LE MAGAZINE DE VOTRE DÉPARTEMENT

NOVEMBRE 2010 - N° 241 ÉDITION SPÉCIALE WWW.CG59.FR

Cassel : un musée départemental pour les cultures de Flandre LA PHOTO DU MOIS

De l’ombre à la lumière Lumière tamisée et voûte de briques : l’accueil du musée départemental de Flandre se prépare à recevoir ses premiers visiteurs dans un clair-obscur digne des maîtres flamands. Derrière la porte vitrée se trouvent la cour et le jardin et au-delà, la plaine de Flandre qui s’étend à perte de vue, au pied du mont Cassel. Photo prise au musée départemental de Flandre à Cassel, le 14 octobre à 11 h 13, par Dominique Lampla.

Magazine d’information du Conseil général du - 2, rue Jacquemars- SOMMAIRE NOVEMBRE Giélée, 59047 Cedex Tél. 03 59 73 83 98 LE PROJET 4 Les coulisses 16 Courriel : [email protected] Le musée départemental de Les collections, qui comptent Site Internet du Conseil général du Nord : www.cg59.fr Flandre est le premier musée environ 6 000 œuvres, ont eu Directrice de la publication et de la communication : Évelyne Duhaut-Courpron. entièrement consacré à droit à des soins très parti- Directeur-adjoint de la Communication: Hubert Loppinet. l’identité culturelle et artistique culiers. Voici l’envers du décor. Rédacteur en chef : Franck Périgny flamande. Il est l’aboutissement d’un projet engagé il y a plus de Rédaction: Laurence Blondel, Valérie Dassonville, Antoine Platteel, Alexandra Le chantier 20 Pigny, Françoise Poiret-Colonge, Arnaud Raes, Marianne Arhancet. 10 ans. Secrétariat de rédaction: Laurence Blondel et Valérie Dassonville. Emblématique de la Flandre française, l’hôtel de la Noble- Responsable de production : Patrick Lenoble. Directeur artistique : Patrick Visite guidée 8 Cour, classé monument histo- Diers. Studio graphique : Cédric Arnould, Laurent Déjardin, Serge Grisard, Joan Découvrez le musée rique depuis 1910, a retrouvé Ryckeboer. Responsable photo : Dominique Lampla. Photographies: Christophe départemental de Flandre, toute sa splendeur, au terme Bonamis, Philippe Houzé, Emmanuel Watteau, photothèque du Conseil général. en compagnie de Sandrine de 20 mois de travaux. Service iconographique : Barbara Bonny. Conception éditorialeet graphique: Vézilier, sa directrice. Agence Cinquième colonne. Conseil en communication: R Com’ Rigaux. Identité graphique du musée : Denis Toulet. Photogravure : Nord Compo. Impression: Lenglet Imprimeurs.

ISSN1169-4947. Le magazine Le Nord est distribué gratuitement à tous les habitants du Nord. Pour le recevoir à partir d’un autre département, contactez le service lecteurs-abonnements au 03 59 73 83 73. Si vous ne le recevez pas régulièrement, écrivez à [email protected]. Dépôt légal: novembre 2010. Tirage: 1 050 000 exemplaires. Tous droits de reproduction réservés. © 2009. Imprimé sur papier certifié FSC. 8 20

2 LE NORD Novembre 2010 EDITORIAL

● Le Musée départemental de Flandre à moteur pour la vie culturelle et touristique de Cassel a ouvert ses portes au public le la Flandre. C’est pourquoi nous vous emme- 23 octobre dernier. nons en balade autour du musée ; dans Cassel d’abord, perchée au sommet de son célèbre L’arrivée de ce nouveau musée est un événe- mont, puis alentour, de randonnées en estami- ment exceptionnel pour le Nord, et bien au-delà. nets, de musées en carnavals. Il est le premier et le seul musée consacré Le musée de Flandre rejoint l’ensemble des Des peintres du XVe entièrement à mettre en lumière la richesse de musées départementaux : le musée Matisse au l’identité culturelle et artistique de la Flandre. Cateau-Cambrésis, le musée/site archéologique siècle à Marguerite Pour célébrer cette ouverture, votre magazine à , le musée/atelier du Verre à Sars-Pote- Yourcenar, la plaine Le Nord vous propose un numéro spécial. ries et le Forum des sciences à Villeneuve flamande semble Après une visite exceptionnelle du musée com- d’Ascq. mentée par sa directrice, Sandrine Vézilier, J’espère qu’après la lecture de ce numéro, repus décidément être vous entrerez dans ses coulisses et rencontre- d’images et d’émotions, vous aurez envie d’al- un sujet d’inspiration rez les équipes qui le font vivre : depuis les res- ler découvrir le musée départemental de Flan- inépuisable. taurateurs et encadreurs jusqu’à des fonctions dre, d’examiner de plus près ces tableaux de moins connues, comme celle de « socleur » ! la Renaissance qui ne semblent jamais livrer Vous apprendrez les secrets de l’hôtel de la tous leurs secrets, de vous étonner devant les Noble-Cour et vous saurez tout sur le formida- œuvres contemporaines qui jalonnent un par- ble chantier de sa restauration. Après quoi, cours plein de surprises. vous retrouverez le jardin du musée, pour être Ce nouveau musée est véritablement l’expres- saisis par la vue exceptionnelle sur la plaine fla- sion de notre ambition pour le Nord. Je sou- mande, source d’inspiration qui, des peintres haite à chacun d’y vivre de belles aventures du XVe siècle à Marguerite Yourcenar, semble artistiques. décidément inépuisable. Loin d’être un îlot de culture isolé en terre fla- mande, le musée départemental de Flandre Bernard Derosier se veut « musée de territoire », un nouveau Président du Conseil général du Nord 2010

Histoire 22 Expos 26 BALADE p. 28 Libre expression 38 L’histoire de l’hôtel de la Noble- Le musée départemental de Autour de Cassel Cour remonte au Moyen-Âge. Flandre vous propose, Les archives permettent de plusieurs fois par an, une série Pour un jour, un week-end ou retracer les grandes heures d’expositions temporaires. pour toute une vie, le charme INFOS PRATIQUES 39 d’un bâtiment souvent remanié. L’exposition inaugurale porte pittoresque du pays casselois sur le thème de la femme. vous prend le cœur et vous Pour tout savoir sur le musée : « Sensualité et volupté » emmène en voyage entre mont accès, horaires d’ouverture... Côté jardin 24 présente le corps féminin et merveilles. Dans le projet de restauration, dans la peinture des XVIe et l’idée d’aménager les terrains XVIIe siècles. en friche à l’arrière du musée s’est imposée. Un jardin flamand a été créé.

La Panne N 35

VERS OSTENDE/ Dunkerque

A17 - E403

A16 - E40

N 8

A25 - E42

Courtrai VERS COURTRAI/GAND Ypres

A19 D 948 N 375 D 948 D916 13 D 933 A22 Meteren 12 St Omer D 933 D916 D 642 Bailleul

Hazebrouck

VERS LILLE A25 - E42 22 26 30 A26 - E15 39

D 652

Novembre 2010 LE NORD 3 Un musée po u 23 octobre 2010 : le musée départemental de Flandre ouvre à Cassel, après plus de dix ans de fermeture et deux ans de travaux.

4 LE NORD Novembre 2010 o ur la Flandre

Novembre 2010 LE NORD 5 un musée pour la Flandre

Le musée départemental définitivement à Cassel en septembre de la même année. de Flandre est le premier musée Il fallait ensuite constituer une équipe de conser- entièrement consacré vation et élaborer un projet scientifique et cultu- « Un musée du Département à l’identité culturelle rel ; chaque musée a le sien. Pour le musée dépar- du Nord » temental de Flandre, le défi à relever consistait, à et artistique flamande. partir d’une collection d’œuvres d’art rassemblées Depuis sa dans un bâtiment historique, à créer une entité départementalisation en entièrement nouvelle, qui reflète toute la diversité 1997, le musée de Le 23 octobre 2010, le musée départemental de et la richesse culturelle de la Flandre dans un Flandre fait partie de la Flandre a ouvert ses portes au public pour la pre- ensemble cohérent. « famille » des musées et mière fois. Dans une ambiance de fête, les visiteurs des équipements ont enfin pu découvrir les collections présentées À cheval sur la frontière, traversée des multiples culturels dans un hôtel de la Noble-Cour rénové de fond influences issues de son histoire tourmentée, la départementaux, gérés en comble. C’est l’aboutissement d’un projet Flandre est à la fois le pays des carnavals et de Van par le Conseil général du engagé il y a plus de dix ans. Dyck, des tableaux de maître de la Renaissance et Nord. Il rejoint ainsi : des « kermesses héroïques »… mais aussi un lieu - le musée L’aventure débute en 1997, lorsque l’hôtel de la de création contemporaine qui se nourrit de ces Noble-Cour, qui abrite le musée municipal de Cas- traditions tout en les éclairant d’une lumière nou- départemental Matisse, sel, devient propriété du Département du Nord. velle. Comment traduire tout cela dans un parcours au Cateau-Cambrésis, Objectif du Conseil général : implanter en Flan- muséographique et le faire tenir dans l’espace qui accueille les œuvres dre un musée d’envergure. « L’art est loin, à mes relativement restreint de l’hôtel de la Noble-Cour ? du célèbre peintre yeux, d’être un luxe, commente Bernard Derosier, catésien, mais aussi président du Conseil général du Nord. C’est un vec- C’est ce défi qu’ont relevé l’équipe du musée, diri- celles du maître de teur puissant de citoyenneté et de lutte contre les gée par Sandrine Vézilier, et le muséographe Didier l’abstraction inégalités, d’autant plus indispensable en période Blin. Le résultat de leur travail est un musée ori- géométrique Auguste de crise. » En outre, poursuit M. Derosier, « l’im- ginal et surprenant que nous vous proposons de Herbin ; plantation d’un tel équipement est également un découvrir au fil de ce numéro. - le musée-atelier levier de développement du territoire ». C’est pour- FRANCK PÉRIGNY départemental du Verre quoi « malgré les aléas, les différentes options à Sars-Poteries, architecturales et budgétaires » qu’a connus le consacré à la création projet au cours des dix dernières années, il n’a verrière contemporaine ; jamais été remis en cause sur le fond. - le musée-site archéologique Les « aléas » en question ont commencé dès l’ac- départemental à Bavay quisition de l’hôtel de la Noble-Cour. Le bâtiment, qui date pour l’essentiel du XVIe siècle, était en et son site gallo-romain ; très mauvais état et ne pouvait plus accueillir le - le forum départemental public dans de bonnes conditions de sécurité. des sciences, centre de Très tôt, le Département a été contraint de le fer- culture scientifique, mer. D’évidence, d’importants et délicats travaux technique et industriel, à seraient nécessaires pour faire de cette vénérable Villeneuve d’Ascq ; bâtisse un musée digne de ce nom. Ces travaux - et la villa seront finalement engagés en 2008 : ils dureront départementale deux ans et coûteront plus de sept millions et Marguerite-Yourcenar, demi d’euros. centre de résidence Avant-première d’écrivains européens à Entre-temps, le Département aura construit, à En avril dernier, Bernard Derosier, président du Conseil Saint-Jans-Cappel. proximité du musée, un bâtiment neuf destiné à général du Nord, visitait le jardin du musée en cours de rénovation, en compagnie du maire de Cassel René accueillir les réserves. Achevés en juin 2008, ces Decodts et de Martine Filleul, vice-présidente du Conseil Plus d’infos sur www.cg59.fr travaux ont permis aux collections de revenir général chargée de la culture. PH. D. LAMPLA

6 LE NORD Novembre 2010 Du projet… Martine Filleul Vice-présidente du Conseil général du Nord chargée de la Culture « Les musées départementaux sont à la fois des éléments de culture de proximité, d’aménagement du territoire et de développement économique. Le musée départemental de Flandre s’inscrit dans cette dynamique, mais il a aussi un statut particulier. D’abord par le bâtiment qu’il occupe, bijou architectural qui n’a Grand angle pas encore livré tous ses Moins de deux années séparent le dessin préparatoire du muséographe Didier Blin de la photo ci-dessous, réalisée secrets. Ensuite, par le 21 septembre dernier par notre photographe Philippe Houzé. Pour que cette salle (n° 2 sur notre plan, page 15) puisse accueillir le tableau de Francis Tattegrain, avec ses 3,50 mètres de haut, il a fallu creuser une rigole en béton, l’originalité, la fraîcheur, visible au pied du tableau. « Mon rôle était de mettre le programme élaboré par l’équipe du musée en adéquation la modernité du projet : avec le bâtiment », explique le muséographe (lire aussi page 14). l’art y est vivant, les créations contemporaines … à la réalité viennent interroger notre regard sur les chefs-d’œuvre du passé. C’est un véritable musée de territoire, qui rend compte de la richesse, de la diversité de la Flandre d’hier et d’aujourd’hui. »

Novembre 2010 LE NORD 7 visite guidée Découvrez le Et si nous allions visiter le musée départemental de Flandre en compagnie de sa directrice, Sandrine Vézilier ?

a visite du musée commence au premier étage, par la salle de la châtellenie. Une des trois salles, avec la cuisine et le bureau de Foch, qui ont gardé le souvenir de leurs anciennes fonctions. Ici, les placards qui abritaient les archives de la châtellenie de Cassel recouvrent toujours les murs de cette salle. « Les conserver permet d’expliquer quelle était la fonction de ce bâtiment et ce qu’était une châtellenie : elle gérait toutes les paroisses d’un ter- DOSSIER RÉALISÉ PAR FRANÇOISE POIRET- ritoire et comportait une cour de justice », explique COLONGE Sandrine Vézilier. EN COUVERTURE : Cette explication du contexte historique inter- PHOTO PHILIPPE HOUZÉ vient donc au tout début de la visite, alors que nous entrons dans une première partie intitulée « Sou- mission et colère ». En effet, les collections du musées sont présentées selon un principe de « binômes » : deux thèmes opposés sont rappro- chés pour nous inviter à découvrir la diversité de la culture flamande. « L’objectif est d’inciter les visiteurs à avoir une autre vision, un étonnement, devant l’art flamand. La Flandre est une terre avec du tempérament et une culture extrêmement riche qui a rayonné à travers le monde. La présence d’art contemporain à côté d’œuvres anciennes per- met de comprendre la continuité de l’art flamand, dans sa sensibilité, son humour, sa grivoiserie… » Afin de mettre davantage en lumière la richesse de la culture et de l’art flamands, le Département Sandrine Vézilier a acquis un certain nombre d’œuvres anciennes Directrice du musée dépar- qui n’appartenaient pas au musée de Cassel. Il a temental de Flandre depuis février 2007, elle a mené également acheté des œuvres contemporains. le projet muséographique. Nous allons donc découvrir ces œuvres, anciennes

8 LE NORD Novembre 2010 600 C’est environ le nombre d’œuvres en exposition permanente. Cela représente un dixième des objets du musée. musée

Décryptage Passionnée de peinture flamande, la directrice présente un des chefs- d’œuvre du musée, La Vierge au donateur Joos vanden Damme. PH. PHILIPPE HOUZÉ

Novembre 2010 LE NORD 9 visite guidée soumission et colère

et récentes, ces pièces de mobilier et ces objets issus de la culture populaire, à travers les quatre binômes organisant le parcours : soumission et colère, entre terre et ciel, mesure et démesure, ostenta- tion et dérision. Soumission et colère Des Casselois soumis ? Nous entrons donc dans la salle de la châtellenie, toujours ornée de ses placards. Rien n’a été accro- Peint au XIXe siècle par le ché sur ces placards, et le visiteur peut les ouvrir Berckois Francis Tatte- pour découvrir des objets en lien avec la châtel- grain, ce tableau* (dont lenie, ainsi qu’avec les confréries présentes à Cas- 1 on ne voit ici qu’un détail) sel (tir à l’arc vertical et arquebusiers). Au centre fait référence à la rébel- de la salle, sur des cimaises, une vue de Cassel au lion des Casselois, écra- XVIIe siècle fait écho à une œuvre contempo- sée en 1430 par Philippe raine de l’artiste lillois Fabien Rigobert représen- Le Bon qui voulait unifier tant des personnages en détresse devant l’incen- son territoire. Cette die d’une maison, dans un paysage vallonné, où œuvre, très expressive, s’expriment à la fois la soumission et la colère de est restée longtemps ces êtres ravagés par le malheur. dans les réserves La salle suivante n’accueille qu’une seule œuvre, du musée de Cassel. En monumentale : Les Casselois dans le marais de effet, son accrochage, Saint-Omer se rendant à la merci du duc Philippe e suite à un dépôt de l’État le Bon le 4 janvier 1430, un tableau réalisé au XIX en 1956, sous le titre La siècle par Francis Tattegrain. Des dessins prépa- 2 Soumission des ratoires, prêtés par le musée de Berck-sur-Mer, ainsi qu’une photo de l’artiste, peignant dans les Casselois, a provoqué un dunes balayées par le vent afin de se confronter tollé de la population de à la dureté des éléments, permettent de mieux la ville. Il a donc été apprécier cette gigantesque toile. promptement retiré et il La guerre est aussi au cœur des deux autres salles est resté enroulé et de ce premier binôme. L’une est en effet consa- oublié dans un crée à la bataille de Cassel, qui a eu lieu en fait au grenier pendant des pied du mont en 1677 et qui a vu la victoire des années, jusqu’à sa res- troupes françaises de Louis XIV sur les Hollan- tauration en 2007. dais. Elle scelle donc le rattachement de cette par- 3 tie de la Flandre au royaume de . Deux * Les Casselois dans le marais tableaux illustrent cette bataille, gagnée par le de Saint-Omer se rendant à la merci du duc Philippe le Bon duc d’Orléans, le frère du roi. Du mobilier fla- Les Casselois dans le marais de Saint-Omer se rendant le 4 janvier 1430. 1 à la merci du duc Philippe le Bon le 4 janvier 1430, mand et français permet au visiteur de com- de Francis Tattegrain (1852-1915). PH. PHILIPPE HOUZÉ prendre ce qu’implique l’unification de cette La bataille de Cassel de 1677, région – en particulier le remplacement de la 2 anonyme, fin XVIIe siècle. PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET langue flamande par le français La vue panoramique de Cassel, 4 e dans l’administration. 3 anonyme, fin XVII siècle. PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET La dernière salle est le bureau Oiseau, argent ciselé, XIXe siècle, évocation de de Foch : « Je ne voulais pas 4 la confrérie des arquebusiers. PH. PHILIPPE HOUZÉ revenir à la reconstitution qui La Vierge au donateur Joos vanden Damme, existait autrefois, explique San- 5 huile sur bois, 1484. PH. PHILIPPE HOUZÉ drine Vézillier. J’ai préféré mêler Mise au tombeau, bois polychrome, XVIIe siècle. les souvenirs du maréchal Foch et 6 PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET des soldats pour désacraliser sa L’ancienne salle de Justice a été transformée figure, lui donner un visage humain, 7 en galerie consacrée aux paysages. PH. PHILIPPE HOUZÉ 10 LE NORD Novembre 2010 entre terre et ciel

5 et montrer que personne n’a été épargné par la pre- mière guerre mondiale. » Ainsi à côté de l’uniforme du chef de l’armée, peut-on voir des objets du quotidien dans les tranchées de la Grande Guerre (téléphones, gamelles, masques à gaz…). Une œuvre contemporaine de Manuel Ruiz Vida, intitulée Passages, apporte le regard d’un homme d’au- jourd’hui sur ce conflit. Une œuvre Entre Terre et Ciel à quatre mains Après la guerre, le parcours muséographique vous entraîne vers un autre binôme. Avant d’évoquer Le personnage de saint la religion, composante essentielle de l’art fla- Christophe est un mand, « Entre Terre et Ciel » s’attarde d’abord thème connu dans la autour des représentations du paysage, un paysage peinture flamande. Il sublimé et la plupart du temps liés à des sujets reli- s’agit d’un géant dont gieux. « Jusqu’au XVIe siècle, les paysages sont en la mission était de faire arrière-plan des portraits ou des scènes religieuses, traverser un fleuve aux puis au XVIIe, ils commencent à prendre toute leur gens en les portant sur importance. Il y a dans la peinture flamande une ses épaules. La contradiction étonnante : les paysages sont traités légende veut qu’ayant avec une telle minutie qu’ils semblent réels alors à porter un petit qu’ils sont totalement imaginaires. » En témoi- enfant, il s’étonna de gnent plusieurs tableaux, mais aussi des gravures ployer sous son poids : présentées dans un « livre-meuble » qui permet c’était l’enfant Jésus, de mieux les conserver en réduisant leur temps lourd des péchés du d’exposition à la lumière. Trois œuvres contem- monde ! Ce tableau du poraines montrent comment les artistes actuels début du XVIe siècle a interprètent désormais de manières bien diffé- la particularité d’avoir rentes le paysage qui nous entoure. La seconde partie de ce binôme, consacrée donc un arrière-plan aussi 6 au « Ciel », s’ouvre sur la sorcellerie, avec une soigné que le premier amusante gravure de P. Van der Eyden d’après plan, qui sont dus Breughel, La Sorcière de Maleghem. Différentes à deux peintres peintures et sculptures – notamment baroques – différents. On attribue évoquent ensuite l’art religieux flamand. Une saint Christophe à mise au tombeau sculptée, très baroque, a fait Quentin Metsys qui l’objet d’une importante restauration car la couche aurait demandé à picturale se soulevait. Cette restauration, qui ne Joachim Patinir de recouvre pas partout les parties manquantes et ne réaliser le paysage, cache pas toutes les couches de peinture succes- sa grande spécialité. sives, permet de mieux comprendre l’histoire de cette sculpture. L’œuvre la plus remarquable de cette section est La Vierge au donateur Joos vanden Damme, l’œu- 7 vre d’un anonyme de la fin du XVe siècle. «Le musée n’avait pas de primitif flamand. Un collec- tionneur privé nous l’a proposé, le tableau est parti pour être authentifié au Centre de recherche et de restauration des musées de France. Grâce aux

Novembre 2010 LE NORD 11 visite guidée mesure et démesure

armoiries et au texte peints sur le tableau, on a pu retrouver où il était originellement accroché. Une découverte merveilleuse ! » Sur ce tableau, le dona- teur est peint les yeux clos, ce qui signifie que l’œu- vre était destinée à l’accompagner dans sa dernière demeure. Quant aux personnages de la Vierge, à droite, et de Sainte-Barbe, à gauche, elles sont typiques des modèles féminins de l’époque, avec leurs grands fronts et leurs lèvres pulpeuses. Mesure et démesure L’avis d’un artiste En descendant au rez-de-chaussée, on change de contemporain binôme pour entrer dans celui intitulé « Mesure 1 L’artiste belge Patrick et démesure ». La première salle évoque les cabi- Van Caeckenbergh a nets de curiosités présents dans les riches créé Le Château de demeures de la Renaissance jusqu’au XIXe siècle, cartes : « Mme Vézilier en Flandre mais aussi en Italie ou en Allemagne. a pris contact avec ma Les humanistes y exposaient des objets hétéro- galerie à Paris il y a envi- clites : antiquités, œuvres d’art, coquillages, insectes, ron 3 ans. Elle m’a fait animaux empaillés… Un meuble en bois spécia- lement fabriqué permet de reconstituer ce type visiter le bâtiment avant de cabinet et de présenter une partie des collec- travaux et m’a présenté tions de minéralogie et de paléontologie qui sont l’intention de la collection. à l’origine de la création d’un musée à Cassel en Elle avait déjà prévu un 1837. D’autres objets comme les Hiboux contem- espace pour chaque porains de Jan Fabre (qui font partie d’une série 2 artiste contemporain. de sept hiboux intitulée Les messagers de la mort À moi, elle a proposé décapités) y ont pris place. « Dans l’art flamand, la cuisine qui était le lieu précise Sandrine Vézilier, les hiboux ne sont pas où jadis les juges man- symboles de sagesse, mais plutôt le signe qu’il se geaient ensemble avant passe quelque chose d’anormal, d’où leur place de rendre leur verdict. toute trouvée dans ce meuble voué à l’insolite. » Ce lieu me convient bien Le visiteur pénètre ensuite dans la cuisine, très dif- car je m’intéresse beau- férente de son ancienne présentation. Consacrée coup au système diges- comme il se doit à la gourmandise, cette salle tif. Ce château de cartes, comprend deux œuvres clés qui se répondent. La en forme de pyramide, première est une nature morte de Franz Snijders, « une œuvre assez étonnante car articulée entre la représente un système corbeille de fruits très appétissante, le gibier qui 3 écologique total, dans l’est beaucoup moins et le chat, assez inquiétant. lequel les animaux Les natures mortes sont toujours codifiées. Ici, le 4 se mangent les uns melon ouvert, les figues et le perroquet sont des sym- les autres. Si on supprime boles érotiques évidents. » Le centre de la cuisine un élément de la base, est occupé par un étrange château de cartes. Il s’agit tout s’écroule. C’est d’une œuvre réalisée spécialement pour le musée important de permettre par Patrick Van Caeckenbergh qui symbolise aux visiteurs d’accéder quant à elle le processus de digestion et la fragi- à l’art contemporain, lité de notre organisme, mais aussi de notre éco- de leur montrer que système. « Après avoir fait un effort pour la com- ce n’est pas si spécial… » prendre, si on regarde à nouveau la nature morte, on n’y porte plus le même regard. » Le binôme « Mesure et démesure » se termine par

12 LE NORD Novembre 2010 ostentation et dérision

une section appelée « Exutoire », qui évoque les façons dont le peuple flamand se défoulait, pour échapper un moment à la dureté de la vie : fêtes et scènes galantes sont ici à l’honneur. On y remarque aussi Une drôle de fête le portrait d’un fou, prêté par un collectionneur religieuse e privé. Cette œuvre du XVI siècle consacrée à un Peint en 1670, ce sujet plutôt classique illustre en même temps une tableau d’Erasmus de expression néerlandaise : « regarder à travers ses Bie représente l’Omme- doigts » signifie sélectionner ce qu’on veut bien voir, cacher ce qu’on ne supporte pas de regarder. gang, une procession Une attitude bien commune et pas seulement qui avait lieu à Anvers chez les « fous »… pour honorer la Vierge Marie. Et pourtant, Ostentation et dérision combien de symboles On passe tout naturellement du banquet au car- païens trouve-t-on naval pour visiter le dernier binôme, « Ostentation parmi les chars ! et dérision » – deux termes bien adaptés aux Fla- Poséidon sur son pois- mands, qui peuvent tout aussi bien étaler sans son, l’éléphant ou le 5 honte leurs richesses (Les lingots d’or, une œuvre géant Druon Antigone contemporaine de Léo Coppers, sont là pour le rap- (auquel ressemble peler) que se moquer, très crûment, d’à peu près étrangement Reuze tout. Ainsi, le curieux tableau La mariée pleurant, Papa !) n’appartien- d’après l’œuvre de Jan Sanders Van Hemessen, e nent pas à l’imagerie montre qu’au XVI déjà, l’humour flamand était chrétienne. Ainsi, les très acéré. À la même époque, le Schiijtmanneke carnavals des Flan- (littéralement : « le chieur »), était un personnage dres, aujourd’hui tou- fréquent dans de nombreuses œuvres. Le carnaval est l’occasion annuelle de se moquer jours liés au Carême, de l’ordre établi et de dépasser les bornes en toute ont, malgré leurs appa- impunité. La toute dernière salle du musée y est rences, des origines entièrement consacrée. C’est ici que les deux religieuses… géants casselois, Reuze Papa et Reuze Maman, 6 gîtent désormais. « Ce sont les plus anciens géants Scène galante, entourage d’Ambrosius Benson. du Nord Pas-de- encore ”dans leur jus”. Nous 1 PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET avons intérêt à les mettre à l’abri, car à chaque sortie, ils ont subi des dommages, suivis de 2 Le cabinet de curiosités. PH. PHILIPPE HOUZÉ nombreux rafistolages. » Et Sandrine Vézi- lier de soulever la manche de Reuze Nature morte, Franz Snijders. 3 PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET Papa pour montrer un morceau de toile cirée en guise de réparation Les Messagers de la mort décapités, l’Annonciateur 4 du froid, de Jan Fabre, 2008. de fortune. Restaurés par des PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET professionnels, les deux géants, Portrait de fou regardant à travers ses doigts, qui ne sortent plus depuis huit 5 attribué au « maître de 1537 ». ans, ont ainsi conservé PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET quelques souvenirs de leur vie Le carnaval de Cassel, Alexis Bafcop (1804-1895) antérieure. Reuze Papa a été 6 PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET créé en 1827, Reuze Maman 7 Het Schiijtmanneke, anonyme flamand. en 1860, « mais elle n’est pas 7 PH. JACQUES QUECQ D’HENRIPRET sortie de manière aussi régu- visite guidée un musée accessible à tous

Didier Blin, muséographe « Je suis parti du programme muséogra- phique du musée, mon rôle étant de le mettre en adéquation avec le bâtiment. Le projet a évolué au fil du temps, avec l’acquisition de nouvelles œuvres. Pour mon travail, ce bâtiment a entraîné de multiples contraintes mais elles ont constitué aussi la richesse du projet : beaucoup Maquettes tactiles d’éléments anciens à Afin de favoriser la compréhension des œuvres par les personnes non-voyantes et malvoyantes, mais également par conserver, une alter- les enfants, quatre maquettes tactiles d’œuvres majeures du musée ont été réalisées. PH. PHILIPPE HOUZÉ nance de petites et lière et pas toujours habillée comme l’épouse de frontière. grandes salles, de Reuze Papa ». Pour respecter la tradition qui veut Les enfants, même les plus jeunes, pourront s’amu- couloirs et d’escaliers… que les géants ne soient visibles qu’en période de ser au musée grâce à des animations conçues à Le problème le plus carnaval, on ne les apercevra la plupart du temps leur intention. Tapis d’éveil, robes à histoires et complexe a été celui de qu’en ombre chinoise, derrière une paroi trans- autres machines à roulettes sont prévus pour leur l’accès des personnes lucide, pour ne les découvrir que du mardi gras rendre compréhensibles des œuvres parfois dif- à mobilité réduite à au lundi de Pâques. Plusieurs tableaux et grosses ficiles. Le but est de permettre à tous les publics l’ensemble des salles. têtes complètent cette salle qui permet de s’im- de se sentir bien et d’apprendre en y prenant Par ailleurs, il y avait prégner de l’esprit du carnaval, version flamande. plaisir. une problématique Les personnes en situation de handicap, quel qu’il Un musée accessible à tous délicate à résoudre : soit, sont aussi les bienvenues. Un ascenseur per- celle des géants qu’il Destiné à faire découvrir l’identité culturelle de la met aux personnes à mobilité réduite de se dépla- fallait montrer… Flandre, ce musée s’attache à donner au public cer dans le bâtiment. Certains guides ont été for- sans les montrer ! toutes les clés pour la comprendre. Ainsi, le par- més à la langue des signes afin de guider les cours muséographique est-il jalonné de panneaux visiteurs malentendants. Des maquettes tactiles, J’ai compris que, explicatifs et de bornes multimédias. Le visiteur représentant quatre œuvres majeures, une par pour les Casselois, peut choisir de parcourir le musée seul, accom- binôme, sont exposées en permanence : « Elles sont on ne pouvait pas les pagné par un audioguide ou de participer à une destinées d’abord aux mal et non voyants. Grâce traiter comme des visite guidée. à elles et au commentaire audioguidé, ils peuvent objets de musée. » Le dimanche, pour les familles, pas de visites gui- avoir visuellement une image de l’œuvre. Mais ces dées traditionnelles, mais des visites décalées avec maquettes sont aussi intéressantes pour tous les un comédien, sous forme de conte ou d’enquête publics et notamment les enfants car la maquette policière… Naturellement, certaines visites seront simplifie l’œuvre, la rend plus limpide. » commentées en néerlandais car il est important de toucher le public flamand de l’autre côté de la

14 LE NORD Novembre 2010 CRÉATION GRAPHIQUE : NOÉMIE LELIÈVRE ET GUILLAUME DUFOUR MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE FLANDRE

Parcours principal

Parcours pour les personnes à mobilité réduite Binôme 2 : Entre Terre et Ciel Le paysage sublimé Dévotions Exposition permanente niveaux 1 et 0 Binôme 3 : Mesure et démesure accès début du parcours niveau 1 par Curiosités Gourmandise Binôme 1 : Soumission et colère Exutoire Pouvoir et justice : le rôle de la châtellenie Les révoltes des villes flamandes au XVe siècle Binôme 4 : Ostentation et dérision Louis XIV et la Flandre Le genre satirique flamand Par sacrifice Le monde à l’envers

Novembre 2010 LE NORD 15 les coulisses

L’envers du décor : des réserves à la restauration des œuvres

Nicole Paalman Encadreuse à Bruxelles Le musée présente ses richesses avec simplicité et « Notre société est convivialité. Et pourtant, dans l’ombre se cachent maintes spécialisée dans la copie de cadres du XVe petites mains et bien des heures de travail… au XXe siècle des écoles française, fla- En visitant le musée départemental de Flandre, mande et espagnole. vous rencontrerez un agent d’accueil, un guide ou Pour le musée départe- un animateur et quelques gardiens. Mais beaucoup mental de Flandre, d’autres personnes participent à la vie du musée nous avons réalisé et ont préparé son ouverture. seize cadres. J’ai tra- Pendant la fermeture, le bâtiment n’est pas le seul vaillé en collaboration à avoir bénéficié d’une cure de jouvence (lire avec l’équipe du musée p. 20). Les collections, qui comptent environ 6 000 pour définir quel cadre œuvres, ont elles aussi eu droit à des soins très par- il fallait réaliser pour ticuliers. C’est ce qu’on appelle le « chantier des être au plus proche collections ». Cécile Laffon, adjointe à la conser- du cadre de l’époque. On travaille comme les anciens. Alors que d’autres encadreurs utilisent maintenant la résine, nous travaillons Réserves Les réserves du musée accueillent les œuvres depuis 2008 toujours à l’ancienne, dans d’excellentes conditions. PH. CHRISTOPHE BONAMIS avec du bois. On part d’une planche, puis on vation, a tout d’abord coordonné le récolement. fait le travail de dorure, Il s’agit d’une opération, imposée par la loi du 4 de polychromie, d’or- janvier 2002 relative aux musées de France, qui nements… Ensuite on consiste à faire le point sur les inventaires du leur donne un aspect musée et à s’assurer de la présence des œuvres. d’époque en les pati- Le récolement permet aussi d’actualiser toutes nant, en les râpant et les données relatives à chacune des œuvres. Chaque perçant des trous avec œuvre est dépoussiérée, mesurée, photographiée, un poinçon pour don- on identifie les matières et techniques qui la consti- ner l’illusion de trous tuent, on relève les inscriptions… Toutes ces infor- de vers. mations sont notées dans la fiche informatique de On fait tout à la mai- l’œuvre. Le récolement permet enfin de repérer son, c’est du 100 % les œuvres qui nécessitent une restauration ou un “made in “ ! » conditionnement particulier.

Un abri pour les œuvres Avant d’entreprendre les travaux de restauration Copie conforme du musée à proprement parler, le Département a « Pour le musée départemental de Flandre, nous avons construit un bâtiment neuf, destiné à abriter les réalisé seize cadres. » PH. CHRISTOPHE BONAMIS collections. Édifié à quelques centaines de mètres

16 LE NORD Novembre 2010 18 à 19°C C’est la température idéale pour assurer une bonne conservation des œuvres d’art.

de la Grand’ Place de Cassel, le bâtiment des où elles sont rangées par typologie : peintures, réserves accueille les collections depuis septem- sculptures, mobilier, arts graphiques, textiles… bre 2008. Il est doté de conditions de conservation optimales pour le stockage des œuvres : la tem- Des opérations délicates pérature est contrôlée (18 à 19°), de même que le Avant l’ouverture du musée, un certain nombre taux d’hygrométrie (entre 50 et 55 %), et la lumière d’œuvres ont fait l’objet d’une restauration. Le naturelle est proscrite. but n’est pas de redonner à une œuvre son aspect Les réserves disposent d’une salle d’emballage et d’origine mais de prolonger son existence et de Juliette Mertens Restauratrice en région de désemballage qui permet de conditionner les la rendre plus « lisible ». Les œuvres que l’on res- parisienne œuvres qui sortent ou entrent des réserves, pour taure ont subi des dégradations dues à différents être présentées au musée ou prêtées pour des facteurs : vieillissement, taux d’humidité inadéquat, « Ébéniste de forma- expositions temporaires. Cet espace, équipé de lumière, attaque d’insectes, mauvaise manipula- tion, j’ai trouvé tables de travail, hottes aspirantes et projecteurs, tion… Ainsi, lorsqu’on a redécouvert le tableau ennuyeux au bout est également utilisé par les restaurateurs. Le bâti- monumental de Francis Tattegrain (6,70 x 3,50 m), d’un moment de ne ment possède également une salle de mise en entreposé pendant des décennies dans un gre- travailler que sur du quarantaine dans laquelle les œuvres composées nier, on s’est aperçu qu’il avait été si mal stocké mobilier. Aujourd’hui, de matériaux organiques (bois, textile, etc.) doivent que la peinture manquait à chaque pliure du je travaille beaucoup séjourner 40 jours avant d’intégrer les réserves pro- tableau. Le restaurateur Christian Vibert a dû pour les monuments prement dites. Cela permet de vérifier qu’elles ne combler toutes ces lacunes par des retouches dites historiques et les sont pas infestées par les insectes. Si c’est le cas, « illusionnistes » : le public ne les voit pas, mais musées : je suis elles sont placées en salle de décontamination, où un spécialiste les repère facilement. En effet, les spécialisée dans l’on procède à une anoxie. Il s’agit d’une méthode interventions ne doivent pas masquer l’état actuel le support bois des non chimique qui permet d’éradiquer les insectes de l’œuvre et les restaurateurs remettent au musée tableaux, ce qui en les privant d’oxygène. Une fois saines, les col- un rapport indiquant les traitements effectués et m’amène à travailler en lections sont intégrées dans les espaces de stockage, les produits utilisés. Près de 40 spécialistes des dif- équipe avec d’autres restaurateurs. Par le passé, on se préoccupait peu des supports qu’on a laissé se dégrader. Or, un support abîmé fragilise la couche picturale. Et puis, on perd beaucoup d’informations, car sur les supports se trouvaient les marques des guildes et du fabricant du panneau. Ici, j’ai notamment restauré Le Paradis terrestre, un tableau du XVIe siècle, dépôt du musée de . C’est un tableau très fin, de 2 à 3 mm d’épaisseur. Il y avait une fissure en haut et quasiment plus de support en bas. » À chaque tableau son cadre « L’environnement le plus immédiat d’un tableau, c’est son cadre » et la mise en place de l’œuvre dans son cadre est donc un moment primordial. PH. PHILIPPE HOUZÉ

Novembre 2010 LE NORD 17 les coulisses

férents supports et matériaux ont ainsi participé à la restauration des collections. Pour certains tableaux, de nouveaux cadres ont été réalisés, imitant à la perfection les cadres fla- mands anciens. « On fait attention aux conditions climatiques, mais l’environnement le plus immé- diat d’un tableau, c’est son cadre, souligne la res- Florence Douxami tauratrice Florence Douxami. Un mauvais enca- Restauratrice d’art drement peut causer beaucoup de dégâts. » à Lys-lez-Lannoy L’arrivée au musée « J’ai restauré la L’été dernier, lorsque le chantier du bâtiment couche picturale de s’achevait, les œuvres sont arrivées les unes après deux tableaux. Cela les autres – des moments à la fois délicats et émou- consiste d’abord à allé- vants pour l’équipe du musée. La plupart des ger le vernis et à enle- œuvres ont été apportées en camionnette depuis ver les “repeints” d’an- les réserves par le menuisier et l’électricien. Les ciennes restaurations pièces les plus fragiles ou les plus grandes, comme avec des solvants, ce les deux géants, ont été transportées par une entre- Socles qui met à nu des Fabriquer des supports adaptés à chaque pièce du musée prise spécialisée dans la manipulation des œuvres. est le travail des « socleurs ». PH. CHRISTOPHE BONAMIS lacunes (parties sans Elles ont ensuite été accrochées selon différents peinture). On remet systèmes prenant en compte leurs particularités. tout à niveau avec une Pour cela, une entreprise de « soclage » a conçu sorte d’enduit. Les pro- les supports adaptés : « Mon métier consiste à duits que j’utilise pour construire des choses invisibles », explique Muriel la retouche ne sont Dumaine, qui a travaillé « sur mesure, au plus pas des produits d’ori- près des collections ». Des tiges maintenant les pin- gine, mais ce sont à la sons dans la salle de la châtellenie jusqu’aux socles fois les plus stables et en bois réalisés par un ébéniste des environs pour les plus réversibles soutenir les géants, tout a été imaginé par la société possible. J’ai décidé de Soclage et Patrimoine, en concertation avec le faire ce métier à l’âge muséographe. de 15 ans, après avoir « Nous sommes arrivés à Cassel début juilllet et visité au Louvre une nous avons passé quinze jours sur place pour la Travail de précision Des œuvres monumentales aux pièces les plus fines, exposition intitulée “Le fabrication des premiers supports puis nous chacune a droit à son socle. PH. CHRISTOPHE BONAMIS secret des œuvres” qui sommes retournés dans notre atelier à Paris pour m’avait subjuguée ! » le travail des métaux et la peinture des socles », explique Muriel Dumaine. Pour le grand tableau de Tattegrain, le châssis est arrivé démonté et a été passé par la fenêtre. La toile a été déroulée, on l’a laissée pendant une journée, le temps de s’acclimater à la salle, puis elle a été tendue et accrochée au châssis – une étape parti- culièrement sensible. Ensuite, le tableau a été redressé et glissé dans une sorte de gouttière créée à cet effet au bas de la cimaise.

Autour des œuvres Pendant de nombreux mois, l’équipe du musée constituée de 14 personnes, les autres services du Transport et déballage Département et de multiples prestataires se sont On ne s’improvise pas transporteur d’œuvres d’art.Toutes activés pour que tout soit parfait lors de l’ouver- sont à manier avec délicatesse… PH. PHILIPPE HOUZÉ

18 LE NORD Novembre 2010 ture. Il a fallu préparer les cata- logues et les cartels accrochés près des œuvres pour les expliquer. Il a fallu aussi met- tre au point un plan de com- munication destiné à la fois au public local et national, français et flamand, ainsi qu’aux professionnels du tourisme. Denis Toulet Les établissements scolaires de la région ont été Graphiste à Guînes contactés pour leur proposer des visites – le plan- ning pour 2011 a commencé à se remplir bien « J’ai été chargé dans avant l’ouverture. Les enseignants bénéficieront le cadre d’un marché de formation, afin d’optimiser les visites qu’ils public sur concours de feront avec leurs élèves. Les groupes non sco- concevoir la communi- laires (clubs du 3e âge, clubs de randonnée…) ont cation publique du été également contactés pour leur proposer des musée, à commencer visites. par son identité Le service chargé des publics a aussi mis au point visuelle. Pour cela, le de nombreuses animations avec des intervenants musée m’a fourni un vacataires, guides ou artistes (plasticien, danseur, cahier des charges. J’ai musicien). « Notre objectif est de rendre la lecture d’abord travaillé à par- de l’œuvre la plus ludique possible », explique Vir- tir d’un étonnant com- ginie Demey qui travaille dans ce service. Un défi bat d’œufs qui est un qui devrait été facilement relevé puisque, depuis détail d’un des tableaux*, mais c’était Accrochage de nombreuses années déjà, le musée organisait Chaque œuvre a trouvé sa place dans le parcours muséo- des ateliers « hors les murs ». trop peu compréhensi- graphique. PH. PHILIPPE HOUZÉ FRANÇOISE POIRET-COLONGE ble immédiatement. Finalement, la base de l’identité est un ciel inversé, pied de nez à la peinture flamande, sur lequel est posé une boîte carrée renvoyant au cabinet de curiosi- tés, à laquelle est ajou- tée une croix, réfé- rence à la fois aux grandes oppositions des binômes, qui sont une constante du musée, et au moulin typique des Flandres. Néanmoins les œufs restent présents dans la ligne de communica- tion d’ouverture. »

Installation * La Tentation de saint Antoine, À partir de début juillet, le personnel du musée a apporté, réceptionné, déballé et installé les quelque 600 œuvres visible dans la salle « Le paysage destinées à être exposées. PH. PHILIPPE HOUZÉ sublimé », n° 5 sur notre plan p. 15.

Novembre 2010 LE NORD 19 le chantier

Une restauration exemplaire et des trésors insoupçonnés

Michel Dutoit Chef du projet du musée Emblématique de la Flandre française, l’hôtel de la Noble- départemental de Flandre au Département du Nord Cour, classé monument historique depuis 1910, a retrouvé toute sa splendeur, au terme d’un chantier de 20 mois. « C’est une chance, de gérer un dossier d’une ● Élégante, élancée, sa façade impose le respect réaliser un plateau en hauteur dominant la plaine telle ampleur ! Tout le sur la place de Cassel, depuis le XVIe siècle. En déli- flamande. C’est donc sur un sol assez meuble que bâtiment est classé catesse, en majesté, il n’y a guère que le château l’hôtel de la Noble-Cour fut érigé. « Heureuse- monument historique, d’ et la mairie d’, construits ment, le bâtiment a été construit intelligemment, intérieur et extérieur. à la même époque, qui puissent rivaliser avec l’hô- avec une charge bien répartie », constate Michel L’enjeu a été d’en faire tel de la Noble-Cour... Ouf, le voilà donc sauvé, Dutoit, le responsable du projet au Département. un musée conforme pérennisé, restauré dans toute son authenticité. Un Mais le transformer en musée, c’est-à-dire en éta- aux normes de simple coup d’œil suffit à s’en persuader, suivi, si blissement recevant du public, c’était faire pren- sécurité. Le chantier a la curiosité vous en dit, d’une visite à l’intérieur, dre du poids au colosse de Cassel. Ainsi, il y avait duré 20 mois et n’a pas dans un musée où bat le cœur de l’ancienne châ- obligation de remplacer les planchers en bois été sans surprises tellenie et de la Flandre toute entière. (d’ailleurs en piteux état) par des planchers (lire ci-contre)! En tant Les travaux ont débuté en septembre 2008. Sur- « béton » pour satisfaire à la réglementation incen- que représentant de prise : le colosse a des pieds d’argile. Des terres de die... Il a donc fallu renforcer les fondations. Sous la maîtrise d’ouvrage, remblais ont été apportées par les Romains, pour l’aile ouest, on a enfoncé des micro-pieux à distance j’ai veillé à anticiper les demandes des usagers du bâtiment, en facilitant son De belles surprises pour l’Histoire utilisation au quotidien. • « Les travaux ont réservé de belles surprises, qui Ainsi, on a installé des permettent une meilleure connaissance de l’his- panneaux qui se toire du bâtiment », explique Vincent Brunelle, démontent pour architecte en chef des monuments historiques. accéder aux gaines • Sous les enduits de la cage d’escalier, on a décou- techniques, des vert une empreinte des marches inversée, ainsi que plinthes qui s’enlèvent, des ouvertures anciennes. Conclusion : l’escalier des trappes dans les tournait initialement dans l’autre sens. Hypo- faux-plafonds pour thèse : après la conquête française des Flandres intervenir sur la (1678), l’arasement de la tour imposante (où se climatisation, etc. trouve l’escalier) et la construction d’une nouvelle Tout est conçu pour aile ont amené la reconstruction de l’escalier, mais Vertigineux éviter de refaire des en sens inverse. À l’origine, l’escalier tournait dans l’autre sens... PH. EMMANUEL WATTEAU travaux importants • La dépose des boiseries de la salle de justice a dans 10 ans. » permis la découverte d’une ancienne fenêtre. Ce • Sous la cuisine, un puits de 12 mètres de pro- qui signifie que le passage situé derrière cette fondeur a été mis au jour (rebouché pour éviter fenêtre, qui assure la liaison entre deux ailes de les remontées d’humidité dans le musée). Un l’hôtel de la Noble-Cour, est un ajout. Constatation puits étant par définition situé à l’extérieur, on en d’autant plus troublante que ce passage mène à déduit que la cuisine a connu un agrandissement. ce qui devait être une « chambre secrète », men- • Dans la salle des gouverneurs, la découverte de tionnée dans les archives. la trace d’une porte ancienne reste une énigme.

20 LE NORD Novembre 2010 7,54 C’est, en millions d’euros, le montant des travaux réalisés à l’hôtel de la Noble-Cour. La subvention de l’État s’élève à 1,7 M¤, au titre des monuments historiques. Le Département a pris en charge le reste de la somme.

Vincent Brunelle Architecte en chef des monuments historiques « Ce bâtiment a beaucoup vécu ! Il a été palais de justice, estaminet, QG du Maréchal Foch en 14-18 ou encore musée communal dans les années 30... Il était logique que cette fonction de musée se prolonge : dans un musée, la préservation du patrimoine est Un édifice fragile accrue... La toiture a été posée sur un échafaudage et les embouts de poutre les plus abîmés ont été remplacés. PH. PHILIPPE HOUZÉ L’hôtel de la Noble-Cour régulière à plus de 20 mètres dans la terre. Sous salle de justice, la salle de la châtellenie. Tout l’en- étant un monument la façade, des longrines (poutres en béton) ont été jeu était de réaliser un établissement respectant historique, chaque posées à 1,5 mètre de profondeur. les normes de sécurité sans pour autant dénatu- année, l’État et le Et pour permettre le renfort du plancher, les pou- rer le monument historique. C’est pour cette rai- Département interve- tres ont été descendues de 10, 15, voire 20 centi- son que le Département a choisi d’installer le naient sur les toitures mètres – des poutres de plus de 400 ans, qui ont musée sur deux niveaux (soit 1 000 m2 d’exposi- et les façades pour en alors dévoilé toute leur fragilité. « On s’est aperçu tion), réservant le troisième à l’administration : assurer la préserva- que certains embouts (NDLR : les parties fichées « Quand le public accède à des salles situées à plus tion... Quand le Dépar- dans le mur) étaient pourris », commente Michel de 8 mètres de hauteur, les exigences de la régle- tement l’a acquis, Dutoit. mentation sont plus importantes : il faut encloi- il s’est retrouvé pro- sonner les cages d’ascenseur, installer des planchers priétaire d’un bâtiment Travail de titan coupe-feu, etc., ce qui aurait pu défigurer le bâti- vide et fragile. Il faut Que faire ? Un échafaudage a été monté, pour y ment », explique Michel Dutoit. saluer son courage déposer la toiture, ce qui a permis de remplacer d’avoir pris les moyens les embouts les plus dégradés, les autres étant Accessibilité des salles de mener à bien ce pro- traités avec de la résine. Très abîmée, une poutre Pour l’accessibilité des personnes en situation de jet. En tant que maître en chêne de 11,5 mètres a été changée en totalité. handicap, le Département a souhaité aller plus loin d’œuvre, ma mission Il a fallu deux grues pour la faire rentrer par une que la réglementation, afin d’obtenir le label « Tou- a été de faire prendre fenêtre. Elle a ensuite été sculptée sur place. risme et handicap ». Un seul exemple : pour ren- conscience aux inter- Autre surprise : derrière les boiseries, certains élé- dre toutes les salles du musée accessibles, un venants sur le chantier ments de maçonnerie se sont avérés très dégra- ascenseur a été installé, qui s’arrête aux deux de la qualité de ce bâti- dés. Une reprise générale a été engagée pour sta- niveaux du premier étage correspondant à deux ment exceptionnel. » biliser l’ensemble du bâtiment. Bref, un travail de parties du bâtiment entre lesquelles il n’y a que titan... doublé d’un travail d’orfèvre : toutes les boi- 60 centimètres de dénivelé. series ont été déposées, restaurées et reposées ANTOINE PLATTEEL avec le souci de restituer l’aspect originel d’es- Retrouvez notre reportage vidéo sur la restauration du musée dépar- paces intérieurs, pour certains majestueux : la temental de Flandre sur www.cg59.fr

Novembre 2010 LE NORD 21 histoire

Hôtel de la Noble-Cour : une histoire riche et méconnue L’histoire de l’hôtel de la Noble-Cour remonte au Moyen- Âge. Les archives, même lacunaires, permettent de retra- cer les grandes heures d’un bâtiment souvent remanié. Châtellenie Sur le toit du bâtiment, les lucarnes aveugles repré- Cassel en 1640 senteraient les juridictions Au premier plan, on aperçoit l’hôtel de la Noble-Cour avec une tour plus élevée que de nos jours. du territoire de Cassel. Plan de Cassel en 1640, gravé par Vesdatus Du Plouich, Lithographie, 62 x 52 cm. COLLECTION DU MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE FLANDRE, CASSEL Au Moyen Âge, la châtel- lenie (ambacht en Fla- mand) est un territoire placé sous l’autorité d’un seigneur. Celle de Cassel comprend neuf vier- schaeres (juridictions dotées d’un tribunal jugeant les affaires civiles) : Cassel, Steen- voorde, , , Bavin- chove/Staple, Ebblin- ghem/, Bolle- zeele/, /Broxelles/ /Leder- zeele, et Wydebrouck. La cour de justice de la châtellenie de Cassel, L’hôtel de la Noble-Cour avait, à la fin du Moyen- Tortures en sous-sol située dans l’hôtel de Âge, deux fonctions principales. Il était le siège de Au XVIe siècle, la façade de l’hôtel de la Noble-Cour la Noble-Cour, était com- la châtellenie de Cassel (lire ci-contre) et abritait a été reconstruite selon une architecture inspirée posée depuis le XVIIe siè- une cour de justice. Il est attesté qu’en 1218, la com- de la Renaissance italienne. Parallèlement, le bâti- cle de douze membres tesse Jeanne de Flandre prend possession de la châ- ment est agrandi par l’édification d’une aile à renouvelables tous les tellenie de Cassel et y instaure une cour de justice. l’est, perpendiculaire au corps principal. ans sur nomination du Celle-ci devait être située à l’emplacement du bâti- En 1631, un incendie ravage l’hôtel de ville de Cas- gouverneur des Pays- ment actuel. Les fouilles archéologiques menées sel. Le 1er octobre, l’administration municipale Bas, puis du roi une fois à l’occasion de la rénovation de l’hôtel de la Noble- s’installe provisoirement à la Noble-Cour. Les Cassel rattachée à la Cour n’ont cependant pas permis de déterminer archives attestent qu’à la même époque, la cave France. Les vierschaeres s’il existait un bâtiment initial avant le XIIIe siè- abrite un chevalet de torture (un pynbank). N’ou- ont été supprimées en cle ou si la création de la cour de justice a entraîné blions pas que l’hôtel de la Noble-Cour a une voca- 1774 par Louis XVI. La l’édification de l’hôtel. tion de justice et les interrogatoires préalables châtellenie et la Noble- Quoi qu’il en soit, du XVe au XVIIIe siècle, la châ- étaient plutôt musclés. Cour ont été supprimées tellenie de Cassel passe sous contrôle des Habs- Au XVIIe siècle, la tour qui flanque l’hôtel à l’ouest, en 1789. bourg puis est rattachée au royaume de France en côté cour, était plus haute que de nos jours. Elle 1678 par le Traité de Nimègue. représentait la puissance politique et judiciaire de

22 LE NORD Novembre 2010 1218 C’est à cette date que Jeanne de Flandre prend possession de la châtellenie de Cassel et décide d’y installer une cour de justice dans l’hôtel de la Noble-Cour.

la cour de Cassel, mais servait également de tour de guet dominant le territoire de la châtellenie. Foch à Cassel : les heures Avec la bataille de Cassel (victoire du duc d’Orléans, frère de Louis XIV, face aux Hollandais et Espa- les plus angoissantes de sa vie gnols de Guillaume d’Orange les 10 et 11 avril 1677), la ville est annexée à la France. Peu de « Au maréchal Foch, la ville de Cas- temps après, la tour octogonale a été arasée pour sel et les Flandres reconnaissantes. » ainsi effacer le symbole de souveraineté des comtes Cette dédicace qui figure sur la sta- de Flandre et des Habsbourg. tue de Foch à Cassel est embléma- tique d’un épisode crucial de la pre- Un bâtiment polyvalent mière guerre mondiale. Foch et À partir du XVIIIe siècle, l’histoire s’accélère en Cassel, c’est l’histoire d’une brève même temps que les documents d’archives se rencontre. Comme un havre de paix font plus nombreux. Ainsi, en 1718, plusieurs au milieu de la tempête de fer et de pièces de l’hôtel de la Noble-Cour sont louées à un sang qui balaye, en ce mois d’octobre Le bureau de Foch particulier. À la Révolution, la juridiction de la châ- 1914, les Flandres belge et française. Le bureau du maréchal Foch tel qu’il est tellenie ainsi que la cour de Cassel sont supprimées Les Allemands ont envahi le Nord de présenté aujourd‘hui au sein du musée départemental de Flandre. PH. PH en même temps que les droits féodaux. la France. En octobre 14, le général Ainsi, en octobre 1791, la municipalité s’installe est nommé com- dans la mesure où les Alliés ont réussi dans le bâtiment, mais une partie est louée à un mandant en chef de la zone Nord, en à contenir les Allemands, au prix de certain Alexandre Thirion qui, vers 1800, ouvre compagnie du général Joffre. Pour lourdes pertes humaines. Il dira plus une auberge à la Noble-Cour. L’aubergiste est éga- mener à la victoire les troupes alliées tard avoir passé à Cassel, « les heures lement tenu de conserver les archives de l’an- qui font face à l’ennemi, d’Ypres à les plus angoissantes de (s)a vie ». cienne châtellenie. Cassel, Foch installe son quartier Le 6 août 1918, il est fait maréchal À partir de 1900, le bâtiment abrite une salle d’at- général dans l’hôtel de la Noble-Cour, de France. C’est paré de ce titre qu’il tente pour l’arrêt du tramway, ainsi qu’une sorte dans ce qui était le bureau de la reviendra à Cassel, le 7 juillet 1928, de relais postal. L’année suivante, la Caisse Caisse d’épargne. pour l’inauguration de sa statue au d’épargne s’installe également dans une salle, Il restera à Cassel jusqu’en avril 1915. sommet du mont. moyennant le versement d’un loyer à la Ville de Sa mission fut couronnée de succès Cassel.

Monument historique En 1910, l’hôtel de la Noble-Cour est classé au titre des Monuments historiques. Le bâtiment continue néanmoins d’accueillir, outre la mairie, la sous-préfecture, une école et un poste de gen- darmerie. Durant la première guerre mondiale, on y entrepose aussi les pièces du cabinet d’histoire naturelle d’un collectionneur, M. Vanoverschelde. Au sortir de la guerre, la maire échafaude des pro- jets de musée consacré au folklore flamand ou à la première guerre mondiale. En 1940, les élé- ments les plus intéressants des collections sont sau- vegardés au musée de Compiègne. Il faut dès lors attendre 1964 pour qu’un musée d’art, d’histoire et de folklore flamand voie le jour dans l’hôtel de la Noble-Cour. On connait la suite, mais cela est une nouvelle histoire... ARNAUD RAES Foch à Cassel au début de la première guerre mondiale Les généraux Foch et Joffre se rendant bras dessus, bras dessous, dans la cour de l’hôtel du Sauvage à Cassel. Photographie 1914 – 1915, 11,4 x 16,9 cm COLLECTION DU MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE FLANDRE, CASSEL.

Novembre 2010 LE NORD 23 côté jardin

Découvrir les prairies, la houblonnière et se cultiver en passant par le jardin

Dans le projet de restauration, l’idée de variétés avec des cônes de tailles et de couleurs différentes, originaires des grandes régions brassicoles du monde (Angle- d’aménager les terrains en friche terre, Allemagne, Belgique, Tchéquie, France…) ont ici trouvé à l’arrière du musée s’est imposée. leur place. « Le houblon, à l’image de l’orge ou du lin, fait par- tie de l’identité de la Flandre, insiste Guillaume Lemoine. Il s'agit Un jardin flamand a été créé. par ces cultures de faire le lien avec les salles thématiques et les œuvres exposées dans le musée (bière, fêtes, gastronomie, ● « Il a d’abord fallu déterminer ce que l’on entendait par jar- costumes...). » din flamand, parce qu’un jardin flamand, ça n’existe pas, explique Guillaume Lemoine, du service des Espaces naturels Le point de départ pour d’autres balades sensibles du Département qui a accompagné l’équipe du musée Et si cette balade dans le jardin du musée vous donne envie dans l’aménagement du jardin. La seule particularité du jardin d’en savoir plus sur la végétation et de poursuivre vos pérégri- flamand, c’est le côté très ordonné, “propre” ; il n’y a pas d’es- nations à travers les monts de Flandre, il existe bien d’autres pèces caractéristiques. » L’architecte-paysagiste Antoine Van espaces de nature et/ou de culture à découvrir. « Le jardin sera Oplynus, qui a travaillé sur le projet, a conçu le jardin « comme aussi une invitation à visiter d’autres sites ouverts au public, la suite du musée et non comme quelque chose qui lui est accolé, des sites gérés par le Département au titre des politiques de avec l’idée d’en faire un jardin de l’identité culturelle, naturelle conservation des milieux naturels ou de la culture : parc dépar- et “agriculturelle” flamande. » temental Marguerite-Yourcenar, bois du mont Noir ou encore Espaces naturels sensibles du mont des Cats. » Une végétation typique des monts de Flandre VALÉRIE DASSONVILLE La rampe d’accès de la cour – qui pourra également accueillir des œuvres et des spectacles et d’où l’on bénéficie d’une vue magnifique sur la plaine flamande – permet de rejoindre le jardin en contrebas. Sur environ 1 300 m2, l’espace ouvert à la promenade s’articule autour de « placettes », avec des cultures comme l’orge et le lin, très présents dans la peinture flamande, ou encore la betterave, le chou-fleur, la pomme de terre, la chi- corée ou le poireau…, des prairies (prairies humides, de fauche, vergers). Quelques arbres fruitiers (Reinette des Capucins, Rei- nette des Flandres...) ont été plantés le long des murs. Tout un travail autour des variétés régionales de légumes et de fruits a été mené en lien avec le Centre régional de ressources géné- tiques (CRRG). « On trouve des variétés locales qui symboli- sent l’enracinement dans le terroir et une végétation typique des monts de Flandre, avec des callunes, bruyères, fougères aigles, mais aussi des jacinthes sauvages, qui forment de magnifiques tapis bleus au printemps, et de l’ail des ours, chers à Margue- rite Yourcenar, indique Guillaume Lemoine. Des joubarbes et sédums ont envahi les anfractuosités des murs déjà colonisés par la corydale jaune. Nous avons voulu être rigoureux jusqu’au bout. » Un autre espace, la houblonnière érigée sur le terrain prêté par la Caisse d’épargne, dont l’agence jouxte le musée, décline le houblon sous toutes ses formes : houblon à grandes feuilles Houblon et lin, cultures flamandes traditionnelles, font partie des plantes vertes, à petites feuilles vertes, à feuilles dorées… Des dizaines du jardin du musée. PH. EMMANUEL WATTEAU - PHILIPPE HOUZÉ

24 LE NORD Novembre 2010 À perte de vue Le jardin s’articule autour de placettes semées de plantes que l’on retrouve dans la peinture flamande. Sur cette photo prise fin septembre, elles n’étaient pas encore sorties de terre. Mais du jardin, on peut déjà admirer la vue imprenable sur la plaine de Flandre. PH. PHILIPPE HOUZÉ

Chères jacinthes GÎTES Chères à Marguerite Yourcenar, DES ABRIS POUR LES CHAUVES-SOURIS les jacinthes sauvages que l’on trouve au mont Noir ● La cave du musée, voûtée en briques, est un agrémenteront le jardin site d’hivernage idéal pour les chauves-souris. du musée. PH. EMMANUEL WATTEAU Elle s’étend sur 20 mètres de long, comporte des cavités et constitue un endroit tranquille. Une découpe a été réalisée dans la porte pour en per- mettre l’accès à ces petits mammifères volants. Dans le jardin, un pan du mur de clôture a été reconstruit : des espaces creux y ont été amé- nagés, dissimulés par des plantes qui poussent dans les interstices des briques. L’objectif sera là d’offrir aux chauves-souris un lieu de repro- duction. Un second « gîte » a été installé dans une cheminée exposée au sud dans la cour du musée, là encore pour leur permettre de se reproduire.

Novembre 2010 LE NORD 25 Le Musée départemental de Flandre expos vous propose, plusieurs fois par an, une série d’expositions temporaires. « Sensualité et volupté » pour commencer en beauté

L’exposition inaugurale est consacrée à la femme. Intitulée « Sensualité et volupté », elle présente le corps fémi- nin dans la peinture des XVIe et XVIIe siècles. À voir sans modération jusqu’au 23 janvier 2011.

Cette exposition dévoile pour la première fois, au travers d’œuvres de Rubens, Jor- daens, Floris, une spécificité méconnue de la peinture flamande : la femme, peinte de manière épanouie et sensuelle, loin de toute idéalisation. De grands musées internationaux (musée Royal des Beaux-Arts de Bruxelles, Staat- liche Museum de Berlin, Kunsthistori- sche Museum de Vienne, National Gallery de Londres, musée Thyssen-Bornemisja de Madrid et Israël museum de Jérusalem) ainsi que des collectionneurs privés ont Marie-Madeleine endormie Cette huile sur bois est présentée lors de l’exposition « Sensualité et volupté » prêté des œuvres exceptionnelles. Beau- au Musée départemental de Flandre. COLLECTION PRIVÉE. PH. CHRISTIAN VIBERT. coup sont inédites et sont pour la pre- mière fois dévoilées au public. devant le corps féminin. Les peintres fla- peu de peintres flamands se sont essayés Cette exposition est construite autour de mands osent montrer l’homme incapable à ce style. Dommage, diront certains. trois axes : exaltation de la chair, tentations de cacher ou de maîtriser ses pulsions. ARNAUD RAES et plaisir charnel. Vieillards ou satyres, la femme semble La première partie expose l’évolution de toujours échapper à ses poursuivants et la représentation du corps féminin aux demeure intacte, maîtresse de son corps XVIe et XVIIe siècles. À cette époque, les et de ses désirs. L’exemple le plus repré- formes s’arrondissent, la chair est blanche sentatif est Adam et Ève confrontés au et lisse, comme chez Rubens. Le nu appa- péché originel. La passion charnelle prend raît essentiellement dans les sujets peu à peu le pas sur la faute. Spranger, bibliques ou mythologiques. Ainsi Vénus de son côté, pousse encore plus loin la est l’incarnation de la beauté féminine et fusion des corps d’Adam et Ève. Trou- les peintres flamands s’inspirent beau- blant. coup des Vénus « italiennes » de Titien ou du Tintoret. Salons de l’érotisme À la fin du XVIe siècle, apparaît le manié- La dernière partie de l’exposition est risme érotique, sous l’impulsion de Bar- consacrée au plaisir charnel et particuliè- tolomeus Spranger. La femme est repré- rement au festin des dieux ou aux Bac- sentée davantage en mouvement. chanales. Dans un entremêlement de corps, le regard se perd, on en oublie les Tentations détails, qui pourtant confèrent à la scène La seconde partie de l’exposition est consa- une dimension assez osée. crée aux tentations. Certains thèmes Au XVIIe siècle, sous l’impulsion d’un comme Suzanne et les vieillards, Le Som- peintre comme Van Balen, il existe un Vénus et Mars surpris par Mercure meil de Diane ou Pan et Syrinx, sont pré- engouement pour de telles représenta- Bartholemeus Spranger (1546-1611). texte à représenter le désir masculin tions s’appuyant sur la mythologie. Mais KUNSTHISTORISCHES MUSEUM. PH. KHM, WIEN.

26 LE NORD Novembre 2010 Des expos temporaires pour faire durer le plaisir

D’autres expositions temporaires ● Pieter Coecke Van Aelst et les peintres se tiendront au Musée départemental maniéristes de son époque. de Flandre dans les mois à venir. Printemps 2012. En voici un avant-goût... Pieter Coecke d’Alost est un peintre fla- mand du XVIe siècle qui fut influencé notamment par Léonard de Vinci. ● « Aux portes du chaos. L’arrière-front en Flandre en 14-18. » Du 6 mai 2011 au 28 août 2011. ● Marguerite Yourcenar Cette exposition historique aborde un et la peinture flamande. thème inexploré, celui des mouvements Printemps 2012. à l’arrière du front entre 1914 et 1918. Dans le cadre du 25e anniversaire de la L’organisation logistique joue en effet un mort de Marguerite Yourcenar, le Musée rôle primordial dans l’approvisionne- départemental de Flandre et la Villa dépar- ment en hommes, en munitions, en tementale Marguerite-Yourcenar propo- vivres, dans la zone de combats. sent une exposition pluridisciplinaire où Ainsi, par la mise en place de voies et de se croisent littérature et peinture. moyens de communication, souvent Ready to start Une manière de voir autrement la subti- novateurs à l’époque, à l’instar de l’avia- William Orpen (1878-1931), autoportrait de 1917. lité de la peinture flamande et de décou- Huile sur bois. tion à laquelle le général Foch ne croyait IMPERIAL WAR MUSEUM DE LONDRES, INV ART 2380. vrir toute la complexité d’un personnage guère, par la création de postes de secours, littéraire d’exception. de cantonnements, de camps d’entraîne- ment, de prisons, la vie derrière le front Rens : www.museedeflandre.cg59.fr prend forme. Des témoignages vibrants, des objets rares, des documents d’archives inédits vous permettront d’apprécier un aspect méconnu de la première guerre mon- diale en Flandre*.

● « La sculpture baroque dans Des ateliers les collections publiques françaises. » pour tous Du 15 octobre 2011 au 30 janvier 2012. Première rétrospective consacrée à la Toute l’année, le Musée départe- mise en valeur de la sculpture baroque mental de Flandre organise des flamande dans les collections françaises, visites de groupes et des ateliers que ce soient celles des musées ou des pédagogiques pour tous les publics, églises. des tout-petits aux adultes. Cette exposition aura à cœur de révéler Quatre possibilités sont offertes : tout le génie des sculpteurs flamands, une visite libre, une visite accompa- très mal connus du grand public. gnée par un animateur, un atelier Le commissariat de cette exposition sera jumelé à une visite libre ou un atelier assuré par Alain Jacobs, spécialiste de la jumelé à une visite accompagnée. sculpture baroque flamande. Les réservations sont obligatoires au 03 59 73 45 59. * Exposition présentée dans le cadre du projet européen La Pénitente (1684) Rens : www.museedeflandre.cg59.fr de coopération transfrontalière « Mémoires de la grande Guillaume Kerricx le Vieux (1652-1719). guerre ». Terre cuite. CASSEL, MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE FLANDRE.

Novembre 2010 LE NORD 27 BALADE Pour un jour, un week-end ou pour toute une vie, le charme pittoresque du pays casselois vous prend le cœur et vous emmène en voyage... ENTRE MONT ET MERVEILLES

n 1803 Bonaparte disait à propos beaux jours, quand le vent du nord soulève, frivole, les jupes de Cassel : « la butte offre la vue des géants de Flandre. De son passé tumultueux, Cassel n’a rien du plus magnifique tableau que oublié. Architecture, patrimoine, monuments et musées s’élè- la nature ait dessiné dans un pays vent partout, de Steenvoorde à , d’ à de plaine. » Le futur Napoléon Ier, . qui avait admiré les pyramides Ces villages se laissent découvrir au pas du promeneur. Ce coin égyptiennes d’en bas, s’extasiait de Flandre est en effet irrigué de dizaines de chemins de ran- sur la Flandre vue d’en haut. Il donnée, loin du tumulte et de la pollution des villes. Et puis, n’avait pas tort. Du haut de ses bien sûr, il y a les traditions. L’accueil, la fête, les spécialités culi- 176 mètres, Cassel contemple la naires, la bière et la limonade à la violette, tout un joyeux cock- riante campagne des alentours. À tail à savourer dans les fameux estaminets qui jalonnent ses pieds, de paisibles villages semblent avoir été façonnés par immanquablement vos pérégrinations en terre casseloise. ■ d’experts tailleurs de pierre. Les moulins proprets tournent aux ARNAUD RAES

28 LE NORD Novembre 2010 Vu du mont Les paysages du pays casselois se laissent découvrir au pas du promeneur. PH. PHILIPPE HOUZÉ

Novembre 2010 LE NORD 29 BALADE À la découverte de Cassel

rappellent le passage du haut militaire, qui basa son quartier Cassel regorge de trésors à découvrir général à Cassel en 1914-1915 pendant la bataille de l’ (lire aussi p. 23). au fil d’une balade qui invite Tout près de la statue, le Kasteel meulen, moulin du château, à se perdre dans les rues et ruelles ou plutôt sa copie (le moulin du château qui tournait sur la col- line depuis 1562 a été détruit par un incendie en 1911). Tou- où tout respire la Flandre. jours en état de fonctionnement, le moulin produit encore de la farine que l’on peut même acheter. ● À Cassel tout commence souvent par la Grand-Place. Point central de la ville, elle est à elle seule un trésor de la Flandre. Jardin à l’anglaise L’hôtel de la Noble Cour, aujourd’hui musée départemental de En continuant à se balader sur la terrasse, d’où on ne manquera Flandre, y trône majestueusement. Juste à côté, dans l’ancien pas de contempler le panorama sur la plaine flamande, on tra- hôtel particulier du Prévost Saint-Pierre, datant du XVIIIe siè- verse le jardin public. Dessiné à l’anglaise, avec ses parterres cle, il faut pousser la porte de l’office de tourisme Cassel Hori- bien rangés, ce jardin est classé. Plus loin, au centre de la ter- zons, notamment pour découvrir son centre d’interprétation. rasse du château se dresse le monument qui rappelle le passé Sur 300 m2, cet espace déploie les secrets de Cassel et des alen- mouvementé de Cassel, rythmé par les batailles : celle de 1071 tours : les traditions, le carnaval, l’architecture, les estaminets… (victoire de Robert le Frison sur le roi de France), celle de 1328 Une manière ludique de faire connaissance avec la ville. (défaite des communiers flamands, révoltés contre le Comte En face de ces deux bâtiments, on ne peut que remarquer une de Flandre) et celle de 1677 (victoire des troupes de Philippe fontaine monumentale en pierre de taille. Construite au XVIIIe d’Orléans, frère de Louis XIV, sur celles du Prince Guillaume siècle, elle est alimentée par un puits cruciforme, au moins aussi d’Orange). Le monument se trouve au centre d’un très joli jar- vieux que l’ancien hospice des Chanoinesses (dans l’actuelle din, « Le carré des bulbes », clin d’œil à la culture de la tulipe, rue Desmyttère) du XIIIe siècle. véritable folie dans la Flandre du XVIIe siècle. Au bout de ce carré, un monument au travers duquel on peut Un point stratégique apercevoir une volée de marches s’enfonçant dans le sol. « Ici Grimpons ensuite au sommet s’élevait la collégiale Saint-Pierre (église du château) construite du mont qui culmine à 176 en 1072 à la demande de Robert le Frison, comte de Flandre, Grandes ailes qui l’avait choisie comme dernière demeure Le Kasteel meulen mètres en passant par la porte », peut-on lire sur produit encore du château (vestige des fortifica- le monument. En bas des marches, la crypte abritait en effet de la farine. PH.PH. tions du château de Cassel). Point les restes du Frison qui furent malheureusement dispersés et hautement stratégique de la ville, dont le tombeau fut saccagé. la terrasse du château conserve Derrière la crypte, descendons les marches pour nous rendre à la collégiale Notre-Dame-de-la-Crypte. Maintes fois remaniée, cette hallekerque, aujourd’hui en rénovation, mérite le détour. Pour ceux qui le désirent, reste encore à découvrir les différentes portes de la ville (portes d’Aire, d’Ypres et de Dunkerque), la chapelle de Horne, le collège des Jésuites ainsi que les maisons typiques disséminées dans la ville. Les autres pourront toujours terminer leur balade par la dégustation d’une bonne bière ou le souvenir des nombreux com- d’une gaufre sur la Grand-Place de Cassel. bats qui ont marqué la cité. En allant vers la gauche, on décou- ALEXANDRA PIGNY vre la statue du maréchal Foch, qui, juché sur son cheval, conti- Office de tourisme Cassel horizons nue de scruter l’horizon. Elle tél. 03 28 40 52 55. www.cassel-horizons.com fut inaugurée en 1928 en Téléchargements de balades audio disponibles sur www.pays-de-cassel.fr présence du maréchal lui- même. De nombreux monuments et plaques

30 LE NORD Novembre 2010 LA STATUE DE FOCH AU BOUT DES REMPARTS, LE MONUMENT DERRIÈRE LA COLLÉGIALE, EN HAUT DE LA BUTTE LA PORTE D’AIRE DES TROIS BATAILLES LE COLLÈGE DES JÉSUITES • Sur le socle de la statue • En continuant la route, au bout • Le monument des Trois batailles • Derrière la Collégiale se trouvait le située sur la terrasse du château, du chemin des remparts, on arrive rappelle le passé mouvementé de couvent des pères Jésuites, construit on peut lire : à la porte d'Aire, vestige des Cassel, assiégée, prise ou reprise au XVIIe siècle. Les bâtiments ont « Au maréchal Foch, la ville de Cassel fortifications, détruite au XVIIe siècle treize fois, dévastée dix fois, démolie disparu, à l'exception de la façade et les Flandres reconnaissantes. » et reconstruite au XIXe siècle. cinq fois et bombardée trois fois ! de la chapelle, datée de 1627.

Grand-Place Les façades à l’architecture flamande tiennent leur rang sur la place de Cassel. PH. PH

Hallekerque La collégiale Notre-Dame-de- la-Crypte est une traditionnelle église flamande . PH. PHILIPPE HOUZÉ

Promenade Le chemin des remparts, ancien chemin de ronde créé dès l’époque des Celtes, a traversé quasiment 2 000 ans d’histoire. PH. PH

Novembre 2010 LE NORD 31 BALADE Musées de Flandre, musées de France

vre de Breughel d’Enfer, Drolling, Hemskerk ou de Braekeleer. Ils ont le charme de ces musées bien Enfin, des céramiques émaillent cette remontée dans le temps, accompagnées de sculptures en bois des XVIe et XVIIe siècles dans leur territoire, la Flandre. À Bailleul, d’une touchante simplicité. Hazebrouck et , les musées En contemplation, au couvent des Augustins d’Hazebrouck ont le label Musée de France*. Consacré en 1616, le couvent des Augustins d’Hazebrouck est le plus beau bâtiment conventuel du Nord Pas-de-Calais. Depuis ● Dans sa bonne ville de Bailleul, Benoît de Puydt était gref- 1927, il abrite un musée municipal créé par l’abbé Jules Lemire, fier de justice de paix. Ce célibataire, collectionneur passionné, qui fut député-maire d’Hazebrouck. glana au cours de sa vie 7 000 œuvres et objets d’art, témoins Le musée ne renie pas ses racines populaires : cinq géants pro- de la culture flamande du XVe au XIXe siècle, qu’il exposa chez cessionnels rythment la balade du visiteur, qui se poursuit lui. À sa mort, en 1859, il légua ses collections et sa maison à dans la cuisine flamande, ornée de plats et d’assiettes en faïence la ville, à condition qu’elle en fît un musée. Ce vœu fut exaucé. de Delft, Saint-Amand, Saint-Omer et Torhout. Mais la guerre 14-18 rasa 95 % de Bailleul et n’épargna pas la La déambulation devient contemplative dans les galeries du belle demeure. cloître, qui présentent une belle collection de tableaux fla- Reconstruit, le musée Benoît-de-Puydt fut inauguré en 1934. mands et hollandais : peinture religieuse (Jan Thomas d’Ypres), Enrichi par des acquisitions et des dons, ce musée ressuscite scènes de genre (David Teniers le Jeune), portraits (Pieter de la Flandre d’antan. Finement décorés et dotés de tiroirs secrets, Grebber), sujets mythologiques (Rubens) ou paysages (Kerstiaen sept cabinets flamands et italiens constituent la plus grande de Keuninck), toutes ces œuvres s’imposent par leur puissance collection du genre au nord de Paris. L’autoportrait de Pharaon et leur finesse d’exécution. Les amateurs ne seront pas insen- de Winter, illustre élève de l’académie de peinture de Bailleul, sibles aux somptueuses pièces d’orfèvrerie provenant pour la règne sur la belle salle qui lui est consacrée. Ce tableau sévère plupart de l’église Saint-Éloi. Enfin, le musée expose des toiles n’est pas sans parenté avec celui d’Alexis Bafcop, qui a peint académiques de l’école française des XIXe et XXe siècles, signées Benoît de Puydt en grande tenue. À l’étage, une salle a été recons- Lucien Jonas, César Pattein ou Zéphyr de Winter. truite à la dimension de la monumentale tapisserie des États de Flandre (XVIIIe siècle). Réparties dans À Bergues, un musée monument historique tout le musée, des toiles flamandes aux Ce fut longtemps le Mont-de-Piété de Bergues : un bâtiment couleurs délicates sont peuplées de per- aux belles proportions, construit en 1630 par l’homme qui sonnages pittoresques. Elles sont l’œu- conçut les wateringues, , un bâtiment Bergues épargné par les guerres et les incendies et classé monument Construit en 1630 et classé historique. En 1956, on y installa le musée municipal. Son fonds Monument historique, le Mont-de-Piété est constitué pour l’essentiel de saisies révolutionnaires. De l’an- accueille cienne et riche abbaye bénédictine de Saint-Winoc, à Bergues, le musée proviennent des toiles flamandes, hollandaises ou françaises, municipal. PH. PH. parmi lesquelles le célèbre Vielleur au chien, peinte par le Lor- rain Georges de la Tour vers 1620. Le musée possède également une collection de 1 500 dessins, en cours de restauration, légués par un collectionneur berguois directeur de l’académie d’Anvers, Pierre-Antoine Verlinde. Cette collection comporte quelques chefs d’œuvre (Van Dyck, Poussin, Sébastiano del Piombo ou Le Brun), non exposés pour l’instant. Autre spécificité du musée : son fonds comprend 103 aquarelles de moulins, des Pays-Bas à la Bretagne, peintes par le boulonnais Pierre Drobecq au début du XXe siècle. ANTOINE PLATTEEL

* Les musées municipaux de Bailleul, d’Hazebrouck, de Bergues et le musée départemen- tal de Flandre à Cassel ont constitué le réseau des musées de France de Flandre, lequel met en place des échanges et des prêts d’oeuvres, des expositions communes, etc.

32 LE NORD Novembre 2010 LE CHARME DISCRET À BAILLEUL, ON FAIT GÉANTS POPULAIRES ET UN LIEU PROPICE À DE LA BOURGEOISIE DANS LA DENTELLE MAÎTRES DE LA PEINTURE LA CONTEMPLATION • Fin XIXe, Henri Deturck a peint ces • Chaque lundi après-midi, la direc- •Les géants d’Hazebrouck ont été • À Hazebrouck, sculptures Confidences, entre une mère et sa trice de l’école de dentelles de Bailleul, déposés au musée des Beaux-Arts baroques et peintures flamandes fille. Cette « scène de genre » Brigitte Vitse, fait une démonstration par l’association des amis de Tisje- trouvent parfaitement leur place restitue un moment dans le quotidien de fabrication de dentelles à l’inten- tasje. Les salles de l’ancien couvent dans les galeries du cloître de l’ancien d’une famille bourgeoise... tion des visiteurs du musée. sont assez hautes pour ça ! couvent des Augustins.

Bailleul Au musée Benoît-de-Puydt, l’imposant autoportrait de Pharaon de Winter fait forte impression sur les visiteurs... PH. PH PRATIQUE

Bailleul 23, rue du Musée. Ouvert tous les jours de 14 h à 17 h 30 sauf le mardi. Entrée : 3,70 ¤ (2,80 ¤ enfant). Tél. 03 28 49 12 70. Hazebrouck place Georges-Degroote. Ouvert mercredi, jeudi et samedi de 10 h à 12 h et 14 h à 17 h, le dimanche de 10 h à 12 h et de 15 h à 18 h. Entrée : 2,70 ¤ (1,35¤ enfant). Tél. 03 28 43 44 46. Bergues 1, rue du Mont-de-Piété. Ouvert mercredi, jeudi, vendredi de 14 h à 17 h, samedi et dimanche de 10 h à 12 h, et de 14 h à 17 h. Entrée : 3,60 ¤ (adulte) et Hazebrouck 1,20 ¤ (enfant). Au musée du couvent des Augustins, Tél. 03 28 68 13 30. on a reconstitué une très belle cuisine flamande. PH. PHILIPPE HOUZÉ

Novembre 2010 LE NORD 33 BALADE Randos en pays casselois

Quand est-ce qu’on mange ? Du haut de ses 176 mètres, le mont Une fois assouvis vos envies d’efforts physiques et vos besoins de culture patrimoniale, vous aurez Cassel offre une vue imprenable peut-être envie de contenter votre estomac. La Flan- sur la plaine flamande et de belles dre casseloise offre de multiples possibilités. Le principe des cafés rando (voir encadré p. 29) convien- perspectives de promenades. dra parfaitement à ceux qui veulent grignoter ou boire un verre tout en mangeant le sandwich sorti du sac. ● Les circuits de randonnée autour de Cassel, édités par le À Cassel et aux alentours, de nombreux établissements Comité départemental du tourisme du Nord, sont nombreux réservent un accueil chaleureux aux randonneurs. et variés : « Sentier des Récollets », « Autour du castellum », Quant à ceux qui veulent consacrer un peu plus de temps au « Vers le Ryveld », « Au cœur de la Flandre »… pour les circuits repas, ils trouveront d’authentiques estaminets pour les accueil- pédestres ; mais aussi « Les Chemins du prince » ou « Les lir. À Cassel, tout d’abord : l’incontournable ‘T Kasteel hof, sur moulins de Flandres » pour les cyclistes. Généralement, la les hauteurs de la ville propose boissons et plats régionaux, mais balade commence en haut du mont Cassel. D’ici par beau aussi de délicieux jus de fruits artisanaux. temps, on a une vue imprenable sur la campagne flamande et Un peu plus loin, à Hondeghem, une grande bâtisse blanche les sept voies romaines (à ne pas confondre avec les routes dépar- aux volets violets trône au centre du village. C’est l’estaminet tementales !). On dit que de Cassel, on peut voir cinq royaumes : de l’ancienne maison commune. À l’intérieur, mobilier, objets la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande- Bretagne et… le et jeux anciens accueillent les visiteurs. L’ambiance est toute royaume des Cieux ! Quoi qu’il en soit, les voies romaines for- aussi chaleureuse à Sercus, au Saint-Érasme. Nappes à car- maient autrefois un réseau de communication rayonnant reaux, décor traditionnel et cuisine maison du chef Patrick Beun autour du mont. Elles témoignent de la riche histoire du lieu. qui tient l’établissement avec son épouse Dominique. Venez goûter au merveilleux potjevleesh et aux profiteroles au cho- Chemins creux et haies bocagères colat. En balade digestive, n’hésitez pas à vous rendre à l’église : Armé de son bâton, car on est ici en territoire vallonné, on quitte son clocher date du XIIe siècle et c’est la patronne de l’estami- le joli centre historique de la ville pour s’engager dans une mul- net qui en possède les clés… titude de petits chemins qui, selon le circuit choisi (voir enca- LAURENCE BLONDEL dré p. 29) vous permettront de découvrir les différents visages de la campagne environnante. À deux pas de Cassel, le mont des Récollets est la réplique broussailleuse et arborée du mont Cassel. Quel que soit l’itinéraire choisi, à pied ou à vélo, vous ne pourrez le manquer. De chemins creux en petites voies bocagères, les itinéraires autour de Cassel mènent à de jolis vil- lages au patrimoine préservé. Ainsi Oxelaëre ou , labellisés « Village patrimoine », ont conservé une architecture traditionnelle flamande : maisons basses aux tuiles vernissées noires, église entourée de son cimetière et traditionnelles hofs- tèdes, fermes flamandes isolées entourées de leur pâture. Au détour d’un croisement, vous rencontrerez sans doute une chapelle. Certaines, comme la chapelle Notre- Dame-des-Champs à Sainte-Marie-Cap- À pied De nombreux circuits de randonnée pel rappellent l’histoire géologique du (pédestres, VTT) permettent lieu : il y a 50 millions d’années, la de découvrir Cassel et ses alentours. PH. CB région était recouverte par la mer. En se retirant, celle ci a laissé des sables ferrugineux qui se sont solidifiés et sont devenus des grès, lesquels se sont agglomérés aux galets de mer…

34 LE NORD Novembre 2010 À CASSEL À VÉLO, TERDEGHEM, À LA GRÂCE DE NOTRE- HALTE À LA MAISON ON DÉPASSE LES AUTOS VILLAGE PATRIMOINE DAME-DES-CHAMPS COMMUNE • Le relief des monts de Flandre • Maisons basses, tuiles vernissées • Les chapelles jalonnent les sen- • Au centre de Hondeghem, attire de nombreux cyclistes et noires, l’architecture flamande est tiers. À Sainte-Marie-Cappel, la l’estaminet de l’ancienne maison VTTistes. Ils trouvent ici une mise à l’honneur dans de nombreux façade de Notre-Dame-des-Champs commune propose aux randonneurs multitude de chemins balisés villages autour de Cassel. se compose de roches agglomérées et autres visiteurs de se restaurer qui font travailler leurs mollets. Ici, à Terdeghem. de grès ferrugineux et de galets. et de se détendre en jouant.

Du haut des toits Du haut du mont, on a une vue imprenable sur les toits de la ville et la campagne environnante. PH. CB

C’est à boire (et à manger) qu’il nous faut Au Saint-Érasme, à Sercus, on peut déguster PRATIQUE des plats et boissons typiquement flamands. PH. CB RANDONNÉES Le Comité départemental Ânes en Flandre du tourisme (CDT) Noordpeene. Tél. 03 21 12 10 79. propose de nombreuses fiches de randonnée ESTAMINETS (à pied, à vélo, à VTT et Estaminet de l’ancienne maison à cheval). À noter une nouvelle commune, Hondeghem, pochette regroupant 28 balades Grand-Place, tél. 03 28 41 39 59. intitulée « Il était une fois les monts de Flandre » (2 euros). Le Saint-Érasme Une sélection de fiches de 18, route de , Sercus randonnée est téléchargeable tél. 03 28 41 85 43. sur le site : www.rando-nord.fr ‘T Kasteel hof, Cassel, Le CDT propose également un rue Saint-Nicolas, tél. 03 28 40 59 29. court séjour de randonnée à Cas- sel incluant une pochette rando, CAFÉS RANDO une nuit en hôtel de prestige, Reconnaissables à l’enseigne un repas dans un estaminet et installée en façade, ils réservent l’entrée pour la visite d’un jardin un bon accueil aux randonneurs. remarquable. Un dépliant les répertorie. Il est Comité départemental du tourisme disponible à l’office de tourisme 6, rue Gauthier-de-Châtillon, Lille. intercommunal du Coin de l’Yser : Tél. 03 20 57 59 59. 03 28 62 07 73. Téléchargeable sur www.tourisme-nord.fr le site du CDT. ORIGINAL INFO Ânes en Flandre vous propose de Office de tourisme Cassel horizons partir en randonnée avec un âne. tél. 03 28 40 52 55.

Novembre 2010 LE NORD 35 BALADE Us et coutumes en terre flamande

Avec ses 6,25 mètres et ses 83 kilos, le géant est considéré comme Entre les carnavals, les moulins un protecteur de la cité. En compagnie de son épouse Reuze Maman, guerrière comme lui mais à l’origine poissonnière, il ou encore Reuze Papa et Reuze sort se balader et danser tous les lundis de Pâques dans la ville, Maman, les traditions sont à l’occasion du carnaval d’été. En ce jour de fête et de glorifi- cation du printemps qui renaît, une foule s’empresse alors nombreuses dans le pays de Cassel. pour défiler avec les géants casselois. « Par rapport à ces géants, nous pourrions nous sentir tout petits… Mais en fait, aux côtés ● Connaissez-vous l’origine du mont Cassel ? La légende de ces guerriers, nous nous sentons toujours protégés », explique raconte qu’il y a fort longtemps, un couple de géants, Reuze Jacques Messiant, écrivain hazebrouckois et spécialiste de la Papa et Reuze Maman, transportaient sur le dos une énorme Flandre. motte de terre pour combler un ravin. Arrivés au milieu de la Tous les géants ne sont pas des représentations de personnages. Flandre, ils étaient tous les deux très fatigués. Reuze Maman On retrouve aussi des animaux : le coq-jupon ou encore le che- s’écria alors : « Oh, qu’c’est val-jupon. Ce dernier ouvre le cortège du carnaval de ses coups lourd ! » et pour l’encourager, de fesses ou des coups de baguette qu’il assène aux gêneurs. Reuze Papa lui répondit : Ainsi, chaque printemps à l’occasion des carnavals, les villages «Hardi, fort ! ». Mais la motte flamands sortent de leurs réserves quelque 250 géants, tous de terre tomba sur la plaine… et emblématiques de leur cité. Ceux de Cassel sont conservés au créa le mont Cassel. C’est ainsi musée départemental de Flandre. que les villages d’Oxelaëre et de virent le jour, tout « Ne t’approche pas de l’eau, sinon… » près de Cassel… Autre personnage phare du pays de Cassel : la Marie-Grauette ! Bien des années plus tard, en Bien connue des enfants, cette sorcière rôde au fond de l’eau 1827 très exactement, l’artiste en repérant ses proies préférées : les petites filles orgueilleuses casselois Ambroise Bafcop et les petits garçons pleurnichards… Sous la forme d’une gre- a représenté Reuze Papa nouille avec un visage de femme, des pustules sur le dos et de sous la forme d’un légion- longs crochets à pomme de terre (« grauet » en ancien fran- naire romain. çais) en guise de doigts, la Marie-Grauette est prête à vous atti- rer dans son repaire, parmi les nombreux marécages du pays casselois. Par ailleurs, les paysages casselois peuvent s’enorgueillir de nom- breux moulins. Apports du monde oriental, beaucoup ont été construits au XVIe siècle. Flamands, pour les plus typiques, c’est- à-dire pivotants sur leur socle, comme celui perché sur le mont Cassel, ou hollandais (seul le chapeau pivote, c’est le cas du mou- lin de Steenvoorde), les moulins étaient tous mus par le vent. Jadis, il y en avait une vingtaine sur le mont Cassel et le pre- mier a été construit en 1592. Et vous ne le saviez peut-être pas, mais le moulin que l’on voit aujourd’hui au sommet du mont n’est pas casselois ! Construit au XVIIIe siècle, le Kasteel Meulen vient d’Arnèke, petit village à environ sept kilomè- tres de là. Autres monuments très présents dans le pays casselois : les cha- pelles. Au détour d’une balade, il est fort probable que vous en croisiez une, puisque la ville de Cassel en compte sept à elle Géants e e Lors du carnaval d’été, seule ! Construites entre le XVII et le XIX siècle, certaines sont Reuze Papa et Reuze de véritables bijoux architecturaux. Maman sont de sortie. PH. PH MARIANNE ARHANCET

36 LE NORD Novembre 2010 MARIE GRAUETTE PAR LE MOULIN DE CASSEL JACQUES MESSIANT, UN FESTIVAL QUI LAURENT LIBESSART N’EST PAS CASSELOIS SPÉCIALISTE FLAMAND A DU SOUFFLE • Gare à vous si cette sorcière aqua- • Construit au XVIIIe siècle, le Kasteel • Chevalier des Arts et des Lettres, • Cet instrument à vent aux origines tique vous attrape au bord d’un Meulen vient d’Arnèke. cet ancien instituteur est l’auteur de et au fonctionnement mystérieux est marécage ! Ses doigts griffus vous Il remplace l’ancien moulin, détruit nombreux ouvrages sur la Flandre, mis chaque année en valeur lors de entraîneraient avec elle au fond de par un incendie dans la nuit dont Magie, sorcellerie et croyances Cassel Cornemuses, un festival qui se son antre… du 30 octobre 1911. populaires, paru en 2010. déroule traditionnellement en juin.

Rigolo Les grosses têtes agrémentent le cortège du carnaval. PH. PH

Architecture La chapelle Notre-Dame- PRATIQUE des-Grâces fait partie RENDEZ-VOUS Festival de contes Détours et des sept chapelles situées Raccourcis : sur la commune de Cassel. Carnavals du 4 juillet au 29 août 2011 PH. DOMINIQUE LAMPLA Dimanche 13 février 2011 : À l’occasion de ce festival soutenu carnaval d'hiver à Cassel par le Département, le conte est à Lundi 25 avril 2011 (lundi de l’honneur en pays de Cassel et de Pâques) : carnaval d'été à Cassel l’. Randonnées, repas et Ces deux carnavals sont classés spectacles permettent aux petits au patrimoine mondial immatériel et aux grands de se retrouver par l'UNESCO. autour de conteurs venant de tous horizons. Cassel Cornemuses : week-end du 13 au 15 juin 2011 Le FIBA, festival international À l’occasion de ce week-end festif de bière artisanale : soutenu par le Département, 24 et 25 septembre 2011 venez danser au son des corne- Ce festival a lieu tous les ans muses et des musiques tradition- le dernier week-end de septembre nelles durant trois jours (du à Sainte-Marie-Cappel. vendredi soir au dimanche soir). En plus de la bière, vous pourrez trouver des produits artisanaux Fête du moulin : locaux : pains à la bière, terrines, dimanche 3 juillet 2011 gaufres… Le Kasteel Meulen est à l’honneur le temps d’une journée. INFO Office de tourisme Cassel horizons tél. 03 28 40 52 55.

Novembre 2010 LE NORD 37 LIBRE EXPRESSION

Conformément à la délibération du Conseil général en date du 16 décembre 2002, en application de la Loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, une tribune politique est publiée chaque mois dans Le Nord.

GROUPE SOCIALISTE GROUPE COMMUNISTE GROUPE UNION POUR LE NORD Retraites, territoires, Allez-vous bien ? Trou de mémoire même combat… ● Deux réformes très politiques ont fait ● Difficile de répondre à cette ● « J’ai la mémoire qui flanche, j’me l’automne : la réforme des retraites et question, n’est-ce pas ! souviens plus très bien », chante celle des collectivités territoriales. Deux Derrière ce début de dialogue se cache Jeanne Moreau. Mais cet inquiétant réformes idéologiques et partisanes, le mal vivre qui ravage notre pays et symptôme ne touche pas que tristes symboles du quinquennat UMP. Dans les deux cas, l’histoire est faite de touche des millions de Françaises et de les personnes, il concerne aussi les mensonges et de promesses non Français, jeunes, adultes et retraités. institutions comme notre Département tenues. Début 2008, Sarkozy jurait ne Tout ce qui concerne notre qualité de dont la majorité actuelle socialiste et pas toucher aux territoires : «Je ne vie est broyé sous le rouleau compres- communiste n’est pas épargnée par crois pas que les Français sont prêts à seur des nantis à la richesse insolente les défaillances de la mémoire. renoncer à la légitimité historique des et du pouvoir à leur solde. Ainsi nous inaugurons en grandes départements. » À la même époque, il Imaginez-vous aller au travail jusqu’à pompes le musée de Cassel, mais qui a avouait ne pas avoir reçu de mandat 63, 64, 65, 67 ans ? Alors que dans le décidé de sa départementalisation si pour réformer les retraites : « Je n’en ai même temps des millions de jeunes ce n’est l’Union pour le Nord (UPN), pas parlé pendant ma campagne prési- dentielle », « ce n’est pas un engage- sont au chômage, le remboursement c'est-à-dire l’actuelle opposition qui ment que j’ai pris devant les Français. » des médicaments nécessaires à votre présida aux destinées du Nord Dans les deux cas, c’est plus qu’un revi- santé diminue, le prix de votre nourri- de 1992 à 1998 ? rement, c’est une petite trahison. ture s’envole sous les coups de boutoir Qui a réussi la départementalisation Le général De Gaulle disait que la poli- des patrons des grandes chaînes ali- du remarquable musée Matisse et tique de la France ne se décide pas à la mentaires, le gaz, l’électricité réalisé, à la satisfaction générale, corbeille, avec les forces de l’argent. et l’essence deviennent des produits l’extension du Palais Fénelon qui Le principe a vécu. Aujourd’hui, la de luxe, les financements nécessaires l’abrite, si ce n’est l’UPN ? Qui a mis réforme des retraites n’a qu’un but : à la construction des logements sont fin à la discrimination dont rassurer les marchés financiers. Les diminués par le pouvoir. l’enseignement privé était victime mêmes qui exigent du pays une cure d’austérité : austérité de l’État, austérité Pareille au faire-part de la misère, cette si ce n’est l’UPN ? des collectivités territoriales, austérité liste pourrait s’allonger. Qui a mis en place l’aide aux familles pour les Français. Vous le savez, la richesse de notre pays pour le financement des cantines dans Président depuis trois ans, Sarkozy est est confisquée par une poignée les collèges, si ce n’est l’UPN ? devenu le serviteur le plus zélé des d’individus à l’exemple de C’est encore l’UPN qui avait instauré affaires. Il ne connaît qu’une méthode : Madame Bettencourt. une aide à la restauration du patri- le passage en force au mépris du dia- Mais non, vos difficultés quotidiennes moine remarquable (moulins, églises, logue social et de l’opposition parle- ne sont pas de mauvais cauchemars chapelles, lavoirs…) que vient de mentaire. Soumission des contrepou- qui s’oublient au moment du réveil. supprimer la gauche qui préfère la voirs dans les régions, les communes et les départements. Suppression du droit Vous vivez la réalité d’une droite avide musique électronique à la préservation à la retraite à 60 ans. Maille après de richesses, cela s’appelle de ces témoins de notre histoire. maille, c’est un détricotage scandaleux le capitalisme. Finalement, en six ans que de progrès de nos acquis républicains. Alors, me direz-vous, y a-t-il un remède furent réalisés, dont le journal Citoyens, syndicats, associations, élus, à ce massacre ? Le Nord ne semble pas avoir le droit habitants, tous unis contre les régres- La réponse est oui, oui mille fois : de parler, comme si évoquer les sions sociales et territoriales. Casser la il faut donner de la puissance aux élus bienfaits de l’alternance d’hier risquer décentralisation, casser les retraites, communistes pour qu’enfin leurs pro- de favoriser l’alternance de demain. c’est injurier ce qui fait le progrès, le positions deviennent réalité et que se quotidien et l’avenir des Français. bâtisse une société de justice sociale et D’autres combats nous attendent. Continuons à faire front ! économique pour le bonheur de tous, Didier Manier pour votre bonheur. Président du groupe Jean-Claude Quennesson Jean-René Lecerf « Socialiste et apparentés » pour le groupe Communiste Président du groupe « Union pour le Nord »

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Comment se rendre au musée départemental de Flandre ?

Ostende A10 - E40 Musée départemental de Flandre 26, Grand-Place 59670 Cassel - France Renseignements et réservations : 03 59 73 45 59 A18 - E40 [email protected]

La Panne N 35 Le musée et son équipe vous accueillent VERS OSTENDE/BRUGES Dunkerque Directrice : Sandrine Vézilier A17 - E403 [email protected] Service de la gestion des collections : Cécile Laffon A16 - E40 [email protected] Service communication : Laurence Lessenne

N 8 [email protected]

A25 - E42 Service des publics : Cindy Manon [email protected]

VERS COURTRAI/GAND Ypres

A19 Service administratif : Bénédicte David D 948 N 375 [email protected] D 948 Steenvoorde D916 13 D 933 A Meteren Ouvert 12 St Omer D 933 D916 • Bailleul de 10 h à 12 h 30 et de 14 h à 18 h D 642 du mardi au samedi Hazebrouck

VERS LILLE A25 - E42 A26 - E15 • de 10 h à 18 h le dimanche, du 1er octobre au 30 avril D 652 0 2,5 5 10km LILLE • de 10 h à 19 h le dimanche TRAITEMENT : DGAEPI/DPGP/SIGC SOURCES : DÉPARTEMENT DU NORD - ÉDITION SEPTEMBRE 2010 du 1er mai au 30 septembre Fermé le 1er janvier, lundi de Pâques, museedeflandre.cg59.fr : 1er mai et 25 décembre. le musée sur Internet Accessibilité L’intégralité du parcours d’exposition ainsi que la cour extérieure sont accessibles aux visiteurs à mobilité réduite. Un fauteuil roulant est à la disposition des per- sonnes à mobilité réduite à l’accueil du musée.

Les amis du musée départemental de Flandre Les amis du musée de Flandre comptent à ce jour plus de 70 membres actifs, qui se réunissent régu- lièrement afin d’organiser des visites culturelles, des conférences, etc. dans l’optique de faire rayon- ner le musée départemental de Flandre. Le musée départemental de Flandre dispose depuis cet été de son propre Pour devenir membre des amis du musée départe- site Internet. Vous y retrouverez notamment la présentation des collec- mental de Flandre, contactez la présidente, Mauri- cette Seydlitz au 03 28 42 30 76. tions, le programme des expositions, le plan du musée en version inter- Courriel : [email protected] active (cf. p.15) et toutes les informations pratiques pour bien préparer votre visite ! www.museedeflandre.cg59.fr

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