Masarykova univerzita

Filozofick| fakulta

Ústav rom|nských jazyků a literatur

Bakal|řsk| diplomov| pr|ce

2009 Trsov| Andrea

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Masarykova univerzita

Filozofick| fakulta

Ústav rom|nských jazyků a literatur

Francouzský jazyk a literatura

Trsov| Andrea

Slam, nouvelle poésie pour les jeunes : traduction et analyse des chansons de Grand Corps Malade

Bakal|řsk| diplomov| pr|ce

Vedoucí pr|ce: PhDr. Alena Polick|, Ph. D. Brno 2009

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Prohlašuji, že jsem diplomovou pr|ci vypracovala samostatnë s využitím uvedených pramenů a literatury. Tištën| verze se shoduje s verzí elektronickou.

…………………………………………….. Podpis autora pr|ce

V Brnë, 18.12.2009

3

Mé podëkov|ní patří vedoucí pr|ce PhDr. Alenë Polické, Ph.D. za její odborné konzultace, cenné podnëty a připomínky.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ...... 7

PROLOGUE...... 9

I.PARTIE THÉORIQUE ...... 10

I.I. L’image et l’idée ou les différences entre la prose et la poésie ...... 10

I.I.I. « Trouver le bon mot » ou les équivalents ...... 12

I.I.II. « Dénicher la bonne terminaison » ou les rimes ...... 13

I.I.III. « C'est sans cesse la renaissance de l'essence même de nos cinq sens » ou l‘euphonie ...... 15

I.I.IV. « A notre tour » ou homonymes ...... 16

I.I.V. « Je viens de l{ » ou langues régionales et sociales ...... 16

I.I.VI. « Putain de cité » ou expressivité, connotations et registres linguistiques ...... 17

II.SLAM ...... 20

II. I. « Tours de Babel » ou l’histoire ...... 20

II.II. « La belle aventure » ou en France, { Paris ...... 21

III. POUVOIR « ÊTRE POЀTE MÊME SI T’ES EN JEANS ET EN BASKET » OU LE PHÉNOMЀNE DIT SLAM ...... 23

III.II. « [ la recherche de l’excellent » ou les règles ...... 25

III.III. Slam sauvage ...... 26

III.IV. « C’est un peu le rap pour les gens qui n’aiment pas le rap. » ...... 26

IV. « UN CŒUR ET UN MENTAL DE RÉSISTANT » OU GRAND CORPS MALADE ...... 28

IV.I. « Putain la vie passe trop vite » ou biographie ...... 29

IV.II. « J’espère donc je suis » ou thèmes de ses chansons ...... 30

V. LES CHANSONS TRADUITES ...... 32

V.I. Méthodologie de la traduction ...... 32

V.II. « RÉGION QU’A UN SACRÉ CARACTÈRE » OU JE VIENS DE L[ ...... 33

V.II.I. LES RIMES ...... 38

V.II.II. LES FIGURES DE STYLE ET LES TROPES ...... 39

V.II.III. CHOIX DU LEXIQUE ...... 40

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V.II.IV. LE THЀME ...... 41

V.II.V. LES DIFFICULTÉS DANS LA TRADUCTION ...... 42

V.II.VI. LE RYTHME ...... 42

V.II.VII. LA STYLISTIQUE ...... 43

V.III. « GRAVER LES RÊVES DANS LES MURS » OU LE JOUR SE LЀVE ...... 45

V.III.I. LES RIMES ...... 48

V.III.II. LES RIMES INTÉRIEURES ...... 49

V.III.III. L’EUPHONIE ...... 50

V.III.IV. LE CHOIX STYLISTIQUE DU LEXIQUE ...... 51

V.III.V. LES FIGURES DE STYLES ET LES TROPES ...... 52

V.III.VI. LE THЀME ...... 55

V.IV. « PRENDS LA LIGNE D DU RER » [ SAINT DENIS ...... 56

V.IV.I.LES RIMES ...... 61

V.IV.II.LES RIMES INTÉRIEURES ...... 64

V.IV.III. La densité d’informations dans les rimes ...... 65

V.IV.IV. LE CHOIX DU LEXIQUE ...... 66

V.IV.V.LES RÉFÉRENCES CULTURELLES ET LES ALLUSIONS ...... 69

V.IV.VI. JEUX DE MOTS ...... 72

V.IV.VII. LE THЀME ...... 73

VI.LE TCHÈQUE COMMUN ET SES VARIANTES RÉGIONALES ...... 74

ÉPILOGUE ...... 76

CONCLUSION ...... 77

BIBLIOGRAPHIE ...... 79

ANNEXE : ...... 81

Midi 20: ...... 85

Enfant de la ville: ...... 85

Abréviations utilisées : ...... 85

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INTRODUCTION

Dans ce mémoire de licence, nous avons pour but de traduire trois chansons de Grand Corps Malade, un slammeur qui vient de la banlieue parisienne. Nous allons présenter le slam, et surtout les textes traduits, comportant leurs analyses formelles et sémantiques. Il s’agit de Je viens de l{ qui se trouve sur l’album Enfant de la ville, et de Le jour se lève et Saint Denis qui font partie tous les deux de l’album Midi 20. Nous espérons permettre d’approcher cette culture au lecteur tchèque. Le travail sera divisé en trois parties : la partie théorique, la partie concernant les caractéristiques du slam et la partie concernant la traduction des textes et leurs analyses. Dans la partie théorique, nous nous appuyerons sur les thèses de divers traducteurs et traductologues. A cause de la nouveauté du phénomène qu’est le slam (il n’y a qu’un livre publié sur ce thème), nous profiterons de beaucoup des sources de l’Internet dans la deuxième partie. Pour la traduction, nous nous servirons des dictionnaires classiques comme Le Petit Robert ou Dictionnaire de l’argot français ainsi que des dictionnaires accessibles sur l’Internet tels que Le Dictionnaire de la Zone pour la recherche des mots peu conventionnels. La question que nous nous poserons et dont nous chercherons la réponse est la suivante : est-il possible de traduire tout, de transmettre dans la traduction tout ce qu’on voit dans l’original, de maintenir le sens ainsi que la forme ? Est-il possible de traduire une poésie qui est pleine de références culturelles, d’allusions, de connotations et qui se sert d’un langage original, inventif et expressif ? Nous avons choisi ce thème { cause du défi que présentait la traduction d’une poésie aussi spécifique qu’est le slam et { cause de l’envie de faire la connaissance avec une culture qui dépasse les tables d’écoles mais qui est vivante en France. Le slam s’est propagé en France il y a quelques années et sa popularité continue de s’accroître. C’est gr}ce { des poètes-slammeurs qui consacrent leurs vies et leurs }mes { cette poésie-chansons, avec ou sans accompagnement musical, qui est tellement difficile { définir. Parmi eux se trouve Grand Corps Malade. Nous allons essayer de traduire certains de ses textes dans le présent mémoire. Dans ses chansons, il exprime ses sentiments et ses opinions dans un langage familier, argotique, mais parfois aussi très poétique. Ces niveaux stylistiques changent d’une 7

chanson { l’autre mais parfois, plusieurs registres se superposent dans le même texte. Dans ses chansons, il nous parle de la vie, de la création poétique, de l’amour, des handicapés, des problèmes sociaux – des problèmes des quartiers sensibles mais aussi de leurs beautés, notamment de sa ville natale – Saint Denis.

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PROLOGUE

Y a-t-il une recette pour devenir un bon traducteur? Il faut sans doute avoir du talent mais avec le temps, on peut apprendre { bien traduire la prose. Quant { la poésie, ce n’est pas aussi certain. Toutefois, il existe quelques règles de base. Ces trois règles consistent { : – comprendre, – interpréter et – styliser le texte que ce soit la prose, ou que ce soit la poésie. Il existe également deux autres lois pour la traduction. La première, qui nous encourage, dit que chaque texte est traduisible; la deuxième loi, qui peut nous démotiver, déclare qu’il n’existe pas de traduction sans fautes1. En tout cas, quand on veut traduire, surtout la poésie, il ne faut garder en tête que la première loi parce que, comme Jiří Levý, nous pensons que l’important est le texte dans son ensemble. La traduction se trouve quelque part au confins d’une science exacte et de l’art. Pour la cas de la poésie, le deuxième est peut-être plus pertinent. Comment alors peut-on faire face { cette réalité si l’on n’est pas artiste? Pour notre traduction, la réponse est : par le biais d’un travail assidu.

1 KRIJTOV\, Olga. Pozv|ní k překladatelské praxi : kapitoly o překl|d|ní beletrie. 1ère éd. Praha : Karolinum, 1996. 9

I.PARTIE THÉORIQUE

Est-il possible de traduire la poésie?

La traduction de la poésie a été déclarée impossible. Pourtant les poètes eux-mêmes l’ont souvent pratiquée. Le souci de l’exactitude n’exclut pas la recherche du rythme dans le respect de la forme du poème. La traduction doit s’adapter { la polysémie de certains textes, mais sans se refuser au choix d’une interprétation. La difficulté majeure est de recréer l’union du sens et de la sonorité qui caractérise la poésie. La rime conduit au pastiche, trop rarement heureux, mais la construction de la strophe doit être respectée. La présence d’un rythme s’impose : la poésie ne se dit pas comme la prose (hormis le « poème en prose »). Le problème de la nature de ce rythme dans la langue française est examiné. Au traducteur d’un poème s’impose un compromis entre la fidélité au texte, qui n’est pas étroite exactitude, et la recherche de l’effet esthétique.

Robert ELLRODT2 I.I. L’IMAGE ET L’IDÉE OU LES DIFFÉRENCES ENTRE LA PROSE ET LA POÉSIE

« Les traductions sont comme les femmes. Elles sont soit belles soit fidèles. »

Blahoslav HEČKO3

La traduction de la poésie est spécifique parce que les relations syntaxiques s’affaiblissent en passant de la prose { la poésie { cause de la relation plus libre de la composition idéologique du poème. La prose se caractérise en général par le sens, sa construction sera donc syndétique alors qu’en poésie, il y a beaucoup de constructions asyndétiques . Ceci est causé par les parallélismes ou par le besoin d’économiser les syllabes. Dans la poésie, on y trouve plus d´appositions que dans la prose, on y rencontre plus de locutions ambigües et en général, il y a plus de métaphores. Aussi, les mots y sont plus courts. 4 Il ne faut pas chercher { ne garder que le sens, il est aussi indispensable trouver les mots qui sonnent bien ensemble et qui riment (si c’est le cas). L’essentiel

2 ELLRODT, Robert . Hors série Traduire ou vouloir garder un peu de la poussière d'or [online]. 2007 , 2007/03/30 22:25 [cit. 2009-11-10]. Accessible de WWW: . 3 HEČKO, Blahoslav. Dobrodružství překladu. Traduit par Emil Charous. 1ère éd. Praha : Ivo Železný, 2000. 4 LEVÝ, Jiří. Umëní překladu. 2. éd. Praha : Panorama, 1983.

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c´est que ces moyens formels soient liés avec les idées car ce ne sont jamais deux faits indépendants l´un de l´autre, ils peuvent même avoir une fonction sémantique. Un autre problème est visible dans la densité du vers. Chaque langue a une autre densité et si l’on veut alors garder le même nombre des syllabes, il sera nécessaire de ouater le vers ou de le raccourcir. En général, ce n’est pas le cas de la poésie moderne mais dans notre travail, il s’agit des chansons slam où il est assez pertinent de garder { peu près le rythme, il n’est alors pas souhaitable que la densité soit tout { fait différente de l’original. Pour des raisons variées, on peut – moins souvent possible – ajouter une «cheville», un petit mot qui n’est pas contenu dans le poème, on l’invente. Il faut admettre qu’ un certain pourcentage de chevilles se trouvent dans toutes les traductions, par exemple dans Le jour se lève5 : « finies la patience et la méfiance » x « končí trpëlivé, nedůvëřivé chvëní »

Parmi les difficultés les plus importantes qu’on peut rencontrer dans la traduction se trouvent les rimes et l’euphonie, les deux représentant une stylistique encore plus avancée de ce qu’on a vu plus haut. Un grand chapitre, sur lequel nous allons porter notre attention encore, sont justement tous ces consonances, assonances et rimes. De tout ce que nous avons dit, il résulte qu’il ne faut pas oublier une différence majeure entre prose et poésie : pour la prose, le plus important c´est l´idée tandis que pour la poésie le plus important ce sont les motifs partiels, l´image et que la traduction des poèmes soit plus difficile que celle de la prose. Finalement, nous pouvons dire que « plus petit est le détail, plus grand est le problème »6.

5 GRAND CORPS MALADE. Le jour se lève : Midi 20. CD album. Paris : Az. 2006. Nous allons désormais utiliser l’abréviation LJSL 6 HEČKO, Blahoslav. Op. Cit. 11

I.I.I. « Trouver le bon mot »7 ou les équivalents

Il y a très peu d’équivalents absolus, c’est-{-dire ceux qui peuvent jouer le même rôle sémantique et stylistique. Dans ce groupe appartiennent des mots monosémiques, par exemple les noms des jours ou mois. Puis, il y a des équivalents partiels, c’est-{-dire des mots qui auraient la même fonction dans l’énoncé. Puis, il y a des mots qui ont plusieurs équivalents, mots polysémiques, et enfin, il y a le cas le plus difficile : les mots et expressions qui n’ont aucun équivalent possible. Dans ce cas-l{, soit on doit utiliser une paraphrase soit on calque soit on substitue par une réalité que le lecteur connaît. Dans notre travail, nous avons rencontré de tels problèmes assez souvent. Ici, nous avons utilisé la substitution car le lecteur tchèque (s’il ne s’y connaît pas dans le domaine), ne saura pas ce qu’est verlan ou rebeu mais il saura probablement ce qu’est le slang. Voyons l’exemple de la chanson Je viens de l{8 : « Verlan, reubeu, argot, gros processus de création » devient « slang a argot, tvorba novýho umëní ».

De même pour « un DEA de chambrettes » (JVDL) qui devient « titul z posmív|ní » parce que DEA est un titre méconnu en République tchèque qui correspond au mastère. Néanmoins, nous n’avons pas substitué ces expressions par une réalité tchèque, nous les avons remplacées par celles qui sont plutôt neutres. Aussi, nous n’avons pas profité de la possibilité de faire une paraphrase car dans une chanson, en plus de la rythmique, une telle solution serait trop longue.

7 GRAND CORPS MALADE. Chercheur de phase. Op.Cit. 8 GRAND CORPS MALADE. Je viens de l{ : Enfant de la ville. CD album. Paris : Az. 2008. Nous allons désormais utiliser l’abréviation JVDL 12

I.I.II. « Dénicher la bonne terminaison »9 ou les rimes

Je retourne toutes les phrases en secouant mon esprit Je traque la moindre rime et j’en rêve même la nuit Je soulève chaque syllabe pour voir ce qu’il y a en dessous Il m’arrive même de chercher jusqu’{ m’en rendre saoul

Grand Corps Malade10

Nous allons expliquer et parler seulement des traits qui sont importants pour ce travail. Nous pourrions présenter ici beaucoup d’informations mais elles ne seraient pas utiles parce que dans ce travail, il s’agit d’une poésie nouvelle, moderne et celle-ci ne se sert pas par exemple des mètres, des césures et des coupes réglés, le rythme est « super » important mais lui aussi, il ne suit pas de règles, il est intuitif. Nonobstant, certaines inspirations de la poésie classique apparaissent telles que l’assonance, la consonance, les rimes (dont nous allons parler plus loin)etc. et des exceptions apparaissent même comme on peut le voir ci-dessous :

« Ses yeux sont des radars,/c’est un vrai chercheur d’or./ Quand il trouve un peu d’or,/pour lui plus rien n’existe/ »11.

(Voil{ comment les immigrés font leurs alexandrins dans les banlieues!) D’après Jiří Levý, les rimes peuvent avoir trois fonctions : une fonction sémantique où les unités rimées sont liées par le sens, une fonction rythmique qui met en valeur la fin rythmique du vers et une fonction euphonique qui accentue soit le signifié soit le signifiant soit les deux. Les rimes dans les chansons slam de Grand Corps Malade ont le plus souvent une fonction rythmique, par exemple dans JVDL: « J’viens de l{ et je kiff ça malgré tout ce qu'on en pense [ chacun son territoire, { chacun sa France », pour traduire cette rime en tchèque, il n’était donc pas nécessaire de lier sémantiquement pense-France, notre résultat devenant alors myslí-kyslík.

On peut distinguer plusieurs catégories et types de rimes. Il y a des rimes banales où l’on connaît déj{ la paire soit parce qu’elle se montre naturelle soit parce

9 GRAND CORPS MALADE. Chercheur de phase. Op. Cit. 10 Ibid. 11 Ibid. 13

que son usage est typique. D’après nous, c’est le cas de la nuit-l’ennui – cette rime se montre naturelle et notre hypothèse est renforcée par le fait que l’auteur utilise cette connexion plusieurs fois. Dans LJSL: « Le soleil éclaire notre papier qu’on avait gratté dans l’ombre pendant toute la nuit La chaleur fait couler l’encre, nos mots quittent nos cahiers, nos voix sortent de l’ennui » et dans JVDL : « J’viens de l{ où les mecs traînent en bande pour tromper l'ennuie J’viens de l{ où en bas ça joue au foot au milieu de la nuit » .

Le contraire représente les rimes originelles qui viennent de l’imaginaire riche de l’auteur et du traducteur comme dans le vers de LJSL : « Notre futur est incertain, c’est vrai que ces deux mots l{ vont toujours de paire Mais notre jour s’est bien levé, dorénavant il sera difficile de nous faire taire ».

On connaît aussi des rimes grammaticales qui, comme l’indique le terme, se fondent sur les mêmes terminaisons grammaticales, par exemple dans JVDL : « Si je rends hommage { ces lieux { chaque expiration C’est que c'est ici que j'ai puisé toute mon inspiration ».

Alors qu´ en français ces rimes sont très courantes parce qu’elles sont créées le plus souvent par les suffixes (-aine, -eur, -able…), en tchèque, les rimes se réalisent par les noms et par les adjectifs. Les rimes fissiles sont formées par deux unités lexicales différentes comme dans LJSL : « Le jour se lève, on le doit peut-être qu’{ nous et quand je dis ça, ce n’est pas juste une métaphore Le jour se lève et si ça se trouve, c’est uniquement parce qu’on a espéré assez fort ».

Les rimes fissiles correspondent avec les rimes originelles. L’autre groupe s’est formé des rimes riches, suffisantes et pauvres. Les rimes pauvres sont celles où il n’y a qu’un son dans la rime, les rimes suffisantes sont celles qui ont deux sons dans la rime et les rimes riches sont celles où l’on voit apparaître trois ou plus sons dans la rime. Il y a encore les rimes isométriques et hétérométriques, les premières étant celles où le nombre de syllabes des unités lexicales rimées est le même, les autres étant celles où ce nombre diffère. Pour notre travail, il est nécessaire de connaître encore un type de classement des différentes rimes, celui qui varie en fonction de leur organisation dans les vers.

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Il s’agit des rimes plates avec le schéma aa bb, des rimes croisées avec le schéma ab ab et des rimes embrassées avec le schéma abba . . 12

I.I.III. « C'est sans cesse la renaissance de l'essence même de nos cinq sens »13 ou l‘euphonie

Chaque langue a une façon typique de rimer et euphoniser. Le tchèque et les langues romanes se servent plutôt des assonances que des consonances. Il s’agit des sons stylisés { l´intérieur des vers. Ils sont, bien sûr, très difficiles { traduire : L‘assonance est un phénomène qui naît lorsque la dernière voyelle dans une syllabe tonique est la même dans plusieurs vers qui se suivent. Si l’assonance se trouve dans un vers, elle peut être appelée allitération ou allitération des voyelles. La consonance est parfois appelée allitération des consonnes et est basée sur la répétition des consonnes. L´euphonie est une manière de créer un son moelleux, soit { l’aide de l’assonance soit { l’aide de la consonance soit les deux. Il y en a plusieurs types : le premier, très rare, apparaît quand l’euphonie représente des sons onomatopéiques (imitant les sons naturels), { travers lesquels on veut, en général, souligner le mot clé en répétant toujours les mêmes sons. Le deuxième, plus fréquent, est un des principes stylistiques où la répétition ne se lie pas avec un mot concret. Le troisième évoque une image qui est stylisée par le son et donne une forme tellement expressive aux idées clés que le lecteur va retenir ces vers et ces idées; dans ce cas-l{, le son est la clé pour l´interprétation du poème et alors il est le plus difficile { traduire. Ce que Jiří Levý nous propose comme solution c’est de profiter de la quantité des voyelles qu´on a en tchèque et de ne pas essayer ne trouver les séries consonantiques qui dans le résultat, vont paraître un peu artificielles tandis que les voyelles représentent une manière naturelle de former l’euphonie en tchèque. Il nous conseille aussi d´utiliser les sons qui sont fréquents dans la langue cible parce que, comme avec les voyelles, c’est plus facile. En opposition avec ces deux possibilités qu’il offre pour se « débrouiller » avec l’euphonie, il déclare qu‘il est beaucoup plus efficace de répéter les sons rares. Chez Grand Corps Malade, on trouve beaucoup de sonorités et l’euphonie, par exemple dasn LJSL :

12 ŠR\MEK, Jiří. Z|klady francouzské versifikace. Brno : Masarykova univerzita, 1991. p. 37-39, p. 44-45 13 GRAND CORPS MALADE. Toucher l‘instant : Midi 20. Op. Cit. 15

« Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé » que nous avons traduit ainsi : « Svít| a spravedlivë zní suita, jež z n|s smýv| strasti a soustrasti minulosti ».

(Note : dans ce vers, il y a également des rimes intérieures ce qui rend la traduction encore plus difficile :

« Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé » - « Svít| a spravedlivë zní suita, jež z n|s smýv| strasti a soustrasti minulosti ».)

I.I.IV. « A notre tour »14 ou homonymes

Les homonymes sont des mots qui se prononcent et qui s’écrivent de la même façon mais n’ont pas le même sens. Les poètes en profitent souvent pour faire des jeux de mots, par exemple dans Saint Denis15 : « Si t'aimes pas être bousculé tu devras rester zen/Mais sûr que tu prendras des accents plein les tympans et des odeurs plein le zen ».

Ici, Grand Corps Malade a obtenu l’homonyme en verlanisant le mot « nez ». Si l’on voulait traduire et l’homonyme et le verlan, en gardant le sens et l’idée bien sûr, ceci serait très probablement impossible.

I.I.V. « Je viens de l{ »16 ou langues régionales et sociales

Nous sommes tous influencés par notre « région », c’est-{-dire l’endroit d’où l’on vient, linguistiquement. Les écrivains, les poètes viennent tous d’un sol natal ce qui forme leur langage. Et les traducteurs aussi – ainsi, chacun de nous traduirait certaines expressions différemment. Le style change de personne en personne. Un Pragois ne parlera pas de la même façon qu’une personne qui habite { Ostrava même si l’on a tous eu le « même tchèque» { l’école. On appelle ce phénomène la variation diatopique.

Or, ce n’est pas seulement l’origine géographique qui joue un rôle important quant { notre langage, c’est aussi l’origine sociale qui apporte sa pierre { l’édifice.

14 Ibid. 15 GRAND CORPS MALADE. Saint Denis : Midi 20. Op. Cit. Pour Saint Denis, nous allons désormais utiliser l’abréviation SD 16 GRAND CORPS MALADE. Je viens de l{. Op. Cit. 16

Les différences sociales s’effacent et les différences linguistiques également. Cependant, certaines différences subsistent et une personne qui travaille au bureau s’exprime différemment que celle qui travaille manuellement ainsi qu’une personne avec formation universitaire et une qui n’a pas fini l’école primaire n’utiliseront pas le même lexique.

Simplement, pour les deux, on ne parle pas de la même manière { Paris et { Paname et pour langage dépend de si l’on est parisien ou dionysien.

I.I.VI. « Putain de cité »17 ou expressivité, connotations et registres linguistiques

Ce chapitre nous semble essentiel du fait que le slam est une poésie qui se sert beaucoup des expressions populaires, familières voir argotiques. Pour mettre en valeur l’énoncé ou évaluer positivement ou négativement, on se sert de l’expressivité, quelle est l’attitude de locuteur, ses émotions. Nous imaginons tous quelque chose en entendant prononcer un mot. Si cette image est commune { chacun, c’est une dénotation. Un tel mot se trouve toujours dans le dictionnaire. Mais chaque individu peut sentir une connotation, il peut faire une association. Les connotations se trouvent souvent dans les mots familiers où elles deviennent péjoratives dans la plupart ou affectives. Le travail du traducteur est d’évaluer l’intention de l’auteur. Nous devons nous servir souvent des hyponymes et hyperonymes, comme dans SD :

« Et si tu préfères, on ira juste derrière manger une crêpe l{ où ça sent Quimper et où ça a un petit air de Finistère Et puis en repassant par Tizi-Ouzou...».

Pour un lecteur tchèque ordinaire, il s’agit de noms méconnus, il ne se ferait ni dénotation ni connotation, dans ma traduction, j’ai utilisé leurs hyperonymes, dans ce cas-l{, les régions ou les pays :

« A jestli nechceš jít s|m,

17 GRAND CORPS MALADE. Saint Denis. Op. Cit. 17

zajdem si jen sníst palačinku tam, kde je cítit Bretaň a podlehnem tëm n|lad|m a cest|m A pak až pudem zp|tky přes Kabylii,... ».

Le tchèque a une manière différente d’exprimer l’expressivité, elle n’est pas aussi concentrée – par exemple sur les interjections, sur un membre de l’énoncé mais plutôt sur plusieurs – il peut alors parfois sembler bizarre de les traduire, il est peut-être préférable les transférer sur tout le style. Aussi, le tchèque exprime les émotions dans le texte plutôt morphologiquement et stylistiquement que lexicalement. On peut souligner l’émotionalité surtout en se servant du tchèque commun, populaire. L’émotionalité et l’expressivité sont une partie inséparable du texte parce qu’elles aident { créer l’atmosphère et { comprendre le caractère du héros. Travailler avec ces couches linguistiques, surtout avec celles qui constituent un registre substandard, demande une certaine exigeance car ce langage – verlan, rebeu, argot est en permanenet évolution (JVDL) , elles changent tout le temps et on a tous une sensibilité différente. Un autre problème est que parfois un mot ou une expression substandard n’est pas substandard en tchèque et inversement, de même pour les expressions avec une connotation affective : on ne va pas traduire mère comme matka mais plutôt mamka (c’est le contexte qui nous le fera entendre mais ici, nous généralisons). Il faut considérer la réalité extralinguistique. Le registre littéraire, le français soutenu, s’oppose { l’argot et c’est justement cet argot des jeunes qui va nous intéresser. Il se caractérise par l’effort d’être intéressant, bizarre, par l’effort de choquer, provoquer, il veut manifester une révolte, une protestation contre les conventions, par excès de l’expressivité, de l’hyperbole, de l’ironie, du comique et par le jeu avec la langue. Mais il peut parfois être compliqué de trouver la frontière entre ce qui appartient au lexique familier et l’argot.

La question de la traduction des expressions substandard reste discutable mais il y a quand même quelques points d’accord: il faut trouver la couche linguistique marquée et considérer si elle est pertinente ou pas. Il n’est pas désirable de faire une transposition culturelle, c’est-{-dire traduire le lexique substandard en trouvant un groupe de locuteurs semblable { ceux du texte – nous risquons de fausser le texte. Dans notre traduction de SD, par exemple, on voit un Antillais qui

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ne parle pas un français tout { fait correct que même un Français natif aurait des problèmes { comprendre :

« ...on finira aux Antilles, l{ où il y a des grosses re-noi qui font « Pchit, toi aussi kaou ka fé la ma fille ! »

Tout d’abord, nous avons examiné la variante de la traduction de cette partie de la chanson en traduisant celle-ci dans la langue tzigane : « ...šukar, kaj džas... » mais finalement, nous avons décidé d’utiliser la variante d’un tchèque déformé parce que le fait de pouvoir remplacer un Antillais par un Rom se discute et une allusion de ce type pourrait induire en erreur le lecteur tchèque. Il est possible aussi, même si n’est pas la meilleure variante de passer les expressions argotique { la langue commun. Une autre possibilité consiste { compenser le texte. On peut expliquer le phénomène de la compensation ainsi : parce qu´on appauvrie toujours la traduction quelque part, il faut qu´on l´équilibre ailleurs, c´est-a-dire un élément familier, vulgaire, comique, archaïque etc. ne doit pas nécessairement être substitué par le même élément { la même place dans la traduction, on peut garder le style en utilisant cet élément ailleurs. Mais il faut que ce soit « un sur un » – un élément substitué sur un élément omis et pas plus.

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II.SLAM

« L’entrée est libre »18 ou c´est quoi le slam?

«Le slam c’est avant tout une bouche qui donne et des oreilles qui prennent. C’est le moyen le plus facile de partager un texte, donc de partager des émotions et l'envie de jouer avec des mots. Le slam est peut-être un art, le slam est peut-être un mouvement, le slam est sûrement un Moment… Un moment d’écoute, un moment de tolérance, un moment de rencontres, un moment de partage.» Grand Corps Malade19 Qu’est-ce que le slam ? - un écho Qu’est-ce que le slam ? - une mise { nue Qu’est-ce que le slam ? - un écrit, une improvisation Qu’est-ce que le slam ? - partager des pensées, des idées, des sensations Qu’est-ce que le slam ? - le vent dans les arbres, un chien qui aboie20 - II. I. « TOURS DE BABEL »21 OU L’HISTOIRE

Le slam est originaire des États-Unis. L{-bas, en 1986, Marc Smith a organisé la première compétition slam au Green Mill, un bar { Chicago, car il considérait la lecture d´auteur trop sèche et vieillie. Ensuite, le slam est venu { New York gr}ce { Bob Holman, un poète peu conventionnel, et en 1990, une compétition a eu lieu { San Francisco. Ensuite, le slam s´est propagé en Europe, surtout en Allemagne où en 1993, les Américains vivant { Berlin, commencent { se réunir pour en faire. En 1997, il s´y est déroulé la première soirée slam. En République tchèque, c´était Jaromír Konečný, un immigré qui a vécu en Allemagne et qui a gagné plus de 60 compétitions slam, qui a organisé la première compétition. Le slam s’est fait connaître aussi { travers le film « Slam » de Marc Levin en 1998. Marc Levin a tourné plusieurs documents pour HBO avant d’oser tourner

18 Annonce publicitaire pour un soirée slam au Café Culturel 19 GRAND CORPS MALADE. Site officiel [online]. 2004 [cit. 2009-11-10]. Dostupný z WWW: . 20 Annonce publicitaire. Op. Cit. 21 GRAND CORPS MALADE. Du côté de chance : Enfant de la ville. Op. Cit. 20

un film pour le cinéma. L’histoire est la suivante : a Washington, Ray Joshua (un vrai slammeur), habitant d’un ghetto des noirs, est arrêté et mis en prison { cause de sa possession de marijuana. L{-bas, il rencontre un jeune femme qui lui fait connaître le slam et l’aide { découvrir en lui un talent extraordinaire pour cette poésie.

II.II. « LA BELLE AVENTURE »22 OU EN FRANCE, A PARIS

On a d'abord slamé dans des bars, c'était nos tours de Babel, l'histoire est devenue aventure et l'aventure est devenue belle. Avec un mélange de rencontres, d'envie et de prises de risque. Qui aurait cru que c'était possible? On a même sorti un disque. ... La belle aventure a pris de drôle de proportions, difficile de prévoir de pareilles mensurations. Bien sûr on y croyait mais personne ne pensait qu'y aurait des textes de slam au programme du bac français.

Grand Corps Malade23

Le slam français naît probablement en 1995 dans un bar, appelé le Club Club. L{, un petit groupe de poètes, de rappeurs et d’autres artistes se rencontre chaque semaine pour performer sur une scène poétique ouverte, cette fois-ci encore sans avoir les règles prescrites (musique, costumes, durée...). Ces artistes s’appellent Nada, Mc Clean, Joìl Bartazer et le personnage le plus important sorti de ce bar Pilote le Hot qui a essayé de faire propager le slam en fondant Slam Productions. Malheureusement, cette organisation n’a pas eu de succès.

En 2000, de nouveaux slammeurs forment un collectif : 129H. Ce sont Rouda, Lyor, Neobled et Ninanonyme. Ils vont propager le slam et deviendront assez connus. Cependant, le slam représente longtemps un art un peu marginal.

C’est en 2002 que Lynx K, un slammeur assez important aujourd’hui, rencontre par hasard Pilot le Hot et Nada, personnages de renommé dans le monde de slam. La même année, { Saint Denis, 93, il fonde Café Culturel où a eu lieu la première

22 Ibid. 23 Ibid. 21

compétition slam. Mais ce n’est qu’un 2004 qu’on voit se multiplier des tournois et soirées slam. De ces soirées se forment de nouveaux slammeurs qui deviendront tellement connus comme Grand Corps Malade ou John Pucc’chocolat. L’année 2004 joue ici un rôle assez important : le premier album slam sort sous nom Interdit aux mineurs, enregistré par Spoke Orchestra et distribué par BMG et FFDSP – Fédération Française de Slam Poésie – est fondée. Elle coopère avec Marc Smith et organisations de slam internationaux.

Toutefois, une vraie expansion du slam se pruduit en 2005 parce que le slam commence { dépasser les frontières parisiennes, tout d’abord, il s’installe dans d’autres villes françaises et puis, on le voit dépasser aussi les frontières internationales. Il s’est développé en France sous deux formes – les compétitions et les scènes ouvertes.

22

III. POUVOIR « ÊTRE POЀTE MÊME SI T’ES EN JEANS ET EN BASKET »24 OU LE PHÉNOMЀNE DIT SLAM

Le slam est parfois dit « nouvelle poésie pour les jeunes », il faut alors se poser ces questions : pourquoi « nouvelle » ?, qu´est-ce qu´il y a de « poétique » ? et pourquoi « pour les jeunes » ? Les réponses se cachent dans le caractère du slam. Le slam se trouve aux confins des arts : il ne s’agit pas seulement de la poésie, le slam s’inspire de la musique (mais on ne peut pas dire que les slammeurs chantent) et du thé}tre – surtout des comédies – on peut alors l’appeler plutôt performance . Le slam est attractif pour les jeunes parce qu’il est interactif (le thé}tre est alors aussi seulement une façon de s’approcher du slam mais pas tout { fait sa caractéristique), fondé sur la communication avec le public, ce qui se manifeste pendant les compétitions de slam (le mot slam vient du mot chelem ou schelem ce qui signifie tournoi ou écrasement) où le public exprime directement son avis en criant ou faisant des gestes – soient-ils élogieux ou péjoratifs. (L’idée de compétition en poésie n’est pas aussi neuve que ça, dans l’Antiquité et dans le Moyen ]ge, les compétitions poétiques ont déj{ eu lieu mais on les a un peu oubliées dans les temps modernes, aujourd’hui, elles paraissent alors nouvelles. ) Il en est aussi parce qu’on n’y trouve pas de clichés, c’est nouveau, et comme chacun peut y participer, s’exprimer librement, il est attractif aussi pour son côté égalitaire.

La forme du slam varie de pays en pays. Par exemple, aux Etats-Unis, le slam représente un style populaire, on peut même trouver des cours pour apprendre { faire du slam. En Allemagne, le slam s’oppose au mainstream alors qu’en République tchèque il n’est pas vraiment connu et fait partie d’une culture alternative, un peu « anarchique ». En France, l’important pour nous, est que le slam s’est répandu assez vite et aujourd’hui, il est très bien reconnu surtout parmi les jeunes, mais demeure toujours un peu dans le cadre de musique des immigrés ainsi que dans le cadre du rap et du hip-hop bien qu’il s’agisse d’une ressemblance très lointaine.

24 Grand Corps Malade. In : GUAY DE BELLISSEN, Héloïse. Au coeur du slam : Grand Corps Malade et les nouveaux poètes. Préface de Ami Karim. Editions Alphée. Monaco : Jean-Paul Bertrand, 2009. 23

Le slam paraît être et un phénomène { la fois artistique et social. Social parce qu’il a vu la lumière dans un quartier défavorisé aux Etats-Unis et il a continué de vivre de cette manière – au moins en France où il est venu chercher ceux qui le font et ceux qui l’écoutent { Saint Denis, un quartier sensible. Il y est venu chercher les personnes { l’esprit ouvert qui ont le « goût de mots »25. Artistique parce que le slam est perçu comme un mouvement – mouvement poétique – qui « apporte un renouveau { la poésie orale »26. Les slammeurs parlent d’eux comme d’artistes, ils se sentent eux mêmes comme de nouveaux poètes:

« On a trempé notre plume et est-ce vraiment une hérésie De se dire qu'on assume et qu'on écrit de la poésie? »27

« Je demande si le slam est un phénomène social...Phénomène social : il dit non ! Le slam est un phénomène artistique. Il ajoute : - Mais c’est aussi un phénomène social, ça va de pair. »28

Un slammeur peut être n’importe qui, les scènes et les compétitions sont ouvertes { tous, c’est une des raisons pour laquelle le slam est aussi répandu parmi les jeunes. N’importe qui peut le faire– couleur de peau, }ge, sexe, formation n’empêchent personne de slammer. Ils s’appellent eux-mêmes poètes sans instrus :

«... on te dit que tu ne sais pas écrire si tu ne peux pas citer telle ou telle personne. C’est une énorme erreur... »29

Tous les slammeurs ont quand même quelque chose en commun : chacun d’eux est un chercheur de phase qui veut qu’on se souvienne de son blaze30 : dans le slam, on parle des blases et des phases. Une phase n’est pas seulement une rime (car on peut s’en passer parfois), c’est plutôt « le bon mot { la bonne place qui va faire un enchaînement mortel »31. Le mot blase (ou blaze) est très probablement dérivé du mot blason, si c’est ça le cas, le blase est une phrase ou peut-être une strophe qui représente le slammeur.

25 Ibid. 26 TSUNAMI MC. Slam, le mouvement [online]. 2003 [cit. 2009-11-11]. Dostupný z WWW: . 27 Grand Corps Malade. Toucher l’instant. Op. Cit. 28 Rouda. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur.....Op. Cit. 29 John Pucc’Chocolat. In : Ibid. 30 Grand Corps Malade. Chercheur de phase. Op. Cit. 31 Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur ....Op. Cit. 24

En général, si l’on demande un slammeur ce que c’est le slam, il va dire que c’est un Instant, instant magique, moment de partage32.

III.II. « À LA RECHERCHE DE L’EXCELLENT »33 OU LES RЀGLES

Il existe certaines règles que devraient être suivies par les chanteurs /slammeurs34, surtout pendant les compétitions qui, première règle, sont ouvertes { tous, chacun peut y participer s’il veut { condition, deuxième règle, qu’il ne présente que ses propres textes. Ce texte, troisième règle, doit être une improvisation, pas un poème écrit chez soi et surtout pas seulement lu { haute voix - ce n’est vraiment pas lecture d’auteur! (Mais il faut dire que presque tous les slammeurs connus ne se servent pas de l’improvisation.)Pour que les chances de tous les poètes soient égales et pour qu’on ne perçoive que le texte, quatrième règle, accessoires, costumes et instruments de musique sont interdits ( « sinon c’est plus du slam ? » 35). Cinquième règle : la durée d’un poème est limitée { trois minutes , pas excessive et pas courte (« oui mais quand même des fois, c’est 5 minutes… »36). Nous avons déj{ évoqué que le public a un rôle important, la sixième règle est alors que le jury est choisi au hasard parmi le public et évalue le slammeur par les points de l’échelle où 1 est le pire et 10 est le mieux (parfois, par exemple aux Etats-Unis, l’échelle va jusqu’{ 30 points). Si le slammeur ne communique donc pas avec ceux qui sont venus écouter son texte, ces chances se restreignent. Les textes que les slammeurs présentent au public ne doivent pas, septième règle, être détachés de la réalité, le slammeur doit présenter une poésie engagée qui peut parler au public d´aujourd´hui, qui est liée avec le présent. La huitième et dernière règle ne concerne pas les slammeurs mais les patrons des bars et des maisons où se déroulent les soirées slam : elle dit qu’un texte dit par le slammeur permet d’avoir un verre offert par le patron (« sauf quand le patron du bar n’est pas d’accord… »37).

32 John Pucc’Chocolat. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur ....Op. Cit. 33 Grand Corps Malade feat. Kerry James. A la recherche : Enfant de la ville. Op. Cit. 34 On voit apparaître quatre versions différentes de l’ortographe de ce mot : slamer, slammer, slammeur, slameur 35 Grand Corps Malade. Site officiel. Op. Cit. 36 Ibid. 37 Ibid. 25

Finalement, la devise de la poésie slam c’est que « l´objectif n´est pas de gagner, cela doit être la poésie elle-même »38.

« Un auditoire : Pas de slam si t’as pas quelqu’un face { un public. Le partage de la scène : Un mouvement entre plusieurs personnes. A cappella : C’est l’essence même du slam : parce que tu peux écouter les silences dans un textes, tu ne subis pas un rythme imposé par une instru, ça crée une exigence au niveau du texte puisque tu ne peux pas te cacher derrière un flow ou un beat. » 39

III.III. SLAM SAUVAGE

Le slam sauvage est simplement un slam qui se fait dans les rues, dans les transports publics, partout. Cette idée de ne pas slammer seulement pendant les soirées slam dans les cafés est venue { l’esprit de Rouda, membre de l’initiative 129H qui était aussi { l’origine de cette idée, en 2000 et tous les slammeurs connus admettent le faire ou l’avoir fait, entre eux, bien sûr, Grand Corps Malade. Le but consiste { faire connaître le slam aux autres : « si tu ne viens pas { la poésie, elle viendra { toi »40.

III.IV. « C’EST UN PEU LE RAP POUR LES GENS QUI N’AIMENT PAS LE RAP. »41

Beaucoup de slammeurs sont issus du milieu du rap. Il y a une différence entre ces deux millieux: nous avons écrit que slammer c’est performer, le rap lui aussi est une performance mais tout { fait différente. Les slammeurs ne peuvent pas avoir des accessoires etc., ils slamment a cappella sans rien pour les aider, ce sont eux, la performance alors qu’en rap, on peut avoir tout : chaînes en or, casquettes, belles femmes, un beat, présenter un style déj{ par son apparence et ici, le rap peut aller jusqu’{ l’outrance. Quand on voit un slammeur monter sur la scène, on ne peut pas deviner tout de suite ce qu’il va faire. Une grande différence est visible dans la diction : dans le slam, on récite plutôt tandis que dans le rap, il faut qu’il y ait

38 SMITH, Marc. Slam, la philosophie [online]. 2003 [cit. 2009-11-11]. Accessible de WWW: . 39 Grand Corps Malade. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur..... Op. Cit. 40 Rouda. In : Ibid. 41 Olivier Cachin. In : Ibid. 26

un flow, un rythme – d’habitude plus rapide que pour le slam. Les rappeurs sont perçus d’avoir plus d’ego. Et encore – dans le rap, il n’y a pas de compétitions, pas d’improvisations, pas de soirées où tout le monde a la parole – le slam, chacun peut l’essayer – et surtout pas d’interaction avec le public.

« Aujourd’hui si tu veux faire du rap, par exemple, tu fais pas ça pour vivre un moment de rap, tu veux faire un disque, une tournée... Le slam, tu peux encore faire ça par pur plaisir. ... juste par plaisir sans enjeu, sans but, sans objectif.»42

42 Grand Corps Malade. In : Ibid. 27

IV. « UN CŒUR ET UN MENTAL DE RÉSISTANT »43 OU GRAND CORPS MALADE

« Une voix basse, horizontale, paisible et ample, { la fois douce et imposante...Fabien fait de la philosophie, de la poésie, du reportage, du journal intime...Ce qu’il raconte, il l’a vu de ses yeux, qu’il a grands... »44

Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade dont la voix nous avons caractérisé plus haut, a déj{ apparu plusieurs fois dans notre texte et comme nous avons dit, il représente aujourd’hui une personne célèbre et l’essentiel pour le slam. Ses textes seront l’objectif de notre travail.

Comme Ami Karim, Fabien vivait { côté du Café Culturel et c’est l{ où « le slam a giflé son esprit... l'année où il a choppé le virus »45.

Toutefois, il a écrit son premier texte plus tard, au Théranga. Ce texte s’appelait Cassiopée, malheureusement, il n’est pas mis ni sur l’album ni sur la site officiel ni ailleurs. Il faut aussi dire que Fabien n’aime pas que ses textes soient publiés sur l’Internet parce que pour le slam, il s’agit de l’oralité : « depuis j'ai de l'encre plein la bouche, depuis j'écris { l'oral46 », et même si « on a enfermé sur disque une émotion encore vivante, c’est sur scène que le slam existe pleinement »47.

(Note : On a cherché alors les paroles de ses chansons soit sur des sites qui ne respectent pas ce vœu soit il fallait retrouver les paroles en écoutant.)

Dans une de ses chanson, Grand Corps Malade slame :

« Y'avait plein de gens qui m'écoutaient, j'ai vu des oreilles plein leurs yeux, un tas de cœurs bien attentionnés, y'avait des jeunes et puis vieux. Ils étaient l{, ils m'attendaient même { l'autre bout d'la France. Ils m'ont offert un bout d'histoire où j'ai marché du côté chance »48.

43 Grand Corps Malade. Mental : Enfant de la ville. Op. Cit. 44 Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur.... Op. Cit. 45 Grand Corps Malade. J’écris { l’oral : Enfant de la ville. Op. Cit. 46 Ibid. 47 Grand Corps Malade. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur .... Op. Cit. 48 Grand Corps Malade. Du côté de chance. Op. Cit. 28

Il n’exagère pas. Il nous suffit visiter son livre d’or (sur le site officiel), on ne voit que des message qui disent merci (on va citer deux comme l’exemple mais il y en a nombreux): « bonjour, une seule chose a dire, merci. T un marchand de rêves a toi tout seul. T'écouter fais vibrer, tes paroles sont pures, tout est reflet du réel, comme tous j'ai commencer a t'écouter avec St Denis, et maintenant je suis ce que tu fais et vraiment merci. T un exemple, un artiste hors norme... Que dieu continue de veiller sur toi, et ne changes rien. On peut lire tellement de choses dans ton regard, a commencer par celui d'être un homme bon. Puisse le bonheur être toujours présent dans ta vie. Merci »,

« Merci pour le bon moment que j'ai pu passé en compagnie de mon mari le samedi 7 novembre au forum de Graulhet... mes fils et moi nous les(chansons) écoutons en boucle { la maison. Bref se fût un moment de pur bonheur où les yeux plein d'étoiles j'ai pu écouté enfin des mots, des phrases , des textes magiques... UN GRAND MERCI POUR ce pur moment de bonheur ».

Évidemment, Fabien est un artiste de grande reconnaissance pour ses chansons mais aussi pour son caractère humain.

IV.I. « PUTAIN LA VIE PASSE TROP VITE »49 OU BIOGRAPHIE

Fabien Marsaud est né en 1977 en 93, une banlieue nord de Paname qu’on appelle Saint Denis (SD) et dans cette vieille femme il a grandi (SD) et vécu depuis. Il dit avoir écrit des textes déj{ quand il était enfant et adolescent mais qu’il ne montrait { personne. Après avoir terminé ses études au lycée où « c’est sûr, il

serait pas un génie mais ça va y’a pire »50, il veut devenir professeur de sport - le sport, surtout le basket, étant un de ses plus fortes passions (« je garde un peu de temps pour les meufs quand je suis pas en train de faire

du sport »51)– et fait un DESS de management international du sport. Or, en 1997, lorsqu’il était en colonie de vacances, un accident lui arrive dansla piscine : il se déplace les vertèbres et ne peut pas marcher (d’où son sobriquet artistique) et il

« passe beaucoup moins de temps { se balader rue de la Rép’ Et apprend { remplir les papiers de la Cotorep »52.

49 Grand Corps Malade. Midi 20. Op. Cit. 50 Grand Corps Malade. Midi 20. Op. Cit. 51 Ibid. 52 Ibid. 29

Comme on pense qu’il ne remarchera jamais, il commence { travailler dans un bureau. Mais il se soigne et en 1999, il est capable de marcher { l’aide d’une béquille et finalement, il « comprend que son stylo bleu foncé et sa béquille pouvaient l’aider { avancer »53. Il commence { faire du slam en 2003, il remporte des tournois, en 2004, il organise des soirées slam mensuelles et en 2005, il fonde l'association Flow d'encre et il anime des ateliers de slam auprès de municipalités, centres sociaux , établissements scolaires, hôpitaux...

En 2006, il sort Midi 20 et vend 600 000 disques.

«L'album Midi 20 du jeune slammeur de Saint-Denis (93) Grand Corps Malade ….connaît dès sa sortie un succès public inattendu et, se hissant aux premières places des ventes d'albums, fait connaître le genre { un très large public en dépassant de fait son audience initiale.»54

En 2007, il gagne deux et en 2008 il sort son deuxième album Enfant de la ville.

IV.II. « J’ESPÈRE DONC JE SUIS »55 OU THÈMES DE SES CHANSONS

Les thèmes que traitent les chansons de Grand Corps Malade sont plusieurs et nous allons toujours en présenter l’exemple. Le thème peut alors être l’amour (Comme une évidence), son handicap (6ème sens), la chanson, la poésie, l’écriture telles quelles (Toucher l’instant), on rencontre aussi quelques chansons humoristes (Ma tête, mon cœur..., L’appartement), chansons qui représentent un jeu linguistique (Pères et mères), chansons avec une thématique disons généralement humaniste (Blues de l’instituteur), chansons avec des thèmes sociaux (une nouvelle chanson a été récemment introduite sur la scène, elle s’appelle Éducation nationale et traite les problèmes des « élèves en difficultés où c’est pas de leur faute { eux s’ils ont moins de chance d’avoir le bac », et du financement des écoles : « comment peut-on faire des économies sur l’avenir de nos enfants ») qui nous mènent au plus grand thème

53 Ibid. 54 Le slameur Grand Corps Malade : C´est quoi le slam [online]. 2009 [cit. 2009-11-12]. Accessible de WWW: . 55 Grand Corps Malade. Vu de ma fenêtre. Midi 20. Op. Cit. 30

auquel est dédiée la plupart de ses textes : la banlieue – son atmosphère, sa vie, ses problèmes et l’espoir du changement qui va venir.

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V. LES CHANSONS TRADUITES

V.I. MÉTHODOLOGIE DE LA TRADUCTION

Même si nous considérons tous les textes de Grand Corps Malade comme captivants, il a fallu en choisir { cause de la brièveté de notre travail. Les trois chansons choisies représentent un échantillon qui pourrait servir comme un résumé de sa création. Puis, sachant déj{ quelle chanson nous allions traduire, les textes de ces chansons nous étaient indispensables. Comme nous avons déj{ mentionné, Grand Corps Malade n’aime pas que ses textes soient réécrits sur l’Internet, il fallait les trouver sur d’autres sites que sur son site officiel. Nous les avons finalement trouvés mais nous devions réécouter plusieurs fois les chansons parce que dans ces textes, il y avait des fautes. Une fois ayant les bons textes, nous avons pu commencer la traduction.

Pour la traduction, il fallait prendre en conscience le rythme, les rimes, l’euphonie, le langage et le thème. Nous avons d’abord examiné les textes attentivement et nous avons fait une traduction grosse. Ayant cette traduction, nous l’avons travaillée et retravaillée, essayant d’oublier un peu le texte originel pour ne pas copier l’ordre des mots, le syntaxe etc. français. Nous avons créé les rimes et les sonorités et nous avons essayé de garder { l’esprit le rythme de la chanson et de ne le trahir pas.

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V.II. « RÉGION QU’A UN SACRÉ CARACTÈRE » OU JE VIENS DE LÀ

Tout d’abord, nous allons voir la traduction et puis, nous allons caractériser cette chanson du point de vue formel, c’est { dire quelles types de rimes et quelles figures de styles y sont utilisées, comment s’y manifeste le choix du lexique et comment nous avons travaillé ces aspects. Nous allons parler aussi un peu du côté thématique de la chanson. Finalement, nous allons mentionner les problèmes que nous avons expérimentés pendant le processus de la traduction et comment nous les avons résolus.

JE VIENS DE L[ JSEM ODTUD

On peut pas vraiment dire qu'on choisit Místo narození je nëco, co se nevolí, son lieu de naissance Ce que vont découvrir petit { petit les cinq ani to, z čeho të časem smysly rozbolí, sens Moi, un jour mes parents ont posé leurs mí rodiče se prostë jednoho dne sbalili, valises, alors voil{ a tak po tëhlech chodnících moje nohy Ce sont ces trottoirs qu'ont vus mes poprvý chodily. premiers pas J’viens de l{ où les mecs traînent en bande Sem odtud, kde se týpci fl|kaj, aby se pour tromper l'ennuie vyhnuli nudë, J’viens de l{ où en bas ça joue au foot au Sem odtud, kde se fočus hraje i potmë, milieu de la nuit J’viens de l{ où on fait attention { la Sem odtud, kde se kouk| na značku marque de ses textiles oblečení, Et même si on les achète au marché on a i když se kupuje na trhu, tak na stylu plaisante pas avec le style to nic nemëní. J’viens de l{ où le langage est en Sem odtud, kde se jazyk bez přest|ní permanente évolution: mëní,

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Verlan, reubeu, argot, gros processus de slang a argot, tvorba novýho umëní, création Chez nous les chercheurs, les linguistes vëdci a lingvisti se u n|s sch|zej, viennent prendre des rendez-vous On a pas tout le temps le même m|me víc slov než vy, i když n|š slovník dictionnaire, mais on a plus de mots que neni st|lej vous J’viens de l{ où les jeunes ont tous une Sem odtud, kde mladý maj každej maîtrise de vannes, diplom na slovní utk|ní, Un DEA de chambrettes, une répartie na všechno vždycky odpovëď a titul z jamais en panne posmív|ní, Intelligence de la rue, de la demerde du škola ulice , protlouk|ní se každým quotidien dalším dnem, Appel ça comme tu veux, mais pour nous říkej tomu, jak chceš, ale nezkoušej to carotter tiens toi bien na n|s s podrazem On jure sur la tête de sa mère { l'}ge de v devíti přísah|me na m|my život, neuf ans On a l'insulte facile mais un vocabulaire ur|žíme se snadno, ale rozšiřujem innovant argot J’viens de l{ où dans les premières soirées Sem odtud, kde v|líš break už na první ça danse déj{ le break p|rty, J’viens de l{ où nos premiers rendez-vous sem odtud, kde na prvnim rande jíš s'passent autour d'un grec kebaby a blafy, J’viens de l{ où on aime le rap, cette sem odtud, kde každej žere rap, ten de musique qui transpire pod kůži, Qui sent le vrai, qui transmet,qui je opravdovej, dejch|, předmëstím témoigne, qui respire krouží, J’viens de l{ où y'a du gros son et pas mal sem odtud, kde sou rýmy hořký, ale kde de rimes amers se naplno hraje, J’viens de l{ où ça choque personne qu'un sem odtud, kde n|zev kapely „Šukej groupe s'appelle nique ta mère svou m|mu“ nikoho nešokuje

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REFRAIN: REFRÉN:

J’viens de l{ et je kiff ça malgré tout ce Sem odtud a užív|m si to přes všechno, qu'on en pense co si o tom lidi myslí, [ chacun son territoire, { chacun sa každýmu ať patří kus Francie, France francouzskej kyslík Si je rends hommage { ces lieux { chaque a jestli s každým výdechem tëmhle expiration místům úctu projevuji, C’est que c'est ici que j'ai puisé toute mon je to proto, že pr|vë ona më inspirují inspiration J’viens de l{ où dès douze ans la tentation Sem odtud, kde të od dvan|cti v|bí t'fait des appels pokušení Du bizness illicite et des magouilles { la neleg|lních obchodů, čachrů a pelle kšeftaření, J’viens de l{ où il est trop facile de prendre Sem odtud, kde je příliš snadný sejít ze la mauvaise route spr|vný cesty, Et pour choisir son chemin faut écarter a aby sis vybral tu svojí, musíš často pas mal de doutes zahnat pochybnosti J’viens de l{ où la violence est une voisine Sem odtud, kde je n|silí důvërným bien familière; zn|mým, Un mec qui saigne dans la cour d'école týpek, co krv|cí ve škole obr|zkem dost c'est une image hebdomadaire norm|lním, J’viens de l{ où trop souvent un paquet de sem odtud, kde si party lumpů často sales gamins vobstar|vaj Trouvent leur argent de poche en peníze tim, že na ulici kabelky arrachant des sacs { main vytrh|vaj J’viens de l{ où on d’vient sportif, artiste, Sem odtud, kde vyrůstaj sportovci, chanteur umëlci a zpëv|ci, Mais aussi avocat, fonctionnaire ou cadre ale i pr|vníci, šéfové a vedoucí, supérieur Surtout te trompes pas j'ai encore plein de hlavnë se nepleť, to fakt nebyl celej métier sur ma liste seznam, Évite les idées toutes faites et les clichés kašli na novin|řský klišé, který dobře

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de journalistes zn|m J’viens de l{ où on échange, j’viens de l{ où Sem odtud, kde se kultury mísej, on se mélange moi c'est l'absence de bruits et d'odeurs a tak mi vadí, když nëkde pachy a hluky qui m'dérange chybëj, J’viens de l{ où l'arc en ciel n'a pas six sem odtud, kde se duha barvama plní, couleurs mais dix-huit J’viens de l{ où la France est un pays sem odtud, kde je Francie kosmopolitní cosmopolite zemí J’viens de l{ où plus qu'ailleurs il existe Sem odtud, kde víc než jinde existuje une vraie énergie energie, J’ressens vraiment ce truc l{, c'est pas de fakt todleto cejtim a neni to demagogie, la démagogie On n’a pas le monopole du mérite, ni le na talent ani touhu nem|me monopol, monopole de l'envie Mais dla où jviens c'est certain c'est une ale odtud, odkud sem, si odneseš víc než bonne école de la vie ze všech škol, J’viens de l{ où on est un peu méfiant et sem odtud, kde sou lidi nedůvëřivý a trop souvent parano podlíhaj paranoie, On croit souvent qu'on nous aime pas, často vëřej, že n|s nikdo nem| r|d a mais c'est ptetre pas complètement faux možn| to tak je, Il faut voir { la télé comment on parle de la chce to vidët, jak mluvëj v televizi o où j’viens tom, odkud sem, Si jamais j’connaissais pas j'y emmènerais kdybych to tu neznal, nešel bych sem même pas mon chien ani se svym psem

REFRAIN: REFRÉN:

J’viens de l{ et je kiff ça malgré tout ce Sem odtud a užív|m si to přes všechno, qu'on en pense co si o tom lidi myslí, [ chacun son territoire, { chacun sa každýmu ať patří kus Francie, France francouzskej kyslík Si je rends hommage { ces lieux { chaque a jestli s každým výdechem tëmhle

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expiration místům úctu projevuji, C’est que c'est ici que j'ai puisé toute mon je to proto, že pr|vë ona më inspirují inspiration J’viens de l{ où comme partout quand on Sem odtud, kde jak jinde lidi snëj, když dort on fait des rêves spëj, J’viens de l{ où des gens naissent, des gens kde lidi chcípaj, kde se milujou a kde se s’aiment, des gens crèvent rodëj, Tu vois bien dla où j’viens c'est comme tak vidíš, je to stejný jak všude na zemi, tout endroit sur terre C’est juste une ptite région qu'a un sacré je to tu trošku spešl, ale furt sme to jen caractère my, J’viens dla où on est fier de raconter d'où sem odtud, kde je každej hrdej na to, l'on vient odkud je, j’sais pas pourquoi mais c'est comme ça on nevim proč, sme všichni patrioti, prostë est tous un peu chauvin to tak je, J'aurais pu vivre autre chose ailleurs c'est byl bych moh‘ žít jinde jinak , tim hůř tant pis où c'est tant mieux nebo tim líp, C'est ici que j'ai grandi, que j’me suis ale je to tady, kde sem vyrost, kde sem construit se zformoval, j‘viens de la banlieue sem z předmëstí.

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V.II.I. LES RIMES

Les rimes dans JVDL peuvent avoir parfois une fonction sémantique, par exemple : « J’viens de l{ où le langage est en permanente évolution : Verlan, rebeu, argot, gros processus de création ».

Ici, évolution et création sont liées par le sens parce que par leur création, les habitants de la banlieue causent l’évolution du lexique. Ailleurs, elles n’ont que la fonction rythmique, par exemple : « Moi, un jour mes parents ont posé leurs valises, alors voil{ Ce sont ces trottoirs qu'ont vus mes premiers pas ».

Toutefois, ces fonctions se superposent souvent. Dans JVDL, Grand Corps Malade utilise et les rimes banales (pour exemple voir chapitre I.I.II.) et les rimes originelles, par exemple

« On peut pas vraiment dire qu’on choisit son lieu de naissance Ce que vont découvrir petit { petit les cinq sens ».

Il s’y sert des rimes grammaticaux (voir même chapitre), des rimes fissiles : « On jure sur la tête de sa mère { l’}ge de neuf ans On a l’insulte facile mais un vocabulaire innovant », des rimes riches : « J’viens de l{ où on aime le rap, cette musique qui transpire qui sent le vrai, qui transmet, qui témoigne, qui respire », des rimes suffisantes : « J’viens de l{ où les jeunes ont tous une maîtrise de vannes Un DEA de chambrettes, une répartie jamais en panne », mais aussi des rimes pauvres : « Moi, un jour mes parent ont posé leurs valises, alors voil{ Ce sont ces trottoirs qu’ont vus mes premiers pas ».

Dans la chanson, on y trouve les rimes isométriques : « J’viens de la où dans les premières soirées ça danse déj{ le break Je viens de l{ où nos premiers rendez-vous s’passent autour d’un grec », ainsi que les rimes hétérométriques (plus couramment) :

« Intelligence de la rue, de la demerde du quotidien 38

Appel ça comme tu veux, mais pour nous carotter tiens toi bien ».

Le schéma de rime est le même dans toute la chanson et c’est le aa bb, il s’agit alors des rimes plates (voir tous les exemples des paragraphes précédents). Dans toute notre traduction, nous avons gardé le schéma mais il serait trop exigeant, peut-être même pas possible, et de notre point de vue inutile, d’observer l’original dans les autres aspects de rimes, par exemple garder les rimes riches l{ où il y a les rimes riches dans le texte. Or, nous n’avons pas été infidèle au texte et nous avons profité de la possibilité de la compensation, par exemple :

« J’viens de l{ où on fait attention { la marque de ses textiles Et même si on les achète au marché on plaisante pas avec le style », qui représente une rime riche, est devenu dans notre traduction une rime suffisante : «Sem odtud, kde se kouk| na značku oblečení, a i když se kupuje na trhu, tak na stylu to nic nemëní », mais dans un vers déj{ cité : « Moi, un jour mes parent ont posé leurs valises, alors voil{ Ce sont ces trottoirs qu’ont vus mes premiers pas » on s’est permis traduire cette rime pauvre comme une rime riche : « mí rodiče se prostë jednoho dne sbalili, a tak po tëhlech chodnících moje nohy poprvý chodily ».

V.II.II. LES FIGURES DE STYLE ET LES TROPES

D’autre aspect du langage poétique que nous devons mentionner encore, ce sont les figures de style et les tropes même s’ils sont moins importants dans cette chanson que dans les autres. L‘unique figure mais très frappante c’est la répétition anaphorique de la phrase je viens de l{. Quant aux tropes, on peut y trouver des métaphores, par exemple « Je viens de l{ où l’arc en ciel n’a pas six couleurs mais dix-huit ».

Dans la réécriture, nous avons utilisé l’apocope parce que dans la chanson, on n’entend pas l’articulation je viens mais j’viens.

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V.II.III. CHOIX DU LEXIQUE

Quant au choix du lexique, dans JVDL, on y trouve des mots familiers mais qui sont déj{ plutôt connus par toute la population française. C’est par exemple le mot « mec » qu’on peut trouver dans PR et qui date déj{ de 1850 ou le mot « truc » qui appartient au lexique familier aussi déj{ depuis le 19e siècle. Puis, il y a des expressions argotiques qui ne sont pas tout { fait compréhensibles pour la population française en général. Il s’agit par exemple des mots vanne et chambrette au sens un peu pareil qui veulent dire moquerie et dans la chanson, ils y sont utilisés au sens d’un tournoi verbal ou du mot grec qui veut dire un sandwich ou un kebab. On ne peut pas les trouver dans les dictionnaires communs. Le mot kiffer vient de l’argot maghrébin et veut dire prendre plaisir, il reste dans le cadre des mots de la banlieue mais il se trouve déj{ dans PR. Les mots demerde qui veut dire débrouillardise et carotter qui signifie extorquer par ruse ou magouille qui signifie tricherie ou fraude, se trouvent, eux aussi, dans PR qui les classe parmi les mots familiers. Le mot niquer qui veut dire posséder sexuellement est classé par PR parmi les mots argotiques employés par les jeunes de la banlieue. Par ce lexique-l{, Grand Corps Malade a réussi { rendre la chanson où il parle de la banlieue plus authentique. Dans le texte tchèque, nous avons essayé de trouver les équivalents de ces mots, parfois nous avons réussi, dans « J’viens de l{ où ça choque personne qu'un groupe s'appelle Nique ta mère » il n’était pas difficile de trouver un équivalent tchèque adéquat : « sem odtud, kde n|zev kapely „Šukej svou m|mu“ nikoho nešokuje », de même pour « Du bizness illicite et des magouilles { la pelle » que nous avons traduit comme « neleg|lních obchodů, čachrů a kšeftaření », mais la traduction de certains de ces mots n’était pas possible simplement parce que la réalité tchèque est différente que la française et on n’a pas de mot argotique pour exprimer « vanne », « chambrette » ou « grec ». Nous avons récompensé ce manque en se servant du tchèque commun dans toute la chanson, c’est-{-dire l’utilisation de ej au lieu de í chez les les verbes : 40

« J’viens de l{ où on échange, j’viens de l{ où on se mélange moi c'est l'absence de bruits et d'odeurs qui m'dérange » que nous avons traduit comme « Sem odtud, kde se kultury mísej, a tak mi vadí, když nëkde pachy a hluky chybëj », ej au lieu de ý et un mauvais accord chez les adjectifs (employé couramment dans le tchèque commun) : « Surtout te trompes pas j'ai encore plein de métier sur ma liste Évite les idées toutes faites et les clichés de journalistes » qu’a été traduit comme suit « hlavnë se nepleť, to fakt nebyl celej seznam, kašli na novin|řský klišé, který dobře zn|m».

V.II.IV. LE THЀME

Pour le côté thématique, dans JVDL, Grand Corps Malade nous fait voir des scènes de la banlieue, il les slamme comme s’il les voyait devant lui. Il essaie d’affronter les clichés que la population se crée de la banlieue surtout parce qu’elle ne voit que la présentation de ces quartiers dans les médias qui sont souvent prévenus contre eux et mettent tout et tous dans le même sac. Il les présente comme un vrai fait par exemple dans la strophe : « J’viens de l{ où la violence est une voisine bien familière; Un mec qui saigne dans la cour d'école c'est une image hebdomadaire », alors qu’il est clair qu’au moins { lui, ces idées sont tellement fautes. Il confronte ces clichés avec ses idées qui doivent certainement surprendre ceux qui croient { celles dans la strophe précédente : « J’viens de l{ où on d’vient sportif, artiste, chanteur Mais aussi avocat, fonctionnaire ou cadre supérieur ».

Le but de cette chanson est alors dire que les images de ceux qui ne vivent pas dans la banlieue peuvent être fautives, qu’il ne faut pas en avoir peur parce que « J’viens de l{ où comme partout quand on dort on fait des rêves J’viens de l{ où des gens naissent, des gens s’aiment, des gens crèvent » mais ce n’est quand même pas la même culture car c’est « une région qu’a un sacré caractère ».

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V.II.V. LES DIFFICULTÉS DANS LA TRADUCTION

Maintenant, nous allons mentionner des difficultés que nous avons vécues pendant la traduction. Les premières difficultés étaient celles de la méconnaissance et l’incompréhension de certaines expressions. Nous les avons cherchées dans les dictionnaires – ceux qui nous ont aidé étaient surtout DZ et Dictionnaire de l’argot français. Dans la traduction elle même, nous avons expérimenté des problèmes variés, surtout concernant les rimes, le rythme, le choix du type de langage, tous les trois formant l’atmosphère de la chanson, et les références { des réalités inconnues. La création des rimes n’a pas été facile mais inévitable parce que les rimes aident le rythme qui forme l’essence de la chanson. [ cause de cela, nous avons été forcé de faire des compromis : changer l’ordre des vers en comparaison avec l’original (mais nous n’avons jamais laissé ce phénomène dépasser une strophe) comme dans :

« J’viens de l{ où comme partout quand on dort on fait des rêves J’viens de l{ où des gens naissent, des gens s’aiment, des gens crèvent » que nous avons traduit comme « Sem odtud, kde jak jinde lidi snëj, když spëj, kde lidi chcípaj, kde se milujou a kde se rodëj », ou changer l’ordre des mots typiquement tchèque (antéposer l’objet au verbe): « sem odtud, kde si party lumpů často vobstar|vaj peníze tim, že na ulici kabelky vytrh|vaj ».

V.II.VI. LE RYTHME

Ce qui se lie avec les rimes, c’est le rythme. Dans JVDL, il fallait essayer de garder le rythme le plus possible parce que nous avons voulu maintenir ce son un peu rappeux de cette chanson. Nous avons découvert que ce qui aide le résultat de la traduction { sonner rappeux, c’est de ne pas dépasser la frontière de trois syllabes dans chaque mot (ce qui n’était pas possible dans tous les cas mais nous avons essayé de le réaliser où il y avait au moins une moindre possibilité), par exemple : « J’viens de l{ où la violence est une voisine bien familière, Un mec qui saigne dans la cour d'école c'est une image hebdomadaire » que nous avons traduit comme 42

« Sem odtud, kde je n|silí důvërným zn|mým, týpek, co krv|cí ve škole obr|zkem dost norm|lním ».

On a choisi norm|lním au lieu de « obtýdenním » parce que le premier est plus court que le deuxième (et semble moins intellectuel) même au prix de dévier un tout petit peu du sens. Il n’est pas nécessaire de compter le nombre des syllabes (s’il ne s’agit pas d’un alexandrin) mais il n’est pas très convenable de l’excéder. Même sans compter, on peut examiner cela assez facilement. Notre méthode consistait en récitant la version tchèque avec la version française. Pour maintenir le rythme, il faut qu’on finisse chaque vers au même temps que le slammeur et qu’on ne parle pas beaucoup plus vite ou lentement. Ainsi, la chanson peut être slammée sur la même musique.

V.II.VII. LA STYLISTIQUE

Pour rapprocher son style au tchèque, nous avons choisi traduire cette chanson par le tchèque commun. Or, il y a deux problèmes avec cela : le première, c’est qu’il est très difficile d’observer ce style dans toute la traduction, c’est-{-dire éviter { jamais les terminaisons littérales des adjectifs et des verbes etc., et le deuxième, c’est que Grand Corps Malade, évidemment, ne veut pas garder le style familier dans toute la chanson lui non plus. Voyons par exemple le refrain :

« J’viens de l{ et je kiff’ ça malgré tout ce qu'on en pense [ chacun son territoire, { chacun sa France Si je rends hommage { ces lieux { chaque expiration C’est que c'est ici que j'ai puisé toute mon inspiration ».

Ici, il y a le mot kiffer qui désigne un lexique marqué et qui, disons, correspond avec le reste de la chanson. Cependant, les expressions comme rendre hommage { chaque expiration ou encore puiser inspiration n’appartiennent pas du tout dans la classe du lexique familier. Nous avons alors eu l’impression qu’il valait mieux mélanger dans la traduction aussi ces deux styles : « Sem odtud a užív|m si to přes všechno, co si o tom lidi myslí, každýmu ať patří kus Francie, francouzskej kyslík a jestli s každým výdechem tëmhle místům úctu projevuji, je to proto, že pr|vë ona më inspirují ».

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Du reste concret, nous en avons déj{ parlé plus haut. Nous allons encore toucher le problèmes de la stylistique dans le dernier chapitre d’un point de vue général. Nous avons encore évoqué le problème des références { des réalités inconnues. Ces réalités peuvent être inconnues au lecteur tchèque mais aussi au traducteur (parce qu’elles peuvent être inconnues même { un Français qui n’est pas au courant). Le Français et le traducteur chercheront et comprendront ces faits mais la question se pose comment traduire une réalité qu’on n’a pas dans le pays de la langue cible et comment l’approcher au lecteur tchèque (qui peut-être ne parle même pas le français). Dans JVDL, il a en a moins que dans SD (qui va suivre) mais il y en a quand même. Par exemple dans « verlan, rebeu, argot, gros processus de création », les premiers deux termes ne sont pas traduisibles en tchèque { cause du manque de la réalité et alors du mot. Dans la traduction, nous avons donc profité du mot qui n’est pas l’exact mais aider le lecteur { pouvoir avoir une idée assez proche de l’original : « slang a argot, tvorba novýho umëní ». De même pour un DEA ce qui est un titre qui n’a pas un équivalent en tchèque (de plus, il est { polémiquer s’il faut substituer les réalités du pays de la langue source par celles du pays de la langue cible), nous avons alors choisi d’utiliser un terme neutre titul.

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V.III. « GRAVER LES RÊVES DANS LES MURS » OU LE JOUR SE LЀVE

Pour caractériser cette chanson, nous allons procéder ainsi : nous allons voir la traduction, puis le côté formel, c’est-{-dire les rimes, l’euphonie (très important pour nous), le choix du lexique et la stylistique, les figures de style (notamment de la gradation) et finalement, les métaphores (et les champs sémantiques) qui nous aideront { comprendre le côté thématique.

Le jour se lève est une chanson tout { fait différente de JVDL parce qu’elle s’approche du poème classique ce qui se manifeste beaucoup dans le caractère formel.

LE JOUR SE LÈVE SVÍTÁ Le jour se lève sur notre grisaille, sur les Svít| nad naší šedí, chodníky v uličk|ch trottoirs de nos ruelles et sur nos tours a výškovými domy Le jour se lève sur notre envie de vous Svít| nad naší touhou v|m vysvëtlit, že faire comprendre { tous que c’est { notre nyní jsme na řadë my tour D’assumer nos rêves, d´en récolter la Své sny si splnit, jejich mízy se zhostit a sève pour les graver dans chaque mur de do všech kamenných zdí je vrýt pierre Le jour se lève et même si ça brûle les Svít|, a přestože z toho p|lí oči, tak je yeux, on ouvrira grand nos paupières musíme do široka otevřít Il a fait nuit trop longtemps et avancer Příliš dlouh| byla noc a bez svëtla, sans lumière nous a souvent fait t}tonner které by n|s vedlo, n|s nutila v její temnotë t|pat, Personne { pardonner, si on est l{ Není koho obviňovat, jestliže tu dnes aujourd’hui c’est juste qu’on n’a pas jsme, je to proto, že jsme to nechtëli abandonné vzd|t On a cherché la lueur de l’aube en Vëdëli jsme, že svit rozbřesku je barvou sachant qu’elle avait la couleur de nadëje, a tak jsme jej hledali l’espoir

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On s’est armé de nos stylos pour écrire Vyzbrojili jsme se propiskami, nous-mêmes la suite de toute cette abychom pr|vë my pokračov|ní tohoto histoire příbëhu sepsali Le jour se lève, sort de sa grève, c’est Svít|, n|š den procit|, grave { quel point la nuit a été agitée opravdu v|žnë pohnut| byla naše noc, On en a de belles { raconter même si M|me mnoho co říci, i když si umím j’imagine que ce sera sûrement loin de představit, že v televizi toho napovídají tes JT až moc, Le soleil éclaire notre papier qu’on avait Celou noc jsme ve stínu škr|bali na gratté dans l’ombre pendant toute la nuit papír, jež nyní paprsky ozařují La chaleur fait couler l’encre, Ž|r n|s vybízí k psaní, nos mots quittent nos cahiers, nos voix slova a hlasy zrozené z nudy se v nadëji sortent de l’ennui přetavují Alors nous allons prendre la parole, Ujmeme se slova, monter sur scène pour un moment, vstoupíme na scénu j’espère que t’en as conscience a prozatím douf|m v tvé uvëdomëní, Finies la patience et la méfiance, končí trpëlivé, nedůvëřivé chvëní, on s’offre simplement avec l’écriture une skrze psaní přich|zí znovuzrození renaissance Le jour se lève et son glaive de lave nous Svít| a spravedlivë zní suita, jež z n|s lave des peines et douleurs du passé smýv| strasti a soustrasti minulosti Notre avenir est lancé… Nevíme, co n|s ček| v budoucnosti, tu nous écouteras et diras franchement poslouchej n|s a řekni upřímnë, ce que t’en as pensé jaké m|me schopnosti Le jour se lève et la joie se livre, Svít| a radost se dostavuje, la soif se lit sur nos lèvres, Naše rty žízní, tu devrais nous suivre každý n|s n|sleduje Si notre heure est brève, A jestliže kr|tký čas se n|m skýt|, nous allons quand même la vivre, i tak celý život to je, nous ne sommes pas bons élèves studium klopýt|, mais l’envie nous enivre ale touha n|s omamuje. Alors { ton tour ouvre les yeux, A tak teď otevři oči, pozoruj bedlivë, approche-toi et observe avec curiosité přibliž se i ty,

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Le souffle et l’enthousiasme d’une ať vidíš ducha a nadšení b|sníků, jenž brigade de poètes sortis tout droit de pr|vë vyšli z temnoty l’obscurité Ne prends pas ça pour de l’arrogance Neber to jako nadutost, mais on sent que c’est notre heure et ça naše chvíle je tu a přin|ší uspokojení fait du bien Notre passion va nous nourrir et je vais Ze zpëvu vzejde v|šeň, bude n|s živit a retrouver un sourire dans le regard de v úsmëvu blízkých naleznu vysvobození tous les miens Le jour se lève, on le doit peut-être qu’{ Svít|, je to možn| jen naší z|sluhou a nous et quand je dis ça, ce n’est pas juste když to řík|m, tak nejen figurativnë une métaphore Le jour se lève et si ça se trouve, c’est Svít| a možn| pouze proto, že jsme v to uniquement parce qu’on l’a espéré assez doufali dostatečnë silnë fort Le jour se lève sur notre grisaille, sur les Svít| nad naší šedí, chodníky v uličk|ch trottoirs de nos ruelles et sur nos tours a výškovými domy Le jour se lève sur notre envie de vous Svít| nad naší touhou v|m vysvëtlit, že faire comprendre { tous que c’est { notre nyní jsme na řadë my tour Notre futur est incertain, c’est vrai que Naše budoucnost je nejist|, a přestože ces deux mots l{ vont toujours de paire tato slova ruku v ruce jdou milióny let Mais notre jour s’est bien levé, U n|s se rozednëlo a napříštë již dorénavant il sera difficile de nous faire nebude možné n|s lehce umlčet taire

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V.III.I. LES RIMES

Les rimes dans LJSL sont presque toutes originelles, par exemple :

« Il a fait nuit trop longtemps et avancer sans lumière nous a souvent fait t}tonner, Personne { pardonner, si on est l{ aujourd’hui c’est juste qu’on n’a pas abandonné », celles que nous considérons banales sont { discuter, (par exemple la liaison la nuit - l’ennui que nous avons déj{ mentionné dans le chapitre I.I.II.). Quant { la richesse des rimes, dans cette chanson, il n’y a aucune rime pauvre et seulement deux rimes suffisantes. Ces dernières sont un peu particulières parce que la première contient trois mots en rime qui se suivent sauf que les fins du vers sont en rime suffisante :

« Alors nous allons prendre la parole, monter sur scène pour un moment, j’espère que t’en as conscience Finies la patience et la méfiance, on s’offre simplement avec l’écriture une renaissance ».

Dans la deuxième rime fait partie d’un « trio » de rime et il s’agit en plus seulement d’une différence entre nasalité et oralité :

« Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé Notre avenir est lancé... tu nous écouteras et diras franchement ce que t’en a pensé ».

Toutes les rimes restantes représentent les rimes riches, comme par exemple :

« D’assumer nos rêves, d´en récolter la sève pour les graver dans chaque mur de pierre Le jour se lève et même si ça brûle les yeux, on ouvrira grand nos paupières ».

Dans notre texte, nous avons évité les rimes pauvres et nous avons essayé d’inventer le maximum des rimes riches (toutefois, nous avons été forcé d’utiliser de temps en temps les rimes suffisantes) :

« Celou noc jsme ve stínu škr|bali na papír, jež nyní paprsky ozařují Ž|r n|s vybízí k psaní, slova a hlasy zrozené z nudy se v nadëji přetavují»

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[ la différence de JVDL, dans LJSL, il y a plus de rimes { forme isométrique (c’est une solution plus élégante) :

« On a cherché la lueur de l’aube en sachant qu’elle avait la couleur de l’espoir On s’est armé de nos stylos pour écrire nous-mêmes la suite de toute cette histoire », mais l’auteur n’évite pas les rimes hétérométriques :

« Alors { ton tour ouvre les yeux, approche-toi et observe avec curiosité Le souffle et l’enthousiasme d’une brigade de poètes sortis tout droit de l’obscurité ».

Dans la traduction, nous avons réussi { garder { peu près le même nombre des rimes isométriques mais, tout comme dans la chanson précédente, on n’insistait pas { les maintenir toujours sur les mêmes endroits qu’{ l’original. Or, nous l’avons souvent réussi :

« Vëdëli jsme, že svit rozbřesku je barvou nadëje, a tak jsme jej hledali Vyzbrojili jsme se propiskami, abychom pr|vë my pokračov|ní tohoto příbëhu sepsali »

V.III.II. LES RIMES INTÉRIEURES

Le schéma de rime a la forme de aa bb, comme dans la chanson précédente, il s’agit alors des rimes plates. La chanson est souvent « décorée » par les rimes intérieures : « Le jour se lève et la joie se livre, la soif se lit sur nos lèvres, tu devrais nous suivre Si notre heure est brève, nous allons quand même la vivre, nous ne sommes pas bons élèves mais l’envie nous enivre ».

Ici, on peut alors voir un schéma ab cb ab ab, un schéma proche de rimes croisées mais troublées par le deuxième vers si l’on considère aussi les rimes intérieures, sinon, le schéma serait bb bb. On a conservé le schéma originel dans toute la traduction, même dans les parties problématiques comme celle de l’exemple précédent :

« Svít| a radost se dostavuje, Naše rty žízní, každý n|s n|sleduje 49

A jestliže kr|tký čas se n|m skýt|, i tak celý život to je Studium klopýt|, ale touha n|s omamuje ».

Il peut être compliqué de trouver une rime pour deux vers mais c’est beaucoup plus difficile quand il s’agit d’une rime pour trois ou encore plus de vers (et peu importe si ce sont les rimes finales, les rimes intérieures ou encore leur combinaison) comme, par exemple, dans :

« Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé Notre avenir est lancé… tu nous écouteras et diras franchement ce que t’en as pensé », pour cette raison, nous avons dû alors dévier un peu du sens primaire et étoffer le texte : « Svít| a spravedlivë zní suita, jež z n|s smýv| strasti a soustrasti minulosti Nevíme, co n|s ček| v budoucnosti, poslouchej n|s a řekni upřímnë, jaké m|me schopnosti ».

V.III.III. L’EUPHONIE

Comme nous l’avons déj{ signalé, LJSL représente une chanson qui profite d’une poétique classique. Ce qui correspond avec cette caractéristique, c’est le profit que Grand Corps Malade tire de l’euphonie qui remplit tout le texte et complète l’image qu’il doit susciter. L’euphonie se manifeste, par exemple, dans le premier quatrain où se répète la consonne [R] :

« Le jour se lève sur notre grisaille, sur les trottoirs de nos ruelles et sur nos tours Le jour se lève sur notre envie de vous faire comprendre { tous que c’est { notre tour D’assumer nos rêves, d´en récolter la sève pour les graver dans chaque mur de pierre Le jour se lève et même si ça brûle les yeux, on ouvrira grand nos paupières »

La répétition de cette consonne a pour but d’accentuer l’insistance de son texte parce qu’elle paraît dure et forte. Ce sont les premiers mots : grisaille, trottoirs, ruelles où le premier est le plus intensif dans la version sonore par lesquels il nous évoque l’atmosphère de la banlieue (tout en laissant pénétrer la lumière du jour dans cette grisaille – mais nous allons revenir { ce sujet plus tard). Il rend plus forte l’idée de la volonté et du vouloir de graver les rêves dans les murs de pierre, d’être actif,

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de ne pas se laisser décourager. Dans ce cas-l{, l’euphonie ne représente pas seulement un effet stylistique, elle est dotée du sens. Dans la traduction, nous n’avons pas réussi { obtenir le même effet. Nous avons gardé un peu la répétition mais seulement comme une « décoration » stylistique en répétant les consonnes [s], [ʃ ] et [r ] :

« Svít| nad naší šedí, chodníky v uličk|ch a výškovými domy Svít| nad naší touhou v|m vysvëtlit, že nyní jsme na řadë my Své sny si splnit, jejich mízy se zhostit a do všech kamenných zdí je vrýt Svít|, a přestože z toho p|lí oči, tak je musíme do široka otevřít »

Un autre cas de l’euphonie, que nous avons déj{ évoqué dans la partie théorique (chapitre I.I.III.) se trouve dans la quatrième strophe : « Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé ».

La répétition des consonnes [l]et [v] éveille légèreté, mollesse, douceur. Celle-ci est en opposition avec le début de la chanson, qui, au contraire, fait penser { la force. Une fois de plus, elle se lie { un sens – purification ou justification : on y retrouve un glaive, instrument qui exécute la justice, mais ici, il lave des peines et douleurs. En les lavant, purifiant, il en fait une table rase. En tchèque, nous avons profité de la consonne [s] en liaisons consonantiques avec [v], [t] et [r] : « Svít| a spravedlivë zní suita, jež z n|s smýv| strasti a soustrasti minulosti »

Pour garder l’euphonie dans ce vers, nous avons été forcé de changer la métaphore du glaive. Or, nous avons laissé l’idée de la purification et nous avons mis le mot spravedlivë pour ne pas résigner { l’idée de la justification. Nonobstant, nous pensons que nous avons réussi { garder l’idée ainsi que l’effet stylistique.

V.III.IV. LE CHOIX STYLISTIQUE DU LEXIQUE

Le choix stylistique du lexique correspond aussi avec le caractère poétique de cette chanson : on n’y trouve aucun mot familier, argotique voir vulgaire. AU contraire, le texte est constitué des mots de lexique du registre soutenu et littéraire, par exemple t}tonner, lueur, aube, glaive (qui a déj{ le statut d’un lexème vieilli, archaïque et littéraire), dorénavant etc. On y retrouve également 51

nombreux au sens figurés (comme par ex. sève), des mots abstraits (comme par exemple grisaille, chaleur, renaissance) etc. Ce type du lexique accentue l’idée qu’on trouve de vrais poètes dans les banlieues. Nous avons essayé de traduire ces mots par des lexèmes susceptibles d’appartenir au même niveau stylistique et lexical et nous pensons que nous l’avons réussi assez bien parce que ce lexique existe dans la poésie tchèque, on peut alors trouver les équivalents convenables : par exemple « lueur de l’aube » que nous avons traduit comme « svit rozbřesku ». Le seul mot qui n’a pas d’équivalent en tchèque est le mot glaive, mais comme nous avons changé la métaphore originelle, nous n’avons pas eu besoin de le chercher. Quant au choix stylistique du registre, nous avons utilisé le tchèque littéral, comportant les terminaisons littérales ({ la différence de JVDL). De temps en temps, nous nous sommes même permis un ordre des mots un peu plus archaïque, par exemple dans la première partie du vers suivant: « Il a fait nuit trop longtemps et avancer sans lumière nous a souvent fait t}tonner » qui est alors devenu en version tchèque :

« Příliš dlouh| byla noc a bez svëtla, které by n|s vedlo, n|s nutila v její temnotë t|pat ».

V.III.V. LES FIGURES DE STYLES ET LES TROPES

Nous allons alors continuer en analysant les figures de styles et les tropes. Comme dans toutes les chansons que nous avons traduites, la répétition anaphorique du nom de la chanson apparaît aussi dans celle-ci. Pour le cas du le jour se lève, la répétition n’a pas ici ({ la différence de JVDL) un rôle rythmique mais exprime plutôt l’insistance. Pour cette chanson, la gradation est essentielle (le fait de pouvoir écouter le poète réciter son poème représente un grand avantage). On entend Grand Corps Malade accélérer la parole, les vers se raccourcissent { peu près au niveau de la strophe Alors nous allons prendre la parole jusqu’{ dans le regard de tous les miens, mais la pointe de cette gradation est une partie { laquelle nous nous sommes déj{ partiellement référé :

« Le jour se lève et la joie se livre, la soif se lit sur nos lèvres, tu devrais nous suivre Si notre heure est brève, nous allons quand même la vivre, 52

nous ne sommes pas bons élèves mais l’envie nous enivre Alors { ton tour ouvre les yeux, approche-toi et observe avec curiosité Le souffle et l’enthousiasme d’une brigade de poètes sortis tout droit de l’obscurité », que nous avons traduit ainsi :

« Svít| a radost se dostavuje, Naše rty žízní, každý n|s n|sleduje A jestliže kr|tký čas se n|m skýt|, i tak celý život to je Studium klopýt|, ale touha n|s omamuje A tak teď otevři oči, pozoruj bedlivë, přibliž se i ty ať vidíš ducha a nadšení b|sníků, jenž pr|vë vyšli z temnoty ».

Dans les deux derniers vers, on peut entendre un certain glissement, même si Grand Corps Malade parle toujours très vite. Nous pensons que nous l’avons bien gardé en profitant des impératifs qui se trouvent aussi dans l’original. Finalement, le tempo ralentit et les vers se prolongent pour instaurer une harmonie, un équilibre :

«Le jour se lève, on le doit peut-être qu’{ nous et quand je dis ça, ce n’est pas juste une métaphore Le jour se lève et si ça se trouve, c’est uniquement parce qu’on l’a espéré assez fort ».

Dans la traduction de ces vers-l{, nous avons donc essayé aussi de provoquer l’impression du ralentissement { quoi aident, d’après nous, les propositions subordonnées et surtout les longs adverbes { la fin des vers :

« Svít|, je to možn| jen naší z|sluhou a když to řík|m, tak nejen figurativnë Svít| a možn| pouze proto, že jsme v to doufali dostatečnë silnë ».

Toutefois, beaucoup plus essentielles que les figures de style sont pour cette chanson les tropes, surtout les MÉTAPHORES. Nous allons mentionner seulement quelques unes mais elles sont intéressantes toutes. En révélant les métaphores, on découvrira aussi le côté thématique mais nous le résumerons encore { la fin de cette analyse. Le nom de la chanson représente la première : « Le jour se lève » est une métaphore assez classique qui indique un changement, l’arrivée de l’espoir. En tchèque, nous comprenons cette métaphore de la même façon et nous l’avons

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aussi. Quand nous avons réfléchi sur sa traduction (le nom est très important, c’est la première chose que le lecteur lira et laquelle il doit retenir), nous avons considéré plusieurs variantes – rozednív| se, den vst|v| etc. mais nous avons opté pour « svít| » parce que ce nom fait penser le plus de tous { la lumière, notant que dans toute la chanson, il y a un champs sémantique riche des mots qui se lient { la lumière, c’était probablement la meilleure solution. Il continue avec la métaphore de récolter la sève qui veut dire puiser l’énergie pour pouvoir graver les rêves dans les murs de pierre, c’est-{-dire pour les faire connaître aux autres. Ils (les poètes de la banlieue) n’ont plus peur de faire face { la réalité et d’essayer de changer le cours des choses – ouvrir grand leurs paupières – même si cela n’est pas du tout facile – ça brûle les yeux. Il a fait nuit trop longtemps – Grand Corps Malade nous explique que longtemps, ils ne faisaient rien pour prendre le destin dans leurs mains, ils ne savaient même pas comment – avancer sans lumière les a fait t}tonner mais ils n’ont pas résigné et ils ont cherché la lueur de l’aube – le chemin, l’espoir. Maintenant alors, leur situation commence { bien tourner – le jour sort de sa grève – et l’espoir et le courage gagnés au lever du soleil, les font sortir de la passivité – la chaleur fait couler l’encre. Ces métaphores, nous les avons bien sûr essayées de traduire en gardant leur sens figuré :

« Své sny si splnit, jejich mízy se zhostit a do všech kamenných zdí je vrýt Svít|, a přestože z toho p|lí oči, tak je musíme do široka otevřít ... Příliš dlouh| byla noc a bez svëtla, které by n|s vedlo, n|s nutila v její temnotë t|pat, ... n|š den procit| ... Ž|r n|s vybízí k psaní ».

Ce qui est indispensable pour pouvoir comprendre cette chanson-poème, c’est de voir l’opposition des deux champs sémantiques – celui de la lumière, du jour et celui de l’obscurité, de la nuit. Pour le premier, on trouve les expressions : le jour se lève, brûle, lumière, lueur de l’aube, soleil et éclaire et pour le deuxième, on a grisaille, deux fois nuit, ombre et obscurité. Le premier se lie bien sûr { l’espoir : « On a cherché la lueur de l’aube en sachant qu’elle avait la couleur de l’espoir »,

{ la joie : « Le jour se lève et la joie se livre », 54

et { l’avenir et le deuxième au passé: « Le jour se lève et son glaive de lave nous lave des peines et douleurs du passé Notre avenir est lancé… », et { la tristesse : « Le jour se lève sur notre grisaille ».

Il est vraiment magique comment les deux s’interpénètrent, par exemple si l’on reste dans le même vers : « Le jour se lève sur notre grisaille » où on voit ce contraste entre la lumière du lever du jour et la grisaille qui est définie par le dictionnaire comme manque d’éclat. En tchèque, nous avons créé ces deux champs sémantiques aussi : svít|, p|lí, svëtlo, svit rozbřesku, paprsky, ozařují et šeď, deux fois noc, deux fois temnota, stín.

V.III.VI. LE THЀME

On a déj{ beaucoup touché le côté thématique en expliquant les métaphores et l’opposition de la lumière et de l’obscurité, du jour et de la nuit. Pour le résumer et compléter un peu : le thème de cette chanson repose sur l’idée de changement et de l’arrivée de l’espoir. Grand Corps Malade nous guide dans l’histoire des poètes de la banlieue : il nous montre le passé, se concentre sur le présent et finit par se tourner vers l’avenir, tout cela comme un processus qui mène du malheur au bonheur. Ce seront les poètes qui assureront ce changement parce que finalement, ils cessent d’être passifs : l’idée de l’activité nous accompagne pendant toute la chanson :

« ... faire comprendre { tous que c’est { notre tour ... on n’a pas abandonné ... On s’est armé de nos stylos pour écrire nous-mêmes la suite de toute cette histoire ... Alors nous allons prendre la parole, monter sur scène » etc.

Tout ce qu’on a vu plus haut, c’est-{-dire rimes, euphonie, lexique, stylistique, métaphores, thème... tout cela forme une atmosphère unique de cette chanson, ce ne sont pas des faits indépendants l’un de l’autre. Le plus difficile c’est de les unir dans la traduction d’une manière qu’ils puissent transmettre cette atmosphère. 55

V.IV. « PRENDS LA LIGNE D DU RER » À SAINT DENIS

Le slam Saint Denis représente déj{ un culte. Un culte pour les jeunes que Grand Corps Malade a abordés, qui cherchent encore leur identité et peuvent la trouver dans cette chanson. On ne peut pas comparer Saint Denis { JVDL ni { LJSL, comme ces deux, il est aussi tout { fait différent. Il n’est pas ni rappeux ni poétique, il se trouve un peu entre ces deux pôles. Ce qui le caractérise, ce sont les références culturelles dont il est construit. Nous allons tout d’abord voir la traduction, puis le côté formel, c’est-{-dire les rimes, le choix du lexique et finalement, nous allons nous concentrer sur la problématique de la traduction des références culturelles et des jeux de mots. Nous allons terminer par quelques mots concernant le thème et le but de cette chanson.

SAINT DENIS SAINT DENIS

J'voudrais faire un slam pour une grande Chtël bych napsat slam pro jednu z žen, dame que j'connais depuis tout petit kterou zn|m od svých dëtských dní J'voudrais faire un slam pour celle qui Chtël bych napsat slam pro tu z pannen, voit ma vieille canne du lundi au samedi kter| vidí moji starou hůl od pondëlí r|na do noci sobotní J'voudrais faire un slam pour une vieille Chtël bych napsat slam pro jednu ze femme dans laquelle j'ai grandi stařen, protože jsem vyrostl v ní J'voudrais faire un slam pour cette Chtël bych napsat slam pro mojí severo- banlieue nord de Paname qu'on appelle pařížskou zem, který se řík| Saint- Saint-Denis Denis Prends la ligne D du RER et erre dans les Jeď vlakem RER57 a bluď prachem, rues sévères d'une ville pleine de ruchem, krutým mëstem caractère

57 Réseau Express Régional, vlak spojující pařížská předmëstí s centrem mësta 56

Prends la ligne 13 du métro Sedni na linku 13 do metra et va bouffer au MC Do a jdi si d|t do Mek|če hamburgra ou dans les bistrots nebo nëco do bistra d'une ville pleine de bonnes gos et de ve mëstë, kde je to sam| supr kr|ska a gros clandos a imigrantsk| ch|ska Si t'aimes voyager, prends le tramway et Jestli r|d cestuješ, jeď tramvají a projdi va au marché. se trhama. En une heure, tu traverseras Alger et Bëhem hoďky se projdeš Tanger. severoafrickejma mëstama. Tu verras des Yougos et des Roms, Uvidíš Jugoše et puis j't'emmènerais { Lisbonne. a koukneš se do Lisabonu i na cigoše. Et { 2 pas de New-Dehli et de Karachi, A kousek od Novýho Dilí a Kar|čí58 (t'as vu j'ai révisé ma géographie) (to kouk|š, zopakoval sem si zemëpis) j't'emmènerai bouffer du mafé { Bamako të vezmu nacpat se mafé59 do Mali a na et { Yamoussoukro. Pobřeží slonoviny. Et si tu préfères, A jestli nechceš jít s|m, on ira juste derrière zajdem si jen sníst palačinku tam, manger une crêpe l{ où ça sent Quimper kde je cítit Bretaň et où ça a un petit air de Finistère. a podlehnem tëm n|lad|m a cest|m. Et puis en repassant par Tizi-Ouzou, on A pak až pudem zp|tky přes Kabylii60, finira aux Antilles, zaskočíme na Antily, l{ où il y a des grosses re-noi qui font tam, kde tlustý černošky dëlaj « Pchit, toi aussi kaou ka fé la ma fille !56 » „*Mua*, tcitci, copak delas tůů ty!“ Au marché de Saint-Denis, faut que tu Na trhu v Saint-Denis musíš mít fyzičku. sois sique-phy. Si t'aimes pas être bousculé tu devras Jestli se nerad strk|š, zůstaň klidnej. rester zen Mais sûr que tu prendras des accents Ale je jasný, že ti přízvuky zaplnëj plein les tympans bubínky et des odeurs plein le zen a nos budeš mít pachů a vůní plnej

56 Qu’est-ce que tu fais là ma fille? 58 Hlavní mësto Pákistánu 59 Jídlo mající původ v západní Africe, skládá se z rajčat, rýže a hovëzího masa 60 Alžírská provincie 57

Après le marché on ira ché-mar rue de la Ulicí Republiky pudem z trhů, République, le sanctuaire des magasins tím svatost|nkem pëkňoučkejch pas chers obchodů, La rue préférée des petites rebeus bien oblíbený ulici Arabeček, sapées aux petits talons et aux cheveux co se na podpatcích kejvou blonds peroxydés a vlasy peroxidem odbarvujou Devant les magasins de zouk, Před st|nkama na ulici të naučím je t'apprendrai la danse tancovat zouk61 Si on va { la Poste, j't'enseignerai la jestli pudem na poštu, radím, ať je ti patience... ček|ní fuk La rue de la République Tahle Republiky ulice mène { la Basilique vede k tý Bazilice, où sont enterré tous les rois kde je pohřbenej každej francouzskej de France, tu dois le savoir ! kr|l, to‘s douf|m znal! Après Géographie, petite leçon d'histoire Po zem|ku sem si dëj|k opakoval Derrière ce b}timent monumental, Na konci uličky, kudy dem, j't'emmène au bout de la ruelle, za touhle budovou vyhlížející monument|lnë, dans un petit lieu plus convivial, se setk|š s jedním př|telským bienvenu au Café Culturel místečkem, Café Culturel62, vítej v naší kav|rnë On y va pour discuter, pour boire, Povídat, pít a hr|t d|mu ou jouer aux dames. chodíme všichni sem, Certains vendredi soir, a nëkdy v p|tek k večeru y'a même des soirées slam jsou tu i večery se slamem Si tu veux bouffer pour 3 fois rien, jestli se chceš nacpat levnýho jídla, j'connais bien tous les petits coins un peu zn|m dobře všechny ty hospy drobet poisseux ulepený, On y retrouvera tous les vauriens, chodí sem boh|či i nóbl třída, toute la jet-set des aristocrasseux vysed|vaj tu smradi ničemný. Le soir, y'a pas grand chose { faire, Večer všude zavříno, není co dëlat,

61 Tanec pocházející z Brazílie, rozšířený v kreolsky mluvících zemích 62 Kavárna, ve které se odehrála první soutëž ve slamu 58

y'a pas grand chose d'ouvert leda jít se fl|kat, A part le cinéma du Stade, otevříno maj jen u Staď|ku v kinë, où les mecs viennent en bande : kde se týpci sch|zej: bienvenue { Caillera-Land Drsoň-Land, vítej! Ceux qui sont l{ rêvent de dire un jour Snëj a že jednou budou v balíku doufaj « je pèse ! » et connaissent mieux Kool Shensous le a rappera Koola Shena63 líp pod nom de Bruno Lopes jménem Bruno Lopes64 znaj C'est pas une ville toute rose Růžový to tady není, mais c'est une ville vivante. ale zato života plný. Il s'passe toujours quelqu'chose, Tohle mësto prov|zí neust|lý dëní, pour moi elle est kiffante pro më je nenahraditelný J'connais bien ses rouages, vím dobře, jak to tady chodí, j'connais bien ses virages, vím dobře, co se komu hodí, y'a tout le temps du passage, je to tu poř|d plný lidí y'a plein d'enfants pas sages, a nehodnejch dëtí, co të rozhodí, j'veux écrire une belle page, moje texty se tu rodí, ville aux cent mille visages, vidíš sto tisíc tv|ří různorodých, St-Denis-centre mon village Centrum Saint-Denis, moje povodí J'ai 93200 raisons M|m 9320065 důvodů, de te faire connaître cette agglomération. abych të sezn|mil s touhle aglomerací. Et t'as autant de façons A ty m|š stejnë způsobů, de découvrir toutes ses attractions. kterýma objevíš bohatství jeho atrakcí. A cette putain de cité j'suis plus Tohle zkurvený mësto m|m víc než r|d, qu'attaché, même si j'ai envie de mettre des taquets i když m|m nëkdy chuť nafackovat aux arracheurs de portables de la Place zlodëjům mobilů z tlachacího n|mëstí du Caquet Caquet St-Denis ville sans égal, St-Denis ma St.Denis mësto různých f|m, St.Denis capitale, St-Denis ville peu banale.. mësto vzd|lený kvót|m, St. Denis můj

63 Francouzský rapper, zakládající člen kultovní skupiny Suprême NTM z počátku 90. let 64 viz 11 65 Poštovní smërovací číslo Saint Denis 59

où { Carrefour tu peux même acheter de chr|m... la choucroute Halal ! kde v Carrefouru koupíš zelí, co odpovíd| isl|mským norm|m Ici on est fier d'être dionysiens, Sem pyšnej na to, odkud sem, j'espère que j't'ai convaincu. douf|m, že jsem të přesvëdčil vřele. Et si tu m'traites de parisien, A jestli më nazveš Pařížanem, j't'enfonce ma béquille dans l'... narvu ti svojí hůlku do ...... J'voudrais faire un slam pour une grande Chtël bych napsat slam pro jednu z žen, dame que j'connais depuis tout petit kterou zn|m od svých dëtských dní J'voudrais faire un slam pour celle qui Chtël bych napsat slam pro tu z pannen, voit ma vieille canne du lundi au samedi kter| vidí moji starou hůl od pondëlí r|na do noci sobotní J'voudrais faire un slam pour une vieille Chtël bych napsat slam pro jednu ze femme dans laquelle j'ai grandi stařen, protože jsem vyrostl v ní J'voudrais faire un slam pour cette Chtël bych napsat slam pro mojí banlieue nord de Paname qu'on appelle severo-pařížskou zem, který se řík| Saint-Denis. Saint-Denis

60

V.IV.I.LES RIMES

Dans SD, les rimes ont plutôt une fonction rythmique, il n’y a pas en général des liaisons sémantiques des unités lexicales qui sont en rime, par exemple :

« Et si tu préfères, on ira juste derrière »

Les rimes dans SD sont exceptionnelles surtout { cause du grand nombre de mêmes rimes qui se répètent, par exemple dans la première strophe où on voit se répéter huit fois une rime sur [am] et quatre fois une rime sur [i] :

« J'voudrais faire un slam pour une grande dame que j'connais depuis tout petit J'voudrais faire un slam pour celle qui voit ma vieille canne du lundi au samedi J'voudrais faire un slam pour une vieille femme dans laquelle j'ai grandi J'voudrais faire un slam pour cette banlieue nord de Paname qu'on appelle Saint-Denis »

La situation se complique encore par le fait qu’il y a quatre fois le mot slam qui rime et aussi { cause des allusions que l’auteur fait : les trois « femmes » représentent ici la Cathédrale de Saint Denis, la ville de Saint Denis et la banlieue de Saint Denis. En français, dame, canne, femme et banlieue ainsi que ville et cathédrale ont toutes le genre féminin, en tchèque, il fallait alors maintenir non seulement les rimes mais aussi la possibilité de se rendre compte de ces allusions, c’est-{-dire maintenir aussi le genre. Et encore le sens, bien sûr. Nous l’avons résolu comme suit :

« Chtël bych napsat slam pro jednu z žen, kterou zn|m od svých dëtských dní Chtël bych napsat slam pro tu z pannen, kter| vidí moji starou hůl od pondëlí r|na do noci sobotní Chtël bych napsat slam pro jednu ze stařen, protože jsem vyrostl v ní Chtël bych napsat slam pro mojí severo-pařížskou zem, který se řík| Saint-Denis »66.

Quant { la richesse de ces rimes, dans ce slam, on voit apparaître beaucoup de rimes suffisantes et parfois même pauvres et on y trouve peu de rimes riches. Toutefois, même si certaines rimes ne sont pas riches, elles nous frappent tout de suite très intensivement :

« Prends la ligne 13 du métro et va bouffer au MC Do

66 on a compté avec la prononciation tchèque du mot slam qui s’approche de l’anglais et pas de français, c’est-{-dire [slem] 61

ou dans les bistrots d'une ville pleine de bonnes gos et de gros clandos »

Ici, on peut dire soit qu’il y a le schéma ab ab et les rimes y sont suffisantes ou que le schéma est aa aa et les rimes y sont pauvres. Néanmoins, la voyelle [o] (et [ɔ ]) est très retentissante, dans la traduction, il fallait donc aussi utiliser une voyelle visible au premier regard, en tchèque, nous avons opté pour [a]. Nous considérions plus important cette répétition que garder le schéma de rime :

« Sedni na linku 13 do metra a jdi si d|t do Mek|če hamburgra nebo nëco do bistra ve mëstë, kde je to sam| supr kr|ska a a imigrantsk| ch|ska »

Il nous manque encore l’exemple d’une rime riche, alors :

« La rue de la République mène { la Basilique »

De temps en temps, on rencontre aussi les vers libres :

« Au marché de Saint-Denis, faut que tu sois sique-phy. Si t'aimes pas être bousculé tu devras rester zen Mais sûr que tu prendras des accents plein les tympans et des odeurs plein le zen Après le marché on ira ché-mar rue de la République, le sanctuaire des magasins pas chers »

Dans cette partie de la chanson, il n’y a que le mot zen qui est en rime, les autres représentent les vers libres. Mais bien sûr, on y voit d’autres « décorations » : accents – tympans, marché – ché-mar – pas chers et même la combinaison zen – zen. Il s’agit des jeux de mots qu’on ne peut pas généralement traduire si l’on veut garder le sens. Les accents et les tympans est un jeu sémantique – joue-t-on de la musique au marché (plus tard, il t’apprendrai la danse...) ou c’est une place aussi multiculturelle qu’on entend différents accents de la langue? Nous avons conservé la rime intérieure mais nous avons dû choisir un des deux sens possibles. Marché – ché-mar – pas chers est plutôt un jeu stylistique qui, ainsi que zen – zen67, s’inspire du verlan. Cela n’aurait jamais eu le même effet si l’auteur ne l’avait pas utilisé : après le marché on ira marcher... Dans ce jeu, même si l’auteur n’y a pas mis une rime, nous en avons fait dans la traduction pour garder un peu le son. Pour le deuxième,

67 La prononciation est [zɛ n] pour les deux. 62

en créant une rime absolue et un jeu de mot, il nous a empêché de la traduire toute (le jeu ainsi que la rime), nous avons, comme avant, opté pour le sens. Le résultat suit :

« Na trhu v Saint-Denis musíš mít fyzičku. Jestli se nerad strk|š, zůstaň klidnej. Ale je jasný, že ti přízvuky zaplnëj bubínky a nos budeš mít pachů a vůní plnej Ulicí Republiky pudem z trhů, tím svatost|nkem pëkňoučkejch obchodů »

Le nombre de rimes isométriques et hétérométriques est équilibré, nous allons citer deux exemples, dans le même ordre :

« On y va pour discuter, pour boire, ou jouer aux dames. Certains vendredi soir, y'a même des soirées slam »

« Si tu veux bouffer pour 3 fois rien, j'connais bien tous les petits coins un peu poisseux On y retrouvera tous les vauriens, toute la jet-set des aristocrasseux »

Comme dans les deux chansons précédentes, nous n’avons pas attaché de l’importance { la garde de ces rimes sur leurs places dans le discours originel, alors dans les exemples donnés plus haut, nous les avons traduites partiellement par les rimes hétérométriques et partiellement par les rimes isométriques :

« Povídat, pít a hr|t d|mu chodíme všichni sem, a nëkdy v p|tek k večeru jsou tu i večery se slamem »

« jestli se chceš nacpat levnýho jídla, zn|m dobře všechny ty hospy drobet ulepený, chodí sem bohatý i nóbl třída, vysed|vaj tu smradi ničemný ».

63

V.IV.II.LES RIMES INTÉRIEURES

Nous avons déj{ un peu touché les rimes intérieures de ce slam en parlant de la première strophe, maintenant, nous allons en dire plus. Le schéma de rime est assez difficile { définir parce qu’il change de strophe en strophe : dans la première strophe, on peut constater que c’est aa aa, mais aussi que c’est ab ab ab ab et encore que c’est aab aab aab aab, tout est vrai parce que cela dépend du point de vue - dans quelle mesure nous considérons les rimes intérieures importantes. Dans la deuxième strophe, le schéma peut être a bc bc dd mais aussi aaaa bbbbbbb ccc :

« J'voudrais faire un slam pour une grande dame que j'connais depuis tout petit J'voudrais faire un slam pour celle qui voit ma vieille canne du lundi au samedi J'voudrais faire un slam pour une vieille femme dans laquelle j'ai grandi J'voudrais faire un slam pour cette banlieue nord de Paname qu'on appelle Saint-Denis

Prends la ligne D du RER et erre dans les rues sévères d'une ville pleine de caractère Prends la ligne 13 du métro et va bouffer au MC Do ou dans les bistrots d'une ville pleine de bonnes gos et de gros clandos Si t'aimes voyager, prends le tramway et va au marché. En une heure, tu traverseras Alger et Tanger. »

Dans notre traduction, nous avons toujours essayé de conserver le schéma et nous avons toujours compté avec les rimes intérieures, nous avons donc conservé le schéma aab aab aab aab dans la première strophe et aaaa bbbbbbb ccc dans la deuxième :

« Chtël bych napsat slam pro jednu z žen, kterou zn|m od svých dëtských dní Chtël bych napsat slam pro tu z pannen, kter| vidí moji starou hůl od pondëlí r|na do noci sobotní Chtël bych napsat slam pro jednu ze stařen, protože jsem vyrostl tady v ní Chtël bych napsat slam pro mojí severo-pařížskou zem, který se řík| Saint-Denis

Jeď vlakem RER a bluď prachem, ruchem, krutým mëstem Sedni na linku 13 do metra a jdi si d|t do Mek|če hamburgra nebo nëco do bistra ve mëstë, kde je to sam| supr kr|ska a a imigrantsk| ch|ska Jestli r|d cestuješ, jeď tramvají a projdi se trhama. Bëhem hoďky se projdeš severoafrickejma mëstama »

64

Nous voudrions encore mentionner deux parties avec les rimes intérieures que nous considérons intéressantes mais difficiles { traduire. Vers la fin de la chanson, il y a cette strophe :

« St-Denis ville sans égal, St-Denis ma capitale, St-Denis ville peu banale.. où { Carrefour tu peux même acheter de la choucroute Halal ».

De nouveau, il y a plusieurs mots sur une rime – on a quatre fois le [al] et de plus une référence culturelle (on va y dédier un chapitre plus tard). Nous l’avons résolu ainsi :

« St.Denis mësto různých f|m, St.Denis mësto vzd|lený kvót|m, St. Denis můj chr|m... kde v Carrefouru koupíš zelí, co odpovíd| isl|mským norm|m »

La deuxième partie que nous avons voulue mentionner n’est pas moins intéressante :

« J'connais bien ses rouages, j'connais bien ses virages, y'a tout le temps du passage, y'a plein d'enfants pas sages, j'veux écrire une belle page, ville aux cent mille visages, St-Denis-centre mon village ».

On voit bien le schéma aaaaaaa, le [aʒ ] qui se répète. La traduction suit :

« vím dobře, jak to tady chodí, vím dobře, co se komu hodí, je to tu poř|d plný lidí a nehodnejch dëtí, co të rozhodí, moje texty se tu rodí, vidíš sto tisíc tv|ří různorodých, Centrum Saint-Denis, moje povodí ».

V.IV.III. La densité d’informations dans les rimes

La densité d’informations dans les rimes n’est pas toujours la même. Il y a des parties qui contiennent beaucoup d’informations, de réalités culturelles etc. et on y trouve d’autres qui n’en contiennent pas. Le premier nous complique la traduction, le deuxième nous permet de « jouer » plus avec elle. L’exemple du premier cas peut être « Tu verras des Yougos et des Roms, et puis j't'emmènerais { Lisbonne Et { 2 pas de New-Dehli et de Karachi, (t'as vu j'ai révisé ma géographie) j't'emmènerai bouffer du mafé { Bamako et { Yamoussoukro », pour le deuxième cas, nous pourrions citer la dernière strophe que nous avons mentionnée dans le chapitre précédent (J’connais bien ses rouages...). 65

V.IV.IV. LE CHOIX DU LEXIQUE

Le choix du lexique correspond avec un des objectif de la chanson – montrer la multiculturalité de Saint Denis, Grand Corps Malade y utilise alors des expressions argotiques et verlanisées, familières, des anglicismes et aussi mots du créole. Le premier de ces mot est Paname, cela veut dire Paris, on ne peut pas vraiment dire s’il s’agit d’un mot argotique ou s’il est déj{ devenu familier parce qu’on ne le trouve pas dans les dictionnaires (sauf DZ mais il ne le classifie nullement). Traduire bien un tel mot n’est pas possible, nous avons considéré deux manières : la première, c’est de laisser le mot Paname tel quel, la seconde, c’est de le traduire en tchèque par le mot Paříž qui n’appartient pas { un lexique argotique mais tout le monde le comprend. Ni l’un ni l’autre ne représente pas une bonne option parce que le premier n’est pas compréhensible pour le lecteur et le second n’est pas argotique. Comme dans presque tous les cas semblables dans les chansons que nous avons traduites, nous avons tenu pour l’essentiel le sens, nous nous sommes alors servi de la deuxième possibilité. Puis, nous avons l’apocope Mc Do pour Mc Donald. Dans ce cas-l{, la traduction en tchèque ne représentait pas une affaire difficile car, comme il s’agit d’une réalité connue en République tchèque et dont profitent surtout les jeunes, il existe un mot familier qui saisit bien le signifié ainsi que le signifiant – Mek|č. Trouver l’équivalent pour go, qui est une déformation d’anglais – girl et signifie femme, fille ou petite amie (bonne go c’est alors une jolie fille), était un travail un peu plus dur { cause de la complication que nous causait les sept [o, ɔ ] qui rimaient et le manque du mot tchèque qui aurait le même sens. Finalement, nous avons choisi le mot kr|ska. Nous avons longtemps réfléchi sur le mot buchta qui est beaucoup plus familier mais l’image (qui est tellement importante pour la poésie) qu’on se fait en entendant le mot go est tout { fait différente de celle qu’on se fait de buchta. Kr|ska est donc sémantiquement plus proche. Immédiatement suit clandos, apocope du mot clandestin qui veut dire qui a un caractère illicite (PR). On est toujours dans les sept [o, ɔ ], pour clandos, nous avons alors cherché un mot qui serait en rime avec le mot kr|ska et surtout contiendrait la voyelle [a] (comme nous avons déj{ dit plus haut, nous avons remplacé [o] par [a]) et qui, bien sûr, aurait une certaine expressivité. Finalement, nous nous sommes décidé pour imigrantsk| ch|ska qui d’après nous remplit toutes les conditions données. Suit le mot Yougo, apocope de Yougoslave, qui 66

ne se trouve que dans DZ, mais pour un tchèque, le sens est bien sûr facile { deviner. De nouveau, cette fois-ci pour des raisons historiques, il existe en tchèque un mot qui correspond parfaitement avec Yougo : Jugoš que nous avons utilisé dans la traduction. Le mot bouffer n’appartient pas { un lexique exclusivement argotique, il s’agit d’un mot employé couramment dans le sens manger beaucoup ou avaler le repas. En tchèque, on a plusieurs variantes de traductions possibles, dans notre texte, nous avons opté pour le mot nacpat se. Au contraire, le mot re-noi fait déj{ partie du lexique de la banlieue. Il vient du verlan du mot noir. Il s’agit d’un mot inventé { cause de la connotation désagréable que sentaient les locuteurs dans le mot noir. En tchèque, on n’a pas de mot qui exprimerait une connotation positive (sauf peut-être « černoušek » , mais on imagine plutôt un enfant), ils existent soit les mot neutres, soit péjoratifs. Dans notre traduction, nous avons choisi une variante neutre – černoška. Puis, ces renois disent : « Pchit, toi aussi kaou ka fé la ma fille ». Il s’agit de la variante créole du français et signifie qu’est-ce que tu fais l{ ma fille. Nous avons tout d’abord examiné la possibilité de traduire cette partie par la langue tzigane mais finalement, nous avons utilisé un tchèque déformé (parce qu’il est discutable si l’on peut faire un Rom d’un Antillais et faire une allusion au lecteur tchèque qui aura une autre image [on en a déj{ parlé, voir chapitre I.II.VIII.]) : « *Mua*, tcitci, copak delas tůů ty! »

Quant { *pchit*, cela peut se traduire en tchèque comme *pst* mais dans la chanson, Grand Corps Malade fait un son par lequel il imite un baiser, nous avons alors choisi une autre interjection : *mua*. Une autre expression du verlan est le mot sique-phy qui veut dire physique mais dans le sens de la condition physique. En tchèque, le mot fyzička que nous avons utilisé dans notre traduction exprime bien le côté un peu familier de sique-phy. Zen, comme l’adjectif, est une expression familière pour exprimer calme ou tranquille. En tchèque, nous l’avons traduit comme klidnej avec la terminaison familière ej mais nous n’avons pas réussi { provoquer une connotation familière dans telle mesure que le fait zen. (On a déj{ parlé des raisons – il y a un jeu de mot, dans le chapitre précédent.)

67

Zen, comme nom masculin, est verlan de nez. Nous avons dû le traduire en tchèque d’une manière neutre – nos, { cause de la rime et du jeu de mot (voir chapitre précédent).

Ché-mar représente aussi un mot verlanisé : marcher. Nous avons gardé son oralité en traduisant ce mot comme pudem au lieu de « půjdeme » qui fait partie du lexique littéral.

Un autre mot verlanisé, cette fois-ci deux fois, est rebeu. Rebeu signifie arabe. Les jeunes ont d’abord verlanisé arabe en beur et puis beur en rebeu. Ce mot n’a pas de connotations négatives. Nous avons cherché en tchèque un mot qui serait familier mais neutre mais nous n’avons pas réussi. Le travail se compliquait aussi par le fait qu’il s’agit des petites rebeus. En tchèque familier, nous avons le mot « Arab|č » mais nous pensons qu’il y a une connotation péjorative et de plus, on ne peut pas en faire le féminin. Finalement, nous avons choisi Arabečky. Ces rebeus ont de cheveux blonds peroxydés. Peroxydé signifie décoloré par le peroxyde d’hydrogène. En tchèque, nous avons gardé le mot peroxyde et nous l’avons traduit comme « vlasy peroxidem odbarvujou ». Le mot zouk a deux significations possibles. La première vient de créole, il s’agit d’un type de danse ou musique. Cela peut être aussi un mot argotique qui signifie marché couvert des pays d'islam et qui s’écrit en général avec s. Il s’agit d’un jeu de mot dont nous allons parler plus tard. La jet-set représente un des deux anglicismes qui se trouvent dans ce slam. C’est une expression qui signifie un groupe social des personnes très riches. Elle se lie ici avec des arristocrasseux ce qui veut dire aristocrate mais avec une connotation péjorative qui est suscitée par le suffixe « sseux ». Nous les avons traduits comme boh|či i nóbl třída qui remplissent le sens ainsi que la forme. On a déj{ parlé du mot mec dans JVDL, dans la traduction de SD, nous avons utilisé le même mot – týpek. L’expression composée Caillera-Land est moitié verlan moitié anglicisme. Caillera vient du verlan du mot racaille que le PR classifie comme vieilli sous signification populace ou canaille. Cependant, dans la langue des jeunes, la variante verlanisée peut avoir une connotation péjorative (mais moins que le mot racaille) ainsi que positive (un peu taquine). Land vient de l’anglais et veut dire terre ou terrain et imite

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ici les noms des chaînes de cinémas. Pour caillera, nous avons trouvé l’équivalent drsoň et nous avons laissé land tel quel parce que les tchèques sont bien habitués aux anglicismes, finalement c’est alors Drsoň-Land. Peser vient de l’argot et signifie gagner ou avoir beaucoup d’argent. Nous l’avons traduit en tchèque par une expression familière být v balíku. Dans JVDL, on a eu l’expression kiffer, dans SD, il y a kiffante qui est l’adjectif dérivé de ce verbe. Il veut alors dire préférée ou aimée. Dans notre traduction, nous avons mis nenahraditelný parce que nous pensons que cela va le mieux dans le contexte. La dernière expression du lexique peu conventionnel dans la chanson, c’est mettre des taquets, venant de l’argot, elle signifie gifler et nous l’avons traduite comme nafackovat. Dans la traduction de cette chanson, nous nous sommes bien sûr servi du tchèque commun et des terminaisons non-littérales.

Il y a très peu de figures de style et de tropes, nous n’allons donc pas y attacher de l’importance. Comme il n’y a pas d’accompagnement musical dans cette chanson, on n’entend que des sons (des cloches, des caisses et des cris), le rythme n’était pas aussi important que dans JVDL. Seulement, il faillait que la traduction puisse se lire vite { ce que nous sommes plus ou moins parvenu.

V.IV.V.LES RÉFÉRENCES CULTURELLES ET LES ALLUSIONS

Nous avons déj{ mentionné que SD est une chanson riche en références culturelles. Ces références ne sont pas toujours traduisibles mais elles font partie de cette chanson et surtout : une partie tellement importante qu’on ne peut pas les supprimer. Tout d’abord, la question surgit s’il vaut mieux substituer les éléments culturels français par les éléments tchèques. Pour ce slam, la réponse est : jamais! Saint Denis dont vient le nom de la chanson, est une banlieue parisienne, connue pour être habitée par beaucoup d’immigrés. La ligne D du train RER passe pour cette ville et de même la ligne 13 du métro. Il y a peut-être un MC Do et et des bistros. Et pour de vrai, il y a une Rue de la République qui mène { la Basilique.

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De même pour la Place du Caquet et Café Culturel. Peut-être aussi le cinéma du Stade mais nous ne l’avons pas trouvé. On peut déj{ voir qu’il s’agit d’une promenade dans la ville où Grand Corps Malade est notre guide. On doit alors maintenir toutes ces réalités dans la traduction parce que c’est une vraie description de Saint Denis. Dans notre traduction, nous avons profité de la possibilité des notes explicatives mais nous avons aussi essayé de comporter un éclaircissement dans le texte même, par exemple dans : « Prends la ligne D du RER » nous avons ajouté une « explication » dans le texte : « Jeď vlakem RER ». D’autre exemple : « bienvenu au Café Culturel » a été traduit comme suit « Café Culturel, vítej v naší kav|rnë ». On a souvent partiellement traduit les autres références, par exemple le vers « La rue de la République mène { la Basilique » a été traduit comme « Tahle Republiky ulice vede k tý Bazilice ».

Pour la Place du Caquet, nous avons mis n|mëstí Caquet, pour cinéma du Stade, nous avons mis kino u Staď|ku. Ainsi, le lecteur comprendra ce que c’est même s’il ne connaissait pas La Basilique ou La Place du Caquet. Dans la chanson, on rencontre aussi deux types du repas africain : mafé et choucroute Halal. Mafé vient de l’Afrique de l’Ouest et consiste du riz, des tomates et si c’est possible du bœuf. Choucroute Halal se consiste de choux, des pommes de terre et des épices et normalement, il devrait contenir une garniture de veau, dinde et agneau mais obtenir cette garniture en Afrique n’est pas bien sûr facile car la viande appartient { des aliments plutôt inaccessibles. Halal n’est pas seulement le nom de ce repas, c’est une désignation de tout ce qui est en conformité avec Sharia, loi musulmane. Dans la traduction, il fallait donc garder ces deux réalités. Pour mafé, nous avons laissé le nom sans d’autre explication parce qu’en liaison avec nacpat se, il devient assez clair qu’il s’agit d’un repas. Pour choucroute Halal, nous avons décidé

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d’insérer dans le texte l’idée de la loi musulmane. Au lieu de Halal (qui, { cause de la position géographique et homogénéité de la population de la République tchèque, serait très certainement un terme inconnu), nous avons mis : « kde v Carrefouru koupíš zelí, co odpovíd| isl|mským norm|m ».

Carrefour est une chaîne des supermarchés qui est déj{ partie du marché tchèque mais il reste en conscience de la plupart des lecteurs tchèques, nous n’avons pas donc eu besoin de la remplacer ou expliquer. Zouk est une danse et musique qui vient du Brésil et est répandue aux Petites Antilles. Dans le texte, il s’agit d’un jeu de mots que nous expliquerons dans le chapitre respectif. Caillera est une allusion { la déclaration du ministre de l’intérieur Sarkozy, aujourd’hui monsieur le Président français, { l’occasion des désordres en octobre 2005, où il a désigné les jeunes de la banlieue comme « racaille et voyous ». Nous n’avons pas su transmettre une telle allusion en tchèque. 93200 représente le code postal de Saint Denis et un jeu dans le texte. Nous l’expliquerons aussi dans le chapitre respectif. Bruno Lopes est un rappeur français, né en 1967, d’origine portugaise. En 1988, il a fondé Suprême NTM avec JoeyStarr, un groupe de rap qui est devenu un vrai culte en France. Son sobriquet artistique est Kool Shen. Dans la traduction de « et connaissent mieux Kool Shen sous le nom de Bruno Lopes», on a ajouté le mot rapper pour éclaircir la référence : « a rappera Koola Shena líp pod jménem Bruno Lopes znaj ».

Les références culturelles restantes sont des références géographiques : noms des pays, villes, régions et nationalités. Dans la traduction, nous avons utilisé les variantes tchèques pour Antilles, New-Dehli, Lisbonne et Karachi. Pour Karachi, nous avons utilisé aussi une note de bas de page. Comme il s’agit des noms moins connus, nous avons substitué Tanger, Tizi-Ouzou, Bamako, Yamoussoukro, Quimper et Finistère par ceux qui peuvent être plus familiers aux lecteurs tchèques, c’est-{-dire les noms des pays ou des régions où ceux-ci se trouvent : nous avons alors substitué Tanger par severoafrickejma mëstama, Tizi-Ouzou par Kabylie, Bamako par Mali, Yamoussoukro par Pobřeží slonoviny, Quimper et Finistère par Bretaň. Pour

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les nationalités, il y a Yougos (voir aussi chapitre V.IV.IV.)et Roms, pour les deux, nous avons utilisé des expressions plus familières parce que Yougo est une apocope et Rom traduit comme « Rom » en tchèque sonnerait un peu trop politiquement correct et alors n’appartient pas { une telle chanson. Nous avons traduit les deux comme suit:

« Uvidíš Jugoše a koukneš se do Lisabonu i na cigoše ».

Le suffixe « oš » exprime bien l’expressivité. Il y a encore des allusions dans la première strophe mais nous en avons parlées au début du chapitre V.IV.I.

V.IV.VI. JEUX DE MOTS

En général, les jeux de mots sont presque intraduisibles mais nous avons essayé de ne pas se rendre.

« Si t'aimes pas être bousculé tu devras rester zen Mais sûr que tu prendras des accents plein les tympans et des odeurs plein le zen »

Ici, le mot zen se répète et forme une homonymie totale ([zɛ n]). Toutefois, le sens est toujours différent. Nous avons pu trouver une rime absolue mais pas d’une bonne qualité, nous avons alors finalement choisi une rime riche. Pour le jeu, nous pensons qu’il n’est pas possible de le garder sans changer complètement le vers et son idée. (Voir chapitres V.IV.I. et V.IV.IV.)

« Devant les magasins de zouk, je t’apprendrai la danse »

– ce jeu de mot consiste du jeu avec le mot « zouk ». Zouk représente un style de danse, alors l’expression « magasins de zouk » n’a apparemment pas de sens. On découvre le sens lorsqu’on trouve qu’il existe « magasins de souk » ce que veut dire un « kiosque ». Dans la traduction, il n’était pas possible de maintenir ce jeu mais nous ne voulions aussi pas l’appauvrir des deux sens, nous avons alors opté pour la variante « před st|nkama na ulici të naučím tancovat zouk » pour que le zouk reste aussi dans le sens de la danse. Voir aussi chapitre V.IV.IV.

72

Un autre jeu de mot, c’est la Place du Caquet. Il s’agit d’une vraie place, le jeu alors n’appartient pas { l’auteur mais { l’histoire de cette place. Cependant, c’est lui qui l’a choisi, il faut alors maintenir aussi l’idée du caquet. Nous en avons fait « tlachací n|mëstí Caquet ».

Dans la chanson, l’auteur a « 93200 raisons de te faire connaître cette agglomération ». 93200 représente le code postal de Saint Denis. Dans ce cas-l{, nous n’avons pas trouvé de solution car il fallait laisser le code postal et les raisons, { cause du sens, il n’était pas donc possible d’y insérer une explication. Nous avons alors profité de la possibilité d’y mettre une note de bas de page.

V.IV.VII. LE THЀME

Le thème de la chanson est assez clair au premier regard. Grand Corps Malade veut nous montrer la diversité et la multiculturalité de la banlieue. Il nous raconte ce qu’il voit : différents pays et nations, différents styles de vie – certains travaillent au marché, d’autres trainent, certains mangent des repas traditionnels, d’autres vont voir une soirée slam ou jouer aux dames, certains vont arracher les portables, d’autres vont se concentrer sur leur « look » et faire des achats. L’idée c’est que Saint Denis c’est pas une ville toute rose mais c‘est une ville vivante.

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VI.LE TCHÈQUE COMMUN ET SES VARIANTES RÉGIONALES

Le tchèque commun se manifeste de plusieurs côtés68 : du côté morphologique – la terminaison non-littérale ej, du côté phonologique – i court l{ où appartient í long – neni, du côté lexical – dans les mots comme zkurvený ou fuk, et du côté stylistique – to‘s douf|m znal au lieu de to jsi douf|m znal. C’est le traducteur qui doit choisir parmi ces côtés le meilleur pour désigner un registre marqué. [ cause du niveau du langage populaire, familier, argotique dans JVDL et SD, dans la traduction, il a fallu utiliser le tchèque commun. Mais il n’y a pas seulement une variante, il y en a au moins deux ce qui mène au conflit entre le tchèque commun de la Bohème et le tchèque commun de Moravie. La différence surgit dans la perception de l’emploi de ej (que ce soit les adjectifs ou verbes), par exemple

« Sem odtud, kde jak jinde lidi snëj, když spëj, kde lidi chcípaj, kde se milujou a kde se rodëj » au lieu de sní, když spí...a kde se rodí. La variante utilisée peut paraître un peu bizarre { un Tchèque de Moravie mais tout { fait normale { un Tchèque qui vit en Bohème. De même pour i au lieu de í, par exemple neni au lieu de není. Pour équilibrer la traduction, nous avons mis le i court dans JVDL et í long dans SD. [ nous, la variante avec ej et i court semble plus naturelle parce que nous venons de la Bohème du sud. Cependant, nous avons recherché un tchèque vraiment commun { tous. Mieux vaut éviter tout ce qui peut provoquer ce conflit pour que le texte paraisse naturel { chaque lecteur (si l’auteur n’a pas eu l’intention opposée) mais ce n’est simplement pas possible parce que nous sommes issus de quelque part et c’est « notre » variante que nous semble la meilleure et la plus naturelle. Mais parfois, si l’on par exemple regroupe trop de ej, cela ne semble plus naturel ni aux locuteurs qui se servent de ce registre marqué, il faut donc très bien peser toutes les variantes et essayer de chercher une autre traduction mais en gardant toujours le style, c’est-{-dire ne pas mélanger le tchèque commun et le tchèque littéral ou le tchèque

68 KRIJTOV\, Olga. Pozv|ní k překladatelské praxi : kapitoly o překl|d|ní beletrie. 1ère.éd. Praha : Karolinum, 1996. 74

tchèque et le tchèque de Moravie, { l’exception des cas où l’auteur ne garde pas le même style lui aussi dans la chanson (voir chapitre V.II.). Pour conclure, il faut dire qu’« éviter systématiquement ces formes (du tchèque commun) est aussi difficile que les maintenir systématiquement »69.

69 Ibid. 75

ÉPILOGUE

Le processus de la traduction n’est pas seulement constitué de la traduction, elle sous-entend également un art de lire et d’écouter. Il est encore plus quand nous avons devant nous l’objectif de traduire une chanson qui est poétique que ce soit une poétique exprimée par un langage argotique ou par de « beaux mots ». C’est parce que pour passer une poétique d’une langue { une autre, il faut être attentif au texte et vraiment passionné pour sa traduction. Si on n’aime pas ce qu’on fait, on ne peut jamais faire une bonne traduction. En tout cas, nous avons bien « kiffé ce boulot » mais maintenant, c’est au lecteur de ces quelques chansons traduites de juger le résultat. On terminera cet épilogue par une citation : « Ces « instants de partage poétique pour tous », ça a toujours existé finalement. Pourquoi le slam est-t-il différent ? Parce qu’il est un partage de vie, quand Yo s’assied { côté de moi, alors qu’il vient de slamer sur scène, il n’y a plus de frontière.... Nous sommes seuls au monde et le monde est si seul, c’est un fait, mais le soir, on s’organise pour être heureux. En quelques minutes, on peut vivre des expériences personnelles qui deviennent collectives. Sans rien de plus que les mots. Un bouleversement de la culture jusque dans la vie et l’inversement. »70.

70 GUAY DE BELLISSEN, Héloïse. Au cœur.... Op. Cit. 76

CONCLUSION

Dans notre travail, nous avons apporté plusieurs preuves que la traduction de la poésie n’est pas du tout une affaire facile et qu’elle est plus exigeante que celle de la prose. C’est { cause des images et des motifs partiels qu’il faut retenir et que le traducteur doit transmettre au lecteur. Ce qui nous a compliqué le travail, c’est la création des rimes et l’euphonie, mais aussi un vocabulaire argotique qui est difficilement traduisible et qui, parfois, n’a pas d’équivalents tchèque et exige une substitution sémantiquement et stylistiquement proche. Il faut également résoudre la question de la traduction des réalités françaises et des allusions qui ne diraient rien { un lecteur tchèque ordinaire. On a parfois dû les remplacer par des expressions compréhensibles mais neutres (pour ne pas substituer culture française et culture tchèque). Une autre difficulté consistait dans le choix des registres de langue qui se mélangeaient dans le texte. Nous avons alors alterné le tchèque commun (complexe car il comporte des variantes régionales)et le tchèque littéral en nous servant des expressions argotiques, familières, vulgaires mais aussi poétiques qui se trouvaient dans le texte originel. Néanmoins, la réponse { la question que nous nous sommes posée avant de commencer { travailler est plutôt positive : oui, il est possible de traduire une telle poésie, même si l’on ne peut pas garder tout ce qu’on voudrait, on peut quand même maintenir beaucoup de traits pertinents et surtout suffisament pour pouvoir transmettre au lecteur une culture spécifique qui lui était inconnue auparavant. La réponse { la deuxième question est négative : non, il n’y a pas de recette pour devenir un bon traducteur. Chacun doit choisir son chemin, sa manière de traiter le texte et de procéder avec lui. Les règles peuvent nous aider un peu mais elles ne peuvent pas nous donner de recette – un mode qu’on pourrait suivre parce que chaque texte est individuel et les règles ne sont que générales. Nous avons traduit les chansons de Grand Corps Malade qui sont liées au moins par un facteur : pour Je viens de l{, Le jour se lève et Saint Denis, le point de convergeance est le thème : la banlieue. Toutefois, chaque chanson est différente. Ce qui les différencie, c’est le style « musical », le langage, la manière de traiter le sujet. Le plus simple serait de confronter le style musical : Je viens de l{ se

77

rapproche par son rythme et par son arrière-plan musical du rap alors que dans Saint Denis, on ne trouve presque pas de musique, on dirait que c’est du slam pur. La chanson Le jour se lève est tout { fait différente parce qu’elle est, en quelque sorte, plus romantique que les deux autres. L’accompagnement musical correspond avec ce fait et on entend alors un piano classique et des violons. Ce style musical résulte du langage employé et le langage résulte du style musical. On peut alors caractériser Je viens de l{ comme une chanson { expressions plutôt familières, avec des sens concrets. Avec ces derniers, Grand Corps Malade nous montre aussi des petites scènes de la banlieue dans la chanson Saint Denis. Il s’agit d’une chanson { expressions plutôt argotiques et contenant beaucoup de noms propres avec lesquels il nous montre l’hétérogénéité culturelle de la banlieue. Finalement, la troisième chanson, Le jour se lève, pourrait être caractérisée comme une chanson { expressions plutôt poétiques, avec des sens abstraits par lesquels il nous raconte l’histoire des poètes de la banlieue.

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BIBLIOGRAPHIE

BIBLIOGRAPHIE SCIENTIFIQUE :

HEČKO, Blahoslav. Dobrodružství překladu. Traduit par Emil Charous. 1ère éd. Praha : Ivo Železný, 2000. ISBN 80-237-3620-5

KRIJTOV\, Olga. Pozv|ní k překladatelské praxi : kapitoly o překl|d|ní beletrie. 1ère éd. Praha : Karolinum, 1996. ISBN 80-7184-215

LEVÝ, Jiří. Umëní překladu. 2. éd. Praha : Panorama, 1983.

ŠR\MEK, Jiří. Z|klady francouzské versifikace. Brno : Masarykova univerzita, 1991.

DICTIONNAIRES :

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COLIN, Jean-Paul. MÉVEL, Jean-Pierre. LECLЀRE, Christian. Dictionnaire de l’argot français et de ses origines. Varese : Larousse, 2002. ISBN 2-03-532046-1

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BELLES-LETTRES :

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DISCOGRAPHIE :

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GRAND CORPS MALADE. Enfant de la ville. CD album. Paris : Az. 2008

BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE:

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Myslím tedy slam. Emission de la télévision tchèque. Accessible de WWW : http://www.ceskatelevize.cz/ivysilani/30829535022-myslim-tedy-slam

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ANNEXE :

« Laissez-moi crier » 71 ou qui fait du slam?

« Slameur prend-t-il deux m ? ...slameur ça prend un seul Aime. »72

Le slammeur le plus connu en France, c’est peut-être Grand Corps Malade - Fab‘. Puisque c’est lui et ses textes qui nous allons examiner et que nous avons traduits, nous allons le laisser de côté maintenant pour parler de ses « potes ». En général, il n’est pas facile d’apprendre quelque chose sur eux car le slam est une poésie orale, beaucoup d’entre eux ne veulent pas que leurs textes soient mis sur l’Internet, il veulent qu’on vienne les voir, les écouter live. Il ne souhaitent même pas sortir un album pour les mêmes raisons.

S Petit Nico a trouvé son chemin vers le slam en rencontrant Grand Corps Malade et John Pucc’chocolat mais il a aimé la musique depuis qu’il était petit, sa mère étant musicienne. Son héritier, il se sent plutôt comme musicien que comme slammeur. Il coopère avec les slammeurs et met leur slam en musique, il a travaillé sur les albums de Grand Corps Malade, Rouda, Souleymane Diamanka et Ami Karim. Il est assez difficile de trouver quelque chose sur lui car il n’a pas le net chez lui comme il l’a écrit sur myspace.com. Toutefois, on peut trouver quelques chansons sur .com ou dailymotion.com. Sa voix est pleine de tendresse, il chante un peu (il ne parle pas seulement), fait doucement passer ses doigts sur son piano ou guitare.

Les parents de Souleymane Diamanka ont déménagé en France, { Bordeaux, de l’Afrique. Du coup, Souleymane parle et le français et le peul. Il parle le peul { la maison pour ne pas l’oublier. Il pense que ces deux langues et culture – français et peul – lui prête quelque chose d’exceptionnel qu’il peut partager. D’après lui, le français est une langue de la littérature et le peul une langue de l’oralité. L’oralité est l’essentiel pour lui, inséparable de la poésie. Son père, même s’il ne sait pas ni lire ni écrire, lui a donné une bonne base pour commencer { l’écrire – il l’a appris milliers

71 S Petit Nico. Un homme en colère. In : Ibid. 72 Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur .... Op. Cit.

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de proverbes et parfois, il dit de très belles métaphores. Souleymane Diamanka veut chercher la beauté de tous les jours, les portes se sont ouvertes pour lui { Paris. Il a sorti un album qui s’appelle L’hiver peul. Sa voix est un peu plus basse que celle de S Petit Nico mais aussi douce, accompagné par le jeu des violoncelles ou (s’il s’agit d’un slam plus rythmique) des tambours qui rappellent son origine africain.

Rouda appartient { l’initiative 129H, une organisation qui essaie de faire propager le slam. C’est lui qui a assisté aux débuts du slam et s’est fait prendre par lui { l’époque où il n’était connu que par quelques passionnés (même pas par Grand Corps Malade) :

« On a slamé dans des boulangeries, dans le métro, sur des tatamis, { dix mètres de hauteur, dans des catacombes, dans des trains, dans des bus, { l’étranger. Partout. »73

Quant on écoute Rouda, on a l’impression de passer un peu du slam au rap, de l’approcher, surtout s’il s’agit d’une chanson avec musique, par exemple une de ses plus connues Donnez-moi ma chance, ce qui est un peu surprenant, lui étant un des premiers slammeurs. Il fait penser au rap aussi { cause de sa voix qui est tout { fait différente de Grand Corps Malade ou Souleymane Diamanka, une voix un peu piquante, pas trop paisible. Après avoir participé { la chanson Parole du bout du monde sur l’album Midi 20 de Grand Corps Malade, il a réussi { sortir son propre album intitulé Musique des Lettres.

John Pucc’Chocolat est un slammeur mais aussi un réalisateur et un acteur. Il a rencontré le slam gr}ce { Lynx K qui, dans la rue, lui a tendu un prospectus qui l’invitait { une soirée slam. Les amis ne se connaissaient encore pas. Jacky – John Pucc’Chocolat – est venu et a été capté par les textes de Nada et puis par Souleymane Diamanka que adoraient ensemble avec Fabien. John Pucc’Chocolat, { la différence de Souleymane Diamanka, ne pense pas que la France lui a donné des opportunités dont il pourrait profiter. Comme acteur, il a cherché des rôles qui soit ne venaient pas parce qu’on lui a fait comprendre qu’il était renoi74 soit c’étaient des rôles de sans-papier.

73 Rouda. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur.... Op. Cit.

74 John Pucc’Chocolat. In : Ibid. 82

La raison pour laquelle il aime le slam, c’est qu’il est performé par les

« artistes qui n‘auraient pu émerger nulle part parce qu’on les enferme tout de suite dans des clichés, ça leur a permis d’exister »75.

Jacky a une maîtrise de littérature et civilisation américaine ce qui est peut-être la cause de l’apparence fréquente des mots anglais dans ses textes. Il n’a sorti aucun album, mais il est possible de trouver sur l’Internet quelques peu chansons, la plus connue, dont les paroles sont publiées dans Au cœur du slam, Les Capteurs. John Pucc’Chocolat a une voix calme et « un défaut d’anatomie : il porte son cœur sur la main »76.

Ami Karim est le fils d’une mère française et d‘un père algérien, il est né et vit { Saint-Denis. C’était justement { Saint Denis, au Café Culturel, où il a découvert le slam. Ami Karim ou le slam peut être heureux qu’il vivait au dessus de ce café-l{ et a demandé au patron ce que c’est ce qui se passe l{. L{-bas, il a commencé { écrire ayant 25 ans déj{. Il a fini par animer des scènes slam variées au Café Culturel avec Grand Corps Malade et John Pucc’ Chocolat et ailleurs, avec Sancho et Julie. Il est devenu connu et a sorti un album qui s’intitule Eclipse totale. Sur cette album, on peut découvrir son texte La Vague, une chanson antiraciste, avec laquelle il essaie de convaincre spectateurs « qu’il n’y a pas de gens qui méritent le mépris »77.

Il y a beaucoup d’autres slammeurs qui sont appréciés par le public français. Parmi eux, on peut trouver Sancho, Samy, Dame Gabrielle, Dgiz, Yo, Da Gobleen etc.

Les slammeurs s’adressent surtout aux jeunes qui ne sont en général pas chargés de clichés, de préjugés mais nous pouvons dire que le slam peut aborder chacun qui est prêt { écouter les autres, prêt { essayer les comprendre, qui veut partager le goût de mots et les instants magiques.

Ils viennent partager leurs textes dans des cafés et dans des bar comme Café Culturel, nom que nous avons déj{ prononcé plusieurs fois, comme Les Lucioles,

75 Ibid. 76 John Pucc’Chocolat. Les Capteurs. In : Ibid. 77 Ami Karim. In : Ibid.

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sur les scènes comme le Théranga, la Fonderie ou le Trabendo. Les plus connus vont faire des concerts. Grand Corps Malade a déj{ slammé { l’.

Pour faire connaître le slam aux autres, les slammeurs s’organisent dans lesassociations, fondent des organisations, des groupes de passionnés. La première association était Uback Concept, qui existe toujours et qui s’occupe de tout ce qui concerne le slam et a pour but

« regrouper des artistes et des animateurs qui explorent les territoires de l'Oralité et de l'Ecrit, et qui inscrivent également leur démarche dans la développement de soi et la transmission de savoirs »78.

Puis il y a le Café Culturel { Saint Denis dont les fondateurs, entre autres Lynx K, ont organisé des premières soirées slam régulières. Lynx K a fondé aussi l‘Association des bienfaiteurs. Pilote le Hot a raté sa chance avec Slam Productions. Il y en a beaucoup d’autres. Nombreuses sont aussi celles qui s’occupent des ateliers d’écriture comme Art’icule, organisation fondée par Dame Gabrielle. Comme elle, beaucoup de slammeurs s’adonnent { ce qu’on vient d’appeler atelier d’écriture. Les gens de toutes les générations viennent pour essayer d’écrire un slam. Les slammeurs les aident { développer leurs compétences slammeuses et partagent avec eux leurs expériences et l’action créative. Par exemple Grand Corps Malade et Sancho animent des ateliers d’écriture { l’hôpital de Bobigny. Rouda, dans ces ateliers, s’adresse aux enfants et il dit :

« On est l{ pour leur transmettre une pratique artistique de manière ludique et extra- scolaire, leur montrer que la langue française, tu peux te marrer avec. 79»

78 Uback Concept, L'objet [online]. 2009 [cit. 2009-11-11]. Accessible de WWW: . 79 Rouda. In : Guay de Bellissen, Héloïse. Au coeur .... Op. Cit. 84

Midi 20: Enfant de la ville: • Le jour se lève • Mental • Saint-Denis • Je viens de l{ • Je dors sur mes 2 oreilles • Comme une évidence • Midi 20 • 4 saisons • Ca peut chémar • Pères et mères • 6ème sens • A la recherche • Je connaissais pas Paris le matin • Le blues de l'instituteur • Chercheur de phases • Rétroviseur • Parole du bout du monde • J'écris { l'oral • Attentat verbal • Enfant de la ville • Les voyages en train • La nuit • J'ai oublié • J'ai pas les mots • Vu de ma fenêtre • Avec eux • Rencontres • Underground • Ma tête, mon cœur... • L'appartement • Toucher l'instant • Du côté chance

Abréviations utilisées :

LJSL – Le Jour se lève

SD – Saint Denis

JVDL – Je viens de l{

PR – Le Petit Robert

DZ – Le Dictionnaire de la Zone

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