A Rt Minim Al Ak Er Man Guir Audie
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A RT MINIM AL A K ER M A N GUIR AUDIE L’ANTINOMIE OBJECTIVITÉ - SUBJECTIVITÉ OU LA TENTATION D’UNE CONCILIATION DANS LA FICTION PAR UNE APPROCHE MINIMALISTE. DES INFLUENCES DE L’ART SÉRIEL MINIMAL ET DE LA CHORÉGRAPHIE RÉPÉTITIVE DE LA DANSE POST- MODERNE SUR LE CINÉMA DES ANNÉES 1970 DE CHANTAL AKERMAN ET DE LEURS RÉSONANCES DANS LE CINÉMA CONTEMPORAIN D’ALAIN GUIRAUDIE. MAXIME RAPPAZ TRAVAIL DE MÉMOIRE | PRINTEMPS 2015 TABLE DES MATIÈRES 05 Avant - propos 06 Introduction | Méthode et corpus CONTEXTE 07 New York 1970 | De l’art minimal au cinéma expérimental en passant par Babette Mangolte 08 Minimalisme et fiction, le corps entre en jeu | Yvonne Rainer et la danse postmoderne 09 « Grilles » | De Rosalind Krauss à une application filmique ? CHANTAL AKERMAN 11 Hotel Monterey 1972 | Les aspirations à sortir de la grille 14 La Chambre 1972 | Un corps pas vraiment muet 16 Je tu il elle 1975 | Ouverture à la fiction 20 Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles 1975 | Un corps en action ALAIN GUIRAUDIE 31 Alain Guiraudie : un héritier possible ? 33 Du soleil pour les gueux 2001 | L’espace ouvert et la recherche d’horizons 38 Ce vieux rêve qui bouge 2001 | Architectures 44 L’Inconnu du lac 2012 | La grille circulaire du désir 55 Conclusion | Commentaire 58 Entretiens | Alain Guiraudie 64 Entretiens | Chantal Akerman 69 Notes 71 Bibliographie et filmographie Chantal Akerman, Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles | 1975 3 AVANT - PROPOS J’ai toujours été tiraillé entre le rond et le carré. confronter mon envie d’objectivité, mon désir de Neutre, Je viens du « design ». Un bachelor en design de mode. comme le dit Barthes , avec la réalité de l’industrie ? Avant de me confronter aux pratiques cinémato- Ce travail de mémoire constitue une opportunité d’es- graphiques, j’avais entrepris de créer des vêtements. sayer de comprendre plusieurs choses. D’abord, essayer © HEAD BAPTISTE COULON Or, deux choses m’ont embêté. La première, c’est de m’expliquer pourquoi cette neutralité vers laquelle je que j’avais l’impression de ne pas pouvoir m’expri- veux tendre. Ensuite, définir une ou plusieurs façons d’y mer pleinement. Ce, parce que le cadre vêtement parvenir. Et enfin, peut-être admettre que, même si la m’a paru assez vite trop contraignant, surtout du neutralité pure n’existe que lorsqu’on ne l’aborde pas, il fait qu’il est un produit, au sens matériel du terme. ne doit pas être vain de vouloir l’atteindre. Moi j’avais envie, j’ai besoin de raconter, d’exprimer. Le corpus de films que nous allons évoquer dans ce tra- La seconde, c’est le corps. Non pas que je n’aime pas le vail a été choisi non par une réflexion complexe mais par corps, au contraire. Mais, je me suis toujours retrouvé mon goût de spectateur. Pour tenter de mieux me com- confronté à un corps que je n’imaginais pas. Disons que prendre et d’ainsi mieux comprendre mon travail, il faut je voyais mes « créations » plutôt comme des objets. Si que je me confronte à ce que j’aime et qui par conséquent possible des objets neutres. Minimalistes. Et, ce corps, m’influence d’une façon ou d’une autre. Mon choix s’est ces corps, venaient inévitablement, à un moment donné instinctivement porté sur deux films qui m’ont marqué du processus, habiter mes objets. Cela a été une immense ces dernières années lorsque je les ai vus pour la première frustration. Une sorte de désillusion avec laquelle j’ai dû fois. Jeanne Dielman (1972) de Chantal Akerman 1, et négocier. Non que cette habitation de mes vêtements par L’Inconnu du lac (2012) d’Alain Guiraudie 2. des corps étrangers ait été imposée de l’extérieur mais Ce travail consistera, en élargissant le champ de la re- parce que je me suis rendu compte que l’idée, mon idée cherche à d’autres films et à d’autres disciplines que celle de vêtement - objet, n’intéressait finalement que moi. J’ai du cinéma, à décortiquer ce qui constitue la matière in- continué un temps, avant de me tourner vers le cinéma trinsèque qui lie ce corpus élargi – que j’évoquerai plus que j’avais jusqu’alors hésité à embrasser. loin – et les deux films que j’ai nommés en particulier, Je me rends compte que mes obsessions – et ce n’est pas au - delà de mon « simple » goût de spectateur. grave en soi – ne m’ont pas lâché. Comment réussir à Je me permettrai, puisque ce travail constitue une re- atteindre un degré de neutralité dans le cinéma, une cherche personnelle – une exploration supposée nourrir sorte d’objectivité qui ne soit ni ennuyeuse ni arrogante. mon approche cinématographique – à de plus ou moins Comment, puisque je veux raconter des histoires, et larges digressions et interprétations qui ne sauraient être des histoires qui si possible n’intéressent pas que moi, exhaustives. Extraits de ma collection Finalement, j’ai opté pour le carré | 2011 4 5 INTRODUCTION CONTEXTE Méthode et corpus New York 1970 Partant du postulat que quelque chose d’autre qu’un sager de transposer ce principe de grilles dans le cinéma. Au terme d’un séjour en Israël, plutôt que de rentrer riciens les plus considérés tels que Robert Morris ou « simple » goût de spectateur relie Jeanne Dielman de Nous explorerons ensuite les films les plus marquants – chez ses parents à Bruxelles, Chantal Akerman s’envole Donald Judd . Avec l’art minimal, on réagit à l’expres- Chantal Akerman et L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie, pour ce qui nous concerne ici – du cinéma des années pour New York en secret, elle a vingt - et - un ans. 1971. sionnisme abstrait. On « refuse de faire appel à ce qui est nous allons élargir l’exploration avec comme point de 1970 de Chantal Akerman, en procédant dans un ordre Elle fait la rencontre de Babette Mangolte, une fran- au - delà de la surface [ et on ] offre une stratégie efficace départ le contexte dans lequel Chantal Akerman a déve- chronologique qui nous aidera à définir le trajet parcou- co - américaine un peu plus âgée qu’elle et qui deviendra pour déjouer l’illusionnisme qui [ incite ] le spectateur loppé son premier cinéma, celui des années 1970, à New ru par la cinéaste. D’un premier moyen métrage qui ex- sa cheffe opératrice. Babette Mangolte introduit la jeune à supposer au cœur de l’œuvre [ une quelconque ] in- York : l’art sériel minimal, le cinéma expérimental mini- périmente le non - récit, Hotel Monterey ( 1972 ), à un Belge dans le milieu artistique new-yorkais de l’époque. tériorité psychologique » 5. On ne supporte plus la por- maliste, la task performance et le Judson Dance Theater 3, long métrage de fiction expérimental,Jeanne Dielman, Ensemble, elles vont voir des œuvres musicales, des per- tée évocatrice d’une œuvre. « [ ... ] À présent, nous nous qui a vu émerger des personnalités comme Yvonne Rainer. 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles ( 1975 ), nous formances données dans des lofts. Des films. « Back and sentons terriblement gênés de mentionner l’art et l’es- En nous basant sur des récits écrits ou entretiens filmés nous appuierons sur deux films que Chantal Akerman Forth [ Michael Snow, cinéaste expérimental canadien | prit dans une même phrase. » 6 Gott ist tot . On a vécu de Chantal Akerman, avec notamment la personne de a réalisés entre temps – un court métrage, La Chambre 1969 ], ça a été une révélation », insiste Chantal Akerman les traumatismes des deux Grandes Guerres. On ne croit Babette Mangolte – qui deviendra sa cheffe opératrice – ( 1972 ) et son premier long métrage, Je tu il elle ( 1975 ) lorsque je la rencontre à Paris, chez elle, « ça se passe dans plus à un absolu d’ordre platonicien si cher à Mondrian. nous allons pouvoir observer les influences qu’ont eues – pour décrypter ce qui aura constitué sa trajectoire qui une classe vide avec des chaises ». Babette Mangolte, c’est On ne suppose plus « l’existence, au - delà du monde les différentes disciplines et leurs principes sur la forma- sans cesse explore les thèmes de la répétition et de l’en- aussi une amie d’Annette Michelson ( critique d’art ) et des apparences, d’une vérité supérieure » 7. On craint tion critique et artistique de la cinéaste belge. fermement avec une maîtrise déroutante. Un matériau la cheffe opératrice d’Yvonne Rainer, sur son film Lives of la représentation, on chérit la présentation. Avec ce qu’il À partir de textes et essais d'Yvonne Rainer, figure de la extrait de divers documents écrits ou filmiques viendra Performers. Le milieu artistique new - yorkais se connaît. nomme ses objets spécifiques,Donald Judd ne cherche danse postmoderne, nous tenterons de retracer les ques- enrichir l’exploration. On se fréquente parmi. Babette Mangolte disait ainsi que pas à communiquer quelque chose au - delà de l’objet. tionnements relatifs à ses liens avec l’héritage du Judson Puis, à partir d’un examen de ce premier corpus, nous « ce qui était dingue à New York, c’est que certains sculp- Il dit : « J’ai toujours détesté que l’on sépare la forme Dance Theater et ce qui l’a amenée à réaliser un mélo- envisagerons le cinéma contemporain d’Alain Guiraudie teurs faisaient de la chorégraphie, des danseurs faisaient et le fond ; et jamais je n’ai su quoi répondre lorsqu’on drame d’un genre nouveau, Lives of Performers ( 1972 ). sous le prisme d’une influence indirecte des principes du de la photo. Tout était impliqué organiquement. [ ... ] me demandait : "Quel est le sens de cette œuvre ?" et À travers ses interrogations sur les principes du mini- minimalisme filtrée par une possible influence du ciné- Yvonne Rainer, chorégraphe issue du Judson Dance "Qu’est-ce que cela veut dire ?"» 8 L’art minimal refuse malisme en lien avec sa pratique du corps, nous verrons ma des années 1970 de Chantal Akerman.