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Robert W. Brisebois

L’épopée de

Extrait de la publication On dirait que je vous ai manqué du même auteur

Opération Pyro, roman, Montréal, Boréal, 1991 (sous le pseudonyme de Saint-Ours). L’Amour c’est tout, le hasard c’est autre chose, roman, Montréal, Stanké, 1998. Le Petit Bob 1, Répertoire de ripostes assassines à travers l’histoire, anthol­ogie, Montréal, Stanké, 2002. Les Amants du pont Jacques-Cartier, roman, Montréal, Trait d’Union, 2002. Le Petit Bob 2, Répertoire de ripostes assassines à travers l’histoire, anthologie, Montréal, Stanké, 2003. 312 Ontario Est, roman, Montréal, Stanké, 2005. 921 Queen Mary Road, roman, Montréal, Hurtubise, 2008. Les Chemins du Nord, roman, Montréal, Hurtubise, 2010.

Extrait de la publication Robert W. Brisebois

On dirait que je vous ai manqué

L’épopée de Camillien Houde

Roman historique

Extrait de la publication Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Brisebois, Robert W., 1933- On dirait que je vous ai manqué : l’épopée de Camillien Houde ISBN 978-2-89723-106-4 1. Houde, Camillien, 1889-1958 – Romans, nouvelles, etc. I. Titre. PS8553.R544O5 2013 C843’.54 C2013-941422-3 PS9553.R544O5 2013

Les Éditions Hurtubise bénéficient du soutien financier des institutions suivantes pour leurs activités d’édition : – Conseil des Arts du Canada ; – Gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ; – Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) ; – Gouvernement du Québec par l’entremise du programme de crédit d’im­pôt pour l’édition de livres. Conception graphique : René St-Amand Photographie de la couverture : GABY Mise en pages : Andréa Joseph [[email protected]] Copyright © 2013 Éditions Hurtubise inc. ISBN 978-2-89723-106-4 (version imprimée) ISBN 978-2-89723-107-1 (version numérique PDF) ISBN 978-2-89723-108-8 (verson numérique ePub) Dépôt légal : 3e trimestre 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives du Canada Diffusion-distribution au Canada : Diffusion-distribution en Europe : Distribution HMH Librairie du Québec/DNM 1815, avenue De Lorimier 30, rue Gay-Lussac Montréal (Qc) H2K 3W6 75005 Paris www.distributionhmh.com www.librairieduquebec.fr

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Extrait de la publication Personnages fictifs principaux

Bastien, Michel : jeune étudiant en droit, venu offrir ses services à Houde à titre de stagiaire. Beausoleil, Simone : secrétaire au service de la publicité à National Breweries et amie de Marguerite Dion. Cadieux, Charles : agent immobilier de Québec. Chagnon, Catherine : secrétaire de la biscuiterie Jos Bélanger. Cousine Berthe : cousine de Georgette et gardienne d’enfants. Dalitz, Charles : compagnon de Lawrence Labadie au jeu de poker. de La Bruyère, Henri : père de Violaine et ami d’Alexandre Taschereau. de La Bruyère, Violaine : amante de Lawrence Labadie. Delisle, Napoléon : riche marchand de bois de Montréal et d’Outremont, père de Marguerite. Delisle, Marguerite : fille de Napoléon Delisle et épouse de Jean-Marie Nadon.

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Dion, Marguerite : secrétaire de Lawrence Labadie au bureau de la National Breweries, à Montréal. Dubois, Georges et Wilfrid : propriétaires du Barbershop Select. Fafard, Gaston : éminence grise de Camillien et vieux compagnon. Labadie, Angélique : salonnarde outremontaise et mère de Lawrence. Labadie, Charles : dandy montréalais et père de Lawrence Labadie. Labadie, Lawrence : vice-président de la National Breweries et amant de Violaine de La Bruyère. Nadon, Jean-Marie : conseiller d’Arthur Sauvé qui passera au service de . Nikita : gitane cartomancienne. Onofrio, Carlo : cireur de chaussures au Barbershop Select. Rocco, Marcello : collecteur de fonds de la mafia locale. Tony : barman et videur des Voûtes de l’Intendant. Toupin, Léon : chauffeur de Camillien Houde. Trottier, Max : ami de la famille Houde. Victor, monsieur : homme d’affaires prospère de Montréal et client de Lawrence Labadie. Personnages historiques

Amyot, Georges-Élie : président de la Banque Nationale avant la fusion avec la Banque Hochelaga, en 1924. Con­ seiller législatif de la division de La Durantaye de 1912 à 1930. Arcand, Adrien : journaliste, il écrit quelque temps pour La Patrie, puis il entre à La Presse. Arcand s’associe alors avec un imprimeur pour lancer à Montréal, dans les années 1930, des hebdomadaires favoarables au nazisme. Parallèlement à sa carrière journalistique, Arcand est impliqué­ dans plusieurs mouvements fascistes. Il fonde le Parti national social-chrétien (PNSC) en 1934, puis devient chef du Parti de l’Unité nationale (PUNC) en 1938. Le 30 mai 1940, il est arrêté à Montréal pour « avoir comploté le renversement du gouvernement » et interné dans un camp. Pendant toute la durée de la Seconde Guerre mondiale, lui et son parti ont été bannis. Arcand est libéré en juillet 1945. Asselin, Olivar : journaliste, rédacteur en chef, auteur polémique, fonctionnaire, militaire, courtier, propriétaire de journaux. Il est surtout connu pour son militan­ tisme nationaliste et ses pamphlets. En 1930, il devient rédacteur en chef du quotidien Le Canada et fonde,

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué cinq ans plus tard, ses propres journaux : L’Ordre et La Renaissance. Barré, Laurent : actif dans plusieurs organisations et coopératives agricoles, il est cofondateur de l’Union catholique des cultivateurs (UCC) et il en est le premier président, de 1924 à 1926. Lors de l’élection générale québécoise de 1927, il est candidat du Parti conservateur dans la circonscription de Rouville et est défait. Il s’y présente de nouveau lors de l’élection générale de 1931 et est élu. À la convention conservatrice de 1929, c’est lui qui présente Camillien Houde à la chefferie du Parti conservateur. Bennett, Richard Bedford : il est élu à la Chambre des communes du Canada en 1911, nommé ministre des Finances en 1926 et devient chef conservateur en 1927 au premier congrès à la direction du parti. Il est élu premier ministre du Canada en 1930, défaisant William Lyon Mackenzie King. Bercovitch, Peter : il est élu député libéral dans la cir­ ­ provinciale de Montréal-Saint-Louis lors des élections de 1916, et est réélu en 1919, 1923, 1927, 1931, 1935, 1936 et en 1940 dans la circonscription de Cartier. Bouchard, Télesphore-Damien : il est élu pour la pre­ mière fois député à l’Assemblée législative du Québec dans la circonscription de Saint-Hyacinthe lors de l’élection­ générale­ québécoise de 1912 et il dirige l’aile radicale du Parti libéral. Son anticléricalisme déplaît aux évêques. De 1936 à 1939 il est chef de l’opposition officielle à l’Assem- blée législative parce que le chef du Parti libéral, Adélard Godbout, n’a pu se faire élire comme député à l’élection

10 on dirait que je vous ai manqué générale de 1936. Lorsque les libéraux reviennent au pouvoir à l’élection générale de 1939, il est ministre des Travaux publics et de la Voirie dans le deuxième gou- vernement Godbout. Il est maire de Saint-Hyacinthe de 1917 à 1930 et de 1932 à 1944. Boucher, Napoléon : médecin montréalais d’obé­dience libérale, il est bien connu dans les milieux politiques. Bourassa, Henri : fondateur du quotidien Le Devoir, dont le premier numéro paraît le 10 janvier 1910, il y occupe le poste de directeur de 1910 à 1932. En 1925, il est élu député fédéral indépendant de la circonscription de Labelle. Il est réélu lors des élections de 1926 et de 1930 et reste en poste jusqu’à sa défaite en 1935. Au cours de cette période, il participe peu au Devoir, bien qu’il en conserve le poste de directeur jusqu’au 2 août 1932. De 1940 à 1945, il sort de sa semi-retraite pour appuyer le et s’opposer à la conscription au Canada. Bourgie, Antoine : fils d’Urgel Bourgie et frère de Bertha-Andréa. Bourgie, Bertha-Andréa : fille d’Urgel et première épouse de Camillien. Bourgie, Urgel : riche entrepreneur de pompes funèbres de Montréal. Bray, Allan : échevin du quartier Saint-Henri du 2 avril 1928 au 14 septembre 1931. Président du comité exécutif du 7 avril 1930 au 14 septembre 1931. Organisateur du Parti conservateur dans la région de Montréal en 1930. Élu député conservateur dans Montréal-Saint-Henri en 1923. Défait en 1927, puis dans Vaudreuil en 1935 et en 1936.

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Cardin, Pierre-Joseph-Arthur : ministre fédéral de la Marine et des Pêcheries. Caron, Joseph-Édouard : député des Îles-de-la-Madeleine et homme politique québécois qui, entre autres, a été ministre libéral de l’Agriculture pendant 20 ans, de 1909 à 1929, sous les gouvernements de Lomer Gouin et de Louis-Alexandre Taschereau. Cartier, Jacques-Narcisse : expert en technique de TSF, invité par le président de La Presse à créer, en 1922, la station de radio CKAC. Casgrain, Léon : député libéral de Rivière-du-Loup. Élu sans difficulté lors des élections générales de 1931, il est réélu à trois reprises en 1935, 1936 et 1944. Du 8 novembre 1939 au 30 août 1944, il est ministre sans portefeuille dans le gouvernement d’Adélard Godbout. Chaloult, René : réélu député en 1939, cette fois comme libéral indépendant dans Lotbinière, il mène une lutte contre la conscription. Accusé de s’y être opposé, il subit un procès le 6 juillet 1942 et est acquitté le 3 août 1942. Charbonneau, Mgr Joseph : il succède, le 31 août 1940, à Mgr Georges Gauthier au titre d’archevêque de Montréal. Il est à la tête de l’Église canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1943, il établit l’Œuvre des voca- tions sacerdotales. En 1944-1945, Charbonneau travaille à l’éducation au mariage et à la famille, faisant le bilan de l’action sociale auprès des jocistes. Coquelin : célèbre comédien français du xixe siècle. Crépeau, Armand-Charles : échevin du quartier Sud au conseil municipal de Sherbrooke du 8 janvier 1923

12 on dirait que je vous ai manqué au 9 décembre 1924. Élu député conservateur dans Sherbrooke à l’élection partielle du 5 novembre 1924. Réélu en 1927 et défait en 1931. Crépeau, Armand : ingénieur. De 1923 a 1924, il est echevin à la Ville de Sherbrooke. D’allegeance conser­ vatrice, il est depute de Sherbrooke a l’Assemblee legis­ lative, de 1924 a 1931. En 1933, il organise a Sherbrooke le congres provincial de son parti, qui elit comme chef Maurice Duplessis. Daoust, Julien : comédien des années 1920 et 1930. Demers, Louis Philippe : élu député du Parti libéral du Canada dans la circonscription fédérale de Saint-Jean- Iberville en 1900, il est réélu en 1904. Il démissionne en 1906 pour devenir juge à la Cour supérieure du Québec. Deslauriers, Hermas : député fédéral du comté de Montréal-Sainte-Marie. Dillon, Joseph Henry : élu député libéral dans Montréal- Sainte-Anne à l’élection partielle du 5 novembre 1924. Réélu sans opposition en 1927. Assermenté ministre sans portefeuille dans le cabinet Taschereau le 10 jan­vier 1927. De nouveau élu en 1931, il démissionne le 2 octobre 1935. Candidat libéral défait dans Sainte-Anne lors des élections fédérales de 1935. Drew, George Alexander : homme politique canadien. Il a été le 14e premier ministre de l’Ontario de 1943 à 1948, et le chef du Parti progressiste-conservateur du Canada de 1948 à 1956. Drouin, Oscar : élu député libéral dans Québec-Est à l’élection partielle du 24 octobre 1928. Réélu en 1931.

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Candidat défait à la mairie de Québec en 1934, il quitte le Parti libéral le 16 juillet 1935. Dufresne, Joseph : propriétaire de la biscuiterie Bélanger de Joliette et député du comté de Joliette à l’Assemblée législative. Dupire, Louis : journaliste au journal Le Devoir de 1912 à 1942. Duplessis, Maurice Le Noblet : avocat et homme poli­ tique québécois. Il est premier ministre du Québec de 1936 à 1939, et de 1944 à 1959. Fondateur et chef du parti politique conservateur l’, député du comté de Trois-Rivières, chef du Parti conservateur, chef du parti de l’Union nationale. Duquette, Charles : homme d’affaires et homme poli- tique québécois. Il a été le 33e maire de Montréal, de 1924 à 1926. Duranleau, Alfred : élu député du Parti conservateur du Québec dans la circonscription provinciale de Montréal- Laurier en 1923, il est défait en 1927, puis est élu député du Parti conservateur dans la circonscription fédérale de Chambly-Verchères en 1930. Falardeau, Georgette : deuxième épouse de Camillien. Fauteux, Gaspard : il entreprend sa carrière en politique provinciale en défaisant le chef du Parti conservateur du Québec et maire de Montréal Camillien Houde lors des élections de 1931 dans la circonscription de Montréal-Sainte-Marie. Défait en 1935, il retourne dans le monde des affaires. Élu député du Parti libéral du Canada dans la circonscription de Sainte-Marie lors

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué d’une élection partielle en 1942, il est réélu en 1945 et en 1949, et démissionne­­ en 1950 pour accepter le poste de lieutenant-gouverneur du Québec. Fisher, Martin-B. : élu député conservateur dans Huntingdon à l’élection partielle du 4 novembre 1930, il est réélu en 1931 et en 1935. Élu en 1936 sous la bannière de l’Union nationale, il est trésorier provincial dans le cabinet Duplessis du 26 août 1936 au 8 novembre 1939. Nommé conseiller législatif de la division d’Inkerman le 23 septembre 1939. Fitch, Louis : candidat conservateur défait dans Montréal- Saint-Louis en 1927. Élu député de l’Union nationale dans la même circonscription à l’élection partielle du 2 novembre 1938, il est défait en 1939. Fitzpatrick, Charles : lieutenant-gouverneur du Québec, de 1918 à 1924. Francœur, Louis : journaliste, il fonde un quotidien, LeJournal de Québec, en 1930, et y demeure jusqu’en 1934. Il est ensuite nommé directeur de L’Illustration (1934- 1937) et de La Patrie (1937-1941). Il anime pendant ce temps l’émission hebdomadaire Sur la scène du monde, dif- fusée par Radio-Canada de 1930 à 1940, puis l’émission quotidienne La situation ce soir jusqu’à sa mort en 1941. Frenette, Joséphine : mère de Camillien. Gagnon, Onésime : est d’abord attiré par la politique fédérale. Il est candidat conservateur dans la circonscrip­ tion de Dorchester et remporte la victoire lors de l’élection générale de 1930. En 1933, Camillien Houde, qui vient de démissionner comme chef du Parti conservateur du

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Québec, lui demande de se présenter pour faire obstacle à Maurice Duplessis. Il accepte, mais il est défait. Galipeault, Antonin : député libéral du comté de Bellechasse et ministre des Travaux publics et du Travail. Garceau, François Napoléon : politicien québécois et homme d’affaires conservateur. Il est maire de Drum­ mondville durant trois mandats, de 1905 à 1908, de 1909 à 1912 et de 1920 à 1924. Gault, Charles Ernest : élu député du Parti conserva­ ­ teur dans le district de Montréal-Saint-Georges en 1912, 1916, 1919, 1923, 1927, 1931 et 1935 Après la défaite du chef du Parti conservateur, Camillien Houde, lors de l’élection de 1931, il est désigné comme chef de l’oppo­ sition à l’Assemblée législative, du 16 octobre 1931 au 7 novembre 1932. Gauthier, Joseph Ovila : candidat libéral dans le comté de Ville-Marie, défait en 1923 par Camillien Houde. Élu député libéral en 1927, son élection est annulée par la Cour supérieure le 12 décembre 1927. Il ne se repré­sente pas à l’élection partielle du 24 octobre 1928. Gauthier, Mgr Georges : devient évêque auxiliaire de l’archevêque de Montréal, le 28 juin 1912. Le 18 octobre 1921, Mgr Gauthier occupe le poste d’administrateur de l’archevêché de Montréal. Le 20 septembre 1939, il est nommé archevêque de Montréal en succession à Mgr Paul Bruchesi, mais meurt le 31 août 1940. Son successeur est Mgr Joseph Charbonneau. Godbout, Adélard : devient premier ministre du Québec après la démission de Louis-Alexandre Taschereau le

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27 juin 1936. Sali par les scandales de l’administration Taschereau, il perd l’élection d’août 1936 devant l’Union nationale de Maurice Duplessis. Bien qu’il perde aussi son siège à l’Assemblée nationale, Godbout demeure chef du Parti libéral et revient au pouvoir à l’élection de 1939. Son gouvernement nationalise la Light, Heat and Power et fonde Hydro-Québec, accorde le droit de vote aux femmes et rend obligatoire l’instruction élémentaire. Gouin, Paul : fils de Lomer Gouin, avocat et premier ministre du Québec, et d’Éliza Mercier, fille d’Honoré Mercier. En 1934, il quitte le Parti libéral du Québec pour fonder, avec d’autres libéraux dissidents, l’Action libérale nationale (ALN). Aux élections de 1935, il s’allie aux conservateurs de Maurice Duplessis et est élu député de L’Assomption. Cependant, il entre peu après en conflit avec Duplessis et lui retire son appui avant les élections de 1936, pendant que la majorité des députés de l’ALN se joignent aux conservateurs pour former l’Union nationale. Il n’est pas candidat à ces élections. Graham, Hugh (lord Atholstan) : propriétaire du journal Star. Homme d’affaires, il est aussi un grand philanthrope. Il contribue entre autres à l’Université McGill et à la Art Association. En 1908, il devient chevalier et en 1917, il est anobli avec le titre de baron Atholstan d’Huntingdon. Grothé, Raoul-Ovide : il débute en 1896 dans l’indus- trie du cigare établie 14 ans plus tôt par son père, feu Louis-Ovide Grothé, apprenant le métier de cigarier par un stage dans chacun des départements, y compris une étude spéciale du tabac en feuilles aux entrepôts A. Cohen & Co., à New York.

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Guertin, Aimé : élu député conservateur dans Hull en 1927, et réélu en 1931. Whip du Parti conservateur de jan­vier 1928 à 1931. Expulsé du caucus le 12 décembre 1933, il siège comme indépendant à compter du 9 janvier­ 1934 et démissionne le 1er octobre 1935 pour devenir can­didat du Parti de la reconstruction dans Hull aux élections fédérales de 1935, mais il est défait. Hertel, François : de son vrai nom Rodolphe Dubé, François Hertel, connu pour ses prises de position et ses publications, est un anticonformiste. Il en paie le prix en se faisant expulser de la Compagnie de Jésus en 1947. Holt, sir Herbert Samuel : président de la Banque Royale et président de la Montreal Light, Heat and Power. Houde, Azade : père de Camillien. Houde, Claire : fille de Camillien et de Georgette, née en 1921. Houde, Madeleine : fille de Camillien et de Bertha- Andréa, née en 1915. Houde, Marthe : fille de Camillien et de Bertha-Andréa, née en 1917. La Roque, Hertel : conseiller politique de Camillien Houde, organisateur conservateur, journaliste et écrivain. Labelle, Yvonne : tenancière d’une maison de « diver- tissement » à Montréal, pour les députés et ministres libéraux. Lapointe, Ernest : élu à la Chambre des communes du Canada à compter de 1898 en tant que député libéral. En 1921, William Lyon Mackenzie King le nomme au

18 on dirait que je vous ai manqué cabinet canadien en tant que ministre de la Marine et des Pêcheries. En 1924, il devient ministre de la Justice et conserve ce poste dans plusieurs cabinets libéraux, jusqu’à sa mort en 1941. Laurendeau, André : il se lance en politique en 1942 pour s’opposer à la conscription, au sein de la Ligue pour la défense du Canada, puis il participe à la fondation du Bloc populaire canadien, un parti de centre-gauche dont il devient bientôt le chef provincial au Québec. André Laurendeau est député à Québec de 1944 à 1948. Rédacteur en chef adjoint en 1947, puis rédacteur en chef en 1957 du quotidien Le Devoir, il s’associe étroi­tement à la lutte contre Maurice Duplessis, puis à l’affirmation nationale du Québec pendant la Révolution tranquille. Lavergne, Armand : il essaie en 1918 de calmer les mani­ festants lors de l’émeute de Québec contre l’enrôlement obligatoire. En 1921, il tente de se présenter comme candidat indépendant dans Montmagny aux élections fédérales, mais il est défait. En 1923, il récidive aux élec­tions provinciales, en se présentant contre Louis- Alexandre Taschereau, dans Montmorency, et essuie la défaite. En 1925 et 1926, il est candidat conservateur dans Montmagny lors des élections fédérales. Il perd cette élection, mais il est élu en 1930. Le premier ministre, Richard Bedford Bennett, le nomme vice-président de la Chambre des communes, mais il est déçu car il espérait un poste de ministre. Maillet, Roger : journaliste, diplômé en droit de l’Uni- versité Laval à Montréal, fondateur du Petit Journal, en 1926, et du Photo Journal, en 1937.

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Marie-Victorin, frère : professeur et homme de sciences. Martin, Médéric : propriétaire d’une usine de cigares, il est élu député libéral dans la circonscription fédérale montréalaise de Sainte-Marie lors d’une élection partielle en 1906. Élu maire de Montréal en 1914, il est réélu en 1916. Défait en 1924, il est de retour en 1926 et défait de nouveau en 1928. Masson, Édouard : avocat de Montréal et organisateur politique pour le Parti conservateur. McMaster, Andrew Ross : élu député fédéral dans le comté de Brome à l’élection générale du 6 décembre 1921, il décide de ne pas se représenter à l’élection de 1925. À l’été 1929, le premier ministre du Québec, Louis- Alexandre Taschereau, le nomme au poste de trésorier­ provincial pour remplacer Jacob Nicol qui vient d’être nommé conseiller législatif. Meighen, Arthur : professeur, avocat, banquier et homme politique canadien. Il a été le neuvième premier ministre du Canada, du 10 juillet 1920 au 20 décembre 1921, puis occupe de nouveau cette fonction du 29 juin au 25 septembre 1926. Monet, Amédée : élu député libéral dans Napierville à l’élection partielle du 27 novembre 1918, il est réélu sans opposition en 1919. Son siège devient vacant lors de sa nomination comme juge à la Cour des sessions de la paix à Montréal le 13 avril 1922, fonction qu’il occupe jusqu’à son décès, en 1946. Monty, Rodolphe : chef de l’aile québécoise des conser- vateurs fédéraux, candidat défait dans Beauharnois, en

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1921, et nommé secrétaire d’État dans le gouvernement Meighen, la même année. Nicol, Jacob : élu député dans le comté de Compton, en 1923 et 1927, il est ministre des Affaires municipales­ dans le cabinet Taschereau de 1921 à 1924, puis trésorier provincial dans le même cabinet de 1921 à 1929, date de son entrée au Conseil législatif. O’Leary, Walter-Patrice : activiste nationaliste, cofon- dateur avec son frère, Émile Dostaler, des Jeunesses patriotes du Canada français. En stage en Europe, il est vice-président, à Paris, du Foyer international des étu­ diants catholiques. Il fonde en Belgique l’Action politique internationale des universitaires catholiques. De retour au pays, il est journaliste au journal L’Ordre d’Olivar Asselin. Pellerin, Jean-Marie : échevin de la Ville de Mai­ sonneuve de 1915 à 1918. Élu député conservateur dans Maisonneuve en 1923, il ne se représente pas en 1927. Pérodeau, Narcisse : lieutenant-gouverneur du Québec nommé par le gouvernement Taschereau le 10 janvier 1924. Perron, Joseph-Léonide : nommé conseiller législa­tif de la division de Montarville le 13 avril 1916, il démis­ sionne le 16 novembre 1929 et est élu à l’Assemblée législative dans Montcalm à l’élection partielle du 16 novembre 1929. Ministre de l’Agriculture dans le cabinet Taschereau du 24 avril 1929 au 20 novembre 1930. Pichet, G. N. : président du comité d’organisation con­ ser­­­vatrice pour le district de Montréal à l’élection du 16 mai 1927.

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Raymond, Maxime : élu député de la circonscription de Beauharnois lors de l’élection fédérale canadienne de 1925 pour le Parti libéral du Canada. En 1943, il quitte le Parti libéral et se rallie au Bloc populaire canadien, pour lequel il dirige la section fédérale qui compte alors seulement deux députés, lui-même et René Hamel dans Saint-Maurice-Laflèche. Réélu en 1945, il ne se repré- sente pas en 1949. Renaud, Joseph-Olier : candidat conservateur défait dans Laval en 1912. Élu député conservateur dans la même circonscription en 1919, en 1923 et en 1927, il est défait en 1931. Rochon, Napoléon : gérant d’une fabrique de cercueils. Rumilly, Robert : historien québécois ultra-nationaliste d’origine française, il est surtout connu pour ses biogra­ phies et sa monumentale Histoire de la province de Québec en 41 volumes. Mais il est aussi très actif en politique, notam­ment aux côtés de son ami Camillien Houde, maire de Montréal, et de l’Union nationale de Maurice Duplessis, dont il est un sympathisant jusqu’à sa mort. Sauvé, Arthur : chef du Parti conservateur du Québec de 1922 à 1929. Chef de l’opposition de 1916 à 1929. Sauvé, Paul : sa carrière politique débute à l’élection qué­bécoise partielle en 1930. Il est élu à l’Assemblée légis­lative du Québec en tant candidat du Parti conserva- teur, succédant ainsi à son père comme député de la cir- conscription de Deux-Montagnes. Il est défait à l’élection générale de 1935 et revient à l’Assemblée législative lors de l’élection générale de 1936.

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Savignac, Joseph-Marie : il est candidat à l’échevinage de la Ville de Montréal en 1926 et 1928, mais il est défait. Il est élu en 1930, puis défait une seconde fois 1932, mais il revient au Conseil en 1934 et est réélu jusqu’en 1957. Scott, Gordon W. : expert comptable montréalais. Il n’est pas député, mais il est quand même assermenté comme trésorier provincial. Défait à l’élection du 4 novembre­ 1930 dans la circonscription de Huntingdon. Simard, Édouard : né au tournant du siècle, il fonde en 1927, avec son frère Joseph, la Marine Industries, entre­ prise de dragage pour les ports et la navigation dans le Saint-Laurent. Smart, général Charles Allan : conseiller municipal de Westmount en 1910, il est élu député conservateur dans Westmount en 1912. Réélu en 1916 et en 1919 sans opposition, puis en 1923, en 1927, en 1931 et en 1935. Ne se représente pas en 1936. Nommé conseiller législatif de la division d’Inkerman le 18 mai 1937. Taschereau, Alexandre : élu député libéral quatre fois dans la circonscription de Montmorency à partir de 1900, il a été premier ministre du Québec de 1920 à 1936. Taschereau, Robert : fils d’Alexandre Taschereau, pre­mier ministre du Québec. Élu député libéral dans Bellechasse à l’élection partielle du 20 octobre 1930, il est réélu en 1931 et en 1935. Ne se représente pas en 1936. Thibeault, Gérald : député de l’Union nationale dans le comté de Montréal-Mercier. Tremblay, William : élu pour la première fois comme ouvrier à tendance conservatrice, dans le comté de

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Maisonneuve pour la Législature de Québec à l’élection générale de 1927. Défait en 1931, et réélu en 1935 et 1936. Il est défait aux élections provinciales de 1939. Trépanier, Léon : journaliste de carrière, il est élu échevin­ dans le quartier Lafontaine de 1921 à 1938. Il est leader du conseil municipal durant le mandat de Camillien Houde. Vautrin, Irénée : élu député libéral dans Montréal- Saint-Jacques à l’élection de 1919, il est défait à celle de 1923. Il est réélu en 1927 et 1931. Il est ministre de la Colonisation, de la Chasse et des Pêcheries dans le gou- vernement Taschereau du 25 juillet 1934 au 20 décembre 1935. En 1936, il est accusé d’avoir subtilisé des fonds publics pour s’acheter une paire de pantalons à même les fonds de la colonisation. Les « culottes à Vautrin » deviennent alors un sujet de blague fort prisée pendant la campagne électorale. Viau, Charles-T. : fondateur de la biscuiterie Viau, en 1867. La Corporation des Biscuits Viau s’inscrit en bourse en 1926 et adopte le nom de Viau Limitée en 1929. Vincent, Meredith : président de la Banque de Montréal.

Extrait de la publication première partie

Extrait de la publication

Chapitre 1

Si le politicien au pouvoir profite du présent, le peuple, lui, a de la mémoire.

Montréal, le 15 juin 1956

Un prudent murmure emplissait le grand salon aux tentures de damas brochées ainsi que, pour l’exotisme des lieux, quelques meubles en palissandre et un élé- phant des Indes en laque rouge. Les autres pièces de la maison de la rue Saint-Hubert paraissaient aussi tristes qu’une coulure de cire noire sur un cierge blanc. Camillien Houde mit une sorte de bonnet grec sur son crâne dégarni, noua les cordelières de sa robe de chambre en soie et descendit précipitamment au salon où l’attendaient quelques amis et conseillers. La journée s’annonçait périlleuse. Camillien se devait de prendre une grave décision, mais les avis au salon étaient partagés. Le premier ministre Maurice Duplessis venait célé­ brer à Montréal, au Palais du Commerce, la grand-messe pontifiante de l’Union nationale, entouré de ses ministres et des candidats de son parti en vue des prochaines

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

élections provinciales fixées au 20 juin. Il avait invité à cette cérémonie presque religieuse Camillien, alias « Monsieur Montréal », et tout le monde se demandait quelles étaient les véritables intentions du « cheuf » du gouvernement. Camillien était devenu chef du Parti conservateur en 1929. Miné par les manœuvres frauduleuses de l’éternel député de Trois-Rivières, Houde avait démissionné de son poste en 1932. Il avait été remplacé par Duplessis, qui trônait depuis ce jour sur la scène politique du Québec. Houde était-il avisé d’accepter l’invitation du premier ministre ? Selon ses proches conseillers et amis, c’était risqué. Pour sa part, Camillien était partagé entre d’anciennes rancunes et une envie confuse. — Je crains, dit Fafard, vieux compagnon de route de Houde, que Duplessis ne profite de l’occasion pour t’humilier devant les Montréalais traînés de force dans le Palais du Commerce pour rendre hommage, avant tout, au “cheuf” et son équipe. Tu vas arriver là comme un cheveu sur la soupe. Ça va réveiller de vieilles disputes. Tu sais bien qu’il va prendre le crachoir et faire son possible pour t’ignorer, sinon pour te rabaisser. — Tu y vas un peu fort, Gaston ! dit Houde. Rappelle- toi, à l’élection de 1952, j’étais aux côtés de Duplessis, au marché Saint-Jacques, et il m’a traité avec bienveillance. — Oui, mais à cette époque, tu étais encore maire de Montréal et il avait tout intérêt à te présenter comme son ami, même si dans le fond il n’en croyait rien. Tu étais plus populaire que lui à Montréal. Il le savait bien. Il fallait qu’il te ménage. T’as quitté la scène politique

28 on dirait que je vous ai manqué depuis trois ans déjà. Il n’a rien à perdre. T’es plus dans le coup. — Attention ! lança Max Trottier, ami de la famille Houde, un petit moustachu aux yeux croches. C’est une invitation du premier ministre… il est au pouvoir. Si Camillien joue le jeu, il pourrait bien profiter des bonnes grâces de Duplessis. Une nomination au Conseil législatif serait une belle fin de carrière politique, et ça serait surtout un moyen d’assurer ses vieux jours. Cependant Fafard n’en démordit pas. Il voulait abso­lument décourager Houde de se rendre à cette manifestation-piège : — Oubliez ça ! C’est mal connaître le premier ministre. S’il avait eu l’intention de nommer Houde à un poste prestigieux, il l’aurait fait depuis longtemps. Non ! Il ne veut pas avoir Camillien dans les pattes. Rappelez- vous de 1936. Il l’a fait battre à la mairie par Adhémar Raynault, alors député de l’Union nationale. Duplessis a sûrement une idée derrière la tête en l’invitant à ses côtés quelques jours avant les élections. Le vieux renard cache sa queue. — Avant de dire non, ajouta Max, ça serait une bonne idée de demander l’avis de Georgette. — Ma femme n’est pas très bien ces temps-ci, dit Camillien. Laissons-la tranquille. Je vais plutôt consulter mon horoscope du jour. Si les pronostics du Lion de la constellation du zodiaque annonçaient quelques signes révélateurs, un mélange de superstition paysanne et de religiosité plon- gerait aussitôt Camillien dans un état de conviction iné- branlable. Cette croyance à l’influence et au pouvoir des

29 on dirait que je vous ai manqué notules astrologiques publiées dans les journaux n’avait rien de nouveau. Chaque jour, Houde consultait le signe des personnes nées un 13 août. Il arrivait même qu’un conseiller dans l’entourage de Camillien téléphonât au journal L’Illustration ou, plus tard, au Montréal-Matin. Il demandait alors au journaliste chargé de l’horoscope d’ajouter dans la colonne du Lion des conseils ou des restrictions qui faisaient, bien sûr, l’affaire du cercle des intimes. Camillien s’en tenait toujours aux directives des astres, sans hésiter ni souffrir d’être dupe. Houde se fit apporter le journal du jour. Il enfila ses lunettes et lit tout haut ce que les étoiles et autres planètes prédisaient : « Ne vous laissez pas éloigner de votre but. Écoutez les avis des autres, s’il le faut, mais tenez-vous-en à votre propre décision. » — C’est entendu ! finit par lancer Camillien d’une voix théâtrale. J’irai à cette assemblée politique et je ferai un discours dont tout le monde se souviendra, même Duplessis. Surtout Duplessis ! Houde avait l’habitude des urbanités solennelles. Il choisit dans sa garde-robe le parfait attirail de l’homme public : pantalon rayé, veston de cérémonie en drap noir et gilet de soie grise. Léon Toupin, son chauffeur attitré, l’attendait dans la Cadillac. Camillien rejoignit Duplessis et sa cour à l’hôtel Windsor, d’où partit le cortège en direction du Palais du Commerce. Une foule énorme engorgeait la rue Berri. Le premier ministre sortit le premier de la limou­sine officielle. L’ex-maire de Montréal se tenait derrière. Les partisans de l’Union nationale applau­dirent avec frénésie leur chef, mais le peuple de Montréal se pressa autour

30 on dirait que je vous ai manqué de Camillien. Agacé par cette marque de sympathie un peu trop évidente, Duplessis se retourna et enjoignit à Houde de le rejoindre à ses côtés. Une tribune d’honneur était érigée dans l’immense centre commercial rempli d’une foule compacte et bruyante. Le maître de cérémonie invita Camillien Houde à prendre place en avant, dans la rangée réservée aux invités du premier ministre. Puis, l’animateur de la soirée, Gérald Thibeault, député de Montréal-Mercier, présenta la galerie de ministres et de députés de la région de Montréal en insistant sur les prénoms des plus connus : Maurice, Arsène, Paul, Lucien, Marcel et bien d’autres encore. Ce fut une longue litanie énumérée d’une voix toni­ truante, haut perchée avec des accents de tribun en transe, très en vogue au siècle dernier. Cette nomen­ clature des grosses légumes du parti fit valser la mémoire de Camillien au temps où il vivait rue Logan. Il se sou­venait de la voix râpeuse des marchands ambulants,­ dans les ruelles du quartier, entonnant : « Des légumes… des pommes, des patates, des choux, des navets, des tomates… des beaux légumes… pas chers ! » Il émit un petit gloussement qui le fit alors saliver. Une comédienne bien connue de la télévision, drapée dans une robe blanche et bleue aux couleurs de l’Union nationale, couleurs usurpées sans vergogne au drapeau de la province de Québec, vint lire un court mot au pre- mier ministre, pendant qu’en sourdine, une fanfare jouait l’hymne national. Puis la parade des discours vantards et fanfarons se mit en branle. Ministres et candidats vinrent débiter devant un auditoire éberlué leur harangue de

31 on dirait que je vous ai manqué circonstance en prenant bien soin d’ajouter quelques propos flatteurs à l’égard du cheuf. Assis à un bout de la première rangée, sur une chaise trop étroite pour son ample postérieur, Camillien Houde s’ennuyait. Personne ne l’avait encore présenté à la foule, et Duplessis semblait l’avoir oublié, trop absorbé qu’il était par les cajoleries de son entourage. À un moment donné, l’animateur se pointa à l’avant de la tribune, et lança dans un cri de ralliement : — J’ai l’honneur d’inviter un ancien maire de Montréal et un ami de l’Union nationale… et j’ai nommé : nul autre que Monsieur Montréal, Camillien Houde ! La foule se leva dans un vacarme de chaises remuées, de cris de joie et d’applaudissements. La clameur rem- plit le Palais du Commerce et se répercuta jusque dans les rues voisines. L’acclamation prit de plus en plus d’ampleur, si bien que l’animateur se demandait s’il ne devait pas tenter de calmer un peu l’enthousiasme de la foule. Camillien s’avança en ouvrant les bras comme pour faire une gigantesque accolade à ces Montréalais qui se souvenaient de lui. Puis, devant cette multitude­ en liesse, la phrase qui mijotait en lui depuis que l’ani­ mateur l’avait présenté éclata soudain comme une bulle dans sa tête : — ON DIRAIT QUE JE VOUS AI MANQUÉ ! Tout d’un coup, une clameur venue du tréfonds des cœurs éclata avec plus d’exubérance qu’au début, et dura deux fois plus longtemps. C’était un moment de retrouvailles privilégié. Un homme public presque oublié entendait les cris du destin lui rappeler qu’il était toujours vivant sur la scène politique.

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Extrait de la publication on dirait que je vous ai manqué

Ces minutes d’acclamation qui n’en finissaient plus amplifiaient l’inquiétude de Maurice Duplessis et agaçaient son impatience. Le premier ministre déco- cha des regards obliques à Camillien, l’air de dire : « Qu’attends-tu pour faire taire cette foule qui était venue me rendre hommage et que tu distrais de son devoir ? » Rien à faire ! Houde continuait, d’un geste théâ­tral, de faire semblant d’enlacer cette population trop heureuse de retrouver celui qu’elle avait failli oublier.

I

À la fin, la bousculade déchaînée s’apaisa. Dans le bruit mourant des murmures de la foule, Camillien Houde intervint pour remercier son « bon peuple », comme il disait, de s’être déplacé pour lui rendre un si vibrant témoignage d’amitié. Voyant la tête que faisait le premier ministre, il invita le Tout-Montréal à voter pour l’Union nationale, mais il n’insista pas plus qu’il ne le fallait. Quand Duplessis se leva à son tour pour prendre la parole et clôturer cette assemblée, ministres et candidats s’époumonèrent comme des chats de gouttière en rut pour surpasser les acclamations que Camillien venait de recevoir. Ce n’était pas facile. Les politiciens étaient encore secoués par la leçon d’humilité que leur cheuf avait subie de la part de ses propres partisans. Irrité par la popularité de Houde, le chef du gou­ vernement haussa le ton dans le but de captiver l’au­­­di­ toire. Il s’en prit en premier au gouvernement d’Ottawa

33 on dirait que je vous ai manqué qu’il accusa de fermer les yeux sur les problèmes de Montréal, puis il s’égosilla à rappeler tout ce que l’Union nationale avait accompli afin d’affermir sa position de métropole du Canada. À la fin, Duplessis rappela les grandes leçons de l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII qu’il plaçait, du reste, en exergue dans tous ses discours, surtout en ces temps de Guerre froide. Une population fidèle aux préceptes de l’Église ne pouvait demeurer insensible aux consignes du pape. Le premier ministre s’engagea alors dans une enfilade d’antichambres allégoriques directe- ment ouvertes sur un monde de terreur : — C’est le Saint-Père lui-même qui nous met en garde des dangers qui nous guettent, dit-il. N’oublions pas que le libéralisme est l’antichambre du socialisme et le socialisme est l’antichambre du communisme. Il faut se méfier des Rouges d’ici comme des Rouges d’ailleurs ! Ce verdict inattendu de l’Église, seriné de mauvaise foi par un politicien en campagne électorale, n’eut aucun effet, et personne dans la salle ne sursauta d’in­digna­ ­ tion. Il n’était pas facile non plus de trouver une réelle parenté entre le libéralisme de Léon XIII et les libéraux de Georges-Émile Lapalme. C’était l’insolite qui jouait aux échecs avec la peur. Une fois les discours terminés, les concélébrants de la sainte messe électorale quittèrent la tribune d’hon­neur. Duplessis prit la tête du cortège et se pré­cipita vers la sortie du Palais du Commerce. La foule avait déjà com- mencé à défiler par le goulot des portes et attendait, dans la rue, Camillien Houde, la grande vedette de la soirée. Monsieur Montréal, ralenti par un public chaleureux et

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Bouillant, entier, passionné, humaniste, Cyrano de Bergerac à la Chambre en citant des tirades de son héros personnage unique, l’orateur fougueux qui s’adressait paradoxes et de tous les extrêmes. Redécouvrez un mais sensible, Camillien est l’homme de tous les Rusé mais impulsif, ambitieux mais dispersé, coloré pendant quatre ans. et jeté, sans procès, camp un dans d’internement Seconde Guerre mondiale, ce qui lui vaut d’être arrêté ses compatriotes àbouder la conscription lors de la Aimant afficher ses opinions sans détour, il incite résidence en service d’aide directe nécessiteux… aux Grande Crise, allant jusqu’à convertir des pièces de sa est issu, surtout heures aux les plus sombres de la bat pour améliorer le sort du petit peuple dont il l’opposition, cinq fois maire de Montréal, Houde se Député provincial aussi bien que fédéral, chef de hommes politiques les plus influents de son époque. garçon très tôt orphelin de père àdevenir l’un des Né le dans quartier Saint-Henri, rien ne destine ce générations de Montréalais et de Québécois. a pourtant profondément marqué le quotidien de menant au sommet du mont Royal, Camillien Houde nosDe jours, si son nom n’évoque plus qu’un chemin fascinant… En mot un ! Extrait de lapublication

Monsieur Montréal« Monsieur ». de offrir inoubliable un portrait d’autrefois s’allient pour nous politique monde du connaissance plume savoureuse et sa parfaite histoire, Camillien Houde. Sa revisite autre un géant de notre Nord le curé Labelle ( ( André Après avoir fait revivre le frère ), ), www.editionshurtubise.com Robe 921 Road Queen Mary : Camillien. r t W. Brisebois Les CheminsLes du ) et )

Photo de la couverture : Photo GABY Photo : Robert Etcheverry