint-Siège et à son magistère Le mal, c’est l’esprit d’indépendance et de contiennent n’est pas article de foi. » infaillible. » révolte qui fermente dans ces jeunes têtes, et qui les rend sympathiques, sans qu’ils Sans aucun doute ; mais ce qui est « article Que les libéraux et les demi-libéraux sachent trop pourquoi, à ce qu’on appelle de foi », de foi révélée et définie (1), c’est que continuent, s’ils le veulent, à nous taxer « les libertés modernes, » à la séparation de « toute créature humaine est de droit divin d’exagération : c’est une accusation très- l’Église et de l’État, à la liberté de la presse, soumise au Pontife Romain, sous peine de commode et fort en usage ; les jansénistes aux libertés parlementaires, à la liberté de damnation éternelle ». connaissaient et pratiquaient cette tactique, l’hérésie et de l’erreur, et à tous ces principes qui évite de répondre sérieusement et de de tolérantisme que le Saint-Siège a Or, du moment que le Pape parle comme discuter le fond des questions. Mais, qu’ils le condamnés en 1790, dès leur proclamation, Pape et enseigne officiellement, il importe sachent bien, ce que nous disons ici, c’est la et qu’il a stigmatisés de nouveau, en 1832, peu que ce soit par un Bref ou par une vérité ; et quiconque se heurte contre la comme une dangereuse « folie,deliramentum » Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 7

(EncycliqueMirarivos , de Grégoire XVI). l’Église de DIEU , mais une liberté à la façon là où ils voient du bien. Hélas! on peut avoir moderne, une liberté rationaliste qui mal à la tête sans avoir mal au cœur. C’est le Voilà ce qu’une analyse quelque peu anéantit l’autorité, proclame l’indifférence cas de nos sectaires libéraux, qui joignent attentive fait découvrir dans le sentiment entre le vrai et le faux, et mène fatalement à souvent des idées anticatholiques à une catholique-libéral, qui tourne la tête de tant l’anarchie et, par l’anarchie, au despotisme. pureté de mœurs et à des œuvres de charité de jeunes gens. tout à fait catholiques. Poussé par cette fantaisie et enivré de ce Et de même que le mélange de bon vin et de sentiment, le parti libéral altère tout ce qu’il C’est ce que, dans sa sollicitude paternelle, poison fait un tout parfaitement touche, et introduit la division dans le camp le Saint-Père signale encore aux jeunes empoisonné, de même, malgré le bien qui s’y catholique. Il a ses principes à lui, et ils sont chrétiens, lorsqu’il ajoute qu’« ils pourraient trouve, le sentiment catholique-libéral est un le contre-pied de ceux du Saint-Siège. Il a ses trouver une voie glissante vers l’erreur dans sentiment parfaitement mauvais et manières de faire, sa politique, sa sagesse, et ces opinions soi-disant libérales qui sont dangereux. C’est un sentiment qui conduit cette sagesse, cette politique contredisent en accueillies par beaucoup de catholiques, les jeunes gens à des excès fort regrettables. plein les directions fermes et sûres que, de la honnêtes d’ailleurs et pieux dont, par Il développe en eux la suffisance, la part de DIEU , le Souverain-Pontife ne cesse conséquent, la religion et l’autorité peuvent présomption, l’orgueil ; il sape dans leurs de donner aux gouvernements et aux très-facilement attirer à eux les esprits et les cœurs généreux le respect et l’amour de peuples. incliner vers des opinions très-pernicieuses. l’autorité de l’Église ; et l’on en voit qui, plutôt que de se soumettre, s’abandonnent à Ces hommes sont, au fond et malgré des « Dans les nombreuses occasions où Nous des impertinences et à des colères aussi vertus réelles, de véritables sectaires ; et ils avons repris les sectateurs des opinions blâmables que ridicules. reproduisent, trait pour trait, ce que libérales, continue le Très-Saint Père, nous l’histoire nous apprend des anciens sectaires n’avons pas eu en vue ceux qui haïssent Néanmoins, il ne faut pas prendre la chose jansénistes et gallicans. l’Église et qu’il eût été inutile de désigner ; trop au tragique. Un jeune libéral est mais bien ceux que Nous venons de signaler, enchanté quand on le prend au sérieux. J’ai Comme eux, « ils affichent leur dépit lesquels, conservant et entretenant le virus connu un homme de grand sens et de contre tout ce qui marque une obéissance caché des principes libéraux qu’ils ont sucé beaucoup d’esprit qui disait que, « après tout, prompte, entière, absolue aux décrets et aux avec le lait, sous prétexte qu’il n’est pas un jeune libéral, c’est tout simplement une avertissements du Saint-Siège. Ils ne parlent infecté d’une malice manifeste et n’est pas, mauvaise tête, au service d’une dose plus ou que dédaigneusement du Siège-Apostolique, suivant eux, nuisible à la Religion, l’inoculent moins sensible d’ignorance, de présomption en l’appelantcour romaine . Ils accusent tous aisément aux esprits et propagent ainsi les et de vanité. » Si le portrait est un peu sévère, ses actes d’être imprudents ou inopportuns. semences de ces révolutions dont le monde il faut avouer qu’il ne manque pas de Ils affectent d’appliquer le nom est depuis longtemps ébranlé (Bref de ressemblance. d’ultramontains et de jésuites aux fils de Quimper). » l’Église les plus zélés et les plus obéissants. Il est plus ou moins ressemblant suivant Enfin, pétris d’orgueil, ils s’estiment plus que, dans le sujet, la dose de libéralisme sages que l’Église, à qui a été faite la promesse Pour le libéralisme l’emporte plus ou moins sur la dose de d’une assistance divine, spéciale et éternelle catholique, l’Arche sainte, catholicisme. Porté à un certain degré, le (Bref aux Milanais). » ce sont ces fausses libertés, sentiment catholique-libéral devient du libéralisme pur sang, c’est-à-dire de l’esprit Ce n’est pas moi qui parle ainsi, c’est le ces lois et ces institutions révolutionnaire plus ou moins déguisé sous souverain Pasteur et Docteur de l’Église, à bâtardes, mélangées de vrai des habitudes religieuses ; c’est un véritable qui tous, sans exception, nous devons et de faux, de bien et de libertinage d’esprit, plus dangereux encore l’obéissance et de l’esprit et du cœur. Le que le libertinage des sens. Alors il faut le portrait qu’il trace ici des sectaires du parti mal, qui, depuis 1789, prendre très au sérieux ; c’est un sentiment libéral est une véritable photographie ; et en régissent ou plutôt anticatholique, c’est un véritable manque de lisant chaque phrase, on ne peut s’empêcher étouffent et la France foi, c’est de l’orgueil et de l’insoumission ; de s’écrier : Comme c’est cela ! c’est, sous le nom séduisant de liberté, et l’Europe. l’amour de la licence ; et cela peut exposer Et notez-le bien, mes amis : ces sectaires ne l’âme à des périls très-graves. J’ai connu sont pas le moins du monde des impies ni des Voilà la vérité sur le parti catholique- d’excellents jeunes gens que le sentiment ennemis déclarés de l’Église ; non, ce sont des libéral. Pour les honnêtes gens, c’est-à-dire libéral a fini par complètement détourner de chrétiens, souvent des chrétiens fort pour la quasi-unanimité des chrétiens, il est la droite voie, et qui, malheureusement pratiquants, et dont la vie privée est non- beaucoup plus dangereux que le parti libéral- logiques, non moins qu’ardents et peu seulement honorable mais édifiante ; en tous révolutionnaire. Celui-ci fait horreur, et non solidement instruits, ont donné dans tous les cas, ce sont des hommes qui ont point l’autre : on voit du premier coup les écarts de la libre-pensée et des folies parfaitement la foi ; ce sont des catholiques. abîmes où conduit tout droit le libéralisme révolutionnaires. C’est là précisément qu’est le danger, et pour révolutionnaire, tandis que le libéralisme eux-mêmes et pour les autres, comme le catholique, enveloppé qu’il est de religion, Chez le plus grand nombre cependant, Saint-Père le constate expressément. « Ceux, fait aisément illusion à ceux qui n’y regardent l’élément catholique domine de beaucoup dit-il, qui sont imbus de ces principes font pas de très-près. De part et d’autre, le fond l’élément libéral ; et c’est ce qui fait que, profession, il est vrai, d’amour et de respect est le même ; il n’y a guère de différence que malgré leur petite toquade, ils restent de pour l’Église et semblent consacrer à sa dans les personnes, dans les intentions et, il bons et braves jeunes gens. Si l’un ou l’autre défense leurs talents et leurs travaux ; mais ils faut bien le dire aussi, dans le choix des vient à mourir dans cet état, il en sera quitte n’en travaillent pas moins à pervertir son moyens. Pour le libéralisme catholique pour faire une station épurative plus ou esprit et sa doctrine ; et chacun d’eux, suivant comme pour le libéralisme révolutionnaire, moins longue dans les terribles flammes du la tournure particulière de son esprit, incline l’Arche sainte, ce sont ces fausses libertés, Purgatoire. Pour entrer au ciel, il faut, en à se mettre au service, ou de César, ou de ces lois et ces institutions bâtardes, effet, que tout soit pur, l’esprit non moins ceux qui inventent des droits en faveur de la mélangées de vrai et de faux, de bien et de que le cœur. Si les libéraux sont connus en fausse liberté. mal, qui, depuis 1789, régissent ou plutôt Purgatoire, ils sont radicalement inconnus étouffent et la France et l’Europe (3). au Paradis. « Cette insidieuse erreur est plus dangereuse qu’une inimitié ouverte, parce Qu’on ne sa fasse point illusion : le parti Le parti libéral qu’elle se couvre du voile spécieux du zèle et libéral est puissant. Il règne et gouverne, de la charité (Bref aux Belges). » tantôt sous une forme césarienne et Le sentiment libéral a engendré le parti militaire, tantôt sous une forme bourgeoise, libéral, parti politique plus encore peut-être Aussi en séduit-elle un grand nombre, tantôt sous une forme républicaine, plus ou que religieux, dont la marotte est laliberté . principalement chez les jeunes gens qui, moins démocratique, c’est-à-dire Or, par liberté, il n’entend pas ce qu’entend étant fort sincères, croient que tout est bon anarchique. Partout il veut faire de l’ordre 8 Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 avec du désordre, pour régner. défendant de son mieux, la doctrine mal ; pourvu que l’ordre matériel ne soit catholique-libérale. point troublé, elle ne doit point prendre On dira tout ce qu’on voudra, ses parti pour le bon DIEU contre le démon. caractères saillants sont la personnalité, sous En allant au fond des choses, et en l’apparence du dévouement ; l’absolutisme, saisissant le moins imparfaitement possible Suivant l’Église, la liberté est la puissance sous le voile de la modération et de l’amour cet insaisissable Protée, voici ce que l’on en donnée à tous et à chacun de faire sans de la liberté ; la médiocrité, sous le voile du peut dire : entraves la volonté de DIEU et d’accomplir le talent ; l’intrigue, sous le voile de l’honneur ; devoir : suivant le catholicisme libéral, la c’est je ne sais quelle horreur instinctive de D’abord, la doctrine catholique-libérale liberté est la faculté, accordée à tous et à l’autorité véritable, de l’autorité légitime, est un système général de fausse liberté et de chacun, de faire le mal comme le bien, soit en religion, soit en politique. fausse charité qui, en religion comme en pourvu que l’ordre matériel ne soit point politique, tend à amoindrir les vérités et les troublé. Les meneurs du parti, tout catholiques principes, et à les remplacer par des nuances qu’ils sont, savent intriguer mieux que et par du sentiment, non certes par impiété, Pour le bon DIEU et son Église, l’autorité personne, et leur conduite publique offre un mais afin de soi-disant concilier à l’Église, à la est la puissance qui protège le bien et le fait singulier mélange d’honneur et de duplicité. foi, à la vérité, au droit les sympathies des régner ; pour le démon et la Révolution, Ils aiment étrangement les faveurs, les adversaires. Elle tient peu de compte des l’autorité est la puissance qui protège le mal décorations et les bonnes places. Pour y principes les plus certains dès que ces et le fait régner ; pour les catholiques arriver, ils se font la courte échelle, ils se principes sont en opposition avec l’opinion libéraux, l’autorité est la puissance surfont sans vergogne les uns les autres dans publique, c’est-à-dire avec les préjugés et les indifférente au bien et au mal et qui les leurs journaux, dans leurs revues, et on les a erreurs publiques. Elle tend toujours à protège également. Et de même pour appelés très-justement « une société mettre le fait au-dessus du droit. Des l’Église, la liberté est la puissance de faire le d’admiration mutuelle ». On ne comprend questions de principes elle fait bien sans entraves ; pour la Révolution, c’est guère ce qu’ils font de leur conscience au immédiatement des questions de personnes, la puissance de faire le mal sans entraves ; milieu de tout cela ; car, malgré tout, ils sacrifiant ainsi systématiquement la vérité et pour le catholicisme libéral, c’est la puissance entendent rester catholiques et bons le droit à une affaire de sentiment, d’habileté de faire indifféremment le bien ou le mal. catholiques. ou d’intérêt. Les catholiques-libéraux se laissent tellement préoccuper des personnes, Or, d’après la doctrine catholique, comme qu’ils perdent de vue les principes, lesquels d’après le système libéral, cette double Le parti libéral est le pont sont pourtant la base de tout. De là vient que, notion de l’autorité et de la liberté doit régler qui, depuis bientôt un tout en aimant sincèrement le bien, ils tout : la Religion, l’ordre social et politique, siècle, conduit les peuples perdent pour ainsi dire l’horreur du mal, la législation, la jurisprudence, l’éducation, la l’horreur de l’hérésie, l’horreur des crimes famille. chrétiens aux révolutions, politiques. Ils ne conservent que l’amour des c’est-à-dire aux crimes concessions aux méchants ; pauvres dupes ! Aussi, et précisément parce qu’elle s’étend publics les plus pendant qu’ils se flattent d’attirer les à tout, la doctrine catholique-libérale est-elle méchants sur leur terrain, ils glissent eux- une erreur extrêmement grave, dont les antichrétiens. mêmes et tombent sur le terrain de l’ennemi. conséquences pratiques sont incalculables. Elle touche, pour la fausser, à la notion Le parti libéral est le pont qui, depuis Puis, la doctrine catholique-libérale, qui essentielle de l’autorité et de la liberté, sur bientôt un siècle, conduit les peuples n’est, au fond, que la doctrine laquelle reposent comme sur leur base, chrétiens aux révolutions, c’est-à-dire aux révolutionnaire de 89, pose en principe, l’ordre religieux, l’ordre civil et l’ordre crimes publics les plus antichrétiens. Il mine comme chose sinon absolument bonne, du domestique tout entier. Ilyalàleséléments l’autorité de l’Église, et a trouvé moyen moins meilleure, la séparation de l’Église et d’une immense hérésie ; et tout porte à croire d’attirer dans ses rangs non-seulement de l’État, laquelle n’est autre chose que que le Saint-Siège, ou le Concile quantité de catholiques très-sincères, mais l’indépendance absolue de la société civile œcuménique, ne tardera point à frapper d’un un certain nombre d’ecclésiastiques, dont vis-à-vis de la loi divine, de la religion révélée anathème définitif une erreur qui résiste à quelques-uns haut placés. et de la sainte Église. Notre-Seigneur a tous les avertissements, et qui ne tend à rien envoyé le Pape et les Évêques en leur disant : moins qu’à aider la Révolution proprement Qu’ils soient plus ou moins de bonne foi, « Enseignez tous les peuples, et apprenez-leur à dite dans son œuvre de destruction les meneurs du parti catholique-libéral observer mes lois. Je suis moi-même avec vous universelle. engagent terriblement leur conscience, et le jusqu’à la fin des siècles. » Les catholiques- mal qu’ils font durera longtemps. libéraux restreignent cette mission aux Ainsi, la doctrine catholique-libérale est intérêts privés de chaque chrétien en une altération systématique de la vérité, de la La doctrine libérale particulier ; ils dénient au Souverain-Pontife foi et du droit ; elle est une altération et à l’Épiscopat le droit d’enseigner les systématique des rapports de l’Église avec les On l’a dit souvent et avec grande raison : ce gouvernants aussi bien que les gouvernés, et sociétés civiles, et une négation plus ou sont les doctrines qui font les hommes. Les de veiller à ce que JÉSUS -C HRIST puisse moins accentuée du droit divinement doctrines, ou pour mieux dire, les opinions régner sans entraves dans les institutions conféré à l’Église de diriger spirituellement libérales sont l’âme du parti libéral, et elles publiques, dans les lois, dans la direction des les gouvernements et les sociétés, d’inspirer sont le soutien caché du sentiment libéral. sociétés. les lois et les institutions publiques ; elle est enfin une altération systématique de la En quoi consistent-elles ? Il est difficile de Enfin, la doctrine catholique-libérale doctrine de l’Église sur l’autorité et la liberté. le savoir bien nettement ; car les catholiques- méconnaît et altère profondément les libéraux ne se hasardent pas volontiers à rapports de l’autorité et de la liberté, telles Après cela, vous étonnerez-vous, mes bons formuler leurs principes. Le parti a des que DIEU les a établies et telles que son et chers amis, d’entendre le Chef de l’Église meneurs : il n’a point de docteurs. Église est chargée de les enseigner et de les gémir et s’indigner à la vue de ces catholiques maintenir. Elle est une altération profonde frelatés qui, sciemment ou non, font tant de Deux fois, en France, il a essayé de de la doctrine catholique sur l’autorité, au mal ? formuler sa doctrine ; et, les deux fois, il a été profit de la liberté ; et c’est pour cela qu’elle immédiatement condamné par le Saint- s’appellelibérale . « Hélas ! s’écrie-t-il, il y en a qui ont l’air de Siège. Ce fut d’abord un travail court, mais vouloir marcher d’accord avec nos ennemis, sérieux, d’un professeur de théologie, très- Suivant l’Église, l’autorité est la puissance et s’efforcent d’établir une alliance entre la sincère dans son erreur puisqu’il l’a active établie de DIEU pour faire respecter et lumière et les ténèbres, un accord entre la immédiatement rétractée. Ce fut ensuite un exécuter la loi : suivant le catholicisme justice et l’iniquité, au moyen de ces travail collectif et anonyme de quatre fortes libéral, l’autorité est la puissance passive qui doctrines qu’on appelle catholiques- têtes du parti catholique-libéral (dont on a doit couvrir d’une égale protection et la foi et libérales, lesquelles, s’appuyant sur les connu les noms) et qui résumait, en la l’hérésie, et la vérité et l’erreur, et le bien et le principes les plus pernicieux, flattent le Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 9 pouvoir laïque quand il envahit les choses bergerie sous la peau de l’agneau. Est-il de ce libéralisme, le libéralisme de ce spirituelles, et poussent les esprits au étonnant que le pasteur frappe dessus à catholicisme est, comme l’a dit et redit le respect, ou tout au moins à la tolérance des coups redoublés ? Pape, une peste très-pernicieuse (6). lois les plus iniques, absolument comme s’il n’était pas écrit que « personne ne peut servir XII Notes deuxmaîtres. » « Mais moi, je ne suis libéral qu’en (1) Par le Pape Boniface VIII, dans sa « Or, ajoute le Souverain-Pontife, ceux-ci politique. » célèbre Bulle dogmatiqueUnam sanctam , sont plus dangereux assurément et plus dont les gallicans avaient osé nier l’autorité, funestes que des ennemis déclarés, et parce Et en quoi donc voudriez-vous être libéral ? mais que le Concile œcuménique du Vatican qu’ils secondent leurs efforts sans être Serait-ce en religion ? Les libéraux en vient de faire sienne, en promulguant et en remarqués, peut-être même sans s’en douter, religion, ce sont les protestants. ratifiant de nouveautoutes les Constitutions et parce que, se maintenant sur l’extrême Apostoliques précédentes. limite des opinions formellement condamnées, ils se donnent une certaine Il n’y a pas de vérité (2) Ne pas confondre laliberté avec le libre apparence d’intégrité et de doctrine contre DIEU et son arbitre. Dans la thèse du libéralisme, il n’est irréprochable, alléchant ainsi les imprudents jamais question que de la liberté extérieure, amateurs de conciliation et trompant les Église. de la faculté de faire sans entraves gens honnêtes, lesquels se révolteraient extérieures ce que l’on veut. contre une erreur déclarée. De la sorte, ils Vous êtes catholique en religion et libéral divisent les esprits, déchirent l’unité et en politique ? Eh ! c’est précisément là ce (3) Dès l’année 1846, le P. Lacordaire affaiblissent les forces qu’il faudrait réunir qu’on appelle être catholique-libéral. Un portait sur le libéralisme ce curieux pour les tourner toutes ensemble contre catholique-libéral, c’est un catholique qui jugement : l’ennemi (Bref aux Milanais). n’est pas catholique en tout, et qui, dans les questions politiques ou sociales, se soustrait « Voyez l’état où est la France après « Ils inclinent à se mettre au service, ou de aux enseignements et aux directions cinquante ans d’essais et d’efforts pour vivre César, ou de ceux qui inventent des droits en supérieures de l’Église, pour suivre ses idées du seul sens humain. Quel pitoyable état que faveur de la fausse liberté, s’imaginant qu’il propres, c’est-à-dire ses idées fausses ; car il celui du libéralisme, et comme il trouve la faut absolument suivre cette voie pour n’y a pas de vérité contre DIEU et son Église. mort dans sa victoire ! Point de principes, enlever la cause des dissensions, pour point de cœur, point de gloire, voilà depuis concilier avec l’Évangile le progrès de la L’Église, ayant reçu de DIEU , comme nous quinze ans toute sa vie. Non qu’il n’ait eu des société actuelle, et pour rétablir l’ordre et la l’avons dit, la mission et l’ordre d’apprendre à pensées généreuses et qu’il n’ait accompli des tranquillité ; comme si la lumière pouvait tous les hommes sans exception à accomplir réformes utiles ; mais il n’a jamais voulu de coexister avec les ténèbres, et comme si la en toutes choses les volontés divines, les l’Église pour compagne de ses desseins, et il vérité ne cessait pas d’être la vérité dès qu’on Souverains, les hommes d’État, les députés, expire, après cinquante ans, dans le vide et la lui fait violence en la détournant de sa les gouvernants, les magistrats et, en général, platitude. véritable signification et en la dépouillant tous ceux qui conduisent les autres, ont pour ainsi de la fixité inhérente à sa nature (Bref devoir, et pour premier devoir, de conformer « Si l’Église n’était pas là, nous toucherions aux Belges) ! » leurs pensées et leurs volontés aux au bas-empire, et, malgré elle, on sent enseignements de l’Église dans l’exercice de partout une odeur d’eunuque. Je ne crois pas Ces paroles du Vicaire de DIEU devraient leur autorité. Sans cela, ils cessent d’être qu’une doctrine et un parti aient jamais reçu être apprises par cœur dans tous nos collèges catholiques, au moins par un côté (5). de châtiment plus sanglant de la catholiques, dans tous nos Petits et Grands- Providence. » (Lettres inédites du P. Séminaires, dans tous nos Cercles La politique n’étant autre chose que le Lacordaire, page 176. — Chez Poussielgue, d’étudiants. L’on ne conçoit pas comment un gouvernement des sociétés et la direction 1874). jeune chrétien qui les connaît et qui les pratique des affaires publiques, il est bien comprend, peut, je ne dis pas être libéral, évident qu’elle doit être avant tout Et penser que des chrétiens sincères, de mais ne point concevoir pour le catholique, c’est-à-dire conforme aux lois de véritables catholiques se sont laissé affubler catholicisme-libéral une honnête et DIEU et à l’enseignement de son Église. Et il du manteau de ce libéralisme, et que invincible répulsion. est également évident que le premier devoir l’excellent P. Lacordaire lui-même l’a pris d’un catholique, qui, à un titre quelconque, maintes fois pour un ornement ! Telle est la réponse nécessairement s’occupe de politique, est d’être catholique complexe à cette question en apparence si en cela comme en toutes choses. Vis-à-vis de (4) Un ministre protestant de Genève, le simple : « Qu’est-ce que le libéralisme la souveraine volonté de DIEU , serait-il par professeur Bouvier, vient de le proclamer. catholique ? Qu’est-ce que le catholicisme hasard permis de demeurer indifférent ? Expliquant à son auditoire pourquoi le libéral ? » C’est un sentiment faux et catholicisme libéral doit être et est si dangereux ; c’est un parti nombreux, actif, La lumière catholique éclaire tout, pénètre sympathique au protestantisme, il dit en remuant, qui conspire de fait contre l’Église tout, comme la lumière du soleil ; et de même toutes lettres : « Dans notre lutte contre le et contre la société civile, servant sans le que seule la lumière du soleil fait le jour, de catholicisme, le catholicisme libéral vouloir l’horrible cause de la Révolution ; même aussi la lumière de la foi (ou en d’autres intervient, armé à la fois du prestige de c’est une doctrine fausse, très-pernicieuse, termes, l’enseignement du Saint-Siège) est l’antiquité des doctrines et de la nouveauté grosse d’hérésies et de révolutions. Un seule capable de tirer le monde des ténèbres, de l’esprit... Le catholicisme libéral peut seul catholique-libéral, c’est un homme qui non-seulement en ce qui concerne faire l’œuvre de réforme, d’édification participe à un degré quelconque ou à ce directement la Religion, mais encore en ce vivante qu’il a entreprise dans le milieu où il sentiment, ou à ce parti ou à cette doctrine ; qui concerne le gouvernement des peuples, la est né. Le pur Évangile, lorsqu’il est apporté d’autant plus malade qu’il est plus libéral, direction des sociétés, les droits et les aux masses catholiques par des mains d’autant moins malade qu’il est plus devoirs de chacun et de tous, l’éducation des protestantes, est par cela même compromis ; catholique. enfants ; en un mot, toutes les questions qui on le suspecte. Le catholicisme libéral, lui, a intéressent directement ou indirectement chance de trouver un meilleur accès et de Le catholicisme-libéral, c’est le l’ordre moral et le règne de Notre-Seigneur pénétrer un jour, plus vite et plus droit, au catholicisme plus ou moins frelaté de JÉSUS -C HRIST sur nous. cœur même de la place. » (l’Égliselibre , Journal libéralisme et entaché d’idées protestantes protestant de Nice, janvier 1874). et révolutionnaires. Le libéralisme Voilà pourquoi, en conscience, on ne peut catholique, c’est l’hérésie et la Révolution être libéral en politique ; voilà pourquoi la Après cela, soyez catholique-libéral, si vous plus ou moins modérées dans leurs formes, distinction, en apparence ingénieuse, de en avez le courage. qui, à la faveur du beau nom de catholiques, catholique en religion et libéral en politique, s’insinuent jusque dans le sein de l’Église (4) ; n’est au fond qu’une chimère et un leurre. Et (5) En politique, les catholiques-libéraux c’est le loup circulant librement dans la enfin, voilà pourquoi, malgré le catholicisme n’ont plus de foi. Ils sont plus ou moins 10 Les documents contrerévolutionnaires no 18 — Octobre 2001 sceptiques, et ils ne s’en cachent pas. L’un Prière à saint Michel Archange joint un catalogue complet des livres d’entre eux, personnage très-important de ce disponibles de Henry Coston. qu’on appelle lecentre droit à l’Assemblée Saint Michel Archange, défendez-nous nationale, répondait ingénument à une dans le combat ; soyez notre secours contre personne qui venait de lui dire:«Oùdonc la méchanceté et les embûches du démon. conduisez-vous la pauvre France ? Si le bon « Que Dieu lui commande », nous le DIEU ne s’en mêle pas, nous sommes perdus. demandons en suppliant ; et vous, Prince de — Tranquillisez-vous : le bon DIEU ne la milice céleste, repoussez en enfer, par la s’occupe pas de la politique ; c’est nous, et puissance divine, Satan et les autres esprits nous seuls, qui sauverons la France. La mauvais qui rôdent dans le monde pour Providence ne se mêle pas de ces sortes perdre nos âmes. Ainsi soit-il. d’affaires. Pourquoi mêler ainsi la religion à la (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la politique ? » Autant d’inepties et de récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, blasphèmes ; et sur dix de ces hommes d’État communion, visite d’une église avec prière aux intentions du qui se promettent de nous sauver, il y en a SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) neuf, pour ne pas dire dix, qui pensent cela et qui le disent. 99 (6) Perniciosissimam pestem (Bref Apostolique du 15 janvier 1872, à Mgr Gaume,) Liberalismi pestis perniciosissima (Bref du 26 février de la même année, aux Hommage à Henry Coston Rédacteurs de laCorrespondancedeGenève .) Henry Coston, le fondateur de Lectures Françaises en 1957, est mort le 27 juillet dernier à l’âge de 90 ans, après 75 années de travail acharné et de luttes incessantes pour Y Y Y combattre les forces occultes (sociétés secrètes, sectes de tous ordres, Franc- Maçonnerie...) qui détruisent la France et Ouvragesrecommandés asservissent le monde. • Dom Sarda y Salvany, Le libéralisme est un Auteur d’une cinquantaine de livres et péché, 1884, réédition Expéditions brochures il est surtout connu pour ses Pamphiliennes. œuvres majeures : Le Dictionnaire de la politique françaiseet Les Financiers • Mgr Lefebvre, Dubia sur la déclaration qui mènent le monde (25 éditions en 40 conciliaire sur la liberté religieuse, réédition ans). Éditions Saint-Rémi, 2000. • Marquis A. de Ségur, Mgr de Ségur, Le n°533 (septembre 2001) de Lectures souvenirs et récits d’un frère, réédition Éditions Françaises vient de lui rendre hommage, Saint-Rémi, 2001. sous la forme d’un cahier spécial de 40 pages rédigé par vingt de ses amis et confrères • Marthe de Hédouville, Monseigneur de écrivains et journalistes (F. Bergeron, P. Ségur, 1957. Disponible à la S. A. D. P. F. Bernardin, A. de Chanterac, A. Figueras, R. Gaucher, Ch. de La Mazière, Pinatel, J. et • Juan Donoso Cortes, Essai sur le Ph. Ploncard d’Assac, D. Raffard de Brienne, catholicisme, le libéralisme et le socialisme Ph. Randa, E. Ratier, P. de Villemarest...) considérés dans leurs principes fondamentaux, réédition 1986. Disponible à la S. A. D. P. F. Parmi ces différents articles, il y a lieu de • S. S. Léon XIII, Encyclique Libertas souligner l’exceptionnelle synthèse de 11 Au terrible torrent de boue constitué par les Præstantissimum, réédition 1996. Disponible pages de Michel Sarlon-Malassert sur le livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, àlaS.A.D.P.F. thème : « Plus anonyme que jamais, plus sans autre but, sous leur forme éloquente et leur vagabond que jamais, le grand capital sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et Adresses apatride domine le monde », qui explique d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en bien des choses et clarifie bien des peut être assuré, est de leur opposer des écrits - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- interrogations. salutaires et de les répandre. Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. Par ailleurs, en raison des événements S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. récents qui ont secoué les États-Unis le 11 9 - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 septembre, la mise en pages de ce même Les documents contrerévolutionnaires Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; numéro a été modifiée en dernière minute reproduisent des textes de doctrine et http://www.litoo.com. pour y inclure un texte intitulé « Vers la d’histoire contrerévolutionnaires. Face au troisième guerre mondiale ? » qui déferlement de littérature révolutionnaire à - Expéditions pamphiliennes,B.P.51, exprime le sentiment de la rédaction de vil prix qui outrage la majesté divine, détruit 67044 Strasbourg cedex, France. Lectures Françaises sur cette actualité la morale chrétienne, incite aux pires péchés, brûlante résumé dans cette phrase : « Ne et perd les âmes par millions, c’est le devoir - Éditions Contrerévolutionnaires, nous laissons pas prendre au piège des catholiques de redoubler d’effort pour C. P. 49604, 5122 Côte-des-Neiges, Montréal, Qc, dialectique qui va nous être tendu : nous ne diffuser la saine littérature catholique. H3T 2A5, Canada. sommes ni pour le mondialisme ni pour l’Islam, ni pour les Anglo-saxons ni pour les Abonnement gratuit sur demande. - Bibliothèque Saint-Michel, 201 rue Arabes, nous sommes et nous resterons Sainte Christine, 83000 Toulon, France. chrétiens et français toujours ». Toutereproductionestautorisée. Tél./Fax : 04 94 03 16 74. Demandez sans tarder Lectures Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- Françaises n°533 (numéro exceptionnel de Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : 84 pages) au prix de 45 F (franco) à SA DPF [email protected]. URL : 99 http://www.contrerevolution.org (BP 1, 86190 Chiré-en-Montreuil). Il y sera Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 19— Novembre 2001

prédominer partout les principes et dehors de cela, il n’y a que les illusions de la Le libéralisme l’influence salutaires de l’Église ; dans le politique humaine, qui perdent les peuples et domaine de la vie publique comme dans celui les gouvernements. catholique de la vie privée, le citoyen et le chrétien ne doivent faire qu’un. XIV ème — 2 partie — Le libéralisme tend toujours à subordonner « Est-ce qu’en politique on ne peut pas s’en les droits de l’Église aux droits de l’État, par tenir à la célèbre formule, passée en mesure de prudence et de haute sagesse. — proverbe :L’Égliselibredansl’Étatlibre ? » 9 Le Pape proclame une fois de plus que le droit de l’Église est un droit absolument Pas du tout : C’est encore là une de ces souverain, un droit divin, qui n’est brillantes duperies dont le libéralisme est à la subordonné à rien ni à personne ici-bas. Et il fois si prodigue et si friand. — Examinons de Mgr de Ségur, Hommage aux déplore l’aberration de certains catholiques près, et voyons ce que recouvre cette devise jeunes catholiques-libéraux, in (les catholiques-libéraux) qui croient pouvoir en apparence si inoffensive, et même si e faire à cet égard des concessions à la chevaleresque. Œuvres, Paris : Tolra, 1877, 3 puissance séculière. En tout ce qui touche, série, tome X, pp. 405-462. directement ou indirectement, le règne de L’Église libre dans l’État libre ? — Voyons DIEU ici-bas, toute créature humaine est d’abord « l’État libre », afin de savoir un peu soumise à l’Église : empereurs, rois, princes, où doit fleurir « l’Église libre ». gouvernements, assemblées, ministres, Y Y Y députés, magistrats, préfets, maires, etc. ; et Avant tout, qu’est-ce que « l’État » ? cela, non pas seulement comme personnes privées, mais encore et surtout comme « C’est moi », répond César. XIII fonctionnaires, comme personnes publiques. « C’est moi » répond la hiérarchie Et cependant n’est-il pas gouvernementale, quelle qu’elle soit : souverainement imprudent de mêler Le libéralisme prétend que les impériale, royale, constitutionnelle, « Associations catholiques sont dangereuses républicaine. ainsi à tout propos la Religion à la politique ? Les prêtres vraiment sages ne et que, loin de servir la Religion, elles la s’occupent pas de politique. » compromettent. — Le Pape, au contraire, « C’est moi », hurle le peuple souverain. bénit et encourage les Associations et Les prêtres vraiment sages, comme les Comités catholiques. A la coalition des « C’est moi », s’écrie chacun des individus- catholiques vraiment catholiques, « mêlent » enfants de ténèbres, il déclare qu’il faut souverains dont l’agrégation constitue la la Religion à tout, non afin de tout brouiller, opposer l’association des enfants de lumière. fameuse souveraineté du peuple. mais afin de faire régner DIEU partout et toujours. La prudence consiste à faire ce qu’il Le libéralisme prétend que le clergé seul est Voilà « l’État » qui veut être libre. Est-ce faut et à ne pas faire ce qu’il ne faut pas ; et la appelé à défendre la doctrine, les droits et les inoffensif ? Est-ce chevaleresque ? prudence libérale qui s’imagine qu’on libertés de l’Église. — Le Pape, répétant les enseignements de son Encyclique de 1853 aux « L’État libre » ? Quelle est cette liberté que compromet le bon DIEU en cherchant à le faire connaître, servir et aimer, est Évêques de France, déclare que le peuple le patriotisme libéral rêve pour l’État ? diamétralement contraire à la vraie catholique peut et doit se lever comme un prudence, à la prudence de l’Église, à la seul homme pour revendiquer, par tous les L’État serait libre, se sentirait vraiment moyens légitimes, les droits sacrés de l’Église libre s’il n’avait plusen rien l’obligation, et par prudence de JÉSUS -C HRIST et de son Vicaire. et de ses ministres ; seul, le peuple catholique conséquent le devoir de se subordonner à Relisez plutôt le Bref aux catholiques étant assez fort pour résister à la tempête l’Église, de céder à l’autorité de l’Église, allemands. Certes, vis-à-vis de leur universelle. d’obéir à l’Église, d’écouter, de requérir, de redoutable et rusé persécuteur, la prudence pratiquer les directions de l’Église. En un leur est nécessaire, non moins que le courage. Le libéralisme prétend parfois encore que mot, l’État se sentirait et se déclarerait libre, Eh bien, voici comment le Souverain-Pontife les laïques n’ont point mission pour défendre si l’Église voulait bien consentir à ne plus se entend les choses ; voici les règles pratiques la Religion. — Le Pape enseigne qu’en dire sa mère, et lui permettre de renoncer qu’il donne aux catholiques, en opposition défendant la doctrine et les droits de l’Église, pour toujours à son titre et à ses devoirs de avec lessages directions de la prudence les laïques, loin d’outrepasser leur mission, Fils (1). — Mais c’est tout simplement la libérale. remplissent un devoir filial, du moment qu’ils société sans DIEU , l’autorité sans D IEU ! En combattent sous la direction du clergé. Et, d’autres termes, c’est l’omnipotence païenne Le libéralisme moderne, « accepté par par le clergé, ce n’est pas tel ou tel Évêque, de l’État ; c’est le despotisme sans frein. La quelques catholiques », prétend que la tels ou tels prêtres qu’il faut entendre ; c’est belle perspective, en vérité ! Religion ne doit point sortir de la sacristie ni le Pape et l’Épiscopat ; ce sont les Évêques franchir les limites de la piété privée. — Le qui obéissent au Pape, et les prêtres qui « L’État libre » ? Il est vrai, ce pauvre État Pape déclare que les catholiques ne peuvent obéissent au Pape et aux Évêques. rencontre la loi de DIEU , rencontre l’Église à défendre efficacement leurs droits et leurs chaque pas ; partout il coudoie l’Église. libertés qu’en se mêlant activement à toutes Voilà les règles de la vraie prudence ; voilà Comme DIEU même qu’elle représente dans les affaires publiques, afin de faire les règles de la vraie et légitime habileté. En le monde, l’Église environne, englobe de 2 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 toutes parts l’État, c’est-à-dire l’autorité fidèle en général, l’État libre promet toutes aurait pour l’Église un affreux esclavage, et humaine. En pourchassant tous les vices, en les libertés qui correspondent aux libertés du par conséquent une affreuse persécution, enfantant toutes les vertus, en apprenant aux Pape, de l’Évêque et du Prêtre. Il sera libre de parce qu’elle ne pourrait jamais sacrifier les peuples à respecter l’autorité et à lui obéir en croire ou de ne pas croire aux enseignements droits qu’elle tient de DIEU même ; et pour tout ce qui est juste, l’Église comble l’État du Pape et d’avoir ou non peur de ses l’État, il y aurait le plus impie des d’inappréciables bienfaits ; et, en échange de excommunications. Il sera libre de se faire despotismes. L’État libre, l’État du ces bienfaits, l’État, tel que le rêvent les confirmer, libre d’obéir à l’Évêque, en tout ce libéralisme, serait l’ennemi mortel de libéraux, les catholiques-libéraux, doit qui ne contrariera point le préfet ; libre de l’Église. pouvoir dire à l’Église . « Je suis libre, je suis contribuer de sa bourse aux fondations des affranchi de ton joug, de tes lois, de tes églises et peut-être même des écoles ; il sera Et voilà pourtant le dessous des cartes de enseignements, de ton influence ; désormais libre d’avoir la foi, de prier, de se confesser, cette formule célèbre qui a séduit, fasciné un je me gouverne par mes volontés, et non plus d’aller à la Messe, de communier, de faire si grand nombre d’esprits distingués, de par les tiennes. Je me dirige d’après mes bénir son enterrement par un prêtre ; libre, cœurs généreux ! Égarés par le libéralisme, ils principes, et non plus d’après les tiens. » bien entendu, en tout ce qui ne froissera acclamaient précisément le contraire de ce Donc, l’État des libéraux est libre dans point les très-délicates susceptibilités de qu’ils aimaient ; et c’est avec ce bois pourri l’Église dès qu’il n’est plus dans l’Église. — Le l’État sans DIEU , de « l’État libre » (au fond, qu’ils se sont flattés de construire l’arche qui fond de la devise commence à s’éclaircir c’est la même chose). Et par contre, chaque devait infailliblement sauver le monde terriblement. citoyen de « l’État libre » sera parfaitement moderne. libre de nier l’existence de DIEU , en public Passons maintenant à « l’Église libre. » comme en particulier, dans les livres, dans les Pauvres catholiques-libéraux ! Qu’est-ce que l’Église ? L’Église, c’est le journaux, dans les clubs, dans les écoles, Ce sont eux qui ont fourni aux Pape ; c’est l’Évêque ; c’est le Prêtre ; c’est le partout où il voudra ; il sera libre de fidèle, le peuple des fidèles. blasphémer JÉSUS -C HRIST , et son Église, et plus perfides ennemis de son Vicaire, et sa sainte Mère, et ses l’Église les armes avec « L’Église libre. » Quelle liberté l’État libre sacrements, et ses lois et ses institutions. Au lesquelles ceux-ci nous de nos catholiques-libéraux promet-il à milieu de tout cela, le fidèle sera libre, l’Église attaquent aujourd’hui. l’Église ? sera libre dans l’État libre. — Pour le coup, c’est clair. Mais dites-moi, mes amis, est-ce Au Pape, la liberté de s’arranger comme il tentant ? est-ce bon ? est-ce chevaleresque ? Pauvres catholiques-libéraux ! Ce sont eux pourra pour protéger ses droits temporels et Je ne vous ferai pas l’injure d’ajouter : est-ce qui ont fourni aux plus perfides ennemis de spirituels, à la condition toutefois de chrétien ? est-ce catholique?—Et l’Église les armes avec lesquelles ceux-ci nous respecter tout ce qu’il plaira à « l’État libre » cependant voilà ce que nous propose, attaquent aujourd’hui. En Italie, à Rome, en d’appeler ses droits, ses libertés, ses lois, comme un idéal, l’étourderie ou Espagne, à Genève, à Berne, en Prusse, voire même ses aspirations. Toujours à la l’aveuglement du catholicisme libéral. quelle est la prétention « des États libres », si même condition, le Pape sera libre de faire ce n’est la réalisation de la formule catholico- ou de ne pas faire des Bulles, de définir ou de Ce n’est pas tout. « L’Église libredans l’État libérale :l’Église libre dans l’État libre ? Après y ne pas définir des dogmes, de lancer même libre », qu’est-ce à dire ? avoir épuisé les « moyens moraux », ils y des excommunications ou de n’en pas lancer ; emploient la force brutale. et « l’État libre » jurera de ne pas plus Est-ce que par hasard l’Église est dans s’occuper de ces Bulles, de ces définitions, de l’État ? l’Église est universelle ; elle embrasse Et dire que cela n’ouvre pas les yeux à nos ces excommunications, que si elles l’univers entier, tous les peuples, tous les catholiques-libéraux de France, de Belgique, n’existaient pas ; il se gardera bien d’inviter États, aussi bien que les siècles. L’État, au etc. ! personne à en tenir compte. — Le Pape sera contraire, est nécessairement limité ; il libre. s’appelle la France, il s’appelle l’Angleterre, il Pour vous, mes très-chers amis, ne soyez s’appelle la Prusse, l’Allemagne, l’Autriche, la point assez myopes pour vous laisser prendre A l’Évêque, « l’État libre » promet la liberté Russie, etc. Il n’y a qu’une Église pour tous, à ces miroirs d’alouettes, aux pièges de ces de prêcher l’Évangile, l’Évangile tel qu’il comme il n’y a qu’un DIEU ; et les États ne se belles formules au moyen desquels le démon l’entend, lui État libre ; la liberté d’écrire des comptent pas ; de plus, ils commencent, ils attire et perd les esprits imprudents. L’État Mandementspieux , la liberté de faire ses changent, ils disparaissent. L’Église ne peut ne sera jamais libre, libre de la vraie liberté, tournées pastorales, de donner la pas plus êtredans l’État, que le tout dans la que lorsqu’il prendra pour première règle de confirmation, de consacrer et d’entretenir partie. Dès lors, que signifie la célèbre, la respecter les volontés de DIEU , telles que les ses prêtres, de bâtir ses églises, etc., le tout à libérale formule ? lui enseigne et les lui présente la sainte ses frais, et à la condition très-expresse de ne Église. En avançant le contraire, les point « troubler les consciences. » L’État, Levant le masque, « l’État libre » va nous catholiques-libéraux ne savent ce qu’ils l’État libre, se gardera, comme d’un outrage à révéler le fond de sa pensée. « Assez disent. la liberté de l’Évêque, de tout ce qui serait longtemps, dit-il, l’État a été dans l’Église ; capable d’ajouter quelque chose à l’efficacité depuis 1789, l’État s’est émancipé ; il n’est XV native de la parole évangélique et du plus dans l’Église ; c’est désormais l’Église caractère épiscopal. En d’autres termes, pas qui, de gré ou de force, sera dans l’État. Elle « Soit, répliquera-t-on peut-être. Moi, je ne un sou, pas un hommage public. — Les s’arrangera comme elle pourra ; mais l’État suis pas de ces libéraux que condamne le Évêques seront libres. bornera, entourera, enfermera l’Église ; Saint-Père. A dire vrai, je ne vois pas même l’État sera le tuteur et le surveillant de bien ce qu’il veut dire ; et, pour ma part, je ne Au Prêtre, « l’État libre » promet la liberté l’Église. Les lois de l’État, les principes de connais point ce genre de catholiques- de dire la Messe et de réciter l’Office ; la l’État, les institutions de l’État, les caprices libéraux. Tous ceux que je connais, et qu’on liberté de baptiser, de confesser, de de l’État formeront l’infranchissable veut bien appelerlibéraux , sont des gens communier, de marier, de consoler à la mort, enceinte dans laquelle l’Église aura la liberté parfaitement raisonnables, qui se tiennent d’enterrer tout citoyen qui voudra user de la de se mouvoir. Que si elle s’y heurte, il est uniquement sur le terrain de la politique, où liberté de le demander. Le Prêtre vivra entendu qu’elle s’y brisera. » la Religion n’a rien à faire ; ils se bornent à comme il pourra, n’offusquera en rien ni le réclamer pour le pays les libertés publiques, maire ni l’instituteur, qui sont les agents de D’après tout cela, jugez vous-mêmes, mes sans lesquelles, ils en ont l’intime conviction, l’État libre. L’État ne fera rien pour entraver chers amis jugez avec votre bon sens, avec il n’y a point de vraie liberté pour l’Église. » ces libertés du Prêtre, tant que le Prêtre sera votre foi indignée, de ce que sont, au fond, les fidèle à ne point sortir de ses fonctions aspirations libérales, pour peu qu’on les Illusions et belles paroles que tout cela. Si toutes spirituelles ; ce dont l’État libre reste soumette à une analyse sérieuse. Il n’est vous êtes catholique et si avec cela, vous êtes seul juge, bien entendu. — Le Prêtre sera question que de libertés : libertés pour libéral, vous êtes catholique-libéral ; et si libre, dans l’État libre. l’Église, libertés pour l’État ; et au bout du vous êtes catholique-libéral, vous êtes de ces compte qu’y a-t-il ? ou plutôt qu’y aurait-il, si catholiques-libéraux que condamne le Chef A chaque fidèle en particulier, au peuple cette belle rêverie venait à se réaliser ? Il y de l’Église, lequel dit expressément et à Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 3 diverses reprises, qu’il entend parler de vous, Ils se bornent, disent-ils enfin, à réclamer ce point, ce n’est pas, DIEU merci ! une raison de vous, catholiques-libéraux pieux, et non pour le pays les libertés publiques, pour que sur le reste il perde de sa valeur. pas des libéraux impies. Relisez les Brefs. indispensables, selon eux, à la vraie liberté de Quand un beau fruit se trouve gâté par un l’Église. Eh, ce sont précisément ces côté, on enlève la partie gâtée, et on garde le Vous ne voyez pas ce que veut dire le Pape ! « libertés publiques », idoles du libéralisme, reste. Ainsi faut-il faire à l’égard des hommes Comment se fait-il que tout le monde le voit que le Saint-Siège déclare officiellement être distingués, ecclésiastiques ou laïques, qui se excepté vous ? les ennemies mortelles et de l’Église, et de la sont laissé atteindre par les erreurs libérales ; foi, et de la société. Ces fameuses « libertés admirons, louons, imitons tout ce qu’ils ont Vous ne connaissez pas cette espèce de publiques », que sont-elles, en effet, sinon les de bon et de catholique ; mais rejetons avec catholiques-libéraux dont le Pape ne cesse de libertés révolutionnaires de 89, c’est-à-dire la soin ce qu’ils ont de libéral, ce qu’ils peuvent réprouver les doctrines et les agissements ! liberté de tout imprimer, la liberté de tout avoir d’hétérodoxe. Nous serons ainsi dans le Comment se fait-il que personne ne s’y dire, la liberté de l’hérésie et de la libre- vrai, et nous rendrons à chacun ce qui lui est méprend ? Catholiques et protestants, bons pensée, la liberté des sociétés secrètes et des dû. et mauvais, tout le monde met clubs, la suppression légale de l’autorité de immédiatement le doigt dessus, sur les l’Église, aussi bien que de la véritable autorité C’est précisément en vue du danger personnes, sur les journaux, sur les revues, civile ? Nos libéraux sont libéraux, qu’inspirent aux gens de bien les qualités, les etc. Les catholiques-libéraux des Brefs sont précisément parce qu’ils réclament et talents et même les vertus privées des chefs précisément ces catholiques-libéraux qui acclament, comme autant de principes de du parti catholique-libéral que le Saint-Père prétendent ici qu’il ne s’agit pas d’eux, qui, vie, tous ces principes de mort. L’Église a parlé dans son célèbre Bref au comité jusqu’à ces derniers temps, étaient fiers de ce condamne, repousse ces principes : eux, ils catholique d’Orléans. Que mes jeunes nom, et suivaient les chefs ecclésiastiques et les admettent, et, oublieux des règles les plus lecteurs veuillent bien s’y reporter. politiques que chacun sait. On dira tout ce élémentaires de leur foi, ils pensent que qu’on voudra : il n’y a pas deux espèces de l’Église a tort et qu’ils sont plus clairvoyants Le « groupe ami » dont parle le Souverain- catholiques-libéraux : il n’y en a qu’une, et qu’elle. Leurs intentions sont bonnes : voilà Pontife n’est autre que l’état-major du parti elle est mauvaise. tout ce qu’on peut dire à leur décharge. Mais, catholique-libéral. Pour nous, ils sont plus mon DIEU ! quel mal ils font, les dangereux, peut-être, que les impies, nous Ils commencent maintenant à répudier le ecclésiastiques surtout, avec leur collection dit le Pape : nous nous méfions nom de libéraux. C’est déjà quelque chose ; d’idées fausses. naturellement des impies ; nous ne pensons c’est le sens catholique qui commence à pas à nous méfier d’hommes, intelligents dominer le non-sens libéral. Mais il ne s’agit Les vraies, les seules vraies et bonnes d’ailleurs et plus ou moins pieux, qui font pas du nom seulement ; c’est surtout le fond libertés publiques sont les libertés hautement profession de dévouement à la qu’il faut laisser là : le fond, c’est-à-dire les chrétiennes. Celles-là, l’Église est la cause de l’Église. idées fausses, « le virus caché des principes première, ou pour mieux dire, est la seule à libéraux (Bref de Quimper), » ce « germe des les réclamer et à combattre pour elles : c’est C’est « un groupe » : ils sont unis, ils ont des erreurs qu’ils retiennent et nourrissent la liberté de la vérité, c’est la liberté du droit, journaux, des organes connus. Ce n’est qu’un obstinément (Bref d’Orléans), » et qui n’est c’est la liberté de la famille et de la société groupe : comme parti proprement dit, ils autre chose que cette fausse conception, chrétiennes ; c’est la liberté de l’exercice sont peu nombreux ; mais leur influence cette conception anticatholique de la notion légitime de l’autorité religieuse, civile, s’étend au loin. dela liberté et de la notion de l’autorité , ainsi domestique. C’est, en un mot, la liberté de que nous l’avons rappelé plus haut. Ce qu’il tout ce qui est bon et bienfaisant. C’est « un groupeami » : ami et ennemi tout faut mettre de côté, c’est cette manière tout ensemble ; ami, en tant qu’ils sont humaine, antisurnaturelle, anticatholique de XVI catholiques ; ennemi, en tant qu’ils sont juger et les doctrines et les personnes et les libéraux, c’est-à-dire en tant qu’ils admettent choses ; c’est l’esprit de parti, c’est « Comment donc des hommes de mérite et l’erreur, qu’ils font opposition au Saint- l’entêtement, c’est, en un mot, tout ce que de savoir, comment de grands chrétiens, et Siège, qu’ils divisent profondément les nous avons signalé dans ce petit opuscule. surtout comment des ecclésiastiques et des forces catholiques ; et le Pape répète ce qu’il théologiens ont-ils pu être catholiques- a dit tant de fois déjà, à savoir qu’à ses yeux, Ils se disent « raisonnables », par opposi- libéraux ? » ce danger est le pire de tous ceux qui tion à nous autres, catholiques tout court, menacent aujourd’hui la société catholique. qui sommes toujours, le Pape le premier, des C’est d’abord parce que les plus grands exagérés, des ultramontains, qui perdons esprits sont parfaitement capables de se Leur doctrine est « équivoque » : elle l’Église et la France. « Raisonnables ! » C’est tromper, surtout lorsque la passion s’en contient du vrai et du faux, du bien et du mal. raisonneurs qu’ils devraient dire. La vraie mêle : témoin le grand Bossuet, avec le Ils adoptent les principes révolutionnaires raison est inséparable de la vraie foi, de la gallicanisme ; témoin Fénelon, avec le de 1789, bien qu’ils aient une horreur très- vraie fidélité catholique. Les catholiques- quiétisme. Or, le libéralisme étant, parmi réelle des conséquences extrêmes de ces libéraux n’ont que la prudence humaine à nous, la question brûlante du moment, il principes. Ils font comme ce puissant leur disposition ; et c’est pour cela qu’ils n’est pas étrange que la passion s’en soit dialecticien qui, dans une dissertation perdent toutes les bonnes causes, soit mêlée et s’en mêle encore. philosophique, disait gravement : « J’adopte religieuses, soit politiques. le principe ; mais je nie les conséquences. » On conçoit sans peine que des esprits On avait beau lui démontrer que les Comme nous l’avons déjà dit, ils ont la distingués, que des cœurs généreux, épris conséquences découlaient inévitablement prétention de mettre d’un côté l’Église et la d’amour pour la liberté, aient pu confondre la du principe ; il répétait : « N’importe. Religion, et de l’autre côté la société et la vraie avec la fausse, et acclamer le J’adopte le principe ; mais je nie les politique. Urgez un peu le système, et libéralisme, croyant acclamer la liberté. Tel a conséquences. » Nos catholiques-libéraux, logiquement, fatalement, vous arrivez en un été le cas du P. Lacordaire et de M. de dit le Saint-Père, « tout en repoussant les instant à ces principes révolutionnaires Montalembert, dont les noms glorieux sont conséquences extrêmes des erreurs, en extrêmes, qu’ils sont les premiers à si souvent encore invoqués comme des retiennent et en nourrissent obstinément le réprouver. Nous ne saurions trop le répéter : arguments sans réplique, en faveur du premier germe. » C’est la partie gâtée de la comme toute chose ici-bas, la politique doit libéralisme. Qui ne rend hommage et à leurs belle poire. être catholique, c’est-à-dire conforme à la loi intentions et à leurs talents ? Mais, tout en de DIEU et soumise à sa volonté aussi sainte aimant, tout en honorant les personnes, ne Et d’où vient leur succès auprès du grand que souveraine ; et le Pape et les Évêques, et sacrifions jamais les principes. En étant nombre ? De ce que, « ne voulant pas les prêtres, et après eux tous les chrétiens, catholiques-libéraux, ils se trompaient ; voilà embrasser la vérité tout entière, » ils flattent, ont le droit et le devoir de rappeler aux tout. sciemment ou non, les erreurs du jour et les gouvernements qui s’en écartent les grands préjugés à la mode, conservant ainsi assez de principes de la politique chrétienne et de les Et puis, remarquons-le bien, parce qu’un fidélité pour ne pas trop faire peur aux ramener ainsi au premier de leurs devoirs. homme de mérite et de vertu s’est trompé sur catholiques, et assez « d’indépendance » pour 4 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 rester sympathiques aux mondains, aux XVII façon les Actes officiels qui les condamnent, gouvernements, voire même aux protestants en particulier l’Encyclique et leSyllabus , et se et aux libres-penseurs. Libéraux, ils sont « Mais les catholiques-libéraux sont dérobant par de misérables échappatoires audacieux ; catholiques, ils sont prudents. De dévoués à l’Église tout comme les autres. Ils aux arguments qui les confondent. Est-ce là là, le succès des chefs du parti auprès des aiment, ils recherchent la vérité. N’est-on chercher la vérité ? Est-ce là être vraiment esprits peu solides, c’est-à-dire du plus grand pas injuste à leur égard ? » catholique, vraiment dévoué à l’Église ? nombre. Non ; on n’est pas injuste à leur égard, on On ne peut se défendre d’un profond Ils interprètent à leur façon, mais non à la est juste et très-juste. On fait la part de leurs sentiment de tristesse en voyant des hommes façon du Saint-Siège, les enseignements de bonnes intentions ; mais aussi on doit faire et d’un talent incontestable et d’un cœur l’Église, les Encycliques, leSyllabus , les Brefs l’on fait la part de leurs illusions, qui sont généreux employer les plus nobles dons du Apostoliques, les décrets du Concile ; et, déplorables. ciel au service d’idées personnelles que ainsi habillée, la vérité catholique se trouve l’Église repousse et réprouve hautement. ressembler à peu près à l’erreur libérale, à Ils sont dévoués à l’Église : oui, mais à leur l’erreur qu’ils ne cessent de caresser. De là, je manière ; et l’Église déclare hautement que Généralement peu instruits des principes le répète, leurs succès auprès du grand cette manière est absolument fausse et on ne de la théologie et du droit ecclésiastique, qui nombre. Les chefs en sont venus à ne plus peut plus dangereuse. Il faut servir DIEU seuls donnent avec autorité la solution de ces même se douter qu’ils intervertissent comme DIEU veut être servi et comme grands problèmes, les catholiques-libéraux complètement les rôles : au lieu de faire l’Église nous l’enseigne. Or, pour servir confondent le naturel et le surnaturel. humblement concorder leurs propres véritablement DIEU et son Église, il faut L’école catholique-libérale vogue en plein sentiments avec les enseignements de commencer par lui obéir, en recevant naturalisme. Elle oublie le grand fait qui l’Église, ils veulent, bon gré mal gré, plier les docilement ses directions et en les suivant domine le monde, à savoir que DIEU ayant enseignements de l’Église à leurs idées fidèlement. Les catholiques-libéraux font dans son amour institué l’ordre surnaturel, personnelles : « Ils s’efforcent, dit le Vicaire juste le contraire : loin de prendre le mot c’est-à-dire l’ordre chrétien et catholique, ni de JÉSUS -C HRIST , d’interpréter les d’ordre de l’Église, ils veulent le lui donner, et les individus ni les sociétés ne peuvent, sans enseignements de l’Église de manière à les se conduisent en conséquence. Ils la voient manquer à leur premier devoir, se refuser à y faire concorder à peu près avec leurs propres en danger ; ils veulent la défendre (ce qui est entrer, ni se contenter de demeurer dans sentiments ; » ils oublient que c’est l’Église fort bien) ; et pour cela ils lui présentent des l’ordre purement naturel. qui est infaillible, et non pas eux. remèdes de leur invention. L’Église examine ces remèdes ; leur déclare qu’ilyadupoison JÉSUS -C HRIST , qui est le seul Au fond de tout cela, il y a de l’orgueil et de dans le breuvage ; et eux, inexplicables dans vrai DIEU , étant le Seigneur et l’obstination. « Aujourd’hui encore, » ajoute leur entêtement, s’obstinent à le lui le Saint-Père, aujourd’hui, c’est-à-dire après présenter, et veulent à toute force le lui faire le Maître de toutes choses, les leSyllabus , après le Concile, après les boire. Ils l’empoisonnent, croyant la sauver. sociétés non moins que les avertissements réitérés du Saint-Siège, « il en Est-ce là du vrai dévouement ? individus lui doivent, sous est qui adhèrent aux vérités récemment peine de forfaiture et de définiespour éviter la note de schisme », plus que « Ils aiment, ils recherchent la vérité. » Oui ; par véritable soumission, par la soumission mais quelle vérité ? La leur, celle qu’ils se sont réprobation, leur foi pleine du jugement. Est-ce là l’esprit catholique ? et faite, et non point la vraie, celle de l’Église, et entière, leur soumission, n’est-ce pas surtout le cœur que DIEU celle de DIEU . leur amour. regarde ? Qu’est-ce, en effet, que la vérité ? Où est- JÉSUS -C HRIST , qui est le seul vrai D IEU , Enfin dans ce Bref mémorable, le Pape elle ? où faut-il la chercher ? N’est-il pas de foi étant le Seigneur et le Maître de toutes rappelle à deux reprises que la fermeté de la qu’elle est dans l’Église, sur les lèvres du Chef choses, les sociétés non moins que les foi repose uniquement sur « l’adhésion de l’Église ? N’est-il pas de foi que l’Église, individus lui doivent, sous peine de forfaiture parfaite à l’esprit et aux doctrines de la Chaire que le Saint-Siège en est l’incorruptible et de réprobation, leur foi pleine et entière, de Pierre », parce que là seulement se trouve dépositaire et l’interprète infaillible ? Là est leur soumission, leur amour ; et comme son l’infaillibilité de l’enseignement. A cette la pierre angulaire de l’esprit humain ; là, et Église est son Envoyée au milieu des nations, obéissance pleine et entière au Saint-Siège, il non point ailleurs, est le soleil de à travers les siècles, toute créature humaine, faut joindre sans doute la déférence et le l’intelligence, de la raison privée et publique. depuis le prince jusqu’au dernier de ses respect dûs à l’Évêque ; mais ce respect et Ce qui ennoblit, ce qui agrandit, ce qui élève sujets, doit à l’Église ce qu’elle doit à JÉSUS - cette déférence doivent laisser intact le véritablement les intelligences, c’est de CHRIST lui même. « Celui qui vous écoute premier de tous nos devoirs, à savoir la rechercher toujours avec une humble m’écoute ; celui qui vous méprise me méprise ; celui soumission au Pape, à son autorité suprême, soumission la vérité dont l’Église est quivousreçoitmereçoit! » à tous ses enseignements, à toutes ses dépositaire, dont le Vicaire de JÉSUS -C HRIST directions. — A cette condition seulement, est le souverain Docteur. Quoi de plus beau, Le devoir de toute société, comme de tout nous serons forts. Toujours, nous devons à quoi de plus logique, quoi de plus vraiment individu, est donc de se pénétrer de l’esprit l’Évêque le respect, la déférence, grand, que de voir un noble esprit, et surtout catholique, de se conformer dans ses lois et «obsequentes » ; mais nous ne devons le suivre un grand chrétien interroger l’Église, dans ses institutions aux principes de qu’autant que lui-même suit Pierre, l’unique s’instruire de sa pensée intime sur tout ce qui l’Église. Toutes les révolutions du monde n’y Chef de l’Église, le seul souverain Pasteur, le touche à l’ordre spirituel, moral et social, font rien ; les devoirs des sociétés ne seul Docteur infaillible. A cause de cela, il est pressentir au besoin cette pensée avec une changent pas plus que les droits de JÉSUS - dit ici : «Obsequentes », et non pas « sequentes ». sollicitude mêlée d’amour, s’en pénétrer, se CHRIST et de son Église. C’est là ce que le défier des préjugés et de l’esprit propre, saisir Saint-Siège ne cesse de rappeler à nos Oh ! mes bons amis, soyons fortement avec avidité les moindres indices de sa sociétés égarées ; c’est là ce que le grand catholiques ; ne nous laissons pas entraîner doctrine, et appeler des manifestations Pontife de notre siècle a solennellement par les sympathies ou, pour mieux dire, par toujours plus lumineuses et plus étendues de proclamé dans cette immortelle Encyclique les préjugés à la mode. Et nous aussi, cette vérité si bienfaisante ? et dans ceSyllabus mille fois béni, qui répétons l’acclamation d’obéissance et constituent une magnifique revendication d’amour qui sortit du cœur et des lèvres des Au lieu de cela, que voyons-nous, dites- du droit catholique et un admirable code de deux cents Évêques réunis à Rome en 1867 moi, dans l’école catholique-libérale ? Des civilisation chrétienne. pour les fêtes du centenaire de saint Pierre : hommes souvent distingués par les dons de « Petrus solus loquatur ! Petrum solum l’intelligence, se passionnant pour des Et c’est là aussi, ajoutons-le avec douleur, sequamur! » opinions purement humaines, essayant par ce que ne veulent pas reconnaître encore les tous les moyens de les imposer non- catholiques libéraux. Sciemment ou non, ils C’est la seule règle sûre ; c’est la seule règle seulement à leurs coreligionnaires, mais dédaignent, ils repoussent le droit infaillible. même à l’Église, fermant les deux oreilles à catholique, qui est d’institution divine ; et, tout ce qui vient de Rome, interprétant à leur Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 5 d’accord en cela avec les révolutionnaires, ils indigne les demi-chrétiens, résumons comme hommes publics, des actes qui substituent au droit divin un prétendu droit brièvement la thèse catholique (J’extrais le impliquent la négation de ce qu’ils croient humain, qui varie suivant les caprices des fond de ce résumé d’un remarquable travail comme hommes privés. De pareilles temps et des peuples. publié par le savant et infatigable Père tendances, conséquences logiques des RAMIÈRE , dansleMessager , janvier 1874). principes catholiques-libéraux, peuvent- Quand viendra donc le jour où tous les elles, je le demande, se concilier avec la foi catholiques, vraiment dévoués à l’Église, XIX d’un vrai chrétien ? Un même homme peut-il vraiment soumis à JÉSUS -C HRIST et à son avoir deux consciences ? et ce qui est faux Vicaire, iront chercher la vérité là où elle est, Résumé de la thèse : pour l’homme privé peut-il être vrai pour à Rome, au pied de la Chaire de saint Pierre, le libéralisme catholique l’homme public ? et non point en France, ni en Belgique, ni en est « une peste très-pernicieuse. » Allemagne, ni en Angleterre, ni même en Le libéralisme catholique est « une peste Amérique ? Ce jour-là, dont nous saluons Le libéralisme catholique « est une peste très-pernicieuse » parce qu’il affaiblit et l’aurore, il n’y aura plus de libéraux, du moins très-pernicieuse, » c’est-à-dire une maladie paralyse les défenseurs de l’Église et du droit. de catholiques-libéraux. Alors tous les mortelle, parce qu’il est une erreur très-grave Où réside la force de l’armée catholique ? chrétiens, tous les enfants de l’Église sans contre une grande vérité révélée. Il est N’est-ce point dans sa foi, dans l’énergie exception, ayant enfin renoncé aux divisions hérétique en son fond, puisqu’il nie sous indomptable de sa foi ? Or, le libéralisme est qui les affaiblissent aujourd’hui, accepteront mille formes les droits de DIEU , de son une des principales causes de dans son intégrité l’enseignement du Vicaire Christ et de son Église sur les sociétés l’affaiblissement de la foi parmi nous. Il de DIEU ; ils s’inspireront en particulier des humaines. Il attribue aux gouvernements le ébranle la foi dans les âmes, en les salutaires vérités contenues dans droit de mettre leurs lois et leur politique en accoutumant à voir l’erreur marcher de pair l’Encyclique et leSyllabus ; ils feront de ces opposition avec les lois, avec les volontés de avec la vérité. Du moment qu’on accorde à vérités la règle non plus seulement de leur JÉSUS -C HRIST . Nier cette souveraineté l’une et à l’autre des droits égaux, on les conduite privée, mais encore et surtout de sociale du Fils de DIEU , n’est-ce pas rabaisse l’une et l’autre au rang de simples leur vie publique. Alors, mais alors équivalemment nier sa divinité ? Nier ce opinions. Le libéralisme réduit la foi d’un seulement, triomphera la cause de la vérité. droit et cette mission supérieure de l’Église, grand nombre de chrétiens à un peut-être, à n’est-ce pas nier directement sa mission une probabilité humaine, à une opinion plus Jusque-là, combattons les catholiques- divine ? ou moins respectable. Rien de plus commun libéraux avec autant d’énergie que les aujourd’hui, grâces aux ravages du libéraux révolutionnaires. Rappelons-nous Le libéralisme est « une peste très- libéralisme, que d’entendre des chrétiens, que c’est le Pape qui l’a dit : En un sens, les pernicieuse, » parce qu’il s’étend à tout, et fait voire même des Religieux et des prêtres, premiers sont plus dangereux pour nous que pénétrer partout le virus hérétique des parler d’opinions religieuses . Elles font le les seconds. doctrines protestantes et révolutionnaires. Il pendant des opinions politiques. Il n’est plus commence par altérer la Religion ; il poursuit guère question de la vérité. Le libéralisme la XVIII son œuvre délétère en philosophie, où il sacrifie systématiquement au droit (!) de la enfante l’ontologisme ; il s’épanouit dans la majorité, ou encore à ce qu’il appelle « la « Mais enfin, malgré leur libéralisme, les politique avec ses fatales illusions, avec son charité. » Il énerve le christianisme. catholiques-libéraux sont catholiques ; et impuissance pour le bien ; il se révèle en tout, traiter ainsi des catholiques, n’est-ce pas dans l’éducation, dans l’enseignement, dans Le libéralisme est « une peste très- manquer de charité ? » la famille, dans l’individu. Et ainsi il touche à pernicieuse » parce qu’il met la division parmi une multitude d’âmes, qu’il détériore, quand les catholiques et les gens de bien. L’Église Un moment ! Ce n’est pas des catholiques- il ne les perd pas complètement. repose sur l’unité, non moins que sur la libéraux qu’il est question ici, mais du vérité. Le catholicisme libéral tend à briser catholicisme libéral ; ou, ce qui revient au « Les autres hérésies, dit un grand penseur l’unité, en même temps qu’il sape la vérité. Il même, ce n’est pas des catholiques en tant cité par un grand Évêque (M. Blanc Saint- attire sous ses drapeaux multicolores une qu’ils sont catholiques, mais en tant qu’ils Bonnet, dans son beau livre dela Légitimité , partie des catholiques, tandis que les autres sont libéraux. cité par Mgr l’Évêque de Poitiers), les autres restent fidèles au drapeau immaculé de la hérésies ont pu se circonscrire ; mais le vérité et de l’obéissance, au drapeau du Saint- En outre, mes chers amis, si, dans nos libéralisme, prenant tous les noms de la Siège. De là, deux partis dans le sein de appréciations sur cette brûlante matière, vérité (progrès, lumière, liberté, égalité, l’Église ; de là, des divisions, des troubles sans nous nous prenons en flagrant délit de fraternité, loi, civilisation, etc.), apparaît fin. Les catholiques fidèles protestent, désaccord avec le Souverain-Pontife, chez les peuples sous un déguisement tel que, comme ils le doivent, contre les concessions rappelons-nous aussitôt que c’est sa pensée si DIEU ne vient pas renverser cette grande faites à l’erreur et à l’esprit du monde. qui doit juger et réformer la nôtre, et non la imposture, c’est elle qui achèvera la ruine de D’autre part les catholiques-libéraux, qui nôtre qui doit se permettre de juger la sienne. la France et de la chrétienté. » croient sauver l’Église en transigeant avec ses L’enseignement du Chef de l’Église est la ennemis, accusent leurs adversaires de la règle vivante de la foi. Ici, comme partout et Le libéralisme est « une peste très- perdre par leurs « exagérations » ; ils crient à toujours, à lui d’enseigner, à nous de pernicieuse » par ses tendances, et c’est par là l’intolérance, à l’entêtement, à soumettre notre jugement ; à lui de juger la surtout qu’il exerce ses ravages dans les rangs l’aveuglement. Ils osent même faire doctrine, à nous de l’accepter avec foi, avec de la jeunesse catholique. Aucun catholique remonter leur blâme jusqu’à nos Évêques, reconnaissance. ne pense à nier en théorie le droit souverain jusqu’au Souverain-Pontife (leSyllabus et le de JÉSUS -C HRIST et de son Église sur les Concile l’ont prouvé), les accusant à demi- Vis-à-vis des catholiques-libéraux, le Chef sociétés ; mais en pratique, lorsqu’ils sont voix de perdre l’Église. de l’Église ne blesse pas plus la charité qu’il ne atteints de libéralisme, les catholiques se blesse la vérité. Ne perdons pas de vue la conduisent en vrais libéraux : au lieu de Que si, comme il arrive dans toute bataille, belle maxime du très-doux et très-catholique défendre, comme c’est leur devoir, le droit de quelques-uns des défenseurs de l’orthodoxie saint François de Sales : « C’est charité que de JÉSUS -C HRIST et de son Église, ils sont et du Saint-Siège ne mesurent pas toujours crier au loup quand il est entre les brebis, toujours prêts à le sacrifier, au nom de la mathématiquement la portée de leurs coups, n’importe où qu’il soit (Introduction , liv. III, politique, au nom des nécessités du temps, au s’ils font un faux mouvement, surtout s’ils chap. XXIX). » Il est vrai, le bon Saint parle nom de l’opinion publique, au nom des faits ont le malheur de frapper un peu trop fort, on ici des ennemis déclarés de l’Église ; mais le accomplis. On les voit revendiquer, au moins poursuivra cette exagération de zèle chez des Pape juge et déclare que, pour être voilés et indirectement, pour les ennemis de la foi, la frères avec bien plus de rigueur que l’hostilité enveloppés de catholicisme, les libéraux n’en liberté d’attaquer l’Église, et ils mettent une ouverte des ennemis. sont que plus dangereux. sorte de générosité chevaleresque à soutenir les prétendus droits de l’erreur et à réclamer Et l’on verra alors cet étrange et désolant Et à cette occasion, à l’occasion de cette pour les ennemis de DIEU des privilèges spectacle : des catholiques fervents qui, à épithète de peste très-pernicieuse, qui égaux à ceux de ses serviteurs. Ils feront, l’église, sont réunis avec leurs frères au pied 6 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 du même autel, où ils participent au même nécessairement stériles ; et la sagesse, la De là sort « la liberté d’action » : J’ai le droit Pain céleste, et qui, hors de l’église, se sainteté, et la justice de DIEU lieront les de faire tout ce que je veux, et de mettre en montrent à leur égard plus passionnés, plus mains à sa miséricorde. pratique tout ce que je pense, à la seule aigres, plus injustes, plus impitoyables qu’ils condition (encore parfaitement arbitraire) ne le sont envers les hérétiques et les athées. L’Imitation dit à ce sujet une parole d’être en règle avec la police. Combien ces scandaleuses divisions font de profonde qui s’applique aux sociétés plus mal à la cause de DIEU ! encore, s’il se peut, qu’aux individus : «Il vaut Assurément tous les catholiques-libéraux, mieux choisir d’avoir contre soi le monde et non-seulement eux, mais tous les honnêtes Et à qui la responsabilité ? au zèle des entier, que d’avoir devant soi JÉSUS offensé. » gens, repoussent avec indignation ces catholiques purs ? au courage des défenseurs Or, dans l’état où le libéralisme a réduit notre absurdes et horribles folies ; mais ils de la vérité ? Évidemment non. Est-ce à pauvre société moderne, « c’est JÉSUS admettent bel et bien les principes d’où elles quelque mauvaise intention des catholiques- offensé », qu’elle a devant elle, JÉSUS mis hors découlent, et dans les bas-fonds de la société, libéraux ? Pas davantage ; la plupart se la loi. De la, ces impossibilités que personne il ne manquera jamais de terribles logiciens trompent de bonne foi. Où est donc le ne sait vaincre, et contre lesquelles les qui les tirent. coupable ? Écoutez le Pape qui nous le dit hommes, quels qu’ils soient, viennent s’user hautement : le coupable, c’est le libéralisme et se briser les uns après les autres. Enfin, le libéralisme catholique est une catholique. Oui, voilà la peste qui, après avoir peste, « une peste très-pernicieuse, » parce altéré la vérité dans les esprits, se répand au Tant que l’on ne reviendra pas que les catholiques qui en sont atteints dehors pour briser l’unité des cœurs et des socialement, politiquement au Roi JÉSUS et deviennent eux-mêmes, bon gré mal gré, les efforts. aux salutaires directions de son Église, on auteurs de toutes les ruines publiques. aura beau prier, on aura beau faire des bonnes Partout et toujours, l’histoire moderne le Le libéralisme est « une peste très- œuvres, le salut sera radicalement démontre, ce sont les illusions et les pernicieuse », parce que, là où il règne, il rend impossible. La main libérale détruira au fur défaillances des gens de bien qui ont préparé impossible le salut de la société. Il atteint la et à mesure ce qu’aura édifié la main les voies aux excès révolutionnaires. Tout 89 vie de la société à sa racine même ; comme le catholique. porte dans ses flancs un 93, comme la fleur phylloxera, qui tue la vigne par la racine. « Le porte en elle-même le fruit en germe. Le grand péril et le grand mal de nos sociétés, Comme le mulet, animal métis, le libéralisme, c’est la Révolution en fleurs ; la c’est que, dans l’ordre des choses publiques libéralisme catholique, doctrine métis, fruit démagogie et l’anarchie sont la Révolution et sociales, les fidèles, et trop souvent les de l’esprit faux et de la fausse charité, est dans son fruit. prêtres de notre génération, ont cru que, infécond ; frappé de stérilité, et, qui pis est, même en plein christianisme, on pouvait stérilise tout ce qu’il touche. Qui donc nous empêche de observer la neutralité et l’abstention vis-à-vis ressusciter à la vraie vie de la foi chrétienne, comme si JÉSUS -C HRIST Le libéralisme catholique est « une peste n’était pas venu ou avait disparu du monde. très-pernicieuse », parce qu’il place à la base catholique, à la vraie vie Or quiconque professe ou pratique une de nos institutions publiques des principes sociale et politique ? Qui ? pareille théorie, se condamne à ne rien dont les conséquences extrêmes, pouvoir absolument pour la guérison et le rigoureusement logiques, aboutissent à des ce sont les chrétiens à idées salut de la société. Si nous n’avons pas réussi à horreurs. Le principe fondamental du fausses, les prétendus chasser le mal intérieur qui nous mine, qui libéralisme peut se résumer ainsi : vis-à-vis de hommes d’ordre ; ce sont nous dessèche, qui nous tue, c’est que, tout laloi,l’erreuralesmêmesdroitsquelavérité. en ayant la foi privée, nous avons accepté les catholiques-libéraux. notre part de l’infidélité nationale ; c’est que, De là sort « la liberté de penser », qui peut se quand JÉSUS -C HRIST , par l’organe infaillible formuler ainsi : J’ai le droit de penser tout ce La Révolution s’est discréditée elle-même de son Vicaire et de son Église, a condamné que je veux, de croire tout ce que je veux, de par les désastres qu’elle accumule depuis un une doctrine sociale comme erronée et nier tout ce que je veux. J’ai le droit de croire siècle ; elle est convaincue de nous avoir fait pernicieuse, nous l’avons préconisée comme qu’il n’y a pas de DIEU , que je n’ai pas d’âme, autant de mensonges que de promesses ; ses nécessaire ; quand il a enseigné une chose, que le vol est permis, qu’il n’y a pas plus de adeptes les plus ardents sont les premiers à la nous avons à peu près invariablement fait le mal à tuer un homme qu’un poulet. déclarer en banqueroute. Le moment serait contraire. Là est la cause de notre donc venu de secouer son joug, pour revenir à impuissance (Mgr l’Évêque de Poitiers ; De là sort « la liberté de conscience » : l’ordre chrétien. Le bon DIEU a beau aplanir homélie du 25 novembre 1873). » Toutes les religions ont un droit égal au les voies, préparer toutes choses : qui donc respect et à la protection de la loi. Même nous empêche de ressusciter à la vraie vie Ce mal, qui n’est autre chose que le respect, même protection pour l’Évangile et catholique, à la vraie vie sociale et politique ? catholicisme libéral, paralyse jusqu’aux pour l’alcoran. Même respect pour le Qui ? Ce ne sont pas les forcenés de la bonnes œuvres, jusqu’aux prières et aux chrétien qui adore JÉSUS -C HRIST et pour le Commune ; ce ne sont pas les ennemis pénitences qui s’élèvent de toutes parts vers juif qui le blasphème. Même respect pour le déclarés de la Religion et de la société : ce le trône de la miséricorde divine, pour catholique qui vénère la sainte Eucharistie, sont les chrétiens à idées fausses, les implorer le pardon et le salut. Comment et pour le huguenot qui la foule aux pieds. prétendus hommes d’ordre, qui conservent Notre-Seigneur sauverait-il une société Même respect pour le martyr et pour son et proclament les principes de cette même résolue à se passer de lui, à contredire ses bourreau. Révolution dont ils combattent les enseignements, à méconnaître et à violer ses violences ; ce sont les révolutionnaires droits ? Le secours temporel de DIEU peut-il De là sort « la liberté de la parole » : J’ai le modérés, ce sont les catholiques-libéraux. La être légitimement invoqué contre son droit de dire tout ce que je pense, et Révolution doctrinale, le libéralisme retient propre Fils, contre son autorité et contre son personne n’a le droit de retenir ma parole sur l’enfant prodigue qui veut reprendre le empire ? les lèvres. J’ai le droit au blasphème. chemin de la maison paternelle ; qui veut M’empêcher de louer DIEU et m’empêcher jeter loin de lui les haillons de la licence, pour Si, au fond de nos prières et de nos de l’insulter sont, l’un comme l’autre, un reprendre le blanc vêtement de la liberté ; qui pèlerinages, de nos jeûnes et de nos bonnes attentat à ma liberté, et par conséquent un veut échapper au joug déshonorant du œuvres, on retrouve toujours nos mêmes crime. despotisme ou de l’anarchie, pour se obstinations ; si, tout en priant et en faisant remettre, paisible et confiant, sous la main l’aumône, nous soutenons opiniâtrement les De là sort « la liberté de la presse » : Tout ce paternelle de l’autorité. mêmes systèmes condamnés par que j’ai le droit de dire, j’ai le droit de l’enseignement et par les définitions de l’imprimer et de le publier. Le premier Et comment le libéralisme le retient-il l’Église ; si nous caressons toujours les apostat venu a le droit d’écrire que JÉSUS - ainsi ? C’est qu’il n’est pas autre chose que la mêmes préjugés, si nous adorons toujours les CHRIST n’est pas D IEU , et nul homme, nul doctrine de la Révolution ; comme la mêmes idoles, les fausses libertés, les mortels pouvoir n’a le droit d’arrêter son livre ou son Révolution est la pratique extrême, mais principes de 89, ravivés en 1830, glorifiés en journal. logique, du libéralisme. Si la Révolution 1852 et depuis, nos prières demeureront n’avait pour elle que ses violences, ses Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 7 triomphes ne pourraient être que passagers : dans nos discussions, dans nos lectures, dans la vérité soit pure et limpide. L’ignorance de c’est par ses doctrines que se perpétue son nos conférences, dans nos liaisons mêmes, la vraie doctrine catholique est presque empire ; et ce sont les fauteurs de ces nous n’y faisons pas assez attention ; et de là toujours leflambeau des thèses libérales. doctrines, surtout quand ils sont honnêtes et vient que nous nous laissons parfois entamer. religieux, en d’autres termes, ce sont les Cette ignorance enfante une illusion des libéraux-catholiques qui, en dépit de leurs « Pour vous, chers fils, nous dit le Saint- plus communes, qui laisse les jeunes gens bonnes intentions, opposent à la Père, souvenez-vous que, sur la terre, le s’enfoncer chaque jour davantage dans le résurrection chrétienne de la société une Pontife Romain tient la place de DIEU , et libéralisme, sous le spécieux prétexte qu’ils barrière infranchissable. que dès lors, en tout ce qui concerne la foi, la ne s’occupent pas des questions de doctrine, morale et le gouvernement de l’Église, il peut qu’ils n’y entendent rien, qu’ils laissent cela Partout, en France comme dans toute dire avec le Christ : « Quiconque ne recueille pas aux prêtres, aux théologiens, etc. Ils restent l’Europe chrétienne, la force principale de la avec moi, disperse. » Faites donc consister systématiquement libéraux en pratique, sous Révolution réside dans l’appui que les toute votre sagesse dans une obéissance prétexte qu’ils ne le sont pas en théorie. hommes d’ordre prêtent à ses principes, absolue et dans une libre et constante Gardez-vous de cette illusion. Elle vous beaucoup plus que dans la rage avec laquelle adhésion à la Chaire de Pierre (Bref aux inféoderait au parti libéral ; et, quoi qu’on en les hommes de désordre en déduisent les Milanais). » dise, elle vous inoculerait par tous les pores conséquences. Le libéralisme est le poison « le virus des opinions catholiques-libérales. » qui tue : l’anarchie est la décomposition qui A cette pierre de touche infaillible, nous suit la mort. pourrons aisément reconnaître l’or pur, et le Enfin et surtout, méfiez-vous grandement discerner du cuivre doré. Toute doctrine qui des ecclésiastiques imbus de libéralisme. Un Et combien d’hommes d’ordre sont dans ce s’écarteenquoiquecesoit de l’enseignement de prêtre catholique-libéral fait à lui seul plus de cas ! Plus de quatre-vingt-dix sur cent. Pas un Rome doit être par cela même suspectée ; et mal que cinq cents laïques. En matière de d’eux ne voudrait mourir sans sacrements ; non-seulement suspectée, mais repoussée ; doctrine, la parole d’un laïque a d’ordinaire tous ils ont la foi, bien qu’ils ne la pratiquent et non-seulement repoussée, mais peu de poids ; mais pour le prêtre, c’est tout pas tous et toujours. Ils sont donc combattue. C’est là « le bon combat de la autre chose. DIEU a dit, en effet : « Les lèvres catholiques ; oui, mais ils sont plus libéraux foi », dont parle l’Apôtre saint Paul, et auquel du prêtre garderont la science, et c’est de sa bouche encore ; et c’est pour cela qu’ils font, sans le nous sommes tous appelés à prend part, les qu’on apprendra à connaître la loi. » Or, que fait vouloir et quelquefois même sans le savoir, uns comme chefs : ce sont les prêtres ; les le prêtre libéral ? A ceux qui lui demandent la l’horrible, l’incalculable mal que nous venons autres comme simples soldats de JÉSUS - vérité, il dispense l’erreur ; et quelle erreur ? d’exposer. CHRIST : ce sont les laïques. celle que le Souverain-Pontife déclare hautement être plus à redouter pour les Je le demande donc à tout homme de foi et XXI catholiques de ce temps-ci, que les de bonne foi, le docte et très-catholique blasphèmes révolutionnaires eux-mêmes. Évêque de Poitiers avait-il raison de s’écrier « Mais que faire tout spécialement pour « Le plus grand malheur qui puisse arriver à dans une de ces incomparables homélies qui nous garantir de ce que le Saint-Père appelle un chrétien laïque, disait récemment Pie IX prennent parfois l’importance d’un le virus des opinions catholiques-libérales ? » à un de nos Évêques, c’est d’avoir pour événement : « O vous, qui n’avez rien de conseiller et pour ami un prêtre imbu de commun avec l’impiété des libéraux D’abord ne lisez pas, ou ne lisez qu’avec mauvaises doctrines. Un prêtre qui a de révolutionnaires, mais qui professez les une extrême précaution les journaux, revues mauvaises mœurs, on le méprise, on le doctrines du catholicisme libéral et brochures du parti. Le journal, en repousse ; mais un prêtre qui a de mauvaises irrévocablement inscrit au catalogue des particulier, est une goutte d’eau quotidienne doctrines, il vous séduit d’autant plus erreurs condamnées par l’Église, prenez-y qui peu à peu creuse la pierre et corrompt facilement que ses opinions flattent les idées garde : ce n’est pasà côté du fondement l’esprit. L’expérience le démontre chaque du jour. » chrétien, c’estsur ce fondement même que jour. Si vous voulez échapper au libéralisme doit s’élever l’ordre. Hors de là, c’est catholique, évitez les journaux libéraux- Mes amis, mes chers amis, ne vous laissez l’ébranlement, la caducité, la chute ; c’est le catholiques. Et notez que les plus dangereux point éblouir, par l’éclat des noms propres et désordre, l’anarchie, et, par suite, c’est le sont ceux dont les formes sont plus des belles réputations. Aux ecclésiastiques retour inévitable au régime du despotisme modérées, plus douceâtres. catholiques-libéraux manque le premier de que vous êtes condamnés à ramener tout en tous les mérites, celui d’une foi pure et d’un le maudissant (Noël 1873). » Par contre, lisez fidèlement, puisque hélas ! jugement solide. Tout ce qui brille n’est pas il faut lire quelque journal, lisez l’une des or : en pareille matière, c’est littéralement Tels sont, mes amis, les fruits empoisonnés rares feuilles publiques qui prennent pour vrai. du libéralisme catholique. D’après les fruits, première règle de se conformer en tous jugez de l’arbre. points à la lettre et à l’esprit des Le petit nombre des hommes d’Église qui, enseignements du Saint-Siège. Ne vous emportés par la vanité et par l’esprit XX laissez point arrêter par les amères et injustes d’indépendance, ont le malheur de critiques dont elles sont l’objet. Si on les patronner le libéralisme-catholique, sont ou En pratique, que faut-il donc faire ? déteste tant, c’est qu’elles n’entendent point des esprits de travers ou des ambitieux, qui pactiser avec les erreurs à la mode ; c’est peuvent avoir du brillant, mais qui n’ont ni la C’est fort simple : il faut être catholiques qu’elles les dépistent et leur font la chasse dès vraie science, ni le véritable esprit de l’Église. de la tête aux pieds, catholiques dans nos que passe le bout de l’oreille ; c’est qu’elles idées et dans nos jugements, catholiques déjouent avec une inopportunité très- Méfiez-vous des ecclésiastiques libéraux, dans nos sympathies, catholiques dans nos désagréable les complots, les habiletés de quels que puissent être d’ailleurs leur talent, paroles, catholiques en tout et partout, dans l’ennemi ; c’est qu’elles ne savent point leur zèle. S’ils font un peu de bien d’un côté, nos actes publics comme dans notre flatter l’opinion publique, comme le font ils font trois fois plus de mal de l’autre : on les conduite privée. chaque jour les feuilles libérales, et qu’elles a vus à l’œuvre, à l’époque du Concile. Ils sont prêtes à tout plutôt que de reculer d’une n’étaient guère gallicans que parce qu’ils Et comme la première condition requise semelle lorsqu’il s’agit de défendre la vérité, étaient libéraux. Aujourd’hui, s’il n’y a plus de pour être catholique, c’est d’être le droit, les principes, la cause du Pape et de gallicans, les libéraux sont encore là ; et, sauf véritablement et pleinement soumis au l’Église. d’honorables mais trop rares exceptions, leur Vicaire de DIEU , Chef suprême de l’Église et esprit est demeuré le même. Soumission règle vivante de la vraie foi, notre premier Puis, instruisez-vous sérieusement et n’est pas toujours conversion. Après tous les soin doit être d’éviter, comme le feu, tout ce solidement sur les principales questions qui avertissements tombés des lèvres du Pape, qui pourrait diminuer ou altérer le moins du sont à l’ordre du jour, allant chercher la avertissements nécessairement connus du monde le religieux respect et l’obéissance lumière là où elle est, c’est-à-dire dans des clergé, il leur faudra une rude bonne foi pour absolue à l’égard du Saint-Siège. Ce point est livres ouvertement catholiques-romains, où être excusés au tribunal de DIEU . d’une importance majeure. Dans nos études, le faux ne soit point mêlé au vrai, où l’eau de 8 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001

XXII libéralisme du dix-neuvième : même esprit Ici le Saint-Père porta les mains à son de chicane, même orgueil pieux, même front, et, avec un mouvement qui indiquait « Un mot encore : pourquoi dans toutes ces obstination à ne pas tenir compte des un amer chagrin mêlé à une profonde pages, vous adressez-vous aux jeunes gens ? avertissements et enseignements du Saint- indignation, il dit : Est-ce que ces vérités ne regardent pas les Siège, même cénacle de femmes, mêmes vieux au moins autant que les jeunes ? » coteries de soi-disant grands hommes et de « J’ai toujours condamné le libéralisme soi-disant grands écrivains, même fanatisme catholique (puis, levant les mains et les Sans doute ; mais les vieux sont si souvent pour quelques Évêques aux dépens du Pape agitant, il ajouta avec vivacité et avec force), incorrigibles ! Il est facile de redresser un et de l’Épiscopat. C’est la peste en personne, et je le condamnerais quarante fois encore s’il jeune arbre qui ne pousse pas droit : essayez comme l’a répété plusieurs fois notre grand le fallait. donc d’en faire autant à un vieux qui a poussé et saint Pie IX. Mais c’est une peste à la de travers ! mode, une peste aristocratique, en gant « A ce propos, je me souviens d’un Français beurre frais, en jupons de soie ; c’est la peste qui avait une place élevée, et que j’ai connu de L’esprit du jeune homme est presque des beaux-esprits. Comme du temps de Port- près ici, à Rome ; j’ai eu même occasion de toujours aussi honnête, aussi sincère, aussi Royal, c’est un besoin de bruit, de parler avec lui, et il me faisait de grands vrai que son cœur est bon et généreux. C’est renommée, de clinquant ; une tactique de se compliments. C’était ce que l’on appelle un pour cela que je vous parle ici de préférence, poser en victimes incomprises et homme distingué, honnête, qui pratiquait sa mes bons et chers amis. J’ai la confiance persécutées ; un art incroyable pour séduire religion et se confessait. Mais il avait des qu’après avoir lu sérieusement et devant et attirer à soi surtout les jeunes gens et les idées étranges et certains principes que je DIEU mon petit travail, pas un d’entre vous femmes du monde. n’ai jamais pu comprendre comment ils ne sera désormais capable de se laisser avaient pu prendre racine dans un catholique infecter, à un degré quelconque, de la peste « Le demi-savoir, l’esprit faux et de bonne foi. C’étaient précisément les du catholicisme-libéral. Ce sera votre salut, l’entêtement, voilà pour le docile troupeau, maximes dont je parlais tout à l’heure. et la salut de bien d’autres. pour les moutons ; l’orgueil, avec toutes ses audaces et ses subtilités, voilà pour les chefs. « Ce personnage soutenait (Un catholique, Que DIEU vous garde en la pureté de la foi oser dire, bien plus, oser soutenir de pareilles et en la sainteté de son amour ! « Insistez là-dessus. C’est fâcheux pour qui choses devant le Pape !) que, pour bien se fâchera ; mais c’est vrai, très-vrai, trop vrai. gouverner, il faut avoir une législation athée, ÉPILOGUE de l’indifférence en matière de religion, et « Comme il est plus facile et plus vite fait de cette singulière tactique qui sait A l’occasion des premières éditions de ce dire : s’accommoder à toutes les opinions, à tous petit opuscule, un prêtre qui, depuis vingt- les partis, à toutes les religions, et unir cinq ans, se consacre tout entier et avec « Je crois fermement tout ce qu’enseigne ensemble les dogmes immuables de l’Église grande bénédiction au salut des jeunes gens, l’Église, tout ce que disent les Brefs et les avec la liberté des cultes, des consciences. m’écrivait ces quelques lignes, par où je Encycliques du Saint-Père ! » Nous étions d’accord sur plusieurs points ; termine : sur ceux-ci, jamais. PREMIER APPENDICE « Nous ne saurions trop insister, nous « Cet homme, que faisait-il, en effet ? autres prêtres, dispensateurs de la doctrine Au moment où commençait le tirage de ce Aujourd’hui, une chose ; demain, une autre et directeurs des consciences, sur les causes petit opuscule, a paru l’édition romaine, tout opposée. Un de ses amis, qui était qui engendrent le libéralisme chez nos jeunes « autorisée et revue par le Saint-Père », des protestant, mourut à Rome ; il suivit son gens. Il y en a principalement trois : le demi- Allocutions prononcées au Vatican depuis le convoi et assista aux funérailles dans un savoir, l’orgueil et l’esprit faux. 20 septembre 1870. Quelques variantes, non temple protestant ! On fait certainement dans le fond, mais dans la forme, de la célèbre très-bien d’assister les protestants dans leurs « Le demi-savoir en matière de religion : les Allocution du 18 juin 1871, citée en partie à la nécessités, leurs maladies, et de leur faire jeunes gens se font trop souvent un page 350, nous ont paru mériter d’être mises l’aumône, l’aumône de la vérité surtout, pour catholicisme de fantaisie, blasphèment ce sous les yeux du lecteur. Ces graves paroles procurer leur conversion ; mais c’est chose qu’ils ignorent, et, sans s’en douter, tombent ont été niées si catégoriquement par le parti excessivement blâmable que de participer à dans de graves erreurs, qui sont au fond de catholique-libéral, que la reproduction du leurs cérémonies religieuses. véritables hérésies. texteauthentique ne paraîtra pas superflue ici. « Je persistais à dire que je ne pouvais me « L’orgueil : ils n’ont plus le sens de Voici les propres paroles du Souverain- persuader comment on peut gouverner un l’obéissance catholique, laquelle est la base Pontife à la députation française. Sa Sainteté État avec des lois athées ; comment de telles de la foi, et par conséquent du salut. Ils sont s’exprimait en français : lois pouvaient être basées sur la justice tout constamment à la recherche de détours, en excluant l’idée de DIEU ; comment il était d’excuses, de prétextes de toutes sortes pour «... Vous savez combien j’aime la France. Je possible de trouver la rectitude et la vérité échapper au devoir d’obéir. Or, il faut obéir puis donc vous dire franchement la vérité. Il dans les fluctuations des partis opposés et du au Pape, comme il faut obéir à JÉSUS - est même nécessaire que je vous la dise. libertinage effréné qui en est la conséquence. CHRIST , dont le Pape tient ici-bas la place ; et de même qu’on ne peut pas trop obéir à « Malgré tout, cet homme s’obstinait (En JÉSUS -C HRIST , de même on ne peut pas trop « Le mal que je vous vérité c’est trop fort ! Mais l’entêtement est obéir au Pape. Le jeune catholique-libéral ne signale est plus terrible un des caractères saillants du parti comprend rien à tout cela. En dehors de ce catholique-libéral) à croire que c’était là la qu’il s’imagine être le strict nécessaire, il encore que la manière de gouverner sagement les peuples n’entend relever que de lui-même. Révolution, que la et de les conduire à la civilisation et au progrès. « L’esprit faux : à force de lire des journaux Commune même ! » bâtards, des revues et des livres semi- « La pauvre France a pu voir où aboutissent catholiques, à force de fréquenter les gens du « L’athéisme dans les lois, l’indifférence en ces belles maximes, Paris surtout au milieu parti et de se moquer des autres, ils ont fini matière de religion, et ces maximes des horreurs descommunards , qui, par les par se fausser tellement l’esprit, que leur pernicieuses qu’on appelle catholiques- meurtres et les incendies, se montrèrent maladie devient quasi-incurable. libérales, voilà, oui voilà les vraies causes de la semblables à des démons sortis de l’enfer ! ruine des États, et ce sont elles qui ont « Ces trois causes produisent également précipité la France. Croyez-moi, le mal que je « Mais non, ce ne sont pas seulement ceux- l’entêtement, l’entêtement qui est le vous signale est plus terrible encore que la ci que je crains. Ce que je redoute davantage, caractère distinctif de toutes les erreurs. Il y Révolution, que la Commune même ! » c’est cette malheureuse politique a une ressemblance frappante entre le chancelante qui s’éloigne de DIEU . C’est ce jansénisme du dix-septième siècle et le jeu... Comment l’appelez-vous, vous, en Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 9 français ? Nous l’appelons, nous,altalena en et inculquez. enfin par la religion, par une fermeté italien. (Bascule , dit tout bas quelqu’un). C’est qu’aucune contradiction ne peut ébranler, cela, oui ; ce jeu de bascule qui détruit la « Souvenez-vous, chers fils, que telle a par l’amour de la justice, et par une religion dans les États et renverse même les toujours été la destinée de ceux qui ont soumission absolue aux lois de l’Église et au trônes. » (Collection romaine des discours de N. S. combattu pour la vérité et pour la justice : magistère de cette Chaire de la Vérité. P. le PapePIE IX , publiée par les soins du R. P. mais rappelez-vous aussi que leurs efforts ne PasqualedeFranciscis;tomeI,page 133). sont pas demeurés vains ni inutiles, qu’ils ont « Aussi, bien que Nous n’ayons pu fini au contraire par être couronnés de la parcourir que peu de pages de vos deux DEUXIÈME APPENDICE victoire. volumes, Nous avons pensé qu’il était juste de louer la clarté et la liberté avec lesquelles Depuis la publication du présent opuscule, « Persistez donc avec courage dans vous exposez, expliquez et défendez les purs en 1874, le Saint-Siège a continué de l’entreprise que vous avez commencée, principes, et avec lesquelles, traitant de tout poursuivre et de frapper le catholicisme- quelque scabreuse, et souvent périlleuse ou ce qui dans les lois civiles peut s’écarter de libéral. A l’occasion de la réédition de ce ingrate, qu’elle soit ; car, — vous étant ces principes, vous condamnez certaines de travail dans le formatin -8°, je crois rendre proposé de défendre la cause de DIEU , de ces déviations et vous enseignez que service à la cause de la vraie doctrine et aux l’Église et de la justice, et vous appuyant, certaines autres — si elles ont été introduites esprits sérieux, en reproduisant ici la série de pour instruire et aider le prochain, sur sous l’empire de circonstances pour éviter plus en plus imposante des Actes l’autorité infaillible de cette Chaire de des maux plus graves — peuvent à la vérité Apostoliques relatifs à cette erreur si Pierre, — quoique vous n’ayez pas être tolérées, mais non élevées à la dignité de dangereuse. présentement à vous réjouir d’un ample droits, vu qu’il ne peut y avoir aucun droit résultat spirituel de vos efforts, — vous ne contre les éternelles lois de la justice. Je n’ai pas sous la main le texte latin de ces serez certainement pas privés auprès de documents ; mais vu les sources d’où DIEU d’une large récompense pour vos « Et plût à DIEU qu’ils le comprissent ceux émanent les traductions, je puis garantir travaux. qui se vantent d’être catholiques, bien qu’ils pleinement la fidélité scrupuleuse et adhèrent avec une telle opiniâtreté aux intelligente de la version. « Cette récompense, Nous vous la libertés de conscience, des cultes, de la souhaitons surabondante, et comme augure presse et autres du même genre proclamées Le lecteur voudra bien se rappeler que c’est de cette faveur, et aussi pour vous témoigner par les révolutionnaires à la fin du siècle ici la parole officielle du Vicaire de DIEU sur Notre gratitude et Notre bienveillance dernier, et constamment proscrites par la terre, la parole du Chef suprême de paternelle, Nous vous donnons, chers fils, à l’Église, — que non-seulement ils prétendent l’enseignement catholique, et que, par vous et à toute la société de la Jeunesse qu’on doit les tolérer, mais encore qu’on doit conséquent, il y aurait matière à péché, à catholique milanaise et de tout cœur Notre pleinement les tenir pour des droits, et les péché grave contre l’obéissance due aux Bénédiction Apostolique. favoriser et les défendre comme nécessaires enseignements de l’Église, à ne pas adhérer, à la condition présente des choses et à la intérieurement et extérieurement, à la « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 14 marche du progrès : comme si ce qui est en doctrine qu’exposent ces Brefs du Souverain- janvier 1875, de Notre Pontificat la vingt- opposition avec la vraie religion, ce qui fait Pontife. neuvième année. l’homme autonome et l’affranchit de l’autorité divine, ce qui ouvre la voie large à I « PIE IX, PAPE » toutes les erreurs et à la corruption, pouvait apporter aux nations prospérité, profit et « A nos chers fils, les directeurs et les rédacteurs II gloire. du journal l’Osservatore Cattolico. «CP,A notre cher Fils HARLES ÉRIN « Si les hommes de cette espèce n’avaient « PIE IX, PAPE. professeur de droit public et d’économie politique pas mis leur sens propre au-dessus des à l’Université de Louvain. enseignements de l’Église ; s’ils n’avaient pas « Chers fils, Salut et Bénédiction ainsi, peut-être sans s’en rendre compte, Apostolique. « PIE IX, PAPE. tendu une main amie aux adversaires haineux de l’autorité religieuse et de l’autorité civile ; « Le don que Nous avons reçu de vous, « Cher Fils, Salut et Bénédiction s’ils n’avaient pas ainsi divisé les forces unies chers fils, et de l’excellente Association de la Apostolique. de la famille catholique, — les machinations Jeunesse catholique milanaise, don qui est et l’audace des perturbateurs eussent été formé d’une quantité de faibles offrandes, « Alors que la société civile estime que le contenues, et les choses n’en seraient pas Nous fait voir clairement le nombre progrès de la «civilisation » — progrès qu’elle arrivées à ce point que le renversement de remarquable des fidèles qui, en partageant croit avoir atteint — demande qu’elle se tout ordre est à craindre. vos sentiments, adhèrent avec une dévotion constitue, se gouverne et se dirige par elle- entière et sincère aux doctrines de ce Saint- même en dehors de DIEU et de la religion de « Mais bien qu’il n’y ait absolument rien à Siège, que vous professez et enseignez. DIEU ; alors que, par là, ayant démoli le espérer de ces hommes, qui ne veulent pas fondement de la vie sociale, elle prépare sa écouter l’Église, votre ouvrage fournira « Mais deux motifs Nous rendent le don en dissolution ; c’est avec une très-grande néanmoins des forces et des armes à ceux lui-même très-agréable et précieux. C’est opportunité que vous lui avez remis en dont les idées sont droites ; il pourra éclairer d’abord que la foi de ceux qui l’offrent mémoire, par votre remarquable travail sur ceux qui hésitent, relever et affermir ceux qui resplendit d’un éclat d’autant plus vif qu’elle les Lois de la société chrétienne, que la religion et chancellent. Pour vous qui, sans craindre le se maintient plus pure et plus ferme au milieu la société humaine ont un même fondateur, choc des opinions contraires et méprisant les des sectateurs de ces opinions dont vous que la loi du juste est une et éternelle, que séductions de la faveur, avez librement écrit parlez, lesquels, — dans un désir de fausse et cette loi une a été édictée aussi bien pour les pour la vérité, vous ne manquerez pas de réprouvable conciliation, — s’efforcent hommes réunis en société que pour les recevoir de DIEU la récompense que vous d’allier la lumière avec les ténèbres, le hommes pris individuellement, et que, par avez certainement méritée. Nous le prions, CHRIST avec Bélial. conséquent, c’est de l’observance de cette loi en attendant, de vous combler de ses secours une que les nations doivent attendre l’ordre, et de ses dons, et Nous désirons que la « C’est ensuite que ce don témoigne de la prospérité, l’avancement. Bénédiction Apostolique — que Nous vous votre louable constance à entretenir cette foi accordons, cher Fils, avec une grande et à la propager, malgré les entraves que vous « Difficile, certes, et d’un rude labeur, est affection et comme témoignage de Notre rencontrez ; et bien que vous éprouviez l’œuvre que vous avez entreprise, — mais, bienveillance paternelle, soit pour vous le l’hostilité des puissants, que vous soyez pour l’accomplir, vous avez été aidé tant par présage de ces faveurs divines. quelquefois opprimés, souvent combattus, les sciences spéciales que depuis longtemps et que vous ayez fréquemment contre vous déjà vous enseignez avec un si grand succès, « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 1er ceux-là mêmes qui devraient applaudir et que par la force, la pénétration, le février 1875. — de Notre Pontificat la vingt- soutenir Notre doctrine que vous répandez discernement de votre esprit, et surtout neuvième année. 10 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001

« PIE IX, PAPE. » « Certes, vous ne vous écarterez pas du Saint-Siège, et que tous ceux qui, confiants droit chemin, si, comme vous l’avez fait dans leur sens propre, s’éloignent des III jusqu’ici, vous vous attachez fortement à enseignements de ce Saint-Siège, s’écartent cette Pierre que le CHRIST a posée comme de la vérité. « A nos chers Fils les Membres des Conférences de fondement de son Église et sur laquelle il a Saint-Vincent-de-Paul, des Comités et des établi la Chaire de vérité. En vous appuyant « Nous souhaitons à vos travaux le plus Cercles catholiques, et aux autres fidèles du sur elle, vous ne serez ébranlés par aucun heureux résultat, et Nous voulons que vous diocèse d’Angers qui nous ont envoyé une choc, ni trompés par la fraude ou par la ruse. en trouviez le gage dans la Bénédiction Adresse. Apostolique que, en témoignage de Notre « C’est pourquoi Nous appelons sur vous paternelle bienveillance, Nous vous « PIE IX, PAPE. les secours abondants de la grâce céleste, et accordons à tous, chers Fils, avec une très- pour vous en donner un gage, aussi bien particulière affection. « SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE qu’un témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 9 « Si Nous sommes assuré, chers Fils, de affectueusement, à vous, Chers Fils, la septembre 1875, l’an trentième de Notre rencontrer au milieu de cette violente Bénédiction Apostolique. Pontificat. persécution soulevée, de nos jours, contre l’Église et contre le Saint-Siège, un grand « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 15 « PIE IX PAPE. » nombre de chrétiens qui demeurent février 1875, de Notre Pontificat la 29e année. inébranlables dans la foi ; et si Nous Nous V réjouissons de voir avec quelle fermeté ils « PIE IX, PAPE » affirment et défendent, contre les attaques « A nos chers Fils, les directeurs et les rédacteurs de l’erreur et de la force, les droits et IV de l’Osservatore Cattolico, de Milan. l’autorité de la religion, avec quel zèle ils s’empressent de Nous venir en aide par la « A nos chers Fils, le Président et les Membres du « PIE IX PAPE. prière et les secours d’argent ; cependant il Congrès catholique italien, à Florence. Nous est toujours extrêmement agréable de « Chers Fils, Salut et Bénédiction parcourir les longues listes de ces catholiques « PIE IX PAPE. Apostolique. qui ne craignent pas, malgré les embûches et les périls, d’exprimer, le front haut, leur « Chers Fils, Salut et Bénédiction « L’œuvre que vous avez entreprise, chers soumission au Siège de Pierre ; et qui, par leur Apostolique. Fils, de défendre la cause catholique, de grand nombre, dans chaque diocèse, ou dans soutenir la vérité, de prémunir les fidèles chaque province, représentent « Avec le plus vif plaisir Nous apprenons, contre les erreurs et les embûches, a manifestement des milliers de fidèles unis à chers Fils, que sous peu vous vous réunirez à grandement ennobli et Nous a rendu Nous, dans le monde entier, par les liens Florence, et que là vous vous appliquerez de beaucoup plus agréable le don, présenté par d’une parfaite charité et véritablement nouveau à défendre et à soutenir les intérêts vous, des offrandes que vous avez reçues de enfants de l’Église. catholiques. Nous qui avons déjà vu avec la vos lecteurs et qui portent témoignage de plus douce satisfaction combien profitables leur foi et de leur religieux amour pour ce « C’est pourquoi Nous avons reçu avec une à un si grand œuvre ont été les travaux de Saint-Siège. joie toute paternelle ce volume considérable votre dernier Congrès, Nous avons à bon que Nous a remis votre éminent Évêque et droit la confiance que cette nouvelle « En vérité, vous avez entrepris une tâche qui, si le temps n’a pas permis d’y joindre Assemblée ne sera pas d’un moindre difficile et ardue, rendue même très-ingrate beaucoup d’autres noms, contient avantage à la Religion et aux bonnes mœurs. — non par les adversaires que vous vous étiez cependant plus de trente mille signatures. A proposé de combattre — mais par des frères cette vue, Nous n’avons pu Nous empêcher « Prenez garde, cependant, qu’il ne qui, induits en erreur par un vain désir (vana de rendre grâces à DIEU de ce qu’il a daigné, s’introduise parmi vous de faux frères, c’est- cupidigia) de conciliation, font obstacle à ce lorsque la corruption et l’impiété Nous à-dire ceux qui, ou imbus d’opinions peu genre de combat. Mais puisque sous cette envahissent de toutes parts, donner cette droites, ou ne considérant ou ne connaissant erreur se cache le plus grave danger, vous consolation à Nos larmes, et conserver dans pas la nature intime, l’habilité et la malice des devez avec une plus grande diligence le monde entier, pour l’intégrité et l’honneur bouleversements actuels, — et se réputant retourner contre elle vos travaux, et, de toutes de son Église, une si grande part d’âmes sages, — estiment que des principes qui se vos forces, vous devez chercher à lui arracher ce fidèles, dont l’action finira par rétablir heurtent entre eux se peuvent concilier, et masque de fausse prudence et cette apparence de l’ordre universellement troublé. que, entre les plus acharnés adversaires de la charitédontellesecouvre. Religion et ceux qui lui sont fidèles, la « Recevez donc, pour ce volume auquel concorde se peut rétablir moyennant tel ou « Si vous parvenez à ce résultat, non- vous avez bien voulu joindre un généreux tel pacte politique ; comme s’il était donné seulement avec énergie, mais avec prudence présent, les témoignages de Notre vive de guérir une profonde plaie dans les et modération, vous aurez certainement très- reconnaissance. Persévérez dans la foi, dans entrailles, en appliquant sur la peau une bien mérité de l’Église et de la société civile ; et la prière, dans la pratique des œuvres pieuses légère compresse. Eux, qui vont criant la paix toutes les tribulations que vous souffrirez qui sont l’objet de vos associations. Mais ne partout, n’ont pas connu les voies de la paix, pour ce motif, vous vous apercevrez qu’elles vous laissez jamais détourner de votre but, laquelle consiste seulement dans la ne sont même pas à comparer aux fruits et soit par les pièges multipliés de l’erreur, soit tranquillité de l’ordre vrai et parfait : et aux avantages obtenus par la peine que vous par la crainte, la faveur, les séductions des tandis qu’ils donnent à croire qu’ils vous serez donnée. hommes, soit par les discours subtils et pourvoient à la paix, ils répandent les mielleux de ceux qui, confiants dans leur dissensions parmi les frères, ils détruisent la « Que le Seigneur favorise vos desseins et propre sagesse, traitent parfois vigueur de l’unité, inexpugnable pour votre zèle, et qu’elle soit un gage de sa faveur d’inopportune telle ou telle doctrine de l’ennemi, et, sans s’en apercevoir, favorisent la Bénédiction Apostolique que de tout cœur l’Église, croient avoir trouvé une sorte de avec toute efficacité la cause de cet ennemi. Nous accordons à vous, chers Fils, et à tous moyen terme à l’aide duquel ils pourront les donateurs, en témoignage de Notre amener à de mutuels embrassements la vérité « Repoussez donc loin de vous les très- paternelle bienveillance et de Notre et l’erreur qui se combattent sans cesse, funestes embûches du catholicisme-libéral, gratitude. estiment comme une œuvre de prudence de lesquelles, ou rendraient inutiles votre zèle et ne s’attacher pleinement ni à l’une ni à vos travaux, ou en amoindriraient l’énergie, « Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 11 l’autre, de peur que la vérité ne trouble ou les rendraient stériles. Tenez-vous octobre 1875, — de Notre Pontificat la l’erreur dans sa possession, ou que l’erreur ne fermement à la profession que vous avez faite trentième année. dépasse les limites qu’on a cru follement au premier Congrès, car vous savez qu’elle est pouvoir lui assigner. parfaitement conforme au jugement du « PIE IX PAPE. » Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 11

VI « PIE IX, PAPE. Notes

« A Notre vénérable frère Louis, Évêque des « Cher Fils, Salut et Bénédiction (1) Nous parlons ici des nations Trois-Rivières. Apostolique. chrétiennes. Dans la question du catholicisme libéral, il ne s’agit jamais que de « PIE IX, PAPE. « Plus les erreurs se répandent et leurs celles-là. Ce sont des questions de famille. — effets désastreux se propagent au loin, plus Ce point de vue, trop souvent oublié, est fort « Vénérable Frère, Salut et Bénédiction aussi, cher Fils, Nous voyons avec plaisir se important. Apostolique. lever de nouveaux défenseurs de la vérité qui s’opposent au progrès de ce double fléau, « Ce que vous Nous avez attesté par écrit et sans tenir compte de leur propre repos et de de vive voix, en votre propre nom et en celui leurs propres intérêts. Lorsque Nous-même, Y Y Y des autres prélats canadiens, de votre pour l’instruction de toute l’Église, Nous commune soumission et affection envers ce avons proscrit les principales erreurs qui Siège Apostolique, Nous a été très-agréable, bouleversent de nos jours la société humaine Ouvragesrecommandés vénérable frère, surtout en ces temps où tout entière, Nous ne l’avons certes pas fait l’accord et l’union des esprits et des cœurs est pour que la lumière demeurât cachée sous le • Dom Sarda y Salvany, Le libéralisme est un si nécessaire pour arrêter le torrent des maux boisseau, mais pour qu’elle éclairât tous ceux péché, 1884, réédition Expéditions qui Nous envahissent et pour en détourner qui sont dans la maison. Pamphiliennes. de plus grands encore. • Mgr Lefebvre, Dubia sur la déclaration « C’est pourquoi Nous ne pouvons que « Nous Nous sommes principalement vous approuver d’avoir entrepris de défendre conciliaire sur la liberté religieuse, réédition réjoui du soin que vous prenez d’inculquer au et d’expliquer les décisions de Notre Éditions Saint-Rémi, 2000. peuple la saine doctrine et de lui expliquer ce Syllabus, surtout celles qui concernent le • Marquis A. de Ségur, Mgr de Ségur, qui regarde la nature, la constitution, libéralisme soi-disant catholique, lequel souvenirs et récits d’un frère, réédition Éditions l’autorité, les droits de l’Église, dont on a comptant un grand nombre d’adhérents Saint-Rémi, 2001. coutume de pervertir très-subtilement la parmi les hommes honnêtes eux-mêmes, et notion pour tromper les fidèles ; et Nous paraissant s’écarter moins de la vérité, est • Marthe de Hédouville, Monseigneur de avons dû louer le zèle avec lequel vous vous plus dangereux que les autres erreurs, trompe Ségur, 1957. Disponible à la S. A. D. P. F. êtes efforcés de prémunir le même peuple plus facilement ceux qui ne se tiennent pas • Juan Donoso Cortes, Essai sur le contre les astucieuses erreurs du libéralisme sur leurs gardes, et, détruisant catholicisme, le libéralisme et le socialisme ditcatholique , d’autant plus dangereuses que, insensiblement et d’une manière cachée considérés dans leurs principes fondamentaux, par une apparence extérieure de piété, elles l’union des esprits, diminue les forces des réédition 1986. Disponible à la S. A. D. P. F. trompent beaucoup d’hommes honnêtes, et catholiques et augmente celle des ennemis. que, les portant à s’éloigner de la saine • S. S. Léon XIII, Encyclique Libertas doctrine, nommément dans les questions « Beaucoup, assurément, vous accuseront Præstantissimum, réédition 1996. Disponible qui, à première vue, semblent concerner d’imprudence et diront que votre entreprise àlaS.A.D.P.F. plutôt le pouvoir civil que l’ecclésiastique, est inopportune ; mais, parce que la vérité elles affaiblissent la foi, rompent l’unité, peut déplaire à beaucoup et irriter ceux qui Adresses divisent les forces catholiques et fournissent s’opiniâtrent dans leur erreur, elle ne doit pas une aide très-efficace aux ennemis de être jugée imprudente et inopportune ; bien - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- l’Église, qui enseignent les mêmes erreurs, plus, il faut croire qu’elle est d’autant plus Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : quoique avec plus de développement et prudente et plus opportune que le mal qu’elle 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. d’impudence, et amènent insensiblement les combat est plus grave et plus répandu. esprits à partager leurs desseins pervers. Autrement il faudrait prétendre que rien - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 n’est plus imprudent et plus inopportun que Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; « Nous vous félicitons donc, et Nous la promulgation de l’Évangile, qui eut lieu http://www.litoo.com. souhaitons que vous travailliez toujours à lorsque la religion, les lois, les mœurs de dévoiler leurs pièges et à instruire le peuple toutes les nations lui faisaient une - Expéditions pamphiliennes,B.P.51, avec une semblable ardeur, un pareil opposition directe. 67044 Strasbourg cedex, France. discernement, et avec cette concorde qui montre à tous votre charité mutuelle, et « Une lutte de ce genre ne pourra que vous - Librairie Saint-Louis, C. P. 49604, 5122 prouve que chacun de vous ne pense, ne dit et attirer les blâmes, le mépris, les querelles Côte-des-Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, n’enseigne qu’une seule et même chose. Or haineuses ; mais Celui qui apporta la vérité à Canada. ceci arrivera de soi-même, si vous vous la terre n’a pas prédit autre chose à ses appliquez à nourrir soigneusement en vous disciples, sinon qu’ils seraient odieux à tous à - Bibliothèque Saint-Michel, 201 rue ce dévouement à la Chaire de Pierre, cause de son nom. Cependant, comme il leur Sainte Christine, 83000 Toulon, France. maîtresse de la vérité, que vous professez en promit en même temps pour leurs travaux et Tél./Fax : 04 94 03 16 74. Éditeur de termes si forts et si affectueux. Nous vous le leurs épreuves la plus grande récompense, l’Annuaire Royaliste Légitimiste. souhaitons à tous, en même temps que, cette récompense ranimant votre activité, comme augure des faveurs divines et comme continuez à défendre et à propager, pour la - Les Amis de Jeanne d’Arc, 85 rue gage de Notre particulière bienveillance, gloire de DIEU et le salut des âmes, la Petit, 75019 Paris, France. Tél. : 01 40 03 96 Nous vous accordons de tout cœur la doctrine émanée de ce Saint-Siège, en 35, fax : 01 40 03 96 50. Association fondée en Bénédiction Apostolique, à vous, vénérable observant toujours les lois de la prudence et 1953 sous la présidence d’honneur du général Frère, et à chacun des Évêques canadiens, de la charité. Entre-temps, recevez la Weygand . Sa mission est de « prolonger la ainsi qu’à leurs diocèses. Bénédiction Apostolique, que Nous vous mission de la Sainte de la Patrie par la prière accordons très-affectueusement, cher Fils, à et l’apostolat » (mandat fixé par Pie XII), et « Donné à Saint-Pierre de Rome, le 18 vous et à vos collaborateurs, comme gage de d’« approfondir la connaissance de Jeanne septembre 1876, de Notre Pontificat la la faveur divine et signe de Notre paternelle d’Arc sous tous ses aspects : scientifiques, trente et unième année. bienveillance. artistiques, moraux, mystiques ».

« PIE IX, PAPE. » « Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 11e - Faits & Documents, lettre d’infor- jour de décembre de l’année 1876, de Notre mations confidentielles d’Emmanuel Ratier, VII Pontificat la trente et unième. l’un des hommes les mieux informés. Pour savoir ce qui se passe dans les coulisses «V,A Notre Cher FilsERNHET prêtre, « PIE IX PAPE. » révolutionnaires (franc-maçons, sectes, directeur du journalle Peuple à Rodez. mondialistes, lobbies cosmopolites...) aussi 12 Les documents contrerévolutionnaires no 19 — Novembre 2001 bien que chez les contrerévolutionnaires. BP 254-09, 75424 Paris cedex 09, France. Tél./fax : 01 40 16 80 92 ; http://www.faits-et- documents.com. 99

Prière à saint Michel Archange

Saint Michel Archange, défendez-nous dans le combat ; soyez notre secours contre la méchanceté et les embûches du démon. « Que Dieu lui commande », nous le demandons en suppliant ; et vous, Prince de la milice céleste, repoussez en enfer, par la puissance divine, Satan et les autres esprits mauvais qui rôdent dans le monde pour perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.)

Au terrible torrent de boue constitué par les livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, sans autre but, sous leur forme éloquente et leur sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en peut être assuré, est de leur opposer des écrits salutaires et de les répandre.

S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. 9 Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et d’histoire contrerévolutionnaires. Face au déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir des catholiques de redoubler d’effort pour diffuser la saine littérature catholique.

Abonnement gratuit sur demande.

Toutereproductionestautorisée.

Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : [email protected]. URL : http://www.contrerevolution.org Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 20— Décembre 2001

gouvernement honnête, stable et réparateur. M. le comte de Lambilly, qui m’a donné Manifestations et Le rétablissement de la monarchie depuis cinq ans, dans ce département, des traditionnelle paraissait ainsi à beaucoup la témoignages si précieux d’une amitié à propagande condition nécessaire du salut public, et laquelle je me félicite d’autant mieux de l’espérance semblait d’autant plus permise à pouvoir rendre un public hommage, qu’elle royalistes ses partisans que la mort du jeune prince est faite de deux parts inégales, l’une impérial, massacré par les Zoulous, en d’abnégation, l’autre de reconnaissance, et désorganisant le parti bonapartiste, avait que celle-ci, qui est la mienne, est aussi la plus 9 accru le nombre des conservateurs disposés, lourde. (Bravos. — Applaudissements. — Vive pour débarrasser le pays de la République, à M.deMonti!—ViveM.deLambilly!) se rallier à la cause de la vieille royauté. Mais ce n’est pas seulement le patronage Comte Albert de Mun, M. de Mun n’avait jamais varié dans ses d’une amitié qui m’honore et de leurs noms Discours prononcé à Vannes, convictions royalistes, connues de tous ses respectés que m’apportent ici ces deux amis,etauxquellesM.lecomtede Messieurs, et leur présence est autre chose dans une réunion d’électeurs du Chambord avait daigné rendre récemment que le gage d’une affectueuse sympathie. département du Morbihan, le 8 un éclatant témoignage en lui adressant, à la Leur place était marquée au premier rang suite de son invalidation, une lettre qui était d’une réunion dont le caractère politique est mars 1881, in Discours du comte en même temps un gage précieux de sa haute publiquement annoncé, et je suis heureux, en approbation pour son attitude ; mais, placé les saluant à ce titre, de donner pour ma part Albert de Mun, Paris : sur le terrain catholique par les conditions l’exemple d’une discipline qui m’est douce Librairie Ch. Poussièlgue, mêmes de la lutte sociale où il s’était engagé assurément, mais que j’aime à pratiquer, e depuis dix ans, il n’avait pas encore eu surtout parce qu’elle est la force de tous les 1902, Tome 2 , pp. 385-423. l’occasion d’exprimer publiquement ses partis, la condition même de leur vie, et, pour sentiments politiques. le parti royaliste tout spécialement, la conséquence naturelle du principe qu’il En face des maux accumulés par la représente. (Trèsbien!trèsbien! ) Y Y Y République, il ne crut pas possible de garder plus longtemps le silence, et, sachant Si je n’avais eu, Messieurs, rien d’autre à d’ailleurs qu’il répondait aux sentiments faire au milieu de vous qu’un discours, je es violences du gouvernement de la personnels de M. le comte de Chambord, de n’aurais pas, dans cette saison, troublé l’ordre République contre les catholiques se plus en plus résolu à manifester le caractère habituel de votre vie ; si je n’avais eu qu’une Lmultipliaient sans trêve ; les lois nettement catholique de sa politique, il protestation nouvelle à vous demander d’enseignement, déjà votées ou en voulut montrer à tous ceux qui partageaient contre des mesures arbitraires ou contre des préparation, menaçaient, conformément au ses convictions religieuses la nécessité, au lois funestes, j’aurais encore hésité à le faire ; plan tracé par les loges maçonniques, de nom même de leurs intérêts les plus chers, de vos consciences suffisent à vous dicter consommer rapidement la déchristiani- se grouper autour du drapeau de la contre la tyrannie révolutionnaire une sation du pays ; les attentats accomplis monarchie légitime. L’approche des perpétuelle protestation, et vous en donnez, contre les religieux venaient de combler la élections législatives, qui devaient avoir lieu à chaque attentat nouveau, le témoignage mesure. Un grand nombre de magistrats du dans le courant de 1881, rendait d’ailleurs éclatant. (Applaudissements. ) Ce que je vous parquet avaient donné leur démission plutôt naturelle et nécessaire une entière et loyale apporte aujourd’hui, permettez-moi de vous que de s’associer aux dénis de justice déclaration de principes. M. de Mun choisit, le dire, ce n’est pas non plus une profession ordonnés par le gouvernement contre les pour accomplir cet acte considérable, de foi personnelle ; ni vous ni moi n’en avons congrégations proscrites. L’indignation était l’occasion d’une réunion d’électeurs du besoin : ni vous, qui m’avez donné le plus profonde et l’émotion générale. Les illusions Morbihan, convoquée à Vannes par le beau gage de votre confiance en me faisant de ceux qui avaient pu croire aux promesses comité royaliste du département. Ce fut là votre compatriote ; ni moi, qui ai rencontré de liberté prodiguées par les républicains qu’il prononça, le 8 mars 1881, le discours sur le chemin de ma vie politique, dans les s’évanouissaient chaque jour ; il devenait suivant, publié le lendemain sous le titre de encouragements publics dont mon roi m’a évident pour tous que la République, DieuetleRoi. comblé et dans l’acharnement dont les fatalement condamnée par les passions de républicains m’ont poursuivi, un double et ses partisans à la guerre religieuse, était 9 suffisant honneur. (Bravos redoublés. — Cris de impuissante à donner la paix aux consciences viveM.deMun!) et la tranquillité au pays. La prospérité M,ESSIEURS matérielle qui avait accompagné les Je viens, Messieurs, vous dire, dans toute la premières années du gouvernement nouveau Avant d’aborder les graves questions que je franchise de ma conscience, ce que je pense avait fait place à une crise générale et tous les me propose d’examiner devant vous, je dois de la situation du pays, et ce que je crois être, jours plus aiguë dans l’industrie et dans remercier M. le comte de Monti des paroles en face de cette situation, le devoir de tous l’agriculture. Les gaspillages financiers d’une trop bienveillantes qu’il m’a adressées dans les gens de bien. Je ne me dissimule pas la administration imprévoyante et souvent l’énergique allocution que vous venez gravité du sujet, mais j’apporte à cet coupable aggravaient encore cette situation ; d’entendre et de saluer de vos entretien le sentiment profond d’une le malaise et l’inquiétude étaient partout. applaudissements, et il me permettra, j’en nécessité politique ; car s’il y a dans la parole Dans tous les milieux sociaux on suis sûr, de confondre dans une même publique de lourdes responsabilités, le commençait à sentir le besoin et le désir d’un expression de gratitude son nom et celui de silence, à certaines heures, en porte avec lui 2 Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001

essentiels. (C’est vrai ! — Très bien ! — L’agriculture, Messieurs, il me suffit de la Déjà on prépare la Applaudissements.) nommer devant vous pour vous arracher un dictature qui doit en sortir cri de détresse qui vient faire écho aux comme le couronnement D’un bout à l’autre du pays, prêtre ou protestations de tous les agriculteurs de religieux, magistrat ou soldat, laboureur, France, écrasés par un régime sous lequel naturel de la République. industriel ou artisan, père de famille ou succombe la richesse nationale, et dont le Or ce n’est pas assez de contribuable, il y a des gens qui souffrent et contre-coup va du producteur atteindre maudire cette dictature qui le disent tout haut quand ils sont libres, l’ouvrier des champs par la diminution du tout bas quand ils sont gênés dans leur travail et la rareté des salaires. (Assentiment. ) qui s’avance et de lui crier, indépendance, et le nombre en est si grand, en se détournant d’elle, que c’est presque tout le monde. (Oui ! oui ! L’industrie : il y a dix-huit mois déjà, M. qu’elle est la honte et la C’est bien cela !) J’allais dire tout le monde, s’il Pouyer-Quertier, parlant au président de la n’en fallait retrancher la troupe des satisfaits République au nom de soixante chambres de perte du pays. qui ont des places et des appointements et commerce, résumait en deux mots sa qui, se trouvant à l’aise dans leur nouvel état, condition et le terme de ses revendications : qui ne sont pas moins redoutables. Nous déclarent que tout est au mieux dans la « Ce qu’elle demande, disait-il, c’est la sommes à l’une de ces heures. (Sensation meilleure des républiques. Ceux-là, si vous possibilité de vivre et de faire vivre les prolongée.) Demain les destinées de la France leur demandez ce qu’ils pensent de la nombreuses populations ouvrières qu’elle seront livrées une fois de plus aux tempêtes situation politique, ils vous répondront sans emploie. » On en est là ; c’est-à-dire que la électorales, et déjà on prépare, par de doute par le vieux refrain de Béranger : situation est tendue jusqu’au point d’être savantes manœuvres, la dictature qui doit en devenue une question de vie ou de mort. sortir comme le couronnement naturel de la Quels dînés ! Voilà la prospérité où nous nous endormons. République. Or ce n’est pas assez de maudire Quels dînés ()C’estcela!—C’estlavérité! Les ministres m’ont donnés ! cette dictature qui s’avance et de lui crier, en Oh ! que j’ai fait de bons dînés ! se détournant d’elle, qu’elle est la honte et la Et si, prêtant l’oreille à d’autres révélations, vous voulez savoir où en sont, à côté de ces perte du pays. (Très bien ! très bien ! — (Rires ironiques. -— Applaudissements ), et pour Applaudissements.) intérêts matériels, qui sont la vie même du le reste, ils vous renverront à ce récent pays, les grandes institutions qui sont les discours du trône, où le président de la Un homme public doit autre chose à ceux fondements de l’ordre social, on vous dira Chambre des députés étalait sous les yeux de avec une patriotique douleur les ravages que qui placent en lui quelque confiance ; s’il ses collègues émerveillés et ravis la longue connaît un moyen d’échapper à cette honte porte dans cette généreuse armée, qui énumération des bienfaits répandus par leurs s’appelle l’armée de la France, le despotisme et à ces ruines, s’il croit savoir où peuvent mains, des travaux accomplis par leur zèle, et être l’honneur et le salut, il faut qu’il le dise, politique mêlant son inquisition perpétuelle le tableau magnifique de la prospérité, de la à tous les actes de la vie militaire ; la manie sous peine de manquer à sa tâche. Je viens grandeur et de la satisfaction républicaines. essayer de remplir la mienne, et je ne pouvais des innovations révolutionnaires troublant à chaque instant l’œuvre de la défense choisir, voulant accomplir un acte aussi Messieurs, voilà le langage officiel et le grave, d’autres auditeurs que vous, nationale ; la malsaine recherche d’une piédestal que se dressent à eux-mêmes les illégitime popularité cachant, sous Messieurs, qui m’avez ouvert les portes de la hommes qui nous gouvernent. vie politique, qui m’y avez soutenu sans l’apparence d’une diminution fictive des charges publiques, une désorganisation défaillance, à travers tant de luttes et de Et maintenant voulez-vous que, nous contradictions, et qui m’avez gardé, dans la croissante, et, pour achever ce désordre détournant de ces triomphateurs, nous matériel, la persécution religieuse qui vient, mauvaise fortune, une affection si fidèle et si regardions, en face de ce tableau, la réalité touchante. en chassant Dieu de la caserne, ravir au soldat des choses, et que nous descendions un peu sa meilleure consolation, aux familles leur des hauteurs gouvernementales pour nous plus précieuse garantie, à la patrie le gage le Messieurs, depuis dix ans la République tourner vers la France qui ne dîne pas au existe en fait ; depuis cinq ans elle est plus certain du dévouement de ses enfants. Palais-Bourbon (rires ), vers la France qui ()Bravosrépétés.—Applaudissements. officiellement organisée ; c’est un stage croit en Dieu, vers la France qui travaille et suffisant, une expérience assez longue, pour qui produit ? Oh ! alors, Messieurs, nous que nous soyons fondés à lui demander D’autres encore vous parleront des entendrons un autre langage. Les uns vous magistrats ébranlés sur leurs sièges, compte de ce qu’elle a fait pour le pays, de ce montreront les dépenses accrues de 850 qu’elle lui réserve, de ce qu’elle lui coûte et de dénoncés partout et jusqu’à la tribune millions depuis 1876, les budgets s’élevant nationale comme des ennemis publics, ce qu’elle lui rapporte. (Rires ironiques. — toujours, les crédits supplémentaires Applaudissements.) placés entre l’indépendance de leurs âmes et accordés presque sans discussion, et la préservation de leur carrière, et menacés cependant l’emprunt toujours à l’état latent Je ferai cet examen avec tout le calme, avec d’une législation nouvelle qui, en sacrifiant et le besoin d’argent révélé par toutes les ceux d’aujourd’hui, ne laissera plus à ceux de toute la modération possibles, et je vous mesures financières. demanderai de m’entendre dans les mêmes demain que le prix des services qu’ils rendront. (C’estcela! ) dispositions, comme des hommes qui usent Les autres vous dénonceront, sous de leur droit et qui accomplissent leur devoir l’apparence d’une prospérité trompeuse, une Voilà ce qu’on fait des institutions du pays ; de citoyens, en se préoccupant des questions crise économique chaque jour plus les plus graves de la vie nationale. et faut-il vous parler de l’administration ? redoutable, et qui nous prépare pour demain Hier j’avais sous les yeux un relevé des un réveil terrible. Ils vous diront que mouvements effectués dans les différents Et d’abord je constate qu’à l’heure où je l’importation des produits étrangers va vous parle, après deux années d’un pouvoir ordres de fonctionnaires depuis trois ans ; il y toujours en augmentant dans des a eu 15,956 mutations, et, dans le nombre, des exercé sans contestation, sans limite, sans proportions énormes, pendant que entrave d’aucune sorte, par les républicains, milliers de révocations qui laissent toute une l’exportation diminue, si bien que la balance armée d’anciens et fidèles serviteurs du pays ilyaenFrance, au lieu de l’apaisement et de du commerce français s’établit, pour 1880, la sécurité, une agitation profonde et un avec un avenir détruit, un grand nombre par une perte totale de 1 milliard 507 millions privés de ressources les plus nécessaires à malaise général. (C’est vrai ! c’est vrai ! ) Je (c’est vrai ! ), c’est-à-dire que notre argent constate partout, dans tous les rangs de la leur vie et à celle de leur famille. Voilà passe à l’étranger, et que, plus le chiffre des comment on traite l’administration société, une inquiétude chaque jour affaires grossit chez nous, plus c’est au grandissante, et j’entends de toutes parts des française ; on la brise, on la bouleverse de bénéfice des nations voisines ; situation fond en comble, et on s’en sert comme d’une gens qui se plaignent : l’un de sa vie matérielle déplorable que vous connaissez tous, parce embarrassée et incertaine du lendemain, prime offerte aux amis par la faveur d’un que vous en souffrez cruellement, et qui parti politique. l’autre, de sa vie morale troublée de mille révèle un trouble profond dans les intérêts manières ; celui-ci de l’atteinte portée à sa étroitement unis de l’agriculture et de Et pendant qu’on met ainsi, au dedans, le conscience religieuse, celui-là de l’obstacle l’industrie. mis à l’exercice de ses droits les plus pays en coupe réglée, au dehors on abaisse la Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001 3 dignité nationale dans d’inexcusables coup, enfermés dans les plis de leurs robes de tombereaux, les Frères et les Sœurs expulsés aventures. On compromet à l’étourdie, dans bure, les droits de Dieu et des citoyens. des écoles communales ; la conjuration de la un banquet, le nom de la France ; on engage (Bravos répétés. — Applaudissements. ) Ils se loi Paul Bert enfin, qui enveloppe dans une dans un repas intime sa parole et peut-être refuseront à croire ce que nous avons vu : les gratuité mensongère et ruineuse ses soldats ; on va, par une ignorance ou une ministres de Dieu saisis par ceux qu’on l’enseignement sans Dieu, qu’elle prétend complicité également coupables, jusqu’à charge de poursuivre les malfaiteurs ; que dis- imposer à tous par l’odieux despotisme de permettre à des contrats inavoués de livrer je ! Jésus-Christ lui-même enfermé dans ses l’obligation. (Bravos répétés. ) Demain ce sera ses armes et ses approvisionnements (Oui ! sanctuaires par des mains impies. Ils se peut-être la loi du pays, et alors on sera bien oui ! — A bas Gambetta !) ; on oublie enfin refuseront à le croire, ou bien ils supposeront près du couronnement de l’édifice, car on qu’on a, par un coup du destin, la garde d’une quelque nouvelle invasion des barbares, et ils aura mis la main sur les générations qui vieille et grande nation, et que c’est elle, et ne voudront pas admettre que ce spectacle grandissent, et, dans quelques années, on non pas la république, qu’on mène avec soi, inouï fut donné par un gouvernement légal, aura fait un peuple sans Dieu, sans croyance quand on essaye de se mêler au concert de l’ordonnant au nom des lois, et forçant à y et sans foi, c’est-à-dire un peuple prêt pour l’Europe ; et, comme il y a dix ans on ne savait participer les soldats de la France. (Long tous les esclavages. (Trèsbien!trèsbien! ) faire ni la guerre ni la paix, aujourd’hui, murmured’indignation.) incapable de garder simplement et à la fois la Voilà l’œuvre de la République ! paix et l’honneur national, on passe Et pourtant c’est l’histoire d’hier, et, effrontément des provocations qu’inspire la pendant que j’en évoque le souvenir, il y en a Oh ! je sais qu’on se défend de toute haine jactance aux désaveux empressés que un autre qui me presse malgré moi et qui préconçue, et qu’à chaque violence nouvelle commande l’intérêt électoral. (Bravo!bravo! ) remplit mon âme ; je parle presque jour pour on s’assoit sur les ruines qu’on a faites pour jour dix ans après le 18 mars, et je m’imagine reprendre haleine et parler d’apaisement. Je Et puis on monte au Capitole, tandis que, que tout à coup un des otages de la sais cela, et je dis, Messieurs, que c’est une s’élevant plus haut encore que ces plaintes Commune secoue sa poussière sanglante et comédie électorale (Oui ! oui ! ) ; je dis que non patriotiques, la grande clameur de tous les apparaît au milieu de nous. Que va-t-il dire ? seulement on ne peut pas s’arrêter parce déshérités retentit chaque jour davantage, Au récit de ces demeures violées, de ces qu’on est poussé par les impatients, mais qui demande compte à la république églises profanées, de ces prêtres traités en encore et surtout qu’on ne veut pas s’arrêter, bourgeoise des promesses qu’elle adressait malfaiteurs, il croira que nous rappelons les et on ne le veut pas, parce que l’œuvre au peuple, et qui fait sonner aux oreilles des temps où il a succombé pour Dieu et pour la entreprise n’est pas une œuvre de hasard, de parvenus du libéralisme le glas de la question patrie. Mais non, il faudra lui répondre que circonstance ou de politique, mais une sociale. (Bravos. ) nous parlons d’aujourd’hui, et qu’après dix œuvre de sectaires longuement préparée ans passés sur sa cendre refroidie, ses yeux ne dans les loges de la franc-maçonnerie, La question sociale ! Il n’y en a pas, répond se sont un moment rouverts que pour voir ses commencée dès le lendemain de la guerre de le journal de M. Gambetta. Rabagas l’avait frères proscrits et ses bourreaux 1871, dans les discours où M. Gambetta allait, dit avant lui (rires):«Iln’yaquedespositions triomphants. (Bravos répétés. — Vivent les comme à Saint-Quentin, comme à la Ferté- sociales ; quand on n’a pas les meilleures, il Jésuites !) Dix ans, Messieurs, qui l’eût dit sous-Jouarre, ameuter les esprits contre les faut les prendre. » On les a prises ; on s’y alors, à cette heure tragique où l’indignation catholiques ; une œuvre enfin dont le trouve bien et on se bouche les oreilles, soulevait toutes les âmes, et où la France programme est devenu celui de toute sa vie témoignant une fois de plus que, suivant la épouvantée poussait à son réveil un long cri politique et qui porte un nom connu de toute parole de l’illustre P. Monsabré, le de repentir, d’espérance et de foi ? la France : c’est le programme de Romans. libéralisme révolutionnaire n’est qu’ « une société en commandite dont le capital se C’est la patiente réalisation Voilà la vérité. (Oui ! oui ! — compose de mensonges, et dont le but est Applaudissements.) On a pu varier les d’établir, sur les ruines des pouvoirs d’un plan savamment conçu, procédés, essayer tour à tour de la violence et renversés, une entreprise gouvernementale habilement poursuivi ; c’est de la modération ; on n’a jamais changé de qui profitera aux gros actionnaires. Tant pis la guerre à Dieu, légale et programme, et on poursuit avec persistance pour le peuple (R. P. Monsabré, Radicalisme le plan qu’on a tracé d’avance. Ce n’est pas contreradicalisme)».( Bravos.—C’estcela! ) méthodique, mais toujours l’emportement d’un jour, c’est un système de irréconciliable et acharnée ; gouvernement qui consiste à déchristianiser Voilà où nous en sommes. c’est la destruction la France pour mieux l’asservir, à mettre partout l’État à la place de Dieu, et, quand on Et il me reste, Messieurs, vous le progressive mais résolue aura suffisamment enguirlandé les électeurs pressentez, pour aller au bout de ce triste de la religion. de belles promesses et de bonnes paroles, examen, la tâche la plus douloureuse, celle quand on les aura étourdis par le mirage qui émeut le plus profondément mon cœur d’une prospérité factice et trompés par les et les vôtres ; il me reste à parler de la guerre Dix ans ! Et laissez-moi le dire, le apparences d’une modération intéressée, un religieuse déchaînée dans tout le pays. despotisme qui nous tient courbés a quelque système de gouvernement qui consistera, on chose de pire que celui qui nous menaçait l’espère bien, à se mettre soi-même à la place Je ne veux pas faire passer sous vos yeux le alors ; celui-là c’était l’explosion violente de l’État. lugubre et interminable défilé des violences, d’une criminelle folie, dont l’excès même des proscriptions et des ruines qui ont rempli compromettait le succès ; aujourd’hui c’est la Voilà la dictature qu’on nous prépare. l’année dernière. Je ne veux pas essayer un patiente réalisation d’un plan savamment récit incomplet de ces scènes déchirantes et conçu, habilement poursuivi ; c’est la guerre à C’était jadis la dictature de l’incapacité ; à jamais honteuses pour une nation, que Dieu, légale et méthodique, mais toujours aujourd’hui ce sera quelque chose de bien toute la France a connues, et dont le souvenir irréconciliable et acharnée ; c’est la plus redoutable, ce sera la dictature de ne s’effacera pas des âmes chrétiennes ni des destruction progressive mais résolue de la l’impiété. (Bravos. ) cœurs épris de la vraie liberté. (Jamais ! religion. (Oui ! oui ! C’est vrai ! ) Ce ne sont pas jamais!) seulement les moines proscrits et dépouillés, Sans doute la France chrétienne, la France c’est l’hospice et le bureau de bienfaisance honnête a protesté par d’admirables Un jour, Messieurs, nos enfants et nos transformés en instruments d’un parti résistances contre la tyrannie qui la presse ; neveux se refuseront à croire ce que nous politique ; c’est la sœur de Charité chassée du et je ne sais rien de plus beau, de plus avons vu : les asiles sacrés de la prière et de la chevet des mourants, l’administration du fortifiant que cette lutte entre la conscience charité attaqués en pleine paix, sans que rien culte livrée à l’autorité civile, le prêtre obligé et le despotisme, que cette nation qui défend dans ces cloîtres silencieux fût venu servir, je de se faire soldat, et le recrutement du clergé son âme contre l’esclavage, qui se dérobe ne dirai pas de provocation, mais de prétexte rendu presque impossible ; c’est par-dessus avec de superbes révoltes au joug qu’on lui à une telle surprise, obligés de se tenir tout la conjuration formée contre l’âme de propose, et qui, sentant sur son épaule la pendant un mois en état de défense, et nos enfants, la conjuration de l’article 7 et des main de ses vainqueurs, se redresse livrant enfin à la force, derrière leurs portes lois Ferry, les crucifix enlevés à coups de balai courageusement, s’enveloppe dans son brisées, leurs hôtes innocents, et, du même dans les écoles de Paris et jetés dans des honneur et s’écrie, comme cet orateur de 4 Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001

Rome au tyran qui le menaçait : « Quand tu politique ; elle est dans cette erreur pratique l’opinion. Je le veux bien ; mais d’abord n’est- m’arracherais la langue, mon âme, restée qui, s’appliquant à un pays déterminé, y tient ce rien que le mal qui se fait pendant qu’on libre, de son souffle seul repousserait ta tous les gouvernements pour également attend la réaction promise, et cette lente violence » (Bravo ! -— Applaudissements bons ; elle est dans cette insouciance qui les corruption que la loi promène dans le pays, prolongés.) Je ne sais rien de plus beau que ces accepte tous par une défaillance coupable, et avec tout son prestige et tous ses moyens protestations qui se multiplient sans cesse qui se réfugie dans le chimérique espoir de d’action ? Et je le dirai encore, Messieurs, — depuis deux ans ; rien de plus beau que ces trouver des expédients pour en tirer parti. je suis ici pour tout dire, — je redoute pour la juges qui demeurent jusqu’au dernier jour ()Bravos.—Applaudissements. France encore autre chose, et la réaction ne sous l’épée qui les menace, fièrement drapés me rassure pas plus que l’anarchie. Je le dans leur indépendance ; rien de plus beau C’est là qu’est l’indifférence politique, et répète, je ne veux pas être injuste pour mon que ces trois cents magistrats qui déposent c’est d’elle que l’illustre et à jamais regretté pays ; mais, après tant de révolutions, après leur toge pour ne pas courber leurs fronts... cardinal Pie (bravos prolongés ) a pu dire qu’elle tant et de si persistantes confusions, après (Très bien ! — Bravos ) ; rien de plus beau que ne sera jamais qu’une vaine formule. tant de changements, de systèmes divers ces sacrifices constants, ces dévouements « Quiconque, — ce sont ses propres paroles, tour à tour essayés et rejetés, je me demande, infatigables qui donnent à la défense — quiconque s’épuise à vous dire qu’il n’a pas Messieurs, ce qu’il adviendrait du brusque religieuse du pays ses ressources et ses d’opinion politique, et que le mieux est de revirement d’une opinion affolée par l’excès serviteurs. Cette lutte, Messieurs, cette n’en pas avoir, termine rarement son révolutionnaire, ce qui se passerait ce jour-là protestation de tous les catholiques, de tous discours sans vous démontrer qu’il en a une dans ce pays où la foi est si profondément les hommes de liberté contre le despotisme mauvaise et qu’il veut vous la faire partager troublée, où la notion du juste et de l’injuste a révolutionnaire, il faut qu’elle continue sans (Œuvres de Mgr Pie, évêque de Poitiers , t. II, p. reçu de si rudes atteintes, où l’habitude du trêve et sans repos : c’est le devoir, c’est 321). » (Bravos.—Applaudissements. ) fait accompli a pris un tel empire ! Je me le l’honneur, c’est le moyen de faire hésiter les demande avec effroi, et je ne suis pas sûr que persécuteurs, d’entraver leur marche, de Voilà ce que c’est que la neutralité l’indifférence politique ne nous mènerait pas retarder enfin autant que possible politique, et c’est pourquoi je dis qu’elle est alors tout droit dans les bras d’un sauveur l’exécution de leurs desseins. aussi impraticable que dangereuse. d’aventure qui, pour prix de l’ordre matériel, nous donnerait un despotisme nouveau. Mais je suis ici pour vous dire, parce que Une nation ne peut pas se passer de ()Trèsbien!trèsbien!—Applaudissements. c’est ma conviction, que ce n’est pas assez. gouvernement, et la forme qu’aura ce gouvernement, le principe sur lequel il Cette politique-là, cette politique de la Ce n’est pas assez, parce que cela ne résout reposera, le choix de celui qui en sera le réaction au hasard et sans principes, c’est la pas la question politique, et que, la question dépositaire, rien de tout cela ne peut être politique des catastrophes, et ce n’est pas la politique en suspens, c’est le lendemain plein indifférent, je ne dis pas à un homme qui mienne. (Très bien ! très bien ! ) Ce que je veux, de périls et d’incertitudes, c’est l’avenir du aime son pays, mais à un homme qui prétend c’est arrêter le mal, c’est prévenir la pays livré à tous les dangers que j’ai essayé de y vivre, parce que ce sont autant des catastrophe, et je dis que, pour cela, il faut un vous montrer ; je me trompe, c’est l’avenir du questions intimement liées à l’ordre social gouvernement ; que du choix de ce pays condamné à l’irrémédiable catastrophe tout entier, à la prospérité publique, à la gouvernement dépendent l’avenir et la morale et matérielle dont j’ai fait tout à sécurité du lendemain, à la paix de la sécurité du pays, et qu’il est du devoir de tous l’heure passer le tableau sous vos yeux. conscience et au repos de la famille. Et, si les hommes politiques, de tous ceux qui ont cette nation est la France, la question est plus quelque action sur l’opinion de leur temps, Voulons-nous abandonner notre patrie à la pressante, plus inéluctable encore, parce que de dire ce qu’ils pensent d’une si grave ruine, nos intérêts les plus chers à dans l’état où la Révolution l’a mise, le question, de tout faire pour éclairer leurs l’exploitation d’une politique coupable, nos gouvernement, l’ordre légal, a un si grand concitoyens et pour hâter l’heure de cette enfants à l’impiété, nous-mêmes à la empire, une puissance si accablante, que, s’il délivrance nécessaire. persécution ; nos champs, nos ateliers et nos est mauvais, s’il est vicié dans ses origines, usines à une législation qui les épuise ; nos dans ses doctrines et dans ses représentants, Nous périssons par la des- droits et nos libertés à un despotisme sans il a sur les destinées du pays une influence scrupule ; notre dignité, notre sécurité chaque jour plus funeste, et qu’il arrive une truction de nos croyances, nationale aux entreprises inavouées ? Ou heure où le despotisme de l’État finit par par l’éducation sans Dieu, bien, comme des citoyens pénétrés de leurs étouffer la révolte de la conscience. par le gaspillage de nos devoirs envers leur pays, comme des hommes jaloux de leur indépendance, comme des M. de Martignac a dit un jour cette belle finances, par le désordre chrétiens dévoués à leur foi, voulons-nous à parole : « C’est un grand mal dans un pays de notre administration, tout prix tenter un effort héroïque pour quand la loi ordonne ce que l’honneur par la crise économique. sauver notre patrie et nous sauver nous- défend : en France, c’est toujours la loi qui mêmes ? Voilà la question. (Mouvement. ) succombe ! » Messieurs, Dieu me garde de vouloir offenser mon pays ! Mais, laissez-moi Nous périssons. Voilà la vérité... (Oui ! oui ! Messieurs, je n’ai jamais compris vous le dire, quelle que soit encore sa vigueur — Très vrai) et le cri d’alarme de tous les bons l’indifférence politique. Je sais très bien, et morale, quelque ressource qu’il y ait dans citoyens. Nous périssons par la destruction tous les catholiques savent avec moi que, si la l’énergie de sa conscience, je ne crois pas qu’à de nos croyances, par l’éducation sans Dieu, soumission à la loi divine est la condition l’heure où nous sommes cette parole soit par le gaspillage de nos finances, par le essentielle qui s’impose à tous les vraie. La loi, la légalité a chez nous une désordre de notre administration, par la crise gouvernements humains, Jésus-Christ n’a puissance presque sans bornes, et, quand elle économique. Il n’y a personne parmi les plus pas cependant dicté aux nations chrétiennes est maniée par des hommes que le scrupule timides, parmi les plus indifférents, qui ne le la forme de leur constitution politique, et n’arrête pas, elle devient une oppression plus croie et qui, rentrant à son foyer, après ses que c’est là une question libre au-dessus de forte que toutes les protestations. L’honneur affaires ou ses plaisirs, ne répète avec l’accent laquelle l’Église demeure immuable dans sa se révolte et s’indigne sans doute, mais la loi de la douleur, de la colère ou du constitution divine. Si l’indifférence impose silence à ses gémissements, et, quand découragement : Nous périssons ! politique était là, s’il s’agissait d’une thèse une pareille expérience a été faite souvent, aussi manifeste pour un esprit chrétien, je quand la terreur s’ajoute à la lassitude, alors, Eh bien ! Messieurs, je ne consentirai pas, n’en parlerais que pour y souscrire. Je dirai Messieurs, oui, je l’avoue, je crois que quant à moi, à m’asseoir sur le tombeau de la davantage : si l’indifférence politique n’était l’honneur peut succomber... C’est le règne du France ! (Bravos ! — Applaudissements que la préoccupation exclusive, chez ceux despotisme... (Bravo ! — Mouvement prolongés.) Nous périssons parce que nous ne qui en ont la garde, d’intérêts sacrés plus prolongé), et, quand je parle du despotisme de voulons pas nous sauver, et que nous sommes hauts que les intérêts humains, je n’élèverais la légalité dans l’année qui a vu l’application un peuple partagé en deux parts : l’une qui pas la voix pour la condamner. Mais ce n’est des lois existantes, je ne crois pas que je parle s’endort au lendemain de chaque tempête, pas là, ce n’est pas dans cette affirmation d’une chimère. (Non ! Non ! Bravo ! ) Cela ne sans souci de la tempête du lendemain, sous d’un principe certain, dans ce sentiment d’un dure pas ! me dit-on, et l’excès même de la la tente qui lui offre un abri de passage ; devoir supérieur, qu’est l’indifférence tyrannie amène tôt ou tard un réveil de l’autre qui use ses forces contre la Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001 5

militaire, pour proposer l’article 7, pour France en la déchirant en lambeaux ; je dis Si nous laissons les détruire pièce à pièce l’enseignement qu’il n’y a pour nous que la perpétuelle et générations qui grandissent supérieur et secondaire, pour expulser les mortelle oscillation de l’anarchie au religieux, pour décréter l’enseignement sans despotisme. entre les mains de la Dieu ? Ont-ils attendu d’avoir un prétexte République, elle tuera en pour déchaîner la guerre religieuse, pour La tradition nationale, Messieurs ! son elles l’âme de la France. exciter contre les catholiques toutes les prestige a tenté tous ceux à qui Dieu a permis mauvaises passions et pour donner en mot de commander un jour à notre pays, et ils en Révolution, sans point d’appui suffisant pour d’ordre à leurs troupes : « Le cléricalisme, ont si bien senti la puissance, que tous ont la vaincre, et qui roule ainsi sans espoir le voilà l’ennemi ! » voulu s’y rattacher par quelque lien, en rocher sous lequel elle retombe épuisée. essayant de cacher la pauvreté de leur Messieurs, je parle aux uns et aux autres, mais En vérité, quand on entend les hommes berceau avec un bout du manteau dont les peut-être à ceux-ci plus encore qu’aux qui, depuis dix ans, poursuivent la religion siècles ont couvert les épaules de la France... premiers, et je leur dis : Il n’y a plus d’illusion, d’une haine insensée, parler de (Bravos. — Applaudissements ) : tous, l’empire, plus d’hésitation possible ! Si nous laissons compromissions regrettables et prétendre qui se donnait, avec l’éclat passager de ses les générations qui grandissent entre les rejeter sur nous la responsabilité de la guerre institutions, comme la forme nouvelle de mains de la République, elle tuera en elles qu’ils ont allumée ; quand on songe que ce l’antique monarchie ; tous, et la République l’âme de la France. Hâtons-nous ! (Oui ! oui ! ) sont les hommes de Romans, de l’article 7 et elle-même, qui se cherche des titres dans les Le temps presse ! Le mal est déjà profond, du 29 mars qui jouent cette comédie, en ruines qu’elle a faites, et jusqu’à M. Jules demain il pourrait être sans remède. vérité le sang monte au visage, et on se Ferry, qui, s’étant un jour affublé d’une loi demande qui donc ils se flattent d’abuser ? ramassée dans les décombres de l’ancien J’ai le droit, Messieurs, de tenir un pareil ()Bravos.—Applaudissementsprolongés. régime, s’est pris pour un successeur des langage, et je suis, en parlant ainsi, dans une monarques d’autrefois. (Rires ironiques. — incontestable légalité ; la constitution qui a Non, Messieurs, les confusions qu’on Applaudissements.) organisé la République est revisable, c’est-à- invoque, nous les dissipons à l’avance ! Le dire qu’elle peut être modifiée, non prétexte qu’on cherche, nous en repoussons La tradition nationale ! on n’est pas libre de seulement dans ses détails, mais dans la la prétention ! la dénaturer et de l’invoquer à son gré : elle forme même du gouvernement : les s’est façonnée dans le sillon des siècles, et déclarations les plus formelles et les plus La persécution ne tient pas à notre silence depuis quatorze cents ans elle porte un nom explicites ont établi de cette manière le sens ou à nos discours : les causes en sont ailleurs qui la résume tout entière, avec ses grandeurs de l’article 8 des lois constitutionnelles, et et bien autrement profondes, et les effets en et ses revers, avec ses origines et ses consacré à cet égard un droit absolu. C’est sont venus à ce point que ce qui doit nous transformations successives : elle s’appelle la aux Chambres qu’il appartient d’en faire occuper devant cet incendie déchaîné de royauté française. (Bravos répétés. — usage dans des conditions déterminées, et, toutes parts, c’est de courir aux pompes pour Applaudissements.) Voilà pourquoi, voilà dans une année qui sera marquée par les le tarir dans sa source ! L’heure des comment je suis royaliste. Je le suis dans la élections législatives, qui se terminera par un ménagements illusoires est passée : ce qu’il sincérité de ma conscience de catholique et renouvellement du Sénat, c’est le droit des faut, c’est opposer au mal un remède de Français... (Oui ! oui ! — Bravo ! ), sans rien citoyens de se préoccuper de cette question énergique, et je n’en connais qu’un ; ce qui confondre et sans rien séparer de tout ce qui de revision, c’est le devoir des hommes presse, c’est d’empêcher la ruine de la patrie fait battre mon cœur d’amour, d’espérance et publics de dire ce qu’ils en pensent, s’ils la et des choses saintes, et je ne sais qu’un de foi ! croient nécessaire et comment ils moyen d’y réussir, c’est de donner à la France l’entendent. un gouvernement qui la sauve. (Bravo ! Messieurs, il faut aller jusqu’au bout ; nous bravo !) Quel sera ce gouvernement ? Encore voulons le roi, et non pas seulement un roi. La revision ne serait qu’un mensonge si un une fois, voilà la question. Pourquoi, et qu’est-ce donc que le roi ? tel droit pouvait nous être refusé, et nous manquerions, nous royalistes, à notre Messieurs, « la forme sociale et politique Je pourrais vous parler de sa personne, du honneur, à notre loyauté, à notre sincérité, si dans laquelle un peuple peut entrer et rester charme qu’il exerce, de l’attrait qu’il inspire, nous ne disions pas nettement à cette heure n’est pas livrée à son arbitraire, mais de l’étreinte qui serre le cœur quand, après solennelle pourquoi nous adjurons notre déterminée par son caractère et son passé l’avoir vu et entendu, il faut quitter cette pays de repousser la République et (Taine, Les Origines de la France demeure de l’exil où il semble qu’on laisse d’acclamer la Monarchie. (Bravo!bravo! ) Contemporaine : l’ancien régime,p.III dela derrière soi l’âme de la France. (Sensation. ) Je Préface). » (Bravo ! bravo ! ) Ce n’est pas moi pourrais vous dire longuement tout cela, et Sans doute, si nous étions en face qui le dis, ce n’est pas un catholique, ce n’est ce ne serait pas satisfaire une vaine curiosité ; d’hommes trompés et sans partis pris, qui pas un royaliste, c’est M. Taine qui l’écrit car enfin, dans un temps où les hommes n’eussent d’autre souci que de défendre leurs avec sa bonne foi habituelle. Voilà la vérité ! pèsent dans la balance d’un poids si lourd, institutions politiques, nous pourrions dans un temps où l’on parle couramment de hésiter à faire une pareille déclaration, dans La France n’est pas née d’hier ; ce n’est pas la dictature de M. Gambetta, c’est bien la crainte de paraître, malgré nous, donner un un peuple neuf, improvisé sur une terre quelque chose que ce prestige du dehors et ce prétexte à nos adversaires pour aggraver la vierge, c’est une antique nation, dont le nom décor extérieur du commandement. persécution religieuse. Car ce serait une et les actes ont rempli l’histoire pendant grande responsabilité que d’accroître le quinze siècles, et qui a trouvé sur sa route, Je pourrais vous dire ce que j’ai vu quand je malentendu, d’entretenir la confusion et dans ce long chemin parcouru, assez de gloire suis allé à Frohsdorf : je n’y suis pas allé d’être ainsi pour quelque chose, à notre insu et de douleurs pour que ses fils soient seulement pour y porter un hommage de même, dans les maux de l’Église. passionnément attachés au souvenir des unes respect et de fidélité ; je n’y suis pas allé non et des autres, et pour qu’il ne leur soit pas plus en conspirateur ; j’y suis allé dire tout ce Mais, je vous le demande, en sommes-nous permis, sous peine de renier le nom de leurs que je viens de répéter ici loyalement et au là ? Y a-t-il une confusion et un malentendu ? pères, de répudier ce passé plein d’honneur. grand jour, dans le libre exercice d’un droit (Non ! non ! ) Est-ce que les hommes que nous ()Bravo!Bravo!—Viveleroi! que, cette année, les élections et les avons en face de nous ne sont pas des perspectives de revision rendent plus sectaires qui ont entrepris sciemment, Ce passé, cette histoire illustre, c’est la immédiat que jamais ; et ce que j’ai trouvé, je volontairement, la guerre religieuse, qui l’ont tradition nationale, et je dis que c’est là qu’est vais le dire : j’ai trouvé un prince étudiée comme une science, qui en ont fait le le fondement nécessaire de la constitution admirablement chrétien dans sa vie, dans son drapeau de leur vie politique et le politique ; je dis que, hors de là, il n’y a que caractère et dans ses principes, uniquement programme de leur gouvernement ? Quoi ! des expédients, des remèdes d’empirique, occupé de deux pensées : la France et son nous leur donnerions un prétexte ! Mais ont- des préoccupations personnelles ou des devoir... (Bravo ! bravo ! ) ; pénétré de nos ils attendu d’en avoir un pour chasser les calculs d’égoïsme. Je dis que, hors de là, il n’y besoins et des conditions actuelles de la Frères et les Sœurs, pour abolir l’aumônerie a qu’une route semée d’abîmes et société, prêt à gouverner et sachant que, d’escarpements, sur laquelle on traînera la pour faire son œuvre, pour réformer les 6 Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001 mœurs et les institutions sociales de ce pays, sans responsabilité qu’on appelle le nombre, qui domine, ce qui éclate, je le répète, c’est la il faut d’abord lui donner un gouvernement je vous le demande, depuis que nous vivons déception et le sentiment profond de la fort, qui rétablisse l’ordre et la paix publique, sous cet empire redoutable, qu’y avons-nous banqueroute révolutionnaire. (Très bien ! très qui fasse taire ceux qui les troublent et qui gagné ? bien !) A ce peuple on a tout promis : la rende à tous la sécurité du lendemain. J’ai puissance, la richesse et l’indépendance. On trouvé, si je puis ainsi parler, un prince qui est Ah ! je sais bien ce que nous y avons perdu. ne lui a donné que le masque d’une un honnête homme et un homme de L’autorité d’abord, l’autorité qui se meurt, souveraineté chimérique, et, derrière ce gouvernement. Je pourrais dire : Voilà ce que qui est brisée partout, dans la vie sociale, masque, il n’y a qu’un esclave, un esclave qui c’est que le roi ; et, dans la crise qui nous dans l’école, dans l’atelier, et qu’on a porte sur ses épaules les politiciens dont il a menace, ce ne serait pas peu de chose. remplacée par l’arbitraire, qui est l’autorité fait la fortune... (Bravos. — Applaudissements ), des despotes : l’arbitraire dans le un esclave qui appartient corps et âme à la Je pourrais vous dire plus encore... gouvernement, l’arbitraire dans l’éducation, fournaise industrielle où on le jette comme Messieurs, je me souviens d’un magnifique l’arbitraire jusque dans la loi. une marchandise. discours de M. Thiers au Corps législatif de l’empire : il parlait de la question romaine, et, Voilà le plus grand mal, la On a tout promis à l’ouvrier. Mais son dans un superbe mouvement, après avoir repos, sa santé, sa vieillesse, son foyer, son énuméré la multitude de catholiques, après plus grande ruine que nous avenir, ses intérêts professionnels, qui s’en avoir dit que leur culte était le vieux culte de aient faite les gouverne- soucie ? Après quatre vingt- dix ans, on en est la patrie et qu’il en avait béni les gloires et ments révolutionnaires. à discuter s’il est convenable de lui rendre inspiré le génie, il s’arrêta tout à coup sur ces une parcelle du droit d’association que la mots : « Je pourrais vous dire tout cela ; mais Ils ont tué l’autorité. Révolution lui a ravi ; et c’est tout ce qu’on non, Messieurs, je ne vous ne le dirai pas, car sait faire pour essayer de résoudre cette il y a quelque chose de plus respectable que le Messieurs, voilà le plus grand mal, la plus question sociale, cette question économique nombre, que le génie, que la gloire : c’est le grande ruine que nous aient faite les qui est la question vitale du temps moderne, droit. » gouvernements révolutionnaires. Ils ont tué qui s’impose à tous les gouvernements de l’autorité, et du même coup ils ont tué la l’Europe, et dont l’intérêt public devrait au Moi aussi, je pourrais vous dire que le roi liberté ; car ce sont deux compagnes moins, à défaut du sentiment de la justice, c’est l’incarnation de toutes les vieilles inséparables, et, dans une société fondée sur faire comprendre l’importance. gloires de la France ; mais j’aime mieux vous l’oubli des droits de Dieu, la confusion dire qu’il est quelque chose de plus grand, de s’établit sur tous les droits humains, de telle Messieurs, j’ai nommé la justice. Où est- plus auguste, de plus fort : il est le droit. sorte que la porte est ouverte tour à tour, et elle, à l’heure où je parle ? Elle est comme la ()Bravo!bravo!Viveleroi! quelquefois tout ensemble au despotisme et liberté ; elle est comme l’autorité, elle est à l’anarchie. (Trèsbien! ) morte, la Révolution l’a tuée. (Sensation. ) Et Le droit, Messieurs, fondé sur l’antique quand un gouvernement, qui n’a pour lui ni la alliance de la nation française et de la Voilà ce que nous avons perdu, et, je le tradition nationale, ni l’antiquité des services monarchie, sur cette alliance que n’ont pu répète, qu’avons-nous gagné ? C’est au rendus, ni l’éclat de la gloire, ne donne pas rompre les violences sanglantes d’un peuple peuple surtout qu’il faut le demander ; c’est même l’autorité, ni la liberté, ni la justice, je égaré, ni les votes de circonstance, émis sous aux faibles, à ceux qui souffrent, à ceux qui le demande, de quoi peut-il se prévaloir ? la pression d’événements astucieusement travaillent ; car c’est à eux que la Révolution a préparés ; le droit, que son représentant tout promis, et c’est dans leur sang que la Voilà la seconde raison pour laquelle je suis injustement déchu n’a pas cessé d’affirmer et République a assis son trône. royaliste. C’est qu’à l’abri du droit, du de revendiquer par ses nobles protestations principe qui m’apporte la stabilité, c’est-à- chaque fois que la France a changé de caprice Messieurs, je ne suis pas un enfant du dire la sécurité du lendemain, je suis sûr de ou de meneurs ; le droit, dont l’empire est si peuple ; mais, permettez-moi de le dire, j’ai voir renaître et se rétablir, à tous les degrés de grand que ceux même qui le foulent aux pieds vécu assez près de lui pour le connaître et l’échelle sociale, l’autorité, l’autorité forte et n’osent pas en renier la puissance, et qu’ils avoir le droit d’en parler ; depuis dix ans, paternelle, parce qu’elle a confiance dans sa forgent à leur usage, plutôt que d’avouer leur depuis le lendemain des grandes légitimité ; je suis sûr de retrouver la liberté usurpation, un droit de fantaisie qui catastrophes de 1871, j’ai vécu tout entier au dont j’ai besoin, non pas la liberté de tout s’appellera peut-être demain l’élection service d’une idée, le salut de la classe faire, de tout dire et de tout écrire, que je ne dictatoriale ! (Trèsbien! ) ouvrière... (Bravos énergiques ), son salut moral désire pas parce qu’elle n’est presque et le progrès de sa condition matérielle, tous toujours que la liberté du mal... (Très bien ! très Messieurs, la force est une nécessité de deux inséparables dans ma conviction. J’ai bien !), mais la liberté de la conscience, la gouvernement, et je ne suis pas de ceux qui vécu, je devrais dire nous avons vécu, car je ne liberté de la famille, la liberté individuelle croient qu’il faille s’en passer. Mais la force suis qu’un des soldats de l’armée catholique que la république me retire... (C’est vrai ! c’est n’est pas un principe : nous avons connu son qui s’est consacrée à cette tâche, nous avons vrai !) ; je suis sûr enfin de voir entreprendre règne, et la gloire, pendant un temps, lui a fait vécu courbés, pour ainsi dire, sur cette la grande œuvre de justice que le peuple cortège... La gloire a succombé, la force s’est pensée unique : servir la cause des attend depuis un siècle et à laquelle vient émoussée, et le gouvernement s’est écroulé travailleurs. (Bravo ! bravo ! — nécessairement aboutir toute la politique tout entier. La force, c’est toujours un Applaudissements.) contemporaine : œuvre, immense et homme, et, quand l’homme tombe, il n’y a magnifique, qui est faite pour tenter plus rien. Et si la force est impuissante, est-ce Nous avons entendu leurs plaintes, nous l’ambition d’un roi, quand ce roi se sent l’âme l’acclamation populaire, est-ce la majorité avons vu leurs souffrances, et, au fond de tous assez haute pour l’envisager sans effroi. des suffrages avec tous ses caprices, toutes ces cœurs trompés, fatigués de la lutte ses faiblesses et tous ses entraînements qui politique, nous avons trouvé un immense Certes, je ne veux pas dire que la sera le fondement du pouvoir, ou bien la découragement et le vide d’une profonde monarchie suffise à elle seule pour résoudre révolte heureuse ou l’émeute triomphante déception. Sans doute le grand nombre ne la question sociale, mais je dis qu’elle seule avec ses excès ou ses passions ? La majorité, voit pas la vérité, et il y a dans les âmes peut y travailler avec fruit, parce qu’elle est la c’est le droit quand elle dit :oui ; quand elle populaires des montagnes de préjugés base nécessaire de tout l’ordre politique ; je dit :non, on l’invalide. ( Rires ironiques. — inexpliqués, de haines aveugles, de ne dis pas qu’elle la résoudra en un jour, mais Applaudissements.) L’émeute, c’est le droit ressentiments injustes, qu’y ont accumulé la je dis qu’elle y travaillera sans relâche, quand elle réussit ; quand elle échoue, c’est corruption systématique, le défaut honnêtement, loyalement, non pas avec des un crime ! d’éducation morale, et, il faut bien le dire phrases, des promesses et des formules aussi, de notre part à nous, l’oubli du devoir théoriques, mais avec des principes et des Messieurs, nous avons connu tous ces social. institutions, avec des encouragements aux régimes, et, depuis si longtemps que, pour ne hommes de bonne volonté, avec le concours pas reconnaître un roi, nous nous livrons à ce Mais dans ces âmes troublées, que l’appât pratique des hommes spéciaux. Je le dis souverain terrible, tour à tour esclave et des biens terrestres a violemment parce que la monarchie que j’attends pour tyran, à ce souverain sans nom, sans corps et détournées des croyances surnaturelles, ce mon pays porte avec elle un principe qui Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001 7 rassure mon âme à l’avance et lui donne une promené la Révolution, l’exemple, qu’il lui matériel, mais à tous les hommes de travail, confiance absolue dans son programme : elle doit en retour, de la Révolution vaincue par de foi, de liberté, qui sont soucieux de leurs est la monarchie chrétienne. (Bravos le Christianisme. (Très bien ! très bien ! — intérêts, de leur religion, de l’éducation de redoublés. — Applaudissements prolongés.)Oh! Applaudissementsprolongés.) leurs enfants, qui ont besoin, pour vivre, de la Messieurs, je sais bien ce qu’on dit ; je sais paix, de la prospérité, de la sécurité du bien par quel argument on nous combat. La Voilà ce que j’appelle la monarchie lendemain, à tous ces hommes de bonne monarchie chrétienne, on dit que ce sera le chrétienne, et c’est la troisième raison pour volonté, je dirai : Qu’attendez-vous pour gouvernement des curés, la dîme rétablie, les laquelle je suis royaliste. Je le suis parce que venir à nous ? (Bravos. — Acclamations. — droits féodaux et les privilèges de la noblesse j’aime passionnément mon pays, parce que, Viveleroi!) restaurés. Voilà ce qu’on dit, et ceux qui le suivant la parole de Berryer, je suis patriote, croient le moins sont ceux qui le font croire très bon patriote. (Vive le roi ! Vive M. de La monarchie est là toute prête, avec un roi aux autres... (Bravos ) ; on se sert d’un Mun!) chrétien, honnête et loyal, avec des princes mensonge comme d’une arme politique, et unis derrière lui dans une commune pensée on sait bien que c’est un mensonge. Messieurs, j’ai trop abusé de votre de patriotisme ; la monarchie avec son attention, et je me hâte de finir ; j’ai tâché de principe de stabilité, ses traditions, les Mais c’est assez qu’on le dise pour que nous vous dire pourquoi la monarchie m’apparaît preuves de son passé ; et, en face, ilyala ayons, nous, le devoir de le démentir sans comme le seul et nécessaire port de salut. Je république avec la guerre à Dieu, la sécurité cesse, d’abord en y opposant la parole même regarde autour de moi, et je ne vois plus menacée au dedans et au dehors, l’anarchie du prince qui l’a cent fois donnée, puis, même d’abri provisoire qui puisse tenter les dans l’armée, dans la justice, dans comme cela n’embarrasse pas les trompeurs hésitants ; je n’en vois plus d’aucune sorte. La l’administration ; la république avec sa de profession, en y répondant par l’évidence, république conservatrice ? (Rires ironiques. ) tyrannie, sa mobilité, et, elle aussi, avec ses en répétant que l’ancien régime est mort avec Nous l’avons vue avec M. Thiers ; elle est traditions et les preuves de son passé... ce qu’il avait de bon, et avec les abus qui s’y venue s’évanouir dans les bras de M. Barodet. (Bravos redoublés ) : mais la république, faites-y étaient introduits ; et que, s’il est vrai M. Dufaure a essayé d’en relever les débris ; bien attention, où tout le monde s’unit pour qu’après un siècle de révolution, nous avons ils sont tombés avec lui, et il n’a plus trouvé, combattre, à l’heure du péril, autour du chef besoin d’une réorganisation sociale, il ne l’est pour sa sincérité religieuse, d’autre ressource et du drapeau commun, tous, radicaux et pas moins qu’elle ne peut être faite que que de mettre son éloquente parole au modérés, intransigeants et opportunistes, lentement, par un accord intime entre la service des causes justes et saintes tous, sans distinction de nuances, d’opinions tradition et les conditions actuelles de la persécutées par la république. M. de et de préférences. Voilà ce que je demande. société... (Très bien ! ) ; et, quand au Freycinet disait à Bordeaux, en 1878, qu’il Je demande que nous suivions cet exemple gouvernement des curés, je crois pouvoir voulait une république où l’on ne blessât ni fécond et que tous, chrétiens et dire que les évêques et le clergé n’ont pas plus les personnes ni les intérêts, où l’on fût conservateurs, hommes de foi, d’ordre et de envie de se charger du fardeau de tolérant et conciliant ; étant devenu chef du liberté, nous oubliions les nuances, les l’administration civile que le roi celle de le pouvoir, il a chassé les Jésuites... (Rires opinions, les préférences qui nous divisent leur offrir, et que nos vœux se bornent à voir ironiques) ; puis il a cru qu’ayant fait la part du pour nous rallier autour du roi et du drapeau l’un et l’autre pouvoir dans une harmonie feu, ayant sacrifié un nombre respectable de la monarchie nationale. (Bravos. — dont la république elle-même, si j’en crois la d’innocents, il pourrait gouverner sans faire Applaudissementsprolongés.—Viveleroi!) renommée, paraît quelquefois sentir le de victimes nouvelles ; c’est à quoi se besoin. (Riresironiques.—Applaudissements. ) réduisait alors la république conservatrice. Je le demande, Messieurs, dans toute (Nouveaux rires. ) M. de Freycinet est tombé l’ardeur de mon patriotisme, dans la sincérité Messieurs, il faut bien répondre à ces sous cette illusion. On dit que M. Gambetta d’une conviction que les événements accusations, mais il faut aussi parler est devenu aujourd’hui le représentant de la fortifient chaque jour, heureux si ma voix sérieusement et dire ce que c’est que la république conservatrice... Voilà ce qui nous peut être entendue de quelques-uns et si je monarchie chrétienne ; pour moi c’est, en reste ; et déjà, pendant qu’on offre au pays puis, par mon exemple et pour ma faible part, deux mots, un pouvoir soumis à la loi divine, cette extrémité comme une ressource contribuer à former, pour le salut de la qui fait respecter Dieu et qui laisse l’Église suprême, la Commune relève partout sa tête France chrétienne, la grande armée de la libre dans son culte, dans sa parole, dans ses triomphante, les amnistiés s’assoient dans conservation sociale, à qui la tradition des institutions et dans son gouvernement. l’Assemblée nationale, et la république de siècles a légué ce cri de ralliement, qui vaut (Bravo ! bravo ! ) C’est un pouvoir honnête et demain montre son visage à travers les tout un programme : Dieu et le roi. soucieux du bien-être de ceux qu’il gouverne, mailles largement ouvertes de la politique (Bravos.— Longue salve d’applaudissements. — qui épargne leurs finances et protège le opportuniste. Je demande, après cette Vive le roi ! — Vive M. de Mun ! — L’orateur est travail national ; c’est un pouvoir dont expérience de dix ans, ce qu’on attend pour entouréetvivementfélicité.) l’ambition est le bien public, et qui appelle à se convaincre. (Bravos. ) lui, pour l’aider à le faire, tous ceux qui 9 veulent et qui peuvent y contribuer, sans L’empire, Messieurs, l’empire est mort, distinction d’origine, sans préoccupation du mort dans une catastrophe sans égale, qui a Ce discours souleva dans la presse entière passé, à cette seule condition d’apporter avec trouvé nos cœurs d’autant mieux ouverts à une vive émotion. Accueilli avec un véritable eux une entière bonne volonté et une une respectueuse sympathie, qu’en nous enthousiasme par l’Univers et par le plus parfaite loyauté... (Très bien ! très bien ! — Vive inclinant devant ce grand deuil d’un parti grand nombre des journaux catholiques des le roi !) ; c’est un régime dont celui qui en est nous pouvions saluer en même temps une départements aussi bien que par l’Union et pour nous l’auguste représentant a donné lui- gloire de plus pour l’histoire nationale. (Très par tous les organes du parti légitimiste, il même la formule, quand il a écrit cette bien !) L’empire est mort, car ce n’est pas vivre fut, au contraire, violemment attaqué par la magnifique parole:«Ilfaut, pour que la que d’avoir un représentant renié par tous presse républicaine et libérale, à laquelle France soit sauvée, que Dieu y rentre en ceux qui veulent sauver la religion et l’ordre firent malheureusement écho, avec plus de maître pour que j’y puisse régner en roi. » social. (Bravos. ) modération dans la forme, quelques journaux ()Bravosetapplaudissementsprolongés. catholiques de Paris. Des récits fantaisistes, Eh bien, aux désabusés de la république qui où la vérité était dénaturée, présentèrent Voilà comment je conçois la monarchie ne veulent pas de ses violences et qui l’attitude de M. de Mun et les motifs qui chrétienne, et, permettez-moi de vous le n’espèrent plus dans sa modération, aux avaient inspiré sa conduite sous un jour dire, j’y vois quelque chose de plus encore : j’y survivants de l’empire qui demandent un absolument faux. Une polémique ardente vois ce pays reprenant dans le monde son gouvernement fort, un gouvernement s’ensuivit et se prolongea pendant plusieurs rang et son prestige par la dignité de son d’ordre et d’autorité, et qui gardent semaines. langage et de sa conduite, imposant aux pieusement dans leur cœur la mémoire des empires voisins, par le grand nom du roi de princes qu’ils ont perdus, aux conservateurs M. de Mun ne voulut y prendre aucune France, le respect et la confiance, se plaçant enfin de tous les partis de la nation, non pas à part ; il trouva d’ailleurs une suffisante avec lui à la tête des gouvernements ceux qui sont prêts à s’accommoder de tous compensation à ces attaques injustifiées conservateurs et montrant à l’Europe, où il a les régimes en échange d’un peu d’ordre dans la lettre suivante, dont M. le comte de 8 Les documents contrerévolutionnaires no 20 — Décembre 2001

Chambord daigna l’honorer : «HENRI .» - Librairie Saint-Louis, C. P. 49604, 5122 Côte-des-Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, « Goritz, 25 mars 1881. Peu de jours après la publication de cette Canada. lettre, M. de Mun recevait de M. le comte de « Je n’attendais pas moins de vous, mon Chambord la mission d’organiser par toute la - Bibliothèque Saint-Michel, 201 rue cher de Mun. Le discours que vous venez de France un large mouvement de propagande Sainte Christine, 83000 Toulon, France. prononcer à Vannes est bien celui de royaliste. MM. Lucien Brun, sénateur, et le Tél./Fax : 04 94 03 16 74. l’homme qui, mesurant l’étendue du péril vicomte Mayol de Lupé, rédacteur en chef de social, avait tant de fois déjà trouvé dans son l’Union , donnèrent, par deux grandes - Les Amis de Jeanne d’Arc,85rue patriotisme le courage de dire à la conférences, le signal d’une campagne à Petit, 75019 Paris, France. Tél. : 01 40 03 96 Révolution ce qu’elle est et à la contre- laquelle prirent part les orateurs les plus 35, fax : 01 40 03 96 50. Association fondée en révolution ce qu’elle doit être. C’est avec une autorisés et les plus brillants du parti. 1953 sous la présidence d’honneur du général grande joie que je m’associe à votre nouveau Alimentée constamment par des banquets, Weygand> . Sa mission est de « prolonger la triomphe et que je vous adresse, avec mes des meetings, des réunions publiques et mission de la Sainte de la Patrie par la prière félicitations les plus vives, mes privées, soutenue par une large diffusion de et l’apostolat » (mandat fixé par Pie XII), et remerciements les plus sincères. brochures et d’écrits politiques, cette d’« approfondir la connaissance de Jeanne campagne se prolongea pendant deux ans, d’Arc sous tous ses aspects : scientifiques, « Tout est vrai dans le tableau que vous sous la direction de M. de Mun, artistiques, moraux, mystiques ». faites de la prospérité factice de nos finances puissamment secondé par un jeune magistrat et de la situation lamentable de notre démissionnaire, M. de la Guillonnière, - Faits & Documents, lettre d’infor- industrie, de notre agriculture. Tout est vrai jusqu’au moment où la maladie et la mort de mations confidentielles d’Emmanuel Ratier, dans le récit indigné de ces expulsions M. le comte de Chambord vinrent, en l’un des hommes les mieux informés. Pour d’humbles et saints religieux qu’entourait le modifiant les conditions de la lutte politique, savoir ce qui se passe dans les coulisses respect de tous, et que l’on a chassés comme y mettre nécessairement un terme. révolutionnaires (franc-maçons, sectes, de vils malfaiteurs au nom de la civilisation. mondialistes, lobbies cosmopolites...) aussi Dans l’intervalle, les élections législatives bien que chez les contrerévolutionnaires. BP « Vous n’avez pas oublié, et je vous en avaient eu lieu le 21 août 1881. 254-09, 75424 Paris cedex 09, France. remercie, de saluer en passant ces hommes L’arrondissement de Pontivy, en raison du Tél./fax : 01 40 16 80 92 ; http://www.faits-et- de désintéressement et de sacrifice, chiffe de sa population, avait été scindé en documents.com. l’honneur de la magistrature, qui ont deux circonscriptions. A la suite d’une noblement refusé d’abaisser leur conscience réunion du comité royaliste du Morbihan, la au caprice de l’injustice et de l’impiété première fut attribuée à M. le comte triomphantes. L’estime publique leur est Lanjuinais, et la seconde (comprenant les 99 acquise ; qu’ils comptent aussi sur ma plus cantons du Faouët, de Gourin et de vive reconnaissance. Guéméné), réservée à M. de Mun, qui y fut Prière à saint Michel Archange élu par 4476 voix contre 3560 données à M. le « Mais si vous avez dit vrai, dans la triste Fur, paysan du canton de Guéméné et Saint Michel Archange, défendez-nous énumération de nos abaissements et de nos républicain exalté, que ses adversaires dans le combat ; soyez notre secours contre humiliations, vous n’êtes pas moins heureux avaient cru habile de lui opposer. la méchanceté et les embûches du démon. quand vous indiquez le remède à tant de « Que Dieu lui commande », nous le maux. Avec la monarchie traditionnelle, ce La nouvelle Chambre se réunit à la fin demandons en suppliant ; et vous, Prince de qui signifie la monarchie chrétienne, vous d’octobre 1881, et l’élection de M. de Mun fut la milice céleste, repoussez en enfer, par la vous faites fort de résoudre tous les validée sans débat dès la première séance. puissance divine, Satan et les autres esprits problèmes contemporains, et vous avez mauvais qui rôdent dans le monde pour raison. perdre nos âmes. Ainsi soit-il. (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la « Que l’indifférence en matière politique se Y Y Y récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, scandalise da la netteté de vos affirmations, communion, visite d’une église avec prière aux intentions du que les pusillanimes s’en effrayent, que les SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) révoltés s’en indignent, je le comprends, la Ouvragesrecommandés vérité est toujours importune aux époques de Au terrible torrent de boue constitué par les troubles et de défaillance ; mais quand • Abbé Vial,Jeanne d’Arc et la monarchie , livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, l’erreur, sous mille formes diverses, se réédition Expéditions pamphiliennes. sans autre but, sous leur forme éloquente et leur produit de toutes parts et au grand jour, sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et n’est-ce pas pour nous un devoir d’affirmer le • Henri, Comte de Chambord, Textes d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en droit, la justice, la vérité, et d’opposer à politiques, 1995. Disponible à la SA D. P. F. peut être assuré, est de leur opposer des écrits l’audace du mal la probité et l’honneur ? salutaires et de les répandre. • Jean Vaquié, Les origines et les finalités « Il s’agit de savoir si le monde doit surnaturelles de la monarchie française, S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. retourner à la barbarie et s’il ne doit pas réédition Éditions Saint-Rémi, 2000. 9 demander compte à la Révolution de ses • Bernard Basse, La constitution de l’ancienne Les documents contrerévolutionnaires exécrables forfaits. Il s’agit de savoir si la reproduisent des textes de doctrine et France, Dominique Martin Morin, 1986. d’histoire contrerévolutionnaires. Face au stabilité d’un principe qui domine les Disponible à la SA D. P. F. vicissitudes humaines et qui leur survit n’est déferlement de littérature révolutionnaire à vil prix qui outrage la majesté divine, détruit pas supérieure à toutes les combinaisons du Adresses hasard et de l’intrigue pour protéger la la morale chrétienne, incite aux pires péchés, et perd les âmes par millions, c’est le devoir dignité des consciences ainsi que la liberté - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- des âmes, et assurer à cet ouvrier qui vous est des catholiques de redoubler d’effort pour Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : diffuser la saine littérature catholique. si cher et auquel vous avez si généreusement 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. consacré votre vie, la sécurité du pain Abonnement gratuit sur demande. quotidien. - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; Toutereproductionestautorisée. « On ne démontrera pas mieux que vous ne http://www.litoo.com. l’avez fait ces grandes vérités ; on ne prouvera Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- pas mieux, pour recouvrer tant de bienfaits - Expéditions pamphiliennes,B.P.51, perdus, la nécessité de rendre à la France son Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : 67044 Strasbourg cedex, France. [email protected]. URL : Dieu et son roi. http://www.contrerevolution.org Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 21— Février 2002

afferment peu leurs terres ; ils partagent leurs La Cette contre-révolution fut productions avec le métayer qui les cultive ; le choc de deux religions, chaque jour ils ont ainsi des intérêts contrerévolution communs et des relations qui supposent la ou, si l’on veut, le choc de confiance et la bonne foi. Comme les vendéenne la religion catholique et de domaines sont très divisés et qu’une terre un l’irréligion révolutionnaire. peu considérable renferme vingt-cinq ou trente métairies, le seigneur entretient des communications habituelles avec les paysans 9 l’Anjou et du Poitou, par le bienheureux qui habitent autour de son château ; il les Grignon de Montfort, eurent sur le traite paternellement, les visite souvent, soulèvement vendéen une influence presque cause avec eux de leur position, du soin de Gustave Gautherot, déterminante : les pays où les Missionnaires leur bétail, prend part à des accidents et à des de Marie et les Filles de la Sagesse établirent, malheurs qui lui portent aussi préjudice ; il va L’Épopée Vendéenne, Tours : e auXVIII siècle, leurs maisons et exercèrent aux noces de leurs enfants et boit avec les Maison Alfred Mame et Fils, leur ministère, sont ceux où la contre- convives. Le dimanche, on danse dans la cour révolution fut la plus ardente. Mais cette du château, et les dames se mettent de la 1927, pp. 21-57. contre-révolution fut le choc de deux partie. Quand on chasse le sanglier ou le loup, religions, ou, si l’on veut, le choc de la religion le curé avertit les paysans au prône ; chacun catholique et de l’irréligion révolutionnaire, prend son fusil et se rend avec joie au lieu Y Y Y et non une lutte d’influences personnelles. assigné ; les chasseurs postent les tireurs, qui se conforment strictement à ce qu’on leur Les prêtres ne furent suivis par les paysans ordonne. Dans la suite, on les mena au que dans la mesure où ils représentaient combat de la même manière et avec la même e Vendéen de 1793 était-il un fanatique l’orthodoxie : la preuve en est dans la docilité. Lobtus, incapable de comprendre les désaffection qui frappa aussitôt ceux qui aspirations modernes, et porté à obéirent aux hommes, et non plus à Dieu, en Mais jamais cette docilité ne devint de la massacrer le mécréant avec une se ralliant à la Constitution civile du clergé. passivité, même à l’époque où l’existence des férocité comparable, — en sens inverse, — à Vendéens, celles de leurs familles et de leur celle du jacobin exterminant le contre- Il en fut de même pour la noblesse. pays lui-même seront en jeu. « Ils obéissaient, révolutionnaire ? a écrit le général Lamarque, mais d’amitié et La noblesse vendéenne est étroitement avec une hauteur de sentiments qui semble Dût-on faire crier au paradoxe, il faut unie au peuple. Pauvre, elle réside dans ses être le contraire de l’obéissance. Ils affirmer que le caractère vendéen était de domaines, et le souffle délétère du acceptaient d’être dirigés, mais sans qu’on nature à se plier mieux que tout autre aux philosophisme à la mode l’a à peine effleurée. eût l’air de leur imposer sa volonté ; principes de liberté et d’égalité qui Entre elle et le paysan, il n’y a aucune l’apparence du commandement les révolte... paraissaient devoir servir de fondements au barrière, sinon celle du respect et de la Nul pays n’est plus propre à devenir une nouvel ordre de choses. reconnaissance pour les services rendus, république. » Sous le plus paternel des respect et reconnaissance qui n’inspirent au régimes, les Vendéens avaient, en effet, des L’homme qui vit de la culture du sol est supérieur aucune morgue et laissent à mœurs républicaines, ce mot étant pris dans l’homme libre par excellence : il ne dépend l’inférieur toute sa fierté. son sens le plus noble ; et s’ils devinrent tout que de la nature et de lui-même. Le paysan de même les plus dangereux ennemis de la vendéen avait parfaitement conscience de ce Les châteaux étaient bâtis et meublés sans Révolution, ce fut qu’une intolérable privilège. Pauvre, il avait la fierté de sa magnificence, raconte la marquise de La tyrannie, — destructrice des belles pauvreté et concevait une horreur invincible Rochejaquelein ; on ne voyait en général ni espérances de 89, — les força à prendre les pour toute servitude. Fidèle jusqu’au bout à grands parcs ni beaux jardins. Les armes. ceux qui lui inspiraient confiance, il ne gentilshommes y vivaient sans faste et même donnait cette confiance qu’à son gré, et nul avec une simplicité extrême. Quand leur LES CAUSES DE LA GRAND’GUERRE. — n’eût été capable de la lui imposer. Cette rang ou leur fortune les avaient pour un L’OPPRESSION ANTI-RELIGIEUSE ombrageuse indépendance sera d’ailleurs temps appelés hors de leur province, ils ne (1789-1792) l’une des causes de la dissolution des armées rapportaient pas dans le Bocage les mœurs et vendéennes au lendemain des combats : le ton de Paris. Leur plus grand luxe était la Depuis 1787, la Vendée suivait avec volontaires, n’obéissant qu’au chef de leur bonne chère et leur seul amusement était la satisfaction les travaux des assemblées choix, les insurgés ne lui obéiront que jusqu’à chasse. De tout temps, les gentilshommes provinciales créées par le roi. Ses l’heure où ils désireront revoir leur foyer et poitevins ont été de célèbres chasseurs : cet commissaires, — évêques, prêtres, nobles, reprendre leur charrue. exercice et le genre de vie qu’ils menaient les bourgeois, — avaient cherché à améliorer le accoutumaient à supporter la fatigue et à se sort du peuple, et défendu ses intérêts avec On les a souvent représentés comme des passer facilement de toutes les recherches une ombrageuse indépendance. troupeaux menés à la boucherie par auxquelles les gens riches attachent d’égoïstes bergers. Rien de plus faux. communément du goût et de l’importance. Les privilégiés avaient, à l’avance, infirmé Ce qui dans d’autres régions sépare seigneurs les haineuses accusations des faux amis du Certes, les prêtres exerçaient sur eux une et paysans contribue donc ici à les peuple en signant et en travaillant à faire action puissante. Les ordres religieux créés à rapprocher. Il règne entre eux une sorte prévaloir des déclarations analogues à celle Saint-Laurent-sur-Sèvre, aux confins de d’union inconnue ailleurs. Les propriétaires y du Bureau de l’impôt de l’Assemblée 2 Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 générale de la généralité de Tours:«Ilestun plan de campagne dont on a de nos jours l’insurrection, en devenait à Fontenay-le- principe certain, c’est que toute dispense ou dévoilé les astucieux secrets. Mais on se Comte major-général. exemption de la loi est destructive de la loi, laissait en somme entraîner de bonne grâce, et, par une conséquence aussi véritable que sans prévoir que c’était à d’effroyables La Vendée serait-elle donc l’un des ce principe, souverainement injuste... En abîmes. boulevards du jacobinisme ? On put le croire matière de finance, tout privilège encore en 1791, lors de l’application de la loi d’exemption pèse nécessairement sur tous Les événements de juillet auraient pu qui dépouillait une première fois de ses biens les autres... » dessiller les yeux. LaGrand’Peur illumina l’Église de France. Parmi les acquéreurs l’horizon d’éclairs ne présageant que trop la d’immeubles ecclésiastiques figurent un de Ils ne s’étaient point bornés à des tempête. Dans toutes les paroisses Colbert (le maître de Stofflet), un de déclarations de principes. Ils avaient réalisé vendéennes, de mystérieux messagers Bonchamps, un d’Elbée. Sur vingt-huit d’importantes réformes pratiques. Ainsi, annoncèrent que les ennemis, débarqués sur millions de biens nationaux mis à l’encan l’état déplorable des voies de les côtes, remontaient la Loire à marches dans le département de la Vendée, on en communications, dû à l’insuffisance de la forcées pour dévaster le pays. A Chemillé, on vendit pour vingt millions. Certains articles corvée, étant l’une des principales causes de disait qu’ils avaient occupé Cholet ; à Cholet, de la Constitution civile étaient bien de la stagnation des affaires, ils s’étaient qu’ils s’étaient rendus maître de Chemillé. nature à alarmer les consciences ; mais on en ingéniés à y porter remède : en 1789, plus de « A Mortagne, raconte Boutillier de Saint- ignorait le sens exact, et l’on espérait encore quatre cent mille toises de routes étaient André, nous étions ce jour-là réunis en que tout s’arrangerait entre le créées, réparées ou en cours d’achèvement. famille dans le cabinet de mon père... Il était Gouvernement et l’Église. La généreuse et harmonieuse collaboration 9 heures du soir, et ma mère, suivant un pieux de tous assurait, dans la paix, le progrès et ancien usage, faisait à haute voix la prière. Beaucoup de prêtres acceptèrent le social... Nous la répétions avec elle... Nous fûmes serment, sous la réserve capitale qu’y mirent tout à coup tirés de notre contention ceux de Fontenay-le-Comte : « Je jure Mais déjà l’anarchie savamment préparée religieuse et nos voix furent interrompues d’accepter la Constitution, excepté dans les menaçait l’État des pires bouleversements, par un coup qu’on frappa dans le choses qui dépendent de l’autorité et les promoteurs des réformes ne s’y contrevent... C’était Champagne, le spirituelle. » trompaient point. La Commission palefrenier de notre oncle de la Chèze, que intermédiaire du Poitou transmit à ses son maître envoyait de Roussay pour nous Comme cette réserve était inconciliable bureaux d’élection, dans les derniers mois de prévenir de l’arrivée prochaine des Anglais. avec la nouvelle religion d’État, les trois 1789, l’avis suivant : « Quand tous les pouvoirs Cette absurde nouvelle fut bientôt répandue quarts des curés et des vicaires durent sont confondus, anéantis, quand la force dans toute la ville de Mortagne. Chacun y ensuite prononcer lenon possumus , et furent publique est nulle, quand tous les liens sont crut : on sonna le tocsin, tous les hommes en conséquence remplacés par des jureurs. rompus, quand tout individu se croit s’armèrent de faux et on illumina les affranchi de toute espèce de devoirs, quand fenêtres ; nous ne nous couchâmes pas, et Ce ne fut qu’un seul cri dans le pays : Nous l’autorité n’ose plus se montrer et que c’est nous attendîmes avec grande anxiété la ne voulons pas des intrus ! La guerre civile un crime d’en avoir été revêtu, quel effet venue du jour. Mon père était alors maire, et devenait inévitable. peut-on attendre de nos efforts pour rétablir à ce titre il reçut vers minuit deux députés de l’ordre ? » Cholet qui venaient demander du secours. Les bourgeois des administrations Ils étaient armés jusqu’aux dents. Ils départementales qui, obtempérant aux mots L’effroi des plus clairvoyants ne gagnait pas portaient déjà des cocardes tricolores et d’ordre des Sociétés des amis de la encore pourtant l’ensemble du pays, et l’on faisaient de grands gestes. Ils soutenaient Constitution, avaient perdu tout contact peut dire que la Vendée de 1789 ne que les Anglais arrivaient et qu’ils n’étaient avec l’âme populaire, s’imaginèrent que rien nourrissait pas de préventions contre les qu’à quelques lieues de Cholet, et qu’ils désormais ne pourrait leur résister. Ils idées nouvelles, ni même contre les massacraient sans pitié les hommes, les lancèrent d’injurieux arrêtés contre les politiciens qui commençaient à en jouer. femmes et les enfants. Cependant le jour circulaires des évêques. Le procureur- parut, mon père revint. Chacun rentra chez général-syndic Delaunay dénonça le bref Ses cahiers ne renferment rien de soi bien rassuré. On eut honte de s’être laissé pontifical, alors distribué en Vendée, particulièrement réactionnaire. L’ère de effrayer par une fausse nouvelle ; mais le coup comme « attentatoire à l’autorité souveraine liberté et de fraternité qui semble s’ouvrir est était fait : le peuple était armé et tout se de la nation, faux, incendiaire, contenant des applaudie par les fiers paysans que nous disposait à la révolution. » maximes erronées, dangereuses et connaissons. Le tiers-état nomma des anticonstitutionnelles... » députés qui seront, comme La Révellière- Le peuple vendéen saurait bientôt se servir Lépeaux et les deux Goupilleau, d’ardents de ses armes pour des fins tout opposées à Les Vendéens n’étaient pas hommes, jacobins. Parmi les représentants de la celles qu’avait envisagées certain club du précisément, à se prosterner devant une noblesse, se trouva le comte de Dieusie, Palais-Royal. En attendant, il continuait à Constitution qui méconnaissait à ce point nommé en 1787 procureur-syndic de suivre le mouvement. Les curés bénissaient leurs droits. Dans les districts de Cholet et l’Assemblée provinciale d’Anjou, auteur (en des drapeaux aux couleurs de la nation de Châtillon, on décide d’empêcher par tous 1788) des Réflexions sur la prochaine tenue des qu’avaient brodés de nobles châtelaines ; ils les moyens la prestation du serment : à états généraux, où il saluait avec enthousiasme ne dédaignaient pas de se parer de rubans Maulévrier, dans la cour du château de M. de la Révolution prochaine, membre en 1789 de tricolores. De Bonchamps, de La Colbert, des canons bourrés à mitraille sont la gauche de la Constituante. Le clergé, — Rochejaquelein, d’Elbée, s’affirmaient « bons dirigés vers la route de Cholet, par où doit fait éminemment significatif, — émit des patriotes » ; d’Elbée, conjointement avec venir la force armée chargée d’imposer le suffrages aussi démocratiques que partout trois chanoines et quatre-vingts habitants de fatal serment. Et trois à quatre cents gars ailleurs : les évêques de Luçon et de Poitiers Beaupréau, envoya même, le 20 juillet, à la armés de piques, de faux et de fourches, ne furent élus que parmi les derniers ; et l’on municipalité d’Angers, une adresse dont les refusent d’écouter leur vieux curé Tharreau, sait qu’à Versailles, le 13 juin 1789, ce seront signataires offraient d’aller au premier signal qui leur prêche l’apaisement. Maintes les curés poitevins qui, en se ralliant au tiers porter secours, « jusqu’au dernier soupir, à municipalités déplorent d’ailleurs le rôle insurgé, donneront le signal de la fusion des leurs illustres et immortels représentants. » qu’on leur fait jouer : elles supplient ordres. Ces représentants, ces augustes l’Assemblée nationale de ne point priver représentants de la nation, comme disait leurs concitoyens de la plus essentielle des Ce n’est point qu’à cette époque idyllique dans un mandement du 22 août l’évêque libertés. les bourgeois qui, dans les villes, travaillaient d’Angers, s’étaient mis, hélas ! à la remorque à se rendre maîtres du gouvernement des sanglants émeutiers du 14 juillet ; mais le Mais les politiciens, qui prétendent populaire, n’eussent un peu forcé les recrutement des nationales représenter seuls le peuple en leur qualité de habitants à épouser leurs vues : la Vendée vendéennes n’en fut point entravé, et le « bons patriotes », poursuivent le siège des connut ces modèles de cahiers et ces capitaine Gabriel Baudry d’Asson, qui un an consciences. La Société ambulante des amis de la brochures subversives qui faisaient partie du après sera l’un des premiers chefs de Constitution, — exécutrice des ordres Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 3 jacobins, — s’installe en souveraine à Nantes, bourg allaient, disait-on, nommer un maire suspectés de cacher des réfractaires furent à Angers, à Cholet, à Niort, aux Sables- patriote et chasser le vieux curé Foucher, violés sans autorisation légale. Surexcitée par d’Olonne. Sous l’inspiration d’un de ces alors mourant. Au sortir de la messe, les tant de vexations, l’indignation populaire fanatiques haineux qui s’imaginaient exercer gardes nationaux qui venaient occuper parut, au début de juillet, prête à éclater. le magistère de la Raison, Mercier du l’église pour l’élection furent insultés et Effrayés de ses progrès, les administrateurs Rocher, ses principaux agents se réunirent au maltraités. Le tocsin appela à la rescousse les modérés du Directoire vendéen supplièrent château de l’Oie, en plein Bocage vendéen, villageois des paroisses voisines qui l’Assemblée nationale de leur envoyer un resserrèrent les liens de leurs clubs avec le accoururent de toutes parts et obligèrent la commissaire chargé de prévenir « les maux de club central de Paris, et écrivirent aux gendarmerie à se barricader dans la maison l’anarchie » ; la Constituante leur expédia les habitants des campagnes une adresse où ils de l’ancien maire Bouvier. Le district de jurisconsultes Gallois et Gensonné, suivis stigmatisaient « le travail perfide des Challans, prévenu aussitôt de l’émeute, fit de bientôt du général Dumouriez. prêtres ». suite converger vers Saint-Christophe les gardes nationales de toutes les villes voisines, Ces libéraux répugnaient aux violences et Le résultat d’une semblable pression fut de ainsi que des détachements de Dragons- désiraient la paix ; mais ils changèrent quatre dissiper les dernières illusions et d’exaspérer Conti et de Royal-Lorraine-Cavalerie : ils ou cinq fois d’orientation politique, selon les réfractaires. arrivèrent sur les lieux dans la nuit du 1er mai, que les clubs jacobins à la séance desquels ils déployèrent le drapeau rouge de la loi assistaient se répandaient en diatribes plus Les élections des évêques furent pour la martiale et ramenèrent prisonniers une ou moins furieuses. Finalement, ils cause desAmis de la Constitution un évident dizaine de paysans, instigateurs des troubles. refusèrent de faire droit aux pétitions qui désastre. Assaillis alors par une bande de villageois réclamaient partout la liberté du culte. « Le armés de faux, les gendarmes tirèrent à bout parti de Rome, écrivait Dumouriez, ne s’en A Saint-Maixent (où devait résider le portant, tuèrent quatre hommes et en tiendrait pas à cette victoire. » nouvel évêque des Deux-Sèvres), le député blessèrent d’autres. L’un d’eux, le paysan Jallet, naguère si zélé, refusa la mitre. Guillon, couvert de blessures, continuait à se A Châtillon, les 2 et 3 septembre, ils battre : entendirent les délégués des cinquante-six Le chanoine Menigoutte, élu à sa place, municipalités du district : « Toutes s’enfuit comme un malfaiteur au bout d’un « Rends-toi ! lui cria-t-on : énonçaient le même vœu, rapportèrent les mois de tergiversations et dérouta toutes les commissaires : celles dont les curés avaient recherches. Mestadier, troisième élu, devait — Rends-moi mon Dieu ! » répondit -il. été remplacés nous demandaient le retour de se retirer en 1795 pour exercer le notariat. A ces prêtres ; celles dont les curés non Angers fut élu le curé Pelletier, qui devait Et il expira... assermentés étaient encore en fonctions démissionner en 1793, en déclarant que nous demandaient de les conserver. Nous ne depuis trente ans il n’avait pour seule loi que La guerre de Vendée était virtuellement sollicitons d’autre grâce, disaient la religion naturelle. A Nantes, l’ex-religieux ouverte. unanimement (de nombreuses députations Minée devait finir, plus misérablement de villages), que d’avoir des prêtres en qui encore, dans le mariage et une boutique Le 9 mai, lesAmis de la Constitution de nous ayons confiance. Plusieurs d’entre eux d’épicerie. A Fontenay, le Père Servant, Nantes adressèrent au Directoire attachaient même un si grand prix à cette nommé par soixante-dix-huit voix seulement départemental une pétition sollicitant une faveur, qu’ils nous assuraient qu’ils sur cent soixante-treize votants et quatre loi prompte et générale pour l’éloignement payeraient volontiers, pour l’obtenir, le cent soixante et onze électeurs, ne voulut pas des curés réfractaires,... seul moyen de double de leurs impositions. » devenir évêque de Vendée ; Rodrigue, qui prévenir l’effusion du sang. Le Directoire se réunit cinquante-sept suffrages sur cent neuf rallia, naturellement, à ces vues. Des dragons Il faut citer la suite : votants (chiffre qui indiquait près des quatre allèrent imposer les intrus aux populations. cinquièmes d’abstentions), Rodrigue devait Toutes les chapelles furent interdites aux « Les mêmes hommes qu’on nous avait peints aussi abdiquer et défroquer en 1793. Si la réfractaires. Bien plus, dans la Loire- commedesfurieux,sourdsàtoutessortesderaisons, répulsion des Vendéens pour de pareils Inférieure comme dans le Maine-et-Loire, nous ont quittés l’âme remplie de paix et de personnages avait besoin de justifications, les réfractaires reçurent l’ordre de se rendre bonheur,lorsquenousleuravonsfaitentendrequ’il elles ne seraient donc pas difficiles à trouver. au chef-lieu pour y demeurer sous la était dans les principes de la Constitution nouvelle surveillance des corps administratifs : ils y de respecter la liberté des consciences. Nous Les élections curiales eurent des résultats furent internés, même en l’absence de devons faire remarquer que, dans ce même plus significatifs encore, car le corps dénonciations contre eux. district de Châtillon, troublé depuis électoral était, cette fois, le peuple lui-même. longtemps par la différence des opinions Les municipalités catholiques religieuses, les impositions arriérées de 1789 Les électeurs refusèrent en masse de venir démissionnèrent de toutes parts. A Cholet, et 1790, montant à plus de sept cent mille aux assemblées, et nombre de prêtres, qu’une le président Chouteau, resté seul au livres, ont été presque entièrement payées. » poignée de fanatiques avait nommés, se Directoire du district, en fut réduit à dérobèrent. Dans le district de Machecoul, demander des troupes pour calmer Voilà qui suffirait à anéantir certaines par exemple, tel fut le cas de douze élus sur l’agitation croissante. Les églises se vidèrent, calomnies toujours vivaces : les Vendéens ne treize. Dans le district de Vihiers, sur vingt- et il fallut faire escorter les intrus afin de les réclamaient qu’une chose, la liberté cinq cures vacantes, on n’arriva, à force de protéger contre les huées. Certains religieuse, — ce qui est bien un « droit de scrutins, qu’à en pourvoir quinze, et sept élus commandants de gardes nationaux l’homme », — et ils ne se seraient point déclinèrent les honneurs déshonorants exagéraient encore les rigueurs prescrites : insurgés si les tyrans jacobins ne la leur qu’on leur proposait. « Les lois sont douces et trop douces dans ces avaient odieusement ravie. circonstances, écrivait celui de Cholet ; il La Vendée se divisait donc en deux camps faudrait trancher et militairement agir pour En août 1791, les paysans des Mauges ennemis : d’un côté les fonctionnaires et les ramener l’ordre. » Ce butor alla saccager les affluèrent dans les lieux de pèlerinages : ils bourgeois révolutionnaires, qui s’étaient couvents de Saint-Laurent-sur-Sèvre, demandaient à la Vierge d’écarter d’eux la emparés du pouvoir ; de l’autre, les masses opération qu’il annonça ainsi : « J’adresse au persécution, et pour cela d’éclairer le roi et populaires, qui repoussaient la servitude département deux gros mulotins et un très les législateurs. Le 15 août, trois mille fidèles religieuse. gros paquet de papiers incendiaires étaient ainsi assemblés vers l’humble (catéchismes et instructions contre les chapelle du bois de Belle-fontaine, entre Bientôt éclatèrent, dans le Marais, de intrus), dont on les a trouvés nantis. Je Cholet et Beaupréau. Après avoir chanté le violentes émeutes qui furent les véritables conviens que nous ne sommes pas trop dans Salve Regina, les litanies, le Rosaire, tous se préludes de la guerre civile. la forme, mais le fond doit l’emporter... » retirèrent en silence.

A Saint-Alphonse-du-Ligneron, pour nous En juin, à la nouvelle de la fuite à Varennes, Or, dans la nuit du 20 au 21 août, tandis borner à cet exemple, les gros électeurs du les proscriptions se généralisèrent ; les logis qu’un groupe de pèlerins regagnait Cholet 4 Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 par la lande de la Papinière, des gardes les Sections de Paris vinrent alors signifier à canton se réuniraient pour demander la nationaux se précipitèrent sur lui et la Législative, et ils considérèrent comme déportation d’un ecclésiastique non ramenèrent triomphants à la ville une non avenu leveto royal. sermenté, le Directoire du département trentaine de prisonniers. Le 21, le serait tenu de prononcer la déportation si département de Maine-et-Loire ordonna la Les prêtres vendéens non assermentés l’avis du Directoire du district était destruction du sanctuaire et l’arrestation des étaient décidément traités comme des conforme à la pétition ! » Les jacobins porteurs de cierges et de bannières. Le 23, un malfaiteurs. Le 1er février, ceux de Maine-et- triomphèrent, signèrent des pétitions nouveau groupe de pèlerins fut dispersé vers Loire reçurent l’ordre de se rendre à Angers comme celle où l’ex-orateur Benaben, Jallais à coups de crosses de fusils et de plats et d’y fixer leur demeure dans la huitaine : président desAmis de la Constitution et futur de sabre. Le 27, la chapelle était détruite et la c’était, disait l’arrêté, pour les placer, « sous la apologiste des noyades de Nantes, disait au statue miraculeuse portée par l’intrus de sauvegarde de la loi, à l’abri de toute insulte ! » Directoire d’Angers : Cholet dans son église profanée. Des scènes Ceux qui restaient en fonctions dans leurs analogues se produisirent à Notre-Dame- paroisses étaient à l’avance déclarés « Séparez ces forcenés (les réfractaires) des des-Gardes et à Notre-Dame-de-la-Charité, responsables des troubles qui y éclateraient. honnêtes citoyens ! Enfermez-les autant vers Saint-Laurent-de-la-Plaine. pour leur propre sûreté que pour la nôtre ! » On dépouillait les églises de leurs cloches Cette sommation fut exécutée le 17 juin : au Que restait-il à faire aux Vendéens, sinon à et de leurs ornements sacrés. La Révellière- moment où les quatre cents prêtres relégués courir aux armes ? Lépeaux, le futur pontife des à Angers se rendaient à l’abbaye de Saint- théophilanthropes, réunissait dans la Aubin pour l’appel quotidien, une bande de Ils patientèrent pourtant encore un an et chapelle de l’ancien chapitre de Beaupréau gardes nationaux se précipita sur eux et les demi avant de proclamer la guerre sainte. lesAmis de la Constitution de la région, emmena prisonniers au petit séminaire. Le L’âme vendéenne se détachait du régime essayait d’établir des clubs et organisait des Directoire reconnut l’illégalité de cette nouveau ; elle ne songeait pas encore à fêtes patriotiques. expédition ; mais il la confirma par un arrêté organiser l’insurrection. (du 18 juin), dont l’impudence éclate dans ces A ces insultantes provocations, les lignes : « Considérant que, vu l’effervescence L’établissement de la Constitution catholiques ne répondirent encore que par des esprits, la sûreté individuelle des nouvelle parut d’ailleurs permettre de des moyens constitutionnels. En avril, particuliers détenus serait évidemment nouvelles espérances. Le roi l’avait presque toutes les municipalités des districts compromise s’ils étaient plus longtemps sanctionnée et avait écrit, le 14 septembre de Savenay, de Clisson et d’Ancenis dans la ville, et que ce serait exposer les 1791, une proclamation à tous les Français où adhérèrent à une pétition qui démontrait citoyens et gardes nationales à une seconde se lisaient ces phrases : « Le terme de la l’illégalité de la conduite du Directoire de violation de la loi, extrémité... qu’il est du révolution est arrivé... Que toute idée Loire-Inférieure : « Nous voulons la paix, devoir du corps administratif de prévenir par d’intolérance soit donc écartée à jamais ; que écrivaient les protestataires au président de tous les moyens possibles,... celui-ci invite les les opinions religieuses ne soient plus une l’Assemblée nationale ; mais le moyen de la particuliers détenus dans la prison du petit source de persécutions et de haines ; que conserver et de l’obtenir est d’observer et de séminaire à y demeurer sous la sauvegarde de chacun, en observant les lois, puisse faire observer la Constitution. » la loi. Il leur sera fourni, à leurs frais, toutes pratiquer le culte auquel il est attaché. » Si les choses nécessaires à la vie. Et, pour plus cela se réalisait, si les Vendéens restaient Dans les Mauges, trente-quatre grande sûreté de leurs personnes, le libres de choisir leurs prêtres, la paix allait municipalités suivirent cet exemple et se commandant de la garde nationale sera refleurir. firent représenter à cet effet dans le comité requis d’établir une garde... tant de jour que qui se réunit le 30 avril chez l’aubergiste de nuit. » Or les jacobins ne l’entendaient pas ainsi. Courbet, procureur de la commune de la Le 6 novembre, les administrateurs de Poitevinière. On y arrêta un programme Pour que la sanglante ironie de cette Maine-et-Loire annoncèrent que « des tenant en ces trois articles : éloignement des invitation fût complète, on autorisa les rassemblements de trois à quatre mille prêtres constitutionnels imposés aux détenus à écrire aux personnes du dehors, hommes armés se livraient à tous les excès populations malgré elles et contrairement au mais en présence du commissaire de la que produisait le délire de la superstition », droit d’élire et de choisir les ministres de leur municipalité ou du commandant du poste. que « partout les prêtres constitutionnels culte reconnu à tous les citoyens par la Encore ce commandant, le sieur de Soland, étaient maltraités, assassinés jusqu’au pied Constitution du 13 septembre 1791 ; retour refusa-t-il d’accorder cette faveur aux des autels ». Sur d’aussi scélérates ou conservation des prêtres non assermentés « scélérats » qui auraient pu, écrivait-il le 3 dénonciations, l’Assemblée nationale réclamés par la presque unanimité des juillet, mettre ainsi en péril « les amis de la ordonna de nouvelles mesures contre les habitants des campagnes ; dissolution de ces Liberté et de l’Égalité ». prêtres non assermentés, perturbateurs du sociétés de fauxAmis de la Constitution qui, repos public. En Vendée ces mesures furent par leur fanatisme et leurs incessantes Le terrain constitutionnel était donc semé appliquées avant même d’être décrétées : dénonciations, avaient la plus grande part de chausse-trapes : y rester plus longtemps comme, à Saint-Laurent-de-la-Plaine, la dans les troubles du pays. n’eût été qu’une duperie. La question Vierge était apparue, racontait-on, sur les politique se mêlait d’ailleurs de plus en plus à ruines du sanctuaire, le Directoire de Saint- Rien de plus juste, de plus légal. Mais qu’y la question religieuse. Florent-le-Vieil, considérant que, dans les avait-il de légitime pour les jacobins, en processions qui s’y dirigeaient de nouveau, dehors de leur arbitraire ? Averti de la Comment continuer à admettre un régime les prières qu’on y faisait, les hymnes qu’on y conspiration, le Directoire d’Angers fit qui laissait insulter le roi dans son propre chantaitavaient l’intention de rétablir les cerner, le 8 mai, par la gendarmerie l’auberge palais ? qui exigeait de tous le port de la prêtres dans leur ancien état, le Directoire de la Poitevinière, où l’on trouva une cocarde nationale, signe d’adhésion à la arrêta de « réprimer, au besoin par la force, vingtaine de convives. Huit d’entre eux révolution jacobine ? qui violait, dans un but tous les attroupements de ce genre ». Un furent internés au château d’Angers avant trop clair, le secret des foyers en ordonnant la intrus fut installé dans l’église de Saint- toute preuve de culpabilité, et l’on demanda déclaration publique des armes et des Laurent-de-la-Plaine. Et lorsque le roi eut à la Législative leur comparution devant la munitions ? qui rétablissait la milice, malgré refusé de sanctionner le décret (du 29 cour martiale d’Orléans. Les églises où se les doléances unanimes de 1789, en novembre) qui frappait de déchéance tous les rassemblaient régulièrement les fidèles réquisitionnant pour sa défense tous les prêtres non assermentés, les privait de tout furent en outre fermées, et une nouvelle hommes valides ? traitement et pension, les déclarait « réputés randonnée de gendarmes et de gardes suspects de révolte contre la loi et de nationaux poursuivit la capture des Le temps était arrivé de crier aux mauvaise intention contre la patrie, et insermentés. oppresseurs : Nous ne servirons pas ! « Nous comme tels plus particulièrement soumis à la avions un roi et des édits paternels qu’il nous surveillance de toutes les autorités Loin de blâmer ces proscriptions, la donnait et des règlements sages, écrivait à constituées », les Directoires d’Angers et de Législative les légalisa par le décret du 27 Danton un Vendéen de Jallais, Lemercier ; Nantes se conformèrent au mot d’ordre que mai : « Lorsque vingt citoyens actifs du même nous avions des cours et des tribunaux de Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 5 tous les degrés qui défendaient notre livres, alors que le gouvernement Mêmes scènes dans laVendée poitevine . Un honneur et nos biens... Et, grâces à vos révolutionnaire, en bouleversant l’ordre camp fut établi à la Mothe-Achard pour menées, à vos complots, à vos attentats,... social, avait privé les artisans de leur travail. cerner les réfractaires qui s’emparèrent nous n’avons plus rien qui nous protège et Et il fallait encore lui offrir son sang ! Il fallait bientôt des chefs-lieux des trois districts de nous sommes livrés à toutes les horreurs de renouveler ces levées dont on connaissait Challans, de Montaigu et de la Roche-sur- l’anarchie. Ah ! la patrie est morte, car le maintenant les résultats par les récits des Yon. Dans les landes de Vallet, les bandes trône est tombé et la religion est éteinte. volontaires revenus au pays : « Hâves, d’insurgés atteignirent rapidement trois à Vous avez des gendarmes que nous bravons, épuisés, en haillons souillés, honteux d’eux- quatre mille. et nous prions à genoux, à mains jointes, pour mêmes, a écrit C. Port dans la Vendée la prompte fin d’un régime qui vous a donné angevine, ils racontent à tout venant les Le sort en était jeté : selon l’expression du le pouvoir. Vous le payerez cher ! Vous misères et les trahisons, les marches forcées, mémorialiste de Béjarry, « l’agitation qui payerez le sang que vous avez versé. » pieds nus, dans la nuit, dans la neige ; les longs bourdonnait alors dans le pays ressemblait à mois sans abri, sans armes, sans vêtements, celle d’une ruche, la veille du jour où doit en LES DÉBUTS DE L’INSURRECTION. — sans pain... Ainsi, en pleine ville, dans les sortir un essaim. » L’ARMÉE VENDÉENNE cafés, dans les foires, aux veillées des (Août 1792-mars 1793) campagnes, ils s’en vont prêchant, avidement Le premier essaim régulier de l’armée L’insurrection commença par le district de écoutés... » vendéenne se forma dans les Mauges, à Saint- Châtillon, en août 1792, au lendemain de la Florent-le-Vieil. prise des Tuileries. Pourtant, ce n’étaient point les souffrances de la vie des camps qui effrayaient les Le 12 mars, quatre mille hommes à cocarde A Moncoutant, des insermentés ayant osé Vendéens : ils sauront le prouver. Mais blanche assiègent le district : ils s’emparent célébrer la messe dans un champ voisin de comment consentir à s’enrôler en masse des canons qu’on braque et décharge sur eux, cette petite ville, la municipalité menaça de parmi ces milices de Bleus qui étaient les précipitent le commissaire du s’en saisir. Aussitôt les paysans s’y portent instruments des pires vexations endurées Gouvernement par-dessus le parapet du armés de fusils, de faux et de bâtons, pillent depuis deux années ? Voilà ce que leur château de la Mauvoisinière, s’emparent du l’hôtel de ville et la maison de demandait le décret du 24 février 1793 sur la siège du district et en brûlent les papiers, l’administrateur départemental Puichaud, levée de trois cent mille hommes. De dix- puis regagnent par petites bandes leurs puis vont demander au chevalier Gabriel huit à quarante ans, tous les Français non foyers. Baudry d’Asson de se mettre à leur tête et se mariés ou veufs sans enfants étaient mis en dirigent vers Châtillon-sur-Sèvre. Ils sont de réquisition permanente ; tant que le chiffre six à dix mille, venus d’une quarantaine de de trois cent mille hommes ne serait pas paroisses. La gendarmerie de Cholet les atteint, « les citoyens seraient tenus de le disperse ; mais le tocsin, qui sonne dans tous compléter sans désemparer. » Les paysans, les clochers, les rallie et grossit leur nombre, qui ne pouvaient payer de remplaçants, et ils vont assiéger Bressuire. Là, ils se supporteraient la plus lourde charge : en heurtent à une véritable armée de étaient exemptés les administrateurs, gendarmes, de gardes nationaux et de soldats procureurs, officiers municipaux, juges, réguliers. Le canon sème la panique dans commissaires nationaux, receveurs, c’est-à- leurs rangs. Il y eut plus de trois cents dire les nouveaux privilégiés qui étaient victimes, dont une dizaine de patriotes. justement leurs oppresseurs exécrés.

La Terreur régna dans ce coin de Bocage. La nouvelle du décret parvint à Cholet le 2 Cinquante-huit prisonniers furent menés à mars, en plein marché. Ce fut un Angers. Les perquisitions se poursuivirent soulèvement d’horreur. On vit des jeunes durant plus d’un mois : les paysans, gens, rassemblés dans les auberges, arborer la épouvantés, abandonnèrent une première cocarde blanche et fouler aux pieds la fois leurs villages. cocarde tricolore. A l’auberge Babin, un menuisier s’écrie : Ils apprirent alors que les prêtres, jusque-là internés à Angers, étaient déportés en « Engageons-nous par serment à ne Espagne. Ceux qui avaient échappé aux participer en quoi que ce soit à cette loi de poursuites étaient traqués par la recrutement ! » gendarmerie : pour en finir avec eux, le Directoire des Deux-Sèvres réclamait une loi Le serment est prêté et bientôt se produit, qui condamnât à la peine de mort tout avec la garde nationale, une sanglante ecclésiastique réfractaire qui serait trouvé collision : deux couleuvrines amenées du sur le territoire de la République après le château de Maulévrier sont déchargées sur la délai fixé, avec confiscation des biens du foule et font sept victimes. Jacques Cathelineau condamné, dont moitié serait attribuée au dénonciateur ; les mêmes peines de mort et La révolte des conscrits gagna comme un Pour que l’insurrection ne se réduisît point de confiscation seraient également portées feu de poudre toutes les paroisses des à ces échauffourées sans lendemain et « contre ceux qui auraient la lâcheté de Mauges. Le tirage au sort, fixé au 12 mai, ne n’aboutît point à un immédiat écrasement, il donner asile aux prêtres réfractaires et de les put s’opérer. Du côté de Gonnord et de lui fallait des chefs capables de l’organiser. Le receler » (19 décembre 1792). Saint-Lambert-du-Lattay, se formaient des premier, le plus représentatif, et à bien des bandes de plusieurs centaines de paysans égards le plus grand, fut Jacques Cathelineau, La Convention devait adopter cette armés de fusils, d’instruments aratoires et de leSaintdel’Anjou . motion le 19 mars 1793. En attendant, elle bâtons, prêts à précipiter le courant qui se supplicia Louis XVI. Non contente dessinait. Les chefs, déjà, se révélaient. Vers Fils d’un maçon du Pin-en-Mauges, cet d’écraser les âmes, elle prétendit encore Chanzeaux, René Forest est couché en joue homme de trente quatre ans, père de six disposer arbitrairement des corps et des par le médecin patriote Godelier : enfants dès 1785, gagnait la vie de sa famille biens. en exerçant les fonctions de voiturier et de « Tire, lui crie froidement Forest ; mais, si colporteur. Habile à parler et à écrire, d’une En Maine-et-Loire, la contribution tu manques ton coup, on ne te manquera équité parfaite et d’un dévouement à toute foncière atteignit le quart, le tiers et même la pas ! » épreuve, il jouissait d’ailleurs dans la région moitié du revenu net : pour 1792, la cote d’une grande influence et était souvent mobilière de ce seul département portait une Godelier fait feu, n’atteint personne, et choisi pour arbitre dans les querelles de surtaxe de quatre cent quarante-deux mille tombe frappé à mort. famille. « Tout le monde l’adorait, » rapporte 6 Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002

Mme de La Rochejaquelein. D’un Cathelineau, rejoint par Perdriau, fléchit le Marseillaise, ils gagnent Coron, où ils se tempérament ardent et d’une piété genou, se signe, entonne leVexilla Regis , heurtent aux catholiques. profonde, il avait fait partager aux habitants lance ses gars à l’assaut. Son chapeau et la du pays son aversion clairvoyante pour les bride de son cheval sont coupés par un coup « Vive la religion ! Vive le roi ! Rembarre, destructeurs de ce qu’il aimait le plus au de sabre qui lui entame le front ; mais il crie : rembarre ! » hurlent ceux-ci, qui escaladent monde. En 1791, il avait guidé des centaines les haies, débordent les patriotes, les percent de pèlerins aux sanctuaires du May et de « Enfants, à la baïonnette et à coups de de leurs piques et de leurs faux, et les mettent Saint-Laurent-de-la-Plaine. Son visage crosses de fusils ! » en quelques instants en pleine déroute. Ils allongé, encadré de cheveux noirs, était n’ont plus qu’à ramasser les fusils, les sabres empreint d’une admirable distinction. Les patriotes s’enfuient bientôt de tous et les cartouches qui jonchent le sol. Ils N’étant pas conscrit, puisqu’il était marié, il côtés. Des renforts arrivent du reste de la s’emparent aussi d’un canon demeuré ne se trouvait pas le 12 mars à Saint-Florent ; Salle-de-Vihiers et de la Tourlandry, amenés célèbre,Marie-Jeanne , dont les ornements de mais il fut dès le lendemain mis au courant par un jeune vicaire taillé en hercule, à la bronze rappellent la gloire de Richelieu. des événements. On lui annonça que l’ex- figure rugueuse, l’abbé Barbotin. Arrive aussi caporal Jean Perdriau, voiturier comme lui et Forest, qui a chassé de Joué les gendarmes de Le lendemain, après avoir entendu une marchand de tabac à la Poitevinière, avait Vihiers. Le triomphe est complet. messe d’actions de grâces et fait un joyeux déjà soulevé, au son du tocsin, les gars de son autodafé des papiers du district, la plupart village et était parti vers Jallais pour attaquer Les jours suivants, les révoltés étaient cinq regagnent leurs foyers et leurs champs. le poste républicain. mille. Stofflet rejoignit Cathelineau. Ce garde-chasse du comte de Colbert (seigneur Cependant, semblable à un incendie qui A ce moment, Cathelineau, à demi nu, de Maulévrier) se tenait caché au château de éclate en cent endroits à la fois, l’insurrection pétrissait le pain de sa famille dans le sombre Villefort, où il avait passé son temps à couler se généralise. réduit que l’on voit encore aujourd’hui non des balles en prévision des luttes prochaines ; loin de l’église du Pin. Par une illumination il les distribua aux paysans qui vinrent lui Le 13 mars, deux mille paysans de la région soudaine, ce paysan comprend le grand demander de se placer à leur tête et il projeta de Beaupréau vont trouver le lieutenant devoir qui l’appelle. Il se dépâte les mains, aussitôt d’attaquer Cholet. A Saint-Georges- d’Elbée en son habitation de la Loge et le prend ses vêtements et ses armes. du-Puy-de-la-Garde, il fut nommé prient de prendre leur commandement. En commandant de l’armée chrétienne ; en sa 1789, ce gentilhomme avait renoncé à ses « Vois ces pauvres enfants, lui crie sa qualité d’ancien caporal instructeur de privilèges et pris part à l’assemblé du tiers- femme qui se jette éperdument à son cou, Lorraine-Infanterie, il paraissait le plus apte état. En 1791, effrayé de la pente où glissait le que vont-ils devenir ? à remplir ces hautes fonctions. Gouvernement, il avait émigré ; puis, sur les instances de sa femme, il était revenu en — Aie confiance, répond-il, Dieu, pour qui Ironie des situations ! Cholet était défendu Anjou, où il affectait de vivre à l’écart de je vais combattre, en aura soin. » par un grand seigneur, le marquis de toute politique. Les paysans arrivèrent au Beauveau, qui était devenu jacobin et jurait château le lendemain de la naissance de son Et il fait rassembler une vingtaine d’exterminer ces « sabots ferrés ». Celui-ci dernier enfant. Il refusa leur offre et leur d’hommes sur la place du village. Il les rangea ses troupes, trois cents gardes montra la folie de leur entreprise ; mais on fit harangue. « Chaque mot qu’il prononce est nationaux, dans la lande des Pagannes. appel à sa piété, à sa bravoure, à son comme un trait enflammé qui pénètre les Mettant à profit les ajoncs qui couvrent le sol loyalisme, et alors, avec la promptitude qu’il cœurs, a raconté le curé Cantiteau ; il est et les haies qui l’entrecoupent, les « sabots mettra dans la suite à conduire ses hommes à impossible de l’entendre sans entrer dans ses ferrés » s’égayent à droite et à gauche ; au l’assaut, il s’écria : sentiments ; sa voix est comme un feu qui centre, leurs canons, chargés par le fameux électrise tous ses auditeurs. Sans balancer, Six-Sous, tuent au second coup M. de « Allons ensemble au martyre ou à la sans hésiter, ils se joignent à lui. » Ils vont Beauveau et renversent dans la boue, à côté victoire ! » d’abord à l’église dont les portes, scellées, du général, trente-six gardes nationaux. La sont rouvertes. Cathelineau s’offre à Dieu en panique se met dans les rangs des patriotes ; Il avait posé comme condition d’avoir pour holocauste et dit aux habitants qui l’ont la ville est envahie. Mais le château tient compagnon d’armes son ami de Bonchamps. suivi : toujours. A l’abri de ses épaisses murailles, les Républicains tirent à coup sûr et sans péril. Déjà, une troupe de paysans avait pénétré à « Vous qui ne pouvez combattre, priez « De malheureux paysans sans armes, raconte la Chapelle-Saint-Florent, dans le château de pour le succès de nos armes. » le témoin Savary, le chapeau bas, les mains la Baronnière. L’ancien capitaine de l’armée jointes, venaient se mettre à genoux à vingt- des Indes n’était pas, lui non plus, un contre- Il met à sa boutonnière un cinq pas du pavillon. Ils semblaient désirer et révolutionnaire militant. En gentilhomme Sacré-Cœur et suspend un chercher la mort : on en a vu découvrir leur éclairé, il cultivait ses terres en même temps poitrine et défier l’ennemi. » Cependant les que les arts et les sciences. Le 1er septembre chapelet à son cou. Puis il assiégés sont avertis que le feu va être mis à la 1792, six mois avant, il avait prêté ce serment part en donnant, d’un coup ville s’ils ne se rendent pas : ils capitulent et civique : « Je jure d’être fidèle à la nation, de de pistolet, le signal de tous ont la vie sauve. maintenir la liberté et l’égalité et de mourir en les défendant... » Il essaya de calmer les la guerre sainte. La prise de Chemillé avait coûté quarante huit paysans envoyés vers lui en députation. tués aux Bleus et trois cents aux Blancs. « Monsieur le marquis, déclarent-ils le Il met à sa boutonnière un Sacré-Cœur et Cathelineau, Stofflet et Perdriau prirent lendemain, nous avons passé la nuit en suspend un chapelet à son cou. Puis il part en possession du pays au nom du roi et prières pour demander à Dieu de nous donnant, d’un coup de pistolet, le signal de la établirent une première ébauche de inspirer : nos déterminations n’ont pas guerre sainte. gouvernement sous le nom de Comité changé. Nous croyons que la volonté de Dieu d’administration. Cesbron d’Argonne fut est que nous prenions les armes pour venger En route, sa petite troupe, forte d’abord de nommé gouverneur. Puis l’armée, classée par notre foi, notre roi, le clergé et la noblesse. vingt-sept hommes, s’enfle plus rapidement paroisses, se dirigea, après leTeDeum , vers de que les ruisseaux du pays après l’orage. nouvelles victoires. — Mais, mes amis, objecta-t-il encore, Quelques heures après, ils sont cinq cents, vous ne réussirez à rien ! s’emparent du château de Jallais et du canon Les gardes nationaux du district de qu’il renferme. Puis ils marchent sur Vihiers, des dragons d’Angers, des soldats de — Eh bien ! monsieur le marquis, nous Chemillé, où ils arrivent à 5 heures du soir au Saumur, en tout deux mille hommes, mourrons pour Dieu et pour le roi ! » nombre de deux mille. s’étaient réunis à Vihiers. Le 14 au soir, ils égorgent le vieux régisseur du château de Vaincu par tant d’héroïque noblesse, Chemillé était défendu par une centaine de Tigné, M. des Aulnaies, et se barbouillent le Bonchamps leur fait jurer de rester fidèles à gardes nationaux. Sans désemparer, visage de son sang ; puis, au chant de la la religion, au roi prisonnier, à la patrie, et Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 7

« de ne jamais s’abandonner aux cruautés qui restauration chrétienne et royale. Les chefs se souciaient peu du galon. Pour ensanglantent les guerres civiles » ; puis il se faire reconnaître, ils mettaient embrasse sa femme, qui est sur le point de Lorsqu’on étudie la guerre de Vendée, on simplement à leur chapeau quelques plumes mettre au monde son troisième enfant. est frappé par ce fait que les insurgés, souvent de volaille. A partir de la bataille de Torfou dispersés par les Républicains, se retrouvent seulement, ils reçurent une espèce les jours suivants tout aussi compacts. Après d’uniforme : veste verte avec collets verts, les défaites les plus écrasantes, du moins en noirs ou blancs. Encore s’habillaient-ils apparence, ils reconstituent leurs forces et comme ils pouvaient et portaient-ils souvent prennent bientôt d’éclatantes revanches. Le la redingote ou l’habit. Les chefs de groupes lecteur s’étonnera que les colonnes de paroisses ou divisions se ceignaient d’une infernales et les hécatombes des proconsuls étroite ceinture blanche ; celle des généraux aient mis si longtemps à accomplir leur était large et flottante. C’est Henri de La œuvre de destruction : le pays semblera Rochejaquelein qui avait lancé cette mode : à renaître sans cesse, avec une miraculeuse la bataille de Fontenay, il avait noué autour fécondité, de ses cendres et de son sang. Fait de sa tête et de ses reins des mouchoirs de paradoxal : ces défenseurs de l’autel et du Cholet ; cette singularité l’avait rendu le trône ont réalisé, sous le fer de leurs point de mire des Bleus. Pour ne point lui bourreaux, l’utopie de l’armée-nation, telle laisser l’honneur périlleux de recevoir tous que la conçoivent aujourd’hui les purs les coups, les autres officiers l’imitèrent ; et le révolutionnaires. mouchoir de Cholet couvrit bientôt la tête des soldats eux-mêmes. Ajoutons-le : Mais ce n’était pas, pour les Vendéens, une lorsqu’après le passage de la Loire, on voulut utopie ; car, dans leur superbe indépendance, réglementer les attributs des officiers ils devaient aux traditions ancestrales l’unité supérieurs, les officiers subalternes se supérieure de pensée et de volonté qui est la plaignirent « de voir des signes honorifiques condition de la victoire. apporter l’inégalité dans les rangs d’une armée toute composée de volontaires ». Individuellement, ils paraissaient manquer de discipline. Ils prenaient ou déposaient les Les simples « brigands » se reconnaissaient armes quand ils le voulaient bien. Ils à la bigarrure de leur habillement : larges quittaient sans se gêner le chef qui ne savait chapeaux de paille ou de feutre, parfois point conserver leur confiance, et lorsque, remplacés par de gros bonnets de laine Charles de Bonchamps après le combat, quelque officier leur rousse ; veste arrondie de coutil, de serge ou semblait avoir faibli, ils trouvaient tout de laine brune, bleue ou grise ; gilet très court « Il ne faut pas s’abuser, lui dit-il, nous ne naturel de lui dire : « Monsieur le comte n’a qui laissait la chemise former bourrelet au- devons pas aspirer aux récompenses de la pas été brave aujourd’hui. » Mais ils étaient dessus de la culotte à pont, boutonnée sur le terre : elles seraient au-dessous de la pureté dévoués corps et âme à la Cause ; pour côté de la jambe jusqu’au genou ; guêtres de de nos motifs et de la sainteté de notre cause. assurer son triomphe, aucun sacrifice ne leur toile ; sabots ferrés, qu’on abandonnait Nous ne devons même pas prétendre à la coûtait, et ils réalisaient ainsi des prodiges souvent pour courir plus vite. Tout cela gloire humaine ; les guerres civiles n’en que les règlements les plus draconiens, constituait l’ordinaire costume de travail, donnent point. » comme ceux qu’édictait la Convention, sont bientôt réduit à l’état le plus misérable. Ces à jamais impuissants à susciter. paysans-soldats auraient pu se munir des Il part alors à pied pour Saint-Florent. havresacs et des gibernes qu’ils prenaient aux Lorsqu’il fallait marcher, le tocsin Bleus en quantité ; mais ils craignaient de résonnait au clocher du village. A défaut des s’alourdir et plaçaient leurs cartouches dans D’Elbée lance à la France cloches souvent brisées par les Bleus, les leurs poches ou dans un mouchoir roulé à la une proclamation où il cornes de bœufs, « au saint nom de Dieu et de ceinture. Ils échangeaient seulement leurs annonce le dessein de par le roi, » beuglaient un rauque appel. faux, leurs fourches et leurs piques contre les Aussitôt les gars abandonnaient le sillon, fusils, les pistolets et les sabres républicains. l’armée catholique et décrochaient leur fusil, se munissaient d’un Leur artillerie, au bout de quelques mois royale : rétablir la religion quartier de pain et suivaient le capitaine de assez puissante, n’eut pas d’autre origine. catholique et la monarchie. paroisse. Les femmes se mettaient en prières et préparaient les charrettes de pain qui L’équipement de la cavalerie n’avait rien devaient se trouver sur le passage des non plus de brillant : les chevaux de meuniers L’armée vendéenne a maintenant ses troupes. Parfois aussi elles se glissaient ou de colporteurs, sellés en bâts, étaient principaux chefs. Danguy et La Cathelinière, furtivement dans les rangs de l’armée, harnachés de cordes ; les cavaliers en sabots Lucas-Championnière et le chevalier de habillées en hommes, et, devant la mitraille, suspendaient avec des ficelles leurs fusils et Couëtus, dans le pays de Retz ; le chevalier l’héroïsme de tous était égal. Comme on leurs couteaux. Mais au signal donné par Guerry de La Fortinière, à Noirmoutiers ; avait dû interdire aux femmes de combattre, l’aile d’un moulin à vent ou quelque trompe Pajot et Pinault, Joly et Savin dans le Marais ; elles se contentaient d’ordinaire de soigner de piqueur, ces pauvres gens, éclaireurs, Sapinaud de La Verrie vers Mortagne et les blessés, d’assister les mourants et, flanqueurs ou poursuivants, savaient Baudry d’Asson dans le canton de la sentinelles vigilantes, de prévenir les leurs de surmonter tous les obstacles. Sous la Châtaigneraye ; les frères de Royrand à Saint- la marche de l’ennemi. conduite d’un Marigny ou d’un Charette, ils Fulgent, vers le carrefourde l’Oie ; enfin accomplirent de prodigieuses randonnées. Charette de La Contrie et le marquis de La Au rassemblement, on n’édictait point de Roche-Saint-André à Machecoul ont pris les sévères consignes : « L’absence de toute règle La tactique des Vendéens était très simple. armes à la même époque. Le 20 mars, précise, dit la marquise de La Ils se dirigeaient vers l’ennemi en colonnes d’Elbée, devant qui s’efface modestement Rochejaquelein, venait de ce qu’elle eût été de quatre ou cinq hommes de front, parfois Cathelineau, lance à la France une superflue et même nuisible. Chacun était sûr pêle-mêle, drapeaux, canons et général en proclamation où il annonce le dessein de de soi et des autres. Il ne fallait pas prescrire tête. Celui-ci, avec quelques cavaliers, allait l’armée catholique et royale : rétablir la de devoir à des gens qui faisaient toujours le reconnaître les positions de l’adversaire, puis religion catholique et la monarchie. Le 21, plus qu’il leur était possible. » Il arrivait que le revenait bride abattue en criant à la Chalonnes, défendu par trois mille cinq courage physique fût au-dessous du courage multitude : « En avant, les gars, voilà les cents patriotes, est emporté. A la fin du mois, moral : certains chefs frappaient alors ceux Bleus, là-bas ! » Les gars s’égayaient à droite et la Vendée militaire tout entière est debout. qui n’osaient pas assez, mais nul ne s’en à gauche ; les plus audacieux, les meilleurs Les cloches de Pâques, en annonçant la plaignait au nom de l’humanité. On était tireurs, gardes-chasses et braconniers, en messe des insermentés qui ont repris la place plutôt reconnaissant de cette vigoureuse avant. Se dissimulant derrière les haies et le des intrus, semblent annoncer aussi la assistance. long des rivières, ils savaient à merveille 8 Les documents contrerévolutionnaires no 21 — Février 2002 pratiquer cette utilisation du terrain qui cm, 526 pages et 16 p. de photographies h. t. - Librairie Saint-Louis, C. P. 49604, 5122 reste l’art par excellence du troupier français. Préface du père Jean-Jacques Marziac. Prix : Côte-des-Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Le fracas des canons ouvrait le feu. Les 28,50 euros (186,95 F) + 5,40 euros de port Canada. http://www.librairie-st-louis.com aumôniers donnaient aux combattants pour envoi par correspondance chez le agenouillés une absolution suprême. Au cri diffuseur SA D.P.F., B.P. 1, 86190 Chiré-en- - Bibliothèque Saint-Michel, 201 rue de « Vive le roi ! » poussé à pleins poumons, Montreuil. Sainte Christine, 83000 Toulon, France. on se précipitait sur l’ennemi et d’abord sur Tél./Fax : 04 94 03 16 74. son artillerie. Ruse que Lamoricière Mort en 2000, le père Michel André, apprendra plus tard à ses zouaves, les paysans prêtre missionnaire (Martinique, Guinée, - Les Amis de Jeanne d’Arc, 85 rue se jetaient à terre dès qu’apparaissait, au- Algérie, Argentine) a vécu d’une façon Petit, 75019 Paris, France. Tél. : 01 40 03 96 dessus des pièces, l’éclair de la poudre ; puis, dangereuse et éprouvante la décolonisation 35, fax : 01 40 03 96 50. Association fondée en se relevant après le passage du projectile, ils et les conséquences du Concile Vatican II (il 1953 sous la présidence d’honneur du général arrivaient de bonds en bonds à proximité des se trouvait à Conakry et frôla la mort en 1961, Weygand> . Sa mission est de « prolonger la bouches à feu : au moment ou Sékou Touré instaura un mission de la Sainte de la Patrie par la prière régime communiste en Guinée). Il fut et l’apostolat » (mandat fixé par Pie XII), et « Un tel, criait-on alors, tu es le plus fort, également un collaborateur du père Brottier d’« approfondir la connaissance de Jeanne saute à cheval sur ce canon ! » en 1948 et professeur pendant six ans à l’école d’Arc sous tous ses aspects : scientifiques, des missions d’Allex. Ami de Monseigneur artistiques, moraux, mystiques ». Le gars bondissait en hurlant : « Vive le Lefebvre, appartenant comme lui à l’ordre roi!»etlescanonniers étaient assommés sur des Spiritains, il fut avant tout, un prêtre de - Faits & Documents, lettre d’infor- leurs pièces. terrain, un formidable éducateur de la mations confidentielles d’Emmanuel Ratier, jeunesse et entraîneur d’hommes, en faisant l’un des hommes les mieux informés. Pour Cependant les ailes, cheminant de reposer tout son apostolat sur la messe de savoir ce qui se passe dans les coulisses buissons en boissons, ne tardaient pas à Saint Pie V. révolutionnaires (franc-maçons, sectes, entourer la position. Les tirailleurs visaient à mondialistes, lobbies cosmopolites...) aussi la tête et manquaient rarement leur coup. Empêché de poursuivre son ministère en bien que chez les contrerévolutionnaires. BP 1971 (il était à l’époque en Argentine), il 254-09, 75424 Paris cedex 09, France. « Fonçons, les gars ! ordonnaient les plus revint en France et s’installa en Anjou (la Tél./fax : 01 40 16 80 92 ; http://www.faits-et- hardis. Les Bleus sont épouvantés ! province de ses origines) où il créa chapelles documents.com. rembarre ! rembarre ! » et œuvres pour maintenir la tradition. Il fonda l’Association Noël Pinot qui est venue Les Bleus se voyaient perdus et en aide à plus de 2000 prêtres persécutés et s’enfuyaient, abandonnant leurs armes et ne laissés pour compte par leurs évêques, puis le 99 pouvant dès lors éviter le carnage. bulletinIntroïbo (Association Noël Pinot, 54 rue Delaâge, 49100 Angers France ; fax 02 41 Prière à saint Michel Archange Si le nombre avait raison des Blancs, ceux- 87 81 20). ci n’étaient pas, pour autant, exterminés. Saint Michel Archange, défendez-nous Mettant à profit leur parfaite connaissance Usé par ces longues années de labeur dans le combat ; soyez notre secours contre du terrain et se débarrassant seulement de incessant, considérablement affaibli, il s’est la méchanceté et les embûches du démon. leurs sabots, ils criaient : « Vive le roi quand éteint en 2000 à l’âge de 85 ans. « Que Dieu lui commande », nous le même ! » et disparaissaient, comme des demandons en suppliant ; et vous, Prince de lièvres, dans toutes les directions, pour se Claude Mouton-Raimbault décrit de façon la milice céleste, repoussez en enfer, par la retrouver, quelques lieues plus loin, dans des très vivante la figure de ce prêtre vrai, c’est-à- puissance divine, Satan et les autres esprits positions de rassemblement indiquées à dire d’une piété et d’une charité extrêmes qui mauvais qui rôdent dans le monde pour l’avance. Ce fut tout le secret de leurs doit être un exemple pour les traditionalistes perdre nos âmes. Ainsi soit-il. prodigieuses résurrections. en même temps qu’un sujet de réflexion pour (Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la ceux qui ne le sont pas. Il s’est efforcé d’être récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession, Le service de l’intendance était plus que un « pont » et de tendre une main fraternelle à communion, visite d’une église avec prière aux intentions du rudimentaire. L’armée ne possédait pas de tous les prêtres, ses frères, tout en restant SouverainPontife).Pén.,12novembre1932.) fourgons à vivres. Le train des équipages était ferme dans son combat. inexistant. Et pourtant on ne manquait pas Au terrible torrent de boue constitué par les de nourriture dans un pays où il arrivait aux livres sortis de l’officine ténébreuse des impies, Bleus de mourir de faim. C’est que la Ouvragesrecommandés sans autre but, sous leur forme éloquente et leur population tout entière réservait ses sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et subsistances pour ses défenseurs. Les • Jacques Crétineau-Joly, Histoire de la d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en comités chargés de réunir les bestiaux Vendée Militaire, Éditions Pays & Terroirs, peut être assuré, est de leur opposer des écrits délivraient « au nom du roi » des reçus aux 1994. Disponible à la SA D. P. F. salutaires et de les répandre. métayers. Ces dettes, que le Gouvernement de Louis XVIII aurait dû considérer comme • Émile Gabory,Les guerres de Vendée , S. S. Léon XII,Lettre Diræ librorum , 26 juin 1827. sacrées, ne furent jamais acquittées : le sang, Éditions Robert Laffont, 1989. Disponible à 9 versé à torrents, ne reçut d’autre récompense la SA D. P. F. Les documents contrerévolutionnaires reproduisent des textes de doctrine et que la satisfaction du devoir héroïquement • Marquise de la Rochejaquelein,Mémoires , accompli. d’histoire contrerévolutionnaires. Face au Éditions du Bocage, 1994. Disponible à la SA déferlement de littérature révolutionnaire à D. P. F. Si la vertu maîtresse de tout soldat est le vil prix qui outrage la majesté divine, détruit la morale chrétienne, incite aux pires péchés, sacrifice de lui-même à la cause, nul ne peut Adresses se refuser à ranger de pareils soldats parmi les et perd les âmes par millions, c’est le devoir plus grands. des catholiques de redoubler d’effort pour - SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en- diffuser la saine littérature catholique. Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax : Y Y Y 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com. Abonnement gratuit sur demande. - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410 Toutereproductionestautorisée. Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ; http://www.litoo.com. Courrier. : I. Kraljic, C.P. 49604, 5122 Côte-des- Claude MOUTON -R AIMBAULT : Un prêtre Neiges, Montréal, Qc, H3T 2A5, Canada. Email : vrai. Le Père André (Dans la tourmente de la - Expéditions pamphiliennes,B.P.51, [email protected]. URL : décolonisation et du Concile). Un volume 13 x 21 67044 Strasbourg cedex, France. http://www.contrerevolution.org