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Couverture : Portrait de Nicolas Rolin Cliché Jacques Michot

ISSN : 1258 - 0899 ISBN : 2 - 905965 - 11 - 8 Herta-Florence PRIDAT

Nicolas Rolin Chancelier de Bourgogne

Ouvrage honoré d'une aide du Conseil Régional de Bourgogne

Avant-propos

Nicolas Rolin fut, de son vivant, une personnalité très renommée dans la vie publique. C'est la raison pour laquelle les historiens en général, et plus particulièrement les historiens bourguignons, s'intéressèrent à lui jusqu'à sa mort et immédiatement après celle-ci. Ces écrits adoptent différents points de vue, évoquant tour à tour le politicien, le juriste, le financier, l'homme et le mécène. Les documents contemporains - manuscrits et chroniques, pour la plupart d'origine bourguignonne - qui nous renseignent sur lui, tracent un portrait de sa personnalité dans les différentes situations de sa vie ou dans les différentes phases de sa carrière politique. Cependant l'historiographie proprement bourguignonne, qui portait un intérêt naturel à Rolin, prit fin avec la disparition de l'Etat bourguignon en 1477. A partir de cette date, c'est-à-dire déjà pendant les dernières décennies du XVe siècle, la relation des faits concernant les territoires appartenant à la maison des Ducs de Bourgogne fut reprise par l'historiographie française et habsbourgeoise. D'après les documents que j'ai explorés pour mes recherches, Rolin n'est pas mentionné par les historiens jusqu'à la fin du XVe siècle. Je n'ai pu découvrir que trois oeuvres du XVIe siècle qui citent Rolin. Deux des auteurs étaient originaires de Bourgogne, et le troisième avait choisi cette région comme patrie d'adoption. Au XVIIe siècle, ce sont plus particulièrement des écrits émanant du clergé qui mentionnent Rolin, en tant que père du cardinal Jean Rolin. Au XVIIIe siècle, on ne lui rend plus guère hommage que dans des ouvrages généraux sur la Bourgogne. Au XIXe siècle, le nombre d'oeuvres qui traitent de Rolin augmente brutalement, bien qu'aucune d'entre elles ne soit une synthèse. Il s'agit d'articles mettant en lumière, à partir de différents points de vue, divers problèmes particuliers de la vie et de la personnalité de Rolin. A cela s'ajoutent en outre des études publiées dans des revues spécialisées. Les juristes s'intéressent à Rolin en tant que représentant éminent de leur profession. Ce genre de compte rendu se rencontre encore plus fréquemment dans la littérature du XXe siècle. Quel que soit le nombre des textes consacrés à Rolin, la plupart des documents publiés ont été écrits par des Bourguignons, et ont été édités ou imprimés en Bourgogne. A cela s'ajoute un nombre relativement faible d'oeuvres publiées en Belgique et aux Pays-Bas, ainsi que quelques oeuvres écrites par des Allemands et par des Anglais. Quant aux historiens de l'art, c'est dans leurs ouvrages sur l'art du XVe siècle qu'ils rendent hommage à Rolin, en tant que mécène et que fondateur. Comme le montre notre bibliographie, la littérature sur Rolin présente en fait un grand nombre de descriptions particulières, sans rapport les unes avec les autres, et dont en outre les informations se contredisent partiellement. Regroupées dans la présente biographie, ces différentes informations devront être examinées, soupesées et confrontées à des manuscrits et à des comptes rendus à ce jour non encore publiés. Présentation de la situation historique

Situation sociale et religieuse en France au XV siècle

On ne peut comprendre les actions, les réactions rationnelles et la vie affective d'une personnalité historique -si tant est que cela soit possible- qu'en se référant à l'idéologie du temps. Il faut connaître les moeurs, les habitudes, les conditions de vie propres à l'époque et en tenir compte. C'est pourquoi il est important, si l'on veut écrire sur Nicolas Rolin et pouvoir faire preuve à son égard d'intuition psychologique, de tracer d'abord une esquisse de l'esprit de ce siècle dont il est l'enfant. Les principaux facteurs ayant marqué l'esprit du temps furent d'une part l'effort de renouvellement interne et externe de l'Eglise, et, d'autre part, la Guerre de Cent ans entre la France et l'Angleterre. Cette période fut caractérisée par discordance et déséquilibre. Une joie, et bien souvent même une avidité de vivre dans le présent, s'y trouvaient confrontées à l'omniprésence du pressentiment d'une mort prochaine. Une foi, solide- ment enracinée, y faisait pendant à une pratique religieuse purement superficielle. Ces contrastes ne se répartissaient cependant pas entre différentes régions ou différentes couches sociales, mais avaient leur place dans le sein d'un même individu. Louis d'Orléans, qui a joui pleinement de tous les plaisirs de ce monde, avait sa cellule personnelle au dortoir des Célestins, entendait avec eux la messe de minuit, et souvent cinq ou six autres messes encore au cours de la journée. Gilles de Raiz, qui périt sur le bûcher en 1440 pour avoir assassiné plus de 200 enfants, tant par plaisir de les faire souffrir que pour provoquer, grâce à leur sang, des rencontres mystiques avec le diable, avait fondé en 1432 un ordre dédié aux « Saints Innocents ». Lui aussi croyait fermement à la rémission de ses péchés lorsque viendrait son heure dernière (1). Dans sa vie privée, Philippe le Bon fit preuve de moeurs d'une liberté excessive. Il eut 35 maîtresses indubitables, qui lui donnèrent 17 descendants. D'autre part il jeûnait plus souvent que ne le prescrivait l'Eglise et se rendait à la messe au moins une fois par jour. « La religion chez lui reste vivante, elle demeure un facteur qui entre en ligne de compte (2) ». Sa conscience ne l'autorisa à conclure une paix séparée avec Charles VII, à Arras, que lorsque le Pape Eugène IV et les cardinaux Nicolas Albergati et Hugues de Lusignan l'eurent délié de son serment d'obéissance à Bedford et à Henri V. Il aimait le luxe et l'apparat, mais n'était nullement impressionné par le fait que les moyens financiers nécessaires correspondants étaient littéralement extorqués à un peuple que la guerre avait plongé dans la misère. Cela n'empêcha pas l'Eglise de le fêter comme l'un de ses fils les plus fidèles : Unus mihi videtur super omnes laudandus princeps Philippus Burgundiae dux... cui sunt opes infinitae... Sed est hic religiosus princeps, amat Ecclesiam matrem suam (3). Philippe le Bon apporta son soutien à Nicolas de Cuse, lorsque celui- ci se rendit, entre 1450 et 1452, aux Pays-Bas, pour y réformer l'Eglise. Bien que les ordres mendiants aient été l'un des soutiens de l'Eglise à la fin du moyen âge, on peut voir dans un poème que leur consacre Molinet, en soi un homme pieux, se refléter l'ébranlement de la confiance dans les institutions de l'Eglise : « Prions Dieu que les Jacobins Puissent manger les Augustin(s) Et les Carmes soient pendus Des cordes des Frères Menus (4) ». Dans son « Epistre au Dieu d'Amours », la pieuse Christine de Pisan elle-même s'attaque à Jean de Meun, à qui elle reproche d'avoir diffamé

1. Gapory, La vie et la mort de Gilles de Raiz... 2. Toussaint, Relat. diplomatiques, S. 212. 3. Aeneas Sylvius Piccolomini, Epistolae, Nr. 127, p. 655. Aeneas Sylvius était notaire apostolique, et il fut, entre autres, ambassadeur pontifical au Congrès d'Arras. 4. Molinet, Faicts et Dicts, fol. 188 v. les femmes dans la deuxième partie de son « Roman de la Rose ». Elle ne trouvait cependant rien de choquant à ce que l'on se rende à l'église uniquement pour y voir sa bien-aimée (5). Voici la première strophe de l'un de ses rondeaux : « Se souvent vais au moustier, C'est tout pour veoir la belle Fresche com rose nouvelle ». Et elle achève ce rondeau sur la pensée suivante : « Il n'est voye ne sentier Ou je voise que pour elle Folz est qui fol m'en appelle Se souvent vais au moustier ». Les événements militaires, et surtout la famine -celle de 1419 fut, avec celle de 1351, la plus terrible de toutes- avaient rendu les hommes cruels et durs. En 1422, date à laquelle commence le règne de Charles VII, la population de France comptait moitié moins d'âmes qu'en l'année 1300. Les proportions ont dû être similaires en Bourgogne. « Une paysanne déroba plusieurs enfants et les démembra pièce par pièce pour les saler comme l'on fait des pourceaux (6) ». Le "bourgeois de " (7), chanoine de Notre-Dame, rapporte dans son journal de 1405-1449 les propos suivants, tenus par un paysan : « Que ferons-nous ? Mettons tout en la main du diable, ne nous chault que nous devenons ; autant vault faire du pis qu'on peut comme du mieulx. Mieulx nous vaulsist servir les Sarazins que les Chretiens, et pour ce faisons du pis que nous pourrons, aussi bien ne nous peut on que

5. Pisan (Chr. de), Oeuvres poét., 1.1, 172, Rondeau XLVI. 6. Bigame, Etude historique, p. 15. 7. Journal d'un bourgeois de Paris. L'original de ce journal a disparu. Il en existe toutefois trois copies qui diffèrent légèrement l'une de l'autre. Celle qui date du XV siècle se trouve au Vatican. L'orthographe originale y a été respectée. La deuxième copie, qui date quant à elle du XVIF siècle, est conservée à Paris, dans le « Fonds français ms. n° 3 480 de la Bibliothèque nationale ». Le troisième exemplaire, composé de deux parties à peu près égales datant du XVT siècle et du XVIF siècle, se trouve à Aix. Le texte publié par Tuetey (Paris, 1881) s'appuie sur le manuscrit romain. L'auteur du "Journal d'un bourgeois de Paris" manifeste d'abord des idées anglo-bourguignonnes, mais en 1436, il passe du côté du parti national français. Un certain nombre d'indices permettent de déduire que l'auteur du "Journal" est Jean Chuffort, chanoine de Notre-Dame de Paris. tuer ou que pendre (8) ». Cette déclaration met bien en lumière le désespoir universel du peuple. Ce même chanoine de Notre-Dame a décrit dans son journal la cruauté avec laquelle les Armagnacs menèrent les combats de rue lors de la prise de Paris : « Item, vray fut que les aucuns desdiz gens d'armes furent plains de si grant cruaulté et tyrannye qu'ilz rostirent hommes et enfans au feu quant ilz ne povoient paier leur rançon... (9) », « ... tant hayoient ceulx qui gouvernoient ceulx qui n'estoient de leur bande qu'ilz proposerent que par toutes les rues ilz les prendroient et tueroient sans mercy, et les femmes ilz noieroient ... (10) ». Le bourreau Capeluche prenait un plaisir sadique à la mise à mort des femmes. On a vraiment l'impression qu'il n'exerce plus son métier que pour le plaisir de tuer, et non plus en tant qu'organe d'exécution de "l'ordre équitable". Le manque de respect envers la vie humaine, dont fait preuve le bourreau Capeluche, était certes une manifestation du temps communément répandue à l'époque. Une vie humaine comptait alors si peu que l'individu perdait lui-même la conscience de la valeur de sa propre vie. Capeluche donna froidement à son successeur les instructions pour sa propre mise à mort : « Et ordonna le bourreau la maniere au nouveau bourreau comment il devoit copper teste, et fut deslié et ordonna le tronchet pour son coul et pour sa face, et osta du boys au bout de la doloaire et à son coustel, tout ainsi comme s'il voulsist faire ladicte office à ung autre, dont tout le monde estoit esbahy ; après ce, cria mercy Dieu et fut décollé par son varlet (11) ». Le peuple était devenu brutal et se divertissait d'une exécution comme d'un spectacle rompant la monotonie de la vie quotidienne. L'Eglise avait perdu de son prestige. Jacques Du Clercq, dont le frère était chanoine d'Arras, écrivait alors : « Tout allait très mal en l'Eglise, car les bénéfices estoient donnés à la requette des princes et sieurs ou par la forche d'argent ; et avoit ung cardinal ou ung evesque plusieurs benefices ; par especial, les cardinaux tenoient en commanderie vingt ou trente que evesques, que abbayes, que priorés conventueulx ; et n'y avoit

8. Ibid., 1422, pars 329, p. 164. 9. Ibid., 1418, pars 187. 10. Ibid., 1418, pars 189. 11. Ibid., 1418, pars 224. nul preslat eleu par les colleges ou couvents. Plusieurs fils de prince on faisoit archevesques ou evesques sans estre prestres, et tenoient abbayes en commanderies. Et en ce temps le plus de gens d'église, les grands jusques aux moindres mendians et aultres, estoient y abbandonnés et oultrageulx en orgueil, luxure et convoitise, qu'on ne polroit plus dire : en ce passaoient oultre mesure toutes gens seculiers (12) ». Le haut clergé avait des enfants naturels. Jean de Heinsberg, évêque de Liège, avait ainsi le plaisir d'avoir douze descendants, tandis que Jean de Bourgogne, évêque de Cambrai, en avait même trente six. Cependant, c'était aussi l'époque à laquelle vivaient le chartreux saint Dionysius van Ryckel, et sainte Colette. Philippe le Bon les a tenus tous deux en grande estime et s'est fait conseiller par eux. Dans les petites villes, la petite bourgeoisie menait une vie simple. Elle trouvait le but de son existence au sein de la famille qui lui assurait la pérennité à travers ses descendants. On vivait et on travaillait pour la communauté familiale. Devenue riche et respectée grâce au commerce dans les villes, la bourgeoisie avait obtenu dès le XIIIe siècle le droit d'acquérir des fiefs. Son prestige et sa richesse s'étaient donc sans cesse accrus. Elle enviait la noblesse et elle l'imitait. Elle s'efforçait de marier ses filles dans des familles nobles dont la fortune arrivait souvent bien à propos. Elle faisait de grandes dépenses, qui s'exprimaient en particulier dans le domaine de la mode, aussi bien masculine que féminine, et dans des fêtes somptueuses. La cour de Bourgogne, la plus brillante de son temps et le point de rencontre de la haute noblesse, fut le centre d'une culture extrêmement raffinée. Le cérémonial de la cour de Bourgogne, basé sur la glorification de la personnalité du souverain, servit plus tard de modèle aux cours occidentales, au temps des régimes absolutistes. Importé à la cour d'Espagne par Philippe II, sur l'ordre de Charles V, ce cérémonial fit ensuite son chemin jusqu'à Vienne, après être passé par Madrid. En 1453, Philippe le Bon se servit dans un jugement de la formule suivante : «Car ainsy nous plaist-il et le voulons estre faict ! (13) », et même encore de cette autre : « Ainsi nous plaît, malgré certains privilèges

12. Du Clercq, t. IV, p. 65-66. 13. Lokeren (van), Chartes et doc., t. II, p. 246. (14) ». Hofdijk présente ces deux formules comme une preuve de la souveraineté arbitraire de Philippe le Bon. Si l'on se réfère toutefois à la signification originelle du mot français « plaît », du verbe plaire, et que l'on remonte à son sens primitif, en latin, de « placet » = décision, cette formule exprime une action bien réfléchie et non arbitraire. A la fin du moyen âge, la transition entre ces deux significations est mal définie. Durant la dernière période de cette époque à la veille de son déclin, les idéaux du moyen âge se ranimèrent encore une fois. Après le meurtre de Montereau en 1419, Philippe le Bon se sentit obligé par son interprétation de l'honneur et par la voix du sang de prendre le parti des anglais. Son désir de vengeance lui valut l'estime de Aeneas Sylvius Piccolomini : Cupit ulcisci paternum vulnus (15). La noblesse entretenait les vertus chevaleresques dans des tournois, adoptant des modes de vie stylisés pour dissimuler la grisaille de la réalité quotidienne. Cela n'a pas empêché -quelle ironie du sort !- Jacques de Lalain, la figure idéale du chevalier de Bourgogne qu'aucun tournois n'avait vu vaincu dans un combat d'homme à homme, d'être tué par le projectile d'un petit canon, durant les actions militaires qui se déroulèrent près de Rupelmonde (16). Dans ce contexte, il faut encore mentionner que, lors des combats, la noblesse et, avec elle, son modèle, Philippe le Bon, traduisaient en actions l'idéal chevaleresque : « Non roy, mais de courage empereur », comme l'a exprimé Chastellain (17). Jusqu'à un âge avancé, Philippe le Bon regretta que son père l'ait empêché de participer à la bataille d'Azincourt (1415) au cours de laquelle ses deux oncles étaient morts en héros. « Il estoit desplaisant de ce qu'il n'avoit eu fortune d'avoir esté à ladicte bataille, fust pour la mort ou pour la vie (18) ». Les chevaliers se choisissaient des devises galantes qu'ils dédiaient à leurs dames. Ils n'attachaient cependant pas trop d'importance à la

14. Hofdijk, Ons voorgeslacht in zijn dagelyksch leven geschilderd, t. V, p. 8. 15. Aeneas Sylvius Piccolomini, Epistolae, n. 127, p. 665. 16. Michaud, Biog. Univ., t. XXII, p. 602 : « Il fut atteint à la tête d'un éclat de bois ou d'une pierre lancée par un veuglaire (un fauconneau) et expira sur-le-champ le 3 juillet 1453, à l'âge de 32 ans ». 17. Chastellain, Oeuvres, t. I, p. 187. 18. Lefèvre, Chronique, t. I, p. 239. fidélité conjugale. L'amour fut lui aussi stylisé. La noblesse fonda des « Salons d'amours » et des « Cours d'amours », pour y discuter de manière superficielle et précieuse de théories sur l'amour, et pour y juger des cas fictifs. Cet idéal chevaleresque fut sublimé dans la fondation de l'ordre de la « Toison d'Or » par Philippe le Bon, à l'occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal, en 1430. Cette fondation donna également lieu à des fêtes somptueuses, d'un luxe jamais atteint par aucune autre cour du XVe siècle, et qui ébranla d'ailleurs profondément les finances publiques (19). Et voici ce qui a particulièrement retenu l'attention lors de cette fête : « Un grand pasté, où il y avoit un mouton tout vif, teinct en bleu, et les cornes dorées de fin or. En ycelle pasté avoit place un homme nommé Hansse, le plus appert que on sceut, vestu en habit de beste saulvaige. Et quand le pasté fut ouvert, le mouton saillant en bas, et l'homme sur le bout de la table ; et alla, au long de l'appuye du banc, lutter et riber à Madame d'Or une moult gracieuse folle (20) ». Philippe le Bon se croyait appelé à défendre la chrétienté, en organisant une croisade contre les Turcs. Il pensait que c'était le seul moyen de conférer à sa dynastie l'ultime éclat prestigieux. A l'occasion de la fête du « Voeu de Faisan », qui eut lieu à Lille le 17 février 1454, les plus nobles seigneurs de ses terres confirmèrent par serment leur volonté de participer à cette croisade. Le luxe de cette fête dépassa tout ce qui avait pu exister auparavant. On pouvait y voir des décorations monumentales qui ont été décrites par Olivier de la Marche (21). Chastellain, qui a dépeint ces fastes, était d'avis que Philippe le Bon éclipsait par là tous les souverains de son temps, à tel point que sa renommée avait même atteint les peuples de la lointaine Asie (22). Cette époque pleine de contradictions, caractérisée, d'une part, par la peur de la mort et de l'enfer, par une évidente joie de vivre, par le dérèglement des moeurs, et d'autre part, par l'exercice de la contemplation religieuse, telle que les émules de Geert Groote (1340- 1384) la pratiquaient dans la Devotio moderna, fut une époque florissante pour l'art. Ce fut non seulement la disposition spirituelle du temps

19. Frédéricq, Essai, p. 54. 20. Lefèvre, Chronique, t. 11, p. 168. 21. La Marche (de), Mémoires, t. II, p. 168. 22. Chastellain, Oeuvres, t. II, p. 41. favorable aux arts, mais aussi le goût du luxe et de l'étalage des richesses qui entraînèrent le développement artistique. On cultivait l'art de la littérature et de la musique. On trouve un témoignage du développement de l'architecture aux Pays-Bas bourgui- gnons dans les hôtels de ville de ses riches cités. Celui de Bruxelles fut construit entre 1402 et 1444, celui de Louvain vers 1448. Ceux de Mons, Alost et Arras dataient également de cette époque. L'hôtel de ville de Bruges fut terminé en 1420. Dans le duché de Bourgogne, il faut mentionner dans ce contexte l'hôpital « Hôtel-Dieu » fondé à Beaune par Nicolas Rolin. Et quelle abondance d'oeuvres grandioses en peinture ! Hubert van Eyck, qui vient de Limbourg, s'installe à Gand en 1424, tandis que son frère Jean choisit de s'établir à Bruges en 1425, après que son protecteur, Jean de Bavière, fut mort. En 1435, Roger van der Weyden quitte son maître Robert Campin, à Tournai, pour s'établir à son compte à Bruxelles. Le mécénat s'exerça spécialement dans ce domaine de l'art. C'est ainsi, par exemple, que Jean van Eyck, qui fut chambellan de Philippe le Bon dont il recevait une pension, se vit également confier des missions diplomatiques. Conformément aux sentiments religieux du temps et à la doctrine de l'Eglise, les mécènes croyaient à la possibilité de racheter leurs péchés en faisant don d'un tableau de dévotion ou d'une image votive. J'aimerais en donner ici quelques exemples : de Van Eyck, La « Madone au chanoine van der Paele », l'« Adoration de l'agneau », don de Jocodus Vijd et de sa femme, et la « Vierge au chancelier Rolin ». De Roger van der Weyden, il faudrait citer, entre autres, « Les sept Sacrements » qui portent les armoiries de Jean Chevrot, et le retable d'autel de Beaune, « Le Jugement dernier », que Rolin fit peindre pour l'Hôtel-Dieu de Beaune. On apprend d'ailleurs par la charte de fondation de l'Hôtel-Dieu que cet hôpital était lui-même une fondation du chancelier, qu'il avait faite pour se libérer de ses péchés. La peinture reflète l'esprit sérieux d'une époque toute tournée vers l'au-delà, tandis qu'en architecture, surtout en Flandre, on fait sciemment étalage de la richesse des cités, à travers des hôtels de ville aux innombrables décorations. Etat des possessions territoriales de la maison des Valois de Bourgogne

Philippe le Hardi avait reçu en fief de son père, le roi Jean le Bon, le duché de Bourgogne, en reconnaissance pour le courage dont il avait fait preuve lors de la bataille de Poitiers, en 1356. « A quel moment l'idée de refaire un duc de Bourgogne distinct du roi de France émergea-t-elle du cerveau confus de Jean le Bon ? Il est difficile de le dire exactement (23) ». Par le mariage de Philippe le Hardi avec Marguerite de Flandre, la maison des Valois de Bourgogne reçut en héritage, en 1384, la Flandre, l'Artois, Nevers, Rethel et la Franche-Comté. Grâce à cette dernière, elle devint aussi le vassal de l'Empereur romain-germanique ; en 1390 vint s'y ajouter, par confiscation, le comté de Tonnerre. Grâce à un traité de protection signé avec Jeanne de Brabant, la Bourgogne des Valois obtint une promesse d'héritage pour le Brabant. En 1404, Antoine, le deuxième fils de Philippe le Hardi, devint Duc de Brabant. Grâce à un double mariage bourguignon-bavarois -celui de Guillaume IV, comte de Hollande-Seeland, Hennegau, avec Marguerite de Bourgogne, et celui de la soeur de cette dernière avec Jean sans Peur- la maison des Valois de Bourgogne avait aussi gagné de l'influence dans ces régions, influence qui se trouva renforcée par le mariage adroitement arrangé en 1418 de Jacqueline de Bavière avec Jean IV de Brabant. L'Empire était trop faible pour intervenir ; il manquait en particulier de soldats. Après le meurtre de Jean sans Peur, Philippe, Comte de Charolais, devint Duc de Bourgogne. Durant la première année de son règne, il parvint à signer un contrat d'héritage avantageux avec sa tante Catherine de Bourgogne. Elle était la veuve de Léopold d'Autriche. Elle s'engagea à laisser son héritage, en l'état dans lequel il se trouverait au moment de sa mort, revenir à la maison des Valois de Bourgogne. Les perspectives étaient donc favorables en Alsace. En 1421, grâce au soutien financier de Jean de Namur, Philippe s'assura le Comté de Namur. En 1420, les espérances de gains territoriaux futurs étaient donc renforcées et bien fondées.

23. Calmette, Les Grands Ducs, p. 43. La maison des Valois de Bourgogne sous l'influence des tensions politiques entre la France et l'Angleterre

En la personne de Charles VI, la France avait un roi mentalement instable, pour ne pas dire débile, mais dont le nom était nécessaire pour garantir les affaires politiques du royaume. Cette situation fut la cause d'une lutte pour le pouvoir réel, qui opposa l'oncle du roi, Louis, duc d'Anjou, Jean, Duc de Berry, et Philippe le Hardi. Cette lutte atteignit son apogée à la génération suivante, entre les deux nouveaux protagonistes, Louis d'Orléans et Jean sans Peur. Les partis rivaux des Bourguignons et des Orléans, ou Armagnacs, ébranlèrent la France par des guerres civiles. Seule cette division interne de la France, dont la responsabilité revient à Charles VI, permet de comprendre que les hostilités qui marquèrent la Guerre de Cent ans aient repris sous le règne d'Henri V, après un armistice de vingt-huit ans. Henri V trouva une « cinquième colonne » d'abord dans les Armagnacs, puis dans les Bourguignons. Le meurtre de Jean sans Peur, en 1419 -meurtre dont le Dauphin était considéré comme coresponsable- constitue le motif apparent ayant poussé Philippe le Bon du côté des Anglais. Il se sent dans l'obligation de venger son père. On ne doit cependant pas négliger le fait que des calculs politiques -la désolation de la situation de la France sous l'influence des Armagnacs- l'avaient évidemment poussé dans cette voie. Le Traité de Troyes, conclu entre Henri V et Charles VI qualifie Henri V de successeur adoptif au trône de France. C'est ce qui permet à Philippe le Bon de se ranger du côté d'un roi de France officiellement reconnu, mais qui est en même temps roi d'Angleterre. La question de savoir si ce traité doit être considéré comme juridiquement valable est discutée. En raison de la fluctuation des notions juridiques au moyen âge, le fait qu'un accord soit considéré ultérieurement comme officiellement et juridiquement valable dépendait alors le plus souvent des forces politiques actives après la conclusion du traité, et du choix du parti que ces forces politiques faisaient intervenir. En ce qui concerne la portée du Traité de Troyes et le développement politique ultérieur, deux faits eurent une importance significative : lorsque Henri V mourut, c'est son fils, Henri VI, mineur et de plus débile, qui lui succéda en Angleterre, et lorsque Charles VI mourut, c'est le futur roi Charles VII, tardivement reconnu majeur, qui pris sa succession. Il faut encore mentionner le fait que les intérêts économiques en Flandre, donc ceux de Philippe le Bon, exigeaient de bonnes relations avec l'Angleterre. L'industrie drapière flamande avait un besoin pour elle vital de la laine anglaise, qui lui servait de matière première. De ce point de vue là aussi, un rapprochement entre la Bourgogne et l'Angleterre a donc dû s'avérer nécessaire.

Il incombait donc à Philippe le Bon et à son chancelier, Nicolas Rolin, de savoir combiner les facteurs présentés ci-dessus, et, tout en exploitant les conditions favorables à une expansion territoriale, d'aider la Bourgogne à s'épanouir et à devenir puissante.

Rolin dans les manuscrits, les chroniques et la littérature

Jusqu'à sa nomination à la charge de chancelier

Ses origines familiales Les écrits des XVe et XVe siècles ne nous apprennent rien sur les origines de Rolin, ni sur son milieu familial. Pour les gens de cette époque, il était le seigneur d'Authume, et le lieu de sa naissance restait sans intérêt. Ces questions concernant ses origines et son lieu de naissance ne prendront de l'importance qu'à une époque plus tardive, et trouveront alors des réponses contradictoires. Jules Chifflet a tracé au XVIIe siècle un tableau généalogique de la famille des parents de Rolin, jusqu'à la fin du XVIe siècle. La transcription de ce document non publié est jointe en annexe (24). Chifflet était originaire de Besançon, et avait été nommé « chancelier de l'ordre de la Toison d'Or » par Philippe IV, en 1648. Il avait donc pris possession d'une charge dont Rolin avait été aussi investi en son temps, ce qui explique son intérêt personnel pour cette famille. Curieusement, il attribue à Nicolas Rolin un couple de parents que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans la littérature. Le nom du père, Jean Rolin, est le seul élément qui concorde avec les autres informations que l'on possède à cet égard. Lorsque Chifflet désigne le père de Rolin comme étant le Sieur de Chapyro, et sa mère Yolande de Mahaut, il exprime par là que Rolin n'est pas issu de la petite bourgeoisie, comme le prétendent souvent d'autres historiens. En ce qui concerne le lieu d'origine controversé de la famille Rolin, -Poligny ou - Chifflet n'apporte aucun indice décisif.

24. Ms. Chifflet, 13, Bibl. Mun. Besançon (document 1). Jules Chifflet, né au début du XVIIe siècle à Besançon, était conseiller-clerc au Parlement de Dôle. Les opinions relatives au milieu familial sont très divergentes, et vont d'une famille « de petit lieu » ou « de souche plébéienne » à une famille d'origine noble, en passant par une famille de la bourgeoisie aisée. Il est d'autant plus difficile d'élucider cette question que l'usage du terme « bourgeoisie » n'est de toute évidence pas sans ambiguïté. C'est ainsi que Pirenne parle d'une « bourgeoisie de petit lieu », tandis que pour d'Arbaumont « petit lieu » est l'équivalent de « source obscure ». Contraire-ment à la manière dont il est employé par Pirenne, le mot « bourgeoisie » signifie pour Valat qu'il s'agit d'une famille nantie et bien considérée de la classe moyennne. Il est encore une autre question étroitement liée à celle des divergences concernant le milieu familial, à savoir si la famille Rolin était originaire d'Autun ou de Poligny. Au XVIIIe siècle, Chevalier écrit que l'on possède à Poligny de nombreux indices montrant que Rolin était originaire de cette ville. Il en voit la preuve dans le fait que Rolin connaissait bien l'endroit, et que sa famille avait fait de nombreuses donations à la collégiale de Poligny, comme le démontre en particulier une inscription du registre paroissial : Ex fundatione reverendissimi et illustrissimi Joannis Rolin, S.R.E. Cardinalis, de Polignio oriundi (25). Cette déduction n'est pas valable. Même si l'on ne possède aucune information sur le lieu de naissance du cardinal Jean Rolin, le fils de Nicolas Rolin, on est en droit de supposer qu'il est né à Paris ou dans les environs, puisque c'est là que vivaient Nicolas Rolin et son épouse d'alors, en 1408, à l'époque de la naissance de leur fils Jean. La mention citée précédemment ne doit pas être considérée comme une preuve. Les donations elles-mêmes ne constituent pas des preuves péremptoires, Jean Rolin ayant encore fait des donations en d'autres lieux, par exemple à Autun, Beaune, Paris, Avignon et en Flandre. Il est vraisemblable que

25. Chevalier, Mémoires hist., t. II, p. 478 : « On a de lui, à Poligny, des traces de la connoissance qu'il avoit son origine de ce lieu. Il y a fait plusieurs fondations ; ... on trouve écrit dans les tables et les anciens livres cette église : Ex fundatione... de Polignio oriundi ». Et p. 475 : « Il s'y trouvoit, quelques personnes de famille noble qui portoient dans le quatorzième siècle, le nom de Rolin, diminutif de Raoul. Les descendants du chancelier et le chancelier lui-même ont possédé des biens dans cette ville, d'où ils sont dits être originaires et où ils avoient dans l'ancienne église une chapelle de famille que le cardinal Jean Rolin fit réparer et dota ». (Chevalier était né à Poligny en 1705). Chevalier, qui était lui-même originaire de Poligny, avait envie de faire de ce chancelier célèbre un fils de sa ville natale. En 1946, Jouvencel croyait encore pouvoir se ranger à l'opinion de Chevalier, et se fonde lui aussi sur la mention : « de Polignio oriundi (26) ». D'après d'Arbaumont, la famille était en fait originaire d'Autun, mais elle aurait elle-même veillé, en détruisant certaines archives dans cette ville, à répandre l'idée qu'elle était originaire de Poligny. Cette famille Rolin de Poligny était ancienne, respectée et d'origine noble. D'Arbaumont ne rend toutefois pas Nicolas Rolin responsable de la destruction de ces papiers. Il parle entre autres d'une « source obscure » de la famille, et impute d'une manière générale aux descendants la responsablilité du manque de clarté qui entoure ses origines (27). Perier fait, sur les origines de Rolin, la déclaration suivante : « Son origine n'a rien d'illustre ; il était de « petit lieu »... Elle (la famille) était originaire de Poligny ». Il en donne pour preuve, exactement comme Chevalier et comme Jouvencel, l'inscription figurant dans le registre paroissial (28). Abord situe la famille à Autun et lui attribue une ascendance de basse extraction : « Sa famille ne brillait pas en effet par l'éclat lointain que donnent les charges élevées et les faits d'armes glorieux, le nom Rolin n'avait jamais franchi les limites de la cité éduenne et le chancelier de Bourgogne devait être la première illustration de la souche plébéienne dont il était issu (29) ». Dans la Biographie Nationale Belge, Pirenne rapporte lui aussi que la famille Rolin avait entretenu volontairement l'opinion erronée d'une

26. Ms. 2 288, Bibl. publ. Dijon, Filiations Bourg. et Niv. ; H. de Jouvencel était originaire de Franche-Comté. 27. D'Arbaumont, Nicolas Rolin, chancelier. (D'Arbaumont vivait à Dijon). 28. Perier, Nicolas Rolin, p. 5. 29. Abord, Un chancelier, p. 9. Abord était avocat général à la Cour d'appel de Dijon. Il avait fait des recherches sur Rolin en vue d'une conférence qu'il a tenue le 17 octobre 1898, à l'occasion de l'ouverture solennelle de la Cour d'appel. L'intérêt qu'il portait à Rolin n'avait pas uniquement des raisons régionales et historiques ; il voyait en lui surtout le grand juriste et le grand avocat. origine située à Poligny ; mais, pour lui, il ne fait aucun doute qu'il s'agissait en fait d'une famille « de petit lieu », originaire d'Autun (30). Pailliot (Document 2), né en 1608, vivait à Dijon, et avait, en raison du succès de ses recherches, reçu le titre d'« Historiographe de Roy et Généalogiste des Etats de Bourgogne ». De son temps, on avait encore visiblement à Dijon accès à des documents qui prouvaient que Nicolas Rolin était originaire d'Autun, et qui donnaient le nom de son père (31). Munier (32), qui était né au XVIe siècle à Dijon ou à Autun, de même qu'Aubery (33), né en 1616 à Paris, se sont certainement référés aux documents trouvés par Pailliot, ou au manuscrit de Pailliot. D'après les informations données par Le Long, en l'année 1719, ce manuscrit était conservé, en double exemplaire, dans des bibliothèques privées : « Il est conservé à Dijon, dans la Bibliothèque de M. le Président Bouhier, & dans celle de M. Fevret de Fontette... (34) ». Après de nombreuses démarches auprès des bibliothèques françaises, j'ai fini par apprendre qu'il se trouvait à présent à Troyes, où est conservée la plus grande partie de la Bibliothèque Bouhier. On comprendra donc facilement que ce manuscrit n'ait pas été exploité pendant longtemps. Pailliot n'a aucun doute lorsqu'il écrit : « Il (Nicolas Rolin) prit naissance à Autun (35) ». Pailliot s'interroge aussi sur le père de Nicolas Rolin. D'après ses déclarations, il faut en déduire qu'il a dû trouver à un endroit quelconque, sur la pierre tombale d'un certain Girardus Rolin, un indice lui donnant à penser qu'il pouvait s'agir du père de Nicolas Rolin. Mais il rejette pourtant cette hypothèse comme fausse. « Au bas de l'Eglise Cathedralle d'Autun au lieu dit Les pas de marbre, est une grande Tombe, avec une figure de Jesus, avec cette Epithaphe : «Hic jacet Girardus Rolin, de Edua qui obijt die octava mensis Januarii, anno domini millesimo trecentesimo nonagesimo Octavo. Anima eijus per Dei misericordiam requiescat in pace ». Cette épitaphe n'est pas semblable à

30. Biographie Nationale Belge, t. XIX, col. 828. 31. Ms. 1 070, Bibl. Mun. et Arch. Troyes, (Document 2). 32. Munier, Recherches. Munier fut avocat au baillage d'Autun de 1584 à 1637. 33. Aubery, Histoire gén. Cardinaux. 34. Le Long, Bibliographie de la France, t. III, 35 903. 35. Ms. 1 070, p. 115. celle que M. Munier a fait imprimer. « Le père du chancelier s'appeloit Jean, comme je l'ai veu au plusieurs Titres. Il est enterré à l entrée du Choeur de l'Eglise de Nostre Dame d'Autun. Mais la pierre sur laquellle estoit gravée son épitaphe a esté tant de fois remuée, qu'on n'y connoit plus rien (36) ». D'après Aubery, et d'après Jean Le Carpentier, auteur de l'Histoire de Cambrai, Nicolas Rolin était originaire d'Autun. Ces deux auteurs qualifient cependant le père de Nicolas de « Seigneur d'Autun »... Nicolas serait donc bien originaire d'Autun, et de noble extraction. Pailliot relève cette erreur et l'excuse en raison de la similitude des noms de lieu : « Autun » et « Authume » (Nicolas Rolin était seigneur d'Authume depuis 1423) (37). Raulin est le seul auteur qui soit d'un avis contraire à toutes ces interprétations. Il pense que la filière généalogique devrait conduire vers le nord, vers la Flandre, une famille d'un nom similaire y ayant reçu des terres d'un roi portugais, vers 1238. Il pense pouvoir expliquer par là l'excellente connaissance de cette région que possédait Nicolas Rolin, et sa compréhension intuitive de la situation flamande et des affaires d'Isabelle de Portugal. Ces arguments sont erronés, et peuvent donc être ignorés comme tels (38). L'opinion exprimée par Valat : « Il est singulier qu'aucun des biographes de Nicolas Rolin n'ait cherché, en recourant aux titres authentiques, à dégager ses origines des obscurités et des incertitudes qui les entouraient (39) » pourrait bien ne pas être pertinente. D'Arbaumont, par exemple, dit même avoir été informé, lors de ses recherches à Autun, du fait que ces documents n'existaient plus (40). Les divergences sur l'origine de Rolin prouvent en tout cas que tous ces auteurs se sont efforcés d'élucider la question, et c'est pourquoi plusieurs d'entre eux se réfèrent à l'inscription : « De Polignio oriundi ». Valat, un avocat originaire d'Autun, a eu la possibilité de vérifier tous les documents d'archives qui existaient encore à l'époque. Tombé

36. Ms. 1 070, p. 122. 37. Ibid., p. 115. 38. Raulin, La Nativité d'Autun. 39. Valat, Nicolas Rolin, t. 40, p. 126. 40. Arbaumont, Nicolas Rolin, chancelier. Titulaire de deux doctorats d'histoire et d'histoire de l'art, obtenus à l'Université d'Innsbruck après avoir étudié auprès des Universités de Cologne et de Munich, Herta-Florence PRIDAT a col- laboré aux activités de l'Office franco- allemand pour la Jeunesse, tout en conti- nuant ses recherches à Munich où elle vit et en organisant des voyages culturels de part et d'autre du Rhin ou des Alpes, ce qui lui a donné une excellente connais- sance de la Bourgogne et de son histoire. Dénonçant un certain nombre d'idées reçues relatives à la personnali- té et à l'action du célèbre fondateur des Hospices de Beaune, le pré- sent ouvrage est à la fois une mise au point historiographique et un portrait vivant de Nicolas Rolin.

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