MONTAGNAC 6000 ans d'histoire

MONTAGNAC 6000 ans d'histoire

par André Nos avec la collaboration de chercheurde Michel au Feugère C.N.R.S. Préface de Jean-Pierre Donnadieu de l'Université Paul Valéry de C 1991, Ed. LES AMIS DE MONTAGNAC Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Préface

J'ai été très sensible à l'honneur qu'André Nos m'a fait lorsqu'il m'a demandé de préfacer cette considérable "Histoire de Montagnac", dont il a entrepris la rédaction avec le concours de Michel Feugère, la collaboration du docteur Salvaing, de Pierre Grasset et de Claude Achard, et les conseils du personnel des Archives départementales de l'Hérault. A-t-il voulu par là me remercier de l'avoir mis sur le chemin des quatre vingt sept liasses de notes et documents accumulés par Joseph Favas, qui n'est pas allé au-delà d'un projet de même nature, mais qui a facilité l'œuvre de successeurs qu'il ne croyait pas si proches, en les déposant à Montpellier? Je ne peux, quant à moi, que me féliciter des connaissances accumulées dans cet ouvrage, qui permet de découvrir six mille ans d'une petite ville de notre département. En 1843, était parue à Béziers une "Histoire statistique et archéologique de la ville de Montagnac", sans nom d'auteur. Vite identifié, Rey-Lacroix, en deux parties qui touchaient un peu à tout, sauf à la fin de l'ancien Régime, écrivait là un ouvrage caractéristique de son temps, mêlant les notes de lecture aux suppositions hasardeuses, ne citant jamais les noms des "explorateurs" qui l'avaient mis sur la trace de tel ou tel document; il n'en reste pas moins l'auteur d'une des premières monographies consacrées à une commune de l'Hérault. Toute autre est la démarche suivie pour la réalisation de "l'Histoire de Montagnac": Michel Feugère et André Nos ont recherché dans le terroir, les archives, la mémoire collective, et les ouvrages et articles publiés depuis cent cinquante ans, ce qu'il fallait pour situer l'objet de leur étude dans le temps et l'espace. L'organisation de la démarche, structurée par la chronologie, fondée sur la reproduction de documents, étayée par la cartographie, est scientifique dès le départ et tient ensuite toutes ses promesses. A la fin du siècle passé, Albert et Paul Fabre ont jeté les bases d'une connaissance de l'Hérault dans un style typique de la troisième République à ses débuts, en relation avec la recherche locale effectuée par les instituteurs, tandis que Jules Sautriot exprimait sur la Révolution et sur le protestantisme à Montagnac une vision polémique, que soutenait alors le cardinal de Cabrières et son entourage de curés historiens. Au début de notre siècle, Joseph Favas accumulait lectures, notes et ville.documents: ses activités ne lui ont pas laissé le temps d'en faire une histoire de sa Pour tout ce qui touche à Montagnac et à son histoire, à partir des années 1950, la rencontre entre les universitaires, tels que mes maîtres le médiéviste Jean Combes et le moderniste Louis Dermigny, des condisciples comme Robert Saint-Jean et Guy Romestan, des professeurs des universités de la région, le montagnacois Robert Combès, Robert Laurent, Michel Peronnet, Geneviève Gavignaud, Jean Sagnes, et des étudiants, se fait avec sérieux et passion avec d'autres chercheurs, lors de colloques historiques, ainsi à Pézenas en 1976, à Creissels et à Montagnac en 1987, ou au sein de revues comme les "Cahiers de Pézenas", devenus aujourd'hui "Etudes sur l'Hérault", et naturellement les "Bulletins" des Amis de Montagnac, présidés par le docteur Salvaing et regroupant 250 membres. Là n'est pas, cependant, la profonde originalité de ce livre, qui se fonde aussi sur la lecture des Histoires du Languedoc et le dépouillement méticuleux des archives écrites conservées à Montpellier. La reproduction par le dessin d'objets antiques, l'utilisation d'écrits inexploités, comme les "Mémoires" du juriste Philippy, né à Montagnac et contemporain des guerres de religion et les journaux des deux derniers siècles, ou inédits, tel le "registre" des curés Delsol, à la veille de la Révocation, ou le carnet de souvenirs du facteur au télégraphe Buard, apportent une autre dimension à cette histoire. Il en est de même des anecdotes populaires et des légendes locales, des correspondances privées, des souvenirs des anciens de la commune, des citations en 1"patois", occitaniste si vivant André jusqu'à Nos retrouve nos jours, le début de sobriquets, de sa carrière chansons, de savant. poésies, dans lesquels De cette ville, au riche terroir utilisé depuis soixante siècles, aux Foires si actives durant cinq cents ans, à la population nombreuse et diverse dans ses choix religieux ou politiques, nous savons aujourd'hui, grâce à André Nos et Michel Feugère, après Rey-Lacroix et Favas, beaucoup. Tout n'est pas dit, cependant, et il reste à approfondir les pistes aujourd'hui ouvertes: que l'on ouvre les yeux pour regarder la terre ou les façades des maisons, les armoires pour en sortir les papiers de famille, et il y aura beaucoup à faire encore par les montagnacois et leur "Amis" pour la connaissance et la sauvegarde de leur patrimoine commun. Mais aussi que les hommes d'aujourd'hui se plaisent à croire en l'avenir, en découvrant les épreuves auxquelles leurs pères ont su survivre: entre mer et montagne, Rhône et Pyrénées, Montagnacet la raison. ne peut que continuer à vivre: j'ai eu ici le plaisir d'en percevoir la cause

Jean-Pierre Donnadieu, Université Paul Valéry, Montpellier

Armoiries de Montagnac D'Azur, dans le champ, globe de sable surmonté d'une croix haute d'argent en pal, fleurs de lis à dextre, fleurs de lis à senestre d'argent, écu accolé de deux branches de laurier ou support dit ornement renversé formant couronne. (délibération Mai 1826 ADH 1D4) Présentation

Avant toute chose, je dois remercier tous ceux qui m'ont aidé dans la réalisation de ce modeste travail. Tout d'abord Monsieur Jean-Pierre Donnadieu qui, non seulement, a bien voulu préfacer cet ouvrage mais encore m'aider de ses conseils. Je remercie aussi notre Président M. le Docteur Jean Salvaing dont les informations et les encouragements permanents m'ont été très précieux. relecture.Je remercie M. Pierre Grasset qui a assuré consciencieusement le travail de Je ne peux oublier, dans ces remerciements, mon ami M. Claude Achard qui me communique en permanence tous les documents qui peuvent m'intéresser; M. Michel Feugère qui a bien voulu mettre ses compétences au service de l'histoire archéologique de Montagnac, ainsi que tout le personnel des Archives de l'Hérault qui a très souvent simplifié mes recherches, enfin tous ceux qui m'ont procuré documents ou témoignages, ainsi que tous ceux qui ont permis l'édition d'un pareil ouvrage. En cette occasion, il faut évoquer la mémoire de F. Rey de Lacroix qui, en 1843, a écrit la première histoire de Montagnac ainsi que Joseph Favas, chercheur obstiné qui, pendant plus de cinquante ans, a étudié l'histoire de notre ville mais qui n'a jamais rien publié. J'espère que ce travail satisfera, au moins en partie, la curiosité de ceux qui l'attendent depuis si longtemps. Pour les Amis de Montagnac qui pourraient s'inquiéter des sujets de nos conférences futures, je tiens à les rassurer, les recherches sont loin d'être terminées et certains sujets sont rapidement abordés dans "Montagnac, 6000 ans d'histoire". Ce livre se contente de faire, rapidement, le point sur l'état des recherches en 1991. Chemin faisant, on s'aperçoit qu'écrire l'histoire d'un lieu est bien difficile quand on appartient soi-même au milieu dont on veut parler. Le passé d'une ville ressemble un peu à celui d'un être humain, l'auteur se dégage difficilement de ses passions ou de ses à priori, quand il en rend compte. Mais l'histoire locale est pour tout le monde, auteur et lecteur, l'occasion d'un profitable retour sur soi. L'existence d'une ville dans un lieu donné, son développement, les faits de son histoire nous amènent à nous poser des questions. Le cas de Montagnac est particulièrement intéressant. Comment imaginer qu'une ville qui avait déjà 3 000 habitants au XVe siècle, n'en ait pas davantage aujourd'hui alors que les potentialités économiques étaient nombreuses au départ? On peut tenter de trouver quelques explications à partir de l'étude du site ou des grands événements qui ont marqué l'histoire de la ville. Tout d'abord s'agit-il d'une ville? Nous verrons que, jusqu'à la Révolution on peut donner ce titre à Montagnac, au delà, on pourrait parler de bourg si le nom existait dans notre région, en réalité il s'agit d'un village. Voyons ensuite le site. Pourquoi une agglomération s'est-elle développée dans un tel lieu? Les implantations gallo-romaines ne manquaient pas, que ce soit à Brignac, à Saint-Martin, à Lavagnac ou à Saint-Pierre-de-Pabiran, véritable village jusqu'au XVe siècle. Montagnac se trouve tout d'abord à la jonction de deux zones différentes: la zone collinaire garumnienne et une zone envahie par la mer à la période miocène avec ce que cela représente de dépôts: « Joignons patiemment par une ligne sur notre surface départementale les localités de , , Cazouls, Murviel, Causses, , , Neffiès, Péret, Nébian, Montpeyroux, , Puylacher, Valemagne, Montagnac, , nous aurons dessiné les côtes sinueuses d'une mer qui, dès après l'âge Anthracothérien, est venue baigner notre surface sur ces points et remplir une profonde échancrure. Chacune de ces localités susnommées, si elle eût existé à cette époque, eût vu déferler sous ses murs des flots de cette mer, comme aujourd'hui le fort Saint-Pierre à Cette voit notre Méditerranée battre ses rochers... » (P.G. de Rouville "Hérault géologique", 1894, Montpellier, p27). Ceci explique non seulement la présence de gisements d'huitres fossiles (ostres crassissim) mais encore la diversité des terres de la commune et la richesse des ténements qui enserrent l'agglomération. La ville est installée sur un plateau qui descend lentement vers la vallée de l'Hérault, à peu près à mi-chemin entre le sommet des collines de la Soutière, Brignac, Montredon et le fleuve. Cela amène trois conséquences: - d'abord une large ouverture sur l'Hérault qui a longtemps constitué une voie de pénétration de la mer vers l'arrière-pays; - ensuite, après le retrait de la mer, la présence de terres riches au milieu desquelles la ville est installée; - enfin une situation au débouché de plusieurs vallées amenant une quantité d'eau assez importante pour alimenter la cité. Chaque vallée possédait une source que l'on a captée au fur et à mesure des besoins. On trouve donc ici l'eau, les terres et le poste d'observation pour la protection de la population. Tout cela a pu séduire celui qui a décidé la construction d'une villa gallo-romaine sur ce site. Ces raisons seraient cependant insuffisantes pour expliquer le développement d'un centre urbain, Montagnac se trouvait, comme Pézenas à l'écart de la voie romaine; ce handicap va se révéler bénéfique. Il n'existe qu'un pont romain pour franchir l'Hérault, celui que nous connaissons encore entre Bessan et ; très tôt Montagnac et Pézenas vont édifier un pont de bois, plus tard remplacé par un pont de pierre qui franchira le fleuve. Un nouvel axe de circulation est ainsi créé qui annonce les grandes routes d'aujourd'hui, relié à l'axe mer-Massif central. A la même époque (XIIIe siècle), Montagnac et Pézenas vont bénéficier de privilèges royaux qui leur permettront d'établir de grandes foires. Ces foires vont amener la prospérité économique, elles persisteront jusqu'à la Révolution. Cette richesse va trouver une concrétisation naturelle dans l'édification de la magnifique église gothique que l'on peut encore voir aujourd'hui. Cette église qui paraît disproportionnée avec l'importance actuelle du village rappelle l'aisance de la ville au XVe siècle. Au départ, Montagnac disposait donc d'un certain nombre d'atouts qui lui permettaient d'espérer un grand développement ultérieur, il n'en a rien été. Parmi les nombreuses raisons de cet échec, il faut noter l'attachement très précoce d'une partie de la population à la foi protestante. Tous les heurts et malheurs entraînés par l'opposition catholiques-protestants, notre cité les connaîtra jusqu'à une époque relativement récente. Aussi, si Latude est convenablement connu en , son lieu de naissance jouit-il d'un épais anonymat. Ce rapide aperçu montre bien qu'un certain nombre de détails doivent être élucidés. Celui de la naissance de la ville, celui de son développement, celui de sa régression économique, sans oublier ceux de la construction de l'église et de la Révolution. Les XIXe et XXe siècles ressemblent davantage à tous ceux de nos villages languedociens dont la vie était rythmée par les quatre vents, le marin (sud), le Terrai (nord = vent de terre), le grec (l'est) et le narbonnais (l'ouest). Malgré l'abondance des documents connus et utilisés, aucune des questions posées n'aura de réponse définitive mais l'histoire est une perpétuelle remise en question. Dans les prochains Bulletins des Amis de Montagnac, d'autres précisions viendront et, le temps aidant, d'autres chercheurs complèteront ce travail et l'amélioreront, c'est le grand souhait qui doit être formulé ici.

A. N. 1 L'apport de l'archéologie Des origines au Moyen âge (XIII siècle)

Avant l'histoire

L'usage de l'écriture, qui définit le début de l'histoire au sens strict, ne se répand dans la région qu'au cours des derniers siècles précédant le début de l'ère chrétienne. On parle donc de protohistoire pour désigner la période au cours de laquelle d'autres peuples, connaissant l'écriture, ont pu laisser des textes mentionnant les sociétés contemporaines du Sud de la Gaule: c'est l'Age du Fer, qui va dans le Midi du Ville siècle à la fin du 1er siècle av. J.-C. Pour les périodes antérieures, qui couvrent des milliers, des centaines de milliers et peut-être même un million d'années dans nos régions, c'est le long périple de la préhistoire: un voyage de l'Homme à travers lui-même qui l'amènera progressivement à découvrir le feu, à s'en servir pour travailler le bois et cuire ses aliments; à tailler des outils et à les utiliser pour la chasse; parallèlement, à élaborer un langage articulé; enfin, au cours des derniers millénaires, à découvrir l'élevage, l'agriculture et la métallurgie. De durée inégale, préhistoire et protohistoire ont en commun la nature des sources dont dispose l'homme d'aujourd'hui pour comprendre la vie de ses ancêtres. En l'absence de textes, l'archéologie est l'unique base documentaire qu'il peut exploiter pour reconstituer les modes de subsistance, les formes de l'habitat, l'alimentation et les croyances de ses prédécesseurs: gigantesque défi, qui justifie le développement spectaculaire des méthodes de fouille au cours des dernières années. Ces maigres traces de maison, ces quelques objets souvent brisés et incomplets contiennent à eux seuls tout le message laissé par le chasseur moustérien, le berger néolithique ou le paysan gallo-romain. Il convient donc de recueillir ces vestiges avec le plus grand soin, et surtout de pouvoir les interpréter en fonction des progrès renouvelés.récents de l'archéologie, qui mettent à notre disposition des moyens et des outils C'est ce que nous essaierons de faire dans ces quelques pages, en résumant l'apport de l'archéologie à notre connaissance du passé le plus ancien de Montagnac et, plus largement, de la basse vallée de l'Hérault. Hommes et milieu L'histoire de l'homme est originale en ce que, de tous les êtres vivants, c'est lui qui modifie le plus son environnement, le pliant à ses exigences (agriculture, propriétés, carrières, voies de communication...) jusqu'à le transformer radicalement. Aussi le paysage qui nous est aujourd'hui familier n'a plus grand chose à voir avec celui que connaissaient nos ancêtres il y a quelques millénaires. Aux modifications apportées par l'homme s'ajoutent les évolutions climatiques qui caractérisent l'histoire de l'environnement au cours du Quaternaire. Le climat se transforme en effet, à l'échelle des temps géologiques, selon des cycles que les sciences de la nature ont permis de reconstituer. L'alternance des périodes "plus chaudes" et des phases "plus froides" modifie, au cours des millénaires, l'aire d'extension maximale des glaciers alpins; on parle des glaciations, désignées du nom des vallées où elles ont été pour la première fois mises en évidence: Günz, Mindel, Riss et Wûrm. L'histoire ancienne de l'Homme étant contemporaine de ces perturbations, il est important d'essayer de replacer nos ancêtres dans les paysages, dans les climats qui étaient les leurs il y a plusieurs milliers d'années. Malgré les progrès récents de la Préhistoire, on ignore la date exacte de l'apparition humaine dans ce qui sera un jour le Midi de la France. Quelques découvertes, toutes méridionales, montrent cependant que le littoral méditerranéen et ses marges voient vraisemblablement les premiers pas de l'Homme, venu d'Afrique, sur le continent européen. Avant de pouvoir examiner les premiers témoins d'une occupation humaine dans la basse vallée de l'Hérault, contentons-nous ici de signaler les trouvailles qui apparaissent comme autant de jalons dans cette première page, encore largement obscure, de la préhistoire française.

Les premiers hommes Les premières traces de la présence humaine sont diffuses, mais la date des vestiges considérés comme indubitables recule au fil des années et des découvertes. On pense que c'est à l'homme qu'il faut attribuer les esquilles osseuses et les quartz fragmentés retrouvés sur le site des Etouaires (Puy-de-Dôme), dans un milieu sédimentaire daté de 2,6 à 2,4 millions d'années, où leur existence ne s'explique pas autrement. Un âge supérieur à 2 millions d'années est également retenu pour des fragments de quartz, certainement d'origine anthropique, à Saint-Eble (Haute-Loire). Toujours en Haute-Loire, le village de Chilhac a livré des éclats de quartz que la faune villafranchienne retrouvée dans le même niveau permet de dater d'1,8 million ans environ. Seule une fouille minutieuse permet de proposer, grâce aux observations stratigraphiques et à l'association d'espèces animales bien connues, une datation aussi fiable pour une industrie lithique de caractère archaïque. En dehors de ces conditions, il n'est pas possible de proposer une date, même approximative, pour les nombreux outils de même type recueillis çà et là en Languedoc. Leurs caractères typologiques permettent seulement d'attribuer les plus anciens à la fin du Pléistocène inférieur, entre 1 200 000 et 700 000 ans environ. Dans la grotte du Vallonnet, près de Menton (Alpes-Maritimes), ainsi qu'à Soleilhac (Blanzac, Haute-Loire), ces industries primitives sur galets sont bien datées de la période 950 000 - 900 000 ans. Compte tenu des découvertes de ces dernières décennies, on peut attendre en Europe de spectaculaires découvertes pour ce "très ancien Paléolithique", qu'on croyait encore récemment ne pouvoir rencontrer qu'en Afrique orientale. Dans la production de ces périodes anciennes, les préhistoriens distinguent les "choppers", galets simplement transformés en outils par un ou plusieurs enlèvements unidirectionnels; et les chopping-tools", à taille bi-directionnelle dégageant une ébauche d'arête. De tels outils ont été recueillis, dans la région, à Alignan-du-Vent, Saint-Thibéry et . Ces découvertes sporadiques attestent une occupation très ancienne de la basse vallée de l'Hérault, traversée comme toute la région, il y a plusieurs centaines de milliers d'années, par des groupes de chasseurs nomades. L'évolution typologique des premières industries lithiques, sans doute très lente, ne permet pas encore de dater les outils de facture plus complexe qui ont été recueillis, par exemple, à Portiragnes (fig. 1): ces bifaces frustes, ce hachereau peuvent avoir entre 400 et 500 000 ans, voire davantage.

Figure 1: Chopping-tool, proto-biface et hachereau de Portiragnes; Paléolithique ancien (dessins J. Grimal/M. Feugère). Les chasseurs du Paléolithique Le Paléolithique moyen, dont la limite inférieure a été considérablement vieillie ces dernières années (on le place maintenant entre -250 000 et -35 000 ans) est mieux connu dans la région, où quelques sites d'habitat ont livré les industries lithiques caractéristiques de l'Homme de Néandertal, premier type européen de l'Homme moderne (Homo sapiens). La principale culture de cette époque, le moustérien, était déjà connue à Cabrières (grotte Rotschild), et des pointes moustériennes isolées avaient été recueillies à Neffiès, à Castelnau-de-Guers et à Marseillan; un nouveau gisement, découvert en 1990 à proximité de Montagnac, est venu récemment enrichir la documentation locale. Arrêtons-nous un instant sur les découvertes effectuées au lieu-dit Les Cours, sur la commune de . Le choix du site par les préhistoriques est sans aucun doute le fruit d'un examen attentif de l'environnement et de ses ressources naturelles (fig. 2): au sud-ouest de l'éperon formé par les garrigues de Saint-Mamert, il se trouve à l'intersection de trois écosystèmes assez différents: de part et d'autre de ce massif rocailleux, la vallée buissonneuse du Dardaillon, à l'est, et au nord le bassin plus limoneux dans lequel s'est installé aujourd'hui le village de Plaissan. Cette topographie implique, pour la

Figure 2: Le site des "Cours" à Plaissan (Paléolithique moyen) dans son environnement naturel. chasse comme pour la cueillette, des ressources relativement variées, sans compter l'Hérault qui s'écoule, à l'ouest, à moins de 3 km. Les découvertes de Plaissan consistent exclusivement en éclats et outils lithiques, à l'exclusion de la faune et de toute trace d'habitat, malgré les sondages effectués sur le site par P. Boutié. On peut imaginer un campement de quelques unités domestiques construites en matériaux légers, d'origine végétale ou animale. L'industrie utilise un silex local, de qualité médiocre, et quelques galets de quartz; la technique de taille, de type Levallois, révèle une maîtrise approfondie des procédés mis au point à cette époque dans l'ensemble des cultures moustériennes. A côté de nombreux éclats et pointes Levallois, l'outillage (fig. 3) comprend quelques grattoirs et un grand racloir à retouches abruptes. Le site ne dépasse pas une superficie de 4 à 500 m*. L'âge de cet habitat de plein air, qui illustre un mode de vie paléolithique dans une région où les grottes sont presque absentes, peut être estimé à environ 50 000 ans. Le Paléolithique supérieur, qui correspond à une phase climatique plus froide (c'est "l'Age du Renne"), voit la mise en place de cultures liées à un nouveau stade de l'évolution anthropologique. Le témoignage le plus spectaculaire de ces progrès est l'avènement d'une expression artistique, dont le département de l'Hérault a livré quelques oeuvres pariétales (gravure de Ganges, peinture de la Grotte d'Aldène). En ce qui concerne les habitats locaux, l'Aurignacien (qui correspond climatiquement au Würm III) est attesté dans la Grotte Rotschild, à Cabrières, et au Travers de Garrafach, à St-Bauzile-de-la-Sylve (prospections B. Pauzes). Datant probablement de la phase postérieure, le magdalénien (Wùrm IV), un habitat de plein air récemment découvert (1989) nous apportera peut-être les précisions qui nous manquent encore pour cette période: il s'agit du site des Peyralous-2, à . La localisation de ce nouveau gisement (fig. 4) n'est pas très différente du campement précédent: à quelque distance d'une colline (ici, au pied de la Font de Mathieu), sur un terrain en faible déclivité bien dégagé vers l'ouest; mais la proximité de l'Hérault a certainement constitué ici un élément déterminant. Le site ne s'éloigne du fleuve, semble-t-il, que pour se protéger des hautes eaux, menaçantes en octobre. Cet habitat, de taille extrêmement réduite (les vestiges révélés par le labour ne couvrent que quelques mètres carrés), peut n'avoir été constitué que d'une seule habitation. L'industrie lithique (fig. 5) consiste en éclats retouchés, taillés dans un matériau de bonne qualité mais scrupuleusement économisé (pièces de petite taille). Les éléments typologiques nous placent ici dans le courant du magdalénien, il y a 16 à 10000 ans. Des galets de quartzite ont également été fractionnés et taillés. L'un des intérêts de ce site, dont l'étude ne fait que commencer, consiste en la présence de faune associée; la plupart des ossements, identifiés par J.-Y. Crochet, semblent appartenir à un seul individu, un bovidé (Bos taurus). Mentionnons également la découverte, par A. Garcia, d'un grattoir-burin à Saint-Martin-de-la-Garrigue (Montagnac); si elle n'est pas rattachée à un habitat des environs immédiats, qui resterait alors à découvrir, cette pièce de bonne qualité peut avoir été perdue par un chasseur du Paléolithique supérieur il y a 20 ou 30 000 ans. Cette découverte est à rapprocher d'une autre pointe, attribuée au "tardenoisien", recueillie il y a une trentaine d'années sur la commune d'Octon (Prades 1954). Figure 3: Industrie lithique des "Cours" à Plaissan; Paléolithique moyen (dessins P. Boutié). Figure 4: Le site des "Peyralous" à Campagnan (Paléolithique supérieur) dans son environnement naturel. Les bergers et paysans du Néolithique Dans un premier temps, l'Homme a surtout cherché à adapter ses modes de vie à l'environnement; vers la fin du Paléolithique, il découvre progressivement l'intérêt d'une économie basée non plus sur la prédation (chasse et cueillette, soumis à des facteurs aléatoires), mais sur une exploitation active de la nature et de ses ressources. Le Néolithique (env. 6 000 - 1 800 av. J.-C.) est la période qui va permettre l'avènement des premières sociétés agricoles. Les mutations qui affectent les dernières cultures paléolithiques (au "Mésolithi- que"), avant de franchir le pas essentiel que constitue la mise en place de l'agriculture et de l'élevage, sont encore mal connues. Pratiquait-on déjà, dans des conteneurs d'écorce ou de vannerie, une forme de stockage des graines, de la viande ou du poisson, afin de pallier les déficits alimentaires des périodes où chasse et cueillette sont impossibles? Cherchait-on déjà à faciliter la croissance spontanée des graminées, voire de certaines céréales, en dégageant clairières et fonds de plaines où ces plantes poussaient à l'état naturel? Il faut, en fait, se garder d'opposer de façon Figure 5: Industrie lithique des "Peyralous-2" à Campagnan; Paléolithique supérieur (dessins P. Boutié). trop systématique un système paléolithique, avec des chasseurs nomades, à un système néolithique d'agriculteurs sédentarisés. On peut imaginer que dans certains biotopes favorables, comme le littoral ou les étangs, des communautés limitées ont pu sel'Homme. fixer dès le Mésolithique en vivant des ressources locales, plus ou moins gérées par Aux interrogations qui subsistent encore sur les conditions de ces changements fondamentaux dans l'histoire humaine, correspond la rareté des gisements fouillés pouvant nous renseigner sur cette période charnière, le Néolithique ancien. Dans le Midi, notre connaissance du complexe "cardial" (du nom du coquillage - le cardium - utilisé pour obtenir un décor caractéristique des premières céramiques) repose encore majoritairement sur des fouilles de grottes: on y a observé des stratigraphies qui assurent une bonne classification chronologique des documents (industrie lithique et osseuse, céramique, faune et macro-restes divers), mais qui ne permettent guère d'apprécier les rapports à l'espace et l'organisation relative des unités domestiques dans la communauté. Ce sont donc vers les gisements de plein air que se tournent désormais les préhistoriens, comme on le verra ci-dessous avec de premiers résultats significatifs. Au Néolithique ancien, dont la date initiale (vers 6000 av. J.-C. ?) reste problématique compte tenu de la rareté des sites utilisables, succèdera le Néolithique moyen ou "Chasséen" (vers 4400 - 3600 av. J.-C.) puis le Néolithique final, marqué par la découverte et l'apprentissage de la métallurgie. Rappelons ici que les mines de Cabrières, à une vingtaine de kilomètres au nord, comptent parmi les premiers gisements de minerai de cuivre exploités par l'Homme sur le sol français (Ambert 1990a). A la fin du Néolithique apparaît le faciès campaniforme, dénommé à partir de la forme caractéristique des céramiques de cette époque, en forme de cloche renversée à décor de bandes parallèles. Cette dernière période (vers 2200 - 1800 av. J.-C.) marque la fin des temps préhistoriques et le début de l'Age du Bronze.

Le Néolithique dans la basse vallée de l'Hérault En ce qui concerne les faciès, c'est à la culture cardiale que se rapportent la plupart des découvertes du Néolithique ancien effectuées dans la basse vallée de l'Hérault. Pour les environs de Montagnac, mentionnons les sites de La Resclauze à , de L'Estang au Pouget (fig. 7) (Pauzes 1974, Grimai 1982), des Carreiroux à Florensac. Pour autant, comme le note G. Rodriguez à propos de la grotte de Camprafaud (Ferrières-Poussarou), le décor cardial proprement dit n'est pas prépondérant en Languedoc; bien représenté au tout début du Néolithique ancien, il est associé, voire remplacé ensuite par des décors cannelés ou poinçonnés. Vers le sud, deux tessons de la même époque ont été recueillis à (Les Cadières) par G. Rodriguez; il faut également signaler les découvertes de J. Grimai à Portiragnes, Peïro-Signado. Sur ce gisement, le Néolithique ancien n'apparaît pas sous le faciès cardial: les tessons à décor impressionné renvoient à des découvertes effectuées sur le littoral italien de la Ligurie. On peut donc, dès cette époque, imaginer la multiplication des échanges commerciaux et des déplacements humains en relation avec l'évolution spectaculaire des techniques et des modes de vie. Figure 7: Céramique décorée du Pouget, "L'Estang"; Néolithique ancien (d'après J. Grimai). Le Néolithique est, de très loin, la plus ancienne période pour laquelle les données de l'archéologie permettent de parler d'un véritable peuplement de la basse vallée de l'Hérault. Si les sites se multiplient, il ne faut pas oublier que la période est longue (4 millénaires) et que chaque gisement ne livre pas toujours les éléments typologiques permettant un classement diachronique de ces découvertes. Il n'empêche que pour des durées qui n'ont rien de comparable, l'inventaire des trouvailles paléolithiques et celui des gisements néolithiques (voir les cartes, fig. 6) met en évidence une forte augmentation de la population au cours de cette dernière période. Examinons quelques découvertes significatives du montagnacois. Les nombreuses collines qui bordent, à l'est et à l'ouest, la plaine alluviale de l'Hérault n'avaient pas encore fixé l'attention des préhistoriques. Au néolithique, et bien que ce type d'habitat ne soit nullement exclusif, plusieurs hauteurs fournissent des traces d'occupation. On mesure mal, à cette époque, les rapports existant entre ces gisements et les installations de plaine, mais il est peu vraisemblable que tous ces sites entrent dans un système à hiérarchie centralisée, comme on l'observera bien plus tard autour de l'oppidum de l'Age du Fer. Tout près de Montagnac, plusieurs collines d'Aumes ont fourni des vestiges intéressants; sur le sommet des Mazes, D. Rouquette a pu recueillir dans une fosse une lamelle (chasséenne?) accompagnée d'une hache polie; au Mas de Chabert, j'ai pu récolter une autre hache polie en roche verte sombre accompagnée d'un fragment de bracelet en pierre polie, d'un type également attesté sur le site contemporain de la Mère des Fontaines à (découverte récente) ainsi que sur le site plus ancien (néolithique ancien ou chasséen) de la Vigne Debru au Pouget (sur ces objets: Courtin 1976). L'occupation de ces hauteurs, vraisemblablement sporadique, se poursuit tout au long de la période puisque quelques tessons de type campaniforme ont été recueillis en plusieurs points de Lico-Castel, des Mazes et de Saint-Auby, dans des secteurs qui seront par la suite intensément occupés à l'Age du Fer. Une implantation analogue, quoique souvent beaucoup plus durable, peut être observée pour les sites de Saint-Siméon à Pézenas, de Roquemengarde (sur lequel nous reviendrons compte tenu des importantes fouilles effectuées récemment par J. Guilaine et son équipe) et de Montredon à Saint-Pons-de-Mauchiens, sur les

Figure 6: Cartes de répartition des découvertes paléolithiques (A) et néo-chalcolithiques (B) dans la basse vallée de l'Hérault (sites cartographiés pour le Paléolithique: 1, Alignan-du-Vent, "La Blède"; 2, Portiragnes; 3, Neffiès; 4, Cabrières, "Grotte Rotschild"; 5, Plaissan, "Les Cours"; 6, Marseillan; 7, Campagnan, "Les Peyraious-2"; 8, Montagnac, "Saint-Martin-de-la-Garrigue". hauteurs de Perdigaïre à Saint-Pargoire et de la Font de Mathieu à Campagnan. En fait, nombreuses sont les collines des environs qui ont connu, à un moment ou à un autre du Néolithique, une occupation humaine; ce choix tient sans doute à la position privilégiée de la plupart de ces reliefs, mais il n'est nullement exclusif. Dans la même région, on connaît beaucoup d'habitats installés sur les pentes de collines moins escarpées: sites de Lous Baousses, de Campaucels, de Layrette, des Coquilles, de Dessus la Font et de Pissosaumo à Montagnac; de Balsède et l'Amandier-2 à Pézenas; de la Croûte à Tourbes, de la Croix de la Demie-Lieue à Montblanc, etc... Les exemples pourraient être multipliés: leur abondance témoigne de la spectaculaire prise en charge de l'ensemble du territoire par les populations néolithiques. Il faudrait encore ajouter à ce dossier bien fourni les multiples trouvailles isolées, qui résultent fréquemment de ramassages antiques (haches polies du Fesc, de Pabiran et de Gratiot-Ouest à Montagnac; lamelle de Pabiran; élément de faucille du Mas d'Houny ). Le village de La Briffaude, à Montagnac, occupe la pointe d'un petit escarpement naturel dominant de 3 ou 4 mètres seulement une plaine cultivable. L'étendue des vestiges révélés par plusieurs labours successifs, environ 1 500 m2, suggère une communauté réduite peut-être entourée d'un fossé ou d'une palissade. La céramique, abondante, est caractérisée par la fréquence d'un décor pastillé tout à fait caractéristique de la basse vallée de l'Hérault (fig. 8). Ce type de village néolithique est désormais bien connu dans le secteur, grâce aux fouilles de J. Guilaine, J. Coularou, F. Briois et C. Rivenq sur la colline de Roquemengarde, à Saint-Pons-de-Mauchiens. Pour des raisons sans doute complexes, mais tenant à la topographie des environs, les néolithiques ont choisi la butte-témoin miocène qui se rapproche au plus près du fleuve; le village occupe une superficie d'environ 5 000 m2, ceinturée par un fossé. Des maisons, implantées sur le substrat rocheux, la fouille n'a pu retrouver que des épandages de galets, de restes domestiques (tessons et ossements divers) ainsi que les structures en creux. Chaque habitation était probablement construite en matériaux légers, sur une armature de bois calée dans les nombreuses anfractuosités naturelles du substrat. Plusieurs fosses, comblées de déchets domestiques ou de pierres, ont pu servir à la conservation des aliments ou à leur cuisson. De rares sépultures ont également été mises au jour à l'intérieur de l'enceinte. Les fouilleurs ont accordé une attention particulière à l'étude du fossé, une structure encore mal connue dans la région (fig. 9). Décrivant un grand arc de cercle et sans doute fortement arasé, le fossé s'amincit curieusement à une extrémité, percée au reste d'une porte piétonne. Il comporte en outre, dans l'axe de l'éperon et donc du village, une interruption correspondant à une porte "monumentale", peut-être surmontée d'un linteau. Le traitement de cette entrée principale privilégie, de toute évidence, l'aspect démonstratif sur le côté défensif. Le fossé est du reste doublé, à l'intérieur, d'un mur de pierres sèches qui constitue l'un des exemples les plus précoces que l'on connaisse en France, si sa construction date bien, comme on peut le penser, du Néolithique final. Tel quel, le village de Roquemengarde témoigne d'une manifestation affirmée de la réalité communautaire. L'économie, variée, repose à la fois sur l'élevage et sur l'agriculture, mais aussi sur la métallurgie du cuivre dont quelques produits, obtenus Figure 8: Céramique à décor pastillé de Montagnac, "La Briffaude"; Néolithique final (dessins T. Janin). à partir des minerais de Cabrières, ont été recueillis sur le site. La présence de ces objets est intéressante à plusieurs titres; elle témoigne d'une part d'une première diffusion locale de la métallurgie dès le milieu du Ille millénaire, au moins; elle confirme, d'autre part, que cette diffusion est antérieure à celle des cultures campaniformes, auxquelles on l'avait d'abord attribuée. Sans doute faut-il néanmoins voir dans ce dernier faciès l'expression de groupes culturels distincts de ceux du Néolithique final; en effet, comme le note J. Grimai, la céramique campaniforme est presque absente de Roquemengarde, où apparaissent cependant quelques témoins du Bronze ancien, alors qu'elle existe en relative abondance sur le gisement voisin de Montredon, distant seulement de 2 km, à l'est. Malgré son intérêt, le village de Roquemengarde ne fournit que l'un des modèles connus de l'organisation communautaire de l'époque. A Servian (Le Grand Bosc) et à Portiragnes (Les Mourguettes), on connaît des enclos sub-circulaires installés en plaine, sur une légère éminence, dont la fonction nous est inconnue. Les fouilles effectuées par J. Grimai sur ce dernier gisement ont montré que le fossé, unique, ne protégeait aucune structure d'habitat: s'agit-il donc d'enclos temporaires pour le bétail? L'événement technologique le plus marquant du néolithique final est, dans la basse vallée de l'Hérault, l'apparition des premiers objets en cuivre; la plupart de ceux qui ont été analysés proviennent des mines de Cabrières; aux objets déjà cités de Roquemengarde, ajoutons ici une autre découverte datée par son contexte: une pointe de poignard recueillie par J. Grimai sur l'habitat de la Mère des Fontaines, à Tourbes. D'autres objets en cuivre sont à ranger dans la même catégorie: une pointe de Cabrières même (Ambert 1986) et deux haches plates recueillies l'une à , sous le Pioch (fig. 10, 1), l'autre à Cers; au dolmen de La Roquette à Saint-Pargoire, un tranchet pourrait appartenir au Chalcolithique ou au Bronze Moyen (Abauzit 1961; Chardenoux 1979). Les progrès accomplis, ces dernières années, par la recherche archéologique sur le Néolithique apportent un vif éclairage sur certains aspects de la vie sociale ou domestique; ils n'en révèlent pas moins, par la complexité des systèmes qu'ils nous font découvrir, l'ampleur de ce qui reste à comprendre et à mettre au jour.

Le millénaire obscur de l'Age du Bronze Après la multiplication des sites et des informations qui caractérise le Néolithique final, l'Age du Bronze apparaît comme une période obscure et encore peu connue dans la basse vallée de l'Hérault. Les informations se limitent, autour de Montagnac, à des trouvailles d'objets isolés et à quelques éléments sporadiques, dont la liste sera vite établie. Une mine de Cabrières, La Vierge, a livré un grand vase de stockage à cordons horizontaux et verticaux, décor d'impressions, daté du Bronze ancien (Ambert 1990b). Dans les niveaux de comblement du fossé de Roquemen- garde, quelques récipients à fond plat peuvent vraisemblablement être attribués à c^e période; ils témoignent de l'ultime fréquentation du site avant son abandon définitif, ou presque (voir infra). De rares objets en bronze, le plus souvent isolés, Figure 9: Saint-Pons-de-Mauchiens, "Roquemangarde": fouille du fossé ceinturant le village néolithique. Figure 10: Premiers objets métalliques: hache plate de Puilacher, poignard d'Alignan-du-Vent (dessins M. Feugère). appartiennent également à cette phase: un poignard d'Alignan-du-Vent, L'Estagnol, dubitativement attribué au Bronze ancien (fig. 10, 2); un sommet d'épingle de Pomerols, Les Thermes-Bas, dont le type date de la fin du Bronze moyen (Depeyrot 1986, 150, fig. 46c). Ces maigres trouvailles contrastent avec l'abondance des documents immédiatement antérieurs. Plusieurs causes peuvent être envisagées pour expliquer ce hiatus. En premier lieu, il ne faut pas négliger la possibilité d'une carence des classifications utilisées par les archéologues. Les prospections de surface, qui fournissent l'essentiel de notre documentation (en nombre de sites), ne livrent fréquemment qu'un nombre limité d'indices vraiment caractéristiques: il est fort possible que certains gisements actuellement classés au Néolithique soient attribués ultérieurement, à la faveur d'études plus approfondies, au deuxième millénaire. Mais cette révision ne pourrait affecter, dans tous les cas de figure, que quelques-uns des dizaines de gisements considérés aujourd'hui comme préhistoriques. En fait, c'est bien une réalité historique qui pourrait se dissimuler derrière l'absence de documentation, bien que la recherche hésite toujours à utiliser les arguments ex nihilo. On s'interroge aujourd'hui sur la possibilité d'une crise, à la fois économique et sociale, qui aurait pu affecter les sociétés traditionnelles perturbées par l'introduction de plus en plus massive de la métallurgie, au début du deuxième millénaire. Une telle situation aurait pu correspondre à un éclatement de ces communautés et, en conséquence, à un certain retour du nomadisme: d'où la difficulté des archéologues à retrouver les habitats de cette époque troublée. On se heurte, en fait, aux limites d'une documentation majoritairement issue - et comment pourrait-il en être autrement dans un contexte d'habitats dispersés? - de ramassages de surface, en l'absence de toute donnée stratigraphique. Sans doute faut-il se garder aujourd'hui d'écrire une page de notre histoire que les découvertes des prochaines décennies se chargeront, sans aucun doute, de rendre caduque. La documentation apparaît plus abondante au Bronze final (XIIIe-VIIIe s. av. J.-C.), bien que l'essentiel des données, là encore, concerne surtout la fin de cette période (dénommée "Bronze final IIIb" dans la classification en vigueur). Le Bronze final II ne semble connu que sur quelques sites isolés, comme Mourèze; l'un des rares gisements actuellement fouillés pour le Bronze final Illa, mieux connu dans les zones lagunaires de la région montpelliéraine, est -Arras récemment exploré à Neffiès; cette phase existe également à Marseillan sur le site de Montpénèdre. Au Bronze final Illb se répand dans l'ensemble du Midi méditerranéen un type de céramique caractéristique, fréquemment décoré de frises incisées à motif zoomorphe très schématique (faciès Mailhacien I). La carte des découvertes relatives à cette période (fig. 11) illustre la fréquence des sites et des trouvailles (Grimai 1979), qui sont certes, ici comme précédemment, de significations diverses. Un peu plus au nord, en Lodévois, le Bronze final Illb est surtout connu dans des grottes à occupation temporaire; dans la basse vallée de l'Hérault, l'essentiel de la documentation consiste au contraire en habitats de plein air. En règle générale, ils semblent avoir été d'importance modeste, comme en témoigne par exemple le faible nombre et la dispersion des tessons de cette époque sur l'oppidum d'Aumes, malgré une prospection assidue de ce gisement bien connu à l'Age du Fer. Les fouilles de Roquemengarde, à Saint-Pons-de-Mauchiens, confirment cette hypothèse puisque malgré une fouille extensive de l'éperon occupé par le village néolithique, seule la pointe du plateau a livré les vestiges, ténus, d'une unique cabane du Bronze final Cette époque (IXe-VIIIe s. av. notre ère) est cependant marquée par un nouveau dynamisme. La métallurgie, peut-être en sommeil relatif depuis le Bronze ancien, apparaît alors bien maîtrisée: des objets retrouvés à Octon ont été obtenus à partir de minerais locaux; des moules en pierre de bronziers (itinérants?) ont été retrouvés sur le site des Rompudes à Saint-Bauzile-de-la-Sylve. Les objets eux-mêmes se multiplient: hache à douille de Neffiès, Grange de Cassou (Depeyrot 1986: 140); pointe d'armature de lance de l'oppidum d'Aumes (prosp. J. Giry); hache à douille et à anneau de Valras-Plage (mais de provenance incertaine) (Grimai 1985); phalère à bossettes d'Agde (Bérard 1987, nO 249). Ce dernier objet, qui connaît de nombreux parallèles sur les gisements palafittiques de Suisse occidentale, témoigne de l'ampleur des échanges qui, pour cette époque, transparaissent bien dans la diffusion des objets en bronze (sur les haches: Chardenoux 1979; poignards: Gallay 1981, 1988). Le concept de "civilisation des Champs d'Urnes", aujourd'hui abandonné, replaçait ce dynamisme dans un schéma diffusionniste associé aux migrations d'un "peuple de cavaliers"; si ce modèle n'a plus cours, il faut être conscient du renouveau économique et culturel qui caractérise le Bronze final III. Sans doute y a-t-il ici les prémices d'une évolution qui conduira, en toute logique, aux innovations technologi- ques et à l'ouverture de l'Age du Fer. Figure 11: Carte de répartition des découvertes de l'Age de Bronze: 1, Octon, "Terafort" et "dolmens du Toucou"; 2, Saint-Saturnin, dépôt launacien de "Roque-Courbe"; 3, Saint-Jean-de-Fos, "Grotte de Clamouse"; 4, Saint-Jean-de-Fos, "Pont-du-Diable"; 5, Mourèze; 6, Péret, dépôt launacien de "Bautarès"; 7, Saint-Bauzile-de-la-Sylve, "le Puech-Crochu"; 8, Neffiès, "Puech-Arras"; 9, Nizas, "Grotte de l'Homme mort"; 10, Saint-Pons-de-Mauchiens, "Roquemengarde"; 11, Saint-Pargoire, "La Roquette"; 12, Alignan-du-Vent, "t'Estagnot"; 13, Pézenas, "Saint-Julien"; 14, Aumes, "oppidum"; 15, , dépôt launacien; 16, Florensac, "Les Carreiroux"; 17, Saint-Thibéry, "le Fort"; 18, Pomérols, "Les Thermes-Bas"; 19, Bessan, "Vigne Vieille"; 20, Agde, "Mermian"; 21, Cers, "Montloubat"; 22, , "nécropole"; 23, Villeneuve-les-Béziers, "Les Mathes"; 24, Portiragnes, "Les Jonquiès"; 25, Vias, dépôt launacien; 26, Agde, "L'Ile"; 27, Agde, dépôt launacien de "Rochelongue". Les mutations du premier Age du Fer

Dans l'histoire régionale, la période de transition entre l'Age du Bronze et l'Age du Fer apparaît comme l'une des phases les plus riches et les plus significatives. Le passage de l'un à l'autre de ces deux "Ages" distingués par l'histoire moderne tient à l'apparition d'un nouveau métal, le fer, de technologie plus complexe que le bronze, mais aux qualités mécaniques bien supérieures. L'apparition du fer en France date, selon les études les plus récentes, des environs de 800 av. notre ère; on s'accorde aujourd'hui à le considérer comme un apport extérieur, venu de cultures orientales où il est connu depuis plusieurs siècles. C'est donc dans un contexte largement réceptif aux influences exogènes que se place cette mutation: innovation technique, en premier lieu, mais dont les conséquences sociales et économiques ne tardent pas à se manifester. Maîtriser la métallurgie du fer, c'est pouvoir fabriquer des armes, notamment des épées, beaucoup plus souples et plus solides que les lourdes rapières en bronze du deuxième millénaire; c'est aussi accéder à un outillage précis et résistant, qui ouvre la voie au développement accru de l'agriculture et de l'artisanat. Mais c'est probablement dans ' les structures de la société que l'Age du Fer apparaît, à bien des points de vue, comme une rupture. Un phénomène régional, connu sous le nom de "launacien" (du nom de la trouvaille effectuée en 1897 au Domaine de Launac, à Fabrègues) (Cazalis 1900), exprime parfaitement la situation de cette époque. Il s'agit de dépôts d'objets en bronze, dont la masse va de quelques grammes à plusieurs dizaines de kilogrammes, et qui comportent fréquemment, à côté d'objets neufs, brisés ou usagés, des lingots de bronze. La multiplication de ces dépôts (on en connaît une cinquantaine entre Montpellier et Albi) correspond à un processus de thésaurisation inconnu à l'époque précédente. Leur constitution semble relever d'une cause unique, car la composition des ensembles est presque partout la même; on note seulement que le poids global des bronzes ainsi enfouis augmente au fur et à mesure qu'on se rapproche d'Agde. Le poids maximum est atteint avec le célèbre dépôt de Rochelongue, recueilli à faible profondeur à l'est du Cap d'Agde: 1215 objets et près de 700kg de lingots. D'autres dépôts sont connus localement à Vias, Loupian, Péret (fig. 12) et Saint-Saturnin. Avec, d'ouest en est, des dépôts de plus en plus abondants, la carte de répartition de ce phénomène conduit à Agde, et la date des enfouissements, toutes les fois qu'elle notrepeut êtreère. précisée, nous place dans le courant ou la deuxième moitié du VIle s. av. Or c'est précisément à cette époque, et donc avant la fondation de Marseille par les Phocéens d'Asie mineure, qu'apparaissent à Agde et dans l'arrière-pays les preuves de contacts établis par les Grecs avec les indigènes. Il s'agit de coupes grecques en terre cuite, bien datées des années 650-620 av. J.-C., retrouvées dans quelques tombes de la région, notamment à Agde, Servian et Pézenas. Les navigateurs parvenus à cette époque à l'embouchure de l'Hérault sont des marchands, des prospecteurs envoyés en reconnaissance par les cités grecques alors en pleine expansion (Nickels 1983, 1989). Que peuvent-ils avoir trouvé dans la vallée de l'Hérault? Figure 12: Dépôt launacien de Péret, "Bautarès" (photo CNRS, Centre Camille Jullian). L'une des réponses possibles nous est sans doute fournie par l'accumulation de bronze des dépôts launaciens. Bien connue dans la région depuis deux millénaires, la métallurgie du bronze se traduisait localement par une masse d'objets en usage dans la vie quotidienne, de la parure au harnachement des chevaux, en passant par les armes, les outils et certaines pièces de vaisselle. Certains objets des dépôts launaciens, bien qu'enfouis au VIle s. av. notre ère, remontent à la fin du Bronze Moyen. L'existence de ces dépôts (qui ne sont évidemment que les seuls ensembles, enfouis pour des raisons de sécurité, que leurs propriétaires n'ont jamais pu récupérer) traduit l'ampleur de la ponction en métal opérée sur le Languedoc à cette époque. Dans d'autres régions, le phénomène des dépôts apparaît comme une étape normale de la vie économique, une sorte de régulateur empirique (thésaurisation de matière première en vue des périodes d'approvisionnement plus difficile). En Languedoc et plus particulièrement dans la vallée de l'Hérault, les dépôts launaciens marquent la fin d'un monde (J. Guilaine a pu parler à leur endroit d'un "épi-Bronze final") (Guilaine 1972); ici plus qu'ailleurs, l'ouverture de la région au monde méditerranéen se traduit par une perturbation, un bouleversement des structures indigènes, tant dans le domaine des structures économiques que dans celui de l'organisation sociale. L'évolution des cultures locales au Premier Age du Fer, jusque vers 450 av. notre ère, confirme amplement la mise en place et l'affirmation de ce processus. C'est d'abord, principalement au VIe siècle, le développement d'un commerce intensif dont on peut penser qu'il désorganise progressivement les systèmes locaux: des potiers grecs installés dans la basse vallée de l'Hérault, à Agde, à Bessan ou à Saint-Thibéry, fabriquent sur place, dès le deuxième quart du VIe siècle, une céramique tournée grise très largement diffusée sur les sites de la région; au même moment, les méditerranéens introduisent en milieu indigène une nouveauté de taille: le vin. La consommation croissante des indigènes (si l'on en croit les milliers de tessons d'amphores étrusques et marseillaises retrouvées sur les sites) n'a pas dû aller sans affecter rapidement les relations internes dans les communautés locales, voire miner de l'intérieur les structures mêmes de ces sociétés. Il ne faudrait pas pour autant verser dans un tableau entièrement négatif de cette phase archaïque de l'Age du Fer. Si les mutations sont rapides et profondes, elles n'en débouchent pas moins sur des apports constructifs qui orientent durablement l'évolution politique et sociale du milieu indigène. C'est d'abord et surtout, pour ces communautés villageoises, l'idée de ville et de sa grandeur que les Grecs apportent avec eux. S'ils avaient déjà eu - et on l'a vu à Roquemengarde, dès le néolithique - la notion d'agglomération et de prestige collectif, les indigènes apprennent à ce moment toute la puissance que peut acquérir une Cité. L'oppidum, de simple regroupement organique, va alors devenir le centre à la fois politique et économique d'un territoire qui lui est soumis. En accédant à ce rôle déterminant, il peut concentrer les efforts de toute une population, et bénéficier de travaux collectifs qui s'expriment, notamment, dans la construction de remparts. C'est, semble-t-il, à partir du VIe siècle que l'oppidum d'Aumes connaît une occupation d'une certaine ampleur. Les prospections de surface effectuées sur ce site ont permis de recueillir, sur chacune des parcelles, les fragments de céramique caractéristiques. Les amphores étrusques, qui appartiennent pour la plupart au VIe siècle avant notre ère, couvrent déjà une surface de 15 à 20 ha, affectant de façon privilégiée le sommet le plus élevé de la colline (Les Mazes) et les zones proches d'une source (Mas de Chabert) (Bussière 1989). A Pézenas, l'occupation de l'oppidum de Saint-Siméon connaît son apogée au VIe siècle; mais les prospections de surface, qui n'ont pu jusqu'à présent être complétées que par des sondages ponctuels de J. Giry, ne permettent pas encore d'apprécier l'évolution de l'habitat avec autant de précision que la nécropole. Celle-ci, découverte en 1963 au pied de l'oppidum, a pu être fouillée dans sa presque totalité. Plus de 200 tombes y ont été découvertes, échelonnées de la fin du Vile à la fin du VIe siècle avant notre ère (Giry 1965; Nickels 1990). Si l'habitat de Pézenas reste mal connu, le cimetière constitue à lui seul une de nos meilleures sources documentaires sur le premier Age du Fer dans la région: sa publication, en cours d'achèvement, apportera des éléments fondamentaux à notre connaissance de cette période. L'étude de l'habitat, effectuée en collaboration avec Saint Mauné, devrait nous permettre de préciser la surface occupée par l'oppidum au VIe siècle: que devient cette agglomération, en particulier, au Ve siècle avant notre ère? L'intérêt du site de Pézenas réside en effet dans sa faible longévité. Alors que l'oppidum d'Aumes perdure et se développe aux périodes ultérieures, le site de Saint-Julien ne connaît pas la même destinée. Les seuls vestiges du Ve siècle actuellement connus se rencontrent, mêlés à des témoins antérieurs, au pied de l'éperon, entre l'habitat perché et la nécropole. Pourtant, la prospérité du site et son rôle déterminant dans l'occupation du sol au VIe siècle avant J.-C. se manifestent aussi dans l'existence d'un habitat dispersé. Les prospections de surface permettent en effet de repérer, autour du site, un certain nombre de petits gisements ponctuels qui doivent correspondre à des cabanes isolées. Il y avait donc, au VIe siècle avant notre ère, un système d'exploitation agraire organisant, à partir de l'oppidum, la mise en valeur d'un terroir dont la superficie ne peut être estimée qu'en fonction de l'extension du terroir voisin. Il est particulièrement intéressant, dans le cas d'Aumes et de Pézenas, d'observer que deux oppidums coexistaient au VIe siècle avant notre ère, mais que l'un d'entre eux disparaît peu après. Cette évolution ne peut s'expliquer que par un renforcement de la fonction centralisatrice de l'oppidum, par l'extension d'un territoire aux dépens d'un autre. Comme toutes les périodes de grandes mutations, le Premier Age du Fer est donc celui des compétitions: entre les habitats qui doivent prendre leur place, dominante ou subalterne, dans une cartographie du pouvoir à laquelle n'échappe aucune subdivision locale; entre les individus bien sûr, puisque la société qui s'organise exacerbe les hiérarchies. Le VIe siècle avant notre ère voit se former et s'affirmer des pouvoirs locaux dont certaines tombes nous donnent une sorte d'instantané. C'est la tombe d'un de ces personnages qui a été découverte fortuitement à Castelnau-de-Guers, en mars 1989, au lieu-dit Saint-Antoine. Pour autant que les recherches aient permis de le savoir, la tombe était isolée; compte tenu de sa localisation, elle doit se rattacher à un habitat contemporain qui reste à découvrir à faible distance. La sépulture consiste en une fosse assez profonde pour pouvoir y déposer l'urne cinéraire, une amphore étrusque; au fond de cette fosse a d'abord été déposé le mobilier brûlé avec le corps sur le bûcher funéraire: objets personnels (boucle de ceinture, anneau, pince à épiler), vase à boire ou à libations (simpulum, sorte de louche en bronze), couteau en fer et éléments métalliques d une lance (pointe et talon); une grande fibule en fer, de type ibéro-languedocien, avait été déposée sur l'amphore après comblement de la fosse. Ce loculus était scellé par une grande pierre plate. Mais l'intérêt de la sépulture ne s'arrête pas là: sur le sol antique, au-dessus de la sépulture ainsi refermée, les proches du mort édifient un tertre en amoncelant quelques pierres; ils déposent sur place, souvent brisés, les vases utilisés au moment de la cérémonie pour effectuer les libations funéraires: deux canthares étrusques en "bucchero nero", une coupe ionienne, une coupe locale en céramique grise monochrome, une ou plusieurs coupelles en céramique modelée. Arme traditionnelle en milieu ibérique, un grand javelot entièrement en fer est replié sur lui-même à plusieurs reprises et déposé avec les vases. La présence de cette arme et ce rite de destruction sont intéressants à plusieurs titres: la tombe de Castelnau-de-Guers est un bon exemple des sépultures de cette époque qui voient, comme on l'a noté depuis longtemps, les armes se multiplier; elle fournit en outre avec ce soliferrum le point le plus oriental d'une carte de répartition qui, couvrant la plus grande partie de la péninsule ibérique, englobe le Languedoc occidental. C est l'époque où se précise, en Languedoc, une sorte de frontière entre deux zones culturelles distinctes, dont la vallée de l'Hérault marque la frontière. A l'ouest, MONTAGNAC 6000 ans d'histoire

A partir des spéculations géologiques vers lesquelles il nous entraîne, Michel Feugère nous conduit au fil des millénaires vers ce site privilégié de la basse vallée de l'Hérault où Montagnac a pu effectuer sa nidation de la période gallo-romaine. Avec André Nos nous entrons directement dans le concret de la vie citadine « rythmée par les quatre vents, le marin, le terrai, le grec et le narbonnais... » car durant un récit dont l'intérêt ne se relâche jamais, nous vivons avec des hommes qui nous ressemblent étrangement, qui ont eu des réactions, des besoins, des passions si comparables aux notres. Nobles ou brassiers, catholiques ou protestants, de gauche ou de droite, ces montagna- cois des siècles passés nous deviennent familiers. Les plus petits détails de leur vie quotidienne nous font revivre au jour le jour leur attachement à leur clocher majesteux et à leur terroir accueillant. L'écriture de l'histoire locale est un art difficile à la limite de l'histoire générale et du conte. Les auteurs que leur formation préparait à la maîtriser ont parfaitement su nous la transmettre et nous la faire aimer par leur constante référence à cette pensée d'Henri Massis: « c'est l'homme qui fait l'histoire et non pas l'histoire qui fait l'homme... ». Michel Feugère chargé de recherches au C.N.R.S. a patiemment étudié l'archéologie de Montagnac et de ses environs. Il s'est du reste fixé dans l'un des plus beaux vestiges de son passé architectural et lui donne encore une preuve de son attachement en s'efforçant de protéger pour les générations futures un patrimoine d'une recherche incontestée. André Nos, professeur de Lettres au lycée de Pézenas, montagnacois de souche, est un chercheur infatigable qui depuis plus de 20 ans a patiemment rassemblé les pièces de l'ouvrage qu'il nous présente aujourd'hui. Préparé par sa formation d'occitaniste à ce labeur, il est, dusse-je froisser sa modestie, l'historien le plus érudit avec Joseph Favas, du passé de son village. Sa différence avec lui est qu'il a su concrétiser le résultat de sa patience et de son amour du passé pour notre plus grand plaisir. J. Salvaing

Amis de Montagnac: no Editeur 2.9506 179.3.X

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