Autour De Charles De Secondat, Baron De La Brède Et De MONTESQUIEU (1689-1755)
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Autour de Charles de Secondat, baron de La Brède et de MONTESQUIEU (1689-1755) Les lettres que nous présentons ont été publiées en 1982 par René Pomeau dans la Revue d’histoire littéraire de la France, avec de nombreuses erreurs. Nous remercions vivement Mme Catherine VOLPILHAC-AUGER d’avoir bien voulu nous faire généreusement bénéficier de ses recherches pour la préparation du volume à paraître de la Correspondance 1731-1746 de Montesquieu (Œuvres complètes, t. XIX, ENS Éditions et Classiques Garnier, 2013) ; nous indiquons entre crochets [CM] le numéro des lettres dans ce volume. 1. Gasparo CERATI (1690-1769) prêtre oratorien et littérateur italien, recteur de l’Université de Pise. L.A.S., [fin septembre-début octobre 1733], à MONTESQUIEU ; 3 pages in-4 (qqs lég. fentes et mouill.). [CM 377] 500/700 [C’est lors de son voyage en Italie en 1728-1729 que Montesquieu avait fait la connaissance, à Rome, chez le cardinal de POLIGNAC, du père Cerati, qui deviendra un de ses fidèles correspondants.] Il est très sensible aux marques de bonté de Montesquieu : « si pour en etre digne, il suffit de vous estimer, de vous aimer, et de vous respecter, je suis bien sûr, que aucun ne me surpassera jamais dans ce genre de mérite. Vous me ferez un plaisir extrême de me faire parvenir au plutôt qu’il sera possible, votre ouvrage sur les Romains [Considérations sur les causes de la grandeur des Romains…]. Je ne doute pas, qu’il ne soit rempli de réflexions profondes, fines, et sublimes, en un mot dignes de votre esprit, qui joint à une très grande penetration une égale solidité ». Il a une très grande envie de venir en France, « mais jusqu’à cette heure toutes les ouvertures me sont bouchées par la Providence », mais il rêve d’avoir « le plaisir d’être avec vous quelque tems, et de jouir des agremens de votre aimable conversation ». Il a appris la langue anglaise, et aimerait que Montesquieu lui dresse une « liste des livres, qui ont gagné plus que les autres votre estime pendant votre séjour à Londres ». Il incite Montesquieu à « déterminer notre illustre cardinal [de POLIGNAC] à profiter de son loisir pour donner au public son divin Anti-Lucrèce, vous gagneriez auprès de l’univers savant une gloire immortelle. Associez-vous tous les beaux esprits de Paris, et donnez un assaut à cette place : si vous la réduisez à se rendre à discretion, ou au moins à capituler, votre nom deviendra plus illustre que celui de Achilles, ou d’Epaminondas ». Puis il évoque « les bruits de la guerre par la déclaration du Roy de Sardaigne contre l’Empereur. Il est à souhaiter que la France, et ses Alliez réussissent dans le dessein d’enlever l’Italie aux Allemans, parce qu’autrement cette Province seroit detruite de fond en comble par cette nation extremement avide. La guerre, qu’on commance à présent, sera un époque mémorable dans les siècles à venir, parce que selon toutes les apparences elle enfantera un nouveau système de Gouvernement dans l’Europe, et l’Italie, et l’Allemagne seront le théâtre des grands changements »… 2. Charles de Secondat, baron de La Brède et de MONTESQUIEU. L.A. (minute), [Paris fin février-début mars 1734, à Henriette, marquise de RENEL] ; 2 pages in-4 avec ratures. [CM 379] 7.000/8.000 JOLIE LETTRE GALANTE À LA MARQUISE DE RENEL ; la fille du maréchal de Berwick séjournait alors dans son château de Cheverny. 1 « Jay senti pour vous seule une flame parfaite. Ma princesse est donc une bergere et je pourray lui dire tout mais estant habitant de la ville elle nattend de moy que des nouvelles. Quarante mille alemans arrivés a Mantoüe avec le g[énéral] Merci [Claude Florimond de MERCY, général autrichien, qui sera battu le 30 juin devant Parme à la tête des Impériaux], la promotion toujours differée ce qui fait enrager beaucoup de monde, monsieur le marquis de VILARS brigadier pour servir de planche a monsieur de RENEL. Que vous diray je vint trois compagnies de gardes qui partiront le cinq. J’ay oui dire des merveilles de votre chateau de Chiverni [Cheverny] je les croy toutes car vous y estes. Excusés ce moment de fadeur. Je vis hier monsieur labé [de FITZ-JAMES, frère de Mme de Renel] qui me laissa un heure dans sa chambre avec un rituel pour mamuser. Mais vous scavez quavec le foible que jay pour lui je me reduirois a bien d’autres epreuves. Adieu Madame il n’y a que mon admiration qui approche du respect avec lequel je suis »… 3. Claudine Guérin de TENCIN (1682-1749) femme de lettres, animatrice d’un salon littéraire influent. 2 L.A., [fin avril ? et juin-juillet 1734], à MONTESQUIEU à Paris ; 2 pages in-8 et 2 pages in-4, adresses avec cachets cire rouge aux armes. [CM 386 et 397] 800/1.000 AU SUJET DE LA PUBLICATION DES CONSIDÉRATIONS SUR LES CAUSES DE LA GRANDEUR DES ROMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE, ET DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR MONTESQUIEU POUR L’ÉDITION FRANÇAISE . Dimanche [fin avril ?]. « Vous souvenés vous de la partie que nous avons fait de boire une bouteille de vin de Tocaie. C’est demain lundy quelle s’execute et je vous prie de ne me pas manquer. Nous ne serons que la dame moy vous et le petit Rezé. […] Mon livre s’il vous plait je n’en feray d’autre eusage que de le lire moy toute seule ou tout au plus avec Rezé ». [Juin-juillet]. « Je crois qu’il ne faut pas parler au c. [cardinal de FLEURY] ni au commandeur [Antonio Maurice SOLARO (1689-1762), dit le commandeur de SOLAR, commandeur de l’ordre de Malte et diplomate, ami du cardinal de Fleury] parce que ce seroit attirer sur vous l’attention de certaines gens et qu’il faut que vous soyé dans le pui encore quelques temps. Voyla le fruit de mes réflexions de cette nuit. […] Voissi de la bagatelle. Votre critique d’hier est tres bonne à mon sens du moins je l’ay senti comme vous et avant que vous vous fussiez expliqué. Cette circonstence est necessaire pour que je puisse m’assurer de mon jugement. Autre bagatelle où nous avons encor raison tous deux. Le ridicule bien atrapé n’est point gaÿe par luy même il ne l’est que relativement à nostre malignitée par conséquand Mde Joffrain [GEOFFRIN] quelque bien qu’elle l’atrape n’a pas une imagination gaye. Elle l’a comme vous l’avés très bien défini singulliere. Pardonné moy tout ce petit ravodage. […] Je li un livre que je veux que vous lisié ». 4. Charles de Secondat, baron de La Brède et de MONTESQUIEU. L.A. (minute), Paris 17 juin 1734, [au comte François de BULKELEY] ; 1 page in-4. [CM 394] 6.000/8.000 BELLE LETTRE SUR LA MORT DU MARÉCHAL DE BERWICK. [James Fitz-James, duc de BERWICK (1670- 1734), fils naturel du roi d’Angleterre Jacques II Stuart, maréchal de France, commandait l’armée française du Rhin dans la guerre de Succession de Pologne, et eut la tête emportée par un boulet lors du siège de Philipsbourg (12 juin 1734) ; il était, ainsi que son beau-frère Bulkeley, un ami fidèle de Montesquieu.] « Je ne pourrois vous dire milord a quel point jay esté penetré de la mort de mr le marechal. Quand je naurois pas eu lhonneur de le conoitre je le regreterois pour lestat et je sentirois tout de meme combien cette perte est irreparable. Jamais je nay vu le peuple frapé dun evenement autant que de celui la et cela fait un bien grand eloge. Je suis bien touché milord de votre douleur et plus elle est juste plus elle lui est due plus je sens que je my interesse. Je vous demenderois lhonneur de votre amitié si le chagrin ou je suis me permettoit de demander pour moy aucune grace quelque prætieuse quelle me fut »… 2 5. Pierre COSTE (1668-1747) protestant français réfugié à Londres, traducteur de Locke et Newton, et éditeur de Montaigne. L.A.S., [Londres] 24 juin 1734, au Président de MONTESQUIEU, à Paris ; 2 pages et demie in-4, adresse avec cachet de cire au buste de philosophe antique (fente au dernier feuillet). [CM 395] 700/800 AU SUJET DU SUCCÈS EN ANGLETERRE DES CONSIDÉRATIONS SUR LES CAUSES DE LA GRANDEUR DES ROMAINS ET DE LEUR DÉCADENCE. [De son ami et correspondant londonien Pierre Coste, Montesquieu disait en riant qu’il « croit avoir fait Montaigne, et il rougit quand on le loue devant lui ».] Il évoque d’abord « ce funeste accident qui nous a enlevé le Duc de BERWICK. Indépendamment de son habileté dans la guerre, & sans compter les belles actions qui l’ont élevé au rang des plus fameux généraux, c’étoit un homme adorable par sa vertu, par son humanité, sa politesse, & c’est ce qui me rendra sa mémoire précieuse »… Il en vient au succès des Considérations en Angleterre, où le livre « est lû avec avidité, & est universellement applaudi. Un libraire m’a assuré que Mylord CARTERET […] lui en a fait un éloge complet, c’est qu’il l’a gouté en tout & partout. Je puis assurer la même chose d’un critique qui semble chercher plutôt à reprendre qu’à louer, dans les ouvrages qui lui tombent entre les mains, je veux dire qu’il n’a rien trouvé à censurer dans le vôtre. […] Je ne vous dirai pas ce que j’en pense moi-même, parce que je ne l’ai pas vû, & qu’on ne le trouve plus chez nos libraires.