1 2010

MUTATIONS MÉMOIRES ET PERSPECTIVES DU BASSIN MINIER

Terres Rouges Approche interdisciplinaire et transnationale

Rote Erde Im interdisziplinären und transnationalen Zugriff IMPRESSUM

Editeur / Herausgeber Fondation Bassin Minier c/o Chambre de Commerce, L-2981 www.fondationbassinminier.lu [email protected]

Comité de lecture / Beirat Guy Assa, Antoinette Lorang, Massimo Malvetti, Antoinette Reuter, Denis Scuto, Jürgen Stoldt

Impression / Druck C.A.Press, L-4210 Esch/Alzette

Couverture / Umschlag Hall des turbines à gaz, ARBED Esch-Schifflange, aujourd’hui siège de la société ENOVOS Gasturbinenhalle, ARBED Esch-Schifflange, heute Sitz des Unternehmens ENOVOS Photo : Atelier d’architecture et de design Jim Clemes

ISSN 2078-7634

Soutenu par le Fonds National de la Recherche, Luxembourg, l‘Université du Luxembourg et PRO-SUD. Mit der Unterstützung des Fonds National de la Recherche, Luxemburg, der Universität Luxemburg und PRO-SUD.

Luxembourg, avril 2010 / Luxemburg April 2010

MUTATIONS MÉMOIRES ET PERSPECTIVES DU BASSIN MINIER 1|2010

Terres Rouges Approche interdisciplinaire et transnationale sous la direction de Michel Pauly

Rote Erde Im interdisziplinären und transnationalen Zugriff unter der Leitung von Michel Pauly

007 Michel Pauly, Christian Schulz Terres Rouges - eine interdisziplinäre und transnationale Vortragsreihe

009 Myriam Sunnen « De Minett » comme « lieu de mémoire »

021 Michael Overbeck Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

033 Norbert Franz Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

049 Frank Wilhelm L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

063 Tonia Raus Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

073 Marion Colas-Blaise Une approche sémio-linguistique de « La mémoire de la baleine » de Jean Portante

085 Damien Sagrillo Musik im Land der Roten Erde

101 Julie Schroell La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

109 Peter Gilles Sprache im Minette

123 Paul di Felice Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

135 Christian Schulz Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Terres Rouges - eine interdisziplinäre und transnationale Vortragsreihe

Terres Rouges - eine interdisziplinäre und transnationale Vortragsreihe Michel Pauly - Christian Schulz

Im Sommersemester 2008 fand an der Fakultät ist zu bedauern, dass zwei Vorträge, jener von für Sprachwissenschaften und Literatur, Geistes- Alex Storoni über die physisch-geographischen wissenschaften, Kunst und Erziehungswissen- Voraussetzungen des Minetteabbaus im franko- schaften (FLSHASE) der Universität Luxem- luxemburgischen Eisenerzbecken als auch je- burg im Rahmen des Studiengangs „Bachelor en ner von Thierry Grosbois über die Haltung der cultures européennes“ eine Ringvorlesung statt, Luxemburger Industriellen und insbesondere in der sich vierzehn Wissenschaftlerinnen und der Stahlindustrie zum europäischen Einigungs- Wissenschaftler aus verschiedenen Disziplinen prozess nach dem Zweiten Weltkrieg, aus ver- mit der zukünftigen Heimat der Universität schiedenen Gründen hier nicht zum Abdruck Luxemburg beschäftigten. Wenn der Zeitpunkt kommen können. Für die Studierenden des BCE, dieser Auseinandersetzung mit der Minette- ob sie jetzt in Germanistik, Romanistik, Ge- Gegend für die Studierenden möglicherweise schichte oder Philosophie eingeschrieben wa- etwas früh kam, weil der Umzugstermin noch ren, war der Besuch der Ringvorlesung Pflicht. so weit weg scheint und die heute Eingeschrie- Sie sollten erkennen, dass die Realität dieser Re- benen davon nicht mehr betroffen sein werden, gion eine ist, auf die man aus sehr unterschied- so war das doch nicht nur ein willkommener lichen Blickwinkeln schauen kann und muss, Anlass, die Rolle der Geisteswissenschaften in um sie annähernd in ihrer Ganzheit zu erkennen den Debatten über den Umzug herauszustellen. und zu verstehen. Sie bot auch die Gelegenheit, zwei Merkmale Es freut die Herausgeber ganz beson- sowohl der Forschungseinheit IPSE (Identités, ders, dass die Fondation Bassin Minier sofort Politiques, Sociétés, Espaces) als auch des ge- Interesse zeigte, die Vorträge in ihrer neuen nannten Bachelorstudiums herauszustreichen Schriftenreihe zu veröffentlichen. Die Ring- bzw. die Studierenden damit vertraut zu ma- vorlesung war durchaus für ein größeres Pub- chen: die Interdisziplinarität und der transnatio- likum als nur die BCE-Studierenden konzipiert, nale Zugriff. denn die Forschungseinheit IPSE möchte mit Die vierzehn Vorträge beleuchteten in der der Ringvorlesung und darüber hinaus mit ih- Tat Aspekte des „Landes der Roten Erde“ aus ren Forschungsprojekten den Einwohnern und sehr unterschiedlichen Perspektiven: Geogra- Verantwortlichen an ihrem zukünftigen Stand- phie, Archäologie, Geschichte, französische und ort zeigen, dass dieses Umfeld sie nicht kalt luxemburgische Literatur, Luxemburger Spra- lässt. Vielmehr interessiert sie sich schon jetzt che und Kunstgeschichte. Dieser zugegebener- für dessen Fragen und Probleme und setzt sich maßen eher multi- als interdisziplinäre Zugriff für das Verständnis dieser Gegend mittels wis- war zudem auch transnational, da nicht nur For- senschaftlicher Aufarbeitung ein. Die Geistes- scher aus Luxemburg und Deutschland daran wissenschaften mögen keinen direkten wirt- beteiligt waren, sondern das Thema auch unab- schaftlichen Nutzen bringen, für die Kohäsion hängig von der Staatsgrenze beleuchtet wurde der Region und das gegenseitige Verständnis und Entwicklungen in Literatur und Kunst aus von Einwohnern und Universitätsangehörigen verschiedenen Kulturräumen zur Sprache ka- wird ihr Beitrag gleichwohl nicht zu unter- men. Gerade beim Blick über die Staatsgrenzen schätzen sein.

7

Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

« De Minett » comme « lieu de mémoire » Myriam Sunnen

« De Minett » : en entendant ces mots, qui ne preuve à l’on ne sait quel tribunal de l’histoire. songe pas d’abord aux cheminées des usines, Le sacré s’est investi dans la trace qui en est la à une épaisse fumée noire ou rouge qui monte négation. Impossible de préjuger de ce dont il dans le ciel, aux paysages d’Esch ou de Rume- faudra se souvenir. D’où l’inhibition à détruire, lange et aux ouvriers musclés tels qu’on les voit la constitution de tout en archives, la dilatation sur bon nombre de plaques commémoratives indifférenciée du champ du mémorable, le gon- dans les villes du sud-ouest du Luxembourg ? flement hypertrophique de la fonction de mé- D’autres associations ne tardent pas à se profiler moire, liée au sentiment même de sa perte, et le – « mär », « där», « Vun der Long op d’Zong », renforcement corrélatif de toutes les institutions parti socialiste, immigration, culture alternative, de mémoire3. sport – mais il semble que le bassin minier ait toujours été et reste même à l’heure actuelle le C’est à Pierre Nora aussi que l’on doit le terme symbole de l’industrie luxembourgeoise. Chose de « lieu de mémoire » qui, au cours des der- plus étonnante encore : depuis que cette région nières décennies, a connu un succès considé- a, d’après l’expression de Jean Portante, « perdu rable et qui, à notre sens, permet de comprendre son nom1 » - c’est-à-dire depuis la fermeture la place que le bassin minier occupe dans la de la dernière mine luxembourgeoise (1981) mémoire collective des Luxembourgeois : et l’extinction du dernier haut-fourneau (1997) étroitement associé à la sidérurgie et à l’indus- – les publications sur la sidérurgie et les mo- trie lourde, il a en effet souvent été considéré numents commémoratifs n’ont cessé de se mul- comme le fondement même de l’indépendance tiplier, comme si, à une époque où cette région politique et de la prospérité du Luxembourg connaît une mutation profonde, il fallait conser- et en ce sens, il a joué un rôle central dans la ver à tout prix les traces du passé2. La volonté construction des identités collectives. de patrimonialisation qui sous-tend toutes ces Qu’est-ce qu’un lieu de mémoire4 ? Dès la entreprises s’inscrit parfaitement dans l’esprit fin des années 1970, Pierre Nora s’est interrogé d’une époque qui, faute d’avoir une mémoire sur les éléments du passé qui sont restés vi- active et vivante, tend à « matérialiser » ce qui vants dans le présent et qui incarnent un certain reste de cette mémoire. C’est du moins l’ana- nombre de valeurs dans lesquelles les membres lyse qu’en propose l’un des plus grands spécia- d’une communauté donnée se reconnaissent : listes de l’usage de la mémoire, Pierre Nora : monuments, traditions populaires, institutions… Sa réflexion s’inscrit dans la lignée des travaux À mesure même que disparaît la mémoire tradi- de Maurice Halbwachs, le sociologue français tionnelle, nous nous sentons tenus d’accu- qui, dans la première moitié du 20e siècle, muler religieusement vestiges, témoignages, avait consacré un ouvrage fondamental aux rap- documents, images, discours, signes visibles ports entre la mémoire et la société (1925) et de ce qui fut, comme si ce dossier de plus en qui, surtout, publia en 1950 un livre important plus proliférant devait devenir on ne sait quelle sur le concept de mémoire collective. Celle-

1 Voir le titre de sa contribution à BRAUN, John et alii, Bassin minier. Traces et mutations, photographies, Luxembourg1995 (« Réflexions sur un pays qui a perdu son nom »). 2 On songe par exemple aux publications d’Ed. Maroldt (surtout Leit aus Eisen. Petit illustré de la sidérurgie / Magiciens du fer. Reise in die Stahlwelt Luxemburgs in 350 Bildern, Esch-Alzette 2005), au numéro de Nos cahiers consacré au canton d’Esch (3 / 4 de 2006), à la place réservée au haut-fourneau dans le projet de Belval et à un nombre impressionnant de films consacrés à l’acier, dont le numéro 182 de la revue forum (mars 1998) (La Terre rouge sans mémoire ni projet) propose la liste (p. 31). 3 NORA, Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, I. La République, 1984, p. XXVII. 4 Sur ce qui suit, cf. MARGUE, Michel et KMEC, Sonja, Les « lieux de mémoire » ou Donner un sens à l’histoire, in : KMEC, Sonja et alii (éd.), Lieux de mémoire au Luxembourg / Erinnerungsorte in Luxemburg, Luxembourg 2007, p. 5-7

9 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

ci se trouve dans un rapport d’interaction le monument fut rapidement investi d’une sym- constant avec la mémoire individuelle et elle bolique anti-allemande, qui ne laissa peut-être joue un rôle considérable dans la construc- pas indifférent l’occupant : il fut en effet démoli tion des identités collectives. Chaque indi- en octobre 1940 et, comme l’affirme Benoît vidu se définit par rapport à ceux qui l’en- Majerus, il devint en partie grâce à cela « un tourent en sélectionnant de façon plus ou élément d’identification pour les Luxembour- moins consciente des souvenirs qui lui per- geois à l’étranger9 ». Peu commentée pendant la mettent de se solidariser avec certains et de guerre, cette démolition joua par la suite un rôle se distinguer d’autres. De même, les élites capital dans l’historiographie luxembourgeoise politiques et intellectuelles assurent la cohésion et, avec le « Spengelskrich », elle constitue, tou- au sein d’un pays en investissant d’un sens sym- jours d’après Benoît Majerus, le premier tableau bolique un certain nombre de lieux, de dates, d’un « triptyque » de la résistance luxembour- de personnages, de mythes ou de coutumes. geoise, les deux autres tableaux étant représen- Ainsi conçue, la nation ne se définit pas par des tés par le « référendum » d’octobre 1941 et la critères prétendument objectifs (communauté « grève générale » d’août-septembre 1942. de race, de langue, occupation d’un même ter- Portée disparue pendant de longues années, la ritoire…), comme on l’a longtemps cru, mais « Gëlle Fra » fut retrouvée en 1981 au Stade na- elle est considérée comme le résultat de négo- tional. Malgré l’opposition des mouvements de ciations et de processus d’identification5 ; bref, résistants, le monument fut reconstruit grâce à la nation est une construction culturelle qui une souscription nationale et investi d’une sym- repose sur des valeurs, souvent symbolisées bolique clairement nationale et identitaire. La par des « lieux de mémoire ». Les « lieux de mise en place de la « Lady Rosa of Luxembourg » mémoire » au sens que Pierre Nora a donné à en 2001, due à Sanja Ivekovic, déclencha par la ce terme ne sont donc pas seulement des lieux suite une vive polémique qui montre bien que au sens géographique du terme, ce ne sont pas la « Gëlle Fra » constitue un véritable symbole non plus seulement des lieux de commémora- aux yeux d’un certain nombre de Luxembour- tion (tombes, monuments aux morts…), mais ce geois, hostiles, pour cette raison précisément, à sont « les lieux où se cristallise la mémoire6 », toute tentative qui viserait à doter le monument ou encore, pour citer les auteurs de l’ouvrage d’une symbolique autre que celle dans laquelle sur les lieux de mémoire au Luxembourg, ils se reconnaissent. « des éléments de nature matérielle, symbolique Quant à la « guerre des gourdins », Sonja ou fonctionnelle, dans lesquels une collectivité Kmec a démontré qu’elle a fait elle aussi l’ob- peut reconnaître son histoire et son identité7 ». jet d’une instrumentalisation idéologique10. Ce Comme le montre bien l’ouvrage dirigé par qui, au départ, ne représentait guère plus qu’une Michel Margue, Sonja Kmec, Benoît Majerus bagarre entre des paysans ardennais écrasés par et Pit Péporté, il s’agit, dans le cas du Luxem- une lourde fiscalité et des soldats français char- bourg, du drapeau national, de figures telles que gés de les enrôler dans l’armée révolutionnaire, Saint Nicolas, d’événements historiques ou en- a souvent été présenté dans l’historiographie core de monuments comme la « Gëlle Fra ». luxembourgeoise comme un symbole du sens L’histoire mouvementée de cette dernière religieux et patriotique des paysans de l’Ösling est particulièrement révélatrice de la dynamique et des Luxembourgeois d’une manière géné- propre aux « lieux de mémoire8 ». On sait que la rale. Après la deuxième guerre mondiale, cette statue dorée faisait initialement partie d’un mo- « guerre » devint par ailleurs le symbole de la nument commémoratif édifié en hommage aux résistance luxembourgeoise à l’enrôlement de volontaires luxembourgeois qui avaient com- force, pratiqué non seulement par les Français battu dans les armées belge et française lors de en 1798 mais aussi par les Allemands en 1942. la guerre de 14-18. Après l’invasion allemande, Ayant inspiré de nombreux écrivains luxem-

5 MARGUE/KMEC, Les « lieux de mémoire » [voir note 4], p. 7-8, 6 NORA, Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, I. [voir note 3], p. XVII. 7 MARGUE/KMEC, Les « lieux de mémoire » [voir note 4], p. 6. 8 Sur ce qui suit, voir MAJERUS, Benoît, « Gëlle Fra », in : Lieux de mémoire au Luxembourg [voir note 4], p. 291-296. 9 Ibid., p. 292. 10 Voir KMEC, Sonja, « De Klëppelkrich », in: Lieux de mémoire au Luxembourg [voir note 4], p. 141-146.

10 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

bourgeois dont en particulier Nikolaus Welter Notre propos sera précisément de voir et Batty Weber, la guerre des gourdins apparaît comment l’exploitation minière est devenue un depuis les années 1990 comme un « lieu de mé- objet de fierté nationale13. On verra ainsi que moire transnational ». Sonja Kmec précise en la tendance à considérer la sidérurgie comme particulier que lors du bicentenaire de 1998, le le fondement de l’indépendance politique était « Klëppelkrich » fut commémoré par une repré- particulièrement prononcée lors des grandes cé- sentation théâtrale organisée par l’association lébrations de la première moitié du 20e siècle. « Éislek ouni Grenzen ». Le recueil De Galgebierg publié en 1939 par On aura compris que l’objectif d’une étude Tony Hurst est par exemple présenté de façon des lieux de mémoire est de montrer que l’iden- tout à fait explicite comme une contribution à la tité et la mémoire collectives se redéfinissent célébration du 100e anniversaire de l’indépen- constamment et qu’elles sont largement tribu- dance nationale. Sur une linographie d’Albert taires de facteurs historiques, politiques et so- Kaiser reproduite dans la réédition de 1957, on ciaux. Deux approches sont dès lors possibles : voit même l’inscription « 100 Joer Galgebierg, on peut soit s’interroger sur la production et 100 Joer Wuelstand14 », qui atteste bien la place l’exploitation d’un certain nombre de stéréo- de la sidérurgie dans la construction de l’iden- types (le plus souvent par les élites intellectuelles tité nationale : le recueil est en effet consacré à et politiques), soit étudier le degré d’intériorisa- l’homme qui (re)découvrit les gisements de fer tion de ces symboles par la population. Comme dans la région d’Esch. dans le volume dirigé par Michel Margue, Sonja Le cas des « lieux de mémoire » géo- Kmec, Pit Péporté et Benoît Majerus (et pour les graphiques est particulièrement intéressant raisons exposées dans l’introduction de ce livre), à étudier dans la mesure où, souvent, ils ont nous nous concentrerons ici sur la production été employés à la fois sur le plan local, régio- des stéréotypes et des mythes11. Pour ce qui nal et national, voire transnational. Comme le est de la délimitation chronologique, il va de montrent bien les photos proposées par Ed. soi que le champ d’investigation est nettement Maroldt dans Leit aus Eisen15, les « Minetts- plus restreint que celui d’un lieu comme « de däpp » ont choisi les usines comme symboles Kleeschen » : les gisements de fer n’ont été (re) de leurs villes et de leur région. Mais quand, découverts qu’en 1838, et s’il arrive que des lors des fêtes du cinquantenaire, les habitants légendes ou des traditions antérieures à cette de Dudelange, Rumelange ou Esch faisaient date aient été réinterprétées a posteriori12, défiler les cheminées sur des chars16, les dra- il va de soi que le bassin minier n’a été investi peaux et le choix des couleurs conféraient d’une charge identitaire qu’à la fin du 19e siècle souvent à ces célébrations un caractère natio- et avant tout, semble-t-il, dans la première nal, comme dans le livre de Hurst. La même moitié du 20e. Par ailleurs, les symboles véhi- remarque s’impose au sujet des nombreuses culés par le bassin minier sont nettement moins représentations littéraires et picturales du bassin variés que ceux associés à d’autres « lieux », au minier, sur lesquelles sont venus se greffer des point que l’on peut se demander s’il est possible symboles nationaux que l’on a parfois tenté d’étudier la « Minette » à côté de « lieux » natio- de mettre en relation avec les autres paysages naux aussi riches que la « Gëlle Fra » ou l’Octave. régionaux.

11 KMEC/MARGUE, Les « lieux de mémoire » [voir note 4], p. 8. 12 Voici par exemple ce qu’écrit Nicolas Ries dans Le Beau Pays de Luxembourg, en 1928 : « Les anciennes légendes populaires du pays des Terres-Rouges semblent avoir une signification symbolique et prophétique. Les fées de la vieille forêt du Clair-Chêne y luttent avec les génies du fer, la vierge blanche du Mont St. Jean avec les serpents sortis de leurs antres souterrains, des charbons ardents se changent en or. Les vierges blanches et les fées ne sont plus, le génie du fer a abattu les forêts druidiques. Mais de longues files de wagonnets chargés de minerai s’avancent en serpentant des galeries souterraines vers les usines d’où l’immense brasier des fourneaux fait jaillir le fer et crée la richesse. » Cité par WILHELM, Frank, « Le bassin minier luxembourgeois vu par des écrivains francophones », tiré à part de la revue Galerie, 17, no 1, 1999, p. 17 (117). 13 Certaines idées développées ici ont déjà été exposées dans des publications antérieures. Voir nos contributions à Lieux de mémoire au Luxembourg [voir note 4] (« D’Musel », « D’Éislek », « De Minett ») ainsi que notre article « ‘Den Zolwerknapp as kê Parnass’. Le paysage dans la littérature luxembourgeoise », in : CONTER, Claude D. et GOETZINGER, Germaine (éd.), Identitäts(de)konstruktionen. Neue Studien zur Luxemburgistik, Differdange 2008, p. 33-50. 14 HURST, Tony, De Galgebierg: [s. l.], 1957, p. 136. 15 Voir par exemple MAROLDT, Leit aus Eisen, [voir note 2], p. 25. 16 Ibid.

11 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

Défilé organisé à l’occasion du Cinquantenaire de la ville de Dudelange. Photo de J.-P. Conrardy, Esch-sur-Alzette 2005. Archives de la Ville de Dudelange, Fonds Jean-Pierre Conrardy.

Le paysage : voilà en effet un concept qui pays qu’il est censé représenter est de type mé- nous permettra de voir dans quelle mesure le tonymique et elle joue un rôle important dans bassin minier est devenu, au fil du temps, un le domaine de la promotion touristique. Est-il « lieu de mémoire » investi d’une charge sym- besoin de rappeler dans ce contexte l’usage que bolique. Dans de nombreuses langues euro- les Suisses font du Cervin ? Les Luxembour- péennes, le terme désigne à la fois le paysage geois étaient eux aussi conscients de l’effet que empirique, la « partie de pays », et ses représen- pouvaient produire de tels symboles paysagers, tations littéraires ou picturales17. Celles-ci ne mais ils semblent avoir mis du temps à se mettre sont évidemment jamais neutres et se présen- d’accord sur un emblème susceptible d’attirer tent plutôt comme des écrans sur lesquels vien- les touristes et de symboliser la cohésion natio- nent se projeter des a priori culturels, les affects nale. « Le Luxembourg », affirma le ministre personnels de celui qui peint ou écrit, ainsi que d’État Paul Eyschen en 1903 lors d’un débat sur des idéologies. Dans un important ouvrage de le développement du tourisme et l’importance synthèse, l’historien genevois François Walter des affiches destinées à le promouvoir, « se dis- a montré que dès la fin du 19e siècle mais sur- tingue par un grand nombre de belles choses, tout à l’entre-deux-guerres s’est développée dont aucune cependant ne saurait se mesurer en Europe une tendance très nette à voir dans avec les deux curiosités dont je viens de parler le paysage et en particulier dans les différents [les cathédrales de Strasbourg et de Cologne]. paysages régionaux des emblèmes nationaux18. Ce sont nos vieux manoirs qui attirent le plus La relation qui unit dans ce cas un paysage au les étrangers et qui les frappent. Eh bien, ils

17 Voir FRANCESCHI, Catherine, « Du mot paysage et de ses équivalents dans cinq langues européennes », in : COLLOT, Michel (dir.), Les Enjeux du paysage, Bruxelles 1997, p.75-111. 18 WALTER, François, Les Figures paysagères de la nation. Territoire et paysage en Europe (16e-20e siècle), Paris 2004. 19 EYSCHEN, Paul (Ministre d’État), intervention du 11 février 1903, Compte rendu des séances de la Chambre des députés, session ordinaire du 4 novembre 1902 au 10 juin 1903, p. 1049, passage cité par Simone WENY dans sa communication présentée lors du séminaire interdisciplinaire Construction identitaire : art, architecture et patrimoine, organisé à l’Université du Luxembourg le 10 mars 2006.

12 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

sont nombreux, mais il est difficile de choisir titre d’exemple, on peut se référer à la fresque quelques vues qui frappent19. » Le fait que Paul décorant le pavillon luxembourgeois à l’expo- Eyschen évoque les « vieux manoirs » est tout sition de New York en 1939. Due à Harry Ra- à fait révélateur du choix qui était fait tout au binger et Jean Schaack, elle représente de façon long de la première moitié du 20e siècle. À une très schématique les trois paysages régionaux époque où l’on commençait à se préoccuper susceptibles de mettre en évidence certains sites du sort des vestiges archéologiques et des sites importants du Grand-Duché : le bassin minier, mais où le concept même de patrimoine indus- la ville de Luxembourg et l’Ösling. On retrouve triel n’existait pas, les hauts-fourneaux n’ont d’ailleurs cette juxtaposition des emblèmes jamais (ou très rarement) été choisis comme respectifs du progrès économique et du passé emblèmes uniques du pays, entre autres parce médiéval dans de nombreux ouvrages destinés qu’ils n’étaient guère susceptibles d’attirer les à la jeunesse datant de la même époque, comme touristes étrangers20. La « vue » la plus souvent par exemple dans la revue Morgenglocken, qui retenue dans la publicité touristique était celle fait précéder sa rubrique « Ons Hémecht » d’un de la ville de Luxembourg, et ce choix était sou- logo composé d’une aciérie et d’un château en vent légitimé de façon plus ou moins explicite ruines et qui propose sur sa page de couverture par le fait que l’on y voyait une sorte de paysage la même vision synthétique du paysage natio- miniaturisé, susceptible de représenter le pays nal. Dans une des nombreuses pièces de théâtre tout entier21. L’écrivain francophile Marcel proposées par la revue, le bassin minier est pré- Noppeney affirma ainsi en 1937 dans le catalo- senté comme « en Edelstén an der Letzeburger gue de l’exposition universelle que « la ville de Kro’n23 ». Luxembourg accumule et synthétise les charmes Lors des expositions universelles, il arrivait imprévus et les grâces parfois paradoxales du évidemment aussi que l’on consacre une œuvre pays tout entier, dont elle est la marraine » et il importante à l’une des régions en question afin se dit convaincu que « la variété des paysages, de mettre en évidence les atouts du pays tout particulière au pays tout entier, apparaît en ré- entier. On cite régulièrement dans ce contexte duction dans les aspects de la ville capitale22. » l’exemple de la fresque monumentale intitulée La variété du paysage est en effet un des « Terres rouges » que Rabinger réalisa pour l’ex- stéréotypes les plus répandus dans la littérature position universelle de 1937 à Paris. Participant touristique luxembourgeoise ainsi que dans d’une esthétique expressionniste, elle propose un certain nombre d’écrits à caractère officiel. une vision très personnelle de la ville d’Esch, Dans ce contexte, il faut mentionner le rôle joué complètement dominée par l’usine. Comme par la première strophe de ce qui est devenu l’a souligné Denis Scuto24, le Luxembourg en- l’hymne national. Par la présentation en trois tendait par là mettre en évidence sa puissance vers successifs des trois principales rivières, économique, garante, en quelque sorte, de son elle symbolise l’unité du pays tout en reflétant indépendance politique. Par-delà l’effet qu’ils un attachement de type régionaliste. Si, pour étaient censés produire – et qu’ils ont peut-être des raisons historiques, le bassin minier en tant produit – sur les visiteurs étrangers, les tableaux que tel est encore largement absent des chants de Rabinger ont sans doute aussi influencé la patriotiques de la fin du 19e siècle, il occupe vision des Luxembourgeois ; peut-être les ont- une place de choix dans l’iconographie natio- ils même incités à percevoir le bassin minier en nale de la première moitié du 20e et en particu- tant que paysage. C’est du moins ce qu’a sug- lier dans les textes et tableaux produits à l’oc- géré Nicolas Ries dans un texte consacré aux casion des grandes expositions universelles. À œuvres du peintre : « […] il aime passionné‑

20 Voir sur ce point LORANG, Antoinette, « D’Héichiewen », in Lieux de mémoire au Luxembourg [voir note 4], p. 215-220. 21 Sur la ville de Luxembourg, voir THEWES, Guy, « La silhouette de la ville », in Lieux de mémoire au Luxembourg [voir note 4], p. 253-257. 22 NOPPENEY, Marcel, « Le Tourisme en Luxembourg », in Le Grand-Duché de Luxembourg, publié à l’occasion de l’exposition universelle et internationale de Bruxelles, Luxembourg : Bruxelles : 1935, p. 139 et p. 141. 23 TRAUFFLER, Henri, « He’ch ! Du jonge Grossherzog ! », Morgenglocken. Luxemburger Kinderzeitung, 7-8 1939, p. 150. 24 SCUTO, Denis, « Art et révolution industrielle au pays de la terre rouge. Réflexions sur quelques œuvres d’art de la Collection de la Ville d’Esch-sur-Alzette », in Esch-sur-Alzette. Du village à la ville industrielle. Art et révolution industrielle au pays de la terre rouge, Esch /Alzette, 1989, p. 72-73.

13 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

Fresque de J. Schaack et H. Rabinger décorant le pavillon luxembourgeois à l’Exposition universelle de New York, en 1939. Photo : collection privée ment les terres rouges et les fonds chaotiques weltérienne. C’est en tout cas ce que suggère de notre Bassin minier. Il n’est pas exagéré de Arthur Hary dans un volume consacré à la ré- dire que c’est lui qui nous a révélé la beauté gion : « Man wandert kaum durch’s Erzland sauvage des vieilles minières abandonnées. ohne an irgend einen Vers aus Nikolaus Welters C’est là que l’expressionnisme de son coloris, Hochofen zu denken. Weil er wie kein anderer l’intensification des contrastes et le paroxysme de vor ihm das Erzland mit Seheraugen schaute sa vision peuvent s’en donner à cœur joie…25 ». und es verstanden hat auch unser Auge einzu- Dans le domaine de la littérature, l’équi- stellen für die Schönheit dieser Welt27.» Erzland valent d’Harry Rabinger est d’une certaine fa- comprend d’ailleurs une contribution consacrée çon Nikolaus Welter. Cet écrivain et intellectuel exclusivement à Hochofen, où on lit que le re- très influent au cours de la première moitié du cueil de Welter est « ein Kulturdenkmal unserer 20e siècle est l’auteur d’un recueil intitulé Hoch- Zeit, so wie unsers Landes28.» Surtout, certains ofen qui, après sa publication en 1913, a été textes de Nikolaus Welter établissent un rapport repris dans de nombreuses anthologies et abon- tout à fait explicite entre le bassin minier et les damment cité : le travail y est glorifié et souvent, autres régions du pays en insistant sur le fait que il est mis en relation avec l’indépendance poli- la scorie de Thomas a fertilisé les sols des pla- tique du pays : teaux de l’Ösling, comparés en l’occurrence à la Terre promise. Il n’est donc guère étonnant que Sei gegrüßt mir, Land der roten les vers en question soient cités dans Jenseits Erde, Land der Arbeit du! der Schulmauern de Paul Staar, un inspecteur de Wachs mit Schulen und mit Schloten l’école primaire qui, à l’époque de l’entre-deux- Einer freiern Zukunft zu! guerres, souhaitait réformer l’enseignement et Zu der Heimat Glück und Glanze, renforcer l’attachement des enfants à leur pays Fern den Bahnen blut’gen Ruhms, (« Heimat ») en multipliant les promenades en Krön’ die Stirn dir mit dem Kranze plein air. C’est ainsi qu’il se représente l’ins- Eines reinen Menschentums!26 tituteur idéal faisant découvrir la géographie luxembourgeoise à ses élèves: On peut penser que beaucoup de Luxembour- geois voyaient, dans la première moitié du 20e Die Klasse, die am Feldrain dem Bauer, der siècle, le bassin minier à travers une « grille » Thomasmehl streut, neugierig zusieht, wirft

25 RIES, Nicolas, « Harry Rabinger ou le coloriste pathétique », Les cahiers luxembourgeois, numéro spécial (6), « L’art des jeunes », 1927-1928, p. 481-489, ici p. 488. 26 WELTER, Nikolaus, „An das Land der roten Erde“, in Hochofen, Luxemburg 1916, p. 8. 27 « Zolverknapp », in HARY, Arthur (dir.), Erzland. Das Buch der Geschicke und Geschichte der Minettsgegend, Luxembourg 1917, p. 33. 28 Ibid., p. 70-75.

14 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

von dem nahen Bergkegel aus einen Blick nach défauts32. » En 1956, dans le Livre du cinquan- Süden, dem Land der roten Erde, und sieht mit tenaire de la ville d’Esch, il soutient les mêmes Nikolaus Welter im Geiste, wie „eine Wolke, thèses déterministes au sujet du bassin minier33 gleich der Wolke, die dem Volke Jehovas vor- mais, contrairement à ce que l’on pourrait geschwankt im Wüstenzug, nach Norden ihren attendre, il ne présente guère les Eschois (ni les schweren Flug“ nimmt und dort, wo ihr Schoβ « Minettsdäpp » d’une manière générale) comme sich auftut, „die Schiefertrift ein Kanaan“ des Luxembourgeois exemplaires, alors que ce wird und alles grünt und blüht und reift in procédé a souvent été appliqué aux habitants des Gartenpracht29. autres régions : le professeur luxembourgeois Joseph Hess ne qualifie-t-il pas les habitants de D’autres procédés, moins axés sur la sidérurgie la vallée mosellane de « gesteigerte Luxembur- en tant que telle que sur les habitants, ont été utili- ger » en raison de leur ténacité et d’une certaine sés afin de faire du bassin minier le symbole d’un joie de vivre qui les caractériserait34 ? Quant aux certain nombre de valeurs luxembourgeoises. paysans de l’Ösling, leur entêtement, leur fidé- Si, comme cela était encore le cas au cours de lité et leur esprit conservateur ont souvent été la première moitié du 20e siècle, l’on fait dé- présentés comme des vertus luxembourgeoises, pendre l’appartenance nationale de facteurs que Nicolas Ries attribue essentiellement au climatiques et géographiques, il est tentant de conditionnement géographique. La nature au- définir les caractéristiques physiques et psycho- rait, d’après l’Essai de psychologie, altéré, voire logiques des habitants par les propriétés géo- fait disparaître, une franchise initiale qui serait logiques de la région qu’ils habitent. La psycho- restée intacte chez les habitants du bassin mi- logie des peuples, une tradition importante qui nier, grâce à la proximité de la France : a joué un rôle non négligeable dans la montée des nationalismes à la fin du 19e et au début du Il est assez intéressant de constater que les 20e siècles, a souvent recours à ce procédé30. manifestations de notre franchise […] sont De nombreux ouvrages sur le Luxembourg particulièrement énergiques dans les grandes comprennent une contribution du géologue agglomérations industrielles et ouvrières du Michel Lucius, qui affirme par exemple dans sud-ouest du pays, qui confine à la France. Là, le Livre du Centenaire que « l’évolution géo- aucune trace d’hypocrisie, ni dans les senti- logique de l’aire qui s’est formée entre les an- ments ni dans les relations quotidiennes. Dans ciens massifs qui sont devenus depuis la France ce coin de terre, l’esprit de critique et de libre et l’Allemagne » est comme une « préfiguration examen semble être né au contact du vent de de la vie de la race qui devait habiter plus tard liberté et de l’égalité soufflant de la France. cette terre31. » Lucius suggère dans le même C’est là aussi que les doctrines socialistes, rom- contexte que cette terre « prédisposait à l’éclo- pant en visière aux mensonges et aux privilèges sion d’une âme luxembourgeoise » et que « la injustes, ont trouvé leurs chefs autorisés et leurs disposition topographique si variée de notre adeptes les plus fervents. patrie […] donne la clef de la vie matérielle et Ailleurs, les circonstances, et l’influence du morale d’une race saine avec ses vertus et ses milieu ont empêché l’esprit de franchise de se

29 STAAR, Paul, Jenseits der Schulmauern. Ein Buch verwegener Schulmeistergedanken um Wandern, Schauen und Verstehen im heimatlichen Lebensraum, Saarlouis 1935, p. 140. 30 WALTER, François, Les Figures paysagères de la nation [voir note 12], p. 109-113. 31 LUCIUS, Michel, « La terre luxembourgeoise », in Le Luxembourg. Livre du Centenaire, édité sous les auspices du gouvernement grand-ducal, Luxembourg 1948, p. 507-563, p. 510. 32 Ibid., p. 509 et 510. 33 « L’histoire géologique d’une région bien délimitée par les particularités de son sous-sol est l’histoire raisonnée et explicative de la communauté humaine qui y a pris racine. La dépendance à la fois matérielle et morale de l’homme de la configuration morphologique et des particularités chimiques et structurelles du sous-sol est naturelle et logique. L’évolution historique de l’humanité en général aussi bien que celle d’une communauté plus restreinte, mais caractérisée par un patrimoine matériel et spirituel distinctif, est en dernier lieu fonction de l’évolution géologique qui a formé l’espace dans lequel l’homme est contraint de chercher tout ce qui est nécessaire pour le développement de la vie, de la civilisation et du progrès. » LUCIUS, Michel, « La géologie de la région d’Esch », in Livre du cinquantenaire d’Esch, Esch /Alzette, 1956, p. 61. 34 HESS, JOSEPH, « Volkskundliches von der Mosel », in 25e anniversaire de la Fédération viticole du Luxembourg, 1912- 1937, Luxembourg 1938, p. 45, passage cité également dans COLBACH, Joseph, Eis Musel. La rivière, le vin, les gens (photos de Rob KIEFFER), Luxembourg 1998.

15 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

déclarer avec la même intensité. Dans les mon- toute la population luxembourgeoise : le travail. tagnes sauvages des Ardennes, où la nature Dans Auf der Wasserscheide, l’écrivain Jacques ingrate n’accorde aux habitants ses faveurs Kintzelé présente ainsi la fumée des usines précaires qu’au prix d’un labeur opiniâtre et de comme « das Wahrzeichen der Heimat » à cause ruses incessantes, la franchise initiale a tourné du rapport étroit qu’elle entretient avec le tra- en opiniâtreté et en ruse. Ces deux qualités, vail37. En 1917, Arthur Hary propose dans son l’entêtement et la ruse, que, d’ailleurs, ils par- livre sur le bassin minier un texte intitulé « Un- tagent en partie avec les riverains de la Moselle ser Minettsbassin, ein Erzieher zur Arbeit38. » et avec la plupart des montagnards, sont deve- Le thème apparaît aussi dans un texte de Marcel nues proverbiales dans le pays35. Reuland publié en 1956 dans le Livre du Cinquantenaire de la ville d’Esch-sur-Alzette, Si les habitants du bassin minier n’ont guère où, comme souvent, le travail est lié à la pros- été présentés comme des Luxembourgeois « ac- périté dont bénéficie le pays tout entier : complis », c’est peut-être en partie parce qu’il s’agit d’une région de forte immigration : ceci An denge Gaasse wunnt de Fläiss, rendait plus difficile l’application des lois de la den aus den Uewe, gliddeg wäiss, traditionnelle psychologie des peuples. On sait e Feierbiirche sprangen dèt, aussi qu’à la période qui nous intéresse tout dé blénkegt Gold duurch d’Lännche sprèt39. particulièrement – l’entre-deux-guerres – une certaine élite, influente et engagée de façon plus Dans le même ouvrage, on considérera aussi ou moins directe dans la construction de la mé- l’introduction du député-maire Antoine Krier : moire collective, avait tendance à valoriser avant Le passé de la ville d’Esch répond surtout au tout le monde paysan et à en faire l’emblème rythme essentiel de la vie : le travail quotidien. des valeurs luxembourgeoises : des revues C’est lui qui est à la base de ces 50 dernières comme Landwûol, publiée par l’« Association années d’efforts inlassables voués à l’édification luxembourgeoise pour le retour à la terre » de cette cité salubre et hygiénique, débordante (« Verein für ländliche Wohlfahrts- und Heimat- d’activités et grouillante de vie intense […]. pflege ») sont particulièrement représentatives Nulle part ailleurs que dans cette capitale du de cette vision du passé et de la nation36. Les labeur ne se trouve réalisée aussi parfaitement adeptes du « retour à la terre » et la bourgeoisie la tendance qui considère le travail comme fac- voyaient évidemment aussi d’un mauvais œil teur primordial, créateur de toutes les valeurs, l’essor du syndicalisme et des idées socialistes, et qui essaie de faire abstraction des droits de inséparable du bassin minier. Dans les romans naissance et de l’argent40. de Jean-Pierre Erpelding, les ouvriers et les mi- neurs sont le plus souvent présentés comme des Comme le suggère le texte d’Antoine Krier, les éléments dangereux dans la mesure où ils sont habitants se sont reconnus dans les descriptions favorables au socialisme. Il s’agit d’ailleurs fré- du bassin minier qui soulignaient la place es- quemment de paysans ruinés, pauvres ou inca- sentielle qu’y occupe le travail. En revanche, il pables de gérer leur patrimoine, c’est-à-dire de semble bien qu’ils aient refusé du moins en par- personnages qu’Erpelding exclut de l’univers tie l’image réductrice de leur région, associée qu’il construit dans ses romans paysans. exclusivement à l’industrie lourde. Il est vrai Toutefois, même dans certains de ces ro- que la volonté d’attirer quelques randonneurs mans, le bassin minier est associé à une valeur n’y est sans doute pas étrangère, mais ce pas- très prisée dans la société de l’époque et par- sage publié en 1962 dans une brochure est tout fois considérée comme une caractéristique de à fait révélateur de la volonté de lutter contre

35 RIES, Nicolas, Le Peuple luxembourgeois. Essai de psychologie, Diekirch 1920, p. 243-244. (1e édition: 1911). 36 Sur le périodique et l’association, voir BLAU, Lucien, Histoire de l’extrême-droite au Grand-Duché de Luxembourg, Esch/Alzette 1998, p. 344-350. 37 KINTZELÉ, Jacques, Auf der Wasserscheide. Ein Roman von der Luxemburger Erde, Grevenmacher [s.d.], 2e édition, p. 102. 38 Texte signé J. B. dans Erzland. Das Buch der Geschicke und Geschichte der Minettsgegend [voir note 19], p. 68-70. 39 REULAND, Marcel, « Festkantus fir de Cinquantenaire vun der Staadt Esch », in Livre du cinquantenaire de la ville d’Esch-sur-Alzette [voir note 25], p. 14-16, ici, p. 16. 40 Ibid., p. 10-11.

16 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

certains stéréotypes et de mettre le bassin mi- Bausch qui, le 7 février 1935, fit un discours à la nier dans une lumière favorable : Chambre des députés pour plaider la cause des mineurs et mettre en évidence la misère de la Cette ville bien connue comme première cité condition ouvrière. Que la gauche ait tout par- du fer du Grand-Duché est loin de se présenter ticulièrement encouragé de telles initiatives, en dans la tenue malpropre et triste qu’on rencontre particulier à une époque où beaucoup de mines ordinairement dans les cités industrielles, dont furent fermées, la brochure éditée à l’occasion l’atmosphère est enfumée et grisâtre. Ici ce sont de la représentation d’Um Block à Lasauvage de riches prairies et des champs fertiles qui en témoigne. Elle contient en effet des contribu- entourent la ville d’Esch… Les visiteurs sont tions de plusieurs syndicalistes (Mars di Barto- étonnés de trouver une ville ouvrière coquette à lomeo et Léon Claus de l’OGB-L) ainsi qu’une l’allure quelque peu patricienne. Les crassiers préface du maire Nick Eickmann (POSL), sont reculés à la périphérie de la ville. On n’y qui affirme la nécessité de rendre hommage à trouve ni l’air noirâtre d’un pays charbonnier, Bausch au moment où la mine de Lasauvage ni l’ambiance grisâtre des chantiers et des n’est plus : hauts-fourneaux. Le vert émeraude des mélèzes et le reflet rutilant de la minette donnent un […] Et woar eng gudd Iddi, dem Fernand Bar- coloris séduisant aux hauteurs qui dominent la nich säin Theaterstéck „Um Block“ ausgerech- ville du Sud-Ouest41. net zu Lasauvage opzeféieren. Lasauvage, wat nëmme Biergbau woar, mat al- L’insistance sur les beautés paysagères du bas- len Traditiounen déi derzou gehéieren, Lasau- sin minier reste également présente dans un vage, wat 1979 op eng drastesch Manéier huet certain nombre de publications plus récentes, missen erliewen, wéi séng Galerien, d’Oar- comme par exemple Minette. À ciel ouvert (édi- bechtsplaz vun séngen Awunner, vun haut op tions Schortgen, 2005), où l’accent est toutefois moar zougemaach si gin. D’Biergleit hun dee- mis en particulier sur l’importante métamor- mols d’Welt nët méi verstanen. phose qu’a connue la région. De „Block“ gët ëmmer méi nëmmen nach Ge- C’est cette métamorphose aussi qui ex- schicht. Et gët der ëmmer manner, déi e matge- plique sans doute la place importante que le bas- maach hun. Eis Kanner kënnen sech d’Galeries- sin minier occupe dans la littérature luxembour- oarbecht nët méi viirstellen. […] geoise plus récente, voire contemporaine : la ré- Et get dofir Zäit, dass dene Männer, awer och gion d’Esch (et la ville de Luxembourg) y sont all denen, déi fir de Räichtum am Land hiirt beaucoup plus présentes que la vallée mosellane, Liewen hu misse loossen, e literarescht, mä och l’Ösling et la région de Mersch, pourtant très en historescht Monument gesat gët42. bien représentés dans les textes antérieurs à la crise sidérurgique. Dans certaines publications À la même époque, d’autres auteurs font allu- s’affiche clairement l’intention de rendre hom- sion aux dures conditions de vie qu’ont connues mage aux ouvriers et aux mineurs, à une époque les mineurs et les ouvriers. C’est entre autres le où de moins en moins de jeunes connaissent cas de Nico Helminger, qui, dans « landschaft leurs conditions de travail. Souvent, il s’agit mit seilbahn », renonce toutefois à présenter les accessoirement ou même essentiellement de ouvriers comme les constructeurs de l’indépen- célébrer la mémoire de syndicalistes ou de dé- dance nationale : fenseurs de la cause ouvrière. On songe en par- 1. ticulier à une pièce de théâtre comme Um Block andere denken : wintersport de Fernand Barnich, qui a été créée au théâtre ich habe grubenarbeiter gespielt municipal d’Esch le 10 janvier 1976 et publiée krater in die wiese gegraben par le « Volksbildungsverein » de Differdange über mir schwebten en 1977. Se déroulant entre 1907 et 1935 à Ru- in regelmässigen abständen melange, elle raconte l’histoire de Jean-Pierre die erzbrocken43.

41 « Le Tourisme et le Bassin minier », in Grand Bal organisé à l’occasion de l’anniversaire de la naissance de SAR Monsieur le Prince de Luxembourg, 29 septembre 1962 (amicale de la gendarmerie), p. 45. 42 EICKMANN, Nic, préface, in Um Block. Stéck aus dem Minett vum Fernand Barnich, brochure éditée par le comité d’organisation „Um Block“, 1990, p. 5. 43 HELMINGER, Nico, landschaft mit seilbahn, Echternach; Luxembourg 1986, p. 9.

17 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

Si, d’une manière générale, on continue à rendre ce métal, assurée par un « animateur », consti- hommage aux mineurs et aux ouvriers du bassin tue un véritable catalogue de stéréotypes, dont minier, l’existence même des « Minettsdäpp » Rewenig met en évidence le caractère ridicule : est mise en question dans un certain nombre de textes écrits suite à la fermeture de la dernière 50 Kilo renge Lëtzebuerger Stol, a Batz Eise wéi mine luxembourgeoise. Dans sa postface à un aus dem Billerbuch, eng Klatz gedréint aus dem album de photographies de Jean Back, Mars Häerz vum Minettsbuedem. Geréischtert an der Klein n’ironise pas seulement sur les efforts de Flam vum Héichuewen, an d’Form gepresst patrimonialisation qui furent déployés dès cette vun enger Schinn duerch fläisseg Oarbéchtsleit, époque, mais il affirme aussi que les habitants die keemol hun nët Tréin nët Schweess bereit, du bassin minier ne se distinguent plus des an daper wudd’ren an der Stoolwierkglous, an autres Luxembourgeois : d’Eisen zéien aus dem Minettsschouss, fir datt eis Heemecht wiist a blitt, wann d’Quonkefeier Es gibt unterschiedliche Arten der Rekonver- an den Himmel flitt45. sion einer Gegend. In Lothringen ist in den Hallen einer Schmelz Dans d’autres textes, le thème de la mémoire ein Freizeitparadies eingerichtet. est ouvertement abordé – de façon plus expli- In Amerika ist ein erstes komplettes Hochofen- cite encore que dans Eisefrësser – ou s’avère und Stahlwerk als historisches Museum funk- même être le sujet central. La dernière section tionstüchtig erhalten. du poème « landschaft mit seilbahn » est assez Wir tun bescheidener: Bauen um das letzte représentative de cette tendance : „klassische“ Bergarbeiterbistro in Fond de Gras Ausstellungshallen für gerettete Fossilien aus dem gras aus dem industriellen Maschinenpark, lassen wachsen schienen heraus das Denkmalschutzamt Lasauvager Reihensie- wenn du dir mühe gibst dlungen zu Bonbonnièren verputzen und spei- kannst du sogar die hochöfen sehen chern Tonbanderinnerungen von pensionierten Bergleuten. an den kabeln klebt moos Wollen wir uns wachkneifen! Noch wird bei uns die kipploren rosten aus (importiertem) Erz Eisen gewonnen und da- die seilbahn ist stillgelegt raus Stahl gebraut. die grube ist stillgelegt Immer noch produziert die Schmelz ihre unver- kennbaren Geräusche, Gerüche, Farben, nicht die erinnerung Staubemissionen. nicht die geschichte46 Und immer noch geht der Minettsdapp davon aus, dass es den Minettsdapp gibt. Auch wenn die internationale Fernsehkultur aus ihm längst Mais c’est peut-être dans Miss Minett que l’on einen gesamtwesteuropäischen Kleinbürger fa- trouve la réflexion la plus explicite sur la mé- briziert hat44. moire et sur l’importance de la préserver à une époque où la fin de la sidérurgie luxembour- Cette distance ironique n’est pas rare dans geoise semble proche. Nico Helminger fait ainsi d’autres textes relatifs au bassin minier. Dans dire à l’un de ses personnages qu’une fanfare Eisefrësser, une pièce qui a été montée par le de mineurs sans mineurs est un anachronisme théâtre d’Esch en collaboration avec l’associa- et il met dans la bouche d’un ancien ouvrier de tion « Minettsdapp – Kultur am Süden », on l’ARBED le discours suivant : voit un habitant du bassin minier qui se propose de dévorer cinquante kilos d’acier luxembour- ouni déi vergaangenheet wäärs du nët wat s de geois afin d’établir un record. La description de bas. ech erzielen dervun sou laang ech liewen.

44 KLEIN, Mars, postface, in BACK, Jean, Photographies 1983 à 1987. Lieux et portraits au bassin-minier, [s. l.] : [s. n.], 1989, section 5 de la postface (pages non paginées). 45 REWENIG, Guy, Eisefrësser, Echternach 1994, p. 8. 46 HELMINGER, Nico, landschaft mit seilbahn [voir note 35], p. 10.

18 Terres Rouges « De Minett » comme « lieu de mémoire »

alles gët nët vergiess, dat soen ech der! d’héich- qui y étaient nés. Or, très critiques à l’égard de iewen sprengen se ewech an d’kamäiner, fën- certains aspects de la société luxembourgeoise, nefanzwanzeg kilo dinnamitt a fort mat der des écrivains comme Guy Rewenig ou Nico vergaangenheet. déi schlëmm erënnerung gët Helminger (et d’ailleurs Roger Manderscheid) endlech dem buedem gläich gemaach. […]. comptent précisément s’attaquer à cette vision d’spezialiste komme mam sprengstoff a blosen idyllique du pays, rompre avec la tradition du all erënnerung an de wand! zu lonkéch wollt « Heimatroman » dans laquelle s’inscrivent les deen zweeten héichuewen nët falen; mateneen romans d’Erpelding. D’où sans doute leur atta- sollten déi zwee an d’gette goen, awer deen een chement à une région souvent mise en relation huet sech gewiirt, an d’spezialisten hun nach avec les idées progressistes, la culture alterna- eng sendung musse bäigin, verstees de, well tive et le changement, et en ce sens diamétrale- d’erënnerung sech gewiert huet47. ment opposée aux campagnes servant de toile de fond à certains textes antérieurs. Par ailleurs, On peut se demander si le bassin minier ne doit à une époque où l’interculturalité est de plus pas sa popularité dans le domaine artistique en plus valorisée par les médias, le brassage contemporain à la mutation qu’il a connue, culturel fascine, et il est volontiers présenté ainsi qu’à tout ce qui le distingue de ces « lieux comme une caractéristique essentielle du pays de mémoire » classiques que sont la vallée tout entier. Cela explique sans doute en partie le mosellane et l’Ösling. À l’entre-deux-guerres rôle joué par le bassin minier dans la mémoire et même encore dans les années 1950, et no- collective. Quant aux friches industrielles, elles tamment grâce à un certain nombre de textes sont par excellence des « non-lieux » qui, on patriotiques, ces régions devaient leur force le sait, apparaissent comme des expressions symbolique à la métonymie qui permettait particulièrement nettes de ce qu’on a appelé la d’associer la terre à ceux qui la cultivaient et « surmodernité48. »

47 HELMINGER, Nico, Miss Minett, Echternach 1993, p. 33. 48 Voir Marc AUGE, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris 1992.

19

Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters Michael Overbeck

Le Luxembourg est un don du fer, comme Erzvorkommen wird in Luxemburg bereits seit l’Egypte est un don du Nil. Diesen ebenso ein- mehr als 2000 Jahren Eisen (bzw. Stahl) in ver- drucksvollen wie häufig zitierten Vergleich stellte schiedenen spezialisierten Verfahren produziert der ehemalige Luxemburger Börsenpräsident und verarbeitet. Weil die Kenntnis der Metall- und Handelskammerdirektor Carlo Hemmer produktion und -verarbeitung sowie deren Ent- in den 1950er Jahren an und veranschaulichte wicklung als integraler Bestandteil allgemeiner damit den Zusammenhang zwischen der Ent- Kulturgeschichte zu verstehen ist, beschäftigt wicklung der modernen Eisenindustrie und dem sich die Montanarchäologie mit diesen quellen- rasanten Wandel des einstigen Agrarlandes zur armen Zeitabschnitten, für die in der Regel kaum Industrienation. schriftliche Quellen oder bildliche Zeugnisse zur Der wirtschaftliche Aufstieg Luxemburgs, Verfügung stehen oder sogar gänzlich fehlen. das zu Beginn des 20. Jahrhunderts sogar zu den Im Mittelpunkt dieser spezialisierten zehn größten globalen Stahlproduzenten zählte, Fachrichtung steht das Montan- und Hütten­ nahm seinen Ausgang, als das Land 1842 dem wesen. Dabei ist die Montanarchäologie nicht Deutschen Zollverein beitrat und Norbert an spezielle geografische Regionen oder Zeit- Metz im Jahr 1879 ein Patent auf das basische abschnitte gebunden. Forschungsgegenstand Thomas-Verfahren erwarb. Von nun an war es sind sowohl Spuren der mineralischen Rohstoff­ möglich, die phosphorreichen und vergleichs- gewinnung in Form von Bergbau­arbeiten als weise eisenarmen Erze (Minette) des Landes auch Hinterlassenschaften der Aufbereitung und effizient im Hochofenverfahren zu nutzen. Bis Verhüttung von Metallerzen sowie der daran in die 1970er Jahre war die Schwerindustrie der anschließenden Weiterverarbeitung produzier- bedeutendste Wirtschaftszweig des Großher- ter Metalle. Die Montanarchäologie versucht zogtums und auch heute noch sind die Spuren extraktive Prozesse (Bergbau) archäologisch der ehemals prosperierenden Stahlindustrie vor relevanter Metallerze (z. B. Eisenerze) sowie allem im südwestlichen Teil des Landes nahezu deren Aufbereitung und Verarbeitung im Rah- allgegenwärtig. Zahlreiche schützenswerte In- men chemisch-physikalischer Hochtem­pera­­tur dustriedenkmäler tragen wesentlich zur Unver- prozesse (Verhüttung) zu rekonstruieren, um wechselbarkeit dieser durch Eisen und Stahl auf diese Weise den Weg von der Lagerstätte nachhaltig geprägten Kulturlandschaft bei. zum Fertig- bzw. Handelsprodukt nachzu- In der öffentlichen Wahrnehmung ist Luxem- zeichnen. Dabei beschränkt sich die Forschung burg vor allem für seine Eisenindustrie be- jedoch nicht auf die Rekonstruktion spezifischer kannt und seit 2007 Firmensitz des weltgrößten Abbaumethoden und Herstellungsprozesse, transnationalen Stahlkonzerns ArcelorMittal. sondern schließt verstärkt weiterführende Frage- Als weithin sichtbares Erbe einer inzwischen stellungen nach Organisationsstruktur, Technik- längst vergangenen Epoche sollen derzeit die transfer, Umwelteinflüssen, Handel und Güter­ stillgelegten­ Hochöfen des Hüttenwerkes bei austausch ein. Indem die Montanarchäologie­ Belval als Sachzeugen der Industrieentwick- Fragen nach der kulturellen Bedeutung der lung zum Wahrzeichen eines nationalen Zen- Metalle sowie der zugehörigen Verarbei- ­ trums für Industriekultur (Centre National de la tungs­prozesse in den jeweiligen Gesellschaf- Culture Industrielle – CNCI) im sogenannten ten, Regio­nen und Epochen behandelt und „Ruhrgebiet Luxemburgs“ werden. darüber hinaus bemüht ist, diese in ihrem Die Geschichte dieser traditionsreichen kulturellen, sozialen und wirtschaftlichen Eisenlandschaft beginnt jedoch bereits viele Umfeld zu verstehen,­ ist sie in der Lage, Jahrhunderte vor der Einführung des Thomas- einen bedeutenden Beitrag zur Kultur-, Verfahrens und somit lange vor Beginn der Sozial-, und Wirtschaftsgeschichte der jeweili- Industrialisierung. Gestützt auf die reichen gen Forschungsregionen zu leisten.

21 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

Montanarchäologische Forschung ist inter­ ana­lysen ermöglichen darüber hinaus einen disziplinäre Forschung. Die Archäologie ist mit Einblick in die Fertigungstechniken bis hin zur ihren spezifischen Arbeitsmethoden­alleine nicht Dokumentation individueller Fertigkeiten ein- in der Lage, sämtliche Fragen zu beantworten,­ zelner Handwerker. Erzprovenienzen können die bei der Erschließung montanistischer­ Boden­ gegebenenfalls mittels Spurenelementanalysen­ denkmäler und Funde im Sinne einer umfassen- nachgewiesen werden und lassen Rückschlüsse den und nachhaltigen Unter­suchung gestellt auf Transportwege sowohl der Rohstoffe als werden müssen. Aus diesem Grunde ist vor al- auch der Fertigprodukte zu. Aussagen zur lem die intensive Vernetzung und Kooperation Brennstoffversorgung und Umwelt sind anhand mit wissenschaftlichen Nachbardis­ziplinen ein von Holzkohlen und Pollenprofilen möglich. charakteristisches Merkmal montanarchäo- Schließlich gestattet die Geschichtsforschung logischer Forschungsprojekte (siehe Abb. 01). durch das Studium überlieferter Urkunden und Jeder Verfahrensschritt vom Erz zum Metall pro- Quellen die Einordnung der Funde und Befunde in duziert charakteristische Rückstände und Bo- einen historischen bzw. wirtschafts­historischen denverfärbungen, die unter günstigen Beding-­ Gesamtzusammenhang. ungen sämtlich archäologisch fassbar sind. Als Seit mehr als 20 Jahren werden auch an der Feldwissenschaft bedient sich die Montanar- Westfälischen Wilhelms-Universität Münster, chäologie daher einer Kombination von archäo-­ Abteilung für Ur- und Frühgeschichtliche logischen und geologischen Methoden, die durch Archä­ologie, interdisziplinär angelegte montan- moderne analytische Verfahren, z. B. aus dem archäologische Untersuchungen zur Ge- Bereich der Werkstoffkunde, ergänzt werden. schichte des Eisens durchgeführt. Neben der Ein zentraler Bestandteil der Geländearbeit­ be- Frage nach der Organisation mittelalterlicher steht in der Sammlung von aussagekräftigem Eisenlandschaften sollte vor allem die tech- Probenmaterial. So liefern zum Beispiel geolo- nologische Entwicklung vom Rennofen zum gische Untersuchungen Anhaltspunkte zur Auf- Hochofen durch die Erschließung neuer Sach- findung der ehemals genutzten Lager­stätten. quellen beleuchtet werden1. Als Fortsetzung Chemische, mineralogische sowie metallo­ dieses etablierten Forschungsschwerpunktes grafische Analysen von u. a. Schlacken und Me- wurde im Jahr 2002 ein internationales Pilot-­ tall ermöglichen die Rekonstruktion technischer projekt in Kooperation der Westfälischen Prozesse und beantworten Fragen bezüglich Wilhelms-Universität Münster mit dem Musée der produzierten Metallqualitäten. Material- National d´Histoire et d´Art und dem Musée

Abb.1: Die Montanarchäologie und ihre wissenschaftlichen Nachbardisziplinen.

1 Siehe dazu die Auswahl an weiterführender Literatur am Ende dieses Beitrags.

22 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

Rural et des Calèches Peppange ins Leben stelle im Genoeserbusch bei Peppange gerufen2. In einem Verbund mit zwei wei- (Kanton Esch-sur-Alzette, Gemeinde Roeser) teren deutschen Hochschulen sollte eine haben Prospektionen (Geländebegehung, Son- hoch- bis spätmittelalterliche­ Eisenhütte des dage­grabung, geomagnetische Vermessung) im 13./14. Jahrhunderts im äußersten Süden Vorfeld der verschiedenen Grabungs­­kampagnen Luxemburgs mit Hilfe naturwissenschaft- der Jahre 2003 bis 2005 gezeigt, dass sich auf die- licher Analyseverfahren und unter Berück- ser mittelalterlichen Eisenhütte verfahrenstech- sichtigung geologischer, ökologischer­ sowie nisch unterschiedliche Prozesse überlagerten. Sie territorialgeschichtlicher Rahmenbedingungen­ konnten sowohl verschiedenen Arbeitsschrit- umfassend untersucht werden3. An der Fund- ten derselben metalltechnologischen Entwick-

Die Eisenhütte Ofen aus dem Genoeserbusch 13./14. Jahrhundert Schmiedeherd Erz

Schlacke

Abb.2: Genoeserbusch. Das gesamte Hüttenareal war klar strukturiert. Im Zentrum wurden Öfen, Ausheiz- bzw. Schmiedeherde und Rohstofflager so angeordnet, dass die einzelnen Produktionsschritte möglichst effektiv ausgeführt werden konnten. Das Abfallprodukt der Verhüttung - die Schlacke - deponierten die Arbeiter hingegen auf vier Halden im Randbereich der Eisenhütte (Maßstab im Bild 1 m).

2 Der Autor dankt an dieser Stelle der Fondation Bassin Minier, die nicht nur diese Publikation in ihre neue Schriftenreihe aufnahm, sondern auch das montanarchäologische Forschungsprojekt im Genoeserbusch finanziell förderte. 3 Projektpartner waren das Labor für Mikrosondentechnologie am Geowissenschaftlichen Zentrum (GZG) der Georg-August-Universität zu Göttingen (Dr. A. Kronz) und die Arbeitsgruppe für Historische Geobotanik am Ökologie Zentrum der Christian-Albrechts-Universität zu Kiel (Prof. Dr. O. Nelle). Der Diplom-Biologe H. Chr. Küchelmann bestimmte darüber hinaus die Knochenfunde aus dem Genoeserbusch und der Archäologe Th. Schiermeyer M.A. bearbeitete die Keramikfunde der Eisenhütte. Die geophysikalische Vermessung vor Beginn der Ausgrabungen führte M. Posselt M.A., Firma PZP – Posselt und Zickgraf Prospektionen, durch.

23 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

lungsstufe als auch verschiedenen Stufen einer den nachweisen, die mit der Eisenproduktion zu sich weiterentwickelnden Eisenmetallurgie zu- verbinden sind. Der größte und wahrscheinlich geordnet werden. Durch die interdisziplinäre jüngste Ofen aus dem Genoeserbusch (Ofen 1) Zusammenarbeit zwischen Archäologie, Geo- hatte einen äußeren Gesamtdurchmesser von chemie, Mineralogie, Botanik und Geophy- max. 210 cm und war ursprünglich etwa 150-200 sik ließ sich eine breit angelegte Datenbasis cm hoch (siehe Abb.4). erarbeiten, die anschaulich verdeutlicht, wie Pfostengruben deuten da­rauf hin, dass ein- eng technologische Entwicklung, Ressourcen­ fache Anbauten aus Buchenholz­­ den Ofen in nutzung und sozioökonomische Bedürfnisse im gewissem Umfang vor der Wit­terung schütz- Mittelalter miteinander verknüpft waren. ten. Eine steinverstärkte Ofenbasis verlieh Im Zentrum des etwa 360 m2 großen dem gesamten Aufbau – der ausschließlich zentralen Hüttenareals ließen sich die Überreste aus Lehm bestand – die nötige Stabilität und von sechs unterschiedlich gut erhaltenen Befun- isolierte zusätzlich den unteren Teil des Ofens,

Abb.3: Genoeserbusch. Um neue Erkenntnisse über die älteste Eisenindustrie Luxemburgs gewinnen zu können, sind auch kleinste Reste und Abfälle des mittelalterlichen Produktionsprozesses von Interesse. Entsprechend sorgsam musste bei den archäologischen Ausgrabungen vorgegangen werden.

24 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

in dem sich der hauptsächliche Reduktions- großes Erfahrungs­wissen und waren mit den prozess vollzog. Sauerstoff wurde durch eine lokal verfügbaren Rohstoffen ebenso vertraut einzige eiserne Windform in das Ofeninnere ge- wie mit den Verhüttung­söfen, die sie mit Er- blasen (siehe Abb.5)4. Die Nutzung der Wasser­ folg betrieben. Einen eindrucksvollen Beleg kraft zum Antrieb der wahrscheinlich paarig dafür lieferte die einheitliche Pauschalchemie ange­brachten Blasebälge ist aufgrund der topo- der Schlacken. Demnach blieben nicht nur die grafischen Lage des Fundplatz (288-292 mü. genutzten Rohstoffquellen, sondern auch die NN) sicher auszuschließen. Prozessparameter während der Betriebsdauer In der zweiten Hälfte des 13. Jahrhun- der Eisenhütte weitestgehend konstant. derts wurden im Genoeserbusch nach­einander Erst nachdem die Verhüttungsöfen über unterschiedliche Ofentypen betrieben. Anhand mehrere Stunden durch den Abbrand von Holz der spezifischen Bauweisen der mehr oder oder Reisig vorgewärmt wurden und der zum weniger gut erhaltenen Befunde lässt sich eine Ofenbau verwendete Lehm keinerlei Feuchtig- Entwicklung in der mittelalterlichen Ofenbau- keit mehr enthielt, konnte mit der Beschickung und Verhüttungstechnik der Region aufzeigen. begonnen werden. Dazu wurde der Ofen durch Das produzierte Eisen wurde in weiteren Ver- die sogenannte Gichtöffnung am oberen Ende arbeitungsschritten zunächst vor Ort gereinigt des Schachtes mit wechselnden Lagen aus (sog. Ausheizen) und danach ausgeschmiedet. Holzkohle und gepochtem, angereichertem Erz Zunächst musste jedoch das aufgegebene Erz in einem festgelegten Mengenverhältnis befüllt. in den Verhüttungsöfen zu metallischem Eisen Um die Eisenoxide im Erz in metallisches reduziert sowie Metall und Schlacke erfolg- Eisen umwandeln zu können, musste die Eisen-­ reich voneinander getrennt werden. Zusätzlich Sauerstoffverbindung im Erz gelöst werden. waren der Kohlenstoff- und der Phosphor­ Dazu war es notwendig, dem System über ein gehalt des Metalls zu steuern. Ein erfolg­ künstliches Gebläse und den Abbrand von Holz- reicher Verhüttungsprozess konnte jedoch nur kohle Energie in Form von Wärme zuzuführen. dann gewährleistet sein, wenn alle physiko-­ Die in den Ofen aufgegebenen Erze wurden chemischen Vorgänge im Innern der Öfen opti­ schließlich stufenweise zu metallischem Eisen mal aufeinander abgestimmt waren. Sicher reduziert. Aufsteigende Hitze im Ofenschacht kannten die mittelalterlichen Hüttenleute noch erwärmte die Erze, die durch das Abbrennen der nicht die chemischen und physikalischen Holzkohle immer tiefer im Ofenschacht hinab­ Zusammenhänge,­ die bei der Eisenverhüttung sanken und so allmählich in den Bereich mit von Bedeutung sind. Dafür besaßen sie aber ein den höchsten Temperaturen unmittelbar vor der

Abb.4: Genoeserbusch. Blick auf zwei Ofenruinen im Abb.5: Genoeserbusch. Die eiserne Windform ist als zentralen Hüttenbereich. Unmittelbar neben einem archäologischer Fund bisher einzigartig in der Großregion kleinen Rennofen (Ofen 2) wurde nach dessen Stilllegung Luxemburg/Lothringen. Schriftquellen belegen allerdings ein deutlich größerer Verhüttungsofen (Ofen 1) errichtet für das Jahr 1391 dass an einer „forge“ bei Champigneulles (Maßstab im Bild 1 m). (Lothringen) „(...) une thoveire de fert“ in Gebrauch war (Maßstab im Bild 20 cm).

4 OVERBECK, Michael, Eine schmiedeeiserne Windform des 13./14. Jahrhunderts aus dem Genoeserbusch bei Peppange, Luxemburg. In: Durch die Zeiten..., Festschrift für Albrecht Jockenhövel zum 65. Geburtstag (Studia honoraria, Bd. 28). Rhaden / Westf. 2008, S. 435-446.

25 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

Abb.6: Genoeserbusch. Im zentralen Hüttenbereich wurden verschiedene Erzsorten gefunden (Auswahl). Der Eisengehalt wurde auf wasserfreier Basis und Fetot als FeO berechnet. A.: 36,60 % Fe2O3; B.: 74,10 % Fe2O3; C.: 82 % Fe2O3.

Einblasöffnung bzw. Windform oberhalb der zunächst die traditionelle Methode der Verhüt- Ofenbasis gelangten. Bereits im Ofenschacht tung in vergrößerten Rennöfen fort. Einen mög­ wurden die Eisenoxide des Erzes durch die lichen Grund dafür liefern die lokalen Rohstoffe. aufsteigenden, heißen Reduktionsgase noch im Chemische und mineralogische Analysen der festen Zustand vorreduziert. Lediglich geringe Funde aus dem Genoeserbusch haben deutlich Mengen des vorreduzierten Erzes wurden dabei gezeigt, dass sowohl die Art des einsetzbaren bereits in dieser Phase direkt zu metallischem Verhüttungsverfahrens als auch die spezifische Eisen weiterreduziert. Im weiteren Verlauf ver- Konstruktionsweise der Verhüttungsöfen in be- flüssigte sich dieses zunächst noch feste Gemisch sonderem Maße abhängig war von der Quali- und es kam zur wesentlichen Reduktion des tät und Zusammensetzung der genutzten Erze. Eisens sowie zur Bildung von Sekundärschlacke,­ Dabei war es besonders überraschend, dass vor die im Genoeserbusch in glutflüssigem­ Zu- allem phosphorreiche, ooidische Erze und nicht stand aus dem Ofen abgelassen werden konnte. z. B. die phosphorarmen, eisenreichen Bohnerze Anhand der aufgegebenen Erzmenge ließ sich in die Öfen aufgegeben wurden (siehe Abb.6). auf der Basis von Erfahrungswerten in etwa ab­ Der archäologische Befund lieferte zudem zahl­ schätzen, wann der Verhüttungsprozess unter­ reiche Hinweise darauf, dass kalkreiche, eisen- brochen werden konnte. Die Temperaturen in arme Erze (Zwischenmittel der Minette) im den lediglich durch natürlichen Luftzug oder Verlauf der Erzanreicherung (Pochung) von den mittels Hand- bzw. Tretblasebälgen belüfteten Hüttenleuten anhand verschiedener Kriterien Öfen waren in Abhängigkeit von der Art der wie z. B. Farbe und Gewicht als ungeeignet er- Windführung allerdings in der Regel noch zu kannt und ausgesondert worden sind. Sie lagen niedrig, um das Erz mitsamt dem darin enthal- zusammen mit weiteren Verhüttungsrückständen tenen Metall vollständig und über längere Zeit auf den Schlackenhalden oder gehäuft in Depots zu verflüssigen. Da eine vollständige Reduktion neben den Verhüttungsöfen, wo sie möglicher- des Eisenoxides im Erz unter diesen Bedin­g- weise noch als kalkiger Zuschlag Verwendung ungen nicht möglich war, sind eisenreiche fanden. Der hohe Kalkgehalt des im Genoeser- Schlacken (ca. 40-60 % FeO) das charakte- busch eingesetzten Möllers führte zu einem r­istische Abfallprodukt im Genoeserbusch. „basischen“ Schlackenchemismus, verbesserte Beim derzeitigen Stand der Forschung die Eisenausbringung aus den Erzen und wirkte deutet vieles darauf hin, dass man in Luxemburg sich positiv auf die Viskosität (Fließfähigkeit) mind. bis in das 15. Jahrhundert am direkten Ver- der Schlacke aus. Allerdings wurde durch den fahren der Eisenproduktion festhielt. Während hohen Kalkgehalt gleichzeitig auch die Tendenz in den prominenten Eisenlandschaften u. a. flüssiges Roheisen zu erzeugen begünstigt. Schwedens und Deutschlands bereits seit dem Durch die Vermeidung von zu hohen Schmelz- 13./14. Jahrhundert technische Vorläufer der t­emperaturen (< 1300 °C) und zu langen Reduk­ Hochöfen flüssiges Roheisen im indirekten tionszeiten gelang es den Hüttenleuten, den Verfahren bei Temperaturen > 1300 °C erzeug- schädlichen Phosphor aus dem Erz fast ten, führte man im heutigen Großherzogtum voll­ständig in der Schlacke zu binden

26 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

und somit aus dem produzierten Metall fern- wenige Schlacken mit Gehalten zwischen zuhalten. Das war notwendig, denn Phosphor 15-28% FeO fast ausschließlich als Glas gilt in der modernen Eisen­metallurgie als erstarrt sind. Dem Chemismus entsprechend „Stahlschädling“. Seigerungen von Phosphor sind hercynitischer Spinell (FeAl2O4) neben können im Eisen zu Heißrissen führen. Bei der Kirschsteinit (CaFeSiO4), Wüstit (FexO), Abkühlung von phosphorreichem Eisen schei- Rhönit (Ca2(Al, Fe, Ti)6(Si,Al)6O20) und det sich zudem auch bei geringem Kohlen- Calciumphosphat (C3P, Ca3(PO4)2) die do- stoffanteil vermehrt Graphit aus. Die Folge minierenden Schlackenphasen. Analog zu ist ungewünschter „Kaltbruch“ oder „Kaltver- den üblicherweise fayalitischen Schlacken sprödung“ des Metalls. Eine derartige Metall- vergleichbarer Fundplätze können die Schla- qualität hätte sich von den mittelalter­lichen cken aus dem Genoeserbusch aufgrund Handwerkern nicht effizient verarbeiten lassen. ihres Aluminiumreichtums als „hercynitisch“ Im Genoeserbusch wurde jedoch ein niedrig bezeichnet werden. temperiertes Schmelzsystem mit hohem Eisen- Das Endprodukt der Verhüttung, die so-­­ anteil der Schlacken angewandt. In diesem ge­nan­nte Luppe (franz.: massiot), war in Fall wirkte sich ein gewisser Phosphoranteil unbearbeitetem Zustand ein kompaktes oder sogar positiv als Schlackenbildner aus, erhöhte schwammartiges, halb festes, heterogenes und die Härte in ferritischem Eisen und senkte die stark verunreinigtes Konglomerat mit zahl- Schmelztemperaturen (Liquidustempe­raturen). reichen Hohlräumen, das neben metallischem Setzt man voraus, dass die analysierten Metall­ Eisen auch große Mengen Schlacke und Holz- proben repräsentativ für die Produktion der kohle enthielt. Die Luppe bildete sich in der Eisenhütte sind, dann war das Endprodukt heißes­ten Zone des Ofens (nahe den Einblas- der Verhüttungsöfen aus dem Genoeserbusch düsen) durch eine Agglomeration von Eisen- ein direkt schmiedbarer untereutektoider bzw. teilchen oder Anlagerung flüssiger Tropfen eutek­toider Stahl, dessen Kohlenstoffgehalt in (Teilverflüssigungen).­ Reduzierte Eisen­teilchen der Regel nicht über 0,8 % lag. Wenige Roh- verklebten in „teigigem“ Zustand mit­einander eisenreste legen jedoch die Vermutung nahe, und formten zumeist oberhalb oder in der dass die Hüttenleute möglicherweise bereits Kontakt­zone mit den glutflüssigen Schlacken, eine Technik beherrschten, mit der sich auch die sich im un­teren Teil des Ofens auf dem höher aufgekohlter Stahl produzieren ließ. Die Herdboden sammelten, eine Luppe. Sobald die Analysedaten der verschiedenen Schlacken- Hüttenleute eine Luppe noch glühend aus dem funde bestätigen, dass das fayalitische System Ofen gezogen hatten, zerschlugen sie diese, – allgemein charakteristisch für die Verhüttung um die handlichen Fragmente in weiteren im Rennofen von der Eisenzeit bis in Mittel­alter – Verarbeitungsschritten zunächst reinigen (sog. verlassen wird. Kennzeichnend ist darü­ber Ausheizen) und danach ausschmieden zu können. hinaus der hohe Glasanteil, wenn auch nur Zwei Ausheiz- bzw. Schmiedeherde belegen

Abb.7A: Genoeserbusch. Abb.7B: Genoeserbusch. Glasig erstarrte Schlacke (27,7% FeO) mit Hercynit, Kristallin erstarrte Schlacke (54,7% FeO) mit Hercynit Rhönit und Eisen (weiß). (hc), Wüstit (wu), Fayalit (fa)und Eisen (Fe).

27 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

zusammen mit typischen Rückständen diese flossene Schlacke hinterlassenen Hohlräume Prozessschritte (siehe Abb.8). Die arbeits-­ wieder zu schließen. Dies geschah, indem man inten­sive Reinigung, Homogenisierung und die Luppe durch Schläge mit einem (Holz-?) formgebende Weiterverarbeitung zu Halb­ Hammer verdichtete und auf diese Weise fabrikaten oder Barren wurde also nicht den allmählich­ kompaktierte. Bevor sich die gerei- Dorfschmieden angelastet, sondern konnte nigten Metall- bzw. einzelne Luppenfragmente durch die Hüttenleute selbst durchgeführt zu einem größeren Barren miteinander ver- werden, die demzufolge neben dem Wissen schweißen ließen, musste zuvor die beim Erhit- um das erfolgreiche Verhütten geeigneter Erze zen entstandene Oxidhaut des Eisens (Hammer- zusätzlich mit besonderen Schmiedetechniken schlag, Zunder) durch Ausschmieden sorgfältig vertraut waren. Auch die Weiterverarbeitung von der Oberfläche des Werkstücks entfernt der Luppen stellte hohe Anforderungen an die werden. Obwohl sich das Feuerverschweißen handwerklichen Fähigkeiten. Durch ein mehr- durch metallografische Analysen bisher nicht maliges Erhitzen im Ausheiz- bzw. Schmiede- direkt an Fundobjekten aus dem Genoeser- herd musste u. a. die in den Luppen enthaltene busch belegen lässt, weisen plättchenförmige Schlacke bei Temperaturen, die denjenigen Hammerschlagfragmente in Kombination mit in den Verhüttungsöfen entsprach, verflüssigt charakteristischen Schweißkügelchen indirekt werden, um durch gezielte und wohldosierte auf einen derartigen Verarbeitungsschritt hin. Hammer­schläge ein Austreiben der einge­schlos­ Durch das Ausheizen und Schmieden gingen senen Verunreinigungen zu erleichtern. Dabei noch einmal 30-50% des in den Öfen produ- galt es behutsam vorzugehen, um die fragilen zierten Eisens verloren. Massenbilanzierungen Luppenfragmente nicht zu zerschlagen. Wurden auf der Basis chemischer Analysedaten (Erze, die Luppen zu stark erhitzt, konnten sie eben- Produktions-, Verarbeitungsschlacke, Ofen- falls auseinanderfallen, weil die einzelnen Ein- wand, Lehm und Holzkohleasche) ließen eine schlüsse aus metallischem Eisen durch Schlacke Rekonstruktion der Prozesskette vom Erz zum zusammengehalten wurden. Darüber hinaus Metall zu und ermöglichen Aussagen bezüglich waren die Luppen inhomogen und enthielten in der Effektivität des eingesetzten Verfahrens. der Regel neben kohlenstoffarmen Partien auch Anhand der überlieferten Schlackenmenge kohlenstoffreiches Eisen. Damit sich dieses von insgesamt etwa 21t lässt sich die wahr- Material überhaupt verarbeiten ließ, musste scheinliche Gesamtproduktion an ausgeschmie- es zunächst im Ausheizherd homogenisiert detem Barreneisen näherungsweise auf einige werden. Zusätzlich galt es, die durch die ausge­ Tonnen hochrechnen. Die Eisenhütte aus dem Genoeserbusch war sehr wahrscheinlich nicht kontinuier- lich in Betrieb, sondern wurde in der zweiten Hälfte des 13. Jahrhunderts periodisch jeweils für mehrere Tage oder Wochen aufgesucht. Die Lage im Wald gewährleistete vor allem die räumliche Nähe zum wichtigen Rohstoff Holz. Dabei suchte man nicht einen Standort mit spezifischen und besonders geeigneten Ge- hölzen, sondern errichtete die Verhüttungsöfen an einem frei zugänglichen Platz mit ausrei- chendem Holzbestand. Insgesamt konnten im Genoeserbusch neun Gehölzgattungen durch anthrakologische Analysen nachgewiesen wer- Abb.8: Genoeserbusch. Ausheiz- bzw. Schmiedeherd den. Hainbuche und Rot-Buche prägen das (Durchmesser ca. 80 cm). Die Wand der kreisrunden Holzkohlespektrum. Damit sind die sogenann- Essen, der nur wenige flache Steine Stabilität verliehen, bestand nahezu ausschließlich aus Lehm. Vor solchen ten „Harthölzer“ besonders stark vertreten. Die einfachen Essen knieten die Hüttenleute wahrscheinlich aus Hartholz gewonnene Kohle ermöglichte die auf dem Boden. Während ein Arbeiter mit zwei zur Eisenproduktion notwendigen Temperatu- handbetriebenen Blasebälgen, die mit einer tönernen Düse verbunden waren, die Glut anfachte, schmiedete ren und war im hohen Temperaturbereich ein ein anderer das Werkstück aus. besonders guter Lieferant des wichtigen Reduk­

28 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

tions­­gases Kohlenmonoxid. Darüber hinaus dung von Schwachholz deutet auf Niederwald- waren die Kohlen aus Hartholz widerstands­ nutzung hin. Niederwälder waren im Mittelalter fähig gegen mechanische Belastung. Weil sie weit verbreitet und dienten überwiegend zur unter dem Druck des Beschickungsmaterials Brenn- und Kohlholzgewinnung. Diese spe- nicht so leicht zerdrückt werden konnten, eigne- zifische Waldwirtschaftsform entstand, indem ten sie sich besonders für hohe Öfen mit großem man über Jahrzehnte immer wieder dieselben Innendurchmesser. Zu stark fragmentierte Koh- Waldparzellen nutzte, um Holz zu schlagen und len hätten im Gegensatz dazu die Hohlräume auf diese Weise die Bestände ständig verjüngte. im Beschickungsmaterial verschlossen. Ein Nach der Holzentnahme ließ man den Bäumen Aufsteigen der Reduktionsgase im Ofenschacht gerade so viel Zeit, bis sich wieder neue Stock- wäre massiv behindert worden und hätte auf ausschläge gebildet hatten. Mit der Zeit bildete diese Weise den Verhüttungsprozess negativ sich daher eine charakteristische strauchartige beeinflusst. Weil die rezente Waldzusammen- Vegetation, bei der durch intensive Nutzung die setzung im Umfeld der Fundstelle noch heute Buche immer mehr verdrängt wurde. weitgehend dem mittelalterlichen Holzkohle- Während die Öfen liefen, mussten die Ar- spektrum entspricht, ist eine gezielte Selektion beiter Tag und Nacht abseits des Heimatdorfes bestimmter Holzarten für diese Eisenhütte mit in den Wäldern verbringen, um unter anderem großer Sicherheit auszuschließen. Vielmehr regelmäßig Erz und Holzkohle aufgeben und wurde der verfügbare Holzbestand der umlie- den Verhüttungsprozess jederzeit kontrollieren genden Wälder im Mittelalter möglichst voll- und steuern zu können. Speisereste in Form von ständig genutzt. Die beprobten Holzkohlen aus Rinder­knochen belegen zusammen mit zahl­rei- dem zentralen Hüttenbereich wurden jedoch chen Keramikfunden (u.a. Töpfe, Kannen und nicht aus Stammholz gewonnen. Holzstärke- Krüge), dass die Hüttenleute die benötigte Ver- analysen ergaben überwiegend Schwachholz, pflegung mit in den Wald brachten, um ihre Mahl- das sowohl in den Verhüttungsöfen als auch zeiten vor Ort zubereiten zu können. Schnitt- zum Ausheizen bzw. Schmieden verwendet spuren auf den Knochenoberflächen und ein worden ist. Dementsprechend sind nur Astwerk Wetzstein zeugen vom Gebrauch klingen­artiger oder Stockausschläge in den Meilern verarbeitet­ Gegenstände (Messer), die bei der Nahrungs­ worden. Die nahezu ausschließliche Verwen- zubereitung eingesetzt worden sind. Die datier-

Abb.9: Bisher wurden mehr als 800 Holzkohlestücke aus dem Genoeserbusch durch die Mitarbeiter der Arbeitsgruppe für Historische Geobotanik am Ökologie Zentrum der Christian-Albrechts-Universität zu Kiel anthrakologisch untersucht.

29 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

baren Keramikfunde weisen darauf hin, dass die burgs stehen kann. Systematische, großräumige Eisenproduktion im Genoeserbusch zu Beginn Prospektionen mit dem Ziel der Lokalisierung, des 14. Jahrhunderts aufgegeben wurde. Die Kartierung und Klassifizierung sämtlicher mon- Ursache für das Verlassen der Eisenhütte war tanistischer Bodendenkmäler, ergänzt durch nicht zu ermitteln und lässt sich daher auch nicht gezielte Sondagen und stichprobenartige zuverlässig mit zeitgenössischen, historischen­ Analy­sen an bereits bekannten Fundstellen, Ereignissen wie z. B. der Maaslän­dischen könnten nach dem Vorbild der Untersuch­ungen Fehde oder dem Vierherrenkrieg verbinden. z. B. in Lothringen (F)5, dem Märkischen Der ungewöhnliche Fundreichtum und die Tat- Sauerland (D)6 oder dem Lahn-Dill Gebiet sache, dass die mittelalterlichen Hüttenleute (D)7 zeigen, ob es sich im Südwesten Luxem- unter anderem die eiserne Windform und mehrere burgs lediglich um eine flächenhafte Verbrei- Luppenfragmente – also wertvolles Roh­material – tung von Ver­hüttungsaktivität handelt oder ob vor Ort zurückließen, könnte darauf hindeuten, der Erzreichtum der Region zur Herausbildung dass der Platz zuletzt nicht planmäßig aufge­ einer Landschaft mit intensiver Eisenproduktion geben wurde, sondern plötzlich verlassen werden geführt hat. Die Erstellung von Verbreitungs- musste. Der hohe Anteil zwar kalk­reicher aber karten und Datenbanken könnte Produktions­ eisenarmer Erze rechtfertigt allerdings noch zentren von der Eisenzeit bis ins Mittelalter eine zweite Theorie. Auch Erzmangel, das heißt sichtbar machen und strukturelle Veränderungen, eine Erschöpfung der üblicherweise genutzten zum Beispiel in Form einer möglichen räum- Lagerstätte, könnte die Hüttenleute dazu ge- lichen Verlagerung der Produktionsstandorte mit zwungen haben, die Produktion im Genoeser- fortschreitender technologischer Entwicklung, busch aufzugeben und möglicherweise an umfassend darstellen. In diesem Zusammen- anderer Stelle wieder aufzunehmen. hang ist vor allem der Frage nachzugehen, wann Wie herausragend ein einzelner Hütten- und über welche möglichen Zwischenformen platz auch sein mag, seine Bedeutung und die Roheisentechnologie in Luxemburg einge- Funktion als Bestandteil einer vergangenen führt worden ist und welche Rolle die lokalen, Kultur­landschaft lässt sich ausschließlich vor phosphor­reichen Erzvorkommen (insbesondere dem Hinter­grund aller überlieferten Hütten- das sogenannte Raseneisenerz und Minette) dabei bzw. Schlacken­plätze der jeweiligen Zeit­stellung spielten. In einer Zeit rasanter Landschafts­ in einem regionalen sowie überregionalen veränderung könnten Prospektionen zudem Zusammen­hang prüfen und bewerten. Zukünf- dazu beitragen, den Erhaltungszustand der noch tige montanarchäologische Forschungen müssen vorhandenen Fundstellen zu dokumentieren und daher erst noch zeigen, inwieweit der Genoeser- ausgewählte montanistische Bodendenkmäler busch tatsächlich stellvertretend für die hoch- bis effektiv zu schützen, um dadurch einzigartige spätmittelalterliche Eisentechnologie Luxem- Quellen für zukünftige Forschungen als wertvol­les

5 Im Zuge der Erforschung der ältesten Eisengeschichte Lothringens ist es z. T. durch Prospektionen gelungen, mehr als 250 Schlackenplätze zu lokalisieren, die von der Antike bis ins späte Mittelalter datieren. Der zugehörige Fundplatzkatalog wird durch mineralogische und chemische Untersuchungen an mehr als 300 Erz- und Schlackenproben ergänzt. Siehe dazu: LEROY, Marc, La sidérurgie en Lorraine avant le haut fourneau: L´utilisation du minerai de fer oolithique en réduction directe. Paris 1997. 6 Im Märkischen Sauerland und Teilen des angrenzenden Bergischen Landes (D) erbrachten montanarchäologische Prospektionen mehr als 1900 Schlackenplätze, die mit der direkten Eisenverhüttung in Rennöfen zu verbinden sind und über 200 potentielle Floß- bzw. frühe Hochofenstandorte. Siehe dazu: JOCKENHÖVEL, Albrecht / OVERBECK, Michael, Mediaeval Iron-Landscapes, Traditions and Innovation – The Genesis of Early Modern Cultural Landscapes between the Rivers Maas and Weser. In: Cultural Heritage and Landscapes in Europe – Landschaften: Kulturelles Erbe in Europa. Proceedings of the International Conference, Deutsches Bergbau-Museum Bochum, June 8-10, 2007. Bochum 2008, S. 453-466. 7 Im Umkreis des Dietzhölztales in Hessen (D) wurden durch die Universität Münster in den 1990er Jahren im Rahmen systematischer montanarchäologischer Prospektionen über 300 Schlackenplätze kartiert. Ausgewählte Fundplätze wurden vollständig ergraben. Etwa 80 Fundplätze wurden repräsentativ beprobt. 310 pauschalchemische Analysen (Schlacken-, Ofenwand- und Erzproben) und etwa 340 polierte Dünn- und Anschliffe bildeten die Grundlage dieses Forschungsprojektes. Siehe dazu: JOCKENHÖVEL, Albrecht / WILLMS, Christoph, Das Dietzhölzetal-Projekt. Archäometallurgische Untersuchungen zur Geschichte und Struktur der mittelalterlichen Eisengewinnung im Lahn-Dill-Gebiet (Hessen) (Münsterische Beiträge zur ur- und frühgeschichtlichen Archäologie, Bd.1). Rahden / Westfalen 2005.

30 Terres Rouges Montanarchäologie in Luxemburg – Eisenverhüttung am Vorabend des Hochofenzeitalters

Kulturgut zu sichern. Auch einer grund­legenden Luxemburgs als Montanregion mit einer langen Aufarbeitung der archivierten Bestände sowie Tradition in der Produktion und Ver­arbeitung von einer gezielten Sichtung des schriftlichen Eisen und Stahl historisch richtig einzu­ordnen Quellenmaterials durch spezialisierte Historiker und die zeitgebundene, gegenseitige Wechsel- kommt in diesem Zusammenhang eine beson- wirkung zwischen Mensch und Landschaft von dere Bedeutung zu. Erst in einigen Jahren wird der Antike bis ins Mittelalter im „Land der roten es daher überhaupt möglich sein, den Südwesten Erde“ zusammenhängend darzustellen.

Weiterführende Literatur

ABDINGHOFF, Thorsten / OVERBECK, KRONZ, Andreas / OVERBECK, Michael, Michael, Archaeological Investigations on early Mitteleuropa an der Schwelle zum Hochofenzeitalter: Blast Furnaces in Central Europe. In: Iron in the Archäometallurgische Untersuchungen zur hoch- bis Alps. Deposits, mines and metallurgy from antiquity spätmittelalterlichen Eisenherstellung in Peppange/ to XVI century. International Conference Bienno Luxemburg. In: Archäometrie und Denkmalpflege, 2.-4. October 1998. Bienno 2000, S. 128-132. Zusammenfassung der Vorträge und Poster der ABDINGHOFF, Thorsten / OVERBECK, Jahrestagung 2007. Gemeinsam veranstaltet vom Michael, Die Hüttenstandorte Kerspetalsperre Arbeitskreis „Archäometrie und Denkmalpflege“ (Märkisches Sauerland) und Oberes Wippertal der Deutschen Mineralogischen Gesellschaft, vom (Bergisches Land) – Ein Beitrag zur Archäologie Arbeitskreis „Archäometrie“ der Gesellschaft Deut- früher Hochöfen in Mitteleuropa. In: Arch. Austr. scher Chemiker und der Gesellschaft für Naturwis- 82 / 83 (1998 / 1999), S. 536-541. senschaftliche Archäologie – Archäometrie. Potsdam JOCKENHÖVEL, Albrecht, Der Weg zum 2007, S. 66-69. Hochofen – die Zeit der spätmittelalterlichen und LEROY, Marc, La sidérurgie en Lorraine avant frühneuzeitlichen Massenhütten. In: PINSKER, le haut fourneau : L´utilisation du minerai de fer ooli- Bernhard (Hg.), Eisenland – zu den Wurzeln der nas- thique en réduction directe. Paris 1997. sauischen Eisenindustrie. Wiesbaden 1995, S. 83-98. OVERBECK, Michael, Eine mittelalter- JOCKENHÖVEL, Albrecht / OVERBECK, liche Eisenhütte im Genoeserbusch bei Peppingen. Michael, Mediaeval Iron-Landscapes, Traditions In: Musée info. Musée national d´histoire et d´art and Innovation – The Genesis of Early Modern Luxembourg (2005), S. 62-63. Cultural Landscapes between the Rivers Maas OVERBECK, Michael, Eine schmiedeeiserne and Weser. In: Cultural Heritage and Landscapes Windform des 13./14. Jahrhunderts aus dem Geno- in Europe – Landschaften: Kulturelles Erbe in eserbusch bei Peppange, Luxemburg. In: Durch die Europa. Proceedings of the International Con- Zeiten..., Festschrift für Albrecht Jockenhövel zum ference, Deutsches Bergbau-Museum Bochum, 65. Geburtstag (Studia honoraria, Bd. 28). Rhaden / June 8-10, 2007. Bochum 2008, S. 453-466. Westf. 2008, S. 435-446. JOCKENHÖVEL, Albrecht / WILLMS, OVERBECK, Michael / BIS-WORCH, Christoph, Das Dietzhölzetal-Projekt. Archäome- Christiane, A la recherche des origines de la sidé- tallurgische Untersuchungen zur Geschichte und rurgie luxembourgeoise: les sites de Peppange et Struktur der mittelalterlichen Eisengewinnung im d´Esch-sur-Alzette. In: Magazine - le périodique du Lahn-Dill-Gebiet (Hessen) (Münstersche Beiträge Fonds Belval no 4 (2005), S. 32-33. zur Ur- und Frühgeschichtlichen Archäologie, Bd.1). OVERBECK, Michael / KRONZ, Andreas / Rahden / Westfalen 2005. NELLE, Oliver, Medieval iron production in Luxem- JOCKENHÖVEL, Albrecht / WILLMS, bourg (13th-14th century AD). Archaeological evi- Christoph / ABDINGHOFF, Thorsten / OVERBECK, dence of the transition from bloomery furnace to high Michael, Archaeological Investigations on the Be- bloomery furnace (Stuckofen) in Europe? In: CREW, ginning of Blast Furnace-Technology in Central Eu- Peter / CREW, Susan (Hg.), Early Ironworking in Eu- rope. In: Extended Abstracts. The Fourth International rope II. Archaeology, technology and experiment. Plas Conference on the Beginning of the Use of Tan y Bwlch occasional paper No 4, Abstracts of the Metals and Alloys in Shimane, May 25–27, second International Conference at Plas Tan y Bwlch 1998, S. 65-69. 17th-21th Sept. 2007. Plas Tan y Bwlch 2007, S. 37-40.

31

Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg Norbert Franz

Durch den weltweiten Boom der Stahlindustrie Industrie weltweit eine Schlüsselindustrie der letzten Jahre wurden all jene widerlegt, die – eine der Säulen, auf denen Wohl und Wehe glaubten, das Zeitalter der Eisenindustrie sei der Gesamtwirtschaft ruht. zu Ende. Tatsächlich erleben wir gegenwärtig Wenn wir verstehen wollen, wie die eine neue Stufe jener Industrialisierungs­wellen, aktuelle Industrialisierungswelle einzuordnen die mit der Industriellen Revolution ihren Aus- ist, müssen wir die Geschichte befragen. Mit gang nahmen und in der Folgezeit zunächst „Geschichte“ meine ich zunächst und vor allem Teile des europäischen Subkontinents erfassten, die Geschichtswissenschaft, jene Geschichts- dann Nordamerika und schließlich immer mehr forschung und Geschichtsschreibung also, die Länder der Welt in allen Kontinenten. Doch gab nach den allgemeinen Regeln der Wissenschaft es auch schon vor der Industriellen Revolution arbeitet. Überaus wertvoll sind allerdings auch Eisenerzeugung und Eisenindustrie. Bekannt- die Erkenntnisse jener Forscher, die sich aus lich begann das „eiserne Zeitalter“ im zweiten Liebhaberei oder aus anderen außerwissen- Jahrtausend vor unserer Zeitrechnung in schaftlichen Motiven dieser Problematik zu- Vorder­asien. Bereits in der Antike beobachten wenden. Die spannendste Frage, die die Histo- wir nicht nur handwerkliche Einzelanferti­­ ­- riker stellen können, ist jene nach den Ursachen gungen von Eisenwaren, insbesondere von und Verläufen jener Metamorphosen, denen die Waffen, sondern bereits massenhafte, das heißt Eisen­industrie ganz offensichtlich unterlag. Dass also industrielle Fertigung. Und bis heute blieb hier ein grundlegender Wandel stattfand, zeigen die eisenschaffende und eisenverarbeitende die folgenden Abbildungen ganz unmittelbar:

Darstellung einer Schmiede auf einer antiken griechischen Vase Quelle: Jean-Yves Andrieux, Les travailleurs du fer, Paris 2002

33 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Eisenwerk der Zisterzienser-Abtei Clairvaux in einer Darstellung aus dem 13. Jahrhundert Quelle: Abbildung aus Jean-Yves Andrieux, Les travailleurs du fer, Paris 2002

Die Eisenschmiede und das Fabrikantenschloss Ansenbourg im 18. Jahrhundert Quelle: Gilbert Trausch, Banque de Luxembourg, Luxemburg, ein Land vom Stahl geprägt, Luxemburg 1994, S. 8

34 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Das Schmiedewerk der Familie de Wendel in Hayange (1866) Quelle: Aquarell von C. de Berthiet, in: Jacques Marseille, Les Wendel 1704-2004, Paris 2004

Die Burbacher Hütte 1875 Quelle: Walter Marzen, Die Saarländische Eisen- und Stahlindustrie 1430-1993, Saarbrücken 1994

35 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Der Schwerpunkt der Forschungen der eigenen Untersuchungen über die Geschichte der Geschichtswissenschaft, aber auch anderer Weilerbacher Hütte10. Trotz all dieser neueren Wissenschaftsdisziplinen sowie der Liebhaber- Arbeiten ist die seit annähernd einem Jahrhun- geschichtsschreibung, über die luxemburgische dert vorliegende Studie Michel Ungeheuers11, Eisenindustrie liegt auf der zweiten Industri­ die sowohl die Eisenindustrie ersten als auch alisierung Luxemburgs im Süden des Landes auf des zweiten Typs behandelt, noch immer der Grundlage der Minette-Erze. Diese Indus- unverzichtbar. tri­alisierungsphase steht auch im Zentrum der Bei meinen Überlegungen werde ich mich meisten Beiträge dieses Bandes. Die Tatsache,­ auf den Raum des Herzogtums Luxemburg in dass die Epochen vor 1870 vergleichsweise we- den Grenzen vor 1659 konzentrieren und zwei nig beachtet wurden, ist allerdings Anlass für Leitfragen beantworten: mich, im Unterschied zu meinen Mitautorin- 1. Welche Einflussfaktoren bestimmten vor nen und ­­­-autoren die „Industrialisierung vor der allem die Entwicklung der Eisenindustrie Industriellen Revolution“1 genauer zu betrach- Luxemburgs vor der Industriellen Revolution? ten. Dabei möchte ich einige bislang vorlie- 2. Unter welchen Bedingungen konnten gende Forschungsergebnisse in aller Kürze Werke, die ursprünglich Industrien alten Typs zusammenfassen und zugleich Forschungs­ waren, nach der Industriellen Revolution desiderate herausarbeiten, deren Aufarbeitung fortbestehen? Gegenstand neuer Forschungen sein könnte. I. Bedingungsfaktoren der alten Darüber hinaus möchte ich am Fallbeispiel der Weilerbacher Hütte ein Eisenwerk vor- Eisenindustrie Luxemburgs stellen, das die Metamorphosen der Eisen- Die Entwicklung der Eisenindustrie Luxem- industrie von der Industrie alten Typs über burgs hatte mehrere Voraussetzungen. Neben die Industrielle Revolution bis zur Mitte des dem Rohstoff, dem Eisenerz, zählten hierzu 20. Jahrhunderts anschaulich machen kann. Energieträger, Unternehmer und Arbeitskräfte Ich stütze mich im Folgenden vor allem auf sowie Transportmittel und -wege. Die stark die Arbeiten Marcel Bourguignons2, Georges phosphorhaltigen Erzvorkommen im äußer­sten Hansottes3, Michel Paulys4, René Lebouttes, Süden des heutigen Großherzogtums und im Jean Puissants, Denis Scutos5, Guy und Marcel angrenzenden Lothringen, die so genannten Steffes6, Joseph Wagners7, Denis Woronoffs8, Minette-Erze, waren erst nach Erfindung des Jean-Marie Yantes, Michel Dorbans, Jean-Paul Thomasverfahrens profitabel zu verhütten. Die- Lehners und Monique Kieffers9 und auf meine se reichen Eisenerzlager wurden zur Grundlage

1 Der Terminus „Protoindustrie“ bezeichnet im engeren Sinne eine frühe Form der Industrialisierung der Textilindustrie. Im weiten Sinn wird er auch für andere frühe Industrien, darunter auch die Eisenindustrie, verwendet, vgl. PAULY, Michel, Proto-industrialisation et immigration au Luxembourg, in: ALLEGREZZA, Serge / HIRSCH, Mario / v. KUNITZKI, Norbert (Hgg.), L´immigration au Luxembourg, et après? Luxemburg 2007, S. 47-59. 2 BOURGUIGNON, Marcel, La sidérurgie, industrie commune des pays d´entre Meuse et Rhin, in: Anciens pays et assemblées d´États, 28 (1963) 93. 3 HANSOTTE, Georges, La métallurgie et le commerce international du fer dans les Pays-Bas autrichiens et la principauté de Liège pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle (Histoire quantitative et développement de la Belgique au XIXe siècle, II/3), Bruxelles 1980. 4 PAULY, Michel, Proto-industrialisation, S. 47-59. 5 LEBOUTTE, René / PUISSANT, Jean / SCUTO, Denis, Un siècle d´histoire industrielle. Belgique, Luxembourg, Pays- Bas. Industrialisation et sociétés 1873-1973, Condé-sur-Noireau (France) 1998. 6 STEFFES, Guy / STEFFES, Marcel, La sidérurgie luxembourgeoise de l´époque antérieure à 1840, Luxembourg 1965. 7 WAGNER Joseph, La sidérurgie luxembourgeoise avant la découverte du gisement des minettes, Diekirch 1921. 8 WORONOFF, Denis, L´industrie sidérurgique en France pendant la révolution et l´empire, Paris 1984. 9 HERRMANN, Hans-Walter / WYNANTS, Paul (Hgg.), Wandlungen der Eisenindustrie vom 16. Jahrhundert bis 1960 (Colloques Meuse-Moselle), Namur 1997, darin S. 113-138: DORBAN, Michel / YANTE, Jean-Marie / LEHNERS, Jean-Paul, Quatre siècles de sidérurgie luxembourgeoise (1380-1815). – Ebenda, S. 139-169: KIEFFER, Monique, La sidérurgie au Grand-Duché de Luxembourg: 1840-1960. 10 FRANZ, Norbert, Luxemburger Eisenindustrielle in der südlichen Eifel – die Weilerbacher Hütte, in: Kurtrierisches Jahrbuch 38 (1998), S. 155-175. 11 UNGEHEUER, Michel, Die Entwicklungsgeschichte der luxemburgischen Eisenindustrie im XIX. Jahrhundert, Luxemburg 1910.

36 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

der zweiten Industrialisierung in Luxemburg Flüssen mit Hilfe relativ kleiner Lastkähne oder und Lothringen. Die Erzlager im Luxemburger über Land mit Hilfe von Pferdefuhrwerken.­ Gutland, in Eifel und Ardennen, die geringere Diese Transporte wurden in der Regel von Phosphoranteile enthielten, waren dagegen Bauern im Nebenerwerb durchgeführt. die wichtigste Grundlage der ersten Industri­­a- Zwei wichtige Energieträger wurden in li­sierung dieser Region. Das Erz wurde in der Eisenindustrie eingesetzt: Holzkohle und kleinen Gruben und im Tagebau abgebaut12. Wasserkraft. Die Holzkohle wurde für die Ver- Gesetzlicher Rahmen des Erzabbaus im hüttung von Eisenerz genutzt. Angesichts der Herzogtum Luxemburg und unter franzö­ hohen Transportkosten war das Vorhandensein sischer Herrschaft war das Reglement vom 13. umfangreicher Wälder mit Holzeinschlag­ August 1665, dem zufolge das Erz Eigentum rechten der Hüttenherren eine Grundvoraus- des Grundeigentümers war, in dessen Boden es setzung für die Existenz der frühneuzeitlichen gefunden wurde. Ein Edikt Kaiser Karls VI. aus Eisenindustrie. Dabei traten die Hüttenherren dem Jahre 1736 erlaubte es Adeligen ausdrück- in diesem „hölzernen Zeitalter“ in Konkurrenz lich, Eisenwerke zu betreiben, ohne dabei ihren zu anderen Holznutzungsarten: Holz war ein Stand zu verlieren13 – anders als in England war universaler Werkstoff, wurde als Baumaterial gewerbliche Arbeit von Adeligen auf dem euro- eingesetzt und als Brennstoff für die Behei- päischen Kontinent völlig unüblich und mit er- zung von Wohngebäuden. Holz war somit in heblichen gesellschaftlichen Sanktionen belegt. dieser Zeit ein wichtiger Energieträger und ein Nach der Französischen Revolution minderte bedeutender­ Werkstoff zugleich. Insbesondere das Gesetz vom 28. Juli 1791 die Rechte der die Nutzungsrechte bäuerlicher Gemeinden Grundeigentümer zugunsten der Ansprüche des kollidierten häufig mit den Nutzungsinteressen Staates. Die französische Gesetzgebung wirkte der Eisenindustrie. Die Landesherren versuch- auch für die preußischen und niederländischen ten – weithin vergeblich –, den zunehmenden Bergbaugesetze als Vorbild. Das Gesetz von Raubbau an den Wäldern durch zahlreiche 1791 legte fest, dass das Eisenerz bis zu einer Erlasse einzudämmen16. Tiefe von 100 Fuß (ca. 33 Meter) Eigentum des Für den Betrieb der Schmiedehämmer und Grundeigentümers war, tiefere Bodenschichten Eisenspaltmühlen wurde ein anderer Energieträ- jedoch Eigentum des Staates. Um diese tieferen ger genutzt: das Wasser. Das Gefälle der kleinen Lagen auszubeuten, brauchten private Unter- Flussläufe und wasserreichen Bäche in Eifel und nehmer also eine Konzession des Staates14. Ardennen wurden für den Betrieb von Wasser- Als Unternehmer traten Angehörige der mühlen genutzt. Auch hier konkurrierte die Ei- politischen und wirtschaftlichen Eliten auf – senindustrie mit anderen Formen von Mühlen: Teile der Geistlichkeit, insbesondere Konvente mit Getreide-, Walk- oder Papiermühlen17. der Zisterzienser, des Adels und später Ange- hörige des Großbürgertums15. Bei den Arbeits- II. Die Entwicklung der kräften muss man unterscheiden zwischen ei- luxemburgischen Eisenindustrie ner vergleichsweise kleinen Zahl qualifizierter Fachkräfte und den zahlreichen gering qualifi- bis 1842 zierten Arbeitskräften, die für den Betrieb der Die Anfänge der luxemburgischen Eisen­ Werke und den Transport der Rohstoffe und industrie vom ausgehenden 12. bis zur Mitte Produkte gebraucht wurden. des 13. Jahrhunderts wurden von dem Reform- Der Transport der Roh- und Betriebsstoffe Orden der Zisterzienser getragen, die eine sowie der Fertigprodukte erfolgte auf schiff­baren wichtige Rolle bei der Erschließung neuer

12 STEFFES / STEFFES, Sidérurgie, S. 17-23. – UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 88-96. 13 PAULY, Proto-industrialisation, S. 48. 14 LEBOUTTE, René, Vie et mort des bassins industriels en Europe 1750-2000, Paris 1997, S. 27 f. – UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 97-101. – WAGNER, Sidérurgie, S. 45-47. – In napoleonischer Zeit wurden die Regelungen des Jahres 1791 durch das Gesetz vom 21. April 1810 modifiziert. 15 Besonders gut erforscht ist die Familie Wendel: GUÉNA, Yves, Les Wendel: trois siècles d´histoire, Paris 2004. – MARSEILLE, Jacques, Les Wendel 1704-2004, Paris 2004. 16 PAULY, Proto-industrialisation, S. 48. 17 WAGNER, Sidérurgie, S. 16-50.

37 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Siedlungen und dem Aufbau von Gewerbe und die entgegen einer verbreiteten Forschungsmei- Indus­trie spielten. Im Bereich der Grafschaft und nung auch darüber hinaus anhielt. In dieser Zeit dem späteren Herzogtums Luxemburg waren wurde beispielsweise das Werk in Fischbach dies die Zisterzienserabteien von Orval und gegründet (1768). Der erneute Aufschwung der Viller-Bettnach im Tal der Fensch, unweit Eisenindustrie alten Typs war verbunden mit Thionville. In der zweiten Hälfte des 13. Jahr- einem Boom der Nagelindustrie, der wiederum hunderts entwickelte sich auch in der Herr- einen Indikator für die allgemeine Prosperität schaft Hayange eine bedeutende Eisenindustrie.­ unter österreichischer Herrschaft darstellt19. Die ersten Schmiedewerke im Herzogtum Trotz der prinzipiell anhaltenden Prospe­ Luxemburg wurden Ende des 14. Jahrhun- rität der Eisenwerke in der zweiten Hälfte des derts im Gebiet von Durbuy und um 1400 bei 18. Jahrhunderts litten diese unter einer tenden- Thionville und Differdingen entwickelt. Im ziell sinkenden Profitabilität. Dafür gab es 15. Jahrhundert entwickelte sich ein Schwer- vielfältige Gründe: die bereits erwähnte Holz- punkt der eisenschaffenden und verarbeitenden und Holzkohleteuerung, die steigenden Löhne Industrie in den Wäldern von Chiny und Anlier: der Metall- und Waldarbeiter, die zunehmende ein erster Hochofen entstand 1475 in Habay, Erschöpfung zahlreicher Minen. Die Landes­ ein Jahrhundert später, im Jahre 1574 waren herren versuchten, diese Probleme mit Hilfe 52 Eisenwerke in dieser Region aktiv, darunter einer protektionistischen Politik zu lösen. So Orval, La Soye und Châtillon18. erhoben das Fürstbistum Lüttich (1740) und Die Entwicklung der luxemburgischen das Herzogtum Luxemburg (1765) Zölle auf Eisenindustrie im 16. bis 18. Jahrhundert stand Barren­eisen. Damit verschärften die Landes- im Zeichen wirtschaftlicher und politischer herren die Probleme jedoch weiter20. Konjunkturen: Ausgehend von Betrieben aus Nach der Eroberung Luxemburgs durch dem Raum Lüttich und Stavelot entwickelte französische Truppen in den Jahren 1793-95 sich ein starker Konkurrenzdruck auf die Eisen- setzte sich der Niedergang der Eisenindustrie werke im nördlichen Herzogtum Luxemburg. zunächst fort. Im Zuge der militärischen Aus- Die Verteuerung des Hauptenergieträgers Holz- einandersetzungen und der Nationalisierung kohle führte zu einer Verknappung von Kohl- geistlichen und adeligen Eigentums war es zu holz und Holzkohle. Hinzu kamen Kriegsfolgen: großen Zerstörungen bei den Industrieanlagen gekommen. Signifikante Ausnahmen bildeten Die Eisenindustrie im Tal der Fensch im Raum die Werke, die für die Rüstung arbeiteten, wie Thionville erlitt während der lang andauernden die Werke von Berchivé und Claireau, die die kriegerischen Auseinandersetzungen zwischen Waffen­manufaktur in Charleville belieferten. Frankreich und den Habsburgern erhebliche Doch unter dem Grand Empire Napoleons er- Einbußen. Im ersten Drittel des 17. Jahrhunderts holte sich die luxemburgische Eisenindustrie erlebte die luxemburgische Eisenindustrie eine wieder. 1806 produzierten die Eisenwerke des – wenn auch vergleichsweise kurze – Neugrün- Wälderdepartements, in dem ein Großteil des dungsphase: 1609 wurde in Dommeldingen ein Herzogtums Luxemburg aufgegangen war, Eisenwerk mit Hochofen und Schmiede gegrün- 25.000 Tonnen Eisen. Hierfür wurden 40.000 det, 1623 das Werk Lasauvage, 1624 die Werke Tonnen Holzkohle und bereits 270 Tonnen von Simmern und Ansemburg, 1631 das Werk Steinkohle verbraucht. In der eigentlichen Bissen. Das erneute Aufflammen der schier end- Eisen­industrie wurden damals 700 Arbeiter losen Kriege zwischen Frankreich und Habs- beschäftigt, beim Erzabbau, der Holzgewinnung­ burg beendete diesen kurzen Boom, doch wurde und der Holzkohleproduktion mit 4300 1651 in Colmar-Berg ein weiteres Eisenwerk Arbeitern ein Mehrfaches. Insgesamt waren gegründet. In den – zumindest im Raum Luxem- direkt oder mittelbar 20.000 bis 25.000 burg – vergleichsweise friedlichen Jahren der Personen – Beschäftigte und Familienangehö- ersten Hälfte des 18. Jahrhundert erlebte die rige – von der Eisenindustrie abhängig, bei einer Eisenindustrie eine erneute Aufschwungsphase, Gesamtbevölkerung des Wälder­departements

18 DORBAN / YANTE / LEHNERS, Quatre siècles de sidérurgie luxembourgeoise (1380-1815), S. 113-138. 19 LEBOUTTE / PUISSANT / SCUTO, Histoire industrielle, S. 22 f. – STEFFES / STEFFES, Sidérurgie, S. 39-51. – UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 88-101.

38 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

von 186.000 Menschen. Somit war die nächsten Jahren an einer Eisenbahnlinie gebaut eisenschaffende Industrie, einschließlich ihrer werden würde22. Nebengewerbe – Holzkohlegewinnung, Erz- Eine nachhaltige Besserung der wirt­ bergbau, Transportgewerbe – der wichtigste schaft­lichen Lage Luxemburgs brachte der Industriezweig des Wälderdepartements. Fünf Beitritt des Landes zum Deutschen Zoll- Jahre später förderten die Minen des Wälder- verein im Jahre 1842. Nun war es Teil ei- departements 28.000 Tonnen Erz, wobei 250 nes großen Binnen­marktes, der gelegentlich Minenarbeiter und Wäscher beschäftigt wur- gezielt auf bestimmte britische Eisenwarenim- den. Beim Transport der Erze von den Minen porte Sonder­zölle erhob.­ Auch die Verkehrs- zu den Erzwäschereien wurden 56 Wagenführer ­anbindung innerhalb dieses neuen Zollgebiets eingesetzt. Die Minenarbeit einschließlich des war für Luxemburg vergleichsweise günstig. Transports wurde als saisonales Nebengewerbe Allerdings war die ­luxemburgische Eisen- der bäuerlichen Bevölkerung betrieben21. industrie nun dem starken Konkurrenz- Nach dem Zusammenbruch des ersten druck der sich allmählich modernisierenden französischen Kaiserreichs geriet die Eisen­ eisenschaffenden Indus­trie der deutschen Staa- industrie alten Typs rasch in eine existenzielle ten ausgesetzt23. Krise. Dafür waren politische, soziale und Die frühe luxemburgische Eisenindustrie wirtschaftliche Ursachen verantwortlich. Zu verdankte somit ihr Entstehen den natürlichen den politischen Krisenfaktoren gehören vor Ressourcen, insbesondere den vergleichsweise allem die Zollschranken, die nun vor den reichen Eisenerzvorkommen, dem Holz­ Haupt­absatzgebieten luxemburgischer Eisen- reichtum des Landes, der relativ leicht ver- waren in Frankreich und Deutschland errichtet fügbaren Wasserkraft sowie den Arbeitskräf- wurden, die schlechte Verkehrsanbindung an ten unterschiedlicher Qualifikation. Bereits das Königreich der Vereinigten Niederlande, unser knapper Überblick konnte einen klaren die relative Vernachlässigung des Großher- Zusammenhang wirtschaftlicher und politi- zogtums durch die niederländische Regierung scher Konjunkturen der Entwicklungs- sowie die Folgen­ der belgischen Revolution. geschichte der luxemburgischen Eisenindus- Zu den sozialen und wirtschaftsimmanenten trie zeigen. Kriegszeiten bedeuteten in der Ursachen der Krise ­gehören die geringe Regel auch Zeiten des Niedergangs, Friedens- Binnennachfrage aufgrund der Massen- zeiten waren zumeist mit konjunkturel- armut breiter Teile der Bevölkerung, die nun- len Aufschwungsphasen verbunden. Diese mehr sehr starke Konkurrenz durch britische These muss freilich durch die Feststellung er- Importwaren, der technolo­gische Rückstand gänzt werden, dass die Eisenindustrie alten der luxemburgischen Eisenindustrie gegenüber­ Typs gegen Ende des ­Ancien Régimes an der „innerniederländischen“,­ genauer, belgi- ihre natürlichen Grenzen stieß: Der Raubbau schen Konkurrenz, die fortgesetzte Holz- und in den Wäldern führte zum starken Abschmelzen Holzkohleteuerung, der fortgesetzte Mangel der Gewinnmargen der Betriebe und die zuneh- an Eisen­erzen und der anhaltend schlechte Zu- mend erschöpfen Erzlager entzogen der Eisenin- stand des Straßen­netzes. Dennoch begründeten dustrie ihre wichtigste Grundlage. Schließlich ge- die Brüder Auguste, Charles und Norbert Metz riet die luxemburgische Eisenindustrie aufgrund durch den Kauf der Hütte in Berburg im Jahre ihres technologischen Rückstands und ihres iso- 1837 den Vorläufer des ARBED-Konzerns. lierten Standorts in eine tiefe Existenzkrise, für 1845 gründeten sie in Eich bei Luxemburg ein die auch der Beitritt des Landes zum Deutschen weiteres Werk, in der Hoffnung, dass hier in den Zollverein keine nachhaltige Lösung brachte.

20 HANSOTTE, Métallurgie, S. 117-120. – WAGNER, Sidérurgie, S. 61-67. 21 FRANZ, Eisenindustrielle, S. 155-175. – UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 102-168. – WAGNER, Sidérurgie, S. 68-112. – Zur Eisenindustrie zur Zeit der Ersten Republik und des Grand Empire vgl. die ausgezeichnete Studie: WORONOFF, Denis, L´ìndustrie sidérurgique en France pendant la révolution et l´empire, Paris 1984. 22 FRANZ, Eisenindustrielle. – PAULY, Proto-industrialisation, S. 49. – STEFFES / STEFFES, Sidérurgie, S. 51-59. – WAGNER, Sidérurgie, S. 113-134. 23 KIEFFER, Sidérurgie, S. 140. – LEBOUTTE / PUISSANT / SCUTO, Histoire industrielle, S. 23-25. – UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 168-190. – WAGNER, Sidérurgie, S. 128-211.

39 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

III. Metamorphosen der Limpach, der sich sehr für das Eisenhütten­wesen Eisenindustrie: das Fallbeispiel interessierte, im Jahre 1775 das Werk einige Weilerbacher Hütte Kilometer nach Süden, nach Weilerbach, wo ein zugleich flussnaher und hochwassersicherer Im Folgenden möchte ich das Beispiel eines Standort zur Verfügung stand. Darüber hinaus Hüttenwerkes vorstellen, weil es die Indus- lieferten zwei Bäche, die von dem Ferchweiler tri­alisierung alten und neuen Typs anschau- Plateau herab in die Sauer flossen, genügend lich macht. Es handelt sich um ein Eisenwerk, Wasser für die geplanten Hammer- und Spalt- dessen Eigentümer Luxemburg immer ver- mühlenanlagen. Erze wurden aus Mersch und bunden blieben, auch wenn der Betrieb we- den nahen Eifelorten Mettendorf und Kruchten­ gen der Grenzziehung des Wiener Kongresses angeliefert. Das Merscher Erz wurde von Last- seit 1815 auf preußischem und später deut- kähnen gebracht; aus den beiden Eifelorten schem Staatsgebiet lag. Es handelt sich um kam es mit Fuhrwerken. Zudem sicherte der die „Weiler­bacher Hütte“ in der Gemeinde Holzreichtum der Gegend die Versorgung des Bollendorf. Werkes mit Holzkohle. Aus der Quinter Hütte Mit Hilfe meiner Untersuchung möchte wurde ein moderner Hochofen mit Wind­gebläse ich vier Fragen beantworten: beschafft. Neben der technischen Anlage ent- 1. Warum überstand ausgerechnet die Weiler- stand unter der Leitung des Architekten Paul bacher Hütte – anders als die meisten anderen Mungenast ein kleines Schloss mit Barockgar- alten Hüttenwerke der Region – die Ent-Indus- ten, das 1780 fertig gestellt wurde. Auch der trialisierung der Südeifel? Abt lebte hier. Acht Jahre später erreichte der 2. Wie wirkten sich die rasch wechselnden Konvent durch seine Intervention beim Erzbis- wirtschaftlichen und politischen Rahmenbe- tum Trier, dass Limpach die Betriebsleitung an dingungen auf die Entwicklung des Weiler- Paul Mungenast abtrat und sich wieder mehr bacher Hüttenwerkes aus? seinen geistlichen Aufgaben widmete24. 3. Welche Position nahm dieses Werk innerhalb Als Konsequenz der Eroberung des der Eisenindustrie der Region ein? Herzog­tums Luxemburg durch die Truppen 4. Welche politische, gesellschaftliche und der ­französischen Republik zwischen 1793 wirtschaftliche Rolle spielten die Hüttenunter- und 1795 kam diese Region unter ­franzö- nehmer selbst auf lokaler, regionaler, nationaler sische ­Verwaltung. Wie zuvor im ­französischen und internationaler Ebene? Kernland wurden nun auch hier die Güter der geistlichen Institutionen ver­staatlicht und an ka- 1. Anfänge pitalkräftige Interessenten versteigert. Das Wei- Lange vor der Gründung des Weilerbacher lerbacher Hüttenwerk wurde im Oktober 1795 Hütten­werks ließ die Abtei Echternach in der nationalisiert. Die Anlage lag jahrelang still, so genannten „Altschmiede“ in Bollendorf weil das französische Militär wichtige Betriebs- Eisenerz verhütten. Dieses Werk lag zwar mittel während der Belagerung der Festung verkehrs­günstig an der Sauer, litt aber erheb- Luxemburg (1794/95) beschlagnahmt hatte. lich unter den zahlreichen Hochwassern des Das Nationalgut Weilerbacher Hütte wurde auf kleinen Flusses.­ Daher verlegte Abt Emmanuel einen Wert von 63.000 Livres geschätzt25.

24 Zur Geschichte der Weilerbacher Hütte grundlegend: NEU, Peter, Eisenindustrie in der Eifel. Aufstieg, Blüte und Niedergang (Landschaftsverband Rheinland. Amt für rheinische Landeskunde. Werken und Wohnen. Volkskundliche Untersuchungen im Rheinland, Bd. 16), Köln, Bonn 1988. – COLLJUNG, Paul, Abt Emmanuel Limpach – Bauherr von Schloß Weilerbach, Schmittherr und Industrieller. In: Heimatkalender Landkreis Bitburg-Prüm, 1993, S. 70-74. – MERSCH, Jules, Les Familles Servais, in: Biographie Nationale du Pays de Luxembourg depuis ses origines jusqu´a nos jours, Bd. 20. Luxemburg 1972, S. 445. – Zu den Aspekten der Denkmalpflege bei der 1992 abgeschlossenen Renovierung des Schlosses vgl. BERENS, Michael, Schloß Weilerbach an der Sauer wurde wiederhergestellt und festlich eingeweiht. Zur Geschichte und Wiederherstellung des Schlosses, in: Heimatkalender Landkreis Bitburg-Prüm, 1993, S. 59-60. - Zur Schlossbautätigkeit Mungenasts und des Echternacher Klosters vgl. SCHMITT, Michel, Die Bautätigkeit der Abtei Echternach im 18. Jahrhundert (1728-1793). Ein Beitrag zur Geschichte des luxemburgischen Bauwesens im Barockzeitalter. Luxemburg 1970, S. 204-213. Bauwesens im Barockzeitalter. Luxemburg 1970, S. 204-213. 25 LHA Koblenz, Best. 300, Nr. 118. – LEFORT, Alfred, Histoire du Département des Forêts (Le duché de Luxembourg de 1795 à 1814) d’après les archives du Gouvernement Grand-Ducal et des documents françaises inédites, in: Publications de la Section historique de l’Institut grand-ducal de Luxembourg, 50, 1905, S. 284. – Zum Vergleich der Größenordnungen: Die Gebäude und sonstigen Besitztümer des Benediktinerkonvents in Echternach wurden auf insgesamt 161.020 Livres geschätzt. – Ebenda, S. 283.

40 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

2. Die Ära Légier Nach dem Studium der Rechte wurde der junge a) Die Übernahme der Hütte durch Légier Légier Prokurator am königlichen Gerichts- Am 16. März 1797 erwarben ein früheres ­Mit- hof in Paris und arbeitete zugleich als Rechts­ glied des Echternacher Benedikt­iner­konvents, anwalt. 1789 schloss er sich der revolutionären Michel Luxemburger, nun in Trier an­sässig, Bewegung an und leitete eine Sektion der Ur­ und der Bürger Légier, der in der Stadt ­Luxem- wählerversammlungen in Paris. Im selben Jahr burg wohnte, die Weilerbacher Hütte. Nach übte er in Paris das Amt eines Friedensrichters dem Bestandsverzeichnis des Nationalgutes aus, doch schon zwei Jahre später wurde er „Weilerbacher Hütte“ hatten die erworbenen Gü- im Zuge der Radikalisierung der Revolution ter zum Zeitpunkt ihrer Versteigerung folgen- wieder aus diesem Amt entfernt. Fernab von den Umfang: zwei Schlackenpochwerke, einen Paris arbeitete er danach als außerordentlicher Hochofen mit Formerei und Kohlenscheune, Kommissar am Aufbau der französischen Ver- zwei Grobhämmer, einen Kleinhammer, eine waltung in den südlichen Niederlanden mit. Gießerei, zwei Teiche und ein Reservoir für Seit Juni 1793 wirkte er als Militärstaatsanwalt die Wasserversorgung der Fabrikanlagen, drei bei der Rheinarmee. Nach Auseinandersetzun- „schöne Häuser“ und einen großen Garten. gen mit den Militärbehörden kehrte er nach Diese Anlage erstreckte sich auf einer Fläche Paris zurück. von 14 Morgen. Außerhalb dieses Geländes Wenig später beauftragte ihn die gehörten zu den versteigerten Gütern: die Mühle Regierung erneut, beim Aufbau der franzö­ ­ von Ferschweiler, ein Morgen Wiese, die zum sischen Verwaltung Belgiens mitzuwirken. Zinshof von Diesburg gehörte, sowie eine etwa Nach der Kapitulation der österreichischen gleichgroße Wiese zwischen der Sauer und dem Besatzung der Festung Luxemburg im Juni Wald Komesbusch, ein Weiher, der Kanal für das 1795 lebte er in der Festungsstadt und wurde Wasser des Gutbachs im Kammersbusch, der am 18.11.1795 zum Regierungskommissar bei Kanal der Schmiede, ein Landstück am Ufer der der Zentralverwaltung des Wälderdepartements Sauer, auf dem die Eisenerze gelagert wurden, ernannt28. Im März 1797 wurde er Abgeordneter die mit Nachen aus Ettelbruck und anderen Orten der gesetzgebenden Versammlung, des Rats herangeschafft wurden, sowie eine Insel von der Fünfhundert. Unter der Konsulatsver- etwa eineinhalb Morgen Fläche in der Sauer26. fassung war Légier seit Dezember 1799 Mit- In dieser Zeit ersteigerten Légier und seine glied des Tribunats – der zweiten Kammer der Frau auch umfangreiche Ländereien in der Legis­lative. Nachdem er in Opposition zum Umgebung, in der Regel wiederum gemein- napoleonischen Regime geraten war, wurde sam mit anderen Personen27. In der Folgezeit er 1802 von dieser Versammlung ausge- übernahm Légier die Leitung der Weilerbacher schlossen und lebte fortan mit seiner Familie Hütte, die sich, wie oben bereits dargestellt, in in Weilerbach29. einem sehr desolaten Zustand befand. Doch als einer der wichtigsten Funktionsträger der c) Légier in Weilerbach französischen Regierung in den eroberten Der Hüttenbetrieb, der sich bis dahin noch Gebie­ten der südlichen Niederlande konnte sich immer in einem sehr schlechten Zustand Charles Nicolas Vincent Légier zunächst kaum befand, nahm nun einen raschen Aufschwung um seinen neuen Besitz kümmern. und brachte seinem Eigentümer gute Gewinne. Seine Erze bezog er vor allem aus Mersch, b) Légier als Träger öffentlicher Funktionen Kruchten und Mettendorf. Nicolas Vincent Légier war am 6. Dezember Nach einer Erhebung der Bewertungs- 1754 als zweiter Sohn einer wohlhabenden kommission für das Wälderdepartement Familie in Blois an der Loire geboren worden. vom 14. August 1813 leitete der Eigentümer

26 LHA Koblenz, Best. 300, Nr. 118. 27 Ebenda, Nr. 117, 132, 156, 204. 28 HOLZBERGER, Hiltrud, Herr Légier von Weilerbach. Ein Leben in bewegter Zeit zwischen Orléans-Mons- Luxemburg-Bollendorf. In: Landkreis Bitburg-Prüm. Heimatkalender 1996, S. 38-40. – ANL, B 860. Schreiben der Regierungskommissare für die eroberten Gebiete, Brüssel, 27 Brumiaire des 4. Jahres der Republik. – ANL, B 759. – LEFORT, Département des Forêts, S. 87f., 154-160. 29 HOLZBERGER, Légier (1996), S. 41-43. – LEFORT, Département des Forêts, S. 155.

41 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

seinen Betrieb selbst. Er beschäftigte insge- Grundhof und vor Dommel­dange an zehnter samt 25 Personen, darunter einen Hütten- Stelle. Zumindest was die Rentabilität im Jahr meister und einen kaufmännischen Angestellten 1811 betrifft, befindet sich die Weilerbacher sowie 23 Arbeiter. Fünf dieser Arbeiter hielten Hütte im Vergleich mit den übrigen Eisen­werken den Schmelzofen in Betrieb, sechs die beiden des Wälderdepartements in einer überaus Grobhämmer und sieben die Gießerei. Wegen günstigen Position31. zahlreicher Betriebsunterbrechungen waren Dieser Versuch, die Weilerbacher Hütte die Arbeiter nicht dauerhaft bei Légier in ihr industrielles Umfeld einzuordnen, führt beschäftigt. Das Werk verarbeitete in diesem schließlich auch zu der Frage, welche Bedeu­ Jahr 135.000 Kilogramm Eisenerz und er­ tung die Eisenindustrie insgesamt für das zeugte 86.400 Kilo­gramm Roheisen. Legier Wälderdepartement­ hatte. Von den 68 Eisen- erlöste mit dieser Produktion 13.824 Franken, werken, die im Wälderdepartement existierten, denen Gesamtkosten von 10.324 Franken waren 1811 nur 51 in Betrieb. Sie verbrauch- gegenüber standen. Die Holzkohle stellte ten rund 11 Millionen Kilogramm Roheisen mit 46% der Kosten den wichtigsten im Wert von 1,8 Millionen Franken. Der Be- Kostenfaktor dar, es folgte das Eisenerz­ mit darf der Eisenwerke an Kohlholz, der teilweise 40%. Die Löhne der Arbeiter – der durch- auch aus den benachbarten Departementen ge- schnittliche Tagelohn war 1,5 Franken - deckt wurde, betrug rund 145.000 Raum­meter machten dagegen nur einen Anteil von 3,3% im Wert von rund 0,5 Millionen Franken. Die der Kosten aus. Die Profitabilität lag bei einer Holzfäller- und Köhlereiarbeiten und den Trans- Gewinnspanne von rund 25% bemerkenswert port der Holzkohle zu den Eisenwerken erfor­ hoch, denn die Jahresproduktion wurde in derten rund 93.000 Manntage und rund 59.000 ledig­lich 52 Tagen erbracht. Die Erzeugnisse Arbeitstage von Pferden im Gesamtwert von der Hütte wurden überwiegend in der unmittel- 215.000 Franken. Insgesamt 293 Arbeiter waren baren Umgebung des Werks abgesetzt30. in den Eisenwerken beschäftigt; sie arbeiteten 65.090 Tage im Wert von 174.000 Franken. Das d) Die Weilerbacher Hütte und die heißt, die Eisenwerkarbeiter arbeiteten pro Jahr Eisenindustrie des Wälderdepartements durchschnittlich rund 222 Tage. Diese Jahres- Die Weilerbacher Hütte war nach Produktions- arbeitsleistung auf die Produktion der Holzkohle ausstoß und Beschäftigtenzahl eines der kleins- umgerechnet, würde bedeuten, dass hier weitere ten Werke des Wälderdepartements. Während 418 Personen beschäftigt gewesen wären, ins- in Weilerbach nur sechs Hüttenarbeiter­ beschäf- gesamt also 711. Diese grobe Schätzung gibt tigt waren, arbeiteten in Orval, dem größten freilich nur eine Mindestzahl an, denn ein Groß- Werk des Departements, 21 Arbeiter. Bei diesen teil der Holzarbeiten wurde im Nebenerwerb Personen handelte es sich um das Fachpersonal. durchgeführt. Insgesamt wurden 7,7 Millionen Der durchschnittliche Tageslohn dieser Arbeiter Kilogramm Eisen im Wert von 3,3 Millionen belief sich auf 2 Franken und 75 Centimes. Für Franken produziert. Der erwirtschaftete Ge- die nicht ständig beschäftigten Arbeiter gibt die samtgewinn belief sich auf 775.000 Franken32. Statistik nur die Tage an, in denen Lohnarbeit ge- Eine umfangreiche Denkschrift des Prä- leistet wurde. Die Löhne dieser geringer quali­ fekten aus dieser Zeit beurteilt die Bedeutung fizierten Arbeitskräfte betrugen nicht einmal die der gesamten Eisenindustrie im Wälderde- Hälfte der Facharbeiterlöhne: durchschnittlich partement folgendermaßen: Die Arbeit dieses 1,35 Franken. Hinsichtlich der Rentabilität er- Wirtschaftszweigs sei sowohl für den Staat als gibt sich ein deutlich anderes Bild. Hier lagen auch für die Einwohner von großem Vorteil. die kleinen Eifelhütten in Eisen­schmitt und Sie beschäftige in dem nicht sehr fruchtbaren Malberg an der Spitze, die einen Gewinn von Land 10.000 bis 12.000 Arbeiter und 6.000 bis 33 bis 37% aufweisen. Das große Werk in Orval 7.000 Pferde. Ohne sie bliebe die wichtigste bildet mit weniger als 12% das Schlusslicht und Ressource des Departements und zugleich auch die Weilerbacher Hütte liegt mit 28% hinter die wichtigste Einkommensquelle für den Staat

30 LHA Koblenz, Best. 300, Nr. 89. - Ähnliche Größenordnungen bei NEU, Eisenindustrie. 31 ANL, B 25, Nr. 289. 32 ANL, B 26.

42 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

– der Wald - wertlos33. Dieses Bild von der er bis Ende März 1848 aus, als er von Revo- Bedeutung der Eisenindustrie mag etwas über- lutionären aus der Gemeinde gewaltsam zum zeichnet ge­wesen sein, denn die oben genannte Rücktritt gezwungen wurde. Acht Jahre später Statistik aus dem Jahre 1806 wartet mit deutlich starb er. Die Weilerbacher Hütte hatte er bereits geringeren Zahlen auf34. Doch insgesamt war 1827, dem Todesjahr Légiers, an einen der be- die eisenschaffende Industrie und ihre Neben- deutendsten Eisenhüttenherrn Luxemburgs ver- branchen – Holzkohlegewinnung, Erzbergbau, kauft: an Charles Joseph Collart37. Transportgewerbe – der wichtigste Industrie- zweig des Wälderdepartements. 3. Die Ära Servais a) Die Anfänge e) Rolle der Légiers in Bollendorf Da Collart den Kaufpreis nicht vollständig be- Aufgrund seiner gesellschaftlichen und wirt- zahlte, verkauften Légiers Erben den Hütten­ schaftlichen Stellung gehörte Légier zur höchsten komplex am 15. November 1832 an den Grund- Klasse der Notabeln des Wälderdepartements. besitzer Emmanuel Jean Antoine Servais aus So hatte Légiers Tochter den Gutsbesitzer Mersch. Dieser übertrug die Leitung der Fabrik und Verwaltungsbeamten Emmanuel-Frédéric seinen Söhnen Philippe und Bernard, deren Sarrazin geheiratet. Sarrazin wurde 1812 Maire erste Sorge es war, den stillliegenden Hochofen der Gemeinde Bollendorf, zog sich aber Ende wieder in Stand zu setzen. Die Versorgung des 1813 mit seiner Familie vor den heranrückenden alli- Werks mit Eisenerzen sollte durch Ausweitung ierten Truppen in das Innere Frankreichs zurück35. der Bergwerksrechte von den Erzminen der Der inzwischen sechzigjährige Légier aber Familie Servais bei Mersch aus über die Sauer blieb in Weilerbach, das von den auf dem Wie- gewährleistet werden38. ner Kongreß versammelten europäischen Groß- Bis zum Beitritt Luxemburgs zum Deut- mächten wie alle ehemals luxemburgischen schen Zollverein im Jahre 1842 wurden die Gebiete östlich der Our-Sauer-Mosel-Linie Erzeugnisse der Weilerbacher Hütte im Raum zu Preußen geschlagen worden war. Die neue Trier und im Saarland vertrieben, danach stand Staatsgrenze trennte die Weilerbacher Hütte ihnen auch der Markt des Großherzogtums von ihren alten Absatzmärkten in Luxemburg ­offen. Die Nachteile der Grenzlage, die dem und Frankreich. Nur mühsam konnte sie sich Werk seit 1815 so zugesetzt hatten, waren somit gegen ihre neuen englischen, schwedischen und für über sieben Jahrzehnte beseitigt. 1843 wurde belgischen Konkurrenten behaupten. die Produktionstechnik des Werkes durch die Légier starb Anfang 1827 zweiundsiebzig­ Einführung eines Puddelofens erheblich verbes- jährig in Weilerbach. Seine Frau kehrte nach sert. Erstmals konnte nun auch Steinkohle als Frankreich zurück36. Erben von Schloß und Ei- Brennstoff verwendet werden, so dass das Werk sen­hütte Weilerbach, der Mühle von Fersch­wei- allmählich von Holzkohle unabhängig wurde39. ler und der Burg Bollendorf wurde ein anderer Ab 1851 wurde auch Luxemburger Minetteerz Zweig der Sippe Légier, das Ehepaar Lefort. verhüttet40. Das heißt, ungefähr um die Mitte Johann Peter Lefort aus Echternach war Légiers des 19. Jahrhunderts vollzog das Weiler­bacher Hüttenmeister. Er heiratete eine Nichte Légiers Hüttenwerk den Wandel von der herkömm­lichen und wurde Ende 1813 Sarrazins Nachfolger als Eisenindustrie zur neuen, auf der Grundlage von Bürgermeister von Bollendorf. Dieses Amt übte Minetteerzen und Steinkohle.

33 Ebenda. 34 UNGEHEUER, Eisenindustrie, S. 103. 35 Ebenda, S. 43. – Über die kurzfristige Rückkehr Légiers auf die politische Bühne 1814 vgl. HOLZBERGER, Hiltrud, Légiers letzter Auftrag im Wälderdepartement. Der französische Hüttenherr von Weilerbach vor dem Rückzug der Franzosen aus Luxemburg (1814). In: Heimatkalender Landkreis Bitburg-Prüm, 1997, S. 22-25. 36 HOLZBERGER, Légier (1996), S. 43. 37 Ebenda, S. 42-44. - NEU, Eisenindustrie, S. 126. 38 MERSCH, Servais, S. 447-448. 39 LHA Koblenz, Best. 442, Akte 5042, S. 393-296. 40 MERSCH, Servais, S. 449. –WIDUNG, André, Der Anschluß des Großherzogtums Luxemburg an das Zollsystem Preußens und der übrigen Staaten des Zollvereins. Luxemburg 1912. – CALMES, Albert, Der Zollanschluß des Großherzogtums Luxemburg an Deutschland. 1842-1918. Erster Band: Der Eintritt Luxemburgs in den Deutschen Zollverein (1839-1842). Luxemburg 1919.

43 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

b) Die wirtschaftliche und politische zu seinem Tode im Jahr 1890 ausübte: Mitglied Bedeutung der Familie Servais der Ständeversammlung des Großherzogtums Zur Illustration der wirtschaftlichen und poli- 1842-1848. Seit 1843 Mitglied des Gemeinde- tischen Bedeutung der Familie Servais in der rates, seit 1845 Schöffe der Stadt Luxemburg. Region, aber auch auf internationaler Ebene, 1848 gehörte er als Mitglied der verfassungs­ möchte ich hier nur ein sehr prominentes gebenden Nationalversammlung des Großher- ­Beispiel anführen. Mitglieder dieser Famlie zogtums dem Ausschuss an, der die neue Ver- spielten im 19. Jahrhundert eine wichtige Rolle fassung des Landes ausarbeitete; mehr noch, als im politischen Leben des Großherzogtums. Als Mitglied einer dreiköpfigen Arbeitsgruppe dieses Fabrikanten und Ingenieure waren sie auch in Ausschusses formulierte er neben Charles Deutschland aktiv. Munchen und Charles Metz die neue Verfassung Der bei weitem bekannteste Vertreter der maßgeblich mit. Nach den Wahlen im August Familie Servais und eine der bedeutendsten Per- 1848 wurde er einer der drei luxemburgischen sönlichkeiten der luxemburgischen Geschichte Abgeordneten in der Deutschen National­ des 19. Jahrhunderts war Lambert Joseph versammlung in der Frankfurter Paulskirche. Emmanuel Servais41. 1811 in Mersch geboren, 1852 bis 1857 übte er das Amt eines Richters am besuchte er wie seine Brüder das Athenäum in obersten Gerichtshof des Großherzogtums aus. Luxemburg, wo er ein glänzender Schüler war. 1853 bis 1857 war Emmanuel Servais Minister 1829 bis 1830 studierte er Jura in Gent, bis die für Finanzen, Landwirtschaft und Handel, 1857 Turbulenzen der Belgischen Revolution den bis 1867 Mitglied des Staatsrats. 1867 vertrat er Lehrbetrieb zum Erliegen brachten. Er ging neben dem Regierungschef Tornaco die Interes- nach Paris, wo er sehr interessiert die Aufstände sen Luxemburgs auf der Londoner Konferenz, in beobachtete und Mitglied der Gesellschaft für der die europäischen Großmächte über die Neu- Menschenrechte wurde. 1831 beschloss er seine tralisierung des Landes entschieden. 1867 löste Studien an der Universität Paris und ­erwarb 1833 er Tornaco als Staatsminister ab und leitete die an der Universität Lüttich den Doktorgrad. Dann Regierung in den krisenhaften Jahren bis 1874. wurde er Anwalt in Arlon, wo er bis 1839 blieb. Von 1874 bis 1887 war er Präsident des Staats- 1836 bis 1839 vertrat er den Kanton Mersch im rates und wirkte von 1875 bis zu seinem Tode im Luxemburger Provinzialrat und wurde für zwei Jahre 1890 als Bürgermeister der Stadt Luxem- Jahre dessen Sekretär. 1832 gründete er gemein- burg. Seit 1887 war er Präsident der Abgeord- sam mit Viktor Tesch die Zeitung „L´Echo du netenkammer und vereidigte in dieser Funktion Luxembourg“, in der auch die Rechtsanwälte kurz vor seinem Tode den künftigen Großherzog Charles Metz und Georges Wurth mitarbeiteten. Adolf aus dem Hause Nassau-Weilburg auf die Am 5.5.1838 gründete er gemeinsam mit an- Verfassung des Landes42. deren luxemburgischen Notabeln die „Société Emmanuel Servais hatte also an allen Centrale patriotique du Luxembourg“, die bedeutenden politischen Ereignissen, die das sich gegen die Teilung des Großherzogtums Großherzogtum Luxemburg zu seinen Leb­ wandte. Vergeblich - Luxemburg wurde gemäß zeiten berührten, selbst und zum großen Teil dem Londoner Vertrag vom 19. April 1839 ge- auch maßgeblich mitgewirkt. Eines seiner teilt. Belgien erhielt zwei Drittel des Territo- wichtigsten wirtschaftspolitischen Ziele war riums und die Hälfte der Bevölkerung des alten der Ausbau des Eisenbahnnetzes, nicht zu- Staatsgebiets. Das verkleinerte Großherzogtum letzt der Prinz-Heinrich-Bahn, die auch das umfasste Luxemburg in seinen heutigen Staats- Sauertal hinauf­führte. Der politische Einfluss grenzen. Servais fand sich mit den neuen Ver- der Weilerbacher Hüttenunternehmer trug hältnissen ab und arbeitete von nun an aktiv in somit wesentlich dazu bei, eine der wichtigs- der Politik des Landes mit. ten Voraussetzungen für das wirtschaftliche Im Folgenden seien lediglich die wichtigs- Überleben ihres Werkes zu schaffen: die An- ten Ämter und Funktionen aufgezählt, die er bis bindung an die Eisenbahn.

41 SERVAIS, Emmanuel, Autobiographie. Luxembourg 1895. Réédition Luxembourg 1990. 42 MERSCH, Servais (wie Anm. 2), S. 473, 474, 477, 483-486, 488-490, 493-501, 503-518. – CALMES, Christian / BOSSAERT, Danielle, Geschichte des Großherzogtums Luxemburg, Luxemburg 1996, S. 31-54, 83-91, 99-103, 122-34, 151-160, 292. – COLLART, Auguste, Am Wege zur Unabhängigkeit Luxemburgs, Luxemburg 1938, S. 407-410, 428.

44 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

c) Die Blüte der Weilerbacher Hütten- und schaft – die zweite luxemburgische Eisen- Eisenwarenwerke bahngesellschaft, neben der Wilhelm-von-Lu- In den Jahren des Zollvereins zwischen Luxem- xemburg-Bahn, die sich in deutschem Besitz burg und Preußen erlebte die Weilerbacher befand. In den folgenden Jahrzehnten wirkte Hütte ihre Blütezeit. Dabei wurde ein neuer er in den Verwaltungsräten zahlreicher Unter- Schwerpunkt auf die Produktion landwirtschaft- nehmen der luxemburgischen Eisenindustrie licher Geräte gelegt. Ein Bericht des Landrats mit und wurde einer der Mitbegründer der lu- des Kreises Bitburg an die Bezirksregierung in xemburgischen Ingenieur- und Industriellen- Trier vom 15.9.1852 bestätigt dies und gibt an, Vereinigung. Doch im Zentrum seiner Arbeit dass zu dieser Zeit 120 Arbeiter im Alter von 18 stand die Leitung der Weilerbacher Hütte. Er bis 40 Jahren 300.000 Pfund Gusserzeugnisse, ließ drei Turbinen aufstellen und 1879 den al- 400.000 Pfund Roheisen und 250.000 Pfund ten Hochofen abreißen. Die beiden alten was- Stabeisen produzierten. Die Erzeugnisse wur- sergetriebenen Schmieden wurden 1882 durch den im Rheinland, an Mosel und Saar und in eine dampfbetriebene Anlage ersetzt. Die Pro- Luxemburg verkauft. Da die englische Konkur- duktion wurde endgültig auf große Gussstücke, renz die Preise für Roheisen drückte, hätten die Baumaterialien aus Stahl und auf Maschinen Betreiber der Hütte im vergangenen Jahr eine konzentriert, die in der Landwirtschaft und im Fabrik für landwirtschaftliche Geräte angelegt, Weinbau verwendet wurden. Die in Weilerbach die sehr vielversprechend sei43. produzierten Heizöfen fanden im Großherzog- Mit der Produktion von Säh- und Dresch- tum und in der Eifel weite Verbreitung45. maschinen sowie Pflügen erreichte die Weiler- 1892 wurde auf dem Gelände der Fabrik bacher Hütte rasch eine hervorragende Stellung eine Emaillerie und eine Vernickelungsanlage vor allem auf dem lokalen Markt. Dass sich ihre errichtet. 1902 erhielt die Gießerei über eine Produkte nun auch international einen guten ­eigens gebaute Brücke einen direkten An- Ruf erworben hatten, zeigt die Tatsache, dass schluss an die luxemburgische Prinz-Heinrich- Zar Nikolaus von Russland im Jahre 1854 vier Bahn auf dem gegenüberliegenden Ufer der Pflüge in Weilerbach bestellte. 1868 ließen die Sauer. Der größte Teil des Werkes lag nun am Brüder Servais in Weilerbach eine Werkstatt Sauerufer; lediglich die Dampfschmiede be- für Metallbau errichten und verbesserten die fand sich noch auf dem ursprünglichen Gelände technische Ausstattung der Produktions­anlagen des Werks. 1914 waren in den Weilerbacher weiter. 1869 rüsteten sie ihren Puddelofen Fabriken der Familie Servais 230 Personen be- mit einem Windfrischer der Firma Siemens schäftigt. Die Arbeiter kamen wie schon in den aus, dem ersten seiner Art auf dem Gebiet des Anfangs­zeiten der Hütte im 18. Jahrhundert Deutschen Zollvereins44. aus Bollendorf und den benachbarten Dörfern 1878 übernahm Emmanuel Servais´ Sohn Ernzen und Fersch­weiler. Das Büropersonal die Firmenleitung. Unter ihm setzte ein weite- stammte dagegen zumeist aus Echternach46. rer Modernisierungsschub ein. Emile Servais Dank seiner günstigen Lage am Ufer der war 1847 in Luxemburg geboren, studierte Sauer, der Anbindung an das luxemburgische nach seinem Abitur am Luxemburger Athe- Eisenbahnnetz und vor allem durch den Zoll- näum von 1863 bis 1868 an der Bergbau- verein Luxemburgs mit dem Deutschen Reich akademie in ­Lüttich, die er nach einem glän- hatte das Weilerbacher Werk die tiefgreifen- zenden ­Examen mit einem Ingenieurdiplom den politischen, sozialen, ökonomischen und verließ. Nach einem­ Praktikum leitete er 1869 tech­nischen Umwälzungen des 19. Jahrhun- bis 1872 ein Eisenwerk der Familie Servais in derts überstanden. Alle anderen Hütten in der Eschweiler, danach das Werk in Colmar. 1877 Süd­eifel dagegen waren, mit Ausnahme der hatte er maßgeblichen Anteil an der Grün- Quinter­ Hütte bei Trier, im Laufe dieser Epo- dung der Prinz-Heinrich-Eisenbahngesell- che gezwungen, ihren Betrieb einzustellen.

43 LHA Koblenz, Best. 442, Akte 4439, fol. 4. 44 MERSCH, Servais, S. 450. 45 Ebenda, S. 450f, 592-594. 46 Ebenda, S. 453f. – NEU, Eisenindustrie, S. 126.

45 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

d) Niedergang durch Kriege und Fazit nationalsozialistische Repression Nach dem Ersten Weltkrieg schied Luxemburg Mit dem Ende der Weilerbacher Hütte brach aus der Zollunion mit dem Deutschen Reich eine Tradition ab, die bis ins 18. Jahrhundert aus. Damit war das Weilerbacher Werk wieder, reichte. Sie verdankte ihr Entstehen dem tech­ wie schon ein Jahrhundert zuvor, durch hohe nischen und wirtschaftlichen Interesse des Zollmauern von seinen wichtigsten Absatz- Abtes der Echternacher Abtei St. Willibrord, märkten getrennt. In diesen schweren Jahren der die Besitztümer des Klosters im rationalisti- übernahm Emile Servais´ Sohn Maurice die schen Geist der Aufklärung zu nutzen gedachte. Leitung des Unternehmens. Tatkräftig unter- Als Oberhaupt der alten Benediktinerabtei war stützt durch seine Frau Marguerite gelang es Limpach andererseits ein typischer Vertreter der ihm durch die Entwicklung neuer Produkte, Eliten des Ancien Régime, dessen Wirkungs- insbesondere durch Gussöfen mit doppelter kreis weit über die Region hinausreichte. Luftzirkulation, das Unternehmen auch in die- Als ehemals geistlicher Besitz gelangte sen schwierigen Zeiten zu erhalten47. das Hüttenwerk in die Hände eines exponierten Nachdem bereits die Folgen der Welt- Vertreters der neuen Eliten: Bereits unter dem wirtschaftskrise von 1929 das Weilerbacher Ancien Régime über beachtlichen Wohlstand Werk schwer getroffen hatten, musste sich der verfügend, war Nicolas Vincent Légier von li- luxemburgische Staatsbürger Maurice Servais beraler Gesinnung, juristisch gebildet und in nach 1933 mit den „Germanisierungs“-Bemü- der Folge der Revolution zu politischem Ein- hungen der neuen Machthaber auseinanderset- fluss und großem Reichtum gelangt. Auch die zen. 1936 arbeiteten nur noch 50 Beschäftigte ersten Mitglieder der Familie Servais, die das in seinem Betrieb. Weil er sich im Verlauf des Werk seit 1832 leiteten, können als typische Krieges weigerte, in seinem Werk Rüstungs- Repräsentanten der Eliten ihrer Epoche gelten. güter zu produzieren, wurden ihm in einem Nachdem Angehörige dieser Familie bereits solchen Maße wichtige Rohstoffe vorenthal- ­unter dem Ancien Régime und in den Epochen ten, dass eine wirtschaftliche Produktion von der französischen, niederländischen und bel- Heizöfen kaum noch möglich war. 1944 stand gischen Herrschaft in Luxemburg wichtige öf- sein Betrieb kurz vor der Enteignung. Ein Teil fentliche Funktionen ausgeübt hatten, gelang des Weilerbacher Werkes wurde einer Firma der Familie mit dem Erwerb der Weilerbacher zugewiesen, deren Produktionsstätten alli- Hütte der Aufstieg in die Reihen der Industriel- ierten Bombenangriffen zum Opfer gefallen len. Typisch ist auch das politische Engagement waren. Anfang September kam die Produktion der juristisch gebildeten, liberalen Gründer­ völlig zum Erliegen, da die deutschen Trup- generation – wofür Emmanuel Servais als pen bei ihrem Rückzug vor den vorrücken- besonders herausragendes Beispiel gelten kann. den Amerikanern die Sauerbrücke sprengten, Bei den letzten beiden Generationen der die das Werk mit der Eisenbahn­linie verband. Eigentümer der Weilerbacher Hütte, die sich Servais floh unter Lebensgefahr nach Luxem- nicht mehr auf eine juristische, sondern auf burg. Als er im März 1945 nach Weilerbach eine technische Ausbildung stützten, ist eine zurückkehrte, war das Werk stark beschädigt. Konzentration auf technische und wirtschaft- Doch während die Schmiede völlig unbrauch- liche Aktivitäten zu beobachten, während die bar geworden war, konnte die Gieß­erei die Politik in den Hintergrund trat. Eine wichtige Produktion der Öfen wieder aufnehmen, die Existenzgrundlage der Hütte war die Bereit- in dieser Zeit guten Absatz fanden. Dennoch schaft zu technischen Innovationen, und diese wurde nach dem Tode von Maurice Servais erforderte eine entsprechende Qualifikation der im August 1951 die Liquidation der Gesell- Werks­leitung. Doch noch immer spielten die schaft eingeleitet. Am 29. Mai 1959 schloss besonders intensiven Beziehungen der Familie die Weiler­bacher Eisenwarenfabrik endgültig zu den führenden Kreisen Luxemburgs für ihre Pforten48. den Bestand des Werks eine besondere Rolle:

47 Ebenda, S. 454. – CALMES / BOSSAERT, Großherzogtum Luxemburg, S. 319. 48 MERSCH, Servais (wie Anm. 2), S. 456f. – NEU, Eisenindustrie, S. 126f.

46 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

Dies zeigte sich vor allem bei der Frage der An­ Entwicklungsgeschichte der luxemburgischen bindung der Weilerbacher Hütte an das luxem- Eisenindustrie alten Typs formuliert haben: burgische Eisenbahnnetz. Neben dem Zugang zu Rohstoffen, Energieträ- Doch die wichtigste Grundvoraussetzung gern und Absatz­märkten waren es vor allem die für das Prosperieren der Weilerbacher Hütte politischen Rahmenbedingungen, die letztlich war die wirtschaftliche Einheit der Gebiete links über Prosperität oder Niedergang der Eisen- und rechts der Sauer. Die Hütte war immer dann industrie entschieden. Trotz einer Fülle von gefährdet, wenn Kriege sie von Ressourcen und Einzelforschungen zu diesem Thema sind große Absatzmärkten abschnitten, oder auch, als die Forschungslücken zu diesem Themenbereich von den Mächten des Wiener Kongresses gezo- festzuhalten: Es fehlen Studien über die Zusam- gene politische Grenze entlang der Sauer wirt- menhänge von Familiennetzwerken und wirt- schaftlich wirksam war. Sie blühte im späten schaftlicher Entwicklung früher Eisenkonzerne Ancien Regime, in der napoleonischen Epoche des Wälderdepartements und darüber hinaus. Es und während des Zollvereins zwischen Preußen fehlen Studien, die Zusammenhänge der Eisen- und Luxemburg. Dank günstiger politischer produktion mit anderen Wirtschaftszweigen Rahmenbedingungen und der technischen Inno- untersuchen. Es fehlt eine zusammenhängende vationsfähigkeit ihrer Eigentümer überlebte Sozialgeschichte der Arbeitskräfte, die in den sie zwar den Niedergang der Eisenindustrie in Werken selbst oder in ihren Zuliefergewerben Ardennen und südlicher Eifel, doch wurde sie arbeiteten – von den Holzfällern über die Köh- schließlich eines von ungezählten Opfern der ler und Transportarbeiter hin zu den hochquali- Kriegspolitik deutscher Regierungen im 20. fizierten Spezialisten, die den Kern der Betriebe Jahrhundert. Das Beispiel des Weilerbacher bildeten. Und es fehlt eine umfassende Studie, Hüttenwerks zeigt einen zeittypischen Wechsel die die politische, wirtschaftliche und kultu- der wirtschaftlichen und politischen Eliten. relle Dimension der Geschichte der luxembur- Unser Fallbeispiel bestätigt somit die gischen Eisenindustrie in ihren transnationalen These, die wir nach unserer Skizze der Zusammenhängen analysiert.

Weiterführende Literatur

BERENS, Michael, Schloß Weilerbach an der DOLLAR, Jacques, Historique de l´ancienne Sauer wurde wiederhergestellt und festlich eingeweiht. forge de La Sauvage, Bascharage 1989. Zur Geschichte und Wiederherstellung des Schlosses, DORBAN, Michel / YANTE, Jean-Marie / in: Heimatkalender Landkreis Bitburg-Prüm, 1993, LEHNERS, Jean-Paul, Quatre siècles de sidérurgie S. 59-60. luxembourgeoise (1380-1815), in: HERRMANN, BOURGUIGNON, Marcel, La sidérurgie, in- Hans-Walter / WYNANTS, Paul (Hgg.), Wandlun- dustrie commune des pays d´entre Meuse et Rhin, in: gen der Eisenindustrie vom 16. Jahrhundert bis 1960 Anciens pays et assemblées d´États, 28 (1963) 93. (Colloques Meuse-Moselle), Namur 1997, S. 113-138. BRAUN, Hermann-Josef, Das Eisenhütten- FRANZ, Norbert, Luxemburger Eisenindustri- wesen des Hunsrücks. 15. bis Ende 18. Jahrhundert elle in der südlichen Eifel – die Weilerbacher Hütte, (Trierer Historische Forschungen, Bd. 17), Trier 1991. in: Kurtrierisches Jahrbuch 38 (1998), S. 155-175. CALMES, Albert, Der Zollanschluß des Groß- FREMDLING, Rainer, Technologischer herzogtums Luxemburg an Deutschland. 1842-1918. Wandel und internationaler Handel im 18. und Erster Band: Der Eintritt Luxemburgs in den Deut- 19. Jahrhundert. Die Eisenindustrien in Groß- schen Zollverein (1839-1842). Luxemburg 1919. britannien, Belgien, Frankreich und Deutsch- CALMES, Christian / BOSSAERT, Danielle, Ge- land (Schriften zur Wirtschafts- und Sozial- schichte des Großherzogtums Luxemburg, Luxemburg geschichte, Bd. 35), Berlin 1986. 1996, S. 31-54, 83-91, 99-103, 122-34, 151-160, 292. GUENA, Yves, Les Wendel: trois siècles d´histoire, COLLART, Auguste, Am Wege zur Unab- Paris 2004. hängigkeit Luxemburgs, Luxemburg 1938, S. 407- HANSOTTE, Georges, La métallurgie et le 410, 428. commerce international du fer dans les Pays-Bas COLLJUNG, Paul, Abt Emmanuel Limpach autrichiens et la principauté de Liège pendant la se- – Bauherr von Schloß Weilerbach, Schmittherr und conde moitié du XVIIIe siècle (Histoire quantitative Industrieller. In: Heimatkalender Landkreis Bitburg- et développement de la Belgique au XIXe siècle, Prüm, 1993, S. 70-74. II/3), Bruxelles 1980.

47 Terres Rouges Metamorphosen der Eisenindustrie: Industrialisierung vor der Industriellen Revolution in Luxemburg

HERRMANN, Hans-Walter / WYNANTS, Paul NEU, Peter, Eisenindustrie in der Eifel. Auf- (Hgg.), Wandlungen der Eisenindustrie vom 16. Jh. stieg, Blüte und Niedergang (Landschaftsverband bis 1960 (Colloques Meuse-Moselle), Namur 1997. Rheinland. Amt für rheinische Landeskunde. Werken HOLZBERGER, Hiltrud, Herr Légier von und Wohnen. Volkskundliche Untersuchungen im Weilerbach. Ein Leben in bewegter Zeit zwischen Rheinland, Bd. 16), Köln, Bonn 1988. Orléans-Mons-Luxemburg-Bollendorf. In: Landkreis MERSCH, Jules, Les Familles Servais, in: Bio- Bitburg-Prüm. Heimatkalender 1996, S. 38-40. graphie Nationale du Pays de Luxembourg depuis ses HOLZBERGER, Hiltrud, Légiers letzter Auf- origines jusqu´à nos jours, Bd. 20. Luxemburg 1972. trag im Wälderdepartement. Der französische Hüt- PAULY, Michel, Proto-industrialisation et tenherr von Weilerbach vor dem Rückzug der Fran- immigration au Luxembourg, in: ALLEGREZZA, zosen aus Luxemburg (1814). In: Heimatkalender Serge / HIRSCH, Mario / v. KUNITZKI, Norbert Landkreis Bitburg-Prüm, 1997, S. 22-25. (Hgg.), L´immigration au Luxembourg, et après? KIEFFER, Monique, La sidérurgie au Luxemburg 2007, S. 47-59. Grand-Duché de Luxembourg: 1840-1960, in: SCHMITT, Michel, Die Bautätigkeit der Abtei Hans- HERRMANN, Hans-Walter / WYNANTS, Echternach im 18. Jahrhundert (1728-1793). Paul (Hgg.), Wandlungen der Eisenindustrie Ein Beitrag zur Geschichte des luxemburgischen vom 16. Jahrhundert bis 1960 (Colloques Meuse- Bauwesens im Barockzeitalter. Luxemburg 1970, Moselle), Namur 1997, S. 139-169. S. 204-213. LEBOUTTE, René, Vie et mort des bassins in- SERVAIS, Emmanuel, Autobiographie. Lux- dustriels en Europe 1750-2000, Paris 1997. embourg 1895. Réédition Luxembourg 1990. Ders. / PUISSANT, Jean / SCUTO, Denis, Un SPRANDEL, Rolf, Das Eisengewerbe im Mit- siècle d´histoire industrielle. Belgique, Luxembourg, telalter, Stuttgart 1968. Pays-Bas. Industrialisation et sociétés 1873-1973, STEFFES, Guy / STEFFES, Marcel, La si- Paris 1998.LEFORT, Alfred, Histoire du Départe- dérurgie luxembourgeoise de l´époque antérieure à ment des Forêts (Le duché de Luxembourg de 1795 à 1840, Luxembourg 1965. 1814) d’après les archives du Gouvernement Grand- UNGEHEUER, Michel, Die Entwicklungs- Ducal et des documents françaises inédites, in: Pub- geschichte der luxemburgischen Eisenindustrie im lications de la Section historique de l’Institut grand- XIX. Jahrhundert, Luxemburg 1910. ducal de Luxembourg, 50, 1905, S. 284. WAGNER, Joseph, La sidérurgie luxembour- MARSEILLE, Jacques, Les Wendel 1704- geoise avant la découverte du gisement des minettes, 2004, Paris 2004. Diekirch 1921. MARZEN, Walter, Die saarländische Eisen- WIDUNG, André, Der Anschluß des Großher- und Stahlindustrie 1430-1993, Saarbrücken 1994. zogtums Luxemburg an das Zollsystem Preußens und MERSCH, Jules, Les Familles Servais, in: Bio- der übrigen Staaten des Zollvereins. Luxemburg 1912. graphie Nationale du Pays de Luxembourg depuis WORONOFF, Denis, L´industrie sidérurgique ses origines jusqu´a nos jours, Bd. 20. Luxemburg en France pendant la révolution et l´empire, Paris 1984 1972, S. 445.

48 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone Frank Wilhelm

Le recueil poétique de Paul Palgen La Pourpre Journal de Luxembourg, personnalité libérale sur les crassiers a été édité à Mézières- incontournable de la capitale. Il se signalait Charleville par les soins de la Société des aussi comme poète mondain formé à l’école de écrivains ardennais, en 1931. Comme l’auteur Voltaire, qu’il admirait et imitait dans des pièces était en même temps ingénieur au service de de circonstance, spirituelles et un peu futiles, l’industrie sidérurgique, il apparaît comme un dont certaines, toutefois, traitaient de sujets po- témoin de premier choix d’une époque où la litiques à la gloire du roi grand-duc Guillaume richesse du Grand-Duché a été – littéralement – II, car ce rimeur rationaliste et francophile « forgée » par des dizaines de milliers d’ouvriers était aussi un orangiste militant. et d’employés de cette importante activité éco- D’autres intellectuels de l’époque, à l’instar nomique qui, dans le petit pays, fonctionnait de certains professeurs de l’Athénée de Luxem- comme un État dans l’État. bourg, ou l’une ou l’autre dame de la haute Mais dès l’entame de cette étude, il faut société, publiaient, qui des essais historiques préciser que la dimension « luxembourgeoise » ou littéraires, qui des récits de voyage ou des de ces poèmes ne sera guère explorée : ce serait poèmes lyriques en langue française, mais ces d’ailleurs difficile, car cet aspect apparaît peu auteurs ne peuvent guère figurer comme pion- en vérité. Au contraire, il s’agit de privilégier niers d’une littérature spécifique. Les sujets l’approche universelle, humaniste. qu’ils traitent concernent occasionnellement le Grand-Duché et touchent habituellement des I. La littérature francophone thématiques plus générales, ce qui sera un des luxembourgeoise traits caractéristiques de la littérature franco- phone à venir. À l’époque où paraît La Pourpre sur les On notera que la littérature en langue alle- crassiers, dans les Ardennes françaises, le mande et la littérature en « allemand luxembour- champ littéraire francophone luxembourgeois geois » – terme utilisé d’abord pour désigner le existe certes, mais atteint encore peu de masse « luxembourgeois », qui allait devenir « langue critique et se définit essentiellement à partir nationale » seulement en 1984 – sont nées dans de l’étranger. Il est d’ailleurs significatif que le premier tiers du XIXe siècle et sont volontiers Palgen, en l’absence de structures intellec- tournées vers l’évocation de la vie locale et ma- tuelles regroupant les créateurs luxembour- térielle, du fait que la pratique de ces langues geois, se positionne comme membre des est à la portée de couches plus populaires. La « écrivains ardennais ». littérature francophone, liée à la classe sociale Après l’un ou l’autre poète courtisan dans de la bourgeoisie cultivée à scolarité plus pous- l’Ancien Régime, notamment dans l’entourage sée, est plutôt portée sur l’universel, le philoso- des rois de France, et après les débuts de la presse phique, et évite les sujets plus terre-à-terre. francophone dans le Duché de Luxembourg Les deux premières œuvres majeures pu- grâce au Journal historique et littéraire rédigé bliées par des Luxembourgeois en langue fran- par le jésuite François-Xavier de Feller qui çaise ont paru hors des frontières nationales : s’opposait à l’esprit des Lumières, l’emploi de le roman postromantique Marc Bruno. Profil la langue française fut surtout le fait de la bour- d’artiste de l’étudiant en Droit Félix Thyes, en geoisie luxembourgeoise héritière de l’idéo- 1855 à Bruxelles, où il avait fait ses études, et logie libérale de la Révolution française, à par- le recueil poétique symboliste Le Prince Avril tir du XIXe siècle. La meilleure illustration en du juriste Marcel Noppeney, en 1907 à Paris, où est fournie par Mathieu-Lambert Schrobilgen, le poète avait étudié. Le troisième des écrivains juriste, secrétaire communal et rédacteur du francophones luxembourgeois sera Paul Palgen,

49 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

le terme « écrivain » désignant une personne En 1896, le Belge Émile Verhaeren (1855- publiant des ouvrages à ambition littéraire affi- 1916) publia à Bruxelles un recueil de poésie chée. La Pourpre sur les crassiers est le quatri- socialisante au lyrisme frémissant, intitulé ème recueil de Palgen ; sa carrière sera briève- Les Villes tentaculaires, qui remporta un franc ment commentée à la fin du présent survol. succès. C’est surtout la pièce « Les usines » Force est en tout cas de constater que les qui, pour la première fois, convoque avec les premiers ouvrages francophones dignes d’intérêt moyens d’un langage rendu comme mécanique ne sont pas publiés dans le Grand-Duché, l’univers industriel et les mutations sociales, ur- lequel, visiblement, ne propose pas encore banistiques et humaines : de références autonomes ni d’instance de recon- naissance. La même année (1931) où Palgen pub- Automatiques et minutieux, lie son premier recueil important1, en France, Des ouvriers silencieux paraît aux éditions des Cahiers luxembourgeois Règlent le mouvement le premier roman du Luxembourgeois Willy D’universel tictaquement Gilson, Le Chevalier aux fleurs : désormais, le Qui fermente de fièvre et de folie champ littéraire francophone se positionnera Et déchiquette, avec ses dents d’entêtement, davantage au Grand-Duché, encore que Palgen La parole humaine abolie. ne publie plus qu’en France et en Belgique. Plus loin, un vacarme tonnant de chocs Pour être à peu près complet, il faut signa- Monte de l’ombre et s’érige par blocs ; ler que la presse a joué un rôle certain dans la Et, tout à coup, cassant l’élan des violences, vie littéraire francophone débutante, à l’image Des murs de bruit semblent tomber de L’Indépendance luxembourgeoise (1871- Et se taire, dans une mare de silence, 1934), uniquement rédigée en français, et des Tandis que les appels exacerbés revues Floréal (1907-1908) et Les Cahiers Des sifflets crus et des signaux luxembourgeois (1923-1940), où le français Hurlent soudain vers les fanaux, avait la part belle. Dressant leurs feux sauvages, En buissons d’or, vers les nuages. II. Poésie et industrie lourde Et tout autour, ainsi qu’une ceinture, Là-bas, de nocturnes architectures, L’industrie lourde comme thème littéraire avait Voici les docks, les ports, les ponts, les phares déjà donné quelques œuvres phares de la litté- Et les gares folles de tintamarres ; rature française et francophone, auxquelles on Et plus lointains encor des toits d’autres peut comparer le chant de Palgen à la gloire de usines la sidérurgie. Et des cuves et des forges et des cuisines En France, la référence absolue en ce Formidables de naphte et de résines domaine, c’est Germinal (1885), roman dans Dont les meutes de feu et de lueurs grandies lequel Émile Zola montre le fonctionnement Mordent parfois le ciel, à coups d’abois et d’une entreprise capitaliste, en l’occurrence d’incendies.2 une mine de charbon dans le Nord de la France, dont le propriétaire, un bourgeois cossu, ex- Il est probable que Palgen connaissait bien ploite ses ouvriers qui finissent par se révol- l’œuvre de son confrère belge, lequel a été reçu ter. Zola s’était documenté sur le sujet de son chez Émile Mayrisch, le premier président des livre au point de descendre lui-même au fond ARBED (Aciéries réunies de Burbach, Eich et d’une mine de charbon. Dans l’exercice de son Dudelange, groupe fondé à son initiative, en métier technique, au contact des hommes, des 1911). À comparer leur thématique et leur trai- machines et de la matière, Palgen pouvait se do- tement poétique, la genèse du recueil de Palgen cumenter tous les jours pour ses poèmes à venir, s’inscrit dans le sillage de celui de Verhaeren, même s’il finit par troquer le casque de l’ingé- même si chez le Luxembourgeois le lyrisme est nieur de terrain contre le costume-cravate beaucoup plus personnalisé. La vision moder- du cadre commercial. niste de Palgen fait encore penser au reportage

1 P. Palgen avait débuté par deux recueils symbolistes parus à Luxembourg : La Route royale (1917) et Petits Poèmes d‘amour (1918) ; son troisième recueil, déjà plus singularisé, Les Seuils noirs. Poèmes de la guerre 1914-1917, fut publié à Luxembourg (G. Soupert) et à Paris (E. Figuière) en 1918. 2 « Les usines », Les Villes tentaculaires, Bruxelles, 1896.

50 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

étasunien de Georges Duhamel (Scènes de la mais se distingue plutôt par l’accent qu’elle vie future, 1930). met sur l’aventure commune vécue par les En aval aussi, des œuvres artistiques hommes et les femmes impliqués dans le dédiées à l’univers industriel permettent de travail du fer. mieux apprécier les vers du Luxembourgeois. En 1934, donc trois ans après La Pourpre II.1. Genèse, organisation et réception sur les crassiers due à un écrivain proche d’une du recueil firme sidérurgique, le poète communiste fran- çais Louis Aragon publia son recueil Hourra Pour ce qui est de la genèse de La Pourpre sur l’Oural, un éloge dithyrambique du volonta- les crassiers, nous savons que Paul Palgen a risme économique prôné par le régime sovié- dû mettre une dizaine d’années à composer le tique de Staline. En 1936, dans Modern Times, recueil, bien qu’il existe peu de documents de Charles Chaplin3, l’ironie en plus, livrait sa fa- travail légués par le poète. Dès le n° VII de çon de voir le capitalisme effréné. Enfin, pour l’année 1924 des Cahiers luxembourgeois fon- être complet, on peut signaler un recueil poé- dés un an plus tôt, il y avait publié le poème tique plus récent, Mes jardins sont de terre « Les fumées » (pp. 497-500). Et même, ce rouge (1983), de la poétesse lorraine Anne Blan- texte était donné comme « extrait » de La Val- chot-Philippi4. Cette poésie de femme ne repose lée ardente. Poèmes du fer. Mais ce recueil an- pas sur le culte de la violence et de l’esprit noncé n’est jamais paru, à moins que ce soit le conquérant que l’on trouve chez ses confrères, premier titre de La Pourpre sur les crassiers.

Édition originale. Mézières-Charleville, Société des Écrivains ardennais, 1931.

3 Voir à ce sujet la brochure La Cinémathèque présente Live Cinéma 2009. Modern Times de Charles Chaplin, Luxem- bourg, 2009. 4 Luxembourg, RTL éd. Voir Ferdinand STOLL, Anne Blanchot-Philippi ou la sorcellerie évocatrice, Luxembourg, Publications du Centre universitaire, Études romanes n° 2, 1989.

51 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

Le recueil se compose de quatorze pièces s’élevait à cent cinquante, deux ans après la assez longues, de plusieurs pages, organisées en parution du recueil, selon une lettre de l’au- strophes de vers tantôt réguliers – alexandrins, teur du 27 janvier 1933 citée par N. Klecker5. octosyllabes, hexasyllabes – tantôt libres, où les Huit cents exemplaires avaient été imprimés. rimes finales sont plutôt exceptionnelles. Pour Ces chiffres assez modestes illustrent la diffi- la forme générale, le poète reproduit plus ou culté d’un poète d’une originalité avérée à se moins des schémas en vigueur à la fin du XIXe faire connaître : Paul Palgen en concevait une siècle en France : il reste en deçà des innova- amertume certaine, même si les comptes rendus tions formelles d’un Apollinaire vingt ans plus critiques étaient généralement élogieux. tôt, par exemple, ou même du « Bateau ivre » Ce ne sont évidemment pas les ouvriers de Rimbaud. mineurs ou sidérurgistes, même Italiens, donc La lecture de la Table des matières permet latinophones, qui allaient acheter son œuvre : de voir que les cinq premières pièces – « Les leur formation scolaire, leurs compétences lin- fumées », « Les feux », « Les bruits », « Les cras- guistiques et leurs expériences artistiques trop siers », « Les côtes rouges » – sont dédiées sur- élémentaires ne leur permettaient guère d’ap- tout à l’évocation des éléments, du décor na- précier ces poèmes, à supposer qu’ils eussent turel et du traitement qu’on lui fait subir. Les la sensibilité innée pour le faire. Ainsi, les per- pièces suivantes – « L’animateur » (ce démiurge sonnes représentées dans ces poèmes inspirés se trouve au centre du recueil), « les ouvriers », par l’industrie lourde sont quasiment exclues de « Les hécatombes », « Les enfants », « Les ran- la lecture : il y a un décalage certain entre l’énon- çons » – développent la thématique proprement ciateur et le public potentiel. Le public atteint, humaine. Les trois dernières pièces – « La nuit », voire visé par ces poèmes d’un accès difficile « Rythmes », « Les métamorphoses » – conju- est nécessairement à chercher ailleurs : parmi rent l’ambiance poétique, la dernière – « Expor- le lectorat francophone cultivé de l’époque, la tations » – braque le regard sur l’aspect écono- bourgeoisie intellectuelle proche des milieux mique du travail sidérurgique, dans une dimen- industriels, en France, au Luxembourg et sans sion mondialiste, avec le pressentiment de ce doute en Belgique, puisque l’éditeur, la Société que l’on appelle aujourd’hui la globalisation. des écrivains ardennais, recrutait dans ces trois La réception de La Pourpre sur les cras- pays. En tout cas, La Pourpre sur les crassiers siers est assez déceptive, vu l’originalité de son valut à son auteur le prix de l’Alliance française écriture : peu de comptes rendus nous sont par- luxembourgeoise en 1932. venus. Pourquoi le recueil a-t-il été publié en Pour l’histoire de la réception du recueil, 1931 ? Aucun texte explicatif à ce sujet émanant il faut citer aussi les rééditions de poèmes qui du poète ou de l’éditeur n’est connu. Mais on en sont extraits, le recueil entier n’ayant pas été peut se demander si la grande crise économique réédité à ce jour, l’original n’étant plus consul- de 1930, qui allait frapper aussi l’industrie si- table qu’en bibliothèque. Une anthologie, Paul dérurgique luxembourgeoise, n’était pas une Palgen, Guanabará et autres poèmes, fut pu- motivation suffisante pour publier le recueil à bliée en 1992 à Paris par l’homme de lettres ce moment-là. En 1932, les actions des ARBED belge Georges Thinès aux éditions Orphée. étaient cotées à leur cours le plus bas, soit 1.725 Le Luxembourgeois Nic Klecker, auteur en fr. au lieu de 14.000 avant la crise. Cela signi- 1994 d’un Choix de poèmes de Paul Palgen, fierait que l’ingénieur poète Palgen, qui s’était publia deux feuillets6 d’un recueil qui n’a spécialisé dans la commercialisation des pro- jamais paru, intitulé Les Ouvriers, illustré par duits sidérurgiques à l’échelle planétaire, se le peintre luxembourgeois Michel Stoffel serait livré, consciemment ou non, à une opé- (1903-1963). Ces poèmes ont paru une pre- ration de promotion de la métallurgie. La poé- mière fois dans le numéro de Noël des Cahiers sie, en quelque sorte, au service de l’image de luxembourgeois en 1951. En 2003, deux poèmes marque de tout un secteur industriel ! de Paul Palgen extraits de La Pourpre sur les Enfin, l’on notera que le nombre d’exem- crassiers, « Les bruits » et « Les ouvriers », fu- plaires vendus de La Pourpre sur les crassiers rent repris dans Fir den Aarbechter mäi Papp.

5 N. KLECKER, Paul Palgen, Choix de poèmes, Mersch, CNL, 1994, p. 216. 6 KLECKER, op. cit ., entre pp. 96-97.

52 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

Lyrik, Gedichte, Poèmes, édité par l’asso- dimension cosmique. Une « noce mystique » ciation« De Minettsdapp » à Esch-sur-Alzette7. se célèbre entre les fumées des cheminées d’usine et les cerveaux des concepteurs, si bien II.2. L’univers industriel et la vision que les projections dans les cieux ne seraient poétique que les « fantômes de nos âmes », l’ingénieur La première pièce, « Les fumées », donne le poète étant évidemment le type d’homme ton. Le narrateur voit l’usine de loin, à distance, prédestiné pour rendre compte de cette en quelque sorte depuis la colline du comman- « unique hypostase ». deur. Il est question de « l’or des flammes et Significativement, le narrateur adopte une [des] diamants des arcanes » : une mystérieuse perspective plongeante, qui le met à distance et opération se fait à travers les « sténographies miniaturise les hommes du fer : éblouissantes de la foudre ». Les usines appa- raissent comme des « volcans paisibles ». Le Du toit des collines, au ras de vos crêtes, mythe biblique de Samson est mobilisé pour je vous regarde, ô cheminées, faire comprendre l’immensité du phénomène, urnes dont le débord fumant qui dépasse l’homme et ses capacités. Avec nourrit un peuple de pygmées […] les anneaux de Saturne, le processus reçoit une (p. 12)

Paris, 1992.

7 Op. cit., pp. 62-64, 44-47. Voir Marie-France KREMER, Bibliographie courante de la littérature luxembourgeoise 2003, Mersch, CNL, 2004, p. 184.

53 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

Luxembourg, 1994.

Le lecteur constate rapidement que le recueil grand-ducal, lequel avait publié son propre re- est très éloigné de l’idée de témoignage tech- cueil à Paris et n’avait d’autre rapport avec le nique, en d’autres mots : de l’idée d’un texte monde industriel que le fait d’être le fils d’un qui se proposerait de donner une représentation notaire enrichi par les ventes / achats de terrains la plus fidèle, la plus objective, la plus neutre miniers. La dédicace à Noppeney est à peu près possible d’un phénomène économique et so- le seul élément luxembourgeois du poème, à cial, l’industrie sidérurgique dans le Bassin moins que l’on considère la rougeur de la terre minier, qui a marqué l’histoire du Grand-Duché comme signe distinctif local. En réalité, c’est au point qu’il paraît constitutif de son identité une caractéristique de toutes les régions qui nationale. Mais, l’ingénieur Palgen, qui travail- possèdent du minerai de fer, par exemple la lera dans quatre pays différents – Allemagne, Lorraine, où l’on trouve la même appellation Grand-Duché, Brésil, Belgique –, n’est ni un « Terres-Rouges » qu’à Esch-sur-Alzette. historien, ni un journaliste, ni un patriote apeuré, Dans ce paysage minier « construit » par c’est d’abord un poète cosmopolite grandi dans le poète ingénieur, le site apparaît comme un ta- l’univers culturel et linguistique français, qui bleau peint en camaïeu, avec un dégradé de diffé- obéit à d’autres thématiques que la littérature rentes couleurs orangées, avec un jeu de lignes, moralisante et frileuse. de perspectives et d’angles. Le champ lexical Le poème « Les Côtes rouges » est dédié de la physiologie induit une description clinique à Marcel Noppeney, premier poète francophone de corps éventré, le paysage étant assimilé

54 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

à un cadavre autopsié. Malgré les couleurs noirs / de câbles morts que fourmis rouges / de mordorées, c’est d’abord une nature « morte », rouille rongent et dévorent ». Image de la dé- minérale par définition. Le talent visionnaire du cadence, liée peut-être à l’idée de crise écono- poète intervient au niveau de l’animation qu’il mique au début des années 1930. Mais en (re) sait insuffler à son ekphrasis, par exemple dans lisant le recueil, on constatera que l’image la le fait de transformer les mineurs dont l’image se plus familière aux fantasmes et aux peurs lar- réfléchit dans les flaques d’eau à des « Narcisses vées du poète, c’est celle du reptile, dans toutes des miroirs / de corail rouge et d’ambre clair » : ses races, toutes ses appellations, avec sa beauté on notera les couleurs chaudes et le réemploi froide et menaçante. du vieux mythe poétique de Narcisse. Dans la Le regard de ce poète plonge dans mythologie grecque, Narcisse est le type du l’onirisme, dans l’exploration du subconscient. contemplatif absorbé par l’image de sa propre Significativement, les seuls hommes qui- sur beauté : nous sommes loin d’une description gissent dans « Les Côtes rouges », ce sont les réaliste du milieu ouvrier, ici tout est transfiguré fantômes des mineurs morts dans l’exercice du par le langage au service d’un imaginaire dé- métier. L’ingénieur-poète est comme Orphée bridé. Nous en sommes loin aussi avec l’image qui descend au fond des enfers pour retrouver filée suivante : « lovés dans l’herbe, serpents son Eurydice.

Paul Palgen. Reproduit d’après Choix de poèmes. Œuvre poétique, 1994

55 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

La Pourpre sur les crassiers développe une opérées dans un tonnerre étourdissant par les thématique focalisée sur l’industrie lourde en laminoirs qui font trembler les alentours. général, avec une prépondérance de l’industrie Dans le poème « Les feux », le point de sidérurgique [sidêros : gr. : le fer ; sidêrourgos, départ n’est pas vraiment la sidérurgie, gr. : le forgeron] ou métallurgique. Mais il y est mais plutôt la magie d’un spectacle choré- aussi question de l’industrie charbonnière, ce graphique : celui de la danseuse américaine qui montre bien que le poète ne vise pas uni- Loïe Fuller9 (1862-1928). Artiste de music- quement un fait propre au Grand-Duché, dont hall autodidacte, celle-ci évoluait en costumes le sous-sol ne renfermait que du minerai de fer. moulés, éclairés par des projections de films. Pour ce qui est de la métallurgie, Paul C’est là le comparant du spectacle des feux Palgen évoque les trois phases essentielles de à l’usine, encore amplifiés par les mouvements cette industrie : le travail d’extraction du mine- ondulatoires qui ressortissent une fois de plus rai ; le travail de fabrication de la fonte grâce au aux reptations du serpent : minerai fondu dans le haut fourneau, ainsi que la fabrication de l’acier ; enfin le laminage et la D’encre, de sang et d’or, le cœur et les mise en forme du produit fini ; subsidiairement : artères l’écoulement de la production. de la nuit écorchée par Apollon noir ? Pour la coulée de la fonte, on peut citer un Soleils qui explosent, lunes qui roulent, texte en prose poétique de Victor Hugo, qui avait falaises d’ébène, Loïes Fullers, visité la forge de Luxembourg-Dommeldange, écharpes dénouées qui houlent le 6 juin 1871 : et salves de lumières. (p. 15)

Nous avons vu une très belle chose, la coulée Au passage on aura reconnu l’allusion à Apol- de la fonte dans le haut fourneau de la vallée lon tueur du Python qui rendait des oracles. Les des sept fontaines. Un torrent de feu liquide différents feux du travail sidérurgique, qui ren- sort du trou fait en bas du fourneau avec des voient aux forges antiques de Vulcain, sont l’oc- tourbillons d’étincelles qui semblent vivantes et casion de se réapproprier les vieux mythes, qui se tordent comme des pieuvres de flamme. comme celui du dieu de la clarté. Les hauts four- C’est en petit la coulée d’un cratère. Cette lave neaux, espaces de fusion, de transformation et de se répand dans le gaufrier de sable préparé métamorphoses presque alchimiques, devien- pour la recevoir, et s’y refroidit, et c‘est la fonte. nent des Jupiters, comparables aussi à des dra- On l’envoie en Prusse, de fonte elle devient gons, des tarasques. L’élément du feu lui-même, acier, et on en fait les canons Krupp. Voilà spectacle universel à la sémiotique multiple, est comment l’homme abuse de l’honnête terre qui célébré à la manière d’Apollinaire qui avait lui donne le fer8. exalté les explosions des grenades dans le ciel de France en 1914-18 et comme Palgen lui-même L’extraction ou l’importation du minerai de l’avait en partie pratiqué dans Les Seuils noirs. fer ainsi que le haut fourneau à minerai ont Le poème est construit sur une gradation, qui été remplacés à la fin du XXe siècle au Grand- passe en revue les machines, l’élément igné, Duché de Luxembourg par les fours électriques puis les produits sidérurgiques, puis les ouvriers, fonctionnant sur le recyclage de métaux et non enfin le « prince » qui a conçu ce spectacle dé- plus sur l’utilisation de minerais. miurgique : l’ingénieur. Ce seigneur de la tech- La perception extatique du machinisme, nique est exposé au souffle de « Pentecôte », le présente chez Palgen dès son recueil consacré souffle de l’esprit (saint), ce qui le rapproche du à la Grande Guerre, Les Seuils noirs, est avivée poète romantique inspiré par la Muse. au contact de l’univers de l’usine tentaculaire, Le crassier, entassement de rebuts indus- cyclopéenne. La tératologie, le bestiaire ram- triels est une construction symbolique, elle mé- pant lui fournissent son lexique inquiétant pour taphorise l’obstination de l’homme, le contraste évoquer les reliquats incandescents des hauts aussi entre sa petitesse et l’immensité de ses fourneaux et les monstrueuses mises en forme conceptions matérielles. Dans l’évocation de

8 Voir Tony BOURG, Frank WILHELM, Le Grand-Duché de Luxembourg dans les carnets de Victor Hugo, Luxembourg, RTL, [1985], pp. 102-103. 9 Voir Le Robert encyclopédique des noms propres, Paris, édition de 2008 publiée en 2007, p. 866.

56 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

ces dunes de déchets, inertes et sans vie, déser- Au centre de l’usine poétisée par Palgen, il y a tiques, le poète se tourne vers les mythes de l’An- « l’animateur » : tiquité, emprunte le champ lexical de la vulca- nologie : ce n’est pas un technicien qui parle, Des principes épars la limaille s’ordonne c’est un narrateur halluciné, comme le meilleur autour des aimants, les neurones, Victor Hugo. Certains passages semblent se de son cerveau prométhéen. souvenir des « Conquistadors » chantés par José Oint, cerveau d’essence suprême, Marie de Heredia dans ses Trophées (1893) : de sang de dragon, de saint-chrême, guilloché de lignes d’airain. Acier blanc, acier bleu, oint de pourpre et d’azur, Une nouvelle composante mythologique acier d’argent royale et de diamant dur s’immisce ici dans le légendaire gréco-latin : le qui fileras les rails et sculpteras la mine mythe germanique de Siegfried tueur du dragon. et feras s’essorer par delà les collines, Dans la figure de « l’animateur », il est les pôles et les mers, nos ailes de métal. loisible d’imaginer l’ingénieur Émile Mayrisch, (p. 17) directeur de l’usine de Dudelange, fondateur

Recueil resté inédit ; poèmes publiés dans Les Cahiers luxembourgeois en 1951, couverture conçue par le peintre luxembourgeois Michel Stoffel. Reproduit d’après Choix de poèmes. Œuvre poétique, 1994.

57 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

des ARBED. Palgen le connaissait bien et le Là encore, il y a visiblement des souvenirs fréquentait : c’était son patron pendant une di- sud-américains du poète, car cette population zaine d’années. Dans le poème, c’est le type du exotique ne se rencontrait pas dans les cités mi- héros moderne, l’homme d’action pragmatique, nières luxembourgeoises. l’homme d’affaires subtil, le meneur d’hommes Métier périlleux entre tous, celui du mi- aussi, car l’industrie lourde nourrit des dizaines neur a exigé de nombreuses vies tuées ou de de milliers d’ouvriers encadrés par des cohortes vies mutilées, relatées in absentia dans « Les de responsables. Le maître de forge prête son hécatombes ». Pour une fois, le poème semble « cerveau prométhéen » à la machine et son viser la population du Bassin minier luxembour- cœur à l’alchimie du fer. Prométhée, c’est le geois, accrue de façon exponentielle à l’époque héros antique puni durement par les dieux pour de l’essor industriel : avoir convoité leur puissance et avoir volé… le feu ! En 1928, Émile Mayrisch, le héros du Morts venus de tous les hameaux du pays, fer luxembourgeois, se tua dans un accident de de cent lieux inconnus, delà des frontières, voiture. des blonds, des bruns, des géants et des Dans « Les ouvriers », Palgen montre que trapus, les « emmurés vivants » sont plus victimes aux cent langages, aux dix mille visages, qu’acteurs de ces formidables transformations du fond des Allemagnes et des Polognes, où une violence inouïe est mise en œuvre : les de Catalogne, de France et d’Italie. (p. 46) usines sont voisines des cimetières. L’évoca- tion concrète des ouvriers n’intervient toute- Ce poème est le seul du recueil qui désigne fois que vers le milieu du recueil, comme si les des espaces précis, des toponymes, en l’oc- hommes, dans cet univers presque inhumain, currence des noms de pays impliqués par leurs en tout cas gigantesque, étaient écrasés par ce immigrés ouvriers dans la production sidérur- qui les dépasse et qu’ils ont eux-mêmes conçu gique. Mais le Grand-Duché n’est pas cité. et construit. Cette fois, le poème vit surtout Le titre même de « hécatombes » – sacri- des rimes internes, des allitérations avec leurs fice d’une centaine de victimes – est emprunté explosives et leurs voyelles stridentes : « À à la Bible. C’est au dieu Moloch que les an- coups de pics, de dynamite et de ringards ». Il y ciens Juifs sacrifient par le feu une centaine de a une forme d’érotisme, voire de sadisme, dans victimes enfants. Le premier vers « Mort, qui la convocation des corps nus d’athlètes en sueur dira tes hécatombes » rappelle le mot biblique soumis aux efforts surhumains, aux endurances « Mort, où est ta victoire ?10 ». et aux souffrances. « Les rançons » c’est le prix à payer par les La concentration prolétaire et bariolée, hommes pour la réalisation de leurs rêves qui présentée comme fatale, est tributaire de l’im- concurrencent la nature. Ce sont les ouvriers qui migration : c’est un phénomène international paient et les capitalistes qui en tirent profit. On dans ce type d’industrie, on ne le trouve pas mesurera le courage de l’ingénieur Palgen, qui seulement au Luxembourg. Le poème peut tout faisait partie des cols blancs de cette industrie, aussi bien avoir pu être inspiré par des choses à critiquer le système social et financier qui la vues par Palgen au Brésil. Comme Victor Hugo fonde. Il est vrai que lui-même ne faisait pas avait donné droit de cité aux enfants démunis, vraiment partie du milieu possédant, même s’il aux Gavroche de Paris dans ses Misérables, possédait peut-être des actions des ARBED. Paul Palgen dédie aux gosses de mineurs un Le procédé Thomas, qui permet de dé- long poème de commisération et d’alerte : phosphoriser la fonte et d’en fabriquer de l’acier avait été inventé par l’ingénieur anglais Figures blanches que des yeux sombres du même nom et été introduit à Dudelange dès mangent, les années 1880 grâce à l’esprit d’entreprise du voluptueux, lents, de petits sang-mêlé, directeur Émile Mayrisch : c’est une étape dans princes déchus, de père on ne sait d’où, la maîtrise technique. de quels royaumes de soleil et d’oranges. Le poème « La nuit » développe un thème (« Les enfants », p. 50) cher aux romantiques : l’ambiance lunatique,

10 Ce sera aussi le titre du roman de Daniel-Rops à paraître en 1934.

58 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

nyctalope et fantasmagorique qui transforme métaux), enfin, à partir de 1924 à Liège, où il les choses et la perception des hommes. Ici, les est mort en 1966 après y avoir représenté le bruits sont assourdis, presque confidentiels, tout Grand-Duché comme consul honoraire (1950- semble apaisé, tamisé, susurré. Mais c’est un 1957). Pendant ses activités au service des temps propice aux correspondances diverses, ARBED, Palgen aura été secrétaire général du aux quêtes initiatiques : il y est question du COLUMETA, comme l’atteste une photo de Graal, il s’agit d’esquisser un voyage intersidé- 1922 où l’on le voit avec les membres de la di- ral. Le narrateur qui dit je est le porte-parole du rection des ARBED, avec à leur tête leur prési- poète, pour qui le spectacle de l’usine comme dent Émile Mayrisch. assoupie est une invitation à découvrir de nou- En quarante ans de carrière littéraire, Paul veaux continents, vieux rêve de conquérant. Palgen a publié huit recueils poétiques et un Le poème « Rythmes » se signale par la roman, La Margrave aux chiens (1952). En multiplicité de ses champs sémantiques. Ce 1918, par exemple a paru à Luxembourg et à sont les rythmes imposés par les machines, les Paris le recueil Les Seuils noirs, avec comme rythmes cardiaques, les rythmes du travail ré- thème principal la fascination pour la guerre parti en trois huit tout au long des vingt-quatre moderne fondée sur la technicité et les armées heures de la journée, les rythmes des saisons, les innombrables, un thème qui sera repris et am- rythmes des cycles économiques, les rythmes plifié dans La Pourpre sur les crassiers. Son du calcul programmatique. séjour de dix-huit mois au Brésil lui Le recueil se termine sur une présence fé- inspire un recueil à thématique exo- minine : celle des dactylographes, métier mo- tique, où il célèbre les beautés et les derne qu’Apollinaire avait célébré dans son horreurs de l’Amérique du Sud, terre d’escla- poème « Zone », dès 1913. L’ingénieur Pal- vage et d’acculturation : Guanabará. La baie gen, spécialisé dans les constructions civiles, aux trois cent soixante îles (Marseille, 1933). a exercé davantage le métier d’un commercial, Le métissage des populations, discrètement d’un économiste, puisqu’il a vendu des pro- annoncé dès 1931, y est présenté comme as- duits laminés et négocié l’achat de minerai, par pect fondamental de la société brésilienne. Au exemple au Brésil et plus tard à Liège. Brésil, il œuvre pour COLUMETA, société appartenant aux ARBED, qui avaient acheté II.3. Le poète et son œuvre à l’instigation d’Émile Mayrisch d’impor- tantes mines de fer en Amérique du Sud afin de On peut parfaitement lire ces poèmes sans parer à une éventuelle pénurie de matières rien savoir de leur auteur : ils ont une force premières en Europe. convaincante qui les situe bien au-delà de L’avant-dernier recueil de Palgen, Poèmes l’anecdotique. en prose et en vers. 1949-1951 (Lyon, 1952), La biographie peut toutefois confirmer contient un texte poétique reprenant l’inspira- certaines des impressions laissées par la lecture. tion du livre de 1931 : « Au bord des laminoirs Ainsi, l’on notera que le poète est né en 1883 où trembla mon berceau ». Il y revient encore à Audun-le-Tiche près d’Esch-sur-Alzette, sur son imaginaire composite, où la mythologie dans le bassin minier lorrain annexé alors par antique et l’inspiration biblique se rejoignent la Prusse. Ses parents étaient luxembourgeois ; dans son bestiaire personnel : le père, né à Paris, était ingénieur directeur des hauts fourneaux de Hussigny-Godbrange Des gars mi-nus gavaient le Moloch acéphale, en Meurthe-et-Moselle. Le futur poète fait debout dans le rond de son col tranché, ses humanités à l’Athénée de Luxembourg et en damant à grands coups de ringards des études d’ingénieur des constructions civiles à leurs pies : han, pour ta faim – le coke – et à Louvain. han pour ta fringale – les minerais gris-rose et Il fera carrière au service de l’industrie du verts et mordorés. fer : d’abord en Allemagne (1908-1914), où il Et le monstre soudain déglutit sa provende, a été emprisonné pour espionnage au profit de avec elle les hommes et leurs corps blancs, d’un la France, puis pour les ARBED au Luxem- bloc, fondirent comme des pains de sucre dans bourg (1914-1920), au Brésil (1920-1922) pour un chaudron de sang bouillonnant. COLUMETA (Comptoir luxembourgeois des Jamais ne fut brandi goupillon plus pesant sur

59 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

Direction centrale d’ARBED et de COLUMETA. Luxembourg, fin 1922. En bas, au centre, portant la barbe : Émile Mayrisch, président- directeur de l‘ARBED. En haut à droite : Paul Palgen, secrétaire général de Columeta. Reproduit d’après Un demi-siècle d’histoire industrielle 1911-1964. Aciéries réunies de Burbach-Eich-Dudelange, s. d.

60 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

bière plus pesante que cet agglomérat de fonte on l’a vu, une image revient souvent, obses- et de viscères. Jamais Dies irae des Rois et des sionnelle, celle du serpent qui ondule, faisant de Sybilles plus fatidiquement ne plana sous des Palgen le poète « ophiophile » [ophis, gr : le voûtes, lugubre ne couvrit des glèbes, menaçant serpent ; philein, gr. : aimer]. Cet attrait pour les ne poignit des êtres11. reptiles renvoyant à l’antique séduction char- nelle métaphorise aussi la perfection vivante, Ce texte à la syntaxe aussi tortueuse que les réconciliant le sensuel et le formel : blocs de crassier est emblématique de l’écriture palgenienne. Aux hans des laminoirs qui font trembler les halls III. Un témoignage au trot d’artillerie, à l’arroi d’arsenal d’une heureuse subjectivité roulant des laminoirs sur le pavé sonore, ruban d’acier, pourpre reptile agile happé Dépositaire de la vision tragique et triomphante jeté en proie de Verhaeren et des unanimistes comme Jules aux cylindres mâcheurs de fer. Romains, cet homme d’action séduit par le Bré- (« Les ouvriers », p. 40) sil développe trois thèmes essentiels : le lyrisme démiurgique face aux enivrements personnels Avec son regard très artiste sur l’indus- et aux aveuglements du monde ; l’attirance trie lourde, qui insiste sur son côté démiur- presque morbide pour la guerre moderne et l’in- gique païen proche de la mythologie germa- dustrie lourde ; l’enchantement par l’exotisme nique autant que sur l’aspect moralisant biblique, tropical. Le message qui se dégage de sa poésie sans en cacher les dimensions franchement très travaillée, au vocabulaire rare et à la syn- dysphoriques frisant le sadisme, l’ingénieur taxe tourmentée est souvent ambigu, l’auteur poète Paul Palgen a livré un témoignage d’une semblant incanter à la fois le pouvoir surnatu- heureuse subjectivité. Aussi, son univers sidé- rel de l’homme moderne guerrier et ingénieur, rurgique baroquisé à l’extrême par des moyens et la misère et la domination qu’il engendre. relevant de l’expressionnisme pictural peut-il se lire et s’interpréter à différents niveaux. Il semble que sa dimension référentielle, qui reste par en- droits indéniable, doit céder le pas à une lecture plus ambitieuse, qui s’intéresse aux questions existentielles exprimées à travers une poétique travaillée à l’extrême et fortement rythmée. Et si le travail souterrain de l’ouvrier mi- neur, sa tâche alchimique de transformateur du minerai en métal noble, avec son aspect volon- tariste et obstiné, n’était qu’une métaphore filée pour renvoyer à la quête du sens de la vie, à éla- borer à travers la douleur, ou, plus intellectuel- lement et plus sensuellement, une métaphore de la création poétique ? En effet, dans le processus sidérurgique, il s’agit de transformer le minerai pris dans sa gangue en métal précieux, comme le poète, à partir de la fange de la vie, élabore l’or du sens serti dans l’œuvre d’art. Ainsi s’expliquerait le titre du recueil : La Pourpre sur les crassiers. Cette image pa- radoxale accole la matière d’un rouge écarlate Page de garde. symbolisant la richesse et les déchets indus- Les rapports humains sont marqués par triels, dans une allusion à peine voilée aux d’étranges rites qui frisent le sado-masochisme, Fleurs du mal de Baudelaire, parangon de la suggérés par une écriture coruscante. Comme poésie symboliste.

11 Op. cit., Lyon, 1952, p. 55.

61 Terres Rouges L’industrie sidérurgique vue par l’ingénieur luxembourgeois Paul Palgen (1883-1966), poète francophone

Bibliographie sélective

PALGEN, Paul, La Pourpre sur les crassiers, Palgen et son recueil Guanabará] ; « ‘La Margrave Mézières-Charleville, Société des écrivains arden- aux chiens’ ou : L’imaginaire inquiétant de Paul nais, 1931, 74 pp. ; « Les Ouvriers », illustrations de Palgen, poète luxembourgeois de langue française », Michel Stoffel, Les Cahiers luxembourgeois, numéro Université de Nice Sophia-Antipolis, Centre de Re- de Noël [consacré à Dudelange], 1951, s. p., 13 pp. ; cherches littéraires pluridisciplinaires, Publications « Au bord des laminoirs où trembla mon berceau », de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences humaines Poèmes en prose et en vers. 1949-1951, Lyon, Les de Nice, nouvelle série, n° 22, Imaginaires franco- écrivains réunis, A. Henneuse, 1952, pp. 55-56 ; phones, Paris, C.I.D.D. Diffusion, 1995, pp. 365-377 ; Guanabará et autres poèmes, choix et présentation « Dictionnaire de la francophonie luxembourgeoise », de Georges Thinès, Paris, Orphée, « La Différence », La Francophonie du Grand-Duché de Luxembourg, 1992, 124 pp. ; Choix de poèmes. Œuvre poétique, numéro hors série des Cahiers francophones d’Eu- présentation de l’œuvre poétique et choix de textes rope centre-orientale, Universités de Pécs (H) et de par Nic Klecker, Luxembourg, Centre d’études litté- Vienne, 1999, pp. 5-363 ; « PALGEN, Paul », Luxem- raires, « Lëtzebuerger Bibliothéik 5 », 1994, 221 pp. ; burger Autorenlexikon, Mersch, Cnl, 2007, pp. 464- « Les bruits », « Les ouvriers », Fir den Aarbech- 465 ; « Le Grand-Duché de Luxembourg et ses trois ter mäi Papp. Lyrik, Gedichte, Poèmes, [Esch-sur- littératures » [La littérature francophone luxembour- Alzette], / [éd.] De Minettsdapp-Kultur am Süden, geoise], Transilvania, Sibiu, n° 8-9, 2007, pp. 140-145. 2003, pp. 62-64, 44-47. WILHELM, Frank, GLESENER, Jeanne E., [CHOME, Félix], Un demi-siècle d’histoire « L’image de la sidérurgie dans les romans des industrielle 1911-1964. Aciéries réunies de Bur- Luxembourgeois francophones Willy Gilson, bach-Eich-Dudelange, documents réunis, classés Joseph Leydenbach et Nicolas Ries. Des années et commentés par, Luxembourg, ARBED, s. d. fastes à la crise des années 1970 », Charles TRAUSCH, Gilbert, L’ARBED dans la société Barthel, Josée Kirps, Terres Rouges, Histoire luxembourgeoise, Luxembourg, ARBED, 2000. de la sidérurgie luxembourgeoise, vol. 1, Luxem- WILHELM, Frank, « L’exotisme dans la litté- bourg, Centre d’études et de recherches européennes rature luxembourgeoise de langue française », Robert Schuman, Archives nationales, Ministère Revue francophone de Louisiane, Lafayette (LA), de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la vol VI, n° 2, hiver 1991, pp. 5-26 [concerne Paul Recherche, 2009, pp. 72-95.

62 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante Tonia Raus

« Quel est donc celui qui s’avance maintenant ? tumes qu’il faudra s’approprier. Cette aspiration Moi, parce qu’il y eut un survivant au naufrage. » culturelle multiple sera, semble-t-il, cultivée par la suite. Jean Portante vivra successivement ou C’est sur ces mots, tirés de l’épilogue de Moby en alternance à Luxembourg, Esch-sur-Alzette, Dick de Melville dont l’ombre hante La Mémoire Paris, Bruxelles, Cuba. de la baleine, que se ferme le roman somme de Il serait pourtant réducteur de considérer Jean Portante, donnant à la suite de l’explora- l’œuvre de Portante uniquement par le bout de tion menée à la fois dans les terres de l’enfance la lorgnette luxembourgeoise, malgré la forte – ces Terres Rouges du bassin minier –, et dans thématique identitaire qu’elle véhicule, car sa les territoires de l’écriture comme une seconde portée se veut résolument universalisante. Paral- naissance à l’écrivain, dans l’émergence de son lèlement, il serait tout aussi réducteur d’aborder étrange langue, d’aspect française, mais de res- son œuvre au travers du prisme biographique. Si piration italienne1. C’est sous les auspices de quelques éléments biographiques ont toutefois ces mêmes mots que s’initie ce parcours au sein été donnés – parmi lesquels il s’agit de retenir des Terres Rouges comme terres identitaires de l’origine immigrée, le goût pour les voyages et Jean Portante dans La Mémoire de la baleine l’activité scripturale multiple –, c’est pour mieux et Mourir partout sauf à Differdange, romans pouvoir démontrer à quel point Jean Portante se tous deux situés dans la ville natale de l’auteur, plaît à brouiller les horizons d’attente dans un Differdange2. genre savamment articulé entre référentialité et L’œuvre de Jean Portante se caractérise fictionnalité, c’est-à-dire en d’autres termes et par les thèmes de la migration et de l’identité, pour simplifier, entre autobiographie et roman. interrogés inlassablement au fil de productions tant poétiques que narratives. Né à Differdange, Le pacte romanesque de Jean Portante est le fils d’immigrés italiens qui Jean Portante ont quitté leurs terres natales pour s’installer dans le sud du pays, avec l’espoir d’y trouver, En 1993, paraît aux éditions Phi Mrs Haroy ou la par le travail d’abord dans les mines de minerai mémoire de la baleine. Ce titre énigmatique est de fer puis dans les usines de transformation de explicité d’emblée par un sous-titre, apparem- ce même minerai, une vie meilleure pour eux ment univoque : « Chronique d’une immigra- et leurs familles. Portante grandit ainsi dans tion ». Le mot est lancé : « immigration ». un milieu hybride, entre des origines italiennes Le roman devient dès sa parution une espèce bercées par la langue maternelle qui continue d’emblème pour toute la population immigrée du à être parlée dans le foyer familial et la terre Luxembourg, surtout pour celle italienne, celle d’accueil qui amène avec elle des langues nou- qui s’est installée dans les Terres Rouges, qui les velles – le luxembourgeois appris dans la rue, a exploitées et qui est au centre du récit. S’initie le français et l’allemand à l’école et dans les ainsi la « métaphore de la baleine », qui devien- livres – et surtout une panoplie d’us et de cou- dra la clé de l’œuvre entière. Mi-mammifère,

1 Dans « Le travail du poumon. Mode d’emploi » – véritable mode d’emploi à l’écriture de Jean Portante – l’auteur revient sur son étrange langue : « Que, comme la baleine, mon écriture cachait en elle, alors que d’aspect elle était française, le poumon d’une autre langue. / Que mon écriture était de forme française, mais de respiration autre dont la matérialité du texte ne savait être qu’une traduction plus ou moins efficace ». (PORTANTE, Jean, « Le travail du poumon. Mode d’emploi », in Le Travail du poumon, Bordeaux, Le Castor Astral, 2007, p. 148) 2 PORTANTE, Jean, La Mémoire de la baleine, Luxembourg, Phi / Bordeaux, Le Castor Astral, 1999 (1993), 473 p. ; – Mourir partout sauf à Differdange, Luxembourg, Phi, 2003, 264 p. Dans un souci de lisibilité, les indications de page référant aux deux romans du corpus se feront désormais dans le corps du texte, accompagnées, si nécessaire, des abréviations respectives Lmb et Mpd.

63 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

mi-poisson, la baleine symbolise l’état d’entre- mais qui laisse percer les conflits suscités par deux dans lequel se retrouvent les immigrés, qui son origine italienne dans cette société luxem- ne sont plus de leur terre d’origine, sans pour bourgeoise prospère des années cinquante. En autant appartenir à leur terre d’accueil3. alternance s’énonce également l’histoire de la Mais si le mot « immigration » retient famille du narrateur, des voyages et exils qui l’attention, il en est de même de « chronique ». l’ont formée, de l’arrivée à Differdange, du D’après les définitions du Trésor de la langue travail dans les mines que subit encore le grand- française, « chronique » renvoie à un « recueil père paternel, du statut d’ouvrier d’usine dont de faits historiques regroupés par époques et pré- jouit le père, des aspirations d’intégration des sentés selon leur déroulement chronologique ». uns et du mal du pays inconsolable des autres. Dans un emploi spécialisé, le terme désigne Étant donné la biographie de Jean l’« histoire et généalogie d’une ancienne et noble Portante, le récit de la famille Nardelli est souvent famille » et enfin, par extension, un « récit lu comme une autobiographie, une chronique mettant en scène des personnages réels ou historique de l’expérience migratoire de sa fictifs, tout en évoquant des faits sociaux et propre famille comme de celle de tant d’autres historiques authentiques, et en respectant qui l’ont partagée. Le récit acquiert une valeur de l’ordre de leur déroulement ». De manière signi- témoignage qu’il est indéniablement au travers ficative, une acception supplémentaire de de la représentation, chargée d’affect, que « chronique » est donnée dans l’entrée « roman ». Portante propose des Terres Rouges, indépen- Etablissant un rapport direct avec le temps, un damment des questions de référentialité ou de « roman-chronique » définit un « roman qui fictionnalité. Pourtant, Jean Portante, au cours de décrit l’histoire d’un groupe, d’une société sur ses entretiens, évoque son récit en termes de ro- une longue période. Le roman-chronique, ou man, de fiction donc, faisant de sa propre histoire roman de mœurs, ou ‘mémoires pour servir à qui certes alimente le texte, le point de départ l’histoire de la société’ ne peut que tourner le d’une histoire universelle. Les thèmes de l’exil dos à la biographie de l’auteur, pour aller à et de l’identité, s’ils sont développés dans les la biographie des hommes »4. Heureuse coïn- récits, sont surtout retravaillés au niveau de la cidence que cette citation venant illustrer le langue, au niveau de l’énonciation et de la com- « roman-chronique » en soulignant sa dimen- position des romans. Mourir partout sauf à Dif- sion universelle aux dépens de l’histoire per- ferdange rend massivement compte de cette in- sonnelle de l’auteur. filtration du thème identitaire dans le processus Or, les procédés d’énonciation que le roman créatif, tout en s’inscrivant de manière directe de Portante déploie sont autrement retors et dans la filiation de La Mémoire de la Baleine. cette explication lexicale du sous-titre de l’édi- Ainsi la quatrième de couverture annonce que : tion originale ne saurait les éclairer. En effet, le roman s’énonce à la première personne. Dix ans après Mrs Haroy ou la mémoire de Le narrateur s’appelle Claudio Nardelli – les la baleine, Jean Portante publie Mourir par- consonances italiennes du nom sont évidentes tout sauf à Differdange et remet ainsi sa ville et seront, de manière significative, convoquées natale au centre d’un roman décapant qui régu­lièrement pour être transformées, assimilées brouille l’étrange espace situé entre réalité et à des noms à résonances davantage luxembour- fiction. Par la magie de l’écriture, Differdange geoises : Clodi quand le narrateur revient sur devient un lieu ni tout à fait réel ni entièrement son enfance, ou Claude, pour évoquer l’adulte. inventé. Une ville dans laquelle se nouent et se Le récit est largement rétrospectif : le narrateur dénouent les destins les plus insolites. Un laby- jette un regard en arrière sur son enfance qui rinthe ou le « je » se multiplie à l’infini pour être se termine symboliquement à l’âge de neuf ans, tantôt écrivain, tantôt enseignant, tantôt même l’âge de la première communion. Il retrace son libraire, boucher ou policier. Si Mrs Haroy… vécu d’enfant dans une tonalité forcément naïve, était un livre sur la mémoire, Mourir partout

3 Dans la préface à la réédition du roman de Portante en 1999 aux éditions du Castor Astral sous le titre La Mémoire de la Baleine, Ismaël Kadaré revient sur le titre de l’édition originale pour expliquer le sens du roman : « L’histoire de la baleine exposée par ces froides journées d’hiver à la gare de Luxembourg ne cesserait de se condenser dans sa mémoire pour une raison que le narrateur donne bien à entendre, son propre destin de fils d’émigrants italiens au Luxembourg l’identifiant à celui de tout être déplacé, migrateur, de gré ou de force, dans ce monde qui est le nôtre. Et Mrs Haroy, la baleine, avait précisément connu ce sort » (op. cit., p. 11) 4 Trésor de la langue française informatisé, dictionnaire électronique en ligne (ATILF, CNRS, Université de Nancy 2), consulté le 15 mars 2009.

64 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

sauf à Differdange, tout en renouant avec le et de l’écriture personnelle, voire intime, seront passé « rital » des protagonistes, se situe sur les points de départ à l’étude des deux romans cette frontière insaisissable où les souvenirs sur Differdange, en vue de saisir précisément et le quotidien se déversent dans le fleuve de l’ancrage identitaire qui les spécifie. D’allers- l’imaginaire, et vice versa… retours constants entre les deux textes, en multipliant les citations afin d’illustrer le plus Cette présentation du roman accentue le rap- fidèlement possible les univers créés par Jean prochement avec La Mémoire de la Balei- Portante, se dégageront des représentations ne et l’importance qu’y revêtent la ville na- récurrentes de Differdange et du monde des tale de l’auteur ainsi que son passé rital, au ouvriers immigrés. Par les fils qui se tissent sein d’un roman principalement axé autour entre les deux récits, un véritable diptyque finit de sa propre écriture, où se mélangent à nou- par se former et dont les parties ne cessent de veau réalité et fiction. Mourir partout sauf se réfléchir réciproquement, dans un dialogue à Differdange se conçoit en somme comme entre la réalité et la fiction inspiré par la ville une quête d’identité que l’écrivain mène de natale de l’auteur. pair avec les narrateurs et personnages de ses fictions. Dans un entretien qui suit lapu- Terres Rouges, terres d’accueil blication du roman, Jean Portante précise : L’histoire des Terres Rouges est intimement liée Avec La Baleine on a voulu croire que je me à celle de l’exploitation du minerai de fer. Dès rapprochais de l’autobiographie alors que je le début du 20e siècle, des vagues d’immigrés m’en éloignais. A partir d’éléments venus du italiens sont venus prêter main-forte aux vécu, j’ai entrepris un travail sur la mémoire ouvriers des mines, dont celles du bassin minier possible. La famille imaginée représente la luxembourgeois et donc de Differdange. Cette somme de ce que l’on peut vivre comme Italien histoire de l’immigration, dont l’histoire de la au Luxembourg. Mais il est impossible de ne famille Nardelli dans La Mémoire de la baleine pas écrire de l’intérieur, tout livre est autobio- fait partie intégrante, traverse les cinq cents graphique. Mon nouveau roman tient donc lui pages du roman. Elle est condensée au troisième aussi de l’autobiographie dans le même temps chapitre, qui mérite dès lors une attention plus qu’il s’en éloigne avec un « je » pluriel, un nar- particulière, d’autant plus qu’il se démarque rateur successivement boucher, libraire, poli- de l’ensemble du texte, tant visuellement que cier, femme, Italien…5 syntaxiquement, en étant composé d’une seule et unique phrase. Commençant par ces mots : Plusieurs histoires s’inventent et se chevau­ « Quand je reviens en pensée sur ce que je crois chent : les univers fictionnels sont complète- être ma maison natale à Differdange et que je ment poreux et ne se prêtent plus au processus farfouille, les yeux fermés, dans ma mémoire de l’illusion référentielle. Un fil rouge tissé par […] » (p. 30), le chapitre se poursuit telle une le double enterrement de la mère du narrateur remontée mémorielle et verbale du premier tente néanmoins de les relier. Le narrateur pense voyage de l’Italie vers le Luxembourg entre- exaucer le dernier vœu de sa mère décédée en pris par les grands-parents du narrateur. Des ramenant sa dépouille, inhumée une première logorrhées de souvenirs, vécus ou rapportés, fois au Luxembourg, dans ses terres natales en s’énoncent et semblent se diriger vers un temps Italie. Or, « [s]eul un traître peut ramener chez zéro des origines du narrateur, vers ce moment lui un déserteur ». (p. 96) Le regret du double où le périple de sa famille, et qui en entraînera enterrement de la mère traverse toutes les vies tant d’autres, commence : imaginées du narrateur ; il est à la source même du roman, allant jusqu’à lui donner son titre. […] quand moi je n’existais pas encore, et Ces considérations générales sur le parti quand mon père et ma mère n’existaient pas pris romanesque de Jean Portante, qui mélange encore, et quand ce qui allait devenir ma mai- sciemment les codes de l’écriture romanesque son natale n’existait pas encore, et quand la

5 PORTANTE, Jean, « Voyage dans l’étrange langue », propos recueillis par Françoise PIROVALLI, in La Voix, 12.03.2003.

65 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

rue Roosevelt n’existait pas encore, et quand La citation est représentative de l’imagi- Roosevelt était tout jeune encore et n’était pas naire qui se construit autour des Terres Rouges, aussi célèbre pour donner son nom à une rue terre d’accueil, mais terre hostile en même de Differdange qui n’était pas encore une ville temps, terre étrangère en tout cas, à laquelle mais un tout petit village, à ce moment-là donc, il faudra plier désormais sa vie quotidienne. quelque part dans les campagnes des Abruzzes, Car ces vagues d’immigrations ont évidemment sur les collines qui n’étaient pas encore traver- été d’ordre économique : le travail qui attend sées par la Nationale 17, […] ma grand-mère pourtant ces nouveaux chercheurs d’or est au- portait sans doute des vêtements tout noirs déjà, trement dur, physiquement souvent intolérable. quand elle a rencontré son Nando, […] quand, L’immigration italienne est par conséquent un beau jour, juste avant la guerre, la grande aussi abordée dans sa dimension davantage guerre, celle de quatorze, elle a entrepris, en histo­rique et sociétale, notamment au travers compagnie de son Nando et d’autres Nando, le des évocations récurrentes de l’épisode tragique voyage vers l’infiniment loin, vers l’infiniment de la grève des ouvriers de l’usine de Differ- riche, vers l’infiniment angoissant, vers ce petit dange en 1912, qui s’est soldée par le recours à pays et ce petit village du Nord […] (p. 39-40) la force : quatre ouvriers seront abattus. Dans La Mémoire de la baleine, c’est par l’intermédiaire Ainsi, c’est à une espèce d’Urgeschichte de de son grand-père maternel, Claudio, qui lui a l’immigration italienne à Luxembourg que le du reste transmis son nom, que le narrateur fait narrateur semble s’atteler, cette histoire origi- la découverte, enfant, que « l’histoire peut être nelle du « premier Italien de là-bas [qui] a eu racontée de plusieurs façons ». (p. 374) Au pied l’idée, il y a cent ans, de venir se perdre ici de la statue d’Emile Mark, bourgmestre de la pour donner naissance au premier Italien né à ville de 1911 à 1935, érigée dans le parc Ger- Luxembourg. Après lui, tout s’est passé comme lache, le parc municipal, le grand-père raconte avec les poupées russes. Ce premier Italien né à à son petit-fils ce qui s’est passé à Differdange Luxembourg est rentré en Italie, y est resté un ce 26 janvier 1912. Le narrateur revient, au peu, et est revenu à Luxembourg. Ses enfants en moment de l’énonciation qui correspond régu- ont fait de même. Et les enfants de ses enfants lièrement au moment de l’écriture, sur cette le- aussi ». (p. 330) Le récit de Portante devient çon de vie qu’il apprit ce jour-là : celui de tous les Nando et Maddalena qui ont fait le voyage de l’Italie vers le Luxembourg, Bien sûr, ce qu’il m’a raconté ce jour-là, au parc de toutes les baleines qui un jour ont quitté la Gerlache, ne se trouve plus tel quel dans ma terre ferme pour aller se jeter dans l’immensité mémoire. Mais les vingt coups de feu tirés sur inconnue des océans, ce milieu qui n’était pas l’ordre du maire Emil Mark contre les grévistes le leur au départ. Or, ce milieu, les grands- italiens, je ne les ai pas oubliés. […] Dans le parents du narrateur le découvrent bien avant trajet si court entre les balles des fusils et les leur départ, par le biais d’une lettre qu’un voisin cœurs des ouvriers italiens il y a cette distance des Abruzzes reçoit d’un compatriote déjà sur insurmontable qu’a toujours ressentie ma mère place, c’est-à-dire à Differdange : quand elle parle des premiers temps de sa ve- nue à Luxembourg. Et je n’ai pas non plus ou- […] il n’avait pas révélé le nom de l’argent blié le nom d’Alberto Zecchetti, cet ouvrier qui qu’on gagnait à Luxembourg en ramassant du ne s’est pas relevé ce jour-là, quand le cortège fer, en le ramenant à la fonderie, comme on ra- des manifestants s’est dispersé pour préparer la masse de l’or, en Afrique ou ailleurs, dans les riposte. Alors, aujourd’hui, chaque fois que je mines, d’étroits couloirs creusés dans la terre, passe devant la statue d’Emil Mark au milieu une terre toute rouge, […] si rouge qu’après le du parc Gerlache, je repense à ce que racontait, travail on pouvait faire de la sauce spaghettis alors que j’avais huit ans et demi […], grand- avec l’eau dans laquelle on se lavait les mains père Claudio. Et si ça me fait parfois sourire, et le visage, sauf qu’avec l’or, pensa sans doute c’est d’un sourire amer qu’il s’agit, parce que Nando, et sans doute le dit-il aussi à Maddalena, je me dis que, si par hasard on avait érigé, sauf qu’avec l’or on n’a pas besoin de billets, comme l’aurait voulu mon grand-père, la statue alors qu’avec le fer, si l’on veut manger, il faut d’Alberto Zecchetti à la place de celle d’Emil d’abord le changer en billets […] (p. 42) Mark, plus d’un promeneur autochtone se

66 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

serait demandé ce que faisait là, au milieu Les traces blanches de la poussière deviennent du parc Gerlache, un tel bouffeur de macaronis sous la plume de Portante des traces noires qui […]. (p. 373-374)6 inscrivent dans la page blanche sa propre his- toire des Terres Rouges. Dans les deux romans, D’une part, l’évocation de la ville de Differ- l’occurrence de Zecchetti implique de manière dange, de ses lieux symboliques tels le parc générale l’idée d’une revanche à prendre. Si Gerlache et la statue d’Emile Mark sont en lien elle n’est que sous-jacente dans La Mémoire direct avec l’histoire sidérurgique – comment de la baleine, elle est explicitement formu- pourrait-il d’ailleurs en être autrement étant lée dans Mourir partout sauf à Differdange : donné que c’est par l’exploitation de son minerai « N’oublie pas, il faut le venger, il s’agit d’une de fer qu’est née la ville ? – et, d’autre part, Dif- question de justice élémentaire » (p. 138), dit le ferdange comme son histoire sont centrales à grand-père au petit-fils qui se répète alors inlas- l’histoire de la famille Nardelli et au-delà à l’his- sablement : « Il faut venger Zecchetti ». (p. 139) toire de cette communauté d’ouvriers immigrés italiens. C’est par le réseau que tissent entre elles Terres Rouges, terres de mémoire l’histoire collective et l’histoire personnelle, ancrées toutes deux dans les Terres Rouges Ainsi, le narrateur érige à côté du monument de Differdange, que le projet du diptyque roma- Emile Mark au parc Gerlache un buste imagi- nesque de Portante prend tout son sens. naire de Zecchetti et qui vient occuper De fait, dès les premiers chapitres de Mourir partout sauf à Differdange, le nom […] un petit vide, une toute petite parcelle de d’Alberto Zecchetti (ré)apparaît, sans pour vide, invisible presque à l’œil nu, côtoyant di- autant être explicité. Plus loin, s’énonce une rectement le socle du buste d’Emile Mark, le version légèrement modifiée de ce même sou- frôlant, le touchant, […], comme un frère ju- venir, du grand-père maternel racontant l’his- meau, de jour comme de nuit, en chaque saison, toire de Zecchetti à son petit-fils qui, devenu veillant sur l’ancien bourgmestre comme seul adulte, est le narrateur du roman : sait le faire un ange gardien, ce n’est pourtant pas un ange, loin de là, une mauvaise cons- Connais-tu l’histoire de Zecchetti ? C’est mon cience plutôt. (p. 140) grand-père qui parle. J’ai treize ans moins des poussières, Kennedy vient juste de se faire tuer Corollairement aux sujets privilégiés chez à Dallas, une seule détonation, deux ou trois Portante de la question identitaire, de l’exil et coups de feu, l’usine fume comme un Turc, il du voyage, la mémoire et ses insondables pièges faut bien des repères historiques, et nous nous et illusions constituent une autre interrogation trouvons devant le même buste, en plein mi- constante et fondamentale de l’œuvre entière. lieu du parc Gerlache. Nous sommes habillés De fait, les deux romans de Portante gagnent à comme tout le monde, pour dire combien elle être associés à la notion de « lieu de mémoire », est dure l’intégration. La pluie est là, bien en- telle qu’elle a été définie par Pierre Nora, à savoir tendu, elle tombe cependant autrement, je veux qu’un « lieu de mémoire dans tous les sens du dire, elle mouille autrement les vêtements, le sol mot va de l’objet le plus matériel et ­concret, éven- et le reste, laissant des traces blanches quand tuellement géographiquement situé, à l’objet le elle sèche, à cause des grains de poussière pris plus abstrait et intellectuellement ­construit ».7 dans les nuages, envoyés là-haut par les chemi- Un livre, par sa matérialité même, peut consti- nées de l’usine, pour rappeler qu’elle est pros- tuer un tel « lieu de mémoire ». Sa teneur, par père encore la cité. (p. 140) essence immatérielle, mobilise les imaginaires

6 Pour un traitement historique de cet épisode, voir SCUTO, Denis, « Les victimes de la grève des ouvriers italiens de l’usine de Differdange en janvier 1912 », in REUTER, Antoinette, RUIZ, Jean-Philippe (dirs), Retour de Babel : itinéraires, mémoires et citoyenneté. (Catalogue de l’exposition tenue dans les halles de l’ancienne aciérie à Dudelange du 28 avril au 27 octobre 2007), Livre III : Rester/Être, Luxembourg, 2007, p. 38-43. 7 NORA, Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997, vol. 1. Voir à ce sujet la contribution ici même de Myriam SUNNEN, « D’Minett - un lieu de mémoire ».

67 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

collectifs au travers de souvenirs, soient-ils des de combustion de la chaudière, puis les tubes souvenirs écrans, qu’en l’occurrence les récits d’eau, la gaine de fumée et les filtres. Le tout de Portante éveillent de pair chez l’auteur et débouchant sur l’énorme cheminée qui s’érige le lecteur. en l’air comme une tour et chasse la fumée et la D’une part, rapprocher les deux romans de poussière dans le ciel nuageux. Et tandis que le Portante de la notion de « lieu de mémoire » se charbon brûlé part en fumée, l’eau, de l’autre justifie de manière générale au travers des nom- côté se transforme en énergie et alimente, à breuses occurrences qui renvoient aux différents travers des turbines, ce qui reste encore de signes de commémoration que la ville de Differ- l’usine d’Esch. (p. 397) dange a mis en place, en hommage aux tra- vailleurs des mines. D’un ton ironique, l’auteur D’autre part, en transposant la notion de par ses narrateurs interposés, évoque « les blocs « lieu de mémoire » à l’écriture de Portante, de minerai » qui trônent sur les carrefours avec le diptyque de Differdange peut être lu lit- des « locotracteurs rouillés » qui ne tractent téralement comme une actualisation du plus que le vide (Mpd, p. 58). La commémo- buste fabulé de Zecchetti : un monument ration passe par d’autres voies que celles figées dressé en mémoire des ouvriers des mines des monuments qui finiront par tomber dans de Differdange ; des grévistes de 1912 qui l’oubli à force de faire partie de notre environ- ont osé se redresser pour leurs droits ; de nement quotidien. Pour Portante, commémorer toute cette communauté d’immigrés italiens, – dans le sens de remémorer, de remettre en à laquelle le narrateur, mais également l’au- mémoire – passe par l’écriture. teur, appartiennent. De fait, à deux reprises, dans Mourir partout Car, dans Mourir partout sauf à Differ- sauf à Differdange, le narrateur évoque son écri- dange, l’histoire de Zecchetti est explicitement ture comme la poursuite du « testament muet » mise en relation avec un livre, à savoir Les que lui a légué son père, c’est-à-dire cette iden- Fiancés d’Alessandro Manzoni qui de surcroît, tité forgée par la vie dure menée par la plupart en tant que livre de chevet du personnage de la des ouvriers sidérurgiques qui parallèlement­ mère, traverse en filigrane les deux romans.8 affichaient la fierté d’avoir pu offrir à leurs Dans Mourir partout sauf à Differdange, le ro- familles des vies meilleures. Cette apparente man de Manzoni sert de relais entre les deux en- contradiction sous-tend chacune des évocations terrements de la mère du narrateur. Cherchant à du bassin minier, à l’instar de cette description réparer son acte de trahison, cette espèce d’exil du site de Terre-Rouge à Esch-sur-Alzette que d’outre-tombe qu’il a infligé à sa mère, le narra- le narrateur de La Mémoire de la baleine en- teur enterre Les Fiancés de Manzoni à côté du tame avec le regard rétrospectif, teinté de nos- monument Emile Mark : talgie, de l’adulte devenu écrivain : J’ai décidé que désormais, Zecchetti repo- Parfois, en me promenant par les sentiers serait à côté d’Emile Mark. Il me fallait du du Galgenbierg, à Esch, je vois à travers les concret, je veux dire, une chose est de lais- pointes des pins la flamme éternelle brûler au- ser ses fantasmes pourrir dans l’imagina- dessus du bâtiment rouge-poussière dans lequel tion, une autre d’étayer tout ça par quelque a travaillé mon père. L’usine ressemble à un chose de réel. Qu’avais-je sous la main […] champ de ruines. Au loin, les hauts fourneaux si ce n’est Les Fiancés de Manzoni ? […] de Belval fument encore. Mais à Terre-Rouge Au bout d’un moment, la tombe de Zecchetti il n’y a presque plus rien. Tout a été rasé. Seule et de Manzoni était suffisamment profonde la centrale thermique de papa a survécu. Der- pour que le livre y tienne confortab­lement. rière ces murs j’imagine les trois chaudières Je l’ai recouvert, ai remis en place les bottes avec le silo à charbon et le broyeur, le charbon de gazon, et à l’œil nu il n’y avait plus de qui sur un tapis s’engouffre dans la chambre traces de ma double revanche. Ta place est

8 En effet, la mère du narrateur lit sa propre histoire dans le miroir que lui tend le roman d’Alessandro Manzoni, cette histoire d’amour entre Lucia et Renzo qui prend place en Lombardie, au XVIIe siècle, sous la domination espagnole. De manière significative, I promessi sposi (1823) porte comme sous-titre Chronique milanaise du XVIIe siècle, augurant les tensions entre réalité et fiction dans les romans de Portante, dans l’aspiration commune à mêlerstoria et invenzione.

68 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

ici, maman. Oui, au cœur de Differdange, transforme en histoire personnelle - autobiogra- en plein milieu du parc Gerlache. (p. 143) phique - de l’auteur. La complexité du dispositif scriptural que Jean Portante met en place dans le Un épisode supplémentaire, le récit de diptyque de Differdange crée un entre-deux qui l’accident qui coûte la vie au grand-père pa- allie la mémoire probable d’une génération à la ternel et dont plusieurs occurrences sillonnent mémoire intime d’une famille, d’une enfance. les deux romans, sert encore de catalyseur à Dans la poursuite du sentiment sous-jacent cette dimension primordiale que l’idée de re- d’une revanche à prendre, l’auteur se demande vanche revêt au sein de l’ancrage identitaire plus loin dans le texte sur « La mine du constitué par les Terres Rouges. De manière Thillenberg » : emblématique, l’épisode se retrouve au cœur de la contribution de Jean Portante au recueil On m’a dit que le mur qui bouche l’entrée de Où demeurer ailleurs que là. Luxembourg, la mine est une barrière de protection. A-t-on lieux intimes, édité par Corina Ciocârlie. Dans peur que les morts ne sortent et viennent crier son introduction, elle définit ces « [l]ieux in- vengeance? Il y a de quoi. La richesse du pays times comme des lieux préservés des assauts de s’est accumulée à coups de pelles et de pioches. l’oubli. Le monde autour se dissout, laissant ça Sans oublier le sang. Mais l’oubli a mis un drap et là des îlots de temps retrouvé »9. Le texte noir sur tout ça. (p. 102) « La mine du Thillenberg, à Differdange », dédié au grand-père paternel de Jean Portante décédé Les propos sont durs et éclairent d’une lu­ sous l’éboulement d’une galerie du Thillen- mière nouvelle, à nouveau par contrecoup, berg, fonctionne de fait à nouveau comme les propos similaires tenus dans les deux « lieu de mémoire ». romans sur Differdange, tels par exemple dans La Mémoire de la baleine, précisément au Elle est imaginaire, ma mine. Non qu’elle sujet de « [...] l’emplacement de la mine n’existe pas dans la réalité, mais dans la mienne, Thillenberg dont les accès ont été murés depuis je veux dire dans la fabrique de mes souvenirs, peu, comme s’il fallait plomber définitivement elle n’est palpable que par qui, comme moi, ce qui a été et restera la plus grande fosse ne l’a jamais vue, n’y est jamais descendu, est commune de Differdange [...] » (p. 288). Si resté devant la grille rouillée, devant le mur Jean Portante ne fait que rapporter encore en béton armé qui en interdit l’entrée désormais.10 la violence du travail dans les mines, s’il ne peut que dénoncer encore l’exploita- S’ensuit le récit du même épisode déjà rapporté tion dont souffraient les ouvriers, et certaine- dans La Mémoire de la baleine, quand le grand- ment davantage quand ils arrivaient d’Italie, père du narrateur / le grand-père de l’auteur re- composant ainsi un témoignage, à valeur litté- vient chez lui, après l’école et apprend la nouvelle raire incontestable, mais un témoignage parmi tragique.11 Entre les deux versions d’un même d’autres, la véritable vengeance, la véritable souvenir, le narrateur se mue en auteur. Par les revanche se profère toutefois dans les sillons ricochets que ce texte intimiste exerce quinze de l’écriture : dans les traces écrites, gravées, ans après sur La Mémoire de la baleine, tout qui sauvent de l’oubli ces vies et ces morts un pan de l’histoire fictionnelle des Nardelli se données aux Terres Rouges.

9 CIOCARLIE, Corina (éd.), Où demeurer ailleurs que là. Luxembourg, lieux intimes, Luxembourg, Phi, 2007, p. 8. Les textes du recueil ont paru tout le long de l’année 2007 dans le Supplément Livres du Tageblatt. 10 PORTANTE, Jean, « La mine du Thillenberg, à Differdange », in CIOCARLIE, Corina (éd.), op. cit., p. 100. 11 Voici ces deux variations autour du même thème : « Aller travailler, descendre au fond de la mine, c’est aussi la guerre. Avec un ennemi invisible toutefois, d’autant plus redoutable. La dynamite disloque les parois des galeries, et il suffit presque d’un éternuement pour que tout s’écroule. / Non, ce lundi-là, quand il était rentré de l’école, sa mère n’était pas allée faire des courses. Et les ambulances qui, avec ou sans leurs sirènes, faisaient le va-et-vient dans la rue de l’Hôpital, n’étaient pas venues, comme tant de fois, pour un inconnu. Mais son père n’avait même pas eu besoin d’ambulance, parce que, lorsqu’on l’avait retiré de la galerie, son corps était déjà sans vie. Le vent faisait danser la moustache, et le corps était sans vie » (Lmb, p. 108-109) et « Papa était à l’école. Il ne se doutait de rien. Une sirène a hurlé dehors. C’était assez fréquent. L’usine et les mines, comme si elles se vengeaient du minerai arraché au sol, se nourrissaient de chair fraîche. […] Ce jour-là, ce 9 mai 1932, le gros lot était pour papa. Il ne l’a su qu’en rentrant chez lui, au bout de la rue de l’Hôpital ». (« La mine du Thillenberg, à Differdange », p. 101)

69 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

Dans Mourir partout sauf à Differdange, bourgeoise la musique s’écoute avec un volume cette même mine semble se transformer en modéré. [...] c’est justement ça que j’ai crié à chantier, le grand-père en maçon. Une équi- papa et à oncle Frédy : un vrai Luxembourgeois valence entre les deux métiers de mineur et de ne hurle pas comme un putain d’ours. (p. 366) maçon qui collent à la peau et à l’identité des immigrés italiens est établie tout le long du Une aspiration à l’ascension sociale, à la réus- roman, soulignant que c’est bien le statut d’ou- site, pointe. D’autant plus que les deux parents vrier et d’artisan qui est prédominant dans la Nardelli, le père et la mère du petit Clodi, représentation de cette communauté : avaient eu la possibilité, dans leur jeunesse en Italie, d’entamer des carrières de fonctionnaires : Dans ma famille, côté masculin bien entendu, il le père en tant qu’interprète, la mère en tant n’y a, mettons, que des maçons. Normal, nous qu’institutrice. Les aléas de la guerre et le désir venons d’Italie. Les coiffeurs et les maçons d’une vie financièrement meilleure les feront viennent d’Italie. Tout le monde le sait à Differ- renoncer à ces projets : dange. Le savait, la donne a changé. A Differ- dange et dans l’ensemble du bassin minier. Je Mon père nous a cependant empêchés de toutes veux dire, feu le bassin minier, Dieu ait son âme. ses forces de lui emboîter le pas […]. La phrase : Voilà belle lurette qu’on ne retire plus le moindre un bleu de travail dans la famille, ça suffit lar- gramme de fer du sous-sol differ­dangeois. (p. 34) gement, est devenue un généreux cri de guerre, la tentative de nous hisser une fois pour toutes Ce statut d’ouvrier entraîne avec lui toute hors d’un milieu social à l’horizon trop fermé une gamme de discriminations dont rendent et au porte-monnaie trop peu rempli. (p. 397) compte les deux romans. Il y a évidemment les injures qui fusent, davantage dans La Mémoire Cette dimension est également présente dans de la baleine, étant donné l’énonciation prise en Mourir partout sauf à Differdange, où le nar- charge de manière régulière par l’enfant Clodi ; rateur-écrivain exerce de nombreux métiers, à et l’on sait la cruauté des cours de recréation. l’exception de celui d’ouvrier. Dans l’une des Au-delà, cette évocation d’un Differdange avec histoires qui composent le roman, il devient « […] ses habitants qui nous regardent de tra- boucher, non pas par choix ou vocation, mais vers et nous traitent de boccia et de bouffeurs parce qu’il a épousé la fille du boucher : de macaronis et de putains d’ours quand nous ne pouvons pas les entendre » (Lmb, p.159) en Ma manière à moi de venger les humiliations dit long sur les difficultés d’intégration qu’ont d’antan, chevaux de Troie prêts à prendre de rencontrées ces communautés d’immigrés. l’intérieur ce dernier rempart differdangeois La famille Nardelli est constamment tiraillée de pureté gastronomique, à savoir la boucherie entre les deux cultures italienne et luxembour- Meyer, située en face de la place du Marché, geoise, proches l’une de l’autre notamment par pénétrée comme un indicateur s’infiltre dans un le partage de la religion catholique, et pourtant milieu mafieux, ou un espion dans le service de si éloignées dans leurs pratiques respectives, contre-espionnage adverse. Terre de personne comme le suggère encore cette citation tirée de que cette boucherie, à présent, abritant à la fois La Mémoire de la baleine et qui illustre bien les le porc ou le bœuf abattu en territoire luxem- tensions que ce conflit provoquait : bourgeois et les salamis ou les jambons prove- nant de leurs frères italiens. (p. 29) […] parce que c’est justement à ça, prétend Nico, mon meilleur copain, qu’on reconnaît les Terres Rouges, terres natales bouffeurs de macaronis, au boucan qu’ils font quand ils parlent. Un vrai Luxembourgeois, Le ton de Mourir partout sauf à Differdange ça parle sans crier, ça ne hurle pas comme un comme de La Mémoire de la baleine n’est putain d’ours. Et, dans une vraie maison luxem- pourtant pas amer, il ne s’agit pas de régler

12 D’après le titre de l’article que Jean Sorrente a consacré à Mourir partout sauf à Differdange lors de la parution du roman (SORRENTE, Jean, « Les incarnations romanesques de Jean Portante », in Supplément Livres, Tageblatt, n°4, 18.04.2003).

70 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

ses comptes, mais de dresser le tableau d’une minable entrelacs de galeries, semblables à celles époque et d’y inscrire une histoire personnelle. qui rampent, abandonnées, désertées, vidées de Des passages teintés d’ironie reprennent les cli- leur substance, sous les rues et maisons de Differ- chés qui collent aux immigrés, dans l’apparente dange, et moi, le spectre du mineur, pioche et pelle naïveté de l’enfant Clodi qui élabore ainsi toute à la main, errant dans le labyrinthe des veines une théorie sur « la futilité des nationalités » qui, donnant les unes dans les autres, se man- (p. 424), à l’occasion d’une excursion scolaire gent la queue comme des serpents affamés. (p. 7) sur le Tëtelbierg et plus particulièrement sur un site de fouilles romaines : Le rapprochement entre les galeries souter­ raines des mines de Differdange et la mémoire Les ancêtres des Luxembourgeois n’étaient pas de son enfance passée dans ces mêmes terres Luxembourgeois ? Quelle drôle de nationa- devient évident. Le roman s’élance dans la lité. Nous autres, les bouffeurs de macaronis, succession d’une multitude d’histoires que vit nous descendions par contre tout droit des plus le narrateur, qui est en même temps l’écrivain puissants des ancêtres, à savoir les Romains. du roman que le lecteur a sous les yeux. A la fin [...] Quoi ? Avais-je bien entendu ? Avait-il évo- des deux cents pages, le roman s’est écrit, par qué les Romains ? Mes ancêtres à moi ? Pas le biais des fouilles menées dans la propre mé- possible. [...] Oui, les Romains ont habité à moire du narrateur-écrivain, donnant naissance Differdange bien avant que Differdange ne s’ap- à ces récits aussi bien fictionnels que personnels. pelle Differdange et Niederkorn Niederkorn. Les Terres Rouges font l’objet dans le [...] Voilà les vrais ancêtres des Differdangeois : diptyque de Differdange d’une représentation mes ancêtres à moi, les Romains. Charly et chargée affectivement, et donc éminemment moi, Nico et moi, Josiane et moi, Michèle et personnelle. Des images poétiques sont susci- moi et même monsieur Schmietz et moi, sœur tées par l’évocation de la poussière des chemi- Lambretta, monsieur Erpelding et moi, nous nées, le rouge de cette poussière née de l’ex- étions les branches d’un même arbre. Et j’étais ploitation des terres, qui teinte les occur­rences le seul à le savoir. (p. 341-342) de Differdange. Or,

Il est dès lors révélateur que dans l’une des [l]e temps passe. La preuve, il n’y a aujourd’hui « incarnations romanesques »12 de Mourir plus de sang, le soir, dans le ciel de Differdange, partout sauf à Differdange, le narrateur-écri- mais beaucoup de nostalgie, de jour, dans les vain devient un anthropologue qui descendrait rues, les façades en témoignent : rouge gris dans les terres à la recherche des « restes d’un elles étaient, rouge gris elles restent, comme ancêtre de l’homme pas encore répertorié par la si clandestinement, alors que tout le monde science jusque-là ». (p. 244) Le travail de l’an- dort, on continuait à fondre du minerai de fer thropologue est identifié à celui de l’écrivain qui, dans l’usine d’à côté, comme pour ne décevoir lorsqu’il entreprend un projet autobiographique, personne ou ne pas perdre la main, on ne sait fouille lui aussi les tréfonds de sa mémoire jamais. (Mpd, p.144) pour en tirer la substance nourricière­ de son identité. Cette identité est chez Portante inex- Dans les deux romans, la représentation de tricablement liée à la terre – le rapprochement Differdange est caractérisée par la nostalgie, avec l’anthropologie en étant la preuve –, une la nostalgie non seulement de l’enfance que terre rouge en l’occurrence. Cette corrélation suscite toute remémoration entreprise par un s’énonce ainsi dès l’incipit du roman, éclairant adulte, mais de cette terre qui fut une terre d’ac- par anticipation le déroulement du récit à venir : cueil pour de nombreuses familles immigrées, qui fut une terre nourricière. A la fin du roman, Désormais, je sais pourquoi je n’arrive pas à le narrateur de La Mémoire de la baleine revient écrire mon roman. Cela fait plus de sept ans que à Differdange et se demande : je descends l’escalier qui mène à l’échec, au rien, un escalier mécanique, un ascenseur plutôt, Combien de fois avais-je maudit ces hauts four- m’enfonçant dans les sous-sols de la terre, tou- neaux et ces cheminées-là, crachant leur sale jours plus bas, jusqu’aux souterrains de l’ima- poussière au-dessus de la ville, une poussière gination, dans un univers lacéré de millions de s’engouffrant partout et menaçant à chaque coups de pioche et de pelle ayant creusé un inter- moment de ralentir l’engrenage de la vie quoti-

71 Terres Rouges Differdange, Terres Rouges ou l’ancrage identitaire chez Jean Portante

dienne ? Quelle idée de mettre une usine au mi- tunnel qui pourrait se faire rejoindre le mal du lieu d’une ville, avait dit Sandra [...]. Mais c’est pays de la mère et les aspirations de réussite so- le contraire, lui avais-je répondu, l’usine était ciale du père, ce tunnel qui est encore comparé, la première, la ville est venue après. (p. 470) dans Mourir partout sauf à Differdange, au « la- byrinthe de veines […] qui trouent le sous-sol de Differdange est sa ville natale, comme elle est Differdange à la manière d’un Gruyère ». (p. 104) celle du narrateur-écrivain de Mourir partout Tous les chemins de Portante sem- sauf à Differdange et au-delà, celle de l’auteur blent ainsi mener à cette terre du bassin minier, Jean Portante. Un détail d’ampleur pour la cœur des deux romans où l’entreprise de remé- place privilégiée que le bassin minier occupe moration autour de la ville de Differdange est dans son oeuvre. Les évocations de la maison inextricablement liée à l’entreprise romanesque natale dans les deux romans le rappellent : « une et poétique, dans l’interrogation des domaines maison natale, c’est tout de même important ». limitrophes de la fiction et de l’autobiographie. (Lmb, p. 30) La maison natale fonctionne La présence des Terres Rouges dans les deux comme point d’ancrage identitaire, comme le romans témoigne finalement de l’ancrage iden- symbole aussi d’une mémoire. Les nombreuses titaire que seule l’écriture parvient à constituer occurrences de la maison natale, rue Roosevelt chez Portante. Bouclant la boucle avec le début à Differdange, contrebalancent dès lors les sen- de ce survol du diptyque de Differdange, c’est timents latents d’exilé chez les narrateurs des ainsi encore la langue d’écriture de Portante, deux romans. cette étrange langue qui aura le fin mot : La question de l’exil renvoie inlassa- blement à l’idée d’un voyage originel auquel Je porte en moi un pays physique et un pays de l’auteur comme les narrateurs du diptyque sur mémoire collective, fictive. Depuis le départ, Differdange n’ont pas participé et qui est à la tout a oscillé entre ces deux pôles, ce qui m’a source du sentiment d’aliénation ressenti : né fait prendre ce voyage pour la réalité alors à Luxembourg, mais de parents immigrés ita- qu’il était fiction. J’ai dû inventer un paysage liens, ils semblent appartenir irrémédiablement à cette dualité : la baleine. Elle a fait le long à une terre de l’entre-deux, un ni ni qui les assi­ voyage de la terre vers l’eau et n’a gardé en elle mile aux baleines. Chez Portante, le thème du la terre que comme pays de fiction. [...] Chez voyage est lié par conséquent à ce sentiment moi, le poumon serait la langue, quelque chose d’aliénation originelle, métaphorisé dans les à l’intérieur que je ne peux utiliser mais qui me deux romans par le passage du tunnel du Saint- rattache à la fiction de l’origine. Elle filtre mon Gothard qui sépare les deux côtés des Alpes ; ce existence même.13

13 PORTANTE, Jean, « La langue filtre mon existence », propos recueillis par Kristel PAIROUX, inLe Quotidien, 31.03.2004.

72 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante Marion Colas-Blaise

Quelle place la littérature migrante au Luxem­ car elle est le lieu d’une vision unique, d’une bourg1 réserve-t-elle aux Terres Rouges ? Dans quête de soi et des autres, un espace où s’éla- quelle mesure celles-ci alimentent-elles l’ex- bore la langue d’écriture, langue où se meut la périence créatrice de certaines des personnes voix de chaque écrivain, son souffle, son rythme, qui sont venues s’installer sur nos terres, ou sa respiration, son corps, son être.2 qui sont des descendants de deuxième ou de troisième génération, de celles et de ceux qui Cependant, à l’évidence, toute création ne ont quitté leur pays d’origine pour un pays relève pas d’une littérature de l’exil. Celle- d’accueil ? Après une rapide caractérisation de ci mérite également d’être distinguée de la la littérature migrante par rapport à des littéra- littérature postcoloniale et de la littérature tures proches – la littérature de l’exil et la lit- migrante. D’où la nécessité d’une clarification térature postcoloniale – (première partie), il notionnelle, afin que se précisent les frontières, s’agira, ensuite, de dégager quelques modèles certes perméables, entre différents continents rendant compte de la manière dont l’immigrant littéraires parents. négocie son rapport à la terre d’accueil et d’en On se contentera, ici, de noter qu’étymo- repérer les traces dans l’ouvrage La mémoire logiquement, l’exil, c’est-à-dire « l’expulsion de la baleine hors de la patrie », est synonyme de « malheur » de Jean Portante (deuxième 3 partie). Ce même ouvrage sera à la base d’une ou de « tourment » . Fréquent tout au long de réflexion sur la médiation opérée par la langue : l’histoire, ce phénomène concerne entre autres il importera de montrer en quoi c’est la langue, des intellectuels et des écrivains à des périodes ou plutôt, en ce qui concerne Differdange, la de fortes persécutions politiques et religieuses coexistence, selon des modalités à déterminer, (pour fuir la censure et la répression). Au XXe de plusieurs langues qui règle l’insertion dans siècle, on retiendra notamment ceux qui, tels le tissu social (troisième partie). Enfin, on se de- Thomas Mann ou Bertolt Brecht, fuient le mandera dans quelle mesure les tensions ainsi nazisme, ou encore les dissidents russes, tel générées sont répercutées également au niveau Victor Serge Soljenitsyne. S’en distingue l’émi- de la manifestation linguistique, du « style » de g­ration volontaire d’écrivains qui, à l’image de l’auteur (quatrième partie). Henry James, de Joyce ou d’Aldous Huxley, gagnent le continent européen ou les États- 1. La littérature migrante et les Unis. On y ajoutera Ionesco, qui a quitté la littératures parentes Roumanie en 1938 pour « monter » à Paris. L’exil choisi peut constituer non seulement une Pour baliser le champ des investigations, on stratégie littéraire, mais une forme de vie. pourrait mettre en exergue la phrase du poète Quant à la littérature postcoloniale – celle, tunisien Tahar Bekri : par exemple, de Tahar Ben Jelloun ou d’Azouz Begag –, on notera brièvement qu’elle vise, sur- Toute création véritable, et cela est encore plus tout depuis une vingtaine d’années, à scruter les manifeste dans la création poétique, est un exil, rapports entre les (anciennes) colonies françaises

1 Au sujet de la spécificité de la littérature migrante dans un contexte multilingue et pluriculturel, voir notamment Jeanne E. GLESENER, « La littérature de l’(im)migration au Luxembourg », in CONTER, Claude D. et GOETZINGER, Germaine (éds), Identitäts(de)konstruktionen. Neue Studien zur Luxemburgistik, Luxembourg, Éditions Phi & CNL, 2008, p. 111-130. 2 BEKRI, Tahar , « Exils », in Littératures de Tunisie et du Maghreb, suivi de Réflexions et propos sur la poésie et la littérature, Paris, L’Harmattan, 1994. 3 RANVIER, Alain, notice « Exil », in ARON, Paul et alii (éds), Le dictionnaire du littéraire, Paris, PUF, 2002, p. 214.

73 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

et britanniques et la métropole colonisatrice ; 2. Comment penser le rapport à l’accent est également mis sur les métissages l’autre ? Transculturation et raciaux et culturels auxquels peuvent donner métissage, plutôt qu’acculturation lieu l’entrée en contact de deux mondes et la création peut-être d’un « tiers espace »4. La Comment construire la figure de l’Autre ? La langue française devient le dépositaire de ten- question doit être envisagée selon deux pers- sions fondamentales : elle est ressentie comme pectives, strictement complémentaires : celle du une langue de libération qui, en tant que langue sujet collectif, dans un espace social donné, qui de la colonisation, fait en même temps l’objet accueille l’Autre ; contraint d’en négocier l’en- d’une interrogation fondamentale. trée dans son espace, de traiter le dissemblable, Enfin, si la littérature de l’émigration a la différence, l’« étrangéité », il doit aussi repen- ponctué les siècles – au moment de la Révo- ser sa propre identité, selon qu’il la considère lution française, lors du peuplement du Nou- comme « menacée » ou comme pouvant se mo- veau Monde au XIXe siècle… –, la littérature difier en s’enrichissant au contact de l’Autre ; migrante constitue, selon Paul Aron5, un phé- enfin, la perspective de l’Autre, du groupe qui nomène relativement récent, lié à l’essor du vise à prendre pied dans l’espace d’accueil et capitalisme. Ainsi, en ce qui concerne le monde s’oblige, à cette fin, à transformer sa propre francophone européen, les immigrations ont identité culturelle. d’abord frappé le sud de l’Europe (surtout Il s’agit ainsi pour nous de réfléchir aux mo- l’Italie, l’Espagne, le Portugal) entre les deux dalités de ces transformations, aménagements, guerres, avant de toucher l’Afrique du Nord et, adaptations, qu’on peut éclairer sous l’angle des jusqu’à un certain point, l’est du bassin médi- stratégies de traitement du dissemblable, qui terranéen dans les années 1960. Si l’on cherche permettent une médiation du rapport à l’Autre et à dégager des traits définitoires, on dira que, en donc un autre mode de présence à nous-mêmes. mettant face à face des groupes sociaux et des Quoiqu’apparemment contraires, les straté- réalités culturelles différents, la littérature mi- gies de l’exclusion et de l’assimilation reposent, grante soulève avec force des questions iden- en réalité, sur un accord tacite : face à l’Autre, titaires : il s’agit moins de s’intégrer dans une qui est d’abord l’étranger, défini par sa dissem- nouvelle culture en abandonnant la sienne que b­lance, il s’agit, dans les deux cas, de préserver d’opérer une « transculturation » (F. Ortiz), la « pureté » du groupe d’accueil, soit en rejetant­ qu’il faudra distinguer de l’acculturation, trop et en éliminant l’autre, soit en opérant une souvent mise en avant. Avant un approfon­ standardisation qui nie toute différence et refuse dissement de ces notions, on en pointera, à la le droit à la différence, et donc une ingestion suite de Paul Aron, deux conséquences immé- de l’autre. Dans un cas, il s’agit de préserver diates : i) l’impossible retour au pays d’origine le soi des éléments surgis du dehors, qui sont – le voyage permet à l’immigré de constater le vécus comme une menace. Dans l’autre, la décalage entre la mémoire collective mythi- fusion dans la masse signifie aussi la disparition fiante et la réalité : le pays d’origine n’est pas de ce qui est différent. Soit, l’autre est privé de une terre d’accueil dont il pourrait se sentir son existence (exclusion) ; soit il est ramené à proche ; à l’inverse de l’écrivain postcolonial, du même. Ici et là, en traçant une frontière entre il ne peut le considérer comme une « terre le « dedans » et le « dehors », les stratégies de repli » ; ii) la réflexion sur la langue, dans la visent la stabilisation d’un état et elles éliminent mesure où celle-ci répercute les tensions liées tous les éléments dynamiques qui pourraient aux contacts ou aux conflits entre les pratiques conduire à inventer de nouvelles formes de linguistiques : par exemple, entre la langue coexistence et mener à un renouvellement des première, celle du milieu familial, qui prend formations culturelles. une forme volontiers dialectale, et la langue du On y opposera les stratégies mixtes, qui pays d’accueil, qui peut constituer la langue de visent sans doute à maintenir un certain équi- la scolarisation. libre, mais sans exclure l’évolution, la mobilité

4 DELVAUX, Martine & CARON, Pascal, notice « Postcolonialisme », ibid., p. 482. 5 ARON, Paul, notice « Migrante (Littérature) », ibid., p. 387-388.

74 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

internes. Quelle que soit la perspective, celle contraire, à la fois vrai et faux, noir et blanc, bon du « Nous » de la terre d’accueil, ou celle du et mauvais », écrit Alexis Nouss8. On consta- migrant, il s’agit avant tout de produire du tera, enfin, la perte des spécificités, dans la me- sens en se positionnant par rapport à l’Autre : sure où les identités peuvent voler en éclats. comment « se reconnaître en l’Autre, ou se Comme le note Alexis Nouss, « transculturel découvrir soi-même comme Autre »6 ? est l’usage d’une lingua franca à côté des lan- Faut-il, dans ce cas, parler d’acculturation gues communautaires : le latin, l’arabe, le russe du migrant ? La première acception répertoriée à l’époque du bloc soviétique, le turc, l’anglo- par Le Petit Robert met en évidence la parenté américain aujourd’hui. […] le transculturel […] sémantique avec l’assimilation : il est question est statique, fixe et fixateur. Il bénéficie d’une non seulement de l’assimilation des valeurs de fixation puisque les deux composantes doivent l’Autre – ici du groupe d’accueil – mais encore interrompre leur devenir respectif afin de trou- de l’assimilation à l’Autre, de l’absorption par ver cette forme commune transculturelle »9. – de la fusion dans – la société d’accueil, qui C’est ce dernier point qui nous incite à entraînent la soumission des valeurs propres, de pousser la réflexion plus avant. Dans quelle l’« étrangéité », à un mouvement d’homogénéi- mesure la littérature migrante participe-t-elle à sation et de normalisation ou uniformisation. un tel processus de transculturation ? Un autre De ce point de vue, la transculturation cor- type de modélisation serait-il envisageable, qui respond à une expérience plus satisfaisante de écarte le risque d’un figement et préserve les reconnaissance de l’altérité en nous-mêmes. chances d’une vraie dynamique ? La notion de Le modèle autorise une pensée non seulement transculturation peut être confrontée avec profit du conflit et de la tension, mais encore dela à celle du métissage, tel que le décrit Alexis transformation. Comme le note Alexis Nouss, Nouss : il s’agit, dans ce cas, d’appartenir un chercheur canadien, le terme « transcultu- pleinement­ à plus d’une culture, de se prévaloir ration », qui apparaît chez l’ethnomusicologue de plus d’une identité. L’exemple qu’il donne cubain Fernando Ortiz en relation avec la situa- est éloquent : Alice, de Lewis Carroll, peut être tion culturelle de son île, « désigne l’ajustement des deux côtés du miroir, toute petite ou toute de l’immigrant à son nouveau statut par un grande, en fonction des métamorphoses opé- processus de négociation entre les éléments de rées. Le métissage est intrapersonnel, dans la son ancienne culture et ceux de la nouvelle »7. mesure où l’opération s’opère au niveau même Trois traits méritent alors d’être soulignés. On de l’individu, du jeune beur, par exemple, qui notera, tout d’abord, le caractère interpersonnel, noue en lui l’héritage maghrébin à l’héritage interculturel et donc collectif du transculturel. français. Alexis Nouss rapproche le métissage Ensuite, l’hybridité résulte de la rencontre entre du « bricolage » tel que peut l’entendre l’anthro- deux composantes culturelles telles celles à la pologue Lévi-Strauss dans La Pensée sauvage : base de l’arabesk de Turquie, mélange du fonds le bricolage permet de construire une nouvelle ottoman et des influences du monde arabe. réalité en faisant coexister des structures, en La création originale trouve son ancrage dans les incorporant dans un tout, sans les unir, sans l’entre-deux des cultures en présence ; l’espace « fondre [les] composantes dans un ensemble fu- médian correspond à un « hors-lieu », de l’ordre sionnel » ni leur faire perdre leurs spécificités10. de la combinaison, du « et… et… », délesté En même temps, si pour Alexis Nouss, de la valeur négative que revêt le « non lieu » « le métissage, c’est le même et l’autre »11, (de l’ordre du « ni... ni… »). Le transculturel si c’est être pleinement ceci et cela, la con­ relève ainsi d’une pensée du compromis, de la jonction « et » pourrait être remplacée par « ou » : conciliation, de la synthétisation : « ceci et son alors que l’hybridité signifie le mélange, la

6 LANDOWSKI, Éric, Présences de l’autre, Paris, PUF, 1997, p. 24. 7 NOUSS, Alexis, « Métissage, transculture et singularité », in OUELLET, Pierre (éd.), Politique de la parole. Singularité et communauté, Québec, Éditions Trait d’union, 2002, p. 103. 8 Ibid., p. 106. 9 Ibid., p. 104. 10 Ibid., p. 110. 11 Ibid., p.104.

75 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

conciliation, il s’agit, précisément, d’être « tour Le « non lieu » est le lieu de la privation, à tour, et pleinement à chaque fois »12, alternati- de la menace de l’a-signifiance, qui se traduit vement. Le métissage ne fait pas perdre les traits négativement : les difficultés à prendre pied, singularisants, mais les intègre dans un projet à avoir une emprise sur la réalité, sont mani- inédit. Ainsi, dit Alexis Nouss, « le Turc n’est festées figurativement par la précarité, l’étouf- pas mi-occidental mi-oriental mais tout à fait fement des bruits, les blocages au niveau de la pa- occidental et tout à fait oriental. Le sujet métis role, les gestes furtifs, les mains qui soustraient n’ignore pas les frontières, il les reconnaît mais le visage aux regards et essuient les larmes : est autant à l’aise d’un côté que de l’autre »13. Le principe de base étant celui de l’alter- […] Nando regarda Maddalena dans les yeux, nance, le zapping pourrait constituer, selon parce qu’elle aussi avait une question dans les lui, un exemple de l’expérience esthétique du yeux, non, tout un essaim de questions qu’elle métissage. C’est permettre la reconnaissance de n’avait cessé de formuler dans sa tête en che- l’altérité, son maintien, celui de la différence, min, […], tout comme Nando n’avait cessé, de- plutôt que sa négation, qui entraînerait une perte puis le même moment, de formuler ses questions de sens : « Face à face où l’autre n’est jamais à lui, inscrites dans leurs regards maintenant, réduit au même, où la distance est maintenue lors gravées dans chaque trait de leur visage, […], même que le dialogue s’établit »14. Le métissage tandis que ni Maddalena ni Nando n’osaient est ainsi, toujours et nécessairement, en devenir, ouvrir la bouche, par peur d’interrompre le si- une réalité mouvante, qui exhibe les différences, lence qui avait accompagné jusque-là le bruit à les inégalités, plurielles, infiniment. L’espace peine audible de leurs pas, des pas sans chaus- correspondant n’est alors ni un « non-lieu », sures, avec des petits bouts d’étoffe pleins de ni un « hors-espace », mais peut-être un « tiers es- poussière enroulés autour de leurs pieds, un pace », qui préserve la possibilité du battement15. bruit à peine couvert par les murmures des Dans quelle mesure l’ouvrage La mé- autres Nando et des autres Maddalena qui moire de la baleine fait-il s’entrecroiser les avaient sans doute les mêmes questions dans les expériences de l’assimilation/acculturation, yeux […]. (La mémoire de la baleine, Luxem- dont le « non lieu » est une figuration, de la bourg, Éditions Phi/XYZ, 1993, Bordeaux, transculturation, liée au « hors-espace », et Le Castor Astral, 1999, p. 43) du métissage, en rapport avec le « tiers es- pace » ? Plus exactement, si tout migrant […] les lèvres de Maddalena étaient cachées s’installe dans un « entre-deux » qui est de derrière ses deux mains, tout comme y étaient ca- l’ordre du « ne plus » et du « pas encore » chés le nez et les yeux et le visage entier, et elles – ce n’est plus le village d’origine, et pas étaient tout humides les mains de Maddalena, encore le pays d’accueil –, dans quelle mesure […] et si les mains de Maddalena ainsi que celles l’interstice devient-il habitable, dans quelle des autres Maddalena étaient humides, c’était mesure devient-il producteur de sens ? Ou en- à cause des larmes qu’elles séchaient sans se core, comment passer du « ni… ni… » à du « il faire remarquer de leurs Nando […]». (p. 48) y a quelque chose qui fait sens » ? Les difficultés se traduisent également et sur- tout par une confusion généralisée, qui rend L’expérience du « non lieu » impossibles la saisie de la réalité, l’analyse de la situation ; or, sans une telle analyse, sans L’expérience du « non lieu » correspond l’étab­lissement de différences entre les très exactement à l’émigration, à la rupture, éléments et sans l’instauration de rapports, au voyage hors du pays, en direction de ce pas de sens. « Lussemburgo » auquel les bruits qui cir­culent Plus globalement, la rupture avec le pays ont du mal à donner une forme. d’origine entraîne un trouble identitaire. Qui

12 Ibid., p. 105. 13 Ibid., p. 106. 14 Ibid., p. 110. 15 Voir Martine Delvaux & Pascal Caron au sujet du postcolonialisme, in ARON et alii (éds), op. cit., p. 482, même si le « tiers espace » tel que nous le concevons en relation avec le métissage n’est alors de l’ordre ni de l’hybridité, ni de l’ambivalence, mais plutôt de l’ambiguïté (cf. NOUSS, Alexis, art. cit., p. 106).

76 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

suis-je ? Comment suis-je relié à mon passé ? fiante qui naît de cette rencontre exige ainsi une Ou encore, pour employer les termes du philo­ mise en commun des éléments et elle se traduit sophe Paul Ricoeur, dans quelle mesure mon Soi par une perte des traits singuliers, le gommage se réalise-t-il par la répétition et la similitude, des identités, au profit d’une identité mixte, qui par la permanence des rôles, des parcours narra- émerge et finit par se doter de contours stables. tifs et figuratifs caractéristiques de mon passé (le On pourrait la résumer par la formule « l’identité Soi-idem) ? Dans quelle mesure puis-je égale­ de l’Italien luxembourgeois » ou « l’identité du ment me projeter dans le futur, avoir des visées Luxembourgeois italien ». On voit que dans les éthiques, esthétiques…, construire un parcours deux cas, la nouvelle identité transculturelle, qui cohérent (le Soi-ipse) ? En l’occurrence, il arrive a la fonction d’une instance de médiation entre que les repères fassent défaut ; le passé n’informe les cultures, prend la forme d’un terme complexe plus le futur, qui, ne pouvant plus être anticipé, où s’allient les contraires, du type « et… et… ». devient menaçant ; englobé dans la masse – « les Dans La mémoire de la baleine, c’est le Nando » et « les Maddalena » –, anonymisé, retour au pays de l’adulte qui fait visiter le l’émigrant est réduit à un « non sujet », qui subit village de ses ancêtres à sa femme qui sert la situation plutôt que de la maîtriser : de révélateur : les sensations – en particulier l’ouïe – permettent de reconstituer une réalité […] les questions que Nando lisait dans les qu’il imaginait différente, de renouer avec un yeux de Maddalena, et celles que Maddalena passé que la mémoire a transfiguré, accommodé, lisait dans les yeux de Nando, et que tous les réarrangé. Dira-t-on que la mémoire trahit la autres Maddalena et Nando lisaient dans leurs réalité italienne ? Peut-être l’ajuste-t-elle à yeux réciproques, ne parlaient pas de passé, la vie que le héros mène à Differdange, pour parce que ce qui les angoissait ce n’était pas le constituer un tout de sens. Celui même de la passé, ils le connaissaient bien leur passé, […], « fiction autobiographique », où se mêlent souve- non, c’était le futur qui leur faisait peur, parce nirs et imagination, où le re-vécu – le passé vécu qu’ils l’imaginaient à la fois exactement pareil à nouveau dans le présent – est immédiatement et tout à fait différent du passé, et le temps s’em- repensé, transfiguré, et mis à distance. On peut brouillait dans leurs têtes, le temps avec deux ainsi lire les phrases liminaires du roman : côtés, à gauche le passé, puis un gros trait de sé- paration, ensuite, dans l’hémisphère droit, le fu- Le bar est encore là. Mais ce n’est plus le même tur, et si le temps s’embrouillait dans leurs têtes, bar. C’est le même et pas le même. La grande c’était parce que, les réponses aux questions du porte est devenue plus petite, moins haute. Une futur, ils allaient les chercher dans l’hémisphère marquise et une enseigne lumineuse lui ont du passé, alors que l’hémisphère du futur n’ar- coupé la tête. rivait pas vraiment à répondre à leurs questions Voilà ma première impression de ce premier du passé, et la chose s’emmêlait encore davan­ retour. Les dimensions ont changé. Tout est tage dans leurs têtes puisqu’ils savaient fort bien soit plus petit, soit plus grand que je ne l’avais quelles questions poser par rapport au passé, pensé. Rien n’est resté tel quel dans ma mé- mais ignoraient en revanche quelles seraient moire. (p. 15) les vraies questions de l’hémisphère du futur, si bien que les deux hémisphères n’étaient pas Le corrélat affectif de cette re-con­naissance pro- vraiment des hémisphères avec un gros trait de sé- blématique, c’est d’abord le vertige : « Quand paration au milieu, mais plutôt une seule grande je me suis retourné, pour examiner à mes pieds boule où s’emmêlaient les ques­tions sans ré- le village, le vertige m’a pris » (p. 15). L’auteur ponses et les réponses sans questions. (p. 44-45) cependant ajoute : « Tout n’est pas perdu. Le temps n’a pas touché à la musique, me suis-je L’expérience du « hors-espace » dit ». Tout n’est pas perdu, justement. L’ex- périence n’est plus celle de l’a-signifiance, La transculturation donne lieu, nous l’avons dit, mais de la complexité du sens qui s’ébauche à à la production d’une nouvelle unité, à partir partir des contraires qui s’appellent et s’allient : de deux composantes culturelles – ici l’Italie et « L’église s’est aussitôt vidée et le prêtre nous le Luxembourg –, par hybridation et fusion, au a dévisagés longuement. Je sais que vous profit d’une création inédite. La formation signi- n’êtes pas d’ici, a-t-il fini par dire, et pourtant

77 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

quelque chose vous y rattache » (p. 18). Plus de bascule. Ou plutôt, le passé et le présent ne loin, l’auteur écrit : valent que conjointement, à travers les rapports non dénués de tensions qu’ils nouent entre Mais la maison qui se trouve là, après la qua- eux. L’un s’impose sur le fond de l’autre, qu’il t­rième porte, notre maison, n’est pas le lieu de invite à passer au premier plan en retour. Tel est le ma naissance. Ce n’est qu’une maison parmi secret de l’expérience dont il parle dans le d’autres de mon enfance. J’y tiens et je n’y tiens premier chapitre : pas. Je la reconnais et ne la reconnais pas. (p. 21) Je me dis encore ceci, et c’est le prêtre de la Une re-connaissance difficile, douloureuse Madonna qui en a donné le déclic : mon en- même, qui est fondamentalement une quête fance, ou plutôt l’image que je m’en fais, m’ap- du sens : celle-ci se heurte à la tentation de la paraît bipolaire, désespérément mobile, un monoculturalité, quand le présent congédie le fragile va-et-vient d’une maison à l’autre, d’un passé en le virtualisant. Ce à quoi l’hybridation pays à l’autre, d’une langue à l’autre, comme doit faire barrage, c’est, précisément, à ce si, en réalité, deux êtres vivaient en moi, ou un nappage uniformisant qui se traduit par la être doté du don de l’ubiquité, deux êtres co- liquidation – la soustraction, de la même façon hérents et antagoniques, plantés opiniâtrement qu’on peut parler d’un bilinguisme soustractif dans leurs mondes si différents et si identiques à – d’une part du vécu : « Nous avons donc la fois, se livrant la plus insolite des guerres par parlé, écrit Portante dans le premier chapitre peur de sombrer dans l’oubli. du roman. J’ai tenté d’expliquer comment, Je passe ainsi, sans effort, de la cuisine toute en m’approchant de San Demetrio, je m’en blanche de la rue Roosevelt, escorté par la voix éloignais brusquement. Comment en tentant stridente de Pol Leuck commentant à tue-tête d’imaginer dans quel état se trouverait notre la guerre de Corée et le retour des volontaires maison, elle s’est effacée de mes pensées et a luxembourgeois, à la chambre à coucher de cédé la place à notre maison de Differdange, ma Cardabello avec ses mouches malgré le tamis maison natale » (p. 21). Dans ce cas, contraire- vert des fenêtres, remplie encore du carillon ment à l’expérience de la transculturation, le conjoint des cloches de Santa Nunziata et de la passé se trouve virtualisé. Madonna. (p. 22) C’est grâce aux couches de profondeur de la La création du « tiers espace » mémoire, grâce à son épaisseur qu’il est possi- ble de drainer vers le présent certaines au moins De fait, c’est la re-création littéraire, à travers des expériences du passé, de les faire re-vivre, l’autobiographie fictionnelle ou la fiction auto- en les re-présentant cette fois-ci dans leur im- biographique, qui permet d’accéder à un troi- médiateté : sième niveau, celui qui correspond au métissage. Il ne s’agit ni d’amputer le présent du passé, ni Attention, tout à l’heure j’ai peut-être dit à de hâter la fusion des éléments dans un amal- présent, deux fois même, mais cela ne signifie game qui en érode les contours. Il s’agit bien nullement qu’il s’agit du même moment. Et cela plutôt de maintenir le battement entre les deux ne veut pas non plus dire que je parle du pré- cultures et les deux langues, la possibilité du va- sent d’aujourd’hui, là, au moment de raconter, et-vient, de l’alternance du type « ou… ou… ». d’écrire. Il s’agit plutôt d’un présent de la mé- Telle est l’expérience d’un véritable dé­ moire, d’un cadeau du temps, d’une présence à doublement spatial et temporel décrite par l’intérieur du souvenir déclenchée sans doute par Portante lui-même, quand il relate le retour de cette photo que je tiens dans mes mains. (p. 78) l’adulte au pays de ses ancêtres. Il faut que le passé et le présent cessent de se combattre : La mémoire ne trie-t-elle pas d’elle-même les plutôt que de tendre à « prendre le dessus » faits importants, enfouissant dans l’oubli ceux (p. 22), le présent italien doit se superposer au qui ne sont pas nécessaires ou pénibles, relé- vécu luxembourgeois sans l’effacer, sans y porter guant au second plan ceux qui peuvent encore atteinte ; relégué provisoirement au second plan, attendre ? Elle me joue vraiment de sales tours celui-ci doit être prêt à passer de nouveau au ces jours-ci, ma mémoire, et des choses que je niveau de la réalisation dans un mouvement croyais oubliées à tout jamais surgissent sou-

78 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

dain, jaillissant comme un jet d’eau, comme 3. L’« étrange langue » l’énorme colonne blanche s’échappant de l’évent d’une baleine. (p. 81) En effet, la langue subit elle-même cet effaçon- nement, devenant pour Jean Portante l’« étrange Il semblerait, pourtant, que le métissage ne langue ». Rappelant la métaphore de la baleine corresponde qu’à une forme de coexistence du et établissant une comparaison avec les aména- passé et du présent, toujours mobile, toujours en gements que peut entraîner la traduction d’un devenir, et souvent hors de portée. Finalement, texte, Jean Portante la décrit ainsi : si le va-et-vient s’autorise d’une structure bipo- laire, peut-être ne s’agit-il pas tant de ressus­ Car c’est quoi une baleine ? citer le passé par la mémoire – il s’efface ou Aujourd’hui nous savons qu’elle vit dans l’eau. s’estompe – que de le recréer, indéfiniment : Mais il n’en a pas été toujours ainsi. La science nous a appris que, avant son séjour maritime, la Mais aujourd’hui je sais que deux éternités, ça baleine vivait sur terre. [...] il y a, dans la ba- n’existe pas. C’est tout simplement le temps qui leine, une chose, une chose capitale, qu’elle a passe, l’oubli qui grandit, la mémoire qui rétrécit laissée telle quelle, intacte. Ses poumons. Ce qui et cède le pas à la raison. La mortadelle ambre lui permet de respirer. Le souffle. Voilà donc, gris et les petits-beurre [les aliments qu’explo- que pour pouvoir vivre dans son nouvel environ­ rant le monde par l’odorat, le personnage as- nement, la baleine a effacé tout son corps, mais a socie à l’Italie et au Luxembourg] ne sont que gardé ses poumons, son âme en quelque deux héros de la guerre du temps se déroulant sorte. […] La métaphore de la baleine, on à l’intérieur de moi, ennemis et complices, des l’aura compris, m’est venue pour transposer en prétextes. De futiles prétextes me cachant sans littérature le thème de la migration. Le thème vraiment le dissimuler ce que je sais depuis de mon moi intérieur, puisque je suis issu de longtemps : la seule mémoire possible est pré- l’immigration. De l’effaçonnement donc qu’on cisément la mémoire possible. (p. 97-98) opère sur soi quand on se met en voyage. […] Cela me ramène à la traduction. Les mots qui de La mémoire des possibles – se risquera-t-on l’inconscient viennent à la conscience, je veux à ajouter. La mémoire subit elle-même une dire les mots de l’écrivain, ont fait un long sé- fiction­nalisation, celle qui autorise précisément jour dans son imaginaire avant qu’un déclic de parler de biographie fictionnelle ou de fiction ne les déverse sur la page blanche. Dès que, autobiographique. Le façonnement de la mé- cependant, ils quittent leur terre pour, par l’in- moire doit agir contre l’oubli. Ou plutôt : privi- tervention du traducteur, en rejoindre une autre, légiant l’hybridation aux dépens du métissage, ils échappent à cet imaginaire-là pour se verser souvent hors d’atteinte, la mémoire façonnée dans celui du traducteur. Il y a, comme chez la intègre l’oubli, l’effacement d’une partie du baleine, effaçonnement. […] vécu. « Tout migrant sent ou sait qu’en quittant L’Étrange langue serait alors celle qui, tout un lieu, il s’effaçonne », écrit Jean Portante16. en effaçant une langue originale d’un livre, Portant la marque d’un amalgame partiel, en garderait le poumon, ce qui lui a permis de c’est-à-dire d’un syncrétisme qui fait émerger respirer. (L’étrange langue, p. 224-227) une seule unité indécomposable (à travers la troncation du mot « effacement »), le terme de L’« étrange langue », qui constitue un fait iden- « effaçonnement » concentre les tensions vives titaire, est d’abord plurielle : elle correspond entre les différentes figures de l’« entre-deux », au réservoir linguistique des immigrés, émi- en faisant triompher le « hors-espace ». On nemment variable en fonction de la compétence montrera dans la troisième partie que la langue acquise, et ajustable en fonction des situations en constitue un révélateur de choix. de communication, des usages et des besoins :

16 Cf. « L’étrange langue », in BOGGIANI, Jos et alii (éds), Paroles et images de l’immigration. Langue, Littérature et Cinéma : témoins de la présence italienne au Luxembourg et dans la Grande Région, Luxembourg, Publications de l’Université du Luxembourg, 2006, p, 221-231.

79 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

[…] trois [langues] étaient d’usage désormais sait cependant de mots n’appartenant à aucune chez nous : l’italien, non seulement parce que langue, ou communs aux trois […]. (p. 229) maman ne voulait pas l’abandonner, mais aussi à cause des nouveaux venus qui […] transpor- Parmi les créations linguistiques les plus intéres- taient dans leurs bagages […] le plus précieux santes inventées par ma mère, deux mots sont des trésors, disait maman, à savoir la langue restés dans ma mémoire, comme deux béquilles du pays natal, de plus en plus bizarre pour mes que je n’ai pas osé abandonner. Gattone et pla- oreilles ; le luxembourgeois ensuite, parce que, fone, deux mots venus tout droit du français et à la différence de ma mère qui ne sortait de chez importés par ma mère dans l’italien version mai- nous que pour aller faire les courses, papa […] son. J’ignore si, ensuite, ces apports ont fait leur ainsi que mon frère et moi, nous nous étions mis chemin académique pour finir par s’incorporer à accumuler des copains de travail et d’école dans le trésor officiel de la langue italienne, et de rue qui n’avaient rien à voir avec notre mais je sais que Rita et Paolo et tous les autres histoire et notre passé. Des copains orientés cousins et copains de San Demetrio ont écar- vers le futur, parlant une langue du futur […] ; quillé les yeux, lorsque je leur ai demandé s’ils le français enfin, le symbole de la résistance aimaient le gattone ou s’ils avaient vu cette de maman, de sa résistance et de son attache- énorme araignée noire collée au plafone. (p. 231) ment au minimum possible, étant donné que le maximum n’était déjà plus à portée de main. Une appropriation souvent difficile, parcou- La maison de la rue Roosevelt est ainsi devenue rue de tensions, les langues étant vécues comme peu à peu notre tour de Babel à nous […]. Et plus ou moins proches ou lointaines par le per- malgré le fait qu’il y avait trois langues chez sonnage Claudio lui-même, qui est pourtant bon nous, tout le monde comprenait tout le monde élève. Ainsi, quand il doit se confesser, telle langue […]. (La mémoire de la baleine, p. 229-230) est ressentie comme un frein à l’appréhension directe de la réalité et à l’expression du Soi : Ce multilinguisme fonctionnel ne prend pas la forme d’un équilinguisme ou multilinguis- D’habitude, quand je ne parlais pas, la langue me balancé, où toutes les langues seraient ne jouait pas de rôle. Comme dans mes rêves. maîtrisées au même titre : si le personnage […] Mais dits en allemand, les péchés n’étaient Claude parle très bien les langues du pays (fran- plus de vrais péchés. Ils s’éloignaient comme un çais, allemand, luxembourgeois), il n’atteint bateau sans capitaine. Les mots allemands en pas le niveau du locuteur natif en italien. effaçaient le contenu. Lügen et mentir étaient deux Expérience euphorique que celle de la cohabita- choses différentes. Comme stehlen et voler. Ou tion des langues correspondant à l’expérience du bougie et bugia. L’argent que j’avais gestohlen métissage. Il arrive cependant que chacune des dans le porte-monnaie de maman ou les poches langues en présence perde de son autonomie, de papa n’était pas de l’argent vrai. (p. 457) soit reconfigurée à travers l’autre, donnant lieu à des interférences, mais aussi à des créations Le rapport à la langue, quelle qu’elle soit, est verbales qui deviennent le signe de tentatives d’autant plus complexe que transitant de bouche d’appropriation par le locuteur : en bouche, d’un contexte à un autre, tout mot est « habité par des voix autres », selon les termes de Mûrir. Un mot que ma mère, quand, refusant Bakhtine. Drainant avec lui le « trajet » qui est le toujours, je ne sais pour quelle raison, de par- sien, il résume en lui d’autres emplois antérieurs, ler la langue de tante Lucie, elle s’était mise à dans un contexte fondamentalement dialogique apprendre­ le français, prononçait toujours avec ou auto-dialogique. Sur le fond d’une hétéro- un u à l’italienne : mourir, disait-elle à tante généité « constitutive », le locuteur peut tout au Lucie, les raisins nécessitent beaucoup de so- plus donner l’illusion de sa maîtrise énonciative. leil pour bien mourir, et les olives aussi […]. Dans l’article « L’étrange langue », Jean Portante (p. 228) se demande ce qui « se passe quand un Luxem- bourgeois se met à écrire en français » : Dans ces maisons au bout de la ville donc, se sont forgés les mots nouveaux qui allaient ré- Écrit-il le même français que celui qui l’a en sonner durant des années dans ma tête, comme lui en tant que langue maternelle ? En appa- si toute une époque y était accrochée. Il s’agis- rence oui. Les mots sont les mêmes. Quand un

80 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

Luxembourgeois écrit arbre, il utilise le même s’appelle d’ailleurs plus Nando ou Fernando, mot qu’un Français. Il remonte en quelque mais Ferni ou Fernand. (p. 25) sorte le chemin inverse de celui du traducteur Pour mon frère, et c’est devenu une règle à pour remplacer les mots oraux de sa langue laquelle il tient beaucoup, tout le monde, sauf maternelle par les mots écrits d’une autre. Il nos grand-mères Maddalena et Lucia, dit est donc également un effaçonneur. Mais ils ont Fernand. Certes, ce n’est pas la même chose beau être les mêmes que ceux d’un Français, si c’est ma mère qui le dit ou un de ses co- les mots français d’un Luxembourgeois, à l’in- pains, Marco, par exemple. Je veux dire, c’est térieur d’eux dort un univers qui est distinct de la même chose et ce n’est pas la même chose, l’univers des Français. (p. 227-228) parce que quand ma mère l’appelle, elle a l’habitude d’accentuer la deuxième syllabe, Dans ce contexte, les noms propres, qui ont la nand, comme si elle n’arrivait pas à s’arrêter particularité de ne pas avoir de sens lexical co- à temps et voulait à tout prix prononcer le d difié, mais d’être des « désignateurs rigides » final ou continuer par une troisième syllabe, directs, associés en vertu d’un lien stable à une inexistante pourtant depuis belle lurette. Et entité dans une communauté linguistique don- puis, elle roule exagérément, dit mon frère, le née, méritent une attention particulière. Ils de- r, au milieu du nom, et ça, il ne l’aime pas du viennent des révélateurs privilégiés des tensions tout. (p. 26) qui se nouent entre les tentatives d’ajustement ou d’adaptation à la nouvelle réalité et le main- On se demandera, dans un dernier temps, dans tien du même. La crise de la (dé)nomination quelle mesure l’écriture de Portante – son porte en effet atteinte à la permanence, pour un « style » – ressortit elle-même au modèle de la univers donné, que les noms propres sont censés transculturation ou à celui du métissage. traduire. L’incertitude (dé)nominative va ainsi de pair avec une déstabilisation générale, voire 4. Le style de l’« entre-deux » une perte des repères telle celle qui accompagne, fatalement, le départ du pays d’origine en di- Comment les tensions entre les figures de rection d’une terre d’accueil. Francisés, luxem- l’« entre-deux » se traduisent-elles à hauteur non bourgeoisisés, les noms propres deviennent la seulement du contenu, mais de l’expression ? trace tangible laissée par le changement de lieu Dans l’article « L’étrange langue », voici ce et de mode de vie ; l’émigrant est « marqué », à que note Jean Portante en réponse à la question vie : rentre-t-il au pays, il garde le nom qui lui a initiale « qui est l’auteur d’un livre traduit ? » : été donné en France, au Luxembourg ou ailleurs: Elle [la réponse] s’inscrit dans une sorte de Les femmes, en partant, s’appelaient encore « ni ni ». Le livre traduit ne serait ni tout à fait Guiseppina. Quelques syllabes ont été sacrifiées celui de l’auteur ni tout à fait celui du traduc- à l’étranger. Le départ a raccourci les prénoms. teur. Ou, pour le dire d’une manière un peu Claudio est devenu Claude, Giovanni, Jean, plus nuancée, il n’appartiendrait déjà plus à Alfredo, Frédy. (p. 16) l’auteur sans pour autant encore être devenu la propriété du traducteur. Il est donc en chemin. Mais les métamorphoses du nom propre réper- Il erre dans un espace de personne. Tantôt il cutent aussi les stades de l’acclimatation, en sym- se rapproche de l’auteur pour s’éloigner du bolisant pour ainsi le type de l’« entre-deux » : traducteur, tantôt il se rapproche du traduc- alors que le métissage correspond à la juxta­ teur et s’éloigne de l’auteur. Il est en éternelle position des variantes italienne et luxembour- errance. (p. 223-224) geoise des prénoms, auxquelles on recourt en fonction de la situation, la transculturation et le À hauteur du plan de l’expression, les mani- « hors espace » sont associés au nom propre hy- festations de cette « errance » peuvent être bride, à la création originale qui combine le nom au moins doubles : on scrutera les glisse- italien et le nom français ou luxembourgeois : ments qui s’opèrent au niveau du rendu des pa­roles et des pensées des personnages, avant Je m’appelais Claudio. Maintenant je m’appelle de mettre l’accent sur la présence, dans le texte, Claude. Mettons. Tout comme mon frère ne d’« îlots textuels ».

81 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

Les formes du rapport des paroles et des à la sortie de l’Aquila, l’enseigne et son poisson pensées des personnages avec au fond trois ou quatre lignes ondulées, l’eau ébauchée dans la lumière, une redon- Dans La mémoire de la baleine, l’entremêle- dance se dit Claude, d’autant plus que la mer ment des discours, c’est-à-dire le passage entre est loin d’ici, là et là derrière les montagnes, différents styles de rendu des pensées et des pa- à l’autre pied des montagnes […]. (p. 18-19) roles des personnages par le locuteur rapporteur, contribue à produire des « effets d’identité ». On constate qu’au départ, le locuteur-narrateur On verra dans le balancement d’un style à un épouse le point de vue du personnage, dont il autre, mais aussi dans le style indirect libre, restitue le flux des pensées : l’adverbe « non », voire dans ces passages où, en l’espace d’une qui introduit un réajustement du dire, constitue même phrase, l’origine et la responsabilité ainsi une marque de subjectivité qui montre que énonciatives deviennent proprement indéci- le personnage découvre et interprète le paysage dables, les signes d’une hybridation générali- de proche en proche, en émettant des hypothè- sée. Celle-ci peut amplifier l’impression de ver- ses qui peuvent ne pas être confirmées. Son tige que produit le retour du personnage adulte attente peut être déçue, quand son savoir, mis sur les terres de ses ancêtres : en défaut, se révèle incertain, vacillant. Par la suite, les adjectifs subjectifs traduisent des éva- … à hauteur de la gare, non ce n’est pas en- luations axiologiques, positives ou néga­tives, core la gare, malgré les enseignes lumineuses ou ils renvoient à la manière dont l’expérience déjà allumées, des torrents de lumière multi- est vécue : on notera la valeur affective de colore, de part et d’autre de la route, une es- « aveuglant » ou d’« interminable », qui ont corte aveug­lante presque, alors que la rangée pour corrélat thymique l’inconfort du sujet qui d’arbres, à droite, interminable depuis un mo- tente d’avoir prise sur la réalité, mais se heurte à ment, des troncs ceinturés d’une bande blanche, la résistance de ce qui se dérobe à lui : l’adverbe s’est brusquement interrompue, momentané- « brusquement » indique que la confiance du ment, pour continuer quelques mètres plus loin, sujet est ébranlée ; le sujet se retrouve quelque une coupure préparée par le ralentissement de peu démuni, alors même que c’est son point de la voiture transformant peu à peu la ligne des vue qui construit l’espace. arbres en arbres individuels, comptables, depuis Cette même impression de tâtonnement, que Sandra a demandé à son mari de ralentir, voire de confusion est créée par l’enchevêtre- pour mieux voir le paysage qu’elle ne connaît ment des paroles, sans qu’il soit toujours pos­ que par ouï-dire, et pour ne pas manquer la sible de les attribuer à une source précise : ainsi, petite gare dont il a tant parlé, une gare qui en a les paroles prononcées par Sandra (la femme du vu de toutes les couleurs, pendant la guerre sur- personnage devenu adulte) sont d’abord rappor- tout, une gare témoin de tous les départs, mais tées au discours indirect (« … Sandra a demandé la gare ne vient pas encore, et Claude (faudrait- à son mari de ralentir ») ; la syntaxe du style il dire Claudio ?) accélère de nouveau, rendant oral (notamment le « et » de coordination après aux arbres leur anonymat d’avant, jusqu’au la virgule – « et pour ne pas manquer la petite ralentissement suivant qui en refait des troncs gare dont il a tant parlé » – traduit le caractère à part entière, un ralentissement précédé, cette quelque peu heurté d’un style qui opère par à- fois-ci, d’un « c’est là ? » de Sandra, suivi du coups), le lexique, les répétitions suggèrent, en- coup de frein de Claude, du sursaut de la petite suite, un possible glissement vers le discours in- Lucie qui se réveille sur le siège arrière (fau- direct libre, quand la voix du personnage et celle drait-il dire Lucia ?) et de la voiture qui recule du locuteur-narrateur se superposent ; on peut pour se garer dans l’intervalle entre les arbres, même supposer que s’instaure un dialogue entre juste au-dessous d’un panneau publicitaire, les personnages, le segment « une gare qui en a allumé lui aussi, sur un chemin blanc qui entre vu de toutes les couleurs, pendant la guerre sur- dans les champs et débouche sur une sorte de tout, une gare témoin de tous les départs » pou- mas de campagne […], alors que Sandra ouvre vant être mis au compte de Claude, avant que le la portière dans cet intervalle d’un arbre à locuteur-narrateur qui raconte l’histoire rétros- l’autre, sous l’enseigne qu’on ne voit que si on pectivement ne reprenne les choses en main : s’arrête, a-t-on expliqué à Claude il y a un mo- « mais la gare ne vient pas encore, et Claude ment, lors de la pause essence à la station Agip, (faudrait-il dire Claudio ?) accélère de nou-

82 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

veau…» ; il assume jusqu’à la responsabilité une des cantines de San Demetrio. (p. 22) de la parenthèse. Plus loin, le texte reproduit Il sera chanteur d’opéra ou musicien celui-là, au discours direct enserré par les guillemets la ne cesse de dire prémonitoirement la mère question de Sandra – « c’est là ? » –, avant, une Chiaramonte, tandis que son mari jure que fois encore, un commentaire du locuteur-nar- porca madonna et Dio cane, un musicien ça ne rateur. En même temps, le récit est parasité par nourrit personne, et que ce dont ils ont besoin, les paroles/pensées du personnage, comme le c’est d’un vrai métier, Emilio et Piero. (p. 77) suggèrent la précision « juste au-dessous d’un panneau publicitaire » ou encore l’expression L’absence de guillemets peut symboliser le de- « une sorte de (mas de campagne) », qui traduit gré d’interpénétration des idiomes, que le sujet l’approximation et renvoie à l’affleurement des arrive à s’approprier jusqu’à un certain point pensées du personnage qui explore le paysage. et à intégrer dans une synthèse originale. Cette Plus loin, on constate un basculement du récit impression est renforcée par l’homogénéisation assumé par le locuteur-narrateur vers le rapport syntaxique et énonciative à travers la construc- direct de paroles prononcées : « sous l’enseigne tion indirecte – « … son mari jure que porca qu’on ne voit que si on s’arrête, a-t-on expli- madonna et Dio cane, un musicien ça ne nourrit qué à Claude il y a un moment ». Ce passage personne » –, par l’opération énonciative de discours direct annonce un autre passage de d’accommodation­ à la situation d’énonciation du rapport direct des pensées du personnage, sous locuteur-rapporteur, qui fait en même temps forme de monologue intérieur : « une redon- jaillir l’« îlot textuel » et le met en relief. La multi- dance se dit Claude, d’autant plus que la mer plication de bribes de discours direct signifierait,­ est loin d’ici, là et là derrière les montagnes » ; quant à elle, une rupture au plan sémiotique. on notera les répétitions et l’adverbe « ici », qui Dira-t-on que le bilinguisme ou le multilin- renvoie au présent de la situation d’énonciation. guisme exploite alors le continuum entre deux des pôles décrits par Uriel Weinreich18, celui du L’« îlot textuel » bilinguisme ou multilinguisme « subordonné », auquel les dires du personnage ne s’identifient Un phénomène remarquable, dans ce contexte, plus, et celui du bilinguisme ou multilinguisme c’est celui de l’« îlot textuel » selon Jacqueline « coordonné », qu’ils ne rejoignent pas encore ? Authier-Revuz17, qui constitue lui-même une En effet, il ne s’agit ni d’une langue en voie figure linguistique du mixte. Il s’agit, dans ce d’acquisition, encore balbutiante, ni, à l’opposé, cas, de parler avec les mots de l’Autre ou les de la mobilisation, en fonction des besoins, de mots d’ailleurs, qui résistent à toutes les opéra- deux ou plusieurs réseaux différents parfai- tions de reformulation-traduction et sont don- tement étanches. Pour Portante, le réservoir nés à voir dans leur littéralité. Ces emprunts linguistique de l’immigré est lui-même doté sont signalés généralement par des guillemets d’une épaisseur, qui ferait pencher du côté d’un ou des italiques – généralement, mais pas tou- multilinguisme de type « composé » : un seul si- jours, comme on le constate ici : gnifié ou contenu correspond-il alors à des signi-­ fiants appartenant à des langues diffé­rentes, qui Parfois, quand je me retrouve dans le verger, entrent en résonance les uns avec les autres ? dans l’orto, et que j’y asperge les vignes, pareil On dira, plus simplement, que les langues d’un à un Martien à cause du réservoir de sulfurage même répertoire, d’une même compétence sur mon dos, j’entends la voix de ma mère qui linguistique, sont nécessairement co-présentes, m’appelle parce que le dîner est prêt ou que je avec des modes d’existence différents – concur- dois encore faire mes devoirs scolaires ou qu’il rentes même, le feuilleté des paliers superposés faut aller chercher grand-père Claudio dans conférant non seulement une dynamique parti-

17 AUTHIER-REVUZ, Jacqueline, « Remarques sur la catégorie de l’“îlot textuel“ », Cahiers du français contemporain, 3, 1996, p. 91-115. 18 WEINREICH, Uriel, Languages in Contact. Findings and Problems, New York, Publications of the Linguistic Circle of New York, 1, 1953. Le type « subordonné » caractérise les situations où la langue maternelle est bien acquise alors que l’autre langue est en voie d’acquisition. Ervin et Osgood reprennent la distinction entre les types coordonné et composé en insistant sur le fait que le type composé correspond assez bien au cas de l’apprentissage scolaire d’une deuxième langue, alors que le type coordonné suppose l’expérience de deux cultures et donc la distinction entre deux codes ; « Second language learning and bilingualism », Journal of Abnormal Social Psychology, Suppl. 49, 1954, p. 139-146.

83 Terres Rouges Une approche sémio-linguistique de La mémoire de la baleine de Jean Portante

culière, mais une profondeur indéniable, celle rait-elle à jamais parcourue de tensions, tendant du vécu. C’est ce que l’auteur suggère dans vers la construction moins d’un « tiers espace » « L’étrange langue » : que d’un « hors-espace », happée même par la réalité du « non lieu » ? C’est là ce que suggère Le multilinguisme […] est un leurre. […] dès un extrait de l’ouvrage Le travail du poumon, que nous nous exprimons dans une autre langue qui reprend la métaphore de la baleine : que la maternelle, dans la langue de l’Autre, nous le faisons avec le poumon de la nôtre. A-T-ELLE AGI PAR ÉTOURDERIE ? Je peux parler trente-six langues différentes, Ne devait-elle pas savoir qu’en sauvant en dans toutes dort l’effaçonnement. Et plus je elle la pompe de la respiration terrestre elle parle de langues, plus le jeu de l’effaçon- se condamnerait à l’exil éternel ? Que jamais nement se complique. Tout se passe un peu elle ne serait poisson parmi les poissons, tout comme si chaque langue était le silence de comme elle n’est déjà plus citoyenne de terre l’autre. Et parmi tous les silences, c’est ce- ferme, tant sa traduction est allée trop loin ? lui de la langue maternelle qui est le plus La voilà, arrêtant net, tonitruant. Elle a beau s’être glissée en clan- à mi-chemin, destine dans mon écrit, c’est elle qui poumonne son destin, en lui – si vous me permettez ce néologisme – figée dans une mer de personne, et fait que dans ce que j’écris vit ce que je suis. engoncée dans la camisole de force d’un « ni ni », (p. 229) ni poisson ni être terrestre, Conclusion prisonnière d’une terre qui s’étend du « ne pas encore » au Au terme de ces explorations, dira-t-on que le « ne déjà plus ». métissage reste un idéal ? L’expérience de la Comme ma langue. littérature d’immigration serait-elle autrement douloureuse, de l’ordre, dans le meilleur des cas, (Jean Portante, Le travail du poumon, de la transculturation ? L’écriture migrante se- Bordeaux, Le Castor Astral, 2007, p. 141)

84 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Musik im Land der Roten Erde Damien Sagrillo

Im Schlepptau der industriellen Entwicklung Chorale Uelzecht und der Cercle symphonique, konnte in der Südregion Luxemburgs eine nicht aber die damals schon existierende und musikalische Tradition gedeihen, die, wie ein heute noch hochangesehene Harmonie Muni- Schmelztiegel, die Assimilation nicht-luxem- cipale, wagten im Jahre 1913 eine erste Initia- burgischer mit luxemburgischen Einwohnern tive, die dazu führte, dass die Notwendigkeit vorantrieb. Die Entfaltung der Musikkultur einer Musikschule bei den verantwortlichen wäre im Land der Roten Erde ohne den Faktor Politikern erkannt wurde. Die mit dem Projekt Einwanderung wohl anders verlaufen. Musik verbundenen Kosten wurden allerdings als zu als Dreh- und Angelpunkt für Integration hin zu hoch angesehen, und nach langen Diskussionen einer gemeinsamen kulturellen Identität ist aus wurde das Vorhaben von den zuständigen Ins- heutiger Sicht eine Realität, die wohl nur hier tanzen im Jahre 1920 definitiv ad acta gelegt. werden konnte. Sie ist aber auch nur ein Aspekt Es gilt zu bedenken, dass die Bevölkerungszahl eines Ganzen. Mit diesem Hintergedanken wer- von Esch zu dieser Zeit bereits sehr hoch war den wir in der Folge den Musikbetrieb im Land und dass das Errichten einer musikalischen Bil- der Roten Erde von der soziologischen, der päda- dungsanstalt sich daher zwingend anbot. gogischen und der kulturellen Seite beleuch- Im Jahre 1923 schlossen sich wieder einige ten. Zur Sprache werden Institutionen, Ausbil- Escher Vereine zusammen und starteten eine neue dungsstätten, Laienmusikvereine, Festivals und Initiative. Diesmal waren es vier an der Zahl und Musikerbiographien kommen, die das musika- ­ diesmal war ihnen das Glück hold. Die vier Ver- lische Leben in diesem Teil des Großherzogtums eine bildeten zunächst eine private Interessen- prägten und auch noch weiter prägen. gemeinschaft, die sich um die Organisation von Musikkursen in Esch bemühte. Nach nur zwei Die Musikausbildung im Land der Jahren Arbeit waren bereits 500 Schüler ein- roten Erde geschrieben. Finanzielle Beihilfen kamen von privaten Geldgebern, wie der ARBED aber Die Dichte musikalischer Ausbildungsstätten auch von der Gemeinde und vom Staat. Im Jahre ist im bevölkerungsreichsten Kanton Esch 1926 entschloss sich dann die Gemeindeverwal- überproportional hoch. Immerhin existieren tung, ihre Verantwortung zu übernehmen und hier fünf kommunale Musikschulen: das Kon- die Musikkurse in einer städtischen Musikschule servatorium in Esch und die Musikschulen in zu organisieren. Zum ersten Direktor wurde Düdelingen, in Differdingen, in Petingen und Alfred Kowalsky (1879-1943) (s. u.) berufen. in Niederkerschen. (Im übrigen Land existieren Das Fächerangebot entsprach in den großen lediglich weitere sechs Musikschulen in kom- Linien dem gängigen Muster der Zeit: musika- munaler Trägerschaft.) Daneben bieten etliche lische Grundausbildung, Sprech- und Gesang- Kommunen, wie Rümelingen und Monnerich, erziehung, Chorgesang, Instrumentalerziehung Musikkurse in Zusammenarbeit mit dem Laien- und Orchesterklasse. Jedoch war es auf die In- musikverband UGDA an. teressen der anfänglichen Trägerorgani­sationen zugeschnitten. Die Ausbildung war anfangs auf Das Konservatorium in Esch nur elf Lehrkräfte verteilt. In den letzten Jahren haben sich die Lehrerzahl bei knapp 60 und Die Gründung des Escher Konservatoriums1 die Schülerzahl bei ungfähr 1000 eingependelt. war zunächst mit erheblichen Startschwierigkei- Im Jahre 1969 wurde die Escher Musikschule ten verbunden. Zwei Escher Musikvereine, die durch Gemeinderatsbeschluss in den Rang eines

1 Vgl. hierzu: REITZ, Jean, Le Conservatoire de Musique de la Ville d’Esch-sur-Alzette. Als pdf-Dokument auf der Internetseite: http://www.villeesch.lu/esch/Pages/sitemenu/07%20culture/conservatoire.aspx (07/03/2009).

85 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Konservatoriums erhoben. Heute ist die Institu- weitere Schülerensembles, die zumeist regional tion mit ungefähr tausend Schülern – nach in Erscheinung treten. Erwähnenswert sind in Luxemburg-Stadt und Ettelbrück - die dritt- diesem Zusammenhang das Sinfonieorchester größte ihrer Art im Großherzogtum. Nichts- und das Harmonieorchester des Konservato- destotrotz hat sie sich zu einer musikalischen riums. Daneben gibt es ein nicht nur Schülern Hochburg entwickelt, die das Musik­leben in vorbehaltenes Vokalensemble, das aber, wie der ganzen Region befruchtet. Das hohe künst- viele Chöre Luxemburgs, mit Mitgliederproble- lerisch-pädagogische Niveau des Konservatori- men zu kämpfen hat. Weitere Schülerensembles ums lässt sich aber wahrscheinlich auch dadurch erfüllen rein pädagogische Aufgaben und treten erklären, dass in seiner Nachbarschaft Musik- im Rahmen schulischer Projekte, z. B. bei Klas- schulen existieren, von denen die talentiertesten senvorspielen und Vorspielen zu bestimmten Schüler nach Esch übersiedeln, um dort ihre Anlässen auf. Fortgeschrittene Schüler und Ausbildung fortzusetzen und zu verfeinern. Da- Laureaten musizieren regelmäßig zur Umrah- bei darf aber keinesfalls übersehen werden, dass mung von regionalen Festlichkeiten. Schließ- auch in Esch eine Musikausbildung von Grund lich ist das aus Lehrkräften zusammengesetzte auf möglich ist. Vor der eigentlichen musika- Jazzensemble Crazy Eight erwähnenswert. lischen Grundausbildung, den Solfège-Jahren Die pädagogische Arbeit trägt ihre Früchte 1 - 3 wird ein musikalischer Kindergarten, die in manchen, nicht aber in allen Laienmusik- sog. Initiation à la musique angeboten. vereinen der Region, so z. B. in der Harmonie Alljährlich verleiht das Escher Konservato- Municipale aus Esch und in der Harmonie Zolver. rium um die zwanzig Prix Supérieurs, den höchs- ten derzeit in Luxemburg möglichen Abschluss, Die Musikschulen im Süden der allerdings kein akademischer ist. Das ist Luxemburgs angesichts der Schülerzahl ein eindrucksvolles Kontingent, welches vom Konservatorium der Die Musikschulen sind im Rang den drei Konser­ Stadt Luxemburg zwar übertroffen wird, aber vatorien nachgeordnet. Neben der Gemeinde bei mehr als doppelt so vielen Schülern. Zudem Esch betreiben die Gemeinden Düdelingen beginnen jedes Jahr um die zehn bis 15 Schul- (1946), Niederkerschen (1965) und Petingen abgänger ein Musikstudium an einer auslän- (1968) und seit geraumer Zeit auch Differ- dischen universitären Musikausbildungsstätte. dingen kommunale Musikschulen. Im Gegen- Waren zu Beginn der Musikschule in den satz zum Konservatorium in Esch werden hier zwanziger Jahren die Streichinstrumente am nur die unteren Ausbildungszyklen angeboten. beliebtesten und kamen auch ausschließlich die Außerdem organisieren die Gemeinden Kayl, Lehrer von Streichinstrumenten in den Genuss Monnerich und Rümelingen Musikkurse in Zu- einer Festanstellung, so hat sich das Bild heute sammenarbeit mit dem Musikverband UGDA. grundlegend gewandelt. Zum Aushängeschild Die Musikschule in Düdelingen wurde sind ohne Zweifel die Blechbläser­klassen und gleich nach dem Zweiten Weltkrieg im Jahre die nach englischer Tradition zusammengesetzte 1946 auf Vorschlag der lokalen Musikvereine Brass Band des Konservatoriums geworden. und Chöre gegründet. Dies war in Esch zu Beginn Sie wurde vom heutigen Direktor Fred Harles der zwanziger Jahre nicht anders. Der Bedarf im Jahre 1973 gegründet und geleitet. Mit an kultureller Betätigung und an sozialem Mit- vielbeachteten Konzerten im In- und Ausland einander nach den Kriegsjahren war groß. Zu- macht sie seitdem auf sich aufmerksam. Aus nächst wurden nur Kurse in solchen Instrumenten ihren Reihen kommen eine Reihe von Berufs- angeboten, die in den Musikvereinen zur An- musikern und Dirigenten von luxemburgischen wendung kamen, sowie Gesangkurse, die den Musikvereinen. Chorgesellschaften zugute kommen sollten. Die Sichtbarkeit des Konservatoriums im Ab 1951 kamen dann Klavier und Streich­ Musikleben von Esch beschränkt sich allerdings instrumente hinzu. Die Schülerzahl ist in nicht nur auf Konzert- und Wettbewerbsauftritte sechzig Jahren von 150 auf 830 angewachsen.2 der Brass Band. Dabei handelt es sich sicherlich Im gleichen Jahr, 1946, wurde auch in um die herausragendsten. Nein, es existieren Petingen die Idee geboren, eine Musikschule zu

2 Vgl. hierzu: Ville de Dudelange, Enseignement, Ecole de Musique. Auf der Internetseite http://www.dudelange.lu/ Enseignement/Ecole+de+Musique.print (07/03/2009).

86 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

gründen. Wie in Düdelingen stand die Idee der schaften früherer Jahrzehnte ein abruptes Ausbildung des musikalischen Nachwuchses Ende fand. Viele Vereine sahen ihre Mit- dabei Pate.3 Doch wegen Mangels an Schülern gliederzahl rundweg dezimiert. Die Har- und Meinungsverschiedenheiten zwischen den monie Municipale aus Differdingen, die un- musikalischen Vereinen wurde das Projekt zu- ter der Leitung von Asca Rampini (s. u.) nächst auf Eis gelegt. Erst im Jahre 1968 wurde von 1965 bis 1980 zu einem national das Projekt Realität. Seither wuchs auch hier wie international anerkannten Harmonie­ die Schülerzahl beständig an, und das Fächer- orchester aufgeblüht war, hat sich heute zu einer angebot wurde erweitert. mittelmäßigen Formation zurückentwickelt, in der wenige Idealisten bemüht sind, dem Verein Musikgesellschaften und eine Zukunft zu sichern. Sicherlich ist ein Grund Chorvereinigungen im Land dafür, dass die Gemeinde Differdingen in Ober- der Roten Erde korn und in Niederkorn zwei weitere Musikge- sellschaften unterhält, aber auch, dass Differ­ Laienmusikvereinigungen entstehen traditions- dingen eben nicht das dem wirtschaftlichen gemäß dort, wo der gesellschaftliche und der Umschwung trotzende kulturelle Zentrum der industriell-ökonomische Rahmen dies begüns- Südregion Luxemburgs ist. Wiederum andere tigen. Dies war in Luxemburg zunächst in Gesellschaften, wie die Harmonie Municipale Gegenden fernab von Esch-Alzette der Fall. aus Esch oder die Harmonie Municipale aus In den heute u. a. von Touristen aufgesuchten Düdelingen, überlebten diesen Einschnitt rela- Orten Wiltz, Grevenmacher, Esch-Sauer usw. tiv unbeschadet und andere, wie die Harmonie entstanden die ersten Musikvereine in der aus Zolver, blühten neu auf. Zeitspanne zwischen Ende des 18. und Mitte Die Gesangvereine bilden neben den Mu- des 19. Jahrhunderts. sikvereinen einen zweiten Pfeiler der Laien- Im benachbarten Saarland sind die ersten musik in Luxemburg. Wie in vielen Regionen des Musikvereine schon etwas früher in den dor- Großherzogtums leiden die Chöre augenblick- tigen Bergbaugebieten entstanden, haben sich lich unter Mitgliederschwund. Obschon über- allerdings mit dem Niedergang dieses Indus­ wiegend als Männerchöre gegründet, drehen triezweigs z. T. wieder zurückgebildet oder sind heute hauptsächlich die Männer den Chören ganz verschwunden.4 Ebenso sind im Land der massiv den Rücken zu, was zu einem Ungleich- Roten Erde die musikalischen Laienvereini- gewicht der Stimmen und zu einem verfälschten gungen mit der Industrie gewachsen; sie ha- Chorklang führt. ben sich aber dank materieller Unterstützung Unter den vielen Chören aus dem Land der öffentlichen Hand bis heute - trotz Mit- der Roten Erde wollen wir hauptsächlich zwei gliederschwund - halten können. Dass sich die herausgreifen: Die Escher Chorale Municipale kulturellen Vereinigungen in der Blütezeit der Uelzecht wurde im Jahre 1895 als Männerchor industriellen Entwicklung zudem auf die Unter- gegründet und später zu einem gemischten Chor stützung der Konzerne verlassen konnten, ausgebaut. Sie war traditionell ein mitglieder- braucht nicht weiter erwähnt zu werden, zumal starker Chor, um die hundert Sänger zählend, ja dann auch im Interesse der Stahlindustrie und kann, wie fast kein anderer Chor im Lande, musiziert wurde. auf eine große Vergangenheit mit erfolgreichen Mit der Stahlkrise und dem damit verbun- Produktionen zurückblicken. Auftritte mit dem denen industriellen Wandel, der seit den sieb- früheren Rundfunkorchester von RTL, Auffüh- ziger Jahren des vorigen Jahrhunderts im Süden rungen bedeutender Werke der Musikliteratur, des Großherzogtums stattgefunden hat, ging Konzertreisen ins Ausland und das Wirken auch ein kultureller Wandel einher, der dazu bekannter und langjähriger Dirigenten wie führte, dass die glorreiche, auf viele Mitglieder Louis Petit (1920-1946) (s. u.) und Pierre Cao aufbauende Existenz mancher Musikgesell- (1961-1975) (s. u.) haben sie geprägt.5

3 Vgl. hierzu: KEISER, Léon, Musikschule Petingen. In: Harmonie Municipale Pétange (Hg.), 1909-1984. 75 Joer Peitenger Musek, Pétange, 1984, ohne Seitenangabe. 4 Vgl. hierzu: MAHLING, Christoph-Hellmut, Beiträge zur Entwicklung der Werkschöre und Werkskapellen im Saarländischen Industriegebiet. In: STEEGMANN Monica (Hg.), Musik und Industrie. Beiträge zur Entwicklung der Werkschöre und Werksorchester (= Studien zur Musikgeschichte des 19. Jahrhunderts 54), Regensburg 1978, S. 160f. 5 Vgl. hierzu: Chorale Municipale Uelzecht (Hg.), Uelzecht. Chorale Municipale Esch-sur-Alzette, Esch-sur-Alzette 1995.

87 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Ein weiterer Traditionsverein im Süden Das Orgelfestival in Düdelingen8 Luxemburgs ist die Chorale Municipale Beim Neubau der Düdelinger Pfarrkirche im Sängerfreed aus Bettemburg. Wie die Escher neogotischen Stil im Jahr 1912 wurde die Uelzecht bestand sie von 1920 an zunächst Orgel­bauerfamilie Georg und Eduard Stahl- als Männerchor, nach dem Zweiten Weltkrieg huth aus Aachen mit dem Bau der Orgel be- wurden auch Frauen aufgenommen. Die auftragt. Stahlhuthorgeln fußten auf einer Chorale Sängerfreed konnte den Mitglieder- französisch-angelsächsischen Tradition. Zu schwund relativ unbeschadet überstehen und ist ihrem Berater gehörte der elsässische Uni- heute immer noch ein mitgliederstarker Verein. versalgelehrte, Friedensnobelpreisträger, Arzt, Allerdings macht sich auch hier das Ungleich- Organist und u. a. Autor der Biographie Johann gewicht zwischen Frauen- und Männerstim- Sebastian Bachs, Albert Schweitzer (1875- men bemerkbar. Der aus Diekirch stammende 1965). Ihre Akzeptanz im deutschsprachigen Musiker und Komponist Jos Kinzé drückte ihr Raum war begrenzt und auch in unseren Brei- seinen Stempel auf. Er war von 1945-1993 (!) ten besitzt das Instrument Seltenheitswert. mit zwei mehrjährigen Unterbrechungen ihr Im Jahr 1962 wurde die Orgel den damaligen künstle­rischer Leiter.6 Gepflogenheiten „angepasst“, eine Anpassung, die ihr jedoch nicht gut tun sollte. Nachdem Festivals sie am Ende des vorigen Jahrhunderts fast nicht mehr spielbar war, wurde sie von der In jüngster Vergangenheit haben sich Festi- Orgelbaufirma Thomas Jann restauriert und vals als Surrogat einer ruhmvollen Vereins- zu einem guten Teil wieder in ihren Original- vergangenheit etabliert. Oft sind es ehemalige zustand zurückversetzt, ohne jedoch dabei auf Verantwortliche dieser Vereine, die sich um nötige technische Neuerungen zu verzichten. eine musikalisch-kulturelle Weiterentwicklung So bekam sie z. B. eine MIDI-Schnittstelle. ihrer Heimatregion bemühen. Seit ihrer Restaurierung in den Jahren 2001/2002 wurde ein Festival ins Leben gerufen, Diffwinds7 welches die Orgel der Düdelinger Pfarrkirche Dies ist der Fall beim Diffwinds-Festival, um zu einem Anziehungspunkt für Solisten nationa- das sich seit 1996 Francis Goergen, seit jeher len und internationalen Ranges gemacht hat. In eine der treibenden Kräfte der Differdinger regelmäßigen Abständen finden seither Orgel- Harmonie Municipale, verdient macht. Das im konzerte bzw. Konzerte mit Orgelbegleitung Zweijahresrhythmus im Juli in Differdingen or- statt. Eine Reihe von CD-Publikationen zeugen ganisierte Festival richtet sich an Jugendbläser­ vom Erfolg dieses Festivals. ensembles in den verschiedensten Formatio- Das Festival Terres Rouges9 u.a.m. nen, aber hauptsächlich an Harmonieorchester mit sinfonischer Bläsermusik. Die Konzerte Alljährlich im Spätsommer findet in Esch finden vor einer Jury statt, ohne dass es sich dabei das Festival Terres Rouges statt. Es han- aber um einen Musikwettbewerb mit Wertungs- delt sich hierbei um ein Open Air Festival, spielen handelt. Während des Festivals treffen das sich hauptsächlich, aber nicht nur an die sich um die 60 junge Musiker in einem gemein- junge Generation richtet. Bei diesem Ereignis samen Workshop-Orchester und erarbeiten u. werden, neben anderen kulturellen Darbie- a. ein speziell zu dieser Gelegenheit in Auftrag tungen, auch Konzerte organisiert. Traditionell gegebenes Werk, welches dann im Rahmen des treten dabei die bekanntesten luxemburgi- Festivals zur Uraufführung gelangt. Im Jahr schen Musikgruppen auf. Aber es werden 2008 stand ein Werk aus der Feder von Roland auch ausländische Größen der modernen Wiltgen (s. u.) im Mittelpunkt. Musikszene engagiert.

6 Vgl. hierzu: Chorale Municipale Sängerfreed. Auf der Internetseite http://www.chorale-bettembourg.com (07/03/2009). 7 Vgl. hierzu: Diffwinds Festival. Auf der Internetseite http://www.diffwinds.lu/ (07/03/2009). 8 Vgl. hierzu: Conseil de la fabrique d’Eglise de la paroisse / Amis de l’orgue Saint-Martin, (Hg.), Die Düdelinger Kirche und ihre Stahlhuth-Orgel, Luxembourg 2002; www.orgue-dudelange.lu. Auf der Internetseite http://www.orgue-dudelange. lu/Pages/MainFrame.htm (09/03/2009). 9 Vgl. hierzu: Festival Terres Rouges 2008. Auf der Internetseite http://www.festival-terresrouges.lu (09/03/2009).

88 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Mit dem Festival Touch of Noir geht Düde- Künstlergeneration Ort für schöpferische Inspi- lingen den Weg kultureller Interdisziplinarität, ration waren, zueigen zu machen. Raymond indem es Musik mit darstellender Kunst in Kleins Zitat vermittelt uns mit poetischer Verbindung bringt. Anmut einen Eindruck über die Ausstrahlung, Musik aus Schottland und aus Irland hat die die das alte Bauwerk damals umgab: Kontinentaleuropäer schon immer fasziniert. So wurden zum Beispiel zu Beginn des 19. Jahr- Auch ich verspüre die Lust, selber Neues zu hunderts große Namen wie Haydn, Beethoven schaffen, zu gestalten. Ich sage mir, daß diese und Weber mit keltischer Musik in Verbindung sonderbare Atmosphäre es ausmacht, dieses gebracht, und dies weil sie Hunderte von schot- Gebäude, das halb verfallen ist, aber auch halb tischen und irischen Volksliedern arrangierten. unfertig, wartend, zum Träumen und Schaffen Das exotisch-rustikale Miteinander von Musik einladend.11 und Tanz hat keltische Musik seit einigen Jah- ren auf die Ebene einer Massenkultur gehoben, Die Nutzung des ehemaligen Schlachthofs ge- die hierzulande auch nicht fehlen darf. In Düde- schah zunächst in Form einer quasi als illegal lingen erfreut sich seit 1998 das Festival Zeltic zu bewertenden Art von Hausbesetzung, denn immer größerer Beliebtheit. der Eigentümer, die Stadt Esch, plante wegen Wir wollen an dieser Stelle die Besprechung ihrer prekären Haushaltslage, das Areal zu ver- der Festivals nicht weiter fortsetzen. Zu nennen äußern. Die neue Ära des alten Schlachthofs wären aber noch der seit dem Jahre 2004 organi- begann in einer Art Privatinitiative gemischt sierte Differdinger Blues Express, Rock a Field mit Zivilcourage und Volkszorn und mündete in Roeser etc. Als Modephänomene unserer in eine Vereinigung ohne Gewinnzweck, der Zeit, gepaart mit einem stets wachsenden Kulturfabrik. Die spektakulären Aktionen am Freizeit- und Kulturangebot und – bedarf, werden Rande der Legalität, wie Blockade von Straßen Festivals in der Zukunft nicht weniger werden. und des Escher Stadttheaters, fruchteten all- Hier wird Musik als Konsumgut den jungen mählich und die Unterstützung vieler Künstler und jüngeren Generationen vermittelt. Sie sind und Persönlichkeiten bewirkte bei den politisch aber gleichzeitig Betätigungs- und Ausgleichs- Verantwortlichen ein Umdenken dahingehend, medium für die Ausführenden oder, im Ideal- dass aus dem alten Gebäudekomplex eine Be- fall, Sprungbrett für eine weitere Karriere. gegnungsstätte für Kultur nicht nur, aber auch für die jüngere Generation werden sollte. Die Institutionen Trägerschaft wurde von der Stadt Esch in pri- vate Hand übergeben. Zu Beginn des Jahres Die Kulturfabrik in Esch10 1997 wurde das Escher Schlachthaus als Kultur- Der als Kulturzentrum umgemodelte Schlacht- zentrum anerkannt und mit Geldern des Staates, hof der Stadt Esch besteht in seiner ursprüng­ der Gemeinde Esch und eines Hilfsfonds der lichen Bestimmung seit 1885 und wurde wegen Europäischen Union renoviert und im Jahre des beträchtlichen Bevölkerungszuwachses 1998 seiner neuen Bestimmung übergeben. Eschs zu Beginn des 20. Jahrhunderts zu einem Heute halten hauseigene Gruppen einen 4000 Quadratmeter und zehn Gebäude umfas- regelmäßigen Konzertbetrieb aufrecht. Ebenso senden Komplex ausgebaut, bis er im Jahr 1979 stehen Theateraufführungen und Ausstellungen seinen Betrieb einstellte und in ein neues Ge- auf der Tagesordnung. Neben einem größeren bäude umzog. Im Jahr 1980 führte zunächst ein und einem kleineren Konzertsaal stellt die Sekundarlehrer des Escher Jungenlyzeums mit KuFa mehrere Proberäume zur Verfügung. Hier seinen Schülern in einem ehemaligen Gefrier- hat schon so manche künstlerische Karriere raum ein Theaterstück auf. In den Jahren ihre Initialzündung erhalten. 1982/83 stießen weitere Künstler dazu, und die Das sog. Ratelach – die Bezeichnung Idee wurde geboren, die originelle Architektur stammt von einem Escher Lokalpoliti- zu bewahren und sich die vielen Gebäude, ker aus der Zeit während der über den Ver- die einer jungen – nicht nur musizierenden - kauf des früheren Schlachthofs nachgedacht

10 Vgl. hierzu: Centre Culturel Kulturfabrik. Auf der Internetseite http://www.kulturfabrik.lu (09/03/2009). 11 KLEIN, Raymond, Es regnet hinein ins Escher Schluechthaus. In: Forum 123 (1990), S. 57.

89 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

wurde – ist heute zu einer gediegenen Begeg- 3. Sie bietet Musikgruppen den geeigneten nungsstätte zwischen Künstlern und deren Raum zur Probenarbeit. In der KuFa ist das auch Publikum in einem rauch- und alkoholfreien möglich, jedoch in einem kleineren Rahmen. Bereich mutiert. 4. Sie stellt die notwendigen Einrichtungen zur Hausbesetzung und Demonstration für musikalisch-kreativen Arbeit zur Verfügung, den Erhalt einer über mehrere Jahre offiziös wie z. B. Aufführungsräumlichkeiten, Studios betriebenen Institution werden zum späten Sym- und Multimedia. bol einer 68er-Bewegung in einer Region mit Wie schon in der Kulturfabrik sind in der gewachsenem Kulturbedarf. Anfangs von der Rockhal zwei Räumlichkeiten für die verschie- öffentlichen Hand unbeachtet, ja sogar be- densten Veranstaltungen vorgesehen. kämpft, wird die Nachfrage nach Kultur, wie sie 1. Der große Saal – die Main Hall – bietet 6500 sich neuerdings auch in den oben beschriebenen Steh- bzw. 2500 Sitzplätze. Festivals äußert, dann als Realität anerkannt, 2. Im kleinen Saal – der Club - stehen 1200 gefördert und mit der Errichtung der Rockhal Steh- und 500 Sitzplätze zur Verfügung. Hier auf eine institutionelle Ebene gehoben. ist der Ort für kleinere musikalische Veranstal- tungen mit luxemburgischen Musikgruppen oder Die Rockhal auf Esch-Belval12 Musikgruppen, die sich innovativer Projekte an- Durch die Gesetze vom 15. Mai 2003 und vom nehmen, die weniger Publikum anziehen. 26. Mai 2004 stimmte das Luxemburger Parla- Das Escher Theater ment dem Bau und dem Betrieb eines Centre de Musiques Amplifiées auf dem ehemaligen Komplementär zu diesen beiden Zentren, die ARBED-Gelände in Esch-Belval zu und trug vor allem mit moderner Musik ein jüngeres Pub- damit einer Entwicklung Rechnung, die nicht likum ansprechen, steht das Escher Stadtthea- nur in der Kulturfabrik begann, sondern die ter als eine alteingesessene Kulturinstitution, bereits in den Jahren zuvor in der Organisation neben reinen Theateraufführungen, hauptsäch- von Großereignissen auf luxemburgischem Bo- lich für Aufführungen von klassischer Musik den, wie z. B. Rockkonzerten, ihren Ursprung und musikdramaturgischen Werken. Momentan genommen hatte. Aufgrund fehlender Einrich- (2009-2010) werden die technischen Installatio- tungen mussten diese im Freien und z. T. oft nen und die Bühne renoviert, und während unter widrigen meteorologischen Verhältnissen, dieser Zeit sind die Aktivitäten in ein Zelt am z. B. auf Krakelshaf zwischen Bettemburg und Boulevard Hubert Clement ausgelagert. Düdelingen oder in nicht hierfür vorgesehenen Einrichtungen, wie z. B. in zweckentfremdeten Das Kulturzentrum Opderschmelz und 13 Ausstellungshallen stattfinden. Den Gesetzen das CNA in Düdelingen von 2003 und 2004 ging ein Vorhaben des Jah- Im hundertsten Jahr seiner Erhebung zur Stadt res 1999 voraus, das die ehemaligen Gebläse- beschenkte sich Düdelingen im Jahr 2007 mit hallen von ARBED nutzen wollte, ein Plan, der einem neuen Kulturzentrum selbst. Das neue aber nicht weiter verfolgt werden sollte. Bauwerk beherbergt auch das Centre National Die Rockhal erlegt sich eine Mission in de l’Audiovisuel. Wie viele Gemeinden in Lu- vier Punkten auf: xemburg setzt es, dem Wunsch der luxembur- 1. Sie ist Organisator großer musikalischer Ver- gischen Regierung entsprechend, auf Dezentra­ anstaltungen jeglicher Ausrichtung. Es wird ein lisierung des Kulturangebots. Dieses in den heterogenes Publikum anvisiert. Siebzigern durch den damaligen Kulturminister 2. Sie soll ein Ort sein, wo künstlerische Pro- Robert Krieps initiierte Vorhaben wurde erst zu jekte mit professionellem Anspruch, aber auch Beginn des neuen Jahrhunderts Wirklichkeit. Projekte aus dem Amateurbereich sich in Sym- Die Dezentralisierung der Kultur, weg von der biose begegnen. Hier sieht sie sich mit der Stadt Luxemburg und z. T. auch von Esch, hat in Kulturfabrik auf einer Linie. vielen Teilen des Landes regionale Zentren her-

12 Vgl. hierzu: Memorial A-Nr. 101 (30. Juni 2004), Centre de Musiques Amplifiées, S. 1617-1620; Rockhal. Auf der Internetseite http://www.rockhal.lu/fr/ (09/03/2009). 13 Vgl. hierzu: Opderschmelz. Auf der Internetseite http://www.opderschmelz.lu (9/3/2009); Memorial A-Nr. 120 (15. Juli 2004), Instituts Culturels de l’Etat, Centre National de l’Audiovisuel, S. 1802f.

90 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

vorgebracht, so z. B. in Marnach, in Ettelbrück Matthias Thill (1880-1936) und in Mersch. Im April 2008 wurde als vor- läufig letztes das neue Konzert- und Konferenz­ Das eben formulierte Auswahlkriterium trifft zentrum Trifolion in Echternach eröffnet. auf Matthias Thill nur z. T. zu. Sein Wirken Das Centre National de l’Audiovisuel ist ist nicht nur von Bedeutung für seine Geburts- eine dem Kulturministerium untergeordnete und stadt Esch, sondern für ganz Luxemburg. Der seit dem Jahr 2007 im Zentrum Opderschmelz Primärschullehrer­ Mathias Thill (1880-1936) in Düdelingen untergebrachte behördliche ist die wohl am wenigsten bekannte, mit Musik Kultur­einrichtung. Anfangs war es in für die An- in Verbindung zu bringende Persönlichkeit aus sprüche viel zu kleinen Räumlichkeiten im ehe- dem Land der Roten Erde. Thills Werk ist heute maligen Pensionnat de la Doctrine Chrétienne nahezu komplett in Vergessenheit geraten, auch beheimatet. Seine Bedeutung geht über das Re- unter Musikern und dennoch ist es, wie nahezu gionale hinaus - das ist bei der Rockhal nicht kein anderes, Beleg nationaler und regionaler anders. Die zentrale Mission des CNA ist die kultureller Identität. Und so ist auch hier der Ort Archivierung und Restaurierung historischer einer Würdigung. Matthias Thill war kein aus- Tondokumente, Filme und Photos, verbunden übender Musiker oder Musikpädagoge, sondern mit einer Öffentlichkeitsarbeit, die das Bewusst- ein Volksliedsammler. Er begann seine Sammel­ sein über nationales Ton- und Filmpatrimonium tätigkeit im Jahre 1901 dort, wo er wohnte und wecken, fördern und der wissenschaftlichen seine erste Lehrerstelle inne hatte, nämlich in Forschung zugänglich machen soll. Neu erstellte der Escher Gegend und er setzte sie in weiteren kommerzielle Musikdokumente kommen dem Gegenden Luxemburgs bis zu seinem Tode im CNA durch den Dépôt Légal automatisch zu Jahre 1936 fort. Die bedeutendste, am meisten und sichern auf diese Weise eine universelle ausgereifte und umfangreichste Sammlung bibliographische Aufnahme aller in Luxemburg luxemburgischer Volkslieder ist somit das Er- erstellten Ton- und Bildträger. Des Weiteren gebnis eines Entstehungsprozesses von mehre- werden hier sämtliche Tonaufnahmen des frü- ren Jahrzehnten. Das Werk umfasst 306 Num- heren Sinfonieorchesters von RTL aufbewahrt. mern. Hinzu kommt eine große Anzahl an Va- Die Notwendigkeit einer mit Ton- und Film- rianten. Der kulturelle und musikethnologische archivierung betrauten Institution wurde erst Wert übertrifft die bekannteren Sammlungen relativ spät erkannt und im Jahre 1989 in die von Lafontaine (Dicks) - Die Luxemburger Tat umgesetzt, genau neunzig Jahre nachdem Volkslieder älterer Zeit, 1904 - und Kintzelé die älteste Institution dieser Art, das berühmte (Brouilli) - Aus der Ucht, 3 Bde., 1926-1935 - Phonogrammarchiv in Wien, seine Arbeit auf- bei Weitem. Thill ließ sich jedes einzelne genommen hatte. Lied von einer Gewährsperson vorsingen und brachte es sogleich und in authentischer Weise Das Land der Roten Erde und zu Papier. Später gruppierte er die Lieder seine Musiker nach inhaltlichen und musikalischen Vari- antengruppen und nach übergeordneten in- Neben dem vorausgehenden hauptsächlich haltlichen Kategorien. institutionell ausgerichteten Bezug zur Matthias Thill konnte die Früchte seines Musik im Land der Roten Erde wollen wir uns aufopferungsvollen und mühsamen Lebens- jetzt den dort wirkenden musizierenden werks jedoch nicht mehr ernten. Nach seinem Menschen zuwenden. Allerdings werden Tode übertrug Thills Witwe den Feinschliff wir uns selektiv auf einige wenige Musiker bis hin zur Veröffentlichung der Luxembur- beschränken müssen und deren Werk bzw. ger Volksliedersammlung unter dem Namen Wirken mehr im Detail erörtern. Bei unserer Singendes Volk an einen Kollegen von Matthias Auswahl gehen wir jedoch nicht beliebig vor, Thill, Nicolas Pletschette aus Rümelingen. sondern wir richten diese nach der Frage aus, Abbildung 1 zeigt die regionale Verteilung inwieweit Wirken und Werk im Zusammen- der Aufzeichnungsregionen. Aus den Umkrei- hang mit dem Land der Roten Erde stehen. sungen geht hervor, dass Thill nicht aus allen Andere werden wir am Rande kurz erwähnen. Regionen Luxemburgs Lieder zusammengetra- Damit soll aber keine qualitative Wertung ihrer gen hatte, sondern lediglich an verschiedenen, Arbeit verbunden sein. ausgewählten Orten, hauptsächlich solchen, mit

91 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

denen er aufgrund seiner pädagogischen Tätig- mit folgenden luxemburgischen und nicht-lu- keit verbunden war. Aus seinen Aufzeichnun- xemburgischen Quellen hat: gen geht ebenfalls hervor, dass er von manchen Gewährsleuten bis zu zehn und mehr Lieder 1. Spedener steht für: SPEDENER, Gregor, Die bezog. Für jedes Lied der Sammlung wird der Bauernhochzeit in früheren Zeiten, Luxem- Name der/des Gewährsfrau/mannes sowie Ort burg 1933, S. 55f. und Datum der Aufzeichnung angegeben. Hinzu 2. E. = B. III steht für: ERK, Ludwig / BÖHME, kommen Literaturverweise. Franz-Magnus, Deutscher Liederhort, 3 Bde, ND Wiesbaden 1988, Bd. 3, Lied Nr. 1541. Abbildung 2 zeigt einen Ausschnitt aus Thills 3. Gaßmann, Wiggert steht für: GAßMANN, Sammlung. Mit Lit. A gibt Thill die luxem- Alfred Leonz, Das Volkslied im Luzerner burgischen Varianten zum Lied an. Unter Lit. Wiggertal, Basel 1906, B sind die nicht-luxemburgischen Quellenver- 4. Pinck, Weisen III steht für: PINCK, Louis, weise aufgeführt. In dem Beispiel handelt es Verklingende Weisen. Lothringer Volkslieder, sich um ein Lied, welches Berührungspunkte 5 Bde., Metz/Kassel 1928ff, Bd. 3.

Weiswampach

Ulfingen

82 km Clerf

Wiltz Kautenbach

Burscheid

Diekirch Ettelbruck Echternach Bissen Fels Redingen Mersch Wasserbillig Junglinster

Grevenmacher

Capellen Wormeldingen Strassen Luxemburg

Petingen Remich Differdingen Mondorf Esch/Alzette Düdelingen

54 km

Abb.1 – Regionen der Sammeltätigkeit Thills, SAGRILLO, Damien, Melodiegestalten im luxemburgischen Volkslied, Bonn 1997, Bd. 1, S. 123.

92 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Abb.2 – Ein luxemburgisches Volkslied aus Singendes Volk, THILL, Matthias, Singendes Volk, Esch/A., 1937 posth.:

93 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Bei Singendes Volk ist die Hilfestellung des Einwanderer in der Südregion Luxemburgs. Deutschen Volksliedarchivs (DVA) in Freiburg Wie Matthias Thill ist Rampini nie Berufs­ im Breisgau und seines Leiters und Begrün- musiker gewesen, sondern Stahlarbeiter bei ders John Meier zu erkennen. Die mit äußerster Hadir - seit 1967 Arbed - in Differdingen. Er war Sorgfalt verfasste Sammlung luxemburgischer das älteste von drei Kindern einer aus Italien ein- Volkslieder hat Thill mit Hilfe der am DVA gewanderten Arbeiterfamilie und erblickte auf üblichen Standards angefertigt. So waren und der „Sonnenseite Differdingens“ im Wangert sind die Verweise zu den Varianten aus ande- das Licht der Welt. Hier im Wangert, wo die ren Regionen im DVA gängige Praxis. Der Um- Sonne allerdings nicht so hell scheint wie in der stand, dass der Germanist Meier hauptsächlich italienischen Heimat, wie es Francis Goergen Textforschung betrieb, findet seinen Nieder- in einer Laudatio auf Rampini beschreibt,15 schlag in der Sammlung Thill, die in 14 textlich- schufen sich viele Einwanderer eine neue Exis- thematische Rubriken unterteilt ist. Den größten tenz in der Fremde und konnten trotzdem unter Raum nehmen die Liebeslieder ein. Dies ist für ihresgleichen bleiben. Schon Rampinis Vater eine Volksliedersammlung nicht ungewöhnlich. verdiente durch körperliche Schwerstarbeit in Die relativ umfangreiche Rubrik historische, der Erzgrube den Lebensunterhalt für sich und Kriegs- und Soldatenlieder ist auf den histo­ seine Familie. Wie viele italienische Einwan- rischen Kontext Luxemburgs als Festungsstadt derer fand Asca Rampini den Weg zur Musik, zurückzuführen. Der Text dieser Lieder spiegelt als intellektueller Ausgleich für alltägliche als volkskundlicher Zeuge der Vergangenheit die manuelle Arbeit. Seine musikalische Begabung abwechslungsreiche Geschichte Luxemburgs öffnete ihm viele Türen, doch bei Weitem nicht als Zankapfel und Objekt der Begierde größerer alle. Wären seine Wurzeln nicht mit dem sozia­ europäischer Nationen wider. Den Anspruch len Geflecht des Arbeitermilieus, in der zu die- einer nach den wissenschaftlichen Erkenntnis- ser Zeit die Tätigkeit in der Stahlindustrie vom sen der Zeit zusammengestellten Sammlung wird Vater auf den Sohn weitergegeben wurde, ver- Thill in vieler Hinsicht gerecht. Die Quellen- woben, so wäre ihm eine musikalische Berufs­ verweise sollen das Aufspüren von Varianten in karriere sicher gewesen. Eigentlich wollte er Sammlungen überregionalen Charakters oder Opernsänger werden. Für Rampini war es aber in Sammlungen anderer europäischer Regionen bereits ein Erfolg, sich an der Escher Musik- erleichtern. Thill gibt Verweise zu insgesamt 14 schule bei Daniel Kater in Oboe einschreiben luxemburgischen und 37 ausländischen Quellen zu können. Bald stellte sich jedoch heraus, dass an. Am Ende seines Werkes erstellt er ein Ver- die musikalische Welt in Form einer Oboe für zeichnis von 23 nicht veröffentlichten Liedern Rampini zu klein war. Neue Musikstile, wie und dies, „weil sie entweder allzu derb und Jazz und Swing schwappten von jenseits des beleidigend sind oder keine interessanten Eigen- Atlantiks nach Europa herüber und Rampini tümlichkeiten gegenüber bereits anderswo ab- widmete sich weiteren Instrumenten mit einer gedruckten Texten und Melodien aufweisen.“14 Art an autodidaktischem Können, das nur musi­ Singendes Volk liefert bei Weitem nicht kalisch Hochbegabten in die Wiege gelegt ist. nur Erkenntnisse einer musikalischen Kultur Die Posaune wurde bald zu seinem bevorzugten Luxemburgs, sondern ist auch ein hilfreicher Instrument und mit ihr fand er Eintritt in die Zeuge luxemburgischer Volkskunde, der luxem- in den fünfziger und zu Beginn der sechziger burgischen Sprache und des Sprachgebrauchs Jahre bekannten Luxemburger Orchester Jean sowie nationaler und regionaler Geschichte aus Roderes und René de Bernardi, für die er auch der Sicht singender Menschen. diverse Arrangements schrieb. Im Jahre 1965 übernahm Rampini den Taktstock bei der Differ­ Asca Rampini (1931-1999) dinger Harmonie Municipale, nachdem im Vorjahr auf seine Initiative hin und unter seiner Der Name Asca Rampini ist eng verbunden mit Leitung die Nachwuchsformation Harmonie der Geschichte der Harmonie Municipale aus Prince Guillaume gegründet wurde. Rampinis Differdingen und mit jener der italienischen musikalische Begabung, sein organisatorisches

14 THILL, Matthias, Singendes Volk, Esch/A., 1937 posth., S. 637. 15 Vgl. hierzu: GOERGEN, Francis, le trait d’union 62 (2001), S. 3.

94 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Geschick und seine zwischenmenschlichen Be- die Stahlkrise und führte zu dem bereits oben ziehungen trugen dazu bei, dass das Orchester angesprochenen schmerzlichen Strukturwandel, in den 15 Jahren, in denen er die Verantwortung der heute größtenteils überwunden ist. Parallel trug, sich an die Spitze der luxemburgischen dazu wurden etliche Musikgesell­schaften und Musikvereine spielte und auch international Chöre ihrer Existenzgrundlage beraubt. Anerkennung fand. Seine Persönlichkeit, die Rampinis kompositorisches Werk ist im jedoch für viele an die eines raubeinigen Stahl- Zusammenhang mit seiner Dirigententätigkeit arbeiters erinnerte, dessen Bemerkungen seine zu sehen, d. h. es ist immer seinem Orchester Mitmusiker hin und wieder düpierten und zugeschnitten. Ein Teil davon sind Arrange- weniger talentierte Zeitgenossen schon einmal ments oder Adaptationen. Ein weiterer Teil hin- mit der Realität konfrontierten, taten dieser im gegen sind Originalkompositionen. Einige da- luxemburgischen Blasmusikwesen einmaligen von wurden vom Wiener Musikverlag Kliment Symbiose zwischen Dirigent und Orchester publiziert. Viele wurden speziell für die Show- keinen Abbruch. In den 15 Jahren seiner Tätig- Konzerte geschrieben. Weil es oft für eine keit gewann Rampini mit der HMD nicht nur bestimmte Idee nicht das richtige Werk gab, Wertungsspiele,­ sondern initiierte, aufgrund passte Rampini kurzerhand das zu komponie- seiner Erfahrung in den Tanzorchestern Roderes rende Werk der Idee an. und de Bernardi, mit den als Show-Music ge- Nicht nur in Differdingen, sondern auch tauften Galakonzerten neue Wege, auf sein in anderen Ortschaften der Stahlregion des Sü- Publikum zuzugehen. Lange Zeit blieb er mit dens integrierten sich italienische Einwanderer seinen auf Unterhaltung zielenden Konzerten in in örtlichen Musik- sowie in Sportvereinen und Luxemburg konkurrenzlos. bildeten nicht selten deren Rückgrat. Der Inte­ Jahre später erst erkannte ein weiterer grationswille der italienischen Bevölkerung Musikverein aus dem Süden, dass diese neue auf der einen Seite und der Aufnahmewille der Unterhaltungsform nicht nur dem Verein große luxemburgischen Bevölkerung auf der ande- Genugtuung bringt, sondern darüber hinaus ren Seite sind beispielhaft für einen heute als auch noch als Publikumsmagnet die Kassen auf- erfolgreich anzusehenden und z. T. auch ab- zufüllen vermag. Das alljährliche Nonstop-Kon- geschlossenen Prozess. Ich wage zu behaup- zert der Harmonie Municipale aus Bettemburg ten, dass die künstlerischen Impulse, die durch findet bis heute statt. Heute, im medialen Zeit- die Einwanderer von außen nach Luxemburg alter ist das Publikum, was den Unterhaltungs- herein­getragen wurden, zu einem großen Teil wert von Konzertveranstaltungen lokaler dazu beigetragen haben. Musikvereine betrifft, anspruchsvoller ge­ worden und von den Vereinsverantwortlichen Roland Wiltgen (*1957) wird diesbezüglich mehr abverlangt als noch vor einigen Jahrzehnten. So ist ein Großteil der Der aus Differdingen stammende Roland Musikgesellschaften in Luxemburg dazu über- Wiltgen begann seine musikalische Ausbildung gegangen, ihr alljährliches Hauptkonzert mit am Konservatorium in Esch, wechselte dann Showeinlagen abwechslungsreicher zu gestal- über ins Konservatorium nach Metz; anschlies- ten. Was Rampini vor vierzig Jahren in die Wege send ging er an die Ecole Normale de Mu- leitete, ist gegenwärtig im Laienmusikwesen­ sique nach Paris und schloss sein Studium am Luxemburgs zur Selbstverständlichkeit gewor- renommierten Pariser Conservatoire National den. Größere und musikalisch leistungsfähi- Supérieur de Musique in Tonsatz ab. Seit 1983, gere Musikgesellschaften wie z. B. die Escher dem Jahr seiner Nominierung, unterrichtet er Harmonie Municipale beschränken sich aller- die mit musikalischem Tonsatz zusammen­ dings bis heute auf die klassische Konzertform. hängenden Fächer am Konservatorium in Rampini stand von 1965-1980 an der Spitze Esch. Der Komposition hat Wiltgen sich schon der Differdinger Musikgesellschaft. Aller­dings während seiner Studienzeit gewidmet.Wiltgens blieben ihm private Schicksalsschläge in dieser Œuvre umfasst bis zum heutigen Tag um die Zeit nicht erspart. Aber sein Abgang im Jahre vierzig Werke: 1980 ist nur z. T. darauf zurückzuführen. Er er- • Kammermusikwerke, kannte wohl eher die Zeichen der Zeit. In den • Werke für verschieden besetzte Ensembles, siebziger Jahren begann im Land der Roten Erde wie z. B. Luxembourg Sinfonietta... ,

95 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

• Klavier- und Orgelwerke, wie z. B. Les Lunes Schmelz I-III de Jupiter... , In einem weiteren Werk von Roland Wiltgen • Werke für Harmonieorchester, ist das nicht viel anders. Das Werk Schmelz • Werke für Brass Band, ist als Trilogie konzipiert, und die drei Sätze • Werke für elektroakustische Tonträger, sind als mehr oder weniger lose zusammen­ • Chorwerke hängende Teile zwischen 1999 und 2001 • und ein Auftragswerk für Luxembourg 2007 entstanden. Sie liegen vor in zwei Instrumen- namens Tri-Partite. tierungen, einer für Brass Band und einer für Harmonieorchester. Obwohl der Titel Schmelz Wiltgens Kompositionen im und über das einen klaren Bezug zu einem programmati- Land der roten Erde schen Inhalt erahnen lässt, existiert ein solcher, Roland Wiltgen erweist seiner Heimat und laut Auskunft des Komponisten, nicht. Dennoch seinen eigenen Wurzeln mit seiner Musik die lässt die Werkbeschreibung, wie sie Wiltgen auf Referenz. In seinem Werkverzeichnis sind das seiner Homepage veröffentlicht, zunächst an vor allem Red Earth für Brass Band (1995), ein Programm denken:17 die Trilogie Schmelz (1999-2001) und das Chorwerk D’Saelerbunn (2003).16 « Le temps va changer », disait-on en observant la fumée qui s’échappait du complexe Arbed - Red Earth Belval tourner à l’est. Je n’y ai jamais mis les Im Jahre 1993 wurde Wiltgen durch Les Amis pieds; c’était un endroit mystérieux, presque du Brass Band du Conservatoire d’Esch/Alzette irréel, et pourtant si proche. Sa silhouette, damit beauftragt, ein Werk für Brass Band zu parfois auréolée d’un nuage rougeâtre, ses komponieren. Die Gelegenheit dazu bot sich, bruits, ses rythmes et ses odeurs font partie de weil Luxemburg als europäische Kulturhaupt- mes souvenirs d’enfance. stadt des Jahres 1995 Austragungsort der all- « Les hauts fourneaux brûlent plus longtemps jährlich in einem anderen Land stattfindenden que les volcans », a dit quelqu’un; et pourtant: europäischen Brass-Band-Meisterschaften war. Les temps ont changé; beaucoup d’endroits sont Roland Wiltgen komponierte mit Red Earth das redevenus calmes et déserts, et les sons de jadis ne Pflichtstück des Wettbewerbes. Für den Kom- nous parviennent que par bribes. Le promeneur ponisten bot sich die Gelegenheit, bis dorthin nostalgique peut les entendre en pensant à nicht ausformulierte musikalische Ideen in ein cette étrange parenthèse de l’histoire du bas- formales Ganzes einzuarbeiten. Dabei musste er sin minier. aber auf eine festgefügte Instrumentierung, auf stilistische Vorgaben und auf aus der Wettbe- In der Musikgeschichte sorgte die Problematik werbssituation gewachsene Traditionen Rück- im Zusammenhang mit der Programmmusik für sicht nehmen. Die Großform von Red Earth viel Diskussionsstoff. Hauptsächlich ein Pro- lässt sich von der klassischen viersätzigen Sin- dukt der Romantik, wurde sie seit Ende des 19. fonie ableiten. Allerdings wurden die vier Sätze Jahrhunderts thematisiert. Heute ist Programm- (schnell – langsam – mittelschnell – schnell) zu musik ein willkommenes, wenn auch viel stra- einer durchgehenden Komposition zusammen- paziertes Instrumentarium der Musik­pädagogik. gefügt. Dem ganzen Werk liegt ein Anfangs- Viele Komponisten – so auch Wiltgen – motiv mit lediglich vier Tönen zugrunde. Der verschließen sich einer Werkinterpretation, die Komponist verwehrt sich gegen jegliche pro- ihren Werken Außermusikalisches zugrunde grammatische Aussage in seinem Werk, die auf legt. Das Umsetzen von Bildern in Musik, wie eine Beschreibung der Natur und der Lebens- bei Bilder einer Ausstellung von Mussorgsky und Arbeitsverhältnisse im Land der Roten Erde oder das Vertonen von vorab festgelegten schließen lassen würde. Red Earth sei lediglich Programmen, wie in der Alpensinfonie von eine Referenz an die Heimat des Komponisten Richard Strauss, die Außermusikalisches, wie mit seinen Eisenminen, seinen Hüttenwerken Handlungen, Situationsbeschreibungen oder und den dort arbeitenden Menschen. ganz allgemein Gedanken, Gefühle und Empfin-

16 Vgl. hierzu: Roland Wiltgen et sa musique. Auf der Internetseite http://www.homepages.lu/wroland (12/3/2009). 17 Vgl. hierzu: Textes, Schmelz. Auf der Internetseite http://www.homepages.lu/wroland/PAGE5.HTM#Red%20Earth (09/03/2009).

96 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

dungen musikalisch zu umreißen vorgeben, sind Weitere Musiker im Land der Roten Erde19 Paradebeispiele, die immer wieder für die Idee der Programmmusik herhalten müssen. Doch es Bei den drei oben besprochenen Persönlich­ stellt sich die Frage, inwieweit Musik Außer- keiten hat jede auf ihre Weise einen Beitrag musikalisches beschreiben kann. Ist Programm- zum Musikleben in der Minetteregion und in musik nicht eher eine Illusion? Und wird sie ganz Luxemburg geleistet. Ihnen gemeinsam ist, nicht, sei es bewusst durch einige wenige Kompo- dass sie auf den ersten Blick nichts gemeinsam nisten selbst oder durch die Musikwissenschaft haben. Während Thill sich musikethnologisch im Nachhinein, an den Zuhörer herangetragen? betätigt hat, waren und sind die beiden anderen Wiltgens hier besprochene Werke im Zusammen­ ausführende Musiker. Allen ist gemeinsam, dass hang mit dem Land der Roten Erde sind weitere, sie hauptsächlich Pädagogen waren oder sind. luxemburgische Belege für diese so viel disku- Thill war Primärschullehrer, Rampini, obschon tierte und von vielen Seiten umstrittene Idee. nur nebenberuflich, hat sich bei der Differ- dinger Harmonie in besonderer Weise dem D’Saelerbunn Nachwuchs gewidmet, und diese pädagogische D’Saelerbunn ist ein Werk für gemischten Chor, Tätigkeit hat dann auch, wie wir es heute wissen, Streichorchester, Horn und Harfe auf einen Früchte getragen. Viele seiner ehemaligen Schü- Text von Gast Rollinger aus dem Jahre 1998.18 ler sind Berufsmusiker geworden. Wiltgen ist Wiltgen gewann im Jahr 2003 mit D’Saelerbunn Dozent für Tonsatz am Konservatorium in Esch. einen Wettbewerb, der von der Kulturvereini- Das ist auch bei den nächsten Musikern nicht gung Minettsdapp und dem Verband der luxem- anders. Auch sie waren oder sind hauptsächlich burgischen Laienmusiker UGDA ausgeschrie- Musikpädagogen, ihre hauptberufliche Tätig- ben worden war. Das Lied sollte in musikalisch- keit, die ihnen ihre Existenz sicherte bzw. si- technischer Reichweite eines Laienchores sein. chert und ihnen eine musikalisch-künstlerische Der Bezug zur Region der Stahlindustrie wird Tätigkeit erst ermöglicht, bzw. ermöglichte. Das bereits durch den Text hergestellt, aber auch in Phänomen, dass Musiker in ihrer Hauptbeschäfti- der Musik kommt er zum Tragen. So soll die gung Musikpädagogen sind und sich erst in zwei- Harfe die klickernden Geräusche der Seilbahn ter Instanz als ausführende Musiker betätigen, be- hörbar symbolisieren. Diese kilometerlangen schränkt sich nicht nur auf den Süden Luxem- Seilbahnen durchzogen die Eisenerzregion und burgs, sondern gilt für das ganze Land und auch beförderten das Eisenerz von den Gruben bis noch darüber hinaus. Der Zuwachs an Musikpäda- hin zu den Eisenhütten. Ihre Geräusche beglei- gogen in den letzten Jahren hat dem Musikleben teten die Bewohner der Erzgegend wie das Rau- in ganz Luxemburg zu einem nie gekannten Auf- schen eines Gebirgsflusses viele Bewohner des schwung verholfen. Auch dieses Phänomen ist Alpenlandes in ihrem Alltag; stetig im Hinter- nicht regional begrenzt, obschon durch die Kon- grund, mit einer zur Gewohnheit gewordenen zentrierung an Musikschulen im Süden, die Minet- Monotonie. Der melancholische Ton der Musik teregion in besonderer Weise davon profitiert(e). untermalt den Text von Rollinger. Beide, Text und Musik, veranschaulichen in einzigartiger Felix Krein (1831-1888)20 Weise die jüngste Vergangenheit einer Region Felix Krein kam in Esch-Sauer zur Welt. Sein und ihrer Menschen, die in jahrzehntelanger Vater und dessen Vater und Großvater übten harter Arbeit ihr Leben mit dem von den Seil- einerseits einen „handfesten“ Beruf als Tuch­ bahnen transportierten Rohmaterial verdienten weber aus und waren andererseits Amateur- und die letztendlich zum Wohlstand des ganzen geiger. Anscheinend beherrschte der junge Landes beitrugen. Das Pathos dieser Aussage Felix Krein mit zwölf Jahren bereits eine große reflektiert Musik und Text, und wir kommen Anzahl von Instrumenten, von der Violine nicht an der Feststellung vorbei: Die program- bis hin zur Basstuba. Zunächst war Krein als matische Aussage der Musik ist unverkennbar. Militärmusiker tätig und schloss mit dreißig

18 Vgl. hierzu: ROLLINGER, Gaston, D’Sälerbunn. In: Fir den Aarbechter mäi Papp, Lyrik, Gedichte, Poèmes, De Minettsdapp, Kultur am Süden, (Hg.), Esch-sur-Alzette 2003, S. 111. 19 Vgl. hierzu: BLASEN, Léon: Letzebuerger Komponisten. In: MACKEL Eugène (Hg.), 125 Joer Letzebuerger Stadtmusek, Luxembourg 1988, S. 24-191. 20 Vgl. hierzu: REITZ, Jean, Felix Krein, Spross einer Musikerfamilie. In: Harmonie Municipale Bascharage (Hg.), Harmonie Municipale Bascharage: 125 Joer, Bascharage, 1997, S. 113-127.

97 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

Jahren eine Ausbildung als Dirigent ab. Im ebenso wie Chöre waren reine Männerdomänen Jahre 1871 quittierte er den Dienst und ließ sich und blieben dies in der Minettegegend z. T. bis fortan in Esch-Alzette nieder. Hier übernahm er in die siebziger Jahre des 20. Jahrhunderts. als erster Dirigent die Leitung der Stadtmusik. Durch ihre Familienverhältnisse stand Ab 1872 dirigierte Krein auch die Chorgemein- Helen Buchholtz auf einer materiell sicheren schaft Orania in Niederkerschen, die sich ab Grundlage. Im Jahre 1914 heiratete sie den deut- 1875 in eine instrumentale Musikgesellschaft schen Arzt Bernhard Geiger und nötigte ihm im umwandelte. Im Jahr 1876 eröffnete er zusätz- Angesicht dieser existentiellen Unabhängigkeit lich ein Musikgeschäft in Esch. Nachdem Krein qua Ehevertrag ab, ihre musikalische Tätigkeit im Jahre 1882 seine Dirigententätigkeit in Esch zu akzeptieren und kinderlos bleiben zu dürfen. aufgegeben hatte, wechselte er in relativ kur- zen Abständen von zwei Jahren zu den Musik­ Alfred Kowalsky (1879-1943) gesellschaften in Niederkorn, in Differdingen, Alfred Kowalsky war der erste Direktor der in Schifflingen und in Kayl und prägte deren Escher Musikschule (s. o.). Er hatte bei so Anfangsphasen mit. Als Komponist sind von namhaften Komponisten wie Charles-Marie Krein 66 Kompositionen überliefert, viele für Widor in Paris (Orgel) und bei Richard Strauss die Vereine, für die er tätig war: vor allem Mär- in Berlin (Komposition) studiert. Er leitete die sche, Walzer und Potpourris, die zu dieser Zeit Musikschule bis zum Ausbruch des Zweiten von den Musikgesellschaften gespielt wurden. Weltkrieges im Jahre 1939. Seine Leistung Möglicherweise ist jedoch eine Vielzahl seiner als Komponist erbrachte er durch eine Oper, Werke verschollen. Operetten, Vokalwerke und Kammermusik. Loll Weber nennt Kowalsky zusammen mit Charles Günther (1872-1942) Louis Petit den „Vater der sinfonischen Kon- Der Deutsche Charles Günther studierte in Wei- zertszene in Luxemburg“22, eine etwas gewagte mar und ließ sich in Remich nieder. Im Jahre Einschätzung im internationalen Vergleich, in 1906 wurde er Dirigent der Escher Harmonie der regionalen Dimension jedoch angemessen. und hatte diesen Posten bis zu seinem Tode im Jahre 1942 inne. Seine bekannteste Komposition Louis Petit (1890-1953) ist die Musik zu dem Bühnenwerk Eng Hellecht Geboren wurde Louis Petit in der Stadt Luxem- op der Musel. Außerdem schrieb er noch vokale burg, aber er arbeitete seit 1916 als Musiklehrer Einzelwerke und verschiedene Orchesterstücke. am Mädchenlyzeum und in der Industrieschule in Esch. Im Jahre 1923 war er Mitinitiator beim Helen Buchholtz (1877-1953) Aufbau der Escher Musikschule. Louis Petit Durch Zufall wurde der Nachlass von Helen machte sich vor allem einen Namen durch seine Buchholtz gerettet.21 Es war zu ihrer Zeit recht Vokalwerke und als Chordirigent der Escher ungewöhnlich, dass sich eine Frau dem Kom- Uelzecht von 1920 bis 1946. Das war sein ponieren widmete. Das große Vorbild ist Clara Terrain, auf dem er sich musikalisch am besten Schumann (1819-1896). Ihre Musikausbildung auskannte, und es gelang ihm, den Laien­ erhielt Buchholtz wahrscheinlich privat, weil chor zu höchsten musikalischen Leistungen es die Escher Musikschule noch nicht gab. zu führen. Als Musikpädagoge versuchte er, Möglicherweise konnte sie aber im Mädchen- eigene Wege zu gehen und sich von einer starren gymnasium in Longwy, das sie nach der Grund- Musik­ausbildung zu lösen. Hierzu legte er zwei schule in Esch besuchte, ihre Musikkenntnisse Manuskripte vor: „Für die Neugestaltung der vertiefen. Sie stammte aus einer Familie erfolg­ Musikerziehung im mittleren Unterricht“ und reicher Escher Geschäftsleute, in der die Musik „Die musikalische Entwicklung beim Kind“. ihren Stellenwert hatte und Hausmusik groß geschrieben wurde. Hausmusik war dann auch Alphonse Foos (1894-1945)23 die einzige Möglichkeit der jungen Musikerin, Von seiner Ausbildung her war Foos nicht Mu- sich künstlerisch zu betätigen. Musikvereine, siker, sondern Deutschlehrer. Als Musiker hat

21 Vgl. hierzu: ROSTER, Danielle, Die Escher Komponistin Helen Buchholtz. In: Ville d’Esch-sur-Alzette (Hg.), 100 Joer Esch 1906-2006, Esch-sur-Alzette, S. 374-381. 22 Vgl. hierzu: WEBER, Lol, “Gees de den Owend mat op de Concert?“ In ebd., S. 391. 23 Vgl. hierzu: HILGERT, Romain, Heimatdichtung als Nationalliteratur. In: d‘Lëtzebuerger Land (13. Dezember 2002). Auf der Internetseite: http://www.land.lu/html/dossiers/dossier_luxemburgensia/hilgert_131202.html (11/03/2009).

98 Terres Rouges Musik im Land der Roten Erde

er nie gearbeitet. Seiner musikalischen Bega- aber auch als Komponist hervorgetan und sich bung verdanken wir jedoch ein breitgefächertes künstlerisch viel in der Minettegegend einge- Werk, mit dem sich aber bislang wenig beschäf- bracht. Der in Esch geborene Marcel Wengler tigt wurde. Zu erwähnen wäre der im Jahre (*1946) hat sich als Komponist einen Namen 1934 erschienene 14 Nummern umfassende gemacht und ist weit über die Grenzen Luxem- Liederzyklus für Solostimme und Klavier nach burgs bekannt und tätig. Der jetzige Direktor Texten aus dem Gedichtband Klor Stonnen von des Escher Konservatoriums Fred Harles Michel-Joseph Hever aus dem Jahre 1932. Aber (*1946) leitet seine Schule seit 1978 (!) und hat aus seiner Feder stammt u. a. auch eine im Jahre daraus eine über die Region hinaus anerkannte 1935 erschienene Monographie über Nikolaus musikalische Ausbildungsstätte gemacht. Die Welter: Nikolaus Welter und sein dramatisches Brass Band des Escher Konservatoriums (s. o.) Werk. Da Foos ein Anhänger der National- wurde von ihm gegründet und ist Aus- sozialisten war - er war Vorsitzender der Gedelit hängeschild dieser kleinen, aber leistungs- Luxemburg -, musste er am Ende des Krieges starken Institution. Luxemburg verlassen und starb wenig später.

Pierre Cao (*1937) Résumé und Danksagung Der in Düdelingen geborene Pierre Cao widmet sich hauptsächlich der Chormusik. Schon mit Das Thema Musik im Land der Roten Erde 18 Jahren leitete er einen Chor in seiner Hei- präsentiert sich als ein nicht abgeschlossenes matstadt. Später wechselte er als Dirigent zur Mosaik, welches sich im Laufe der Jahrzehnte renommierten Uelzecht nach Esch und blieb vervollständigt und welches heute als Moment- dort von 1961-1975. Er studierte am König- aufnahme, aber auch rückblickend betrachtet lichen Konservatorium in Brüssel Komposi- werden kann. Zunächst waren in der Gegend um tion und Dirigieren und gewann im Jahre 1968 Esch Komponisten und Musiker im Bereich der einen Dirigentenwettbewerb. Daraufhin wurde Laienmusik tätig. Später kam es mit Gründung er Assistent unter Louis de Froment beim der ersten Musikschulen zu einer ersten Phase damaligen Rundfunkorchester von RTL. In der Professionalisierung, und heute sammeln dieser Zeit enstanden eine Reihe von Schall- sich die Mosaiksteine und lassen das Bild plattenaufnahmen. Er investierte sich in der einer „musikalischen Landschaft“ erkennen, die Ausbildung von Chordirigenten an den Konser- sich stetig erweitert und diversifiziert. Dieses vatorien in Esch und in Luxemburg und leitete Phänomen ist mitnichten ein regional begrenz- zahlreiche Meisterkurse. 1991 gründete er das tes. Dass musikalische Betätigung in regionaler Institut Européen du Chant Choral (INECC). Ausprägung ihren Weg aus dem Laienmusik- Nach seiner Pensionierung als Musiklehrer am bereich hinein in ein professionelles Stadium Konservatorium in Luxemburg setzte er seine findet, scheint universelle Gültigkeit zu haben. Chorleitertätigkeit auf internationaler Bühne Die Informationen im Zusammenhang fort und ist heute künstlerischer Leiter mehre- mit dem Thema Musik im Land der Roten Erde rer angesehener Chorensembles in Frankreich. fließen in spärlicher Form. Sie liegen vor als Er lebt zurzeit in Paris und gastiert regelmäßig (nicht-)wissenschaftliche Artikel, Festbroschü- mit Chorkonzerten in der Philharmonie in ren, Internetseiten, Gesetzestexte... Auch das Luxemburg-Kirchberg. Stöbern in Archiven gehörte zur Erkenntnis- Wir könnten die Reihe von Musikern aus gewinnung dazu. Ein großer Teil des Wissens Esch weiter fortsetzen und auf das Wirken des existiert jedoch nicht in geschriebener Form, früheren beigeordneten Direktors des Kon- sondern konnte erst durch Interviews gewonnen servatoriums Josy Asselborn (*1929) näher werden. Den vielen Helfern und Interview­ eingehen. Er hat sich als Organist und Pianist, partnern sei an dieser Stelle gedankt.

99

Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges. Une étude de cas Julie Schroell

Le terrain de la Jeunesse d’Esch dans les années 1980, entouré de colonies ouvrières, avec en arrière-fond la friche industrielle de l’ancienne usine de Terres rouges et, au loin, l’usine de Belval avec les hauts fourneaux A, B et C. (Coll. Denis Scuto)

Pendant le siècle dernier, la Jeunesse d’Esch est Differdange, l’Alliance de Dudelange ou l’US devenue une équipe emblématique, façonnée Rumelange. Mais plus encore que ces autres par le contexte historique, sociopolitique, cultu- clubs du Sud du pays, la Jeunesse continue à rel et historique du Luxembourg. maintenir et à véhiculer une image de toute Des questions d’ordre sociologique, poli- une région, souvent associée à des facteurs tique et culturel, en rapport avec la Jeunesse et extérieurs au sport, comme le monde ouvrier, son parcours, permettent de comprendre com- l’immigration, le quartier. En effet depuis un ment et pourquoi le club et son terrain sont siècle, la Jeunesse d’Esch s’est vu attribuer de devenus l’étendard d’un quartier ouvrier, la nombreuses qualités devenues légendaires ; Hoehl/Frontière, et le point de ralliement d’une dans l’opinion publique, la Jeunesse d’Esch métropole industrielle, Esch-sur-Alzette. est souvent synonyme de « club d’ouvriers », Dans quel sens les facteurs socioécono- « club de quartier », ou encore « club des Italiens ». miques de la région des Terres Rouges, parmi Les diverses vertus et caractéristiques lesquels l’industrialisation, ont-ils influencé conférées à ce club centenaire par les Luxem- l’émergence et l’évolution du football dans bourgeois méritent un questionnement, afin de cette région du pays ? pouvoir en déterminer le degré de réalité. L’histoire de la Jeunesse est illustrative A travers l’analyse socioprofessionelle ou représentative d’autres histoires sportives des joueurs de la Jeunesse, basée sur l’étude de dans la région étudiée. En effet, le lien entre leur domicile et de leur profession, nous nous le développement industriel de la région et le demanderons si ces attributs correspondent à la développement du football est aussi visible à réalité ou plutôt à des mythes, élaborés par la propos d’autres clubs, comme les Red Boys de mémoire collective ?

101 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

Avant de commencer l’étude de cas et de club de football association est fondé en 1880 : comprendre quel rôle le football a joué dans la l’Antwerp F. C. Pour la Suisse, la présence de région des Terres Rouges, il est important de nombreux élèves anglais dans des instituts sco- parler des origines de ce sport de ballon collec- laires privés y explique l’ancienneté de la pra- tif et de son arrivée au Luxembourg. tique du football (1860)1. Une seconde voie de pénétration du foot- Le football, un sport d’élite ball en Europe a été assurée par les continen- importé d’Angleterre taux eux-mêmes, qui ont ramené le football dans leur pays après un séjour plus ou moins L’histoire du football commence en Grande- long en Angleterre. Tel est le cas par exemple Bretagne au milieu du XIXe siècle, où ce nou- des professeurs d’anglais qui reviennent de leur veau sport d’équipe était considéré comme stage linguistique accompli en Angleterre. Ils y un sport réservé à l’élite. C’est ainsi qu’il se ont appris à connaître le football, dont la pra- développe au sein des public schools et dans tique était directement associée à l’éducation. les universités, où les équipes sont constituées C’est de cette façon que le football ar- essentiellement de fils de la bourgeoise. rive au Grand-Duché. Un professeur d’anglais, À la même époque, les sports athlétiques Jean « John » Roeder, introduit ce sport viril à prennent de l’importance tant au niveau de la l’école industrielle et commerciale d’Esch aux médecine que de l’hygiène ou de la pédagogie, environs de 1902, après le retour de son stage étant utilisés dans la perspective d’une éduca- en Angleterre. Roeder fonde la première équipe tion nouvelle visant à la réhabilitation du corps. luxembourgeoise en décembre 1906 à Esch, le Les sports répondent aussi à la demande d’un Football and Lawn Tennis Club2. La FOLA, anti-intellectualisme en promouvant l’action et club des classes moyennes, sera pendant de l’énergie vitale, vus comme une libération par longues années le rival de la Jeunesse d’Esch. les jeunes élèves soumis à la discipline. Arrivé en Europe, le football s’est déve- Le football est arrivé par des chemins loppé dans un premier temps parmi les couches divers en Europe continentale et dans le aisées de la population. En effet, l’adoption du reste du monde. football et d’autres sports anglais sur le conti- D’une part, ce sont les agents de l’expansion nent révèle avant tout la volonté d’affirmer un économique britannique dans le monde qui as- style de vie. Le football du début du siècle cons- surent la diffusion du football. Transporté par titue en outre un moyen de contrôle social, une les matelots anglais sur les plages du Brésil ou instance disciplinaire et moralisatrice qui ser- de Marseille vers 1884, ce nouveau jeu attire le vait souvent à encadrer la jeunesse. regard des curieux. Ensuite le football pénètre à Pendant ses premières années d’im- l’intérieur des terres grâce aux techniciens des plantation en Europe, les pionniers du football compagnies de téléphonie ou par le biais des sont des juristes, des administrateurs ou des compagnies des minières. journalistes réputés. Il est significatif dans ce En ce qui concerne la pénétration du foot- contexte que la licence de football n°1 de la ball en Europe du Nord-Ouest, les Britanniques Fédération des Sociétés Luxembourgeoises de ont alimenté des canaux multiples. Ce sont des Sports Athlétiques fut délivrée en 1909 à un négociants et des courtiers, installés près des étudiant en droit, Alphonse Weicker, futur fon- ports, ou encore des commerçants qui amènent dateur et dirigeant de ce qui deviendra la plus le football dans les centres économiques et les importante banque luxembourgeoise. capitales. Dans d’autres cas, il s’agit d’élèves Au Luxembourg, les associations du début anglais des collèges continentaux qui associent du siècle se caractérisent par une grande instabi- les autochtones à leur jeu. De par sa proximité lité et une difficile mise en place. Leur vie est sou- géographique, le sport arrive dès les années vent marquée par des restructurations et des scis- 1860 dans les collèges anglais de Bruges, de sions. La création de la plupart des clubs relève Bruxelles et d’Anvers. En Belgique, le premier d’initiatives personnelles de pionniers motivés.

1 WAHL Alfred, La balle au pied, histoire du football, Paris, 2002, p.30. 2 SCUTO Denis, « Jeunesse Esch – Ein historischer Rückblick », in : Magazine N° 32, Annuaire 2002-2003, pp. 34-45.

102 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

La création de la Jeunesse Nous constatons que les joueurs de cette époque (1907-1920) sont majoritairement issus de la classe moyenne et de la bourgeoisie d’Esch. Toutefois, on peut En août 1907, un élève de Jean Roeder, Jean- observer un lien étroit entre le monde industriel, Pierre Weber, employé de l’usine d’Esch, et la création des usines dans le Bassin minier à la Henri Rizzi, électricien, sont à la base de la même époque et la fondation de la Jeunesse. En création du Football et Lawn-Tennis Club Jeu- effet, la majorité des joueurs travaillent au sein nesse de la Frontière, la future A. S. La Jeunesse de l’Arbed, mais appartiennent plutôt à la classe d’Esch. Ils convoquent un groupe de jeunes des cadres ou des supérieurs3. Eschois dans un local du quartier de la Frontière à Esch, pour concrétiser leur idée. La démocratisation du football Les premiers joueurs de la Jeunesse d’Esch ne possédaient pas de véritable terrain de jeu. Apparu d’abord comme un instrument de l’élite Comme des nomades, ils transportaient avec sociale et un moyen de distinction, le football eux les poteaux pour former les buts et s’instal- est devenu peu à peu l’apanage des couches laient là où ils trouvaient de la place. Les pro- moyennes. En effet, le football n’a pas résisté priétaires de ces terrains chassaient souvent les au mouvement social en cours et, dans la plupart joueurs de ce sport peu apprécié à l’époque. des pays, en moins d’une génération, ce sport Qu’en est-il de la Jeunesse d’Esch ? Dans d’élite est accaparé par les couches populaires. la société luxembourgeoise, il est assez com- Dans la plupart des pays, le football va mun d’affirmer que depuis ses débuts, le club être diffusé en milieu populaire après la Grande compte parmi ses joueurs essentiellement des Guerre. A partir de 1920, le sport est complè- ouvriers, travaillant à l’Arbed d’Esch. tement absorbé par les couches sociales infé- Quelle était la configuration des équipes rieures en ville et à la campagne, grâce entre de la Jeunesse d’Esch pendant les premières autres au développement des transports au début décennies de son existence ? Est-ce que le profil du XXe siècle (proximité des gares, autocars). socio-professionnel des joueurs s’inscrit dans la De plus en plus, l’idée que le sport contri- « règle », ou forme-t-il une exception ? bue à promouvoir la santé physique et mentale La légende veut que la Jeunesse d’Esch de la jeunesse prend le dessus et stimule dans soit un club d’ouvriers depuis le départ. Qu’en tous les pays l’essor du mouvement sportif as- est-il réellement ? sociatif à partir de 1920. En même temps, le développement du mouvement associatif répond à une recherche Le profil professionnel des joueurs d’une nouvelle communauté, poursuivie par les de la Jeunesse populations urbaines récemment installées en ville et souvent déracinées par le changement de vie qui accompagne l’urbanisation4.

1907-1918 Le quartier de la Frontière : la « Hiehl », la « Grenz » et le « Brill » 5,00% 15,00% Ouvrier Arbed Bien que la première équipe « officielle » Employé Arbed 25,00% Supérieur Arbed de la Jeunesse soit principalement formée Fonctionnaire d’hommes aisés, le football se répand rapide- Employé privé 20,00% Commerçants ment au sein de ce quartier émergeant autour Indépendants des usines nouvellement construites. Et le phé- Banques, assurances 10,00% nomène de démocratisation du football a rapi-

20,00% dement pris le dessus dans le petit univers de la ville d’Esch, où cette pratique sportive ne se limitait pas aux fils de la bourgeoisie.

3 SCHROELL Julie, E stoarkt Steck Minett, analyse socioprofessionelle des joueurs de la Jeunesse d’Esch, mémoire en histoire contemporaine, ULB, Bruxelles, 2007, p. 38. 4 WAHL Alfred, Les Archives du football. Sport et société en France (1880-1980), Paris, Gallimard-Julliard, 1989, p. 13.

103 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

En effet, à partir de 1902, des équipes de Les liens sociaux entre les habitants de ce quartiers se sont créées. Le quartier, de par sa quartier d’ouvriers expliquent aussi la création surpopulation, se prêtait bien à la formation ainsi que le développement d’un club de foot- de jeunes footballeurs. Dans les environs de la ball. En effet, les jeunes hommes du quartier se « Brasseurschmelz » érigée en 1870 (usine de côtoyaient à la fois sur le terrain de football, à la future Arbed / Terres Rouges), le quartier de l’usine, dans la rue et au café. la Frontière constituait un ensemble homogène, Pour le jeune ouvrier travaillant à l’usine éloigné du centre-ville, dans lequel les jeunes du quartier, le football offre une possibilité de pouvaient se prêter au football sans déranger compensation après une longue journée de tra- quiconque5. vail. Le sport permet une régénération physique En outre, les rencontres ressemblent à des et mentale, alors que la monotonie du travail manifestations festives permettant avant tout manuel sollicite le corps de manière répétitive de nouer des liens amicaux ; l’ambiance au- et unilatérale. tour du stade est aussi importante que l’enjeu En outre, la surpopulation de ce quar- sportif. L’association sportive offre en effet une tier au début du siècle incitait les gens à sor- structure fraternelle et conviviale aux individus tir dans la rue dès que possible, non seule- arrachés à leur milieu traditionnel, ainsi qu’un ment pour y jouer au football, mais aussi surcroît de sécurité. pour y vivre. Quand la localité d’Esch-sur-Alzette reçoit Les colonies ouvrières du quartier, consti- le statut de ville en 1906, le nombre de ses habi- tuées de maisons unifamiliales avec jardin, tants a augmenté de 100% en 30 ans, depuis la étaient destinées aux ouvriers qualifiés, luxem- création de la première usine en 1871. Ceci est bourgeois ou allemands. Tous les autres travail- dû à l’industrialisation qui a engendré un mouve- leurs, majoritairement italiens, vivaient dans des ment d’exode rural. Il y a eu d’abord une migra- baraques, des cafés-pensions ou des immeubles tion des paysans au sein même du pays, surpeuplés. L’enquête sur les conditions de loge- suivie d’une internationalisation de la main ment dans ce quartier, réalisée en 1905/1906 par d’œuvre industrielle, essentiellement allemande la Commission permanente de statistique, est et italienne. assez éloquente à cet égard.

Carte postale de la Hoehl des années 1930 : en avant-plan, les wagons chargés de minerai de fer, puis la rue Hoehl avec la „Casa grande“, le seul immeuble de trois étages, derrière le terrain de foot de la Jeunesse d‘Esch et les colonies ouvrières, enfin la colline du Kazebierg. (Collection Pagliarini-Clemens)

5 SCUTO Denis, „Gedanken zur Sozialgeschichte des Luxemburger Fussballs“, in: forum, n° 128-129, p. 26.

104 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

Quartier italien du Brill en 1907, in: SCUTO, Industriekultur in Esch, p. 72.

Dans le quartier de la Frontière, à popu- mais ce sport ne doit pas se confondre avec le lation à majorité ouvrière, 63% des logements football bourgeois. Foncièrement, ils considè- sont surpeuplés, alors que pour le reste de la rent que le sport est un moyen et non le moindre ville, ce taux est bien moindre. Parmi les quatre pour réduire les contradictions sociales, puisque immeubles à trois étages dont dispose le quartier, « des gens en tenue de sport, qui ne permet plus le premier héberge 96 personnes, le deuxième 91, de reconnaître le riche du pauvre, et qui ont le troisième 72 et le dernier 48. La rue des Boers combattu pour les mêmes couleurs, sont deve- compte en moyenne 49 personnes par immeuble. nus des amis pour la vie7» . A côté de cela, l’actuelle rue Renaudin (colonies L’Église également se montre opposée à ouvrières), compte quatre habitants par maison. la démocratisation de ce sport. Elle n’accepte En ce qui concerne la superficie des appar- pas ce jeu, pratiqué par des hommes en culottes tements du quartier, les chiffres parlent d’eux- courtes le dimanche, jour du Seigneur. mêmes. Ainsi, la superficie de presque 60 % des logements est considérée comme insuffisante Industrialisation et (« durchaus ungenügend », « ungenügend », développement du football « unzureichend ») par rapport au nombre d’ha- bitants qui y résident6. La démocratisation du football va donc de pair La démocratisation du football dans les avec l’industrialisation et l’émergence d’une milieux suscite de l’intérêt, mais aussi de la nouvelle population : le monde ouvrier indus- réticence dans les divers milieux de la société. triel. Tel est le cas aussi pour la région des Terres Si la bourgeoisie tend à maintenir le caractère Rouges où les équipes de football se multiplient élitiste du football, les partis de gauche ne sont en parallèle avec les usines. pas nécessairement en faveur de la mixité so- En dépit de la faible proportion initiale ciale au sein des équipes. Ils préconisent bien de joueurs-ouvriers, nous pouvons observer un sûr la pratique du football pour les démunis, lien étroit entre la création et le développement

6 Ständige Kommission für Statistik, Häuser- und Wohnungsuntersuchung in den Gemeinden Differdingen, Düdelingen, Esch Alzette, Hollerich, Arsdorf, Mertert, Rodenburg und Klerf, Heft XVI, Teil 2, Wohnungsstatistik, Luxembourg, 1909, p.125. 7 Le Sport alsacien, 3.3.1922, in : WAHL Alfred, Les Archives du football, op. cit., p.194.

105 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

de la Jeunesse et l’industrialisation de la ville nier prennent la direction des différents clubs de d’Esch, où employés et cadres supérieurs des football dans la région sidérurgique et mettent groupes sidérurgiques et même un directeur gratuitement des terrains à disposition. C’est d’usine jouent au sein de son équipe. ainsi que les Red Boys ont reçu leur premier Un autre rapport entre sidérurgie et terrain de la société HADIR. Jeunesse d’Esch est observable au niveau du D’un point de vue international, la mise à comité de direction du club. En effet, dès ses disposition de terrains par le biais de notables origines, ce dernier est en majorité composé de ou d’industriels a souvent permis aux clubs de personnalités appartenant au monde de la sidé- mettre en place des structures administraives so- rurgie, et plus particulièrement à l’Arbed. Il est lides et de se professionnaliser. En Allemagne, aussi intéressant de constater que les joueurs par exemple, une entreprise de Gelsenkirchen des premières équipes en 1907 sont en même cède pour 99 ans l’un de ses terrains au club temps membres du comité. La présence de per- de Schalke 04. En 1928, le club y construit un sonnalités importantes du secteur de l’industrie stade de 40.000 places8. au sein du comité de la Jeunesse va rester une Dans d’autres villes, ce sont les grands donne pendant pratiquement tout le siècle. industriels ou les négociants qui prennent le Dans le sens inverse, ce lien permet d’ex- pouvoir dans le football à partir des années pliquer le nombre important de joueurs em- 1930. Des hommes d’affaires influents et ployés au sein de la grande société sidérurgique même des entreprises multinationales se trou- jusque dans les années 1970. En effet, faute vent souvent à la direction des clubs majeurs, de recevoir une rémunération en espèces, les comme Philips à Eindhoven ou Fiat [En toute joueurs étaient placés comme ouvriers au sein logique, il faudrait écrire : FIAT] à la Juventus de l’Arbed. On peut parler d’un véritable rôle de Turin. d’intégration sociale grâce au sport corporatif. La prise en main des clubs de football par De même, c’est grâce aux personnalités des personnalités importantes du monde indus- importantes de l’industrie au sein de la Jeunesse triel s’inscrit parfaitement dans l’état d’esprit de que cette association obtient ses premiers ter- l’époque : la pratique du football émerge dans rains de jeu. Ainsi, le club inaugure sa première les régions industrielles et devient rapidement, aire de jeu au Katzenberg (terrain vague) grâce pour les patrons d’usines, un moyen d’encadrer aux engagements du secrétaire du Aachener et de contrôler les ouvriers. Hüttenaktienverein, prédécesseur de l’usine En quelque sorte, à travers ces activités Arbed / Terres Rouges. orientées vers le divertissement et la détente, Plus tard, en 1920, la Jeunesse obtient son les employeurs espèrent limiter le mécontement terrain actuel dans la Hoehl grâce à l’aide de social et dépolitiser les ouvriers. Dans ce sens, directeurs d’usines (le directeur d’Arbed Mines, la démocratisation du football a une fonction le directeur de la Société Minière des Terres instrumentale ; « il s’agit d’accréditer l’idée que Rouges), d’ingénieurs, de conseillers commu- le football favorise l’intégration sociale (…) et naux et d’autres personnalités faisant partie de offre un moyen pour réduire les contradictions son comité de direction. A la même époque, sociales ». En effet, après avoir lutté ensemble nous observons un début d’institutionnali- sur le terrain de jeu, les différentes classes se sation et le nombre de ses membres passe de sentent plus unies9. 265 à 492. Une caisse de maladie pour les Dans le cas de la Jeunesse, tout le quar- joueurs est créée, les réunions du conseil du tier dans lequel elle évolue est conçu dans cette club se multiplient. optique. La construction à proximité des usines De manière générale, les entreprises s’in- de colonies ouvrières avec école, commerces, téressent beaucoup au football, y voyant la cafés, buanderie, à l’image du quartier Hoehl au possibilité de diriger la vie sociale des ouvriers centre duquel se trouve le terrain de la Jeunesse même à l’extérieur de l’usine. Les ingénieurs et à partir de 1920, entend surtout fixer l’ouvrier à les employés des diverses usines du Bassin mi- son lieu de travail.

8 WAHL Alfred, La balle au pied …, op. cit., p. 81. 9 WAHL Alfred, Les Archives du football, op. cit., p. 208.

106 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

La Jeunesse – financière que devient le Grand-Duché per- un « club d’ouvriers » ? mettent de comprendre la plus forte proportion de joueurs occupés dans les services et le sec- Mais quelle est la proportion d’ouvriers dans le teur bancaire à partir des années 1990. club tout au long du siècle passé ? Enfin, les diverses stratégies de la Jeu- Le graphique ci-dessous démontre que le nesse en matière de « placement » profession- « mythe » concernant la profession ouvrière nel des joueurs au fil du siècle éclairent aussi des joueurs de la Jeunesse d’Esch est largement le développement de leur profil en termes justifié lors de certaines périodes de son his- d’emploi. Si, jusque dans les années 1970, toire. Les années correspondant à un taux très les joueurs ont pu être « placés » au sein de élevé d’ouvriers au sein des différentes équipes l’Arbed, c’est la commune d’Esch qui a pris sont celles de la période faste de la sidérurgie la relève à partir des années 1970. Le lien de luxembourgeoise. sponsoring avec des entreprises a aussi permis Comme nous le montre le graphique ci- le placement dans ces sociétés (supermarchés dessous, l’image de la Jeunesse comme « club Cactus, etc.). Cependant, on observe que, de- d’ouvriers » devient légitime à partir des années puis les années 2000, il est devenu de plus en 1920. En effet, jusque dans les années 1960, plus difficile pour le club de procurer un travail nous remarquons une augmentation progressive aux joueurs et que la Jeunesse a été amenée par du nombre d’ouvriers, qui atteint plus de 70% conséquent à leur fournir directement un sa- du groupe de joueurs dans les années 1960. laire. Cette nouvelle donne pécuniaire a rendu Parallèlement, le nombre d’employés et d’em- possible l’augmentation du nombre de joueurs ployés supérieurs au sein de l’Arbed diminue encore scolarisés10. dans les équipes successives. La diminution du nombre d’ouvriers à par- La Jeunesse – tir des années 1970 trouve son explication dans un « club de quartier » ? la crise sidérurgique de ces années-là. A partir de cette décennie, l’augmentation du nombre de Qu’en est-il de la légende, qui veut que la Jeu- fonctionnaires, d’employés privés et de banques nesse d’Esch soit le parfait exemple d’un club résulte d’une véritable explosion du secteur ter- de quartier ? tiaire à l’échelle nationale. Elle s’accompagne Le « mythe » selon lequel la Jeunesse serait d’une intervention de plus en plus importante un « club de quartier » s’avère correspondre à de l’Etat dans l’économie du pays. La diversi- la réalité pour la première moitié de l’existence fication industrielle, nécessitant de plus en plus du club. En effet, l’entre-deux-guerres mis à de main-d’œuvre, a pour conséquence l’aug- part, les premières cinquante années du club mentation du nombre de joueurs employés par sont clairement marquées par la prédominance les nouvelles entreprises. La tertiarisation de la de joueurs habitant le quartier de la Frontière. société luxembourgeoise et l’essor de la place C’est pendant l’immédiat après-guerre et les an-

Profession des joueurs de la Jeunesse 1907-2007

80,00% Ouvrier Arbed

70,00% Employé Arbed Supérieur Arbed 60,00% Fonctionnaire 50,00% Employé privé 40,00% Commerçants Indépendants 30,00% Banques, assurances 20,00% Chômage 10,00% Élève

0,00% 1907-1918 1920-1945 1945-1949 1950-1959 1960-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2007

10 SCHROELL Julie, E stoarkt Steck Minett, analyse socioprofessionelle des joueurs de la Jeunesse d’Esch, mémoire en histoire contemporaine, ULB, Bruxelles, 2007, p. 104.

107 Terres Rouges La Jeunesse d’Esch et le rôle des sports dans la région des Terres Rouges

nées 1950 que le club compte le plus de joueurs de 2000, la proportion de joueurs domiciliés à habitant ce quartier ; pendant la même période, l’étranger s’est encore accrue11. le taux d’ouvriers y est également majoritaire. Cependant, l’analyse du domicile des Pour conclure joueurs souligne que la décennie qui compte le taux le plus élevé d’ouvriers marque un change- L’analyse statistique a permis de mettre en évi- ment brutal au niveau du domicile des joueurs. dence à quel point le profil socioprofessionnel En effet, pendant les années 1960, le nombre des joueurs de la Jeunesse avait été lié, au fil de joueurs domiciliés dans d’autres quartiers d’un siècle, aux évolutions de la société luxem- eschois ou dans d’autres localités du Grand- bourgeoise. Les changements d’ordre sociolo- Duché dépasse de loin celui des « Hiehler ». Ce gique, économique et politique de l’histoire mouvement, dû à une amélioration des condi- du pays et de l’Europe se sont reflétés dans tions de vie de la population en général – et de la composition des diverses équipes. Si un celle des ouvriers – va crescendo pendant les grand nombre de ces mutations a directement périodes ultérieures. L’émergence de la société influencé la composition socioprofessionnelle de consommation semble avoir (eu) pour effet des équipes, les causalités ne sont pas tou- une volonté accrue de la part des joueurs de voir jours évidentes : pour la plupart des périodes s’améliorer leurs conditions de logement, et les étudiées, la composition des équipes reflète avoir incités à s’installer dans les nouveaux parfaitement les transformations de la société, quartiers résidentiels d’Esch ou dans la ceinture mais les caractéristiques des joueurs montrent verte à mi-chemin entre Esch et la capitale. parfois des développements paradoxaux, no- En outre, travaillant désormais moins sou- tamment influencés par l’histoire particulière vent à l’usine que dans les nouvelles entreprises du football européen. installées dans la périphérie, les joueurs ont été Il est intéressant de constater que, malgré naturellement poussés à élire domicile près de l’évolution du profil socioprofessionnel des leurs nouveaux lieux de travail. D’autres fac- joueurs eschois parallèlement à la mutation de teurs d’éloignement de la ville d’Esch comme la société luxembourgeoise, la Jeunesse d’Esch choix de logement ont été le développement contribue à sauvegarder et à véhiculer une cer- de la place financière de Luxembourg-Ville et taine image de marque du pays vivant de la l’augmentation correspondante de joueurs tra- « minette ». Alors que la région des Terres vaillant dans les banques de la capitale. Rouges a perdu depuis des décennies sa caracté- Enfin, depuis les années 1950, le processus ristique de région ouvrière, la mémoire collec- de l’internationalisation du football se reflète tive a encore tendance à être attachée à cette re- aussi au sein de la Jeunesse. En effet, beaucoup présentation. Il en est de même pour la Jeunesse de joueurs français, domiciliés en France, font d’Esch, devenue en 100 ans le symbole d’iden- partie du club depuis cette époque. À partir tification pour la région entière.

Domicile des joueurs de la Jeunesse 1907-2007

100,00% Quartier Frontière 90,00% Esch reste Grand-Duché 80,00% France 70,00% Allemagne 60,00%

50,00%

40,00%

30,00%

20,00%

10,00%

0,00%

1907-1918 1920-1945 1945-1949 1950-1959 1960-1969 1970-1979 1980-1989 1990-1999 2000-2007

11 SCHROELL Julie, E stoarkt Steck Minett, analyse socioprofessionelle des joueurs de la Jeunesse d’Esch, mémoire en histoire contemporaine, ULB, Bruxelles, 2007, p. 102.

108 Terres Rouges Sprache im Minette

Sprache im Minette Peter Gilles

Der Süden Luxemburgs, besser: der Südwesten, 1. Sprachsituation gilt in der allgemeinen Einschätzung als eine und Regionalbewusstsein mehr oder weniger gut abgrenzbare sprach- liche, aber auch wirtschaftliche und adminis- Trotz der geringen Größe Luxemburgs haben trative (Kanton Esch-Alzette) Teilregion des sich hier fünf Dialektregionen herausgebil- Landes. Kaum ein Luxemburger kennt nicht die det: der Norden (Ösling/Éislek), der Osten sprachlichen Stereotype, die die Sprecher aus (Sauer- und Moselgegend), das Zentrum um dieser Region charakterisieren. Als Stilmittel Luxemburg-Stadt, der Süden und der Westen werden südliche Sprachmerkmale auch in der um Redingen-Attert (vgl. Bruch 1953, 1954). luxemburgischen Literatur eingesetzt, z. B. bei Die Bezeichnung Minette für das südliche Ge- Guy Rewenig: biet verweist unmittelbar auf die wirtschaftliche Basis, die als Namengeber fungierte. Bedingt Ech ginn all Dag méi queesch. Déi Stad schléit durch umfangreiche Eisenerzfunde in die- mär op de Geescht. „Ech fannen dat blöd!“ ser Gegend, hat sich zwischen dem Ende des seet d‘Nada. „Wat?” Son ech. „Dass du ëmmer 19. Jhs. und den 1970er Jahren eine schnell ‚mär‘ an ‚där‘ sees“, seet hatt. „Firwat?“ son wachsende und florierende Schwerindustrie ech. „Et as ebe blöd!“ seet hatt. Aha. Elo kréien mit Bergbau und Stahlwerken herausgebildet. ech de Minett sou lues mat der Baatsch ausge- Im Zuge dieses Aufschwungs, der in engem driwwen! Ech erklären dem Nada, eng Sprooch Zusammenhang mit der wirtschaftlichen Ent- wär eppes extrem Perséinleches. Eppes wat lues wicklung von Lothringen zu sehen ist, kam es a laang gewuess as. Wat séch eragrieft an de auch zu massiver Arbeitsmigration ins Minette- Kapp a Wuerzelen zillt an der Séil. D‘Sprooch Gebiet; zu den Migranten gehörten neben wär eng Planz, déi een nët einfach ausrappe Italienern auch Luxemburger aus den ländli- kéint. Dat wär, wéi wann een engem Mënsch de chen nördlicheren Gebieten. Das Luxemburger Réckstrank géif erausoperéieren. (Guy Rewenig Wörterbuch (1950–1977)2 verzeichnet in die- (1986), Mass mat dräi Hären, S. 176; in Origi- sem Zusammenhang die feste Wendung e geet nalorthografie, Hervorhebung PG) op de Minett schaffen in der Bedeutung ‘zieht zur Erzgegend zum Arbeiten’. Der Begriff Mi- Wie Rewenigs Zitat belegt, ist es insbesondere nette selbst leitet sich von einer Diminutivform das kleine Wörtchen mär, das als Parademerk- von frz. mine ‘kleine Mine’ her, und das Luxem- mal zur Kennzeichnung des Minettes ausreicht. burger Wörterbuch differenziert zwischen einer In diesem Beitrag1 nähere ich mich den Bezeichnung für Eisenerz (de Minette (Masku- sprachlichen Strukturen der Minette-Region linum) oder d’Minette (Femininum)) und einer aus zwei Richtungen: In Abschnitt 1 erfolgt Bezeichnung der Region (d’Minett), die immer zunächst die soziolinguistische Einordnung der Maskulinum ist. Neben diesem metonymischen Region, wie sie sich im Sprachbewusstsein und Terminus sind auch die geologischen Regionen- in den Spracheinstellungen (sog. ‚Attitüden’) bezeichnungen wie Minettsbaséng oder Bassin der Luxemburger manifestiert. In Abschnitt 2 minier in Gebrauch. Auch die Bewohner selbst werden konkrete sprachliche Merkmale der bezeichnen sich zuweilen als Minetter oder Lautebene und des Wortschatzes beschrieben, Leit aus dem/vum Minette. Eine interessante die charakteristisch für diese Region sind. Entwicklung hat die Bezeichnung Minetts-

1 Für viele Hinweise danke ich Cristian Kollmann. 2 Das Luxemburger Wörterbuch (sowie andere luxemburgische Wörterbücher) ist im Rahmen des FNR-Forschungsprojektes LexicoLux online zugänglich unter der Adresse: http://lexicolux.uni.lu.

109 Terres Rouges Sprache im Minette

dapp ‘Kerl aus dem Minette’ genommen: Ur- Die außerlinguistischen Spracheinstellun- sprünglich als pejorativer Ausdruck für den gen und Spachwissensstrukturen lassen sich z. B. Erzgrubenarbeiter entstanden, hat das Wort eine durch gezieltes Fragen nach der Identifizierbar- Bedeutungsverbesserung erfahren, indem die keit der Sprechweise einer Region erheben. In Bergarbeiter anfingen, sich durchaus selbstbe- der jüngsten Untersuchung von Fernand Fehlen wusst selbst als Minettsdäpp zu bezeichnen. wurden landesweit über 1000 Teilnehmer nach Natürlich ist die Identifizierbarkeit von solchen regionenbezogenen Spracheinstel- Sprachräumen, verstanden als Gebiete mit einer lungen abgefragt (Fehlen 2009). Abb.1 zeigt identifizierbaren, sich von der Umgebung ab- die Resultate für die Frage, ob die Teilnehmer grenzenden Sprechweise, an spezifische Sprach- der Meinung sind, dass die Sprechweise ihrer strukturen gebunden: Idealerweise besitzt eine Region erkannt werden kann. Erwartungs- Region eine eigene Laut-, Wort- und Satzstruktur. gemäß finden sich hohe Werte bei den als sehr Je deutlicher sich diese Strukturen von angren- dialektal geprägt bekannten Regionen des zenden Regionen unterscheiden, desto größer Nordens (Wiltz, Vianden, Clerf) und Westens ist der linguistische Abstand. Bei vollständiger (Redingen) sowie der Mosel (Remich), aber Differenz liegen verschiedene Sprachen vor, auch der Kanton Esch-Alzette erzielt hier mit bei größtenteils überlappenden Merkmalen ca. 82 % sehr hohe Werte. Dies bedeutet, dass spricht man von Dialektunterschieden. Neben die meisten Personen sich sehr sicher sind, dass diesen strukturlinguistischen Kriterien existie- Luxemburger heraushören können, ob eine ren aber auch außerlinguistische Merkmale, die Person aus dem Süden kommt oder nicht. Im einen Sprachraum maßgeblich mit definieren. Bewusstsein vieler Luxemburger existiert da- Gemeint sind hier individuelle und kollektive mit ein (wie auch immer geartetes) Wissen um Vorstellungen von und Einstellungen zu der die Region ‚Minette‘. Wichtig hervorzuheben Sprechweise einer bestimmten Region (sog. ist jedoch, dass es sich hierbei immer um sub- Spracheinstellungen, Sprachwertstrukturen). jektive Einstellungen zur Sprache handelt, die Diese Trennung zwischen innerlinguistischen sich auf der Grundlage zahlreicher Merkmale in sprachlichen Strukturen eines Sprachraumes einem kulturellen Konstruktionsprozess heraus- und außerlinguistischen Meinungen und Vor- gebildet haben. Dazu gehört u. a. die histori- stellungen über diesen Sprachraum ist zentral sche Tradierung des Regionenbewusstseins für jegliche neuere sprachwissenschaftliche Be- (z. B. durch Redensarten), das Wissen um ent- schäftigung mit den Sprachräumen; und es wird sprechende regional-administrative Strukturen, sich im Verlauf dieser Analyse auch herausstel- die Präsenz der Region in den Medien und na- len, dass diese beiden Manifestationsbereiche türlich auch die Kenntnis von Personen mit der nicht immer vollständig deckungsgleich sind. für den Süden typischen Sprechweise.

Graphique 12 : Peut-on identifier les habitants de votre région par leur accent? Pourcentage de OUI selon les cantons (Ceux qui savent reconnaître les variations régionales, N = 1053

Wilz Vianden Redange Clervaux Echternach Remich Esch-sur-Alzette Diekirch Capellen Grevenmacher Luxembourg-ville Luxembourg-campagne Mersch

0% 20% 40% 60% 80% 100% Abb.1: Subjektive Identifizierbarkeit von luxemburgischen Regionen (aus Fehlen 2009: 17)

110 Terres Rouges Sprache im Minette

Danach gefragt, wie viele Personen in den ständigen und abgrenzbaren Dialekt handeln luxemburgischen Kantonen die regionaltypi- soll, dann müssen im nächsten Schritt der sche Sprechweise verwenden, kommt Fehlen Untersuchung exklusiv im Minette vorhan- (2009) zu folgenden Ergebnissen (siehe Abb.2). dene sprachliche Merkmale gefunden werden, Auch hier nimmt der Kanton Esch-Alzette zu- die in den umliegenden Gebieten nicht vor sammen mit weiteren Kantonen, die für ihren handen sind. Da es sich hierbei um sprach- Dialekt bekannt sind, eine Spitzenstellung ein: liche Variation innerhalb der Einzelsprache 40 % der Befragten gaben an, dass man von der ‚Luxemburgisch‘ handelt, sind regionale Un- regionalspezifischen Sprechweise auf die Her- terschiede v. a. im lautlichen Bereich zu erwar- kunft fast aller Einwohner schließen kann, nur ten, da die übrigen sprachlichen Ebenen wie ca. 20 % gaben an, dass dies nur noch auf ältere Morphologie oder Satzbau räumlich gesehen Menschen zutrifft. nur wenig variieren. Neben der Beschreibung Gestützt werden diese subjektiven Einschät- der lautlichen Merkmale in 2.1 folgt in 2.2 ein zungen, wenn Personen danach befragt werden, Abriss des Fachwortschatzes für Bergbau und mit welchem Begriff sie ihre eigene Sprech- Stahlindustrie. weise bezeichnen. Ungefähr 80 % der Befragten gaben an, ‚wéi am Minette‘ oder ‚Minetter‘ zu 2.1 Lautliche Merkmale sprechen, während ca. 20 % ihre Sprechweise als ‚normaalt Lëtzebuergesch‘, also als regional Das Luxemburgische wurde bereits relativ unauffällige, unmarkierte Sprechweise charakte- früh im Rahmen der Dialektologie untersucht. risierten (Fehlen 2009: 180). Insgesamt lässt sich Die ersten umfangreichen Spracherhebungen bei den Befragten eine feste Überzeugung ermit- fanden im Zusammenhang mit dem Deutschen teln, wonach sehr viele Personen im Süden eine Sprachatlas (Wrede et al. 1926–1956) und dem identifizierbare Sprechweise verwenden bzw. Luxemburgischen Sprachatlas statt (Schmitt daran zu erkennen sind. Die Region ‚Minette‘ 1963; für einen Überblick vgl. Gilles/Moulin besitzt damit eine klare subjektive Verankerung 2008), und es folgten verschiedene Einzel- auch als Sprachregion; und es bleibt als nächstes untersuchungen. Die Dialektologie, die Wis- zu analysieren, wie die Realität der tatsächlichen senschaft von der Beschreibung sprachlicher Sprachverwendung aussieht. Variation im Raum, und die Sprachgeschichte, die Erforschung des Sprachwandels in der Zeit, 2. Sprachliche Merkmale der stehen seit jeher in engem Wechselverhältnis Minette-Region zu einander. In der Erforschung des Luxembur- gischen manifestiert sich dies in den diversen Wenn es sich bei der Sprechweise der Minette- Forschungslinien, die ihren Beginn gegen Ende Region um einen (zumindest teilweise) eigen- des 19. Jhs. nahmen: Im Zuge der deutschen

Graphique 16 : Combien se démarquent par leur parler ? Pour- centage selon les cantons (L21 = OUI, N = 1059) baal alleguer fill eng gudd Partie nëmmen die eeler Leit

Remich Vianden Echternach Redange Capellen Diekirch Wilz Luxembourg-ville Grevenmacher Luxembourg-campagne Esch-sur-Alzette Mersch Clervaux

0% 20% 40% 60% 80% 100% Abb.2: Anteil der Personen, die einen luxemburgischen Regionaldialekt verwenden (aus Fehlen 2009: 177)

111 Terres Rouges Sprache im Minette

Dialektologie wurde das Luxemburgische als zu betrachten, dass für das Gebiet Luxemburgs ein Dialekt des Gesamtsprachsystems ‚Deutsch‘ gleich mehrere Erhebungen aus unterschied- gesehen, das durch seine Randlage an der lichen Zeitstufen zur Verfügung stehen, die einen germanisch-romanischen Sprachgrenze einen validen Einblick in den permanent ablaufenden anderen Entwicklungsweg als die deutsch- Wandel der Sprache erlauben. Die erste flächen- ländischen Dialekte eingeschlagen hat. Durch deckende Erhebung wurde im Jahr 1889 durch Robert Bruch wurde die Perspektive dahinge- John Meier mit Hilfe der sog. ‚Wenkersätze‘ hend erweitert, dass die Verschränkung von ro- durchgeführt. Bei dieser, in der älteren Dialek- manischer und germanischer Dialektologie und tologie üblichen Erhebungsweise, wurden pro Sprachgeschichte eben gerade in der luxembur- Ortschaft Probanden aufgefordert, ihre lokale gischen Kontaktzone zwischen beiden Sprach- Aussprache von vierzig, auf Standarddeutsch familien als konstitutives Prinzip in den Vorder- vorliegenden Sätzen schriftlich festzuhalten. grund gerückt wurde (vgl. v. a. Bruch 1953, 1954). Dabei sollte die schriftliche Fassung die tat- In dem von Bruch (zu) weit gespannten zeit- sächliche phonetische Realisierung weitge- lichen wie räumlichen Kontext ist das Luxem- hend getreu abbilden. Für Luxemburg liegen burgische eingebunden in langandauernde solche ausgefüllten Wenkerbögen für ca. 340 Entwicklungslinien der europäischen Sprach- Ortschaften vor.3 Abb. 3 zeigt einen Ausschnitt geschichte zwischen Seine und Weichsel, die des Wenkerbogens für die Ortschaft Lamade- sich in der Zeitspanne von der Spätsteinzeit bis laine/Rollingen, auf dem der Proband ‚seine‘ in unsere Tage ereignet haben. Durch die Kreu- Übersetzung der ersten 14 Wenkersätze ein- zungen und Überlappungen dieser vielfältigen getragen hat. Dabei fallen bereits die ersten Prozesse (sog. ‚Fränkischer Kreislauf‘) auf dem südlichen Merkmale auf: Das Verb ‚schneien’ luxemburgischen Territorium ist es zu der Her- in Satz 2, zentralluxemburgisch schneien, er- ausbildung der verschiedenen luxemburgischen scheint hier in der typischen Form schnéden. Unterdialekte gekommen. Die zentralluxemburgische Verbform war Um die regionale Variation und daran an- (Satz 6) wird korrekt mit der Minetter Form schließend die exklusiv für eine bestimmte Re- woar wiedergegeben. Interessanterweise ist bis gion konstitutiven Merkmale zu ermitteln, ist heute diese älteste dialektologische Quelle des der Forscher auf umfangreiche und verlässliche Luxemburgischen noch nicht umfänglich aus- Sprachdaten angewiesen. Es ist als Glücksfall gewertet worden.

Abb.3: Ausschnitt aus dem Wenkerbogen der Erhebung durch John Meier aus dem Jahr 1889 für die Ortschaft Lamadelaine/Rollingen

3 Online konsultierbar über den digitalen Luxemburgischen Sprachatlas ‚LuxSA‘ unter http://www.luxsa.info.

112 Terres Rouges Sprache im Minette

Abb.4: Ausschnitt aus dem Wenkerbogen der Erhebung durch Richard Huss aus dem Jahr 1924/25 für die Ortschaft Lamadelaine/Rollingen

Auf die gleiche Art und Weise führte hochdeutsch-mittelfränkischen Kurzvokal ent- 1924/25 der ungarische Linguist Richard Huss halten (a, i, u), der von einem Sonoranten wie in Zusammenarbeit mit der Luxemburgischen l oder n gefolgt wird. Am Beginn des 20. Jhs. Sprachgesellschaft seine Erhebung durch (Huss sind für diese Wörter die folgenden Realisie- 1927). Im Zentralarchiv der evangelischen rungen belegt: Während im Zentralluxembur- Kirche in Rumänien (Hermannstadt/Sibiu) sind gischen ein einfacher Kurzvokal erscheint (ge- heute noch ca. 360 der Originalbögen vorhan- fall ‘gefallen’, Mëllech ‘Milch’, fonnt ‘ gefun- den.4 Abb. 4 zeigt die ersten Sätze dieser Er- den’), ist es in einigen südwestlichen Ortschaf- hebung, und es lassen sich interessante sprach- ten zu auffälligen Diphthongierungen von a zu historische Vergleiche anstellen: Während es au, von i zu éi und von u zu ou gekommen. 1889 noch Wanter, Mann, gefall, gebrannt, Salz hieß, finden sich 1924/25 die auffälligen mhd-mfr. a > au (vor Nasal/Lateral) südwestlichen Formen Waunter, Maun, gefaul, salz > Saulz gebraunt, Saulz, die weiter unten ausführlicher kalf > Kaulef besprochen werden. hals > Hauls Es hat damit also den Anschein, dass in hant > Haund den Huss’schen Daten die regionalen For- gebrant > gebraunt men zuverlässiger erhoben wurden als in gevallen > gefaul der Meier’schen Erhebung. Weitere syste- man > Maun matische Untersuchungen müssen allerdings durchgeführt werden, um diesen vorläufigen mhd-mfr. i > éi (vor Nasal/Lateral) Eindruck zu untermauern. milch > Méilech Nach diesem Überblick über die älteren drinken > dréinken Sprachdatenerhebungen zum Luxemburgischen sollen nun die spezifischen Merkmale des Mi- mhd-mfr. u > ou (vor Nasal/Lateral) nette-Dialekts herausgearbeitet werden. Dabei vunden > fount dienen die älteren, flächendeckenden Daten als Vergleichswerte für den Kontrast zur aktuellen Über die regionale Verteilung dieser Formen Struktur des Minette-Dialekts. informiert die Karte 2 des Luxemburgischen Sprachatlasses (siehe Abb. 5). Diese Karte ba- 2.1.1 Diphthongierungen siert auf den oben vorgestellten älteren Erhebun- Das erste zu besprechende Merkmal betrifft gen der Jahre 1889 und 1924/25 und ist somit die Entwicklung von Wörtern, die einen mittel- als historische Situation zu begreifen. Obwohl

4 Teilweise existieren auch Phonogramm-Aufnahmen, allerdings keine für das Minette.

113 Terres Rouges Sprache im Minette

Abb.5: Regionale Verteilung der Reflexe für mhd. a vor Sonorant (aus: Schmitt (Hg.) (1963), Karte 2) die Formen in der Minette-Region vorkommen zösische Varietäten), und er schließt daraus, (aber nicht in der Stadt Esch-Alzette), ist erkenn- dass die Diphthongierung durch den Sprach- bar, dass sie sich auch nördlich in den Kanton kontakt zwischen fränkischen und romanischen Redingen hinein erstrecken. Dieses Diphthon- Volksgruppen entstanden ist. Vergleicht man gierungsmerkmal gilt also nicht ausschließlich die diphthongierende Region mit der nicht- für den Südwesten. Dieser Schwierigkeit, voll- diphthongierenden zentralluxemburgischen Re- ständig exklusive Merkmale für das Minette zu gion, dann zeigt sich, dass der Südwesten laut- finden, wird noch öfters zu begegnen sein. geschichtlich betrachtet einen jüngeren Zustand Es ist offensichtlich, dass die Diphthon- repräsentiert, während das Zentralluxembur- gierung von a zu au im Südwesten eine Weiter- gische einen lautgeschichtlich älteren Zustand entwicklung des mittelhochdeutschen Zustan- bewahrt hat. des ist. Nach Bruch (1954: 82ff.) steht diese Wie sieht nun der heutige Sprachgebrauch Entwicklung im Zusammenhang mit ähnlichen im Südwesten aus? Eine flächendeckende Erhe- Diphthongierungen in den angrenzenden ro- bung des heutigen Zustands, die für einen neuen manischen Varietäten (Wallonisch, nordfran- luxemburgischen Sprachatlas notwendig wäre,

114 Terres Rouges Sprache im Minette

ist nach wie vor ein Forschungsdesiderat. In doch stellte schon Palgen (1948: 9) fest, dass Gilles (1999) wurden mit einer ähnlichen Metho- dieser Laut mehr und mehr ausstirbt und nur de für einige Minette-Lokalitäten Erhebungen noch bei alten Leuten zu hören ist. durchgeführt, die hier nun als Vergleichswerte dienen mögen. Es ergibt sich ein einfaches (und 2.1.2 Verdumpfung von a ernüchterndes) Bild: An keinem Erhebungs- Das nächste Merkmal betrifft Wörter, die ein ort ließen sich die auffälligen diphthongierten mittelhochdeutsches kurzes a gefolgt von ei- Formen mehr feststellen. Möglicherweise fin- nem r enthalten. Während im Zentralluxem- den sich heute noch einzelne verstreute diph- burgischen dieses a gedehnt wurde, ist es im thongierte Formen, doch kann wohl davon Süden ‚verdumpft‘ und diphthongiert, d. h. es ausgegangen werden, dass das Merkmal mehr hat sich zu einem o-und teilweise auch u-ähn- oder weniger vollständig abgebaut wurde. Statt- lichen Laut entwickelt, dem ein a nachklingt. dessen finden sich die zentralluxemburgischen Beispiele sind: hoart/huart, Oarbecht, Goart/ Formen Mann, gebrannt usw. Damit ist es also Guart, Moart, Schoartech. In diese lautliche hier zu einem sog. ‚Dialektausgleich‘ in Rich- Entwicklung ist auch das französische Lehn- tung auf das Zentralluxemburgische gekommen. wort gare > Goar hineingeraten, das wohl schon Für die Umgebung von Esch-Alzette können sehr früh auf luxemburgischem Gebiet verwen- noch verdumpfte, lange Monophthonge vom det wurde und dessen a im Süden ebenfalls zu o Typ [ɔ:] ermittelt werden ([mɔ:n] für Mann), verdumpft bzw. zu oa diphthongiert wurde.

Abb.6: Regionale Verteilung der Reflexe für mhd. a vor r im Beispielwort schwarz (aus: Schmitt (Hg.) (1963), Karte 11)

115 Terres Rouges Sprache im Minette

Aus Abb. 6 für das Wort schwarz ist zu Resistenz zum Abbau von lautlichen Merkma- entnehmen, dass die verdumpften Formen, len zeigen die Ortsnamen. So entspricht dem also schwoarts, schwuarts, überwiegend im ge- offiziell französischen Ortsnamen Saeul (d. i. samten Süden zu finden sind, aber auch noch die französische Schreibweise für Sæul oder vereinzelt über die Hauptstadt hinaus nördlich Säul < *Sǖl) im Luxemburgischen Sëll; die ausstrahlen; auch das Ösling weist vergleich- lautgeschichtlich erwartbare Variante Seil ist bare Formen auf. Obwohl diese verdumpf- hingegen ungebräuchlich. ten Formen in weiten Landesteilen vorkom- men, gelten Aussprachen wie schwoarts oder 2.1.4 Tilgung von ch vor t hoart trotzdem als typische Formen des Mi- Ein häufig anzutreffendes Merkmal aus dem nettes. Dies kann nur damit erklärt werden, Bereich des Konsonantismus betrifft die Til- dass das Minette als Region in der regionalen gung des Konsonanten ch (ausgesprochen als und überregionalen Wahrnehmung in Luxem- [ɕ] oder als [x]), wenn diesem in der gleichen burg eine höhere Prägnanz als andere Silbe ein t folgt. Regionen hat. In der heutigen Sprachverwendung sind Zentrum Minette die Formen Goart, hoart usw. noch vielfach zu Nuecht Nuet ‘Nacht’ hören. Obwohl diese regionalen Aussprache- bruecht bruet ‘gebracht’ formen außerhalb des Südwestens teilweise ne- schluechte schlueten ‘schlachten’ gativ konnotiert sind, werden sie dennoch mit Luucht Lut ‘Licht’ gewissem Selbstbewusstsein zunehmend auch Fruucht Frut ‘Frucht’ auf öffentlicher Beschilderung verwendet. Dazu fiicht fit ‘feucht’ gehört z. B. die offizielle Gemarkungsbezeich- Gesiicht Gesit ‘Gesicht’ nung Schlassgoart ‚Schlossgarten‘ oder die gemaach(t) gemeet ‘gemacht’ Bushaltestelle Esch-Goar. Doch ist es auch bei diesem primären Dialektmerkmal zum Abbau Der Grund für diese Entwicklung dürfte in gekommen. Nach Gilles (1999) wird nur noch einer Tendenz zur lautlichen Vereinfachung ca. ein Drittel der Wörter mit der ursprünglichen liegen, wodurch komplexe Auslautverbindun- Lautung realisiert. In diesem Dialektausgleichs- gen wie -cht auf einen einfachen Konsonanten prozess zu Gunsten des Zentralluxembur- reduziert werden. Diese Formen sind im Süden gischen kann es auch zu Mischungen kommen, auch heute noch sehr häufig anzutreffen. Der indem z. B. parallel zu den regionalen Formen Dialektausgleich in Richtung Zentralluxembur- woar, woaren die zentralluxemburgischen For- gisch scheint hier nicht zu greifen. Tatsächlich men haart oder Gaart verwendet werden. lässt sich heute sogar eine Ausbreitung der ch-losen Formen beobachten. So ist z. B. die 2.1.3 Unterbliebene Diphthongierung Form Nuet auch im Zentrum des Landes zu zu ai und au hören. Ferner ist zu beachten, dass die Tilgung Wörter, die zentralluxemburgisch ein ei (phone- des ch-Konsonanten in ähnlicher Form auch tisch [ai]) oder au enthalten, erscheinen im Süd- im äußersten Norden zu finden ist (z. B. Lut, westen nach Auskunft der historischen Quellen Nait ‚Nacht‘). Dies deutet darauf hin, dass die mit kurzem ë oder o. Während im Zentral- ch-losen Formen früher deutlich weiter im gan- luxemburgischen schneiden, reiden, Freiden, zen Land verbreitet waren und im Laufe der Leit, haut, gebaut zu hören ist, lauten die Mi- Zeit durch die Ausbreitung des Zentralluxem- netter Formen schnëdden, rëdden, Frëdden, burgischen in den Süden bzw. Norden zurück- Lëtt, hott, gebott. Dem Luxemburgischen gedrängt wurden. Sprachatlas ist zu entnehmen, dass es sich hierbei ebenfalls nicht um ein exklusiv süd- 2.1.5 basch de, huesch de, musch de: westliches Merkmal handelt. Vielmehr sind Palatalisierung von -st zu -ʃt diese Formen mit kurzem Vokal anstelle eines Nach Ausweis des Luxemburgischen Sprach- Diphthongs auch in einem schmalen Streifen atlasses (Karte 167) ist der gesamte Süden (in- westlich der Hauptstadt sowie in einem grö- klusive der Moselgegend) durch den Wandel ßeren Gebiet im Osten vorhanden. Heute hat der auslautenden Konsonantenverbindung von auch dieses Merkmal weitgehenden Abbau -st zu -ʃt (graphisch ) charakterisiert. Von erfahren. Nur noch selten sind in diesen Wör- dieser Entwicklung sind sehr viele Wörter, aber tern die Kurzvokale zu hören. Eine gewisse auch grammatische Endungen betroffen.

116 Terres Rouges Sprache im Minette

Zentrum Süden Fënster Fënschter ‘Fenster’ Schwëster Sëschter ‘Schwester’ Gréisst Gréischt ‘Größe’ héchstens héchschtens ‘höchstens’

In flektierten Formen wie dem Partizip Perfekt (nicht eher: Partizip Präteritum) oder der 2. Person Singular des Verbs kann ebenfalls ‚palatalisiert‘ werden:

Zentrum Süden wëssen – gewosst wëssen – gewoscht ‘wissen – gewusst’ schwätzen – hie schwätzt schwätzen – hie schwätscht ‘sprechen – er spricht‘ mussen – dir musst mussen – dir muscht ‘müssen – ihr müsst’ du schwätz du schwätsch ‘du sprichst’

Besonders auffällig ist die Nebensatzkonstruktion mit Verben in der 2. Person Singular, denn auch hier kann die ‚gestrandete‘ Flexionsendung –s nach der Konjunktion zu sch werden.

Zentrum Süden pass op, datt s de net fälls pass op, datt sch de net fällsch

Heute ist dieses Merkmal besonders an der Mosel noch recht häufig vorhanden, im Minette selbst jedoch stark abgebaut.

2.1.6 mär an där telhochdeutsch-mittelfränkisches -dag zurück- Im eingangs angeführten Zitat von Rewenig gehende Endung -deg in Méindeg, Dënsch- wurde die auf die beiden Pronomen mir und dir deg, Donneschdeg, Freideg, Samschdeg, Son- bezogene Dialektalität der Minetter Formen mär ndeg ist in den meisten luxemburgischen Re- und där, die als die Schiboleths des Südens gel- gionen anzutreffen. Wie die Freitag-Karte in ten können, bereits thematisiert. Obwohl auch Abb.7 zeigt, ist es jedoch ziemlich genau die dieses Merkmal als ‚typisch Minette‘ eingestuft Minette-Region, in der der Wochentag auf wird, informiert der Luxemburgische Sprach- -en endet (Freiden in einem kleinen Gebiet atlas (Karte 58), dass auch der äußerste Westen um Garnich, Frëdden im südlicheren Gebiet). und das Westösling diese Formen aufweisen. Stärker noch als alle übrigen bisher vorgestell- Wiederum handelt es sich hierbei also um ein ten Merkmale hat damit die Aussprache der Merkmal, das in verschiedenen luxembur- Wochentage als das prototypische Minette- gischen Räumen anzutreffen ist, das jedoch Merkmal zu gelten. in landläufiger Auffassung als exklusives Die Variante Freiden, die ursprünglich nur Minette-Merkmal gilt. In der heutigen Sprach- in einem kleinen Gebiet beheimatet war, dürfte verwendung ist dieses Merkmal noch mit einer heute als die Leitvariante im Süden gelten und mittleren Häufigkeit anzutreffen. Es widersetzt ist nicht von Dialektausgleichstendenzen betrof- sich damit stärker als andere Merkmale dem fen. Mehr noch, Wochentagsnamen auf -en ha- nivellierenden Einfluss des Zentralluxem- ben sich heute in ganz Luxemburg ausgebreitet. burgischen (vgl. Gilles 1999: 252ff.). Eine Google-Recherche5 über alle luxembur- gischen Webseiten ergibt, dass die -en-Formen 2.1.7 Freideg, Freiden a Fredden heute bereits zwischen 12 und 50 % vorkom- Die letzte Variation betrifft die Realisierung der men, und es erscheint unwahrscheinlich, dass letzten Silbe in den Wochentagen. Die auf ein mit- alle diese Webseiten aus dem Minette stammen

5 Es sei hier jedoch darauf hingewiesen, dass die Häufigkeitsangaben bei Google-Recherchen immer mit Vorsicht zu genießen sind. Informationen über einen quantitativen Trend lassen sich dennoch daraus ableiten.

117 Terres Rouges Sprache im Minette

Abb.7: Regionale Variation von Freitag (aus: Schmitt (Hg.) (1963), Karte 109)

(siehe Abb.8). Damit liegt hier der interessante dieser Merkmale verschwunden, zurückge- Fall vor, dass sich eine kleinräumig belegte gangen oder variabel verwendet, d. h. es ist Variante (hier: eine Minette-Variante) in ein eine Mischung zwischen originären Minetter größeres Gebiet hinein ausbreitet. Das Minette Formen und neueren zentralluxemburgischen ist also heute nicht ausschließlich durch den Formen festzustellen. Die charakteristischsten Abbau von alten Formen charakterisiert, son- Merkmale heute sind die Verdumpfung bzw. dern zeigt hier vielmehr auch, dass es Einfluss Diphthongierung von a > oa (Goar) sowie das auf das Zentralluxemburgische nimmt. wortbezogene Merkmal mär/där. Insgesamt zeigt sich, dass sich die Sprach- form des Minettes nach Auskunft der verschie- 2.2 Gléck op, Mineur! denen historischen dialektologischen Quellen – Lexik der Schwerindustrie aus der ersten Hälfte des 20. Jhs. durch zahl- Abschließend sollen noch lexikalische Merk- reiche phonetische Merkmale von den um- male des Südwestens vorgestellt werden. Im liegenden Sprachformen, insbesondere vom Vergleich mit dem oben untersuchten Bereich Zentralluxemburgischen unterscheidet. In der der Phonetik lassen sich hier deutlich weniger heutigen Sprachverwendung jedoch sind einige Unterschiede zum Umland feststellen. Dies ist

118 Terres Rouges Sprache im Minette

100% en eg 90%

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0% Méind- Dënschd- Donneschd-- Freid-- Samschd- Sonnd- Total

en 3350 695 876 2820 6290 7350 21381

eg 7100 5060 5680 6640 7570 7780 39830

Abb.8: Häufigkeiten der -en- bzw. -eg-Endung in den Wochentagen gemäß Google-Recherche (Stand: April 2008) auch nicht weiter verwunderlich, da der Wort- sung an die luxemburgische Phonetik vorliegt. schatz (ebenso wie auch die Morphologie und Die Form Wipper kann als eine Entlehnung aus der Satzbau) generell weniger im Raum vari- dem französischen vipère gewertet werden. ieren als lautliche Phänomene. Doch bevor der Konstitutives wirtschaftliches und gesell- für den Süden charakteristische Wortschatz der schaftliches Merkmal des Minettes war bis Schwerindustrie behandelt wird, ist es lohnens- zu ihrem Rückgang in den 1970er Jahren die wert, einen Blick auf den Alltagswortschatz zu Schwerindustrie. Aufgrund der teilweisen Er- werfen, in dem sich ebenfalls einige regionale schließung durch deutsche Gesellschaften und Besonderheiten herausgebildet haben. In der durch grenzüberschreitende Kooperationen mit folgenden Zusammenstellung von Tiernamen französischsprachigen Partnern in Lothringen aus dem Luxemburger Wörterbuch sind nach und Belgien, erweist sich die Terminologie der der zentralluxemburgischen Variante (fett ge- Schwerindustrie als geprägt durch deutsche und druckt) die lokalen Varianten wiedergegeben: französische Einflüsse (vgl. auch Hess 1926). Geradezu symbolisch verdichtet zeigt sich dies Päiperlek ‘Schmetterling’: Fléif(l)ank (Dif- im Bergmannsgruß Gléck op, Mineur! Für viele ferdingen), Pappillon, Pappeljong (Rodingen), Termini lassen sich germanische und roma- Päipameel (Rümlingen), Pimpampel (Düde- nische Entsprechungen finden: lingen); Seejomes ‘Ameise’: Seejemonsel (Bettemburg), Seejomes (Bettemburg, Esch- Hauer > Mineur Alz., Körich, Oberkorn, Machtum, Messancy), Schlepper > Rouleur Jeesomes (Esch-Alz.), Purjhelli (Rodingen), Kap > Chapeau > ‘Holzkonstruktion Bujhelli, Bujhelchen (Rodingen); Kiewerlek in der Abbaustelle’ ‘Maikäfer’: Mollermal (Differdingen); Kreuz- Stempel > Chandelle > ‘Stützen in der otter / Kräizotter: Wipper (Beles, Zolver); Abbaustelle’ Léierchen ‘Lerche’: Li(i)tväilchen (Düdelingen) Daach > Plafong > ‘Dach der Abbaustelle’ Neben regionalen Varianten der germanischen Weck > Coin > ‘Keil’ Wörter wie Fléi(f)lank oder Mollermal sind Péckel > Piosch > ‘Spitzhacke’ für den Süden besonders diejenigen Varianten interessant, die Spuren des Sprachkontakts Für die spezifischen Arten des lokalen Eisen- mit dem unmittelbar angrenzenden Franzö- erzes haben sich vielfältige Bezeichnungen sischen erkennen lassen. Die Rodinger Variante herausgebildet: Stackminett, wëll giel Minett, Pappillon lässt sich als direkte Übernahme santeg Minett, Wiseminett. Zu finden ist die erklären, während bei Pappeljong eine Anpas- Minette in verschiedenen Lagen, den Couchen:

119 Terres Rouges Sprache im Minette

déi gro, déi rout, déi giel Couche. Bezeich- nungen für das Arbeitsgerät stammen häufig aus dem Französischen: Turnéckel, Tourniquet, Turnicki > ‘Handbohrmaschine’ Volée > ‘Sprengsalve’ Krampong, Krampo > ‘Eisenhaken’ Kall, Cale > ‘unterschobenes Holz, Keil’ Longeron, Logeron > ‘Schalholz’

Das Wort Buggi ‘Lore’ stammt hingegen Wochentage (Freiden, Samschden, Sonnden ...) aus der englischen Bergbauterminologie und (3) die Bezeichnung Kräsi aus dem Süden (< engl. buggy); ebenfalls aus dem Englischen heraus ausgebreitet. kommt der Begriff Lorri (< engl. lorry). Wie ist nun die augenfällige Inkongru- Ein interessanter sprachhistorischer Weg enz zu erklären zwischen dem eindeutig nach- lässt sich für den Kräsi ‘Kies’ nachzeichnen. weisbaren starken Bewusstsein über/um eine Es handelt sich hierbei um ein aus der franzö- abgrenzbare Minette-Sprachvarietät und der sischen Bergbauterminologie (< frz. crassier, tatsächlich vorhandenen linguistischen Struk- crasse) übernommenes Fachwort für ‘gekörnte tur, die linguistisch betrachtet nur noch wenige Schlacke’, also um ein Abfallprodukt der Ver- Unterschiede zum Zentralluxemburgischen ent- hüttung. Im Laufe der Zeit hat Kräsi seine hält? Zum einen spielt hier die wirkmächtige fachsprachliche Konnotation eingebüßt und ist Vorstellung hinein, wonach eine Region, zu- in den Alltagswortschatz übergegangen. dem eine Region, die durch starkes Regional- bewusstsein konstruiert wird, auch eine eigene, 3. Resümee abgrenzbare Sprachvarietät besitzt bzw. besit- zen sollte. Zum anderen darf der psychische Nach Ausweis der historischen Zeugnisse aus Faktor nicht vernachlässigt werden, wonach dem Beginn des 20. Jhs. lässt sich für das Mi- die mentale Vorstellung eines Raums bzw. die nette ein luxemburgischer Dialekt ausmachen, Grenzziehung um einen Raum sich auch dann der sich von den umgebenden Regionen durch noch als wirksam erweist, wenn der Raum als zahlreiche sprachliche, überwiegend phoneti- solcher nicht mehr existiert. Diese Überlegung sche Merkmale absetzt. Viele dieser Merkmale geht zurück auf die Raum-Theorie des Soziolo- sind jedoch nicht auf die eigentliche (südwest- gen Georg Simmel aus dem Beginn des 20. Jhs.: liche) Minette-Region eingeschränkt, sondern finden sich entweder im gesamten Süden bezie- Ist sie [die Grenze, PG] freilich erst zu einem hungsweise im gesamten Westen des Landes. räumlich-sinnlichen Gebilde geworden, das Aufgrund der erhöhten sozialen wie räumlichen wir unabhängig von seinem soziologisch-prak- Mobilität und der zunehmenden Urbanisierung tischen Sinne in die Natur einzeichnen, so übt des Gebietes zwischen dem Minette und der Stadt dies starke Rückwirkungen auf das Bewußtsein Luxemburg hat der Sprachkontakt zu einem von dem Verhältnis der Parteien. […] [dann] Abbau zahlreicher, originär Minetter Merkmale wird sie zu einer lebendigen Energie […] geführt und es fand Dialektausgleich in Rich- (Simmel 1903/1995: 141). tung zentralluxemburgischer Sprachraum statt. Obwohl also festzustellen ist, dass sich Die Wirkmächtigkeit des Raumes, aufgefasst der vormalige Minette-Dialekt heute als stark als mentale, historisch konstruierte Vorstel- abgebaut und an das Zentralluxemburgische lung, ‚überlebt‘ die tatsächlichen sprachlichen angeglichen präsentiert, ist es dennoch bemer- Verhältnisse (vgl. Auer 2004). Dies trägt dann kenswert, dass mindestens drei Eigenschaften maßgeblich dazu bei, dass sich die Überzeu- quasi als ‚Exportschlager‘ ihren Weg in das gung, einen eigenen Dialekt zu sprechen, wie Zentralluxemburgische hinein gefunden ha- sie sich im Sprachbewusstsein und im Sprach- ben: Wie gezeigt, haben sich (1) die ch-lose wissen niederschlägt, auch dann noch erhält, Aussprache von Wörtern wie Nuet, bruet, ge- wenn sich eben diese Sprachverhältnisse bereits duet, (2) die auf -en auslautenden Varianten der verändert haben.

120 Terres Rouges Sprache im Minette

Weiterführende Literatur

AUER, Peter (2004). „Sprache, Grenze, der Luxemburgischen Sprachgesellschaft 2, S. 47-49. Raum“. In: Zeitschrift für Sprachwissenschaft HUSS, Richard (1927). Studien zum luxembur- 23 (2), S. 149-179. gischen Sprachatlas. Luxemburg (Beiträge zur luxem- BRUCH, Robert (1953). Grundlegung einer burgischen Sprach- und Volkskunde 2). Geschichte des Luxemburgischen. Luxemburg Luxemburgische Wörterbuchkommission (Hg.) / (Publications littéraires et scientifiques du Ministère Vorsitzender: TOCKERT, J. (1950-1977). Luxem- de l‘Éducation Nationale 1). burger Wörterbuch. 5 Bände. Luxemburg. [online BRUCH, Robert (1954). Das Luxemburgische verfügbar unter: http://lexicolux.uni.lu] im westfränkischen Kreis. Luxemburg (Publications SCHMITT, Ludwig Erich (Hg.) (1963). Luxem- littéraires et scientifiques du Ministère de l‘Éducation burgischer Sprachatlas. Laut- und Formenatlas von Nationale 2). Robert BRUCH. Für den Druck vorbereitet von Jan FEHLEN, Fernand (2009). BaleineBis. Une GOOSSENS. Marburg, 16 S. 174 Ktn. (Deutscher enquête sur un marché linguistique multilingue en Sprachatlas. Regionale Sprachatlanten 2). [online profonde mutation - Luxemburgs Sprachenmarkt verfügbar unter http://www.luxsa.info] im Wandel. Luxembourg (SESOPI - RED 12). SIMMEL, Georg (1903). Soziologie des GILLES, Peter (1999). Dialektausgleich im Raumes. In: Otthein Rammstedt (Hg.) (1995). Lëtzebuergeschen. Zur phonetisch-phonologischen Gesamtausgabe (Bd. 7: Aufsätze und Abhand- Fokussierung einer Nationalsprache. Tübingen lungen 1901-1908), Frankfurt am Main, S. 132-184. (Phonai 44). WREDE, Ferdinand / MITZKA, Walther / GILLES, Peter / MOULIN, Claudine (2008). MARTIN, Bernhard (1926-1956). Deutscher “Der digitale luxemburgische Sprachatlas (LuxSA). Sprachatlas auf Grund des von Georg WENKER Stand und Perspektiven“. In: Germanistische Lingu- begründeten Sprachatlasses des Deutschen Reichs istik 190-191, S. 133-148. [Stephan Elspaß/Werner und mit Einschluß von Luxemburg in ver- König (Hg.): Sprachgeographie digital - Die neue einfachter Form bearbeitet von Ferdinand Generation der Sprachatlanten.] WREDE, Walther MITZKA und Bernhard HESS, Joseph (1926). „Die sprachliche Eigen- MARTIN. Marburg. [online verfügbar unter: art der luxemburgischen Erzindustrie“. In: Jahrbuch http://www.diwa.info]

121

Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier Paul di Felice

Avant d’analyser quelques œuvres significa- les exemples modernistes d’artistes ouvriers, tives d’artistes nationaux et internationaux dont comme Emile Kirscht ou Jeannot Bewing, aux- les sujets se rapportent au thème général du quels on pense. Autodidactes, ayant vécu l’ex- Bassin minier, précisons d’abord les notions qui périence de l’ouvrier sidérurgiste, ces artistes figurent dans le titre et qui délimitent le champ avaient très bien réussi à travers la peinture et d’investigation. Une des caractéristiques du la sculpture abstraite à ré-interpréter l’univers regard de l’artiste contemporain sur les choses de l’usine dans l’après-guerre. Alors que cette de la vie est la sélectivité conceptuelle à travers génération voyait encore dans l’acte créatif de laquelle il questionne la vision devenue frag- l’art une espèce d’auto-libéralisation, voire de mentaire dans un monde de plus en plus globa- sublimation du quotidien, la génération d’ar- lisé. Plus que jamais, les artistes d’aujourd’hui tistes qui émerge dans les années 90 a un re- montrent que même à travers des médias dits gard beaucoup plus décalé sur ce monde dé- objectifs comme la photographie, il y a autant sormais en mutation dont elle découvre sou- de vérités qu’il y a multitude de points de vue. vent elle-même le territoire, la population, On parle de regard distancié mettant en relation la culture. les différentes réalités de l’artiste avec celles de Dans le cadre d’une mission photogra- l’objet analysé et interprété de façon objective phique sur le thème de Paysages : lieux et non- ou créative. Ce regard va au-delà, en deçà des lieux menée en 1995 pendant l’année culturelle choses, les sujets servant souvent de prétextes Luxembourg capitale européenne de la culture, pour mettre en avant une démarche artistique deux artistes sur les dix invités ont travaillé sur spécifique. Ainsi, en affrontant la réalité du le Bassin minier. Deux interprétations diffé- monde, l’artiste se distancie des représentations rentes de ces notions de lieux et non-lieux al- que nous nous faisons à travers les images do- laient conduire cette mission à terme. D’abord, minantes, et devant ce flux d’images, il met le évoquons la référence évidente à Marc Augé spectateur en situation d’arrêt sur image, privi- qui poursuit son anthropologie du quotidien en légiant l’analyse à la description. explorant les non-lieux, qu’il définit comme des Il est évident que les exemples qui vont espaces d’anonymat1. Pour lui, les non-lieux suivre ont été choisis en fonction de leur origina- sont aussi bien les installations nécessaires à la lité et de leur esthétique contemporaine. Ce choix circulation accélérée des personnes et des biens ne se veut aucunement exhaustif. Ici, le terme (voies rapides, échangeurs, gares, aéroport, « contemporain » n’est pas uniquement une dé- rond-point) que les moyens de transport eux- signation chronologique, mais il reflète égale- mêmes (voitures, trains ou avions), tout comme ment une conception artistique particulière, qui les grandes chaînes hôtelières aux chambres sera développée à l’aide des analyses d’œuvres interchangeables, les supermarchés, les zones qui ont été réalisées dans le cadre des missions commerciales et industrielles. photographiques et des commandes artistiques Puis, plus proche des exemples qui se rap- au Bassin minier, lors des deux manifestations portent au thème des Terres Rouges du Bassin de Luxembourg, capitale européenne de la minier se trouve la définition de non-lieux que culture en 1995 et en 2007. Il s’agit exclusi- donnent les artistes du landart comme Robert vement d’œuvres artistiques, tableaux photo- Smithson. Leur intérêt porte sur l’évolution graphiques et installations ayant été exposés à et la décomposition organiques des matériaux Luxembourg et en dehors des frontières. naturels dont sont issues les interventions ar- En général, quand on parle de représenta- tistiques dans la nature, souvent dans des lieux tions artistiques du sud du pays, ce sont surtout abandonnés. Décomposées dans le temps, sans

1 AUGE, Marc, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Champs, Flammarion, Paris 1994.

123 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

durée fixe, ces œuvres revendiquent leur carac- nocturnes, commence une nouvelle série en tère éphémère et remettent en question le temps couleur. Mais son jeu avec la couleur a été très et l’espace réels. L’idée de va-et-vient, voire de subtil. Alors que les nuances dans les tons gris mutation d’un lieu qui devient en quelque sorte de la série des Noces, en noir et blanc, expri- un non-lieu, accompagne l’éclatement de la ment une certaine proximité avec le motif, ici notion de paysage sur laquelle ont travaillé les la couleur l’aide à ce que l’image ne soit pas artistes de la mission photographique. trop séduisante afin de pouvoir l’utiliser en tant Les travaux photographiques du Belge qu’effet de distanciation. Ce choix, il l’a expli- Gilbert Fastenaekens, réalisés au Luxem- qué : « Il fallait trouver un moyen d’échapper bourg en 1995, témoignent des mutations de à la séduction de la couleur et de ne pas res- l’environnement post-industriel. Après avoir ter paralysé devant la beauté du paysage. »3 réalisé à la fin des années 80, une série de pho- A la recherche de lieux où il pouvait trouver tographies en noir et blanc sur le thème du tra- un certain désordre, Gilbert Fastenaekens a vail dans les usines du Bassin minier et participé présenté des terrains bâtards, des sites au passé à la mission photographique de la Datar en industriel qui, après la crise économique, ont été France en 1984, Gilbert Fastenaekens s’est fait apprivoisés en paysage. Thématiquement, il est remarquer par son style personnel, sa façon proche de ce qu’il avait réalisé en Champagne- d’aborder l’espace à travers le paysage naturel Ardenne ; formellement, il s’en libère par une et urbain. L’œuvre de cette période a été réu- approche plus conceptuelle. nie dans les livres Nocturne et Essai pour une Les photographies de grand format (1m archéologie imaginaire. sur 3m), prises avec une chambre photogra- En 1987, lors d’une mission photogra- phique, présentent des terrains vagues où la phique sur le territoire de Belfort (Les quatre nature semble avoir repris le dessus sur l’indus- saisons du territoire), Gilbert Fastenaekens trie. Sur la ligne d’horizon, placée à un tiers su- joint à la notion de paysage, petit espace circons- périeur de l’image et occupant le plan médian, crit, toute la force d’une expérience intimiste. se regroupent de part et d’autre différents arbres Celle-ci prendra toute son ampleur dans le qui contrastent avec la forêt d’arrière-plan aux périmètre délimité d’une forêt en Champagne- formes floues et au sfumato rehaussé par un ti- Ardenne, sous le titre de Noces en 1988. rage volontairement éclairci. Le premier plan L’artiste Gilbert Fastenaekens décrit bien cette dominant l’image aux détails nets met en scène symbiose avec les lieux : une grande flaque d’eau claire qui répond au gris clair du ciel et qui contraste avec la terre sombre. Après un certain temps, quand je n’attendais Sa forme cartographique évolue au centre d’une plus rien, quand j’avais oublié les raisons de surface rectangulaire. Le véritable sujet de ce ma présence, quand toute idée de fuite ou d’ur- paysage se trouve justement là, au milieu de gence avait disparu, survenaient des moments l’image. Gilbert Fastenaekens fait le portrait de rares, de sensations fortes et sereines, qui me ce vide, le paysage ne servant que de prétexte permettaient de me sentir pleinement dans l’ins- à l’expression des troublants rapports entre tant des choses. Je me sentais devenir l’arbre, l’homme et la nature. L’artiste pose la question la pierre, le paysage, acceptant le temps pré- du redevenir nature en focalisant l’attention sur sent pour ce qu’il était, révélant par là même cette tache claire qui, selon les interprétations, son sens. Je m’écoulais avec lui et ressentais peut devenir surface réfléchissante (une sorte de humblement que le passage symbolique du miroir ne reflétant plus rien) ou trou absorbant, temporel au spatial dissipait l’éphémère s’ouvrant à d’autres nouvelles couches qui se pour n’indiquer que l’instant présent dans succèdent par la force de la nature. l’espace.2 Avec le regain d’intérêt du paysage dans les années 80, beaucoup d’artistes utilisant la En 1995, dans le cadre de la mission luxem- photographie se sont inspirés des recherches bourgeoise, Gilbert Fastenaekens, connu pour autour des expériences du groupe américain ses nuances de noir dans ses prises de vue New topographics (dont faisait partie Lewis

2 FASTENAEKENS, Gilbert, Noces, Arp éditions, 2004. 3 DI FELICE, Paul, Paysages : lieux et non-lieux, Les limites d’une mission photographique sur le paysage

124 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Joël Tettamanti, Lux, 2005, MUDAM courtesy, © Joël Tettamanti

Baltz, autre invité de cette mission luxem- sions culturelles et naturelles. Chez Gilbert bourgeoise). Sans s’attacher aux aspects éco- Fastenaekens, la beauté qu’il trouve dans ce logiques, comme le font les artistes américains qu’il appelle « ces paysages ré-apprivoisés » est autour de Baltz, Fastenaekens déconstruit le marquée par ce processus de changement dans paysage à partir d’une image apparemment ba- les rapports de force entre l’homme et la nature. nale, tout en cherchant l’interpellation, plus par Comme il le dit lui-même de cette série : « […] l’absence que par la présence. Il rejoint ici le la nature est belle, mais domptée […] ; il n’existe travail conceptuel du Néerlandais Wout Berger aucun endroit où l’homme n’a mis sa main […]. qui, à travers sa série Poisoned landscapes, Ces images de lieux sans racines, où la mémoire esthétiquement proche des tableaux de paysages s’est effacée forment en quelque sorte le complé- néerlandais, montre des photographies des sites ment d’un paysage qui a été pensé socialement irrémédiablement pollués mais qui conservent et économiquement par l’homme. »4 Les spec- un côté vierge. Ce qu’on ne voit pas sur l’image tateurs de l’exposition Paysages : lieux et non- – le sol pollué – est présenté sous forme de texte lieux avaient la possibilité de confronter les qui accompagne les photographies. Si le travail recherches de ces deux artistes et par là de rela- de Wout Berger est beaucoup plus conceptuel, tiviser les interprétations d’un artiste à l’autre. on trouve néanmoins des correspondances A dix ans d’écart, les photographies des avec la série plus poétique et intuitive de « nouveaux » paysages industriels du sud du Gilbert Fastenaekens. Luxembourg réalisées par Joël Tettamanti, Les deux artistes réinterprètent le pay- sont à cheval entre le documentaire et la pho- sage en tenant compte à la fois de ses dimen- tographie plasticienne. Commandées par le

4 Ibid.

125 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Joël Tettamanti, Lux, 2005, MUDAM courtesy, © Joël Tettamanti

MUDAM dans le cadre de Galerie : Portraits les lieux en pleines mutations, chargés d’un du Luxembourg, elles montrent les mutations lourd passé, qui s’offrent aujourd’hui à l’artiste du paysage industriel luxembourgeois. Ayant eu sous des aspects les plus insolites. L’ancienne carte blanche pour travailler sur un aspect du centrale thermique de l’usine de Terre Rouge à Luxembourg, le Suisse Joël Tettamanti nous a Esch-sur-Alzette en est un bel exemple. Les élé- révélé récemment que son choix s’était porté ments de béton sont des restes des cheminées qui assez vite sur le sud du pays : avaient été détruites (dynamitées). Le cadrage et le principe d’all-over confèrent une dimen- Les promenades à Luxembourg se sont très sion plastique à ces tirages de grands formats. vite concentrées sur ces sites. Je trouvais que De même, ces sites en ruines aux formes et cou- c’était très intéressant de se concentrer sur ce leurs étonnantes qui composent ces photogra- passé presque oublié, en quelque sorte caché du phies parfois étranges, nous incitent à la projec- Luxembourg, loin du Kirchberg et des quartiers tion imaginaire, à développer en quelque sorte bourgeois de Luxembourg. Sans doute aussi une le regard créatif qui tient compte de la com- référence à ma famille d’origine italienne qui plexité des informations visuelles véhiculées. elle aussi avait dû immigrer en Suisse pour des Comme on peut le lire dans l’article du premier raisons économiques, comme beaucoup d’Ita- catalogue du Mudam : liens l’ont fait au Luxembourg au moment du développement de la sidérurgie.5 Les études de Joël Tettamanti de lieux et non-lieux traduisent l’idée de palimpseste Mais plutôt que de s’intéresser directe- et nous poussent à réagir face au vide, au dé- ment aux hommes, Joël Tettamanti recherche construit d’un territoire abandonné. Tout en

5 TETTAMANTI, Joël, interview non publiée 2008, archives Café Crème.

126 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

nous confrontant aux problèmes de l’environne- La mission Deep south, réflexion sur le ment, ces états des lieux rendent aussi hommage sud du Luxembourg, dans le cadre des Sentiers à une région active dans le passé qui aujourd’hui rouges, Konscht am Besch, projet initié en 2003 n’est plus « regardée » qu’à travers l’œil du par l’association CIGL, a été confiée à quatre photographe.6 Qui est à l’origine de ce propos ? photographes luxembourgeois : Patrick Galbats, Romain Girtgen, Jeanine Unsen et Roger Ces exemples rendent compte de cette tendance Wagner. Leur rôle a consisté à capter et à retenir des jeunes photographes, comme l’écrit Christian une situation précise du territoire à travers les Gattinoni dans la Photographie contemporaine, thèmes suivants : nature, patrimoine architec- « […] [à] privilégier désormais les vues d’es- tural, espaces urbains, habitat et population. paces intermédiaires, […] des lieux transitoires La sensibilité du photographe luxembour- ou provisoires à l’identité incertaine […] et [à] geois Romain Girtgen est proche de l’esthétique expérimenter une esthétique capable de concilier de Gilbert Fastenaekens, mais correspond conscience politique au sens originel donné par aussi par ses compositions et ses choix for- les Grecs anciens à ce terme et enjeux purement mels, comme celle de Roger Wagner, à l’école formels7 ». De même, comme les photographies de Düsseldorf notamment représentée par des de Fastenaekens et de Berger, les travaux de Joël œuvres d’Andreas Gursky des années 90. Il y a Tettamanti nous invitent à regarder ce qui n’est une similitude avec la photographie Dudelange pas toujours dans notre champ de vision et à par- de Fastenaekens, mais l’approche de Girtgen ticiper de façon critique à leur vision détachée est moins directe. La force de la flaque est es- d’une certaine réalité luxembourgeoise. tompée par une intégration plus forte du plan

Romain Girtgen, Bascharage, 2007, Mission photographique Deep south, CIGL courtesy, © Romain Girtgen

6 DI FELICE, Paul, Regards distanciés sur le Luxembourg, in Mudam Luxembourg Eldorado, édition Mudam, Luxembourg 2006. 7 GATTINONI, Christian, VIGOUROUX Yannick, La photographie contemporaine, Édition Scala, Paris 2002.

127 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

d’eau dans le paysage. La composition est plus tions de l’aménagement urbain au sud du Grand- équilibrée, la ligne d’horizon est exactement au Duché. »8 La photographie est amusante et cho- milieu de l’image. Les détails sont plus flous, quante à la fois. Le jeu formel y est intéressant : mais l’ensemble révèle davantage le site qui se les poteaux et les câbles électriques rythment la caractérise par son opposition entre terrain in- composition. Chez Girtgen comme chez Galbats, dustriel et paysage naturel. Le contraste entre le nous sommes en plein « non-lieu », les re- ciel vide, gris clair et le sol jaunâtre et brun est pères visuels étant d’ordre purement plastique, nuancé par la bande claire de l’eau qui traverse l’image révèle de façon critique la modification la photographie horizontalement en faisant écho radicale de notre relation à l’espace. au ciel, alors que les branches des arbres et les Un des premiers photographes s’inspirant mats électriques en filigranes rythment vertica- de l’école de Düsseldorf est le Luxembourgeois lement l’espace vide de la partie supérieure de Roger Wagner. Dans sa série sur les intérieurs la photographie. des gens du sud, réalisée dans le cadre de Deep Ces différences, on les perçoit aussi dans south, il montre ses intérêts pour l’approche les propos de Romain Girtgen qui, en tant que typologique, sérielle. L’absence / présence de Luxembourgeois, est concerné différemment l’humain, démarche récurrente dans son tra- par les vicissitudes du paysage : « Lors de cette vail, prend ici une dimension presque théâ- mission photographique, j’ai fixé mon intérêt trale de mise en scène. Sa série joue sur cette sur la recherche des vestiges de l’implantation limite entre l’enregistrement d’un moment, le sidérurgique et sur la documentation des chan- hic et nunc cher aux artistes contemporains, et gements visibles des intérêts économiques qui la construction de l’image comme processus de en résultent, afin de montrer les multiples muta- monumentalisation.

Romain Girtgen, Bascharage, 2007, Mission photographique Deep south, CIGL courtesy, © Romain Girtgen

8 GIRTGEN, Romain, in Deep south, réflexion sur le sud du Luxembourg, CIGL, Schifflange 2007.

128 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Carole Chaine, Adventices, 2007, Sentiers rouges, CIGL courtesy, © Carole Chaine

Patrick Galbats, Bascharage, 2007, Mission photographique Deep south, CIGL courtesy, © Patrick Galbats

129 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

En jouant sur le privé et le public, la jeune dans lesquelles Rose Marie Trockel, artiste alle- photographe Jeanine Unsen ne cache pas la mande, a utilisé sans complexe le crochet pour mise en scène dans ses photographies posées. rappeler que les femmes sont des êtres pensants. Le concept est simple. Pour la mission de Deep Comme Trockel, Katharina Krenkel s’amuse à south, elle a demandé à des personnes du sud de utiliser les techniques féminines traditionnelles choisir un lieu de leur région qui leur importait. (la couture, le tricot, la maille) tout en s’ap- Pas forcément un bel endroit, mais un espace propriant par ce jeu connoté les dispositifs du qui raconte quelque chose, qui leur tient à cœur. site et non-site, et en questionnant les dichoto- Pour ajouter une touche d’intimité au portrait, mies entre extérieur et intérieur, entre construit elle leur a demandé au préalable d’apporter un et vivant. objet personnel. Les lieux et les rapports des Dans le texte du catalogue les Sentiers objets ne sont pas révélés au spectateur. A lui rouges, Yoann Van Parys remarque : de continuer ce témoignage révélateur et énig- matique à la fois, en projetant ses propres his- Dans l’usage du tissu comme matériau artis- toires dans ce mélange polyvalent de souvenirs tique et plus encore comme matériau sculptu- visuels. ral, on en arrive très logiquement à produire un Dans un autre registre, mais également travail qui se trouve concerné par la question dans le cadre des Sentiers rouges, Katharina du corps. Cette interrogation peut être posée Krenkel, artiste allemande, a réalisé une œuvre dans l’œuvre de façon plus ou moins explicite : in situ sur un des sentiers pédestres de Schif- souvent elle est présente. C’est que le tissu flange. Femme sculpteur, elle utilise toujours est semblable à la peau qui nous couvre, fait le tricotage, le maillage qu’elle revendique notre apparence, dessine nos formes : enjeu comme occupation féminine, sans connotation sculptural tout autant qu’existentiel. Et consé- négative de femme au foyer (sujet qui revient quemment, de voir l’artiste aborder des sujets souvent dans son œuvre). Ces travaux nous font tels que ceux des origines, de la naissance, de penser à des oeuvres telles que Cogito ergo sum, la maternité […].9

Roger Wagner, Dudelange, 2007, Mission photographique Deep south, CIGL courtesy, © Roger Wagner

9 VAN PARYS, Yoann, in Sentiers rouges. Catalogue des œuvres réalisées dans le cadre de l’édition, CIGL, Schifflange 2007.

130 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Vu l’emplacement proche des minières, il est sur les migrations, j’avais envie dans le cadre intéressant de voir comment l’artiste récupère du projet Sentiers rouges de mettre en valeur cette terre virile des mineurs. des plantes considérées comme mauvaises. La question de l’immigration est méta- Des plantes envahissantes qui migrent sans in- phoriquement exprimée par l’artiste luxem- vitation dans nos jardins et nos cultures, mais bourgeoise Carole Chaine, dans son installation qui font partie de cet immense jardin qu’est la intitulée Adventices. Celle-ci est constituée de planète. panneaux de signalisation à l’intérieur desquels Ces plantes envahissantes, que nous rejetons, figurent des images sérigraphiées de détails de au travers d’une classification vulgarisée,mau - photographies de mauvaises herbes. Ces pan- vaise herbe, sont dans ce projet mises en valeur. neaux de signalisation rehaussent par leur bord Attirer l’attention du spectateur par rapport rouge l’idée de l’intrusion. Leur installation à une plante qui le dérange et qui perturbe près des gares, lieux de passage par excellence, l’organisation de son jardin, est l’objectif. Qui accentue l’idée de plantes venues d’ailleurs est donc cet intrus ? Qui sont ces végétaux qui ou d’herbes migratrices. Sorties hors de leur troublent le paysage arrangé par l’homme ? contexte habituel, abandonnées sur ces lieux Personne ne se pose de questions sur ces grami- urbains, elles dérangent et éveillent la curiosité nées migratrices.10 du passant, du voyageur. Avec Adventices, le nom scientifique donné aux mauvaises herbes, L’approche conceptuelle est symptomatique Carole Chaine réhabilite l’image négative de pour cette jeune génération d’artistes vivant ces plantes, comme elle l’exprime dans une in- les vicissitudes du paysage de façon dé- terview dans le cadre de la publication du cata- calée et distanciée. logue d’exposition : Minimaliste, conceptuel, influencé par des artistes comme Barbara Krüger qui utilisent Inspirée des lectures de Gilles Clément et sou- l’espace public pour y introduire des messages cieuse de me tenir au thème fédérateur de 2007 insolites, le Belge Djos Janssens a réalisé dans

Djos Janssens, A bridge too far, 2007, Sentiers rouges, CIGL courtesy, © Djos Janssens

10 Ibid.

131 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

le cadre des Sentiers rouges cette œuvre intitu- à la métamorphose du monument en ruine. Le lée A bridge too far. L’endroit de l’installation projet consistait techniquement à réaliser des est banal, sans caractéristiques, à part le dédou- photogrammes sur des photographies. Pour blement du pont qui rend celui-ci insolite avant les photogrammes, je récupérai des déchets et même l’intervention de l’artiste. Le long de la des matériaux trouvés par hasard (pièces méca- route de Differdange, à Soleuvre, ce lieu-dit niques abîmées, ferraille…) au cours de pro- appelé Nonnebësch en luxembourgeois a inspiré menades dans des zones portuaires, près des Janssens pour la réalisation de cette installation, usines ou des zones industrielles. Les photogra- qui consiste en un travail de lettrage sur plaques phies sur lesquelles je faisais les photogrammes métalliques fixées horizontalement sur les deux sont celles qui décrivaient précisément les pa- côtés du deuxième pont et illuminées par de rages où les matériaux ont été trouvés.12 petites ampoules le soir. La question What’s wrong with Hollywood? en plein Bassin minier Après les collages créatifs mettant en scène le inscrite sur le pont au lieu-dit Nonnebësch nous monde animal et végétal dans des confronta- interpelle par son effet déconstructeur auquel tions que Christian Caujolle appelle les greffes s’ajoute un jeu de mots savoureux par la traduc- photographiques13, cette série particulièrement tion comme l’évoque l’auteur : « Nonnebësch picturale explore une autre technique empruntée […] holy wood ? »11 D’un côté, l’industrie du aux avant-gardes artistiques, le photogramme. cinéma, les lieux magiques, les héros en scènes Comme pour ses frottogrammes, mélange de et l’architecture en papier mâché ; de l’autre, frottage du négatif et du photogramme, Joan l’industrie finissante, les rêves déchus, toutes Fontcuberta s’approprie les techniques de la les projections d’une résistance au quotidien. photographie par empreinte directe d’artistes Retournons à la mission photographique dada comme Christian Schad et Man Ray, de 1995 afin d’analyser l’œuvre d’un grand inventeurs de ces procédés appelés respecti- artiste et théoricien de la photographie, l’Espa- vement schadographies et rayogrammes à gnol Joan Fontcuberta dont la résistance s’ex- partir de 1918. Fontcuberta, dès ses premières prime à travers le détournement artistique du séries, interroge la relation de la photographie quotidien. Ses frottogrammes, photogrammes et au réel. A travers ces techniques créatives qui chimigrammes, développés à la fin des années marquent une certaine liberté par rapport au 80, sont à l’opposé de ces images conformes médium, il pervertit les illusions originelles aux objectifs programmatiques de la photogra- de ce dernier : l’empreinte immédiate comme phie réalisée avec la chambre photographique, vérité absolue se révèle être moins vraie que la comme nous l’avons vu chez les photographes photographie prise avec un appareil. de Deep south, génération en quelque sorte Dans Altos Hornos de Vizcaya, à Bilbao héritière de l’école des Becher de Düsseldorf. comme dans la série réalisée au moment de Dans son livre Le baiser de Judas, la mission photographique au Luxembourg, J. Fontcuberta explique sa démarche : particulièrement à Esch et à Dudelange, Joan Fontcuberta confronte l’empreinte photogra- Dans les années 90, j’ai commencé un travail phique de l’objet trouvé à l’image réalisée sur sur le paysage industriel, entendu comme dé- le site même. Le travail de laboratoire réunit ces pôt d’archéologies culturelles, historiques, hu- différents éléments qui sont complétés par des maines, physiques et matérielles. La morpho- virages aléatoires et qui, par cette patine liante, logie de l’usine et le monde de la technologie, donnent une dimension plastique aux photogra- qui avaient fasciné les artistes des avant- phies. Ainsi, les différents éléments sortis de la gardes, apparaissent en cette fin de siècle réalité, transcrits dans différents langages pho- comme le point mort d’une révolution lointaine tographiques, semblent du coup flotter dans une dont les échos nous parlent d’une force et d’un atmosphère onirique. Comme des palimpsestes, dramatisme humain révolus. Le capitalisme tar- ces photographies se construisent couche par dif a condamné ce paysage morose à se rénover couche en laissant apparaître les anciennes ou à mourir, et nous assistons avec mélancolie traces en contact avec les nouvelles, mais

11 Ibid. 12 FONTCUBERTA, Joan, Le baiser de Judas, Actes Sud, Arles 2005.

132 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

Katharina Krenkel, Wollformationen, 2007, Sentiers rouges, CGIL courtesy, © Katharina Krenkelt aussi en révélant la stratification de la mémoire. terprétations où se joue ce que Michel Guérin Chez François Méchain, autre artiste invité appelle la « dialectique en acte entre l’ordre lors de la mission photographique de 1995 et des concepts, l’énergie des corps et la force des de 2001, l’acte sculptural, auquel il associe le choses15 ». Le travail de François Méchain pro- moment photographique, est préfiguré par un cède toujours de la mise en situation des liens, travail de recherche critique sur le lieu où il ex- des relations, des forces et des tensions. plore toutes les strates mnémoniques, géogra- Dans Abri de fortune, tel un abri de SDF, phiques, historiques et politiques du paysage. l’artiste a créé une sculpture éphémère en tôle, Plus qu’une traduction de la vérité unique et perchée sur un arbre au milieu du jardin de réductrice, l’œuvre de François Méchain est l’ancienne villa du directeur de l’Arbed, ac- d’abord un moment d’interrogation sur la repré- tuellement le musée de la ville et le Centre sentation : « L’objet de sa prise de vue n’est plus Nei Liicht. Le dispositif a été réalisé in situ, la réflexion d’une nature et de sa lumière […] alors que le travail photographique pour lequel mais une réflexion sur la nature de la photo- la sculpture a servi de base, a été montré à la graphie. »14 Tout en continuant à explorer tous galerie de la villa. En opposant l’éphémère au les registres possibles pour ses investigations, durable, le vivant au construit, le politique à la François Méchain voit de plus en plus dans l’acte métaphysique, le photographique au sculptu- créateur une manière d’appréhender le monde. ral, l’artiste nous interpelle sans cesse pour que L’art, pour lui, est en quelque sorte une gestion nous nous rendions compte de ce qui se trouve des tensions et un exercice répété, engagé et devant voire derrière l’image. critique des choses qui nous entourent. Ainsi l’engagement de l’artiste le porte au-delà de la Comment conclure ce petit parcours sur la ré- seule raison paysagère dans une multitude d’in- gion du Bassin minier si ce n’est en constatant

13 CAUJOLLE, Christian, Joan Fontcuberta, Phaidon Press, London 2001. 14 LAMBERT, Frédéric, Les hypothèses du paysage, in MECHAIN, François, Paysages de l’improbable, Marval, Paris 1989. 15 GARRAUD, Colette, GUERIN, Michel, François Mechain, l’exercice des choses, Somogy Éditions, Paris 2002.

133 Terres Rouges Art contemporain : Regards distanciés sur le Bassin minier

que l’analyse des œuvres rend compte de Dans ces regards distanciés d’artistes con- sa diversité et de sa richesse dans la repré- temporains, nous avons aussi pu voir comment sentation artistique, tout en montrant ses liens ces derniers parviennent aujourd’hui à créer des avec d’autres situations et les correspon- relations de tension entre les recherches plas- dances qu’elle entretient avec d’autres expres- tiques qui alimentent leur œuvre et le passage à sions à travers l’histoire récente de l’art contem- l’acte face à une réalité sur laquelle ils ont été porain. Notre parcours aura permis de pro- invités à travailler. Il en résulte de nouvelles poser de nouvelles lectures d’œuvres encore rencontres ouvrant de nouveaux espaces, aussi peu connues mais néanmoins déjà intégrées à bien pour ce qui concerne l’image d’une ré- notre patrimoine. gion que pour ce qui relève de celle de l’artiste.

134 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest Christian Schulz

Vorbemerkungen lichen räumlichen Implikationen zu diskutieren. Bei letzteren handelt es sich zumeist um persön- Mit einer Fläche von insgesamt 120 ha (davon 70 liche Einschätzungen, da es an entsprechenden ha Bauland) gehört die Reaktivierung der Indus- wissenschaftlichen Expertisen (bisher) mangelt. triebrache Belval-Ouest zu den derzeit größten Im ersten Teil wird der allgemeine raumplane- städtebaulichen Entwicklungsvorhaben in Eu- rische Kontext dargestellt. Im nächsten Schritt ropa. Westlich des noch in Betrieb befindlichen werden die Grundzüge des Masterplans für das Elektrostahlwerks der ARCELOR-MITTAL- Projektgebiet vorgestellt, bevor detaillierter auf Gruppe entsteht auf dem 1996 aufgegebenen städtebauliche Aspekte des Vorhabens einge- Betriebsgelände (Roheisenphase, Kokerei) zwi- gangen wird. Ein besonderer Schwerpunkt liegt schen Esch-sur-Alzette und Sanem ein neuer sodann auf der Rolle der Cité des Sciences. Stadtteil, der in naher Zukunft 6.000 bis 7.000 Der abschließende Ausblick tritt den Versuch Einwohner sowie 20.000 bis 25.000 Arbeits- an, Entwicklungschancen und -probleme des plätze beherbergen soll. Insgesamt 1,2 Mio. m2 Standorts sowie seine Bedeutung für das lokale Bruttogeschossfläche sind in den neuen Büro- städtische Gefüge herauszuarbeiten. und Wohngebäuden vorgesehen. Der halb- staatlichen1 Entwicklungsgesellschaft AGORA Raumentwicklungspolitischer obliegt die Aufbereitung und Erschließung der Kontext Flächen, die Schaffung der planungsrechtli- chen Voraussetzungen sowie die Vermarktung Nicht zuletzt aufgrund seiner grenznahen Lage des Standorts, während der staatliche, dem kann das Projekt Belval-Ouest nicht nur im Ministère du Développement durable et des nationalen, d.h. landesplanerischen Kontext ge- Infrastructures unterstehende Fonds Belval aus- sehen werden, sondern muss zunächst in einen schließlich für die öffentlichen Bauvorhaben größeren räumlichen Zusammenhang eingeord- sowie die Konservierung des industriekultu- net werden. Auf Ebene der so genannten Groß- rellen Erbes (s.u.) zuständig ist. Die geplanten region2 zeichnet sich seit einigen Jahren ab, öffentlichen Investitionen belaufen sich auf dass das Großherzogtum Luxemburg aufgrund ca. 1 Milliarde Euro, davon entfallen mehr als seiner wirtschaftlichen Prosperität und demo- 50% auf die Cité des Sciences, den künftigen graphischen Dynamik zu einem Entwicklungs- Standort der Université du Luxembourg sowie pol geworden ist, der weit über die Landes- weiterer öffentlicher Forschungseinrichtungen. grenzen ausstrahlt und unter anderem große Ziel des Beitrags ist es, einen Überblick Zahlen von Grenzpendlern aus den Nachbarre- über die strategisch-planerischen Facetten des gionen anzieht3. Laufende Forschungsprojekte Projekts zu geben und gleichzeitig dessen mög- des CEPS/INSTEAD sowie der Université du

1 Anteilseigner dieser im Jahr 2000 gegründeten Kommanditgesellschaft sind zu je 50% ARCELOR-MITTAL sowie der Luxemburgische Staat; an ihrem Conseil de Gérance wirken ferner die beiden Gemeinden Esch-sur-Alzette und Sanem mit. 2 Die „Großregion“ bezeichnet einen grenzüberschreitenden Kooperationsraum, zu dem neben dem Großherzogtum die französische Region Lothringen, die deutschen Bundesländer Rheinland-Pfalz und Saarland sowie die belgische Region Wallonien (inkl. der Deutschsprachigen und der Französischen Gemeinschaft) gehören. Mit über elf Millionen Einwohnern und einer Fläche von über 65.000 km2 handelt es sich dabei um den größten subnationalen Kooperationsraum in Europa. 3 WILLE, Christian / BLÄSER, Ralf, Grenzgänger im Großherzogtum Luxemburg. In: Geographische Rundschau 61-1 (2009), S. 36-42.

135 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Luxembourg widmen sich diesen so genannten deutschen Fachterminologie: dezentrale Kon- „Metropolisierungstendenzen“4 Luxemburgs zentration) verfolgt, d.h. durch Förderung der und deren grenzüberschreitend interregio- Entwicklung bestimmter Mittel- und Unterzent- nalen Konsequenzen5. Besonders wichtige Ar- ren11 des Landes soll einerseits eine Balance zur beitsmarktimpulse gehen von den hochquali- hauptstädtischen Agglomeration geschaffen wer- fizierten (Dienstleistungs-)Arbeitsplätzen aus, den („déconcentration“), gleichzeitig aber auch wie sie in Luxemburg v.a. im Finanzsektor und ein disperses Siedlungswachstum in der Fläche dessen Umfeld, aber auch in den zahlreichen euro- vermieden werden („concentrée“). Wichtigste päischen Institutionen entstanden sind6. Zwar ist Ausgleichzentren bzw. Gegenpole zur Haupt- das Gros dieser Arbeitsplätze in der Hauptstadt stadt sollen dabei die so genannte „Nordstad“ im Luxemburg und den angrenzenden Gemeinden Raum Ettelbruck-Diekirch sowie der Süden mit konzentriert, jedoch zeigen sich zunehmend dem Zentrum Esch-sur-Alzette werden. Dezentralisierungstendenzen7 - vor allem von Das Projekt Belval-Ouest kann somit als Back-Office-Aktivitäten, wie sie etwa bereits raumentwicklungspolitisch motiviertes Vorha- am Standort Belval-Ouest anzutreffen sind ben verstanden werden, das sowohl internen (s.u.). Der wirtschaftliche Aufschwung der letz- landesplanerischen Leitlinien folgt als auch ten beiden Jahrzehnte hat nicht nur grenzüber- durch Schaffung neuer Arbeitsplätze an diesem schreitende Arbeitsmarktverflechtungen inten- Standort den grenzüberschreitenden Verflechtun- siviert, sondern auch zu einem wachsenden gen und den überwiegend aus Nordlothringen Druck auf den nationalen Immobilienmarkt ge- kommenden Grenzgängern Rechnung trägt und führt. Dies gilt sowohl für das Segment der Wohn- eine weitere Zunahme der Verkehrsströme in immobilien, das eine rasante Preisentwicklung Richtung Hauptstadt vermeiden helfen soll. erfuhr8, als auch für Gewerbeimmobilien. Der Gleichzeitig wird dem Projekt eine große Be- luxemburgische Markt für Büroimmobilien deutung für den wirtschaftlichen Struktur- verzeichnet seit Jahren die europaweit nied- wandel in Luxemburgs Süden beigemessen, so- rigsten Vakanzraten (derzeit knapp über 2%)9, wohl im sozio-ökonomischen Sinne (Branchen- d.h. ansiedelnde bzw. expandierende Unterneh- diversifizierung, Schaffung von neuen Arbeits- men sind mit großen Schwierigkeiten bei der plätzen, Zugang zu Bildung etc.) als auch im Suche nach geeigneten Flächen konfrontiert. städtebaulichen Sinne durch Wiedernutzung der Dieser Entwicklungsdruck sowie die un- weitläufigen Industriebrachen zwischen Esch ausgewogene Raumstruktur durch die Domi- und Sanem. Somit ist auch die Entscheidung nanz des Oberzentrums Luxemburg-Stadt sind vom 23. Dezember 2005, den Hauptstandort Ausgangspunkt einer auf Dezentralisierung aus- der neuen Université du Luxembourg in Belval- gerichteten Raumentwicklungspolitik, wie sie Ouest anzusiedeln, als (durchaus mutige) struk- das Programme Directeur de l’Aménagement turpolitische Entscheidung zu verstehen. du Territoire10 aus dem Jahr 2003 vorgibt. Als Die städtebaulichen Facetten des Vorha- landesplanerisches Leitbild wird hier das Kon- bens sollen im Weiteren anhand des Master- zept der „déconcentration concentrée“ (in der plans für Belval-Ouest erläutert werden.

4 SOHN, Christophe / WALTHER, Olivier, Métropolisation et intégration transfrontalière : le paradoxe luxembourgeois. In : Espaces & Sociétés 134 (2008), S. 1-15. SCHULZ, Christian, Die „Metropolisierung“ Luxemburgs. In: AMANN, Wilhelm / MEIN, Georg / PARR, Rolf (Hg.), Periphere Zentren oder zentrale Peripherien? Kulturen und Regionen Europas zwischen Globalisierung und Regionalität. Heidelberg 2008, S. 89-97. 5 Etwa im Rahmen des FNR-Projekts METROLUX, s. http://metrolux.ceps.lu, oder des jüngst angelaufenen ESPON- Projekts METROBORDER, s. http://www.geo.ipse.uni.lu. 6 WALTHER, Olivier / SCHULZ, Christian, Finanzplatz Luxemburg - vom Steuerparadies zur Investmentfonds-Kapitale. In: Geographische Rundschau 61-1 (2009), S. 30-35. 7 WALTHER / SCHULZ, Finanzplatz (Anm. 5). 8 Zu demographischer Entwicklung und Wohnungsmarkt s. Observatoire de l’Habitat unter http://observatoire.ceps.lu/ sowie Wohnungsbedarfsprognose 2001-2021 des Ministère des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement unter http://www.logement.lu/pdf/Wohnungsbedarfsprognose.pdf . 9 Jones, Lang, LaSalle, Report Q1 2009. Luxembourg 2009. 10 Ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire (Hg.), Programme Directeur de l’Aménagement du Territoire. Luxembourg, 2003. 11 Centres de développement et d’attraction (CDA).

136 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Masterplan Belval-Ouest

Bei einem so genannten „Masterplan“ handelt - im Osten den Bereich der Hochofenterrasse es sich weder um ein planungsrechtlich vor- (28 ha), auf der im Umfeld der teilweise er- geschriebenes noch um ein städtebaulich ver- haltenen Industrieanlagen eine Mischung aus bindliches Dokument. Vielmehr ist es ein auf Forschungs- und Hochschuleinrichtungen, freiwilliger Basis initiiertes Instrument, das in öffentlicher Verwaltung, Einzelhandel, Gastro- einer frühen Phase des Planungsprozesses urba- nomie sowie Kultur- und Freizeiteinrichtungen nistische und landschaftsplanerische Leitprin- (Konzerthalle, Kino, industriehistorisches Mu- zipien für einen zu entwickelnden Standort erar- seum) geplant ist; beitet. Es wird insbesondere für städtebauliche - westlich an die Hochofenterrasse anschlie- Großvorhaben oder für die Überplanung und ßend die Square Mile (21 ha) als gehobenen Umgestaltung größerer städtischer Areale (z.B. Büro- und Dienstleistungsstandort, der in den Altstadtsanierung, Bahnhofsviertel o.ä.) ge- Obergeschossen der Bürobauten und Einzel- nutzt und hat zumeist partizipativen Charakter. handelseinrichtungen in nennenswertem Um- Mit der Erarbeitung des Masterplans für fang auch Wohnnutzungen vorsieht (s.u.); Belval-Ouest wurde das Büro Jo Coenen & Co. - einen zentralen Parc Belval (33 ha) mit Sport- / Maastricht beauftragt, das 2002 als Sieger aus anlagen und Schulgebäuden; dem von AGORA organisierten europaweiten - sowie die überwiegend als Wohnstandorte städtebaulichen Realisierungswettbewerb her- konzipierten Viertel Belval-Sud und Belval- vorging und heute eine Zweigstelle auf dem Nord (jeweils ca. 20 ha). Standort unterhält. Der Masterplan gliedert das Die sich in der Kurzcharakterisierung der ein- Entwicklungsgebiet in folgende Viertel, die zelnen Viertel andeutende Nutzungsmischung jeweils unterschiedliche Nutzungsprofile er- soll im nächsten Abschnitt aus städtebaulicher halten sollen (siehe Abb.1): Sicht näher erläutert werden.

BELVAL MASTERPLAN - Fortschreibung - Stand 30.03.2009

DIRECTION LUXEMBOURG ROND POINT RAEMERICH

SOTEL SOTEL

WEIHER QUARTIER BELVAL NORD

PARK BELVAL NORD

PUMPSTATION 311.4 310 N 31

319

LIAISON N 31 MICHEVILLE

SS 3

339 BELVAUX MAIRE SS 2 307.4 318.9 PLATEAU 300.6 ST. ESPRIT 303 HSS 1 PORTE DES SCIENCES PORTE CITE DES SCIENCES 312 300 314.3 CIPA 305.7 PLACE DE L’UNIVERSITE 308.5 ARRET 302.5 BELVAUX CENTRE 310 WASSERTREPPE MAISON DU SAVOIR

318.2 ECOLE SANEM 314 RESTAURANT

PARC BELVAL 313 MAISON 304,5 DU NOMBRE HFC MAISON DES SCIENCES HUMAINES FUNDAMENT 308,5 308.5 315.8 RINGSTRASSE AVENUE DE LA FONTE

DEXIA I DEXIA II

313 WERKSGELÄNDE ARCELOR MITTAL INKUBATOR

304 308.5 DE FRANCE PORTE AVENUE DES SIDERURGISTES AVENUE GEBLÄSEHALLE

DEXIA III HFB LYCEE TECHNIQUE 304 RINGSTRASSE Source Belval PLACE RINGSTRASSE 308.5 AGORA 308.5 313.5 DES HAUTS-FOURNEAUX AVENUE HFA

BELVAL MÖLLEREI

PLAZA II HIGHWAY 303.4 SQUARE 1 SQUARE 1 SQUARE 1

HOTEL BELVAL CENTRE SPORTIF SQUARE 308.5 308.5 SÜDBAND AVENUE DU ROCK’N’ROLL

SÜDBAND SÜDBAND SÜDBAND PLAZA PLACE DU ROCK AGORA Agora-Grenze TOWER BELVAL PLAZA I geplante Gemeindegrenze ACCES ROCKHAL Landesgrenze SUD in Staatsbesitz

ARRET BELVAL LYCEE nachrichtliche Übernahme Planung Fonds Belval CR 168 DIRECTION

FRANCE ARRET BELVAL DIRECTION FRANCE P+R QUARTIER BELVAL SÜD PARK BELVAL SÜD SQUARE MILE QUARTIER THFX

ORIGINE MASTERPLAN: DROITS RESERVES A JO COENEN & CO ARCHITEKTEN - COPIE ET REPRODUCTION INTERDITES ORIGINE CADASTRE: DROITS RESERVES A L’ETAT DU GRAND DUCHE DE LUXEMBOURG (BD-TOPO 1997, ORTHO 2004) - COPIE ET REPRODUCTION INTERDITES Jo Coenen & Co Architekten Site Belval B.P.193 L-4002 Esch-sur-Alzette 00352/ 2617361

MASTERPLAN - Fortschreibung Plancode Städtebaulicher Rahmenplan CO7_Ü01_V43a Maßstab Erstellungsdatum Letzte Änderung Format Bearbeiter 1:2000 22.04.2002 30.03.2009 A0 MB Abb. 1: Masterplan Belval-Ouest

12 AGORA (Hg.), Les Quartiers (2009): http://www.belval.lu/fr/Comprendre-Belval/Les-Quartiers

137 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Städtebauliche Aspekte Verkehrserschließung Das wohl ambitionierteste Ziel des Projektes Im Masterplan für Belval-Ouest wird den fol- ist es, einen Modal-Split, d.h. eine Verteilung genden städtebaulichen Grundprinzipien beson- auf den motorisierten Individualverkehr (MIV) dere Bedeutung beigemessen: und den öffentlichen Nahverkehr (ÖV) bzw. Funktionsmischung Langsamverkehr (LV) im Verhältnis 60/40 zu erreichen. Dieses soll unter anderem durch eine Durch die bewusste Mischung verschiedener günstige Anbindung an das nationale Schienen- Gewerbe-, Kultur-, Freizeit- und Wohnfunktio- netz erreicht werden. Kurzfristig wird hierzu nen soll eine möglichst hohe interne Verflech- der bereits von „Belval-Usine“ in „Belval- tung des Standorts erreicht werden, die z.B. Université“ umbenannte Haltepunkt der CFL zu Wohnen in der Nähe des Arbeitsplatzes oder einem attraktiven Regionalbahnhof ausgebaut. Freizeitaktivitäten­ im direkten Umfeld des Mittel- bzw. langfristig ist der Neubau einer Arbeits­platzes (Kultur, Sport, Gastronomie) direkten Bahnstrecke zwischen Luxemburg- ermöglichen oder auch schlicht alltägliche Ver- Stadt und Belval geplant, die die Fahrzeit auf sorgungsfunktionen (Einzelhandel und andere dieser Strecke um etwa zehn Minuten ver- Dienstleistungen) erfüllen. In einer zeitlichen kürzen würde, vor allem aber eine höhere Dimension soll Funktionsmischung auch dazu Frequenz der Züge ermöglichen würde. Da- beitragen, weder so genannte „Schlafsiedlun- neben plant man derzeit auf französischer gen“ (Cités dortoires) mit ausschließlicher Seite die Inbetriebnahme eines Personen- Wohnfunktion und mangelnder Versorgungs- zuges auf bestehenden Gleisen von Thionville infrastruktur entstehen zu lassen, noch die eher über Audun-le-Tiche (F) und Belval (L) zu- gewerblich genutzten Bereiche nach Büro- und rück nach Frankreich (Longwy), um hier eine Ladenschluss „aussterben“ zu lassen (City- für Grenzpendler aus Lothringen interessante Phänomen). So ist beispielsweise vorgese- Querverbindung in dem sonst radial auf die hen, dass jedes Bürogebäude im Bereich der Stadt Luxemburg ausgerichteten Bahnnetz zu „Square Mile“ in den Obergeschossen auch schaffen. Ferner bestehen auf lokaler Ebene Miet- bzw. Eigentumswohnungen anbietet. weiterhin Planungen einer Straßenbahnverbin- Durch das teilweise bereits bestehende Kultur- dung zwischen der Innenstadt von Esch, Belval- angebot (Rockhal, CinéBelval) und die vorge- Ouest und den westlichen Nachbargemeinden. sehene Gastronomie, aber auch den Park und Eine strikte Parkraumbewirtschaftung bzw. die geplante Sportinfrastruktur soll sowohl für -verknappung soll die Nutzung öffentlicher in Belval wohnende als auch dort arbeitende Verkehrsmittel weiter begünstigen13. Menschen ein breites Spektrum möglicher Aktivitäten angeboten und damit eine hohe Erholung und Freizeit Standortqualität erzeugt werden. Zu dem integrativen Ansatz gehört – wie bereits Verdichtetes Bauen und kurze Wege angedeutet – auch die Bereitstellung verschie- denster Freizeitangebote. Neben den Naherho- Was die städtebauliche Gestalt angeht, wurde lungsmöglichkeiten im Park sowie den geplan- eine stark verdichtete und damit flächen­ ten Sporteinrichtungen sind mit der Rockhal, sparende Bauweise gewählt. Sie besteht aus einer Konzerthalle von internationalem Format relativ kompakten, mehrgeschossigen Gebäu- mit zwei Sälen (max. 6500 bzw. 1200 Plätze) den (z.T. Bürotürmen) und relativ schmalen sowie zahlreichen Proberäumen für einhei- Straßengrundrissen. Nicht nur die geringe Ent- mische Bands, sowie dem Multiplex-Kino fernung zwischen den Gebäuden, sondern auch „CinéBelval“ zwei kulturelle Einrichtungen die interne Erschließung (ohne Durchgangsver- entstanden, die nicht zuletzt den auf Belval kehr) soll die so genannten Langsamverkehre arbeitenden und lebenden Menschen zu- wie Radfahren oder Zufußgehen begünstigen. gute kommen.

13 Zur Verkehrsanbindung s. ausführlich KIES, Alex / LEHNERS, Magali, Esch-Belval – Standort der Universität Luxemburg! Population et Territoire 12 (2007).

138 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Einbindung des industriehistorischen Sciences ziehen werden. Lediglich die der FDEF Erbes angehörige Luxembourg School of Finance (LSF) sowie die europäischen Rechtswissen- Ein nicht nur aus städtebaulich-gestalterischer schaften sollen in der Hauptstadt verbleiben. Sicht wichtiges Element der Masterplanung war Neben den Hörsälen, Seminarräumen, Bü- die angemessene Einbindung der verbleibenden ros, Labors und Verwaltungseinrichtungen industriehistorischen Relikte dieses ehemaligen wird die Cité des Sciences auch Wohnraum Schwerindustriestandorts. Auf diesen Punkt für Studierende sowie Gastwissenschaftler/ wird weiter unten gesondert zurückzukommen -innen schaffen. sein. Zuvor sei jedoch etwas detaillierter das Konzept der „Cité des Sciences“ vorgestellt, die Bewertung des Vorhabens in dem industriehistorisch sensibelsten Bereich der Fläche entstehen wird. Belval-Ouest gilt derzeit als eines der größten und ambitioniertesten städtebaulichen Entwick- Cité des Sciences, de lungsvorhaben in Europa. Neben einmaligen la Recherche et de l’Innovation Gestaltungschancen in für Luxemburg sicher historischer Dimension sind hiermit nicht nur Unter dem Namen „Cité des Sciences, de la Re- wirtschaftliche Risiken für die öffentlichen cherche et de l’Innovation“ (im Weiteren kurz: und privaten Investoren verbunden, sondern Cité des Sciences) firmiert der künftige zentrale durchaus auch die Gefahr urbanistischer Fehl- Wissenschafts- und Forschungsstandort des entscheidungen bzw. langfristiger Festlegun- Großherzogtums. Im nördlichen Teil der Ter- gen, die sich als unangemessen erweisen und rasse des Hauts Fourneaux (s. Abb. 1) werden Folgelasten nach sich ziehen könnten. Ein neben der Universität ferner die beiden Centres wichtiger Streitpunkt etwa aus Sicht der künf- de Recherche Publics (CRP) Gabriel Lippmann tigen Nutzerinnen und Nutzer der Cité des und Henri Tudor, das ebenfalls öffentliche Sciences sind deren vorgebrachte Zweifel an der CEPS/INSTEAD sowie ein Gründerzentrum Umwelt- und Aufenthaltsqualität des Standorts. (Incubateur) für aus den Forschungseinrich- Trotz der angestrebten hohen architektonischen tungen hervorgehende Start-up-Unternehmen und gebäudeklimatischen Qualität der ersten („Spin-offs“) angesiedelt. Die von der Konzen- Universitätsgebäude bleiben Fragen hinsicht- tration dieser Einrichtungen erhofften Syner- lich der Atmosphäre der Cité des Sciences, die gien beziehen sich dabei nicht nur auf die räum- aus o.g. Gründen bewusst nicht als geschlos- liche Nähe, sondern teilweise auch auf die ge- sener und vor allem nicht als weitläufiger Cam- meinsame Nutzung spezieller Forschungsinfra- pus nach angelsächsischem Vorbild angelegt strukturen (z.B. Labore, Serverräume usw.). So wurde. Bei allem Verständnis für verdichtete sollen beispielsweise das sozialwissenschaft- Bauformen und großer Sympathie für die Ver- lich ausgerichtete CEPS/INSTEAD gemeinsam flechtung der Cité mit anderweitig genutzten mit der Faculté des Lettres, des Sciences Hu- öffentlichen Räumen wird vielfach die Frage maines, des Arts et des Sciences de l’Education nach den Unterschieden zu einem profanen (FLSHASE) die so genannte Maison des Scien- Bürostandort mit Blockrandbebauung (wie z.B. ces Humaines beziehen. Dieses neben der Mai- auf dem östlichen Kirchberg) laut. Damit ver- son du Savoir (Hauptgebäude der Universität bunden ist die Angst, dass innerhalb der Cité mit Rektorat, Verwaltung und Hörsälen) erste des Sciences mit Ausnahme von Innenhöfen fertig zu stellende Gebäude soll im Jahr 2013 und teilweise zugänglichen Dachterrassen so- bezugsfertig sein. Mit Ausnahme der zentralen wie der geplanten Gastronomie wenige Flächen Universitätsbibliothek (Maison du Livre) in der zum Verweilen einladen, die nicht unmittelbar ehemaligen Möllerei (s.u.) werden ausschließ- Arbeitsfunktion (Büros, Labore, Bibliothek, lich Neubauten errichtet. Inzwischen gilt als Seminarräume) haben. Hinzu kommen nicht sicher, dass alle drei Fakultäten der Universi- zu unterschätzende „Konsumreize“, die vom tät, also neben der FLSHASE und der Faculté benachbarten Einzelhandel und der Gastro- des Sciences, de la Technologie et de la Com- nomie im Bereich Belval Plaza ausgehen und munication (FSTC) auch die Faculté de Droit, einer universitären Campus-Atmosphäre nicht d’Économie et de Finances (FDEF) in die Cité des zuträglich sein dürften.

139 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

Eine standortübergreifende Frage, die we- Zweifelsohne wird der Zuzug von Stu- niger für Belval-Ouest als für die gewachsenen dierenden spürbare Effekte haben, jedoch Siedlungskerne im Umfeld virulent ist, betrifft sind Zweifel hinsichtlich ihrer Dimension die Integration des neuen „Stadtteils“ - die be- angebracht. Noch ist nicht abzuschätzen, teiligten Kommunalvertreter lehnen den Begriff wie viele der zum Zeitpunkt des Umzugs der der „neuen Stadt“ aus naheliegenden Gründen Universität zwischen 5000 und 7500 Studier- strikt ab - in das bisherige städtische Gefüge. enden tatsächlich auch im direkten Um- Dies betrifft sowohl die bisherige sozio-ökono- feld wohnen werden. Zieht man den voraus- mische Struktur des Standorts als auch sich ver- sichtlich weiterhin hohen Anteil von einpen- ändernde funktionale Beziehungen und räum- delnden Studierenden aus der Großregion liche Nutzungsmuster. Verständlicherweise sowie von im Elternhaus lebenden luxem- – und wie an vielen anderen Altindustriestand- burgischen Studierenden ab, handelt es sich orten auch – stehen große Teile der lokalen Be- um eine vergleichsweise kleine studen- völkerung der Entwicklung zumindest ambiva- tische Gemeinschaft, die sich nur punktuell lent gegenüber. Neben einer gewissen Skepsis bemerkbar machen wird. bezüglich der zuziehenden Personen und ihrer Es ist auch absehbar, dass ein nicht uner- Lebensstile werden oft eher Befürchtungen heblicher Teil der zuziehenden Studierenden hinsichtlich steigender Immobilienpreise als einen preisgünstigeren Wohnstandort im benach- Hoffnungen hinsichtlich entstehender Arbeits- barten Lothringen, etwa in Audun-le-Tiche oder plätze geäußert. Nach der zugespitzten Logik, in Villerupt bevorzugen wird. Damit verbunden ein ehemaliger Stahlarbeiter könne nicht als ist die grundsätzlichere Frage der grenzüber- Banker oder Wissenschaftler arbeiten, werden schreitenden Implikationen des Projekts Belval- lokale Arbeitsmarkteffekte sogar bezweifelt. Ouest. Trotz aller Koordinierungsversuche mit Wenn auch nur wenige der in Belval entste- den benachbarten Gebietskörperschaften und henden Arbeitsplätze dem lokal dominierenden trotz deren ausgeprägtem Interesse an einer Teil- Qualifizierungsprofil unmittelbar entsprechen, habe an der von Belval ausgehenden Entwick- wird die Chance dieses längerfristig positiven lungsdynamik fehlt es bisher an einer konzertier- Wandels oft nicht gesehen bzw. für die eigene ten Vorgehensweise auf französischer Seite. Dies Lebenssituation als irrelevant erachtet. hat unter anderem damit zu tun, dass gleich zwei Nicht unberechtigte Ängste bestehen auch Départements (Moselle sowie Meurthe-et-Mo- seitens des lokalen Einzelhandels und insbeson- selle) an Belval stoßen, d.h. die in Frankreichs dere hinsichtlich der Entwicklung der Innen- zentralstaatlichem Gefüge ohnehin große Zahl stadt von Esch. Bedingt durch die räumliche zu beteiligender Stellen ist hier zusätzlich erhöht. Entfernung und die zumindest psychologisch Die sehr zögerlichen Planungen und Mittelbewil- starke Barrierewirkung des noch produzieren- ligungen für die Weiterführung der von Luxem- den Stahlwerkgeländes zwischen dem Zentrum burg aus unter Belval-Ouest hindurchführenden von Esch und Belval ist zu erwarten, dass es Schnellstraße auf französischer Seite („Liaison auf Seiten der Nutzer von Belval-Ouest eher Micheville“) gibt ein erstes Beispiel für politi- zu geringen Kontakten mit dem Escher Stadt- sche Komplexität bzw. die Ungleichzeitigkeit zentrum kommen wird. Positive Ausstrahlungs- der Entwicklung. Die jüngst vom französischen effekte des neuen Standorts, von denen auch die Staatspräsidenten angekündigte Schaffung ei- umliegenden Gemeinden profitieren, sind v.a. ner nachhaltigkeitsorientierten Modellsiedlung hinsichtlich des allgemeinen Imagewandels zu (EcoCité) auf lothringischer Seite erzeugt eine erwarten, werden aber in der lokalpolitischen neue Dynamik, deren Folgen für das Gesamtpro- Debatte über die Wirkungen des Entwicklungs- jekt noch nicht absehbar sind. vorhabens mitunter überschätzt. Ein weiterer, eingangs bereits angedeuteter Dies gilt nicht zuletzt für den erwarteten Konfliktpunkt liegt im Bereich des Umgangs Einfluss der studentischen Gemeinschaft, auf de- mit dem industriekulturellen Erbe des Standorts. ren Potential beispielsweise die Standortpolitik Zwar bescheinigt der für diesen Bereich opera- der Gemeinde Esch abstellt. Diese hat u.a. da- tiv verantwortlich zeichnende Fonds Belval dem mit begonnen, ihre Gastronomie auf diese neue Hochofenensemble herausragende Bedeutung: Klientel vorzubereiten und private Hausbesitzer für die studentische Nachfrage nach erschwing- « Les deux hauts fourneaux seront l’articulation lichem Wohnraum zu sensibilisieren. centrale de la Cité des Sciences, non seulement

140 Terres Rouges Die räumlichen Implikationen des Projektes Belval-Ouest

sur le plan urbain mais également sur le plan triekulturelle Themen im weiteren Sinne, also conceptuel, culturel et sémantique. »14 nicht nur Technikgeschichte und die Biographie des Standorts, sondern auch sozio-kulturelle Dennoch gab der Umgang mit den Abriss- und Aspekte der industriellen Arbeit und Gesell- Sicherungsarbeiten an den Hochöfen und in schaftsentwicklung in Südluxemburg themati- ihrem Umfeld vielfach Anlass zu offener Kri- siert werden sollen. tik. Anders als bereits 1998 von der nationalen Die oben bereits erwähnte „Landmarken- Denkmalschutzkommission angeregt und im funktion“ der beiden erhaltenen Hochöfen hat Regierungsbeschluss vom 14. Februar 2005 als Wiedererkennungsmerkmal des Standorts festgehalten, sollen wesentliche Elemente der besondere Bedeutung. Die Höhe des unmittel- Hochofenterrasse nun doch nicht in ihrem funk- bar benachbarten DEXIA-Gebäudes sowie der tionalen Zusammenhang erhalten bleiben. Dies (bewusst) um wenige Meter höher geplante wird nicht nur von lokal engagierten Initiativen Turm der Maison du Savoir - evtl. auch wei- wie etwa der Amicale des Hauts Fourneaux A tere zukünftige Bürobauten – werden jedoch 15 et B bemängelt. Die fortwährenden Debatten die Sicht auf diese Landmarke aus westlicher können hier nicht im Detail wiedergegeben wer- und nördlicher Richtung enorm einschränken. den, drehen sich aber im Wesentlichen um die Weithin sichtbar werden deshalb eher pro- sukzessive Ausweitung des Démantèlement der fane Bürobauten sein – auch eine Landmarke, Hochöfen, die Überbauung der Fundamente des aber sicher mit weniger identitätsstiftendem Hochofens C, die weiter unklare Zukunft der Potential. benachbarten Gasgebläsehalle (Halle des Souf- flantes) sowie den ursprünglich nicht vorgese- Ausblick henen Teilabriss des so genannten Highways. Bei letzterem handelt es sich um eine ehemals 538 Der Erfolg des Standorts Belval-Ouest wird von Meter lange, auf Betonstützen stehende LKW- einer Vielzahl exogener und endogener Faktoren Trasse, die unter den Hochöfen hindurchführt­ abhängen. Zu ersteren zählt insbesondere die und nach Vorstellung der Masterplaner nicht (krisenbedingt derzeit zurückgehende) Investi- nur ein imposantes Zeugnis der Produktions- tionsbereitschaft privatwirtschaftlicher Akteure, anlage darstellt, sondern auch einen idealen aber auch die weitere Mobilisierung öffentlicher Fußweg zwischen der südlichen Erschließung Gelder für den Ausbau der Cité des Sciences. des Geländes (Bahnhof) und dem Hauptge- Die Ausgestaltung des Standorts wird maßgeb- bäude der Universität, der Maison du Savoir. lich sein für seine Akzeptanz durch die jetzigen Deshalb war vorgesehen, die Trasse in Gänze und künftigen Nutzer. Fragen der Aufenthalts- in die künftige Nutzung zu integrieren. Im Zuge und Umweltqualität sowie der Erreichbarkeit, der Abriss- und Sicherungsarbeiten an den Wohnstandards und Angebotsstrukturen wer- Hochöfen wurden jüngst jedoch Teile der Trasse den über die Nachfrage mitentscheiden. Große abgerissen; weitere Abschnitte sollen nicht Fragezeichen stehen hinter den ambitionierten in Originalform erhalten, sondern abgetragen verkehrspolitischen Zielen, den zu erwarten- und später durch eine moderne Nachbildung den Komplementärprojekten auf französischer ersetzt werden. Seite sowie hinter der Frage der Integration des Geplant ist der Bau eines Centre National Standorts in das lokale Umfeld. Diesem Aspekt de la Culture Industrielle (CNCI) zwischen den sollten nicht nur die umliegenden Gemeinden beiden erhaltenen Hochöfen, in dem indus- besondere Beachtung schenken.

14 Fonds Belval (Hg.), Les hauts fourneaux de Belval (2009) : http://www.fonds-belval.lu/TexteArchi_Suivant.php?menu1=2&menu2=HFAB&menu3=1&position=0&compteur=1 (letzter Abruf 14.07.2009). 15 Amicale des hauts fourneaux A et B : http://www.hauts-fourneaux.org/ (letzter Abruf 14.07.2009).

141 Autorenverzeichnis

Marion Colas-Blaise Professeur de linguistique et sémiotique françaises à l’Université du Luxembourg; directrice du Bachelor en Cultures européennes/études françaises

Paul Di Felice Chargé de cours en Arts visuels à l’Université du Luxembourg

Norbert Franz Privatdozent für neuere und neueste Geschichte an der Universität Trier; directeur de projet à l’Université du Luxembourg

Peter Gilles Professeur de linguistique à l’Université du Luxembourg; responsable du Laboratoire de linguistique et de littératures luxembourgeoises

Michael Overbeck M.A., Mitglied der Arbeitsgruppe “Archäometallurgie” an der Westfälischen Wilhelms-Universität Münster, dort derzeit Promotion im Fach Ur- und Frühgeschichtliche Archäologie, 2003-2005 Ausgrabungsleiter im Genoeserbusch bei Peppange

Michel Pauly Professeur d’histoire luxembourgeoise transnationale à l’Université du Luxembourg; responsable des ‚Etudes luxembourgeoises‘ à l’Unité de recherches IPSE; responsable du Laboratoire d’Histoire

Tonia Raus Doctorante à l’Université du Luxembourg et à l’Université de la Sorbonne Nouvelle – Paris 3

Damien Sagrillo Assistant-professeur de musicologie à l’Université du Luxembourg

Julie Schroell Licenciée en histoire contemporaine, réalisatrice et scénariste

Christian Schulz Professeur de géographie à l’Université du Luxembourg; directeur de l’Unité de recherche IPSE

Myriam Sunnen Docteur en littérature française; enseignante de français au Lycée Michel Rodange, Luxembourg

Frank Wilhelm Professeur de littérature française à l’Université du Luxembourg; responsable du Centre d’études et de recherches françaises et francophones en Littérature et Linguistique

142 143 La Fondation Bassin Minier est un établissement d’utilité publique créé en 1989 qui a pour objet de contribuer à la valorisation culturelle de la région du Bassin Minier, en participant à l’organisation d’activités et à la mise en oeuvre de projets dans les domaines de la culture, de l’écologie, du tourisme et du patrimoine industriel. Partant de l’histoire industrielle, ouvrière et des migrations de la région du Bassin Minier, la Fondation est un instrument privilégié d’une transmission vivante de cette histoire et assure le rôle de témoin dynamique d’une culture qui se veut prospective. La Fondation Bassin Minier bénéficie du soutien financier du Ministère de la Culture.

Die Fondation Bassin Minier ist eine gemeinnützige Stiftung, die 1989 mit dem Auftrag geschaffen wurde, zur kulturellen Entwicklung im Luxemburger Erzbecken (Bassin Minier) beizutragen. Die Stiftung beteiligt sich an der Umsetzung und fördert Projekte in den Bereichen Industrieerbe, Kultur, Umwelt, Tourismus und Innovation. Von der Wirtschafts-, Migrations- und Sozialgeschichte des Bassin Miniers ausgehend und den Bogen spannend bis zur heutigen Entwicklung der Region als Forschungs- und Technologiestandort, möchte die Stiftung die Rolle eines Übersetzers spielen, der Geschichte mit Zukunft verbindet und Perspektiven für eine starke Region aufzeigt. Die Fondation Bassin Minier wird vom Kulturministerium finanziell unterstützt.

c/o Chambre de Commerce, L-2981 Luxembourg www.fondationbassinminier.lu [email protected]

144