Colette. Autobiographie Tirée Des Œuvres De Colette
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COLETTE Colette Autobiographie tirée des œuvres de Colette par Robert Phelps FAYARD Ouvrages publiés par Fayard: Chambre d'hôtel Chéri Mitsou La paix chez les bêtes Julie de Carneilhan Le képi Journal à rebours Les heures longues La vagabonde SidoOuvrages publiés par Hachette: La maison de Claudine En pays connu Mes apprentissages Les vrilles de la vigne Bella-Vista Le pur et l'impur (Ces plaisirs) L'étoile Vesper Le fanal bleu Prisons et paradis Paris de ma fenêtre Gigi Ouvrages publiés par Buchet-Chastel : Trois-Six-Neuf Ouvrages publiés par Flammarion : Paysages et portraits La naissance du jour Lettres de la vagabonde Lettres à Marguerite Moreno Lettres au petit corsaire Aventures quotidiennes Belles saisons Ouvrages publiés par « Le Fleuron » : Origines de Chéri Noces Autres bêtes, dans les Œuvres complètes Cet ouvrage a été publié en langue anglaise sous le titre « Earthly Paradise » © by Farrar, Straus and Giroux, Inc. © Librairie Arthème Fayard, 1966. Avant-propos On raconte que George Sand, ayant terminé je ne sais plus lequel de ses romans au petit matin, se saisit d'une rame de papier, et sans se donner le temps de souffler, entama l'histoire de sa vie qui allait comporter vingt volumes. Colette admirait et enviait une telle fertilité, que d'aucuns ont irrévérencieusement appelée de l'incontinence. Maintes fois sollicitée d'écrire ses mémoires, elle s'y est toujours refusée : « A l'idée, me disait-elle, de commencer un ouvrage par : « Je suis née le 28 janvier 1873, à Saint-Sauveur-en-Puisaye », et de n'en être qu'au premier jour, je suis d'avance découragée... Et puis, ajoutait-elle, je n'aime pas parler de moi. » Une telle affirmation avait de quoi surprendre même son mari. Car si dans l'œuvre de Colette, quoi qu'on en pense, une part importante est de pure fiction, il n'en est pas moins vrai qu'elle s'est beaucoup mise en scène elle-même. Mais c'est généralement sous le couvert d'une affabulation. Quand, à la fin de sa vie, on vint lui demander, pour la radio, une série d'interviews destinées à devenir une vérita- ble confession, elle y déploya un art tel d'éluder les questions, que ses silences et ses dérobades donnaient à son témoignage le plus vif de sa saveur. Aussi, lorsque Farrar, Straus & Giroux Inc., éditeurs de Colette à New York, proposèrent à Colette de Jouvenel et à moi-même de publier une autobiographie de Colette tirée de ses œuvres, notre premier mouvement fut-il d'en refuser l'autorisation, tant la tâche nous paraissait difficile. D'autant plus que Colette a parfois usé d'un procédé qui lui était commode : dans La Naissance du Jour, dans Bella-Vista, dans Chambre d'Hôtel, dans La Lune de Pluie, dans La Dame du Photographe, le personnage qui dit « je » est Colette, mais l'intrigue reste strictement imaginaire. Pour débusquer la vraie Colette des retraites profondes où elle s'est si souvent cachée, il faudrait couper ici, retrancher là, choisir, éliminer. Quel serait l'aspect final de cette mosaïque ? Et puis — pourquoi ne pas l'avouer ? — le fait que le compilateur ne fût pas Français, pour une œuvre qui l'est si purement, me causait quelque gêne. Mais, lorsque M. Robert Phelps nous eut soumis son plan, nous nous sentîmes parfaitement rassurés. Ce n'est d'ailleurs pas le premier exemple d'une prise de possession totale d'un écrivain fran- çais par un biographe ou un commentateur de langue anglaise. Le travail auquel s'est livré celui-ci décèle une intelligence en profon- deur de l'œuvre et de son auteur. Le résultat en est, à notre sens, un livre très remarquable. Lentement la vie de Colette s'y déroule, depuis son éclosion dans une famille exceptionnelle, parmi les jardins enchantés de son enfance, à travers les vicissitudes et les tourments de sa maturité, jusqu'à sa fin glorieuse et apaisée. Mais en même temps rien n'est laissé dans l'ombre de ce qu'on pourrait nommer la pensée et même l'éthique de Colette, si l'on ne savait qu'elle eût répudié l'un et l'autre mot. Car nul ne s'est mieux qu'elle défendu d'avoir des idées générales, nul n'a mieux résisté à la tentation, l'âge et la gloire venus, de s'offrir en exemple, d'enseigner, de pontifier. Pour pénétrer l'optique si particulière de Colette, sa manière toujours pareille d'ap- préhender le réel, ses jugements uniformément éloignés du confor- misme, il faut patiemment la traquer, la surprendre dans le courant de sa plume, tout au long de son œuvre, et c'est à quoi le présent ouvrage a pleinement réussi. Il eût été dommage que le public français demeurât privé d'un livre désormais indispensable à la connaissance de Colette. Le rôle confié par l'éditeur français à Gérard Doscot a consisté surtout en une traduction à rebours, puisque, sous le titre EARTHLY PARADISE, le livre a d'abord paru en anglais. En restituant à ces textes leur langue originale, en les replaçant sous la magie du style de Colette, ils n'en ont acquis que plus de force et d'unité. Mieux qu'aucun autre de ses livres pris séparément, ils rendent compte de ce qu'on peut appeler l'univers de Colette. EARTHLY PARADISE rencontre aux Etats-Unis des cri- tiques enthousiastes. L'un d'eux avance que, comme pour certains peintres, cet auto-portrait, encore qu'involontaire, pourrait bien être le chef-d'œuvre de Colette. Tout en estimant ce jugement légèrement outré, je ne suis pas tellement loin d'y souscrire. Maurice Goudeket Chronologie 1865 : Sidonie Landoi Robineau-Duclos, veuve d'un pre- mier mariage, épouse à trente ans un ancien capitaine des zouaves, Jules-Joseph Colette. Né à Toulon, cet ex-Saint- Cyrien était pensionné, car il avait perdu une jambe en 1859, au cours de la campagne d'Italie. Le couple s'établit dans la maison que Sido possédait à Saint-Sauveur-en-Puisaye, chef-lieu de canton de 1 700 habitants dans le département de l'Yonne. Outre un fils, Achille, et une fille, Juliette, « la sœur aux longs cheveux », que Sido avait eus de son premier mariage, deux enfants naquirent de cette union : Sidonie- Gabrielle, puis Leo. 28 janvier 1873, « Dans une pièce qu'aucun poêle n'arri- vait à chauffer suffisamment... Laborieusement, à demi- étourdie mais montrant une volonté déterminée de vivre... », Sidonie-Gabrielle Colette vint au monde. Bourguignonne par son lieu de naissance, méridionale par son père, parisienne par sa mère, elle tenait aussi un seizième de sang nègre d'un grand-père maternel. 1890 : La « soeur aux longs cheveux » se marie et réclame des comptes de tutelle à son beau-père. Plus poète que bon administrateur, le capitaine découvre qu'il a ruiné sa femme. La belle maison bourgeoise de Saint-Sauveur doit être ven- due aux enchères et la famille s'exile chez le fils aîné, Achille, qui s'est établi médecin dans un village voisin, Châtillon- Coligny. Colette fut très affectée par cette ruine et en resta longtemps blessée. 15 mai 1893 : Colette épouse Henri Gauthier-Villars. Le capi- taine avait été un des camarades de promotion de l'éditeur parisien Gauthier-Villars ; le fils de celui-ci, Henri Gauthier- Villars, journaliste déjà connu sous le pseudonyme de Willy, venu rendre visite à l'ami de son père, était tombé amoureux de Sidonie-Gabrielle alors âgée de dix-sept ans. La ruine de ses parents ne fut sans doute pas étrangère à sa décision d'accepter cette union et de s'établir à Paris. Le jeune ménage vécut d'abord au 28 de la rue Jacob, assez pauvrement mais vite remarqué et admis dans les milieux artistiques et journalistiques de Paris. En novembre 1894, Jules Renard signale dans son Journal avoir admiré à une pre- mière théâtrale Colette « et sa tresse de cheveux assez longue pour plonger un seau dans un puits ». Mars 1900 : Publication de Claudine à l'école. Willy toujours à court de copie pour ses articles et ses romans, avait demandé à sa femme, peu de temps après leur mariage, de rédiger quelques souvenirs d'enfance, puis avait oublié ces cahiers dans un tiroir. Les retrouvant par hasard, il vit le parti à en tirer, conseilla d'ajouter quelques anecdotes piquantes et le livre connut un rapide succès. Trois autres volumes lui succé- dèrent : Claudine à Paris, Claudine en ménage, et Claudine s'en va, puis Minne et Les égarements de Minne, tous signés du seul nom de Willy. 1094 : Colette obtient de publier sous son propre nom, c'est- à-dire sous le nom de Colette Willy, quatre Dialogues de bêtes, scènes parlées entre Toby-chien et Kiki-la-Doucette, chat angora. En 1905, trois nouveaux dialogues étant ajoutés et une préface de Francis James, le recueil eut un succès d'estime. Colette était entrée en littérature. En septembre 1905 : le capitaine Colette meurt à Châtillon- Coligny. 1906 : Colette s'est séparée de Willy, le divorce est prononcé. Elle vit alors avec une amie, l'ex-marquise de Belbœuf, fille du duc de Morny, surnommée « Missy ». Après plusieurs essais d'amateur, elle fait ses débuts professionnels de danseuse et de mime dans un drame intitulé « Le désir, l'amour et la chimère ». En 1907, paraît La retraite sentimentale, un roman signé encore Colette Willy ; mais une note au lecteur précise : « Pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la littérature, j'ai cessé de collaborer avec Willy... ». 1908-1911 : Les années de music-hall. Tout en interprétant des mimodrames à Paris et en tournées, Colette continue sa liaison avec Missy et écrit des livres qui lui apportent une réputation grandissante : Les vrilles de la vigne (1908), une série de souvenirs et d'essais autobiographiques ; L'ingénue libertine (1909) qui reprenait deux nouvelles, Minne et Les éga- rements de Minne écrites sous l'égide de Willy ; et La vagabonde (1910), son premier chef-d'œuvre romanesque, candidat mal- heureux au prix Goncourt.